Marc 13 et apocalypse

Un langage d'apocalypse

 

Le chapitre 13 nous semble un  langage trés bizarre, certains disent apocalyptique!
Remarque : on a quitté le Temple (on n’est donc plus dans la partie “officielle”), c’est une discussion « à quelques-uns » et non à tous. Le chapitre se présente comme un enseignement adressé “aux initiés”, aux quatre premiers appelés (Marc 1). Sur “l’ambiance” qui introduit, reconnaissons que les apôtres abordent un sujet qui fait sauter les plombs à Jésus, surtout après qu'il ait remis en place les vendeurs du Temple les scribes et les prêtres chargés des offandes et sacrifices (ch 11 et 12): “le Temple et sa symbolique", qui n'est plus une religion du coeur comme le demandent les prophètes (Osée, Amos, Isaïe ou Jérémie, mais une religion des holocauste, encens et sacrifices. (Ezéchiel 6; Amos ch 5; Isaïe 5; 10)

 

L’admiration des disciples pour le Temple d’Hérode, et toute la magnificence qui en resplendit, ne pouvait que “faire sursauter Jésus". Cela sert de transition dans le récit.   Relisons le texte. Une première lecture d’ensemble fait apparaitre un discours dans une forme bien particulière appelée « langage apocalyptique ». Le discours mis dans la bouche de Jésus (5 à 37) commence par “prenez garde” et se termine par “Veillez”. Cela ressemble à un discours d’adieu. Voici donc un ensemble bien charpenté, délimité au début et à la fin par de la mise en garde.

 

Le contenu peut surprendre. Il ne ressemble à rien dans Marc. Pour ne pas se laisser “démonter” par une première lecture, repérons les sujets de verbe actif ? Cet exercice est à faire, crayon en main, en recopiant les débuts de phrase ! Repérez le système des oppositions entre "vous verrez, on vous dira, fera…", et "ne craignez pas, ne les croyez pas…" Les oppositions entre le présent et le futur annoncé. Face aux évènements, une attitude est proposée… Dans ces textes, la catastrophe n’est pas niée, elle est exprimée (il est difficile de séparer ce qui a été dit par Jésus, et dit par Marc et sa communauté). Mais quelques paroles laissent espérer un "après". Ce qui est affirmé, c’est une ainsi une manière de vivre, ou plus exactement, une raison de vivre et d'espérer. Ce texte, comme tous les textes de la Bible, est écrit avant tout pour aider ceux qui les liront à vivre au présent, y compris et surtouot dans des périodes de crise et de persécution.

 

 

[Remarque : on a toujours envie de rapprocher tel évènement décrit par Marc, avec telle situation que nous connaissons par l’histoire (maccabées ou Néron). Qu’est-ce qui autorise ces rapprochements, que ce soit avec la guerre juive, la persécution de Néron ou autre… Les récits d’apocalypse sont une vision globale, synthétique qui reprend des difficultés réelles auxquelles ont été confrontés croyants, les juifs comme les premiers chrétiens, il s’appuie sur des évènements réels, mais nous devons être prudents sur l’identification]. Ces récits sont aussi et d'abord des paroles d’espérance, car la catastrophe n’est pas la fin : après cela… Rappelons-nous les paraboles de la semence et de la croissance. Ici comme au ch.4, il y a exhortation à croire et à espérer, au-delà de toute espérance. Comme l’écrit Guy Coq : rien ne justifie l’espérance, sinon la volonté d’espérer parce que c’est la moins mauvaise des solutions pour vivre !

 

Qu’est-ce que l’apocalyptique ?


C’est un genre littéraire, une manière d’écrire (genre, comme les fables, les contes, la BD hard, la bibliothèque verte ou rose…). Ce langage s’est développé entre les années -150 à + 100. Le terreau historique est constitué par la crise de persécution (époque grecque et Maccabées, occupation romaine, destruction de Jérusalem, et du côté des juifs-chrétiens, les premières persécutions : Néron, Vespasien). L’auteur se présente en général comme un visionnaire qui a des révélations à faire sur l’avenir. Il le fait dans un langage essentiellement de visions, de symboles, excessifs et violents. Il cherche à décrire le combat définitif entre Dieu et Satan. Le résultat de cet affrontement est la victoire de Dieu et la venue définitive du Règne de Dieu sur terre. Pour les auteurs, il n’y a pas de hasard, tout est “inscrit” dans le plan de Dieu… ; c’est une manière de rassurer devant des choses qui sont incompréhensibles, inexplicables. Les auteurs du Nouveau Testament ont baigné dans cette littérature et ont été influencés. Mais l’ensemble du corpus Nouveau-Testament n’est pas de style apocalyptique. Dans les systèmes de transmission et d’interprétation, jusqu’à aujourd’hui, une déformation s’est produite. En effet, on ne retient des apocalypses que le catastrophisme, les images terribles, oubliant le message de la fin, à savoir la victoire finale de Dieu. Or les apocalypses, tout comme les psaumes les plus noirs et les prophètes, se terminent par une Promesse positive. Par ex. Osée : je reconstruirai la hutte branlante de David, je relèverai ses ruines (Amos 9, 11), De même Isaïe à la fin du dernier chant : “mon serviteur réussira”, ou encore le psaume 22 : v.22-25 “tu m’as répondu ; il n’a pas rejeté ni méprisé un malheureux dans la misère”. Relire apocalypse 20-22, (Ne pas oublier de décrypter le jeu de couleurs du cheval etc.)

 

Qui est le Sacrilége Dévastateur? Installé là ou il ne faut pas? Que le lecteur comprenne?

 

Le Sacrilège dévastateur installé là où il ne faut pas. Cette expression se trouve dans le ch.13, appelé discours apocalyptique. Il est probable que Jésus fasse allusion à l’expérience catastrophique que subirent les juifs,persécutés lors de la domination grecque, à l’époque des Maccabées (160 avant J-C). Persécution avec le martyre de ceux qui défendaient la foi en Yahvé. Il y aeut aussi profanation du Temple et de tout ce qui était sacré. En langage clair, Jésus fait allusion à la statue de Jupiter/Zeus qui fut installée dans le Temple, dans le saint des saints… quelle horreur ! On comprend facilement  que Jésus puis Marc n’aient pas voulu prononcer le nom de la statue, ni le lieu où on l’avait mis… En parlant du passé, Jésus et Marc veulent attirer l’attention des chrétiens sur les risques de persécution possible à leur égard aussi. Ce fut le cas avec Néron et d’autres empereurs.

 

Dans une lecture d’ensemble, car ce ne sont pas ces quelques mots qui surprennent, mais l’ensemble du chapitre. Le discours de Jésus, repris et “arrangé” par Marc commence par une mise en garde et se conclut par un appel à veiller. Que signifie donc cet ensemble de mises en garde ? Marc écrit pour des chrétiens qui ont vécu la persécution le rejet dans un passé récent, et probablement au présent, autant par la synagogue des juifs que par les païens de l’empire romain. Marc, tout comme Jésus persécuté (penser à la parabole des vignerons homicides) reprend des images qui avaient cours dans la littérature juive dite apocalyptique, née au moment de la persécution à l'époque des Maccabées. Dans la Bible a été inclu le livre des Maccabées, mais dans la littérature juive, il y eut bien d'autres écrits de type apocalyptiques.

 

Ces descriptions rappellent ce qui a pu se passer, et risque encore de sa passer. Lors de la persécution grecque, les étrangers vainqueurs en vinrent à installer dans le Saint des saint (là où il ne faut pas) une statue de Jupiter (sacrilège dévastateur), c’est-à-dire qu’ils ont piétiné ce qu’il y avait de plus sacré. Que le lecteur… c’est-à-dire le destinataire de l’évangile de Marc : les chrétiens de Rome.

 

Vous repérerez que, dans ce long discours aux images de catastrophe, il y a des paroles d’espérance, des invitations à « tenir » et que la victoire finale revient au Fils de l’homme et à ceux qui auront tenu. Il est annoncé un soutien pour parler devant le tribunal (St Jean parlera de défenseur ou paraclet) etc… Pour relire ce chapitre, pensez à un prédicateur qui, au milieu d’une persécution comme celle de Néron, essaie de dire des paroles pour « soutenir » les persécutés… Pensez à ceux qui risquent de devenir des girouettes, parce qu’on dit tout et n’importe quoi sur la venue de Jésus et sur son message…

 

Ce message, à condition de le décoder, peut avoir son actualité aujourd’hui encore. Aujourd’hui comme hier, n’ya-t-il pas le risque de faire confiance à la parole du dernier venu… concernant l’enseignement à suivre Jésus ? Suivre Jésus est très bien exprimé à plusieurs reprises dans la section précédente : prendre sa croix, devenir serviteur, le dernier de tous…, servir et non être servi. Devenir pécheur d’homme c’est suivre Jésus qui, dans les ch 1 et 2 va au-devant des pécheurs, des malades, des exclus. Le reste, c’est-à-dire sacrifices et holocauste ne vaut pas l’amour de Dieu et du prochain ! (ch 12)

 

Le Fils de l'Homme?


Recherche à faire personnellement : Avant d’aller chercher comment Daniel, dans l’Ancien testament, parle d’un fils d’homme, recherchons d’abord comment Marc parle du Fils de l’homme. Ceci ne dit pas tout du fils de l’homme, mis cela permet de voir ce que Marc dit à son sujet :


* Celui qui a le pouvoir de pardonner (2,10)
* Celui qui « a autorité » sur le sabbat (2,28)
* Celui qui doit beaucoup souffrir (8,31 ; 9,12)
* Celui qui est livré (9,31 ; 10,33 ; 14,41)
* Celui qui sert et donne sa vie en rançon (10,45) (relire fiche rencontre 4 sur la rédemption)
* Celui qui s’en va selon ce qui est écrit (14,21)
* Sera ressuscité (9,9)

* Rougira de lui quand il viendra dans la gloire (8,38)
* Venant dans les nuées (13,26)
* Siégeant à la droite de la Puissance (14,62)


Voilà donc comment Marc se représente le Fils de l’homme, par quelques expressions, sans doute délicates à manier mais qui révèle déjà beaucoup de choses essentielles pour comprendre Jésus. Relisez lentement le contenu de chacune des puces ci-dessus. Si tous les chrétiens retenaient cela pour leur credo sur Jésus, ce serait déjà formidable ! (On peut lire l’étude de l’expression ‘fils de l’homme’ dans « La fosse aux lions », éditions ouvrières 1993, p. 139-148. Comment comprendre Daniel ? Comment comprendre la réinterprétation chrétienne ?)