Introduction
LE VOYAGE DES PERES
Comment dire que Jésus-Christ est sauveur ? Comment les disciples de Jésus en sont-ils arrivés à croire que cet homme est ressuscité d'entre les morts, qu’il est Fils de Dieu, et Sauveur du monde? Comment, à travers les siècles, cette Bonne Nouvelle nous est-elle parvenue? Cette Bonne Nouvelle, transmise par les communautés en Eglise, pouvons-nous la faire nôtre aujourd’hui?
Ces questions, sont celles posées par la christologie à travers les âges et les cultures, le croyant n’a de cesse de questionner la personne du Christ en Jésus, Fils de Dieu, vrai Homme et vrai Dieu afin que sa Bonne Nouvelle puisse être reçue par tous comme une évidente actualité. La Bible et ses récits n’ont de cesse d’annoncer ce message. Même si nous savons que nous pouvons rencontrer en vérité le Christ par la fréquentation de la Parole dans les textes, les lire, les écouter et les méditer il existe d’autres médias qui ont pu ou peuvent ouvrir à l’approche du mystère du Christ.
L’Art sous toutes ses formes trouve dans la foi des chrétiens des sources d’inspiration qu’on peut croire inépuisables : sculpture, peinture, musique, chant,… cinéma, dessin et bande-dessinée
Qu’en est-il du 9ème art, de la bande-dessinée, plus communément nommée BD ?
Jésus et la BD
Il est légitime de penser que la religion chrétienne dans certaines de ses expressions a à voir avec les origines de la BD. Pour preuve, les vitraux des lieux dédiés au culte, véritables œuvres d’art et véritables catéchèse pour celles et ceux qui ont les clés de lecture. Vitraux dont certains s’ornent de phylactères (les banderoles portant les textes dans les enluminures, les bas-reliefs et les vitraux du Moyen Âge) afin que des mots puissent compléter le sens déjà donné dans la symbolique, les couleurs, les attitudes et les attributs des personnages dessinés.
Dans cette peinture sur panneau de bois datant du XVème siècle, la valeur de la parole est plus essentielle que jamais puisque les paroles de l’archange Gabriel, « Ave Maria gratia plena », coïncident au moment de l’incarnation du Christ (Jean, I, 1-14 : « Au commencement était la Parole (…) Et la Parole a été faite chair). L’ange se trouvant à dextre (à gauche pour le spectateur) et la vierge à senestre (à droite), le texte du phylactère va de l’ange à la vierge, du divin à l’humain, et matérialise l’incarnation du Verbe divin dans un corps terrestre. (Antoine Torrens, Phylacterium, réflexion sur la bande dessinée)
A noter que le Centre Belge de la BD de Bruxelles a fait une belle part, dans la partie dédiée à l’histoire de la BD, aux premiers albums illustrés relatant les exploits de héros pour enfants publiés dans une presse catholique destinée à la jeunesse. Notamment des planches de Don Bosco (illustration ci-contre) et d’Emmanuel1 de Jijé publiés respectivement en 1944 et 1946, de la patrouille des castors1 de Jean-Michel Charlier et MiTacq (série commencée en 1957).
Plus récemment, l’inspiration puisée dans le fond chrétien et plus largement religieux donne matière à de nombreux ouvrages de BD, par exemple :
Le triangle secret, Le troisième testament, Qumran [1] etc... Ces ouvrages jouissent de la veine mise à jour par l’auteur du roman Da Vinci Code, Dan Brown, et trouvent un public ayant un goût prononcé pour l’ésotérisme, les sectes, les supposés secrets cachés par le Vatican, les complots et l’aventure.
Dieu en personne , quant à lui, donne conjointement à penser la question métaphysique de Dieu et la nature profondément mercantile de notre société.
Dieu n’a pas réponse à tout, des petites histoires débordant d’humour qui mettent en scène des personnalités disparues auxquelles Dieu demande d’intervenir pour résoudre certains problèmes que connaissent des humains sur Terre.
Mon intérêt, mes lectures
Mon intérêt pour la lecture de BD remonte je pense à la joie de recevoir chaque mercredi le journal illustré de l’Action Catholique des Enfants, Fripounet, (publié par Fleurus) et d’en entamer la lecture aussitôt installé dans le fauteuil.
La BD n’étant bien sûr pas le seul média écrit que je connaisse, j’ai pu puiser dans d’autres ouvrages des occasions de voyager à l’époque de Jésus de Nazareth, de le découvrir autrement que dans les récits de la Bible et de satisfaire une certaine curiosité qui m’anime en tant que croyant et chercheur de Dieu, toujours avec cette question : qui donc est Jésus ?
« Les quatre Evangiles sont notre source principale de la connaissance de la personne de Jésus de Nazareth ; nous savons pourtant par expérience que peu d’entre nous ont rencontré Jésus à la lecture de ces Evangiles. Le premier enseignement que la plupart d’entre nous avons reçu à son sujet, vient de personnes qui l’aimaient et nous aimaient, des personnes qui naturellement, désiraient que nous fassions partie de la même communauté de foi qui les gardait en contact avec le Seigneur. La tradition chrétienne, pour ces personnes, ce n’était pas tant de tenir ferme à la vérité qu’elles avaient reçue, que de transmettre cette vie qui leur avait été donnée.
Une vérité vivante de la tradition chrétienne, c’est que les fidèles fassent connaître Jésus aux autres. Et la raison de cette connaissance est toujours la même « pour que vous croyez que Jésus est le Christ, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (Jean 20,31)
Les rédacteurs des Evangiles faisaient partie de ces personnes qui avaient en elles ce désir. Si aucun des évangélistes ne fut témoin oculaire du ministère de Jésus, tous firent connaissance de l’histoire de Jésus par l’intermédiaire d’autres personnes. Chacun des évangélistes vient d’une communauté différente ; chacun a reçu et accueilli le message de salut, de générations de prêcheurs et d’enseignants les ont précédés. Chacun d’entre eux a transmis d’une façon personnelle la tradition commune qu’il avait reçue. C’est l’Eglise, par conséquent, qui donna naissance à l’Evangile et non l’inverse.
Les quatre évangélistes étaient des hommes de foi qui prêchèrent la Bonne Nouvelle par leurs écrits. L’une des caractéristiques marquantes des Evangiles, c’est que chacun d’eux proclame la vérité au sujet de Jésus, en montrant comment ses faits et gestes frappent le peuple qui l’entoure. Au commencement il y a Jésus, certes ; mais les Evangiles eux-mêmes reflètent cette vérité et nous apprenons plus sur Jésus grâce à ceux qui ont eu une relation vivante avec lui.
Dès lors, il n’est pas surprenant de constater qu’il n’y a pas une page ou un paragraphe dans les Evangiles où Jésus se retrouve seul.
Quand nous lisons les Evangiles, nous rencontrons toute une série d’individus et de groupes qui réagissent de façons différentes à Jésus et à son message. Non seulement, nous apprenons quelque chose sur la personne de Jésus, grâce à ceux qui trouvent en lui une vie nouvelle, mais aussi grâce à ses adversaires et à ceux qui rejettent son message. En explorant une telle variété de réactions envers Jésus, les Evangélistes, petit à petit, nous amènent à nous poser nos propres questions. Où en sommes-nous par rapport à tout cela ?
Quelle idée nous faisons-nous de la personne de Jésus ?
Les impressions qui suivent sont un simple exercice d’imagination religieuse : comment des gens aussi divers qui ont rencontré Jésus de Nazareth ont-ils pu refléter leur expérience à ce sujet ? »
C’est avec ces quelques lignes que Denis McBride, introduit son ouvrage Jésus, portrait insolite, paru en France en 1999. Portrait qui nous est fait en 15 témoignages depuis un voisin de Jésus jusqu’à Marie, femme de Cléophas en passant par des figures plus ou moins connues ou aperçues des Evangiles : la Samaritaine, la femme adultère, Simon le Pharisien, Caïphe, Judas Iscariote...tous racontent leur rencontre avec lui. Tous tentent de répondre à cette question : qui est Jésus ?
Le croyant que je suis est véritablement transporté par ce genre d’ouvrages.
L’expérience de la lecture méditée de récits d’Evangile, proposée et animée par un père Jésuite lors de sessions « Vie spirituelle et mission » est venue conforter chez moi ce désir de sentir l’ambiance, de regarder les paysages, d’écouter ce qui se dit entre les personnes présentes, de regarder les gestes, de devenir moi-même présent dans ce récit pour y goûter pleinement et y comprendre ce que Dieu a alors à me dire.
Un autre ouvrage dans lequel je me replonge volontiers commence ainsi
« On engage fortement le lecteur qui s’attendrait à trouver ici de l’exégèse sérieuse –ou même de l’exégèse tout court- à refermer ce livre au plus vite : il n’est pas fait pour lui.
A qui s’adresse-t-il donc ?
Il s’adresse à certains « bons paroissiens » que je connais, qui désireraient bien lire un livre sur Jésus-Christ. Pour mieux le connaître. Et surtout pour mieux l’aimer !
Désir louable ! Un chrétien qui ne serait pas démangé par le désir de mieux connaître et aimer
le Seigneur Jésus, on se demande ce qui resterait de lui.
Eh bien ! Direz-vous, aucune difficulté. Des livres sur Jésus-Christ, les librairies en sont pleines : des gros, des petits, des moyens, des rouges, des blancs, des jaunes...
Je sais bien. Mais les livres qui parlent de Jésus sont de deux sortes : il y a les livres savants et les livres pieux.
Or, les bons chrétiens auxquels je pense sont allergiques à ce genre de livres. Que voulez-vous ? Les livres savants sont trop savants pour eux. Et les livres pieux... trop pieux !
Alors, ils restent sur leur faim. Et c’est dommage, car elle est bien réelle, leur faim de Dieu. Et bien ardent leur désir de vivre davantage dans l’intimité du Seigneur aimé.
C’est pour ces bons paroissiens (et pour quelques mauvais aussi) que j’ai écrit ces pages.
Mais les ai-je écrites ? Je crois plutôt qu’elles se sont écrites toutes seules.
Je suis allé simplement rôder parmi les groupes qui, sur les places des villages de Palestine, se bousculaient pour entendre le jeune Rabbi de Nazareth. Je me suis mêlé à tous ces bonnes gens, j’ai essayé de voir par leurs yeux, d’écouter avec leurs oreilles. Je les ai entendus discuter entre eux. Certains étaient conquis, d’autres intrigués, aucun indifférent. « Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! »
Vous pensez bien que je n’ai pas osé interviewer les grands personnages, Pierre le Prince des Apôtres, Jean le Théologien...Encore moins le Seigneur Jésus lui-même. Si vous voulez l’entendre, prenez donc l’Evangile !
Non. Ceux que j’ai recherchés, ce sont les obscurs, les sans-grades, les gens de la rue. Ceux qui n’apparaissent qu’un moment sur le chemin de Jésus, le temps de quelques versets, et qui sitôt après disparaissent. On ne sait plus rien d’eux. On les oublie.
Ce sont ces « oubliés de l’Evangile » que j’ai essayé de retrouver dans la foule, après leur rencontre avec le Maître. Ce sont eux qui vous parleront ici, dans leur langage frustre : ni pieux ni savant. Mais on sent encore vibrer dans leurs paroles l’émotion émerveillée de leur découverte...
Naturellement, il fallait, pour oser cela, une certaine audace. Se permettre de lire entre les lignes de l’Evangile ! Que dis-je ? Entre les pages !
Les gens sérieux hausseront les épaules : « Pure fantaisie ! »
Peut-être. Mais la fantaisie du cœur est parfois aussi porteuse de vérité que les commentaires les plus doctes.
Ces pages voudraient n’être qu’une sorte d’arabesque autour des évangiles, - comme celles que les enlumineurs d’autrefois déroulaient dans les marges de la Bible. Elles n’étaient pas pour distraire du texte sacré, mais pour suggérer qu’au-delà de ce que dit la Parole, il y a tout ce que la Parole ne dit pas.
Comme autour de la proclamation liturgique, les neumes ornés des alléluias grégoriens. Ou la volute de fumée bleue qui s’élève de l’encensoir.
Toutes choses qui ne servent à rien, mais qui changent tout.
Nos oubliés de l’Evangile nous parleront souvent avec le sourire – comme sur l’arabesque de l’enlumineur était parfois penché un diablotin malicieux. Il n’y a aucune raison pour que l’amour du Seigneur s’exprime d’une façon ennuyeuse comme la pluie !
Peut-être en nous obligeant à nous évader d’un texte trop de fois relu, ces récits amèneront-ils, au détour d’un paragraphe, à rencontrer Jésus sous une lumière nouvelle. Et, qui sait, à susciter en nous une prière. Une prière hésitante peut-être : « Jésus, si vraiment tu es cela, je suis prêt à être ton disciple. »
Une prière souriante aussi. Mais le Dieu qui a créé la joie n’aime-t-il pas mieux les prières souriantes que les prières maussades ?
D’ailleurs, il y a des sourires qui vous laissent les yeux humides... »
Il s’agit du livre Les oubliés de l’Evangile de Jean Aubrun, moine de Ligugé, publié en 1995. A l’instar de « Jésus, portrait insolite », j’y ai rencontré et écouté le témoignage de 15 personnes ou groupes de personnes, depuis les voisines de la Samaritaine jusqu’aux concitoyens de Jésus, en passant par une visite à la veuve du Temple, quelques mots échangés avec les collègues de Lévi, ce que racontent Zachée ou l’enfant aux cinq pains et deux poissons. Il y a dans ce livre un lieu que j’aime fréquenter c’est l’auberge sur la route d’Emmaüs et ce que raconte l’aubergiste sur ces trois hommes en route qui se sont installés quelques instants pour partager le repas et puis surtout celui qu’il a cherché en vain puisqu’il ne l’avait pas vu ressortir... « Si j’avais su... si j’avais su que c’était lui ! [...] Mais une voix secrète lui murmurait au fond du cœur : Mais, il n’est pas trop tard ! Mille fois encore dans ta vie, et dans un instant encore... CE SERA LUI ! Tâche cette fois de ne pas le manquer ! »
Ces véritables coups de cœur pour des récits autrement des Evangiles arrivent de temps à autre, il me plaît de relire des passages de l’Evangile selon Pilate d’Eric-Emmanuel SCHMITT ou de Jésus le Dieu qui riait de Didier DECOIN, comme j’aimerai qu’elles soient nombreuses les personnes qui pourraient satisfaire une part de la curiosité aiguisée par les Evangiles lus ou entendus, par le témoignage de foi des croyants qu’ils côtoient en se plongeant dans ces quelques ouvrages. Comme un film à voir, un restaurant où s’attabler ou un lieu à visiter ABSOLUMENT, j’aime, quand l’occasion m’est donnée, raconter en quelques mots la teneur de l’ouvrage que je viens de lire si je perçois de l’intérêt pour ce que j’ai présenté, il n’est pas rare que je cours chercher le livre en question et le remette, « tu le lis et tu me diras... ».
Je fréquente quelques librairies, et une librairie spécialisée dans la BD sur Arras, je connais depuis longtemps Fred et Laurent qui y travaillent. Ils connaissent mes goûts, mes centres d’intérêt et mes convictions, nous avons parfois le temps de discuter. En octobre 2007, ce sont eux qui ont mis entre mes mains le tome 1 du Voyage des pères de David Ratte en disant « ça, ça peut intéresser quelqu’un comme toi. »
[1] Pour le détail sur ces ouvrages voir Annexe 1 p.1 Annexes