Anniversaire du concile Vatican II © P. Tange
Table ronde avec les intervenantsTable ronde avec les intervenants© P. Tange
La cathédrale d’Arras a accueilli l’assemblée diocésaine venue fêter le 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II. Ils étaient plus de 1000 participants venus des différents lieux du diocèse ou venus d’autres horizons spirituels ou géographiques. Par la diffusion Internet plus de 1000 internautes ont visionné l’évènement. Des prêtres aînés ont pu suivre cette journée à la Maison diocésaine, parmi eux Mgr Géry Leuliet, 102 ans, qui a participé aux trois dernières sessions du concile Vatican II, comme évêque d’Amiens.
Le premier temps de la journée fut la conférence de Loïc Figoureux, historien, enseignant chercheur à la catho de Lille, auteur d’une thèse de doctorat sur le Journal du père de Lubac au Concile : « Le concile Vatican II, de la préparation à la réception, un aggiornamento pour l’Eglise ». Le texte de la conférence a été remis à chaque participant et encarté dans Eglise d’Arras n°17.
A la suite de cet exposé, les participants et les internautes ont pu poser leurs questions, en particulier sur la mise en œuvre et sur « l’aujourd’hui » du Concile.
Après le pique-nique, la visite des expositions et vidéos à la Maison diocésaine, les participants ont rejoint la cathédrale pour la table ronde : « Vatican II, c’est aujourd’hui ». Intervenaient Mgr Jaeger, l’abbé Paul Agneray, l’abbé Luc Dubrulle, Loïc Figoureux, Genevieve Jovenet. Ce fut une invitation à retourner aux sources, aux textes, pour les mettre en œuvre, invitation aussi à vérifier comment nous faisons route avec l’humanité.
Ensuite, autour de Mgr Jaeger et des prêtres, toute l’assemblée a célébrée l’eucharistie en remerciant le Père, le Fils et l’Esprit de nous partager la vie divine, d’avoir donné le temps de grâce du concile et ouvert les cœurs pour qu’ils annoncent l’Evangile dans le langage d’aujourd’hui.
A. Lieven pour la communication
Témoignages
Sœur Marie-Lucienne,
Anniversaire du concile Vatican II © J. Capelain
Sœur Marie-Lucienne, congrégation de la ProvidenceSœur Marie-Lucienne, congrégation de la Providence© J. CapelainSœur Marie-Lucienne, de la congrégation de la Providence à la maison de retraite de Vaulx-Vraucourt.
« Je suis entrée au noviciat en 1962, tout à fait avec Vatican II. Nous avons eu la chance dans la congrégation de pouvoir travailler sur les textes en même temps que Vatican II. Nous recevions le contenu des débats et nous y réfléchissions en même temps que les pères conciliaires.
Ce qui nous a marquées, c'est le changement dans la liturgie avec cette messe face au peuple, la prière du temps présent que nous commencions à réciter en Français… Fini le latin que l'on ne connaissait pas ! C'était un retournement complet dans notre vie religieuse.
La conclusion des cessions nous a vraiment plu. Nous étions jeunes, et en entrant dans la communauté, nous avions plein de choses à apprendre. Vatican II nous a simplifié la vie. »
Sœur Marie-Lucienne nous a confié avec émotion qu'elle a été l'une des dernières soignantes de Mgr Huyghe.
Audrey Cassan
Anniversaire du concile Vatican II © J. Capelain
Audrey Cassan, Archiviste diocésaineAudrey Cassan, Archiviste diocésaine© J. CapelainAudrey Cassan, archiviste diocésaine. Elle est l'auteur des 7 panneaux d'exposition qui évoquaient le travail des évêques de Nord de la France à Vatican II.
« Je n'étais pas née à l'époque du Concile. Je connaissais un peu Vatican II mais j'ai beaucoup appris en faisant mes recherches. Je me suis beaucoup documentée pour ne pas raconter de bêtises sur mes panneaux. C'était très enrichissant.
Il apparaît clairement dans les archives que les chrétiens du diocèse d'Arras ont retenu surtout les changements de la liturgie : la messe en français, et le prêtre face au peuple. De nombreux témoignages, de nombreux écrits vont dans ce sens-là. Personnellement, j'ai retenu un sentiment de grande ouverture, de changement, de souhait d'améliorer les choses et de s'ouvrir au monde. »
Michel Bonne
Anniversaire du concile Vatican II © J. Capelain
Michel Bonne, retraité Michel Bonne, retraité © J. CapelainMichel Bonne de Saint-Omer. Artiste de formation, il était responsable des créations à la cristallerie d'Arques. Retraité, il s'est spécialisé dans la photo panoramique, voire sphérique. Il présentait le panorama de 6 églises du diocèse d'Arras.
« J'ai commencé le catéchisme dans les années 60. J'ai connu tout le mouvement de Vatican II. À cette époque-là, on écoutait ça avec une oreille un peu distante. Ça ne nous marquait pas franchement. Par contre, après Vatican II, je me souviens de tensions dans les familles. Je me souviens des échanges entre mon grand père et les autres.
En faisant mes photos panoramiques, j'ai retrouvé les changements de disposition du mobilier qu'a apportés Vatican II. Quand on voit dans les vieilles églises les traces anciennes, on se souvient du rite d'avant Vatican II : le confessionnal, l'abbé qui montait à la chaire, le banc de communion… »
Caroline Pinchbeck
Anniversaire du concile Vatican II
Révérend Caroline Pinchbeck, représentait le diocèse de CanterburyRévérend Caroline Pinchbeck, représentait le diocèse de Canterbury Caroline Pinchbeck, prêtre anglican du diocèse de Canterbury (Angleterre). Elle était aux côtés de Mgr Jaeger pendant la conférence.
« En Grande-Bretagne, nous ne parlons pas du tout de Vatican II. Pourtant, les Anglicans était présents au Concile. Les diocèses d'Arras et de Canterbury sont liés par une amitié forte et des échanges réguliers. Nous travaillons sur l'œcuménisme. Les positions de nos Églises romaines et anglicanes m'intéressent beaucoup, c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.
Je connais les avancées de Vatican II et je les trouve très positives. J'ai conscience que c'était une révolution pour vous. Nous les anglicans, nous avons surtout approuvé la volonté d'ouverture, la volonté d'avancer dans l'œcuménisme. »
Soulignons que Carole prononce le mot « œcuménisme » comme le préconisent nos dictionnaires et l'Académie : « écuménisme » ! Finesse que les Français ont tendance à ignorer !
Loïc Figoureux. « Les origines de Vaticans II remontent à 1789 ! »
Anniversaire du concile Vatican II
Loic Figoureux, docteur en histoire. ConférencierLoic Figoureux, docteur en histoire. Conférencier Le grand événement de la journée était sans aucun doute l'exposé historique de Loïc Figoureux « Vatican II, un aggiornamento pour l'Église ». Loïc Figoureux est agrégé d’histoire, docteur en histoire, avec une thèse sur le père Henri de Lubac au concile Vatican II, soutenue à Lille III, sous la direction de Jacques Prévotat. Enseignant depuis dix ans dans le secondaire, il a aussi enseigné l’histoire du christianisme pendant deux ans à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lille. Il a édité les Carnets du concile du Père de Lubac aux éditions du Cerf (2007).
Vatican II n'est pas arrivé par hasard. Depuis 1789, l'Église n'a cessé de s'enfermer dans une autorité qui l'isolait des hommes de son temps. Après la seconde guerre et pendant que la moitié de l'Europe s'enfermait dans le communisme, l'Église a pris conscience qu'il était temps d'ouvrir le dialogue avec le monde. Loïc Figoureux a détaillé l'avant, le déroulement et l'après Vatican II.
Il nous a raconté sa méthode de travail pour mettre au jour des détails souvent ignorés.
« J'ai vécu avec Vatican II sans en être conscient. Par exemple, je n'avais pas compris que la place de la Parole de Dieu et que l'œcuménisme étaient un apport. C'est en travaillant sur Vatican II que j'ai vu tout ce qu'il a apporté.
Pendant mes études d'histoire, j'ai étudié la résistance spirituelle du père de Lubac contre l'antisémitisme pendant la guerre. Très vite, je me suis intéressé à lui. Quand il s'est sagit de trouver un sujet de thèse, on m'a proposé « De Lubac et Vatican II ». Évidemment, j'étais ravi. L'occasion était rêvée puisqu'il fallait en même temps éditer les carnets du Concile qu'il avait tenus à Vatican II. De Lubac était l'un des théologiens dont les travaux avaient beaucoup inspiré les réflexions de Vatican II. Il avait notamment beaucoup travaillé au ressourcement — c'est-à-dire retour à la source — de la théologie avant Vatican II. Après le Concile, il a eu un regard un peu inquiet. De fait, il était un témoin intéressant. Il a su montrer la complexité du phénomène.
Pour la journée « Vatican II, c'est aujourd'hui » à Arras, j'ai rédigé un historique d'une trentaine de pages. Mes sources ont été nombreuses. J'ai d'abord consulté les écrits des historiens du Concile comme O'Malley. Si j'ai un historien du Concile à conseiller, c'est lui. Son livre s'appelle « L'événement Vatican II ».
J'ai aussi profité de tout le travail que j'avais fait pour ma thèse. J'étais allé consulter les archives du Vatican, celles des jésuites. Cela m'a permis d'avoir une bonne vue d'ensemble de l'événement. J'aurais sans doute trouvé beaucoup de choses dans les archives des diocéses, mais il aurait fallu en consulter beaucoup pour obtenir le même résultat. J'ai eu la chance d'avoir accès à des documents que l'on ne voit pas ailleurs : des témoignages, comment fonctionne concrètement une commission, les débats dans les commissions, les textes de préparation… Cela m'a beaucoup aidé pour me rendre compte de ce qu'était la vie au quotidien du Concile.
Beaucoup de participants ont tenu un journal qui n'a pas forcément été publié. Lire cela, c'est vraiment se replonger dans les émotions du moment et les questionnements des pères conciliaires, on apprend comment ils ont vécu le Concile. »
propos recueillis par J. Capelain