Chrétiens en politique
Journée Enjeux et questions
La journée Enjeux et Questions de février 2013 avait pour thème : Chrétiens en politique. Grâce à Pierre-Marie Empis, d’abord, nous avons pu revisiter des points de repère de l’Enseignement social de l’Eglise ; ensuite, Bruno Béthouart nous a conduits sur les chemins de son engagement municipal.
L'Enseignement social de l'Eglise:
Au cœur du politique : le Bien commun.
Un mot dont l’emploi se raréfie en ces temps de compétitivité et de guerre économique. Le Bien Commun, c’est, au-delà d’une simple addition de biens spécifiques - la culture, le patrimoine, l’économie, l’école, la langue - le fait du vivre-ensemble, et, bien plus, le vouloir-vivre-ensemble. Il y aura donc à créer une dynamique des structures et des conditions sociales qui puissent donner - à chacun - et à l’ensemble - de parvenir à ce vouloir, sans craindre de lui donner un horizon très vaste : continental, mondial… : en effet la notion de Bien commun, dans les textes d’Eglise, est passée d’une dimension nationale à une dimension universelle : la sauvegarde des devoirs et des droits de la personne humaine (Jean 23, Pacem in terris). Au service de tout homme et de tout l’homme.
Le Bien commun : l’affaire de tous.
Les pouvoirs publics ont à cœur le Bien Commun, et il est alors pleinement de leur rôle de faire que tous visent à ce Bien Commun. La démocratie progresse ainsi par le dialogue, la concertation, le partage de responsabilité, et le compromis, et elle reposera en priorité sur des valeurs telles que le respect, la justice, la liberté. Car la démocratie n’est pas naturelle, c’est une culture, il faut donc la faire vivre, en dépit et au-delà des conflits.
La subsidiarité
Pour articuler entre eux (élus, associations, corps intermédiaires, groupes divers), et avec le pouvoir, les divers niveaux d’une responsabilité réelle, vient jouer le principe de subsidiarité : tout homme est capable d’assumer la responsabilité de sa vie, tout groupe peut apporter sa part au vivre-ensemble. Car l’Etat n’est pas tout, et tout groupe - y compris des groupes minoritaires - doit se sentir reconnu par l’Etat, et ainsi conforté, dans sa poursuite du Bien Commun. Cela requiert qu’il y ait accord sur la fin poursuivie, et il n’y aura d’accord que par tout un travail de formation et d’information.
Le choix prioritaire pour les pauvres…
Ce Bien Commun, il est en priorité pour les pauvres d’argent, de ressources, et de santé, et de logement, et d’emploi, et de culture, les pauvres par isolement et par rejet. La théologie de la libération a apporté sa note particulière à cette ambition ; tout l’enseignement de l’Eglise, depuis les Pères jusqu’aux encycliques, invite, par-delà la compassion, au service de la justice, inséparable du culte. En Matthieu 25, tout homme en détresse devient le JE du Jésus-Christ souffrant, et tout disciple devient le TU reconnu par Jésus-Christ comme son frère aimant.
Au nom de l’Evangile
L’homme, image de Dieu, le couple, image de Dieu : la dignité humaine exige que soit toujours réajusté et repoussé l’horizon de l’agir politique. Pas de Personne humaine sans vie sociale, et pas de vie sociale sans Personne humaine. On ne peut réduire la société à être l’instrument de l’épanouissement individuel (le libéralisme), ni l’individu à être l’outil d’un projet de société (les communismes).
Pour que le politique soit reconnu comme « le champ de la plus vaste charité » (Pie XI), il importe d’abord qu’il soit, par les chrétiens, reconnu en lui-même : lieu du vivre-ensemble, lieu d’une réelle responsabilité, lieu d’une solidarité vraie. Le Royaume de Dieu, dont notre monde est l‘esquisse, se dévoile ainsi aux yeux du croyant. Un Royaume qui se construit dans une dynamique d’espérance, un refus de toute résignation et de tout renoncement (l’alibi de la complexité !), et qui relit, redit et revit l’évangile pour aujourd’hui.
Engagement dans une commune
L’après-midi, Bruno Béthouart nous a conduits sur les chemins de son engagement municipal, à Montreuil, petit ville touristique (n’hésitez pas !), dont il est maire.
Un terrain et des idées
Il s’est situé, et a situé son engagement, par rapport au temps - on en était, en 2008, à 36 années d’une même équipe municipale - et par rapport aussi à cinq axes de réflexion travaillés en groupe, dès 2006, sans perspective ni ambition électorales : qu’en est-il chez nous, pour la démographie, l’économie, la vie sociale, l’éducation, la qualité de vie ? Les personnes de ce groupe, de divers lieux et tendances, ont partagé d’abord entre elles leurs constats, soucis, souhaits et idées, faisant ensuite appel à un intervenant, ou à des témoins d’ailleurs, pour comparer et… s’inspirer.
Un projet d’équipe, pour un Bien commun
En janvier 2008 trois mois avant les élections, une équipe se déclare (des PS, des UMP…, 9 femmes, 10 hommes, dont un en tête de liste). Trois axes au programme : le patrimoine montreuillois - la qualité de vie et la solidarité - le dynamisme économique et l’emploi. On a bien expliqué les choix, précisé les projets, on s’est refusé à critiquer ‘ceux d’avant’ et à mettre en question les personnes… Liste complète élue au 1er tour. Une 2ème élection a suivi, désignant le maire comme président de la Communauté de Communes du Montreuillois.
Pour que le Bien soit commun
Notre responsabilité s’exerce en partenariat - en proximité avec ceux qui ont élu - et on leur rend compte. Six quartiers confiés chacun à un élu et invités à six réunions/an, un Bulletin 2 fois par an, une consultation pour circulation et parkings… et la mise en œuvre des projets :
- soin des remparts, festival de musique, aide à l’office du Tourisme…
- maison des associations, aide aux associations, conseil de jeunes, le CCAS, le logement…
- création d’emplois (dans le cadre de la ville et de la communauté de communes), assistantes familiales, musée…
Pour élargir l’horizon, lancement du ‘Pays’ du Montreuillois, maritime et rural, avec Berck et le Touquet : un syndicat mixte se charge du schéma de cohérence territoriale.
Le sens d’un service…
Dans une équipe aux sensibilités et aux philosophies différentes, il y a tout un ‘management’ à exercer, pour que les options, les goûts, les rivalités ne torpillent pas ce Bien de tous qui est visé. Des règles d’or pour cela : respect de l’autre, surtout de l’adversaire ; refus d’user de n’importe quels moyens pour la fin visée ; patience du dialogue, et recherche de consensus et de compromis ; humilité de base, qui s’interdit de s’accrocher coûte que coûte au ‘pouvoir’.
… et quelque chose de l’évangile
On sait le rôle joué par des chrétiens, à l’aube du 20ème siècle, pour enraciner la démocratie dans une pensée chrétienne. Et, en chrétien, il est aisé de voir et de vivre un lien entre démocratie et évangile, entre ‘croire’ et ‘vivre le politique’. L’élu - local, national, ou européen - se trouve sur un terrain, avec ses codes et ses lois, où exercer la charité. Il y apprend le détachement et la non-violence, il vise à être vrai, et juste. En ce sens, « le chrétien, qui aime Dieu, un Dieu qui l’a aimé le premier, aime aussi son frère, sous peine d’être un menteur », (Jean, 1ère lettre, 4, 19-21).
Quelques accents, repérés lors des échanges du matin (sur des extraits de Réhabiliter la politique, 1999, Com. Soc. de l’Episcopat) et de l’après-midi :
- la démocratie, difficile à vivre : affaire de tâtonnements, de compromis, de conscience… Du citoyen-consommateur au citoyen-acteur - et pas seulement en périodes électorales.
- la subsidiarité, une loi du vivre-ensemble, à tout niveau, national, départemental, municipal.
- les politiques, non pas gérants d’un pouvoir à vie (professionnalisation du politique), mais serviteurs du Bien Commun.
- la vie associative, les bénévolats, comme lieux d’apprentissage d’une vie de citoyen.
- avoir une vue globale, pour être au service de tout homme, et de tout l’homme. Autrement dit, voir plus loin que les lieux où l’on vit, et plus large que le domaine que l’on a en charge.
- « On ne peut estimer qu’une décision est valable du seul fait qu’elle est le fruit d’un vote majoritaire » (extrait du document évoqué plus haut). Une phrase qui a suscité un échange de plus de 20 minutes l’après-midi, au sujet d’un certain débat actuel (…) : il est vrai que les réalités du mariage et de la famille ne relèvent pas des mêmes questionnements qu’un taux de TVA ou un site d’aéroport…
- toujours se redéfinir le sens du politique, et le sens d’un engagement politique : le sens humain, et, pour les croyants, l’horizon évangélique.
- vraiment actuel, le mot de Pie XI, à l’heure où le vivre-ensemble est si malmené, à tout échelon… : « la charité politique, le champ de la plus vaste charité ».
Pierre Nevejans
On peut signaler deux documents récents, simples, et proches de notre actualité :
- Cahiers de l’Atelier, n° 532. 01-03/2012.
Politique, les nouveaux chantiers. 128 pages. - Les Cahiers Croire, n° 279. 01-02/2012.
La politique, le courage de l’action. 50 pages.