Notre Bien commun
Connaître la pensée sociale de l'Eglise
L’enseignement social de l’Eglise
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Une plaquette intitulée “Notre bien commun” vient d’être publiée par le Service National Famille et Société, de la conférence des évêques. C’est un parcours (papier et DVD) qui présente la pensée sociale de l’Eglise, et invite à la mettre en pratique. Ce document peut servir de base à des formations locales en paroisses ou doyennés. A la fin de chaque chapitre, un questionnaire est proposé qui peut soutenir un débat lors des formations et en d’autres occasions. Composé de courts chapitres, il est d’accès facile. Ci-dessous chaque paragraphe reprend un chapitre du livret. Les sujets comme la politique, le travail, la propriété, les styles de vie, les familles, les migrations. de France.
L’Enseignement social de l’Eglise.
Luc Dubrulle renvoie d’abord à quelques textes de l’Ecriture. Il présente ensuite la riche histoire du catholicisme social et les encycliques, de Léon XIII à Benoit XVI. Enseignement, doctrine ou pensée sociale, retenons que c’est avant tout le dynamisme de toute l’Eglise qui se trouve condensé dans ces textes, où est développée et argumentée la pensée sociale de l’Eglise et les pistes d’action.
Dans ce premier chapitre, quelques principes sont mis en exergue, à commencer par “Au centre : l’homme”, ce qui rappelle Evangelii Gaudium du pape François, au ch.4 : Dimension sociale de l’Evangélisation.
Autre principe : le bien commun. Nous avons été tellement vaccinés par la doctrine de la propriété privée que nous en oublions qu’elle est subordonnée au service du bien commun. De même en est-il de l’option préférentielle pour les pauvres, expression qui avait quelque temps disparu des discours ecclésiastiques et qui semble à nouveau “expression religieusement correcte”. Suivent trois principes inséparables l’un de l’autre : la subsidiarité, la participation et la solidarité. La subsidiarité interroge le modèle d’une société trop bien organisée où quelques-uns décideraient pour tous. La subsidiarité suppose la participation du plus grand nombre. Or l’actuel désengagement perceptible lors des élections témoigne qu’un autre modèle de vie se met en place, où l’indifférence à l’autre et désintérêt dans la recherche d’un avenir commun l’emporte. Le principe de solidarité, qu’elle soit œuvre de bénévole, d’association ou d’entreprise, a toute sa place dans une mondialisation où tout est interdépendant. C’est une question d’éthique, pas seulement de bon sentiment.
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La politique, une bonne nouvelle
Un tel titre peut surprendre, tant la défiance devant le politique est grande aujourd’hui. Pour Sœur Marie-Laure Dénès, communautés politiques et Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonome, ce qui n’exclut pas une sainte coopération. Sans doute faut-il distinguer la communauté Eglise comme corps constitué et les actions des fidèles exercées en leur nom propre et comme citoyen.
Selon le concile Vatican II, la politique est la réalisation du bien commun. Pour ce faire, la communauté doit mettre en place une autorité capable d’orienter les énergies vers ce bien commun.
Paul VI comme Jean-Paul II et, plus récemment François, rappellent qu’il revient au politique de contrôler l’économique, ce qui a fait rugir récemment les néolibéraux. Il importe aux chrétiens de se convaincre que cette option n’est pas secondaire dans l’exercice de leur vocation de baptisé. Tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique, rappelait Benoît XVI. Les accusations de possibles compromissions et luttes de pouvoir ne peuvent justifier le principe d’abstention, lors des élections mais aussi chaque jour. Les chrétiens ne peuvent se contenter de rester sur le trottoir et de donner de bons conseils ; ils apparaitraient alors comme des moralistes : ils disent et ne font pas.
Le chapitre évoque l’évolution de la pensée de l’Eglise concernant la démocratie, la possibilité de retrouver des chrétiens en différents partis, etc., les excès quand les chrétiens identifient leur politique avec l’instauration du Royaume… et pourtant, selon Pie XI : le champ de la plus vaste charité, c’est la charité politique”.
La propriété, oui mais…
Le père Baudoin Roger, qui a choisi ce titre pour son intervention, invite à vérifier notre manière de justifier nos choix. Un détour par la philosophie n’est pas inutile pour éviter les empoignades par exemple : “le droit de propriété permet-il d’exclure autrui d’un bien que je gaspille ?” Ou encore, “… permet-il d’exclure autrui de ce qui lui est nécessaire pour vivre ?” Question philosophique, certes, mais combien concrète !
Dans la perspective chrétienne, la justification de la propriété n’est pas un sujet simple à débattre. Même pour saint Thomas la propriété n’est pas tout à fait “naturelle”, elle a été instituée par l’homme, elle n’est pas de droit divin. Il faudrait plus que quelques lignes pour comprendre le risque de s’approprier une partie de la création que Dieu a confié à tous… Ainsi, dans la doctrine catholique, le droit de propriété est toujours limité par ce qu’on appelle le principe de la destination universelle des biens”. C’est là qu’intervient la réflexion sur les dimensions individuelles et collectives pour toute propriété. Le concile Vatican II avait en son temps interrogé le modèle des latifundia d’Amérique latine, où la répartition des terres entre tous les hommes n’assurait pas à tous les moyens d’exister.
Le père Roger consacre deux pages sur propriété et liberté, justification et limites de l’une et l’autre. Cela explique le titre : la propriété, oui mais… Autres questions abordées : la propriété des moyens de production, la propriété au service du travail, les revenus et les inégalités.
Au vu des sujets abordés nul ne sera étonné de la complexité de ce chapitre. Ce n’est pas une raison pour passer outre, surtout quand le rédacteur résume ce chapitre par : “L’Eglise reconnaît le droit de propriété privée, en revanche, ce droit ne peut jamais être absolu… ” p. 51. Les question pour les groupes ne sont pas uniquement débat d’idées, ainsi la dernière question qui demande : “Quelle action possible, à notre niveau ?
Le travail pour tous.
Par le père Antoine Sondag.
La dignité du travail et la dignité de l’homme dans le travail servent de point de départ à une recherche dans la Bible et le magistère de l’Eglise. Il faut donc prendre le temps de relire cette longue histoire de la réflexion sur le travail. Mais les conditions ont bien changé au cours des siècles, ne serait-ce que la fin de la période du plein emploi. La réflexion devrait pouvoir s’appuyer sur “La vocation de l’homme au travail”. Le discours chrétien ne peut s’élaborer sans prendre en compte la réflexion anthropologique des XIXème et XXème siècle en particulier. Quelle est la finalité de l’homme au travail ? De quelle manière se construit l’homme au travail ? Quelle est la spiritualité de l’homme au travail ? L’équilibre entre temps de travail et temps de repos ? Si la réflexion du magistère propose de nombreux textes, qu’en est-il de l’homme exclu de travail ?
La seconde partie du document du père Sondag propose une suite de principes éthiques et d’orientations autour des questions : la dignité du travail, le droit au travail, juste salaire et conditions de travail.
Les quatre dernières pages prennent en compte les choses nouvelles que l’on voit apparaître, en particulier le travail précaire (au moins dans certains pays) ; des réalités longtemps occultées prennent place dans la réflexion : le travail hors marché du soin des enfants, des personnes âgées, des malades, des handicapés
“La pensée sociale de l’Eglise ne constitue pas un bloc figé de principes généraux, de valeurs, de critères de jugement, d’orientations pour l’action qu’il suffirait d’appliquer…”, la pensée sociale de l’Eglise invite à porter un regard toujours critique sur les critères utilisés pour juger des situations et sur les critères mis en œuvre par les politiques publiques. On comprend mieux les réserves à employer l’expression "doctrine sociale" de l’Eglise pour lui préférer "pensée sociale" de l’Eglise.
Société cherche famille
Mme Monique Baujard, directrice du Service national Famille et Société de la CEF a rédigé ce chapitre. Pourquoi prendre en compte la réalité économique de la famille, demande-t-elle, après avoir pris soin de dresser le tableau statistique des mariages et divorces ainsi que les sondages réalisés par tranches d’âge. La famille ne va plus de soi. Son souhait est d’aborder la question autrement que par le sentimentalisme, d’avoir une approche concrète et pragmatique qui passe par la réalité économique, le rôle social et la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale. Voilà donc une approche qui mérite que les chrétiens s’y arrêtent, tant elle est peu habituelle.
Prendre du temps pour comprendre l’environnement dans lequel les familles mènent leur existence peut favoriser le soutien qui peut être apporté aux familles. Les contraintes et les pressions ne sont plus les mêmes aujourd’hui. La plupart espèrent la stabilité et la durée. Les incertitudes sur les conditions de travail, en raison des processus de mobilité et de déréglementation créent les conditions d’une instabilité psychologique, les difficultés de construire un parcours personnel et cohérent. Mme Baujard rappelle au nom de l’Eglise l’obligation de mesures d’ordre économique, social, culturel et moral de nature à consolider la stabilité des familles et à lui faciliter l’accomplissement du rôle qui lui incombe. La pensée sociale doit continuer à s’élaborer dans le contexte de relations familiales désormais plus fragiles… Il s’agit d’aider aujourd’hui les hommes et les femmes à construire une alliance dans le temps, sans le soutien explicite de la société.
J’étais un étranger
L'étranger prend toute sa place dans l’enseignement social de l’Eglise. Lui porter attention fait partie des prescriptions fondamentales que l’on retrouve dans le Deutéronome et le lévitique, au sujet du pauvre et de l’étranger : souviens-toi que tu étais un étranger sur une terre étrangère (Ex.22, 20). Et quand les évêques “montent au créneau”, il n’est pas sûr qu’ils soient bien suivis. De nombreuses associations portent leurs efforts pour les Roms et les immigrés… mais c’est souvent considéré comme “généreux et irréaliste”, quand on ne les traite pas d’évangélisme naïf. De ce constat vient la nécessité de s’appuyer sur les éléments essentiels de la doctrine sociale : la dignité de la personne humaine, la destination universelle des biens, la recherche du bien commun, le droit de vivre en famille, pluralité de cultures et intégration. Au-delà de ces principes, le père Christian Mellon prêche pour que l’on se convertisse à “une culture de la rencontre”. Cette attitude de l’esprit et du cœur est une source d’enrichissement mutuel, une manière de construire “un monde meilleur”. Il n’est pas difficile de constater la multiplication de discours contraires. Quelle argumentation savons-nous apporter ?
Moins de biens, plus de liens.
Elena Lasida
Dans les dernières pages du livret, Mme Elena Lasida (Institut catholique de Paris et Justice et Paix-France), situe dans le temps la réflexion récente de l'Eglise sur les styles de vie, le développement et la durabilité des options et réalisations. En 1982 déjà, les évêques publiaient “Pour de nouveaux modes de vie”.
L’objectif de ces quelques lignes n’est pas de situer l’antériorité de tel courant par rapport à tel autre, mais d’inviter les chrétiens à puiser aussi dans leur patrimoine, “notre bien commun” ce qui peut aider à comprendre et à vivre un monde où les limites deviennent plus évidentes, où le sens d’une vie au service du bien commun ne trouve plus ses justifications. En conclusion c’est un appel à l’homme libre et conscient qu’elle fait appel : les critères proposés par l’enseignement social de l’Eglise peuvent aider le croyant dans ses choix de vie. Une nouvelle manière de vivre notre rapport au temps, à l’espace et les relations à autrui se fait jour (ou pourrait se développer).
Populorum progressio parlait de développement intégral ; Jean XXIII, dans Pacem in Terris, réagissait contre l’instrumentalisation de la nature et sa sacralisation à outrance. “Un autre monde est possible”, ce n’est pas un dogme, encore moins un slogan d’utopistes, c’est l’expression d’une espérance à laquelle chacun peut apporter sa pierre. Encore faut-il être convaincu de la nécessité d’une autre croissance, sur des critères plus proches de l’homme et moins de l’argent. Cette vision est “orientée”, mais chacun aura déjà lu "La joie de l’Evangile" où François écrit : “La dignité de chaque personne humaine et le bien commun sont des questions qui devraient structurer toute la politique économique, or parfois elles semblent être des appendices pour compléter un discours politique sans perspectives ni programmes d’un vrai développement”. De là sa conclusion : “Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché” § 203-204.
Cette présentation ne voulait pas se contenter de montrer que l’enseignement social de l’Eglise se construit dans le temps, elle voulait inviter à lire et à mettre en œuvre un document qui aide au discernement dans nos choix vie. Ainsi nous pourrons honorer la confiance que Dieu nous a faite quand il nous a créés à son image et ressemblance (Genèse 1) et, en même temps préparer la venue d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, où il n’y aura plus de deuil, ni de larmes ni de cris ou de souffrance (apocalypse 21).
Abbé Emile Hennart
Commander Notre bien commuin, en librairie ou à notrebiencommun@cef.fr 10 €
Elaboré à la demande de Jean-Paul II
Invitation à lire:
Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise (Conseil Pontifical "Justice et Paix")