FAQ-1 section 1 - Mt 1-2

Réponses aux questions posées en maison d'Evangile - Matthieu.


Cette page répond à quelques-unes des questions posées en Maison d'Evangile pour la lecture de Matthieu, ch 1 et 2, l'évangile de l'enfance. Il est utile d'avoir d'abord lu d'abord ces chapitres 1 et 2 ainsi que la fiche d'accompagnement n°1

 

Introduction : Les récits de l’enfance suscitent bien des questions.

 

 

  Avant de répondre à chaque demande, il vaut la peine de comprendre comment et pourquoi les évangélistes Luc et Matthieu ont introduit leur récit de la sorte, alors queEnluminure L'arbre de Jessé  
Enluminure
Enluminure
Marc n’a rien écrit à ce sujet, tandis que Jean rédige une son Evangile par une présentation de la venue du Logos de Dieu en notre chair : il s’est fait homme et il a planté sa tente au milieu de nous. Il nous faut aussi interroger notre lecture de type historicisante (c’est la vérité vraie comme ça s’est passé) et une lecture spirituelle dans laquelle nous entraine les évangélistes à partir de la manière dont ils racontent leur histoire.

 

Nous sommes piégés car pour nous histoire = vérité historique, alors que pour eux, les récits d’enfance sont porteurs de la signification de la vie de Jésus. Ces récits de l’enfance sont le fruit d’une méditation plus que d’une recherche scientifique telle que la font les généalogistes d’aujourd’hui. A lire ci-dessous : les 4 femmes de la généalogie ; le mot origine et la liste ; le rôle des songes ; le renvoi à la prophétie de l’Emmanuel ; l’attitude différente des mages et d’Hérode à propos de Jésus ; la fuite en Egypte, le meurtre des enfants. Tout est sujet à double, voire triple sens.

 

Les pères de l’Eglise aimaient faire une lecture en quatre passages, à la recherche de 4 sens de l'Ecriture : lors du premier passage, ils s’intéressent avant tout à ce qui est écrit (sens historique), dans un second passage ils cherchaient les dimensions symboliques possibles (sens allégorique) ; ensuite ils recherchaient en quoi ce récit pouvait les orienter dans la conduite de leur vie (sens tropologique ou pratiques et morale) ; enfin dans un dernier passage, ils recherchaient en quoi ce récit orientait le lecteur vers la méditation des fins dernières (ou fin des temps, eschatologique ou sens anagogique).

 

La mentalité de l’homme moderne voudrait que le texte n’ait qu’un seul sens qui lui donne l’histoire vrai. Or il n’en est pas ainsi pour les anciens. Il nous faut dépasser l’impression de folklore ou d’anecdote pour nous approcher du sens (des sens) que le rédacteur a voulu donner par la manière d’écrire. Etienne Charpentier aime parler de ces récits comme du générique d’un film : dans le générique, tout est contenu du déroulement de l’historie, mais de manière imagée comme dans un survol.


Missel d'autel de 1892 Les mages  
Missel d'autel de 1892
Missel d'autel de 1892
Des spécialistes des écrivains de l'antiquité ont récemment pris le temps de comparer l’écriture des récits d’enfance des évangiles avec les écritures d’écrivains latins (Plutarque et ses Vies parallèles ; vie des hommes illustres). Ils en concluent qu’on rédigeait après coup l’histoire de l’enfance, non parce qu’on avait des renseignements suffisants, mais pour donner à penser que, dès les débuts de leurs vie, ces futurs héros étaient sous la main des dieux et possesseurs de qualités exceptionnelles. On peut trouver des traces de ce mode de pensée pour la naissance de Darius, Alexandre le grand, Moïse, Romulus et Rémus. Ne disons pas  trop vite "légende", disons plutôt récits porteurs de sens sur ce que sera l’enfant.

Un seul exemple dans l’Evangile : le nom d’Emmanuel, qui signifie “Dieu avec nous”, à tel point qu’à la fin de la vie de Jésus, Matthieu reprend l’expression de Jésus lors de son départ : "et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps". Telle était la conviction (la foi) des premiers chrétiens. Est-ce encore la nôtre?

 

Que s'est-il passé? Qu’est-ce qui est vrai ?


Quand nous lisons ces deux chapitres, nous avons l'impression que Matthieu nous décrit avec exactitude comment les choses se sont passées. Son souci n'est pourtant pas de nous donner une description détaillée du déroulement de ces événements. II veut nous aider à découvrir qui est ce Jésus, non pas tel qu'on pouvait le voir au jour de sa naissance, mais tel que les croyants de son époque l'ont découvert et rencontré.


Pour faire cela, Matthieu nous présente, sous la forme de récit historique, à la fois le fait et l'interprétation qu'il en donne. Il repart donc de faits bien réels et connus : la naissance de Jésus, la place de Marie et de Joseph, le personnage d'Hérode dont on sait qu'il a fait tuer plusieurs de ses fils par crainte d'être détrôné. Mais en même temps, il présente et développe ces événements de manière à nous faire partager ce qu'il a compris de Jésus à partir de toute sa vie, à la lumière de la Résurrection, avec l'aide de l'Ecriture : ce petit enfant est le Fils de David qui vient accomplir l'attente de son peuple, qui suscite la méfiance et l'hostilité, qui est adoré par ceux qui acceptent de se mettre en route pour le reconnaître.


Matthieu a donc fait tout un travail de relecture. Il ne nous est pas toujours facile de départager le fait et son interprétation, tellement ils sont liés dans la manière de raconter. Nous pouvons comparer avec une autre relecture des mêmes événements dans Luc 1-2. (A la découverte de la Bible, p.182.)

 

Autre manière de présenter:

Dans le récit d’enfance, Matthieu ne cherche pas à transcrire la réalité telle qu’elle a pu se passer, mais à donner, dès le début de son Evangile, la signification de l’existence de cet enfant dont il va parler tout au long de son Evangile. Or le sens de l’existence de Jésus n’a été perçu et cru par les apôtres que après la résurrection.

Matthieu reporte sur le début de l’histoire, dans l’enfance, la clé de compréhension de l’existence de Jésus : “sauveur, fils de David, envoyé de Dieu, accomplissant les prophéties, reconnu par les païens et les lointains, rejeté par son peuple (Hérode, les scribes) etc.". Matthieu médite aussi l’histoire de Moïse et de l’Ancien Testament pour “décrire” Jésus. Par ex. Jésus, comme Moïse, “miraculeusement” sauvé du massacre des enfants ; Jésus en Egypte. Relisez et comparez par exemple Matthieu 2, 13-15 et Exode 4, 18-23 (= la ressemblance est étonnante ! Ex.4. "Yahve dit à Moïse en Madiân : "Va, retourne en Egypte, car ils sont morts, tous ceux qui cherchaient à te faire périr." Moïse prit sa femme et son fils, les fit monter sur un âne et s'en retourna au pays d'Egypte..." et, quelques lignes plus loin: "Ainsi parle Yahvé : mon fils premier-né, c'est Israël. Je t'avais dit : Laisse aller mon fils, qu'il me serve.")

 

Pourquoi des généalogies qu’on ne peut pas vérifier ?


 Une simple comparaison entre la généalogie écrite par Matthieu (Mt 1, 1-17) et celle rédigée par Luc (3, 23-38), fait découvrir de telles différences que nous percevons de suite que l’objectif de l’un et de l’autre n’est pas d’établir un arbre généalogique comme le font les sociétés généalogistes d’aujourd’hui. Matthieu, comme Luc et même Jean ont un projet, et avec l’aide de ceux qui ont lu avant nous, il est possible de décrypter, au moins partiellement, le sens de la vie de Jésus, telle que chacun des évangélistes veut l'inscrire, dès les premières lignes de son Evangile. Par exemple, Luc, fait remonter sa généalogie jusqu’à Adam. Il fait entendre que Jésus est fils de toute l’humanité, et qu’il est venu pour toute l’humanité.


Le projet de Matthieu est un peu différent. Il présente Jésus comme "inscrit dans l’histoire du Peuple de Dieu", d’Abraham à Joseph et Marie. Au moment de commencer la lecture de l’Evangile selon Matthieu, il faut se souvenir des tensions entre les Juifs-juifs, après la destruction de Jérusalem et les Juifs devenus chrétiens. Les Juifs de Judée avaient resserré leurs forces autour des pharisiens et déclaraient qu’on ne pouvait plus considérer comme juif quelqu’un qui affirmait que Jésus était le messie. Les chrétiens se sentaient donc exclus de la synagogue… comme Jésus avait déjà été exclu et condamné comme blasphémateur etc. Il était important pour Matthieu de chercher tout ce qui pouvait signifier que Jésus était bien un héritier de la tradition juive, et même un descendant de David. La généalogie insère quelqu’un dans une lignée. (Lire fiche 1, « lecture d’ensemble »). Hérode, descendant de rois Iduméens ne pouvait pas revendiquer ce titre. Pour deux parties de la généalogie sur les trois, Matthieu reprend les textes des prophètes : livre de Ruth 4, 18-22, et premier livre des Chroniques 2, 10-13. Tous les Juifs connaissaient ces listes. Matthieu n’a pas été contesté, sinon ses écrits auraient disparu.

 

Réflexion sur la généalogies "toute une lignée."

par le père Naslin, dans Prions en Eglise, décembre 2011

Jésus est né un jour de l'histoire, il avait une famille. Ici, Matthieu ne cherche pas à faire un travail scientifique, sa généalogie est une catéchèse nous révélant la venue de Jésus dans l'histoire du peuple choisi par Dieu. Abraham se présente comme l'ancêtre. Jésus sera nommé "Fils de David", ce roi choisi par Dieu, non pas à cause de son apparence, mais à cause de son coeur. L'Evangéliste montre la solidarité de Jésus : par son incarnation, il est solidaire de cette humanité composée d'hommes et de femmes forts et fragiles à la fois, voire pécheurs. Seigneur, rends-moi solidaire de mes frères et soeurs en humanité, quels qu'ils soient.

 

Quatre femmes dans la liste ?


Habituellement on donne la lignée selon l’ascendance masculine. Or Matthieu ajoute à la liste 4 noms d’épouses : Thamar, Rahab, Ruth et la femme d’Urie. Trois d’entre elles sont étrangère et la quatrième a enfanté hors mariage ! Il faut y voir le souci de Matthieu de donner sens à l’existence de Jésus : il est venu pour tous, dans son ascendance il y a même des étrangères. Affirmer ceci est d’autant plus important que les Juifs du temps de Jésus avaient fort insisté sur les règles de pureté légale. Or Jésus est de sang mêlé. Il n’est pas "blanc de blanc" comme diraient certains aujourd’hui. Un des nombreux sens voulu ici par Matthieu, c’est l’universalisme de l’enseignement de Jésus (dès avant même sa naissance.

Sur le sens de la généalogie, voir fiche 1

 

Thamar, Rahab, Ruth et la femme d’Urie. Qui sont-elles ?


Les récits de la Bible présentent ces quatre femmes, comme valeureuses, quoi qu’elles ne fassent pas partie du peuple élu. Elles sont présentées comme étrangères ou prostituée, ou illégitime. Pourtant Matthieu les cite spécialement.


Thamar (Gn 38), c’est une histoire complexe, racontée dans Genèse ch. 38. Un des fils de Juda (fils de Joseph… vendu en Egypte) est marié avec Thamar. Elle ne peut avoir d’enfants ; elle joue les prostituées, aguiche son beau-père de qui elle aura des jumeaux, dont l’un sera l’ancêtre de David. C’était une étrangère qui s’est convertie au vrai Dieu.
Rahab. Au livre de Josué, 2, 17, on trouve l’histoire de Rahab, prostituée cananéenne, accueille deux espions hébreux à Jéricho, lors de la recherche pour entrer en Canaan. Elle aura la vie sauve lors de la prise de la ville.
Ruth, était une étrangère, Moabite pieuse et vertueuse qui, selon un midrash, devint l’épouse de Booz, fils de Rahab, riche propriétaire à Bethléem. (Voir livre de Ruth). Leur rencontre s’était faite alors qu’elle glanait des épis de blé dans les champs de Booz. De leur union naîtra Obed, père de Jessé, père du roi David.
La femme d'Urie (Bethsabée), était l’épouse d’un hittite, officier de l’armée de David. David en tombe amoureux. Ayant eu une relation avec elle, il s’arrangea pour que son mari meure au combat. De l’union naquit Salomon. (2 Samuel 11)

 

Matthieu aurait pu choisir de “vraies aïeules, comme Sara ou Rebecca. Il reprend des traditions fort anciennes, les intègre dans sa généalogie. C’est ainsi qu’il présente les origines du Christ. A nous d’interpréter cette généalogie comme significatrice d’une ouverture d’esprit concernant le sauveur. Dans les synagogues du premier siècle, on enseignait l’histoire de ces femmes, considérées comme saintes. Ce qui semblait péché chez elles venait de circonstances providentielles. C’est par une généalogie “irrégulière” qu’est assurée la lignée de David. C’est interprété comme intervention divine pour infléchir le cours de l’histoire. En fait, ces femmes sont comme le “prototype” de Marie. On y reviendra à propos de Joseph et Marie. Retenons que c’est, pour Matthieu, une manière de signifier la solidarité de Jésus avec toute l’humanité et une ouverture, déjà, de la Bonne nouvelle aux étrangers et aux païens.

 

David, Joseph et Marie ?


La généalogie de Jésus fils de David passe par Joseph, et il y a rupture entre Joseph et Marie. Jésus Fils de Dieu, fils de Marie : en quoi est-il de la descendance de David ?
Tout d’bord, dans la généalogie, le fait même de calculer trois périodes de 14 générations est déjà une manière de laisser entendre qu’une pensée divine préside à l’histoire du monde. Le but de la généalogie est de montrer que, par l’ascendance davidique, Jésus est le Christ/Messie. Matthieu avoue aussi ses limites : la génération de Jésus ne dépend pas que de la succession humaine des générations. Matthieu s’en explique aux versets de l’annonce à Joseph 1, 18-25 (schéma classique des annonciations bibliques, voir ci-dessous).

 

Le récit d’annonce à Joseph présente, ici aussi, une situation bloquée. Or, au processus biologique, Matthieu substitue un acte de création de Dieu: quand Dieu crée le monde c’est par son esprit, écrit la Genèse ch.1. De même ici pour Joseph-Jésus. Puis c’est à la demande de l’ange (c’est-à-dire de Dieu même) que Joseph prend chez lui l’enfant et sa mère. Son sens de la justice l’appelle à refuser Marie, ce qui équivaut à faire capoter l’initiative divine. Or Joseph est sollicité par Dieu pour donner le nom à l’enfant et donc pour l’inscrire dans sa généalogie à lui, Joseph, de la descendance de David. C'est donc un acte d'adoption pleine et entière que nous devons admettre ici. Dans le monde ancien (et aujourd'hui encore), l’adoption est un acte de paternité qui confère les pleins droits de fils à celui qui est adopté. Pour Matthieu Jésus est donc bien de la lignée de David, par l’intermédiaire de Joseph qui donne le nom, sollicité par l’ange de Dieu.
Au-delà des questions techniques, n’oublions pas que dans ces deux chapitres de l’enfance, nous ne sommes pas dans un récit de type historique au sens moderne, mais dans un récit qui met en perspective l'histoire de Jésus. Le récit est construit de maninère à donner sens à l’histoire à venir.

 

Voir aussi la page sur Evangile, sens d'un récit et histoire.

 

Matthieu ne parle pas de la crèche ?


Mais Luc ne parle pas des mages ! Si nous n’avions pas lu les récits d’enfance selon Luc, nous n’aurions rien remarqué. Or, notre éducation a été a hérité d’une fusion des 4 Evangiles en un seul, de manière à faire coller le plus d’éléments possible. On obtient alors un 5ème évangile ; ce faisant on oublie l’originalité de chacun, on reconstruit artificiellement une histoire de Jésus. Ce faisant, on ignore le fil conducteur de chaque évangéliste. Depuis les années 1970, on fait davantage attention à la manière dont chacun a rédigé son Evangile, la manière dont chacun essaie de donner sens à une histoire de Jésus, insistant plus sur tel ou tel aspect, selon les destinataires de son évangile (études synoptiques, linguistique et narratologie).


Luc écrit à des chrétiens “trop bien à l’aise dans leurs propriétés” pour penser que Jésus s’intéresse aux pauvres, petits et exclus. Ainsi pour lui, la première annonce se fait-il pour des bergers personnages peu considérés et traités comme des parias. Matthieu au contraire, s’adresse à des chrétiens juifs qui ont du mal à croire que Jésus soit venu pour tous. La première annonce, selon lui, est faite à des étrangers, des païens qui cherchent… tandis qu’Hérode, les prêtres et les scribes qui ont la réponse ne bougent pas le petit doigt. Ce faisant, Matthieu donne un des sens de l’évangile : les lointains accueillent la Parole de Jésus, tandis que les premiers concernés, les héritiers refusent l’annonce. (penser à la parabole des vignerons, Matthieu ch. 21 33-46).
Matthieu, comme Luc, campe des personnages. Ce qui compte n’est pas d’abord l’historicité de l’évènement raconté, mais bien plutôt les rapports exprimés entre ces personnages et Jésus. En donnant à comprendre ce que sont les rapports de proximité des uns, de rejet des autres, peu à peu se construit une histoire des rapports entre Jésus et l’humanité.
Matthieu comme Luc n’exprime pas des idées sur Jésus, mais la manière dont chacun se comporte à son égard et cela est bien plus important. A nous de chercher dans nos vies quels sont nos rapports entretenus avec les une et avec les autres. On parle trop facilement de sociétés éclatées. N’avons-nous pas à repérer les relations entretenues ou refusées avec les préférés de Jésus. Mais cela sera dévoilé au ch. 25 !

 

Comment les mages ont-ils su pour le Messie, alors qu'ils ne sont pas juifs?


Lumière pour les nations. Porte de bronze visite des Mages; Nazareth Mages- Nazareth porte bronze  
Lumière pour les nations. Porte de bronze visite des Mages; Nazareth
Lumière pour les nations. Porte de bronze visite des Mages; Nazareth
Matthieu ne dit pas qu’ils cherchent le Messie. Ils cherchent quelque chose, le roi des Juifs, car selon leur science (astrologie/astronomie), un signe dans le ciel est pour eux un signe des dieux signalant l’arrivée sur terre d’un évènement important. (Nous pouvons sourire, mais n’y a-t-il pas encore aujourd’hui une foule de gens qui ne sortent pas de chez eux le matin sans avoir étudié leur horoscope ?) Intrigués par un astre inconnu, ils se mettent en route à la recherche de l’évènement. Pour eux, ce ne peut être que la naissance d’un personnage important, un fils de roi. De la rencontre avec Hérode et ses scribes naîtra l’affirmation Enluminure d'Egbert La visite des Mages  
Enluminure d'Egbert
Enluminure d'Egbert
“chef, berger d'Israël” (mais pas Messie ou Christ. Hérode parle de “chef qui fera paître Israël”. Vu de notre côté nous affirmons que c’est le Messie.

 

Vu du côté des mages… on ne peut être aussi affirmatif. Les présents ne sont pas la “preuve qu’ils avaient vu Dieu”, mais qu’ils avaient interprété le signe du ciel comme l’arrivée d’une naissance importante annoncée par leurs dieux. La conclusion logique que  Matthieu veut faire dire par son lecteur et par nous : c’est lui l’envoyé-Messie de Dieu.

 

 

Après la naissance de Jésus, Marie a-t-elle eu une vie comme les autres femmes?


Après la naissance.La phrase de Matthieu n’en dit pas plus : "et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils". La théologie catholique a, très tôt, affirmé la virginité de Marie, pour affirmer ce que le credo dira plus tard “vrai Dieu et vrai homme”. Il n’était sans doute pas dans le projet des évangiles d’insister sur la dimension physique telle que nous voulons l’affirmer aujourd’hui. Les discussions fréquentes de ces derniers siècles ont insisté sur la dimension physique de la virginité de Marie, laissant trop dans l’ombre la signification (les significations) que voulaient donner dans leurs homélies, les Pères de l’Eglise, à l suite de Matthieu et Luc, à savoir les dimensions spirituelles : Jésus, vrai Dieu et vrai homme, se tient présent près de nous malgré les lois de la physique ordinaire, autant à sa naissance que dans sa résurrection. Ils ne se posaient pas nos questions avec rencontre de spermatozoïde et gamète et ignoraient tout de la génération des humains. Evitons de faire dire aux chrétiens des origines ce qu’ils ne voulaient pas dire ni même ne pouvaient pas penser. Ceci dit, la virginité de Marie fait partie des dogmes de la foi catholique. Cette difficulté risque de faire oublier le coeur de notre foi : Jésus s'est fait homme, a vécu, souffert, est mort et ressuscité pour nous donner la vie de Dieu. Un commentateur faisait remarquer que, jusqu'au milieu du 4ème siècle, les chrétiens étaient suffisamment respectueux pour ne pas demander à Marie "comment cela s'est-il fait?"

 

Qu'est-ce qu'un ange?

 
peinte par Maria Rosa Perejoan, Franciscaine - Jérusalem Icône de la nativite  
peinte par Maria Rosa Perejoan, Franciscaine - Jérusalem
peinte par Maria Rosa Perejoan, Franciscaine - Jérusalem
L’angélologie (discours sur les anges) est un héritage des religions de Mésopotamie qui ont influé sur le judaïsme. Pour eux, il existait des intermédiaires nombreux entre les dieux et les hommes. Les débuts de la Bible en parlent peu. L’idée d’intermédiaires s’est imposée peu à peu dans la littérature juive puis chrétienne avant tout pour éviter une trop grande proximité entre Dieu et nous. Les anges sont des messagers de Dieu pour nous. C'est un langage convenu pour éviter de dire "Dieu" comme interlocuteur direct.


L’idée des anges gardiens commence à se développer au 12è siècle, lorsque commence les discours sur le péché, la peur du péché et les affres de l’enfer (représentations au fronton des cathédrales), et cette peur, malgré les "Christ en majesté" et les représentations d'accueil, sur ces mêmes frontons. Violemment contesté lors de la Réforme, le culte des anges (gardiens) bénéficiera d’un second souffle au 19è siècle. Ainsi les ordres religieux éducatifs, au cours du XIXè et début XXème, ont fort insisté sur les anges gardiens, à une époque où l’on ne pouvait pas lire les Evangiles et la Bible. On racontait alors beaucoup d’histoires pieuses. Les discours sur les anges rappellent aux chrétiens que Dieu, transcendant et inaccessible, a voulu communiquer avec les hommes. Mais, plutôt que d’épiloguer sur leur existence, mieux vaut aujourd’hui méditer sur l’affirmation qui ouvre le document du concile Vatican II sur la Parole de Dieu : “ Dans la révélation, le Dieu invisible s'adresse aux hommes en son immense amour comme à des amis, il s'entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie”. Pour les chrétiens, l’intermédiaire entre Dieu et l’humanité, c’est le Christ Jésus, Verbe de Dieu.

 

Pourquoi Joseph donne-t-il un deuxième nom à Jésus: Emmanuel ?


Il y a une subtilité dans le texte.

"Emmanuel" se trouve à l’intérieur d’une citation de l’Ancien Testament. Le nom donné à l’enfant est bien Jésus. Il n’y en a pas d’autre. L’un des soucis de Matthieu est de dire que l’Ancien Testament est porteur d’expériences humaines et spirituelles semblables à celles de Jésus. C’est pourquoi il rapproche l’annonce de la naissance de Jésus avec une autre annonce et promesse, celle de la naissance d’un enfant au roi Achaz qui désespérait de l’amour de Dieu pour son peuple “il nous a abandonné” pouvait penser Achaz. Réponse d’Isaïe, 7, 14 et 8,8 : “Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.[15] Il mangera du lait caillé et du miel jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien. [16] Car avant que l'enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te jettent dans l'épouvante.


De même que l’annonce d’un enfant à Achaz vient dire au roi que le pays sera sauvé grâce à Dieu, de même l’annonce de Jésus vient dire que Dieu sauve son peuple de l’abandon (les juifs au temps de Jésus, occupés par les romains, sans roi ni prophète, pensaient que Dieu les avait abandonnés). Emmanuel n’est donc pas un deuxième nom donné, mais la mise en lien de la naissance à venir avec une promesse de salut dès l’Ancien Testament.


En complément : Il faut aussi remarquer la dernière parole de Jésus chez Matthieu : “Je suis avec vous tous les jours…” Mt 28, 20. La première fois que Matthieu parle de Jésus, il affirme que c’est Dieu avec nous. Au début et à la fin, ce n’est pas un hasard. Encadrer le début et la fin d’un récit est une technique littéraire (qu’on retrouve encore au début et à la fin de certains films, westerns classiques par exemple). Matthieu encadre son récit sur Jésus par une affirmation “Dieu avec vous tous les jours”. N’est-ce pas là la Bonne Nouvelle : Dieu ne nous abandonne pas ? Est-ce que nous le croyons, aujourd’hui encore ?

 

Plus tard, au ch.3 Jean Baptiste commence sa prédication par une Bonne Nouvelle : “Convertissez-vous car le Royaume des Cieux est tout proche." 3,1 puis, quand Jésus commence : Convertissez-vous car le Royaume des Cieux est tout proche." 4, 17. En associant la naissance de Jésus avec l’annonce de “Dieu avec nous”, puis en affirmant que le Royaume de Dieu s’est approché, Matthieu cherche à donner le sens de la vie de Jésus, dès son commencement. Dieu se rend proche de vous, il vous aime… arrêtez donc de dire qu’il vous a abandonnés !

Documentation sur la prophétie de l'Emmanuel

 

Quelle différence entre rêve, songe, vision, apparition?


Songes, rêves… Avec ces mots de la Bible, nous sommes dans un registre de langage qui invite à comprendre que “nous ne sommes pas que dans le monde réel, mais dans le monde de la relation à Dieu”. Les sociétés modernes et laïcisées d’aujourd’hui refusent, à juste titre, ce type de rapport. De là vient notre difficulté à digérer ce langage.

 

La suite de phénomènes psychiques se produisant pendant le sommeil, que nous appelons rêve et où nous sommes enclins à voir une manifestation de la personnalité profonde est interprétée en certains cas, chez les anciens, comme une communication avec l'invisible. Inférieures à la parole prophétique, des révélations par songe ont lieu, soit pour éclairer des individus, soit pour assurer le dessein de Dieu. Le Nouveau Testament ne rapporte aucun songe de Jésus. A ne pas confondre avec les apparitions, les théophanies ou les visions. Les littératures anciennes et les littératures modernes ne fonctionnent pas de la même manière. D’où une certaine prudence est nécessaire, pour éviter de coller le sens donné aux mots aujourd’hui avec le sens donné hier.
Le mot rêve est très peu employé dans l’Ancien Testament, jamais dans le Nouveau Testament. Le mot songe est beaucoup fréquent, toujours pour signifier une relation à Dieu. Matthieu emploie le mot songe pour Joseph, les mages, la femme de Pilate. Cela fait partie du langage de l’époque qu’il nous faut manier avec précaution aujourd’hui.

 

 

Fuite en Egypte et mort des enfants : Dieu sauve son fils et pas les autres ?

 
La fuite en Egypte La fuite en Egypte   La fuite en Egypte le la mort des enfants constitue un pierre d'échoppement lorsqu'on lit rapidement ces trois versets (2, 16-18). On peut toujours attribuer à Dieu tous les malheurs dont souffrent les humains (pas seulement le massacre des enfants de Bethléem mais aussi les  massacres en Syrie, Lybie, la shoah, le Cambodge et les khmers rouge), ensuite s’interroger sur l'inhumanité de Dieu. Peut-être peut-on comprendre ce court récit autrement.
 
Pour Matthieu, c'est d’abord l’occasion de rappeler le massacre perpétré par Pharaon contre les enfants d’Israël (Exode 1 et 2) ; c’est aussi l’occasion d’évoquer l’extermination du Royaume du Nord (722) avec les pleursde Rachel, l'ancêtre des tribus du Nord) par la citation de Jérémie 31, 15). Ce court récit v.16-18, sans aucun détail sanguinolent, contrairement aux imageries qui ont encombré notre enfance sont l’occasion d’affirmer déjà que l’enfant Jésus, comme Moïse autrefois, est sauvé par Dieu de la folie destructrice des humains. Il pourra alors accomplir le salut de tous les hommes.
 
Pour Matthieu, Dieu n’est nullement responsable du carnage des Aïn Karem. Représentation naïve du carnage Aïn Karem. Représentation naïve du carnage  enfants (regarder les verbes et les sujets des verbes) mais c'est bien l'oeuvre de la fureur des puissants.Comment comprendre, en écho, la supplication des femmes de Jérusalem : “que son sang soit sur nous et nos enfants” ?Mt 27, 25, Ce n'est pas une malédiction appelée par les femmes de Jérusalem. C'est une manière de parler dans un sens judiciaire: “notre décision est bien de condamner Jésus, à la différence de Pilate qui veut le relâcher.Pour cela nous engageons ce que nous avons de plus cher, nos propres enfants. Le peuple endosse ainsi la mort de Jésus… Là non plus, ce n’est pas Dieu qui envoie Jésus à la mort, ce sont les hommes. Ma conclusion toute personnelle, évitons de faire endosser par Dieu des décisions et leurs conséquences qui sont,en fait, nos propres décisions.
 

Jésus est-il né le 25 décembre de l'an 0?

 
calendrier julien calendrier julien   Aucun des Evangiles ne le dit. En fait, ce n'est qu'au 6ème siècle qu'un moine entrepris des calculs  pour définir de manière rétroactive l'année zéro de l'ère chrétienne. Compte tenu des connaissances de son temps, en l'absence de documents suffisamment précis, et vu la difficulté de comparer les différentes sources, une erreur de 4-5 années s'est glissée dans son calcul.
Pour la date du 25 décembre, il s'agit de tout autre chose. Puisque l'objectif était de féter Jésus lumière pour le monde en même temps que la célébration du soleil qui renait (le solstice d'hiver étant le début du "retour de la lumière", et donc occasion d'une fête solaire chez les Romains).  Une courte vidéo dans le Jour du Seigneur apporte un éclairage.