1ère partie : Voyages des pères
Présentation. Un récit en BD
1. Le voyage des pères, récit en BD
Le Voyage des pères est une série en 3 volumes de 48 pages chacun, publiée aux Editions Paquet d’octobre 2007 à juin 2010. Ses auteurs sont David Ratte pour le scénario et le dessin, Sylvie Sabatier pour les couleurs.
1.1 - L’auteur et son œuvre
Né le 13 août 1970 à Besançon, d'une mère Franc-comtoise et d'un père Guadeloupéen, il empoigne son premier crayon vers l’âge de 3 ans et ne le lâche plus. Au collège il créé un fanzine et y publie ses premières planches. Autodidacte dans l’âme, il intègre les beaux-arts ... mais n’y passe qu’une demi-journée. Il entre alors dans une école d’architecture d’intérieur pour un cursus de 5 ans ... mais abandonne au bout d’un an et demi.
A 17 ans il se lance dans la vie active en tant que dessinateur publicitaire free-lance.
En 1992 il devient responsable commercial dans le secteur de la métallurgie tout en continuant à réaliser quelques travaux publicitaires. La passion de la BD ne l’ayant pas quitté, il continue à réaliser des planches pour le plaisir. En 2001 il se décide enfin à tenter sa chance dans le 9e art. Il participe au 1er concours « jeunes auteurs » organisé par les éditions Delcourt et arrive deuxième. 2 projets d’albums sont alors lancés, mais ne verront finalement pas le jour. En 2004 il rencontre Arleston lors d’un festival et réalise plusieurs récits courts pour Lanfeust Mag. En 2006 il créé la série « Toxic Planet » pour les éditions Paquet (3 albums à ce jour) et reçoit le Prix du meilleur album humour de l’année au festival de Chambéry. L’année suivante il quitte définitivement son emploi dans la métallurgie pour ne plus se consacrer qu’à la BD. Il crée alors la série « Le Voyage des Pères » qui est salué par la critique. Marié et père de deux enfants, il est installé dans le Sud de la France, à Pézenas, depuis 10 ans.
Dans une interview accordée à Scenario.com en 2007, David Ratte donne l’origine de son travail sur le Voyage des Pères, « Imaginons ensemble les coulisses de la Grande Histoire. L’idée de base était d’essayer de savoir comment les familles des apôtres ont pu réagir face au phénomène Jésus. 2000 ans après, croyants ou non, on sait tous quelle importance ont eu ces évènements dans l’histoire de l’humanité. Mais ceux qui vivaient à l’époque n’en avaient aucune idée. Même les apôtres ne l’ont vraiment compris qu’après la mort du Christ. Je me suis dit qu’au lieu de braquer la caméra sur Jésus, il serait intéressant de la tourner un peu sur le côté. Et puis la question principale était : « Comment aurais-je réagi dans une situation pareille ? ».[...]Il n’était pas question non plus de faire du prosélytisme. Alors je me suis concentré sur l’aspect humain des choses, ce qui me permet de faire de l’humour sans blesser et de pousser le lecteur à une certaine réflexion personnelle. [...] J’ai lu les évangiles dans plusieurs versions ou traductions en essayant de bien comprendre l’ordre chronologique des évènements. »
En février 2008, David Ratte répond aux questions de Roland Francart du Centre Religieux d’Information et d’Analyse de la BD de Bruxelles à l’occasion d’une interview.
"Es-tu chrétien ? Pratiquant ? Catho ou protestant ou orthodoxe ?"
David Ratte - C'est une question qu'en général, j'essaye plus ou moins d'éluder. Tout simplement parce que dans le Voyage des Pères j'ai essayé d'être neutre à ce sujet.
Tous mes personnages ne deviennent pas chrétiens et présentent une palette de réactions face au phénomène "Jésus" que j'ai voulu la plus large possible. Après, il appartient à chaque lecteur d'y retrouver ses propres convictions. D'ailleurs ce qui est amusant, c'est que mes lecteurs athées ont interprété mon histoire comme étant antireligieuse, alors que les croyants y ont plutôt vu un hommage à la foi. Et c'est très bien comme ça.
Mais pour satisfaire quand même ta curiosité, sache que je suis croyant, de culture chrétienne, mais je ne suis pas ce qu'on peut appeler "un paroissien".
En fait, je l’avoue, je ne sais même pas quelles différences fondamentales il y a entre les Catholiques, les Protestants et les Orthodoxes ! »
1.2 L’œuvre dans son environnement
Le Voyage des pères pose un regard intéressant sur les textes évangéliques et leur relecture en développant certains événements qui ont pu survenir en marge des récits canoniques.
La page intérieure de titre rappelle toutefois que le texte biblique en est la source (ci-contre le dessin bible ouverte, que l’on trouve sur l’intérieur de couverture des albums) augurant du respect dont témoigne David Ratte, quand bien même il s’excuse par avance dans une note liminaire auprès de « tous les véritables protagonistes de cette histoire...sur Terre ou ailleurs pour les quelques erreurs et digressions historiques. »
Le premier tome du Voyage des Pères, Jonas, a reçu le Prix international de la BD chrétienne au festival d’Angoulême 2008.
Au sujet de la BD Chrétienne, Thierry Bulant, pasteur et membre de l’équipe BD Chrétienne, s’est exprimé en ces termes, le 12 décembre 2010 en présentant les albums nominés pour le festival de 2011.
« Le silence s’était soudainement fait lourd, le ciel semblait d’airain. Tous attendaient.
Dans un coin, échevelée, essoufflée, les yeux hagards, elle attendait, aussi, le premier coup d’une série fatale et les cris de la meute qui ne manqueraient pas de suivre
Lui, penché sur le sol, dessinait. Dessinait quoi ? Nul ne le sait.
Mais ses dessins lui ont donné le temps de réfléchir, donné à tous de réfléchir.
Et quand il a dit : Que celui qui n’a jamais péché, lui jette la première pierre ! L’affaire était jouée. Les pierres sont tombées sur le sol, chacun est reparti chez lui. Elle, elle n’a reçu aucun reproche mais une parole de grâce, un nouvel ordre de vie et lui, lui a poursuivi la route plus loin et plus haut que n’importe qui n’était jamais allé.
Ce jour là, dessein et dessin se sont confondus pour devenir porteurs de vie, partage d’espérance, proposition de foi.
Le festival de BD chrétienne à Angoulême, fait à sa manière écho à cet épisode des évangiles.
Les bandes dessinées de toutes sortes, sur bien des sujets enracinés dans l’espérance chrétienne, ont excité la réflexion de leurs auteurs et ne manqueront pas de susciter celle de leurs lecteurs.
Puissent-elles aussi toucher les cœurs de la même manière ! »
Le 13 décembre 2010, nous apprenions qu’un prix de la BD Chrétienne serait à nouveau décerné à David Ratte pour l’ensemble de son œuvre « le Voyage des Pères », voici le communiqué :
"Cette année, à l’occasion des 25 ans de présence de la BD chrétienne au sein du Festival International d'Angoulême, un prix spécial marquant ce jubilé revient à la trilogie de David RATTE: Le Voyage des Pères. "Du 1er au 3eme tome, il n’y a pas de baisse de qualité tant dans le graphisme que dans le scénario. Histoire pleine d’espérance, qui peut parler à tous les publics, chrétiens ou non. Une fable historique et humoristique autour de la vie de Jésus, très documentée et sans aucun parti-pris. Trois pères juifs parcourent la Judée et la Galilée à la recherche de leurs fils devenus apôtres du Christ. David Ratte nous offre une œuvre subtile et toute en nuance."
Cette mention spéciale sera remise le jeudi 27 janvier 2011 à 15h, à l’Eglise Saint-Martial d’Angoulême. »
1.3 - Particularités de cette BD
Le choix de l’auteur pour un style graphique à mi-chemin entre le dessin réaliste et la caricature, souligne cette tentative de concilier l’humour omniprésent avec le contexte historique lié aux évènements relatés dans les évangiles. Les personnages légèrement caricaturaux par leurs proportions sont dessinés de telle manière que leur visage et leurs mimiques évoquent souvent sans besoin de l’écrire explicitement leur caractère et leurs pensées. Les paysages, les décors, vêtements, accessoires et détails témoignent d’un réel travail de recherche et apportent beaucoup dans l’immersion du lecteur dans le récit en fixant les ambiances. A noter la recherche sur les couleurs qui accrochent le regard au premier coup d’œil en feuilletant les albums et servent le récit en lui donnant chaleur et profondeur.
Le choix narratif qu’a fait David Ratte pour son récit est proche du reportage télévisuel où les interviewés répondent en « regard-caméra » à l’équipe du film, comme ci-contre. Cette référence contemporaine inscrit fortement les informations glanées sur Jésus dans le contexte de la transmission orale, et même « directe », pour reprendre l’appellation utilisée pour les journaux télévisés, opérant ainsi une présentification qui s’accorde à la démarche générale de la BD consistant en une actualisation du récit évangélique.
L’humour, nous l’avons noté, est omniprésent dans le récit. On le trouve sous la forme de gags : la déclaration de la disparition des enfants au poste de police( T.1 p.10), le saint suaire pièce unique 100% authentique disponible dans une autre couleur (T.3 p.41) L’humour est lié au trait de caractère des personnages ( le rapport que Jonas a avec les femmes) , et à des réactions récurrentes ( quand Alphée dit que son fils Matthieu est collecteur d’impôts T.1 p.14 ; T.1 p.21 ; T.1 p.37) ; l’humour est aussi présent sous la forme d’anachronismes de pensées et de cultures qui permettent à l’auteur de mettre en scène des personnages ayant vécu il y a 2000 ans avec des messages ou des situations très actuels de notre siècle (le possédé Gérasénien qui chante « Moi Lolita » T.2 p.30 ; la visite pour touristes T.2 p.3).
1.4 - Synopsis des 3 tomes
Tome 1 Jonas
1er siècle, sur les rives du lac en Galilée.
Jonas, ses deux fils, Pierre et André, et son associé Zébédée, père de Jacques et Jean sont invités par un « type » à partir à nouveau pour une pêche qui se trouve être plus fructueuse que toute leur nuit de labeur. Le type, Jésus, se met alors à parler aux jeunes hommes et quand il s’en va, tous le suivent.
Le lendemain, inquiète de ne pas voir rentrer ses enfants, la femme de Jonas envoie son mari les chercher. Mais où ? Jonas se met en chemin, seul, car Zébédée ne l’accompagne pas. En route il rencontre Simon, père de Judas, puis Alphée, le père de Matthieu. Ces pères à la recherche de leur(s) fils suivent la piste de Jésus pour retrouver leur progéniture et leur sommer de revenir à la maison et reprendre le travail. Là où il est passé avec ses disciples, Jésus ne laisse pas indifférent, et pour cause, il prêche l’Amour...
Faisant route, les pères recueillent alors des témoignages de gens qui ont vu et entendu Jésus, de miraculés, de prostituées pardonnées...Les certitudes de chacun des pères divergent au fur et à mesure du périple. Alphée prend la tangente et on le découvre à la fin du récit parmi la foule qui écoute l’enseignement du Messie.
Tome 2 Alphée
Les miracles de Jésus assurent sa renommée dans toute la Judée et même au-delà. Partout où il passe, il attire les foules et le nombre de sympathisants ou de croyants augmente. Mais déjà des groupes s’organisent de manières diverses contre sa liberté...
Il est ainsi assez facile pour Jonas, Simon et pour les deux anciennes prostituées qui les accompagnent d’être orientés vers lui et vers ses apôtres à chaque fois qu’ils demandent leur chemin à quelqu’un. Alphée, lui, les a devancés. Il est le premier des pères à retrouver son fils et à avoir aussi été touché par sa rencontre avec le Christ.
Jésus inquiète les politiques et les religieux qui craignent pour leurs pouvoirs. Un beau jour, à la stupéfaction de tous ceux qui l’écoutent et le suivent pour le bonheur et l’espoir qu’il communique, il est arrêté...
Alphée est poignardé dans la foule lorsqu’il crie qu’il faut sauver Jésus au lieu de Barrabas.
Tome 3 Simon
Jésus de Nazareth a été jugé, les Romains s’apprêtent à le crucifier. Alphée est mortellement blessé. On raconte que c’est un des Apôtres, Judas Iscariote, qui aurait trahi et livré Jésus. Simon, père de Judas, n’y croit pas et part à la recherche de son fils. Alors que Jésus est mis en croix, Simon retrouve le corps de son fils pendu. Jésus est mort, des signes attestent que le Très-Haut pleure son fils unique. Alphée succombe à sa blessure.
Dans ce contexte, Jonas, Simon et les deux femmes qui les accompagnent gardent cependant un infime espoir : Jésus avait dit à ses disciples que trois jours après sa mort, il ressusciterait. Cette perspective incroyable leur fait alors espérer qu’il puisse intercéder en faveur de leur défunt ami et le ramener lui aussi à la vie...
Le tombeau de Jésus est vide, des femmes lui ont même parlé. Le petit groupe se met à la recherche de Jésus à travers tout Jérusalem, en vain.
Enfin, c’est au moment même où le Christ monte vers le Ciel que Jonas retrouve ses fils.
Le corps de leur ami Alphée ayant été enseveli, Jonas, accompagné de Simon, laisse partir ses fils, se demandant si les disciples de Jésus ont un avenir dans ce monde. Jonas, visiblement changé, retrouve son épouse, sa maison.