Carême : Dans le désert du cloître, Dieu parle au coeur.

En ce temps de Carême, voici un article que l'une de nous a composé, paru dans le journal France-Catholique du 21 février. "Le désert derrière les grilles"

 

Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur (Osée 2, 16)

 

Moniale priant devant la grille Moniale priant devant la grille  

 

     En me conduisant au monastère, le Seigneur m’a-t-il attirée au désert ? Pour ma part, je dirais plutôt dans une oasis ! D’abord, je n’y suis pas seule : je vis en communauté, au milieu de la végétation luxuriante et variée de mes Sœurs. Et surtout, il s’y trouve une source : le Christ, qui donne la vie à chacune.

 

     Mais il est vrai que le monastère est un certain désert. La clôture, signifiée matériellement par les grilles, en offre les conditions de solitude et de silence, indispensables à la vie contemplative. C’est dans le silence que Dieu parle au cœur.

    Au désert, je me retrouve seule face à Dieu, face à moi-même.
   C’est un lieu où on ne peut s’installer : s’y arrêter, c’est mourir.
   C’est un lieu de vastes horizons, au-delà de mon moi étriqué : j’y marche « sous la conduite de l’Évangile » (Règle de saint Benoît, Prologue) vers le Royaume.
   C’est un lieu où il faut sans cesse quitter, lâcher tout ce qui me tiraille vers l’extérieur. Car pour prier, il faut apprendre à revenir à soi-même, « habiter avec soi-même » (Saint Grégoire le Grand, Vie de saint Benoît). 

 

 

    Quel paradoxe ! Les grilles m’ouvrent un chemin de liberté : je peux avancer d’un pas léger, dégagée de tout ce qui m’empêcherait d’être uniquement aux affaires du Seigneur (1 Cor 7, 34), comme une épouse auprès du Christ Époux.

 

    Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire… (Jérémie 20, 7)

 

     C’est pour Lui seul que je suis venue au désert. Sans Lui, le désert n’a pas de sens. Je n’ai d’autre désir que de vivre unie à Lui.
Pourtant, l’heure n’est pas encore au face à face. Il me faut accepter d’attendre, parfois longtemps, bien souvent sans rien sentir. L’enjeu, c’est de tenir bon, sans céder à la tentation du découragement, de la routine, de la fuite… Je m’accroche à la foi pour vivre ce combat spirituel avec le Seigneur Jésus, pour me donner tout entière à son œuvre de salut pour tous les hommes. 

 

    L’Église compte sur nous :

« Bien que séparées du monde, vous ne cessez pas d’intercéder constamment pour l’humanité, présentant au Seigneur ses craintes et ses espérances, ses joies et ses souffrances » (Pape François, Constitution apostolique Vultum Dei quærere sur la vie contemplative féminine, n°36).

    Et l’Église me donne les moyens pour accomplir chaque jour cette mission : la prière liturgique qui rythme mes journées, les sacrements qui me fortifient. .La manne qui me nourrit au désert, c’est l’Eucharistie. L’élan qui me porte, c’est la louange… Chanter donne du courage pour avancer.

    Sur le chemin de l’amour, on peut toujours aller plus loin et mieux.

 

 

    Le Carême est pour moi aussi une bonne occasion de raviver le premier amour, de réveiller ma conscience et au besoin de rectifier la trajectoire. Comme tout chrétien, je suis entraînée dans le grand mouvement qui porte à la conversion, aux bonnes résolutions, pour me tourner davantage vers Dieu.

          
           Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père, qui est là, dans le secret
(Mt 6, 6)

    Que ce soit dans le désert du monastère ou dans le désert de la ville ...

« La vraie solitude, ce n’est pas l’absence des hommes, mais la présence de Dieu ». (P.de Lignerolles et É. Guignard, Parole de Dieu. Langage des hommes, 1995).

 

Une moniale bénédictine de l’Abbaye Notre Dame de Wisques

 

 

Article publié par Bénédictines de l' Abbaye Notre Dame de Wisques • Publié • 2361 visites