Fiche Abraham 02

Abraham fiche 02

Genèse 13-14

Séparation d’avec Loth ; combat contre les rois.

Zoom : 13, 7-18 Risque de dispute. Abram se sépare de Loth

 

Rappel fiche précédente. Les débuts du récit sur Abram au ch.12 nous font parcourir un itinéraire en Mésopotamie, depuis Our vers Haran, puis en territoire cananéen jusqu’en Egypte où Sara est “livrée” par Abram au Pharaon, comme étant sa sœur. Notre lecture habituelle attribue à Pharaon de mauvaises intentions… alors que dans le récit, ces idées mauvaises n’existent que dans la tête d’Abram. Et Dieu, dans cette histoire ? La relation à Dieu est exprimée par Abram lors de son retour à Béthel. Il dresse un autel en remerciement, mais aucune parole n’est émise pour l’instant. Abram est un patriarche en itinérance. Certains commentateurs parlent même de convoitise, dans la mesure où il ne pense qu’à lui-même et non aux autres (à propos de Sara, ou du pharaon qu’il trompe)... Dieu avait pourtant choisi et béni Abram pour qu’il devienne bénédiction pour tous les clans ou peuples de la terre. Pour l’instant, il est surtout devenu source d’ennuis pour le pharaon qui le renvoie hors d’Egypte avec sa tribu. Abram revient cependant d’Egypte bien enrichi. Il s’arrête entre Béthel et Aï. Il invoque à nouveau le Seigneur à l‘endroit même où il était passé à l’aller. Sara et son neveu Loth l’accompagnent.

 

Apprenons à nous projeter en arrière dans le temps.

Le retour d’Abram entre Béthel et Aï laisse toute latitude pour penser que la terre foulée en ce lieu et l’autel dressé par Abram sont à l’emplacement de la terre de Juda et de la future ville de Jérusalem… Il y a, ici encore, invitation à faire un décalque entre l’itinérance supposée d’Abram et l’itinéraire d’Israël après la conquête de Canaan et l’installation en Terre promise, et jusqu’au choix de Jérusalem comme capitale sous David et sa reconstruction après l’Exil.

Pour faciliter l’effort de relecture de ces passages de l’Ecriture, nous devons mentalement inverser notre manière de penser le sens des évènements : non pas penser à hier d’abord (Abraham) vers aujourd’hui (Exil), mais partir de l’aujourd’hui des Israélites (-600) vers hier (- 1700). L’auteur part des évènements présents où Jérusalem et la région sont dévastées et à reconstruire, pour inviter les lecteurs de son temps à se projeter loin en arrière, au temps des ancêtres, afin de relier le présent au passé. L’auteur semble dire que, aujourd’hui encore, sur cette terre dévastée et humiliée (au temps de l’Exil), le reste d’Israël doit toujours invoquer le Seigneur, dresser un autel et se rappeler les bénédictions accordées par Dieu à Abram et à sa descendance. Ces ancêtres ont mis leurs pas bien avant eux, sur ces terres de Mésopotamie, de Canaan, d’Egypte à l’appel de Dieu. Osée, prophète du 8ème siècle, écrit : “Comment t’abandonnerai-je, comment te livrerai-je, Israël ?” Osée 11.

 

Zoom 13, 7-18. Risque de dispute. Abram se sépare de Loth

Devons-nous faire une lecture littérale ou une lecture interprétative ? On peut toujours poser la question : ‘Que s’est-il réellement passé ?’ A ce type de question recherchant l’histoire pure, il n’est pas possible de répondre. Le concile Vatican II (Dei Verbum) insiste sur la nécessité d’un effort d’interprétation pour une saine lecture (Lumen Gentium 25). Pour la saga d’Abraham, nous devrions plutôt nous demander : ‘Pour quelles raisons le rédacteur choisit-il de raconter ainsi l’histoire ? Vers quoi veut-il nous orienter ?’ Regardons les personnages du récit et la figure d’Abram qui se dessine.

Le point de départ de l’histoire est une dispute entre les “personnels” d’Abram et de Loth. La fin, c’est une parole de bénédiction, en forme de promesse d’une grande descendance qui est accordée à Abram, le héros de notre histoire, ainsi que l’acquisition d’un pays immense (13, 15-18). La sagesse d’Abram est en quelque sorte récompensée… La promesse de bénédiction prend forme au moment où Abram choisit de se séparer de son neveu Loth. Cela signifie sans doute que Yahvé approuve le choix d’Abram. Bénédiction non seulement pour Abram mais pour son clan tout entier après lui.

 

L’histoire entre les bergers de Loth et ceux d’Abram signale que l’un et l’autre sont immensément riches (comblés de bénédictions) au point que les chefs de clan doivent s’organiser sur la possession du territoire. Abram laisse Loth choisir : ce seront les terres à l’Est, à l’Orient et, parmi elles, Sodome dont la réputation est mauvaise (le rédacteur invisible le sait, mais pas l’acteur sur le terrain, Loth. Gn 13,13). Ces terres lui semblent plus généreuses.

Une nouvelle bénédiction, amplifiée par rapport à la précédente, accompagne alors Abram (v.14-15) : “Ta descendance sera aussi nombreuse que les grains de poussière de la terre”. Une fois encore Abram construit un autel pour le Seigneur (Genèse 13,18). La figure d’Abram ainsi décrite donne à penser qu’Abram est un homme généreux et prévenant, qui donne place à son obligé, Loth. Bref, Abram est un homme agréable aux yeux de Dieu. Ce n’est pas ainsi qu’Abram était présenté dans l’épisode avec le pharaon. Remarquons ici que la séparation n’est pas le signe d’une absence de fraternité. La suite de la saga montre Abram quand il part en guerre contre des rois ennemis pour défendre Loth.

 

Abram avait priorité pour choisir la terre en héritage. Or il laisse son neveu décider. Abram accepte non seulement une mise à distance d’avec son neveu, mais il ne semble pas retenir l’hypothèse d’en faire son héritier. La question surgira bientôt quand Abram s’adressera directement à Dieu sur la question de la descendance annoncée mais non réalisée (ch 15,2 : “Que me donneras-tu, je m’en vais sans enfant…”). Pour l’instant, le récit affine l’image d’Abram aux yeux de Dieu. La relation d’Abram et de Yahvé s’affinera de plus en plus au fil des récits, au point qu’on verra Abram discuter avec Yahvé, comme le ferait “un marchand de tapis”, à propos de l’avenir de la ville de Sodome. La saga est encore longue, mais dès à présent, les relations entre les personnages principaux se précisent, concernant Loth, Abram, Yahvé.

 

Guerres dans la région (Ch.14)

Survient un épisode comme il devait s’en produire fréquemment à l’époque : une guerre entre cités-états où les chefs (les petits rois) veulent s’approprier les terres et richesses du voisin, mais aussi ne plus payer l’impôt aux grands rois de Mésopotamie. Plus précisément, des rois de Mésopotamie viennent pour mater la rébellion de plusieurs rois de Canaan. Sodome et Gomorrhe sont pillées et Loth est embarqué comme butin. [C’est aussi ce qui s’est passé pour la Samarie en -722 au temps de Téglatpiléser III de Ninive et en -597 et -587 pour Jérusalem, lors des conflits avec Nabuchodonosor de Babylone]. Abram est prévenu par un fuyard du sort réservé à Loth. Il mène une contre-offensive dont il sort vainqueur : Abram protège Loth.

 

On aura noté que les liens de fratrie entre Abram et Loth ne sont pas détruits par la séparation, mais qu’ils sont honorés en cette circonstance. La figure du héros Abram est ainsi rehaussée. Voici qu’intervient un autre personnage inconnu jusqu’alors, Melchisédek. Il vient donner sens à ce qui semblait jusqu’alors caché : Abram a redonné vie à ce qui était voué à disparaître ; il a relevé et tiré Loth des griffes de l’ennemi. Abram est ainsi porteur de la bénédiction reçue de Dieu et il la transmet autour de lui. Quant au roi de Sodome, qui était le protecteur de la ville, et qui s’était dérobé au début de la guerre, il revient pour espérer des bénédictions (ou du butin). Abram se refuse à prendre quoi que ce soit de ce qu’il avait libéré, ni les gens ni les biens, excepté d’avoir un retour pour les frais occasionnés. Dans cet épisode, on est bien loin des cruelles scènes de guerre avec pillage et destruction de la part du vainqueur.

 

Pour aller plus loin

Melchisédek : le nom de Melchisédek reste ancré dans nos mémoires, car son geste a été retenu par l’Eglise, comme symbole précurseur pour l’eucharistie et pour le ministère ordonné à la suite du Christ : roi et prêtre selon l’ordre de Melchisédek. Melki-sedek signifie d’abord ‘roi de justice’. Le récit précise encore : Melchisédek, roi de Salem (Salem-Salam, la paix). Le nom de Jérusalem (Salem) est ainsi déjà posé ici, comme en pointillé. (Voir Psaume 109, 4 ; Paul aux Hébreux 5, 6 ; prière eucharistique n°1). Certains Pères de l’Eglise ont même vu en lui une préfiguration du Christ-Messie de Dieu.

 

“C’est moi qui t’ai fait sortir d’Our…” Il faudra attendre 15,7, pour voir affirmée l’intention de Dieu, présente dès le début du chemin où s’embarque la famille de Térah : déjà, Dieu y pensait ! Pour le rédacteur, c’est une manière d’affirmer que toute la destinée d’Israël, depuis le début, est dans les mains de Yahvé. C’est une invitation à la confiance qui est ainsi posée à l’intention de tout lecteur qui accepte d’entendre la profession de foi d’Israël : dès le début, j’étais là auprès de toi.

 

Le regroupement à Cadès. Cadès est une oasis à mi-chemin entre l’Egypte et Canaan. Cadès est souvent citée dans les livres des Nombres, du Deutéronome et de Josué. Selon ces livres, ce fut un lieu de regroupements où les Hébreux se seraient rassemblés après la rencontre au Sinaï. Les récentes fouilles archéologiques interrogent ces récits, car il n’y a pas trace de campements en grand nombre à l’époque de Moïse. Dans le récit qui nous intéresse, cette oasis est lieu de rassemblement des rois hostiles. La contre-offensive d’Abram et le début de la reconquête se déroulent entre ce lieu et jusqu’au Nord de la région. En faisant passer Abram par cette oasis, le rédacteur de la saga donne de l’importance à ce lieu où serait aussi passé Moïse. Dans la mémoire d’Israël après l’Exil, l’oasis de Cadès est perçue comme un lieu de ressourcement. Si Abram est passé par là, même symboliquement, ce lieu est donc béni par Dieu ! Ainsi se construit la mémoire culturelle du peuple de l’Alliance. (N’oublions pas l’image du calque de l’itinérance d’Abram superposée aux itinéraires d’Israël au cours de son histoire.)

Concernant la relation d’Abram et de Yahvé, une nouvelle étape intervient où, pour la première fois, un dialogue s’établit entre Yahvé et Abram… ce sera pour le prochain chapitre 15.

 

Le rédacteur inconnu. Nous nous laissons guider par ce rédacteur qui semble connaitre l’avenir, aussi bien l’avenir de Sodome avec ses puits de bitume et sa future destruction, que l’emplacement de la future capitale de Jérusalem (14,17). Il connait même les intentions cachées de Yahvé. Ce narrateur dresse peu à peu le portrait d’Abram, un homme agréable à Yahvé. La manière dont il dépeint les différentes scènes laisse entendre qu’il est comme en surplomb aux évènements. Ce n’est ni un chroniqueur comme au Moyen-âge, ni un historien des temps modernes. Il tire les ficelles de l’histoire pour faire intervenir Yahvé qui guide son peuple, ses amis…, les ancêtres comme les exilés de retour au pays.

 

Prier la Parole

 

Appelés à la liberté.

SM177 https://www.youtube.com/watch?v=8BPaqiooeEQ

Nous sommes le peuple de la longue marche

Peuple des chrétiens, peuple de frères

Nous sommes le peuple de la nouvelle alliance

Un peuple appelé à la liberté.

Nous continuons la caravane (bis)

Des peuples de la longue nuit

Derrière notre père Abraham

Guidés par le vent de l'Esprit.

La mer a été traversée

Moïse a sauvé tout son peuple

La mort a été renversée

Christ nous donne la liberté

Les boiteux rentrent dans la danse

Les lépreux ont été guéris

Les muets chantent l'Espérance

Les morts-vivants reprennent vie.

Peuples chantez votre louange

Chantez un cantique nouveau

Chantez le cantique des anges

Bâtisseurs d'un monde nouveau.

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 2100 visites