Fiche Abraham 4

Abraham fiche 04

Genèse 17

Alliance et annonce d’une naissance

Zoom : 17, 9-16 La circoncision, signe de l’alliance

 

Un fils et une alliance pour Abram, mais n’est-ce pas ce que Yahvé avait déjà promis au ch. 15 ?

Section précédente. Le ch. 15 a présenté l’alliance et la promesse entre Yahvé et Abram, avec une conclusion en forme de sacrifice. Une incise, en 15, 13-14, laissait entrevoir le temps de l’esclavage en Egypte. Cependant, Yahvé confirme son alliance, la promesse d’un héritier et d’un héritage. Au ch. 16, Saraï manœuvre pour qu’il y ait une descendance à Abram. Ce sera la naissance d’Ismaël. Yahvé est absent de cette séquence sauf quand il faudra prendre la défense d’Agar et de son enfant. Abram aussi semble passif dans cet épisode. On peut rapprocher ce récit du début de la Genèse, où Eve met entre les mains d’Adam le fruit de l’arbre. A la base de cette action, il y a la convoitise pour égaler Dieu. On retrouve la convoitise dans le récit de la tour de Babel.

En Gn 16, un conflit a surgi entre Saraï et Agar, où Abram, silencieux, est provoqué à choisir entre Saraï et Agar. L’ange du Seigneur intervient en faveur de l’exilée et de son fils. Les deux sont bénis et reçoivent la promesse d’une descendance (la même bénédiction revient en 17, 20, bénédiction souvent oubliée dans la tradition chrétienne).

 

Première lecture d’ensemble. Ce récit est particulièrement agencé, d’abord avec deux phrases, v.1 et v. 22, qui se répondent en début et fin de récit et encadrent l’ensemble : “(Abraham avait 99 ans), quand le Seigneur lui apparut et dit…” et “…quand le Seigneur eut achevé de parler…”. A l’époque où l’on ne connaissait pas les ponctuations ni les retours à la ligne… c’était une manière de signifier à l’auditeur le début et la fin d’un récit, d’un ensemble constitué et encadré. Dans cet ensemble, quatre discours sont prononcés par Dieu. Le premier introduit l’ensemble du chapitre. Les deuxième et quatrième discours demandent un changement de nom pour Abram et Saraï. Un discours central, entre 9 et 14, concerne uniquement le rite de la circoncision. Chaque discours commence par ‘Dieu dit…’. La seule parole dite par Abraham est un quiproquo concernant Ismaël alors que la parole divine concerne la circoncision et la promesse d’un enfant à venir.

 

Dans les quatre discours, c’est Dieu qui a l’initiative : Je donnerai, J’établirai, Je bénirai… Il est encore dit : ‘mon’ alliance. Nulle part il n’est question de réciprocité mais d’un don de la part de Dieu. Dieu s’engage à faire exister les deux volets de la promesse : posséder la terre et avoir une descendance. Par trois fois, il est précisé que cette alliance donnée par Dieu est perpétuelle (v. 7, 13, 19). Si cet adjectif est répété par le rédacteur, c’est parce que, pensons-nous, la mise en forme définitive du récit date de l’époque des évènements tragiques autour de -587 (destruction de Jérusalem et Exil). Il y aurait donc une volonté pédagogique. En effet, certains courants du judaïsme voyaient dans la défaite et l’Exil le signe de la rupture d’alliance. Or, le rédacteur de ce chapitre propose une autre compréhension : Dieu s’engage sans retour et les infidélités des hommes ne peuvent pas remettre en cause sa décision d’alliance. Plus tard, les chrétiens retiendront ce visage de Dieu dans la manière de comprendre Jésus et la nouvelle alliance.

Ainsi l’agir de Dieu ne ressemble pas à l’agir des hommes, en particulier celui des rois suzerains qui se vengent des trahisons de leurs vassaux.

Dans l’original hébreu, un nouveau nom pour Dieu, El Shaddaï, le Puissant, a été introduit au début du ch17, mais il faut attendre le livre de l’Exode ch. 3, avec Moïse pour entendre la révélation du nom divin : YHWH (Yahvé). Autres noms : Elohim, Adonaï ou l’Eternel. Dans les traductions modernes, il est écrit : Dieu ou le Seigneur.

 

Zoom : 17, 9-16. La circoncision, signe de l’alliance

C’est Dieu qui parle pour Abraham et les générations après lui. Dans ces quelques lignes, la valorisation exclusive de la circoncision s’explique par la situation vécue par les Juifs pendant et surtout après l’Exil babylonien. Jusqu’à cette époque, elle n’avait pas de signification religieuse : elle était un rite d’initiation à la vie sexuelle partagée par Israël et les peuples environnants. Tout change lorsque les Juifs se trouvent exilés parmi des peuples qui ne la pratiquaient pas. La circoncision devient alors un signe identitaire qui inscrit à vie la différence. La tradition fait remonter à Abraham une coutume qui lui est bien postérieure. Par elle, l’alliance devient éternelle. Les rédacteurs de Genèse 17 en font le rite unique qui inscrit Abraham et ses descendants dans le peuple de l’alliance en les séparant des autres hommes.

Jérémie, vers la fin de l’Exil, parlera d’une circoncision inscrite dans le cœur. Il annonce ainsi une nouvelle alliance non plus dans la chair, mais dans le cœur de l’homme, non plus rituelle, mais intériorisée. L’homme deviendra alors capable de se conformer aux exigences de l’alliance. Quant à Saint Paul, 600 ans plus tard, il s’opposera aux chrétiens issus du judaïsme qui veulent imposer la circoncision aux païens convertis. Il écrira aux Galates : “Dans le Christ Jésus, ni circoncision ni incirconcision ne comptent, mais seulement la foi opérant par la charité”. Gal 5,6 ; 6, 15

 

Même Ismaël est circoncis, alors qu’il est exclu de l’alliance ! Pourtant il est béni par Dieu qui lui promet de fructifier et de se multiplier. Ces verbes sont les mêmes verbes que pour Adam en Gn 1,28 et pour Noé en conclusion au déluge, Gn. 9, 1.7. Ismaël, avec Adam et Noé, représente l’ensemble de l’humanité non juive. Or l’alliance avec Noé, sous le signe de l’arc-en-ciel, était une alliance avec toute l’humanité. L’alliance sélective avec Abraham qui exigeait un signe volontaire, demandait à Israël d’être le peuple saint, consciemment consacré à Dieu au milieu des nations (Exode 19,6 : “Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte”.). Faut-il opposer ch. 9, Noé, et ch. 17, Abraham, c’est-à-dire alliance universelle et alliance particulière ? Beaucoup de textes de la Bible insistent sur le particularisme du peuple de l’alliance, avec l’exclusion et l’anéantissement des nations païennes à la fin des temps. Certains commentateurs préfèrent parler d’Israël comme conscience du monde. Le fait d’utiliser les mêmes verbes pour Noé, Abraham et Ismaël, peut être reçu comme une invitation à l’universalisme. Le concile Vatican II, dans sa compréhension du rapport Eglise-Monde a voulu un rapport positif de l’un à l’autre. C’est un des lieux de fracture dans l’Eglise actuelle. Œcuménisme, dialogue inter-religieux, mondialisation, invitent aussi à unir et non à exclure : tous les peuples sont appelés à proclamer les merveilles de Dieu, chacun dans sa propre culture ou langue (cf. Pentecôte en Actes 2,8).

 

Pour aller plus loin

Abraham avait 86 ans à la naissance d’Ismaël ; 99 ans quand le Seigneur lui apparut… Un long laps de temps s’est écoulé depuis la naissance d’Ismaël, mais c’est le Seigneur qui reprend l’initiative commencée au début du ch.12. L’invitation “Marche en ma présence et sois intègre” ressemble à la parole qui ouvre le récit de Noé, Gn 6,9, expression qui qualifie aussi le patriarche Hénok, Gn 5,22 : des hommes parfaits qui ont marché devant le Seigneur. Ainsi en est-il pour Abram. L’âge d’Abram peut aussi signifier qu’il est aimé de Dieu (l’âge élevé signifierait une grande proximité avec Dieu). Ce grand âge expliquerait aussi le rire d’Abraham ch.17 et de Sara ch.18, mais pas seulement. La séquence se déroule essentiellement entre le Seigneur et Abram. Abram est passif. Est-il réceptif ? Après chacun des discours, Abraham demeure silencieux. Au v.17, c’est une parole en interne : “Il se dit en lui-même”. Suit une bénédiction pour Ismaël : “Puisse Ismaël vivre en ta présence !” ; c’est la seule parole d’Abraham en réponse à Dieu.

 

Abraham a ri, tout comme le fera Saraï au ch. 18. Le récit comporte deux fois une allusion au rire, à quelques lignes d’écart. Peut-être faut-il se demander de quelles sources disposait le dernier rédacteur du texte. Peut-être avait-il reçu de la tradition plusieurs documents. Par fidélité aux récits reçus, il ne choisit pas l’un contre l’autre, il les garde tous, à la différence de nos habitudes où nous aurions choisi le plus adapté. Retenons que l’évènement annoncé est hors norme.

 

Les changements de nom pour Abram et Saraï. Dans le deuxième récit de la Création, Gn 2, c’est Adam qui donne le nom aux animaux de la terre qui lui sont présentés. C’est une manière de signifier qu’Adam se les approprie, selon une coutume conforme aux traditions de l’Ancien Moyen-Orient. De même ici, semble-t-il, Abram et Saraï dépendent du Seigneur. Mais c’est aussi le début d’une nouvelle histoire qui commence, celle de l’Alliance. Le mot est répété de nombreuses fois, dont six fois lors de la présentation du rite de la circoncision.

Abram ou Abraham, Saraï ou Sara ne seraient que des variantes locales de prononciation. Certains ont recherché la signification des noms. Pour Abram, ce serait : le père est exalté. Le nouveau nom signifierait : Père d’une multitude. Pour Saraï, la signification passerait de ‘mes princes’ à ‘Princesse, avec suppression du possessif “ma” princesse. Désormais elle n’est plus considérée comme possession d’Abram qui n’en dispose plus comme il le veut (comme en Egypte, au ch.12 !). Ceci n’est que suppositions des différents courants interprétatifs.

 

Garder l’alliance. Si l’alliance est donnée par Dieu à Abraham, il lui est demandé en retour de “garder l’alliance”, la circoncision étant le signe de cette alliance. Garder ou observer n’est pas qu’une subtilité de langage : dans la tradition, le verbe garder caractérise habituellement la réponse d’Israël à l’alliance offerte par Dieu à son peuple. Garder plutôt qu’observer (obéir).

 

Bénédiction accordée à Sara, Isaac, Ismaël (16-21). La bénédiction jusque là accordée à Abraham est aussi accordée à Sara au v. 16, en même temps qu’elle devient féconde : “Je la bénirai et même je te donnerai un fils par elle”. Que le dernier discours du Seigneur comporte une bénédiction envers tous devrait faire réfléchir sur l’universalité du don de Dieu, même si l’alliance est réservée à Isaac et à sa descendance.

 

Conclusion du ch. 17. Le ch17 se conclut rapidement avec la circoncision de tous, Abraham, Ismaël et toute la maisonnée. La réponse d’Abraham est une réponse en acte, dans une obéissance totale. Le redoublement de la conclusion (23-25 et 26-27) confirme l’importance du geste comme adhésion totale aux paroles reçues de Dieu. “Ce même jour“ est une expression utilisée dans la Bible pour signifier un moment de passage. C’est bien de cela qu’il s’agit : de l’entrée dans l’Alliance. (Cf. Exode 12, pour la célébration de la Pâque et la sortie d’Egypte). Quelque chose de neuf commence pour Abraham et pout tout son clan.

 

Prier la Parole

Tu es notre Dieu et nous sommes ton peuple A187

https://www.youtube.com/watch?v=3E07Slf7NkE

Tu es notre Dieu, et nous sommes ton peuple

Ouvre-nous le chemin de la vie

 

1. Toi qui tiens dans ta main

La profondeur de l'homme,

Mets en nous, aujourd'hui,

Le levain du Royaume.

 

2. Tu dévoiles à nos yeux

L'océan de ta grâce.

Sois pour nous l'horizon,

Viens briser nos impasses.

 

3. Toi, le Dieu créateur,

Tu nous confies la terre.

Saurons-nous par l'Esprit

L'habiller de lumière?

 

4. En Jésus le Seigneur

Tu nous dis ta Parole.

Que l'Esprit dans nos cœurs

Démasque nos idoles.

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 3171 visites