Amos et Osée fiche 05

Osée 4-6 . Crimes et châtiments d’Israël.

Zoom 5,15- 6, 6 : Retour éphémère vers Yahvé

Rappel de la fiche précédente

Les trois premiers chapitres d’Osée évoquaient le mariage calamiteux d’Osée avec Gomer, une épouse infidèle, tournée vers les divinités païennes. Des noms symboliques sont donnés aux enfants. On peut imaginer ces trois chapitres comme un livret indépendant des prophéties développées aux chapitres suivants. Mais ces trois chapitres, parfois reçus comme “vocation d’Osée”, ont conditionné la manière de se représenter les rapports de Dieu à l’homme. Cela n’a plus rien à voir avec le principe de fautes et de punitions où les malheurs endurés seraient vus comme conséquences du non respect de la Loi.

Osée parlera de procès de Dieu contre Israël. La lecture en continu du livre d’Osée peut nous désarçonner, à juste titre. On aurait pu faire un résumé de la pensée d’Amos, d’Osée. C’eut été plus simple… Mais c’est au détour des phrases telles qu’elles nous sont transmises, que nous découvrons la pensée d’un auteur contestataire des pratiques religieuses de son temps, que nous mesurons l’insertion de ces textes dans le concret de l’existence d’une population. Ces paroles influenceront, à l’avenir, la pensée des croyants. Tout cela nous déroute mais lire en continu des textes, c’est découvrir (un peu) le terreau dans lequel va s’enraciner la foi des croyants des générations à venir, jusqu’à nous. N’avons-nous pas à découvrir le contexte de “c’est l’amour qui me plait et non les sacrifices” Os 6,6, ou encore “Le troisième jour, il nous relèvera” Os 6,2 ? Oser se représenter notre relation à Dieu selon la relation homme/femme est une trouvaille et, plus encore, une invitation à la méditation : qu’est donc ma vie avec Dieu ? Au cours des chapitres 4-6, nous découvrirons les condamnations des mêmes égarements que dénoncés par Amos. Un mot nouveau apparait : le procès.

 

Lire l’ensemble 4-6.

Considérons que ces chapitres constituent le véritable début de la prédication du prophète, le début d’un procès. Osée, tout comme Amos, est scandalisé par les dérèglements éthiques et moraux de la population d’Ephraïm. Sa conscience de Dieu, celui qui s’est donné un peuple, ne peut qu’être heurtée pas ces dérèglements, cette prostitution. La lecture de cette section nous plonge dans un monde marqué par la violence, l’injustice, etc. Après une première lecture de la section, faites l’exercice de recopier sur papier les reproches et dénonciations, exprimés aux ch. 4-5, par exemple : violence, mensonges, assasinats, ni fidélité ni amour ni connaissance de Dieu et de la loi. Ce sont essentiellement des fautes contre le prochain et un oubli de Dieu. Les maladies et catastrophes sont présentées comme punitions de Dieu. On n’oserait plus dire cela aujourd’hui : “tu as rejeté la connaissance de Dieu, je te rejetterai !” C’est parceque l’idée que l’on se fait de Dieu a évolué, (heureusement), même si certains courants de pensée voudraient nous ramener en arrière. Si Dieu nous rend le mal pour le mal que nous avons fait (cf. 4,9), ce ne serait plus le Dieu annoncé par Jésus-Christ.

 

Repérez aussi aux ch. 4-5, quels sont les personnages ou groupes responsables de ces méfaits ? Les prêtres, les prophètes, les responsables du pays, la maison du roi. Il est important de voir que Osée, s’il fustige les enfants d’Israël, les habitants, s’en prend en particulier aux élites du pays. Le peuple a suivi ses élites : “Le peuple insensé court à sa perte”. Lors des déportations à venir, en -722, ce sont les élites qui seront davantage déportées et non le petit peuple, composé surtout de paysans et de petites gens.

 

N.B. Des allusions à Juda ou David apparaissent dans ces chapitres. C’est la trace que le texte a été relu dans le Sud, après la destruction du Royaume du Nord, lors des attaques de Babylone contre Jérusalem et Juda, dans les années -597, jusqu’en -587, date de la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor.

 

Zoom 5,15- 6, 6 : Retour éphémère vers Yahvé

Sauf le respect dû à Dieu, on peut imaginer que “Dieu boude” et décide de retourner chez lui et d’abandonner ceux qu’il a pris sous sa protection. On imagine alors les habitants du pays inventer des procédures et des rites, pour ramener Dieu avec eux : “Il reviendra comme la pluie du printemps.” Mais aux yeux de Dieu tout cela n’est que belles promesses qui ne tiennent pas dans la durée, pas plus qu’une buée sur une vitre, une rosée du matin. (Rosée ou buée, cela fait penser au début de l’Ecclésiaste 1,2 : “Vanité des vanités, tout est vanité” !

Lisons ces quelques versets 5,5 à 6,6 comme un dialogue entre Dieu qui repart chez lui et des fidèles qui décident de se secouer… mais cela ne suffira pas : la fin du dialogue 6,4-7 exprime les sentiments de Dieu : “J’aime la piété et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes”. En termes modernes, cela ressemble à une fin de non-recevoir de la part de Dieu. L’expression va devenir une habitude littéraire dans la Bible pour reprocher l’hypocrisie religieuse. Déjà Amos 5,21 ; Mt 9, 13 ‘Allez donc apprendre ce que signifie : c’est la miséricorde que je désire et non le sacrifice’ ! C’est répété en Mt 12,7. Vous pouvez dire en maison d’Evangile comment cette parole peut retentir chez nous aujourd’hui. Cette parole dépasse de beaucoup la liturgie du mercredi des Cendres.

 

 

Pour aller plus loin

Le procès de Dieu contre son peuple. Déjà signalé à propos de la femme d’Osée, en 2,4 : “ Intentez procès à votre mère”, le mot procès revient plusieurs fois pour signaler le type de relations qui existe désormais entre Dieu et son peuple Israël (4,1 ; 4,4 ; 12,3). Cette expression est lourde de sens. Nous sommes encore loin de l’expression : “Je ne me souviendrai plus des péchés d’autrefois”. Cf. un cœur nouveau, un esprit nouveau, Ez 11,19 ou 18,31 ; 36,26.

 

La connaissance, ou plutôt le manque de connaissance de Dieu. La connaissance de Dieu, c’est plus qu’un savoir intellectuel, c’est le résultat d’un“vivre-avec”, d’un compagnonnage. Le reproche, le procès commence parce que le peuple d’Israël a oublié ce qui s’était passé au sortir de l’Egypte, quand Dieu a délivré son peuple et l’a conduit au désert, quand il lui donne la Loi (les tables de Moïse). Au temps d’Osée, cette loi était connue et rappelée dans les différents sanctuaires où avait séjourné l’Arche d’alliance. Bientôt cette loi sera réécrite et connue sous le nom de Deutéronome. C’était en Juda, avant la mort de Josias en -609. Osée parle peu de la justice sociale et des pauvres, tant il est affecté par les faux cultes qu’il appelle débauche ou prostitution.

 

Il consulte son bois. Expression qui fait allusion aux pratiques divinatoires, c’est-à-dire qu’ils font appel à des divinités pour savoir comment se conduire : prostitution avec d’autres dieux. Israël, génisse indomptable ; allusions aux dieux païens que fréquente Israël. Les fouilles archéologiques ont révélé que le pays avait repris les cultes cananéens (civilisations antérieures). Pour Osée, les faux-cultes commencent quand Israël entre en Canaan abandonnant ses traditions et adoptant les habitudes du pays, alors que le temps au désert était considéré comme le temps de l’innocence.

 

Ephraïm et Israël. Ephraïm est une des tribus d’Israël, celle qui englobe Silo, Samarie, Bethel etc, au Nord de Juda. Osée comme Amos désigne parfois Ephraïm pour désigner le tout : Israël, c’est-à-dire l’ensemble des 10 tribus du Nord, tandis que Juda représente le territoire qui entoure Jérusalem. Selon la tradition biblique, sous Josué, le pays aurait été réparti entre les 12 tribus. C’est sans doute plus compliqué !

 

Le troisième jour 6,6 : “Il nous rendra la vie dans deux jours ; le troisième jour, il nous relèvera”. La locution numérique après deux jours... au troisième... ne signifie pas autre chose que "sous peu de temps", et non un jour et deux jours et le troisième, c'est gagné ! Osée s’exprime pour dire que cela ne durera pas longtemps, que c’est un mauvais moment à passer. Cette formule passera dans la tradition pour redonner espérance. Matthieu 12, 40-41 fait ainsi référence au livre de Jonas 2,1.

On retrouve l’expression trois jours pour Jonas dans la  baleine, puis pour Jésus au tombeau : "Tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'Homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits". La citation est retenue comme pré-annonce de la résurection, mais c’est une interprétation tardive faite par les premiers chrétiens sans vouloir forcer le texte d’Osée à annoncer la résurrection.

 

Bornes 5,10 : ceux qui déplacent les bornes, c’est-à-dire qu’ils modifient le territoire. Il ne s’agit pas de délimiter un champ mais bien plutôt du rôle qu’exerce l’Assyrie quand elle déplace les frontières d’un pays.

 

Veau. Chaque fois que le mot veau apparait, il faut penser à le remplacer par “statue de Baal” (voir fiche 4)

 

Assur, Assyrie, Ninive.

Ce sont différents mots qui définissent le territoire de Tiglat-Pilézer III ou d’Assourbanipal, la puissance dominante, au 8ème siècle, celle qui finira par dominer le Royaume du Nord et détruira les villes

 

6,11 dernier verset du chapitre. “A toi aussi, Juda, une moisson est préparée…”. Ce verset est considéré comme une addition tardive qui évoque le retour d’Exil de Juda. Cette addition est une trace supplémentaire qui confirme que le livre d’Osée est constitué de pièces et de morceaux accolés au cours des siècles. Le texte d’origine a supporté de multiples additions, car c’est un texte vivant, évolutif, qui a permis à plusieurs générations d’entretenir sa foi et son espérance en Dieu malgré les obstacles et les catastrophes qui ont accompagné cette histoire.

 

 

Prier la parole.

Pardonner de tout son cœur

 

Seigneur, nous sommes tous, devant toi,

Des débiteurs insolvables !

Puisque tu nous as pardonnés gratuitement,

Fais-nous la grâce de pouvoir pardonner pleinement

De tout notre cœur.

 

Seigneur,

Accorde-moi la grâce d’être un artisan

De ta réconciliation,

La grâce d’être habité par ta miséricorde

Et ton pardon,

La grâce de faire le premier pas

Quand n’importe lequel de mes frères

A quelque chose contre moi.

 

Quand je regrette la division entre frères séparés,

Donne-moi de les rencontrer et de les écouter.

Quand je me plains de tant de durcissements,

Donne-moi de jeter des ponts entre groupes différents…

 

Quand je me révolte

Face aux tortures des régimes totalitaires,

Donne-moi de m’engager

Dans un organisme humanitaire.

 

Quand je suis bouleversé par tant d’hommes affamés,

Donne-moi de risquer

De nouvelles manières de vivre en société.

 

Alors, Seigneur, tu feras de ma vie,

Une étincelle de ton pardon

Qui propage le grand feu

Du mystère de la réconciliation universelle.

Michel Hubaut. Prier les paraboles.

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 1545 visites