Amos et Osée fiche 06

Ch 7-11. Distances entre le Seigneur et Israël ;

Zoom 8,4-14

Pour relier les deux sections 5 et 6.

On aurait pu appeler cette sections 6 : “Lamentation de Yahvé sur Israël”, car le ton est très différent des ch. 4-6. La précédente section a développé les accusations contre les péchés des élites, mais aussi ceux du peuple. Dieu agit comme un suzerain de l’époque envers des vassaux infidèles : il va punir celui qui a trahi. Pourtant autre chose est en train d’émerger au sujet de l’idée qu’on peut se faire de Dieu. L’expérience de l’amour entre Osée et son épouse Gomer, décrite au début du livre, a donné l’intuition de penser Dieu autrement : cette rupture ne durera pas toujours. La conversion et le retour vers Dieu ne sont pas choses inimaginables, même si Dieu doute de la sincérité des sentiments exprimés au début du ch.6. Ce doute est réexprimé au début des chapitres 7-11. Mais Dieu ne cédera pas à la tentation de tout détruire. Dieu va se reprendre : Je suis Dieu et non pas un homme.

 

Lecture d’ensemble.

La section est très longue. Ce qui domine, aux ch. 7-9, c’est l’accumulation des infidélités d’Ephraïm : “Ils ont le cœur partagé”, “Aucun ne m’invoque”, se desespère le Seigneur ; “Israël a oublié son auteur (son créateur)”. Entre Egypte et Assyrie, Israël ne sait vers qui se tourner pour créer des alliances. Ce sont les deux super-puissances du moment. Pactiser avec l’une comme avec l’autre, c’est accepter les divinités tutélaires de chacune. Et se mettre sous leur dépendance, c’est oublier Yahvé. En 7,13 Yahvé affirme : “Ils me fuient”. En 8,14 : “Israël a oublié celui qui l’a fait”.

 

Le ch.8 est une accumulation de condamnations : “Ils ont fait des rois sans mon aveu (accord)” : cela fait allusion aux coups d’état successifs et non au principe même de la royauté qui avait été constestée lors de sa création avec Saül, cf.1 Samuel 8. “Ils se font des amants”, v.9, fait allusion aux tractations pour des alliances et au paiement de tributs pour d’autres nations. Ce chapitre fait aussi allusion à une prochaine déportation : retour en Egypte, ou soumission au roi des rois d‘Assyrie.

Le ch.9 évoque encore les tergiversations et les pièges. Yahvé semble déçu d’avoir voulu les rejoindre. En conclusion du ch. 10, Osée affirme : “Mon Dieu les rejettera parce qu’ils ne l’ont pas écouté, et ils seront errants parmi les nations”. Viennent alors les deux chapitres 10 et 11 qui ressemblent à des regrets, regrets de n’avoir pas suivi Yahvé, regrets d’être bientôt déportés par la puissance montante, l’Assyrie.

Ces regrets sont formulés en termes d’amour déçu… Cette présentation témoigne d’un changement de regard, conséquence de l’expérience du mariage d’Osée et Gomer (ch. 1-3), d’où la conclusion : “Je n’agirai pas selon mon ardente colère”… “et je les ferai habiter dans leurs maisons”. Mais Ephraïm s’est-il converti ? Il semble que non. Cela sera exprimé au début de la section suivante. Il est très important pour nous de mesurer la lente évolution concernant la manière de parler de Dieu.

 

Lire ces chapitres est une invitation à regarder en arrière de nous pour découvrir quelle fut la force des prédicateurs-prophètes, quand ils devaient affonter un peuple très religieux en surface, mais hostile à toute remise en cause intérieure. N’avons-nous pas vécu de pareilles sensations quand le pape François insiste davantage sur les questions sociales et sur l’avenir de la maison commune (Evangelii Gaudium ou Laudato si !) ? Sommes-nous prêts à être traités d’ânes sauvages comme au temps d’Osée ?

 

Prophètes et cultes. Toutes les religions ont élaboré des cultes et des liturgies pour apaiser les divinités. Israël n’y a pas échappé. Cela n’a pas empêché les prophètes, depuis Amos en passant par Isaïe (Is 1, 10-16 ; 29, 13-14) et Jérémie, de critiquer violemment les limites des liturgies juives : où est le vrai culte ? Où est le vrai jeûne ? Jésus lui-même se désolidarisera du culte du Temple en chassant les vendeurs, Jean 2, 14-16,

 en annonçant qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre. Comme en témoignent les Actes, Pierre, Jacques et Jean continuèrent à fréquenter le Temple. Mais au fur et à mesure de l’extension du christianisme, les premiers chrétiens prirent l’habitude de se rassembler pour faire mémoire du repas du Seigneur. Ces rassemblements privés n’étaient sans doute pas encore assimilés à un culte structuré. Osée fera un jeu de mot pour se moquer du sanctuaire de Beth-El, en le renommant en Beth-Aven, c’est-à-dire maison d’iniquité et non maison de Dieu. Osée parle des veaux de Bethel pour évoquer les célébrations cultuelles avec veaux d’or, dans ce haut-lieu de l’histoire d’Israël fondé par Jacob.

 

Zoom 8,4-14 : anarchie politique et idolatrie

C’est ici l’expression d’un rejet d’Ephraïm par Dieu. Cela ressemble à un monologue de Dieu contre ce peuple. Dans ces quelques lignes, soulignez (ou recopiez) l’accumulation des motifs de reproches : ils sont politiques ou religieux. On n’y trouve guère trace de reproches en éthique sociale, comme chez Amos.

Le reproche fait à la statue de n’être qu’une création humaine : “Ils on fait des idoles” est l’une des premières attaques prophétiques contre les idoles dans la Bible. Fréquente en Isaïe, cette formulation est condensée dans le décalogue : “Tu ne te feras pas d’images sculptées” Ex.20,4. Dans le Nouveau Testament, on trouvera aussi ce reproche de Jésus contre un pharisien, à propos de l’effigie de la pièce de monnaie (Marc 12, 16) ; ou encore par Etienne à propos du Temple, Actes 7, 48 “car il est fait de main d’homme” ; ou quand St Paul précise que le Corps du Christ n’est pas fait de main d’homme, 2 Co, 5,1.

Aujourd’hui, quels sont les dieux que nous nous fabriquons, les idoles après lesquelles nous courons ? Serait à lire la catéchèse du pape François en août 2018, “Quelle est mon idole ?” et “Reconnaître ses idoles est le début de la grâce !”

Autre manière pour Dieu et le prophète d’exprimer un reproche :“Que j’écrive toutes les ordonnances de ma loi, elles sont regardées comme quelque chose d’étranger”. En langage moderne on écrirait : “A quoi ça sert que je me décarcasse ?”

 

Amos et Osée, langages semblables. Il n’est pas inutile de rapprocher Osée 8,13 :“Ils immolent des victimes, mais le Seigneur n’y prend point plaisir”, d’Amos 5, 22 ; “Quand vous me présentez des holocaustes, je n’y prends pas plaisir”. Osée devait connaître le contenu de la prédication d’Amos et son rejet des cultes. Ce qui choque l’un et l’autre c’est la religiosité de leurs contemporains, une religiosité extérieure. Amos et Osée préparent ce que diront plus tard d’autres prophètes comme Jérémie : “Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur” Jr 31, 33.

 

 

Pour aller plus loin

 

Annonce de la déportation : en 8,10, nous pouvons lire : “Je vais les rassembler, et bientôt ils souffriront sous le fardeau du roi des princes”. La phrase avait du sens au moment où l’Assyrie s’apprétait à envahir la région et à en déporter les élites, mais pour nous, ce n’est pas immédiatement compréhensible. Le rassemblement, c’est le départ des prisonniers vers Ninive, la conquérante. Le roi des princes, c’est le roi de Ninive, qui domine alors l’ensemble du Proche-Orient. Bientôt ce sera Babylone.

 

Israël était une vigne féconde… Le début du ch.10 fait penser à Isaïe 5, ou 27. L’image qui devient poème est sans doute de la même époque, car le premier Isaïe a commencé sa prédication à la même époque, vers -735. Osée, comme Isaïe, annonce la destruction du pays, représenté comme une vigne. Le thème de la vigne choyée puis rejetée sera repris par Jérémie (2,21 ; 5,10 etc.), par Ezéchiel 15,17 ; Jésus reprend l’image de la vigne dans la parabole des vignerons homicides en Mt 21. C’est aussi le sort que subira le figuier stérile, Marc 11,12-25.

Les veaux de Bet-Aven (autrement dit : les statues du dieu de Bethel), c’est probablement l’expression d’une moquerie de la part d’Osée envers les foules qui se pressent au sanctuaire de Béthel, au moment même où elles abandonnent le Dieu qui les a fait exister. La ville de Gibéa, à proximité, est l’occasion de rappeler les débuts de la royauté, contre l’avis du prophète Samuel (1S, 15,8) . Aux yeux d’Osée, il y a continuité entre le crime d’avoir créé un roi à Guibéa en dépit du non-consentement de Yahvé, et les crimes commis à Béthel où l’on ignore et bafoue Yahvé.

La honte. “Ils diront aux montagnes : couvrez-nous ; aux collines : tombez sur nous”. Devant l’ampleur de la catastrophe (qui surviendra en -722 ou -721), toute raison de vivre a été ôtée. Cette phrase sera citée par Luc quand Jésus s’adresse aux filles de Jérusalem sur le chemin du Calvaire (Luc 23, 26-30).

 

Les ch.10 et 11 évoquent le désarroi du prophète et de Dieu devant l’attitude coupable du peuple. Pourtant il est écrit qu’il est encore temps de chercher le Seigneur. Cette fin de section est à comprendre comme l’expression d’un amour déçu mais qui ne renonce pas, come un amour maternel : “Ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux !”11,3. Des traces d’espérance viennent conclure la section. C’est l’espérance de Yahvé. Il ne détruira pas l’objet de son amour : “car je suis Dieu et non point homme”. Cette partie du texte est sans doute tardive et fait partie des pièces rapportées, postérieures aux discours du prophète. Aujourd’hui, cela fait partie d’un ensemble, que nous lisons comme tel, qui a été reçu par la tradition juive puis chrétienne. Des phrases comme celles-là vont soutenir l’espérance d’un peuple tout au long des vicissitudes de son histoire.

 

11,1 : j’appelai mon fils hors d’Egypte. Matthieu utilisera cette phrase pour justifier la migration de Jésus enfant en Egypte (Mt 2, 13-14). Il y a de très fortes chances pour que Jésus ne soit jamais allé en Egypte. L’évangéliste met en récit une idée théologique. Pour lui, Jésus incarne le nouveau peuple de Dieu ; il doit donc avoir séjourné dans le pays symbole de l’élection du peuple élu.

 

Dieu père et mère ? L’expression “J’appelai mon fils hors d’Egypte” ne nous étonne pas, nous y sommes habitués. Mais en mettant côte à côte tous les mots du livre d’Osée relevant du registre de l’amour maternel, en particulier en 11, 1-11, laissons-nous étonners : aimer, appeler, apprendre à marcher, prendre soin, mener avec des liens d’amour, soulever jusqu’à sa joue, tendre de quoi se nourrir (c’est-à-dire allaiter) : nous avons ici tous les gestes d’une mère, ce n’est pas habituel.

 

Adma et Tséboïm : ce sont deux villes du nord-est d’Israël, en Transjordanie. Ces villes sont associées à Sodome et Gomorrhe pour évoquer une destruction totale et définitive.

 

Prier la parole

Psaume 129

 

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,

Ecoute mon appel !

Que ton oreille se fasse attentive,

Au cri de ma prière.

 

Si tu retiens les fautes, Seigneur,

Qui donc subsistera ?

Mais près de toi se trouve le pardon,

Je te crains et j’espère.

 

Mon âme attend le Seigneur,

Je suis sûr de sa parole ;

Mon âme attend plus sûrement le Seigneur

Qu’un veilleur n’attend l’aurore.

 

Car près du Seigneur est la grâce

L’abondance du rachat.

C’est lui qui rachètera Israël

De toutes ses fautes.

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 1159 visites