Fiche Abraham 08

Mort de Sara. Mariage d’Isaac et Rébecca. Mort d’Abraham

Genèse ch.23 à 25, 18.

Mort de Sara. Mariage d’Isaac et Rébecca. Mort d’Abraham

Zoom : 24, 42-56. Eliezer raconte sa rencontre avec Rébecca

 

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On peut dire qu’avec le ch.22 l’histoire d’Abraham est terminée, que le message qu’a voulu transmettre l’auteur (les auteurs) est terminé. Les fiches ont essayé de présenter une des lectures possibles telles que le font des exégètes. Nous avons évoqué comment ces récits sont devenus nourriture pour les Juifs confrontés aux aléas de l’histoire au Moyen-Orient. C’est à partir des 6-5èmes siècles que des récits sur Abraham apparaissent dans les écritures (dans la Bible et hors de la Bible). Plus tard, à ceux qui s’estiment trop vite fils d’Abraham, Jésus répliquera qu’il n’est pas difficile à Dieu de faire des fils à Abraham à partir des pierres du rivage, signe qu’il y avait alors de la polémique (Mt 3, 9). Saint Paul interprétera la saga d’Abraham de façon à clouer le bec aux chrétiens à l’esprit étroit : “Abraham eut foi et cela lui fut considéré comme justice”, Galates 3,6, Romains 4,3. Au temps de Luther, les commentaires de la lettre aux Romains ont entretenu des obstacles. A partir de cette époque, côté catholique, la plupart des textes de l’Ancien Testament furent moins commentés ; ils sont très peu présents dans la liturgie élaborée au concile de Trente. Il faut attendre Vatican II pour voir leur retour. Il ne faut pas oublier les recherches plus ou moins conflictuelles au début du XXème siècle (le père Lagrange et l’école biblique de Jérusalem ; l’œcuménisme et la liturgie ; Pie XII), qui ont œuvré au renouvellement de la lecture de toute la Bible, où le Nouveau Testament est éclairé par la lecture de l’Ancien Testament.

 

Lecture d’ensemble.

La rédaction des trois chapitres que nous survolons est probablement tardive. On pourrait se passer de ces trois chapitres, (mort et enterrement de Sara à Hébron, recherche d’une épouse pour Isaac, ensevelissement d’Abraham par ses deux fils). Mais on y perdrait la lecture du très beau roman de fiançailles, au ch.24. On négligerait aussi l’histoire des tombeaux de Sara et d’Abraham à Hébron, lieu sacré de nos jours encore. Enfin on ne pourrait pas mesurer combien ce ch. 24 est empli de références à l’ensemble de l’itinéraire d’Abraham (Voir encadré).

 

Ch.23. A la fin du chapitre précédent, le rédacteur nous a renvoyés à la généalogie d’Abraham, (Gn 22,20, Milka), signe d’une volonté de faire du lien dans cette longue histoire qui commence avec la création du monde. Voici que Sara meurt, et Abraham doit acheter un bout de terrain pour l’ensevelir : c’est donc qu’il n’a encore rien reçu, contrairement à la promesse. Lors du non-sacrifice d’Isaac, certains ont pu méditer sur la totale dépossession d’Abraham, tout comme le peuple élu déporté en exil : sans terre, sans temple, sans roi. Au sein des procédures de marchandage, on retiendra surtout le souhait pour Abraham d’être propriétaire d’un lieu où enterrer son épouse. Est-ce le début de la réalisation de la promesse concernant la terre ? Ce lieu est celui où Abraham s’est installé après la séparation de Lot, le lieu où il reçut les trois visiteurs.

 

Ch.24 : Une génération s’en va, une autre vient ! Abraham s’inquiète de l’avenir pour son fils. Le récit a probablement été rédigé à l’époque perse (-400), après le retour en Israël. C’est le plus long récit de la saga, signe de son importance. Le retour au clan d’origine peut évoquer le souhait, pour la descendance d’Abraham, de ne pas être désagrégée au milieu des nations ? On peut aussi lire ce chapitre comme un beau roman d’amour ? A condition de décoder les traces laissées par le rédacteur. Mariage à l’intérieur du clan. Accompagnement et bénédictions de Dieu. Cette rencontre au bord d’un puits a inspiré St Jean pour évoquer la rencontre de Jésus et de la Samaritaine !

L’ensevelissement de Sara, dans une propriété acquise, et la recherche d’une épouse évoquent la volonté d’Abraham de garder ses distances avec les Cananéens. Il peut dire que cela vient de Dieu, mais on peut aussi supposer qu’au moment de la rédaction du récit, il y avait une certaine réticence à se marier avec les gens du pays, et donc une volonté de demeurer des séparés au milieu des nations.

Le récit est divisé en quatre parties :

  • Abraham envoie son serviteur Eliezer (24, 1-9). Eliezer exprime des doutes ; Abraham exprime une confiance absolue : “Le Seigneur enverra son Ange devant toi” Gn 24,7.
  • Comment Eliezer trouve Rébecca (24, 10-27), “sous le regard de Dieu”. Eliezer est le premier homme dans la Bible qui prie Dieu pour recevoir la Lumière à un moment critique. La prière de bénédiction  (24, 27) confirme la certitude que Rébecca est la femme qui correspond au plan de Dieu : “Oui, le Seigneur a fait que ma route aboutisse”.
  • Les étapes pour obtenir la main de Rébecca  (24, 28-61). De nouveaux acteurs apparaissent, Laban le frère, Bétuel le père et la mère. Noter qu’on demande son avis à Rébecca.
  • Le retour et la rencontre Isaac-Rébecca (24, 62-67). Pas de temps de probation, pas de rites préalables ! “Il la prit et elle devint sa femme et il l’aima.” Il faut évoquer la fin du ch. 2 de la Genèse : “L’homme quitte son père et sa mère, il s’attache à sa femme et ils deviennent une seule chair”.

 

Le ch. 25 peut être lu comme une conclusion banale de la saga : le décès d’Abraham et son ensevelissement par ses deux fils. Notre désir est de connaître la suite, déjà engagée avec Rébecca : Isaac et Jacob, puis Moïse et la sortie d’Egypte, enfin l’alliance au Sinaï. Le livre de l’Exode commencera en rappelant que la descendance promise est devenue une multitude (Ex. 1, 7).

 

Zoom : 24, 42-56 Mariage par l’entremise d’Eliezer.

Le zoom reprend la partie du récit où le serviteur redit aux parents son itinéraire à la demande d’Abraham. Cette reprise a commencé en 24, 34. On peut imaginer qu’Eliezer organise sa présentation de façon à obtenir l’assentiment de la famille de Rébecca. Eliezer décrit d’abord qui est son maître, comblé de bénédictions par Dieu ; puis Sara son épouse. Il raconte sa mission de trouver une femme pour le fils de son maître. Ses pérégrinations inspirées par Dieu l’ont mené à la source où il a rencontré Rébecca. Elle lui donne à boire ainsi qu’à ses chameaux. Il a alors rendu grâce au Dieu de son maître, qui l’a mis sur le bon chemin. La mission présentée ainsi, Laban et Bétuel ne peuvent que répondre : “Cette affaire vient du Seigneur, nous n’avons rien à ajouter”.

Dans ce bout de récit, on remarquera que beaucoup de personnages sont présents, comme si l’on avait voulu condenser la saga en quelques lignes.

 

Pour aller plus loin :

Dieu du ciel et de la terre v. 7 Le Dieu qui est en relation avec Abraham, qui le bénit, n’est pas le dieu d’une ville ou d’un pays, ni même le dieu attaché à un roi. C’est celui de la Genèse, qui a fait le ciel et la terre, Gn 1. En même temps il est celui qui a choisi, qui parle, qui appelle, qui bénit. Il faudrait comparer ce Dieu avec d’autres civilisations et religions pour voir la différence d’avec Yahvé.

 

Elle répondit oui v. 58. La traduction peut nous suffire. L’original hébreu est : “J’y vais”, reprenant le même verbe utilisé pour Abraham au ch. 12 : “Va, quitte ton pays, ta parenté”. Cette ressemblance n’est pas innocente. Elle signifie que, déjà, Rébecca prend le même chemin de rupture que celui d’Abraham et celui de sa descendance.

 

La porte de la ville. C’est le lieu habituel où se gèrent les affaires, où se tient le conseil des anciens, lieu de gouvernance de la ville.

 

Les répétitions. La manière dont est construit le récit amène de nombreuses répétitions. Cela amplifie l’affirmation des bénédictions pour Abraham. De même la prière pour que le chemin d’Eliezer aboutisse.

 

“Qu’y a-t-il entre toi et moi ?” 23, 15. C’est une expression hébraïque pour signifier qu’il n’y a rien de commun entre deux personnes ; expression qu’on retrouve dans le récit où Jésus rencontre sa mère à Cana.

 

Exercice à faire : vérifier les rapprochements entre le ch. 24 et le reste de la saga à l’aide du tableau ci-dessous. Le récit du mariage d’Isaac et Rébecca évoque de nombreux éléments qui constituent l’ossature de l’histoire d’Abraham.

 

 Objet

Genèse 24

11, 29

Nahor et Milka

v. 15

12, 1-3

Yahvé m’a pris

7 et 35

12, 4

Le pays d’où tu (Abraham) es sorti

5

12, 4

Et il s’en alla

59 et 61

12, 7

A ta descendance je donnerai ce pays

7

12, 14

Femme très belle (Sara, Rébecca)

16

13, 2

Abraham possède bétail, argent et or

35 et 53

14, 19.22

Titre de Yahvé avec “cieux et terre”

3

15, 18

A ta descendance je donnerai ce pays

7

16, 13-14

Puits de Lahaï Roï

62

17, 1

Abraham “ va et vient devant Yahvé”

40

18, 1-8 et 19, 1-3

Accueil d’étrangers, hospitalité

18-20 ; 29-33. 54

20, 1

Installation au Néguev (Abraham, Isaac)

62

21,1-7

Sara enfante Isaac (17, 17-21 ; 18,9-15)

36

22, 17b

Descendance victorieuse

60b

22, 20-23

Ascendance de Rébecca

15. 24.47

 

 

Conclusion. Après la scène du sacrifice d’Isaac, la fin de la saga d’Abraham se déroule paisiblement. A la mort de Sara, il y a l’achat d’un premier bout de terrain en Canaan. Puis Abraham s’occupe de l’avenir avec la recherche d’une épouse pour son fils Isaac. Le ch. 25 décrit la mort et l’ensevelissement d’Abraham par ses deux fils, Isaac et Ismaël.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette longue histoire ? Deux personnages émergent de l’ensemble de la saga : Yahvé et Abraham ; Yahvé accompagne de près Abraham : il suffit de relire les quatorze chapitres, pour découvrir les indices qu’ils ne peuvent être l’un sans l’autre. Yahvé donne des ordres à Abraham et Abraham s’y conforme. S’il y a des éloignements ou égarements, Dieu va y remédier (quelquefois à l’insu d’Abraham). On a aussi le sentiment qu’Abraham et Dieu sont partenaires (cf. la supplication pour Sodome). La relation de l’un à l’autre est aussi une bénédiction pour Abraham et pour tous les clans de la terre. Cette histoire actualise la promesse et la bénédiction faites à l’homme et la femme au premier chapitre de la Genèse. Enfin, cette saga n’est pas à lire comme l’histoire personnelle de ‘Mr Abraham et Mme Sara’, mais comme une manière de comprendre la relation de Yahvé au peuple d’Israël au fil des siècles, y compris dans les périodes les plus douloureuses ; Dieu ne l’abandonne pas et maintient sa bénédiction envers lui et sa descendance. Cette confiance est exprimée dans la parole à Eliezer : “Le Seigneur enverra son Ange et fera réussir ton voyage”, expression répétée.

En relisant la saga d’Abraham, nous en revenons aux origines lointaines de notre foi : Abraham le père des croyants. Croyons-nous que Dieu nous accompagne et qu’il maintient pour nous aussi sa bénédiction ? A chacun de répondre.

 

 

Prier la Parole

 

Prière à Abraham

Père Abraham, pourquoi as-tu tout quitté ?

Pourquoi es-tu parti, dans ta vieillesse, vers cette terre étrangère ?

Pourquoi répondre à ce Dieu inconnu qui t’appelait ?

En quoi cette promesse est-elle différente des promesses qui nous sont faites aujourd’hui ?

 

Tu sais, encore aujourd’hui,

on nous promet sur tous nos écrans bonheur familial, propriété d’une terre.

Rien de nouveau en somme.

Et bien souvent, nous sommes déçus, car la vie emporte tout :

les familles se déchirent, les difficultés économiques se font plus grandes

et l’amertume d’avoir été trompés vient hanter nos cœurs.

 

Pourquoi as-tu obéi ?

Comment as-tu pu savoir que cette route inconnue était la bonne ?

Père Abraham, d’où t’est venue cette foi, cette espérance,

cette vision obscure de tous ces biens à venir ?

Dis-moi…

 

Serait-ce parce que tu as compris, au plus secret de ton âme,

que Dieu a fait toutes choses et que ce monde est soutenu par Dieu et promis à la vie ?

Serait-ce parce que tu as reçu ce don gratuit de la foi,

de la part de Dieu, pour guider ta vie et te conduire jusqu’à la terre promise ?

 

Père Abraham, fais grandir ma foi.

Éclaire-moi dans cette nuit où je cherche ma route,

aide-moi à marcher vers la terre promise que Dieu promet à chacun de nous.

Je suis prêt à être étranger dans ce nouveau monde que Dieu me donne,

je sais les difficultés qui m’attendent, mais je vois aussi,

au-delà des épreuves que Dieu me promet,

une multitude de frères et de sœurs qui sont héritiers de la même promesse.

 

Frère Olivier Catel. Couvent de Jérusalem

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 1798 visites