Amos et Osée; Jonas. fiche 8

Amos-Osée

Fiche 8 : Jonas ou l’invitation à la miséricorde

 

jonas-refus de répondre à la mission jonas-refus de répondre à la mission  Le livre de Jonas est l’un des plus courts de toute la Bible : quatre chapitres. Son nom nous fait penser à la baleine où fut englouti Jonas, mais ce serait oublier qu’à la fin du livre, un autre animal, un petit ver minuscule provoquera encore Jonas et amènera l’interrogation finale de Dieu et de sa miséricorde envers tout homme. Mais personne n’a encore écrit l’histoire de la baleine et du ver phagocyte !

 

Il y eut un prophète du nom de Jonas, antérieur à Amos, à l’époque de Jéroboam II, au 8ème siècle, sans doute disciple d’Elie-Elisée (2 Rois 14, 25). Il défendait une attitude nationaliste et non universaliste. Le nom de Jonas signifiait ‘la colombe’, réputée naïve et sans cervelle. C’est une manière de faire allusion au prophète “nationaliste” du temps de Jéroboam II. Mais le livre de Jonas, rédigé au 4ème siècle n’a rien à voir avec celui du 8ème siècle. On ne peut même pas parler, pour ce livret, d’oracles de prophète, mais plutôt de conte religieux.

 

De fait, le livre de Jonas est un conte théologico-religieux rédigé par des sages, après l’Exil, trop choqués par l‘attitude du courant judaïque après l’époque d’Esdras et Néhémie, qui se refermait sur sa supériorité d’être le peuple de l’Alliance que Dieu avait mis à part. Ce courant de pensée judaïque avait une telle répulsion envers les autres peuples, en particulier envers ceux qui avaient opprimé Israël, qu’ils ne pouvaient pas imaginer que Dieu puisse leur adresser la Parole et leur offrir sa miséricorde : ils faisaient partie des pires ennemis d’Israël et ce, pour toujours ! Les préoccupations de l’époque sont de resserrer les liens entre eux, de restaurer le temple et la nation, tout en refusant les mariages avec des étrangers.

 

Aussi des sages vont-ils rédiger un conte, où seront raillées ces attitudes conservatrices. Leur héros, Jonas, apparait même comme moins religieux que les marins, moins religieux que les habitants de Ninive ! Les péripéties de Jonas l’amènent à découvrir quelle peut être la pensée de Dieu à l’égard des païens, ces lointains de la terre.

 

Le Nouveau Testament fait plusieurs fois référence à Jonas. On peut découvrir chez Matthieu le visage des étrangers de Mésopotamie, mages qui suivront l’étoile jusqu’à Jésus. Ainsi trouve-t-on chez Matthieu 12, 39 l’affirmation : “Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se sont repentis à la proclamation de Jonas”. L’histoire de Jonas est encore évoquée comme signe contre les Juifs à propos de la mort-résurrection de Jésus (Mt 16,4 ; Luc 11, 29-32).

 

Il y a sans doute de la raillerie contre l’attitude de Jonas car, si le prophète est celui qui a pour certitude que Dieu veut le salut de tous (universalité du salut) et que la parole de Dieu est efficace, cela ne semble pas être le cas de Jonas au début du livre, puisqu’il ne donne pas suite à l’appel reçu.

Lecture d’ensemble.

Le livre commence, comme tout livre prophétique, par un appel et un envoi en mission : lève-toi et va à Ninive. Habituellement la mission est de porter la Parole de Dieu, auprès de son peuple juif devenu sourd d’oreille et peu sensible à suivre les voies du Seigneur.

 

Pour une première lecture du ch.1, comparez l’attitude des personnages les uns par rapport aux autres : les marins, Jonas, Dieu, les Ninivites. Par exemple, les marins prient, agissent, s’interrogent. Jonas dort. Il faudra faire la même chose au ch.3, pour porter attention aux personnages et éviter d’aller trop vite dans notre lecture.

 

Jonas choisit de partir loin du lieu de sa mission. Il descend vers Joppé et là il trouve des marins en partance pour Tarsis. (Certains pensent que Tarsis est sur les côtes de l’Afrique, la plupart cependant voient Tarsis sur les côtes de l’Espagne, aux limites du monde connu (les piliers d’Hercule, ou Gibraltar), d’où l’on importait des matériaux de fonderie, comme l’argent, le fer, l’étain ou le plomb). Jonas s’installe au fond du bateau et s’endort. Une image accompagne Jonas, celle d’une descente jusqu’au fond de la mer !

 

Le récit peut se diviser en trois parties : 1) le prophète s’éloigne de la mission confiée ; 2) le prophète devant les Ninivites ; 3) le face-à-face avec Dieu (ch. 4). Le livre de Jonas est une histoire inventée, une sorte de conte religieux, à visée pédagogique.

 

Ninive est une ville réputée cruelle, en pleine ascension au 8ème siècle. Elle est détruite en -612-611, au moment de l’ascension de Babylone ; elle n’existe plus au moment où ce récit est créé. Les lecteurs du livret de Jonas, au 4ème siècle, connaissent cette histoire. La ville est grande, immense : 500 ha, contre 20 ha pour Jérusalem. 120.000 habitants contre 20.000 pour Jérusalem. Les chiffres qui décrivent la ville peuvent être symboliques et signifier la portée universelle de la révélation et de la miséricorde de Dieu. Tarsis est une ville à l’ouest de la Méditerranée, une destination opposée à Ninive situé au Nord-est.

 

Chapitre 1. Le visage de Dieu apparait peu à peu, dans le développement du conte. C’est d’abord Dieu qui désire s’adresser aux païens, même aux pires des païens, ceux qui ont, autrefois, persécuté Israël. Comme toujours, Dieu confie la mission à un serviteur, un prophète. Ce serviteur reste libre devant l’appel qui lui est fait. Nous connaissons l’attitude de bien des prophètes qui ont répondu oui, comme Samuel, ou Isaïe, ou Jérémie… Bien d’autres réponses parcourent les Ecritures : Zacharie, Marie et, bientôt, les disciples au bord du Jourdain. On pourrait aussi penser à Ignace de Loyola, à François d’Assise, etc. Comme beaucoup de prophètes, Jonas doit dénoncer le mal au cœur des gens et annoncer le châtiment. Il n’ose pas parler aux hommes. Il choisit de fuir à l’opposé de sa mission.

 

Le chapitre 2. C’est une prière, un psaume. Il peut faire penser à d’autres psaumes de supplication et de confiance, comme les psaumes 18, 120 ou 130. Après l’invocation du nom de Dieu, succède l’exposé de la situation, suivi de la supplication, et enfin la certitude d’être exaucé.

 

Au chapitre 3, Jonas prend la bonne direction. A son appel, les habitants croient en Dieu et font pénitence, du plus petit au plus grand. Dieu est présenté comme celui qui pardonne au peuple repenti, ce qui n’est pas du goût du prophète qui avait annoncé un châtiment. Mais Dieu aussi s’est repenti (3, 10). Jonas se fâche de constater que l’amour de Dieu l’emporte sur sa décision de punir. Jésus rencontrera la même incompréhension chez ses contemporains pour son accueil des pécheurs et des païens. A la même époque que Jonas, les livres de Ruth et de Job sont écrits dans la même perspective de décrire un visage de Dieu qui soit un visage d’ouverture et d’amour. Ruth est présentée comme une étrangère, mariée à un Juif puis, remariée à Booz ; elle deviendra l’arrière-grand-mère de David.

 

Zoom, ch 4, 1-11. La leçon de Dieu envers le prophète

jonas-accepte la mission d'aller chez des païens jonas-accepte la mission d'aller chez des païens  Le dernier chapitre est un dialogue entre Dieu et Jonas, où se révèle, sous forme interrogative, le vrai visage de Dieu. La compassion de Dieu pour Ninive y est exprimée, pas celle de Jonas : “Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive ?”, dit Dieu. Cette dernière parole peut faire penser à l’affirmation “Dieu lent à la colère et miséricordieux”, qu’on retrouve aux psaumes 7, 86, 103, ou encore en Sagesse 15, 1, etc. C’était le but des rédacteurs du livret de Jonas, contre l’opinion des courants conservateurs répandus à cette époque en Israël. La formulation interrogative nous invite cependant à penser que c’est l’amour de Dieu, et non les œuvres de repentance, qui donne le salut. Pour certains exégètes, la description de Ninive fait davantage penser à une ville hellénistique du 3ème siècle. Cela prépare l’ouverture d’un saint Paul aux cités hellénistiques où il portera l’Evangile.

 

Jonas et Jésus

La comparaison entre Jonas et Jésus se fait à deux niveaux : d’une part celui de la prédication reçue par les Ninivites, mais pas par les contemporains de Jésus ; d’autre part celui d'un séjour de durée limitée dans le ventre du monstre marin, préfigurant le temps au tombeau avant la résurrection. C’est le chiffre ‘le troisième jour’ que l’on retrouve dans le symbole des Apôtres.

Jonas est cité à plusieurs reprises comme prophète dans le Coran.

Malgré ses bévues, Jonas demeure un personnage sympathique, peut-être parce qu’il nous ressemble ! On retiendra dans le livret l’importance du repentir, du pardon et de la miséricorde de Dieu.

 

[Ninive s’est-elle convertie ? On peut en douter : lors de la rédaction du livret, Ninive n’existe plus. Le livre est une fiction. Pourtant c’était déjà le souhait d’Isaïe de voir cette conversion. Cf. Isaïe 19, 13-25). On peut aussi faire de ce livret une relecture spirituelle, en interprétant Jonas comme signifiant notre situation devant Dieu et la mission qui nous est confiée, à savoir de porter la Parole aux nations. C’est un exercice que fait Emmanuel Hirschauer. Pour cela il se réfère à de nombreux commentaires ecclésiaux. (Le combat de Jonas. Emmanuel Hirschauer, Parole et Silence 2013). Mais notre lecture est d’abord de comprendre le livre de Jonas comme adressé aux Juifs du 4ème siècle, présentant le visage de Dieu, miséricordieux envers toutes les nations, même païennes.]

 

Prière sur le monde

Moi, Dieu, je leur ai donné le monde.

J'ai mis des richesses inépuisables

afin qu'ils puissent vivre et être heureux.

Il y en a partout, ils en découvrent chaque jour,

Ils les transforment, en font des nouvelles.

Et moi, Dieu, j'admire ces créations nouvelles

dues à cette intelligence que je leur ai donnée.

Ils sont devenus comme des dieux, et je les reconnais comme tels.

 

Mais, ce qu'ils n'ont pas encore compris, c'est que moi, je suis AMOUR ;

Que toutes ces richesses, je les ai données pour tous,

Qu'ils doivent se les partager s'ils veulent être heureux.

Cette puissance qu'ils ont acquise, ils la détournent,

Ils la prostituent pour détruire. Et moi, Dieu, j'ai peur !

 

Je leur ai donné la liberté. Je ne pouvais faire autrement,

Car, sans liberté, ils ne seraient pas des HOMMES.

Qu'est-ce qu'un homme sans LIBERTÉ ?

Avec l'AMOUR, c'est la plus belle des choses.

Mais les deux sont indispensables :

La liberté sans l'amour, c'est le plus grand risque pour l'humanité.

Je le savais au départ mais je ne voyais pas le moyen de faire autrement.

Alors, j'ai envoyé mon Fils pour leur parler de l'AMOUR,

Pour leur dire que l'un ne va pas sans l'autre, que c'est la clé du bonheur,

Qu'ils doivent tous se reconnaître l'un dans l'autre,

Et qu'à ce prix, ils feront des choses plus merveilleuses encore.

Car j'ai mis, en chacun d'eux, une parcelle de mon Esprit.

 

Mon Fils a fait tout ce qu'il fallait, il ne pouvait faire plus, il ne pouvait durer.

Il a donné sa vie pour faire connaître l'AMOUR.

C'est le message qu'il a laissé à ceux qui viendraient après lui.

Et moi, Dieu, je les aide dans cette tâche.

Car je l'aime ce monde, il fait partie de moi-même.

Je ne veux pas qu'il sombre, mais qu'il devienne cette merveille

Que je n'aurais pu faire seul, et que je découvre à mon tour chaque jour.

 

Une militante ouvrière du Nord

(Extrait du livre « Cris et prières de travailleurs », aux Editions. Ouvrières.)

 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 1592 visites