Récit de vie d'un agriculteur dans les Flandres

lors de la journée de ressourcement "Du doute à l'espérance" - 26/11/06

  

 

RECIT DE VIE PARTAGE LORS DE LA JOURNEE
RESSOURCEMENT «  DU DOUTE A L’ESPERANCE »
LE 26 NOVEMBRE 2006
AVEC LES MEMBRES DU CMR

 

Témoignage de Monsieur Gérard Petitprèz, agriculteur dans les Flandres.

 


Historique de l’exploitation :

 

« Installation en 84 sur 20 ha. Production de pommes de terre. Conditionnement à la ferme pour des petits marchands (cantines d’usines, scolaires…) Activité très rentable. Aucun souci financier.

En 88, opportunité de m’agrandir à 42 ha. Ce n’est pas une nécessité économique, c’est un besoin de reconnaissance : c’est dans la mentalité agricole flamande (vouloir être plus gros que son voisin, toujours plus gros). Ce sont souvent les grosses exploitations qui sont citées en exemple et qui génèrent les responsables syndicaux et associatifs du monde agricole.

Je voulais être en pleine lumière, j’étais attiré par cette lumière et j’étais ébloui par cette lumière.

 

Début des problèmes à cette époque :

 

-         décès subit de mon père qui m’aidait beaucoup

-         évolution du marché de la pomme de terre (disparition des petits marchands). Obligation pour moi de vendre à des centres de conditionnement à des prix beaucoup plus bas.

-         Baisse du prix des céréales

-         Récolte des pommes de terre l’année 92 à des prix dérisoires (5cts/kg – en francs)

 

Les difficultés financières sont de plus en plus importantes et je me lance dans la production de légumes destinés à la vente directe sur l’exploitation, ce qui me permet tant bien que mal de faire face aux échéances mais au prix d’un surcroît de travail énorme et au détriment de la vie de famille et des loisirs.

Mais je reste dans l’impossibilité de remplacer le matériel usagé. La pérennité de l’exploitation est menacée. Les nombreuses pannes mécaniques entraînent des pertes de temps considérables. Je travaille toujours plus sans même réfléchir au sens de ma vie.

 

Mais heureusement mes engagements au CMR en qualité de responsable de l’équipe fédé agri et de représentant du CMR au comité diocésain du CCFD (diocèse de Lille) m’ont permis de garder une ouverture sur le monde extérieur et l’étape charnière de ma vie arrive en 98 quand le CCFD m’envoie en Arménie comme adjoint au chargé de mission afin d’étudier différents projets de développement de l’agriculture locale.

 

Ces 17 jours passés là-bas, coupé de ma famille et du boulot m’ont permis de réfléchir et de me remettre en cause.

En partageant la vie de modestes paysans qui cultivaient leur lopin de terre et vendaient leur production sur les marchés des grandes villes, j’ai compris qu’ils étaient beaucoup plus heureux que moi. J’ai compris que si j’étais ébloui par la lumière, c’est parce que je marchais vers elle. Dès mon retour d’Arménie, j’ai décidé de faire demi-tour, j’ai cédé la partie de mon exploitation qui était superflue, j’ai acheté un fourgon et j’ai commencé à vendre mes légumes sur les marchés. Depuis, la lumière qui hier m’éblouissait, aujourd’hui c’est elle qui éclaire mon chemin.

Actuellement, je suis en conversion bio sur 6ha50 principalement en production fruitière (pommes, poires, prunes, cerises, pêches, abricots, raisins, framboises, groseilles, cassis). Je possède une collection d’environ 300 variétés fruitières, principalement des variétés anciennes et régionales moins productives mais plus résistantes aux maladies. Aucun engrais, aucun traitement. Ce sont les poules qui entretiennent le verger et l’amendent. Une haie autour de la parcelle crée un milieu favorable aux auxiliaires de culture.

 

Je vis pleinement ma passion en harmonie avec la nature et j’ai la chance de pouvoir vivre du fruit de ma passion.

 

Il serait injuste de ne pas mentionner l’ARAD (association régionale des agriculteurs en difficulté) qui m’a soutenu notamment en obtenant des échéanciers auprès de mes créanciers, mais c’est avant tout dans mes difficultés que j’ai puisé la force nécessaire pour refaire surface et j’ose affirmé aujourd’hui que ma période difficile fut la chance de ma vie. »

 

 

                                                                        Gérard Petitprèz

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