CMR - Notre mode de vie est-il durable ?

Conférence de Martin Boutry et Elena Lassida

 

NOTRE MODE DE VIE EST-IL DURABLE ?

 

Le 16 décembre, à St Pol sur Ternoise, le CMR et le CCDF avaient invité un large public à une conférence-débat sur le thème :"Notre mode de vie est-il durable?". Les intervenants étaient Martin Boutry et Elena Lasida.

 

Après un parcours de professionnel commercial, Martin Boutry a changé de cap et modifié son mode de vie. Suite à un voyage en Inde, à l'approche du bouddhisme, à la formation à la non violence et à l'agro écologie, il se donne actuellement dans le milieu associatif et fait partie du mouvement "Appel à l'insurrection des consciences" de Pierre Rabhi. En juillet 2006 à Lille, il met en place une marche pour la décroissance : 27 jours pour montrer que l'on peut croire en autre chose qu'en la croissance, vivre autrement qu'en pensant "production et consommation à outrance". En septembre 2006, il organise un cyclo-tour  pour la paix dans la région Nord-Pas de Calais : sensibiliser les gens à d'autres modes de relations pour une terre plus humaine et vivante pour tous.

Actuellement, il lance des ateliers d'actions non violentes sur Lille.

 

 

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Elena Lasida  est Uruguayenne, économiste et travaille à Justice et Paix dans le service de l'Eglise Catholique des droits de l'homme. Elle travaille depuis 2 ans sur la question du développement durable et a écrit un ouvrage :"Notre mode de vie est-il durable?".

Voici le contenu de son intervention :

 

Dans le développement durable, il y a l'idée de gestion des ressources naturelles et la prise en compte des générations futures.

Le développement durable est une invitation au déplacement : déplacement par rapport à l'espace et au temps.

 

Si on pense "développement durable" par rapport à l'espace : en terme de gestion des ressources naturelles, aujourd'hui notre mode de vie n'est plus durable si l'on continue de produire comme on le fait.

Les limites se situent surtout au niveau des ressources naturelles. Le rapport entre l'homme et la nature est devenu un moyen de production, la nature a complètement été instrumentalisée.

A l'extrême, il existe une position de sacralisation de la nature. Entre ces deux extrêmes, il y a une notion de domination : soit l'homme domine la nature, soit la nature domine l'homme.

 

 

Comment trouver un rapport où l'un n'instrumentalise pas l'autre ?

Il faut pour cela faire "alliance" : vivre en partenariat, construire ensemble dans un respect mutuel. Il est nécessaire de penser que l'environnement n'est pas extérieur à nous mais que l'homme fait partie de la nature.

 

Si on pense "développement durable" par rapport au temps : il faut penser l'avenir d'une autre manière, la vie est menacée sur notre terre et cette menace est réelle.

 

Comment se situer face à des limites incontournables ?

Il existe deux manières de penser la limite : de façon négative, elle est une contrainte et s'impose à nous ou de façon positive, elle est une possibilité de découvrir une nouvelle manière de faire et libère quelque chose de totalement différent.

 

Exemple : la voiture est très polluante, il est nécessaire de réduire son utilisation. On peut utiliser plus de transport collectif, on essaie une diminution dans le confort et quand on ne peut faire sans voiture, il est possible de développer le covoiturage : c'est peut-être contraignant mais c'est l'occasion d'établir des rapports avec les autres.

On peut aussi ensemble, essayer de voir comment développer un service localement plutôt que de toujours aller à l'extérieur (en rural par exemple).

Utiliser la voiture permet de penser un autre type de relation, de développement local et de mettre en place quelque chose de radicalement nouveau.

 

Moins de croissance, oui mais pour avoir plus de quoi ?

C'est définir le futur par quelque chose de positif : une chance de développer une meilleure qualité de vie et non une menace.

La décroissance c'est vrai pour certains secteurs qui vont devoir réduire leur production, pour d'autres secteurs, comme tout ce qui crée de l'utilité sociale, il est nécessaire de penser en terme de croissance.

On ne peut pas décroître tout le PIB,  il faut penser en terme de consommer et produire autrement pour une meilleure qualité de vie.

 

Où est l'essentiel de la vie, pour nous ?

 

Quel sens donnons-nous à la vie ? Satisfaction de nos besoins ou autre chose ?

 

Qu'est-ce qui nous fait vivre ?

 

Nous avons la possibilité de retrouver des choses que nous avons perdues comme redonner de la valeur à l'attente et à la surprise.

Attendre c'est ce qui permet de valoriser ce qu'on va avoir : dans l'attente d'une naissance, ce qui est beau, c'est la valeur de cette attente.

L'être humain est un être de désir, si on tue l'attente, on tue le désir : sans désir, sans manque, on se paralyse

La surprise : on ne veut plus d'insécurité ni d'incertitude, mais s'il n'y a plus de surprise, il n'y a plus de nouveauté.

 

Le développement durable, c'est retrouver des valeurs perdues, retrouver l'essentiel de la vie.

Approcher positivement la notion de limite, c'est imaginer le futur comme une promesse.

Il y a la possibilité de découvrir quelque chose de mieux, de nouveau qu'on ne connaît pas encore.

L'histoire du peuple de Dieu commence par une promesse qui n'est pas achevée : ce n'est pas la terre à atteindre mais c'est ce qui nous met en marche, c'est ce qui fait avancer, c'est ce qui

met dans une marche permanente.

 

 

Le passage est nécessaire vers une promesse de bonheur, de l'Avoir à l'Etre : vivre pour ce pourquoi on croit.

Mettons en valeur la vertu de la lenteur : accepter que le nouveau soit dans une démarche de création, ça va prendre du temps. Est-ce qu'il ne sera pas trop tard ? Sortons de l'efficacité du "tout, tout de suite". Il y aura certaines ruptures, oui, mais ne pas penser toujours en terme de catastrophes.

Nous sommes capables d'inventer du nouveau, ça demande du temps : le changement radical de nos modes de vie va prendre du temps pour être mis en place. Il faudra trouver un équilibre, des rapports nouveaux entre l'état, les sociétés privées et le monde associatif.

Pour faire du nouveau, il faut être prêt à perdre quelque chose, à vivre ensemble autrement.

 

Dans le développement durable, nous devenons tous, les acteurs politiques car le politique c'est la gestion du vivre ensemble et nous en sommes tous responsables.

 

La promesse suppose de dénoncer, ce n'est pas un positif naïf, il faut provoquer à faire autrement, à inventer d'autres manières de faire.

 

 

Sommes-nous capables de construire ensemble avec les pays du SUD ?

Avant de penser comment donner aux autres ce qui leur manque, allons voir chez eux ce qu'ils ont à donner. Sollicitons-les pour qu'ils aient quelque chose à apporter. Etre solidaire avec celui qui est en difficulté, c'est voir sa potentialité : c'est ce qui va l'aider à se mettre debout.

Il est nécessaire de penser à un modèle de développement différent pour les pays du Sud. La solution de croissance n'est pas non plus pour  le Sud, il faut trouver autre chose parce qu'on connaît les limites de la croissance actuelle. Il est nécessaire de changer son regard, être capable de regarder autrement. La solidarité telle qu'elle existe n'est peut-être pas celle que nous attendons de voir.

 

Comment sommes-nous capables de penser ensemble le monde ?

 

Le problème est dans la question des choix, nous défendons tous des intérêts différents.

Sommes-nous capables de renoncer à un intérêt individuel au bénéfice d'un intérêt commun ?

Comment créer d'autres relations de partenariat ? La solution à chercher et à trouver ensemble ne sera ni bonne ni mauvaise en absolu. Rien n'est facile.

 

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Les intervenants ont ensuite répondu aux questions du public et celui-ci a été invité à chercher en petits groupes : des idées pour développer de nouveaux possibles.

 

Voici ce qui a été partagé :

 

-         Savoir s'arrêter pour regarder, prendre du recul.

-         Attendre d'avoir plusieurs courses à faire en dehors du village pour éviter de se déplacer de multiples fois en voiture.

-         Mettre en place, le plus souvent possible, le covoiturage

-         Favoriser l'implantation de services en milieu rural.

-         Utiliser les services de proximité.

-         Rééquilibrer les fonds publics.

-         Réapprendre à cuisiner soi-même.

-         Développer les tramways dans les villes.

-         Refaire des pistes cyclables.

-         Ramassage du personnel organisé par les entreprises.

-         Que les bus soient gratuits à la périphérie des grandes villes.

-         Une piscine chauffée en biomasse.

-         Sensibiliser les agriculteurs à la plantation de haies.

-         S'alimenter en produits de saison.

-         Développer des circuits courts de vente des produits agricoles.

-         Faire attention à moins gaspiller : l'eau, le courant; le papier…

-         Récupérer l'eau de pluie.

-         Repenser autrement les cadeaux à l'occasion de fêtes.

-         Se poser la question de l'autrement, en prendre conscience c'est un premier pas pour aller plus loin.

-         Poser des limites à ses enfants et à soi-même pour ne pas satisfaire le tout, tout de suite.

-         Partager ses propres richesses avec les autres (voiture, autre bien matériel)

-         Limiter le gaspillage : rationner le superflu dans les établissements publiques, comme le papier par exemple.

-         Repenser les rapports de clientèle en rapports de service.

-         Réfléchir collectivement et localement la pertinence des multiples pour les enfants par exemple.

-         Idée citoyenne : favoriser la transmission d'échanges.

-         Utiliser des produits non polluants dans la maison, les constructions.

Une question :

Saura-t-on changer par nous-mêmes ou faudra-t-il que les choses nous soient imposées, par des décisions politiques fortes ?

                                             

 

 

Propos repris par Thérèse Dutilleul (CMR)

Article publié par Apostolat des Laïcs • Publié • 9804 visites