Une Église adoptante
La proposition de la foi dans la société actuelle n’est pas seulement invitation à trouver de nouvelles techniques de communication, mais une invitation à changer les mentalités des chrétiens de vielle souche, pour qu’ils deviennent des aînés dans la foi, des adoptants. C’est tout autre chose qu’être des enseignants qui se réfèrent en toute chose aux livres de leurs maitres. Même l’attitude d’accueil est interrogée par les attentes actuelles. Jean-Louis Souletie nous invite à devenir des adoptants.
Nous avons vécu jusqu'à aujourd'hui sur une pastorale de l'accueil qui avait ses fondements dans la théologie des réalités terrestres et dans les démarches apostoliques des mouvements, étendue ensuite aux aumôneries. Cette démarche de l'accueil est fondamentalement liée aux gestes d'accueil du Christ lui-même dans les Évangiles. Mais elle est définie en termes de réveil d'une foi assoupie ou de braises encore chaudes.
La Lettre aux catholiques de France invite en revanche à risquer une proposition de la foi qui aide au déchiffrement des combats spirituels que vivent les hommes et les femmes de ce temps: avec la vie et la mort, avec le sens de l'existence, avec les interrogations relatives à l'éducation des enfants... Ce n'est en effet pas parce qu'il ya une rupture de tradition forte avec la foi ecclésiale qu'il n'y pas de combat spirituel où le sens de la vie est en jeu. Un parcours de type catéchuménal devrait avoir l'ambition de favoriser le déchiffrement des combats spirituels que mènent les hommes et les femmes de ce temps pour vivre, et pour vivre bien.
Personne ne doute que l'Église doive parler de Jésus Christ. Mais la vraie question n'est pas là. Le problème des gens est de savoir si les combats dans lesquels ils se démènent vont trouver un espace ecclésial dans lequel la foi leur permettra ce déchiffrement de leur existence.
Je pense qu'une démarche de type catéchuménal doit faciliter l'entrée dans une familiarité avec le Christ déjà présent à ce monde. Elle repose en tout cas sur la conviction que Dieu non seulement est présent à ce monde, mais qu'il s'y trouve bien par l'Incarnation, et sa volonté de salut qui est une volonté de réconciliation dans le Christ de l'humanité, toute l'humanité.
Sans lieu adoptant qui procède d'une telle théologie il sera difficile de conduire des itinéraires sacramentels qui permettent aux hommes et aux femmes de ce temps de déchiffrer les énigmes de leur existence. Car c'est à mon sens de cela d'abord que doivent se préoccuper les itinéraires souhaités par les évêques: plonger dans l'expérience d'adoption par Dieu dans le corps ecclésial. Je pense par exemple à la lueur positive que les enfants cherchent dans les yeux de leurs parents, de leurs catéchistes ou de leurs copains. Je pense plus largement à ceux et celles dans les yeux desquels ceux qui cheminent perçoivent une complicité avec le Dieu vivant.
Le chemin qui mène à une réalité sacramentelle n'est pas celui du débat mais de l'adoption. Disons-nous bien que ceux qui demandent, acceptent la proposition ou viennent à un sacrement, n'ont pas un problème de foi. Leur question n'est pas de savoir s'ils croient ou ne croient pas. Les candidats à un sacrement attendent d'être adoptés. Ils attendent que nous croyions qu'ils croient. Ils attendent que nous disions avec confiance en quoi nous croyons, bien entendu. Mais ils viennent d'abord prendre possession de quelque chose qui leur appartient. Ils veulent être accueillis dans la confiance, pour reconnaître le Dieu qui lui permettra de déchiffrer les énigmes de leur existence. Ils ne veulent pas entrer dans un débat à propos de Dieu. Ils sont dans l'espérance qu'il y a une démarche, un temps, où ils sont espérés dans la foi qui les anime déjà. Ils demandent à être partie prenante de cette vie spirituelle.
Dans une démarche de type catéchuménal, nous ne guettons pas la foi de ceux qui viennent. Nous ne leur demandons pas de produire leurs raisons de croire par des pédagogies appropriées. Nous les recevons dans la vie ecclésiale, nous qui avons été adoptés par Jésus Christ, Nous passons par la cordialité d'adoptants qui découvrent la présence de Dieu en ceux qu'ils adoptent.
Père Jean-Louis Souletie
Enseignant Institut catholique de Paris
"Des itinéraires de type catéchuménal vers les sacrements" ; éd. Bayard