Fiche 1 Luc Animer les rencontres

Deux récits parallèles : Jean-Baptiste et Jésus


Section 1. Ch. 1 à 4,13

 

Luc Evangile Luc Evangile   Commencer une nouvelle aventure avec Luc, c’est accepter de se laisser surprendre par le texte de Luc pour lui-même. Notre mémoire connait tel et tel détail d’un récit sur Jésus ou telle interprétation. Bien des questions surgiront dont nous voudrions avoir la réponse immédiate. Mais nos centres d’intérêts ne sont pas les mêmes que ceux de Luc, ce pour quoi il a écrit, à l’intention du “bien-aimé de Dieu”, le Théophile qui ouvre son Evangile. Faire le récit des origines, écrire un prologue, c’est tout autre chose qu’un reportage sur les débuts ; Luc y dessine les lignes de force qui caractérisent la personne de Jésus dont témoigne son Evangile.

 

Chacun est bien conscient qu’une double page ne suffit pas à tout expliquer du prologue**. Ces pages voudraient éviter de s’égarer dans la multiplicité des questions possibles. Puissions-nous développer le dialogue que Dieu désire nouer avec chacun de nous, comme avec des amis.
** Il peut être utile de lire la courte introduction du livret ou d’autres, plus détaillées, dans la Bible de Jérusalem (BJ) ou dans la Traduction œcuménique de la Bible (TOB)

 

Lecture d’ensemble


Les récits sur Jean-Baptiste et Jésus, au début de l’Evangile, peuvent nous troubler, à cause d’un langage d’une autre époque, où le merveilleux semble l’emporter sur le réel. Mais avions-nous remarqué la construction parallèle des récits concernant Jean-B et Jésus : deux annonces, deux naissances et circoncisions, deux cantiques ?


Nazareth - Détail portail de bronze L'annonce à Marie  
Nazareth - Détail portail de bronze
Nazareth - Détail portail de bronze
Ecrire des récits de vie parallèles est une technique utilisée dans la littérature latine (Plutarque) pour mettre en valeur un personnage devant (ou grâce à)  l'autre. Ainsi Luc présente Jean comme membre de la famille juive, alors que Jésus est présenté dans la grande famille de l’humanité, d’Adam à l’empereur Tibère ! Jean prépare le chemin, marche par-devant. Il a mission de ramener le cœur des fils vers le Seigneur et de former pour le Seigneur un peuple préparé. Jésus, nom qui signifie “Dieu sauve”, est Fils de Dieu ; il règnera sur la maison de Jacob/Israël. Puis Luc fait comprendre que Jésus apporte le salut et la paix à toute la terre, à tous les hommes que Dieu aime.

 

En fait, le personnage principal de l’Evangile, c’est Dieu à l’œuvre en Jésus, dans l’histoire des hommes. C’est la conviction de Luc. Repérez ce qui est dit au sujet de Dieu, dans les deux cantiques, le Benedictus (Béni soit le Seigneur) pour Zacharie (1,68-79) ; le Magnificat (Mon âme exalte le Seigneur) pour Marie (1, 46b-55) : “Il visite et rachète son peuple”, “il élève les humbles”, “il se souvient de la promesse faite à nos pères”, etc. Vous pouvez souligner les phrases qui expriment quelque chose de Dieu, mieux encore, les recopier pour vous.

 

Bronze basilique Nazareth Nativite  
Bronze basilique Nazareth
Bronze basilique Nazareth
  Le prologue de Luc commence dans le Temple avec Zacharie, et se termine au sommet du Temple de Jérusalem lors de la 3ème tentation (4, 9). Jésus est celui qui tient tête au diable (diabolos, celui qui divise). En relisant la section, nous serons peut-être étonnés de voir les nombreuses références à l’Ancien Testament. Les premiers chrétiens avaient besoin de relier la vie de Jésus aux Ecritures pour comprendre qui il était. Jésus vient réaliser l’attente d’Israël, c’est-à-dire la réalisation des promesses de salut. D’Abraham à Jésus, c’est l’histoire d’une alliance où Bronze basilique Nazareth Presentation au temple  
Bronze basilique Nazareth
Bronze basilique Nazareth
Dieu vient à la rencontre de ce qui était perdu.

 

Luc a écrit en continuité l’Evangile et les Actes des apôtres. Son œuvre s’ouvre avec la Parole adressée à Zacharie dans le Temple, dans la partie sacrée. Elle se termine, dans les Actes, avec la proclamation de la Parole à Rome au milieu des païens. De même il existe un contraste entre l’annonce à Zacharie et celle à Marie. Le lieu de l’annonce pour l’un, c’est au cœur du Temple, pour l’autre c’est à Nazareth, dans le lieu de vie ordinaire d’une jeune femme. Ainsi la Parole de Dieu peut être entendue partout : dans l’espace sacré comme dans le quotidien d’une existence. A nous d’accueillir aujourd’hui l’inattendu de la révélation de Dieu là où on ne l’attend pas, dans le quotidien de notre existence, dans notre “aujourd’hui”.

 

Zoom : Magnificat. Luc 1, 46-55


Le Magnificat n’est pas un récit, mais une louange adressée à Dieu ; aussi nous proposons une modification aux questions de la fiche 00 pour étudier le zoom : “Qu’est-il dit de Dieu ? Du mode de rapport qu’il entretient avec l’humanité, avec qui et comment ?”

 

 Du singulier au pluriel.

Bronze basilique Nazareth Magnificat  
Bronze basilique Nazareth
Bronze basilique Nazareth
Le Magnificat commence par une strophe au singulier, en forme de merci. La seconde strophe (50-53) évoque l’œuvre et les choix de Dieu en général ; la troisième (54-56) rappelle l’histoire d’Israël, histoire avec laquelle Marie se tourne vers le Seigneur. C’est tout à la fois une prière personnelle et une prière universelle.
Chaque phrase du Magnificat est la reprise d’une parole déjà écrite dans la Bible : Anne et Samuel, Isaïe, Malachie, les psaumes… Marie prie avec sa mémoire biblique. Sa prière est une relecture “religieuse” de l’histoire. Elle exprime sa foi en Dieu qui s’investit dans l’histoire des hommes. De là grandit une confiance en Dieu, confiance héritée de tout un peuple. Marie et les premiers chrétiens associent l’humanité entière à leur prière. Et nous ?

 

Les préférences de Dieu. Dans le Magnificat sont exprimés les choix de Dieu en faveur des pauvres, des humiliés, des derniers. Que la première annonce soit faite aux bergers confirme ce choix. Quand le concile Vatican II parle d’option préférentielle pour les pauvres, ce n’est pas seulement une manière de parler. C’est une invitation à mettre notre cœur à l’unisson avec le cœur de Dieu, à prendre place à la suite de Marie et de bien d’autres pour que vienne un monde de salut et de paix. Quand nous dirons “Notre Père,… que ton nom soit sanctifié !”, nous pourrons penser à Marie qui proclame : “Saint est son nom”.

 

Plusieurs cantiques se complètent les uns les autres. Ces cantiques ont servi au peuple chrétien pour exprimer et garder en eux la conscience d’un Dieu qui s’intéresse à eux. Ce ne sont pas seulement Zacharie, Marie, Syméon, Anne ou les anges qui ont proclamé ces paroles. Ce sont aussi les premiers chrétiens qui s’y expriment. Et quand aujourd’hui nous reprenons ces textes, c’est pour reprendre à notre compte leurs contenus. Le Seigneur visite son peuple, hier et aujourd’hui. Et nous sommes ce peuple que Dieu visite. Il en est ainsi du Magnificat ou du Benedictus, lu chaque jour dans la prière des Heures.

 

Pour aller plus loin.


On peut rechercher tout ce qui a rapport avec les notions de salut/sauveur, ou de libération (et pour qui ?). C’est pour cela que Jésus est venu, et Luc le dit dans son introduction : “il visite et libère son peuple !” Il le redira devant Jérusalem, ch.19, 44. On peut aussi rechercher les titres donnés à Jésus.

 

Quatre cantiques jalonnent le prologue :

Magnificat de Marie 1, 46b-55 ; Benedictus de Zacharie 1,68-79 ; Gloire à Dieu 2,14 et Nunc dimittis de Syméon (Maintenant, laisse s’en aller... 2,29-32). Ces cantiques s’adressent à Dieu en forme de reconnaissance. Ils le glorifient pour son œuvre de salut et de paix. Chaque cantique est comme une relecture de l’évènement rapporté par Luc ; il y est fait mémoire de l’œuvre de Dieu dans la Bible. Plus tard, dans le livre des Actes, Luc présente Jésus sauveur, au bout d’une lignée, dans la continuité des actions de Dieu : sortie d’Egypte, entrée en Canaan, vocation des Juges, appel du roi Saul, appel de David, cf. Actes 13. Luc fait appel à la mémoire biblique du lecteur plus que Marc. Mais nous ne sommes pas familiers de cette nécessité d’éclairer et de justifier la vie de Jésus à la lumière des Ecritures. Le récit des disciples d’Emmaüs (Luc 24) explique le mode de pensée des chrétiens.

 

Les apparitions, annonces à Zacharie et à Marie
Luc reprend un schéma pré-formaté utilisé dans l’Ancien Testament pour les récits de vocation. Là où nous pensons “évènement matériel”, les écrivains sacrés méditent la “dimension spirituelle et divine” d’une vocation humaine. On retrouve le même schéma : présentation des parents - dans le cadre de la prière - salutation de l’ange - trouble - message - ne crains pas - mission de l’enfant - objection et réponse - don d’un signe.

 

Généalogie et rapport à l’histoire.
L’ouverture solennelle du chapitre 3 introduit l’évènement Jésus dans l’ensemble de la société : Tibère César, Pilate, Hérode, Philippe. Pour Luc, la venue de Jésus a une portée universelle. La venue de Jésus, c’est dans l’humanité, pour l’humanité, pas à côté. Luc le redit encore avec la généalogie de Jésus. Dans la Bible, les généalogies sont toujours quelque peu artificielles. Pour Luc, c’est une manière de dire l’identité de Jésus, au milieu d’un peuple et de son histoire. Lui aussi est fils de David, d’Abraham. Mais la généalogie remonte jusqu’à Adam l’ancêtre de tous, lui aussi “fils de Dieu”. Dans cette écriture qui nous déroute, Luc affirme que Jésus est membre du peuple élu, l’un des nôtres, issu d’Adam mais aussi Fils de Dieu. La dimension universelle de Jésus apparait encore en plusieurs versets du prologue : dans le cantique des anges “paix sur la terre…” ; dans le cantique de Syméon : “salut préparé pour tous les peuples”, “lumière pour les nations païennes”, etc.

 

Le cousinage Jean/Jésus.
Il ne faut pas en rester à la parenté physique (petits cousins). Luc veut signifier la parenté spirituelle entre le message de Jean-Baptiste et celui de Jésus. Aux premiers temps de l’Eglise, les disciples du Baptiste et ceux de Jésus se sont rencontrés. Ils ont pu se reconnaître de la même famille spirituelle. Jean-B insistait davantage sur les attitudes de vie. Jésus proclamait la miséricorde de Dieu et la conversion du cœur. Jean préparait l’à-venir. Jésus annonce la réalisation de la Bonne Nouvelle : aujourd’hui, elle s’accomplit.” Luc 4,17-21

 

Salut, sauveur.

La théologie et les catéchismes ont tellement utilisé les notions de salut et de sauveur que cela ne nous parle plus aujourd’hui. Le titre “sauveur” donné à Jésus est très rare dans le Nouveau Testament. A l’origine du mot, sauver c’est garder en bonne santé, puis préserver du danger et enfin, guérir, redonner la santé. L’attitude de Jésus a été de manifester la disposition bienveillante de Dieu à l’égard des hommes, d’apporter la paix et le pardon des péchés et de guérir de tout mal. On aurait aimé que Luc en dise plus sur sauver… Peut-être suffit-il de regarder Jésus au milieu de nous pour comprendre ce qu’est le salut de Dieu ! Regarder et marcher à sa suite !

 

Conclusion : Dans sa manière d’écrire les premiers chapitres, Luc fait beaucoup plus que raconter une succession de petites histoires. Il veut inscrire la naissance de Jésus dans le vaste projet de Dieu qu’on peut ainsi résumer : une offre du salut de Dieu à destination de tous les peuples”.

 

Prier la Parole
 

Seigneur, nous croyons que tu es à l'œuvre dans le déroulement de notre histoire,
Même si nous avons parfois de la difficulté à le reconnaître,
Imaginant trouver chez toi la réplique de nos grandes réalisations humaines.
 

Et pourtant, tu ne cesses de nous redire
Ton amour et ta miséricorde, ta tendresse et ta justice.
Ouvre nos yeux et fais-nous voir ton Salut quand des peuples se tendent la main
Pour construire la paix en posant les pierres du partage et de la solidarité,
Lorsque des hommes et des femmes s'unissent
Pour promouvoir ou réclamer le respect de leur dignité.
Seigneur, fais de nous des instruments de ton Salut. Éveille notre foi
Et rends-la si agissante qu'elle nous rendra heureux de fatigue.

 

Donne-nous la force de rendre compte de notre espérance
En la croissance de ton royaume d'amour, de paix et de justice.
Rends notre amour inventif et généreux, constant et persévérant.
Inspire-nous la parole qui saura identifier ta présence au cœur du monde.

 


N’oubliez pas de faire parvenir vos questions et découvertes à :
Lire l’Evangile, Maison diocésaine, BP 1016 – 62008 Arras cedex
ou à hennart-eh@orange.fr
 

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 7396 visites