Diocèse d'Arras et patriarcat de Jérusalem
Les chrétiens du diocèse en Terre sainte
Pèlerinage en Terre sainte
Ils étaient 103 à prendre l'avion pour un pèlerinage en Terre sainte : animateurs en catéchèse ou en paroisse, et leurs conjoints, amis ; parmi eux, six Orléanais. La rencontre de l'évêque auxiliaire de Mgr Fouad, Mgr William Shomali est importante pour la signification que peuvent prendre les relations entre frères chrétiens (le patriarcat -diocèse- s'étend sur Israël, la Palestine et le Liban).
Des Chrétiens en terre de conflits
La pensée de Mgr Fouad en clôture de l'année de la foi rappelle aux chrétiens la nécessité d'être présents, pas seulement comme cellules confessionnelles marginalisées, mais comme témoins actifs dans la société. Les chrétiens vivent dans un contexte difficile, voire d'opposition, mais il faut tenir et vouloir être semeurs de paix, de justice, d'amour...
Extrait de la lettre pastorale de sa Béatitude Mgr Fouad :
La tentation de l'isolement
(finale de la dernière partie, pour l'année de la foi)
§18. Dans les difficultés actuelles, nous avons tendance à nous isoler ou à devenir de simples spectateurs de ce qui se passe. Ce n'est pas une attitude chrétienne. Nous devons toujours être une partie intégrante de la société.
Dans son message, le Conseil des Patriarches d'Orient, en analysant la présence chrétienne de cette région, a abordé la question du témoignage, en le définissant comme le signe de la présence de Dieu dans notre milieu vital. Une empreinte indélébile de la foi et de l'espérance en Dieu.
Notre présence doit être active dans la société et à la faveur de celle-ci, en préservant jalousement notre propre identité, et en même temps en évitant de rester isolé ou en marge de la vie publique, comme si nous vivions dans un ghetto. Evitons la tentation du confessionnalisme. Notre vie en Terre Sainte n'est pas une coïncidence ou une disgrâce, mais un privilège, une vocation, un appel à vivre comme chrétien et croyant en Dieu, dans le contexte spécifique de cette terre. En effet, nous sommes vivement appelés à vivre non pas pour nous même, mais comme des témoins du Divin Maître duquel nous annonçons le message de salut et la Bonne Nouvelle à tout le monde. « Si les communautés d'Orient, dans le passé, se sont renfermées sur elles-mêmes et ont donc perdu le sens de la mission et du témoignage, que ce soient pour des raisons historiques au-delà de leur force, ou parce qu'elles ont été contraintes à chercher la simple survie, aujourd'hui ces communautés sont appelées à se libérer du conditionnement du passé pour vivre le sens de la mission qui s'ouvre sur le monde qui les entoure et elles doivent témoigner qu'elles ont trouvé un trésor précieux capable de réjouir le coeur de chaque homme ».
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Ce ne sont ici que les première lignes d'un compte rendu du pèlérinage... il faut laisser du temps pour rassembler les pièces qui expriment l'intensité des dix jours où furent évoqués les croyants, de génération en génération, d'Abrham à Moïse, Elie jusque Jésus-Christ et, à sa suite, les apôtres et disciples, dont nous sommmes aujourd'hui les successeurs, porteurs de la même Bonne Nouvelle: Dieu s'est rendu proche de nous, pour qu'à notre tour nous devenions proches les uns des autres.
Au désert.
Dès l'arrivée à Tel Aviv, les pèlerins étaient transportés "au désert", à Arad, au désert du Néguev. Première étape du pèlerinage: tout quitter être dépaysés, prendre le temps d'évoquer ce que furent les attitudes d'Abraham, de Moïse, d'Elie, puis de Jean-Baptiste, et de Jésus; aller à la rencontre de Dieu, prendre le temps de tout quitter pour aller à la recherche de celui qui nioous attend. Abraham, à chaque étape de son itinéraire, à commencer par Sichem (Sychar Genèse 12), dresse un autel pour son Dieu. A notre époque, ne nous arrive-t-il pas de placer une bougie, une image, une icône pour rappeler à notre corps le lien qui nous unit à notre Dieu.
En remontant l'oued, la sourceElie, le djihadiste de Dieu dans sa jeunesse, quand il se retrouve à l'Horeb après avoir erré quarante jours, découvre une image de Dieu qui n'est pas conforme à ce qu'il avait en tête: ce n'est plus le Dieu de la tempête, du feu ou de l'orage, mais un Dieu qui parle dans le silence, qui se laisse découvrir quand le coeur et l'esprit sont apaisés.. cette rencontre et cette découverte se terminent pour Elie par un renvoi, là d'où il venait, afin de continuer la mission qui lui était confiée: la rencontre avec Dieu n'est jamais une fin de parcours, mais une étape. (1 Rois 19, 1-18)
Messe à Avdat
Après avoir parcouru les ruines de Avdat, étape caravansérail des Nabatéens, occupée par les romains et les Byzantins, notre journée se termine dans la chapelle restaurée.
Autour de Mgr Jaeger, voici le temps de l'eucharistie, au soleil couchant, dominant les collines et les plateaux du désert, à quelques pas de la source de Ein Avdat.
Au pays des zélotes et des esséniens
Massada et Qumran sont aussi des lieux d’évocation de l’histoire religieuse et politique d’Israël avant leur destruction dans les années 70. Les pèlerins ne sont pas des archéologues… ils cherchent les traces de ceux qui ont parcouru un bout de chemin dans la foi, bien avant eux. Au-delà des vieilles pierres, ils découvrent le pullulement des groupes contemporains des pharisiens, des Hérodiens, des soldats romains, des sadducéens, des scribes et des grands prêtres, des baptistes : des gens assidus aux rites des ablutions et à la transmission des Ecritures, actifs dans le combat des fils de Lumière contre les fils des Ténèbres. Au musée de Jérusalem il sera possible de voir certains rouleaux des manuscrits de la Mer Morte. Un petit détour vers la source d’Ein Guedi, espace exubérant de vie, permet d’évoquer David et ses faits d’armes, les guéguerres entre lui et Saül pour la conquête du pourvoir.
Des roches et des lieux désertiques environnent ; ils sont situés à 400m sous le niveau de la Méditerranée ; l’exploitation de l’eau du Jourdain, pour les cultures et l’évaporation pour récupérer sels et métaux entraine une baisse continuelle du niveau, de 70 cm par an. Le recul de la mer s’amplifie et, désormais, un petit train permet aux touristes d’approcher et de se baigner dans la Mer Morte. C’est une étape incontournable avant de remonter vers le Nord, vers la Galilée. Ezéchiel avait prophétisé en son temps (ch. 47), espérant de Dieu qu’un jour, depuis le Temple de Jérusalem, l’eau coulerait à nouveau et fertiliserait la mer et ses rivages, produisant une pèche miraculeuse et une récolte par mois le long du torrent : bienfaits de la part du Seigneur. A quelques kilomètres plus au nord, voici la partie fertile de la vallée du Jourdain où tout pousse à profusion. Laissant Jéricho sur le côté, la route longe les monts de Samarie : Guelboé, mais aussi “les cornes de Hattin”, lieu où les croisés furent battus par les Sarrazins d’Aladin le 4 juillet 1187. Voici enfin Nazareth, ses embouteillages, ses muezzins et sa foule colorée. Le désert est déjà bien loin !
Nazareth et la Galilée ; le Lac
Il y a tant à voir : la basilique de l’Annonciation, mais aussi la source de la Vierge, tenue par les orthodoxes ; l’atelier de Joseph, la tombe du Juste, tombe hérodienne du 1er siècle, semblable à celle de Joseph d’Arimathie où Jésus fut enseveli… L’Eucharistie est célébrée dans la basilique de l’Annonciation, au-dessus de la maison de Marie. Mais il faut déjà partir vers le lieu d’évocation de la Transfiguration, le mont Thabor. Comme en chaque lieu visité se pose la question :“que s’est-il réellement passé ?” et nous voudrions savoir, comme si les évangiles rapportaient les éphémérides de la vie de Jésus, sinon au jour le jour, du moins dans la fidélité rigoureuse aux détails. Peu à peu les pèlerins découvrent qu’il s’agit pour les évangélistes de faire comprendre que Jésus c’est le tout Autre, que chacun des mots utilisés par Marc ou Luc sont invitation à découvrir la relation de Jésus avec Dieu, à comprendre que Jésus porte la révélation de “Dieu-avec-nous” dans laquelle nous avait introduit l’Ancien Testament (cf. les figures de Moïse et Elie).
Méditation sur le lac Une autre grande journée d’évocation attendait le groupe, au bord du lac de Tibériade : une grande partie de l’enseignement de Jésus y fut donné : les paraboles, le sermon sur la montagne, beaucoup de guérisons, la multiplication des pains, l’appel des disciples. Chacun a pu disposer d’un temps de méditation silencieuse dans l’environnement du lac, dans un paysage qui n’a guère changé depuis deux mille ans. Joie et émerveillement de se découvrir proche et ami de Jésus. Aujourd’hui encore il appelle : “Viens suis-moi !”. Aujourd’hui encore résonne la question à Pierre, selon la finale de Saint Jean : “M’aimes-tu ?”. La réponse de chacun fut sans doute, comme celle de Pierre : “Tu sais bien que je t’aime”… A Capharnaüm, devant la maison de Pierre, ou dans la synagogue, ce sont d’autres textes que chacun a retrouvé au fond de sa mémoire : la guérison de la belle-mère de Pierre, les guérisons et controverses dans la synagogue, les jours de sabbat, le désistement de beaucoup et la réponse, même imparfaite, des disciples : “A qui irions-nous ? Tu as les paroles de Vie !”
La journée s’est terminée par la traversée du lac, en barque, au soleil couchant. Les villes et les collines se laissaient entrevoir ; la méditation de quelques textes des évangiles n’en prenait que plus de signification. Mais il faut partir.
En territoire Palestinien
Puits à Sichem A nouveau, un check-point nous fait attendre. Il indique la complexité politique des territoires traversés : zone A, B ou C selon que ces territoires sont gérés par les Palestiniens ou les Israéliens, administrativement et/ou militairement… Le père Johnny, à Sychar évoque son ministère au service des populations musulmanes et chrétiennes : une activité qui passe essentiellement par l’aide apportée aux jeunes, étudiants ou travailleurs, accompagnée d’un souci de visibilité. Ils sont 300 chrétiens dans une ville de 30.000 hb. Père Johnny, Naplouse Au fond du puits de Jacob, l’eau sourd toujours, à 40m de la surface. Jésus s’y était assis demandant un peu d’eau à la Samaritaine venue en plein midi. La lettre des évêques, lors du synode pour la nouvelle évangélisation commence par “ Comme Jésus au puits de Sychar, l’Église aussi ressent le devoir de s’asseoir aux côtés des hommes et des femmes de notre temps, pour rendre présent le Seigneur dans leur vie, afin qu’ils puissent le rencontrer… ” Saint Jean nous a fait découvrir le long chemin de dialogue et de rencontre qui permettra à la Samaritaine et aux Samaritains de découvrir en Jésus le Messie, le sauveur du Monde. En ce lieu, Josué avait renouvelé, pour le peuple sorti du désert, l’alliance avec Dieu. En ce lieu les samaritains donnent leur foi à Jésus ; en ce lieu se réfugient les premiers chrétiens expulsés de Jérusalem après le martyre d’Etienne…
En Judée : Bethléem et Jérusalem.
Bethléem, pèlerins au champ des bergersAu champ des bergers, au petit matin, la prière semblait facile : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes que Dieu aime”. Que fallait-il regarder ? Les grottes des bergers ou, en face, les constructions des colonies israéliennes, les routes protégées par les barbelés ? Pour eux et pour nous, il s’est fait petit enfant, il a proposé que vienne la paix. Reviennent alors les paroles de Jihann la palestinienne et l’action des siens pour que la haine ne prenne pas le dessus, pour que les enfants de Bethleem, devant l’humiliation de leurs parents, ne soient à leur tour gagnés par la haine.
Messe à Bethléem Bientôt nous allions célébrer la messe avec les chrétiens de la paroisse sainte Catherine, à quelques mètres de l’étoile à quatorze branches qui évoque la naissance du Christ. C’était des Messe à Bethléemfamilles palestiniennes arabes et chrétiennes qui nous accueillaient. Beaucoup de jeunes et d’enfants, nullement dérangeant quand ils traversaient les allées. Il fallut ensuite attendre son tour pour descendre dans la grotte et vénérer le Christ : mystère de Dieu venu chez nous, pour nous, accueilli par des bergers.
De Bethléem il ne faut que quelques minutes pour rejoindre Jérusalem. Le car dépose les pèlerins à proximité du Saint Sépulcre : “de la crèche au crucifiement…” Les deux groupes pénètrent dans la basilique de l’Anastasis au milieu du brouhaha général : une ambiance peu propice à la prière et au recueillement. Dominique Aucremanne avait mis en garde les groupes : “faites un premier tour en touriste, en curieux”, attentifs à tout et à tous, incommodés par rien. Plusieurs confessions chrétiennes se partagent le même espace de Gethsémani, du tombeau et de la Résurrection : Orthodoxes, Coptes, arméniens, catholiques, éthiopiens. Un groupe attend son tour pour prier dans le lieu du tombeau. Il entendra les vêpres catholiques, orthodoxes, arméniennes avant de pourvoir, enfin, se recueillir.
Les guides et les animateurs aident à décrypter la symbolique des expressions liturgiques et artistiques : la tomber d’Adam, sous l’emplacement de la croix du Christ pour honorer la méditation de Saint Paul au sujet du premier et du nouvel Adam. La chapelle de sainte Hélène, mère de Constantin qui parcourut le pays, de Bethléem à Nazareth à la recherche des lieux nommés dans les Evangiles. Le carré des franciscains, où sera célébrée la messe de la résurrection à la suite du chemin de Croix, au milieu des souks et des gens indifférents. Au cours de ces célébrations, Mgr Jaeger rappellera la responsabilité qui incombe à tous, aux catéchistes et animateurs en particulier, non seulement de célébrer l’année de la foi, mais plus encore d’annoncer un Dieu Amour, qui se fait proche de tous.
Le Cénacle, le palais de Caïphe, ses citernes-prisons et le reniement de Pierre, avant le chant du coq, le mur ouest ou mur des lamentations et les bar-mitzva, l’emplacement du second Temple devenu esplanade des mosquées.
Le parcours proposé par les guides donne à voir le mont des Oliviers inondé de soleil, les tombes des juifs et des arabes qui attendent la résurrection. Au sommet du mont des Oliviers, les sœurs du Carmel rappelle l’emplacement où Jésus a fait le don du “Notre Père”, lieu où il a prié et pleuré devant la ville Le Notre Père est écrit en de nombreuses langues, dont le Thaï. Comment dire la joie d’une jeune baptisée thaïlandaise, de trouver enfin le Notre Père dans sa propre langue ? Quelle place donner aux émotions de chacune et chacun dans ce parcours de pèlerin ? “Chaque fidèle qui a reçu le don de la foi est responsable de sa transmission“, affirmait Mgr Fouad. La coïncidence veut que le pape François publie ce même jour l’exhortation apostolique “La joie d’annoncer l’Evangile” Evangelii Gaudium. La foi de chacun a pu être confirmée, éclairée : on ne met pas ses pas dans les pas de Jésus sans que cela ne transforme le pèlerin.
Les pèlerins d’Emmaüs, au lieu dit Abou Gosh, ont pu dire à leur interlocuteur inconnu : “c’est fini, on repart chez nous !” Et depuis ce n’est pas fini… car ils ont repris le chemin, un chemin d’annonce. “Mets sur nos lèvres et dans nos mains, les mots et les gestes du Christ. Fais-nous découvrir les germes de la nouveauté que tu inspires pour que l’Eglise demeure chez nous l’humble servante de l’Amour du père, du Fils et de l’Esprit.” (Prière du synode).
A l’écoute de quelques témoins
David Moatti Fête de HannoukaCe rapide compte rendu serait incomplet s’il n’était mentionné la rencontre-conférence de plusieurs témoins : outre Mgr William Shomali au patriarcat de Jérusalem ; le père Johnny à Sichem ; Jihan Anastas, palestinienne, à Bethléem ; Jean Saffart, chrétien à Jérusalem ; David Moatti, juif, à Jérusalem. Chacun d’eux a évoqué à sa manière comment se posait la recherche de la paix. Ils auront permis aux pèlerins de mesurer combien chacun la désirait et combien elle semblait encore lointaine. Est-ce un rêve, une utopie ? N’est-ce pas une orientation pour toute activité humaine. L’orientation spirituelle du mercredi portait sur le thème de la paix. La journée commençait à Aïn Karem, avec la lecture d’Isaïe ch.9, évoquant la venue du prince de la paix qui brûlerait toute chaussure et tout manteau de guerrier.
Yad Vashem mémorial de la Shoah Il y eut ensuite la visite au mémorial de Yad Vashem, qui rappelle la shoah et la négation de toute humanité. Enfin la visite de la maquette de Jérusalem au temps de Jésus et le musée du livre faisaient mémoire de tout ce qui fut détruit par la guerre entre Juifs et Romains. Le dernier manuscrit exposé au musée, le rouleau d’Isaïe long de 8 mètres, se termine par des paroles d’espérance et de rassemblement sur la montage du Seigneur.
Devant l’assemblée des pèlerins, David Moatti et son père allumaient une bougie, l’une des huit bougies prévues pour les huit jours de la fête de Hanoukka qui débutait ce soir-là. C’est en mémoire de la victoire juive des Maccabées en -164. Or, c’est à l’occasion de cette même fête que le Christ s’était écrié dans le Temple : “Je suis la Lumière du monde”.
Une suite sans fin
Un pèlerinage est l’occasion pour chacun de recueillir des éléments disparates, glanés au fil des visites, des conversations et des méditations. Puisse ce pèlerinage avoir éclairé, renouvelé et confirmé la foi de chacun, foi reçue et transmise.
Abbé Emile Hennart