FAQ-3-Evangile de Luc

Lecture en maison d’Evangile, questions et réponses au fil de l’année. Section 3 : Luc 7,1 à 9,50

Miracles et paraboles en Galilée, identité de Jésus. 

Cette section 3 recouvre les chapitres 7,1 à 9, 50 de Luc. La fiche 3 d’accompagnement de lecture invitait à repérer les personnes qui gravitent autour de Jésus et, parmi elles, celles à qui est destinée la Parole et l'oeuvre de salut. Il y a tout d’abord le centurion, un étranger ; la veuve de Naïm désormais sans ressources; un possédé en terre étrangère; une anonyme, pécheresse; mais aussi Jean-Baptiste et ses doutes, qui envoie ses disciples pour de plus amples informations. Il ne faudrait pas oublier les nombreux convives au partage des pains… ils représentent ceux qui partageront le pain de l’eucharistie dans la nouvelle alliance.

 

Comme pour les sections 1 et 2, bien des questions ont été soulevées qui méritent d’être approfondies. Dans cette lecture continue de l’évangile, on n’oubliera pas le premier principe qui est de se mettre à la recherche “du point de vue de Luc sur Jésus” et des dimensions symboliques de ses récits, alors que nous aurions tendance à rechercher la pure objectivité sur ce qui s’est réellement passé. Les récits que nous propose Luc sont toujours en vue d’aider Théophile et chacun des lecteurs amis de Dieu, en vue d’entendre la Bonne Nouvelle, à savoir l’amour infini de Dieu envers tout homme à commencer par les petits et les étrangers…

 

Le centurion : agit-il par flatterie ?

Utilise t-il des intermédiaires juifs pour augmenter ses chances ?
Luc 7, 1-10. La guérison de l’esclave du centurion n’est pas la première guérison, mais la “mise en scène” de l’évènement devrait éveiller notre curiosité. Le destinataire de la grâce de Dieu est un esclave, un moins que rien, esclave d’un officier romain, un étranger, même s’il est sympa envers les juifs et leur religion. La conclusion du récit : “Jamais je n’ai trouvé une telle foi en Israël” a du choquer les auditeurs juifs et même les humilier. On retrouvera une remarque semblable à propos de la guérison des 10 lépreux. La mise en scène, l’organisation du récit est l’œuvre de Luc en vue de susciter une découverte : même (et d’abord eux), les païens sont bien accueillis par Jésus. C’est un thème favori chez Luc, à savoir l’accueil de la Bonne Nouvelle par les païens. Ce n’est donc pas le centurion qui se met en avant, c’est Luc, le rédacteur. Il pointe du doigt que le peuple élu n’a pas eu un accueil chaleureux envers Jésus. Il faudrait relire dans les Actes des apôtres les parole de Paul aux juifs d’Antioche puis de Rome : A Antioche, Paul et Barnabé prenne acte des refus répétés de leurs frères de religion: "C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païen”. Actes 13,46, Ou en fin du livre, Actes 28,28 : “Sachez-le donc : c'est aux païens qu'a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront”. (Non sans humour l’insistance de Paul sur “eux, ils écouteront” a du faire rougir les auditeurs).

 

Naïm (Luc 7,11-17) Pourquoi cette insistance sur le fils unique, dans la Bible ?


La résurrection de Lazare Capharnaüm  
La résurrection de Lazare
La résurrection de Lazare
  Dans toutes les civilisations, la descendance est signe d’avenir. La progéniture est aussi un “bâton de vieillesse” sur qui on peut d’appuyer quand l’âge et l’usure du temps se font sentir. Cette femme n’a plus de mari, et maintenant plus d’enfant… Il n’est pire pauvreté que de ne pouvoir s’appuyer sur personne. Les premières communautés chrétiennes auront à cœur (plus ou moins) de venir en aide aux veuves les plus démunies (Actes ch.6). Le fils unique est donc richesse, promesse d’avenir. On peut penser à Samuel, un fils acquis, à Isaac, fils d’Abraham… mais aussi à Jésus-Christ fils unique, qui disparaitra de manière prématurée.


Qu’en a-t-il été de ce retour à la vie pour le fils ? Nul ne sait, mais Luc oriente notre regard vers un autre fils unique crucifié, Jésus. Comme bien souvent dans les récits, paraboles ou miracles, la clé de lecture se trouve dans la fin du récit. Luc rapporte ici la réaction des spectateurs (Luc 1, 68) : “Un grand prophète s’est levé parmi nous, Dieu a visité son peuple”. Luc reprend des mots du Benedictus (Lc 2,18-20), manière de dire que se réalise ce qui a été annoncé. Cette même expression sera reprise par Jésus, au moment de la passion, en forme de reproche à Jérusalem, (Luc =19, 44) “tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée”. A la différence d’Elie ou Elisée, Jésus rappelle à la vie par sa seule parole. En utilisant le nom “Seigneur” pour désigner Jésus, Luc emploie un vocabulaire d’après la résurrection. Il invite ainsi à reconnaitre en Jésus Dieu qui visite son peuple. Ce récit de Naïm est une catéchèse de Luc envers les premières communautés chrétiennes de son temps. Que Jésus “rappelle à la vie” quelqu’un sur le départ est plausible. Les témoins n’ont pas cherché davantage. Ils ont surtout retenu la compassion de Jésus envers une veuve, signe de la visite de Dieu, et annonce de la résurrection de Jésus.

Luc porte une attention particulière aux veuves, elles font partie du groupe des plus démunies. Voir ch. 20,45 à 21, 4 la critique virulente de Jésus

 

Pourquoi Jean-Baptiste interroge Jésus ? Ne savait-il pas qui était Jésus ?


Plusieurs épisodes successifs au ch. 7, 18 à 37 viennent apporter une touche à l’identité de Jésus. Il y en aura d’autres. Une page entière est consacrée aux doutes de Jean-Baptiste sur Jésus. Il faut se rappeler la description que Jean donnait de celui qui doit venir, et constater que Jésus n’est pas copie conforme au modèle annoncé. Jésus ne fait que reprendre ce qui a déjà été dit à la synagogue de Nazareth (ch.4). Jésus se présente comme miséricorde, guérison et bonne nouvelle du pardon pour les pauvres… Pas d’exigences comme le faisait le Baptiste. Alors Jésus est-il bien l’envoyé de Dieu ? La discussion va continuer de deux manières, après le départ des envoyés de Jean-Baptiste. Ce sont les deux questions suivantes.

 

Que signifie Jean le plus grand et cependant le plus petit ?


Plus exactement : “Parmi les hommes, aucun n'est plus grand que Jean; et cependant, le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui“.


Ce propos sur Jean-Baptiste est étonnant ! Ce propos n’est pourtant pas si bizarre, si l’on accepte que l’Evangile, tel que nous le lisons, n’est pas une simple transcription de ce qu’a dit Jésus, mais qu’il est aussi le fruit de la méditation des premiers chrétiens au sujet de Jésus, de Jean-Baptiste. il porte aussi les traces des conflits entre groupes de disciples de Jésus et groupes de disciples de Jean-B, du temps de Jésus et après ! (Pour vérifier, lire Jean 4, 1-2 et Actes 19, 1-4, Paul à Ephèse)


Tout d’abord : il nous faut comprendre que, pour Luc, l’histoire de l’humanité et du salut se divise en trois temps. Le premier temps est celui de la promesse, d’Abraham jusqu’à Jean Baptiste compris, le dernier des prophètes. (= notre Ancien Testament). Il y a ensuite le temps de la réalisation : c’est la vie publique de Jésus. Ce temps commence avec l’arrestation de Jean. Luc ne nous montre jamais Jean et Jésus ensemble. La coupure/rupture se situe très exactement au ch 3 entre 20 et 21. Luc ne décrit pas le baptême de Jésus par Jean, il ne les montre pas ensemble ! Le troisième temps est celui de l’Esprit-Saint, temps de l’Eglise et de la proclamation (Actes des Apôtres). Luc écrit, dans les années 70-85, et il veut tout à la fois faire comprendre que Jean est le plus grand… mais qu’avec Jésus, tout baptisé au nom de Jésus, est plus grand que tout disciple de Jean baptisé du baptême de Jean et plus grand que Jean lui-même.


La compréhension de cette phrase suppose qu’on prenne du recul par rapport au temps de Jésus. Il nous faut penser à Luc, dans les années 80, qui invite à faire la distinction entre “être disciple de Jean-Baptiste” et “être disciple de Jésus”, ce que tout le monde ne faisait pas, et certains même se disputaient à ce sujet. Cela n’a pas la même importance aujoourd’hui.

 

Que viennent faire les mots glouton, ivrogne ?


Jean-baptiste Jean-baptiste   7,35 : Il faut penser à la discussion qui se prolonge au sujet de Jean-Baptiste, bien accueilli par tout le peuple et par les publicains, alors que les officiels, pharisiens et légistes refusent de le suivre. Alors Jésus rappelle des expressions qui circulent au sujet de Jean-Baptiste et de lui-même : quatre choses. Glouton, ivrogne, ami des pécheurs, ami des collecteurs d’impôts, voilà les reproches qu’on leur fait. Jésus a beau jeu d’opposer deux figures : l’une, c’est Jean et sa vie d’ascète, et on ne le suit pas ; l’autre c’est Jésus (le fils de l’homme) qui fréquente pécheurs… et on le conteste aussi. Question sous-jacente : à quels signes peut-on reconnaître le prophète, l’envoyé de Dieu ?


Toute la section 3 tourne autour de l’identité de Jésus : qui est-il ? Un élément de réponse sera donné par Pierre au ch. 9, 19-20, mais Jésus donnera lui-même la dernière réponse à ses détracteurs, à Jéricho avant de monter à Jérusalem : “le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.”(19, 10) Les derniers mots: Jésus ami des pécheurs introduit le récit suivant: une femme chez Simon.

 

La femme chez Simon, déjà pardonnée, avant son geste ?

 

La question: Nous comprenions jusqu'à ce jour le pardon donné parce que la femme avait manifesté de l'amour. Et nous sommes invitées à comprendre que la femme se savait pardonnée avant de poser son geste. Est-ce exact ? Ce qui pourrait sous-entendre que cette femme devait suivre Jésus, faire partie de la foule des anonymes et avoir été témoin de l'amour miséricordieux de Jésus envers les exclus ?...Et donc que c'est l'aboutissement d'un long cheminement où Dieu accompagnait la femme, même dans son péché, se faisant discret, mais appelant ?


Eléments de réponse
Oui, vous avez bien lu, il nous faut renverser notre compréhension ; le texte précise que cette femme a déjà entendu parler de Jésus… Une interprétation assez courante laisse entendre que Jésus pardonne parce qu’on a manifesté du repentir. A vue d’homme cela semble normal, c’est du donnant-donnant. Mais à vue de Dieu, çà se passe autrement ! Ce récit interroge ce que nous affirmons être “Evangile”, annonce (bonne nouvelle) que Jésus veut faire entendre. Sans cesse Luc nous relance pour comprendre que Dieu est encore plus miséricordieux que ce que l’on croit.

 

Relisons cet évangile. La section 3 (7,1 à 9,50) est caractérisée par la question de l’identité de Jésus : après l’accueil du centurion, voici à Naïm, les gens qui répandent la renommée : “c’est un prophète, Dieu a visité son peuple (cf. Zacharie Luc 1,68). Voici ensuite Jean-Baptiste qui s’interroge et doute que Jésus soit le Messie car Jésus ne correspond pas au “modèle” qu’il a annoncé (3,7-18). Chez Simon, les convives se demandent quel est cet homme qui va jusqu’à pardonner ; et à la fin de la section (9,18-22) nous avons une réponse des disciples puis de Pierre (18-22).
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Jésus avait déjà proclamé “Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs” 5,32 Bientôt il présentera le Royaume où seront invités et accueillis tous les exclus malades et handicapés (et personne ne sera mis dehors, cf. la parabole du festin  14, 12-24). Puis trois paraboles sur le perdu retrouvé fait comprendre que c’est l’amour du père qui pardonne au fils dévoyé avant même qu’il ne soit revenu. A Zachée, Jésus ne demande rien, mais Zachée comprend..


Le pharisien Simon a sans doute bien répondu à Jésus : "aimera davantage celui à qui on a davantage pardonné…" mais lui qui pensait n’avoir rien à se reprocher se pensait juste devant Jésus et plus encore devant cette femme. Il faut ici relire le commentaire du zoom, dans la fiche Luc 3

 

Ce récit n’est pas le quelconque rapport d’un épisode de la vie de Jésus ; c'est un temps fort de la catéchèse du salut. Nous avions noté la rareté chez Luc du vocabulaire de « la grâce ». Dans cet épisode, nous repèrons l'accueil gratuit de Jésus, signe de son pardon donné. Par son geste, elle rend grâce à Jésus pour son accueil, son pardon. Les gestes d'amour de cette femme sont interprétés par Jésus comme "authentique expression de la foi" qui rend cette femme bénéficiaire du salut. Il faut lire "tes péchés ont été pardonnés... le verbe est au passé, non au présent. C'est fait depuis bien longtemps, désormais va en paix... Ce don de la paix est actualisation du programme annoncé par le père de Jean-Baptiste, «la connaissance du salut par le pardon des péchés... pour guider nos pas dans le chemin de la paix» (Luc 1, 77. 79). Malgré sa bonne volonté initiale, Simon le pharisien reste étranger à cette connaissance. Comme disait Charles Péguy, «les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce.»

 

Quelle différence entre apôtre et disciple de Jésus ? 

 

Ceux qui forment un groupe autour d’un maitre, on les appelle les disciples. C’était vrai chez les grecs comme chez les juifs : les disciples d’un maitre, d’un rabbi. Tous comme les rabbi, Jésus enseigne son groupe de disciples. Une particularité de Jésus semble cependant qu’il envoie ses disciples pour qu’à leur tour ils deviennent prédicateurs de la bonne nouvelle. En grec, cela se dit “apostolé” c’est-à-dire “envoyé en mission”, ce qui a donné la transcription française “apôtre, et apostolat”. La même personne peut être tout à la fois disciple (d’un maître) et apôtre, c’est-à-dire envoyée prêcher. Il est utile de savoir distinguer l’état de disciple et l’état d’envoyé. Dans l’Eglise catholique, tous sont des fidèles baptisés en Christ, mais, parmi eux, certains reçoivent mission au service de… Ils sont alors envoyés.
Dans le nouveau Testament, on trouvera ici et là des traces de conflit entre ceux qui parlent parce que envoyés et d’autres qui parlent aussi, bien qu’ils ne soient pas envoyées.


 

Que veut dire Jésus par "laisse les morts enterrer leurs morts" ?


Les béatitudes. Enseign ement dans la plaine Porte de bronze à NazarethNazareth  
Les béatitudes. Enseign ement dans la plaine
Les béatitudes. Enseign ement dans la plaine
Ch. 9, 59-60. Voici une difficulté-type qui provient de nos mauvaises habitudes de lecture : nous lisons trois mots comme une pièce détachée, sans prendre en compte l’ensemble de la phrase, sans prendre en compte le contexte dans lequel s'exprime l’auteur de cette phrase… [Remarquons que cette même erreur de lecture et d’interprétation est à l’origine de bien des buzz sur le dos des hommes politiques aujourd’hui, via les blogs et les vidéos]. Cette phrase "laise les morts..." traine depuis des générations dans notre mémoire sous forme de proverbe ; or cette phrase est capitale pour la mission de l’Eglise.


Un texte dans son contexte
A partir du ch. 9,51, nous changeons de section et de lieux. Luc présente maintenant Jésus qui organise son équipe en vue de la mission, sur le chemin vers Jérusalem. Ses paroles s’adressent à ceux qu’il appelle à le suivre. Il précise quelques règles élémentaires. Relisons la phrase dans son entier : Jésus dit à un autre :"Suis-moi." Celui-ci dit : "Permets-moi de m'en aller d'abord enterrer mon père." Mais il lui dit : "Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu."


Lire d’abord ce qui est écrit
Après un retour de mission où des disciples, plutôt style fanatiques, s’emportent pour avoir été mal reçus, Jésus appelle. La phrase, synthétique, mérite qu’on repère les étapes de la réflexion : 1/ Jésus dit :"Suis-moi." 2/objection pour de bonnes raisons : "Permets-moi de m'en aller d'abord enterrer mon père." 3/ la réponse de Jésus : "Laisse les morts enterrer leurs morts 4/ justification en signalant l’urgence de l’annonce : “toi, va annoncer le Royaume de Dieu”


Il est facile d’imaginer autour de Jésus ceux qui disent “rien ne m’arrêtera, je marche avec toi, aujourd’hui et demain et le jour d’après”. Devant de telles affirmation de “bonne“ volonté, Jésus met en garde. En effet, on a toujours de bonnes raisons, de bonnes excuses (hier comme aujourd’hui) pour remettre à plus tard l’engagement à suivre Jésus. Cette phrase semble très dure, prise à la lettre, mais n’est-elle pas une invitation à vérifier dans notre propre vie si nous n’usons pas ou n’abusons pas de bonnes excuses ? Si l’aspect absolu de cette phrase peut choquer, le sens à lui donner est très clair. "Toi, va annoncer la Bonne nouvelle".

 

Et aujourd’hui, que fait-on de cette parole ?
Mais cette parole n’est pas seulement une affaire personnelle, elle concerne la mission de l’Eglise comme telle, au point que des évêques aujourd’hui (Lourdes Mars 2010) interrogent « le service public » de la religion, que l’on fait supporter à l’Eglise, au détriment des autres nécessités de la mission. Ainsi l’empressement à s’occuper des funérailles, les envois en mission-funérailles et le temps passé n’a d’égal que le faible empressement à annoncer la Nouvelle de l’amour de Dieu (le Règne de Dieu), dans chacune de nos églises : que ce soit pour la catéchèse des enfants, l’accompagnement des catéchumènes, le soutien aux équipes de jeunes, ou l’invitation des voisins à composer une maison d’Evangile… Il est temps de reprendre, chacun pour soi-même, cette parole de Jésus. Hormis la présence aux funérailles, y a-t-il pour nous urgence d'aller en d'autres lieux pour proclamer l’Evangile ?

 

Mettre la main à la charrue et regarder en arrière? Dans le même contexte que ci-dessus, on trouve cette phrase un peu énigmatique: "celui qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière n' est pas fait pour le royaume de Dieu". L'interprétation devient aisée : tu viens à ma suite, oui ou non?

 

Qui est Jeanne ? Et les femmes autour de Jésus


Luc signale par deux fois le nom de Jeanne: 8, 2 : “Et il advint ensuite que Jésus cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui, ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chouza, intendant d'Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens

Luc parle encore de Jeanne en 24,10. “A leur retour du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C'étaient Marie la Magdaléenne, Jeanne et Marie, mère de Jacques. Les autres femmes qui étaient avec elles le dirent aussi aux apôtres ; mais ces propos leur semblèrent du radotage, et ils ne les crurent pas”.


Au pied de la croix, comme au moment de la résurrection Luc, tout comme Marc, signale la présence d’un groupe de femmes. C’est à elles qu’est annoncée la résurrection de Jésus. On ne peut guère en dire plus sur Jeanne à partir des évangiles.

 

Le nom de Jeanne, comme celui de Jean, est un nom hébreu et signifie “Dieu fait grâce”. Cela explique pourquoi Zacharie et Anne tenaient tant à ce prénom (Luc 1,57-66) pour leur enfant! Le “Je”, qui précède “an” de Jean, est la forme raccourcie pour dire Yahvé, tout comme pour Jésus (yoshua=Yahvé-Dieu sauve).
 

[NB Il n’était pas bien venu pour un rabbi d’être entouré de femmes. Or cela ne dérange ni Jésus ni les rédacteurs des évangiles. Dans l’évangile selon Luc, la présence des femmes auprès de Jésus est située au début d’un nouveau récit “sur le chemin”, au ch.8. Le missel, 11ème dimanche ordinaire année C, déplace ce paragraphe en fin de lecture précédente, et le qualifie de lecture facultative. Pourquoi de telles réserves, en liturgie, à l’égard des femmes ?)]
  

Pourquoi Jésus impose-t-il le silence à l’un et pas à l’autre ?


Il est juste de s’interroger sur deux attitudes différentes de Jésus, pour Jaïre et pour le possédé guéri (Luc 8, 21 et 8,47). En posant la question, nous avons oublié le contexte de chaque scène, (comme pour “laisse les morts enterrer leurs morts”). D’un côté il est question de rendre gloire à Dieu, et Jésus n’y voit aucune objection. En effet, rendre gloire à Dieu, c’est reconnaitre que Dieu a du poids dans ma vie, que sa parole ce n’est pas du vent. Là où le Christ impose le silence, c’est lorsque des personnes voudraient dire immédiatement que Jésus est l’envoyé, le Fils de Dieu, suite à une guérison merveilleuse… Cette réserve est une manière pour Jésus de faire comprendre "est-ce que tu proclameras la même chose dans les moment difficiles, lorsque je serai sur la croix?"

 

Pour le possédé, (Luc 8,27). il est remarquable que Jésus lui confie, à lui, un païen, une mission d’annonce alors qu'il n’a pas encore envoyé ses disciples ! (9,51 à 10,20) Et, qui plus est, il invite le possédé à faire l’annonce, auprès de sa famille, famille de païens. L'idée sous-jacente est la même que lors de la guérizon de l'esclave du centurion (ch.7).

Le silence demandé à Jaïre est conforme à la tradition des récits de guérison : Jésus et les évangélistes ne voudraient pas qu’on croie en Jésus à cause d’un fait merveilleux. Saint Jean, ch.6, précise que Jésus s’enfuit après la multiplication des pains, par crainte d’être proclamé roi. En Marc, souvent Jésus impose le silence sur son identité (relire fiche3 Marc), et l’identité de Jésus “Fils de Dieu” n’est révélée qu’au moment de la mort de Jésus, et par un soldat étranger à toute l’histoire juive et chrétienne (Marc 15,39). Aucun évangéliste ne fait dépendre la foi d’un miracle, bien au contraire, c’est la guérison qui dépend de la foi.

 

Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! Quelle signification?

 

Cette phrase conclue la réponse de Jésus aux disciples de Jean venus l’interroger. Essayons de nous représenter la situation : Jean est emprisonné (3,20) et, par ouï-dire, il a eu des informations sur Jésus. Il semble que Jean doute que Jésus soit bien le messie, car Jésus ne condamne personne, fréquente les pécheurs (penser au repas chez Lévi avec les pécheurs), fréquente les romains (étrangers et païens comme le centurion) ; de plus Jésus a censuré l’expression “ le jour de Dieu, jour de vengeance” (à Nazareth Luc 4, 18-19) dans la citation d’Isaïe 61, 1-2. Jésus n’a pas reproché à ses disciples de froisser des épis le sabbat (6, 1-5). De plus il a pardonne les péchés (5, 28-26), ce qui est réservé à Dieu seul). Voilà donc des raisons, pour Jean-Baptiste, de douter (= de tomber) à cause de l’attitude de Jésus trop miséricordieux.


Les paroles de Jésus en choqueront plus d’un, parmi les juifs d’hier, mais aussi chez quelques chrétiens aujourd’hui, habitués aux traditions et préceptes peu évangéliques des 17ème-19ème siècles. La redécouverte du visage de Christ-Jésus d’après les évangile les étonne, les choque, au point d’entrer en opposition à l’Eglise de Vatican II.


[Note : Jean-Baptiste avait annoncé un Messie plutôt rigide : “Qui vous a permis de vous soustraire à la colère qui vient…” ; “Déjà la hache est à la racine de l’arbre, tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé et brulé”, puis il vient comme le moissonneur à la moisson, “le grain qui a du poids il l’engrange, mais la paille et la bale qui ne pèsent pas lourd seront brulées…” (relire les sermons de Jean-Baptiste en Luc 3, 7-18)]. Lire les doutes de Jean-Baptiste

 

 Celui-ci ne verrai pas la mort avant d'avoir vu le règne de Dieu?


 “Parmi ceux qui sont ici, certains ne connaitront pas la mort avant d'avoir vu le règne de Dieu”. Luc, 9,27. Cette phrase prend sens à partir d’une “affirmation-attente” que le Règne de Dieu viendrait. Après la mort de Jésus, les disciples s’attendaient à un retour très prochain du Christ et de l’établissement du Règne de Dieu. Or bien des disciples étaient morts, et les premières communautés chrétiennes attendaient toujours le retour imminent (penser à la réflexion de Paul, 1 Thessaloniciens 4, sur la résurrection). Lorsque Luc écrit, il devait encore y avoir des premiers témoins du temps de Jésus (par ex. St Jean). C’est dans ce contexte qu’est pensé ce qui constituera l’évangile selon Luc.

 

L’histoire des premiers temps de l’Eglise nous apprend que les communautés chrétiennes ont du réviser leur idée d’un retour immédiat (très proche de Jésus). Cette phrase en porte la trace : bientôt, mais quand ??? La traduction française a du mal à rendre compte de la langue des sémites. Elle écrit “ne mourront pas avant de…” ou “ne goûteront pas la mort avant que...”, c'est une manière de dire qu’on ne connait pas le délai… Dans ce bref récit (23-27) Luc reprend et adapte des paroles de Jésus en vue de soutenir des chrétiens de son temps : certains sont affrontés à la persécution, et ils auraient pu renier Jésus (avoir honte de lui…) ou mourir sans connaitre son retour. Pour Luc, écrire ainsi est une invitation à tenir jusqu’au retour de Jésus dont on ne connait pas l’heure.

 

Jésus n’arrête pas de faire des miracles ! Cela nous dérange !


Guérison du ppralysé Capharnaüm  
Guérison du ppralysé
Guérison du ppralysé
Luc parle de guérison, plutôt que de miracle. Il faudrait rester fidèle à sa manière de parler. Les guérisons ne sont pas aussi nombreuses ni miraculeuses qu’on le pense, Il n’y a que 12 scènes de guérison chez Luc, (putre les guérisons multiples) et jamais quelqu'un dans les récits ne s’étonne de ces guérisons… Pourquoi ?.
Parce que Jésus-guérisseur n’était pas une exception. Cela demanderait des explications pour comprendre les civilisations anciennes. Avez-vous remarqué que les scènes de guérison ont toujours un développement, qui porte sur autre chose que la question de guérison. La pointe de ces récits est ailleurs. C’est nous qui mettons l’accent sur la guérison/miracle, sans lire la suite. Relisons les 10 lépreux (17,10). L’accent est mis sur le dixième qui revient, rendre gloire à Dieu, et rendre grâces à Jésus, or c’est un étranger !? Luc attire notre attention sur lui, un samaritain, un étranger ! Relisons aussi les guérisons un jour de sabbat : le sujet du récit n’est pas la guérison mais la question de faire le bien le jour du sabbat etc.
Ci-dessous, vous trouverez le rappel de plusieurs guérisons entre le ch.9 et le ch.19 . Si cela pourrait vous aider.  


Récits de guérisons dans cet ensemble (ch 9,51 à 19,19). 
A quoi faisons-nous attention, sur quoi Luc veut-il attirer notre attention?. Allons lire ou relire.
 

  • 11, 14 un démon muet (démon ≠ péché)  la giuérison ouvre un développement sur Béelzéboul  qui serzait à l'origine du pouroir de Jésus...
     
  • 13, 10-17 : une femme infirme : le débat tourne autour du sabbat ; pas de mise en doute de la guérison.
  • 14, 1-6 l’hydropique (épanchement, œdème), la pointe, c’est encore le sabbat
     
  • 17, 11 les dix lépreux. La guérison n’a quasi aucune place dans le récit : ni geste ni parole, tout se passe à distance. C’est un non-évènement. L’évènement c'est après, ce sur quoi Jésus insiste : le contraste entre celui qui se retourne vers Lui et glorifie Dieu (lui, un samaritain !) et les 9 autres… Souvenons-nous du centurion et de la parole de Jésus : jamais en Israël je n’ai vu une telle foi ! Luc signifie souvent l’accueil que réservent des étrangers à la foi en Jésus. S’arrêter sur “la guérison” risque de nous faire passer à côté du message de l’Evangile : surtout chez les païens est accueilli Jésus sauveur ! C’est Jésus qui donne la conclusion au récit et la signification est : “relève-toi, ta foi t’a sauvé”. Le verbe “relève-toi” évoque la Parole à la veuve de Naïm et la résurrection de Jésus. (Remarque : le ch 17 arrive après plusieurs chapitres d’enseignement en paraboles. Voici à nouveau des récits de guérison d’hommes exclus religieusement et socialement)
     
  • Guérison Capharnaüm  
    Guérison
    Guérison
    18,35 : l’aveugle de Jéricho.
    (Comparer avec Marc 10, 46-52.) Nous arrivons à fin du  chemin et à la conclusion de Luc. C’est la 12ème et dernière guérison chez Luc. C’est aussi le dernier récit avant la passion: Jéricho+Zachée, guérison puis annonce de la Bonne Nouvelle Cela correspond au schéma de l’homélie à Nazareth : pratique libératrice de guérisons suivie de l’annonce de la Bonne Nouvelle. A Noter l’enchainement : "Ta foi t’a sauvé", puis action de grâce, puis suivre Jésus. L’acclamation par les foules prépare à entendre l’acclamation des foules, lors de l’entrée à Jérusalem. A noter enfin le retour de la foule dans le cours du récit, foule quasi absente des sections 4-6 consacrées aux disciples, à leur “éducation”.

Il faudrait enfin s'interroger sur "qui sont les bénéficiaires de guérisons?" En général, ce sont de petites gens, des pauvres, des exclus, c'est à eux d'abord qu'est annoncée la Bonne Nouvelle du salut : les aveugles voient, les boiteux marchent, les captifs sont libérés, les opprimés renvoyés en liberté. Une Bonne Nouvelle en actes.

Page complémentaire : récits de guérisons dans la littérature juive et grecque

 

 Que vient faire l'allusion à Jonas?

 

ninive-rempart ninive-rempart     Ch 11, 29-32. Parmi les thèmes majeurs de Luc se trouve le thème de l'annonce et de l'accueil de la Bonne Nouvelle chez les païens. Ce que nous appelons aujourd'hui universalisme s’est heurté au particularisme entretenu par les responsables de la « nation élue ». Luc ne parle pas de l'épisode de la baleine (c'est chez Matthieu), mais des ninivites. Alors, pourquoi Jonas ?

 

jonas-1 jonas-1  Le livre de Jonas est un conte religieux du 2ème siècle avant Jésus. Il participe à l’évolution des mentalités pour oser “annoncer aux païens”. En effet, la mission d’un prophète, était comprise, chez les juifs de l’époque, comme mission de parler au nom de Dieu pour le peuple d’Israël, pas pour les autres. Or, l’appel (la vocation) de Jonas est d’aller prêcher aux païens de Ninive, ce qu'il refuse au nom de sa conscience de prophète et il prend logiquement la direction opposée. Fuite ou opposition au projet de Dieu ? A ce moment du récit, Jonas représente la pensée commune juive, on n'est pas envoyé aux païens !

 

L’histoire continue et, bien malgré lui, Jonas se retrouve prêchant aux païens dans Ninive. Il est tellement bien reçu que tous se convertissent. Mais à la vue des nombreuses conversions, au lieu de se réjouir, Jpnas entre en colère contre ce Dieu qui accorde le pardon à des païens. Il se fâche contre Dieu tout en retournant au pays. A l'heure du midi il s'abrite sous un arbuste, qui malheureusement se desséche.  Alors Jonas se plaint que le figuier ne lui donne plus d’ombre Et voici la réplique de Dieu à Jonas: "dis-donc! tu te fais bien du souci pour cet arbre qui ne t’a rien coûté, et moi je ne devrais pas me faire de soucis pour cette ville de 120.000 habitants qui ne savaient pas distinguer le bien du mal ?”

 

Mission hors des frontières, hier et aujourd'hui
jonas-2 jonas-2  Cette allusion de Jésus/Luc au livre de Jonas est comme la justification de l'envoi en mission auprès des païens. Jésus poursuit la réflexion en signalant la venue auprès de David de la Reine du Midi, une étrangère qui passera devant les premiers destinataires (les juifs) dans le Royaume. Plus tard, l'apôtre Paul devra s'orienter vers les païens suite aux refus répétés des juifs:  "C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la Parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les païens". (Actes 13).


Quand on connait les difficultés d’ouverture d’esprit au temps de Jésus, (cf. le débat sur le pur et l’impur, puis le non-accueil de la syro-phénicienne chez Marc, etc.) on comprend mieux l’insistance de Luc sur la foi des païens et leur accueil de Jésus. Chez les premiers chrétiens, d’origine juive, il y aura aussi des réactions hostiles à l’ouverture aux païens prêchée par Paul (Actes 15). On mesure combien le message de Jonas, ce "petit" prophète a du mal à passer.


Lorsqu’aujourd’hui on assiste dans une partie de l’Eglise à un repli identitaire, un abandon de l’annonce de la Parole en langage courant auprès de ceux qui ne viennent pas dans nos lieux à nous, quand on déserte les lieux loin de l'Eglise, comme les banlieues et lieux de précarité et autres étrangers à l'Eglise, on peut se demander si, comme Jonas hier, les chargés de la mission de l’Eglise d’aujourd’hui ne se refusent pas à sortir de leurs murs catholiques. Mgr Di Falco interrogeait à ce sujet "la communication", en novembre 2009 : la communication des chrétiens, y compris sur le web, s'adrese essentiellement aux chrétiens, alors qu'elle devrait s'adresser  à tous les hommes. Qu'attendons-nous pour suivre Jonas à Ninive?  

 

Les juifs mangent-ils du porc? Est-ce une bête impure pour eux?

 

La question des porcs : en Israël on n’élevait pas de porc, et on n’en mangeait pas. La présence des troupes d’occupation romaine a entrainé la présence de troupeaux pour nourrir la population païenne. Aux origines de la règle juive (et aussi arabe) il y a une pratique sanitaire, une pratique de précaution, chez les nomades des pays chaud : la viande de porc ne se conserve pas, contrairement à d’autres viandes. Suite à de nombreux cas de maladie après avoir mangé du porc, les populations ont établi une règle sanitaire demandant de s’abstenir de cette viande malsaine… De règle sanitaire, millénaire, ce principe de précaution est entré dans le code de lois, lois tout à la fois civiles et religieuses, (car on ne séparait pas les deux) : viande de porc = impure parce qu’elle peut entrainer des maladies.


Concernant le récit d’évangile. (8, 26-9) L’évangile parle de milliers de porcs, mais on a probablement enjolivé une histoire qui a pu se produire : des porcs qui se seraient jetés dans le lac, et on a trouvé un responsable en la personne de Jésus qui dérange! L’amplification en chiffre est aussi une manière de dire que Jésus vient débarrasser le pays (tout le pays) du mal, de tout le mal qui l’habite. Comme cela coûte cher, on demande à Jésus de s’éloigner. Le Cardinal Cardjin disait “qu’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde”. Aujourd’hui encore, malgré cette affirmation, n’y a-t-il pas des moments où l’on trouve que çà coute trop cher de soutenir des jeunes ou des adultes en difficulté ? On peut comprendre que la question du préjudice ne se pose pas seulement hier. Pour aller plus loin dans la réflexion, il vaudrait la peine de rechercher ce qu’est la doctrine sociale de l’Eglise : les biens et le bien des personnes, cela ne fait pas toujours bon ménage ! 

 

Mal et possession, guérisons : ce langage ne passe pas dans les jeunes générations.

 

De tout temps, les hommes se sont posé des questions: de où vient le mal, pourquoi etc.? Dans l’antiquité (époque où ont été écrits les évangiles, les hommes étaient persuadés qu’ils étaient entourés d’esprits célestes (anges ou démons) qui influaient sur la vie des humains. Concernant les maladies, quand on ne savait pas de où cela venait ni comment les guérir, on disait qu’un esprit mauvais avait pris possession de l’homme. La médecine faisait ce qu’elle pouvait mais n’avait pas nos connaissances.


Sur la pensée de l’Eglise aujourd’hui… je vous renverrai aux livres de Jean-Luc Blaquart qui fut doyen de la faculté de théologie à l’université de Lille. Dans l’une de ses conférences, il développe l’évolution de la pensée et des explications sur le mal au cours de l’histoire. Dans ses conclusions, il s’inspire des interrogations après la shoah (Hans Jonas…) et il reprend la réflexion de Jésus à propos d’un aveugle, en saint Jean : “Qui a péché, lui où ses parents demandent les disciples… ; ni lui ni ses parents, mais il est là pour que se manifeste l’amour de Dieu”. Telle est le sens de la guérison: manifestation de l'amour de Dieu au présent. Et Jean-Luc Blacquart continue : « sur les origines du Mal, en particulier le mal innocent, il n’y a pas de réponse à la question de l’origine, mais une question reste posée à chacun : “devant ce mal, qu’est-ce que tu fais ?” » (Voir le compte-rendu de conférence)

 

Qu'en est-il des exorcistes? Concernant l’exorciste lui-même, son "travail" consiste avant tout à dénouer, autant que possible, les idées sur ce qu'est réellement Satan, sur toutes les représentations ancrées chez ces personnes, représentations héritées de bavardages et convictions exprimées souvent plutôt maladroitement. Le dialogue, quand il est possible, essaie d’abord de faire le tri sur tout ce que l’on raconte, afin de discerner le vrai sens de Dieu et de notre relation à Lui. (Lire témoignage de l’exorciste du diocèse). Bien des personnes “qui se disent proches de l’Eglise” parlent à tort et à travers de ces questions délicates, dont bien des gens souffrent. La médecine a des réponses au sujet des maladies, mais pas toutes les réponses sur la psychologie et de l’humain et le sens donné à sa vie. La médecin et la foi, tout comme l’économie ou la philosophie sont des disciplines différents et complémentaires qui devraient toutes travailler pou un meilleur service de l’homme. Je ne vous ferais pas l’injure de rappeler « un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup y ramène », de Louis Pasteur. C’est encore vrai aujourd’hui.

 

Miracles, possessions et exorcisme, comment comprendre? 
J’oriente la réflexion en deux directions
1. Connaissance de l’histoire des mentalités et fonctionnements sociaux, médecine et phénomènes religieux d’autrefois. En particulier, comprendre les tentatives dans les peuples anciens pour expliquer le mal : devant quelque chose dont on ne sait pas l’origine, les sociétés ont eu tendance à imputer ce mal à des forces supérieures (qu’on les appelle dieux, démons, possessions, esprits malins etc.). Dans ce contexte, des hommes plus doués que d’autres et/ou héritiers de connaissances ancestrales empiriques, arrivaient à guérir telle ou telle maladie. Qu’on les appelle guérisseurs, rebouteux… ils ont des dons et des aptitudes. (Voir document joint "les guérison"

 

2. Meilleure lecture d’un récit. Une première remarque : nous sommes tellement allergiques au mot guérison que cela nous bloque l’esprit et nous devenons incapables de lire l’ensemble la suite du récit. De plus on emploie le mot miracle là où les textes parlent de guérison ou expulsion d’un démon. Une déviation intellectuelle et spirituelle -récente- a fait du mot “miracle” quelque chose comme de la magie, et cela nous révulse, à juste titre. Essayons de comprendre le fonctionnement des civilisations anciennes, remettons les récits de guérison dans le contexte d’une société qui n’est plus la nôtre. Cela devrait aider à “ne pas diviniser” comme on l’a trop fait pour ce mot miracle, au XIXème et XXème siècle. Une lecture « objective » des récits de guérison dans les évangiles devrait faire découvrir que la guérison n’est que le point de départ d’une réflexion qui mérite toute notre attention, mais nous sommes incapable de lire tout ce qui est écrit.


Exemple : les dix lépreux, en Luc 17,12-19. Le récit de guérison ne nous donne aucun renseignement ; mais le récit se continue pour faire remarquer que “seul un samaritain, un étranger (précision de Jésus)” a été capable de rendre grâce. Et les autres (bons juifs bien éduqués) que sont-ils devenus ? Cette remarque est fréquente chez Luc à savoir que les étrangers accueillent mieux la Parole que les Juifs, premiers destinataires de la Bonne Nouvelle (lire Actes des Apôtres, écrit aussi par Luc, ch. 13, 46-47 et 28,28).

 

Autre exemple, à propos de guérisons le jour du sabbat : le débat porte sur la possibilité de faire ou non le bien le sabbat…. Personne ne conteste la guérison (Luc 13,10-17 ou 14,1-6). Autre exemple : guérison d’un sourd : Jésus n’est pas seul à faire des guérisons ; il suffit de lire la suite, où la discussion sur Belzebul (Jésus, de quel côté est-il) et personne dans l’entourage ne conteste les pouvoirs de guérison de Jésus. Jésus fait aussi remarquer que eux aussi (ou leurs fils) font des guérisons… conclusion de ce récit, Luc, 11,14-20 : “ Mais si c'est par le doigt de Dieu que j'expulse les démons, c'est donc que le Royaume de Dieu est arrivé jusqu'à vous”.
Notre allergie au mot guérison nous empêche de lire et de comprendre comme le comprenaient les anciens ! (Ceci dit, je reconnais qu’il y a des « débordements mystico-religieux’ » à propos des phénomènes miraculeux, (Medjugorgé, Lourdes et autres lieux) qui demanderaient à un peu de prudence).

 

Pour résumer : Nous devons replacer un texte lu dans le contexte de son époque, et non dans le notre. Ensuite, se rappeler que la guérison en elle-même est rarement le sujet principal du récit, on devrait s'interroger davantage sur la discussion qui s’ensuit. Car là est l’essentiel. Quand cela se termine par "Va en paix", ou quand Jésus annonce le pardon (réconciliation avec Dieu), les lecteurs de Luc comprenaient ce qu'était réellement la Bonne nouvelle. Et nous?

 
Pour avancer dans la lecture, nous devons nous dépassionner un peu pour être capable de tout lire, et pas seulement ce qui plait ou ce qui déplait, mais ce qui est écrit. D’où l’invitation faite dans la fiche 00  : quel est le sujet des verbes, comment est-il décrit ? que fait-il, Où ? Comment ? Quelles paroles sont prononcées etc. (Ces questions ont pour objet de déconnecter nos présupposés afin de mieux voir et lire ce qui est écrit, et, ensuite seulement, reprendre la discussion sur “Quel visage de Jésus, de Dieu, Luc veut-il nous montrer ?”