Journée de formation des ALP 12/2012

André Fossion : Evangéliser aujourd'hui

Journée ALP Journée ALP    130 animateurs laïcs en pastorale (ALP) et les doyens participaient à la journée des ALP pour entendre le père André Fossion sur le thème “Evangéliser aujourd’hui”. Des vidéos et des temps de partage d’expérience ont aidé l’intelligence et le cœur de chacun pour qu’ils désirent mettre en œuvre une pastorale d’engendrement.

 

Le contenu de cette journée concerne, au-delà des animateurs en paroisse, l’ensemble des communautés chrétiennes. C’est la mission de tout chrétien de rendre témoignage de la foi qui les anime ; c’est l’appel pressent adressé à tous par le synode autour du pape, pour tracer, parfois à travers le désert, le chemin de la rencontre avec le Christ, pour faire en sorte que l’Evangile dialogue avec les cultures et l’expérience humaine de chacun.

 

Le père Fossion enseigne au centre Lumen Vitae à Bruxelles. Journée ALP Journée ALP  Dans son enseignement, il invite à prendre en compte les réalités nouvelles des sociétés, qu’on les appelle modernité ou postmodernité, sécularisation, spiritualités ou sagesses nouvelles, indifférentisme ou individualismes. Il ne s’agit plus de vouloir transmettre un enseignement ficelé d’avance (et depuis des siècles), il importe de devenir un témoin qui soit homme de propositions dans et pour des mondes divers.

 

1. Regard sur notre monde

 

Ce que nous appelons sécularisation, parfois avec un peu de crainte, émerge dès le XVIIIème siècle, avec l’autonomie de la raison philosophique (par rapport à l’Eglise), autonomie des sciences, des Droits de l’Homme... En France depuis plus de 100 ans nous vivons sous le régime de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le pape reconnaissait, auprès des évêques en visite ad limina, que nous avions une longueur d’avance sur bien d’autres pays et que les chrétiens d’ailleurs pourraient bénéficier de notre expérience.


Si la religion devient du domaine privé, de la libre adhésion, dans le même temps s’affirment de nouvelles sagesses ou philosophies ou expériences pour vivre le présent (nouvelles sagesses qui associent, à dose homéopathique, stoïcisme, épicurisme, panthéisme, hindouisme, etc.).

De fortes résistances culturelles au christianisme se font jour. Ainsi la remise en cause des certitudes, y compris dites “de foi” (cf. André Comte Sponville). Nos paroles de foi sont ainsi remises en cause, tant elles paraissent incroyables : Dieu a-t-il un Fils ? Y a-t-il un monde après celui-ci ? De même s’est développée la négation de la religion, tant elle est devenue insupportable dans ses enseignements ou ses exigences péremptoires, dans ses contraintes, et à cause des souffrances dont elle est à l’origine. Ne dit-on pas “il faut sortir de la religion” ? D’autres résistances et indifférences se font jour, par exemple quand on affirme de Dieu qu’il est indéchiffrable, trop complexe, que le langage des croyants est compliqué. Enfin, la religion et la foi apparaissent venir d’un autre monde : les croyants habiteraient-ils une autre planète ? On parlera alors de monde sans Dieu ou sans au-delà.


Ce regard sur le monde entraîne la conviction que nous sommes dans un entre-deux, où une forme de christianisme, critiquée, tend à mourir alors qu’une autre forme de christianisme, désirée, tend à émerger. Bien sûr on peut toujours s’arcbouter sur un fondamentalisme sans espoir.

 

2. Vivre spirituellement le moment présent de la mission.


La deuxième partie de l’intervention d’André Fossion invitait à développer notre propre spiritualité avant de vouloir mettre en place des dispositifs pastoraux. C’est nous-mêmes et nos communautés qu’il faut d’abord convertir.

  • Une spiritualité pour la mission aujourd’hui suppose que l’on sache “voir Dieu en toute chose”, jusque dans son effacement. Dieu est le premier qui ait limité sa propre puissance. L’expression du philosophe Michel Serres rejoint ce regard quand il dit : “L’humanité est humaine quand elle invente la faiblesse.” Les théologiens emploient le mot kénose pour dire cet effacement de Dieu en Jésus.
  • Une spiritualité qui soit animée par la charité en toutes circonstances. Dieu dans sa générosité ne s’est rendu ni évident à l’intelligence, ni nécessaire à l’humanité : effacement et générosité (ou charité), sont-ils pour nous des signes de ce Dieu qui se donne ?
  • C’est aussi une spiritualité qui découvre la pratique des béatitudes comme chemin de salut, (que l’on s’affiche ou non chrétien). Jésus a appris le chemin des béatitudes en regardant la pratique des gens, des petites gens. Saint Paul, saint Jean insistent sur la charité comme attitude première de tout chrétien. Peut-être est-ce la raison de l’insistance actuelle sur la charité (diaconie-diaconia) qui n’est ni prosélytisme, ni ecclésiocentrisme, mais tout simplement invitation à se tourner vers le prochain quel qu’il soit.
  • Dans cette spiritualité nous sommes appelés à reconnaître, vivre et célébrer le salut comme une grâce, un don de Dieu. Reconnaître, c’est aussi faire connaître l’Evangile. Puisqu’il est bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, la charité nous presse de l’annoncer. Evangelii Nuntiandi de Paul VI rappelle que “évangéliser est tout d’abord témoigner, de façon simple et directe, du Dieu révélé par Jésus-Christ, dans l’Esprit Saint” ; c’est-à-dire “rendre témoignage à l’amour du Père”. Ce faisant, Paul VI invite à ne pas nous égarer sur les multiples éléments secondaires.
  • Enfin, pour cette annonce de l’Evangile, il nous faut apprendre à allier rigueur et grâce. Le discours croyant doit donner à penser et à désirer. En effet la foi ne va pas sans intelligence (rendre raison de notre raison, de notre espérance), et en même temps, elle doit être “plausible” à nos contemporains, c’est-à-dire qu’elle doit laisser à désirer .

Dans la perspective de ce dernier point, il faudrait développer plusieurs capacités : la capacité communicative, la capacité à l’universalisme, la capacité à la critique de tout ce qui déshumanise, la capacité à rendre témoignage de notre foi, savoir lier la figure de Dieu à celle de Jésus. Enfin, nécessaire et ravivée depuis Vatican II : la capacité à dialoguer avec autrui et avec les autres traditions religieuses.

 

3. Quel dispositif pastoral ?


Un dispositif est autre chose qu’un plan ou une stratégie catéchétique. Nous sommes tellement tentés de planifier, de maîtriser et de mettre en ordre de marche que nous oublions ce qui rend possible une naissance. Un jeu de mot (malencontreux mais explicite), repris en fin de journée par Mgr Jaeger parlait de “pastorale d’encadrement” au lieu de “pastorale d’engendrement”… (A nous de mettre des attitudes concrètes derrière ces expressions !) Il importe donc de mettre en œuvre ce qui “rend possible” des émergences nouvelles et laisse place à la surprise. Nous voudrions tellement tout encadrer ! Il est évident que cette pastorale à mettre en œuvre est une activité en Eglise, en communauté pour laquelle quatre caractéristiques peuvent être retenues :

  • L’existence de communautés fraternelles qui soient ordonnées prioritairement à la diaconie, qu’elles soient une incarnation de l’amour qui «croit tout, espère tout, endure tout» (1 Co. 13,7) ; des communautés qui savent dire merci, priantes et engagées au service de l’humanité dans l’esprit des béatitudes. Que, même dans leur fonctionnement et manières de vivre ensemble, elles soient figure d’Evangile.
  • Des communautés qui se prennent en charge, y compris dans l’appel et la formation de ministres ordonné issus de leurs rangs.
  • Que l’annonce soit comprise comme un acte de charité, une annonce non parce que c’est nécessaire ou obligatoire, mais parce que c’est bon, comme un cadeau que l’on fait à la personne à qui l’on s’adresse. Dans cette perspective, on découvrira que vivre les béatitudes dans leur mise en œuvre auprès de tous les hommes, c’est faire avancer le Royaume de Dieu.
  • Enfin que ces communautés développent la dimension d’initiation. Ainsi les Orientations de Mgr Jaeger en février 2.000, ou le Projet diocésain de catéchèse en 2010, ou la catéchèse par modules sont inspirés par le souci d’une pastorale d’initiation plutôt que d’une pastorale d’instruction religieuse. Ces communautés offrent des expériences à vivre plutôt que des cours à recevoir. Les réalités sont mouvantes et il serait bien imprudent de les enfermer dans un “système à suivre”. Chacun franchira les étapes à son rythme et non selon le plan prévu par les organisateurs.
     

Les derniers mots de la journée revenaient à Mgr Jaeger. Il rappelait les orientations qu’il avait fixées en février 2000 pour le diocèse : “Raviver le désir d’annoncer l’Evangile, faire place au plus petit et au pauvre ; rallier les jeunes pour aujourd’hui”. L’implication des communautés, de toutes les communautés est une nécessité pour servir la mission, pour engendrer de nouveaux fils et filles à l’Eglise de notre diocèse. Les cellules chrétiennes de proximité sont un des moyens. Que le dernier chant relance le dynamisme du diocèse : “Allez donc, de toutes les nations faites des disciples…”


Notes rassemblées par l’abbé Emile Hennart
 

Invitation à lire:  Dieu désirable, André Fossion, Lumen Vitae 2010, 22 €. Le père Fossion, jésuite, enseigne au centre Lumen Vitae de Bruxelles, centre de formation pastorale et catéchétique.
On lira avec intérêt l’exposé complet d’André Fossion dans “Catéchèse et diaconie” Lumen Vitae n° 3 de Juillet-août-septembre 2012, p.259-280.
 

Lire le message final du synode, octobre 2012

 

Retour sur la journée des ALP http://arras.catholique.fr/page-32183.html

Article publié par Emile Hennart - Maison d'Evangile • Publié • 6960 visites