IV. Jésus. L'insondable mystère

 

 

LA VIE ET L’ŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)

 

 

IV

 

 

 

 JÉSUS - L’INSONDABLE MYSTÈRE : DIEU S’EST FAIT HOMME


 

Plan : Introduction - 1. La Mère de Jésus2. L’enfance 3. L’humanité du Fils 4. La vie publique 5. Le Fils dans l’histoire6. La passion7. Il est descendu aux enfers 8. Il est ressuscité 9. Il a fondé son Église10. L’incarnation 11. Le Fils et l’Esprit Saint12. Le Fils et le Père 13. La Trinité - Table des matières

 

 

Écrire sur Jésus ou en parler

 

de façon adéquate

 

n’est pas en notre pouvoir

 

(Pierre de Celle)


 

 

Introduction

 

Est-il raisonnable de croire que Dieu s’est fait homme ? Est-ce pensable ? Qui est Dieu d’abord ? Est-ce qu’il existe ? Comment dire que Dieu s’est fait homme ? Comment expliquer que Dieu s’est fait homme ? Qu’est-ce que ça peut vouloir dire que Dieu est devenu homme ? Peut-on se rendre compte de l’énormité qu’on exprime par là ? Ou bien c’est de la fantaisie, genre père Noël ? Mais si c’est sérieux, comment peut-on en parler intelligemment ? Qui peut en parler intelligemment ? Ce n’est pas si simple que peut l’imaginer le non croyant, et le croyant n’a jamais fini de chercher à comprendre. Jamais les prophètes de l’Ancien Testament n’ont imaginé qu’un jour Dieu se ferait homme. On ne peut pas l’expliquer. « Dieu existe, je l’ai rencontré », disait André Frossard. C’est simple, apparemment. En fait c’est infiniment complexe : Dieu, c’est l’infini. Mais on ne doit pas se limiter au mystère de Dieu qui s’est fait homme, il faut ajouter - ce qui est tout aussi incompréhensible – le mystère des relations des humains à Dieu et à Dieu devenu homme.


 

Adrienne von Speyr n’a pas composé de traité de christologie, mais le Christ est présent à presque toutes les pages de son œuvre. En recueillant ce qui y est exprimé du mystère de Jésus, on finit par avoir sous les yeux une véritable somme. Les pages ci-dessous présentent l’essentiel de ce qu’on peut trouver au sujet de Jésus dans les "Œuvres posthumes". Ces œuvres « ont été rendues publiques en 1985 avec l’approbation explicite du pape » Jean-Paul II (Cf. HUvB, L’Institut Saint-Jean, p. 5).


 

Dans d’innombrables visions et extases, il a été donné à Adrienne de percevoir quelque chose du mystère de Jésus à la fois homme et Dieu. Avec sa culture de femme du XXe siècle, mariée et médecin, elle a pu en dire quelque chose. Dans les œuvres posthumes, on trouve les réflexions d’Adrienne sans doute, mais un certain nombre des textes publiés par le P. Balthasar ont été dits par elle en extase, d’autres ne sont pas d’Adrienne elle-même, ils proviennent de l’un ou l’autre saint, d’autres encore sont du P. Balthasar dans son dialogue avec Adrienne.


 

Tout n’est pas facile à comprendre. Certains passages plus ardus, il a semblé préférable de les laisser à des spécialistes. Ci-dessous, les textes d’Adrienne ne sont pas toujours reproduits de manière strictement littérale ; il a paru parfois opportun d’omettre certains passages, et cela obligeait à établir certaines sutures. Ces pages d’Adrienne von Speyr pourraient se lire en marge d’un traité de christologie.

 

Patrick Catry

 

Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes)


 

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1. La Mère de Jésus

 

Plan :   100 Dieu a besoin de Marie – 101 Le Fils a choisi sa Mère – 102 L’Esprit, semence de Dieu – 103 L’ange et le oui de Marie – 104 Marie est avant le Christ – 105 Marie est rachetée à l’avance par le Fils - 106 Le Fils dans le sein de sa Mère - 107 La naissance – 108 Marie et son Fils - 109 Assomption - 110 Marie dans l’histoire du salut - 111 Marie, mère du Fils et épouse du Fils – 112 Marie et l’accès au Fils

 

                100 Dieu a besoin de Marie

 

1. Marie : cadeau du Père au Fils

On peut dire que la conception immaculée de Marie est un cadeau du Père au Fils. Cependant, bien sûr, Marie est rachetée, c’est-à-dire rachetée par le Fils. Mais il y a là comme un accompagnement de l’œuvre du Fils par le Père. Comme une preuve avant la preuve. Comme une assurance que le Père donne au Fils sur le chemin que cela prendra. Le fait que nous soyons marqués par le péché originel a comme caractéristique que nous sommes appelés à pécher encore. Dans sa conception immaculée, Marie a comme caractéristique d’annoncer l’arrivée de la pureté toujours plus grande du Fils, de sa divinité. Elle est comme une alliance que le Père donne au Fils, un gage que l’œuvre de la rédemption réussira. Le cadeau du Père est issu de la croix, mais comme un petit ruisseau spécial qui vient du Père et aboutit à la Mère (NB 1/2, 181).

 

2. Marie reçoit le fruit de Dieu

En recevant le fruit de Dieu, Marie devient elle-même son fruit. Il ne serait pas juste de dire que Marie n'est devenue fruit que par l'enfant. Elle n'a pas rempli sa mission seulement en devenant réceptacle pour le Fils. En recevant la semence, elle est devenue fruit elle-même. Le fait qu'elle soit fruit se trouvait pour une part dans le fait qu'elle est devenue la Mère du Seigneur, pour une autre part dans le fait qu'elle est devenue l’Église, c'est-à-dire l'épouse du Christ, ce qui ne coïncide pas purement et simplement avec la première notion. Cette possibilité se trouvait déjà à l'origine quand l'Esprit Saint la couvrit de son ombre. Son fruit, le Fils, n'a pas le droit de s'éloigner de sa Mère comme un fruit qui tombe de l'arbre ; le Fils doit toujours pouvoir porter un regard en arrière sur sa Mère, s'appuyer sur elle, trouver en elle sa nourriture comme quelqu'un qui cueille un fruit sur un arbre. Entre sa maternité et sa vie d'épouse il y a un va-et-vient (NB 12,99-100).

 

3. Dieu a besoin de Marie pour qu’elle soit la mère de son Fils

Dans son destin de femme, de croyante qui a dit oui, Marie se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle: être la mère de son Fils. Elle le nourrit de son sang (NB 10, n. 2318).

 

4. Marie prise dans un événement qui la dépasse

Marie se trouve prise dans un événement qui la dépasse, qui la vide, mais elle est vidée pour recevoir en elle le Fils. Le Fils est "en route" : il n'est plus au ciel, il n'est pas encore un homme, mais il est offert, dans la volonté du Père, à quelque chose qui n'est pas encore définissable (NB 12,75).

 

5. Marie apporte sa contribution à l’incarnation de Dieu

Dans l'incarnation, le ciel et la terre se rencontrent. Le Fils a besoin pour cela d'une aide humaine, sa Mère. Dieu le dépose dans son sein et elle devient un symbole de l'humanité qui accueille le Fils. Et en même temps le symbole de l'humanité qui est adoptée par le Fils. Elle est la créature qui est disposée à apporter sa contribution à l'incarnation de Dieu et qui reconnaît ici-bas le Fils comme Dieu. De plus, elle n'est pas seulement la Mère prédestinée du Seigneur, elle est aussi l'image d'Ève telle qu'elle aurait dû être : sans péché. Également l'image d'Ève qui doit son existence à la personne d'Adam selon un dessein de Dieu. Adam existait avant qu'Ève soit, et elle est issue de lui. Physiquement, Marie était là avant la venue du Fils mais, par lui, elle devient la nouvelle Ève telle que Dieu la veut. Son âme pure, sa conception immaculée proviennent du Fils. Quelque chose d'elle se fait par le Fils comme Ève est faite à partir d'Adam (NB 6,183).

 

6. Le Père met le Fils dans le sein de sa Mère

Dans le sein de sa Mère, la passion est présente comme future ; le samedi saint, elle est présente comme passée. Et le Père se trouve aux deux extrémités : c’est lui qui met le Fils dans le sein de sa Mère et qui le conçoit à nouveau en lui après l’enfer (NB 4,100).
 

7. Marie est jonction entre Dieu et le Christ

On reconnaît à quel point Marie est la jonction entre Dieu et le Christ: elle rend possible la rédemption par son oui et sa maternité (NB 8, n. 491).

 

8. Marie, son Fils et la Trinité

Marie est tellement la fille du Père, la Mère et l’Épouse du Fils, le réceptacle de l’Esprit qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes (NB 8, n. 969).

 

9. Marie et le Fils : de la conception à la mort

Marie est le centre de l'action de la Trinité : du Père, elle conçoit le Fils par l'Esprit, et elle met le Fils au monde pour le rendre au Père dans le même Esprit quand, sur la croix, il remet son Esprit au Père (NB 2,64).
 

10. Le Fils et sa Mère -

L'unité du Fils réside dans le fait qu'il est Dieu et qu'en tant que Dieu il devient homme par Marie. En tant que Dieu, il reçoit d'elle la vie humaine que, d'un autre côté, il a amené en partie du ciel comme semence de Dieu. Son être d'homme provient en partie de Dieu, en partie de Marie. Comme homme aussi, il est en partie du ciel, en partie de la terre, car l'Esprit Saint a couvert Marie de son ombre. En tant qu'Homme-Dieu il se soumet au cycle de l'organisme maternel, il vit de ses forces et de sa substance; et en se laissant former par cet organisme, il agit dans sa mère; en se laissant combler par elle, il la comble. Il reçoit d'elle, qui est un être humain, ce qu'elle a à lui donner. C'est pourquoi il était important que Marie fût ouverte à tout le bien créé. Il y a ici comme un double tableau : le Fils ne vit pas seulement du divin du Père et pour le divin du Père qu'il retrouvait à peu près dans sa mère; il vit aussi du bien de l'humanité qui se trouve en elle et qu'elle peut lui offrir. Quand le Créateur eut achevé son œuvre, il vit qu'elle était très bonne. Et il serait faux de croire que le Fils ne trouve dans la Mère que ce que Dieu lui a donné comme grâce spéciale ; il trouve en elle le bien de l'humain qui, sans résistance, s'habitue à sa forme d'homme, la nourrit, la rend possible finalement. Il est à peine nécessaire de dire que l'unité de la Mère avec le Fils et l'unité du Fils avec la Mère - là où ils se rencontrent, là où la Mère accueille le Fils et le Fils la Mère - doivent en arriver à coïncider totalement. On peut tout simplement parler ici d'une relation mutuelle durable et inexprimable qu'on ne peut pas élucider totalement parce qu'il n'est pas possible de déterminer la part que chacun donne à l'autre. Il est certain que le Fils donne plus à la Mère que la Mère au Fils. Mais on ne doit pas vouloir ramener le mystère à une proportion qu'on peut pénétrer totalement (NB 1/2, 155).
 

11. Le Père et le Fils ont décidé l’incarnation

Dieu le Père et Dieu le Fils ont décidé l'incarnation du Fils, et le Fils s'est choisi Marie pour mère. Il l'a élue non seulement en raison de ses qualités de femme en général mais aussi parce qu'elle est cette personne avec ces qualités données. Il se met dans la dépendance de son corps, mais aussi de tout son être, de sa vie, de son milieu. Il la choisit parce qu'elle lui promet d'être sa mère. En tant qu'homme, il sera le fils de cette mère. Corporellement et spirituellement, il sera relié à elle comme les enfants des hommes le sont à leurs parents. Il choisit ces liens authentiquement humains pour reconnaître et apprécier dans l'humanité comblée de grâces de sa mère le caractère de la nature humaine telle que l’a voulue le Père, et donner à cette nature une nouvelle impulsion vers le divin. Elle est la véritable créature telle qu'elle sort des mains du Créateur et qui retourne à Dieu sans s'éloigner de lui, sans briser son unité. Et lui, Dieu, vivra en elle. Mais elle, cet être humain exceptionnel, est en même temps un être humain quelconque. Et, pour cette raison, un être humain qui représente tous les autres humains (NB 1/2, 150-151).

 

12. Marie : offerte par le Fils au Père aussi bien que par le Père au Fils

Marie, avec le mystère de sa conception immaculée, se trouve en un point central de la Trinité : elle est offerte aussi bien par le Fils au Père que par le Père au Fils, avec une préséance du Père qui la donne au Fils pour qu'il puisse en somme commencer son œuvre. L’Esprit s'engage comme le défenseur et le consolateur de la Mère en la tenant éloignée de tout péché, mais il s'engage aussi comme défenseur et consolateur du Fils en lui montrant à l'avance que son plan est réalisable, et finalement il s'engage comme défenseur et consolateur du Père en lui montrant comment, en vertu de la prérédemption de la Mère par le Père, le Fils ne peut avoir aucun doute sur l'exécution de son œuvre. Dès le début, elle illustre pour le Fils la rédemption qui est pensée pour tous et qui suffira pour tous (NB 1/2, 144-145).

 

13. Marie, mère du Seigneur par la grâce de Dieu -

C'est par la grâce de Dieu qu'elle devient la mère du Seigneur et de tous les croyants (NB 6,57).

 

14. Marie et la Trinité -

La Mère s'adapte totalement à Dieu dans le don d'elle-même le plus ouvert. La Trinité et Marie vont ensemble ; en étant enceinte du Fils par l'Esprit Saint, elle s'est placée totalement dans la lumière de la Trinité (NB 4,35).

 

               101 Le Fils a choisi sa Mère

 

15. Le Fils a choisi sa Mère

Le Fils se choisit comme Mère l'être humain qui appartient totalement à Dieu, dans lequel il n'y a rien qui serait dirigé contre le Père. On pourrait avoir l'idée que, de cette manière, le Fils se fait la partie belle. Il se prépare un nid dans lequel au fond tout le monde aimerait bien se trouver. N'aurait-il pas mieux fait de choisir une pécheresse pour la convertir par sa venue? Mais il ne s'agit pas de cela maintenant. Dans le choix de Marie, se trouvent les plus grands égards pour le Père: le Fils veut lui montrer que l'être humain que le Père avait en vue lors de la création existe réellement. Et Marie aspire tellement au Père qu'en son propre Fils elle voit deux choses : elle voit celui qui a reçu une mission du Père (car elle ne fait qu'un avec la volonté du Père) et, par le Fils, elle voit toujours plus le Père lui-même. Mais, pour le Fils, il sera beaucoup plus difficile de l'emmener, elle, l'innocente, dans sa passion, il sera beaucoup plus difficile d'exiger de sa pureté qu'elle soit insérée dans l'œuvre de la rédemption, d'en faire la corédemptrice. Il sera beaucoup plus difficile d'associer à tout cela un être immaculé qu'une convertie, une convertie qui a tant à expier pour elle-même et qui porte si volontiers quelque chose de la faute commune à tous. Sacrifier la Mère : on est ici tout proche du massacre des "saints innocents" (NB 1/2, 152).

 

16. Le Fils a préparé sa Mère

D'une manière particulière, le Fils a choisi sa Mère, il l'a rachetée, il l'a préparée jusqu'au moment où il s'incarne en elle. Et pendant qu'il était ainsi vivant en elle - au milieu de la grossesse peut-être -, elle a senti les mouvements de l'enfant, elle a fait l'expérience qu'elle était en communion de vie avec lui, et dès ce moment-là sa prière aussi a grandi avec celle de l'enfant et l'a toujours accompagnée. Lors de l'incarnation, quand la prière du Fils se fit petite et enfantine, elle fut portée et accompagnée par celle de la Mère (NB 1/2, 199).

 

17. Le Fils a prédestiné Marie à être sa Mère

Marie commence précisément là où Ève termine. Elle prend en quelque sorte la mission d'Ève de devenir la mère des vivants là où Ève la laisse tomber. Elle reprend cette mission en se livrant tout de suite à Dieu. Dans sa rencontre avec l'ange, tout en elle devient actuel; l'ange se tient pour elle à la place du commandement de Dieu à Ève. Elle reçoit le commandement et elle y saisit sa mission en faisant aussitôt sienne la volonté de Dieu dans l'ange, en façonnant sa mission pour Dieu, avec la grâce que Dieu lui a donnée, à partir de la parole de l'ange et de son être personnel. Qu'elle en soit capable et avec une telle infaillibilité repose sur le fait que le Fils, qui l'avait prédestinée à être sa mère, l'a élue tout particulièrement. Prédestinée, comme Ève était prédestinée par Dieu à être la mère des vivants. Le Père et le Fils ont tous deux confié à l'Esprit le soin de montrer le juste chemin à Ève aussi bien qu'à Marie. Mais pendant que l'Esprit parle, Ève commence déjà à ne plus l’écouter tandis que Marie l'écoute attentivement et veut se familiariser avec sa parole. Ève perçoit sa mission - une mission qui n'est certainement pas nettement esquissée - d'une manière vague seulement et elle la transmet au genre humain sous la forme d'abord d'une décision de pécher, puis du péché accompli, finalement du péché à expier, sans se soucier de sa responsabilité vis-à-vis de Dieu et d'Adam et de sa descendance. Marie par contre perçoit sa mission avec toute la netteté de la parole que l'ange lui a dite, elle y ajoute du sien et renvoie le tout à Dieu. Les contours plus nets de sa mission sont occasionnés par le péché; s'il n'y avait pas eu d'éloignement entre Dieu et l'homme, Dieu n'aurait pas eu besoin de parler avec autant de précision. Mais d'autre part la nouvelle mission, qui vient de Dieu, c'est le Fils lui-même, qui vient dans le monde pour le sauver et qui apporte de cette manière avec lui sa propre loi, qui est d'être engendré du Père sans s'éloigner ni se couper de lui. Et avec cette grâce plus profonde et pour ainsi dire plus divine, il veille à ce que sa mère soit rachetée à l'avance comme première contre-mesure opposée au péché. Elle aussi cependant est sauvée et elle a son libre arbitre (NB 1/2, 162-163).

 

18. Le Fils a en lui sa Mère avant que la Mère l’ait eu en lui

Avant que Marie ait le Fils en elle, le Fils a en lui sa Mère. C'est en partant d'elle qu'il a réalisé sa rédemption. Il l'a en lui ; mais en naissant, il la libère (NB 2,28).

 

19. Le second Adam a eu d’abord en lui la seconde Ève -

Le Fils est qualifié de second Adam, Marie de seconde Ève. Mais il y a un point où le second Adam a en lui la seconde Ève. On pense trop peu au fait que le premier Adam a d'abord eu Ève en lui avant que Dieu le Père la créa de sa côte (NB 10, n. 2255).

 

20. Le Seigneur choisit sa Mère afin de la mettre en lumière

La femme (qui dit : " Heureux le corps qui t'a porté" en Lc 11,27) comprend que le Fils a fait de cette union à sa Mère sa première œuvre sur terre; il s'est choisi ce sein avant tout autre pour naître de lui. Il a remis son destin dans cette femme. Et il a par là mis un terme en quelque sorte à toutes les peines des femmes, peut-être même à toutes les peines du corps humain, en en faisant rayonner soudainement tout le divin. Il se donne pour être donné; il choisit sa Mère afin de la mettre en lumière, elle, la bienheureuse, par son humanité à lui, mais aussi pour montrer combien grande est l'humanité que Dieu offre à tous ses enfants. En élevant sa mère et en naissant lui-même, le Fils élève tous les humains au-dessus de leur hauteur précédente. Il les tire du péché, il les éloigne de leurs liaisons coupables, il les sauve du désespoir pour leur offrir de lui être attaché. Il le fait pour tous, mais il le fait d'une manière exemplaire pour l'être humain dont le sein en devient bienheureux (NB 1/2, 245).

 

21. Sur terre, Marie a son commencement avant le Fils

Il y a qu'un seul être humain qui, au sens corporel, a Dieu en lui : Marie. Au ciel, elle a son commencement après le Fils, sur terre avant le Fils (NB 1/2, 146-147).

 

22. Marie a été rachetée à l’avance par le Fils

Marie, du fait qu'elle a été rachetée à l'avance par le Fils, du fait de sa conception immaculée, montre constamment qu'elle a part à la vie du Fils ; chez elle, cette participation manifeste l'amour du Fils pour elle, puisque toute la relation du Fils à sa mère repose sur cet amour et qu'elle demeure dans la réponse à cet amour (NB 12,78).

 

23. Marie n’a pas su d'avance tout ce que le Fils lui demanderait

Le déroulement de la vie terrestre de Marie : grossesse, naissance, vie cachée, vie durant les années actives du Fils ; finalement le mont des oliviers : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne". Le Fils remet toute sa volonté au Père. Dans cette volonté se trouve incluse la volonté de sa Mère de prononcer son oui et de rester fidèle en tout au Fils, de participer à l'œuvre du Fils, par la grâce du Fils et de la manière arrêtée par lui ; elle s’est engagée volontairement, librement, mais sans savoir d'avance tout ce que le Fils lui demanderait (NB 1/2, 147-148).

 

24. Le Fils ne cesse de requérir d’autres choses de sa Mère

D'habitude, on demande à une servante un service limité, fixé d'avance. Le service de Marie peut prendre les formes les plus variées parce que le Fils, par ses requêtes, manifeste un toujours-plus illimité de vouloirs et de demandes, et le service se transforme ainsi suivant l'âge et les besoins du Fils. Il ne cesse de requérir d'autres choses de sa mère, des choses qui ne tiennent aucun compte de ses besoins à elle, de son âge à elle, mais uniquement de ses besoins à lui et de son âge (NB 1/2, 143).

 

               102 L’Esprit, semence de Dieu

 

25. L'Esprit Saint porte à la Mère la semence de Dieu (NB 6,400).

 

26. Le Christ est devenu homme de la semence de Dieu

Le Christ est Dieu, il est devenu homme de la semence de Dieu, et il faut le miracle de l'incarnation pour que lui, qui est un esprit divin, puisse s'adapter à un corps humain. Mais une fois devenu homme, il reçoit de plus du Père, dans son corps, une force qui rend celui-ci capable de vivre avec son esprit dans une harmonie heureuse, qui le rend en même temps capable de souffrir d'une manière voulue par Dieu (NB 12,101).

 

27. Le Père a confié le Fils à l’Esprit comme une semence

C'est bien sûr l’œuvre du Fils que sa Mère ait été rachetée à l'avance, l’œuvre de l'Esprit qu'il l'ait couverte de son ombre, l’œuvre du Père qu'il ait confié à l'Esprit le Fils comme une semence (NB 10, n. 2198).

 

28. Marie a reçu en elle l’Esprit de Dieu

Avec la semence du Père, avec le Fils, Marie a reçu en elle l'Esprit de Dieu. Maintenant le Fils grandit en elle. Lui, qui grandit en elle, lui communique toujours plus de sa substance spirituelle; il éduque en quelque sorte sa mère pour lui-même. Le Fils est en elle avec le Père et l'Esprit. On ne peut jamais avoir le Fils seul; celui qui a le Fils a aussi, avec lui, le Père et l'Esprit (NB 10, n. 2358).

 

29. L’Esprit couvre Marie de son ombre

Quand Marie conçoit, elle voit le service qu'elle rend au Fils qui va venir ; dans son acte d'obéissance à l'ange, elle est en contact avec le Père et avec l'Esprit d'une manière dont elle se doute à peine et qui n'est pas non plus dévoilée quand elle reçoit la semence divine. Quand l'Esprit la couvre de son ombre, c'est donc un événement trinitaire qui fait de Marie une mère; mais la maternité, elle la ressent comme le fait qu'elle porte le Fils et qu'elle est introduite dans sa vie. Le Père et l'Esprit disparaissent d'une certaine manière derrière cette image du Fils (NB 6,555).

 

30. Marie devient enceinte par son oui parfait à l’Esprit

Après les premiers parents et leur non à Dieu, le primat de l'amour spirituel ne revient que lorsque l'Esprit couvre Marie de son ombre, lorsque l'Esprit la marque tout entière et qu'elle devient enceinte par son oui parfait à l'Esprit (NB 6,534).

 

31. Marie a reçu l’Esprit pour donner au monde le Sauveur

Quand l'Esprit a couvert la Mère de son ombre, elle l'a reçu pour donner au monde le Sauveur; couverte une seule fois, elle l'a pour ainsi dire reçu deux fois. D'abord afin que le Fils de Dieu se développe en elle et afin que ce Fils vive en elle comme dans le réceptacle de l'Esprit Saint. Elle l'a aussi reçu pour elle afin qu'elle soit capable d'être Église et épouse (NB 1/2, 192).

 

32. L’Esprit donne le Fils à la Mère - Elle va le mettre au monde pour le rendre au Père -

Quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre, il "inspire" l'enfant en elle. Comme il inspire les disciples ou les prophètes pour qu'ils mettent par écrit ce qu'ils ont vécu avec Dieu et avec le Seigneur. Dans le fait que l'Esprit couvre la Mère de son ombre et dans le fait qu'elle reçoit l'enfant, on voit en quelque sorte ce que c'est que donner et recevoir. Et les deux se croisent pour ainsi dire. L'Esprit donne le Fils à la Mère et la Mère le reçoit. Mais en même temps la Mère donne aussi ce qu'elle a à donner. Elle devient un milieu qui donne et qui prend. En elle le retour du Fils au Père est déjà en quelque sorte préfiguré; on peut dire que le Père recouvrera le Fils de la Mère. Elle va le mettre au monde pour le rendre au Père et elle en était déjà d'accord quand elle a dit oui (NB 1/2, 239-240).

 

33. L’Esprit prépare Marie à l’arrivée du Fils physiquement et spirituellement

Quand l'Esprit couvre Marie de son ombre, pour notre compréhension il y a là d'abord un phénomène physique, mais c'est en même temps et tout autant un phénomène spirituel : là où le Fils est présent corporellement, il est présent avec son être de Fils tout entier. L'Esprit Saint doit donc préparer Marie à l'arrivée du Fils aussi bien physiquement que spirituellement. L’Esprit Saint prépare toute la personne de la Mère à la naissance du Fils (NB 6,421).

 

34. Le Seigneur, en tant que Dieu, envoie dans sa Mère l’Esprit

Le Seigneur prépare sa Mère de la même manière que plus tard il établira son Église. La Mère était prête dès l'origine; le Fils envoie donc d'abord dans sa Mère l'Esprit qui le porte lui-même. Il l'envoie puisque, dans la Trinité, il ne fait qu'un avec le Père qui envoie, même si, pour accomplir sa mission, il est porté par l'Esprit dans le sein de Marie. Entre le Fils et l'Esprit, il y a sans cesse cette réciprocité de la mission (NB 6,422).

 

35. Ce que Marie a éprouvé quand elle a conçu de l’Esprit Saint

Saint Pierre Claver a vu ce que Marie a éprouvé quand elle a conçu de l'Esprit Saint, quand elle fit place en elle pour le Fils afin qu'il soit le maître de toute son existence spirituelle et physique, et quand elle ressentit cela comme la réponse à son oui (NB 2,78).

 

36. Marie est façonnée pour l’Esprit d’une manière unique

Marie est façonnée pour l’Esprit d’une manière unique. Quand elle met le Fils au monde, elle reçoit l’Esprit sous la forme d’une connaissance approfondie. Elle l’a rencontrée quand il l’a couverte de son ombre. Il l’a couverte de son ombre pour lui permettre de porter cet enfant. Et quand l’enfant devient visible, elle reconnaît en lui l’Esprit et seulement alors elle devient accessible à tous les dons de l’Esprit qu’elle voit reposer sur son Fils. C’est pourquoi la théologie de notre temps peut aussi s’adresser à elle pour lui poser des questions qui sont les questions de notre temps et qui ne se posaient pas encore de son temps. Elle peut répondre avec la plénitude toujours vivante de l’Esprit qu’elle a reçue en elle et qu’elle a saisie après la naissance de son Fils. Pour elle, la grande apparition de l'Esprit et sa grande irruption, c’est la naissance du Fils. Pour les saints, c’est quand ils reconnaissent le Fils en correspondant à la mission que Dieu leur donne. Leur manière particulière d’être façonnés pour le Seigneur leur est donnée par Dieu comme une esquisse de leur mission (NB 4,172).

 

37. L’Esprit soumet Marie à l’épreuve

L'Esprit soumet totalement Marie à l'épreuve, du corps à l'âme, de l'âme au corps. Il met à l'épreuve toutes les possibilités de sa contemplation et de son action : jusqu'où sera-t-elle capable de porter des deux côtés ? Qu'est-ce qu'on peut lui demander de porter avec son Fils ? De quoi son Fils pourra-t-il la charger? (NB 6,123).

 

 

               103 L’ange et le oui de Marie

 

38. Marie donne son oui à l’ange

(En la fête de l’Annonciation). A l'Annonciation, Marie était deux choses en même temps: la jeune fille qui voit un ange pour la première fois et lui donne son oui, et la femme mûre qui continue à vivre son oui. L'inquiétude du premier acquiescement qui se faisait jour malgré toute sa confiance en Dieu et toute sa foi est remplacée ensuite par une fécondité pleine de joie comme si l'attention de Marie devait être attirée sur le fait que son oui dans l'obéissance a certes requis d'elle un sacrifice, mais que sa récompense est immensément grande et réjouissante et féconde que cette inquiétude première a entièrement disparu : elle a pu porter le Fils, l'élever, l'accompagner, elle demeure pour l'éternité sa mère et son épouse (NB 10, n. 2049).

 

39. Marie a vu l’ange

Marie a vu l'ange qui lui a dit: Il vient; et le Fils commence à être en elle (NB 3,150).

 

40. Qu’il me soit fait selon ta parole

"Qu'il me soit fait selon ta parole", fut la parole de Marie. La parole de l'ange annonçait le Fils mais, en tant que révélation de Dieu, cette parole était déjà en même temps le Fils lui-même. "Au commencement était la Parole", et cette parole du commencement est aussi bien la parole de l'ange que la parole qui concerne ce qui se passera pour la Mère. La Parole est devenue chair, mais la Mère porte cette incarnation de la Parole dans son oui qui, dès le début, était parole du Fils - parce que cette parole correspondait à la volonté du Fils - et parole de sa chair virginale, qui se trouvait à la disposition du Fils. En disant sa parole, Marie unissait pour toujours sa parole à la parole spirituelle et corporelle du Fils. Elle fut unie au Fils divin dans l'unité d'une existence terrestre. Mais cette unité, qui était une partie de la décision éternelle du Fils, ne fut pas livrée à l'éphémère. Marie continue à vivre avec la Parole en elle, et la parole agit de la manière dont le Fils-Parole le veut (NB 1/2, 196).

 

41. L’ange et le Fils se trouvent, vis-à-vis du Père, dans le même service du salut

Dans l'ange, la Mère rencontre la surnature, mais l'ange a éveillé en elle la disponibilité pour être servante. Dès ce moment-là, la réponse est donnée jusqu'à la mort : à l'ange et, par l'ange, au Fils devenu homme. Les deux, l'ange et le Fils, se trouvent, vis-à-vis du Père, dans le même service du salut ; bien qu'ils aient deux missions différentes, leur service est le même (NB 1/2, 143).

 

42. L'ange a choisi pour Marie le service parfait du Seigneur, d'une manière si parfaite qu'elle servira avec son corps aussi bien qu'avec son âme (NB 1/2, 143).

 

43. Quand Marie a dit son oui, elle porte le Fils en elle (NB 1/1, 145).

 

44. Le oui de la Mère est un oui à l'incarnation (NB 2,111).

 

45. Jésus dépend du oui de Marie

Le oui de Marie n'est pas seulement important pour sa propre vie, il a une signification éminente pour la vie de Jésus qui en dépend. En devenant totalement homme, il dépend du oui de Marie. Le oui de Marie est condition de l'incarnation (NB 2,32).

 

46. En disant son oui, Marie sait qu’elle concevra le Sauveur attendu

Quand Marie dit son oui, elle sait que ce qu'elle concevra par l'Esprit Saint sera le Sauveur attendu et elle devra le rendre au Père: il mourra. Elle connaît l'origine surnaturelle de son Fils, de son incarnation, et elle abandonne sa propre vie à la vie de son Fils qui est en devenir; comme cadre de l'abandon qu'elle fait d'elle-même, elle prend le cadre de l'incarnation du Fils qui fait tout éclater. Et pourtant son sacrifice demeure d'une certaine manière délimité par la naissance et la mort de son Fils; il va tout au plus au-delà de sa mort en ce sens qu'elle pressent une continuation de la mission du Fils à partir du ciel. Mais maintenant, dans cette ligne claire, l'enfer fait soudain irruption comme une voie secondaire, comme ce qui était totalement inattendu (NB 3,142).

 

47. Marie a dit oui à l’existence terrestre du Seigneur et à tout ce qui suivra

Dans le oui de Marie, le plus frappant se trouve surtout au début : lors de l'annonciation, et à la fin : lors de la naissance; la grossesse suit son cours normal. Pour la croissance de l’Église, le début et la fin sont si cachés dans le oui de Marie que le Seigneur peut changer le milieu sans l'annoncer. Il s'appuie donc sur le oui de sa Mère et il l'utilise sous une forme dont il prend seul la responsabilité. Personne ne peut objecter : "C'est différent de ce que j'attendais". Non, c'est ce à quoi je m'attendais parce que j'ai mis toute mon attente dans le Seigneur et que je laisse à sa liberté le soin de lui donner une forme. Pour la résurrection comme pour l'eucharistie, le Seigneur recourt au oui de sa Mère; elle a dit oui à l'existence terrestre du Seigneur, à sa naissance et à tout ce qui s'en est suivi; elle devra aussi dire oui à sa résurrection et à son existence glorifiée parce que depuis toujours il a intégré aussi ce oui dans sa nouvelle vie (NB 6,299).

 

48. Marie : son oui à Joseph et son oui à l’ange

L'union de la nature divine et de la nature humaine dans le sein de la Vierge est la plus haute réalisation de ce qu'est le mariage entre humains. La Vierge est épouse en face d'un Époux divin. Elle était déjà l'épouse de Joseph, sous une forme non consommée, Joseph avait son oui. Un oui au plan de la nature : pour la vie commune avec lui et pour l'accueil des enfants que Dieu leur donnerait. Pour la participation à la fécondité que Dieu destine aux hommes comme tels. C'était identique à un oui aux relations conjugales. Puis l'ange exige une deuxième union nuptiale : qu'elle se laisse couvrir de l'ombre divine en un sens sponsal, spirituel et physique. Elle dit oui à nouveau pour avoir part à la fécondité du ciel. Elle accueillera comme une coupe ouverte le fruit ainsi que le ciel en dispose, et le contenu est déjà décidé : elle sera la Mère du Fils. Le comment reste un mystère céleste qui ne doit pas être scruté. Elle doit seulement s'y abandonner. Quand elle a dit oui à Joseph, si elle lui avait demandé : "Comment sera notre mariage ?", et si Joseph avait dû lui donner une réponse tout à fait sincère, il aurait dû au fond demander lui-même à Dieu : "Comment sera mon mariage avec Marie ?" Mais lui, qui nourrit des espérances masculines, n'a pas posé à Dieu cette question; pour le moment, il reste quelque chose d'ouvert entre Dieu et lui. Joseph n'a pas répondu à la question que Marie ne lui a pas posée. Il n'aurait pas non plus été en mesure de lui répondre par lui-même sans empiéter sur les droits de Dieu. L'un et l'autre doivent laisser la question en suspens pour rester dans la pleine vérité de Dieu parce qu'il s'agit d'un mystère. Et parce que l'un et l'autre ignorent l'existence de ce mystère, ils n'en tiennent pas compte. Ils ne cherchent pas à scruter ce que Dieu s'est réservé, ils n'ont pas la curiosité d'Adam et Ève. Ils laissent faire Dieu (NB 6,127-128).

 

49. Avec le oui de Marie Dieu le Père façonne son Fils

Marie a dit oui alors qu'elle était jeune fille, presque encore un enfant. Un oui humain dans la grâce divine. Et son oui devient un oui divin dans un être humain tout donné, et Dieu le Père, avec ce oui, façonne son Fils. Et la Mère est là avec toute son humanité, sa foi, son amour, son espérance. Elle a un corps comme toutes les jeunes filles ont un corps; mais tout d'un coup elle ne possède plus ce corps parce qu'il est pris par Dieu qui en a besoin. C'est son corps à elle, mais il est le corps que Dieu a choisi pour que sa Parole y devienne homme. Et elle sent combien son mystère de jeune fille est élevé pour devenir un mystère de maternité, et comment son corps se donne à la semence de Dieu, et comment son don d'elle-même est simplement reçu par Dieu. Elle a dit oui avec ses lèvres, avec son cœur; mais ensuite Dieu a pris son corps; elle sent que Dieu le possède et y dépose sa semence. Il ne le fait pas dans une extase mystérieuse, ni en l'emmenant pour le faire ailleurs, mais elle reçoit tout simplement dans son corps la semence du Père apportée par l'Esprit. Cela se passe tout simplement. Tout d'un coup elle est mère. Elle est heureuse, très heureuse de recevoir ce qu'elle a reçu parce que à l'instant même elle sait qu'elle est prise, reçue, accueillie, passée en la possession de Dieu, et c'est ce qu'il y a de plus beau pour une femme croyante (NB 1/2, 274).

 

50. Marie dit oui à tout ce qui est au Fils, à tout l’inconnu, à tout l’incertain

Marie dit oui à tout ce qui est au Fils et à tout ce qu'elle portera en elle avec le Fils. Quelque chose d'inconnu dont elle ne peut pas s'approcher, qui est indépendant de son amour pour le Fils et indépendant de l'amour du Fils pour elle, qui est objectivité et forme intouchables. Elle disant son oui à tout ce qu'il y a là d'incertain (NB 1/2, 190).

 

51. Le oui de Marie à la douleur : pour le Fils, pour le monde, pour nos péchés -

A l'instant où Marie dit oui, il est clair pour elle qu'elle souffrira. Que toute sa virginité ne sert qu'à être plus sensible à la douleur, qu'à pouvoir être labourée plus profondément. De sorte qu'elle ne sera plus qu'une unique douleur: pour le Fils, pour le monde, pour tous nos péchés. Quand ensuite elle est transpercée, elle se souvient : c'est cela qu'elle a attendu depuis toujours. C'est la raison dernière du oui que l'ange lui a demandé, ce qui se réalise maintenant ; c'était finalement un oui de douleur, d'affaiblissement, un oui à l'impossibilité de se comprendre encore soi-même (NB 3,252).

 

52. Marie et son oui quand elle a porté le Seigneur

Aucun chrétien ne peut souffrir sans que la médiatrice de toutes les grâces ne lui donne quelque chose de la force de son oui, de sa force quand elle a porté le Seigneur (NB 4,115-116).

 

53. Le Fils vit de la force du oui de sa Mère

En tant qu'homme, le Fils vit de la force du oui de sa Mère, il est porté par lui et c'est par lui qu'il est mis au monde, c'est par lui qu'il est introduit dans les mystères de la vie humaine, toute sa vie durant il disposera de ce oui dans la mesure où il en aura besoin, il laisse en même temps au Père et à l'Esprit le soin d'en disposer comme ils le veulent. Pour lui, faire la volonté du Père s'étend aussi au fait que le Père dispose de sa Mère. Et quand le Fils institue l’Église et que sa Mère alors devient son épouse, il va de soi qu'il prend alors Marie tout entière pour épouse, telle qu'elle est : avec son don d'elle-même dont il a été disposé pour le mystère de l'incarnation, mais aussi avec tout ce qui n'a pas encore été utilisé. Il en a besoin pour bâtir son Église; c'est parce qu'il en est ainsi que l’Église peut réellement attendre chaque année la naissance du Fils qui s'accomplit maintenant dans l'épouse devenue Église; elle peut célébrer chaque année les fêtes de Marie, répéter chaque jour les mots de Marie, saluer chaque jour Marie comme celle qui est bénie parce que toute son existence est entrée totalement dans l’Église (NB 5,24).

 

                104 Marie est avant le Christ

 

54. Marie avant le Christ

Marie maintenant est placée avant le Christ. Parce que Ève est issue d'Adam, le Christ sera issu de Marie (NB 1/2, 157).

 

55. Marie vient au monde avant son Fils

Adam et Ève forment un couple, mais Ève vient après Adam. Et pourtant elle lui est égale et elle commet avec lui le péché. Le Christ et Marie aussi forment un couple; mais Marie vient au monde avant son Fils et elle n'est pas son égal dans la mesure où il est Dieu de toute éternité. Elle ne pense pas non plus à une égalité de droits, elle pense seulement au service. Mais quand le Fils l'élève de telle sorte que les deux forment malgré tout un couple, tout comme le Christ en tant qu’Époux et l’Église en tant qu'épouse sont un couple, la Mère laisse faire parce qu'elle sait que tout ce qu'il fait est bien fait (NB 1/2, 184-185).

 

56. Marie transmet le Fils

Quand Marie a dit son oui et que l'Esprit l'a couverte de son ombre, elle reçoit en elle la grâce divine sous la forme de la Parole faite chair. Mais que cette grâce ne soit pas pensée pour elle comme terme mais comme passage, elle l'indique elle-même en allant aussitôt avec l'enfant chez Élisabeth et lui communique à elle la première la grâce de l'incarnation. Et Élisabeth est saisie par une grâce à laquelle elle ne peut répondre autrement que par une prière et une louange de Marie. Mais cette grâce est encore plus riche : l'enfant remue dans son sein, touché par la même grâce. Et dans cet événement, Marie comprend qu'elle commence à transmettre le Fils et elle loue Dieu de ce que toutes les générations la proclameront bienheureuse (NB 1/2, 157-158).

 

                105 Marie est rachetée à l’avance par le Fils

 

57. Marie a été rachetée à l'avance par le Fils (NB 12,190).

 

58. Le Fils a racheté sa Mère à l’avance

Dans l'angoisse au mont des oliviers, il y a deux missions qui toutes deux sont complètes à leur manière, celle du Fils et celle de la Mère. La mission de la Mère, le Fils la porte déjà en rachetant la Mère à l'avance. Sur cette rédemption, à vrai dire nous ne savons rien. Elle est déjà accomplie quand le Fils arrive dans le monde. C'est une affaire de Dieu Trinité dans laquelle, du côté humain, seule la Mère est concernée, elle qui est déjà sur cette terre quand le Fils devient homme. Il vient dans le monde en portant toute sa mission et, sur la croix, il paie pour elle le prix tout entier : il porte tout le péché du monde. La conception immaculée de la Mère, il l'a préparée dans le secret en tant que Dieu mais, dans sa passion, il doit encore payer le prix de la mission terrestre de la Mère comme il paie le prix de la sienne. La croix est tellement réservée à sa propre mission et au péché du monde que l'autre affaire, qui n'est pas le prix du péché, n'a pas là sa place véritable ; c'est au mont des oliviers, dans l'angoisse, que le Fils paie le prix de la mission de la Mère. Il y a un rapport entre la prérédemption de Marie au ciel et sa prise en charge au mont des oliviers ; à partir du mont des oliviers, où elle est totalement prise en charge, elle prend elle-même toujours plus de part à la rédemption jusqu'à la croix, et finalement sa participation permet pour ainsi dire au Fils de régler toute la dette (NB 1/2, 175).

 

59. Le Fils a racheté sa Mère du péché originel avant même qu’elle vienne au monde -

La Mère de Dieu a été rachetée du péché originel avant même de venir au monde, elle n'a jamais connu le péché originel. Théoriquement elle a la possibilité de tomber dans l'un ou l'autre péché, mais elle ne l'utilise pas. Si elle n'en avait pas la possibilité, sa vie ne serait pas une vie dans le monde. Mais elle ne tombe pas, tout autant par la grâce du Fils que par son oui continuel qui est sa participation. Ce oui est son acte, sa contribution. Le Seigneur l'a rachetée afin qu'elle puisse poser cet acte par amour de cet acte. Et par la force de son oui elle comprend le péché. Elle voit sa turpitude, elle voit sa malédiction, mais elle n'en est quand même pas touchée au plus profond d'elle-même parce que là elle est rachetée et qu'elle ne peut être touchée (NB 4,279-280).


 

               106 Le Fils dans le sein de sa Mère

 

60. La conception du Fils en Marie –

Avant sa conception, l’humanité du Fils existait déjà dans la semence de Dieu. Le Fils de Dieu est beaucoup plus préformé dans la semence que Marie conçoit que ne l'est un homme. Mais naturellement cela ne veut pas dire que la semence ait été vivante quelque part avant la conception; c'est l'Esprit qui couvre Marie de son ombre, il apporte quelque chose de manière créatrice de la même manière que la semence humaine est présente avant la conception, et ce qui est apporté contient déjà le Fils tout entier. Dans la conception ordinaire, ce n'est que l'union des deux cellules qui fait advenir l'être humain, qui détermine aussi le sexe; pour la conception de Marie par contre, dans ce qui est apporté par l'Esprit, le Fils est déjà déterminé comme celui qu'il est en vérité (NB 3,164).

 

61. Marie enceinte ne peut pas s’imaginer son Fils

Pas plus que n'importe quelle autre femme Marie ne peut s'imaginer son Fils. Elle sait seulement que ce sera un garçon. Son attente ne va pas plus loin. Mais d'un autre point de vue, son attente est beaucoup plus illimitée parce que l'enfant sera Dieu. Elle connaît quelque chose de Dieu dans la foi, dans la prière, de la manière la plus concrète sans doute par sa rencontre avec l'ange. Mais si son Fils sera Dieu, il viendra avec des desseins précis. Il va sauver les hommes. Et elle devra s'adapter à ces desseins. Pour ses premières années, il attend d'elle qu'elle soit mère. Comme toute mère avec son enfant elle devra d'abord remplacer pour lui le monde. Et le monde qu'elle aura à lui offrir doit être en contraste avec l'autre monde qui viendra après, qu'il doit racheter. Et si pour Marie la question de son propre salut n'a subjectivement aucune importance - elle n'y réfléchit pas -, elle voit très bien l'opposition objective entre les deux mondes. Parce qu'il en sera ainsi, parce qu'il doit en être ainsi, elle a confiance à ce sujet. Elle doit simplement laisser faire. Malgré cela, elle sent une lourde responsabilité. Pas une responsabilité dont elle se charge elle-même, plutôt une responsabilité dont on la charge dans la prière, qu'elle accepte telle qu'elle est donnée (NB 6,130-131).

 

62. Marie enceinte de Jésus

Quand le Fils deviendra chair en elle, elle aura en elle la certitude de sa présence. Ce n’est pas pour elle comme pour les autres femmes qui doivent attendre pour savoir si elles sont enceintes. Elle le sait quand elle donne son oui (NB 9, n. 1588).

 

63. Le Fils s'est abaissé à devenir dans le sein de sa Mère quelqu'un qui est attendu

Récemment j'ai vu Marie quand elle était enceinte; les mots de sa prière étaient presque pauvres, mais son attitude était celle de la reine du ciel, avec la dignité de celle qui attend. Je compris l'incroyable dignité qu'il y a dans la grossesse. Dieu fait irruption dans notre indignité pour nous apprendre à vivre en l'attendant et nous donner ainsi une dignité. Quand le Fils s'est abaissé à devenir dans le sein de sa Mère quelqu'un qui est attendu, l'humanité a reçu une nouvelle qualité qui se trouve en toute attente dont Dieu s'est réservé l'accomplissement et qui peut être alors appelée le fruit de la prière. Car Marie attend ce qui est déjà en elle; tous ceux qui espèrent chrétiennement attendent ce qui est déjà en eux : la Parole de Dieu qui se fait homme, qui s'accomplit selon sa propre promesse (NB 6,119).

 

64. Pensées de Marie enceinte de Jésus -

Par l'ancienne Alliance, Marie sait qui est le Dieu auquel elle croit. Elle sait aussi qu'elle attend le Messie et elle a le pressentiment qu'il sera Fils de Dieu. C'est un savoir qui lui vient de la foi, mais l'attente du Fils ne lui donne pas une image plus exacte du Père. Après sa conception, l'enfant est caché en elle comme un grand mystère pour elle ; et à partir de ce qu'elle ressent physiquement, elle ne peut se faire aucune idée du Père. Elle sait qu'il est le Tout-Puissant qui a eu recours à son service de servante ; par les modifications corporelles dont elle fait l'expérience, elle perçoit combien tout est vrai et grand, et qu'il prend son oui au sérieux et que l'enfant en vit. C'est le oui d'une obéissance qui ne pensait pas particulièrement au corps, et voilà que les affaires corporelles se multiplient ; son service corporel est employé, le Père agit en elle corporellement, c'est pour elle ce qui est le plus étrange. Elle constate que le Père s'écarte ainsi de ses propres lois de la création et, en s'en écartant, il les sauvegarde et les accomplit d'une autre manière. Elle ne peut pas, comme les autres femmes, conclure d'un symptôme à un autre parce que Dieu, en suivant ses lois, peut aussi à tout moment les changer : lors de la conception et une fois encore lors de la naissance. Elle qui sait qui elle est, elle ne se connaît pourtant pas parce qu'elle dépend de ces lois non écrites, de ces lois d'exception de Dieu. Par sa conception, elle sait que Dieu peut tout le temps changer. Et en comprenant de plus en plus que Dieu n'est pas lié à ses propres lois, elle acquiert une connaissance de Dieu plus profonde ; c'est ainsi qu'elle perçoit que la semence de Dieu en elle, le Fils, la transforme spirituellement. Elle saisit que les modifications corporelles ont les rapports les plus étroits avec les modifications spirituelles. Le corps et l'âme sont compris dans une transformation qui dépend de Dieu seul. Et des choses mûrissent en elle dont elle ne peut parler à personne (NB 11,241).

 

65. Marie sent en elle la croissance d’un être humain

Elle ne doute aucunement que la grâce de Dieu lui a envoyé l'ange, que du côté de Dieu tout était grâce. Mais elle sait pareillement qu'est exigé le don total d'elle-même ; et qui peut dire de lui-même qu'il correspond parfaitement à Dieu? Elle ne s'intéresse pas à elle-même, ne se situe pas dans sa relation à Dieu; mais pour le devenir de l'enfant, elle a quand même une mesure : elle sent la croissance d'un être humain et elle sait que le Fils de Dieu doit naître. Entre ce qu'elle éprouve et ce qu'elle sait, il y a de la place pour de l'angoisse. Elle ne peut pas se consoler en se disant que de toute façon elle n'est capable que de ce qui est humain. Car finalement c'est l'attente de Dieu qu'elle doit satisfaire. Elle doit être celle qui donne naissance à Dieu. Le temps qui s'écoule entre l'apparition de l'ange et la naissance est long. Plus le temps passe, plus l'enfant grossit en elle, plus grandit la certitude que la naissance approche et plus s'éloigne l'apparition de l'ange. La réalité humaine se développe aux dépens apparemment de la réalité divine. Mais sa tâche lui prescrit d'être un intermédiaire entre les deux : la mère humaine comblée par Dieu (NB 6,130).

 

66. Marie sert parfaitement son Fils avec son corps

La femme (qui dit : " Heureux le corps qui t'a porté" en Lc 11,27) reconnaît en Marie la première créature humaine qui, par l'incarnation du Fils, parvient à son parfait accomplissement; la Mère est bienheureuse non seulement par sa foi, par sa personnalité spirituelle, mais déjà par son corps. Elle l'est par l'accomplissement de sa nature maternelle et de ses devoirs de femme, étant donné qu'elle sert parfaitement son Fils avec son corps comme toute femme est appelée à servir son enfant. La croix n'est pas encore là; il y a d'abord la vie publique. Mais celle-ci n'est parvenue à son achèvement que par les trente années cachées; ce n'est pas seulement la croix qui rachète, l'arrivée du Fils déjà rend bienheureux (NB 1/2, 246).

 

67. Marie a donné à son Fils de sa substance humaine

Marie a donné à son Fils de sa substance humaine. Jamais un être humain n'a été plus proche de Dieu que Marie (NB 10, n. 2189).

 

68. Marie laisse la semence croître en elle

Vis-à-vis de l'ange, Marie est pure faiblesse. Mais cette faiblesse de la pure réceptivité est en même temps le produit de sa puissance, comme la semence est le produit de la puissance de l'homme. Parce que la foi de Marie est très forte, elle laisse faire. Tout comme la femme aimante laisse faire l'homme. Mais elle revient ensuite à sa puissance première en laissant la semence croître en elle. Ce qu'elle ajoute à la semence pour qu'elle croisse, c'est sa propre puissance, sa puissance concentrée au fond dans la faiblesse, qui provient de la puissance première de la foi. C'est par cette puissance qu'elle donne naissance à la faiblesse du Fils (NB 4,428).

 

69. Marie a porté et enfanté le Fils incarné

Même si Marie fut couverte par l'Esprit de son ombre, elle a dû porter et enfanter humainement le Fils incarné en tant qu'être humain. Elle a dû sentir son poids dans son corps et, après sa naissance, dans ses bras. Il y a donc un point où elle a été aussi charnelle qu'Ève. Sa chair fut absolument nécessaire pour la formation du Fils, et le Fils, pour devenir chair et ne pas être seulement le produit d'une idée, s'est laissé enfoncer dans sa chair par l'Esprit. Pour le Fils, sa mère est la plus concrète des réalités, si concrète que justement, dès le début, il dispose de son consentement (NB 1/2, 171).

 

70. La joie de Marie est que, par son corps, Dieu a reçu un corps

La joie de Marie d'avoir un corps est comme la joie d'un enfant qui a un jouet qu'il peut donner aux autres enfants pour jouer. La joie de l'enfant consisterait totalement dans le fait qu'il se réjouit de la joie de l'autre enfant. Et l'autre enfant, c'est tout enfant, qu'il soit pauvre ou riche. La joie de Marie est que, par son corps, Dieu lui-même a reçu un corps, que de son corps sort ce corps qui conduira chaque corps à s'éterniser en Dieu; qu'elle-même, par ce corps auquel elle a jusqu'ici fait si peu attention, elle peut avoir part au corps éternel de tous les croyants. Et quand elle sent les douleurs, il y a là aussi pour elle une joie, la joie de savoir que la joie des sauvés l'emportera sur toute douleur. Elle fait l'expérience de cette douleur comme limitée à elle-même: elle la porte afin que les autres n'aient pas besoin de la sentir, afin que les autres soient heureux et arrivent à la joie éternelle en Dieu Trinité. C'est pourquoi elle ne se dérobe pas à la douleur, elle s'ouvre à elle, elle va à la rencontre de la douleur, la poitrine découverte pour ainsi dire, afin que la douleur l'atteigne partout directement si c'est pour le Fils une douleur de soulagement (NB 3,251).

 

71. Le Fils devient homme en Marie

Quand le Fils devient homme en Marie, ce qui était pensé à l'origine est rétabli dans une sorte de réalisation supérieure. L'unité spirituelle entre Dieu et l'homme, dans laquelle devait se faire l'unité de l'homme, devient si claire et si concrète qu'elle prend des formes corporelles. Marie conçoit Dieu en elle; elle le conçoit corporellement parce qu'elle le conçoit spirituellement de manière parfaite et parce que, dans cette conception corporelle, ce qui est visé, c'est une sorte de réaction contre l'éloignement d'Adam, une nouvelle création de l'unité humaine. Un développement concret de ce qui avait été pensé en esprit. Une démonstration de ce qu'Adam et Ève avaient compris de travers. La place de Dieu le Père en l'homme est représentée corporellement par le Fils dans la Mère. L'être et le développement véritables de Marie s'accomplissent par son acceptation du Fils. Même si elle porte en elle le Fils et qu'elle se laisse façonner par lui, elle ne devient pas étrangère à elle-même ni non plus aux hommes; elle vit et accomplit sa mission qui est absolument originale, elle s'acquitte de sa tâche, elle reste dans le cadre du développement que Dieu lui avait destiné. Son unité est couronnée par le Fils. Restant elle-même, elle devient celle qui a mis le Fils au monde, la mère de la chrétienté. Et devenant cela, elle devient tout à fait elle-même. Elle est restée prête à tout, elle a vécu dans l'attente continuelle de la volonté de Dieu et c'est pour cela qu'elle n'a pas non plus reçu le Fils comme quelque chose d'étranger, comme quelque chose qui lui serait imposé de l'extérieur, mais comme ce qui lui était propre, ce qui lui était spécialement destiné par Dieu. Et en demeurant parfaitement ouverte pour lui, elle a laissé le Fils agir en elle comme cela lui plaisait; mais en restant ainsi ouverte, elle se réalise elle-même, elle réalise son être le plus personnel tel que Dieu l'avait prévu pour elle (NB 1/2, 154-155).

 

72. Marie porte en elle le Fils

Quand Marie porte en elle le Fils, son unité humaine reçoit un caractère nouveau. Dieu le Fils est en elle, distinct d'elle dans la mesure où il est cet être tout à fait incomparable et qui fait partie pourtant de son unité à elle parce qu'il l'a choisie et aussi parce que, par sa vie en elle, il a au fond accru et renforcé son unité avec le Père et avec Dieu Trinité : toute son unité spirituelle et corporelle, surnaturelle et naturelle. En portant le Fils, la Mère n'est pas moins qu'avant un être humain. Elle est un être humain qui est pourvu de propriétés nouvelles. Mais elle est restée elle-même; toujours plus comblée sur tout son chemin, elle est même devenue toujours plus elle-même. Il serait tout à fait faux de penser que le sommet de sa vie personnelle se trouve dans son oui à l'ange ou dans la naissance de la nuit de Noël, que par la suite elle aurait commencé une sorte de descente. Il faut dire au contraire qu'avec la plénitude qui lui est donnée elle reste un être humain, dans une ouverture à Dieu qui, à tout moment, peut être accrue et transformée selon le bon vouloir de Dieu, mais une ouverture qui, en aucun cas, ne se réduit à nouveau (NB 1/2, 151).

 

73. Le Fils est à l’état d’enfant dans le sein de sa Mère

Parce qu'il demeure dans le corps de sa mère, son corps fait l'expérience du saint corps de sa mère et de la sainteté qu'il y a à être porté de la sorte, dans un corps qui prie, dans une mère qui prie, qui elle-même ne cesse de le rapporter au Père. Il est beau aussi qu'il prenne du temps avec son corps qui aujourd'hui, comme hier, comme demain, grandit d'une manière à peine mesurable selon les lois de l'incarnation telles qu'elles ont été établies par le Père. Il s'y adapte, il ne les fait pas voler en éclats, il laisse le temps des hommes devenir le sien. Il demeure prêt à être mis au monde, à grandir, à devenir tout ce que sont les hommes. Et à tout accepter de la main du Père et à laisser chaque fois déborder son étonnement en reconnaissance. Il est reconnaissant au Père de pouvoir devenir homme. Il voit d'avance sa passion. Et pourtant il reste volontairement, sciemment, à l'état d'enfant dans le sein de sa mère comme l'aujourd'hui en décide et il ne dispose pas à l'avance de ce qui viendra plus tard (NB 10, n. 2358).

 

74. Le Fils grandit en Marie

L'Esprit fait que le Fils devient chair en Marie. Et cette incarnation prend continuellement plus d'importance ; pour Marie aussi, elle devient toujours plus importante au fur et à mesure que le Fils grandit en elle ; mais cette expérience nouvelle aussi, elle la remet à Dieu. Elle lui appartient, il peut faire d’elle ce qu'il veut (NB 12,164).

 

75. Le Fils a établi en Marie sa demeure

En couvrant Marie de son ombre, l'Esprit lui apporte le Fils vivant. Elle n'a plus besoin de chercher Dieu dans une sorte de prière active, elle y est introduite par la présence de l'Esprit. Le Fils a établi en elle sa demeure, il a fait d'elle celle qui le porte et qu'il l'utilise comme bon lui semble. Le point de départ de sa prière et de son offrande d'elle-même se trouve ailleurs qu'autrefois : il se trouve en Dieu qui est devenu présent en elle par son oui. Elle est devenue temple, vase, housse : de l'Esprit qui porte le Fils, et du Fils qui, apporté par l'Esprit, naîtra d'elle. Elle est vase du Fils, vase de tout ce que veut le Fils, de tout ce qu'il dit, de chacune de ses impulsions. Elle n'offre donc pas seulement son corps mais aussi son âme : son corps par la foi, mais son esprit également par la foi à ce qui est devenu vivant en elle, par sa foi vétérotestamentaire qui était suffisamment authentique et vivante pour devenir, quand le Fils se rend présent, une foi néotestamentaire qui adhère à la vérité du Seigneur. Le passage de l'Ancien au Nouveau Testament s'opère par l'habitation en elle du Fils. Quand Marie dit oui, c'est à quelque chose de précis, mais qui est si ouvert que dans ce quelque chose de précis est libre pour le Seigneur tout l'espace qu'il exige (NB 6,126-127).

 

76. Le Fils vit dans une union intime avec sa Mère

Le Fils vit d'autant plus maintenant dans une union intime avec sa Mère : il a part à sa pureté comme à son inquiétude tandis qu'en tant que Dieu il lui donne sa pureté et en tant qu'Homme-Dieu il lui donne part à sa propre inquiétude. Dès maintenant sa Mère doit s'habituer à vivre pour lui et de lui. Elle a part à tout ce qui l'affecte, à tout ce qu'il vit, à tout ce qu'il gagne ou perd en tant qu'homme. Elle doit apprendre dès maintenant à éprouver pleinement tous les états d'âme qu'il lui communique. Sa méditation pendant l'Avent n'aurait jamais atteint une telle amplitude ni une telle profondeur si elle n'avait été sans cesse formée et dilatée par le Fils (NB 6,132).

 

77. La parfaite communion corporelle de Marie et de son Fils

Il y a une vraie communion du corps du Seigneur avec notre corps, communion qui exige une absolue pureté de notre corps, une totale disponibilité de ce corps pour lui. Le modèle, c'est Marie dans la conception de son Fils. Ici est réalisée la parfaite communion corporelle. Son corps répond exactement à l'attente du Fils, car ce corps est sans tache, sans péché, vierge. Le Fils, en tant qu’Époux, trouve tout préparé comme il le désire quand il s'approche de son épouse; même les choses dont elle ne sait rien expressément et qu'elle a préparées sans le savoir. Il semble que c'est presque "par hasard" que Marie soit vierge, de son point de vue à elle; elle-même ne sait peut-être pas très clairement à quel point il est requis qu'elle le soit. (NB 6,249).

 

78. La prière du Fils dans le sein de sa Mère -

La prière du Fils dans le sein de sa mère ressemble à sa prière sur la croix: ici il rend au Père son Esprit, là son corps. Ce corps qu'il vient seulement à peine de prendre, qui signifie pour lui une expérience nouvelle, il l'offre au Père avec la joie qu'il en éprouve. Et parce qu'à présent il est un être humain et un enfant - bien qu'il soit Dieu - et qu'il n'a encore aucune expérience du monde, et qu'il se trouve au tout début de son expérience humaine, il porte au Père ce corps comme un petit enfant vient montrer son nouvel habit. Il tient ce corps en très grande estime parce qu'il sera pour lui son accès à la terre, c'est par lui qu'il regagnera les hommes pour le Père. Comme les hommes ont besoin de leur corps pour pouvoir atteindre le ciel, il a besoin maintenant de son corps pour gagner les hommes au ciel. Et il ne trouve pas que ce corps ne soit pas adapté aux mesures de son Esprit. Au contraire, il donnera à ce corps humain la mesure de son Esprit (NB 10, n. 2358).

 

79. La grossesse de Marie : passage de l’Ancien au Nouveau Testament

Marie qui, tout enfant, possédait une foi héritée de ses parents, doit tenir son corps prêt pour que la nouvelle doctrine se développe. Au cours de sa grossesse, elle se "convertit" de l'Ancien au Nouveau Testament. Il y a des lignes de la promesse qu'elle peut suivre, des vérités qu'elle comprend; d'autres vérités restent floues, mais elle persévère dans une attente qui est pleine de disponibilité vivante, qui ne se raidit sur rien, qui ne veut pas façonner elle-même ce qui pour le moment est encore caché dans le Fils et qu'il façonnera lui-même. Dès que cela arrivera, elle l'accueillera (NB 6,148).

 

80. La grossesse de Marie ressemble ainsi à un catéchuménat

Au début de la grossesse, pour Marie comme pour toute mère, la présence de l'enfant n'est pas encore sensible physiquement. Un jour, cette présence s'annonce et dès lors elle sent toujours davantage l'enfant tandis qu'elle sent moins son propre corps d'une certaine manière. C'est l'enfant qui lui transmet en quelque sorte la sensation de son propre corps. Au début on peut se demander : est-ce l'enfant ou est-ce moi? Ensuite : Ah oui, c'est l'enfant (en moi naturellement). Et comme l'enfant de Marie est Dieu et que toute la foi de Marie est centrée sur cet enfant, ce qu'elle est diminue aussi visiblement chez elle pour être ce qu'elle devient par l'enfant. D'un côté, c'est un phénomène tout à fait naturel parce que la mère s'adapte à l'enfant : dans son corps, dans son âme et dans son esprit, pour ses plans et ses réflexions. D'un autre côté, c'est surnaturel, cela requiert aussi à cet effet une transformation totale de sa foi; ses plans maintenant comportent tous la clause : si cela plaît ainsi à l'enfant, si la foi le requiert. La grossesse de Marie ressemble ainsi à un catéchuménat. Elle est une transformation par la foi de tout son mode de penser et de vivre, une initiation à la mentalité du Fils, dans une ouverture qui attend avec impatience la vie future. C'est par sa propre expérience qu'elle apprend les dogmes : le Père envoie le Fils, l'Esprit la couvre de son ombre, le Fils devient homme pour sauver le monde (NB 6,147).

 

81. Grossesse de Marie : son esprit aussi est à la disposition de son l’enfant

Marie, au fur et à mesure des progrès de sa grossesse, avait mieux compris que, de même qu'à ce moment-là elle tenait toujours davantage son corps à la disposition de l'enfant, de même elle devait aussi tenir son esprit toujours plus totalement à la disposition de son Fils. Que la croissance de l'enfant en elle et l'augmentation de ses exigences vis-à-vis d'elle ne faisaient qu'un avec la croissance de sa foi et de son service. Et ainsi elle est reconnaissante pour tout ce qu'elle ressent corporellement parce que alors elle peut mieux veiller à ce que son esprit se développe en conséquence. Finalement le corps ne décide plus lui-même, on dispose de lui, il est devenu un espace pour l'enfant et, de la même manière, l'esprit doit permettre qu'on dispose de lui (NB 10, n. 2098).

 

82. Avec l'enfant, la croix grandit en Marie

Marie ne veut pas se dérober aux exigences croissantes. Elle reconnaît cette croissance des exigences au fait qu'elle ne comprend pas et au signe de la souffrance qui se dessine en elle. Elle sait très bien qu'avec l'enfant la croix grandit en elle, et elle acquiesce d'avance à cette croix. Son oui consiste avant tout dans le fait qu'elle continue à s'abandonner sans limites : l'action en elle de l'Esprit lui apporte le Fils et la croix. Elle ne cesse de tout remettre au Père. Car c'est bien de sa part que l'ange est venu (NB 6,120).

 

83. Marie dans l’attente de la naissance de son Fils 

L'état dans lequel vit Marie pendant qu'elle attend son Fils. Marie porte la fin de l'ancienne Alliance, elle porte la nouvelle Alliance, et une durée lui est accordée pour porter. La fatigue qu'il y a à porter et à se poser des questions sur soi-même - sans que la question soit exprimée ou qu'une réponse soit en vue -, cette fatigue est donnée, et la tâche exige de la patience, elle enseigne l'humilité et prépare la croissance. Quand le Fils un jour sera là, la Mère sera à la hauteur de sa tâche (elle sera la mère qui suffira même à ce Fils), et ainsi seulement à la hauteur de la tâche d'être une mère pour le monde entier (NB 10, n. 2170).

 

84. Il faudra des mois avant que le Fils vienne au monde

Avec son oui, Marie s'est engagée vis-à-vis de l'ange et de Dieu, mais elle a aussi engagé son Fils avec elle; il devra venir au monde avec cette mère. Le Fils doit s'accorder avec son oui et en quelque sorte aussi avec Joseph. Cependant il faudra des mois avant que le Fils vienne au monde et la Mère peut espérer que pendant ce temps l'Esprit fera toujours plus d'elle celle que le Fils attend (NB 1/2, 42).

 

85. Marie ne peut pas fixer l’heure de la naissance

Une femme enceinte sait qu'elle ne peut pas fixer elle-même l'heure de la naissance. Il y a en elle une loi qui régit les choses et à laquelle elle ne peut se soustraire. Marie n'est pas seulement soumise à cette loi de la vie naissante, elle est aussi soumise à la loi divine. C'est son esprit tout entier aussi bien que son corps tout entier qu'elle doit tenir complètement disponibles; être constamment attentive à ce que le Fils lui suggère; après la naissance aussi elle sera toujours prête à accueillir du nouveau, exactement à l'heure qui lui convient à lui. Le Fils lui parle naturellement et ouvertement, elle l'accueille de la même manière (NB 6,148-149).

 

               107 La naissance

 

86. Le Fils de Dieu est mis au monde -

Le Fils de Dieu s'humilie encore plus profondément par le fait qu'il n'apparaît pas à l'état d'adulte mais qu'il est conçu, porté, mis au monde: il offre ce temps de sa minorité au Père qui doit voir en lui que l'enfance et la croissance d'un être humain correspondent parfaitement aussi à la volonté du Créateur. Il grandit entre sa mère et son père nourricier, mais il grandit aussi d'emblée en direction du Père divin pour le louer dès son plus jeune âge, pour tendre vers lui ses bras dès son premier mouvement (NB 10, n. 2155).

 

87. Marie ne doute à aucun moment qu’elle a mis Dieu au monde -

Le mystère que Dieu soit devenu homme. Celui qui est devenu homme ne cesse pas d'être Dieu et il doit l'être aussi pour sa Mère humaine. Elle met au monde un Fils, mais il est déjà Dieu dans la promesse et lors de l'annonciation. Il est essentiel que la Mère le sache, que lors de la naissance de l'enfant aussi elle ne doute à aucun moment qu'elle a mis Dieu au monde (NB 6,479).

 

88. La Mère a enfanté le Fils pour tous (NB 4,443).

 

89. Marie doit enfanter le Messie 

Elle doit enfanter le Messie. Mais elle n'est pas à la hauteur. Malgré sa transparence et sa disponibilité. Cela ne lui est possible qu'associée à l'Esprit. Elle ne doit pas pouvoir en arriver à penser qu'elle est capable de quelque chose que Dieu seul peut faire. Quand elle est couverte par l'Esprit, c'est la "petitesse de la servante" qui doit ressortir. Et à vrai dire de manière frappante, comme si était ici anticipé l'instant où le Fils ne voudra plus la connaître. "Qu'est-ce que ma divinité a à faire avec ton humanité ? Qu'y a-t-il entre toi et moi ? Qui sont ma Mère et mes frères?" Au début on est disponible à tout, dans une disponibilité active, totale. Puis celle-ci est tellement accaparée par l'Esprit que son caractère actif disparaît pour ainsi dire. Cela devient toujours davantage une disponibilité de l'Esprit dans la Mère. "Ce n'est plus moi qui vis, c'est l'Esprit qui vit en moi". Cette conscience provoque en elle une sorte d'effroi. Au début, c'était : J'irai avec toi aussi loin que tu veux. Et maintenant : Ô Dieu, même si je voulais dire non, je ne le pourrais plus parce que l'Esprit en moi est maintenant plus fort que moi (NB 6,122).

 

90. Marie est élue pour donner naissance au Fils éternel

Marie est conçue de manière immaculée : nous reconnaissons là un privilège qui la rend digne de concevoir par l'Esprit Saint le Fils du Père. Mais plus nous cherchons à comprendre ce privilège, plus nous reconnaissons qu'il est un aspect partiel d'un mystère beaucoup plus grand : l'incarnation du Fils, le salut du monde, la réalisation sur terre de la volonté du Père, le fait que le Fils est sorti du Père et retourne à lui. Cela vaut pour chaque mystère: qu'on le médite comme on veut, il conduit au tout, il sert à comprendre Dieu et sa création. Si nous contemplons Marie dans sa vie terrestre, elle est certainement élue d'abord pour donner naissance au Fils éternel. Mais ensuite elle est aussitôt également la deuxième Ève, l'épouse du nouvel Adam, l'incarnation de son Église. Si nous la contemplons aussi dans sa foi aimante, nous nous sentons attirés et pressés de l'imiter pour apprendre par elle à suivre son Fils (NB 10, n. 2154).

 

91. Marie participe à la naissance éternelle du Fils

La naissance sera une exigence démesurée, car elle est participation à la naissance éternelle du Fils et par suite aussi à toute sa destinée terrestre (NB 6,123).

 

92. Marie voit l’enfant

L'enfant qui, durant l'Avent, s'est habitué à l'humanité est humain aussi à l'instant de la naissance par le fait qu'il vit totalement l'instant. Et il communique aussi cela à sa Mère. Les mois passés, elle les avait vécus entièrement de ce que l'enfant lui donnait - il remplissait sa méditation, et la méditation remplissait sa vie -, et maintenant qu'elle le voit, elle apprend à être comme il est lui-même : goûter pleinement l'instant sans mélancolie du tout pour les jours difficiles qui attendent l'enfant. Sa tâche à présent, c'est la joie pure; elle sent aussi que maintenant elle dépend immédiatement de l'enfant (NB 6,160).

 

93. Marie reconnaît dans l’enfant le Fils de Dieu

Marie voit l’enfant avec les mêmes yeux neufs qu’autrefois elle avait quand elle avait regardé l’ange. Et comme elle avait reconnu en l’ange l’envoyé de Dieu, elle reconnaît dans l’enfant le Fils de Dieu (NB 9, n. 2036).

 

94. Naissance humaine du Fils : il est né de Dieu

A la naissance du Christ, la pauvreté, l'insécurité, le déracinement, etc., forment les signes extérieurs de l'ébranlement intérieur du fait qu'il est né de Dieu. Comme le Père engendre le Fils éternellement, on peut dire de lui qu'il est né éternellement de Dieu, également en tant qu'homme (NB 10, n. 2042).

 

95. A la naissance, Marie voit son enfant : tout d’un coup le Seigneur est là

Les différents "exercices" spirituels du chrétien - prier, méditer, faire pénitence, lire, etc. - n'ont tous leur sens que pour l'instant de l'union immédiate et simple avec le Seigneur. A la naissance de son Fils, Marie vit dans la vision immédiate. C'est un don tout nouveau de la grâce. Pour la plupart des chrétiens, cette vision s'appelle : bonheur de la proximité, certitude de la tâche, participation dans la foi à la vision de Marie et à celle du Fils. La certitude de la foi est quelque chose de si beau que, si on nous invitait à choisir entre elle et la vision, on ne saurait pas ce qu'il faudrait choisir. Pour tous les chrétiens, c'est la même expérience soudaine : tout d'un coup le Seigneur est là. C'est l'irruption de la pure grâce (NB 6,160).

 

96. Marie et son Fils à la naissance

Noël 1943. Adrienne au P. Balthasar : Marie n’a peut-être pas eu les véritables douleurs de l’enfantement ; mais l'essentiel des douleurs : l'angoisse et l'inquiétude d'enfanter, elle l'a cependant éprouvé. Quand ensuite elle tint l’enfant dans ses bras, elle fut certainement plongée dans une joie sans mélange, mais déjà alors elle sut que le Fils devrait un jour souffrir (NB 8, n. 957).

 

97. Marie de Nazareth, par sa mission, envoie son Fils dans la vie (NB 1/2, 42).

 

98. Marie met le Fils au monde

Quand Marie met le Fils au monde, celui-ci est le Fils de l'homme parce qu'il a mûri en elle et qu'il est né d'elle. Mais son existence d'homme ne change rien à son existence de Dieu : il reste le même vis-à-vis du Père et de l'Esprit. En tant que Fils de l'homme aussi, dans sa corporéité également qu'il a prise et qu'il porte, il est Dieu. Et comme il l'est par la rencontre et le contact et l'union de sa corporéité avec la corporéité de sa mère, il confère à cette dernière un caractère qui la dépasse de beaucoup. Elle est devenue comme une sorte de "corps du Christ" dans la mesure où il se sert d'elle pour son propre corps, et même comme de son propre corps, et ceci parce qu'elle laisse s'opérer en elle, par sa docilité vis-à-vis de l'Esprit, toutes les transformations qu'il veut (NB 1/2, 194-195).

 

99. Marie : celle par qui Dieu est devenu homme

Les saints sont des humains qui, par la grâce du Seigneur, sont arrivés à la sainteté. Vis-à-vis d'eux, Marie occupe une place particulière : elle est celle qui fut si comblée de grâce que Dieu a habité en elle, celle par qui il est devenu homme. Par son oui, elle est intégrée dans le plan de l'incarnation de Dieu, qui est le fondement de l'ancienne comme de la nouvelle Alliance (NB 2,32).

 

100. Marie fut la première à contempler le Fils

Marie fut la première à contempler le Fils et, dès le début, elle l'a fait avec les yeux de l'amour. Même alors qu'elle n'a pas encore compris dans sa plénitude sa grandeur et sa divinité, elle a trouvé dans son amour des choses en lui qui étaient pure vérité et pur amour et qui n'étaient absolument pas contraires à l'image objective qu'elle devait se faire de cet enfant comme son Seigneur. Et c'est ainsi qu'elle va dans le monde avec son enfant et qu'elle le montre aux hommes, et elle a aussi à nouveau des temps où elle est seule avec lui. Plus tard le Fils commence à agir mais non sans qu'elle soit présente. C'est le chemin qu'elle ouvre à tous ceux qui croient au Seigneur et l'aiment et le tiennent dans l’Écriture pour aussi vivant qu’il l’était dans les bras de sa Mère. Et qui, dans l'amour, peuvent apprendre de la contemplation de la Mère à le contempler comme Marie le faisait dans l'amour. Si on met au centre ce vécu de la Mère avec l'enfant sur son sein, on peut à partir de là contempler toute la vie du Seigneur, mais aussi jeter un regard en arrière sur la promesse, sur l'Ancien Testament (NB 1/2, 239).

 

               108 Marie et son Fils

 

101. Marie totalement orientée vers le Christ

La Mère ne peut pas vivre autrement qu'orientée totalement vers le Christ qui est divinement pur, dont elle sait bien que lui aussi est dans l’Église; mais c'est lui cependant qu'elle cherche avant tout et qu'elle trouve directement (NB 6,488).

 

102. Marie sait qu’elle devra rendre son Fils au Père

Déjà quand elle reçoit le Fils, Marie sait qu'elle devra le rendre au Père. Pour elle aussi c'est un lourd mystère. Il lui semble tout d'un coup qu'elle n'a été mère que pour un temps. Une mère qui doit rendre son enfant (NB 4,251).

 

103. Marie et toute la vie de son enfant

Marie a appris à connaître l'homme par son enfant : le Fils était en elle, il a grandi, il l'a quittée, il l'a prise avec lui à la croix : telle fut son expérience de l'homme (NB 12,118).

 

104. Marie na qu’un enfant

Marie, qui met au monde son Fils, ne peut pas mettre encore au monde d'autres enfants (NB 12,224).

 

105. Marie comprend que l'existence humaine de son Fils provient d'une profondeur divine mystérieuse

Pour transmettre sa parole aux croyants d'une manière adéquate, le Fils a devant lui l'exemple de Marie; elle qui vivait dans l'espace de la promesse, elle reçoit et donne la parole de manière valable : elle reçoit la parole de Dieu par l'ange et elle donne le Fils parce que l'Esprit l'a couverte de son ombre; par son don d'elle-même, elle a fait d'elle un réceptacle pour l'accomplissement de la promesse. Non qu'elle se serait choisie elle-même, elle s'est faite obéissante jusqu'à mettre le Fils au monde. Et le Fils voit en elle ce qu'un être humain de son temps, dans ses relations à Dieu et aux autres, peut faire des prophéties : se laisser façonner par Dieu de telle manière que se fasse par lui la pure volonté de Dieu. En tant que Mère du Fils, Marie comprend que l'existence humaine de son Fils provient d'une profondeur divine mystérieuse, elle comprend qu'il est le Fils du Père et que, par l'Esprit Saint, il est devenu son Fils ; mais, à elle aussi, ses profondeurs divines restent voilées. Elle est comme le plus haut sommet de l'intelligence prophétique dans son passage à la doctrine chrétienne sans franchir les limites de l'existence humaine. La foi la rend capable de vivre en parfaite harmonie avec le Fils de Dieu sans que les mystères du ciel et de la vie éternelle dans la vision du Père aient dû se dévoiler à elle avant le temps. Elle est ainsi pour le Fils le modèle de l'être humain parfait qui s'acquitte convenablement de sa mission à tous points de vue et accueille la promesse et son accomplissement avec le naturel d'une foi toute disponible (NB 5,65-66).

 

106. Marie sous la direction intérieure de son Fils

Quand une nouvelle servante arrive dans une maison, le maître de maison lui montre toutes les pièces et tous les coffres, etc., et s'il a confiance en elle, il ouvrira tout : ici le linge, là les ustensiles de cuisine… De là découle immédiatement toute l'attention que la servante devra porter à toutes ces choses. Et elle aura d'autant moins besoin d'être dirigée du dehors qu'elle se mettra mieux au courant de son service. Cela veut dire qu'elle est tout à fait entrée dans les pensées du maître de maison. C'est de cette manière que Marie se trouve sous la direction intérieure du Fils parce qu'elle a d'emblée la mentalité de la parfaite domestique (NB 1/2, 143).

 

107. Marie exécute tout ce que le Seigneur désire

La servante a comme profession d'exécuter tout ce que le Seigneur désire; tout ce dont on la charge et qu'on lui confie, elle le regarde comme son service (NB 1/2, 142).

 

108. Marie est si proche du Fils

Marie est si proche du Fils que lorsque le Fils est rejeté par nous, elle aussi est en quelque sorte rejetée avec lui (NB 8, n. 241).

 

109. Marie garde dans son cœur toutes les paroles de son Fils

L'incarnation est le contraire de l'oubli ; Marie garde dans son cœur toutes les paroles de son Fils et les y laisse mûrir, comme elle a laissé le Fils lui-même mûrir en elle. C'est la même chose. Elle a d'abord reçu son Fils dans sa chair pour pouvoir en outre le recevoir dans son esprit. Mais le Fils charnel aussi, elle l'a reçu par l'Esprit Saint (NB 12,99).

 

110. C’est aux pécheurs que Marie est redevable de son Fils

De Marie, Adrienne dit aujourd’hui (en 1943) qu’elle a une tout autre relation au péché et au pécheur que quiconque. Car c’est au péché et au pécheur qu’elle est redevable de son Fils et c’est pourquoi elle aime les pécheurs d’une certaine manière aussi en tant que pécheurs (NB 8, n. 565).

 

111. Marie est là partout où il y a quelque chose du Christ

Partout où il y a quelque chose du Christ, la Mère aussi est là même si on ne le veut pas (NB 8, n. 810).

 

112. Marie vit avec son enfant

C'est au milieu de mystères qui ravissent, mais qui ne sont pas dévoilés, que Marie vit avec son enfant, que le Seigneur vit avec nous, que nous vivons dans l’Église et que l’Église est catholique, embrassant tous les hommes, se souciant de tous au nom du Seigneur (NB 6,28).

 

113. Marie s'attend à voir Dieu dans son Fils

En plus des apparences naturelles de son Fils, Marie voit quelque chose de son être surnaturel, elle sait d'une certaine manière qu'il voit le Père. Ceci est déjà préfiguré dans sa grossesse : elle en remarque les symptômes naturels, mais elle a de plus le signe surnaturel qu'elle a conçu l'enfant de l'Esprit Saint, qu'elle porte donc en elle quelque chose de divin. En Marie, l'enfant est une chair qui ne peut pas encore vivre par elle-même et qui pour le moment vit dans la chair de sa Mère. De même, l'enfant est un esprit qui n'est pas encore viable et qui, ainsi, vit pour le moment dans l'âme de sa Mère. Mais de plus l'enfant est Dieu, et Dieu doit vivre en Marie, et elle offre tout son être pour que Dieu en prenne ce dont il a besoin. Dès le début, elle s'attend à voir Dieu dans son Fils. Comment sera ce Dieu qui est mon Dieu? (NB 5,85-86).

 

114. Marie oriente toute sa vie vers son Fils

Compris d'une manière positive, le "mérite", en tant que résultat d'une œuvre, ne veut toujours dire au fond qu'une conversion à l'amour, au Seigneur, un mouvement préétabli en direction des choses qui sont toutes créées pour le Fils. Marie est rachetée à l'avance et elle oriente toute sa vie vers le Fils. Lui-même, par sa grâce, lui a donné cette direction. Parce qu'elle est un être humain, elle pourrait aussi se disposer autrement. Elle ne le fait pas, elle persévère dans la grâce; tout ce qu'elle fait se passe dans la grâce. Son "mérite" réside dans le fait qu'elle ne change pas de direction. Mais, dès le commencement, ce mérite est inclus dans la grâce du Seigneur si bien qu'elle vit dans cette grâce, la donne et l'engendre ; et elle persévère dans ce rôle qui lui revient comme à personne d'autre. Si on voulait imaginer qu'elle aurait ressenti un jour l'envie de quitter sa voie, elle se serait cependant, à l'instant même, reprise parce que la conscience qu'elle a d'être tenue par la grâce est tellement forte (NB 6,429-430).

 

115. Marie nous montre comment nous pouvons parler avec le Fils -

Dieu Trinité a décidé de laisser le Fils devenir homme sans nuire à l’intégrité de la Trinité. Vraiment homme, il restera vraiment Dieu, il vivra dans la vision du Père et sous la conduite de l'Esprit Saint. Marie porte en elle ce mystère : aussi bien le mystère de Dieu Trinité et de Dieu qui s'incarne que le mystère de son oui. Et ce mystère hors normes ne menace pas son unité avec elle-même. En le portant en elle spirituellement et corporellement, elle ne se met en opposition ni avec Dieu, ni avec celui qui s'est incarné, ni avec elle-même, comme si le fait qu'elle ne comprend pas serait en conflit avec sa compréhension. Dans son destin de femme, de croyante, et de croyante qui a dit oui, elle se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle : être la Mère du Seigneur. Avec tout le mystère qui lui est donné intégralement elle devient si proche du Fils - qu'elle nourrit de son sang -, si proche aussi de l'ange à qui elle a donné son oui, que tout ce qui est saisissable du mystère céleste, elle le saisit et le porte et, par son service, elle donne sa réponse au mystère sans se détacher de lui, sans s'opposer à lui. Les paroles qu'elle dit à son enfant sont dites au Fils de Dieu qui est la deuxième personne de la Trinité et elles sont donc en relation immédiate avec la Trinité. Non qu'elle resterait en quelque sorte à la lisière en tant que créature et que, de là, elle parlerait au centre insaisissable de Dieu ; elle parle de l'endroit où elle est, et Dieu Trinité tout entier l'entoure et l'entend là où elle est ; il ne peut y avoir aucune confusion parce qu'elle a la foi et que la foi lui permet de tout dire de manière adéquate. Si la simplicité de sa conversation est claire pour nous, nous comprenons à quel point ses paroles sont proches de Dieu. Et, en tant que médiatrice de la grâce, elle nous montre comment nous devons prier, comment nous pouvons parler avec le Fils et avec l'Esprit et avec le Père, sans souligner la distance qui nous sépare d'eux, cela ne ferait que nous éloigner de Dieu. Nous comprenons que lorsque nous sommes vrais et simples dans notre prière au Seigneur, la Trinité tout entière complète cette prière, et la réponse nous vient de l'unité de Dieu, de la plénitude de l'amour trinitaire . Cela nous encourage à ne pas négliger, dans notre prière, cette plénitude divine. Parce que Dieu est un par nature, aucune personne divine ne peut rester en retrait. La participation de la Trinité à toutes les œuvres de Dieu est si régulière qu'il nous est permis de nous savoir toujours enveloppés du mystère des trois personnes. Tout croyant ordinaire, tout saint, a part au mystère tout entier qui fut offert à la Mère du Seigneur. Et plus un être est pur, plus purement il fera l'expérience qu'il peut prier Dieu en toute proximité, le prier de manière si proche au fond que, dans la prière, il ne perçoit plus lui-même les différences qu'il y a entre le Père, le Fils et l'Esprit, bien qu'il connaisse la Trinité et que, dans ce qu'il expérimente de la grâce et en reçoit, il reconnaisse la Trinité de grâce (NB 5,174-176). - (Une autre version de ce passage, avec quelques variantes, se trouve dans NB 10, n. 2318.).

 

116. Les missions du Christ et de Marie

Le Christ et Marie étaient ici-bas deux êtres humains dont l'histoire était faite de rencontres toujours nouvelles, leur nature humaine était en constant devenir; c'est pourquoi chacune de leurs rencontres était importante, elle contenait aussi un sens qui ne se limitait pas à leurs personnes, ce sens se trouvait dans les missions des deux. Un sens qui n'est pas vécu à la hâte une seule fois seulement, mais qui s'intègre dans le chantier de la rédemption du Fils. Le Fils reconnaît continuellement en Marie la volonté du Père accomplie (NB 6,476).

 

117. Le Fils a contractée un lien avec sa Mère

Quand un saint a servi Dieu et que ce service a correspondu à la volonté et à l'attente du Père, celui-ci ne l'abandonne pas, il continue à vivre et à agir en lui, il lui garantit l'action de son Fils en lui pour les temps éternels. L'unité que le Fils contracte avec le saint est indissoluble. Mais l'unité qu'il a contractée avec sa Mère était unité de l'esprit et unité de la chair. Cette unité ne peut plus être dissoute : le Fils ne reniera jamais Marie comme Mère, ni non plus en ce qui concerne son propre corps (NB 1/2, 196).

 

118. Marie va habiter chez Jean, l’ami de son Fils

Marie va habiter chez Jean. Tout d'abord le lieu lui paraît tout à fait étranger. Mais c'est le lieu de l'ami de son Fils. Et cela devient maintenant son lieu à elle. Elle doit partager maintenant avec Jean cette maison, ce lieu si bien que leurs deux missions puissent y avoir leur place ; elle doit donner à Jean ce qu'elle a donné à son Fils et elle attend de lui ce qu'elle a attendu de son Fils. En cela, la mission que l'Esprit lui avait transmise autrefois par le salut de l'ange doit demeurer inchangée. Autrefois la mission était prodigieusement grande et toute petite, inaccoutumée et banale, et quand elle attendait quelque chose de son Fils, elle le recevait toujours avec profusion. Maintenant le problème difficile est qu'elle devrait recevoir de Jean plus qu'elle ne peut en attendre bien que tout d'abord elle reçoive moins qu'elle n'en attend; la solution réside en ceci qu'elle a à lui donner pour recevoir de lui. Elle est certes habituée à son Fils. Christ - Marie - Jean: une hiérarchie descendante (NB 10, n. 2091).

 

119. Marie et Jésus ressuscité

Tandis que le pèlerinage terrestre du Seigneur est une constante incarnation, Marie vient de la terre. Le Seigneur est d'abord au paradis, Marie est d'abord sur terre; mais les deux mouvements se rencontrent. Marie vivra de la foi et dans la foi. Mais dès que le Seigneur est ressuscité corporellement sur la terre, il lui apparaît aussi dans son corps terrestre (NB 3,65).

 

120. Marie et la résurrection

Marie a vu son Fils partir (sa mort sur la croix). Pour la résurrection, lui qui est parti en tant que Fils terrestre, il est revenu à elle divinement (NB 3,150).

 

121. Marie a ressenti la résurrection comme une naissance

Marie a ressenti la résurrection comme une naissance. Non en son corps qui a mis au monde le Fils, mais en esprit. Avec la joie particulière d'une mère quand son enfant est vivant, bouge, crie. Tout cela aussi dans une sorte de soudaineté et un sentiment qui jaillit comme pour une naissance. Sa désolation après la mort ressemblait aux derniers jours avant la naissance : disposition d'Avent. Seulement tout était maintenant plus grand et, par la mort sur la croix, beaucoup plus sombre. Avant Noël, elle était associée comme celle qui doit le faire. Maintenant, elle est associée comme celle qui collabore. A la croix, sa propre contribution lui était inconnue, tout s'accomplissait dans le Fils (NB 3,177).

 

122. Marie et son Fils – Marie devant la mort

Marie devant sa mort. Marie sait d'une certaine manière que le temps est venu pour elle de mourir. Dans l'attente de sa mort, il y a beaucoup de lumière tamisée: rien de triste, rien non plus de glorieux. La confiance pleine de foi qu'elle a en son Fils est illimitée, mais elle a quand même son expérience humaine, elle a vécu parmi des pécheurs et des saints, elle a accompagné le Fils dans les bons et les mauvais jours, elle a vécu avec lui sa mort, sa résurrection, son ascension, elle a vu à la Pentecôte sa promesse se réaliser. Mais en de nombreux jours gris elle a aussi appris à connaître les misères de la terre, beaucoup de choses qui étaient contre Dieu, elle en a souffert, elle les a recommandées au Fils dans la prière et elle n'a pourtant pas fait l'expérience que cela avait changé essentiellement (NB 10, n. 2340).

 

123. A sa mort, Marie a une certaine vue sur toute sa mission

A la mort de Marie, une certaine vue sur toute sa mission depuis le début lui est donnée. Maintenant elle comprend que tout ce qui était déjà bon et résolu, cela aussi avait toujours déjà été lui. Comme quelqu'un qui se sent protégé dans sa destinée : il ne sait pas qui l'aide, mais il ressent une puissance amicale; à la fin il découvre : chaque fois c'était mon ami qui sans me le dire s'était totalement engagé pour moi. Ou comme si quelqu'un voyait ses dettes réglées par un inconnu, et à la fin il découvre qui c'était. C'est ainsi qu'à sa mort Marie saisit d'un seul coup d’œil que bien des choses qui la remplissaient de gratitude provenaient de son Fils. Et elle voit l'ensemble de l'œuvre de son Fils telle qu'il la lui montre : comme ne faisant qu'un avec sa propre mission. Elle comprend que la mission de son Fils était beaucoup plus puissante qu'elle se l'était imaginée, mais aussi que la sienne, depuis toujours, de toute éternité, était contenue dans celle du Fils et que, par là même, sa propre mission provenait également de l'éternité et aboutissait à l'éternité. Et que c'était une disposition du Fils que son oui à elle soit un oui libre dans le cadre de leurs missions associées (NB 1/2, 177).

 

               109 Assomption

 

124. Assomption : Marie est emportée au ciel

Marie meurt et elle est emportée au ciel et, dans la vision de Dieu, son propre aspect a pris une forme toute nouvelle. Elle, qui était la servante du Seigneur, est maintenant devenue la reine du ciel. Et elle doit se comporter d'une manière aussi obéissante et aussi naturelle comme reine que comme servante, car le Seigneur a fait d'elle les deux. Et peut-être s'est-elle faite elle-même plus servante qu'elle ne pouvait se faire reine par obéissance. Sa part personnelle est peut-être beaucoup plus forte dans la servante que dans la reine. Mais cela n'a pas d'importance; elle sera pleinement les deux. Pour la mère, la servante était comme un but, tandis que pour le Fils elle n'était que comme un épisode ; pour lui, la reine était le but, et ainsi la servante a dû faire preuve de son obéissance la plus grande pour se laisser faire reine. Et peut-être déjà que plus elle devint servante, plus le Fils a ressenti qu'elle était reine; non seulement il était conscient de sa royauté, il l'a aussi vécue (NB 1/2, 173).

 

125. Assomption : Marie se retrouve auprès de son Fils

Quand Marie est accueillie dans le ciel, cela se produit dans une sorte d'extension, comme si, à cause de sa pureté et de sa sainteté, à cause de son amour pour Dieu et pour les hommes, et de l'amour de Dieu pour elle, il n'y avait pas de transition tranchée. Tout se développe seulement à partir du point d'où elle vient jusqu'à la parfaite vision du ciel. Au ciel, elle est tout de suite chez elle: elle se trouve auprès du Fils qu'elle connaît, elle se trouve dans tout un monde qu'elle connaît par principe depuis toujours par le Fils et par le oui qu'elle a donné. C'est un monde dans lequel elle reconnaît également aussitôt les promesses de l'ancienne Alliance et la voix prophétique de Dieu. Elle se sent là comme en son lieu de destination, comme si elle en était originaire, avec un étonnement, une admiration, une gratitude et un amour qui sont ses qualités particulières. Tout est simplement dilaté. Rien ne doit être changé, déplacé, rien n'exige expiation et annulation, tout est confirmé tel que c'était (NB 10, n. 2286).

 

126. L’ Assomption de Marie et l’Ascension du Fils

Par l'assomption corporelle de Marie dans le ciel a été créé le pendant complémentaire de l'ascension corporelle du Fils (NB 6,477).

 

127. Marie dans le ciel : Dieu ne peut plus rien lui refuser

Marie, dans le ciel, est dans la même joie, aussi simple qu'elle l'a toujours été. Elle est mère et épouse, avec autant de naturel qu'elle a dit son oui. Qu'elle soit au ciel n'empêche pas qu'elle soit tout à fait sur la terre. Elle vit dans une joie infinie, mais sans extase inutile, sans négliger ses premiers devoirs. Là où nous penserions constater une rupture, une lézarde, son oui est intact. Dans la plus étroite obéissance au Fils qui gère ce qui lui appartient et qui met tout à sa juste place. Depuis la résurrection Marie est devenue beaucoup plus médiatrice de toutes les grâces. Elle est passée à travers le feu bien qu'elle n'eût pas besoin de purification. Et ainsi elle vit maintenant dans l’Église, dans le Fils, en Dieu Trinité ou au milieu des apôtres comme celle à qui Dieu ne peut plus rien refuser parce qu'elle a obéi en tout (NB 3,322-323).

 

128. Au ciel, Marie devant le Père

Dans le ciel, la Mère de Dieu est la première à se tourner vers le monde. Elle a reçu et accompagné le Fils ici-bas, et elle continue à accompagner tous ceux qui accompagnent son Fils. Elle est au ciel devant le Père comme celle qui ne cesse d'attendre du Père qu'il lui offre son Fils. Jusqu'au jugement dernier, la Mère se tiendra ainsi devant le Père éternel, dans la pleine vision, pour attendre de lui, par l'Esprit Saint, le Fils qu'elle peut alors aussi donner au monde de manière toujours nouvelle (NB 6,567-568).

 

                110 Marie dans l’histoire du salut

 

129. Marie et son Fils dans l’histoire du salut : des prophéties à l’Église et à l’eucharistie

Marie dans l’histoire du salut. On peut prendre comme point de départ l'unité du Fils et de la Mère telle qu'elle existe après l'ascension du Fils et après l'assomption de la Mère. Et de là, on peut comme mettre le Fils au second plan : vers l'arrière sous le voile des prophéties, vers l'avant sous le voile de l'eucharistie et de son existence dans l’Église. Le mettre au second plan pour mettre en relief la ligne mariale de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, pour montrer comment Marie est révélée d'une manière particulière dans la promesse et dans l’Église. Et avec le Fils sont déplacés alors aussi les saints tandis que les saintes apparaissent comme formant un tout avec Marie. Naturellement, ici aussi, le Fils a partout la direction; il est comme latent, dans une unité parfaite avec le Père et l'Esprit, mais pour dégager maintenant la ligne mariale, pour la faire apparaître. A aucun instant elle n'est pensable sans lui, mais parce que justement, en tant que femme, elle aime tellement être cachée et voilée, le Fils montre ce que, dans cette obscurité, elle est depuis toujours et pour toujours : en Ève, dans les femmes de l'ancienne Alliance, pendant la vie du Fils sur terre, dans les temps ultérieurs de l’Église, dans les saintes femmes et dans le féminin en général. Marie est rachetée depuis toujours. C'est pourquoi son oui est ce qu'il y a de plus connu, de plus fondamental qui soit. Et, en raison du fait qu'elle est rachetée à l'avance, le Fils a la possibilité de disposer d'elle depuis toujours, de façonner ce qu'il veut avec elle et avec son oui avant même qu'elle soit née. Elle qui s'est livrée à lui définitivement, il peut la transmettre à titre de prêt à qui il veut. C'est plus qu'une simple préfiguration parce que Marie, en toute réalité, est déjà sauvée, parce qu'il y a un acte concret et positif qui fonde son être, lequel à son tour contribue à fonder aussi sur terre l'être du Fils qui obtient toute la rédemption jusqu'à Adam et Ève dans le passé. On peut parler de préfiguration dans la mesure où elle sera en même temps l'épouse du Christ, l’Église future (NB 1/2, 166).

 

130. Solitude de Marie au milieu des pécheurs

Marie a sa solitude particulière : elle est rachetée à l'avance, elle n'a absolument aucune part personnelle au péché du monde. De même par exemple qu'un blanc au milieu de noirs se croit solitaire, ainsi elle au milieu des pécheurs. Dans le secret de son esprit, elle possède quelque chose qui l'isole; après la mort de son Fils, elle devient encore plus solitaire parce que Jean non plus ne peut pas comprendre ce par quoi elle passe : que son Fils soit enlevé par le péché auquel elle n'a aucune part si ce n'est qu'elle porte aussi les souffrances. Et tout ce qu'elle ne peut pas comprendre dans sa solitude rend sa solitude obscure et pénible parce qu'elle n'entend plus la réponse du Fils à ses questions. Quand elle cherche son Fils âgé de douze ans ou qu'elle va rendre visite au Prédicateur, elle connaît toujours en quelque sorte une réponse dans sa prière. Dans la passion et le samedi saint, cette réponse intérieure aussi tarit. Elle ne se connaît pas comme mère et pas non plus comme épouse. L’Église en elle persévère dans la solitude. Pour le moment, la communion des saints est comme supprimée. Sa virginité maternelle, son oui sincère, sont le fondement de cette communion, mais elle ne le voit pas. Parce qu’elle n’a pas de péché , elle doit aller aussi loin que possible pour porter et ne pas comprendre. La foi et l'espérance sont repoussées tout à fait à l'arrière-plan; l'amour doit faire ses preuves en tant qu'amour là même où son objet lui échappe: son Fils est mort. Et son Fils était l'origine de son amour, elle l'aimait sans le savoir avant même la visite de l'ange. Toute son attitude dans la souffrance est la réponse qu'elle lui donne (NB 3,323-324).

 

131. Le Seigneur ne veut pas ouvrir sans sa Mère le chemin de la grâce

Le Christ est Dieu et homme tout à la fois et il empêche absolument par son existence que Marie puisse jamais s'approcher du péché. C'est cela justement qui fait la nature du péché originel: l'envie de pécher, Adam n'a aucunement pu l'empêcher chez Ève tandis que pour sa Mère le Seigneur l'enlève tout de suite totalement, il l'empêche même d'emblée. La relation Adam - Ève est en quelque sorte un stimulant pour le péché originel tandis que la relation Christ - Marie est un mur contre le péché originel. Adam et Ève sont bannis ensemble tandis que le couple Christ - Marie entre en scène contre ce bannissement et ouvre à nouveau le chemin du ciel, ramène l'homme en Dieu. Et comme Adam a eu besoin d'Ève pour pécher, ainsi le Seigneur ne veut pas ouvrir sans la femme le chemin de la grâce (NB 4,305-306).

 

132. La mission de la Mère et la mission du Fils

La mission de la Mère ouvre la voie à la mission du Fils. En accueillant le Fils, elle accueille sa mission; la mission de la Mère est néanmoins tellement incluse dans celle du Fils qu'il se couperait de sa propre mission s'il se coupait de la mission de sa Mère. Si au mont des oliviers il éprouve de l'angoisse surtout pour sa Mère, ce n'est pas parce qu'elle pourrait pécher, mais pour qu'elle et sa mission en bénéficient : comme si, dans sa passion il devait d'abord "en finir" avec la mission de la Mère pour que soit garantie sa mission de compassion. Et ce n'est qu'après avoir tremblé pour elle qu'elle pourra lui donner à la croix son propre tremblement sous une autre forme, préparée totalement pour sa mission à lui. Parce qu'il a souffert d'abord pour elle, elle est autorisée à souffrir ensuite avec lui. A la croix, elle sera dans la crainte et le tremblement, non seulement du fait qu'elle est sa mère humaine, mais parce qu'elle a une mission avec lui. Et elle a une mission avec lui parce qu'elle a tout d'abord porté la mission du Fils. Elle ouvre ensuite à la croix ce qu'il avait d'abord ouvert pour elle au mont des oliviers : la possibilité pour les croyants de souffrir avec le Fils (NB 1/2, 175-176).

 

133. Mission de Marie et de Jean

Marie et Jean ont une mission qui dure et demeure jusqu'à la fin du monde et jusqu'au retour du Fils (NB 1/1, 258).

 

134. Marie fait partie du plan de rédemption du Fils

Dieu porte Marie dans sa grâce parce que le Fils veut accomplir avec elle le sacrifice de sa vie parmi nous et de sa mort pour les hommes. Elle est une partie de son plan de rédemption. Il l'a rachetée à l'avance, il l'a choisie, il l'a marquée, mais il lui a laissé sa liberté et sa connaissance féminine; elle reste elle-même bien que la grâce l'inonde tellement qu'elle devient la Mère de Dieu incarné et son accompagnatrice et finalement son épouse, c'est-à-dire l’Église (NB 1/2, 185).

 

135. Marie enfante l’Église à la croix avec son Fils -

Marie reçoit de l'ange un service à accomplir, et elle le rend à la croix. Il lui fut confié pour cette période parce que, durant la vie terrestre du Christ, elle dut prendre soin de lui, et cela aussi bien extérieurement et d'une manière active qu'intérieurement et d'une manière contemplative, aussi bien dans les trente années de leur vie commune que dans les trois années de sa vie active. Durant cette période, il y avait en Marie comme une correspondance à son service terrestre et humain. Et quand le Fils eut achevé sa mission, elle a son service derrière elle. Après la croix, le Fils a encore un service tandis qu'elle, elle n'a plus que sa mission. La conclusion de son service est d'enfanter l’Église à la croix avec le Fils; quand elle a accompli cela, elle a aussi transmis à l’Église la dot du service dans la mesure où cela dépendait d'elle. Le Fils par contre garde le service ; d'une part parce qu'il n'est pas l’Église et qu'il n'est pas féminin, de plus parce qu'il exige toujours qu'on le suive personnellement et en fin de compte parce qu'il le possède en tant que Dieu. Le service avec lequel il vient sur terre, investi par le Père, est tellement intransmissible qu'il ne peut le donner à personne à la fin de sa mission terrestre. Il fait partie de sa rédemption et de son attachement au monde qu'il garde son service en tant que tout. Ce n'est pas une mission particulière qui peut être terminée un jour. Et s'il transmet le service à l’Église par Marie, ce service transmis doit avoir en lui son pendant, il doit donc le garder pour que l’Église l'ait, pour que le ministre de l’Église ait la certitude d'être dans le Seigneur, que le ministre soit assuré par le service divino-humain du Seigneur que son propre service est valable (NB 1/2, 191).

 

136. Marie accueille le Fils en elle – Le Fils la fait participer à son ministère

Quand Marie accueille le Fils en elle, elle est certes une personne humaine ordinaire, en paix avec Dieu le Père et avec le Fils, prête à se laisser façonner par l'Esprit et à s'adapter à toute exigence. Mais, avec le Fils, elle porte aussi en elle son ministère divino-humain, objectif et immuable, auquel elle ne peut rien changer. Le Fils la fait participer à ce ministère afin qu'elle devienne capable de devenir l'archétype de l’Église, l'épouse parfaite au sens ecclésial. A ce sujet, on ne lui demande pas son avis. Sans doute a-t-elle répondu : "Qu'il me soit fait selon ta parole", parce qu'elle voulait être personnellement tout à fait obéissante et exécuter toute mission. Mais le ministère n'est pas la mission et n'est pas personnel. Tant qu'elle attend le Fils et le porte en elle, le ministère n'est pas du tout visible. Pour Marie, il ne s'exprime distinctement qu'à la croix, lorsqu'elle est congédiée. Et parce qu'elle est femme et qu'elle représente l’Église, on ne lui demande pas son avis, on le lui impose tout simplement. Ceux qui suivront le Seigneur, qui auront à le représenter dans l’Église, devront donner leur accord pour assumer le ministère. Sans leur oui, ils ne pourraient pas être des ministres valables. Par contre pour établir le fondement du ministère dans l’Église, cette question n'est pas posée; il y a simplement le fait que Marie est associée d'une manière objective au ministère objectif du Seigneur. Cela se reflète aussi dans les relations du Seigneur aux apôtres : quand il les invite à le suivre, également quand il ordonne :"Suis-moi", il y a une question qui exige une réponse et un consentement personnels. Mais quand le Seigneur, venant de la croix, paraît aux yeux des disciples et qu'il souffle sur eux en disant :"Recevez l'Esprit Saint, ceux à qui vous remettrez leurs péchés seront pardonnés", la question ne leur est plus posée parce que maintenant ils représentent l’Église. Le ministère leur est simplement imposé. Avant la croix, le ministère messianique du Christ se trouvait encore totalement en lui-même, et on ne savait encore que peu de choses de l'extension et de la portée de son ministère. Maintenant que, sur la croix, le Seigneur a pardonné au monde, toute la grandeur de son pardon apparaît aussi dans le fait qu'il peut y faire participer l’Église par le ministère (NB 1/2, 188-189).

 

137. Marie voilée durant sa vie terrestre et dévoilée par son Fils

Tandis que Marie, en tant que femme, est ce qui est concret - et elle l'est à travers toute l'histoire -, elle est voilée en tant que femme durant sa vie terrestre, mais en revanche elle est dévoilée dans l'ancienne Alliance et dans l’Église. Elle est dévoilée là par le Fils. Le Fils la montre à l'humanité. Il le fait sans lui poser de question tant il s'attend à son consentement. Le Fils la dévoile devant l'histoire dans son obéissance à l'Esprit, spontanée et ignorante. Il y a chez elle une possibilité de se dévoiler qui lui est propre et qui se trouve chez elle à l'avance, dont le Fils dispose. Alors qu'à la croix le Fils est dévoilé et la Mère voilée, dans l'ancienne Alliance, c'est le Fils qui est voilé et la Mère qui est dévoilée. Non pas qu'ils ne pourraient être dévoilés et voilés tous deux en même temps (NB 1/2, 172).

 

138. Marie apparaît dans l’Église plus souvent que son Fils -

Personne dans l’Église n'apparaît aussi souvent que Marie, beaucoup plus souvent sans doute que le Fils lui-même. Qu'elle apparaisse ainsi dans l’Église répond au fait qu'elle a été voilée sur la terre (NB 1/2, 174).

 

139. Les apparitions de Marie : le Fils veut nous former par sa Mère

Quand la Mère se montre, elle accomplit une mission de Dieu pour nous qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère (NB 9, n. 1991).

 

140. Apparitions de Marie : la Mère vient pour glorifier le Fils

Lucie de Fatima. On doit regarder la Mère, l'aimer, se consacrer à elle, mais la Mère fait la même démarche que le Fils : il est venu pour glorifier le Père. Elle est venue pour glorifier le Fils (NB 1/2, 94).

 

141. Marie montre à l’Église comment elle a aimé son Fils (NB 3,151).

 

142. Marie et son enfant – Le Seigneur et l’Église -

Nous pouvons nous faire une idée de la relation de l’Église au Seigneur en regardant la relation de Marie au Fils. Le Fils reste Dieu bien qu'il se soit abaissé à devenir homme; Marie reste totalement créature malgré la grâce de la pré-rédemption qui l'a exaltée, mais elle est une créature qui suit le Fils de la manière la plus stricte comme il l'avait prévu dans ses desseins. Dans ses échanges avec le Fils, elle ne fait pas que donner et prendre, elle est placée directement devant son mystère qui le singularise : il est engendré par le Père et il a une vision immédiate du Père. Quand Marie prie avec son enfant, elle se sert des mots qu'elle connaît, elle demande des choses qui lui semblent nécessaires, elle prie à la manière d'une vraie croyante; mais elle sait que le Fils, qui entend ses mots, les reprend et les transmet à Dieu d'une manière qui la dépasse. Non seulement parce que Dieu le Père et l'Esprit Saint les reçoivent du Fils, mais parce que la prière du Fils lui-même, sa manière de parler avec le Père, lui demeure inaccessible; cela fait partie du mystère trinitaire. Dans sa prière, le Fils ne donne pas simplement comme un homme et il ne reçoit pas non plus en tant que tel ce que Dieu lui donne, il le donne en tant qu'Homme-Dieu. Il prend ce que Dieu lui donne, mais en même temps il donne lui-même en tant que Dieu et il reçoit aussi en tant que Dieu. Sa manière de prier est pour Marie beaucoup plus impénétrable et beaucoup plus complexe que sa propre manière de prier (NB 5,20-21).

 

143. Marie : l’Église telle que le Fils se la représente

Marie n'est pas seulement une personne individuelle, elle est en même temps l’Église; de même que le Christ est homme et Dieu, de même Marie est une personne et l’Église, et l’Église telle que le Fils se la représente. Tout ce qu'elle a : sa pureté, son amour, sa disponibilité, son don d'elle-même, son oui, son corps, sa personnalité, elle offre tout à son Fils pour qu'il en dispose. Elle ne les offre pas comme des choses terminées qu'on ne peut plus changer, mais comme une mélodie qu'il peut modeler à son gré (NB 6,475).

 

144. Il plaît au Fils de faire de sa Mère la mère de tous les humains

Le Fils de Marie était Dieu depuis toujours et Marie devient Église parce qu'elle l'était depuis toujours dans le Fils. Elle doit donc se laisser faire tout comme elle a laissé faire dans son corps qu'elle devînt Mère; elle doit continuer à se laisser faire parce qu'il plaît à son Fils d'en faire la Mère de tous les humains. Il a voulu venir au monde par son corps; maintenant que son corps a rendu le service qui lui était demandé, il lui plaît de la transformer de telle sorte que son âme, non en opposition à son corps, mais en l'incluant, devienne Église. Quand Marie a dit oui à l'ange, elle a disposé de son corps et de toute son existence. Elle les a donnés pour le service de Dieu. Comme elle a mis au monde le Fils et que celui-ci a bien habité en elle, c'est lui maintenant qui en dispose, ce n'est plus elle. Le Fils s'est séparé d'elle à sa naissance, il revient à elle pour en faire sa résidence en tant qu’Église. Il a quitté son corps comme une housse qui est devenue inutile, mais parce le lieu saint de l'habitation de Dieu ne peut jamais devenir inutile, il revient à elle. Le Fils est engendré par le Père pour revenir au Père dans la procession de l'Esprit, de même il accomplit vis-à-vis de sa Mère le même mouvement : il la quitte à sa naissance pour "enfanter" en elle, engendrer en elle. C'est par elle qu'il devient fécond et il dépose à nouveau en elle sa fécondité. Elle était pour lui une housse, maintenant c'est lui qui devient pour elle une housse. Elle était pour lui un refuge, maintenant c'est lui qui devient pour elle un refuge. C'est le mouvement de va-et-vient du Fils qui explique finalement la transformation de la Mère en Église. C'est le Fils qui, par son éloignement et par son retour, change sa destination. A sa naissance, il est expulsé d'elle pour mieux pouvoir s'installer en elle. Il quitte sa Mère pour, à sa place, rencontrer l’épouse. La foi de Marie lui a préparé ici-bas un lieu ; pour la remercier, il va faire d'elle le lieu de la foi. C'est ce même mouvement qu'il fait dans l'éternité en sortant du Père et en y retournant. C'est ainsi que la femme met ensuite au monde d'autres enfants (Ap 12,17) parce que le Fils les a mis en elle. Elle fut féconde du Fils pour le mettre au monde, elle devient féconde par lui pour engendrer la famille du Fils. Elle lui a offert sa fécondité; la fécondité du Fils, elle la reçoit de lui. La fécondité qu'elle lui a offerte était déjà une fécondité qu'il lui offrait, comme c'est lui aussi qui lui offre sa nouvelle fécondité. Et les enfants qu'elle met au monde participeront tout autant à la fécondité du Fils (NB 6,480-481).

 

               111 Marie, mère du Fils et épouse du Fils

 

145. Relations nouvelles du Christ et de Marie

C'est sur l'arrière-plan des relations d'Adam et d'Ève qu'apparaissent les relations nouvelles du Christ et de Marie. Le Fils de Dieu s'approche de Marie et devient son Adam dans une relation spirituelle d’Époux à épouse. Mais ces relations n'apparaissent qu'après que Marie, comme mère, a mis au monde le Fils, après qu'il a agi en elle, après qu'il l'a rachetée à l'avance, ce qu'il était en mesure de faire parce que le péché originel était déjà dans le monde, et il le pouvait d'autant plus que non seulement il la guidait (comme l'Esprit guidait les premiers parents), mais qu'il habitait en elle corporellement. Aussi étrange que puisse paraître la comparaison : le Christ est d'abord l'Abel de Marie pour ensuite, en grandissant et en devenant indépendant, devenir son Adam. Mais un Abel sans péché originel, de même que sa mère aussi est sans tache et rachetée à l'avance. Un Abel qui grandit dans sa justice personnelle, pour être vaincu sur la croix par le monde de Caïn. Et le Fils, qui devient homme et qui apporte avec lui les expériences que Dieu le Père fait avec le monde pécheur, sait aussi par quelles mesures il doit éviter et effacer les fautes des premiers parents : il n'est pas permis à Marie, la seconde Ève, de se montrer, comme à l'origine, indifférente pour pécher ou ne pas pécher; elle doit être rachetée à l'avance. Et lui-même doit déjà être issu de cette décision pour la grâce, il doit donc, en expiant pour le péché, "mériter la grâce" de pouvoir venir de cette manière. La grâce alors est reportée aux origines premières de la nouvelle nature humaine et c'est à partir de la relation Christ - Marie que la relation Adam - Ève peut être rachetée et être incluse dans la relation dernière (NB 1/2, 160-161).

 

146. Marie, « ta mère et ton épouse »

Prière d’Angèle de Foligno : Seigneur, ta première épouse fut Marie: elle a pu te porter à la fois comme mère et comme épouse. Tu as habité en elle. Et maintenant, Seigneur, que tu es venu à nous dans l'eucharistie, tu habites en nous comme si nous étions tes mères et tes épouses. Dans l'Esprit qui nous fait comprendre que tu es vraiment présent dans l'hostie, tu te laisses recevoir par nous comme ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l'Esprit. Seigneur, bien que nous sachions à quel point nous sommes indignes, nous sommes maintenant remplies d'un sentiment infini de gratitude. Tu habites en nous, tu es en nous, tu habites en nous pour nous accompagner, tu demeures en nous, tu ne nous laisses pas toutes seules. Et en nous permettant de faire pour toi, à notre manière imparfaite, quelque chose de ce que Marie a fait pour toi à sa manière à elle qui était parfaite, tu nous entraînes plus profondément dans ton mystère. Seigneur, je t'en prie, prends-moi tout entière, viens à moi avec toute ta mission, permets que j'accomplisse totalement ta volonté. Et j'en suis sûre: parce que tu es venu, tu permets que je fasse au moins quelque chose, que mes sœurs fassent au moins quelque chose et que tous ceux qui croient en toi te portent. Mon merci, Seigneur, est comme je suis : faible et imparfait. Et cependant je voudrais que mon merci soit aussi grand que ma foi, car ma foi ne dépend pas de moi, c'est un cadeau que tu m'as fait. Elle vient de toi avec toute la plénitude que Dieu le Père lui donne, elle vient par toi jusqu'à nous sans altération. Fais que notre merci et notre foi ne fassent qu'un et que nous ne nous en servions que pour te servir. Seigneur, bénis tous ceux qui t'ont reçu aujourd'hui, et donne à tous ceux qui se refusent encore à toi ou qui ne veulent rien savoir de toi de commencer lentement à se tourner tous ensemble vers toi et de devenir ainsi capables de recevoir bientôt ta pleine bénédiction (NB 1/1, 451-452).

 

147. Marie, épouse du Fils, devient l’Eglise

Par son don d'elle-même à l'Esprit, Marie devient l'épouse du Fils. Le fait que l'Esprit l'a couverte divinement de son ombre la rend apte à devenir l'épouse du Fils. Et elle est encore l'épouse de Joseph. Il y a ainsi l'union nuptiale purement humaine, l'union nuptiale purement divine et, pour le Fils, l'union nuptiale absolue, divino-humaine. Le Fils l'a pour ainsi dire confiée à l'Esprit pour la former à l'union nuptiale définitive, divino-humaine. Elle doit apprendre à connaître l'Esprit de l'Époux. L'Esprit lui offre comme fruit le Fils. Le Fils lui offre l'Eglise qu'elle devient (NB 6 ,125-126).

 

               112 Marie et l’accès au Fils

 

148. Le Fils nous donne sa Mère pour nous accompagner (NB 11,34).

 

149. Dans l’Église, la Mère prépare les chemins du Fils

Avec sa mission, Marie prépare dans l’Église les chemins du Fils; elle sera comme un précurseur des chemins du Seigneur; elle est l'origine de tous les précurseurs : en allant chez Élisabeth, elle a mis en mouvement Jean le précurseur. La mission de la Mère est la première dans l’Église (NB 1/2, 176).

 

150. Marie : accès au Fils

Pour Ignace de Loyola, la Mère est maintenant l'accès nouveau, concret, au Fils, comme le Fils l'est pour la Trinité. Le Fils est comme un degré entre la Mère et la Trinité (NB 1/1, 465).

 

151. Pas Marie sans le Seigneur

Adam et Ève, le Christ et Marie, créés par Dieu pour être ensemble. On ne pourrait pas écrire une histoire d'Adam et oublier Ève, ou une histoire de Marie et ne pas tenir compte du Seigneur. Ils sont ordonnés intimement l'un à l'autre (NB 4,400).

 

152. Par Marie au Seigneur

"Un glaive transpercera ton cœur afin que les pensées d'un grand nombre soient dévoilées". Sans la souffrance de Marie, ces pensées n'auraient jamais été libérées par elles-mêmes. Pour beaucoup, le Christ est trop loin ; Marie par contre est un être humain comme nous, élevé par la grâce. Mon désir du Seigneur n'est pas évident pour moi, mais tout devient clair pour moi quand je vois Marie souffrir. Et ainsi, par la médiation de sa souffrance, j'arrive au Seigneur (NB 10, n. 2350).

 

153. Marie renvoie toujours au Fils -

Quand Bernadette voit la Mère du Seigneur, le culte de la Mère dans l’Église en est certes rendu plus vivant; et pourtant une mission mystique ne se limite jamais à ce qui est marial ; par Marie elle renvoie au Fils, par le Fils elle renvoie au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but trinitaire aussi bien qu'un but ecclésial, tout ce qui se trouve à la lisière est complément et décor, ce doit toujours être compris et lu en vue du centre : l'amour trinitaire qui, par la révélation chrétienne, veut se créer dans l’Église une nouvelle compréhension et un nouvel amour (NB 5,85).

 

154. Marie, montre-moi le chemin pour aller vers ton Fils

Prière d’Ignace de Loyola à Marie puis au Fils : Marie, Mère de Dieu, je t'en prie, montre-moi le chemin pour aller vers ton Fils, mon Seigneur, pour que je puisse l'atteindre et lui dire que je veux le servir en tout. Que je veux être pour lui comme un serviteur et accomplir tout le travail qu'il me confiera dans la joie du serviteur qui sait que son maître compte sur lui. Notre Seigneur, je ne vois pas bien où tu veux te servir de nous, nous qui nous tenons prêts dans la nouvelle Compagnie, dont je ne sais encore qu'une chose, c'est qu'elle viendra, mais dont je ne sais pas encore comment elle devra être. Donne-moi, je t'en prie, l'Esprit pour que je comprenne ce que tu désires, donne ton Esprit à ceux qui viennent ; ne te laisse pas empêcher par moi, indigne, de réaliser ton plan, mais emploie-moi à tout ce que tu veux, comme tu le veux, aussi longtemps que tu le veux, et sérieusement, de toute manière. Que je dise oui ou non, n'entends toujours que mon oui que je puise dans la force que ta Mère avait pour dire le sien, mon oui dont je sais bien que je ne puis le tenir que par ta grâce et ton aide. Tu vois à ma prière, à mes exercices de pénitence et au travail long et pénible auxquels je me contrains avec tant de mal que je veux vraiment te servir. Mais, Seigneur, je ne suis pas seul, il y a tous ceux qui vont venir, que tu vois et que je ne connais pas. Tu sais que l’œuvre doit être accomplie aussi bien par eux que par moi. C'est pourquoi je te prie de donner tes grâces à tous ceux qui viendront; de même que ta Mère aussi donne toujours chacune de ses grâces à l’œuvre tout entière et à toute l’Église. Donne-moi d'aimer toujours plus ton Église et d'occuper, selon ta volonté, la place que je dois prendre dans l’Église, celle que tu as prévue pour moi depuis l'éternité. Je te demande ta bénédiction pour l’œuvre, pour l’Église, pour tous les croyants, et je te demande aussi de me donner la grâce de supporter tout ce qui peut arriver: pour ta plus grande gloire, pour ton Église, pour moi, pour Dieu Trinité (NB 1/1, 466-467).

 

155. Avec Marie, adorer le Fils, le Père et l’Esprit

Il est tout à fait naturel à Marie d'être parmi nous comme l'une d'entre nous, ce qui ne diminue pas notre vénération pour elle. En étant parmi nous, elle crée l'espace pour ce qui est le plus essentiel : l'adoration de Dieu. Elle ne se fait pas petite pour qu'on remarque combien elle est humble, mais elle se fait toute proche de nous pour que tous ensemble, avec elle, nous adorions le Fils, le Père, l'Esprit (NB 10, n. 2109).

 

156. S’occuper de Marie, c’est se rapprocher de son Fils

Chaque fois qu’on s'occupe de Marie, on se rapproche de son Fils. Elle nous invite - au fond, on ne sait pas comment - à prier avec elle de la manière dont elle prie (NB 10, n. 2138).

 

157. Marie et l’eucharistie : Marie est là chaque fois qu’est reçu le corps du Seigneur

Marie est étroitement unie au prêtre dans l'exercice de ses fonctions. Elle l'est comme Mère du Seigneur, comme servante du Seigneur, et aussi comme celle qui a laissé la semence du Père se transformer en elle en Fils incarné. C'est pourquoi le mystère de la transsubstantiation est particulièrement proche de son propre mystère. Elle est présente dans le Corps du Seigneur. Rien ne vieillit dans l’Église étant donné qu'elle-même ne cesse de naître de la rédemption. Pour celui qui communie, il y a chaque fois un contact avec la Mère. Aucune communion dans l’Église n'est indifférente pour la Mère. Elle est là chaque fois qu'est reçu le Corps du Seigneur et elle communique à celui que le reçoit quelque chose de sa manière de l'accueillir. Toute communion est pour elle comme une fête qui lui rappelle comment elle l'a reçu elle-même (NB 1/2, 197-198).

 

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2. L’enfance


 

Plan :     113 Jésus reçoit son nom114 La circoncision115 Dans la mangeoire116 L’allaitement 117 Les mages118 La présentation au temple - 119 L’éducation de l’enfant120 La conscience de Jésus enfant121 Nazareth – 122 L’enfant de douze ans

 

 

               113 Jésus reçoit son nom

 

158. Jésus reçoit son nom : il s’insère dans la multitude des hommes

Quand le Seigneur reçoit son nom de Jésus, il entre dans l’anonymat et en même temps il est distingué de tous les autres hommes. Beaucoup avant lui avaient porté ce nom; en recevant un nom, il s’insère dans la multitude des hommes, ce qui semble lui enlever ce qu’a d’unique son nom divin. En recevant un nom humain, il montre une fois de plus combien il prend au sérieux sa mission dans le monde. D’un autre côté il élève ce nom au-dessus de ce qu’il a de quelconque pour le faire entrer dans ce qu’ont d’unique sa divinité et sa mission. Désormais ce sera son nom. Les noms de Marie, de Joseph, des apôtres, du Baptiste, on les utilisera pour donner à un enfant un patron puissant. Mais le nom du Seigneur est rempli d’une signification divine, il n’est plus sur la liste des noms chrétiens (NB 9, n. 1937).

 

159. Marie et le nom de Jésus

Jésus reçoit son nom sur l’indication de l’ange. Quand Marie l’appelle par son nom, elle a sans doute le sentiment qu’éprouve toute mère : son enfant est à part et en quelque sorte différent des autres enfants ; mais pour elle ce sentiment repose sur une vérité absolue. Elle essaie de prononcer son nom de telle manière que Dieu voie qu’il est devenu pour elle le nom du Fils qu’il faut adorer; et le ciel tout entier rayonne en quelque sorte de ce nom (NB 9, n. 1937).

 

                   114 La circoncision 

 

160. Humanité réelle du Sgr : circoncision – Sang de la circoncision et sang de la croix

La circoncision du Seigneur témoigne d'abord de la prise en charge d'une authentique corporéité humaine dans une incarnation inconditionnelle; les témoins de sa circoncision ne pourront pas douter de son humanité. Le premier sang humain qu'il répand, la première douleur qu'il endure, annoncent le sang qu'il répandra plus tard et ce qu'il subira sur la croix (NB 10, n. 2158).

 

161. Sang : circoncision et croix

Le sang de la circoncision du Fils fait partie déjà de son sacrifice qui est offert au Père (NB 12,235).

 

162. Circoncision : l’ancienne Alliance est intégrée dans la nouvelle Alliance du Fils -

La circoncision témoigne que le Fils se place vraiment sous la loi de l'ancienne Alliance; il montre aux hommes et au Père qu'il tient à cette Alliance, qu'il l'intègre dans son œuvre future, que le salut du monde qu'il apporte part de l'ancienne Alliance pour entrer dans la nouvelle et éternelle Alliance (NB 10, n. 2158).

 

163. Circoncision : le Fils vit totalement selon les lois humaines

Le Fils ne veut être rien d'autre qu'un humain parmi les humains et qu'il accepte devant Dieu les lois humaines qui ont été édictées en toute justice et avec discernement, que la nouveauté qu'il apporte ne veut pas rompre avec ce qui existe légalement en fait de foi et de tradition, qu'il se soumet en tout jusqu'à ce qu'il arrive à l'âge où il pourra accomplir lui-même normalement sa mission. Le tout est ainsi une preuve également qu'il peut temporiser, attendre le moment convenable, user de patience tout comme le Père use de patience avec le monde. Le Fils rend honneur, en son humanité, à la longue patience du Père en laissant se développer l'humain et en ne se précipitant pas tout de suite dans l'action, en accueillant au contraire l'action de l'ancienne Alliance pour la vérifier et la laisser mûrir en lui afin que ce qui est nouveau se fasse par elle et avec elle (NB 10, n. 2158).

 

164. La circoncision du Fils était également une humiliation (NB 12,139).

 

165. Marie assiste à la circoncision – Faut-il que le Fils soit circoncis ?

Marie assiste à la circoncision de son Fils : elle est vierge pour l'homme qui est son Fils. La question s’est posée pour elle : peut-elle faire circoncire son Fils ? Elle sait qui il est; et elle doit quand même laisser se faire la circoncision pour que, dans sa chair aussi, soit marqué le lien entre l'ancienne et la nouvelle Alliance (NB 12,237).

 

166. Circoncision veut dire appartenance à Dieu -

Le Père céleste s'est servi de l'Esprit pour que Marie conçoive le Fils et une fois encore pour mettre le Fils au monde de manière virginale, le Fils est entouré de virginité. Tout le service de son Fils doit en être marqué. Le Fils ne peut être que vierge. Par conséquent il faut aussi que soit exécuté pour lui le rite de la circoncision : il veut dire au fond, pour l'âme et pour le corps, une appartenance à Dieu, une exclusivité pour Dieu. Il n'est donc pas circoncis uniquement parce qu'il est né dans une famille juive. Il livre son être d'homme pour l’œuvre du Père, pour la rédemption du monde (NB 12,237-238).

 

167. Circoncision : impuissance et douleur -

Quand le Fils se donne lui-même lors de la circoncision, son don est associé à une grande impuissance. L'enfant est couché et livré nu, il ne peut que laisser faire. Quand cela fait mal, il crie. Le cri du Rédempteur a quelque chose d'indiciblement touchant. Les enfants vraiment candides ne comprennent pas pourquoi on leur fait du mal. Et pourtant quand les parents le font, les enfants sentent l'amour et ils éprouvent de la reconnaissance (NB 12,239).


 

                115 Dans la mangeoire

 

168. Jésus couché dans la mangeoire : deuxième personne de la Trinité

Jésus enfant regarde le Père, parce que, en tant qu'enfant, il sert de médiateur à Dieu Trinité - il est bien sûr en Dieu Trinité comme deuxième personne - et il est tellement ouvert au Père qu'en tant qu'homme il ne se soucie pas qu'il soit couché dans cette mangeoire, ni de ce qui lui arrivera plus tard. L'humanité de cet enfant s'enracine tellement dans le divin qu'il n'y a que cela qui compte; et nous, en tant que nous sommes ses frères, ceux qui croient en lui, en tant que nous sommes chrétiens, nous sommes portés par lui si seulement nous le laissons faire. Et quand on voit la joie des personnes présentes qui regardent un enfant, on se demande si la joie qu'on éprouve devant les enfants des hommes ne pourrait pas être un reflet de la joie qu'on éprouve devant Jésus enfant (NB 10, n. 2290).

 

               116 L’allaitement

 

169. Allaitement

Le Fils, qui était Dieu, était auprès de Marie comme un enfant, lors de l’allaitement par exemple (NB 9, n. 1717).

 

170. Marie donne le sein à son enfant -

Marie avec son petit enfant à qui elle donne le sein pour la première fois. Cet acte est comme un premier acte du don physique d'elle-même. Quand l'Esprit la couvrit de son ombre, elle n'a sans doute pas senti grand-chose physiquement; dans la dernière phase de la naissance intervint aussi un facteur surnaturel. Maintenant c'est nature pure, débouché de la grâce dans la nature. Mais Marie ne possède pourtant ce lait naturel que par la grâce. C'est pour elle un grand apaisement de pouvoir donner quelque chose d'elle-même. Ce qu'elle offre à son enfant, c'est son présent à elle. C'est une confirmation de sa mission et en même temps une satisfaction pour elle, une détente (NB 10, n. 2091).

 

171. Marie avec son enfant dans les bras

Voilà qu'elle a mis le Fils au monde, elle le tient dans ses bras et elle apprend maintenant en réalité bien des choses qu'elle ne faisait jusqu'alors que pressentir. Ses représentations confuses du Père s'incarnent et prennent forme dans l'enfant ; elles sont aussi façonnées en elle. Maintenant, dans le Fils, elle voit le Père. L'enfant a soif exactement comme les autres enfants et elle lui donne à boire. Elle-même est pour son entourage exactement comme les autres mères. Mais l'enfant est Dieu et elle est vierge, et ainsi, à partir de la naissance, dans toutes ses expériences, elle participe à la vision du Père par le Fils. Elle ne voit pas le Père comme l'enfant le voit, mais elle le découvre par l'enfant, non de ses yeux, mais en étreignant le Fils de tout son être comme une mère le fait pour son enfant. Et dans le désir que l'enfant éprouve pour elle, elle perçoit le désir du Père. Quand, pour la première fois, elle prend l'enfant sur son sein pour apaiser sa faim, elle sait qu'elle offre à Dieu sa substance. Elle ne donne pas seulement son lait corporel, elle répond de tout son être à un désir divin. Sa tâche n'est donc pas terminée avec la naissance, elle devient au contraire maintenant plus réelle ; tous ses pressentiments prennent des contours concrets. L'enfant annonce son désir, mais il le fait au service du Père. Et l'enfant et le Père ensemble reçoivent d'elle une réponse qui est aussi totale qu'elle peut l'être. L'enfant ne serait pas de taille maintenant à faire face à des déceptions, c'est pourquoi c'est à elle, qui donne le oui parfait, qu'il est confié (NB 12,242).

 

172. Marie : des bras pour le porter

Quand Marie rencontre l'ange, elle ne sait pas encore ce qu'est la douleur malgré sa connaissance de la vie. Elle est ingénue, son corps est comme un lieu neutre indifférent. Aucun désir en lui, aucun manque d'accomplissement non plus, pas de trop-plein. Et quand elle a conçu et qu'elle attend l'enfant, elle se réjouit corporellement d'avoir un corps qu'elle peut offrir au Fils comme un lieu. Non seulement être esprit et obéissance et foi, mais être un lieu corporel. Elle a des bras pour le porter, des seins pour l'allaiter, une voix pour lui parler, des yeux pour le voir, des oreilles pour l'entendre, des traits qu'il reconnaîtra comme étant ceux de sa mère... Puis viennent les souffrances. Elle est transpercée au pied de la croix. Comme la femme qu'elle est, elle endure les souffrances avec son Fils. Et ces souffrances, elles les ressent au fond plus douloureusement qu'elles ne le sont, d'une manière plus insupportable qu'elles devraient l'être, parce qu'elle a part à sa manière divino-humaine de souffrir, parce que le toujours- plus de ses souffrances à lui lui est pour ainsi dire prêté. Et cela va de soi par suite de son oui. De ce fait, presque dans une indifférence en ce qui la concerne, car toute la souffrance est en lui; et parce que cela relève de sa décision, de la volonté trinitaire, tout est bien. Et mieux encore que le bien de la création parce que c'est le bien de la rédemption (NB 3,250).

 

173. Tenir Jésus dans ses bras

Dans la prière la plus simple, un Ave Maria par exemple, le croyant se représente quelque chose; on connaît beaucoup d'images de la Mère de Dieu : avec l'enfant dans les bras, remplie de bonheur et de paix; on comprend qu'elle est bénie entre toutes les femmes, pleine de grâce. On peut se représenter et ne pas se représenter ce que veut dire être pleine de grâce, on peut se représenter et ne pas se représenter ce que veut dire tenir l'enfant Jésus dans ses bras (NB 6,60).

 

174. Marie et Jésus enfant

Pour Marie, tout part de l'adoration de l'enfant. C'est là qu'elle apprend à orienter vers Dieu toutes ses pensées et tout ce qu'elle fait, son ménage, comme Dieu le requiert, Dieu qui est maintenant auprès d'elle. Qu'elle allaite l'enfant ou qu'elle l'emmaillote ou quoi qu'elle fasse, tout a son prolongement et sa répercussion dans l'esprit chrétien. Quand elle découvre son sein pour l'allaitement, c'est avec la pensée que Dieu le Père lui a donné ce lait pour le Fils, qu'elle doit le nourrir en lui donnant de sa substance, et qu'il transmettra cette substance aux hommes à sa manière (NB 6,161).
 

                   117 Les mages

 

175. Les mages : première reconnaissance du Fils par le monde

Épiphanie. L'incarnation est un mouvement du ciel vers la terre; Marie est le lieu où ce mouvement s'arrête un instant, l'auberge accueillante où le Fils passe ses années cachées. Les rois qui viennent l'adorer sont le début d'un mouvement opposé, du monde vers le Seigneur et, par lui, vers le Père, qui ne cesse de s'étendre. Les rois sont ainsi, pour le Fils, la preuve que ça a réussi pour Dieu de se rendre visible dans un homme. C'est une première reconnaissance, autre que celle de la Mère: celle-ci avait été interrogée par l'ange et avait laissé faire; à partir de là, sa foi n'a cessé de devenir plus parfaite. Les rois par contre sont actifs dans le sens où ils se mettent en route vers le Seigneur pour un moment de contemplation adorante, après quoi ils reprennent leur route, mais désormais conscients de la présence divine sur la terre. Ils adorent selon ce qu'ils ont compris, mais éclairés par le mystère de l'étoile et celui de la présence du Seigneur. Les éléments de leur prière leur sont donnés de l'extérieur et ils sont guidés par eux. Ils ont prêté attention au signe venant du ciel, ils se sont confiés à sa direction, ils ont fait le voyage, atteint le but (NB 10, n. 2159).

 

176. L’adoration des mages

L'enfant de Noël n'est pas seulement un être humain parmi nous, il est en même temps l'enfant qui est adoré en tant que Dieu, vers qui cheminent les mages. Leur adoration est comme le pendant du oui adorant de la Mère à l'ange et comme un premier effet de ce oui : il s'avère maintenant que des hommes, venant de l'extérieur, sont capables, sous la conduite du Père, de reconnaître comme Dieu l'enfant qui s'est incarné par le oui de Marie (NB 10, n. 2155).

 

                   118 La présentation au temple

 

177. La présentation de Jésus au temple et la croix

Présentation de Jésus au temple. Le Fils de Dieu est béni au temple: une cérémonie dont il n’avait aucunement besoin. Et la Mère avait tout aussi peu besoin de purification. Mais dans le fait qu’ils n’ont pas besoin de cette cérémonie, réside pourtant aussi le fait qu’ils “peuvent” s’y soumettre. De ce point de vue, les deux choses annoncent la croix. On se laisse bénir et purifier à l’ombre de la croix. Comme le Seigneur se laisse finalement crucifier pour le péché des autres. Par cette ouverture sur la croix, la fête de la présentation de Jésus au temple reçoit un caractère sublime. On promet de prendre sur soi ce qui appartient aux autres. Ce sont les autres qui doivent être purifiés et bénis (NB 9, n. 1473).

 

               119 L’éducation de l’enfant

 

178. Marie éduque son Fils

Marie est la première qui représente le Fils de telle sorte qu'il se rend partout présent là où elle est. Comme le Fils représente le Père, de même la Mère représente le Fils. Quand il grandit, elle l'éduque par ce qu'elle est, par ce qu'il lui a donné et lui donne toujours plus largement. Elle reçoit sans discontinuer, mais elle donne aussi sans relâche. Beaucoup de questions auraient pu se poser pour elle: Comment doit-elle éduquer? Que lui apprendra-t-elle? Qu'a-t-il le droit de recevoir d'elle? Mais toute question trouve sa réponse dans le fait qu'elle lui montre ce qu'elle est devenue par lui. Quand il est petit enfant, il lève les yeux vers elle, vers elle qui a rendu possible son incarnation et qui, par son obéissance, a tellement reçu de lui qu'elle peut donner sans compter. Il n'est aucune vertu qui ne se refléterait dans son attitude. En la regardant, le Fils se voit dans son miroir à elle. Il y a cette ressemblance, cette étroite affinité. Tout comme un enfant porte les traits de son père, qu'un cousin ressemble à sa cousine, il ressemble à sa mère. Et quand elle échange avec lui des mots d'enfant, quand elle lui apprend à parler et à prier, tous ces mots sont déjà comme imbibés de sa nature à lui. Nulle part un malentendu, nulle part l'impression d'être étranger l'un à l'autre. Toute sa tâche à elle en ce qui le concerne, elle l'accomplit dans son sens à lui. Son attitude à elle représente la sienne; aucun événement ne peut ici troubler quoi que ce soit (NB 10, n. 2309).

 

179. Le Fils en tant qu’homme a reçu de sa Mère l’amour du Père

Le Fils, en tant qu'homme, a reçu l’amour vivant du Père par un être humain, sa Mère, qui lui a offert le Père; elle-même, c'est du Père par l'Esprit qu'elle avait reçu cet amour; dans cet amour, la Mère a montré le Père au Fils de manière nouvelle (NB 10, n. 2175).

 

180. Marie a donné au Seigneur l’expérience de l’amour

1943. Dialogue entre le P. Balthasar et Adrienne. P. Balthasar : « Peut-on dire de Marie qu’elle a été d’une certaine manière source d’inspiration pour le Seigneur? » Adrienne : « Je n’aurais pas employé le terme dans ce contexte. Mais comme vous l’avez employé, on peut le voir ainsi parce qu’elle lui a donné l’expérience de l’amour, de l’amour total, qu’il n’aurait connu autrement que d’une manière théorique » (NB 8, n. 518).

 

181. Éducation de l’enfant avec l’aide de l’Esprit

L'accueil de l'enfant change la relation de Marie à l'Esprit Saint. Par la présence du Fils en elle, l'Esprit devient une réalité. Quand une femme porte l'enfant de son mari, il va de soi pour elle qu'elle l'élèvera selon son idée à lui, elle ne cessera de lui poser des questions, de s'adapter à ses désirs et elle modifiera bien des choses. Car certains de ces désirs ne concernent pas seulement l'enfant mais aussi la femme. C'est de cette manière que Marie ne cesse d'interroger l'Esprit Saint quand il s'agit de l'éducation de l'enfant. Elle cherchera l'Esprit d'une manière précise et elle recevra en retour une manière précise de l'aimer. Cet amour ne sera pas sans rapport avec l'amour du Père et du Fils, mais il ne coïncidera pas simplement avec lui. De consulter l'Esprit lui donne une direction objective pour l'amour et en même temps une certitude objective du chemin. Si l'enfant lui était laissé à elle seule, la responsabilité serait à peine supportable. Pour elle, l'humain en lui serait surélevé, mais le divin serait comme délaissé. En tant que Dieu, ce dont il a besoin de sa part, elle doit se le laisser continuellement donner par l'Esprit, et même de plus en plus (NB 6,125).

 

182. Marie doit être capable de répondre aux questions de son enfant

Tous les soins dont Marie entoure son enfant et également les besoins de l'enfant lui-même et tout ce qui arrive avec lui font partie de son silence et de sa prière et de ce qu'elle doit absolument accueillir en esprit. Car son esprit doit devenir capable, par l'Esprit Saint, de répondre aux questions que son enfant, comme tout autre enfant, lui posera afin que rien de sa mission divine ne soit gêné. Peut-être que l'essentiel des trente années contemplatives du Fils se passe-t-il, durant ces premières années de l'enfance, dans le cœur de la Mère. Plus tard, quand le Fils sera adulte et qu'il donnera un enseignement et que sa Mère y sera initiée, il sera la Parole autonome qui peut accueillir aussi les questions de sa Mère et y répondre en toute liberté. Mais pour le moment, il est soumis aux contraintes de l'enfance; ce n'est pas une "nuit" ni une privation, parce que tout n'est qu'en devenir, et pourtant, en face du Père, c'est un renoncement à la pleine possession de sa force de Fils. Et sa Mère accompagne ce renoncement avec sa disponibilité (NB 6,164).

 

183. Le Christ a vraiment appris de Marie

Le rôle de Marie. Quand Marie n’est pas là, le Christ aussi manque de vie et devient abstrait. Car lorsqu’on lui prend l’amour pour sa Mère, on lui retire pour ainsi dire la base terrestre de son amour. Enfant et jeune homme, il a quand même aimé Marie d’abord humainement. Si en tant que Dieu il n’avait rien à apprendre, en tant qu’homme il a quand même vraiment appris. Et c’est par l’amour de sa Mère qu’il en est venu à aimer les hommes. Si on l’enlève, il ne reste plus qu’un Sauveur abstrait (NB 8, n. 519).

 

184. L’Enfant et sa Mère prient le Père ensemble

L'Enfant Jésus et sa Mère prient le Père ensemble. Marie voit son enfant qui tout d'abord ne se distingue en rien d'un autre sauf qu'il est son enfant; mais elle sait qu'il est de Dieu. De savoir cela ne lui fait pas problème, rien ne l'empêcherait de connaître Dieu le Père comme son Père, Dieu le Fils comme son Fils mais qui appartient avant tout à Dieu et à l'Esprit, qui est l'un de Dieu Trinité. Mais l'enfant prie avec sa vision du Père, donc d'une certaine manière autrement que sa Mère (NB 10, n. 2291).

 

185. Marie apprend à son enfant une prière

La Mère prie avec son petit enfant. Elle lui apprend une prière quelconque; elle voit d'une certaine manière les mots tels qu'ils correspondent à son enfant, et lui les reçoit et les introduit en quelque sorte dans sa vision du Père. Malgré la force de sa foi, la Mère ne sait pas la force avec laquelle le mot de son enfant retentit pour Dieu, ni la grandeur de son propre monde de prière. Marie prie comme elle peut, elle met le meilleur d'elle-même dans sa prière et elle sait quand même quelque chose de ce qu'il y a d'énorme dans la vision du Père qu'a le Fils et ce qu'il peut faire là avec sa prière à elle. Le Fils n'est pas en mesure non plus de le lui expliquer en détail (NB 10, n. 2193).

 

186. Le Fils apprend de sa Mère l’abandon

Il y a une chose que le Fils doit apprendre de sa Mère et il ne peut l'apprendre nulle part aussi bien qu'auprès d'elle justement : ce qu'il lui a apporté précédemment, l'abandon. En tant que Dieu dans l'éternité, il disposait de tout avec le Père et avec l'Esprit. Mais l'incarnation déjà, le Fils la laissa se réaliser quand le Père l'opérait par l'Esprit. Et le Fils accepte un corps pour laisser se produire la naissance, et ceci pour laisser arriver la mort. Entre deux trouvent toutes les autres passivités humaines que suppose la vie dans le temps (NB 6,151-152).

 

187. Le Fils doit apprendre ce que c’est que l’existence humaine

Quand le Fils est petit, il doit s'habituer au quotidien. Il est totalement occupé avec son existence humaine. Non pas avec lui-même, mais avec la mission d'apprendre à connaître dans tous ses recoins l'état d'existence humaine. S'il le voulait, il pourrait voir continuellement le Père. Mais il se consacre à sa mission. Il voit en quelque sorte le Père de manière indirecte comme on a un objet à la lisière de son champ de vision, mais on ne le fixe pas. C'est l'humanité qu'il fixe et, plus précisément, la place qu'il a à prendre dans le peuple élu. C'est cela qu'il regarde. Quand par exemple il dit : "N'est-il pas écrit : le Seigneur parle à mon Seigneur?" (c'était déjà une sorte de vision de David), le Fils comprend cela en voyant son origine, dans un état de vision. Dans ses efforts pour apprendre à connaître tous les états de l'homme, il veut aussi apprendre à connaître l'état de l'homme en Dieu. L'exacte mesure de sa vision, c'est sa mission. Le Fils aurait pu vivre ses trente premières années tourné totalement vers le Père; apparemment, il aurait ensuite toujours été encore assez tôt pour se tourner vers le monde de manière active. Mais comme il voulait apporter le sacrifice entier, il s'y est mis tout de suite. Il limite donc lui-même sa contemplation des trente années. Il vit dans le Père de telle manière qu'il fait l'entière volonté du Père. Il se laisse conduire par le Père de telle manière qu'il connaît d'expérience le plus haut degré de ce qu'un homme justement peut connaître du Père. Dans sa contemplation, il n'assume pas lui-même la direction. Il aurait pu le faire. Mais il fait de l'obéissance la mesure de sa contemplation. Les quarante jours de jeûne dans le désert sont certes contemplation, mais sans vision du Père dans un sens céleste, ils sont une contemplation conduite par le Père en vue de la passion. Et le Fils ne s'écarte jamais des instructions du Père (NB 6,221-222).

 

188. Le Fils enfant a une image enfantine du monde – Il va connaître des désillusions

Quand il était enfant, le Seigneur a fait l'expérience de la présence de sa propre humanité, d'autrui, du Père. Il y a aussi la découverte du Père dans son propre être d'homme. Quand, pour la première fois, l'enfant peut toucher son pied et jouer avec lui, il s'étonne que le Père ait pensé à faire du pied un jouet pour les enfants. Ses propres possibilités rapprochent le Fils du Père. Les autres aussi sont une partie de ce don de la création du Père. Sans penser maintenant à son heure, le Seigneur peut voir en eux les créatures du Père. Plus tard la distance s'accroît parce que le péché apparaît plus nettement en ce qu'ils ont fait aussi de leurs corps. Enfant, il a une image du monde enfantine, la confiance des petits, des purs, de ceux qui n'ont pas encore connu de désillusions. Ses premières désillusions ressemblent plutôt à des malheurs, à des accidents. Il connaît le péché en tant que Dieu; quand il est enfant, garçon, adolescent, il ne doit apprendre à le connaître que pour pouvoir assumer d'expérience sur la croix la somme du péché du monde, car c'est comme homme qu'il doit souffrir et non comme Dieu. Il a lancé le commandement de l'amour pas seulement pour les autres, mais d'abord pour lui. Une chose est d'aller dans le monde en tant que Dieu pour ramener au Père les hommes qu'ils aiment, autre chose d’y être en tant qu'homme (qui est certes Dieu) et apprendre à aimer les hommes bien qu'ils lui fassent sentir de plus en plus leur état de pécheurs. Mais il laisse de côté son savoir divin pour les rencontrer d'abord avec une confiance d'enfant, et après il est déçu dans sa confiance, il devient la victime des méchants. Il s'opère en lui une transformation : quand s'accroît sa désillusion, sa confiance s'adresse toujours plus directement à Dieu, il aime les hommes en Dieu, il les regarde du point de vue de Dieu, sinon il ne pourrait pas assumer la croix en toute confiance. Il la reçoit avec la confiance dans le Père que cette souffrance rachète réellement le monde. Sa confiance en Dieu compense infiniment sa méfiance à l'égard des pécheurs que lui a apportée la connaissance du monde. Lui aussi est seul quand il est enfant, il a ses proches à qui il peut se confier comme un enfant; les autres, il les voit d'abord à travers sa propre pureté, mais qui lui montre chaque fois où se trouve ce qui est impur. Plus tard, il fera toujours plus l'expérience que son prochain qui lui fait du mal, l'afflige certes, mais il augmente par là son amour pour le Père; il doit aimer d'autant plus le Père qu'il a créé aussi cet homme (NB 6,213-214).

 

189. Le Fils a eu besoin de sa Mère pour grandir - Il est désarmé comme tout enfant

La femme qui dit : " Heureux le corps qui t'a porté" (Lc 11,27) sait donc que si le Fils a choisi une femme, dans ce choix il a pensé à toutes les autres, et qu'il a donné au sein de la femme une nouvelle dignité. Bienheureux est le sein qui le porta avant qu'il soit visible, le sein qui participerait à tous les mystères de la vie en devenir. Mais cette béatitude n'a pas cessé avec la naissance, elle est passée d'une certaine manière aux seins qu'il a tétées. La chaîne des béatitudes se trouve par là prolongée, la plénitude apparaît plus pleine. Il sanctifia le sein de l'intérieur en y demeurant, il sanctifia les seins de l'extérieur d'une certaine manière parce qu'il se nourrit de leur lait, parce qu'il expliqua que la substance de sa Mère était indispensable pour sa propre substance. Il se montre par là disposé à ne pas vivre sa vie humaine en dehors des lois humaines. Il est tellement homme qu'il a besoin de ce dont tout homme a besoin, il est désarmé comme tout autre enfant, si pauvre qu'une femme est capable de venir en aide à sa pauvreté. Et c'est en cela que réside la béatitude : qu'il ait besoin de sa Mère pour naître, pour grandir, pour être (NB 1/2, 245-246).

 

190. Le Fils : enfant, puis adulte, puis crucifié

En tant qu'enfant, le Fils est lié, incapable de disposer de son corps, de réaliser ses desseins, au cas où il en aurait. Il sait que viennent des années où il pourra décider de ses actes, c'est lui qui dira à ses disciples de se reposer quand ils seront fatigués, c'est lui qui maudira l'arbre stérile quand il aura faim. Tout ceci dans l'obéissance au Père. Mais à la fin, ce sera un retour au commencement : son corps flagellé, crucifié, sera incapable de satisfaire ses besoins les plus élémentaires. C'est une humiliation singulière devant Dieu. Tout ce qui est volontaire est retiré afin que puisse se produire ce qui relève du service (NB 6,208).

 

191. Le Fils va apprendre à connaître le Père du point de vue des hommes

Être mis au monde est pour le Fils une décision grosse de conséquences : désormais, pour l'éternité, il devra être Dieu et aussi homme. C'est également une belle décision : il apprendra à connaître aussi le Père du point de vue des hommes. Il apprendra de manière nouvelle que Dieu est infiniment grand étant donné que maintenant, comme créature aussi, il lui sera permis de lever les yeux vers lui. Et il pourra mesurer la grandeur pour les hommes du don de la grâce de la contemplation (NB 6,149).

 

192. Le Fils apprend la langue des hommes

Pour apprendre un petit enfant à parler, on commence par des mots très simples. D'autres mots que l'enfant emploie, il les a simplement pris à ses parents sans en comprendre le sens. Et sa mère veillera à ce que l'enfant ne dise pas ensuite des syllabes dépourvues de signification, mais qu'il emploie les mots dans leur juste sens. Mais le Fils apprend la langue des hommes pour leur montrer ce que signifie au fond leur langue. Ce que signifient les mots en vérité, c'est-à-dire quelle vérité ils ont en Dieu. Il y avait certes déjà la langue de l'ancienne Alliance, mais le Fils lui donne un sens plus plein. Un enfant peut ainsi apprendre comment se dit "amour" en russe, et il peut décliner le mot. Mais il ne sait pas encore ce qu'est l'amour en vérité : il ne l'apprendra que plus tard, longtemps après avoir connu le mot. C'est ainsi que les notions de l'ancienne Alliance reçoivent dans la nouvelle leur sens plus profond (NB 6,158).


 

193. Jésus, un enfant qui grandit et dit ses premiers mots

Jésus enfant grandit et dit ses premiers mots. Sa mère les lui apprend, mais la mesure de leur vérité se trouve en Dieu. Les mots que sa mère lui dit sont vrais. Mais chaque mot que le Fils reprend en tant que Parole du Père contient une vérité plus grande parce que divine. Chaque mot subit une extension qui va jusqu'à la plénitude divine. Quand sa mère perçoit quelque chose de cette plénitude, elle mesure la distance qui sépare Dieu de l'homme, mais elle comprend aussi que la vérité de la foi est toujours plus grande. Pour les mots du Fils qui grandit, il s'agit souvent des plus petites choses du quotidien, mais souvent aussi de choses plus profondes qui sortent de lui selon son âge et sa croissance spirituelle, qui sont exprimées jusqu'à ce que finalement soient mûrs les mots du discours sur la montagne et les paraboles et tout ce qu'il dit du Père et de son royaume céleste. Ce qu'il y a de toujours plus grand dans ses mots, on pourrait en suivre la trace depuis les premiers mots qu'il a balbutiés jusqu'à son dernier mot sur la croix qui est à nouveau balbutié. Sa mère a toujours vécu dans une parfaite disponibilité, elle y persévère; sa disponibilité n'a rien d'abstrait, elle n'est pas prête seulement pour un cas qui surviendrait éventuellement, elle est constamment adaptée à ce qui est plus grand et qui s'annonce dans son Fils. Elle est exactement prête pour ce qui se présente. En saisissant de toute son âme ce qui se présente, elle n'est pas moins prête pour toute autre éventualité. Elle ne se réserve pas pour quelque chose qui viendra, que ce soit quelque chose qu'elle connaît ou quelque chose qui lui est voilé, elle s'engage toujours totalement : aussi bien dans l'instant présent que pour ce qui se présentera plus tard. Par là elle reçoit par le présent une expérience tout à fait certaine : c'est la présence de quelque chose qui est au-delà du temps. Ce qui se passe pour elle est compris dans la profondeur d'une Providence éternelle, cela ne peut pas se détacher de ce qui était et de ce qui vient, cela s'insère dans l'obéissance indivisible qu'elle offre. Dans ses petites obligations domestiques, elle demeure la femme simple, et pourtant le mot de son Fils travaille en elle dans le calme. Ce mot grandit en elle comme un arbre. Il se développe et lui fournit les contenus que son Fils y a mis, parce que les mots aussi qu'il a appris d'elle ou d'autres et dont il connaît la signification humaine, sont dilatés jusqu'à leur vrai sens en Dieu. Les mots que Marie apprend à son Fils sont bien les mots de la foi, et donc de la vérité. Mais comme tous les mots chrétiens, ils ne s'opposent pas à devenir une vérité plus grande, à laisser découvrir en eux par Dieu une vérité à laquelle au début on ne pensait pas du tout. Marie non plus ne savait pas tout ce qu'il y avait dans ses mots. Que ceux-ci reçoivent dans la bouche du Fils un sens plus grand, elle l'accepte sans protester et elle laisse ce sens devenir en elle une réalité. Le fruit, elle le remet entre les mains du Fils, à sa disposition. Le mot est ainsi un cadeau qui va et vient et il produit son fruit comme la vérité toujours plus grande (NB 6,19-21).

 

194. Le Fils obéit à sa Mère

Quand le Fils de Dieu arriva dans le monde, il fut livré totalement à sa Mère, parce qu'un être humain peut être confié à un être humain. Il était sous la responsabilité de sa Mère. Et quand il commença à marcher, à parler, à agir, il avait à lui obéir (NB 11,252-253).

 

 

                 120 La conscience de Jésus enfant

 

195. Pour la conscience de Jésus enfant

Les enfants qui se trouvent dans leur développement au point où ils regardent au-delà du moment présent, savent quelque chose d’hier, mais ils en savent beaucoup plus encore sur demain, ce qu’ils veulent devenir quand ils seront grands. Imaginez un enfant de cinq ou six ans qui dit : « Quand je serai grand, je veux aider ». Qui ? Sa mère à la cuisine ? « Non, aider d’une manière générale ! » Aider le père à son travail ? « Non, aider tout le monde ! » Mais comment peux-tu dire une chose pareille, toi, petit enfant ? Qu’est-ce que tu sais d’aider ? «Mais quand je serai grand je le saurai ». Mais est-ce que cela fait mal d’aider ? « Oui, peut-être ». On pourrait aider de telle sorte qu’on en meurt parce qu’on a trop aidé. Tellement roué de coups peut-être qu’on en meurt… Mais on ne peut dissuader l’enfant. Il tient compte de cette mort dans son aide. A côté, il y a un enfant du même âge qui est terriblement méchant. Que veux-tu devenir quand tu seras grand ? « Encore plus méchant que je ne le suis maintenant ». Et tu ne veux pas aider les autres ? « Non, seulement moi ». Mais si on te dit que c’est mal ? « Cela m’est égal ! » L’enfant ne veut que lui-même et son plaisir. A six ans, une décision d’être méchant pour toute sa vie. - Transposons pour le Seigneur : il aura à cinq ou six ans une conscience telle que l’ont des enfants de cet âge ; il doit avoir une image du péché, il est disposé à le porter, il veut porter sur la croix tous les péchés et aider tous ceux qui se laissent aider (NB 4,99).

 

196. Jésus n’a pas eu tout de suite pleine conscience de sa divinité

Adrienne décrit comment, en tout, Jésus a été humain, pas un enfant prodige. Marie a dû certainement aussi l’éduquer comme le sont les autres enfants. Elle lui a appris à parler, à marcher, elle a lavé ses couches. Il est faux sans doute aussi de penser que, tout enfant, il a eu déjà la pleine conscience de sa divinité et de sa mission. Ceci ne lui est venu que lorsqu’il en a eu besoin, peut-être à douze ans dans le temple, et puis sans doute toujours plus fréquemment quand il eut dix-huit ou vingt ans. Il était aussi très éveillé, autant qu'un homme peut l’être. Sa jeunesse consista à être purement un enfant (NB 8, n. 843).

 

197. Conscience divine du Christ enfant

Le Christ. Il est l'enfant et le Crucifié. Sa mère s'occupe de son corps, elle peut coucher l'enfant et le lever, l'habiller et le déshabiller. Malgré sa conscience divine, l'enfant ne peut rien en faire pour le moment parce que, maintenant, par obéissance au Père il se tient dans les limites que lui impose l'enfance. Néanmoins, dans cette dépendance, dans le fait qu'il est ainsi livré, il a un pressentiment de la croix. Certes, pour l'instant il n'est livré qu'à sa mère, ce qui est merveilleux ; mais l'unité de sa mission est suffisamment forte pour lui donner le pressentiment d'une tout autre manière d'être livré. Ici, dans l'enfant, il y a une ligne qui va directement du début à la fin. Pour l'adolescent, d'autres combinaisons s'ajouteront (NB 6,204).

 

198. Singulier pour le Père et l’Esprit de voir le Fils éternel devenu un enfant

Réflexions d’Adrienne (vers l’âge de trente ans) un jour de Noël. A minuit, j'ai peut-être moins pensé à la messe qu'autrefois, mais davantage à l'enfant qui vient au monde et à sa mère qui est auprès de lui. Et que pour Dieu le Père et l'Esprit Saint, ce doit avoir été quelque chose de singulier de voir devant eux le Fils éternel devenu un enfant. L'Esprit dit au Père : Tu vois maintenant, j'ai accompli ce que tu m'avais demandé de faire. Le Père est heureux, mais il a aussi... des scrupules; c'est quand même une exigence pour le Fils, toute cette aventure. Et donc de manière indirecte pour lui aussi et pour l'Esprit. Et pour le Père éternel, la naissance de son Fils dure au fond de Noël à la résurrection, car celle-ci, c'est quand même le moment où on lui met l'enfant dans les bras (NB 7,284-285).

 

               121 Nazareth

 

199. Le quotidien gris et caché

Quand Marie et Joseph et l'enfant ont enfin une maison et que commence une vie paisible, la Mère peut être heureuse de son enfant et remplir ses devoirs domestiques et maternels. Elle vit en même temps dans un énorme mystère auquel, pour le moment, elle est surtout initiée dans la patience. Les événements extraordinaires sont passés : l'annonciation et la visite à Élisabeth, la grossesse, le départ pour Bethléem, la naissance et le mystère quelque peu effrayant avec les mages, comme si tout déjà était public et connu du monde entier, et comme si cela devait maintenant continuer de prodige en prodige. Puis d'autre part la persécution, la fuite, le retour. Mais maintenant le quotidien gris et caché où il n'y a plus de signes, et cependant tout ce qui s'est passé demeure vrai, et Marie doit garder dans son cœur le mystère dont elle sait qu'il grandit avec l'enfant; l'enfant grandit comme les autres enfants, doucement, mais avec lui grandit et mûrit le mystère divin pour une moisson que Marie ne connaît pas (NB 6,163).

 

200. La vie de Marie

Marie travaille pour son Fils, elle tient son foyer en ordre, elle fait la cuisine et le ménage. Et toute sa mission semble se limiter au besoin qu'a son Fils d'avoir une mère. Mais la mission à ce moment-là n'est ni plus grande ni plus petite qu'en un autre temps. Elle est constante. Rien de ce qu'elle fait: travail du ménage ou conversation avec les voisins ou prière, rien n'a moins d'importance (NB 10, n. 2091).

 

201. Marie sait qu’un jour son Fils lui sera arraché

1943. Un jour, Adrienne voit la Mère qui, à Nazareth, cherche le Fils. Elle sait dès le début que viendra un jour la catastrophe, qu’il lui sera arraché. Dès maintenant, elle tremble pour lui. Quand, enfant ou jeune homme, il s’éloigne pour un temps et ne rentre pas à la maison, la pensée lui traverse chaque fois l’esprit que ce pourrait être déjà maintenant (NB 8, n. 836).

 

202. Relations du Fils à sa Mère durant la vie à Nazareth

Le Fils est lié à sa Mère par les mystères de son oui fécond et de sa naissance, mais aussi par tous les petits mystères de leurs relations quotidiennes, par les petits témoignages d'amour et les petits renoncements qu'ils s'offrent réciproquement (NB 10, n. 2175).

 

203. Marie a fait la cuisine, le Fils a aboté

Marie a fait la cuisine, le Fils a raboté; les deux n’en furent pas gênés pour être auprès du Père avec leurs pensées et pour former ensemble l’Église. Tout le quotidien était fait et également exprimé, et tout pourtant avait tout de suite sa relation à Dieu. On pourrait imiter cela : rapprocher monde et Église (NB 9, n. 1790)

 

204. Une vie avec Marie et Joseph dans la simplicité et le naturel

Pour le Fils qui, tout en étant homme, se sent très proche du Père, il est très difficile de concevoir que les autres hommes ne veulent pas être si près du Père. Il devra en quelque sorte les sauver contre leur volonté. Avec sa pureté et le fait qu'il soit si près du paradis, il peut à peine comprendre que même les meilleurs des hommes ne connaissent pas sa proximité avec le Père et finalement ne la veulent pas non plus. Ceux qui croient en lui vont douter. Et l'un de ses proches va le trahir. Cela, il l'a toujours su dans son savoir éternel; maintenant, en devenant homme, il l'apprend dans son état corporel, avant même que cela l'atteigne réellement. Il doit anticiper cette déception pour qu'il puisse vivre son enfance avec Marie et Joseph avec d'autant plus de simplicité, de naturel, d'abandon de lui-même . Car une partie de son expérience avec eux se développe à partir de cette déception anticipée. Il doit savoir par son expérience la plus intime qu'il ne va pas de soi qu'il soit accueilli ainsi par Marie et Joseph. Et justement parce qu'il sait cela, il peut communiquer à Marie et à Joseph le sentiment que cela va de soi. Il apporte à leur mission une assurance toute simple. Dans une humanité qui ne serait pas tombée, le comportement de ses parents serait tout à fait normal; dans une humanité tombée, cela ne l'est pas; mais ils ne doivent pas y réfléchir, ils doivent être naturels. Par son propre comportement, l'enfant leur donnera ce naturel. En eux, le monde déchu qui les entoure est vaincu. Pour les disciples, il se répétera quelque chose de semblable, mais ce sera à grande distance de Marie. Les apôtres seront gagnés peu à peu, mais conduits d'une manière plus lâche, parce qu'ils comprennent moins que la Mère (NB 6,159).

 

205. Joseph quand quelque chose du Fils se manifeste

Quand se manifeste quelque chose du Fils, de sa croissance et de sa mission, Joseph l'emporte aussitôt dans sa prière parce que cela touche tellement sa route à lui qu'il doit garder éveillé dans la prière ce qu'il a vu. Sa prière se déroule, se développe, mais entièrement dans le Fils. Il grandit, mais pas dans l'intelligence du mystère à proprement parler (NB 1/1, 35-36).

 

206. Ne pas se représenter de manière idyllique l’enfance de Jésus avec sa Mère

On n'a pas le droit de se représenter de manière purement idyllique l'enfance de Jésus avec sa Mère; cette vie se trouve au contraire placée d'emblée sous le poids du ministère. Dès le sein de sa Mère et durant toute son enfance, la rencontre est placée pour lui sous le signe de sa vie consumée. Il voit déjà en sa Mère l'heure de la croix; dans ses actes, il voit quelque chose de si étroitement lié au ministère que, chaque fois qu'il est avec elle, la perspective de boire le calice devient plus inéluctable. Quand elle lui raccommode ses vêtements ou qu'elle lui en fait de neufs, il y a déjà là quelque chose du souci futur de l’Église pour sa présence eucharistique. En tout ce que fait sa Mère : qu'elle fasse la fête avec lui, qu'elle tremble pour lui, qu'elle l'attende, elle participe à la mission de son Fils. Quand elle tremble pour lui, elle tremble avec lui pour les pécheurs. Tous les sentiments de la Mère, toutes ses intuitions, toutes ses décisions ont en lui leur explication et leur extension; tous profiteront à l’Église. Même quand elle est sans souci ou qu'elle est heureuse et profite de la vie, elle est consciente de cette extension. Rien, pas même ce qui est le plus anodin, elle ne peut le limiter à elle-même; elle doit tout lui laisser pour que cela continue dans l’Église par lui selon la volonté du Père (NB 6,483-484).

 

207. Marie est pour son enfant une mère dans la grâce

Bien que Marie soit toujours parfaite, parce qu’elle possède une plénitude de grâce sans aucune ternissure, elle grandit quand même en sa perfection par la fréquentation de son Fils. Tant que son enfant est petit, elle vit elle-même dans un état de grâce qui est semblable à celui d’un enfant. Sans doute a-t-elle dit oui à tout le difficile qui viendra, mais pour le moment cette responsabilité ne pèse pas lourd sur elle. Tant que l’enfant n’est pas devenu grand - jusqu’à douze ans environ - il lui suffit d’être pour lui une mère dans la grâce. Chaque jour apporte ce qu’un jour peut apporter à une famille heureuse, dans une vie de foi, d’espérance, de remise de soi à Dieu. La fuite (de Jésus à Jérusalem), tout ce qui est extérieurement difficile, demeure plutôt à l’arrière-plan parce que la grâce est tellement partout sensible (NB 9, n. 1992).

 

208. Marie donne à son Fils ce dont il a besoin

Marie n’est pas seulement féconde quand elle porte son Fils mais également quand elle donne à son Fils ce dont il a besoin pour son existence humaine (NB 9, n. 1734).

 

209. Marie soigne son enfant comme un enfant ordinaire

La mère et l'enfant : la mère sait qui est l'enfant, mais elle le soigne comme un enfant ordinaire, exactement comme si elle ne savait rien. Et plus tard, le Fils devra aussi se comporter un jour comme s'il ne savait pas qui est sa mère et la traiter comme n'importe qui (NB 6,208).

 

210. Le Fils encore garçon devant les péchés des autres garçons

Marie endure sous la croix sa souffrance la plus profonde. Pour la naissance du Fils, elle n'avait pas le droit de souffrir, elle doit souffrir pour sa mort. C'est ce que comportait son oui bien qu'humainement cela paraisse déraisonnable. Toute sa capacité de souffrir devait avoir son centre à la croix et de là rayonner dans le temps étant donné qu'elle vivait et priait avec le Fils en tant que Mère. Lorsque le Fils, encore garçon, commença par exemple à souffrir du fait de l'état de péché des autres garçons, il y avait déjà un accompagnement de sa Mère; quand il lui parlait, elle pouvait lui enlever sa souffrance, qui était aussi la sienne. Le Fils lui ouvrait les yeux sur ce qui était pénible pour lui, et elle pouvait aussitôt avoir part à tout. Tout ce qu'il lui cause de souffrance provient de la croix (NB 10, n. 2192).

 

211. Jésus grandit dans la grâce du Père

Quand il est dit de lui qu'il grandissait en âge et en sagesse et en grâce auprès de Dieu, c'est dans la mesure où sa conscience humaine mûrissait naturellement. Il a en cela à se soumettre à la mesure que Dieu attribue à un homme qui doit être chrétien. A un chrétien qui doit être en même temps l'incarnation de la doctrine chrétienne et qui le sait. Et cette connaissance concerne aussi la grâce. Un nourrisson n'a pas autant de grâce que celui qui s'éveille à la conscience ou qu'un adulte. Plus grande est la possibilité de pécher - ou au contraire plus grande est la pureté de celui qui ne commet pas de péché - plus grande est la grâce. Si bien que le Fils grandit littéralement dans la grâce du Père. Comme le font les saints et tout bon chrétien. En tant que Dieu, le Fils a, dès le commencement, la plénitude de la grâce mais, en tant qu'homme, il l'acquiert. Le Fils grandit, il va au-devant d'un temps d'action (NB 6,406-407).

 

212. Les fêtes du Christ durant sa vie humaine

Quand le Christ fait une fête - les fêtes intimes de son enfance et de sa jeunesse auxquelles participent Joseph et Marie, ou les fêtes plus tard avec ses apôtres -, ce qui est décisif, c'est toujours sa présence (NB 10, n. 2175).

 

213. L’inquiétude de Marie pour son enfant n’a cessé de croître

On peut accompagner la Mère du Seigneur durant la semaine sainte. Il y a l'inquiétude de la Mère quand elle sait qu'ils persécutent son Fils. Elle cherche à retrouver la joie de son oui, mais elle ne la trouve plus. Elle se rappelle le temps du Magnificat et de Siméon et de son enfant à l'âge de douze ans et comment son inquiétude pour son enfant n'a cessé de croître. Elle est tellement donnée à son Fils qu'elle ne pense jamais à distinguer ses propres fardeaux de ses fardeaux à lui, elle pense seulement: comment s'en sortira-t-il avec tous ces fardeaux? (NB 3,313).

 

                122 L’enfant de douze ans

 

214. L’enfant de douze ans – Quelque chose du Fils se dérobe constamment à nous

Marie cherche son Fils et elle le retrouve au bout de trois jours. Maintenant c'est tout différent de ce qui se passait auparavant. Dans l'attitude de la Mère quand elle cherchait, dans l'attitude du Fils quand il se laisse trouver, il y a quelque chose que nous devrions toujours faire et toujours recevoir comme un cadeau. Quelque chose du Fils se dérobe constamment à nous, non parce que comme autrefois il serait resté en arrière volontairement, mais parce que nous n'allons pas au même pas que lui. Nous devrions apprendre à le retrouver sans cesse dans la nouvelle situation où il se trouve. Aujourd'hui dans la chrétienté, le Fils est perdu plus que jamais. Surtout parce que nous pensons avoir de lui une image qui est suffisante si bien que toute nouvelle recherche est inutile. Parce que la Mère est sans péché, elle le trouve exactement tel qu'il veut se rendre à elle. En face d'elle, il a changé parce que cela fait partie de sa mission de se présenter désormais comme cet autre. Pour nous, c'est en rapport avec notre péché que nous ne le laissons pas être différent de la manière dont nous nous le représentons. Nous l'oublions toujours entre-temps et nous allons de nouveau à sa recherche quand nous pensons avoir besoin de lui. Et parce qu'alors il a changé, nous ne le reconnaissons pas (NB 6,166).

 

215. Conscience de Jésus à douze ans

Jésus à douze ans dans le temple. Le Fils est dans la maison de son Père; par lui-même il sait exactement ce qu'il a à faire. Dans le temple, il peut discuter des questions de la Loi, mais ce serait moins facile de se situer face à Dieu dans ses relations avec les hommes. L'homme de trente ans aura affaire avec des publicains et des prostituées. Est-ce qu'il est dans la volonté du Père que maintenant, à douze ans, il ait affaire avec eux ? Il remet cela au Père. Il y a une forme de minorité du Fils incarné vis-à-vis du Père (NB 6,216-217).

 

216. Jésus à douze ans – Il est poussé par l’Esprit

A l'âge de douze ans, le Fils parle de la maison de son Père dans laquelle il doit demeurer. Il doit le faire, de lui-même et en même temps poussé par l'Esprit. Pour la première fois, on voit qu'il vit et se maintient dans une mission trinitaire. Le Père est dans le temple et il est celui qui doit l'avoir. Le Fils doit être auprès de lui, s'occuper des affaires de son Père : de sa glorification, de l'interprétation de ses paroles, etc. Il ne le doit pas seulement pour le Père mais aussi pour l'Esprit qui le pousse. L'Esprit pousse le garçon de douze ans comme quelqu'un qui est pleinement responsable. Car l'Esprit est toujours l'Esprit tout entier et indivisible de Dieu, l'homme peut le comprendre, mais sans que l'Esprit soit diminué. L'Esprit reconnaît comme Dieu le garçon de douze ans et il le pousse comme Dieu. Il ne tient pas compte qu'il s'agit d'un enfant. L'enfant n'a certes pas à remplir la mesure d'un adulte, mais il doit remplir sa mesure divine à laquelle il doit correspondre et qu'il doit découvrir. On voit par là que Dieu, qui est devenu homme, ne se dirige pas, en tant que Dieu, d'après ses parents humains, bien qu'ensuite il en revienne aux comportements et aux rapports humains, filiaux et familiaux de sa maison (NB 6,406).

 

217 A.     A douze ans dans le temple, le Fils donne des signes précurseurs de sa future maturité

Quand le Christ aura atteint sa maturité, il agira par ce qui lui est propre, car l'Esprit du Père est en même temps son Esprit. A douze ans, quand il discute dans le temple, il donne des signes précurseurs de sa future maturité. Sa mère avait mis le petit enfant à sa juste place; c'est à partir de là qu'il a pu apprendre à marcher physiquement comme spirituellement. Et quand le Père le met maintenant dans le temple, c'est aussi la juste place à partir de laquelle le Fils peut croître vers la maturité de sa mission; mais il est encore loin de son lieu et de son enseignement définitifs. Ce n'est que le point de départ d'un chemin qui le conduira jusqu'à la croix. Il est depuis toujours dans une juste relation à la croix comme au but de sa vie. Mais cette juste relation est elle-même une relation vivante qui évolue. Sinon ses trente années de contemplation et ses trois années d'action auraient été du temps perdu qu'il aurait aussi bien pu passer dans le ciel (NB 6,217-218).

 

217 B.   Ce que le Fils peut se permettre à douze ans

C’est comme si le Père offre au Fils la possibilité de "devenir" un saint (bien qu'il le soit). Il offre au Fils une forme de sa vision que, mutatis mutandis, il l’offre à tout croyant. Dans l'attitude du Fils à son égard, il met l'accent sur ce que, dans l'attitude de tout croyant vis-à-vis de Dieu, il estime le plus élevé et le plus parfait. Déjà quand Jésus a douze ans, il apparaît que le Fils peut chaque fois se permettre autant qu'il doit le faire pour aller son chemin qui doit être un chemin que les hommes peuvent imiter et suivre (NB 6,195-196).

 

218. Jésus perdu au temple : sa Mère ne comprend pas

Le renoncement de la Mère se rapporte à des situations précises de la vie du Seigneur: par le fait qu’elle n’a pas compris pourquoi le Fils devait rester dans le temple, nous apprenons justement pourquoi c’était nécessaire. Et non seulement cela; par le fait qu’elle ne peut pas comprendre, la Mère est introduite plus profondément dans son office de Mère de Jésus. Parce que durant sa vie terrestre elle ne comprend pas, comme Mère de Dieu elle pourra comprendre et guider. Chaque fois que Marie n’a pas compris, qu’elle a été oubliée, congédiée, il se produit deux effets: l’un est un don direct qui nous est fait, à nous qui ne comprenons pas non plus; l’autre est un don indirect parce que, par là, la Mère comprendra mieux et pourra mieux nous guider (NB 9, n. 1901).

 

 

3. L’humanité du Fils

 

 

Plan :     123 Le Fils est devenu homme - 124 Le Fils doit apprendre à vivre comme un homme - 125 Un homme ordinaire - 126 Les formes étroites de la vie humaine - 127 Vivre dans la foi comme un homme - 128 Avoir un corps - 129 Le Fils devenu homme et le Père

 

 

               123 Le Fils est devenu homme

 

219. Parce que le Fils est homme, on peut dire sur lui beaucoup plus de choses que sur l’Esprit et le Père (NB 9, n. 1714).

 

220. Pas difficile de parler du Fils

Parler du Fils ne nous est pas difficile parce que nous l'avons vu en tant qu'incarné et [429] que nous connaissons ses paroles et son amour. Mais que peut-on dire de l'Esprit? (NB 6,428-429).

 

221. Le Fils est plus saisissable que l’Esprit

Dans le tableau de la transfiguration du Seigneur, l'Esprit apparut comme une lumière en mouvement, un drapeau flottant au vent. Le Fils, on peut le comparer à une statue, il est plus tranquille, plus saisissable, plus immergé dans le temps. Dans l'incarnation, le Fils s'est abaissé, "amoindri", il a choisi une forme de communication liée à l'être de l’homme et il a par là renoncé aussi à certaines formes d'expression que l'Esprit est toujours libre de prendre et de distribuer, car l'Esprit ne s'est pas incarné (NB 6,416).

 

222. Le Fils a vécu parmi les hommes d'abord comme détaché du Père et de l'Esprit (NB 11,236).

 

223. Le Fils est visible en tant qu’homme

Le Père, personne ne l'a jamais vu, le Fils est visible en tant qu'homme ; en tant que Ressuscité, en tant qu'apparaissant, il est visible aussi à côté de son invisibilité (NB 10, n. 2117).

 

224. Le Christ a été dans notre temps pour que nous vivions dans son temps à lui (NB 10, n. 2264).

 

225 Notre temps éphémère a la dignité d’avoir porté la personne éternelle de Jésus Christ

C'est la dignité de notre temps éphémère d'avoir été le temps de Jésus Christ, il a été capable de porter sa personne éternelle et d'être formé par les signes de Dieu en lui: ses paroles et ses actes, sa prière et sa souffrance (NB 10, n. 2177).

 

226. En devenant homme, Dieu nous donne de l’amour

Dieu est devenu homme et il exige de nous l'amour. En devenant notre prochain, Dieu exige notre amour pour lui comme notre amour du prochain; mais cela veut dire que nous avons à lui témoigner cet amour à l'occasion de tout prochain, car il ne peut plus être séparé de tous nos autres prochains. Si nous voulions entrer au cloître pour ne vivre que de l'amour de Dieu, nos frères et nos sœurs seraient encore là pour exiger irrévocablement de nous cet amour sous la forme de l'amour du prochain, et notre amour de Dieu devrait se laisser former par lui. Il n'y a aucune possibilité de fuir ce commandement, il est là et il ne cesse de nous jeter dans les bras son objet, le prochain. Mais en apprenant à aimer notre prochain, nous apprenons en même temps à aimer Dieu. En entrant dans ce circuit de l’amour, nous suivons le Christ dans sa marche vers la croix et à travers l'enfer (NB 3,371-372).

 

227. La logique du chemin terrestre du Fils -

Quand le Fils s'est incarné, il n'a pas été là tout de suite comme une homme fait, il a suivi un chemin. Il fut d'abord là dans les promesses, puis dans le sein de sa Mère ; il connut ensuite sa croissance ici-bas, il est allé vers la croix, et par sa mort jusqu'à l'ascension. Tout le chemin est un chemin logique, bien que cette logique, Dieu seul la connaisse totalement, et il nous en montre quelque chose selon qu'il lui semble bon (NB 5,193-194).

 

228. Le Seigneur s’est adapté aux conditions historiques

Bien des apôtres furent mariés. Le Seigneur les prend en Israël tels qu'ils étaient. Il ne veut pas remettre à plus tard leur élection comme s'ils avaient à vivre dans l'ancienne Alliance selon les lois de la nouvelle (il y a sans doute Jean-Baptiste, mais plus comme une exception). En tant qu'homme parmi les hommes, le Seigneur s'est adapté aux conditions historiques (NB 1/2, 285).

 

229. Les anges gardiens du Fils durant sa vie terrestre

Les anges du Fils, qui accompagnent sa mission sur terre, sont ses anges gardiens particuliers; ils reçoivent aussi des instructions de sa part (NB 9, n. 1560).

 

               124 Le Fils doit apprendre à vivre comme un homme

 

230 A.   Vivre au milieu des hommes

Le Fils doit maintenant apprendre à vivre au milieu des hommes réels. Il ne veut pas alors en même temps, du haut de la fenêtre de sa divinité, se voir lui-même comme homme. Il veut être homme avec les autres hommes. Par sa Mère et sa pureté, il emprunte donc le chemin qui mène aux autres hommes. A l'école de l'incarnation, c'est par sa Mère et sa responsabilité et son devoir qu'il est porté à la rencontre de l'humanité. En grandissant comme homme, en grandissant pour entrer dans l'humanité, il laisse derrière lui un chemin qu'on pourrait décrire comme un éloignement de son existence céleste. Au commencement, quand il n'était qu'une semence dans le sein de sa Mère, il était pour ainsi dire entièrement Dieu avec en plus un minuscule point d'humain. Pendant la grossesse, il grandit comme humain et sa divinité se voile (NB 6,135).

 

230 B. La vie du Christ au milieu de nous

La vie du Christ au milieu de nous n'était pas un simple symbole mais une histoire authentique : il devait être mis au monde, vivre, souffrir, descendre aux enfers et également être réellement réveillé par le Père d'entre les morts : c'est alors seulement qu'était arrivé le temps pour l'Esprit de venir jusqu'à nous (NB 5,143).

 

231. Le Fils doit croître dans l’usage de son être d’homme -

Naturellement, tout enfant, le Seigneur avait déjà une certaine connaissance de sa mission. Il avait connaissance de son mystère. Et pourtant le temps de sa contemplation (le temps de sa vie cachée) est une manière de tendre vers sa mission. Naturellement sa vie cachée fait déjà partie aussi de sa charge, comme la contemplation fait partie de l'action. Mais en tant qu'homme, il doit aussi croître d'une certaine manière dans l'usage de son être d'homme. Il doit suivre tout le parcours qui va du premier "monde sensible" et de son assujettissement à ce monde jusqu'à la maturité requise pour sa propre tâche spirituelle (NB 6,210).

 

232. Quand le Fils commence à se sentir homme -

Quand le Fils commence à se sentir homme, à voir et à adorer le Père en tant qu'homme, il expérimente au plus intime que le Père qu'il aime par-dessus tout est offensé au plus profond, justement à partir de ce lieu, justement par son semblable. Dans sa chair, il sent pour ainsi dire toute la gamme des attitudes humaines : de l'adoration jusqu'au dernier mépris. Il l'expérimente non pas théoriquement mais de manière incarnée (NB 6,150).

 

233. Le Fils doit apprendre à penser et à se comporter comme un homme

La situation du Fils quand il accepte du Père l’existence humaine. Jusque là il existait en tant que Dieu et maintenant il est “comme créé”, à l’intérieur de sa vie existante qui possédait déjà son empreinte. Il doit apprendre à penser et à se comporter comme un homme. Mais comme un homme qui justement a été créé par le Père et qui, chaque fois qu’il se met à penser, doit aussi tenir compte de l’être nouveau qu’il est devenu. Il doit tout le temps se mettre à l’unisson du Père. Il connaît le Père mais malgré cela il doit constamment lui présenter un vide filial qui est rempli par le Père (NB 9, n. 1751).

 

234 A. Pas facile pour le Fils d’être homme

Dès le sein de sa Mère, le Fils attend les autres hommes, ceux qui croient à son mystère et qui feront avec lui la volonté du Père. Il sait déjà comment sa Mère a assumé cette tâche et comment elle laisse faire la volonté de Dieu. Comme s'il suffisait de dire oui à la grâce, de la laisser agir en soi et ensuite de ne plus s'écarter de ce chemin. Et bien que, pour le Fils, ce ne soit pas facile d'être devenu homme, il ressent un soulagement à être sur le chemin de la volonté du Père; il est décidé à rester homme et à persévérer dans sa tâche ; ce qui le soulage, c'est qu'il comprendra toutes choses comme volonté du Père, qu'il pourra regarder toutes choses de ce point de vue. En tant que Dieu, il n'avait pas de désir plus ardent que d'être homme comme le Père l'attendait de lui (NB 6,140-141).

 

234 B. Manière dont le Fils incarné a pu percevoir le monde

Ce qui est pénible lors du retour ici-bas (après les visions ou des extases), c'est que le monde nous semble beaucoup plus pécheur, plus opaque, que lorsqu'on l'avait quitté. Souvent on pense : on était déjà comme mort, libéré de tous les liens terrestres, et on doit maintenant les reprendre l'un après l'autre. Cela permet de ressentir la manière dont le Fils de Dieu, quand il s'est incarné, a pu percevoir le monde (NB 5,196).

 

235. Comme un étranger au milieu des hommes, et proche

Le Christ, qui est Dieu et homme, unit en lui tous les modes de vie et d'amour divins et humains. En sa source, cela demeure nécessairement mystérieux. C'est pourquoi les hommes au milieu desquels il vit et agit ne sont jamais en état de saisir de lui et de l'esprit de son action plus que ce qui en est visible dans le fruit de ce qu'il fait. L'esprit de ses miracles, le déploiement de sa force divino-humaine, ce qui se passe dans le fait lui-même, ils ne le saisissent pas. Sa manière de penser non plus, ils ne la voient pas ; ce n'est que dans son fruit, dans la parole qu'il exprime, qu'ils en connaissent quelque chose, de même que c'est dans l'acte accompli qu'ils perçoivent quelque chose de son action. Tout en vivant au milieu des hommes, le Christ leur est plus étranger que peut l'être un homme pour un autre, et pourtant il leur est proche parce qu'il se manifeste à eux par ses paroles, ses actes, ses miracles (NB 5,216-217).

 

236. Un individu dans une foule

Le Fils n'est pas un homme isolé, il est enserré dans une multitude - pour ou contre lui - qui dès maintenant l'entoure. Il est un individu au milieu d'une foule. Il ne pourra pas s'échapper de cette foule pour être à nouveau au ciel le Fils unique du Père. Il doit laisser se répercuter en lui les lois de l'existence humaine. La Mère le sait très bien, et c'est une partie également de son angoisse à elle. Elle aussi est liée aux délais et elle ne peut pas fixer le jour de la naissance. Un jour prendra fin la protection qu'elle accorde maintenant à l'enfant, l'isolement qui l'enveloppe. La Mère et le Fils se trouvent sous la même loi de quelque chose qu'on ne peut pas arrêter. Il y a cependant une différence parce que le Fils doit s'accoutumer toujours mieux à son rôle humain tandis que la Mère doit s'offrir toujours davantage à l'influence divine. Mais ce contraste ne provoque pas une opposition parce que les deux se rencontrent dans la même volonté du Père. La différence ne porte pas atteinte à leur relation réciproque (NB 6,146).

 

                 125 Un homme ordinaire

 

237. Le Seigneur n'a jamais frappé par son extérieur (NB 11,94).

 

238. Sans rien de particulier dans un monde pécheur

L'Esprit a l'expérience du monde. Le Fils sait qu'il aura cette expérience en tant qu'homme. Il fera l'expérience du monde pécheur, il sera placé comme un homme sans rien de particulier parmi d'innombrables pécheurs. L'Esprit par contre a l'expérience du monde pour l'adapter à Dieu. Entre ces deux expériences du monde, il n'y a dans un premier temps aucune comparaison possible. C'est comme si Dieu le Père avait besoin des deux dans son plan éternel pour le monde. Sans doute le Père sait-il depuis toujours que l'homme va pécher. Mais depuis toujours il lui laisse pourtant la liberté de ne pas pécher. En laissant le choix à l'homme, il prévoit aussi de toute éternité les deux possibilités. Si l'homme ne pèche pas, l'Esprit de Dieu est prêt à se prodiguer dans la création dans une sorte d'eucharistie spirituelle. Si l'homme pèche, c'est le Fils qui est prêt à fournir l'eucharistie de sa chair et de son sang offerts (NB 6,399).

 

239. L’obscurité du Christ

Pour Joseph de Copertino, la vie simple du Seigneur parmi nous est un mystère important. Il est sans cesse contraint de penser à l'obscurité du Christ : suivre ici le Seigneur serait pour lui le plus désirable (NB 2,157).

 

240. Le Christ n’a pas percé durant sa vie terrestre

A l'égard de l'expérience mystique qui se rencontre dans ses rangs, l’Église a aussi une liberté remarquable; elle en admet certaines, pour d'autres elle reste indifférente ou les laisse tomber. Dans l’Église, le mystique est dans une position de faiblesse. Il ne perce pas dans tous les cas. Bien sûr, le Christ non plus n'a pas percé durant sa vie terrestre, ni par sa prière, ni par sa prédication, ni par sa passion et par sa mort (NB 5,35).

 

241. Il ne se distingue pas des autres hommes

La nature humaine du Fils est engendrée par le Père. Mais il donne en même temps à cette nature le caractère d'être créée puisque sa Mère participe à sa génération : elle est une créature et sa coopération est celle d'une créature. Dans son existence terrestre aussi, le Fils reste totalement porté par l'acte éternel d'engendrement du Père; et pourtant, parce qu'il est véritablement un homme, c'est une créature qui, dans sa nature humaine, ne se distingue pas des autres hommes ni des autres créatures. La "semence" que l'Esprit apporte à la Mère est ce que le Père a "engendré"; mais, par la médiation de l'Esprit Saint, elle devient susceptible d'être placée dans le sein de la Mère. Ainsi, que le Fils soit apporté par l'Esprit et que l'Esprit couvre la Mère de son ombre n'est pas superflu dans la mesure où s'accomplit ici une adaptation du divin à l'humain. Cette "semence", au moment où l'Esprit la porte, on ne peut pas l'imaginer, elle est divinement non visible. Mais elle est la forme la plus haute d'une semence (NB 6,398).

 

242. Il ressemble à tout le monde

Quand on voit un saint avec les yeux du corps, il ressemble à tout le monde. Mais si un chrétien connaît sa sainteté, il découvrira en lui des traces de la sainteté de Dieu. Le Christ aussi, vu de l’extérieur, ressemble à un homme ordinaire. Il dit de lui qu’il n’a jamais péché; mais est-ce là quelque chose de particulier? (NB 9, n. 1913).

 

243. Ne jamais oublier que le Fils est totalement homme

On ne doit jamais oublier que le Fils est totalement homme, que pour lui la divinité ne signifie jamais une facilité. Ce qu'il prend du Père et dit de lui, il ne le fait pas pour se faciliter son propre chemin, mais toujours pour aplanir le chemin des autres hommes. De sa proximité avec Dieu, de sa certitude de faire la volonté du Père, il ne tire aucun avantage, il ne veut pas de prérogatives personnelles; aucun de ceux qui le suivent ne doit pouvoir dire : il a eu de la chance, il était Dieu ! Sans doute est-il Dieu, mais ce n'est pas pour cette raison qu'il agit, prie et souffre autrement que s'il était l'un des saints. Il veut se communiquer aussi complètement que possible, ouvrir partout des chemins vers Dieu afin que sur ces chemins surgissent des saints véritables. Et afin aussi qu'après le temps de son incarnation et de sa passion, quand le Père regardera sa création, il puisse suivre dans ses saints les traces de son Fils (NB 6,196).

 

244. Aucun privilège par rapport aux autres hommes

Le Fils devenu homme a mis de côté à certains moments sa mesure divine pour n’avoir aucun privilège par rapport aux autres hommes et être limité à la mesure humaine (NB 9, n. 1898).

 

245. Un homme parmi les hommes -

Le Seigneur a vécu et souffert, c'est un homme qui a eu sa vie quotidienne, qui a éprouvé les petites et les grandes joies de l'existence, le tout cependant avec ce point de mire ultime : (la croix?). Les personnes qui l'entourent ont sans doute perçu ses joies et les ont aussi partagées: les joies naturelles et surnaturelles. Joies de sa vocation qui lui permettait de faire des miracles, de répandre la connaissance du Père, de montrer à beaucoup d'hommes le chemin vers Dieu, des joies qui lui permettaient de participer aux fêtes humaines avec un œil sur les fêtes de Dieu. Et cela tout à fait naturellement, comme un homme parmi les hommes, qui prenait plaisir à ce qui s'offrait à lui, heureux pour les autres ou pour lui-même... On se demande au fond si on n'aurait pas mieux compris la nature du Christ dans une occasion de fête parce que là il nous serait apparu humainement plus proche (NB 3,387-388).

 

246. Le Fils est venu dans le monde pour vivre comme un homme

En se détournant de Dieu, les hommes ont fait que l'obscurité du Père soit mise en relief, mais le Père a gardé son obscurité dans son mystère pour ne la montrer qu'au Fils (l’enfer). Et cela, au dernier moment seulement, quand déjà semblaient remplies toutes les conditions pour la rédemption du monde. Le Fils a toujours vu le démoniaque dans sa relation aux hommes : comme le principe le plus intime de leur non à Dieu. Mais maintenant le démoniaque apparaît comme un toujours-plus qui dévoile en quelque sorte le toujours-plus du Père et de son exigence divine. Le Fils est venu dans le monde pour vivre comme homme, pour enseigner, pour souffrir, pour mourir – et l’enfer est ajouté (NB 3,235).

 

247. Le Fils adopte à notre égard la relation de frère

Le Fils lui-même, bien qu'il soit Dieu, adopte à notre égard la relation de frère. Le Christ est le Fils du Père et il fait de nous les fils du Père en devenant notre frère; ce processus se réalise du fait de sa condition de Fils. C'est l'Esprit Saint qui opère et aplanit les voies. Le Seigneur est devenu notre frère. Cela fait partie de son abaissement qu'il soit devenu notre frère, comme il fait partie de notre élèvement que nous devenions ses frères (NB 10, n. 2125).

 

248. Les hommes ne le voient que comme un homme

Il y a dans le Seigneur un déchirement du fait que les hommes ne le voient que comme un homme alors que pourtant il est Dieu. Ils cherchent à le comprendre en l’expliquant humainement: c’est un homme qui proclame l’enseignement du Père, qui fonde une nouvelle alliance, une nouvelle Église, qui prêche l’amour, l’amour du Père pour lui, son amour pour le Père et pour le prochain. Ils entendent tout cela sans réaliser qu’il est Dieu. Il ne peut communiquer que très peu de choses de sa divinité, dans le sens d’une révélation qui serait pour eux simplement évidente. La plupart du temps, il doit se cacher derrière les mots pour révéler sa vérité. Il doit justement surtout se servir de moyens humains, ceux aussi qu’il donnera aux siens: les saints aussi feront des miracles. Les hommes feront, avec son aide, des choses semblables à celles qu’il fait. Mais il y a une souffrance divine qui se fait jour du fait qu’il ne peut pas sortir de sa peau d’homme pour montrer la pure divinité. Il reste lié aux hommes dont il veut faire des chrétiens et des disciples. Et il sait de plus que cet homme chrétien qu’il voudrait laisser après lui sera de plus gêné par le péché. Au milieu des hommes, il ne peut être ce qu’il est : Dieu. Et son prochain ne peut pas devenir ce qu’il devrait être : le chrétien sans péché, un homme qui vit totalement de la grâce de Dieu, un envoyé du Fils. C’est en raison du péché des autres que le Fils devient homme et cela veut dire comme ultime conséquence: un homme impuissant, l’un parmi beaucoup d’autres, qui ne peut pas se présenter lui-même. Il ne peut pas faire comprendre parfaitement sa propre transcendance parce que le plan de son prochain est le plan du péché. Le Seigneur connaît le Père et il doit pourtant le chercher en tant qu’homme (NB 9, n. 1752). Le Fils ne l’a pas eu facile avec sa “double vie” (NB 9, n. 1755).

 

249. Le Fils sur terre fut avant tout humain

Élisabeth de la Trinité : Le vrai saint devrait avant tout être humain étant donné que le Fils sur terre fut quand même avant tout humain (NB 1/2, 91-92).

 

250. Christ surhomme ?

Dans une expérience chrétienne appauvrie, ratatinée, le Christ devient peu à peu un «surhomme » (NB 4,63).

 

                 126 Les formes étroites de la vie humaine

 

251. Le Fils de Dieu a pris sur lui les formes étroites de la vie terrestre (NB 1/1, 333).

 

252. Ce que le Fils a laissé au ciel

L'homme ne pourra jamais évaluer ce que Dieu le Fils a laissé au ciel quand il est devenu homme, en quoi consistait son abaissement, à quoi il a renoncé. Mais de considérer les grâces mystiques qui ont été dispensées plus tard permet de découvrir des domaines toujours nouveaux, de saisir des points de vue nouveaux qui donnent un nouveau relief à ce qu'il y avait de sacrifice dans la vie du Christ. L’Église ne sombre pas, mais elle subit bien des dommages. La vie mystique est là pour y remédier : avec une plénitude qui correspond à la plénitude débordante des dons du Seigneur, avec une intelligence qui ne cesse d'être stimulée par l'intelligence de l'Esprit Saint. L’Église a besoin de nouvelles sources de vie et, parce qu'elle est là pour les hommes, elle reçoit du ciel cette vie non seulement d'une manière invisible et insaisissable, mais en même temps de telle sorte que les croyants peuvent voir quelque chose de son origine céleste. Car les chrétiens eux-mêmes doivent porter du fruit dans cette vie, s'offrir en sacrifice avec le Seigneur, coopérer aussi à ses miracles, ils doivent sentir que la force de Dieu les soutient, que des forces qui sortent d'eux entrent aussi dans l’Église afin qu'elle se révèle être vivante selon la mission qu'elle a reçue du Seigneur (NB 5,74-75).

 

253. Ce que c’est que d’être homme pour le Fils : une perte inouïe

La première impression qu'il a de sa volonté humaine qui est la sienne comparée à sa volonté divine, est celle d'une perte inouïe. Mais ensuite il ressent qu'il y a comme une lumière et un bonheur dans le fait que l'homme peut sans cesse mettre sa volonté dans celle du Père. De la sorte, les limites de l'humain ne sont plus aussi difficiles à supporter (NB 6,154).

 

254. Le Fils a dû se dominer pour devenir homme

Réflexion de saint Bernard. Dans ses voyages, dans ses entreprises, il fait preuve d'une telle fougue que ça va. Et il pense souvent alors à ceci : comme le Fils a dû se dominer pour devenir homme, pour entrer en notre compagnie ! (NB 1/1, 425).

 

255. Le Fils en tant qu’homme : pas déshonoré

Le Fils ne se sent pas déshonoré en tant qu’homme. Ce n’est pas non plus pour lui un “malheur” de ne plus être au ciel (NB 9, n. 1751).

 

256. Accomplir toute sa tâche avec moyens humains limités

Si le Fils, en tant qu'homme, doit être l'amour parfait et accomplir toute sa tâche avec les moyens humains d'une vie limitée, d'un amour sans la pleine vision, d'un don de lui-même dans la foi, il doit forcément être saisi par le sentiment qu'il n'est pas à la hauteur, que c'est impossible. Il est évident qu'en tant que Dieu il peut tout; et il sait que sa décision divine de devenir homme était quelque chose de total et de parfait. Mais il s'agit maintenant de persévérer en tant qu'homme dans ce qui a été décidé divinement, d'accomplir comme homme ce qui est parfait, ce qu'aucun homme encore n'a accompli. Et parce qu'il a en lui la norme divine dont il ne peut s'écarter et qu'il l'a toujours sous les yeux, il sait constamment tout ce qu'il a à accomplir. Le plus difficile sera tout juste suffisant pour donner au Père la preuve qu'il correspond à son attente. Dans la décision divine, il y avait la garantie qu'elle pouvait être réalisée, que Dieu pouvait la réaliser. Et cette garantie était facile à réaliser au ciel quand le Fils se trouvait en présence du Père et de l'Esprit. Mais n'est-il pas presque ridicule qu'un homme veuille vivre lui-même selon une norme divine ? Dans le meilleur des cas, elle peut sans doute lui servir à comprendre qu'en tant qu'homme il doit constamment aller plus loin (NB 6,144-145).

 

257. Le Fils est vulnérable

Sur terre, le Fils est tout à la fois sans protection (on peut l'outrager, on peut le tuer) et protégé : le Père est toujours avec lui et il est dans le Père. Ainsi Dieu est également vulnérable et invulnérable (NB 10, n. 2287).

 

258. Renoncement au savoir divin

En tant que Dieu, il connaît tout. Et parce que Dieu le Père veut qu'il soit réellement ici-bas Dieu le Fils et non "le meilleur des hommes" d'une manière quelconque, il ne peut pas faire simplement abstraction de sa prescience divine. Et pourtant il ne doit pas s'appuyer sur elle, car il doit être un homme authentique. Durant sa vie terrestre, aura lieu une alternance où prévaudra absolument le "renoncement" au savoir divin. La prescience fait partie de la lumière éternelle dans laquelle le Fils ne veut pas vivre maintenant. Néanmoins son temps est inclus dans la vie éternelle, mais de telle manière qu'il sera totalement vécu comme un temps terrestre. Le Père laisse au Fils la vision éternelle, mais il ne peut s'en servir que dans le cadre et selon la mesure de sa mission terrestre. Certains éléments de sa mission, il doit les puiser en elle, comme les promesses qu'il fait à l’Église; d'autres ne peuvent apparaître qu'en y renonçant : il ne lui est pas permis de connaître l'heure du Père pour l'attendre comme il faut. En regardant le Père, il peut interpréter les signes dont notre foi a besoin de connaître la signification. Quand quelqu'un est appelé à la vie consacrée, il a besoin de la foi pour savoir : maintenant je dois tout quitter et y aller. Ainsi le Seigneur a besoin de sa vision du Père pour savoir : maintenant je dois quitter Nazareth, maintenant aller au désert, maintenant partir pour Jérusalem. On ne peut pas dire que le Fils "croit", car il est Dieu et il connaît la vérité, mais la manière dont il voit le Père correspond à notre foi (NB 6,141-142).

 

259. Ne vivre qu’avec un savoir humain

Le Fils est aussi en attente des autres humains, depuis sa Mère jusqu'à Judas. Parce qu'il est Dieu, il sait bien comment tout va se dérouler. Mais en oubliant ce savoir, il doit faire en sorte qu'il connaisse une attente humaine. Mettre de côté son savoir divin pour vivre avec le savoir d'un humain. Et quand plus tard il lui arrivera de dire des paroles prophétiques, ce seront des prophéties du Père dans quelqu'un qui est purement humain, et ce seront des prophéties du Fils seulement dans la mesure où, selon sa mission, il les reçoit du Père et non en s'appuyant sur sa propre omniscience. Ses miracles également seront les miracles que le Père lui donne. Quand Dieu opère aujourd'hui un miracle ici-bas, on ne peut pas dire si c'est le Père, le Fils ou l'Esprit qui l'opère. Mais tant que le Fils vit ici-bas, nous savons que ce sont le Père et l'Esprit qui opèrent les miracles du Fils. Ce sont finalement des miracles de l'obéissance, des miracles qui sont l'expression du pur accomplissement de la volonté paternelle (NB 6,134).

 

260. Les connaissances divines du Fils de Dieu : quand il s’en sert et quand il ne s’en sert pas

Un abîme s'ouvre pour nous: nous ne sommes pas capables de saisir loi selon laquelle le Fils de Dieu dispose de ses connaissances divines, quand il s'en sert et quand il ne s'en sert pas (NB 1/1, 343).

 

261. Le Fils s’est compliqué la tâche en tant qu’homme

Il peut arriver qu'un homme, pour des raisons extérieures dont il n'est pas responsable, ne puisse pas aller jusqu'au bout d'une tâche qu'il a entreprise ou qu'il ne puisse l'accomplir que partiellement. Quelque chose de semblable peut aussi arriver au Fils : par exemple, les pécheurs qu'il doit prendre sur lui se révoltent contre la volonté de Dieu. Il ne peut pas empêcher que l'un des douze le trahisse et qu'une partie seulement de ses auditeurs croient en lui. Il ne peut pas empêcher qu'il y en ait beaucoup pour qui il serait mieux de ne pas avoir entendu sa parole. Mais personne ne peut l'empêcher de persévérer dans l'attitude de l'obéissance parfaite, au plus intime de la volonté du Père. Pour lui en tant qu'homme, il doit y avoir des limites à ce qu'il peut faire parce que Dieu Trinité a accordé une certaine latitude à la liberté de l'homme et au diable. Lui-même, en tant que Dieu, s'est compliqué la tâche en tant qu'homme, et cela aussi en ne faisant qu'un avec la volonté du Père et de l'Esprit. Sa toute-puissance est si grande qu'en tant que Dieu il peut se limiter lui-même en tant qu'homme (NB 6,174).

 

262. Le Fils accomplit ce que peuvent faire ses forces humaines

Parce que, au ciel, il n'a rien réglé à l'avance de ce qu'il doit accomplir en tant qu’homme, le Fils va se réserver des heures et des temps de prière; car chaque jour est un nouveau don du Père où il faudra adorer et remercier. Le Fils accomplit chaque jour ce que ses forces humaines lui permettent, pas plus. Il ne connaît aucune espèce d'assurance (NB 6,138).

 

263. Accomplir comme homme ce qu’il a décidé comme Dieu

Pour un enfant, c'est peu de chose de sauter du haut d'un mur élevé, et l'adulte, en passant devant un mur élevé, se rappellera ce qu'il avait pu faire quand il était enfant. Devenu un vieillard, il lui paraîtra impossible de refaire ce qu'il avait pu faire si facilement étant enfant. Le Fils ressent quelque chose de semblable quand il doit accomplir comme homme ce qu'il a décidé comme Dieu. Il ne s'agit pas non plus réaliser quelque chose une seule fois, ni de réussir en une heure. C'est l'ensemble qui est requis, c'est tout ce qui a été conçu par Dieu qui doit être accompli par l'homme. C'est cela la raison de son angoisse. Angoisse de l'homme à qui le divin n'a pas été enlevé mais qui doit accomplir le plus difficile comme homme et non comme Dieu, et qui pour cela ne doit pas se servir du divin qui ne lui pas été retiré. C'est un peu comme si on mourait de faim bien qu'on ait à sa disposition des vivres en abondance. Angoisse aussi de l'homme qui mesure le risque, qui sait que ce sera l'échec et qui s'y met quand même. Dans sa nature humaine se fait jour la question de savoir si ce qui est requis est réalisable ou si lui-même n'en demande pas trop à l'homme qu'il est. Il y a l'angoisse de la naissance, l'angoisse de commencer. Entrer dès maintenant dans la réalité inévitable. Il sera soumis à l'événement qui se met en marche. Il sera livré aux hommes dont il fait maintenant partie. Il aura la chance d'agir comme homme au milieu d'eux, mais ils se dresseront contre lui à une majorité infinie et ils lui feront des choses qu'ils ne peuvent pas faire à Dieu dans le ciel. Quand cela se met en marche, il ne peut plus que laisser faire (NB 6,145-146).

 

264. Le Fils devenu homme apprend à connaître l’impuissance

Pour le Seigneur, le temps avant la naissance est une expérience préliminaire à la croix qui est en marche sans qu'on puisse l'arrêter. Comme avant le commencement d'une guerre dont on sait qu'elle inévitable. On se sent infiniment petit dans un événement violent. C'est une expérience humaine que le Seigneur doit apprendre à connaître et qui caractérise justement aussi son temps avant la naissance. Comme un bateau au-dessus d'une cataracte : il sera bientôt happé vers le bas. Ou bien comme quelqu'un qui est hospitalisé : jusqu'à présent il était maître de son corps, maintenant il est livré à une machine qui tourne. Auparavant il en connaissait l'existence de l'extérieur; maintenant il est dedans. Ainsi, du haut du ciel le Fils connaissait ce que c'était que d'entrer dans le monde, maintenant il est dedans. Un sentiment d'impuissance corporelle l'envahit (NB 6,152).

 

               127 Vivre dans la foi

 

265. Le Fils : vivre dans la foi en tant qu’homme

Le Fils qui devient homme, homme sans péché, a vécu depuis toujours avec le Père, il l'a aimé et regardé ; le regarder et l'aimer constitue un va-et-vient, mieux : un état qui est propre au Dieu trinitaire dans la vie éternelle. Au ciel, lors de sa décision de devenir homme, le Fils voit les éléments surnaturels que le Père a mis dans la foi des hommes, et ce qu'un homme peut faire avec cette foi : il peut s'en détourner, se tourner vers elle, la gérer en quelque sorte en dépit du bon sens jusqu'à peut-être lui attribuer tout juste une place à peine suffisante, ou au contraire lui donner une place extraordinairement grande, lui accorder toute la place, ou se dépouiller totalement. C'est ainsi que le Fils examine l'étendue des possibilités humaines, il voit ce que le Père a voulu lors de sa création, ce que l'homme veut en se détournant de lui, ce qu'il essaie de faire en se tournant à nouveau vers lui. Ainsi en qualité de Fils qui regarde le Père, il est témoin de ce que cela signifie de vivre dans la foi en tant qu' homme (NB 6,187-188).

 

266. Apprendre à aimer le Père à la manière humaine

En devenant homme, le Fils apprend à connaître la manière humaine d'aimer et c'est avec cet amour qu'il doit désormais aimer le Père. Pas uniquement avec l'amour divin. Et en tant qu'homme il apprend toujours mieux ce que le Père signifie pour lui humainement, le Père qui engendre éternellement le Fils. Il grandit dans la connaissance de la grandeur de cet amour du Père qui est son Père personnel. Il y a là reconnaissance, disponibilité, mais aussi une non-compréhension de la grandeur de cet amour paternel. On ne doit pas penser que le Fils, parce qu'il a la vision du Père, pénètre pour ainsi dire absolument son amour; s'il le faisait, il le limiterait. Si, en tant qu'homme, il est subjugué par la démesure de l'amour du Père, il ne lui est pas possible de s'évader dans sa vision divine pour se tranquilliser. Le désir ardent du Père qui se trouve dans l'amour humain du Fils n'est pas simplement satisfait par sa vision. Il y a aussi l'étonnement sans mesure de l'homme Jésus que justement il puisse être l'élu de Dieu, le Fils de Dieu. Il n'a pas cette pensée en tant que Dieu mais en tant qu'homme. Le Fils, dans son étonnement humain concernant son élection, ne peut certes pas penser qu'un autre ferait mieux que lui (ce que pensera chaque saint devant son élection et sa mission). Son étonnement n'est pas non plus seulement l'expression accidentelle de l'étonnement fondamental qu'il partage avec toutes les créatures aimées du Père. Dans cet étonnement, il ne se raccroche pas non plus à ses attributs exceptionnels qui pourraient lui prouver la "dignité" de son élection. Étant l'homme qu'il est - l'Homme Dieu -, il s'étonne au contraire de l'amour du Père qu'il est seul à connaître de cette manière (NB 6,181).

 

267. Aimer le Père avec tous les autres

Après la venue du Fils, les siens vivent dans la joie de le suivre, une joie qui a un autre caractère que la joie de la création parce que maintenant demeure sur terre cet amour divin qui, en tant qu'homme, a aimé tous les hommes et, en tant qu'homme, aime le Père avec tous les autres (NB 10, n. 2157).

 

268. Le Fils devenu homme adore le Père

Le Fils adore le Père et la joie divine de cette adoration remplit chaque point de son être. Toutes les joies humaines doivent se comprendre comme une simple préparation destinée à voir cette joie du Fils qui est plus grande que celle des humains et à y avoir part. Parce que le Fils est sans péché, il n'y a rien en lui qui gêne l'adoration, ni en son âme ni en son corps ; son corps est comme une expression perceptible de son adoration du Père. Le Fils ne cesse de trouver dans le Père quelque chose qui est digne d'être adoré si bien qu'il n'en arrive jamais à "se relâcher". Et pourtant, dans cette tension, la béatitude du Fils est totale, elle n'est pas fermée sur elle-même mais dans la volonté du Père dont tel est le bon vouloir. La jouissance que le Fils éprouve dans le Père est ce que le Père lui donne de jouir de lui ; c'est pourquoi jamais le Fils ne considérera sa jouissance comme étant la sienne propre, mais toujours comme celle que le Père a mise à sa disposition (NB 12,141-143).

 

269. Regarder le Père avec les hommes

Certes le Fils n'a pas la foi comme nous l'avons (car il est Dieu); mais il a quand même ici-bas une forme de vision qu'on pourrait comparer à notre foi : une forme nouvelle d'adoration (car la vision aussi est adoration) qui est caractérisée avant tout par le fait que c'est avec les hommes que le Fils regarde le Père et qu'il voit par là les effets que le péché exerce sur le Père ("Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font"), et de plus aussi par le fait qu'il ressent en tout son corps cette relation de l'homme au Père, qu'avec toute son humanité il peut mesurer la relation entre les hommes et le Père (NB 6,156).

 

270. Apprendre à connaître le Père de manière nouvelle

Le Fils apprend en quelque sorte à connaître le Père de manière nouvelle en tant que maître de la création. C'est lui qui a créé les hommes et le Fils apprend maintenant à le connaître en tant qu'homme, dans sa situation extérieure. Il est heureux et en même temps il est inquiet. Car il y a la force du péché, ses plus fidèles s'égareront, comme Adam et Ève, qui étaient les plus fidèles du Père. L'expérience du Père avec la création se répète dans le Fils. Il se trouve maintenant là où se trouvait le Père et ses plus proches ; ses disciples, représenteront Adam et Ève. Tout en sachant qu'il va racheter le monde par sa mort, il sait en même temps que, durant sa vie, il n'obtiendra pas un résultat décisif. D'un point de vue terrestre, Judas aura le dernier mot. Le péché a causé de tels ravages que seule sa mort peut tout arranger (NB 6,141).

 

271. Aimer les hommes comme l’un d’entre eux

Dieu aime les hommes parce qu'il les a créés et en justifiant par lui-même la relation d'amour qu'il a avec eux. La raison pour laquelle il les aime est totalement divine, c'est sa propre satisfaction. Et maintenant l'amour du Fils pour les hommes provient du ciel; en venant de là, il l'emmène avec lui comme amour divin. Mais devenu homme, il doit se l'approprier de manière nouvelle. Il doit à présent aimer les hommes comme l'un d'entre eux. Son commandement : "Aime ton prochain comme toi-même" vaut aussi pour lui (NB 6,142).

 

272. Le Fils doit apprendre à aimer prochain

En tant que Dieu dans le ciel, il saisissait d'un seul coup d'œil l'ensemble des relations d'amour entre Dieu et sa créature. Maintenant il doit apprendre à aimer son prochain sans avoir de vue d'ensemble. Lui manifester d'une certaine manière un amour humain naïf qui est prêt à se développer, à se laisser former par des expériences successives, et qui sera déçu comme aucun autre amour humain jusque là. Il doit être spontané et parfait, pas seulement divin cependant, mais totalement humain. Et pourtant il est condamné dès le départ au plus grand fiasco. Cela, le Fils le sait en tant que Dieu, et il le pressent en tant qu'homme, mais il ne lui est pas permis pour autant de se laisser dégoûter de l'amour. Et même par chaque déception et par chaque rejet il doit apprendre à aimer malgré tout, et seulement alors comme il faut, non seulement dans le cœur, mais aussi en acte, si bien que plus tard les croyants pourront se référer à son attitude comme à l'amour le plus évident. On peut ouvrir les évangiles où on veut, partout apparaissent de nouveaux aspects de l'amour du Seigneur : de son amour humain, chrétien, divin. Le Nouveau Testament est "le livre de l'amour", qui verset après verset ne présente et n'expose rien d'autre (NB 6,142-143).

 

273. Les relations humaines du Fils

Le Fils, en tant qu'homme, peut aussi, dans ses conversations avec ses amis, lors des fêtes, dans ses relations avec ses disciples, mener une existence totalement humaine sans l'interrompre constamment par des coups d'œil sur sa vision du Père. Il connaît la mesure de l'existence humaine et la démesure de la grâce qu'il porte, et cette grâce est aussi celle dans laquelle Marie vit dans la foi (NB 5,66).

 

274. Le Fils va apprendre à connaître le mode de penser des hommes

Le Fils va devenir homme et il apprendra ainsi à connaître la nature et le mode de penser des hommes, leurs désirs, les limites de leur intelligence, leur humeur, les points d'ancrage en eux pour la foi; en tant qu'homme il agira sur les hommes et il pourra ainsi planter en eux la semence de Dieu pour qu'elle lève (NB 6,558).

 

275. Le Fils apprend à connaître ici-bas le péché du monde

Dans son expérience du monde, l'Esprit a une expérience de tout le péché du monde jusqu'à la venue du Fils, une expérience de toutes les résistances que lui réservent le péché et les pécheurs. Il a cette expérience depuis le ciel pour ainsi dire, en tant qu'Esprit de Dieu. Le Fils par contre, c'est ici-bas qu'il apprend à connaître ces résistances en allant au milieu d'elles. Son expérience du monde est acquise dans la vie présente (NB 6,400).

 

276. Découvrir le péché de son semblable

Plus s'approche la naissance, plus il comprend deux choses : l'obscurité et la lumière. Il sait aussi qu'en tant qu'homme il va voir le péché d'une nouvelle manière. Il le connaîtra non seulement comme le mal que l'homme commet devant Dieu, comme le tort qu'il fait à Dieu, comme l'offense que Dieu subit, mais aussi comme ce que fait son semblable (NB 6,149-150).

 

277. Le Fils en tant qu’homme découvre comment les hommes se détournent de Dieu

Le Fils expérimente dans sa nature corporelle les desseins du Père et, inséparable de ces desseins, leur profanation par le péché. Du haut du ciel, il avait vu que les pécheurs se détournaient, mais dans la lumière; il avait vu l'effet sur le Père et l'obscurcissement de toutes les âmes. Il apprend maintenant dans sa propre chair ce que c'est que se détourner. Non que lui-même serait enclin au péché, il l'apprend effectivement, objectivement, tout comme je peux bouger ma main ou la laisser au repos. Je connais les deux possibilités : c'est à l'un des usages que je connais l'autre. Ou bien c'est comme quelqu'un qui contemple un beau tableau, il sait qu'il pourrait fermer les yeux et alors il ne le verrait plus. Ou bien comme quelqu'un qui donne une caresse et qui sait qu'avec la même main il pourrait aussi frapper. Le Fils reçoit un corps d'obéissance qu'il tient à la disposition du Père comme l'instrument de la rédemption du monde. Mais on ne peut pas oublier qu'il possède tout autant de liberté qu'un autre homme et que, dans la liberté d'obéir, se trouve aussi la liberté de désobéir dont le Fils ne veut pas faire usage. Et justement parce qu'il refuse, c'est pour lui d'autant plus effrayant de voir combien, dans l'homme, la mauvaise volonté est proche de la bonne (NB 6,150-151).

 

278. Le Fils homme apprend à connaître la volonté déchue des hommes

Devenu homme, le Fils, à partir de sa volonté, doit aussi apprendre à connaître la volonté des autres hommes. Il sait combien elle est devenue fermée et complexe par le péché. Le meilleur oui de ses disciples sera dépassé par son plus petit oui. Ils s'essaieront à être de bonne volonté et néanmoins ils resteront sans volonté. Il doit apprendre à connaître exactement ces conditions du vouloir humain pour les comparer non seulement avec son vouloir divin mais aussi pour les comprendre à partir de son vouloir humain; car c'est bien la volonté déchue des hommes qu'il doit aller chercher et changer par sa volonté divine et humaine. Comme s'il devait comparer l'eau limpide qu'il est à une eau tout à fait trouble qui pourtant au fond pourrait être pure et qu'il devrait débarrasser de son aspect trouble. Il ne suffit pas qu'il mélange son eau limpide avec l'eau trouble pour que diminue un peu l'aspect trouble (NB 6,153).

 

               128 Avoir un corps

 

279. Le Christ monté sur un âne

Le Christ lors de son entrée à Jérusalem, entouré de l'allégresse des gens, monté sur un âne. En lui aussi un fort sentiment corporel et gratitude à l'égard du Père : il est bon, en tant qu'homme, d'avoir un corps. Un corps qui est secoué sur le dos de l'animal, qui peut s'y reposer et est conscient de ses limites: on doit faire attention à ce dos. Un corps qui sert. Et qui en même temps se dirige à tâtons vers l'avenir en sachant que ce repos est là pour pouvoir recevoir plus totalement l'autre fin, la souffrance. Quand on ne pense pas au corps, l'amplitude du mouvement d’oscillation vers la souffrance est plus petite parce qu'on arrive dans la souffrance en venant de l'oubli. Si par contre on ressent la joie du repos et du bien-être, on est plus sensible aussi à la souffrance. C'est ainsi que cette chevauchée devient pour le Seigneur une certaine préparation à la passion. Spirituellement aussi: en pensant au Père qui lui a donné ce corps et qui sait depuis toujours ce qui se passe en lui, au Père qui l'a créé si parfaitement en tant qu'homme que son corps parfait est prêt pour la souffrance parfaite. Il y a là pour le Fils une satisfaction et une joie. Son corps est à même de remplir parfaitement sa mission. Il n'y a en ce corps aucune partie défaillante. Tout fonctionnera parfaitement. Ce n'est pas un cul-de-jatte. Tous ses organes sont éveillés. Il n'y a dans ce jugement aucun plaisir subjectif, mais une constatation objective, celle de l'ouvrier qui sent qu'il accomplira un bon travail. La conscience que le corps tout entier est pris au service de la mission: on peut aussi être physiquement objectif, pas seulement avec son esprit (NB 3,250-251).

 

280. Le Christ remercie le Père pour son corps

Le Christ sur l'âne. Il remercie le Père avec joie pour le corps qu'il lui a donné et qui peut servir à communiquer. Avec lui, il peut procurer de la joie aux autres. Il est là totalement pour les autres. L'allégresse de la foule autour de lui (lors de l’entrée à Jérusalem) se rapporte aussi de manière cachée à l'avenir : l'humanité le recevra comme nourriture et boisson. Et quand il voit la souffrance qui vient, il se réjouit de pouvoir rendre ce corps au Père dans la mort et de ce que le Père, en raison de ce sacrifice, sauvera le monde. Tout le sentiment de bien-être qu'il éprouve, il sait aussi que d'une certaine manière il le réserve au Père dans le ciel pour les autres, ses frères, les élus. Maintenant déjà il se sent comme nu sur la croix, une nudité dans laquelle Dieu a créé l'homme, la nudité du corps parfait, auquel tous pourront avoir part et qu'il offre à tous telle qu'elle est sans rien se réserver (NB 3,252).

 

281. Le Fils, un homme parmi d’autres, a un corps

L'enfant est lavé par sa mère. On en prend soin comme d'un objet, sans égard pour ses désirs personnels. Il doit assumer cela ainsi que les autres petites humiliations qui sont liées pour le petit enfant au fait qu'il a un corps Le Fils est Dieu, il doit accepter ce corps. Un corps déterminé. Il s'inscrira dans la mémoire des hommes comme une image particulière. Il n'est pas toute l'humanité, c'est un homme parmi d'autres, innombrables. Que Marie soit sa mère lui fait prendre goût pour ainsi dire à se limiter ainsi. En tant que telle, la semence de Dieu aurait toutes les possibilités; mais elle permet que certains traits humains du Fils soient déterminés par sa mère. Du côté de la semence de Dieu (dans laquelle l'Esprit Saint porte le Fils à sa mère) se trouve d'abord simplement la docilité obéissante du Fils vis-à-vis du Père d'entrer dans la création, dans l'humanité : il est prêt à ressembler de manière anonyme à "Adam" et aux siens. "Adam" et Marie sont ainsi ceux qui façonnent le Seigneur, en dépendance de la volonté trinitaire, pour donner au Fils un corps déterminé. Le Fils doit être le nouvel Adam, sans aucun péché (NB 6,206-207).

 

282. Le corps du Christ ne se distingue en rien des autres corps humains

Par sa naissance de la Vierge Marie, le Christ reçoit un corps qui est engendré du Père par l'Esprit Saint mais qui, dans son humanité, ne se distingue en rien des autres corps humains. Et pourtant c'est un corps qui est en parfait accord avec toute l'attitude du Fils incarné devant le Père, qui participe à l'obéissance du Fils dans sa vision du Père, et cette vision est le propre du Fils seul : "Personne n'a vu Dieu sauf le Fils unique". Le Christ voit du Père ce qui lui est montré par le Père. Le corps n'est pas du tout un empêchement pour s'approcher de Dieu. Le Christ, en tant que second Adam, peut voir Dieu avec son corps humain comme il plaît à Dieu; il ne connaît aucune sorte d'empêchement provenant du péché originel, ni du péché en général. Le Père a recréé pour le Fils l’état d’avant le péché originel afin que le Fils lui prouve qu'on peut vivre avec le corps créé par Dieu. Et c'est avec ce corps qu'il meurt sur la croix pour tous les pécheurs, non pour amener notre fin, mais pour nous transmettre la vie : dans la résurrection de son corps, notre résurrection est comprise depuis toujours. Le premier cadeau du Père - le corps - qui a été méprisé par le péché, débouche, par le don de la passion du Fils qui a porté nos péchés, dans une existence corporelle définitive auprès de Dieu (NB 12,170-171).

 

283. Le Seigneur sent son corps comme un instrument de souffrance

En entrant en ce monde, le Seigneur sent aussi son corps comme un instrument de souffrance. Le sens dernier de toutes les joies de ce corps est qu'il sera plus sensible à la douleur. Et cette douleur dépassera toute mesure corporelle; à partir du corps, elle est inimaginable. Elle ne s'appuiera plus que sur l'obéissance. Même ce à quoi il fait maintenant le moins attention, ce qui est le plus inconscient, sera dégagé par l'obéissance, et le oui au Père devra être dit dans la douleur, un oui là même où le corps ne suit plus depuis longtemps, ne peut plus réagir activement à ce qui lui est imposé (NB 3,252).

 

284. Le Fils mange ce que sa mère lui a préparé

La divinité et l'humanité du Fils : les deux dans la même mission, mais avec des déplacements du centre de gravité. Si l'on regarde l'homme Jésus, par exemple quand il mange ce que sa Mère lui a préparé, on comprend alors tout d'un coup qu'il mange pour pouvoir accomplir sa mission ; sa mission est infinie, Dieu Trinité tout entier y est présent. Chacune des plus petites situations de la vie du Fils s'ouvre toujours de manière nouvelle sur cette perspective d'un tout démesuré (NB 12,173).

 

285. Le Seigneur en chemin a dû manger de mauvaises soupes

Mechtilde de Magdebourg. Elle voit l'obéissance du Seigneur, mais telle qu'elle est en nous, telle qu'elle nous est communiquée, comme son obéissance personnelle au Seigneur. Elle applique cette règle aux choses les plus minimes: la soupe est très mauvaise aujourd'hui; mais quand le Seigneur était en chemin, il devait lui aussi manger de mauvaises soupes; Dieu sait comment les disciples ont fait la cuisine. Ainsi sa répugnance est couverte par la répugnance du Seigneur et s'enflamme alors l'amour triomphant (NB 1/1, 439).

 

286. Manger, c’est pour lui consentir de manière particulièrement claire à son humanité

Le Fils aime le Père et les hommes : il ne les oppose pas, il les aime dans l'unité. C'est la même source d'amour débordante qui se répand sur les deux. "Père, pardonne-leur" montre cette unité. C'est par amour pour le Père comme pour les hommes qu'il devient homme et c'est à partir de cet autre qu'il concrétise d'instant en instant son amour aussi bien pour le Père que pour les hommes. Mais cet être autre qu'il est reste aussi, en tant que tel, vivant et jaillissant, il n'y a en lui ni accoutumance, ni affadissement, son être d'homme garde continuellement la fraîcheur de l'instant de son entrée dans le monde des hommes. Il est continuellement fonction de l'amour originel. Il aime activement, son amour actif le fait devenir homme en permanence, le fait rester homme et le fait accomplir la destinée d'un homme qui reste toujours Dieu. Avec cette vitalité originelle qui est toujours la même, il reste toujours tout prêt à faire la volonté du Père; l'accomplissement de cette volonté se vérifie dans tous les événements de sa vie, surtout en ceux qui le distinguent des autres hommes ; quand à l'âge de douze ans il reste dans le temple, ou pour ses miracles, ou quand il explique ses paraboles, ou aussi à la dernière Cène : on voit comment l'extraordinaire ne fait toujours qu'accomplir. Ses sentiments humains demeurent toujours également, comme à l'origine, prêts à faire la volonté du Père. Qu'il mange ou qu'il boive est également une expression de cette disponibilité originelle. Alors aussi il y a un contact avec le Père. Non seulement en rendant grâce pour la nourriture, mais justement aussi dans l'acte de se nourrir par lequel il entretient sa vie et se soumet aux besoins du corps, il montre à quel point il est en communion avec le Père, fait sa volonté et respecte les lois qu'il a mises dans la création. Sa chair et son sang sont unis au Père dans ces deux sens. C'est pour obéir qu'il mange et qu'il boit. Naturellement le Fils fait en tout la volonté du Père. Mais c'est quand il mange qu'apparaît d'une manière particulièrement claire son consentement à son humanité, le fait que son être est "moins que Dieu"; cela apparaît alors de manière plus claire que lorsqu'il prêche par exemple. Se nourrir veut dire s'asseoir et s'affirmer. En tant que Fils de Dieu, il confirme ici qu'il est descendu, qu'il s'est abaissé selon la volonté du Père (NB 6,534-535).

 

287. Le Seigneur n’a pas de lieu où reposer sa tête

Élisabeth de Hongrie pense à la parole du Seigneur : il n'a pas de lieu où reposer sa tête. C'est pour elle tout à la fois pénible et facile. Pénible parce qu'elle n'y est pas habituée. Difficile parce qu'elle ne le supporte pas bien au point de vue santé. Difficile parce qu'elle n'est pas sûre que le Seigneur veuille cette humiliation. Et difficile parce qu'elle ne voit pas ce qui unit l'humiliation qu'elle subit à celle que subit le Seigneur bien qu'elle pense à cette parole (NB 1/2, 117-118).

 

               129 Le Fils devenu homme et le Père

 

288. Le Fils : sur terre un homme limité et au ciel toujours engendré par Père

Ici-bas, le Fils est un homme limité; au ciel, il est celui qui est toujours engendré par le Père. Et pendant cet événement éternel, l'Esprit procède sans cesse du Père et de lui. Ici-bas, il possède l'Esprit céleste que le Père lui a envoyé, au ciel l'Esprit ne cesse de procéder de lui et du Père. Le Fils incarné vit ainsi dans une tension entre son être céleste et son être terrestre; et sa relation à l'Esprit est marquée par la même tension. La parole qu'il dit ici-bas et qu'il dit dans l'Esprit Saint comme une parole limitée, a au ciel le mode d'être de l'engendrement du Fils par le Père, de la procession de l'Esprit du Père et du Fils (NB 6,415).

 

289. Le Fils et le Père durant la vie terrestre du Fils

Durant toute sa vie, le Fils voyait le Père, non comme une image, mais avec toute sa présence. Le monde du Père était pour lui aussi présent que le monde qui l'entourait ici-bas. Cependant pour introduire les siens dans la foi chrétienne, il était entré dans leur horizon humain et, dans sa mission, il avait fait des choses qui ne relevaient pas de la vision mais de la foi. Il avait prié comme s'il n'était porté que par la seule foi dont il disait aux siens qu'elle suffirait, si elle était authentique, pour transporter les montagnes. Et les miracles qu'il opérait faisaient partie d'un quotidien qui le serrait de près; il faisait la première chose qui se présentait à faire et cela sous une forme personnelle qu'il gardait pour que les siens ne méprisent pas leur propre personnalité qui est un don de Dieu, pour qu'ils ne se renient pas eux-mêmes pour se conduire de manière anonyme quand ils sont appelés par leur nom. Et même si les apôtres étaient dotés de toutes sortes de dons (comme de guérir et de chasser les démons), ceux-ci restaient toujours liés, comme les propres actes du Seigneur, à sa présence terrestre, à sa personne et à son enseignement. Sa propre mission, il l'accomplissait d'une manière personnelle, non d'une manière anonyme, dans le cercle des disciples ou avec des relations si fraternelles avec eux qu'on aurait pu poser la question : qui au fond a opéré le miracle ? Mais il apparaissait toujours avec sa propre responsabilité. Il la porta jusqu'à sa mort (NB 6,294-295).

 

290. Le Père doit établir une nouvelle relation avec le Fils devenu homme

Il y eut l'instant où Dieu le Père vit l'homme devant lui pour la première fois : Adam qu'il avait créé, sous la forme humaine qu'il voulait lui donner et qui correspondait à sa pensée. Parce que Adam était sorti entièrement de la volonté créatrice de Dieu, la relation était claire d'emblée. Dieu le portait dans son dessein avant qu'il sortît, et maintenant qu'il était devenu pour Dieu un toi véritable, il était tel que Dieu l'avait imaginé. Quand le Fils du Père devient homme par Marie, la relation est apparemment plus compliquée. D'abord parce que le Père avait avec le Fils divin véritable une relation éternelle et qu'il doit maintenant établir avec le même Fils devenu homme une nouvelle relation. De plus, dès avant la passion, le Fils élève la création adamique tout entière à un degré supérieur et il l'établit par là dans une relation nouvelle avec le Père. Un souffle divin plus puissant la caresse de son souffle. La volonté de salut du Fils est si absolue que le premier pas déjà, l'incarnation, suffit à placer la création devant Dieu dans une nouvelle lumière. Et maintenant le Père doit accorder l'un avec l'autre son amour unique et éternel de Père pour Dieu le Fils avec son amour anonyme et impartial de Créateur pour l'être créé qu'est Jésus. Le Père, qui a aimé le Fils éternellement, doit s'habituer à l'aimer en tant que Fils de l'homme. Le Père doit s'habituer à aimer le Fils comme un homme et, plus précisément, l'aimer comme il aime les hommes déchus, les pécheurs. Du fait que le Fils prend sur lui le péché, surtout durant la passion, il acquiert l'expérience du péché, et le Père doit maintenant traiter aussi le Fils comme quelqu'un qui est chargé de l'expérience du péché. C'est pourquoi il ne peut lui présenter la résurrection que comme une "possibilité", non comme une certitude absolue, de même qu'il n'accorde aux pécheurs une vue sur la béatitude éternelle que comme une possibilité. Naturellement le Père et le Fils savent que le Fils ressuscitera, mais parce que le Père lui cache en quelque sorte son amour personnel, il lui voile aussi quelque chose de la certitude divine, pour le faire participer à la manière humaine d'être sûr. Le Père veut que le Fils atteigne la plus haute mesure de mérite. On ne doit pas pouvoir dire que l'œuvre du Fils n'a pas été suffisamment pénible parce qu'il avait toujours la vision du Père et la certitude de sa victoire, et qu'il pouvait laisser au Père la dernière responsabilité (NB 6,194-195).

 

291. Le Fils devenu homme connaît une proximité plus ou moins grande avec le Père

Le Fils devenu homme a un besoin de prière et de conversation avec le Père, il a besoin de lui répondre. Parfois il est rempli de certitude, quand il annonce sans angoisse, dans le pur amour, qu'il est venu pour glorifier le Père. Il arrive aussi qu’il se trouve dans la plus grande nécessité et qu'il attend impatiemment une réponse du Père. Et cette réponse se trouve au fond dans le fait que le Fils dit : "Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux". De même dans une amitié, la relation fondamentale peut toujours être la même, mais on peut y avoir recours de différentes manières. C'est tantôt connaître d'une manière habituelle l'existence de l'ami, tantôt avoir avec lui une conversation approfondie. Dans le premier cas, je sais qu'il y a correspondance : pendant que je pense ou fais ceci ou cela, l'ami de son côté pense et fait quelque chose de conforme à notre relation. Dans la conversation, ce qui est commun et réciproque est plus clairement sensible. Ainsi la relation du Père et du Fils est absolument constante, dans l'éternité certes, mais aussi quand le Fils devenu homme assume, dans cette relation constante, de nouvelles variations de distances. Quand, durant la passion, le Père se cache, c'est parce qu'il est entré dans le jeu du Fils (NB 6,198-199).

 

292. Durant sa vie terrestre, le Fils avait en lui le Père invisiblement

Le Fils monté au ciel paraît comme un homme, il a une forme parfaitement humaine, il est cependant dans le Père invisible, de même que durant sa vie sur terre il avait en lui invisiblement le Père (NB 9, n. 1352).

 

293. Pas facile de se rappeler que cet homme est le Fils du Père

Celui qui se donne totalement à Dieu ne tombe pas dans le vide. Il s'en tient à l'exemple du Seigneur, à son invitation à le suivre, et il découvre là en même temps sa personnalité. Qui le voit voit le Père et cette vision se fait dans l'Esprit Saint. Il n'est pas facile de se représenter que Dieu est devenu totalement homme; mais il est encore plus difficile de se rappeler toujours que cet homme est le Fils du Père, la deuxième personne de la Trinité, que celui donc qui veut le suivre regarde comme dans un entonnoir qui s'ouvre sur l'infini. Un humain peut promettre joyeusement au Fils de le suivre, mais il voit aussi qu'il y a là beaucoup de mystère. S'il veut le suivre de manière authentique, il ne peut pas en rester à ce qui est pour lui intelligible, ni seulement vivre pour ce qu'il a compris, il doit suivre le Christ tout entier. Il lui est permis de montrer une préférence pour certains mystères, ceux par exemple par lesquels il a perçu l'appel. Mais le Seigneur se tourne vers chacun avec le visage qui correspond à ses capacités; personne ne doit s'effrayer de ce que le Seigneur est si riche, chacun doit au contraire se tenir ouvert à tout avec un profond respect (NB 6,491).

 

294. La divinité du Fils ombragée par son humanité

Le Fils est Dieu et homme. Mais, dans son existence terrestre, il y a des instants où il laisse sa divinité être ombragée par son humanité. Cependant il n'est jamais homme de telle sorte qu'on ne puisse reconnaître et deviner sa divinité à l'arrière-plan. Sur la croix, il veut se cacher totalement à lui-même sa divinité pour souffrir comme un homme pur et simple et se sentir abandonné par le Père (NB 1/2, 187).

 

295. Quand le Fils devient homme, il est toujours en accord avec volonté du Père

Quand lui-même devient homme, il conclut une sorte d'accord avec le Père : il fera toujours la volonté du Père, il ne commettra pas de péché. Mais le Père qui, de toute éternité, lui donne de le voir, ne veut pas que cette vision soit interrompue. C'est en regardant le Père que le Fils devient homme, et il devient cependant totalement homme, car il veut savoir lui-même par expérience comment l'homme peut vivre avec les éléments de la foi, il veut savoir ce qu'est le don que Dieu Trinité lui offre pour pouvoir vivre avec Dieu. De cette manière, le Fils fait l'expérience lui-même et de la foi et de la vision sans que les deux coïncident nécessairement (NB 6,188).

 

296. La prière du Fils devenu homme -

La manière de prier de Jean est toute abandonnée, vraiment naïve : sa prière est toujours un espace ouvert, illimité, que le Seigneur lui-même remplit. La prière de Marie par contre dit quelque chose de plus intense parce qu'elle est introduite plus avant, parce qu'elle a expérimenté en son propre corps Dieu le Père, le Fils et l'Esprit, et qu'elle est parvenue ainsi à une expérience immédiate de l'âme, qui paraît plus riche, presque plus déconcertante, que la prière du disciple qui n'a accès aux autres mystères que par sa rencontre avec le Seigneur, par son attachement à lui, par le fait qu'il s'est mis à sa suite et qu'il les juge tous en fonction de l'existence du Seigneur et de son approbation. Et c'est alors seulement, dans cette ligne, qu'arriverait la prière du Seigneur qui est uni aux mystères de Dieu beaucoup plus étroitement encore que la Mère ; il est en possession de la parfaite mission du Père et il doit accomplir en elle les nombreuses promesses dans une totale liberté qui ne lui permet pas cependant de s'éloigner en quoi que ce soit du chemin du Père. Quand il prie, il reste absolument au centre du chemin étroit. Et parce qu'il est lui-même le centre étroit, parce qu'il est le seul et unique être humain qui adore parfaitement le Père, sa prière semble déborder de tous côtés et tout embrasser dans son intimité avec le Père, intimité qui illumine toutes les formes de prière qu'on peut imaginer (NB 5,235).

 

297. Le Christ et l’expérience de Dieu

Le Christ concentre en lui toutes les expériences de Dieu faites ici-bas avant lui et la somme de toutes les expériences chrétiennes qui suivront (NB 5,53).

 

298. Le Fils homme et sa vision du Père -

Pour le Fils quand il eut choisi d’être homme, c’était le Père qui, de l’au-delà, lui donnait la vision. Le Fils ne la prenait pas de lui-même comme sa propriété, il la tenait du Père. Il n’est pas sûr que le Fils ait eu la vision du Père quand il était encore petit enfant ou à l’instant où la Mère lui apprit pour la première fois à prier. Il ne l’avait certainement pas quand il dut apprendre à chercher le Père d’un cœur purement croyant. A d’autres moments, Jésus enfant peut avoir eu la vision (NB 9 , n. 1751).

 

299. Le Fils homme garde la vision du Père à une distance plus ou moins grande du Père

Le Fils garde la vision constante du Père, mais avec une distance plus ou moins grande du Père. Les variations de la vision peuvent aller jusqu'à l'absence totale de vision, très loin de ce que signifiait la vision au ciel ou au paradis. Au paradis, avec Adam, la vision dépendait totalement du bon vouloir du Père : il se révélait à l'heure qui lui plaisait. Au ciel, la vision est ininterrompue, elle n'est pas liée à des événements comme dans le paradis terrestre. Par le Père, la vision est à la disposition du Fils devenu homme, il peut décider quand il veut s'en servir. Mais il s'en sert selon les besoins de sa mission et non selon son amour personnel. Comme, en tant qu'homme, il veut montrer au Père que sa création était bonne, il assume aussi la possibilité paradisiaque sans vouloir être avantagé par rapport à Adam. Il ne veut pas non plus être Sauveur tout seul, mais seulement en contact permanent avec le Père. Le renoncement à la vision, en tant qu'expiation et ascèse, a le dernier mot. Quelle que soit la manière dont le Fils utilise sa vision, il ne se regarde pas lui-même, il regarde soit les hommes et leurs besoins, soit le Père; car il peut aussi appeler le Père pour qu'il lui donne une nouvelle preuve de la grandeur de son amour paternel. Dans la manière dont le Fils se sert de sa vision se trouve une grande partie de son ascèse. Elle ne se trouve pas essentiellement dans ses jeûnes et ses veilles, ni dans le fait qu'il se laisse frapper au visage, mais dans le fait qu'il se trouve près de la source et n'y puise pas. Librement, par amour pour nous, il renonce à jouir du Père (NB 6,199-200).

 

300. Le Fils devenu homme peut voir Dieu toutes les fois qu'il lève les yeux vers lui (NB 6,200).

 

301. Sur terre, le Fils voit le Père et le monde

Sur terre, le Fils regarde le Père; ceci ne dit pas seulement que le Père, le Fils et l'Esprit demeurent dans leur échange éternel également pendant l'incarnation, cela veut dire de plus que le Fils, avec le regard qu'il porte sur le monde regarde aussi le Père, qu'en quelque sorte pour lui il n'y a pas de transition entre ciel et terre. Quand il veut voir le Père, toujours il le voit; et quand il regarde le monde, son regard n'est pas gêné par sa vision du Père. Il a les yeux d'un homme et il voit le monde comme nous le voyons, mais il voit aussi le Père, et celui-ci dans son monde divin (NB 10, n. 2286).

 

 

4. La vie publique


 

Plan  :     130 Le départ – 131 Le baptême et Jean-Baptiste132 La tentation au désert – 133 Les disciples – 134 Les rencontres – 135 La transfiguration - 136 L’enseignement - 137 Les miracles


 

               130 Le départ

 

302. Le Seigneur a gardé le silence pendant trente ans -

Le Seigneur a gardé le silence pendant trente ans pour agir pendant trois ans. Pendant trente ans il a été plus ou moins protégé des péchés pour ensuite, trois années durant, se trouver avec les plus grands pécheurs. Comme si ces trente années de contemplation avaient été une sorte de croissance dans le mystère du silence futur (NB 10, n. 2237).

 

303. Marie doit laisser partir son Fils vers l’inconnu

Gertrude d'Helfta prend souvent comme point de départ de ses méditations la scène d'adieu à Nazareth: comment la Mère doit laisser partir son Fils vers l'inconnu; Gertruder part aussi des derniers instants de Jésus sur la croix, où le Seigneur souffrant regarde ses quelques fidèles et derrière eux, en esprit, la masse immense de ceux qui n'ont pas la foi (NB 1/1, 446).

 

304. Jésus quitte Marie pour sa vie publique

Le Fils quitte le foyer de Nazareth et sa Mère sans rien voir de l’avenir : cela ressemble beaucoup à l'expérience de la Mère qui reste chez elle et ne voit rien non plus. Elle ne comprend pas pourquoi il doit la quitter pour – humainement parlant – ne plus compter que sur lui-même, justement quand il entreprend le plus difficile. Il y a ainsi pour tous les deux à ce moment-là une sorte de suspension. Le Fils renonce à tout et il doit se laisser tout donner à nouveau par le Père pour pouvoir accomplir sa volonté. Marie, tout comme son Fils, est placée devant un nouveau rien. Le temps devient maintenant pour elle douloureux et en même temps elle est privée de connaître le sens de ce qui se passe. Le Fils et Jean-Baptiste font chacun dans l'Esprit ce qui lui revient - l'Esprit qui guide les deux -, et ce sont deux choses différentes. Jean précède dans le temps et il sait que c'est le Fils qui commande et, dans le temps, le Fils est conduit. Pour chacun d'eux, il est impossible de s'habituer à leur temps ; l'Esprit change constamment leur situation de telle sorte que le pur abandon doit toujours être maintenu (NB 5,286).

 

305. Le Fils commence sa mission sans aucune sécurité

Quand le Fils quitte sa Mère, celle-ci reste dans la sécurité de sa maison et elle ne sait pas ce que va faire le Fils; le Fils quitte la sécurité de la maison et il sait ce qu’il va faire, mais il ne le sait pas en lui-même, il le sait dans l’esprit, par l’Esprit. Comme si à cet instant sa divinité était déposée dans l’Esprit. L’Esprit, en tant que Dieu, sait que le Fils va sauver le monde, il le sait totalement; pour lui c’est une vérité éternelle, peu importe que la croix soit du passé, du présent ou de l’avenir. Le Fils par contre doit maintenant, en tant qu’homme, commencer quelque part, à zéro. Le Seigneur n’a rien, pas un seul disciple. Jusqu’à présent, son milieu c’était sa Mère et Joseph. Il n’était déjà pas facile d’être Dieu au milieu d’eux, eux qui étaient pourtant croyants. Mais maintenant il est sorti de ce milieu pour entrer dans un milieu où il n’y a pas de foi. Auparavant il était dans le meilleur milieu que pût lui offrir le monde; maintenant il doit tout quitter sans aucune sécurité et sans rien voir. Pour le Fils, en tant qu’homme, cela devient un état de totale suspension: il doit sans cesse, en tant qu’homme, se laisser tout donner par le Père pour pouvoir accomplir la volonté du Père (NB 9, n. 2012).

 

306. Marie et son Fils durant sa vie publique

Pendant la vie publique du Seigneur, la Mère a accompagné son Fils invisiblement dans la contemplation et c'est de cette manière invisible qu'elle a servi et fécondé les relations qu'il avait avec ses disciples (NB 11,33).

 

307. La prière de Marie durant la vie publique

La Mère a certes vu son Fils plus d'une fois pendant sa période apostolique. Mais rarement. Ce n'était pas sa tâche. Sa tâche était avant tout de prier pour le oui des disciples, pour leur intelligence, pour leur ouverture spirituelle. Pendant que le Fils prêchait, qui devait assurer la solitude contemplative dans la foi et la prière si ce n'est sa Mère ? L'exigence de l'Esprit n'était pas qu'elle prépare pour son Fils des vêtements de rechange et diverses choses dans les différentes auberges il passait au cours de ses déplacements. Ce n'était pas des petites actions de ce genre qui lui étaient demandées, mais la grande contemplation continuelle (NB 5,187).

 

308. Marie voit rarement son Fils durant sa vie publique

La Mère du Seigneur. Le Fils est parti, elle est chez elle. Elle sait qu'il est Dieu et qu'il fait de grandes choses. Mais il y a tant de choses en lui qu'elle ne comprend pas. On lui raconte tant de choses, une quantité de rumeurs lui sont rapportées. Lui-même, elle le voit si rarement. Et pourtant elle doit être avec lui, et travailler avec lui, et prier avec lui, et lui être donnée. Elle veut tout ce qu'il veut, mais il y a bien des choses qu'elle ne comprend pas. Elle est fatiguée de la fatigue du Fils, elle est fatiguée de ne pas comprendre et parce qu'elle prie tant. Elle a une prière de fatigue parce que son Fils lui donne sa propre fatigue quand elle prie (NB 5,269).

 

                131 Le baptême et Jean-Baptiste
 

309. Pourquoi le baptême du Seigneur ?

Au début de la carrière du Seigneur se trouve son baptême. Comme il n'a pas de péché, son baptême est en quelque sorte incompréhensible. Mais en se faisant baptiser, il ouvre aux autres le chemin pour le suivre. C'est à partir du baptême qu'on peut le suivre. En se faisant baptiser, le Seigneur entre pour ainsi dire dans la communion de l’Église. Cela devient la condition fondamentale pour tous ceux qui veulent le suivre, l'ouverture permettant toutes les manières de le suivre. Toute pénitence est une manière de la suivre. La pénitence ne veut pas dire souffrir pour souffrir. Je ne me frappe pas pour que ça me fasse mal. Quand j'essaie de faire une pénitence, je ne le fais que comme un cadeau au Seigneur (NB 4,291).

 

310. Lors de son baptême, le Fils reçoit définitivement l'Esprit Saint de la mission (NB 6,217).

 

311. Le baptême de Jésus est trinitaire d'une manière particulière

Lors de son baptême, le Fils est celui qui reçoit. Jean baptise d'abord avec de l'eau jusqu'au moment où, au baptême de Jésus, apparaît l'Esprit; dès lors il y a le baptême chrétien : l'eau et l'Esprit. A l'égard du Fils, Jean-Baptiste avait une mission qui ne venait pas du Fils mais du Père. Lors de la Visitation certes, quand Jean tressaille dans le sein de sa mère à l'approche de Marie, la part chrétienne de sa mission est visible; mais lors du baptême de Jésus, il agit néanmoins comme le précurseur qui, venant de l'ancienne Alliance, aplanit les chemins pour la nouvelle. C'est pourquoi le baptême de Jésus est trinitaire d'une manière particulière (NB 6,496).

 

312. Joie de Jean-Baptiste à l’arrivée du Seigneur

L’enfant d’Élisabeth témoigne de sa joie à l'arrivée du Seigneur (NB 10, n. 2047).

 

313. Jean-Baptiste ne sait pas exactement qui est Jésus

Jean-Baptise sait d'une certaine manière que le mystère de Jésus, son parent, est plus grand que le sien, mais il ne sait pas exactement qui est ce Jésus. La question ne se pose pas pour lui. Il laisse simplement tout ouvert. Il attend certes un sauveur qui doit venir, et son désir de ce sauveur est si grand qu'il ne lui vient pas à l'esprit que lui-même pourrait être son précurseur (NB 1/2, 36).

 

314. La mère de Jean-Baptiste

La mère de Jean-Baptiste, Élisabeth, a reçu comme lui sa sanctification par le Seigneur quand elle sentit que son enfant s'agitait dans son sein lors de sa première rencontre avec Marie (NB 2,36).

 

        

                  132 La tentation au désert 


 

315. Le Fils prend un temps pour méditer et jeûner ds le désert

Sur la durée de sa vie, le Fils prend un temps humain pour méditer et jeûner dans le désert afin d'être prêt à faire sur la croix la pleine volonté du Père. Pour cela, il ne prend pas ses forces dans le ciel, mais dans ses provisions humaines afin que le Père le traite comme n'importe quel humain qui jeûne et qui prie pour sa mission. On pourrait objecter que la vie du Seigneur dans son ensemble est de toute façon portée par la pensée et la volonté du don de lui-même à Dieu et aux hommes, et que cette pensée et cette volonté suffiraient pour tout rendre fécond dans cette vie. Mais ce n'est qu'un aspect de la vérité. L'autre aspect est qu'il doit s'en occuper lui-même, que tout suivra son cours comme il doit le faire. En tant qu'homme il sait combien la prière et le jeûne sont nécessaires pour réaliser une œuvre chrétienne. Il prend donc dans sa provision de prière et de jeûne la quantité qu'il peut prendre pour que son action et sa passion soient telles que le Père le veut. Pour cela, il façonne sa relation au Père de la même manière que n'importe quel chrétien croyant peut façonner sa relation à Dieu en vue de l'accomplissement de sa mission chrétienne (NB 6,139-140).

 

316. Le Fils va au désert pour prier pour sa mission future

Ce qui n'est pas assuré dans l'existence humaine laisse de la place pour l'angoisse. En tant qu'humains nous pouvons nous inquiéter : pour autrui, pour un groupe, pour une idée. Mais aussi pour des choses qui semblent tout à fait inactuelles; pour quelque chose qui est arrivé il y a cinq ans ou qui arrivera dans sept ans. Cette angoisse vague, incertaine, le Fils ne la connaît pas : il doit venir à bout de tout d'instant en instant. Quand il va au désert afin de prier pour sa mission future, il doit prendre pour cela un temps de sa vie et le remplir à ras bord dans le sens de sa mission de prière. Sa prière, son action, sa souffrance sont toujours présentes, totales, indivisibles, et c'est dans cette totalité qu'il fait entrer le monde, tous les hommes, tous les péchés. Il réalise à chaque instant du temps sa mission tout entière. Et c'est de ce temps si rempli qu'il tire un excédent absolu qu'il peut donner à l'aujourd'hui, au lendemain, au surlendemain et à chaque jour du temps. Mais cet excédent, il ne le prend pas dans les réserves divines; il l'a fait expressément en tant qu'homme. Et son excédent devient la base des excédents de grâce que l’Église peut gérer et partager. Personne d'autre que le Fils ne peut remplir son instant de cette manière (NB 6,138-139).

 

317. La manière dont le Seigneur a vaincu la tentation

Au milieu de la tentation, saint Antoine le grand entrevoit la manière dont le Seigneur lui-même a vaincu la tentation et la vainc maintenant à nouveau en lui par sa force et sa présence. Mais cette victoire n'a rien de facile (NB 2,179).

 

318. Si le Seigneur avait succombé à la tentation

Si le Seigneur avait succombé à la tentation au désert, il serait resté celui qu'il était: le Fils de Dieu. Pour se précipiter en bas, il lui aurait suffi de laisser le Dieu jouer en lui car il aurait porté en bas, sain et sauf, l'homme Jésus. Il aurait prouvé son identité (NB 4,420).

 

319. Le Seigneur est en possession d'une totale certitude en face du diable

Le Seigneur au désert. Il n'est pas dans la passion, il n'est pas abandonné par le Père, il est dans la force de la prière. Son long jeûne, sa longue prière et la solitude l'ont amené à la limite du supportable, il est physiquement très affaibli, mais il est tellement auprès du Père qu'il est inébranlable, non seulement en tant que Dieu mais aussi en tant qu'homme affaibli. Il est en possession d'une totale certitude en face du diable (NB 5,223-224).

 

320. Le Seigneur dit non au Mauvais

Quand le Seigneur est tenté par le diable, il rejette absolument toute impureté. Il dit non au Mauvais parce son seul souci est d'adorer le Père et de le servir (NB 6,516).

 

321. La Trinité dans la tentation au désert

Durant les quarante jours au désert de la tentation, nous voyons le Fils; le Père est d'une certaine manière spectateur, il regarde et mesure les résistances, il organise pour ainsi dire une épreuve de force; l'Esprit regarde l'esprit du Fils, ce qu'il fait. Le Père voit la force qu'il dépense, sa fatigue et la tentation, l'Esprit est plutôt témoin de ce qui est libéré par là de force nouvelle pour être utilisée plus tard. Une certaine image de la Trinité qui débouche sur le don de soi, l'accueil et le témoignage (NB 6,552).

 

322. Jésus dans la tentation et sa Mère

De penser à sa Mère est pour lui un soutien dans la tentation. Non que sans cela il serait vaincu par la tentation, mais il fait partie de son humanité qu'il trouve de l'aide auprès de ses semblables. Sur la croix, il n'aura plus ce soutien; là, tout ce qui était aide devra disparaître. Mais au désert il est totalement homme, il a gardé un sens aigu de la pureté de sa Mère. Pour lui, elle est le prochain tout pur qui lui a été donné par grâce. Elle lui est très proche, il est sûr d'elle pendant qu'il lutte contre le diable et en triomphe. Bien que la Mère ne connaîtra pas des tentations de ce genre. Elle en est immunisée par l'Annonciation. Mais elle sert le Fils par le fait qu'elle se tient à sa disposition comme image de la pureté (NB 10, n. 2108).

 

323. Suivre le Christ au désert

Un ordre religieux qui voudrait surtout suivre le Christ au désert, un ordre d'ermites tout près de la solitude du Seigneur, serait surtout un ordre pénitent (NB 6,552).

 

 

                 133 Les disciples 

                 (Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Jude, Matthieu, Simon le zélote, Barthélemy                                 Matthias, Judas, Marc, Luc, Étienne, Paul)

 

 

324. Le Père a placé les apôtres sur le chemin du Fils

Les apôtres entendent l'appel du Seigneur parce que le Père les a placés sur son chemin et leur a ouvert les oreilles. Déjà en tant que Créateur, il a tout ordonné au Fils (NB 6,115).

 

325. Le Seigneur cherche des collaborateurs 

Pour les disciples, la foi nouvelle ne commencera que lorsque le Seigneur devenu adulte se mettra à prêcher dans le pays et qu'il aura besoin de collaborateurs. Marie a appris cette foi de façon continue : par le germe de la vie en elle, par le nourrisson à son sein, par le garçon et par l'homme (NB 6,148).

 

326. Le Seigneur dit : Suis-moi !

Le Seigneur dit à deux disciples : "Suis-moi", et ils le suivent sans rien dire. Il ne leur a pas donné d'explications. Ils partirent parce qu'ils devaient partir, parce qu'il y avait en eux quelque chose de nouveau pour quoi ils n'avaient pas encore de nom, mais qui était pur. Ils ne voulurent pas répondre au Seigneur par une question, mais par une réponse. Ils suivirent celui qui ne parlait pas. Tout resta d'abord non dit et était totalement en ordre parce que, par sa demande , le Seigneur avait créé en eux le vide et la réceptivité qui étaient nécessaires pour qu'ils comprennent plus tard la parole. Il n'agit sur eux que par sa nature, son attitude, son ordre. Et même sans explication, les disciples furent remplis par l'événement dans le sens du Seigneur (NB 11,319-320).

 

327. Le Seigneur aime ses disciples

Le Seigneur aime ses disciples et leur donne ainsi la foi : Suis-moi ! Celui qui suit est invité par l'amour du Seigneur, et il fait partie de cet amour qu'il comprenne la foi et la mette en œuvre (NB 12,52).

 

328. Le Seigneur s’isole avec ses disciples

Le Seigneur s'isole avec ses disciples et il leur explique ce qu'il n'a pas expliqué au peuple (NB 12,82).

 

329. Les disciples rencontrent le Seigneur comme par hasard

Quand les disciples ont rencontré le Seigneur, ce fut pour eux comme un hasard derrière lequel il y avait une Providence. Ils ne savaient pas du tout que c'était par obéissance, pour une mission, qu'ils se trouvaient justement sur ce chemin où passait le Seigneur (NB 11,372).

 

330. Rencontrer le Seigneur

Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur (NB 10, n. 2042).

 

331. Le Fils est toujours là pour ses disciples

Quand, dans l’Évangile, le Fils se retire pour prier seul ou quand il va avec ses disciples se reposer dans un endroit désert, dans tous les cas il est toujours là pour ses disciples, pour le monde à sauver (NB 12,122).

 

332. La vie des disciples avec le Seigneur

On doit considérer la vie des disciples avec le Seigneur dans son ensemble. Ils le suivent et ils font tout ce qu'il dit. Et cela, non seulement quand il parle ex cathedra. Également quand il les envoie pour l'une ou l'autre chose : prêcher ou faire des emplettes ou préparer la salle ou aller chercher l'ânesse ou tenir le bateau à sa disposition (NB 11,395).

 

333. Quand le Seigneur veut montrer quelque chose de nouveau à ses disciples

Au lac de Tibériade, après la résurrection, tout d'abord les disciples ne reconnaissent pas le Seigneur. Mais chaque fois que le Seigneur veut montrer quelque chose de nouveau de lui aux disciples ou à l’Église, cela peut commencer par une non-compréhension. C'est à partir de celle-ci que se fait l'initiation à la compréhension toute nouvelle de l'eucharistie. Il fait partie de l'obéissance de l’Église que tout d'abord elle ne reconnaît pas le Seigneur et qu'ensuite elle le reconnaît, et il fait tout autant partie de son obéissance qu'elle ne pose pas de questions. Les disciples, en étant ainsi avec le Seigneur sans poser de questions, sont remplis d'une grande paix intérieure (NB 1/2, 48).

 

334. Le Fils ne fait pas tout lui-même 

Il y a bien des choses que le Fils ne veut pas faire lui-même, il envoie ses apôtres prêcher, guérir, baptiser. Ils assument leur responsabilité, mais sa volonté fait son effet en eux (NB 6,155).

 

335. Les apôtres et le Seigneur

Chez les apôtres, dans leurs relations avec le Seigneur, il n’y a pas eu en eux de combat pour ou contre la grâce, pour ou contre le Seigneur. Ils ont été requis, ils sont sa compagnie (NB 8, n. 806).

 

336. Pour les apôtres, le Seigneur est un ami

Les apôtres ont d'abord fait l'expérience du Seigneur comme ami - ce qui n'effaçait pas le fait qu'il fût le Seigneur et le Maître -, surtout Jean. Les apparitions du Seigneur pendant les quarante jours après Pâques sont une pure continuation de leurs relations de foi aimante (NB 6,302).

 

337. Les apôtres sont animés par le Seigneur

Pour Apollos, les premiers apôtres lui semblent s'efforcer tout à fait d'être animés immédiatement par le Seigneur (NB 1/1, 40).

 

338. Le Seigneur annonce aux siens leur trahison

C’est avec tendresse que le Seigneur annonce aux siens leur trahison. Pour Judas il dit: mieux aurait valu pour lui de ne pas naître. Pour Pierre il ne dit rien. Comme si la trahison était déjà incluse dans la relation du Seigneur avec ses disciples. Comme si elle était ce que depuis toujours il était prêt à porter. Ils ont certes donné leur vie pour lui, ils l’ont suivi. Ainsi, lui également, il devra offrir un sacrifice pour eux. Il ne veut pas leur demander plus qu’ils ne peuvent donner. Mais ce sont pourtant ses plus proches, ceux qu’il aime le plus, avec qui il se déplace. De même qu’au ciel son espace spirituel c’est la Trinité, de même sur terre c’est la compagnie de ses disciples (NB 9, n. 1951).

 

339. Difficile pour les apôtres de comprendre que Jésus est le Fils de Dieu -

Au commencement, les apôtres adorent Dieu, mais c'est pour eux très difficile de faire le pas et de comprendre que le Christ qu'ils accompagnent est le Fils de Dieu. Ils voient bien qu'il les dépasse de beaucoup, que ses paroles possèdent une force inhabituelle qui les captive, que dans ces paroles il arrive toujours quelque chose d'inattendu. Mais que cette parole doive être simplement la Parole de Dieu, qu'entre ce qui se passe sur terre et ce qui se passe au ciel il doive y avoir un rapport direct, cela rend leur prière difficile. Il serait plus simple de prier si le ciel était loin et si les effets de la prière se produisaient dans ce ciel lointain, plutôt que de savoir que dans ce Jésus de Nazareth le ciel lui-même est devenu homme. Qu'eux-mêmes sont ceux qui ont été jugés dignes de participer à la vie de Dieu sur terre et qu'en conséquence ils sont les premiers à prier d'une manière chrétienne (NB 10, n. 2233).

 

340. La mission que le Christ a donnée aux apôtres

Otton de Bamberg. Même quand il reçoit une mission de son prince ou quand il voit la nécessité d'un combat et d'un engagement, la mission première d’Otton provient toujours pourtant du Seigneur : c'est la même mission que le Christ a donnée aux apôtres quand il les envoya enseigner les peuples. Otton se sent comme un apôtre. Non avec une dignité qui le distinguerait des autres mais dans un sens tout à fait primitif, originel, dont il est convaincu qu'il revient à tous ceux qui veulent être à Dieu, surtout aux prêtres (NB 1/1, 69-70).

 

341. Les apôtres n’avaient rien entre eux et le Seigneur

Pour Bernardin de Sienne, la vie dans l'ordre franciscain, c'est se mettre sous les lois du Seigneur. Il voudrait que tout franciscain soit quelqu'un qui suit le Seigneur de près, en un sens tout primaire, tout primitif, comme les apôtres autrefois qui n'avaient rien entre eux et le Seigneur (NB 1/1, 296).

 

342. Les liens humains des apôtres au Seigneur

Vincent Pallotti part toujours des liens humains des apôtres vis-à-vis du Seigneur. La suite du chemin est déterminée par l'amour du Fils pour le Père et l'Esprit (NB 1/1, 313).

 

                Pierre

 

343. Pierre est prêt à tout faire pour le Seigneur et à l’aimer

Saint Pierre voudrait toujours ce que le Seigneur veut. Mais il ne le peut pas très bien. Il fait partie de ces tempéraments qui veulent beaucoup de choses mais qui ne cessent d'éprouver de l'angoisse pour toute responsabilité nouvellement assumée. Une angoisse qui est physique pour une large part. Pierre serait heureux si l'enseignement du Seigneur et la marche à sa suite étaient quelque chose de bien précis où on savait à quoi s'en tenir, où on ne tomberait pas sans cesse sur des chemins impraticables et où on ne devrait pas mener, humainement parlant, comme une existence marginale. Quand il renie le Seigneur, c'est avant tout par angoisse physique; il craint pour lui-même. De plus il ne voit pas bien son ministère; à ce sujet, il a toujours le sentiment qu'il devrait comprendre quelque chose qui lui échappe. Chaque fois qu'il se met à examiner les choses, il perd courage intérieurement. Il espère secrètement que le Seigneur portera ce qui est le plus lourd de sorte qu'il ne restera pour lui qu'une espèce de minimum; il est prêt à tout faire pour le Seigneur et à l'aimer, mais il voudrait avoir pour cela une certaine assurance qu'il sera épargné. Comme si, avant la croix, il ne pouvait se résoudre à un oui total. Après, quand il aura fait l'expérience de la grâce de la croix, ce sera différent (NB 1/1, 321).

 

344. La prière de Pierre

La prière de Pierre est vite décrite: "Seigneur, tu sais que je t'aime". C'est là au fond toute sa prière. Il a certes aussi le "Notre Père" que le Seigneur lui a donné, il a une attitude de prière. Mais sa véritable prière, c'est justement cette manière de se donner lui-même au Seigneur et de lui donner aussi l'Église dans son existence ministérielle. C'est toute l'Église qu'il apporte avec lui au Seigneur, et il se trouve toujours dans sa prière comme un choc: au fond il n'y a aucune prière où il ne se souvient pas de son reniement. Il sait qu'un jour il a cru qu'il aimait et il n'en était rien. Il pressent aussi ce que le Seigneur a dû prendre sur lui pour que son amour soit vrai (NB 1/1, 322).

 

345. Les échanges de Pierre avec le Seigneur

Les paroles que Pierre échange avec le Seigneur sont très contrôlées. Il parle avec le Seigneur comme pour s'assurer: il doit savoir ce que le Seigneur a en vue et il ramène tout fortement à lui. Toute la conversation est si lente et si objective que pendant un long temps elle ne mérite pas le nom de prière. Il n'y a prière tout d'abord que dans le Seigneur et dans la non-compréhension de Pierre. Ce n'est que peu à peu que la conversation se développe en prière, d'une manière décisive après la mort du Seigneur seulement. Ce n'est qu'alors que les mots de la prière de Pierre sont insérés dans la prière trinitaire et Pierre commence ainsi - alors seulement - à deviner qu'il existe une conversation de ce genre (NB 1/2, 44-45).

 

346. Suivre le Christ : Pierre et Paul

Pierre avec son bateau suit le Seigneur non seulement en apprenant à le connaître lui et son enseignement, mais aussi, humainement parlant, en adaptant sa vie à celle du Seigneur. Paul sur son bateau suit le Seigneur, mais beaucoup plus en esprit; il fait ce que le jeune homme riche aurait dû faire: tout perdre pour aller à la suite du Christ (NB 1/2, 53).

 

347. La sainteté humaine provient du Seigneur

En Pierre se manifeste la structure fondamentale de la sainteté humaine qui provient du Seigneur (NB 2,124).

 

348. La volonté du Seigneur

Parfois Pierre oublie de s’adapter à la volonté du Seigneur. Il ne cesse de l’oublier (NB 4,64).

 

349. Pierre et sa connaissance du Seigneur

La connaissance que Pierre avait du Seigneur et de sa vérité allait bien au-delà de ce que lui-même a exprimé par écrit ou par oral, et peu importe au fond qu'une vérité fût clairement connue par Pierre ou qu'elle ne fût contenue que virtuellement dans son inspiration (NB 6,461-462).

 

350. La trahison de Pierre -

Jésus souffre beaucoup de la trahison future; celle-ci lui sera plus dure, plus incompréhensible qu’il ne s’y attendait; c’est pourquoi elle arrive dans une sorte de détresse vis-à-vis du Père, dans une nuit particulière. On ne peut certes pas dire qu’à la croix le Fils est déçu par le Père; tout a toujours été décidé ainsi. Mais il y a une déception au sujet de Pierre. Même si le Seigneur ne le dit pas: il se sent repoussé par Pierre. Et à vrai dire d’autant plus que Pierre assure solennellement qu’il n’en est pas question. Ses affirmations solennelles approfondissent la faille, elles rendent le reniement encore plus sinistre. Car lorsque le Seigneur lui annonce qu’il va renier, Pierre pourrait au moins s’incliner dans une sorte d’humilité, se tenir tranquille, au lieu de s’opposer au Seigneur avec son “Impossible!” obstiné. Il renverse l’assurance du Seigneur avec sa propre assurance aveugle (NB 9, n. 1951).

 

351. Pierre et la pêche miraculeuse

Pierre aussi était sans aucun doute fatigué d'avoir jeté le filet toute une nuit en vain. Et tout d'un coup il y eut la surprise de la grande prise de poissons, justement à l'heure de la plus grande fatigue. Ce n'est ni le seul zèle de Pierre qui remplit le filet, ni la seule valeur du filet, mais la grâce du Seigneur (NB 10, n. 2139).

 

352. La triple question du Seigneur à Pierre

Pierre est triste de ce que le Seigneur lui pose pour la troisième fois la même question parce qu'il voit le rapport entre son triple reniement et la triple question du Seigneur (NB 4,52).

 

353. Le Seigneur ne recule devant aucun moyen pour modeler Pierre

Devenu vieux, Pierre est conduit là où il ne veut pas aller. Parce que le Seigneur ne recule devant aucun moyen pour le modeler comme rocher de son Église dans la sainteté qu'il exige (NB 2,124).

 

354. Suivre le Seigneur jusqu’à la croix

Quand Pierre est crucifié, ce n'est pas un châtiment. Par la grâce du Seigneur, c'est une manière de le suivre jusqu'à la croix (NB 6,461).

 

               Jean

 

355. Jean connaît l’amour du Fils devenu homme, son amitié (NB 1/2, 31).

 

356. Le disciple bien-aimé

Jean était le disciple bien-aimé, l'amour réciproque entre le Seigneur et lui a marqué sa vie (NB 10, n. 2233).

 

357. Jean aime d’amitié le Seigneur

Jean. Parce qu'il aime, parce qu'il aime d'amitié son Seigneur et Dieu, il sait que chaque parole qu'il lui dit doit être une parole d'amour. Pour lui, cela va de soi, comme il va de soi entre ceux qui s'aiment qu'on se dit des paroles d'amour. Le tout provient du fait qu'il sait que le Seigneur l'aime, qu'il est son ami et qu'il reçoit en retour l'amour du disciple. De là résulte comme un éclatement: toute parole que Dieu dit est une parole d'amour divin parce que le Fils est Dieu. La divinité de Jésus, il la connut de très bonne heure, c'est la grâce qui avait mis en lui ce fondement, mais ce fondement n'est employé que lorsque le disciple, par la plénitude de ce qu'il reçoit dans ses relations avec le Seigneur, apprend à comprendre que chaque parole du Christ est une parole d'amour. Quand il a compris cela, la parole qu'il adresse au Seigneur devient une parole de prière. Il ne parle plus autrement avec lui qu'en l'adorant. Et il ne perçoit aucune parole du Seigneur autrement que participant au dialogue éternel du Fils avec le Père. Même dans la parole ou l'exigence la plus concise du Seigneur, il comprend que cette parole ne s'adresse pas seulement à lui et aux autres disciples, mais en même temps à Dieu. Et ainsi toutes ses relations avec le Fils deviennent facilement une prière (NB 1/2, 44).

 

358. Jean a aimé le Seigneur et a été aimé par lui

Jean a aimé le Seigneur et il a été aimé par lui de sorte qu'il a fait l'expérience de l'amour comme vie et qu'il a été totalement dominé par lui. Son amour pour le Seigneur est toujours également trinitaire et marial (NB 2,63-64).

 

359. La distance entre Jean et le Seigneur

L’apôtre Jean a une conscience toujours nouvelle de la distance entre lui et le Seigneur. En raison de cette attitude, il lui est impossible de s'engager sur de fausses routes ni de trop s'approcher du Seigneur, de devenir familier avec lui (NB 1/1, 324).

 

360. Jean donne au Seigneur le lait de son amour

Jean repose sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour de croyant. La réponse du Seigneur est la surabondance de son amour divin. Le Seigneur voit en Jean ce qu'un homme est capable de donner à Dieu : un champ l'amour divin peut porter du fruit. L'amour divin était devenu homme dans le Fils et Jean a pu recevoir l'amour divin dans l'amour humain du Seigneur. Le Seigneur a vu en Jean l’œuvre de la rédemption ; ce fut très bon pour lui (NB 5,267).

 

361. Conversation du Seigneur avec Jean -

Quand le Seigneur parle avec Jean au lieu de prier pour lui, il entre dans la manière humaine de voir, il parle dans le cadre des conditions humaines, il dit à Jean, à partir d'une certaine connaissance humaine, le nécessaire dont un homme a besoin, ce dont lui aussi, le Fils de l'homme, a besoin (NB 6,242).

 

362. Amour de Jean pour le Seigneur -

La contemplation occupe chez Jean beaucoup plus de place que chez Paul. Parce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui lui-même aime. On le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui à la dernière Cène repose sur la poitrine du Seigneur; cela aussi reste une brève mention : cela ne fait que signaler quelque chose qui est d'habitude passé sous silence (NB 5,33).

 

363. Jean se sait totalement transparent pour le Seigneur: celui-ci est l'ami qui sait tout (NB 10, n. 2324).

 

364. Jean : son amitié avec le Fils

Jean  : de par son amitié avec le Fils devenu homme, il a mieux compris le Dieu Trinité (NB 9, n. 1711).

 

365. Jean lors de la Cène

Quand Jean, lors de la Cène, pose la tête sur la poitrine du Seigneur, il l'aime du pur amour d'un saint et il se sait aimé d'un amour divin. Il n'éprouve aucune distance entre les deux formes de l'amour, mais son amour et lui-même, il les sent élevés jusque dans l'amour de Dieu. Même si Jean ne doute aucunement qu'il est aimé comme un ami, qu'il a une position privilégiée auprès du Seigneur, il sait pourtant que les autres sont également visés (NB 10, n. 2321).

 

366. Jean est submergé par l’amour

Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur en quelque sorte. Il reçoit dans l'amour direct ce que le Seigneur lui communique aussi sans paroles. Quand l'amoureux appuie sa tête sur la poitrine de l'être qu'il aime, il ne sent pas seulement un amour qu'il a déjà connu, une profusion de sentiments et d'idées nouveaux le submerge, et peut-être devine-t-il et sent-il les sentiments les plus intimes de l'être aimé. Quand Jean pose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la pensée de la grandeur du Père; quelque chose en déborde sur Jean, il en est inspiré. Il voit quelque chose qui doit absolument être juste parce que c'est justement l'amour du Seigneur qui le lui donne maintenant. Cela ne change rien à l'affaire qu'il mette son évangile par écrit beaucoup plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité et il pense toujours à la grandeur du Père, cinquante ans plus tard encore. Chez Jean justement, la plénitude de l'instant de l'inspiration est si grand qu'elle déborde sur tous les temps et qu'il peut toujours remonter à son origine : "il a vu et entendu et touché le Verbe de vie". Ce qui finalement est mis par écrit est une petite partie de ce qui lui a été inspiré. « Tous les livres du monde ne le contiendraient pas ». Sur la poitrine du Seigneur, Jean se consacre à l'amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n'accapare pas, il ne cherche pas à saisir l'inspiration. Il prend ce qui lui est donné et il se laisse submerger par l'amour, et l'amour peut prendre la forme de l'inspiration. Jean a ici quelque chose de féminin : c'est du Seigneur qu'il attend d'être totalement comblé sans jamais revendiquer quelque chose (NB 6,459-460).

 

367. Jean irait dans le feu pour le Seigneur

1943. Adrienne parle longuement de Jean. Il est l’amour. Sa relation au Seigneur, leur amour réciproque, est si unique et si beau que toutes les paroles qu’on pourrait utiliser ici ne seraient pas à la hauteur et sonneraient faux. C’est la relation la plus pure entre maître et disciple, entre un homme et un jeune homme, un amour en quelque sorte tendre, passionné, mais aussi encore héroïque. Au fond, Jean ne comprend pas non plus le Seigneur, mais il l’aime par-dessus tout. Il irait dans le feu pour le Seigneur. Il est l’amour humain que le Père a offert au Fils dans le monde, un pur cadeau. Quelque chose de gratuit. Un point lumineux dans les ténèbres. L’évangile de Jean est beaucoup moins une “dictée” que les autres, beaucoup plus le résultat d’une contemplation aimante du Seigneur. On y trouve beaucoup de la nature de Jean (NB 8, n. 806).

 

368. Jean est là à la croix où ne se risque aucun autre apôtre

Jean, qui appuie sa tête sur la poitrine du Seigneur, est là à la croix où ne se risque aucun autre apôtre (NB 2,212).


 

369. Jean et le Seigneur sur la croix

Jean aime le Seigneur et il ne peut pas comprendre qu'il est châtié sur la croix à sa place (NB 6,571).

 

370. Jean : sa vénération pour le Fils

Quand Jean a quitté la croix avec Marie, il y avait toujours aussi, dans sa vénération pour la Mère, sa vénération pour le Fils (NB 9, n. 1410).

 

371. Jean et Marie

L’amour entre Marie et le disciple était un véritable prolongement de l’amour entre Jésus et le disciple même si Jean regrettait de ne plus avoir le Seigneur immédiatement auprès de lui (NB 9, n. 1116).

 

372. Amour de Jean pour le Fils

Après la mort de Marie, Jean vit toujours du même amour pour la Mère, pour le Fils; toute sa vie est amour: pur, divin, parfait (NB 1/1, 258).

 

373. Jean et son évangile

En relisant son évangile, Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon (NB 6,457).

 

374. Jean : le Seigneur est au centre de sa prière

Jean l'apôtre. Il prie de telle manière qu'en chaque mot et en chaque aspect de sa prière le Seigneur se trouve toujours au centre, le Seigneur qu'il aime comme un ami et qui est Dieu. C'est de cet amour qu'il vit et il est attiré par lui dans l'amour de Dieu, et son amour se transforme. Chaque fois qu'il se met à prier, il voudrait adorer, remercier, présenter sa requête; il s'abandonne, il s'offre, il se livre totalement. Cependant dès qu'il commence, il est tellement saisi par l'amour de Dieu qu'il n'a plus besoin de rien faire: il est accueilli, son offrande est acceptée par le Seigneur, son sacrifice est agréé. Il n'a plus besoin de faire d'effort, de vouloir quelque chose: la volonté de Dieu et son amour sont totalement en lui. Tout n'est plus qu'amour, unité, grâce. Et, pour lui, c'est comme si Dieu avait justement besoin de cette prière, comme si le Fils l'avait attendue pour remplir les autres d'amour, pour répandre chez les autres le don total de sa grâce. Il n'est jamais plus heureux que dans cette prière puisque, par la grâce, lui-même est distribué également à tous ceux qui attendent cette grâce (NB 1/1, 257).

 

375. La prière de Jean : une relation personnelle d’amour avec le Seigneur

La prière, l’apôtre Jean l'apprend directement du Seigneur. Il adore le Père mais par le Fils et avec lui. Il est un modèle pour la prière chrétienne parce qu'il reçoit les paroles de Jésus avec tant d'amour qu'il les reçoit comme des paroles priées. Il comprend que le Fils est constamment occupé à converser avec le Père et que, quand Jésus parle avec lui, il l'invite par ses paroles à participer à sa prière et à sa conversation. Et même quand Jésus n'est pas là, il lui est présent par la parole qui demeure en lui et qui ne perd pas son contenu. Par cette prière constante, qui provient de sa relation personnelle d'amour avec le Seigneur, il trouve accès à un état de contemplation. Par le Fils, il a part aussi à sa contemplation du Père. Et ainsi il n'est pas difficile de lui montrer l'Apocalypse parce que, par le Christ, qu'il connaît en tant que Dieu et en tant qu'homme, il s'est habitué à trouver Dieu dans l'homme et à voir s'accomplir en l'Homme-Dieu le saut du ciel à la terre. Le Christ est le centre. Quand il le regarde, quand il parle avec lui, quand il est avec lui à table, il sait qu'il ne possède aucune mesure d'ordre humain pour limiter le Fils. Aussi n'est-il pas étonné quand il lui est fait cadeau de l'Apocalypse qui lui donne une nouvelle participation à la vision du Fils. Il ne lui est pas difficile de voir des choses auxquelles il avait cru auparavant, pour lesquelles il n'avait ni concept ni représentation, mais dont il savait dans la foi que c'était le monde céleste du Fils (NB 1/1, 325).

 

376. La mystique de Jean : aimer le Seigneur et être aimé par lui

Toute la "mystique" de Jean consiste pour lui à aimer le Seigneur et à être aimé par lui. C'est en partant de cet amour qu'il apprend les mystères du Seigneur et les transmet avec une spontanéité incessante qui jaillit continuellement de l'amour. Humainement parlant, il peut faire exactement ce qu'il aime le plus : vivre de l'amour réciproque entre le Seigneur et lui et s'occuper uniquement de cela. Il doit annoncer le Seigneur, mais comme il le comprend par l'amour ; l'Apocalypse aussi peut être comprise totalement comme une expression de cet amour réciproque. L'amour détermine son travail, ce qu'il met par écrit, ses relations avec les hommes, sa prédication, et absolument toute sa prière et toute sa réflexion. Et l'amour du Seigneur est en même temps pour lui le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous, les hommes. C'est le "dogme" dont on peut voir le contenu dans l'amitié de Jésus avec Jean (NB 2,162).

 

377. Jean et l’Apocalypse : voir et entendre Jésus autrement

Bien qu'autrefois il ait vu et entendu Jésus, Jean doit apprendre maintenant (quand il reçoit l’Apocalypse) à le voir et à l'entendre à nouveau, ni mieux ni moins bien, mais simplement autrement. Et cela chaque chrétien le peut par la force que donne la prière, par l'obéissance dans la prière, par l'attention prêtée à ce que le Seigneur offre et demande maintenant (NB 10, n. 2233).

 

378. L’Apocalypse : le Seigneur confie à Jean des mystères célestes

Par l’Apocalypse, Jean reçoit la possibilité d'apprendre davantage et de plus grandes choses sur les véritables dimensions de la nouvelle Alliance, de mettre au jour les racines célestes de l’Église terrestre, et même de regarder le ciel en tant que tel comme le Christ veut le montrer à l’Église actuelle. En tant qu'ami du Seigneur, Jean est le voyant à qui le Seigneur veut confier des mystères célestes (NB 2, 201).
 

379. Prier saint Jean

On prie sans doute Jean beaucoup trop peu car il peut beaucoup auprès du Seigneur (NB 9, n. 1101).

 

               Jacques

 

380. Il aime le Seigneur et lui a voué sa vie

Jacques, fils de Zébédée. Il aime le Seigneur et il lui a voué sa vie. Il cherche à faire sans cesse la volonté du Seigneur (NB 1/1, 323).

 

381. Jacques parle avec le Seigneur, puis il prie le Père

Jacques parle avec le Seigneur. Et chaque fois qu'il l'a fait, il prie ensuite le Père. Et il le fait en utilisant les mots qui sont venus dans la conversation avec le Seigneur, aussi bien les siens que ceux du Seigneur. C'est comme un biais. Il apporte les mots au Père et il lui dit: "Père, Jésus a dit…" Mais il ne voit pas encore dans le Fils le Père ni dans le Père le Fils. Il comprend bien que le Seigneur proclame l'enseignement du Père et aussi que cet enseignement le concerne, qu'il doit l'accueillir pour pouvoir le transmettre. Mais il faudra encore du temps pour qu'il comprenne que le Seigneur est Dieu. Le Christ est pour lui comme un supérieur qui en sait beaucoup plus que lui. Il connaît des secrets célestes et les gère. Rien de plus. Et le Seigneur l'incite à prier toujours davantage. Et cela, Jacques le fait aussi. Il est plein de bonne volonté. Mais il lui semblerait impossible d'adorer comme un être céleste le Seigneur avec qui il vient de s'entretenir sur terre. Lui aussi aura besoin de la croix pour percevoir la Trinité, bien qu'auparavant il ait déjà eu une foi chrétienne, non une foi vétérotestamentaire. Il progresse constamment. Mais le saut décisif se produit par la croix. Lui aussi est un esprit lent, rustre. Et l'exigence chrétienne, telle qu'elle est finalement, est infiniment grande (NB 1/2, 45).

 

               André

 

382. La bonté du Seigneur, sa douceur

L’apôtre André. Ce qu'il comprend du Seigneur, c'est avant tout la bonté, la douceur. C'est dans le calme qu'il a répondu au Seigneur et qu'il s'est confié à lui; il demeure auprès de lui, il fait sa volonté, et tout cela dans un équilibre total, en toute sécurité, avec l'esprit le plus conciliant (NB 1/1, 325-326).

 

                 Philippe

 

383. Approfondir la parole qui sort de la bouche du Seigneur -

L’apôtre Philippe, c’est le sage. Quand il entend une parole qui sort de la bouche du Seigneur, il l'examine à fond en lui-même et il opère dans son cœur une grande purification. Il est l'homme de la révolution permanente, mais tout à fait raisonnable. Il approfondit en quelque sorte ce qu'il a compris. Rien n'est perdu (NB 1/1, 327).

 

384. « Montre-nous le Père »

Philippe demande au Seigneur: "Montre-nous le Père!" A chaque mot de l’Écriture Sainte, nous pourrions nous écrier: "Montre-nous le Père!" Il vaut mieux exprimer ce cri et recevoir ensuite la réprimande du Fils que de ne rien dire du tout. Beaucoup se sont tellement habitués à la lecture de l’Écriture qu'ils n'y voient plus ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit. Et pourtant l’Écriture tout entière est un témoignage dans un double sens : en elle est consigné ce qui est; mais ce qui est, est attesté, confirmé par l'attitude intérieure du lecteur. Si nous essayions de lire l’Écriture en la confirmant par notre attitude intérieure, nous verrions constamment le Père, le Fils et l'Esprit ainsi qu'ils se révèlent toujours dans la parole de Dieu. "Qui me voit voit le Père". Nous nous contenterions certes d'écouter le Fils et de le voir, mais nous nous ouvririons à sa Parole de telle sorte qu'elle soit compréhensible pour ce qu'elle est en vérité : la Parole du Père qui le révèle dans l'Esprit Saint. Quand nous pensons avoir compris quelque chose dans l’Écriture et que cela ne débouche pas sur la Trinité de Dieu, nous pouvons être sûrs que nous ne l'avons pas saisie de manière vivante (NB 10, n. 2319).

 

               Jude

 

385. Porter une part du fardeau du Seigneur

L’apôtre saint Jude accepte de bonne grâce de porter une part du fardeau du Seigneur (NB 1/1, 335).

 

               Matthieu

 

386. Répondre toujours mieux au Seigneur

Quand Matthieu a achevé son livre, il sait qu'il a à répondre toujours mieux au Seigneur et que toutes ses attentes personnelles n'ont de place qu'à l'intérieur de l'attente de Dieu (NB 1/1, 332).

 

387. Prière de Matthieu

Saint Matthieu. Dans la prière, il se sent entraîné vers quelque chose de mystérieux dans le Fils, vers la divinité du Fils, vers le Père et vers l'Esprit (NB 1/1, 333).

 

               Simon le zélote

 

388. L’apôtre saint Simon le zélote pressent qu'il n'écoute pas totalement le Seigneur (NB 1/1, 341).

 

               Barthélemy

 

389 A. Le Seigneur voit dans les âmes

Dans le Christ on peut sans doute établir, entre action et contemplation, une différence qui n'existe pas en Dieu, une différence dont il fait l'expérience en tant qu'homme et dont il veut faire l'expérience pour nous apprendre la tension qui existe entre les deux. "Je t'ai vu sous le figuier" : quand le Seigneur vit Nathanaël, il était actif d'une certaine manière, ce qui n'a pas empêché sa vision contemplative. (Il arrive souvent à Adrienne qu'étant en voiture en ville elle voie l'intérieur de l'âme des passants). Quand le Seigneur fait un discours, il dit en premier lieu ce qu'il a projeté de dire, et cette préparation s'est faite en union avec le Père, union qui lui est donnée. Et ici il semble convenu dès l'éternité qu'il prononce aujourd'hui ces paroles. Mais, dans un deuxième temps, pendant qu'il parle, il voit les gens, il voit dans leurs âmes et il voit leurs besoins, et ses paroles en sont influencées. Elles sont marquées tout à la fois par l'éternité et par le temps (NB 1/2, 25).

 

389 B.   Il est sur le chemin où l’on suit le Christ

Saint Barthélemy. Il a la certitude du contact, de la prière, la certitude qu'il suit le Christ. Il reconnaît aussi que sa certitude personnelle est englobée comme une petite certitude dans la grande, dans la vaste certitude de Dieu. Il ne se permet pas de vérifier constamment où il se trouve; il lui suffit de savoir que c'est le chemin où l'on suit le Christ. Il ne peut supporter la contradiction entre la grandeur de la vérité et une suite du Christ qui serait tiède, insuffisante. Il cherche à tout accomplir dans la vérité du Seigneur afin que chacun de ses mouvements soit vrai (NB 1/1, 328-329).

 

390. Le Christ est la réponse valable et suffisante une fois pour toutes

Saint Barthélemy adore le Seigneur avant tout comme la Vérité. Il est heureux en quelque sorte d'avoir dans le Christ le terme de toute question, la réponse valable et suffisante une fois pour toutes (NB 1/1, 330).

 

               Matthias

 

391. Ne vouloir que ce que le Seigneur veut

Saint Matthias, l’apôtre. Son attitude intérieure est d'emblée celle d'un enfant qui renonce à tout, qui ne veut que ce que le Seigneur veut (NB 1/1, 346).

 

392. Il se sait le remplaçant de Judas

Saint Matthias. Si le Seigneur ne le tenait pas si fort, il serait tout près de devenir scrupuleux. Il craint partout un commencement de péché parce qu’il a été choisi pour remplacer Judas dans le collège des apôtres ; il sait ce que c’est qu’un traître (NB 1/1, 347).

 

393. Il a un amour touchant pour le Seigneur

Saint Matthias l’apôtre a un amour touchant pour le Seigneur. Son amour est tout différent de celui de Jean; il n'a pas les yeux dans les yeux du Seigneur, mais il le regarde tout à fait de bas en haut. Il n'oserait pas appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. Cela, tout le monde n'a pas le droit de le faire. Il est content s'il lui est permis de faire ce qui est le plus bas (NB 1/1, 347).

 

               Judas

 

394. Le Seigneur connaît Judas

Au cénacle. La présence de Judas ne trouble pas la prière du Seigneur. Pour lui, Judas est en quelque sorte le représentant de l'humanité pour l'amour de laquelle il est venu dans le monde. Jean, lui, a du mal à prier : la menace de la passion qui arrive, la présence de l'impie, le mettent dans une sorte de nuit de la prière. Bien des choses sur la nature de la nuit de la prière apparaissent ici. Jean sait que le Seigneur prie et qu'en priant il voit le Père et que lui, Jean, est en communion de prière avec le Seigneur. Et que le Seigneur connaît Judas beaucoup mieux que lui. Ce que Jean perçoit comme un malheur menaçant, comme une proximité du diable, comme quelque chose de précis qui empêche sa prière, n'est pas en mesure d'empêcher la prière du Seigneur. La tension entre le fait que lui, Jean, soit empêché de prier et le fait que le Seigneur n'en soit pas empêché a pour résultat de donner à Jean une nouvelle intelligence de la nature de la divinité du Seigneur, avec sa certitude inébranlable. Il en conclut qu'au fond le fait pour nous de pouvoir prier est un don de la grâce de Dieu, car sans cette grâce nous ne serions pas différent de Judas. Même quand nous ne pouvons désigner personne qui nous empêcherait de prier, nous serions déjà à nous-mêmes un empêchement suffisant. Et à côté de la grande grâce de la prière, il voit à quel point la vision du Père passe par le Fils, il voit ce qu'il y a d'absolu dans le Fils et dans sa prière (NB 5,88).

 

               Marc

 

395. Tout livrer au Seigneur -

Saint Marc. Il ne lui est pas accordé de tout livrer au Seigneur une fois pour toutes. Sa confiance doit être acquise de haute lutte et en grande partie aussi son amour (NB 1/1, 349).

 

               Luc

 

396. Son évangile

Zachée. Luc se souvient de l'événement : l'homme dans l'arbre, l'appel de Jésus, le murmure de la foule parce qu'il prend un repas chez un pécheur, et Luc sait quelque chose de la conversion de ce pécheur. Mais tout ce qu'il sait se trouve dans le cadre de ce qu'il sait par ailleurs, dans le cadre de l'opinion qu'il se fait de l'action terrestre du Seigneur; c'est un événement parmi d'autres. Il ne sait pas très bien ce qui s'est passé avant (cet homme a vraiment désiré rencontrer le Seigneur, la grâce qui le travaillait depuis longtemps lui a donné l'envie de le voir), il ne comprend pas non plus la portée de l'événement. Quand après coup il relit ce qu'il a écrit, il voit tout d'un coup que le cadre dans lequel se situe l'événement est bien plus vaste et, grâce à cet épisode, il voit aussi les milliers de personnes qui se convertissent quand le Seigneur passe chez eux. Cette histoire particulière qui, dans son cadre, ne semblait pas avoir une importance particulière est située par l'inspiration dans une nouvelle lumière, elle est devenue porte et chemin et ouverture. Zachée prend place parmi la multitude de ceux qui sont sauvés, grâce à lui ils deviennent tous visibles. On voit de plus ce que fait le Seigneur et la contribution de Zachée, on pénètre le jeu de la grâce et du mérite. C'est cela que l'inspiration a opéré : ce qui se trouvait dans le cadre personnel de Luc se trouve maintenant dans le cadre de l’Église. L'événement unique vécu par ceux qui étaient présents alors devient, quand l'évangile est mis par écrit, quelque chose d'exemplaire, toujours valable pour une multitude de pécheurs qui s'orientent vers le Seigneur et le rencontrent (NB 6,456).

 

397. Luc ne veut que mieux accomplir le service du Seigneur

Saint Luc. Il est tout à fait humble, il ne veut que ce qui est au Seigneur. Il a une certaine forme de l'amour à laquelle font défaut les élans; non qu'il en serait incapable, mais il suit en quelque sorte une "petite voie" (comme la petite Thérèse) pour aider en tout les autres afin qu'ils puissent mieux accomplir leur service du Seigneur. Il renonce à ce qui lui est personnel. Parmi les disciples, il est celui qui incarne le mieux la manière de suivre le Christ à la suite des autres. Il a aussi une certaine manière de s'appuyer sur les autres. S'il commettait un péché, il craindrait de faire tort non seulement au Seigneur mais aussi aux autres. Dans sa contemplation, il part toujours du Seigneur, tel qu'il le connaît (NB 1/1, 351-352).

 

               Étienne

 

398. Étienne voit le Fils

Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer. Il n'est pas nécessaire de montrer encore une fois la même chose aux martyrs qui viendront par la suite; il suffit que le premier martyr l'ait vu. C'est en le sachant qu'ils peuvent se préparer à la mort (NB 5,36).

 

399. Étienne voit le ciel ouvert

Étienne, en mourant, voit le ciel ouvert et rien d'autre. Il le fait savoir à tous parce que sa mission le requiert; il ne voit plus de distance entre le ciel et la terre, il ne voit plus que l'invitation et le ciel qui vient à sa rencontre. Étienne est tout ouvert à Dieu et Dieu s'ouvre à lui maintenant d'une manière visible. C'est Dieu qui détermine la manière dont il veut rencontrer le mourant. Le sens de la foi n'est pas que j'aie une mort facile, mais que j'entre dans la mort comme un vivant, de la manière dont le Seigneur me l'accordera. Peut-être dans l'obscurité, la souffrance et l'angoisse et en n'y voyant plus rien. Mais peut-être aussi dans une dernière annonce de la Bonne Nouvelle : "Je vois le ciel ouvert"(NB 6,283).

 

               Paul

 

400. Glorifier le Père et le Fils

Saint Paul glorifie le Père et le Fils… Le Christ est Dieu (NB 1/1, 348).

 

401. La conversion de Paul 

La soudaineté de la conversion de Paul, qui jusqu'alors était un ennemi du Christ et qui dès ce moment fera preuve pour lui d'un zèle sans exemple, cette soudaineté et cette violence de la conversion demeurent objectivement exemplaires (NB 1/2, 96).

 

402. Renversé par le Seigneur

Paul est atteint par une lumière aveuglante, il tombe par terre, il entend une voix, il demande ce qu'il doit faire. Ce n'est pas un chemin qu'on peut diviser, et il n'y a pas de signes précurseurs. De même quand les trois disciples sont au Thabor et qu'ils voient tout à coup devant eux un tableau de la réalité céleste, le Seigneur ne leur offre pas des degrés qu'ils pourraient gravir jusqu'à ce qu’il apparaisse (NB 5,27).

 

403. Paul : relation mystique au Seigneur

Pour Paul, il y a en premier lieu sa vie avant sa conversion, que plus tard il se reprochera lui-même tellement car, dans l'ignorance de la vérité et dans son zèle pour l'ancienne Alliance, il a persécuté les chrétiens. Il y a "l'homme naturel" avec un enseignement qui lui a été transmis, même si c'est un enseignement dépassé, auquel il est attaché et qu'il défend jusqu'à la fin : sa propre raison ne voit pas de motifs raisonnables pour admettre la vérité du Christ. Puis en second lieu arrive sa conversion, qui est un événement mystique mais qui a aussi des côtés naturels : il tombe par terre, il devient aveugle, etc. La voix et la lumière semblent aussi en quelque sorte être des choses naturelles puisqu'elles touchent quelqu'un qui ne croit pas au Christ. Quand il se met à poser la question : "Que veux-tu que je fasse?", ce qui a existé jusqu'à présent est dépassé, Paul se tient ouvert, non en premier lieu à l'expérience mystique, mais à la vérité de l'enseignement : "Je suis celui celui que tu combats". La lutte entre le Christ et Paul se termine, le Christ a vaincu en se faisant reconnaître avec sa force et Paul s'incline. Dès que Paul a reconnu le Christ, tout de suite - en troisième lieu – commence sa mission. Paul est "un mystique" dans l’Église; sa relation mystique au Seigneur se répétera plus tard dans l’Église pour d'autres chrétiens (NB 5,33-34).

 

404. Amener beaucoup de gens au Seigneur

Paul a un zèle dévorant pour entraîner à sa suite beaucoup de gens et les amener au Seigneur comme militants (NB 2,130).

 

405. Ce n’est plus moi qui vis...

Dépossession de l'apôtre pour l'Eglise : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (NB 6,51-52).

 

               134 Les rencontres

 

406. Le passage du Seigneur

Quand, sur terre, le Seigneur passait, on pouvait reconnaître au visage des gens ou au figuier desséché, où le Seigneur était passé. En enfer, on ne voit rien du tout (NB 3,268).

 

407. Le Seigneur aurait pu convertir tous ceux qu’il rencontrait

Si nous n'étions pas pécheurs, il aurait, durant sa vie, converti tous ceux qu'il rencontrait. Tous se seraient jetés à genoux parce que devant eux se trouvait la sainteté parfaite (NB 11,439).

 

408. Les noces de Cana

Aux noces de Cana, le Seigneur ne peut être distingué de ses disciples ; il ne sort du rang que lorsque le Père le veut pour ensuite disparaître à nouveau (NB 4,435).

 

409. Le jeune homme riche

Le Seigneur est inséparable de sa mission. Et là où une mission n'est pas reconnue, le Seigneur est rejeté. Si quelqu'un ne veut pas accepter sa mission, le Seigneur est humilié. Et comme toutes les missions sont incluses dans la mission du Seigneur, les autres missions aussi sont humiliées, surtout les grandes, celles des saints, qui participent d'une manière particulière à la mission du Seigneur. Quand le jeune homme riche s'éloigne, cela humilie le Seigneur et donc aussi ceux qui participent à sa mission. Rien que le fait de ne pas comprendre une mission et l'action d'un saint est une offense à sa mission. Et de même que le Seigneur est constamment offensé, de même aussi le saint si personne finalement ne le comprend quand il s'acquitte de sa mission. Mais parce qu'une mission serait inutile si elle était comprise d'emblée, il faut que le saint soit offensé, humilié. C'est pourquoi plus le saint aime sa mission, plus aussi il doit aimer l'humiliation. Aimer signifie ici avoir avec elle une juste relation, l'accepter comme le Seigneur veut qu'elle soit acceptée. Et le "jeu de la réponse" a toute l'étendue que le Seigneur veut lui donner. On peut tantôt ne pas tenir compte extérieurement d'une humiliation, tantôt presque y succomber. Que tantôt on la sente et tantôt on la sente moins ou pas du tout, c'est à chaque fois comme le Seigneur en décide. Il indique seulement le chemin (NB 1/2, 116).

 

410. La tristesse du jeune homme riche

Le Seigneur avec le jeune homme riche. La tristesse du jeune et celle du Seigneur. La tristesse du Seigneur est beaucoup plus grande que celle du jeune : il fut trompé dans son espoir de voir le jeune homme se mettre à sa suite pour l'amour d'une misérable richesse (NB 10, n. 2249).

 

411. Une femme malade

Une femme malade touche la frange du vêtement de Jésus et une force sort de lui. Une foule a faim et il la nourrit miraculeusement de pain et de poisson pour que les gens ne meurent pas dans le désert, ou simplement pour qu'ils aient la force d'écouter et d'accueillir sa parole. Dans toutes ces rencontres apparemment fortuites se révèle en même temps la grandeur de sa puissance, les gens reçoivent quelque chose de lui – une guérison, une parole de pardon – par quoi la vérité de Dieu entre dans leur vie. C'est par un petit coin que le Seigneur commence et qu'il communique toute la grande joie de Dieu (NB 12,136-137).

 

412. Le Seigneur ouvre les yeux d’une femme sur le divin

La femme qui s'écrie : " Heureux le corps qui t'a porté" (Lc 11, 27) voit le Seigneur, elle le voit comme les hommes le voient. Elle le voit dans la foule, mais elle le voit en même temps comme point de rassemblement : le Seigneur ouvre les yeux de cette femme sur le surhumain, sur le divin de son enseignement et de sa personne. Un point de son enseignement est particulièrement mis en lumière pour elle ; pour cette femme simple, l'humanité du Seigneur perce pour ainsi dire vers le divin grâce à sa Mère. Elle comprend qu'il n'est pas seul, qu'il n'est pas une génération spontanée, que son humanité a au contraire un fondement solide et que la femme qui l'a porté a avec lui une relation qui la rend parfaitement bienheureuse. Et cette béatitude ne s'épuise pas dans le fait qu'elle est la Mère de ce Fils, elle saisit ce qui est tout à fait divin, plus encore elle est saisie par lui, elle expérimente une plénitude qui conduit à la plénitude divine (NB 1/2, 244-245).

 

413. Marie va trouver son Fils avec les frères de Jésus -

Marie va trouver son Fils avec eux. Ils pensent qu’il est hors de sens. Marie sait quelque part que ce n’est pas possible, car elle sait qui il est. D’une autre côté, elle connaît les frères: ils personnifient en quelque sorte la raison. Mais il est terriblement difficile pour elle de choisir entre le raisonnable et le surnaturel, même si on sait la vérité. Au fond elle craint qu’il pourrait se laisser retenir par les frères, prêter l’oreille aux arguments naturels. Elle est tellement dans l’Esprit qu’elle sait que s’il revenait avec eux, il gâcherait quelque chose d’important de sa mission. Les prophéties ne s’accompliraient pas. S’il vacillait, ne serait-ce qu’un instant, les frères pourraient l’emporter et gérer sa mission à sa place. Mais bien qu’elle espère qu’il ne reviendra pas à la maison avec eux, c’est quand même terrible aussi qu’il ne revienne pas (NB 9, n. 2018).

 

414. Le Seigneur et l’aveugle qui l’attend

Adrienne, jeune médecin, à la campagne : Pendant mes déplacements j'ai dû souvent penser au Seigneur : comment il traversait la campagne; et je pensais : je prends ce chemin parce que là, à un coin de rue, il y a un aveugle qui est assis et qui m'attend. Et on essaie d'imiter un peu le Seigneur. Lui aussi a pris son temps. Mais il était tout le temps avec le Père (NB 7,261-262).

415. La rencontre de Madeleine avec le Seigneur

La rencontre de Madeleine avec le Seigneur est pour elle une très grande humiliation. Qu'il voie tout, qu'il sache tout, ce qui a été dit et ce qui n'a pas été dit : que pour ainsi dire il ne voie pas seulement par devant ce qu'elle a dit et fait, mais par derrière ce qu'elle n'a pas dit et pas fait. Elle a en horreur le fait qu'il voie ainsi ce qu'il y a en elle de plus caché. Car tout d'abord elle ne s'attend pas à l'humiliation. Puis elle remarque que ce n'est que par l'humiliation qu'elle est entrée dans la grâce du Seigneur, que c'est par l'humiliation qu'elle est débarrassée de son péché, que c'est par l'humiliation qu'elle est introduite dans l'amour. Et maintenant elle aime l'humiliation et dès lors elle cherche à être humiliée partout où c'est possible et elle cherche à s'humilier elle-même. Elle s’humilie en plaçant l'amour du Seigneur si haut au-dessus de son propre amour qu'en toute occasion elle s'abaisse pour l'élever, lui. Elle fait cela très discrètement. Elle le fait sans se faire remarquer. Dans sa prière, dans son travail, dans son amour. Madeleine aime l'humiliation. Toute sa féminité, tout son don d'elle-même à l'homme ont été repris par le Seigneur et dirigés sur une voie toute nouvelle. Que les autres sachent qu'elle était une pécheresse n'a pas la moindre importance. Ce qui est le plus important, c'est qu'elle était une pécheresse devant le Seigneur et qu'il l'a lavée d'un prix qu'elle ne fait que deviner, qu'elle ne connaît pas (NB 1/2, 116-117).

 

416. Madeleine : la pécheresse dont le Seigneur a eu pitié

Madeleine est le symbole du pécheur dont le Seigneur a pitié. Au pied de la croix où il lui est permis de l'accompagner, elle est là comme l'emblème des rachetés. Comme celle qui a été saisie par l'amour pour être sauvée et qui maintenant, au pied de la croix, se tient devant le mystère trinitaire : autorisée à être là puisque le Fils lui en a fait le cadeau (NB 2,138-139).

 

417. Madeleine : le Seigneur a pris en lui son péché

Marie-Madeleine a péché; le Seigneur l'a relevée; mais au fond il a pris son péché en lui. Le Seigneur est maintenant pour elle celui qui porte sa faute en portant en même temps les péchés du monde. Elle doit maintenant mener réellement la vie que le Seigneur exige d'elle et qu'il a rendue possible en elle par son pardon. Dès l'instant où elle est libérée de son péché, il n'y a plus de problème: elle doit maintenant le suivre. Dès lors elle se tient comme disponible pour que, par elle, les autres voient en elle l'absolution du Seigneur et soient ainsi incités à se repentir et à se confesser. Afin que le Seigneur puisse tous les accueillir et les sauver. Par sa prière, elle cherche à gagner au Seigneur d'autres pécheurs et pécheresses (NB 1/1, 344-345).

 

418. La conversion de Madeleine

Madeleine se tient devant les apôtres, devant la Mère, devant le Seigneur : sans secret en ce qui concerne son origine parce qu'elle peut servir d'exemple, et pourtant elle disparaît tout entière en étant présentée parce que ne doivent être visibles en elle que les chemins impénétrables de la miséricorde. Les pécheurs doivent être convertis par son exemple, mais c'est surtout la force de Jésus qui doit être manifeste (NB 2,139).

 

419. Madeleine a permis au Seigneur de tout voir en elle

Madeleine a confessé son péché, le Seigneur le lui a enlevé. Sa confession était telle qu’elle a aussitôt permis au Seigneur de tout voir en elle. Et la lumière du Seigneur met en lumière son péché. Ensuite Madeleine demeure dans le Seigneur. En souvenir d’elle, il n’y aura plus désormais dans le monde de « Madeleine » que le Seigneur ne pénètre de sa lumière. Son péché n’était pas un péché absolu, car elle a péché à l’intérieur de l’amour (NB 4, 57).
 

420. Scandale : la Madeleine se met à suivre le Christ

Tout chemin de sainteté renvoie à Dieu. Et cela tout autant dans l'obéissance la plus cachée que dans la force déployée par une Madeleine pour se détourner du péché et dans le scandale du fait qu'elle se soit mise à suivre le Christ (NB 4,164).

 

421. Madeleine : humiliée par la grâce du Seigneur

Saint Ignace a souvent été particulièrement humilié par la grâce du Seigneur parce que pour lui, comme pour Madeleine, les péchés de sa jeunesse lui sont rappelés : là où l'on a péché, c'est là qu'on est humilié (NB 1/2, 117).

 

422. Marie de Béthanie : écouter le Seigneur avec son esprit plus qu’avec ses oreilles

Marie de Béthanie écoute le Seigneur, plus encore avec son esprit qu'avec ses oreilles. Elle est prête à recevoir tout ce qui vient du Seigneur, totalement livrée. Elle a tout abandonné pour suivre le Seigneur. Le Seigneur revendique Marie totalement. Marthe appartient également au Seigneur mais d'une autre manière (NB 1/2, 40-42).

 

423. Marie de Béthanie : une vie offerte au Seigneur dans l’obéissance -

Le vase brisé et le parfum répandu au contact du Seigneur sont des symboles évidents d'une vie offerte au Seigneur dans l'obéissance. Ainsi en entrant dans un ordre et en émettant des vœux on brise toute la forme de la vie antérieure et tout ce que contenait cette forme devient libre pour l'unique Seigneur. Et c'est l'affaire du Seigneur de recevoir comme il veut ce qui est répandu (NB 1/2, 43).

 

424. Marie de Béthanie : son amitié avec le Seigneur

Marie de Béthanie accompagne le Seigneur dans sa passion, et cet accompagnement ne commence pas seulement avec le début de la Passion et la prière au mont des oliviers, il commence quand débute l'amitié avec le Seigneur. Marie l'accompagne dans la prière, et cette prière peut consister à écouter ce que le Seigneur dit, mais elle peut aussi consister à se tenir simplement à sa disposition pour tout. Quand le Christ devient homme, c'est pour sauver le monde sur la croix. Et quand Marie devient chrétienne, c'est afin qu'elle soit prête pour ce que le Seigneur exige d'elle. Ce qu'il exige, il n'a pas besoin de l'exprimer en paroles, elle le sait. Il demande l'accompagnement, la prière, l'obéissance, le don d'elle-même. Mais dans quel but, il ne l'explique pas en détail; elle accompagne sans connaître la direction du chemin, elle souffre sans savoir que c'est la passion du Seigneur qui commence, elle obéit sans deviner où la mène cette obéissance, sans savoir que c'est une tranche de l'obéissance du Fils au Père, et que cette obéissance passe par la croix. Elle dit le Notre Père que le Seigneur a offert à ses disciples, mais elle prie aussi avec ce qui lui vient à l'esprit et elle médite chaque parole qu'elle reçoit de la bouche du Seigneur. Le Seigneur peut puiser dans son don d'elle-même comme dans un trésor de l’Église pour en faire ce dont il a justement besoin (NB 2,165-166).

 

425. Les marchands du temple

Et voilà que le Fils voit les marchands dans le temple, le temple qui devrait être consacré à l'adoration et à la reconnaissance du Père et représenter ici-bas l'esprit du ciel. En ce lieu, les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu. Et ici règne le péché. La prière est évincée; les affaires, l'égoïsme, la ruse et l'escroquerie prennent sa place. Dieu est évincé de sa maison, sa présence est oubliée, son commandement méprisé, son amour de Créateur dédaigné, sa sagesse remplacée par l'astuce des hommes. La colère qui saisit alors le Fils est une colère divino-humaine, une colère chrétienne. Elle n'a pas la démesure de la colère céleste, c'est la colère d'un humain limité, mais une colère qui est si juste et si vraie qu'en tant que telle elle peut être colère de Dieu. Étant la colère d'un homme, elle est subjectivement limitée, elle est également limitée dans son objet (le péché des pécheurs qui sont ici) et finalement dans ses effets : dans les coups qu'il porte avec son fouet, un acte immédiat, dépourvu d'équivoque. A vrai dire, cette colère s'empare tellement du Fils qu'en cet instant rien d'autre en lui n'est visible que la colère. Mais en cela aussi il est limité; en se déchaînant, il renverse les tables, etc. , il arrive à ses fins. C'est une colère justifiée qui ne fait pas perdre au Fils son attitude de prière au Père, il obéit même au Père qui veut cette colère et son expression. Le Fils n'en est pas compromis ni assimilé aux pécheurs qu'il corrige; au contraire, il se sépare d'eux encore plus nettement. Les intérêts du Père sont pour lui aussi saints ici qu'au ciel. Son attitude envers le Père est totalement intacte. Sa colère humaine est si bien en harmonie avec sa colère divine que rien ne peut l'arrêter. On perçoit aussi là que Dieu ne veut pas voir dans les croyants uniquement les propriétés du doux agneau. Mais si la colère humaine du Christ est en accord avec la colère divine en son fond, elle est quand même différente dans ses effets du fait de sa finitude. Elle touche les hommes dans le domaine limité où ils y sont sensibles d'une manière dépourvue d'équivoque. Quand, dans le temps présent, un homme est touché directement par la colère de Dieu, il a besoin d'une explication dans la foi pour que tout malentendu soit écarté. Ici par contre, tout est expliqué parce que la colère de Dieu (à laquelle participe réellement la colère du Christ) a une forme humaine évidente et parce que cet accès de colère fait partie de sa mission qui lui est donnée comme la réaction de Dieu face au péché. Comme toute colère juste, c'est une colère contre le péché, c'est la même colère que dans le ciel, mais non la colère infinie de Dieu, c'est une colère qui est devenue limitée dans le Christ. Ici-bas, le Christ doit pour ainsi dire réapprendre la colère. Il doit pour ainsi dire oublier les dimensions de la colère céleste pour apprendre la colère chrétienne adéquate. Il doit se l'approprier comme s'il n'avait que la possibilité de l'offrir à Dieu et de l'adapter à lui comme un croyant : avec les limites et la retenue de l'homme dont la colère est justifiée dans la mesure où elle est en harmonie avec la volonté divine. La colère du Seigneur est claire et authentique. Celui qui voit maintenant ses gestes, entend sa voix et ne sait rien d'autre de lui, ne peut pas distinguer sa colère de n'importe quelle autre colère humaine. Et pourtant c'est une colère dans l'obéissance et l'amour. La colère du Christ est double. C'est une colère humaine et chrétienne qui éclate à l'occasion de la profanation de la maison de son Père. Mais elle renvoie en même temps à l'origine de sa mission étant donné qu'il est devenu homme à cause de l'outrage fait au Père et de sa colère. Il est accordé à l'état d'âme du Père, il l'est par amour pour le Père et, dans cet amour, il comprend la volonté du Père de l'envoyer. Mais il justifie aussi par là toute colère chrétienne qui a pour objet le péché et comme origine et but la plus grande gloire du Père. Une colère de ce genre détruit pour pouvoir reconstruire. Comme le montre la scène dans le temple, elle est cause de scandale. Elle rend solitaire celui qui est en colère, et dans une situation inconfortable, on le montre du doigt. Et pourtant la colère est bonne si elle est la colère du Christ. Les chrétiens doivent y avoir part comme ils ont part aux souffrances et aux joies du Christ. S'il l'avait pu, il n'aurait pas seulement renversé les tables, dispersé les marchandises et frappé les hommes, il aurait détruit le temple profané, car il sait très bien qu'à peine il sera parti les hommes reviendront avec leurs marchandises. Il sait très bien qu'il n'est pas donné à un homme, serait-il Dieu, de détruire par colère de telle manière que la correction atteigne son but. Sa colère peut être un signal d'alarme qui reste gravé dans la mémoire des pécheurs : ils continueront à pécher comme des êtres marqués, mais pour vaincre le péché il faut d'autres moyens. Dieu dans le ciel voit que sa colère a trouvé ici-bas une expression. Une traduction adéquate dans une colère limitée, humaine, mais vraie et juste. Et le Fils est prêt à laisser sa vie en signe de cette colère. Il se laisse consumer par son zèle pour la maison de son Père. Il se met tout entier au service de la colère du Père : c'est en raison de cette colère qu'il a déjà abandonné sa vie dans le ciel, pour la même raison il laissera aussi sa vie terrestre. La vague isolée de colère qui fit rage dans le temple se transformera sur le chemin de la croix en un véritable déferlement de vagues. Mais alors le Fils dirigera totalement sur lui-même le fouet de la colère éternelle. Dans la colère au temple, la passion est déjà commencée, la colère du Seigneur a déjà alors la teinte de la passion. Et parce que le Fils dans sa passion a dirigé sur lui toute la colère de Dieu, après la résurrection et dans le temps de l’Église, la colère de Dieu sur le péché, qui continue d'exister, est comme mise entre parenthèses dans la rédemption de l'humanité. Non que la colère de Dieu n'ait simplement plus cours, mais elle brûle au sein du feu de l'amour, à l'arrière-plan se trouve la grâce (NB 6,311-314).

 

426. Les mauvais vignerons

Les mauvais vignerons le disent: "C'est le Fils, c'est pourquoi nous voulons le tuer (NB 1/1, 344).

 

                 135 La transfiguration 

 

427. Pierre sur le Thabor

Pierre suit déjà le Seigneur. Mais, de ce qu'il fait, il a une idée surtout concrète : le Seigneur le désire et il a besoin qu'il l'accompagne. Le côté spirituel lui est encore étranger. L'enseignement du Seigneur, il l'accueille avec foi, il le rapporte surtout à sa vie passée qui pour le moment est comme double: il est pêcheur et il exercera cette profession d'une deuxième manière encore. Sa foi est plus ouverte, plus spirituelle que l'idée qu'il se fait de ce que c'est que suivre Seigneur. Il ressemble un peu à un enfant qui doit aller à l'église. Et dans l'église il est témoin de beaucoup de choses: des tableaux, des cierges, le chant, et cela l'impressionne plus que Dieu lui-même. - Et le voilà avec le Seigneur sur le Thabor. De ses propres yeux, il le voit transfiguré. De ses propres oreilles, il entend la voix qui vient du ciel. Sa foi comme l'idée qu'il se fait de ce que c'est que suivre Seigneur en sont profondément ébranlées. Tout vole en éclats. Pour la première fois, il se produit en lui quelque chose comme une incarnation: le côté spirituel de sa foi investit ce qu'a de corporel le fait de suivre le Christ, et le côté corporel de sa foi devient esprit. L'un féconde l'autre. Cela l'inquiète bien qu'il trouve la scène très belle. Peut-être sent-il ici pour la première fois à quel point c'est une mission incarnée; non plus un disciple quelconque, mais le Pierre unique, l’Église visible…, et il n'a maintenant aucune réponse. Pour le moment, on ne lui demande pas non plus de réponse. La situation le dépasse totalement. La voix du ciel le fait entrer dans l'événement. C'est comme un vertige, il ne sait pas s’il retrouvera jamais l'équilibre (NB 1/2, 46).

 

428. Les apôtres sur le Thabor

Sur le Thabor, les apôtres voient, comprennent, croient et savent. Ce qu'ils ont vécu est fait de tout cela. Ils ont fait l'expérience de voir quelque chose; mais ce qu'ils voient est en même temps ce qu'ils connaissent par la foi, et c'est cette connaissance de foi qui donne au tableau son relief; ils voient quelque chose qu'ils comprennent sur la base de ce qu'ils croient et de ce qu'ils ont appris dans leur fréquentation du Seigneur. Ils ont aussi des mots pour le dire. Ils disent quelque chose et ce qu'ils disent est juste pour eux à ce moment-là. Mais ce qu'ils disent prouve en même temps à quel point leur compréhension est humainement limitée et à quel point ce qu'ils ont vécu est en retrait de l'expérience que fait le Seigneur au même moment. Pour la justesse de ce qu'ils ont vu, ils sont d'authentiques visionnaires à qui Dieu montre quelque chose. Et ils sont en même temps des hommes qui expérimentent quelque chose avec leurs sens (NB 5,81).

 

429. Le Seigneur sur le Thabor

Le Seigneur qui, sur le Thabor, apparaît transfiguré à ses disciples, est dans son propre royaume, le royaume qui lui appartient, c'est là aussi qu'il rencontre Moïse et Élie; et comme il est dans son royaume, il apparaît à ses apôtres transfiguré. Ceux-ci voient la différence entre son apparence habituelle et son apparence à cet instant-là, mais ils voient aussi que, sous ces deux apparences, il est le même Seigneur. C'est tout un chemin mystique qui est ramassé dans ce double regard sur le Seigneur. Car la transfiguration comporte une double signification : l'apparition de Moïse et d’Élie devant le Seigneur, la conversation qu'il a avec eux, on pourrait les considérer comme faisant totalement partie de sa vision ; [83] il serait alors accordé aux apôtres d'en voir un petit quelque chose qu'ils ne comprendraient que dans une mesure restreinte, comme le montrent les conclusions qu'ils en tirent. Ou bien on pourrait dire que le Seigneur, qui monte au Thabor avec ses apôtres, est lui-même l'auteur de cette apparition qui est une traduction terrestre et visible - avec un sens céleste - de ce qu'est véritablement sa vision du Père : une image de sa propre mystique (NB 5,82-83).

 

430. Au Thabor, une nouvelle image du Seigneur pour les apôtres

Le Seigneur, qui ressemble d'habitude à un homme ordinaire, les disciples le voient au Thabor sous sa forme de Dieu; ils peuvent ainsi croire plus facilement qu'il est réellement le Fils du Père. Ils ont accès à une forme du Seigneur qu'ils ne connaissaient pas et qui existe, qui est dans la foi, du moins pour leurs yeux; ils pourraient décrire eux-mêmes quelque chose de la différence entre les deux modes d'apparence. Vis-à-vis d'un non croyant, qui ne douterait pas de leur véracité, ils pourraient le faire de telle manière qu'il saisisse quelque chose de l'excellence du Seigneur. Leur foi est enrichie et augmentée; de nouveaux aperçus s'ouvrent à elle, les limites de l'existence terrestre du Seigneur, et même les limites du monde au fond, sont repoussées, font voir des dimensions jusqu'alors inconnues dans lesquelles le ciel se penche vers la terre et lui donne part au ce qui est céleste. A l'avenir, les relations des disciples avec le Seigneur auront une dimension nouvelle et céleste. Au sein de son existence, il y a comme une déchirure; les relations avec lui seront désormais mystiques d'une certaine manière, ce qui est renforcé par le fait qu'il n'a pas été le seul à être transfiguré : Moïse et Élie aussi apparurent nettement reconnaissables; la vision rendit ainsi évidente la relation essentielle de l'ancienne Alliance avec la nouvelle, de la promesse avec son accomplissement. Le Seigneur n'est pas seulement celui qui accomplit les prophéties, il est aussi celui à qui les prophètes sont présents. Cela ne le fait pas sortir de son rôle messianique, il n'est pas bouleversé par l'apparition des prophètes, au contraire il les accueille dans sa sphère et dans sa conversation. Il est dans son monde qui lui est naturel. Mais les apôtres se rendent compte qu'il y a un abîme entre ce qu'ils voient et ce qu'ils comprennent. Ils ne veulent pas admettre que l'apparition n'a qu'un temps, ils voudraient construire des huttes, rester dans le même état. Ce n'est pas qu'ils se révoltent contre le passé, c'est simplement qu'ils ne comprennent pas. Pour eux, Moïse et Élie sont si présents qu'ils pensent à leur trouver un abri et ils sont tout prêts à s'en occuper. Ils veulent y mettre du leur pour que les prophètes trouvent ici-bas des pénates. L'intelligence des apôtres n'est pas à la hauteur de leur vision. Leur foi a été si dilatée et si fécondée que leur raison ne suit pas, ils cherchent donc, avec leur raison limitée, à donner un certain contenu à leur foi. A établir un accord qui n'est pas possible parce que l'accord ne se trouve que dans le Seigneur. Pour lui, cette réalité est ce qui est habituel ; pour eux, c'est du nouveau, quelque chose d'immense, mais qu'eux-mêmes, en tant que représentants de l’Église naissante, voudraient tout de suite insérer dans ce qui leur est connu. Pour leur foi, il n'est peut-être pas agréable d'être mise en présence de dimensions si inattendues. Ils sont pour l'ordre (NB 5,83-84).

 

431. Le Thabor : un petit aperçu de la puissance du Seigneur

Mais l'essentiel sur le Thabor, c'est pourtant la transfiguration du Seigneur lui-même. Les prophètes ne constituent que l'arrière-plan, ils ne sont qu'un petit aperçu du domaine de la puissance du Seigneur et, dans sa transfiguration, il s'élève bien au-dessus de ce domaine. Lui qui est venu du ciel sur la terre, il élève maintenant les croyants de la terre au ciel par sa splendeur. Et l'événement unique, mystique, dont les apôtres font ici l'expérience, ne doit plus les laisser en paix par la suite (NB 5,85).

 

432. Pour les apôtres au Thabor : un nouveau regard sur le Fils

Lors de la transfiguration sur le Thabor, les disciples ont tout d'un coup un nouveau regard sur ce qu'est le Fils en réalité. Il est transfiguré sous leurs yeux, il est élevé au-dessus de son apparence humaine ordinaire. Ils le voient plus spirituellement que physiquement, sous une forme d'existence qui fait partie du domaine du visionnaire. Comme s'ils avaient reçu la faculté de l'accompagner quelques pas de plus en direction de sa contemplation du Père. Le Fils lui-même est homme avec toutes les possibilités de son être humain particulier et sa vision du Père dans l'état de transfiguration en fait aussi partie. La vision du Père, qu'il a toujours depuis l'incarnation, fait beaucoup plus partie de la transfiguration de son humanité que de son être divin. Sur la croix, il n'aura plus cette vision (ou bien il n'aura plus que la vision de l'absence du Père) pour n'être plus, dans son expérience, qu'un homme qui souffre purement et simplement. La transfiguration du Seigneur dépend de ses occupations : quand il est dans la contemplation du Père, il est plus transfiguré que lorsqu'il est dans l'action. Cette différence ne porte pas préjudice au fait que le Fils voit toujours le Père. Mais sa vision habituelle n'est pas la même que son orientation en acte vers la vision du Père quand il se consacre totalement à la contemplation. L'action est un autre état bien que celui-ci ne puisse absolument pas être qualifié d'éloignement. La relation du Père à lui est toujours la même. Sa relation au Père est immuable en son essence, mais différente en ses expressions. Une de ces formes d'expression pour nous est sa transfiguration quand il est en contemplation. En lui-même, il est toujours transfiguré ou, pour mieux dire, il a toujours la possibilité d'être transfiguré, car il n'est pas transfiguré pour lui mais pour les autres. Quand les hommes le voient transfiguré, c'est comme s'ils voyaient au-delà de son humanité, en direction de sa divinité qui commence au-delà de ce qui n'est plus visible (NB 5,86-87).

 

433. Le Thabor : une révélation de Dieu Trinité

Au Thabor, les trois disciples qui perçoivent la voix du Père parlant du Fils assistent à une révélation de Dieu Trinité, car pour que la voix sorte de la splendeur, l'Esprit doit être là. C'est toujours l'Esprit qui ménage l'échange entre le Père et le Fils. Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième. Les disciples au milieu desquels se trouve le Seigneur pressentent quelque chose de sa divinité, mais les signes et la révélation de cette divinité sont donnés par le Père et l'Esprit. Au Jourdain, c'est surtout l'Esprit qui le confirme, l'Esprit qui est descendu visiblement; au Thabor, c'est surtout la voix du Père. Le Fils ne veut jamais révéler aux hommes sa divinité indépendamment de la Trinité, même pas provisoirement, pour les conduire plus tard à la vie trinitaire. Pour les disciples, les manifestations du Père et de l'Esprit ne font sans doute d'abord qu'augmenter la gloire du Fils, elles ont lieu pour révéler sa divinité. Par analogie, Dieu Trinité se sert d'un saint pour se révéler ici-bas de manière plus évidente. Le Fils de Dieu est le saint par excellence (NB 6,94-95).

 

434. La transfiguration : le ciel s’ouvre

Le ciel s'ouvre et se penche, et l'homme est emporté dans cette région. Ainsi les apôtres lors de la transfiguration du Seigneur. Il y a un endroit où le ciel et la terre se rencontrent (NB 5,194).

 

               136 L’enseignement

 

435. Le Seigneur a peu parlé

Quand nous méditons la vie du Seigneur, il est frappant de voir combien il a peu parlé. Et de ce qu'il a dit, le peu qui a été mis par écrit. Lui qui possède la vision du Père, il ne parle pas beaucoup de la prière. Il ne donne pas beaucoup de directives, il montre seulement l'unique nécessaire (NB 10, n. 2222).

 

436. Le Seigneur se prépare à sa prédication

On peut réfléchir à la manière dont le Seigneur s'est préparé à une prédication au peuple qui était rempli d'attente ; parce qu'il est homme, il faut aussi qu'il se prépare, et parce qu'il est Dieu, sa préparation se trouve dans sa disponibilité : dans sa communion incessante avec le Père. C'est ainsi qu'il regarde le Père dans sa contemplation pour trouver le mot juste. Le Père lui donne aussi alors quelque chose de physique ; c'est ainsi qu'il s'écarte fréquemment de la foule et de ses disciples pour être seul avec le Père ; à vrai dire, souvent on ne le laisse pas s'écarter, il doit alors surmonter sa fatigue physique, son besoin de se reposer en Dieu, un rapide coup d’œil vers le Père doit lui suffire, comme nous faisons une oraison jaculatoire quand nous devons faire face à un travail inopiné (NB 12,101).

 

437. La parole de Dieu

Ici-bas nous entendons la parole de Dieu dans l'église à un moment donné, nous la lisons dans l’Écriture, nous nous agenouillons devant le Saint Sacrement exposé, exposé ici et pas là, bien que nous sachions que, pour le Christ, il n'y a de limite ni de lieu ni de temps (NB 2, 204).

 

438. Le Christ Parole

Le Christ est la Parole qui fait de nous des chrétiens, et c'est pourquoi il constitue notre langue primitive. Tous nos autres mots et tous nos autres actes doivent recevoir par lui leur sens dernier et véritable (NB 6,42).

 

439. Le Fils apporte une parole (qu’il est)

En tant qu'homme, le Fils apporte avec lui non seulement la Parole qu'il est, il apporte aussi sa vision sous une forme rendue accessible à la foi, forme que seule sa grâce est en mesure de transmettre. La vision telle que le Fils la donne aux siens dans la mystique, est un cadeau de sa grâce; mais un cadeau, chrétiennement compris, veut toujours dire quelque chose qu'on reçoit pour le transmettre. Il serait faux de penser qu'un cadeau chrétien est limité et éphémère; il subit seulement une transformation qui dévoile le sens de toute fécondité chrétienne. Quand le Christ se sacrifie sur la croix, c'est pour que son don soit reçu à profusion et offert aussi à d'autres. Il crée une vie à partir de la croix comme il avait créé une vie par sa naissance. C'est une nouvelle création qui est insérée dans le circuit du monde créé et qui débouche sur la vie éternelle (NB 5,72-73).

 

440. La prédication du Seigneur

La parole de Dieu telle qu'elle se fait entendre dans la prédication du Seigneur, dans ses conversations avec ses disciples et ses amis, est chaque fois une parole qui révèle la doctrine chrétienne et suppose aussi la connivence de ses auditeurs (NB 5,99).

 

441. Le Fils : Parole en Dieu et dans le monde

Dans le Dieu éternel il y a une Parole qui est l'expression de l'amour en Dieu : la Parole est engendrée dans l'amour, il lui est répondu dans l'amour, elle sert à l'échange de l'amour trinitaire. Ce que le Fils fait au ciel en tant que Parole, il continuera à le faire sur terre, en devenant homme, d'une manière adaptée aux hommes. Mais maintenant c'est réellement la Parole de Dieu qui en lui s'adresse aux hommes, qui s'exprime, que nous accueillons comme Parole de Dieu et à laquelle nous répondons quand nous prions, quand nous vivons par elle et qu'il nous est permis de la rendre au ciel d'une certaine manière (NB 6,21).

 

442. Les paroles du Fils

Les paroles du Fils révèlent la vie qu'il a en commun avec le Père, mais aussi sa mission telle qu'elle doit être comprise par le monde (NB 11,299).

 

443. La présence du Seigneur dans ses paroles

Le Seigneur est vivant. Il n’est pas seulement d’un homme historique. Nous avons le droit de transmettre son enseignement vivant. Il y a une présence du Seigneur dans ses paroles. Le Seigneur se confie totalement à nous et que faisons-nous de sa parole! Nous oublions de l’adorer, car elle doit être vraiment adorée (NB 9, n. 1754).

 

444. La parole du Christ : une semence

Le Christ remet à l’Église sa semence - la parole - pour que cette semence lève en elle. La semence de la parole lève en elle comme grâce du Seigneur pour tous (NB 12,154).

 

445. L’Esprit nous apporte la parole du Fils

L'Esprit est pour nous le porteur de la parole du Fils ; cette parole devient pour nous saisissable quand elle est portée par l'Esprit et insaisissable quand nous l'abordons avec notre propre esprit. Nous n'avons pas d'instinct naturel pour la révélation surnaturelle de Dieu dans le Christ. Chacune des paroles du Seigneur est portée par l'Esprit (NB 10, n. 2054).

 

446. Aucune de ses paroles n’est moins importante qu’une autre

L'indifférence est la juste position vis-à-vis de Dieu, l'acceptation de ce que Dieu nous destine et nous offre, de sorte que nous aimions tout autant les deux côtés de la parole de Dieu, autorisation et interdiction, joie et souffrance, Noël et la croix, parce que le Père nous offre son Fils de la même manière à tout instant de notre vie, parce que tout dans le Fils tend vers le milieu du Père et de Dieu Trinité, parce qu'aucune de ses paroles est moins importante qu’une autre (NB 4,163).

 

447. La force de la parole du Fils ne diminue pas

Pseudo-Denys l'aréopagite : Au cours des siècles, la force de la parole du Fils ne diminue pas ; la parole de l'évangile a aujourd'hui la même vitalité que la parole exprimée autrefois sur la terre par le Christ (NB 1/1, 59).

 

448. La force de la parole assume notre faiblesse

La Parole de Dieu devient un homme parmi nous. Elle est donc capable d'être sur terre comme l'un de nous. Nous comprenons que toute parole en Dieu peut faire tout ce que Dieu lui donne. La parole dans la confession, la parole dans la prédication, la parole de la consécration, toute parole de la prière, aucune ne sera jamais privée de la force et du sens qui furent donnés à la Parole incarnée et qui participent à la vie éternelle. Par conséquent quand nous vivons en croyants, nous participons à la vie divine par la parole. Elle nous charge d'une responsabilité; mais elle nous offre aussi sécurité, tranquillité d'âme, patience. Cette sécurité quand on nous demande quelque chose - non seulement pendant la prière, mais à tout instant de notre existence - c'est sans doute ce dont nous avons le plus besoin. Par nous-mêmes nous sommes sans force et incapables; mais en répondant, nous sommes tellement dans la parole que la force de la parole suffit pour assumer notre faiblesse stérile et en faire la faiblesse féconde de ceux qui aiment (NB 6,22).

 

449. La force des paroles du Seigneur ne faiblit pas

Le Seigneur a promulgué le commandement de l'amour, les apôtres l'ont entendu, les évangélistes l'ont mis par écrit, il peut être consulté par tous ceux qui viendront après, sans problème, parce que la force des paroles du Seigneur ne faiblit pas. Si un croyant a une apparition, il peut s'inquiéter et se demander si cela se rattache à l’Évangile et comment. Mais s'il se rappelle que le Seigneur est apparu aux apôtres, il reconnaît dans ce fait un fondement de la mystique future; pour les voyants, cela peut les rassurer parce que les apparitions des quarante jours (après Pâques) constituent un pont solide entre l’évangile et l’Église. Les voyants des temps ultérieurs se trouvent dans la tradition apostolique qui est aussi garantie que le texte de l’Écriture Sainte. L'apparition aux disciples d'Emmaüs montre aussi à quel point le Seigneur répond aux disciples (NB 6,302).

 

450. La parole ne perd rien de son actualité à travers les siècles

Après avoir tout accompli, le Fils reste la Parole. Il ne s'éloigne pas de ce qui est rapporté de lui. Une preuve en est l'Apocalypse. Elle montre que tout son être demeure vivant; non qu'il devrait redevenir homme pour accomplir à nouveau. Et pourtant s'il y a dans l'Apocalypse tant d'éléments de l'Ancien Testament, ceci montre que l'accomplissement est toujours compris en devenir. Même après avoir dit "C'est accompli!", le Fils demeure la Parole du Père, il reste ce qu'il était : présence de cette Parole qui ne perd rien de son actualité à travers les siècles (NB 1/2, 241).

 

451. Paroles du Seigneur : caractère inépuisable

Dans le sermon sur la montagne, la parole du Seigneur, aujourd'hui exactement comme il y a mille et deux mille ans, nous est présentée pour être interprétée. Un prédicateur peut y trouver aujourd'hui une pensée que personne jusqu'à présent n'avait vue et mentionnée, et l’Église n'y trouvera rien à redire. Ce caractère inépuisable des paroles du Seigneur font qu'on peut toujours y puiser du neuf en les étudiant personnellement et par son propre savoir. Quand il glorifiait le Père, il a pensé à chacun en particulier, il voulait que nous aussi aujourd'hui nous en recevions notre part et que nous les comprenions. Sa parole n'a rien perdu de sa force et de son originalité à condition que celui qui la reçoit soit de Dieu (NB 4,381).

 

452. Le Seigneur veut toujours nous donner des connaissances nouvelles

"Demandez... Cherchez... Frappez…" Dans la vie religieuse, on doit savoir qu'on doit frapper parce que le Seigneur veut toujours nous donner des connaissances nouvelles (NB 1/2, 280).

 

453. Le Fils nous ouvre des possibilités infinies

Celui qui aime voudrait constamment parler et se taire avec celui qu'il aime et le faire participer à tout. L'homme Jésus Christ que nous aimons et auquel nous participons est en même temps la Parole du Père ; il est la Parole qui ouvre des possibilités infinies : pour lui-même vis-à-vis de Dieu et des hommes, pour nous à qui il ouvre une inconcevable richesse de points de vue qui sont tous pleins de sens pour l'amour et sont toujours un nouveau stimulant. Tout ce que contient de sens la Parole du Père éternel nous est fondamentalement offert dans cette humanité, tout l'humain que nous pensons connaître par nous-mêmes reçoit, dans le fait que le Fils est la Parole, un sens nouveau, infini (NB 6,23).

 

454. Des mystères se trouvaient derrière les paroles du Seigneur

Dans les visions de l’Apocalypse, ce que Jean a connu en tant qu'être terrestre, également par les paroles du Seigneur dans la foi, il doit maintenant apprendre à les voir dans l'Esprit. Et à côté de cela il y a des choses qu'il n'a pas connues non plus dans la foi, qui ne sont pas du tout contraires aux paroles du Seigneur, mais qui révèlent de nouveaux mystères qui se trouvaient, sans qu'il s'en doutât, derrière les paroles du Seigneur. Tout ce qu'il voit, entend, sent, touche, connaît, est traversé par des vérités qui lui étaient inconnues et dont il n'avait pas de raison de croire qu'elles existaient (NB 2,202).

 

455. La parole est infinie

Ce qui est propre au Fils appartient au Père. Et Dieu seul sait ce qu'est la Parole divine, le contenu qu'elle a; lui seul la voit nue et infinie et éternelle, dans sa portée divine illimitée. Et ces profondeurs de la Parole qui nous restent inaccessibles, il se peut d'ailleurs qu'elles ne soient pas exprimées ; elles font partie du silence de Dieu et de son mystère trinitaire, elles font partie de ce qui est issu de l'être de Dieu pour les autres personnes divines et n'ont de sens que pour elles, si bien que nous ne les percevons pas. Cette Parole secrète, qui n'est perceptible que dans l'échange divin en Dieu, pour Dieu, par Dieu, appartient au mystère du toujours-plus divin. Mais il peut se faire que Dieu enlève tout à coup un voile pour nous montrer l'une de ses paroles dans toute sa profondeur. Si nous voulions exprimer quelque chose de cette parole secrète, nous pourrions seulement dire qu'elle est divine, qu'elle est en harmonie sans doute avec la doctrine chrétienne, mais qu'en ce qui concerne son sens intra-divin elle reste en la garde de Dieu. Cette Parole non dite, que nous ne savons pas où placer, qui nous rappelle quelque chose qui pourrait être son expression exacte, a alors pour nous avant tout le sens qu'étant elle-même non dite elle nous invite aussi au silence, un silence de vénération qui s'arrête devant le mystère ultime. Nous ne croirons plus que nous devons et pouvons, par une recherche plus approfondie ou une prière plus intense, obtenir d'avoir accès à des régions où nous ne sommes pas invités. La Parole infinie nous invite à reconnaître nos limites, à être discret vis-à-vis de Dieu et à ne pas chercher à lui extorquer ce qu'il ne veut pas dire (NB 6,38).

 

456. Les actes de Jésus révèlent l’être supra-temporel de Dieu

Le fait que les actes de Jésus en tant qu'événements particuliers et historiques révèlent l'être supra-temporel de Dieu, nous ouvre les yeux sur le fait que la nature elle-même de Dieu est faite d'actes éternels. C'est continuellement que Dieu le Père engendre le Fils. C'est continuellement que l'Esprit Saint procède des deux. Dieu se réjouit tellement de ses actes intra-divins - et des réponses qui leur sont données dans l'abandon du Fils et de l'Esprit - qu'il leur donne les dimensions de la vie éternelle. Tout ce que notre pensée - par suite de notre éloignement de Dieu lié à notre péché et au péché originel - introduit de limité dans ces actes divins est sans cesse à exclure; et ce que les mots de l’Écriture font apparaître en Dieu de limité d'une certaine manière n'est qu'une concession à notre compréhension bornée. Par notre éloignement de Dieu, nous sommes tellement immergés dans notre temporalité avec son cloisonnement de jours et de nuits, d'heures et d'événements, que si Dieu nous emportait pour un instant, tels que nous sommes, dans l'événement éternel de la Trinité, nous ne pourrions même pas remarquer qu'il s'y passe quelque chose (NB 6,99).

 

457. Le Fils exprime la vérité de Dieu

Dans la nouvelle Alliance, le Fils voit la vérité de Dieu en tant qu'homme et il l'exprime. Sa parole ici-bas est en conformité avec sa vision dans le ciel. Quelque chose de cette conformité est aussi offerte à ceux qui le suivent : la parole de la doctrine peut être en même temps une ouverture sur la vision. Le non croyant qui entend une parole de la doctrine ne peut lui attribuer qu'un sens limité. Dans le commandement de l'amour du prochain par exemple, il peut trouver bien des éléments qui le concernent, qu'il veut aussi observer, puisque sa vie et la vie des autres en sont enrichies, il peut même, par son expérience, en tirer de nouvelles lois, de nouvelles possibilités d'expériences, de nouveaux engagements pour les autres. Mais quand un croyant entend la même parole, c'est par la foi qu'elle acquiert pour lui son caractère obligatoire. Il ne comprend plus cette parole d'une manière purement naturelle, il la comprend comme une parole dite par Dieu dans le Christ, une parole qui signifie beaucoup plus que ce que la nature peut en saisir. Elle a un rapport direct avec le monde de la grâce et c'est à partir de ce monde qu'elle impose ses exigences. Le croyant peut vérifier l'application de la parole et son sens au moyen de la foi de l’Église. La foi de l’Église - qui est aussi sa foi personnelle - et la parole de Dieu s'éclairent et se complètent mutuellement, elles s'interprètent l'une par l'autre. La parole et la foi se rencontrent dans le chrétien, il devient une sorte de champ de bataille et l'objet de l'explication. S'il est choisi par Dieu pour une mission particulière dans l’Église, la parole peut se présenter de nouveau à sa foi avec une autre dimension et cette révélation aura des conséquences voulues pour lui personnellement. Mais ceci, toujours en accord avec le Seigneur qui dit la parole et avec l’Église qui la garde et la gère (NB 5,68-69).

 

458. Le Fils est le divin qui se communique

(A propos de la réflexion de la femme qui dit : " Heureux le corps qui t'a porté" en Lc 11,27). Le Seigneur confirme aussitôt cette béatitude : "Oui, heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui s'y conforment". L'enseignement est devenu homme en lui, la Parole est devenue chair, la mission divine est devenue Fils de la Mère. Par elle, il a obtenu la possibilité de rendre la Parole perceptible si bien que la béatitude qui distingue le corps de la Mère (parce qu'il est devenu chair en lui) atteint tous ceux qui l'écoutent, qui par lui perçoivent la Parole parfaite de Dieu Trinité. La Mère est le point de rassemblement de toutes les paroles de Dieu, mais le Fils est à cet instant comme l'expression de ce point de rassemblement, il est en même temps l'expression du Père comme Parole du Père dans l'Esprit; il est le divin qui se communique, il est celui qui par la béatitude du corps maternel béatifie tous ceux qui l'écoutent réellement, c'est-à-dire qui gardent sa parole. Qui aspirent en eux-mêmes ce qu'ils ont perçu, qui participent par cet accueil de la Parole à la même mission que la Mère : recevoir la Parole pour la laisser croître en eux et ensuite la servir comme le Seigneur le requiert de chacun (NB 1/2, 246).

 

459. Le Fils : Parole du Père

Le Fils est la Parole du Père : en lui Dieu s'exprime. Mais il est aussi la Parole au commencement, longtemps avant que le monde fût, Parole qui fut dite au Père, mais Parole aussi qui ne fut pas dite, parce que Dieu le Père, parce que Dieu Trinité est omniscient. Dans l'ancienne Alliance sont lancées des promesses dont le sens est en partie manifeste, en partie encore caché, parce que leur sens plénier se dévoile seulement lorsque le Fils devenu homme accomplit toutes les promesses. C'est par lui que nous apprenons ce que la Parole a voulu dire sur lui. Jusqu'alors elle était plus ou moins voilée, maintenant elle montre ce qui est son cœur. Bien d'autres paroles de l'ancienne Alliance, qui n'étaient pas des promesses, reçoivent aussi leur sens par la vie terrestre du Fils. Des mots humains qu'il utilise dans son enseignement, qu'il adopte (NB 6,37-38).

 

460. Nous percevons la Parole de Dieu quand elle se fait chair

Dieu le Fils est la Parole du Père et, dans l'éternité, il vit dans le Père. Nous percevons la Parole quand elle se fait chair. A partir de là nous pouvons faire des suppositions et dire: dans l'éternité, la Parole se tait ou elle parle selon un rythme que Dieu a pour sa Parole. Pour Dieu dans le ciel, ce rythme est parfait et adéquat; notre rythme terrestre de parole et de silence, de prière, de méditation, de travail, de réalisation, n'est pas notre affaire mais celle de Dieu si nous lui sommes obéissants; il nous revient de faire confiance, de croire, d'aimer, même quand quelque chose de décisif se déroule au plan de Dieu, qui nous est inaccessible. La Parole de Dieu demeure au plan de Dieu même quand elle est reçue par un pécheur, elle-même n'est jamais tiède, même quand nous la laissons devenir tiède en nous; mais nous pouvons être si obéissants que Dieu peut reconnaître sa Parole en nous comme un sel de la terre, qu'il a déposé en elle. Il ne distingue pas entre sa Parole et notre obéissance, cela fait partie de la magnanimité de Dieu (NB 10, n. 2160).

 

461. Le Fils se révèle lui-même et il révèle le Père

"Qui me voit, voit le Père". Le Père se révèle dans le Fils. Et les rencontres du Père avec le Fils ne sont visibles que dans le Fils. Le Père a son image dans le Fils : la présence du Père est cessaire pour que la révélation du Fils soit effective. Nous entendons le Père puisque le Fils est la Parole du Père. Ainsi, durant toute sa vie terrestre, le Fils n'est pas seulement celui qui a été engendré du Père par l'Esprit dans la Vierge, il est continuellement celui qui révèle, celui qui fait connaître la présence du Père, le voyant qui voit la lumière du Père, celui qui se donne lui-même, qui vit de la nature et de la présence du Père chaque fois qu'il se prodigue. Le Fils accomplit les prophéties de l'Ancien Testament, mais ces prophéties sont l’œuvre du Père. Cependant le Fils est plus que les prophéties parce qu'il révèle toujours le Père vivant, qu'il remplit la lettre de l'esprit du Père en y introduisant l'Esprit Saint de manière si vivante que toutes les attentes sont dépassées. En se révélant lui-même, le Fils révèle continuellement le Père ; cela signifie une extension de la révélation dans le sens du Père; car le croyant expérimente en Dieu le Fils toujours plus qu'il ne l'espérait, parce que Dieu est toujours plus que ce que l'homme croit et sait, mais ce plus ne se trouve pas seulement dans la révélation de la distance entre Dieu et l'homme : il ne cesse de s'accroître parce que le Fils ne fait pas que se révéler lui-même, il révèle aussi le Père (NB 5,218).

 

462. Le Fils nous apprend à connaître le Père

Par l’Esprit du Fils nous apprenons à connaître le Père et nous devenons plus aptes à le voir. Et plus quelqu’un a cet Esprit du Fils, qui est l’Esprit d’amour, plus il est capable de décrire et de montrer le visage intérieur du Père tel que le Fils le voit. Et plus il le comprend. On voit alors le Père non seulement dans le Fils, par le Fils, mais aussi en lui-même. Mais c’est le Fils qui nous a procuré cette vision. Il nous apprend à le regarder comme on apprend par un ami à connaître intimement son ami à lui et qu’on en reçoit l’intelligence (NB 9, n. 1913).

 

463. L’image du Père devient vivante par les paroles du Fils

Pour nous, l'image du Père devient vivante surtout dans l'Ancien Testament ou par les paroles du Fils. Le Fils, nous le voyons d'abord comme celui qui est devenu homme, dans toutes les situations de sa vie et de sa mort, partout où il apparaît comme Homme-Dieu. Mais cette rencontre justement, c'est l'Esprit Saint qui nous la ménage; nous devons être animés par lui pour saisir au moins quelque chose de ce que Dieu peut être comme homme et l'homme comme Dieu. Nous remarquons aussi alors à quel point nous avons besoin de lui pour pressentir quelque chose du Père et finalement aussi pour que l'Esprit lui-même devienne pour nous une réalité. Ce n'est que par lui que nous arrivons à lui (NB 6,464).

 

464. Toute parole du Fils : prière au Père et semence dans l’Eglise

Toute parole du Fils ici-bas est une prière au Père, mais tout autant une semence dans l’Église ; elle doit être reçue par un champ pour ce qu'elle est : une parole qui vient de Dieu (NB 12,99).

 

465. Le Christ adapte sa parole à sa mission humaine

Le Christ est Dieu. Quand il prophétise de sa voix humaine, une parole est émise que les hommes entendent certes comme parole venant de Dieu, ils pensent la saisir avec une certaine profondeur - comme les prophètes -, alors que lui-même, comme Dieu, en connaît bien plus et aussi tout ce qu'il y a de caché dans cette parole, ses ultimes mystères au sein de l'éternité, et il sait en même temps que ces mystères ultimes sont réservés à Dieu et ne peuvent être saisis par les croyants. Il doit donc adapter sa parole à sa mission humaine, il doit se résigner à ce que la foi des hommes reste grevée de faiblesse et d'hésitation, et qu'elle impose à sa parole des limites et des réductions. Son adaptation consiste à ce qu'il se donne comme les hommes peuvent le saisir dans la foi et il remet le reste à la vision du Père (NB 5,65).

 

466. Le Fils homme doit adapter son langage aux humains

Une angoisse saisit le Fils : par l'usage des mots humains, il pourrait encore agrandir la distance qui sépare le monde de Dieu. Il devra commencer à parler très prudemment, très doucement, pour ne pas découvrir d'emblée le malentendu flagrant. C'est surtout là où les hommes sont disposés à faire ce qu'il attend qu'il doit être prudent; il doit employer des mots plus petits en quelque sorte pour ne pas effrayer les gens de bonne volonté qu'il veut faire entrer dans sa manière de parler et de penser, pour ne pas les mettre tout de suite en présence de la distance tout entière (entre Dieu et l’homme). Dans une conversation, il faut bien que les deux (interlocuteurs) adaptent quelque peu réciproquement leurs idées pour qu'ils comprennent à peu près la même chose. Quand le Fils appelle quelqu'un : "Toi, suis-moi", c'est un mot atténué; il est question de marcher derrière lui. Ce n'est que peu à peu que le mot révélera tout ce qu'il contient. Il doit parler prudemment aussi parce qu'il doit mettre, dans les mots qui vont rester, le plus possible de la vérité qu'il connaît. Quand les hommes les emploieront plus tard, on devra sentir qu'ils sont sortis un jour de sa bouche; on ne doit pas pouvoir les utiliser dans des phrases vides. Les hommes doivent pouvoir se souvenir que lui et lui seul connaît exactement leur contenu, et cela doit les amener à grandir dans (l’intelligence) de sa parole (NB 6,157).

 

467. Toutes les paroles du Seigneur sont amour

Il est parfois difficile de reconnaître uniquement l'amour dans les paroles du Seigneur parce que le mystère y joue toujours dans une certaine mesure. Et pourtant l'ultime vérité du mystère divin aussi est toujours amour, et toutes les paroles du Seigneur, de la première jusqu'à la dernière lors de son Ascension, ne veulent toujours dire que de l'amour. Mais pour découvrir l'amour, on doit d'abord déjà aimer soi-même, c'est-à-dire savoir qu'on est aimé par Dieu (NB 3,384).

 

468. Toutes les paroles du Seigneur sont de l’amour toujours actuel

Toutes les paroles de l’Écriture, des prophètes, des livres de la sagesse, du Seigneur, ont toujours leur sens dans le cadre de l'amour englobant de Dieu : l'amour peut à tout moment rendre actuelle chacune de ces paroles. Mais justement cette liberté de l'amour fait aussi que ce ne sont pas toutes les paroles qui possèdent simultanément cette même actualité. Qui se laisse conduire par l'amour expérimente chaque fois l'aspect de l'amour qui est actuel pour lui maintenant (NB 12,39).

 

469. Le Fils nous a donné de Dieu des images et des paraboles

Depuis que le Fils en tant qu'homme nous a donné pour Dieu des images et des paraboles, l'inspiration chrétienne ressemble davantage à un feu qu'on peut regarder. Le Père et l'Esprit s'adaptent pour ainsi dire aux lois du Fils incarné (NB 6,461).

 

470. Comprendre les paroles du Seigneur  

Tant que nous sommes ici-bas, nous ne pourrons jamais mesurer pleinement la portée d'une seule sentence du Seigneur. Nous voyons un reflet. Dans ce qu'il dit, nous voyons une vérité, nous l'ajoutons à d'autres, mais la vérité en sa totalité n'est qu'en Dieu. Nous voyons des fragments qui proviennent tous de la vérité, nous ne voyons pas l'ensemble. Comme pour un puzzle, nous pouvons mettre ensemble les morceaux de même couleur, chacun de nous travaille à une partie de l'ensemble du tableau. Ce n'est qu'au ciel que nous verrons le tableau achevé ou mieux, il nous sera permis de regarder en direction de la vérité parfaite : elle sera dévoilée et pourtant insaisissable (NB 6,408).

 

471. Nécessairement, nous comprenons Dieu de travers quand il parle par le Fils (NB 3,154).

 

472. Des paroles à peine compréhensibles

"Je suis la lumière du monde", "Je suis la vérité" : des paroles de ce genre, à peine compréhensibles ici-bas, déploient leur contenu dans le ciel; ici-bas, seul le thème est donné, au ciel toute la phrase est passée (NB 6,415).

 

473. Le sens surnaturel des paroles du Seigneur

En tant que Fils du Père, le Christ s'est abaissé jusqu'à être un homme parmi nous, les hommes, mais il a la vision du Père, et donc, au beau milieu de notre monde, il porte en lui le ciel. Sa vision comprend deux éléments : le ciel et la terre. Il n'apporte pas seulement ici-bas la perfection d'un être humain, mais son existence divine. Celle-ci doit être transmise aux hommes sous la forme de la foi chrétienne qui agrandit l'homme de tous côtés et le rend capable de comprendre les paroles du Seigneur dans leur sens surnaturel. Cette compréhension de la parole n'est pas limitée parce que le Christ demeure la Parole, et la parole chrétienne comprise a part, dans le Fils de Dieu, à sa divinité, c'est même en elle qu'elle a sa pleine réalité. Est vrai ce qui est réel, et Dieu est réel. Et toute réalité que l'homme saisit, de quelque manière que ce soit, a son prolongement et son centre de gravité en Dieu lui-même (NB 5,72).

 

474. Penser aux rapports de la révélation divine dans le Christ dans tout leur déploiement (NB 3,232).

 

475. Des paroles du Seigneur pour que les hommes grandissent dans la doctrine chrétienne

Il y a certaines paroles du Seigneur qui sont comme des manières de s'exprimer de l'Esprit, qu'il offre aux hommes afin qu'ils puissent grandir dans la doctrine chrétienne. Le miracle de la multiplication des pains par exemple, qu'il a opéré avec l'Esprit, agit sur les hommes comme une question, pour attirer l'attention sur la mission du Seigneur, pour qu'ils s'entretiennent avec lui (NB 6,420).

 

476. Le Seigneur parle dans l’évangile

L’Évangile lui-même n'est pas seulement un récit de faits, il est en même temps l'enseignement vivant. Il a part à l'Esprit Saint. Le Seigneur comme l'Esprit parlent ici. La parole que le Seigneur a dite parle, mais comme l'Esprit (dans l’Église) l'a entendue et reçue (NB 1/2, 242).

 

477. Jésus et l’évangile

L'évangile, c'est le message du Seigneur qui a été transmis. Mais le Seigneur n'y apparaît jamais seul, il est toujours entouré de gens: disciples, peuple, pharisiens, etc. Une tranche de la vie du Seigneur traverse apparemment par hasard des tranches d'autres vies. Et pourtant rien n'est par hasard; tout est plein de sens, significatif, révélateur, tout éduque vers le Seigneur. Et à la fin de tout épisode humain, il y a la grande révélation sur Dieu (NB 4,49).

 

478. L’évangile doit contenir tout l’enseignement de Dieu fait homme

A propos de l’inspiration par l’Esprit Saint. Un évangéliste par exemple doit écrire "son" évangile et pour cela utiliser de manière critique tout ce qu'il a appris du Seigneur lui-même ou des apôtres ou par la tradition; mais il doit en même temps ouvrir à l'Esprit Saint toutes ses facultés qui sont restreintes et limitées, car "son évangile" doit devenir "l’Évangile", il doit contenir tout l'enseignement de Dieu fait homme, donc beaucoup plus que ce qu'un homme peut comprendre avec toutes ses connaissances et toutes ses études. L'inspiration est ce qu'il y a de plus objectif de tout ce qui existe : la représentation absolument valable de la vérité absolument valable du Seigneur, de son enseignement en paroles et en actes. Et ceci par l'Esprit Saint qui fait voir partout le plus qui y est inclus et qui n'aurait pas été saisissable d'une manière purement humaine (NB 6,454-456).

 

479. Chercher le Seigneur dans l’évangile

Nous devons chercher le Seigneur. Et pour le chercher d'une manière vivante aujourd'hui, nous avons l'évangile (NB 4,407).


 

480. Les évangélistes n’ont jamais saisi la parole du Seigneur dans toute sa plénitude

Naturellement les évangélistes n'ont jamais saisi la parole du Seigneur avec la plénitude qu'il y a mise parce que, en tant que parole divine, elle était toujours plus grande que toute compréhension. Par conséquent ils ont en quelque sorte utilisé le même terme pour des contenus différents, compris des choses différentes pour le même terme, et ces contenus étaient à chaque fois un résultat aussi bien de leur foi que de la vérité offerte par le Seigneur. Mais la foi aussi provient de Dieu, et ainsi les deux étaient justes dans l'unité (NB 1/2, 294).

 

481. Prier comme le Fils avec le Notre Père

Saint Barnabé : Le Notre Père que le Fils a donné au monde est quelque chose qui lui tient à cœur: pouvoir prier comme le Fils lui-même a prié et pour que la volonté du Père soit faite sur la terre (NB 1/1, 37).

 

482. Rien de plus grand ne peut être pensé que ce que le Notre Père contient

Élisabeth de Thuringe. Un jour, pendant qu'elle prie le Notre Père, elle découvre que les demandes qu’il contient sont au fond des exigences énormes. Que rien de plus grand ne peut être pensé que ce que le Notre Père contient. Elle le voit subitement. Au même instant, il devient clair pour elle que si le Seigneur nous a offert cette prière et nous a ordonné: "Priez donc!", il a reconnu là les exigences du Père depuis toujours et il les a prises tellement au sérieux qu'il est devenu homme pour les remplir. Et que la croix n'est rien d'autre que la réponse du Fils à la question du Père: "Comment ma volonté doit-elle se faire sur terre? Comment mon monde doit-il être sauvé?" Le Fils aurait pu peut-être aussi repousser cette question en deuxième position, il aurait pu s'offrir de petites facilités pour la rédemption, ou il aurait pu rester dans le ciel auprès du Père et sauver le monde d'une manière plus aisée. Mais il a voulu faire le maximum; le plus difficile fut pour lui juste suffisant pour accomplir la volonté du Père (NB 1/1, 87).

 

483. Enseigne-nous de manière nouvelle la prière de ton Fils

Prière de saint Grégoire le Grand : Enseigne par moi à toute ton Église à mettre toujours plus sa confiance en toi. Enseigne-nous d'une manière toute nouvelle le Notre Père, la prière de ton Fils, de sorte que nous nous sentions bien en sécurité auprès de toi dans la prière de ton Fils et que nous essayions de faire avec plus de vigueur et plus d'honnêteté tout ce que tu attends de nous. Voilà ce que je te demande, Père, au nom de ton Fils, au nom de ton Esprit, au nom de la Vierge bienheureuse, au nom de tous tes saints et de tous ceux qui ont mis en toi leur pleine confiance (NB 1/1, 420-421).

 

484. Le Notre Père et la croix

La prière du Fils, le Notre Père, ne contient aucune mention de la croix. Car quand le Fils adore le Père, il ne peut pas mettre la croix au centre (NB 4,32).

 

485. Le Notre Père : relation du Fils au Père

Le Notre Père, c'est la relation au Père; c'est à lui seul partout qu'on adresse la parole. Mais c'est une prière chrétienne parce qu'elle exprime la relation du Fils au Père. Et il en est ainsi en toute prière chrétienne. Je peux aimer la dévotion au cœur de Jésus, mais derrière, il y a le Père, il y a l'Esprit. Et sans doute sommes-nous libres dans l’Église de cultiver les dévotions auxquelles nous tenons, mais elles doivent toutes contenir l'Esprit du Fils (NB 4,236).

 

486. Le Notre Père : don du Seigneur

Le Notre Père est un don du Seigneur pour tous les jours, qui ne peut jamais non plus être épuisé même par l'homme le plus religieux, et qui est capable de le tenir constamment éveillé (NB 5,30).

 

487. Notre Père : prier avec les mots que le Fils nous a donnés (NB 5,252).

 

488. Le Fils apprend aux siens le Notre Père

Le Fils apprend aux siens le Notre Père et il y range les unes après les autres les vérités de la foi - Dieu est au ciel, son royaume doit venir, etc. - avec des mots qu'il peut dire lui-même au Père en étant ici-bas et qui a priori ne supposent pas la vision : elles concernent la foi et son attente toute confiante. Il fait sienne cette attente de la foi qu'on peut appeler espérance parce que Dieu a offert aux hommes la foi, l'espérance et l'amour. Lui-même a l'amour et la vision telles qu'elles sont faites l'une pour l'autre dans le va-et-vient ou l'état céleste, mais il ne veut pas en vivre seul, il veut, comme homme parmi les hommes, réaliser avec eux l'unité de la foi, de l'espérance et de l'amour. Mais comme déjà la foi humaine a une relation à un amour qui la dépasse, de même la "foi" du Christ a une relation à cet amour suréminent qui pour lui ne fait qu'un avec sa vision du Père et qu'il possède en tant que Dieu depuis toujours, à la différence de l'amour humain. La vision et l'amour toujours plus grand, on pourrait les considérer comme des "toits" qui se trouveraient au-dessus de la maison de la foi et de la maison de l'amour, et qui seraient réunis par le passage de l'espérance. Ces toits recouvrant la foi et l'amour sont des toits protecteurs en quelque sorte, pour que le Père puisse laisser faire le Fils sans se faire de souci. Humainement parlant, le Père presse le Fils d'accepter ce bien plus grand de la vision et de l'amour toujours plus grand pour que rien ne rappelle la catastrophe du premier Adam, mais que ce bien plus grand soit quelque chose qui va de soi pour le Fils ici-bas aussi bien que pour le Fils dans le ciel (NB 6,188-189).

 

489. Dire le Notre Père avec Marie

Prière d’Adrienne à 17 ans : « Notre Père qui êtes aux cieux, voici Noël, vous allez nous donner votre enfant Jésus. Et vous permettez que ce soit sa Mère qui nous le donne. A tous, à ceux qui croient et à ceux qui ne croient pas, et aussi à nous dont la foi n'est pas celle que tu attends de tes enfants. Mon Dieu, je sais que personne jamais n'a cru en toi comme ton Fils et qu'il vient pour nous donner sa foi. Mon Dieu, permets-moi de m'agenouiller à côté de la Vierge et de prier avec elle afin que ton Fils accomplisse tout ce que tu attends de lui et que sa naissance apporte la foi et le salut à tous ceux que tu veux sauver par lui. Laissez-moi prier à côté de la sainte Vierge et laisse-moi dire trois fois avec elle le Notre Père que ton Fils nous a appris à dire » (NB 7,95-96).

 

490. Marie prie le Notre Père

Marie ne cesse de prier ce que le Fils lui a appris. Elle dit le Notre Père que le Fils a donné à ses disciples et aussi à elle-même. Elle le prie également à partir de la vision propre du Père qu’il avait, c’est-à-dire à partir de ce qu’elle a perçu auprès de lui, de ce que son amour maternel a compris de sa manière d’être devant le Père. Le fait qu’elle sait qu’il voit le Père féconde sa prière à elle, enrichit sa contemplation. Le fait qu’elle sait devient en elle de l’amour et par cet amour elle se tient devant Dieu le Père de la même manière que le Fils, comprenant que toute sa vie est en sûreté en lui, que la vie qu’elle a donnée au Fils provient du Père et aussi que le Fils retourne à lui et que le Fils ne s’est pas servi d’elle uniquement au temps de sa grossesse ; elle l’accompagne d’une manière contemplative pour son retour au Père (NB 9, n. 1949).

 

491. Le tribunal du Christ

Le Christ est le fondement posé par Dieu lui-même en un lieu donné de manière définitive; nous devons nous en sortir avec ce fondement qui est ici et pas ailleurs; c'est suivant ce fondement que nous devons concevoir notre construction, notre vie personnelle, et il n'y a de vie véritable que si elle s'accorde avec le fondement. Ainsi le Christ, en tant que fondement, est juge des vivants et des morts; et, en construisant, nous remettons à son jugement notre vie et notre mort. Dans tout ce que nous construisons (durant notre vie), il y a une relation au fondement et il faut s'expliquer avec lui; tout ce que nous construisons aboutit à son tribunal. Il n'est aucun instant qui n'ait ce jugement à l'arrière-plan de même qu'il n'en est aucun qui n'ait à l'arrière-plan la mort (NB 6,319-320).

 

492. Toute œuvre devra passer par l’épreuve du feu

Ce sont les matériaux avec lesquels nous construisons - du solide ou du fragile - qui indiquent si nous construisons selon le Seigneur ou non. Ce n'est pas notre appréciation des matériaux qui est décisif, c'est notre obéissance au fondement. Vivre veut dire être un bâtisseur, mourir veut dire cesser de bâtir et, en tant que bâtisseurs, nous ne savons jamais quand notre construction est terminée. Si en construisant nous tenons compte du fondement, la construction peut être arrêtée à toute heure; ce n'est pas la quantité des constructions qui est décisive mais l'attitude du bâtisseur, et c'est cette attitude qui sera soumise à l'épreuve par le feu du Seigneur. Toute œuvre, qu'elle soit bonne ou mauvaise, doit passer par l'épreuve du feu, elle doit être testée face à l'amour objectif du Seigneur, qui est aussi objectif que sa caractéristique d'être le fondement. Au début et à la fin de notre œuvre se trouve la même objectivité, et nous ne pouvons y échapper ni ici ni là. Que le feu arrive, nous le savons aussi sûrement que le Seigneur est venu. Se préparer au feu qui arrive veut dire se conformer au fondement qui a été posé. Si je me conforme au Seigneur, le Seigneur n'a pas besoin de me redresser. Le jugement du feu qui vient portera surtout sur l'objectivité de l'amour du Seigneur comme fondement de ma construction Je ne suis donc pas examiné par le feu sans posséder le fondement du Christ, ce fondement est donné comme un contrepoids au feu. Cela veut dire pour moi qu'en construisant je dois me tenir à l'amour du Seigneur, je dois donc juger les œuvres selon la grâce et non l'inverse. C'est pourquoi aussi, en passant dans le feu de son jugement, il m'est permis de regarder l'amour (NB 6,320-321).

 

493. Quand le Seigneur juge, il reste le Sauveur

C'est la Parole même que nous avons entendue ici-bas qui nous jugera, mais dotée désormais des propriétés du Père dans son repos. Dans son itinéraire qui part du Père et revient au Père, la Parole était multiple et changeante : enfant et adulte, elle souffrait et ressuscitait, elle s'offrait dans l'eucharistie; après son retour au Père, la Parole a part à nouveau à l'immutabilité du Père : elle devient mesure immuable du jugement. Le Fils accueilli dans le sein de la vie trinitaire, de même nature que le Père depuis toujours, peut aussi demeurer dans le Père de telle sorte qu'il prend sur lui les propriétés et les fonctions du Père comme Créateur pour juger ses créatures. Au ciel, l'homme est jugé d'après ce qu'il a fait de la parole qu'il a entendue ici-bas. Le Fils est cette Parole qui a été ici-bas, elle est maintenant dite par le Père. Autrefois aussi, quand il était soumis au changement de son être, il était la Parole et l'expression du Père, il ne disait et ne faisait que ce que le Père lui disait et lui montrait à faire; et ainsi maintenant, dans le repos du Père, quand il dit sa parole, il peut la dire comme sa propre parole. Si ici-bas il était Parole du Père comme amour du Père pour les hommes, il peut maintenant au ciel exprimer l'amour du Fils comme jugement du Père. Dans l'infini de l'être de Dieu, les concepts semblent tellement poussés au-delà des limites de leur finitude que l'amour et la justice, la rédemption et le jugement se recouvrent. Ils se rencontrent de telle sorte que l'un est devenu la forme de l'autre. Quand il sauve, le Seigneur parle de jugement, quand il juge il reste le Sauveur. On voit ceci à la fin du texte de saint Jean : la parole que le Père lui a inspirée, il l'a annoncée, et cette parole et ce commandement du Père s'appellent vie éternelle (NB 6,328).

 

494. Le Seigneur est non seulement mon modèle mais aussi mon juge (NB 1/2, 289).

 

495. Les deux paroles du juge

Chaque pécheur devra entendre les deux paroles du Seigneur : "Allez au feu éternel", et "Venez, vous les bénis de mon Père" (NB 6,332-333).

 

                  137 Les miracles

 

496. Soit charlatanerie, soit le Seigneur

Là où quelque chose apparaît comme magique, c’est soit une charlatanerie, soit le Seigneur (NB 4,81).

 

497. Les miracles du Fils et le Père

Le Fils n'opère pas de miracles comme bon lui semble, mais toujours en obéissant au Père dans l'Esprit Saint (NB 5,226).

 

498. Les miracles du Fils sont liés à la volonté du Père

Les miracles divins ne sont limités ni à un lieu, ni à une époque. Mais le Dieu incarné lie ses miracles à sa présence humaine. Les miracles du Père, le Fils les laisse se produire par lui. Tant que le Fils est ici-bas, le Père n'opérera de miracles nulle part ailleurs que là où se trouve le Fils. C'est nouveau. Dans l'ancienne Alliance les miracles se produisaient n'importe où dans le pays des Juifs; ils n'étaient liés qu'à la foi en Dieu. Maintenant ils ne proviennent que du Messie qui est issu de ce peuple. Ceux qui doutent, ceux qui cherchent, ne peuvent les attendre que là où est le Fils. Mais le Fils aussi est dans la foi : c'est en son nom que les apôtres opèrent des guérisons et chassent les esprits mauvais. De sorte que cela va déjà plus loin que la présence physique du Seigneur. Le premier miracle qu'il opère - à titre d'essai pour ainsi dire -, il l'opère par amour pour sa Mère : lors de sa rencontre avec Élisabeth. Là on ne peut guère dire qui opère le miracle. Dieu, naturellement, mais est-ce Dieu dans la Mère comme signe de la vérité du Fils, ou Dieu dans le Fils pour sa Mère? Ce premier miracle remplit déjà deux conditions essentielles des futurs miracles du Fils : la présence physique du Fils et la foi de sa Mère en lui; c'est pourquoi c'est peut être un miracle de sa présence aussi bien qu'un miracle de la foi de Marie. Mais aucun miracle ne se produira plus en Israël dans la mesure où il passe dans la nouvelle Alliance sans croire. Les deux interprétations du miracle lors de la rencontre des femmes portent la marque des temps nouveaux : le lien au Fils. Personne n'est choisi pour opérer des miracles en croyant au Père mais sans croire au Fils. Le Fils, qui connaît le lien des miracles à son incarnation, laisse au Père le soin d'opérer ses miracles. A vrai dire, le Père les limite là où le Fils vit : physiquement ou bien dans la foi des disciples; mais, pour opérer des miracles, le Fils se lie totalement à la volonté du Père. Il les opère dans sa mission, et sa mission le limite dans l'espace et dans le temps. Par exemple, il ne donnera pas miraculeusement du pain à un peuple qui a faim et qui est loin de lui, il en donnera à des hommes pour qui il est visiblement présent. Pour le moment, les apôtres aussi sont liés à lui. Par la foi, mais aussi par les limites de leur vie commune elle-même. Quand ils sont envoyés, ils ne s'éloignent pas de lui plus que d'une journée de voyage. Pour opérer des miracles, la seule question qui se pose pour le Fils, c'est uniquement celle de la volonté du Père. Non sa propre volonté en tant que Dieu. Cette volonté divine qui est la sienne, il n'en est pas question maintenant; en tant qu'homme il veut vivre directement de la volonté du Père. Comme si un amoureux, pour l'amour de sa bien-aimée, voulait renoncer à ses goûts personnels pour considérer et apprécier toutes choses avec les yeux de la bien-aimée. De même, le Fils ne tient pas compte maintenant de ses propres possibilités divines, il se règle en tant qu'homme uniquement sur la volonté du Père, une possibilité qu'il n'avait pas auparavant. Le Fils évite soigneusement d'opérer un miracle pour se sauver lui-même. En abandonnant les miracles à la puissance du Père ou en se servant de la puissance miraculeuse du Père pour opérer des miracles qui font partie de sa mission, le Fils s'exclut lui-même afin qu'on ne tienne pas compte de lui en tant qu'homme. Par ailleurs, il n'opère pas non plus de miracle pour lequel on pourrait se demander : est-ce réellement un miracle ou n'est-ce qu'un heureux concours de circonstances? S'il voulait opérer un miracle par sa propre puissance (ce dont il est capable, bien sûr), il recourrait en tant qu'homme à sa divinité; mais bien qu'il reste Dieu tout en étant homme, il veut maintenant déposer auprès du Père ses puissances divines. Sinon il serait une espèce "d'homme-miracle", un surhomme (NB 6,225-227).

 

499. Les miracles du Seigneur témoignent de sa divinité

Quand le Seigneur opérait des miracles, il témoignait de sa divinité. Et quand le Seigneur témoigne de sa divinité, il pense que nous devrions répondre avec la foi, avec le don de soi (NB 4,212).

 

500. Les miracles éclairent sa divinité

Les miracles du Seigneur témoignent pour lui; ils sont comme des lumières qui éclairent sa divinité et la font sortir de l'ombre pour les hommes (NB 6,95).

 

501. Les miracles du Christ et sa vie ordinaire

Le Christ, après son expérience dans le temple à l'âge de douze ans ou après avoir opéré un miracle ou après une prière la nuit auprès du Père, est toujours revenu sur la voie ordinaire qu'il devait suivre ici-bas en tant qu'homme pour accomplir, dans l'obéissance au Père, les prophéties de l'ancienne Alliance (NB 5,77).

 

502. « Une force est sortie de lui »

"Une force est sortie de lui" : il a donc donné quelque chose de lui, dont il ressent après coup le manque. Il pose la question : "Qui m'a touché ?" Il connaît certes la femme qui l'a touché. Mais il la fait connaître. Il la livre au-delà des limites de la discrétion : tous, depuis deux mille ans, savent maintenant que cette femme souffrait d'écoulement de sang. Elle a touché le Seigneur sans se faire remarquer, dans un acte de confiance. Et le Seigneur ensuite la fait connaître, guérie, façonnée, pour la donner en exemple (NB 12,94).

 

503. Une force sortait de lui

Pour chaque miracle que le Seigneur a opéré, "une force sortait de lui" ; celui qui était le bénéficiaire du miracle sentait cette force (NB 11,441).

 

504. La multiplication des pains

En multipliant les pains et en nourrissant toute la foule qui l'écoutait, le Christ attire l'attention sur l'unité du corporel et du spirituel que Dieu le Père a offert à l'homme. Il montre que cette unité est toujours valable : pendant que l'homme est nourri par la parole spirituelle du Fils, il faut aussi qu'on prenne soin de son corps. Dans le miracle des pains, on peut voir une action sociale du Seigneur, car ce miracle comprend tous les auditeurs et il tient compte de leurs besoins. Il prend soin de celui qui est resté si longtemps à écouter sa parole qu'il est maintenant fatigué et a besoin d'un casse-croûte, c'est le même souci que lorsqu'il révèle sa vérité (NB 6,498).

 

505. La marche sur les eaux

Les disciples sont au milieu de leur mission, ils vont là où le Seigneur les a envoyés. Leur parcours ressemble à beaucoup de parcours sur mission du Seigneur. Il leur manque un dernier abandon, comme si la vie présente ne pouvait pas s'incliner pour le moment devant la vie de l'au-delà, comme si la nature devait résister à la surnature, comme si elle ne voulait pas renoncer à ce qui se trouve en son propre pouvoir pour faciliter la mission du Seigneur. Le trajet devient dangereux; les disciples voient alors le Seigneur non comme l'aide qui leur est familier, ils le voient comme celui qu'il n'est pas : comme un fantôme. Leur foi n'est pas assez forte pour qu'ils se rendent compte de la réalité de ce qu'ils voient. Ils voient autre chose que ce qu'ils ont en réalité sous les yeux. Comme si leur nature avec leurs sens devaient les aider à se défendre contre la surnature. Ce n'est pas leur foi qui voit le Seigneur, ce n'est pas leur amour qui le perçoit, c'est leur imagination angoissée qui le défigure et en fait quelque chose qui leur est étranger. Il est certes exactement celui qu'ils connaissent; mais il se sert de sa puissance divine pour marcher sur les vagues; sa personnalité naturelle qu'ils connaissent fait quelque chose de surnaturel, elle brise leur résistance et se révèle à eux. La vision des disciples offre des points de comparaison avec la connaissance de ceux qui ont une vision. Le Seigneur se révèle à eux tel qu'il est : celui qui marche sur les vagues. Puis l'histoire continue. Pierre quitte la barque pour aller vers le Seigneur. Grâce à une foi qui vient d'être confortée et qui le rend capable de marcher sur les vagues. Puis il a peur et il commence à s'enfoncer; le Seigneur le sauve et il lui explique alors le sens de tout ce qui s'est passé. Pierre n'est pas sauvé à l'intérieur de la sécurité de la barque qui est construite pour résister aux vagues, il est sauvé par la main du Seigneur. Mais cette main n'a d'autre soutien que sa propre force divine. L'expérience de sombrer, de succomber, est nécessaire pour que le Seigneur révèle à Pierre son ultime relation en l'empêchant, par sa propre main, d'aller à sa perte. La foi personnelle de Pierre l'abandonne parce que l'expérience des forces qui l'assaillent le dépasse. Dans un si grand danger, sa foi n'a pas le poids ni la force nécessaires pour aller jusqu'au bout de son acte de confiance du début. Quand il n'en peut plus, le Seigneur le prend en charge. Pour les autres disciples, il suffit qu'ils reconnaissent le Seigneur non simplement comme un homme, mais comme celui qui a à sa disposition des forces divines. Puis le Seigneur et Pierre remontent dans la barque. Que les deux soient maintenant à nouveau dans la barque est pour ainsi dire le sceau de ce qui s'est passé entre Pierre et Jésus. Quand finalement tous se prosternent devant le Seigneur et l'adorent, ils sont tous convertis et renouvelés; leur foi à tous a un caractère ecclésial plus profond et leur foi personnelle a été renforcée. C'est avec une connaissance accrue qu'ils perçoivent le Seigneur. Le Seigneur qui est auprès d'eux et devant qui ils s'inclinent est plus grand que celui qu'ils avaient perçu lors de la multiplication des pains. Le nouveau miracle est un miracle auquel ils ont participé de manière plus intime. Ce n'est pas un miracle qui nourrit et fortifie l'homme naturel pour qu'il puisse continuer à écouter la parole de Dieu; maintenant c'est leur faim religieuse de la vérité qui a été augmentée en même temps qu'apaisée. Leur bonheur dans la foi, qui leur est donné, est d'autant plus grand qu'une véritable angoisse l'avait précédé (NB 5,77-80).

 

506. Saint Pierre qui voit les miracles du Seigneur

Saint Pierre voit tous les miracles du Seigneur et il se sent dépassé de toutes parts. Mais il a cependant toujours le sentiment que de lui, Pierre, on ne peut attendre plus que le fait qu’il se tienne auprès du Seigneur dans le respect et l'amour, et de l'aider un peu. Lors du miracle des cent cinquante-trois poissons, il comprend très bien qu'il est visé personnellement, que la croix n'a pas eu seulement pour effet de sanctifier le groupe des apôtres dans son ensemble, d'en faire des hommes qui suivent le Christ, mais que lui-même doit commencer à le suivre d'une manière toute personnelle et que désormais aucune défaillance ne lui est plus permise. Quand plus tard il voit venir sa propre mort (il sait maintenant qu'il sera crucifié), il comprend alors non seulement qu'il peut servir le Seigneur par son martyre mais qu'il peut aussi expier par là toute sa fausse angoisse d'autrefois (NB 1/1, 321-322).

 

507. C’est parce que nous sommes pécheurs que nous avons besoin de miracles

Le Fils n'est pas en croissance, il est ce qu’il est. S'il opérait lui-même ses propres miracles, son être serait à ces moments-là pour ainsi dire mi-homme et mi-Dieu. Sur le Thabor, il serait plus Dieu qu'homme, sur la croix plus homme que Dieu. C'est cette apparence qu'il veut éviter. Une fois pour toutes, il est qui il est : le Fils du Père, il est devenu homme et, par son être, il renvoie à l'amour du Père. Le miracle majeur qu'il nous apporte est celui de l'amour et de la foi : par sa venue, l'amour et la foi peuvent devenir des miracles manifestes pour la rencontre de l'homme avec le ciel. Ses miracles matériels ne sont ainsi que des coups d’œil rapides dans le ciel, peut-être pour que nous puissions voir quelque chose plus facilement. Ou bien aussi pour que ceux qui viendront après, ceux qui cherchent, ceux qui doutent, ne cessent d'être confrontés à l'absolu de Dieu. Si nous étions comme la Mère, la rencontre avec le Fils nous suffirait totalement, comme pour elle a suffi sa rencontre avec l'ange. Ce n'est que parce que nous sommes pécheurs que nous avons besoin de preuves si manifestes (NB 6,227).

 

5. Le Fils dans l’histoire
 

Plan :    138 La révélation de Dieu : de l’Ancien Testament au Nouveau - 139 Le Père et l’œuvre du Fils – 140 Le Fils, centre de la vision chrétienne – 141 La personnalité du Fils - 142 Les relations du Fils au Père


 

               138 La révélation de Dieu : de l’Ancien Testament au Nouveau

 

508. Révélation aux prophètes

Dieu a donné sa révélation aux anges, aux prophètes, finalement au Fils et quand celui-ci a accompli sa mission terrestre il transmet à l’Église sa parole vivante. Avant le Christ, Dieu a parlé verticalement du ciel, pour la dernière fois à la Mère du Seigneur à Nazareth. Puis vint le Fils et il apporta l’horizontale, et celle-ci continue à vivre dans l’Église. Celle-ci prend dans l’histoire la parole du Seigneur, mais dans l’unité avec l’Esprit qui descend sur elle verticalement, si elle lui demeure ouverte (NB 9, n. 1788).

 

509. L’Ancien Testament et la venue du Fils

L'ange qui vient à Marie lui apporte un message unique. Ce message vient de Dieu et il est une grâce qui provient de l'éternité. Mais il est aussi la récapitulation de toutes les promesses de Dieu dans l'ancienne Alliance, promesses qui concernent la Mère et la venue du Fils. Les prophètes étaient des hommes qui se distinguaient par leur foi, une foi dans laquelle ils pouvaient recevoir les prophéties. Cette réception était une grâce de Dieu qui pouvait prendre effet en eux parce qu'ils vivaient dans la foi par la grâce. Mais les prophètes étaient des hommes. Des hommes de l'ancienne Alliance, dotés de la grâce, avec leur caractère et leur personnalité, et ainsi le message qu'ils avaient à transmettre devait avoir aussi quelque chose de leur caractère personnel. Ce facteur personnel n'obscurcissait pas, ni ne déformait le message, Dieu se servait de ce facteur pour se faire comprendre aux hommes par des hommes. Mais quand l'ange apparaît à Marie et que la récapitulation de tous les messages et de toutes les prophéties précédents est contenue dans son message divin, il y a aussi en elle la foi des prophètes et tout ce que ceux-ci, avec leur foi, avaient mis de personnel dans la transmission du message. La somme des missions accomplies. C'est en s'engageant eux-mêmes que les prophètes avaient annoncé aux hommes la Parole de Dieu, mais parce qu'ils le faisaient dans l'obéissance, ils n'ont cessé aussi de restituer et de soumettre la Parole à Dieu et aux anges qui étaient témoins qu'ils avaient saisis et transmis correctement la Parole. Quand Marie reçoit le message récapitulé et la parole de Dieu tout entière, sa réception contient toutes les réceptions de tous les messages de l'ancienne Alliance. Dans la parole de l'ange elle discerne le mot de passe de l'ancienne Alliance. Dans la parole qui lui est adressée elle entend la parole qui a été adressée à Abraham et à tous ses descendants. Dans son message, l'ange doit pour ainsi dire tenir compte de deux choses : que Marie est là, apte à recevoir et prête à recevoir, mais aussi que la somme des prophéties, telle que Dieu l'avait prévue, est atteinte, cette somme qui est présupposée afin que la prédiction puisse être donnée à Marie. Comme un embryon qui devrait être conçu en temps voulu si la naissance doit arriver ce jour. C'est pourquoi l'Esprit Saint a pu arrêter aussi sa date parce que les prophètes ont rempli correctement leurs missions. C'est par la foi des hommes que la plénitude des temps est conditionnée bien que Dieu, dans sa liberté et dans sa pure grâce, l'ait arrêtée de toute éternité. Mais il ne le fait pas sans tenir compte de tous ceux qui, durant le temps de la promesse, devaient croire et obéir. Justement parce qu'il s'agissait d'une incarnation de Dieu, Dieu voulait inclure dès le début la foi humaine dans l'œuvre de rédemption du Fils; par-dessus tout la foi de sa Mère, mais une foi qui incluait clairement aussi dans son oui le oui à l'Esprit Saint de tous les prophètes de l'ancienne Alliance, récapitulé par l'ange qui interroge Marie. Sa question inclut par là une certaine pluralité, la question plus que la réponse : dans la question de l'ange il y a, du point de vue du ciel, la question de la Trinité à Marie et, d'un point de vue terrestre et messianique, il y a la question que les prophètes lui posent. Le prophète a répondu à Dieu en donnant son oui à la prophétie. Il en sera ainsi : une jeune fille enfantera. Pour lui, c'est une certitude. Mais ce n'est pas encore réalisé. L'ange se présente ainsi à Marie alors que l'événement ne s'est pas encore produit, et sa parole est une question et une requête. Et dans les prophètes, c'est toute l'humanité non sauvée qui se manifeste, son cri vers la rédemption. Et ainsi Marie dit oui pour tous. Elle donne son accomplissement à la grâce suspendue de la prophétie. Oui, elle enfantera le Fils qui accomplira toute prophétie, et son oui est si extensif que rien de ce qui se trouvait dans les prophéties ne sera inaccompli à cause d'elle. C'est justement pour ce oui de Marie que l'Esprit lançait les prophéties et pour ce oui que les prophètes osaient leur mission. Son oui fut présumé par Dieu et par les hommes, et ainsi la foi avant elle n'aurait pas été possible sans elle. Toutes les grâces des prophètes ne furent possibles que dans la grâce qu'elle reçoit. L'ange rassemble toutes les grâces des prophètes pour les lui apporter et les faire éclore par elle. Elle est le point nodal vers lequel toutes les grâces convergent. Pour les prophètes, on voit clairement qu'ils sont dépendants de la grâce de Marie. Mais les prophètes représentent ici tous les hommes qui ont reçu le Seigneur dans la foi, ils sont finalement une parabole du Christ qui naît dans l'Esprit par Marie (NB 1/2, 164-165).

 

510. L’Ancien Testament et le Seigneur

Avant les évangiles, nous ne connaissions le Seigneur que par les prophéties. Après son Ascension, il se fait connaître à nouveau par une série de prophéties, justement dans l’Apocalypse. On n’aurait pas à supprimer beaucoup de choses dans ce livre pour en faire un livre vétéro-testamentaire. Toujours est-il que le Seigneur paraît, parle et se manifeste au voyant de l’Apocalypse comme le même que celui qui a vécu sur terre. Mais aussi comme celui qui a été annoncé dans les prophéties de l’ancienne alliance (NB 9, n. 1340).

 

511. L’Ancien Testament en vue du Fils

Quand Dieu crée les missions des prophètes, il regarde le Fils. Le destin du Fils jusqu'à la croix lui est alors présent par avance. L'envoi en mission des prophètes par le Père est comme un aspect de sa présence auprès du Fils durant sa vie terrestre (NB 10, n. 2144).

 

512. Le Fils homme connaît l’Ancien Testament

En tant qu'homme, le Fils savait que le Père avait aimé et formé les prophètes avant lui, et il avait aussi le souhait d'être formé et utilisé par le Père à la manière des prophètes. Le Fils remonte jusqu'à Abraham, jusqu'à Adam et il n'oublie pas les degrés intermédiaires. Il voudrait être pour le Père toute beauté et pureté (NB 10, n. 2058).

 

513. Le Fils connaît promesses de l’ancienne Alliance

Les promesses de l'ancienne Alliance, le Fils les connaît, y compris ce qu'elles annoncent à l'avance de sa vie, de ses souffrances et de sa mort (NB 11,257).

 

514. Le Christ, accomplissement de l’ancienne Alliance

Si la mystique de l’ancienne Alliance, sous toutes ses formes, est en marche vers l'apparition du Seigneur dans la chair, cette mystique s'interrompt avec l'arrivée du Seigneur qui la réalise ; il donne d'abord aux visions des prophètes et à leurs rencontres avec Dieu une forme terrestre en étant là maintenant : Dieu avec nous. Et c'est à cela que les croyants reconnaissent l'accomplissement : il est lui-même l'accomplissement. Il accomplit soigneusement tout ce qui fut dit de lui à l'avance. Ceux qui le rencontrent ne voient pas seulement en lui Dieu incarné qui, descendant du ciel, est entré en communion avec les hommes, ils voient également en lui l'accomplissement de toutes les paroles historiques de l'ancienne Alliance, la Parole du Père devenue vivante pour eux. Ainsi toute parole dite par le Christ a un visage et une forme ; elle n'est pas destinée à être livrée à n'importe quel développement par ce qui viendra plus tard, elle reste cette parole incarnée. C'est pourquoi, même exprimée, elle ne fait toujours qu'un avec le Seigneur et elle doit toujours revenir à lui pour rester vraie. Elle doit donc suivre un chemin qui est semblable au chemin du Fils qui sort du Père et retourne à lui. Et pourtant la parole suit un très long chemin, elle décrit un grand cercle parce que celui-ci inclut toute la doctrine chrétienne, l’Église à venir, tous les temps futurs et, en même temps, elle n'oublie ni la création ni l'ancienne Alliance qui sont maintenant accomplies (NB 5,134).

 

515. Le Seigneur et l’ancienne Alliance

Le Seigneur s'est laissé bénir par Siméon, il a assumé cet usage de l'ancienne Alliance (NB 11,398).

 

516. LAncien Testament projetait à l’avance une lumière sur le Christ

Du Christ retombe une lumière non seulement sur l'ancienne Alliance qui, avec chaque prophétie, projetait une lumière à l'avance, mais aussi sur la création (NB 12,155).

 

517. Ancien Testament : toutes les tentatives de Dieu pour aplanir les chemins de son Fils

Jean-Baptiste recueille toute la tradition d'Israël, toute la préhistoire de la foi, toutes les tentatives faites par Dieu pour aplanir les chemins de son Fils: tout cela, il le remet au Seigneur. Jean ne rachète pas le monde. Mais, comme l'ange l'annonce, il doit conduire au Seigneur un peuple préparé (NB 1/2, 34).

 

518. Le Christ et l’Ancien Testament

Pseudo-Denys l'aréopagite : Le Christ est l'accomplissement d'un événement précis ou d'une prophétie de l'Ancien Testament (NB 1/1, 59).

 

519. Le Christ reprend toute la substance de l’Ancien Testament

Le Christ reprend tout la substance de l’Ancien Testament et en fait le Nouveau Testament. Les visions de l’Apocalypse, qui répondent aux visions de Daniel, sont une manière de sceller cette transmission, comme également tout saint Jean répond à Daniel et le Nouveau Testament à l’Ancien, comme la foi néotestamentaire répond à la foi vétérotestamentaire, comme l’amour du Fils dans le Nouveau Testament répond à l’amour du Père dans l’Ancien (NB 1/2, 31).

 

520. Les miracles de l’Ancien Testament : des préparations pour la venue du Fils

Les miracles de l'ancienne Alliance étaient quelque chose de tout autre que ceux de la nouvelle. C'était des miracles qui étaient opérés dans le cadre de la promesse. La promesse faisait pour ainsi dire des emprunts à l'accomplissement. Les miracles faisaient partie des préparations faites par le Père pour la venue de son Fils. Il fallait que quelques humains aient fait par avance les œuvres de Dieu afin que le Fils, également de ce point de vue, trouve à son arrivée non seulement des pécheurs à sauver mais aussi des frères, des gens impliqués. Quand arrive le Fils, il ne peut jamais manquer de collaborateurs. Dans l'ancienne Alliance, il n'est pas dit que Dieu trouve des justes ici-bas quand il en cherche ; dans la nouvelle Alliance, il en trouvera toujours (NB 5,225-226).

 

521. Dans l’Ancien Testament, le Père est au premier plan – Dans le Nouveau, c’est le Fils

La mission apostolique des chrétiens en général provient certainement de la Trinité tout entière. Mais, dans l'ancienne Alliance, le Père se trouvait au premier plan tandis que le Fils et l'Esprit se trouvaient pour ainsi dire derrière lui; dans la nouvelle Alliance, au premier plan se trouve le Fils qui a la vaste mission de la rédemption et qui lance de nouvelles missions dans le domaine des siens. Mais il envoie de telle manière que le Père - en réponse à l'envoi du chrétien par le Fils - envoie l'Esprit Saint au chrétien et, par là, il confirme pour ainsi dire, en l'achevant, l'envoi filial (NB 6,395).

 

522. Vérifier d’après les Écritures si Jésus est réellement le Christ

Quand les Juifs du temps de saint Paul mesurent les paroles de Paul à l’Écriture pour décider si Jésus est réellement le Christ, et que la vérification se révèle possible, ils pourraient aussi de la même manière examiner les annonces de la Mère dans les prophéties pour donner à sa vie terrestre des fondements semblables. Mais tout autant et plus encore que les paroles de l’Écriture, ce sont les actes et la vie des femmes qu'on trouve dans l’Écriture qui annoncent Marie. Quand le Fils embrasse d'un coup d’œil l’Écriture et les temps de l'ancienne Alliance, il découvrira partout, et justement dans ce qui est voilé, dans ce qui n'est pas exprimé en paroles, cette venue de la Mère. Les pieuses femmes de l'ancienne Alliance ont vécu et éprouvé dans leur vie des choses que le Fils leur offrait pour vivre à l'avance en elles la joie qu'il aurait en sa Mère ou pour distribuer ses qualités à celles qui viendraient après (NB 1/2, 166-167).

 

523. Le Fils, accomplissement de la promesse

Par sa venue, le Seigneur est l’accomplissement de la promesse. Il ferme le cercle de la promesse. Mais son accomplissement consistait dans le fait qu'il a apporté dans le monde la vie divine trinitaire, donc beaucoup plus que ce que n'importe quelle promesse pouvait concevoir. Le Fils de Dieu a été promis, c'est la deuxième personne de la Trinité qui est venue (NB 4,28).

 

524. Dieu a fait de l'ancienne Alliance une promesse du Fils (NB 4,135).

 

525. L’Écriture et le Fils : chemin vers Dieu pour tous les humains

Par sa seule existence, l’Écriture est un mystère d'amour parce qu'elle est un moyen que Dieu prend pour se communiquer à nous et se rapprocher de nous. C'est justement du fait que l'inspiration ne soit pas terminée que Dieu est toujours occupé à nous racheter. L'essentiel est dit, et pourtant le dernier mot n'est pas livré. Tant que des hommes sont créés par le Père, l’Écriture reste un accès à lui. Elle doit être vivante pour chacun et elle contient pour chacun personnellement ce qui est important pour lui et pour son chemin vers Dieu. Et ce chemin se trouve toujours dans le Fils. Ce n'est pas seulement le chemin universel de la chrétienté qui est tracé dans l’Écriture, il est tenu compte de chacun en particulier, y compris de ceux qui ne sont pas encore nés. L’Écriture de la nouvelle Alliance est là pour montrer que l'Esprit est toujours vivant et que le Fils vit toujours en lui. Elle est un signe que le Fils continue à agir sur terre (NB 1/2, 241-242).

 

526. Comprendre la nouveauté du Fils grâce à l’Ancien Testament

La confiance qui est donnée à Dieu le Père dans l'ancienne Alliance facilitera, dans la nouvelle Alliance, la reconnaisance du Fils comme Messie étant donné que les croyants comprendront mieux ce qui est nouveau en se référant à l'ancienne Alliance (NB 5,52).

 

527. L’obéissance de l'ancienne alliance ne connaît pas l'humilité de Celui qui s'est incarné (NB 1/2, 113).

 

528. Sauver le pécheur dans l’ancienne alliance et dans la nouvelle 

Dans l'ancienne Alliance, on offrait un agneau innocent comme ce qu'il y avait de mieux pour sauver le pécheur non complètement endurci ; c'était une démonstration de bonne volonté. Dans le sang du Seigneur que nous offrons est accompli ce qui, chez Moïse, n'était que symbole (NB 4,53).

 

529. Pour passer de l’ancienne Alliance à la nouvelle : tout le châtiment du péché sur le Fils

Pour que l'ancienne alliance soit dépassée, il ne suffit pas que le Fils prêche sa doctrine de l'amour et qu'il la confirme aussi par différents actes, il doit voir venir sur lui, au bout de son chemin, toute la justice de Dieu, tout le châtiment du péché. Et il vit sa vie néotestamentaire en vue de cet accomplissement de l'ancienne Alliance (NB 11,258).

 

530. De l’Ancien Testament au Nouveau : des indices du mystère de Dieu

Pour nous approcher du Père dans la foi, nous devons partir de la parole de Dieu : parole de l'Ancien Testament qui parvient à son sommet dans le Fils. Et de même que nous devons considérer les paroles de l'Ancien Testament comme agrandies, dilatées, dépassées par le Fils, de même toutes les paroles humaines du Fils sont ouvertes sur l'infiniment plus grand de Dieu. Le Fils renvoie au Père. Nous avons les concepts humains de paternité et de filiation, mais nous ne pouvons les employer que comme des indices du mystère de Dieu. Le Fils lui-même désire cette application, il veut nous mettre sur le chemin du Père. Ses paroles (ses actes, ses miracles, sa passion, et sa résurrection, il faut les comprendre ici aussi comme des paroles) ont toute leur valeur en tant qu'orientées vers le Père. Si, en suivant ses paroles, nous empruntons le chemin qu'il est, nous sommes sur le bon chemin. Quand et comment nous atteindrons le but, et ce que nous allons rencontrer en cours de route nous demeure caché. Il ne sert à rien de poser des questions, chaque jour nous le montrera (NB 6,79).

 

531. L’Ancien Testament en route vers plénitude du Nouveau Testament

Nous ne devons certes pas représenter Dieu inconsidérément à l'image de l'homme. Mais le Fils est devenu homme afin que par ce qu'il a d'humain nous apprenions à mieux connaître Dieu. De plus la relation de l'Ancien Testament au Nouveau nous est donnée par laquelle nous sommes initiés à une connaissance toujours plus profonde de Dieu. L'image de Dieu en Israël était celle d'un Dieu unique; dans son passage au Nouveau Testament, cette image prend les traits beaucoup plus précis de Dieu Trinité. Bien des paroles des prophètes semblent en être restées à un niveau de compréhension de Dieu qui ne correspond plus à notre foi néotestamentaire et ne lui permet guère de s'enrichir parce qu'il leur manque le visage du Christ. Ce n'est que la foi néotestamentaire qui donnera à ces paroles leur plénitude. D'autres paroles de l'Ancien Testament sont déjà en route vers cette plénitude (NB 6,97).

 

532. Le mode de réalisation de nouvelle Alliance ne pouvait se prévoir à partir de l’ancienne

La grâce de la nouvelle Alliance dépasse fondamentalement toutes les attentes de l'ancienne Alliance, toutes les perspectives contenues dans les prophéties. Ce n'est qu'en regardant en arrière, en partant de la vie du Seigneur, que nous pouvons vérifier que quelque chose s'est accompli dans le prolongement d'une attente. Mais le mode de la réalisation, on ne pouvait absolument pas le prévoir à partir de l'ancienne Alliance (NB 6,453).

 

533. La connaissance de Dieu dans l’ancienne Alliance et dans la nouvelle

Dans l'ancienne Alliance, la connaissance de Dieu authentique et profonde était rare, isolée. Dans la nouvelle Alliance, ce n'est pas seulement le mystique qui voit Dieu dans le Fils incarné, c'est l’Église en tant que telle. Son savoir est sûr même si humainement elle peut encore beaucoup se tromper dans le détail. C'est pourquoi, dans la nouvelle Alliance, il peut y avoir des tensions très grandes entre le ministère ecclésial et la mystique, alors que dans l'ancienne Alliance aucun ministère ne pouvait "corriger" un mystique (NB 5,54).

 

534. Jean conclut les vision de l’Ancien Testament

Ce n'est pas par hasard qu'il fut donné à Isaïe, à Ézéchiel, à Daniel et à Jean de voir des tableaux semblables; le Seigneur a ouvert aux prophètes avant l'heure les trésors de sa vision, et plus tard à Jean, si bien que celui-ci, en ayant part à la vision du Seigneur, pouvait en même temps conclure les visions de l'ancienne Alliance. Mais ce n'est jamais la vision tout entière du Fils qui est ouverte, ce sont tout au plus des aspects qui peuvent s'en dévoiler à certains croyants pour soutenir la foi de l’Église selon que Dieu le juge bon (NB 5,69).

 

535. Les prophéties de l’Ancien Testament sont comme l’héritage que reçoit le Fils

Les prophéties de l'ancienne Alliance sont une sorte d'héritage qu'assume le Fils; le Père et l'Esprit le lui ont attribué et il doit le façonner lui-même. Nous, les humains, nous possédons de même un héritage à la fois inconnu et connu. Souvent, ce qui est transmis en héritage, c'est un privilège, des talents particuliers. Le Fils hérite de l'ancienne Alliance. Pour lui aussi il y a des choses qu'il ne connaît pas ou auxquelles il ne prête pas attention, auxquelles il se soumet simplement parce qu'elles lui appartiennent par la volonté du Père et parce que le Père les a préparées pour lui depuis toujours de manière discrète. Ce sont des prophéties qui ne sont pas formulées expressément pour ainsi dire. "S'il est possible que ce calice passe" : dans une parole comme celle-là, il y a beaucoup de choses qui viennent de loin et on ne peut pas remonter exactement jusqu'à leur origine. La volonté du Père et les inspirations de l'Esprit constituent cet héritage auquel le Fils donne forme dans son existence terrestre en tant que Parole définitive et incarnée. Bien des choses dans sa vie demeurent en suspens parce qu'elles ne sont pas encore mûres pour un point précis du temps. Un enfant éveillé à la musique voudrait à cinq ans apprendre à jouer du piano, mais sa main est encore trop petite pour atteindre une octave; il doit attendre que sa main grandisse, et puis voir aussi s'il a les talents suffisants; c'est de cela que dépendra le choix de sa profession. Ainsi le Christ également doit laisser bien des choses ouvertes dans son existence jusqu'à ce que la volonté du Père se manifeste clairement. Jusque là, la décision reste cachée en Dieu. Une fois qu'elle est communiquée, il l'assume; la semence va fleurir. C'est très clair par exemple pour les miracles qui n'ont lieu chaque fois que dans la situation donnée par le Père; alors aussi la force du Père est à sa disposition. Les prophéties par contre que le Fils connaît, on peut les comparer à l'héritage connu qui doit être travaillé; cependant ici aussi le quand et le comment peuvent être cachés et ne sont révélés que dans une situation précise (NB 6,173).

 

536. Le Fils incarné reprend les prophéties

Le Fils incarné reprend les prophéties et les transforme en sa vie. Il accomplit toutes les paroles du Père. Nous voyons ainsi comment la Parole devient chair en lui et le reste. Le Verbe fait chair est un être qui est vraiment né, mais qui ne cesse aussi de naître. L'accomplissement renvoie constamment aux prophéties tant que vit le Fils. Le Verbe s'est fait chair, ce n'est pas quelque chose qui est terminé, c'est un processus qui s'accomplit durant toute la vie du Seigneur, ce qui fait qu'on peut aussi dire que la Parole naît toujours plus de la chair. La chair du Seigneur est en contact constant avec la prophétie pour la faire devenir en elle vérité, parole vraie, accomplie. Dans le fait que sa chair devienne Parole (en tant qu'incarnation de la Parole), on voit que, dans la venue du Fils, est inclus dès le commencement son retour au Père (NB 1/2, 240-241).

 

537. Le Christ récapitule toutes les prophéties qui l’annonçaient

Le Christ est la récapitulation de toutes les prophéties qui l'annonçaient : il est l'unique manière de correspondre aux prophéties (NB 1/2, 157).

 

538. Le Fils accomplit les prophéties selon volonté du Père

Toutes les prophéties qui se rapportent à la venue du Fils doivent s'accomplir. Mais leur contenu est très varié parce que certaines de ces prophéties sont accomplies pour le Fils, d'autres par lui. Là il est objet, ici sujet. Chaque fois, en vue de l'heure qui vient, il doit se vider de tout ce qui n'est pas pure réceptivité et indifférence. Rien ne peut être forcé, rien ne peut être accompli au mauvais moment ou au mauvais lieu. Il doit réfléchir au moment et choisir les événements de telle sorte que la prophétie reçoive son sens plénier. C'est ainsi que le Fils se cache avant que sonne son heure; il ne peut pas se livrer maintenant parce que le moment n'est pas venu, sinon la succession des événements jusqu'à la croix serait perturbée. Et ceci bien qu'il soit le Seigneur du temps et qu'il pourrait choisir une heure et en faire l'heure du Père, même si le Père ne la lui avait pas révélée. Dans sa disponibilité totale, il garde aussi sa totale discrétion. Il est dans la volonté de Dieu comme Ève avant le péché, mais aussi comme Marie dans la même volonté de Dieu. Il ne choisit pas son propre moment, mais celui qui est fixé dans le Père. Quand il pose certains actes, il ne s'agit pas d'un fait brut qu'il produirait pour répondre à une parole prophétique; ce qu'il fait doit être intérieurement tel que le Père le veut. Pour une part importante, les actes qu'il pose sont fixés par les prophéties (Cf. Lc 4,18 s). Mais ils doivent se trouver en harmonie avec toute son existence, s'insérer dans sa mission et avoir leur actualité. Il ne peut pas tirer des prophéties quelque chose de désuet en quelque sorte et le rafraîchir un peu. C'est justement par son accomplissement que la prophétie reçoit sa pleine vigueur et elle est toujours inséparable de son existence et de sa tâche, elle en est une partie vivante et intégrante. Ce qu'il reprend entre sans sutures dans son tout, les coutures n'apparaissent pas. La vie du Seigneur n'est pas une collection de fragments ou de pièces hétérogènes, chaque prophétie appartient au caractère unique du Fils, dans l'éternité comme dans le temps (NB 6,169-170).

 

539. Le Christ assume les prophéties : elles sont une preuve de sa divinité

Le Seigneur rend vivantes les prophéties; elle ont part à son existence de Christ. Lui-même, du fait qu'il est vivant, est la preuve que les prophéties étaient justes. Mais pas seulement cela : lui-même est rendu vivant par les prophéties. De même qu'il voit sans cesse le Père, il assume constamment les prophéties, un sceau divin est constamment imprimé sur sa vision terrestre et sur la réalisation des prophéties. On fait souvent remarquer que sa vision du Père est une preuve de la divinité du Christ. La preuve principale même. Mais qu'il assume les prophéties n'est pas moins une preuve de sa divinité, et pas seulement en ce sens que nous en recevions, en tant que spectateurs, la preuve de la justesse de sa prétention divine mais, dans le sens objectif, que sa vie est constamment balayée par le souffle divin des prophéties. A la lettre, Il est inspiré. L'Esprit de prophétie lui insuffle constamment la vie divine et le sens divin de sa vie, et le Fils l'aspire pour ainsi dire. La prophétie est comme la nourriture spirituelle de son esprit divin vivant ici-bas, parallèlement à sa vision céleste du Père ici-bas (NB 6,171).

 

540. Comprendre les prophètes à la lumière de la révélation du Christ (NB 10, n. 2310).

 

541. Le Christ accomplit les prophéties au moment voulu

Celui qui a une parole inspirée l'exprime à l'instant où elle lui est donnée à dire. Mais elle peut être une parole de l'Esprit Saint qui a été dite dans l'éternité avant les temps préhistoriques et qui a été gardée là, prête d'une certaine manière, pour l'instant temporel présent. Il se peut aussi qu'elle ait été dite à l'homme il y a des années et qu'elle a été confiée pour être comprise, mais qu'il ne lui est permis de l'exprimer qu'aujourd'hui. Il n'est pas nécessaire que la parole de l'Esprit et celle de l'inspiré coïncident dans le temps. La parole est exprimée maintenant parce que la disponibilité de l'inspiré coïncide avec la volonté de Dieu qu'elle soit dite maintenant. De même, le Christ accomplit dans le temps les prophéties passées au moment où sa disponibilité constante y est poussée par la volonté de Dieu. Entre l'accomplissement de la prophétie et la vie du Seigneur il ne peut pas y avoir plus de contradiction qu'entre la prédiction du prophète et sa vie. La vie du Seigneur garantit et prouve que la prédiction trouve son dernier accomplissement dans son existence, contribue à l'unité de sa vie, donne son sens plénier à sa mission vis-à-vis du Père comme vis-à-vis de nous, et sa mission reçoit par là, de manière nouvelle, le sceau de sa divinité. D'accueillir les prophéties de telle manière et pas autrement, et de les accomplir de telle manière et pas autrement, le Seigneur tire pour nous l'obligation d'accueillir l'inspiration de telle manière et pas autrement, et de l'exprimer dans l'unité de notre vie. Toute inspiration qui vient de Dieu oblige à une réponse adéquate dans notre vie. Il y a une direction qui est donnée par l'inspiration comme il y a pour le Christ une sorte de direction par les prophéties. De même que l'enfant que porte une femme enceinte modifie ses formes aux yeux de celles qui ne sont pas enceintes, ainsi les prophéties et les inspirations modifient la forme de vie du Seigneur et de ses inspirés aux yeux de ceux qui ne sont pas inspirés. Mais cette modification n'a rien de négatif, elle est une forme d'accomplissement : fécondité physique ou spirituelle. Si une femme enceinte se fait remarquer dans la compagnie de femmes qui ne sont pas enceintes, c'est par un plus dont elle est seule à bénéficier. Comme le signe qu'elle a mis tout son corps au service du fruit en devenir. De même l'accomplissement dans la vie du Christ des prophéties qu'il assume est le signe qu'il apportera au monde un fruit vivant (NB 6,171-172).

 

542. Les psaumes et le Christ

Les psaumes sont ordonnés au Christ et à l’Église (NB 8, n. 392).

 

543. Le Christ, nouvel Adam et Dieu

Le Christ n'est pas seulement Adam retrouvé; il est Dieu. Marie n'est pas seulement la réintégration d'Ève, elle est la mère de Dieu(NB 1/2, 169).

 

544. Le sacrifice d’Abraham et le sacrifice du Fils

Le Fils était avant la promesse, avant le sacrifice d'Abraham. Et Dieu voulait pour ainsi dire un pré-sacrifice pour tester en quelque sorte les capacités humaines de sacrifice avant de sacrifier son propre Fils. Comme s'il avait uni le plus complet sacrifice de l'homme à son propre sacrifice divin de Père pour agréer les deux dans le sacrifice du Fils; comme si, de son amour divin de Père et de l'amour d'Abraham pour Dieu, il avait fait une somme (NB 4,29).

 

545. Moïse doit conduire le peuple au Fils

Quand le Seigneur traverse le désert comme source avec le peuple des Juifs, il fait l'expérience d'une forme anticipée de sa passion et de ses souffrances, car ils ne croient pas et ils sont abattus dans le désert (1 Co 10,4-5). C'est pour lui maintenant une "souffrance" de s'offrir comme source de cette manière et d'être pourtant dédaigné; il n'en fait pas seulement l'expérience comme Dieu dans le ciel, mais comme source sur terre. Il voit le péché sur un autre plan que du point de vue de la béatitude du ciel. Sa visibilité en tant que rocher et en tant qu'eau le lie aux hommes d'une manière nouvelle. Pouvoir fut donné à Moïse par le Père d'appeler le Fils, de faire venir la source. Par la volonté du Père, il doit conduire le peuple au Fils. Il est inséré dans le plan du Père, qui est d'envoyer le Fils sur la terre. Et le Fils se tient à sa disposition avec la même disponibilité que pour devenir homme. Le pouvoir de Moïse est ainsi comparable au pouvoir sacerdotal dans la nouvelle Alliance, qui peut faire venir le Fils sur l'autel (NB 10, n. 2080).

 

546. Le Fils devenu homme est la nouvelle Alliance

Sur terre, le Fils ne sert pas de médiateur à la nouvelle Alliance, il est la nouvelle Alliance (NB 9, n. 1714).

 

547. La nouvelle Alliance est plus sauvée que l’ancienne par la venue du Fils

Il ne faut pas oublier que la nouvelle Alliance, par la venue du Fils, est plus mûre, plus sauvée que l'ancienne Alliance. Le Fils ne rapporte rien à lui, il est venu pour être au service de tous (NB 3,193).

 

548. L’immensité de nouvelle Alliance

Lors de la présentation de Jésus au temple, le Fils est sans parole dans le temple du Père. A douze ans, il sera à nouveau dans le temple et il manifestera sa sagesse. Les deux choses – l'abandon passif et son entrée en scène ultérieure avec la parole et l'Esprit - sont basées sur l'ancienne Alliance. Les deux choses ont là leur point d'appui, les prophéties annoncent les deux. Le Fils sera celui qui souffre parfaitement, qui ne laisse s'accomplir que la volonté du Père. Et il sera en même temps celui qui, avec la force de la parole divine et de l'Esprit, accomplira tout ce qui a été promis. L'ancien peuple déjà se trouvait vis-à-vis de Dieu dans une obéissance dont la nouvelle Alliance dévoilera les dernières conséquences. La nouvelle Alliance, pour montrer son immensité, s'adapte aux limites de l'ancienne. Car le Fils doit montrer aux Juifs, par l'intérieur, qu'il est celui qui était promis. Et le Juif doit comprendre deux choses: que ce qui est ancien est dépassé, parce que l'accomplissement arrive, et que la réalisation correspond bien à la promesse. C'est pourquoi le Fils se laisse circoncire dans le même esprit qui lui fait réaliser scrupuleusement les promesses de l'ancienne Alliance. Il est témoin d'un Esprit unique et indivisible, l'Esprit de Dieu Trinité, en accomplissant les promesses aussi bien qu'en les dépassant (NB 10, n. 2158).

 

                139 Le Père et l’œuvre du Fils

 

549 Le Père envoie son Fils pour permettre à l’homme de surmonter la distance

Une distance entre Adam et Dieu avait été établie par Dieu : c'est ainsi qu’Adam pouvait faire la meilleure expérience de Dieu selon la volonté divine pour lui. Cette distance était au fond pensée comme quelque chose de constant, de stable. Mais en péchant, Adam a tourné le dos au Père et, en s'habituant au péché, l'humanité s'est toujours plus éloignée de Dieu, cela la contraint aussi par conséquent à devoir faire des efforts toujours plus grands pour surmonter l'éloignement du péché. Parce que le pécheur a perdu la mesure de la juste distance, il n'est plus capable d'apprécier ce qui serait nécessaire pour la retrouver. Alors le Père envoie le Fils, et celui-ci nous montre l'unique véritable possibilité de rendre à la distance son sens voulu par Dieu, en somme de tourner à nouveau notre visage vers Dieu, de l'aimer à nouveau et de redevenir réceptif à l'amour. Il nous offre l'état de grâce (NB 6,197).

 

550. Dieu envoie son Fils

Je pèche: Dieu réagit par l'expulsion du paradis. Je pèche à nouveau, Dieu m'envoie les promesses. Je pèche encore, Dieu m'envoie son Fils (NB 4,181).

 

551. Le Fils : semence de Dieu dans le monde

Le Fils a été clairement envoyé dans le monde comme semence de Dieu, mais vient alors comme une minute d'hésitation : va-t-il trouver un réceptacle pour le recevoir ? ("Il est venu dans le monde et les siens ne l'ont pas reçu. Mais ceux qui l'ont reçu...") L'Esprit se trouve dans la Parole-semence, mais d'une manière diffuse pour ainsi dire, il ne peut devenir clair que si l’Église reçoit l'Esprit de la mission et si elle devient ainsi prête à recevoir la semence de Dieu (NB 12,135).

 

552. Le Fils envoyé par le Père en « voyage » chez les hommes

L'expérience de la distance du péché est nécessairement intégrée aussi dans sa relation de Fils au Père. S'il ne savait rien du péché, il ne pourrait pas comprendre l'état du monde déchu et sa distance vis-à-vis de Dieu, il ne pourrait pas s'engager pour ramener l’homme dans sa patrie, pénétrer d’amour la distance entre l’homme et Dieu. En tant que Fils unique du Père, il a une expérience immédiate du Père. En tant que second Adam, il vit dans une distance à Dieu propre à la créature; le Père l'envoie en "voyage" chez les hommes et, pendant ce voyage, il a à tout moment la possibilité d'entrer en contact avec le Père. Mais en tant qu'homme dans le monde déchu, il est envoyé pour ainsi dire dans une île de cannibales où il n'y a pas de téléphone. Ce qui est difficile, c'est d'avoir une vue d'ensemble de tous ces aspects. Le Père est là sans signaler constamment sa présence (NB 6,197-198).

 

553. La mission du Fils et la volonté du Père

On pourrait dire que la mission du Fils est triple : vis-à-vis du Père, c'est une mission filiale; vis-à-vis de l'ancienne Alliance, c'est une mission qui la continue, qui l'achève; c'est surtout une mission christologique puisque le Christ vit ici-bas comme Dieu et comme homme. Vis-à-vis du Père, c'est l'obéissance absolue; le Fils cherche et réalise en tout sa volonté, il la trouve et l'accomplit sans fautes en tant que Fils qui aime le Père infiniment; en tant qu'homme ici-bas, par sa prière et son don de lui-même, il se tient intégralement à la disposition du Père qui est au ciel, il n'est gêné par aucun péché, aucune aliénation ne le sépare de lui. C'est dans cette première mission que se trouve la deuxième : l'enfant de douze ans déjà, par sa connaissance des plus justes de l'ancienne Alliance, plonge les scribes dans l'étonnement; cette connaissance l'engage : par elle, il sait toujours où il doit mettre le pied, ce qu'il doit faire maintenant. L'ancienne Alliance est pour lui comme un aide-mémoire qui l'exhorte. Jusqu'à la fin il accomplira l’Écriture, il fera les signes attendus par elle, il se conduira d'après les dits des prophètes, selon l'Esprit qui habite en lui comme dans les prophètes. Mais - troisièmement - vis-à-vis du Père comme vis-à-vis de l'ancienne Alliance, il reste celui qu'il est : l'Homme-Dieu qui veut sauver le monde et qui a choisi la voie de l'incarnation en sachant qu'en elle sont contenues aussi bien les promesses de l'ancienne Alliance que toutes les attentes du Père. Mais, dans sa propre promesse, il fera revivre les prophéties de l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement être reconnu en accomplissant la parole, il veut aussi montrer que l'Esprit Saint ne passe pas : ce qui était vrai dans l'ancienne Alliance le reste dans la nouvelle et pour tous les temps (NB 5,63-64).

 

554. La mission du Fils et l’Esprit

Les missions sont toujours en contact avec les unes avec les autres. C'est déjà ce que montre la mission unique, divine et chrétienne, du Fils qui sort du Père (pour le Père on ne peut pas parler de mission, mais il envoie). Après avoir achevé sa mission, le Fils qui est envoyé envoie l'Esprit qui se laisse envoyer par le Fils comme lui, l’Esprit, s'est laissé envoyer par le Père, avant tout pour accompagner la mission du Fils. On ne peut saisir l'Esprit qu'en contemplant la qualité qui lui est propre : se laisser envoyer. Pour le Fils, la mission est passive et active: il se laisse envoyer et il envoie. Le Père ne fait qu'envoyer. La mission passive du Fils débouche sur son envoi actif de l'Esprit. Ces deux genres de mission sont visibles aussi dans le fait que le Fils vient du Père pour retourner à lui. Son envoi actif de l'Esprit correspond à son retour au Père. L'Esprit est seulement envoyé : par le Père et par le Fils (NB 6,569).

 

555. Le Fils : l’envoyé de Dieu

Jean-Baptiste n'a pas vu le Fils sur tout son chemin de salut, mais surtout comme l'envoyé de Dieu (NB 1/2, 38).

 

556. La décision du Père de laisser le Fils agir comme Sauveur

Ce que le Fils a expérimenté dans la décision éternelle du Père de le laisser agir comme Sauveur, c’est que le corps est toujours instrument de la mission (NB 9, n. 1728).

 

557. Le Fils accomplit sur terre la mission du Père

Le Fils accomplit sur terre la mission et l’œuvre du Père, il a reçu pour cela fonctionnellement la vie humaine. Cela requiert pour le Fils adaptation et non-savoir. Le Père donne ce qui est sien mais il doit le former totalement en vue du Fils, le soumettre à ses possibilités. Justement parce que le Père est “plus grand que le Fils” et que la capacité réceptive humaine du Fils est plus petite, le Père doit donner le meilleur de ce qu’il a. Comme un père tient éloignées de son enfant toutes les influences nuisibles, ainsi Dieu le Père tient éloigné de la mission de son Fils ce qui n’a pas une consistance absolue (NB 9, n. 9, 1751).

 

558. L'amour que le Père nous donne dans son Fils

L'amour que le Père nous donne dans son Fils est si grand qu'il embrasse non seulement les joies mais aussi les souffrances de l'amour. Toutes les privations, toutes les souffrances, toutes les difficultés recevront ainsi un double visage si elles sont vues dans le Seigneur : du fait qu'il nous les offre, elles sont "parole" et par là expression de l'amour et elles doivent être reçues avec reconnaissance; elles ramènent alors à Dieu par la Parole et augmentent la joie. Parce que les dons de Dieu sont vrais et sérieux, la souffrance offerte n'est pas un jeu d'enfant, elle rapproche l'être humain du Fils souffrant et ici il n'est pas garanti qu'elle débouchera toujours sur une joie ressentie. Mais, dans le sérieux de la souffrance, l'être humain apprendra à connaître, avec une profondeur toute nouvelle, le Fils qui est homme et Parole ; c'est Dieu lui-même qui a préparé cette profondeur et elle est insondable. Dans celui qui souffre, elle devient une parabole vécue de ce qu'est l'homme qui est la Parole (l'homme-Parole), et une souffrance de ce genre est voulue par lui tout autant que permise. Quand on regarde le ciel à partir du monde et qu'on pense à son grand bonheur - bonheur aussi pour le pécheur qui se convertit - on devine pourquoi, pour le bonheur céleste aussi, est nécessaire la souffrance humaine dans la possibilité qu'elle a d'être transformée ; cette pensée peut parfois soulager la souffrance, mais elle peut aussi augmenter la volonté de souffrir totalement et sans consolation parce que Dieu le demande, parce que cela et rien d'autre ne doit être transformé maintenant en joie céleste (NB 6,23-24).

 

559. Le Fils qui devient homme se laisse envoyer (NB 2,171).

 

560. Ce que c’est pour le Fils d’être envoyé

Saint Bernard voit clairement ce que c'est pour le Fils que d'être envoyé et de se laisser envoyer (NB 2, 132).

 

561. Voir le Fils homme, c’est voir Dieu

Quand Marie ou les disciples le verront, ils verront un homme sans doute, mais ils auront en même temps en lui une vision du Dieu qu'il est. Pour lui-même, cela suppose de renoncer à voir activement pour qu'il puisse être vu passivement, il procure par là à ceux qui le voient quelque chose de sa vision du Père. S'il était resté dans la parfaite vision céleste du Père, les hommes n'auraient pas bénéficié de cette vision terrestre (NB 6,155-156).

 

562. Mission du Fils : rendre le Père visible pour nous

Parce que le Fils et sa mission sont inséparables, l'Esprit porte les deux. Déjà la semence qu'il apporte à la Mère contient les deux. On ne doit pas l'imaginer la mission comme un ensemble de tâches différentes, mais comme un tout qui vient du Père et retourne au Père sans qu'on puisse la diviser. C'est cette mission que porte l'Esprit. Ce qui fait que les missions du Fils et de l'Esprit se mêlent, car il fait partie de la mission du Fils de se laisser porter par l'Esprit comme il fait partie de la mission de l'Esprit de porter celle du Fils. Le Père ne cesse d'envoyer les deux; de lui, nous ne savons rien de plus parce que personne ne l'a jamais vu. Ce sont le Fils et l'Esprit qui rendent le Père visible pour nous (NB 6,402-403).

 

563. Le Fils  nous conduit au Père

Notre ouverture au divin nous permet de quitter notre étroitesse pour la plénitude du Seigneur. Non pas comme si par là nous dédaignions ce que le Créateur nous a donné en propre, mais nous recevons de lui-même un cadeau encore beaucoup plus grand, son Fils, en qui tout ce qui a existé jusqu'à présent est dilaté et traduit dans ce qui est divin. L'humanité a part à cette dilatation et, si nous sommes croyants, nous pouvons la contempler dans le Fils et insérer notre vie dans ses dimensions. Dans la prière, la méditation, l'amour du prochain, partout des voies sont ouvertes qui nous conduisent dans le paysage plus grand du Fils. Nous pouvons nous donner parce qu'il s'est donné à nous et que, dans ce don de lui-même, il nous conduit au Père. Il est tellement accès au Père que chaque pensée qui va vers lui parvient par lui jusqu'au Père (NB 6,23).

 

564. La rue par laquelle le Seigneur veut nous conduire au Père

La rue dans laquelle le Seigneur a travaillé, la rue par laquelle il veut nous conduire vers le Père (les sacrements y sont), on voit partout les empreintes de ses pas parce que lui-même va partout dans sa rue. Tout d'abord c'est en quelque sorte un large chemin. On le voit se promener là avec ses disciples; on le voit opérer des miracles, prendre part à des fêtes, je ne sais quoi d'autre encore. Il n'y a que ses nuits, d'une certaine manière, qu'on ne voit pas dans cette large rue. On ne sait pas s'il marche la nuit dans des forêts dont on n'a aucune idée, des forêts de solitude. Et voilà qu'il peut en inviter plus d'un à l'accompagner sur cet étroit chemin et jusqu'à la croix. La croix aussi est sur le large chemin de sorte qu'on voit de loin qu'il est venu pour être crucifié et instituer la confession. Et c'est en même temps le sentier très étroit de la solitude qu'il offre à quelques-uns, par exemple à Paul et à Jean, mais à chacun de manière très différente. Paul et Jean ne peuvent pas élargir ce chemin, ils ne peuvent pas y marcher de telle sorte qu'il devienne un large chemin. Il reste le chemin de la solitude. N'est-il pas vrai que dès que le chemin serait élargi de sorte que deux personnes puissent y marcher à deux côte à côte, ils essaieraient très vite de l'emprunter pour aller vers le Christ ? (NB 4,456).

 

565. Le monde est orienté vers Dieu par le Christ

Notre relation à Dieu n'est plus celle de l'ancienne Alliance où l'on était encore capable d'arrêter, de mettre un point final; dans la nouvelle Alliance, aucune mission n'est jamais finie (elle peut tout au plus mal tourner au cas où l'homme s'y refuse). Le fait que le monde ait été orienté vers Dieu par le Christ et par l'Esprit fait espérer et recevoir toujours du nouveau à ceux qui croient de manière vivante (NB 10, n. 2116).

 

566. Notre relation au Père et à l’Esprit est plus forte par le Fils

Le Fils est certes pour nous le chemin et la porte pour aller au Père ; il unit en lui tout ce qui est divin et tout ce qui est humain; mais il ne veut pas que notre relation au Père et à l'Esprit disparaisse dans notre relation à lui. Il veut au contraire que, par lui, notre relation au Père et à l'Esprit devienne plus forte, plus grande, plus ouverte, plus vivante, au lieu de se fermer, de se réduire, de se rétrécir, de s'arrêter (NB 6,175).

 

567. Le but du salut : faire participer les hommes au dialogue trinitaire

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église, organisation des formes d'ordres - est clairement destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire. Du fait que le Fils a vécu au milieu d'eux, ce dialogue est toujours déjà transféré objectivement au plan du monde, l’Église et les ordres en sont marqués. En adressant aux apôtres, aux saintes femmes, etc., des paroles toutes différentes - et des paroles déterminantes qui façonnèrent leur vie -, le Seigneur a créé lui-même des accès très variés au dialogue qu'il continue toujours avec le Père : avant, pendant et après l'incarnation (NB 6,546-547).

 

568. Le Fils nous apporte le règne de Dieu

Que ton règne vienne. C’est le règne que le Fils nous apporte du ciel sur la terre. Par le fait qu'il passe à travers l'enfer et que par là il institue la confession, il nous apporte le royaume de Dieu. Nous n'avons pas besoin de le chercher loin, il vient à nous comme de lui-même par le Fils si seulement nous ne le rejetons pas (NB 3,127).

 

569. Le Fils est la porte vers le Père

La parole de Jésus en tant que Juge et Sauveur (Jn 12,47-50). « Celui qui entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. Qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles a son juge : la parole que j'ai dite le jugera au dernier jour. Car je n'ai pas parlé de moi-même ; le Père lui-même qui m'a envoyé m'a chargé de dire ce que je dois dire et annoncer. Et je sais que sa mission signifie vie éternelle. Ce que j'annonce, je l'annonce donc comme le Père me l'a dit ». Ici-bas le Fils est l'amour. Il exhorte et il montre à l'homme ce qu'il peut atteindre sans qu'il s'interpose de sorte que l'homme se sentirait gêné dans sa liberté par l'humanité du Seigneur. Ici le dialogue est possible. Il n'est pas ici-bas pour juger mais pour sauver en vertu de son incarnation : son corps portera les péchés de tous, il est la porte vers le Père, il se rattache aussi à tout ce que le Père a mis de Dieu dans la nature humaine. Il est venu pour nous inviter; pour être notre hôte parmi nous, mais pour faire de nous ses hôtes dans la maison de son Père. Tout en lui est amour qui invite : son existence, son travail, sa parole, ses miracles, sa passion, sa résurrection : tout nous ouvre le chemin (NB 6,327).

 

570. Éveiller de l’intérêt pour Dieu

Le Fils, parce qu'il est à la fois homme et Dieu, dispose des moyens les plus variés pour entrer en relation avec les hommes. La question est seulement de savoir si ces moyens conviennent pour des hommes qui ont abusé, pour le péché, de tous leurs moyens d'expression. Comment s'y prendre pour qu'il se sentent interpellés? Les moyens de la pureté feront difficilement l'affaire. Ne devrait-on pas corrompre un peu les hommes pour qu'ils écoutent ? Est-ce que les objectifs du Fils les intéresseront? Par exemple agir pour la plus grande gloire du Père? Quelqu'un d'impur, on ne peut pas le toucher avec un but de ce genre à moins qu'on lui montre des avantages personnels, qu'on se montre arrangeant avec ses desseins qui sont sans amour. Le Fils n'a pas d'autres possibilités que celles qui sont dans sa pureté en tant que Dieu et homme. Montrer le Père, éveiller de l'intérêt pour Dieu. Et le seul intérêt ne suffit pas, l'homme doit l'accompagner un bout de chemin. C'est beaucoup plus difficile à obtenir. Et l'acte extérieur ne suffit pas non plus, il faut participer à la vie intérieure du Fils. L'homme doit consentir à offrir en lui un espace pour la mission du Fils (NB 6,158).

 

571. Introduire les hommes dans la volonté du Père -

Quand un enfant est "méchant" et qu'il défie les bonnes intentions de l'éducateur, il comprend peut-être déjà qu'il a tort et qu'il devrait se soumettre. Mais il ne peut pas abandonner sa volonté en tant qu'aptitude, il doit la faire grandir dans la juste volonté de son maître. Dans la juste obéissance, il n'y a pas une diminution de celui qui obéit, mais une croissance. Ainsi le Fils prête aux hommes sa volonté jusqu'à ce que la leur soit développée dans la sienne et en soit fortifiée. C'est à la main de sa mère que l'enfant apprend à marcher pour pouvoir plus tard marcher tout seul. Le Fils nous prête sa volonté comme un amoureux prête son amour : "Fais cela par amour pour moi, même si tu n'en es pas encore convaincu toi-même". C'est ainsi que le croyant agit pour le moment sous la responsabilité du Seigneur, dans son esprit ; ensuite l'esprit du Seigneur deviendra toujours plus profondément l'esprit de l'homme. Le Fils essaie de trouver dans la volonté des hommes un point d'ancrage pour la volonté du Père. Il avance ensuite pas à pas, distinguant toujours ce qui est pour Dieu et ce qui est contre Dieu. Mais dans une situation de conflit, il n'exige pas tout de suite, il fait des concessions aux hommes pour les inciter à en faire aussi. La volonté du Père laisse un espace libre pour l'appréciation du Fils selon les lois de l'existence temporelle. Le Fils accueillera des invitations à prendre part à des banquets bien que pour lui ce ne soit peut-être pas pour faire la fête. Il fait bon accueil à des choses humainement indifférentes pour introduire ensuite dans la volonté du Père (NB 6,154).

 

572. Le Fils homme veut montrer au Père que sa création était bonne au commencement

Le Fils veut montrer au Père ce qu'est l'homme parfait qui correspond totalement à l'attente du Père. C'est ainsi qu'il s'applique à se familiariser toujours davantage avec l'humain; à ne pas dire seulement au Père : "Ton humanité est redevenue bonne car je l'ai rachetée", mais aussi : "Vois comme était parfaite l'œuvre qu'au commencement tu as conçue et créée. Ne suis-je pas tel que tu avais désiré l'homme ?" C'est donc sur son humanité que l'accent est mis et non sur les privilèges de l'Homme-Dieu (NB 6,156).

 

573. Le Fils est venu dans le monde pour montrer au Père que sa création était bonne

Dans l'ancienne Alliance, il y avait le mariage. Au fond, là, il n'y avait pas de choix. La nouvelle Alliance ouvre la possibilité de suivre le Christ. De même que Jésus est devenu homme pour suivre l'homme - sa nature, son chemin -, ainsi il nous ouvre - en raison du fait qu'il a suivi l'homme - la possibilité de le suivre. Mais il est venu dans le monde pour montrer au Père que sa création était bonne et la lui ramener. C'est pourquoi il bénit à nouveau l'ancienne Alliance et il bénit en elle le mariage qui, en soi, était bon. Le Père offre au Fils sa vie humaine sur terre, qui est parfaite, et il lui ouvre l'état des conseils. C'est sans doute le Fils qui indique au monde l'état des conseils, c'est lui qui attire l'attention sur cet état, qui l'offre aux hommes comme la manière parfaite de le suivre ; mais il le fait en sachant d'avance que le Père considère son état, celui du Fils, comme l'état idéal. Il est bon de vivre dans l'état du Fils. Il est bon de vivre dans la volonté du Père comme le Fils a vécu. Il est bon de n'avoir pas d'autre souci sur terre que le souci du royaume de Dieu. Les deux états se trouvent ainsi maintenant l'un en face de l'autre comme l'ancienne Alliance bénite par le Fils et la nouvelle Alliance sanctifiée par le Père. Et le chrétien est placé à ce point de rencontre par son choix. Il peut choisir l'ancienne Alliance avec la bénédiction du Fils ou la nouvelle Alliance avec la bénédiction du Père (c'est-à-dire avec sa permission de partager la vie du Fils) (NB 3,192-193).

 

574. Le Fils incarné nous montre la grandeur de l’amour de Dieu

Le Fils est dans l'amour inaltérable du Père. Il faut essayer de voir comment il est dans cet amour. Non pas d'abord ce qu'il fait pour être dans cet amour, comment il réalise sa relation au Père, mais comment il est, en tant que médiateur, caractérisé par tout ce que Dieu Trinité a décidé de nous donner par lui. Lui, en tant qu'incarné, qui nous montre la grandeur de l'amour de Dieu, à quel point il se penche sur nous, tout ce qu'il a inventé pour entraîner l'homme dans l'amour qui unit le Père et le Fils dans l'Esprit. Ceci indépendamment pour ainsi dire de ce que l'homme peut apporter de lui-même pour participer à cet amour : ce serait une méditation sur le Fils et sur son humanité, basée sur une méditation sur Dieu dans sa décision de sauver l'homme. Le Fils vit ici-bas uni à sa propre existence dans le ciel, car il n'a rien perdu de sa divinité. Mais ici-bas il vit en fonction de l'amour divin qui a décidé du salut ; et il est pour lui si prioritaire de présenter cette décision qu'il ne s'attache plus à son existence céleste. Pour lui, le sens de son existence est de nous montrer l'ampleur de la grâce de Dieu Trinité qui est destinée à l'homme et qui lui est donnée (NB 6,185).

 

575. Le Fils en tant qu’homme signifie que le Père prend soin définitivement de sa création

Grâce à Marie, ce n'est pas seulement le Fils qui est né en tant qu'homme, c'est aussi Dieu le Père qui prend soin définitivement de sa création pour l'introduire par l'Esprit dans la vie trinitaire manifestée (NB 2,22).

 

576. Le prix payé par le Fils pour conduire le monde à la lumière du Père

Il reste à Pâques quelque chose de la fatigue des jours saints. Comme si le Fils ressuscité aussi devait se souvenir du prix payé par lui pour conduire le monde à la lumière du Père, d'autant plus que ce prix n'est plus son affaire mais que, par sa grâce, elle est aussi celle des corédempteurs institués aujourd'hui, de ceux qui l'ont accompagné à la croix et qui deviennent visibles à la résurrection. S'il ne s'agissait que de sa propre fatigue, elle serait annulée dans sa nouvelle existence. Ce qui n'est pas annulé, c'est ce que les siens, qu'il invite à collaborer, font avec lui, et ainsi il emmène dans sa joie de Pâques un peu du leur. Pas du tout comme une souffrance ou une gêne, mais comme un souvenir concret (NB 3,241).

 

577. La mission du Fils : ramener les hommes à Dieu

Le Fils a en lui la mission qu'il a reçue de Dieu Trinité de ramener les hommes à Dieu (NB 2,28).

 

578. L’incarnation pour remplir le monde de Dieu

L'essence du Seigneur reste la même, son œuvre d'incarnation se poursuit, qui doit ramener les hommes à Dieu, qui doit remplir le monde de Dieu (NB 11,363).

 

579. Le Fils est venu pour rechercher le monde

Dieu a créé toutes choses, y compris l'homme, en vue du Fils. L'homme est devenu désobéissant et il a détruit l'unité première. Le Fils, par sa mort et sa résurrection, va rechercher fondamentalement le monde pour le ramener à Dieu. Et pour expliquer aux hommes l'unité créée, il crée l’Église avec son organisation terrestre visible mais aussi avec son unité tournée vers le Fils : elle est l'épouse, elle vit du contact vivant permanent avec lui. L’Église est l'expression de l'unité globale du monde avec Dieu retrouvée par le Fils (NB 10, n. 2292).

 

580. Le Fils ramène le monde dans le sein du Père par son action (NB 12,23).

 

581. La liberté du Fils pour ramener le monde au Père

La liberté du Fils de ramener le monde au Père se trouve en face de la liberté d'Adam de se détourner de Dieu. Mais le Fils n'a qu'une liberté : l'arbre du bien dans lequel, par obéissance, il rassemble tout le mal. Adam par contre possédait toute liberté, sauf celle de l'arbre. Mais, entre temps, l'arbre est devenu l'arbre de la croix : c'est sa forme vraie, définitive, qui n'était que préfigurée dans l'arbre interdit du paradis (NB 6,261).

 

582. La mission du Fils : ramener le monde au Père par un acte d’amour

En devenant mission, le Fils est l'origine créatrice de toutes les missions. C'est la volonté du Fils de devenir mission ; mais pour cela il doit être envoyé par le Père et l'Esprit et, en l'envoyant, ils donnent à sa mission une forme. Le contenu de la mission du Fils est de ramener le monde au Père, non par un acte de force mais par un acte d'amour, et il veut se donner lui-même totalement pour pouvoir accomplir cet acte d'amour. Mais pour pouvoir se donner totalement, il doit prendre totalement quelque chose, une vie humaine, à laquelle il donne la plénitude de sa vie divine. Il se fixe à lui-même des limites afin que ce monde qu'il veut sauver le reconnaisse, car nous ne reconnaissons que ce qui est limité. Ses limites proviennent finalement de Dieu Trinité. Il devient une forme humaine particulière qui est tellement forme qu'on ne remarque plus son origine divine (NB 6,207).

 

583. Le Fils devient vraie chair pour ramener le monde au Père

Au ciel, le Fils est esprit ; par son incarnation, il reçoit l'expérience de ce qu'est la corporéité, de ce qu'est aussi la "chair tombée", puisque qu'il prend le même corps que nous. Pour arriver à l'expérience d'un corps, il a besoin d'une union avec un autre corps, celui de sa Mère. Aucun corps ne peut exister sans union. Le Fils devient vraie chair pour ramener le monde au Père. Quand il ressuscite, il retourne le premier au Père avec la chair rachetée (NB 12,165).

 

584. Le Fils s'efforce de ramener les hommes au Père (NB 4,208).

 

585. Le monde est ramené au Père par le Christ

La "Révélation" est une entreprise de Dieu contre le péché. Dans l'ancienne Alliance, le monde est retenu dans sa chute loin de Dieu et ensuite, dans la nouvelle Alliance, il est ramené au Père par le Christ. Il rattrape la boule qui roulait en suivant les lois de la pesanteur du péché et il la rapporte au Père. La "mystique", et précisément la mystique néotestamentaire, est employée quand le monde - chose curieuse, justement aussi en tant qu’Église - auquel la révélation de Dieu a déjà été adressée fait la tentative d'échapper à nouveau à tout prix aux mains de Dieu. La mystique vétérotestamentaire avant le Christ ne cesse de faire rayonner sur le monde pécheur, surtout sur le peuple élu, une lumière venant du ciel, pour ralentir en quelque sorte sa chute; pour garder l'image, elle raye la boule qui tombe afin qu'elle puisse être ramassée plus facilement par le Christ : tel est le rôle des voix, des visions, des prophéties (NB 5,71).

 

586. Le Fils veut sauver le monde et le ramener au Père

Dans la vie du Fils il y a deux motifs : il veut sauver le monde et le ramener au Père. Il veut prouver par là au Père que son amour est toujours plus grand. Pour sauver le monde, la croix est nécessaire. Pour prouver au Père son plus grand amour, il faut la nuit. Mais la nuit, c'est le désaccord entre la foi, l'amour et la compréhension. Ce désaccord a pour le Fils d'autres caractères que pour nous parce que sa relation au Père, on ne peut pas la caractériser adéquatement par le terme de "foi". La nuit véritable a son origine dans le Fils. Pour le croyant, elle ne peut être qu'une nuit d'accompagnement, non une nuit autonome; c'est donc une nuit qui est immergée dans la nuit du Fils (NB 5,90-91).

 

587. Le Fils est le moyen pour arriver au Père

Le Fils est en même temps moyen et but; moyen, afin que par lui nous arrivions au Père; but, en ce sens que nous ne trouvons pas le Père derrière lui mais en lui. La tension entre le fait d'être moyen et le fait d'être but, c'est l'Esprit Saint. C'est l'Esprit qui nous procure la vision binoculaire. Dieu est devenu homme afin que Dieu ne nous apparaisse pas seulement superficiellement, mais en relief et en stéréoscopie. Il ne nous est pas permis de nous attacher au Père comme à quelque chose de sûr et de solide tandis qu’avec le Fils et sa passion tout resterait mouvant et déconcertant. D’autre part, le Père serait soi-disant trop grand pour nous et pour cette raison nous devrions nous en tenir au Fils. Mais le Fils est à la fois Dieu et homme, c'est cela qui nous permet de nous montrer familiers avec lui tout en gardant les distances. Le Fils devenu homme se meut dans l'Esprit Saint (NB 6,177).

 

588. Le Fils nous transmet au Père

Dans notre acte de foi, nous nous remettons nous-même au Seigneur : « En tes mains ». Le Fils nous transmet au Père et quand, sur la croix, il dit « En tes mains », il prend notre acte de foi dans le sien (NB 4,230).

 

589. Le Fils renonce à voir le Père pour transmettre aux hommes sa vision 

Le Seigneur renonce à sa vision béatifique de Dieu pour mieux la transmettre aux hommes. "Qui me voit, voit le Père" : c'est valable justement aussi sur la croix quand le Fils ne voit plus le Père. Il y a là la plus haute transparence : elle renonce finalement à voir elle-même pour être pur don aux autres (NB 5,213).

 

590. Le Fils fait don aux hommes de sa vision du Père

Au ciel, le Fils voit le Père aussi bien dans son unité de nature que dans l'opposition des personnes. Dieu voit Dieu, et le Fils voit le Père. Ces deux points de vue ne font qu'un en ce qui concerne la vision. En devenant homme, le Fils prend avec lui sa vision, mais il la met là où se trouve l'homme avec qui il a contracté une nouvelle unité. Presque comme si cette vision était le cadeau que le Père offre au Fils; mais le Fils ne la prend pas avec lui de telle sorte qu'il jouirait ici-bas d'un privilège céleste; dans ce cadeau, il reste de la place pour la foi et il introduit justement par là dans la foi un élément qu'il peut offrir aux hommes. Le nouveau qu'il introduit est ceci : il fait de sa vision un élément de son don de lui-même aux hommes, et ce don de lui-même est désormais un élément de la foi chrétienne. De la sorte, la vision du Fils est d'une part une "consolation" pour le Père qui se sait vu par le Fils et, d'autre part, une nourriture pour l’Église qui est nourrie par la vision. Par cette double portée de la vision, le Fils est entièrement médiateur entre le Père et les hommes; lui-même n'utilise pas sa vision (pour se préparer à l'abandon de la croix) pour lui-même, il construit avec elle un pont entre le ciel et la terre (NB 6,190).

 

591. A travers le Christ, voir le Père et l’Esprit qui l’accompagne

Raymond Lulle voit surtout le Christ, le Seigneur, et ce, au milieu des hommes, en tant qu'incarné. Et puis comme à une certaine distance de cette représentation, ne faisant pas totalement un avec elle, à travers le Christ il voit le Père comme Père du Fils et l'Esprit comme celui qui l'accompagne (NB 1/1, 359).

 

592. Homme, le Fils représente toujours le Père infini

Quand il devient homme, le Fils, par son obéissance jusqu'à la croix, apporte ici-bas quelque chose de cet état céleste. Dans son obéissance, ce n'est pas non plus lui qu'il veut présenter, mais l’amour du Père et de l'Esprit. Dans toutes ses paroles et dans toutes ses actions, dans toutes les manières qu'il a de se donner aux hommes, il ne représente toujours que le Père infini (NB 12,183-184).

 

593. Le Christ : Fils, envoyé, retournant au Père

Le Christ est 1. Fils, 2. Envoyé, 3. Celui qui retourne au Père.

1. En tant que Fils, il fait ce que veut le Père. Ce qu’il opérait en tant que Fils est ce qu’il pouvait faire pour les hommes dans leur vie terrestre : qu’ils se détournent de leurs péchés dans le cadre de leur vie terrestre. En tant que Fils, il a agi par la parole de Dieu car ce qu’il disait ne venait pas de lui-même en tant que Fils mais du Père. - 2. En tant qu’envoyé, il a pleins pouvoirs personnels et il agit à son gré. En tant qu’envoyé, il opère la rédemption de l’humanité, il parle de lui-même en disant : “Je suis venu”, “Le Père m’a envoyé”. - 3. En tant que retournant au Père, il gère l’envoi des hommes au Père, il opère pour chaque homme individuellement et en chaque vie particulière le mouvement éternel qui éloigne du péché et se dirige vers le salut (NB 9, n. 1111).

 

594. Le Fils : personne ne va au Père sans passer par lui

L'accomplissement par le Fils de ce qui a été prophétisé était en lui amour obéissant. Pour lui, cet amour est gardé vivant et divin sous ses yeux par la vision que le Père lui offre constamment. Pour lui, les deux ne font qu'un : la vision parfaite du Père dans sa prière d'adoration et l'accomplissement parfait des prophéties. Cet état parfait, du point de vue du ciel et du point de vue de la terre, est pour tous les autres le chemin. Personne ne va au Père sans passer par lui. Passer par lui, cela veut dire le suivre. Le suivre non seulement comme un disciple suit son maître dans sa manière de pensée, mais le suivre dans l'état vécu par son maître. Les apôtres répètent sans doute les paroles de la prière du Seigneur, mais ils voient surtout l'état vécu dans lequel il prie, et cet état est qu'il voit continuellement ce que le Père lui montre. Et comme le Seigneur communique tout ce qui lui est propre, il justifie, à partir de sa vision prototype, toutes les visions qui suivront. Personne ne devrait essayer d'imiter les actes du Christ sans le suivre dans l'état de son âme quand il priait. Personne ne devrait essayer de répondre à son commandement de l'amour sans se laisser combler par ce qui le comblait. Personne ne doit prier sans s'appuyer sur sa prière; personne ne doit croire sans vouloir croire par sa vision. Ce n'est pas là ingérence présomptueuse, c'est le Seigneur qui l'offre. Il voit le Père et il prodigue continuellement ce qu'il voit sous une forme adaptée à la foi de ceux qui le suivent. Il voit la plénitude ; son temps qui passe est rempli d'éternité. Et cette plénitude est si infinie que chaque croyant peut en recevoir une part sans que cette part doive être identique à celle de n'importe quel autre homme. Au contraire, c'est toujours une part de la plénitude, mais c'est aussi une part de chemins déterminés qui, à leur tour, ouvrent des parts pour beaucoup d'hommes, comme les chemins de la grande Thérèse, de Jean de la croix ou de la petite Thérèse. Tous ceux qui suivent le Seigneur reçoivent directement part à sa plénitude mais, en plus de cela, des chemins de saints de l’Église peuvent déboucher à côté et être féconds. Car l’Église a part à toute la plénitude du Seigneur; quand il retourne au ciel, il l'établit ici-bas comme ce qui garde un échange constant avec lui dans sa réalité céleste; et pourtant elle est édifiée sur chaque croyant et particulièrement sur les saints qui sont les colonnes de l’Église (NB 5,66-67).

 

595. Le Fils devient homme pour offrir à nouveau au Père le monde racheté

Durant les "trois jours", le Seigneur est dans la nuit ; en endurant cet abandon total dans l'obscurité et la déréliction, il oblige tous les croyants. Mais il les supporte aussi pour le Père d'une manière qui est difficile à expliquer. Pour le Fils qui est devenu homme, le Père est devenu très proche du monde. Le monde est l’œuvre du Père, il lui appartient et il est centré sur le Père. Le monde s'est séparé du Père par le péché, mais il n'a pas pu réduire à néant le fait qu’il lui appartenait, d'autant moins que le Fils devient homme pour offrir à nouveau au Père le monde racheté qui est bien le monde créé des origines (NB 5,126).

 

                  140 Le Fils, centre de la vision chrétienne 

 

596. Toutes les choses ont été créées pour le Fils (NB 10, n. 2269).

 

597. Tout est créé pour le Christ

Avec nos éternelles objections, nous semblons ne jamais vouloir croire que réellement toutes choses ont été créées pour le Christ (NB 6,47).

 

598. Toutes choses ont été créées et préparées dès le début pour le Fils (NB 4,118).

 

599. « Tout a été créé par lui ». Tout est créé dans le Christ (NB 9, n. 1111).

 

600. Le Christ : nous savons que tout le reste - y compris Adam - a été créé pour lui (NB 5,46).

 

601. Le Seigneur est le centre de toute vision chrétienne

Tout mystique est captivé un certain temps par ce qu'il voit et entend de l'au-delà et, comme les apôtres, il veut rester dans les hauteurs. Mais s'il ne veut pas porter préjudice à sa mission mystique, il ne doit pas oublier que le Seigneur est le centre de toute vision chrétienne, que la sphère surnaturelle du Seigneur constitue le principal et que l'apparition des prophètes était peut-être surtout une concession à la compréhension limitée des disciples et du mystique. Tout ce qui apparaît à la lisière est fait pour renvoyer au centre : Jésus Christ, tout tableau est fait pour glorifier le Père par le Fils (NB 5,85).

 

602. Dieu se révèle à tous les hommes dans le Christ

Quand Dieu se révèle à Adam au paradis et plus tard au peuple d'Israël et finalement à tous les hommes dans le Christ, c'est sans doute quelque chose de nouveau, mais ce nouveau aussi correspond à la volonté fondamentale de Dieu, qui est une et la même, de se faire connaître et de se communiquer (NB 6,31).

 

603. Dieu se révèle dans le Christ -

Si le Dieu vivant se révèle dans l'histoire d'Israël et dans le Christ et dans toutes les voies du salut qui s'y rattachent, il montre ainsi qu'une révélation "naturelle" ne suffit pas à l'homme. Elle peut être pour la question une première impulsion, une chiquenaude qui met tout en branle; mais s'il n'y avait rien de plus, l'homme, très vite, mettrait à nouveau à la place de Dieu ses propres images, des images de lui-même, celles qu'il a toujours reconnues comme place de Dieu, c'est-à-dire comme le lieu où lui, l'homme, s'arrête et où Dieu commence. Les idoles sont le signe évident que l'homme sait que Dieu s'est réservé son lieu, mais il sait aussi qu'il est incapable de garder libre pour Dieu cette place. La connaissance naturelle de Dieu peut le conduire jusqu'au point où la connaissance surnaturelle doit commencer si cela doit rester authentique (NB 6,32-33).

 

604. La plénitude qui nous est donnée dans le Fils

Quand nous rencontrons le Fils dans la foi vivante, nous renonçons vite à le comprendre totalement, d'autant plus volontiers que ce qu'il nous montre de lui est si comblant que nous sommes plus qu'occupés et plus qu'heureux avec ce qu'il nous a donné. Dans ces présents du Fils, nous ne voyons Dieu le Père et Dieu l'Esprit que dans leurs effets. Mais si nous pensons à la plénitude qui nous est donnée dans le Fils, nous sommes au fond reconnaissants de ne pas voir le Père. Ce que sa vision a de stupéfiant devrait faire voler notre esprit en éclats. Et pourtant nous savons par le Fils que plus nous le regardons, mieux nous sommes préparés à rencontrer le Père. Non que nous progressions par nous-mêmes en allant d'une chose comprise à la suivante, c'est la grâce de la méditation qui nous rapproche. Et ceci, c'est le Fils et son Esprit Saint qui l'opèrent en nous et, finalement, c'est aussi le Père lui-même agissant dans les deux (NB 6,78-79).

 

605. Le Fils a pris en main toute l’humanité

Le Fils a pris en main toute l'humanité, il invite le Père à lui permettre de prendre toute l'humanité comme la nature qui lui appartient en propre. Le Fils nous invite à nous offrir au Père avec lui, à implorer avec lui le Père et l'Esprit, à présenter avec lui au Père sa demande (NB 5,276).

 

606.Le Christ nous ouvre son intimité

Saint Bernard : L'intimité avec le Seigneur a sa justification dans le service, donc dans le Père, et non en nous-mêmes Le Christ nous ouvre son intimité et nous l'offre afin que nous apprenions à mieux connaître le Père, non pour réduire à néant la distance qui nous sépare de lui, le Fils (NB 1/1, 426).

 

607. Le Fils nous invite à vivre de sa vie

De même que le Fils est dans le monde, nous y sommes nous aussi, parce que tout ce qu'il exprime nous concerne. Nous sommes parce que nous sommes concernés dans le Fils. Les hommes que nous sommes sont ceux auxquels l'amour du Père est destiné. Le Fils vit pleinement cette vie qui est la nôtre, il est donc nous. Il nous fait voir ce que nous sommes, mais il ne joue aucun "rôle", il ne fait pas de "théâtre". Il ne joue pas, il vit. Il ne nous invite pas à jouer avec lui, mais à vivre de sa vie. Supposons qu'un grand pécheur rencontre un prêtre. Le pécheur ne voit plus d'issue à sa vie. Par sa vie, le prêtre peut lui présenter peut-être ce qu'il doit faire. Le prêtre peut sortir de l'isolement de son "existence sainte", la quitter d'une certaine manière, pour marcher pas à pas avec le pécheur de sorte que celui-ci le suive. Il peut alors se faire que le pécheur ne regarde plus ce qu'il est lui-même (l'image qu'il s'est faite de lui-même), mais celui qui marche avec lui et dont l'existence est là pour lui présenter son existence propre. Car c'est justement en tenant compte du Père et de la vie éternelle et du jugement par l'être divin que nous recevons tout ce dont nous avons besoin pour aller, dans la confiance de la foi, vers ce qui nous attend. Ceci en totale contraste avec l'ancienne Alliance. Là, je suis ce que je suis. Dans la nouvelle Alliance, je suis ce que le Seigneur est. Et le Seigneur est ce qu'il doit être selon la décision de Dieu Trinité. Il nous représente. Il s'est fait le représentant de l'image de nous-mêmes qui est ébauchée dans le ciel (NB 6,185-186).

 

608. Le Seigneur nous donne en même temps sa richesse et sa pauvreté

Le jugement de la confession est là pour réduire la distance entre le Seigneur et nous. Le Seigneur porte la confession dans la souffrance; il laisse s'accomplir sur lui le jugement afin qu'il puisse s'accomplir en nous dans le sens du salut. Comme si quelqu'un qui a deux millions disait à un mendiant : nous sommes également riches. Comment cela ? Parce que je n'ai gagné l'un des millions que pour t'en faire cadeau. En partageant de la sorte, le Seigneur nous donne en même temps sa richesse et sa pauvreté, sa pureté et sa confession. Et finalement il n'est pas nécessaire qu'on fasse une telle différence entre richesse et pauvreté, car les deux ne font qu'exprimer la nature du Seigneur : il se donne à nous tel qu'il est (NB 6,186).

 

609. Le Christ a aimé le monde d’un amour inépuisable

Henri de Nördlingen. Dans sa prière, il demande l'amour absolu dans la claire conscience que le Christ a aimé le monde d'un amour inépuisable, qui donc est capable d'allumer dans les cœurs des hommes un immense amour. Il veut l'amour pour remplir sa mission, l'amour pour susciter en lui un plus grand don de lui-même, l'amour pour montrer aux autres le chemin de l'amour (NB 1/1, 101).

 

610. Le Fils est conduit exclusivement par l’amour

Le Seigneur ne veut pas enlever seulement une certaine masse de péché mais le péché du monde tout simplement. Tout le péché. Il ne veut jamais non plus regarder les péchés personnels séparés du pécheur. Il voit exactement le péché tant qu'il est attaché à l'homme qu'il aime. Il connaît ce qu'il y a en lui de bien et de mal. Mais seul lui importe l'homme, seul celui-ci l'intéresse. Dès qu'il arrive à séparer le péché du pécheur, le péché ne l'intéresse plus. Seul l'amour intéresse le Fils; dans ses relations avec l'homme, il est conduit exclusivement par l'amour. Il ne veut rien savoir de ce qui ne serait pas l'amour. Le Seigneur n'aime pas moins un homme parce qu'il pécheur. Il ne laisse jamais la mesure de son amour être déterminée par la mesure du péché. Il ne considère le péché que comme ce qui, dans le pécheur, empêche encore provisoirement l'accueil de son amour (NB 3,99).

 

611. Le Fils aime chaque homme, y compris tout pécheur qui offense le Père

Le Fils aime le monde depuis toujours : il est l'œuvre du Père et son amour se reflète dans ses créatures. Le Fils voit cet amour en chaque homme, mais il doit voir aussi en chacun le pécheur qui offense le Père. Ce qui blesse le Père, le Fils doit l'enlever du monde, l'expédier hors du monde au sens propre. En devenant homme, le Fils se présentera au Père comme un homme divin qui donne une réponse parfaite. Mais le Père aussi veut faire au Fils un cadeau pour sa mission : lui offrir quelqu'un de pur avec l'aide de qui le Fils pourra réaliser ses plans : Marie, sa conception immaculée, sa maternité virginale et son mariage virginal (NB 6,474-475).

 

612. Le Christ aime tous les hommes

Le Christ aime tous les hommes, mais les apôtres sont ses plus proches, car ils ont été élus et rendus capables d'accepter son amour absolument et directement. "Toi, suis-moi" contient deux éléments : le droit du Christ de demander qu'on le suive, le devoir de celui qui est appelé d'accepter de le suivre ; les deux éléments sont l'expression de son amour parfait (NB 12,36).

 

613. Le Seigneur révèle quelque chose de son amour pour sa créature

A un certain moment, au purgatoire, le Seigneur peut révéler quelque chose de son amour pour sa créature ; le passé semble oublié. Que le Seigneur se tourne vers moi avec un visage bienveillant n'est pas fait pour me mettre à l'aise, mais seulement pour me montrer objectivement à quel point Dieu veut le bien de sa créature (NB 6,353).

 

614. Le Seigneur aime chaque âme en particulier

Suivre le Christ selon l’Évangile est toujours à l'origine une réponse personnelle. Si deux frères sont appelés, ce n'est pas leur union fraternelle qui est décisive, c'est le lien de chacun des deux au Seigneur qui aime chaque âme en particulier, qui invite chacun en particulier à le suivre. Même quand une foule de personnes se convertissent, ce n'est pas un effet de masse, c'est une action du Christ sur toutes les personnes individuellement, qui toutes ensemble font une foule (NB 2,25-26).

 

615. Le Seigneur appelle toujours chacun en particulier (NB 2,26).

 

616. Le Seigneur voit chacun de ceux qui doivent être sauvés (NB 5,287).

 

617. Le Fils est don de lui-même au Père et au monde

Personne ne peut prévoir ce que va dire et faire le Seigneur ; personne n'a accès au centre spirituel de ses plans et de son action à moins qu'il ne les fasse connaître lui-même. Il fait et dit toujours non seulement ce qu'un homme a l'habitude de faire et de dire, mais ce que Dieu accomplit. Les niveaux humain et divin sont alors réunis sans se confondre; un miracle par exemple n'est pas l'expression de ses capacités purement humaines, il est aussi l'expression de son obéissance filiale au Père. Les miracles qui sont reconnus comme tels par les hommes parce qu'ils ne peuvent pas être ramenés à un art humain, sont les expressions les plus hautes de la vie mystique du Seigneur. Ils sont liés à sa présence ; mais on ne peut pas suivre le chemin qui va de sa personne à son acte. Il ne l'interprète pas non plus lui-même, il laisse aux siens le soin d'interpréter. Il les pose comme des faits qui, en tant que tels, sont totalement liés à sa présence. Il ne dit pas qu'il voit maintenant Lazare mort et peu après vivant ; ceux qui l'entourent peuvent le constater. Il ne dit pas qu'il va maintenant prendre les poissons dans ses mains et les multiplier. La foule s'aperçoit que la transformation a eu lieu. Ce n'est pas lui qui explique ce qui se trouve dans la partie du miracle qu'on peut percevoir, ce n'est donc pas lui qui exploite le fruit de son acte ; au contraire, il laisse le miracle s'accomplir par lui, et ce sont les autres qui peuvent réfléchir au résultat. S'il voulait être simplement un homme (ce qui est impossible) et s'il oubliait son être divin, il ne remarquerait pas du tout ce qu'il laisse passer par lui. D'une certaine manière, cela ne dépend en rien du fait que lui voit comment les poissons se multiplient ou comment il a réveillé le mort. Son don de lui-même au Père est si grand – et dans ce don de lui-même au Père se trouve son don de lui-même au monde qu'il doit sauver – qu'il offre toujours en même temps au Père et au croyant le fruit de son être afin que leur foi augmente et que le fruit porte à nouveau du fruit (NB 5,217).

 

618. Le don de soi du Fils au monde

Le don de soi du Fils au monde est service du Père et de sa glorification, et justement par là apostolat. Efficace puisque la chair qu'il donne est vivante et efficace et qu'elle associe à son efficacité ceux qui la reçoivent. C'est un apostolat pour Adam qui a terni en lui l'image de Dieu. Le corps du Christ le purifie en tous ceux qui descendent de lui (NB 6,533-534).

 

619. Le Fils incarné s’engage pour toute l’humanité

Le Fils incarné connaît dans la prière la solitude avec Dieu. Elle est quelque chose de tout autre que la solitude trinitaire dans le ciel. Car pour le Fils il y a maintenant entre lui et le Père non seulement son être d'homme mais aussi l'humanité dans sa totalité. Elle peut parfois l'unir étroitement au Père et rompre la solitude. Mais surtout elle veut être sauvée. Elle l'accapare constamment et il s'engage totalement avec elle. Pourtant parce qu'il est autre que les autres, sa solitude ressort justement dans cet engagement. C'est justement la communauté qui accroît sa solitude. Il ne se rapproche pas seulement des hommes en contractant une communauté avec chacun ; il doit en même temps la saisir globalement pour pouvoir la porter au Père en tant qu'humanité entière. En faisant cela, il devient totalement étranger à lui-même parce que, vivant au milieu de tous, il doit être autre qu'il n'est. Il doit tout prendre en considération. S'il restait tel qu'il est, la communauté ne se formerait pas dans un sens purement humain, il trouverait auprès du Père tout ce dont il a besoin, mais alors il ne s'engagerait pas et la rédemption n'aurait pas lieu (NB 3,275-276).

 

620. Le Christ s'est prodigué en chaque homme (NB 3,234).

 

621. Le Seigneur se dépense sans compter

William Faber. Il a un sens fort de sa responsabilité. Il ne calcule pas ; calculer lui répugne parce qu'il a compris très tôt que le Seigneur se dépense sans compter. L'amour qu'il ressent pour le Seigneur et son prochain est un amour de service qui ne veut pas finalement être connu et mesuré (NB 1/1, 209-210).

 

622. Le Fils se communique ici-bas à profusion

Dieu ici-bas, en tant que Fils de l'homme et en tant qu'Esprit dans l’Église, se communique à profusion (NB 6,442).

 

623. Le Seigneur ne cesse de se pencher sur le monde 

Supposons que je suis un "homme moderne", un homme qui vient après Voltaire, sans rapport avec la surnature. Et je me trouve devant le Christ : humainement, il m'a frappé. Sa raison a frappé ma raison, ses talents m’ont frappé. A y regarder de plus près, il s'avère que son monde intérieur ne s'accorde pas avec le mien. Je ne peux pas le saisir ; il y a des choses en lui qui n'existent pas en moi. Mais le Seigneur peut aussi se pencher vers moi, l'Esprit peut m'élever jusqu'à lui ; bien sûr, je suis forcé alors de renoncer à mes propres critères. Ce n'est pas moi qui le saisit, c'est lui qui me saisit. Ici, on peut en arriver aussi à une conversion. Car le même processus intérieur s'est produit déjà pour les apôtres. Sans doute auraient-ils aussi aimé absorber le Seigneur dans leur horizon historique, comme nous-mêmes et tous les siècles avant nous n'avons cessé d'essayer de le faire. Mais il ne se laisse pas manipuler par nous et par l'esprit de notre temps, il est de taille à se mesurer à l'esprit de tous les temps. Il ne se penche pas sur le monde d'autrefois autrement que sur le monde d'aujourd'hui. Avec nos manières de penser et nos aspirations, nous ne sommes ni plus près, ni plus loin que n'importe quelle époque. Par lui-même, il recrée toujours distance et proximité sans qu'on puisse affirmer qu'elles auraient changé essentiellement au cours des âges (NB 6,427).

 

624. Le Seigneur offre inépuisablement de nouvelles voies pour le salut de l’humanité (NB 11,373).

 

625. Le Fils assume la plus haute responsabilité humaine possible

Bien qu'il soit Dieu, le Fils assume la plus haute responsabilité humaine possible. A une certaine distance vis-à-vis du Père. Il ne se réclame pas de l'unité de sa volonté avec celle du Père pour renvoyer au Père la responsabilité. De même que, dans la mission double de deux saints, chacun porte quand même aussi sa propre responsabilité dans les choses dont il n'est pas en mesure de se décharger sur l'autre ou dans les choses qu'ils doivent porter ensemble et se confier mutuellement. C'est ainsi que le Père fortifie le Fils pour qu’il porte lui-même la responsabilité de sa mission (NB 6,196).

 

626. Le Fils puise dans sa vision du Père ce qu’il doit donner au monde

Parce que le Fils est totalement homme, ce qu'il doit donner au monde, il le puise dans sa vison du Père. Et, à une certaine distance de celle-ci, il puise aussi dans sa vie avec sa Mère, dans son amitié avec Jean (NB 12,100).

 

627. Le Fils : révélation du Dieu vivant

Le Fils est révélation du Dieu vivant. La distance n'est pas plus grande entre le Fils ici-bas et sa relation au Père et à l'Esprit qu'entre le Fils dans le ciel et sa relation au Père et à l'Esprit. L'harmonie est la même. L'obéissance et l'adaptation réciproque sont les mêmes (NB 6,106).

 

628. Le Fils établit le contact de l’humanité déchue avec le Père

Il doit y avoir une relation claire entre le Seigneur qui est comme un vase qui reçoit le péché et les péchés qu'il assume. La forme agréable d'un vase à fleurs indique qu'il est là pour recevoir quelque chose qui plaît et qui est au-delà de la seule utilité bien que les deux beautés se trouvent sur des plans différents. Ainsi le Fils ne peut pas se contenter de la seule nature adamique. Il ne peut pas non plus être seulement le Fils du Père qui aurait encore assumé la chair, en quelque sorte accessoirement. Il doit entrer en communion avec l'humanité déchue et, à partir d'elle, établir le contact avec le Père. Mais l'Esprit Saint est l'élément objectif qui le met constamment dans une juste relation avec le Père quel que soit son état : Dieu au ciel, homme adamique, homme dans le monde déchu. En tant que représentant de l'humanité déchue, le Fils est constamment préparé par l'Esprit à savoir que le Père est offensé. Il ne suffirait pas que le Fils n'ait que l'expérience humaine du péché, il doit en même temps savoir l'effet sur Dieu du péché. Ceci d'autant plus qu'il est venu pour glorifier le Père et faire sa volonté. On peut le dire comme ceci : l'Esprit Saint empêche que le Fils fasse tellement de l'affaire du Père sa propre affaire que l'œuvre de la rédemption perde son caractère trinitaire. Le Fils devenu homme n'est pas le représentant de la Trinité, ici-bas isolé et abandonné à lui-même. L'unité et la relation éternelles entre le Père, le Fils et l'Esprit sont maintenues par l'Esprit pour le Fils devenu homme. Si ce n'était pas le cas, il pourrait sembler que Créateur et créature, Dieu le Père et le Fils homme soient fusionnés dans le Christ dans une unité qui finalement absorberait tout en soi, Dieu et la créature. Mais quand le Fils est envoyé, le Père reste justement celui qui envoie, et le lieu aussi où le Fils est envoyé, le monde, subsiste en tant que tel. Sans doute le Fils sert-il de médiateur entre Dieu et le monde, mais il n'absorbe pas les deux dans son unité de médiateur. Il est certes de même nature que le Père et de même nature que l'homme; mais ni le Père ni le prochain ne se perdent en lui. Le Fils est certes la forme intelligible sous laquelle Dieu Trinité se donne à nous, mais la forme ne supprime pas le contenu qui s'exprime, la Trinité. Le Fils peut aussi être comparé à des lunettes qui nous permettent de voir Dieu plus clairement : si la vision en tant que telle participe au divin, le contenu pourtant qui est vu ne disparaît pas dans la vision. Le Fils est Dieu : en tant que tel, il transmet aussi bien ce qu'on peut voir de Dieu que ce par quoi Dieu peut être vu. Mais d'autre part la "forme" n'est aussi que l'homme qui peut être vu et en qui Dieu se voile, et les "lunettes" sont cette vision de Dieu qui justement voit dans cette forme le caractère caché de Dieu et son incompréhensibilité. Sans cette compréhension, il n'y a pas d'accès au Père par le Fils en tant que "chemin" et "porte" (NB 6,176-177).

 

629. Le Fils vient pour éveiller la joie

Voir clairement ce qu'est l'incarnation de Dieu : il vient pour éveiller la joie, pour allumer l'amour, pour rendre l’homme capable de se présenter devant la vérité de Dieu (NB 12,102).

 

630. Le Fils veut rendre les hommes capables d’amour dans le sens divin

Quand le Fils rachète les hommes - parce que, par amour pour le Père, il aime ses créatures de cette manière -, il veut certes utiliser le temps pour les y rencontrer, mais le temps ne peut pas lui suffire. En tant qu'amour authentique, son amour ne calcule pas avec la fugacité du temps, il a besoin de l'éternité pour aimer les hommes et être aimé par eux. C'est pourquoi le Fils doit maintenant rendre aussi les hommes capables d'amour dans le sens du Père, dans le sens originel, divin. Il les a rencontrés dans le temps pour être avec eux un homme authentique ; il doit aussi les rencontrer dans la vie éternelle pour leur montrer que son amour est plus que l'amour éphémère entre humains (NB 6,103).

 

631. Le Seigneur remplit quelque chose qui est attendu en nous

Du point de vue du monde, le Seigneur est adapté à nos besoins, il remplit quelque chose qui est attendu en nous, une promesse. Il la remplit, mais il la remplit à profusion, en un sens tout à fait nouveau (NB 4,27).

 

632. La lumière du Fils conduit au divin

La lumière du Fils, c'est le premier signe de ce que le Père découvre de son Fils et de ce que le Fils nous montre ici-bas dans la foi. C'est son rayonnement, quelque chose qui, tout en éclairant, réchauffe et attire et libère, réduit à néant ce qui en nous est tiède, nous remplit d'amour. On pourrait le comparer à un charme, mais sur le plan de l'amour le plus pur. Quelque chose qui conduit au divin sans qu'il puisse être reconnu dans un premier temps comme purement divin. C'est une expression, une rencontre, un appel, une invitation(NB 5,261).

 

633. Le Seigneur apporte le Royaume dans le temps éphémère

Parce que le Seigneur est Dieu, toutes ses paroles ont le caractère d'être un événement toujours actuel. "Je suis la porte". Il n'est pas besoin de beaucoup d'explications pour savoir d'où l'on vient pour entrer, où mène la porte et où elle se trouve. Il est lui-même la Parole qui se réalise. Il suppose une connaissance de soi qui touche ce qui est juste parce qu'il ne cesse de la créer maintenant. Il apporte toujours l'ensemble du royaume des cieux dans le présent du temps éphémère (NB 11,320).

 

634. Tout ce que le Seigneur fait plante ici-bas une vérité divine toujours valable (NB 6,303).

 

635. Le Fils a semé sur la terre l’amour céleste

Celui qui prie le Seigneur, prie le vainqueur qui renverse les valeurs de tout le passé. Les jours de la création sont devenus autres, la prière des créatures vers Dieu est intégrée dans la prière du Fils au Père. Le Père a touché le Fils mort pour le réveiller, il l'attend auprès de lui dans le ciel, mais le Fils emportera avec lui ce qu'il a semé sur terre. Dans le Fils lui-même a eu lieu une nouvelle rencontre du ciel et de la terre. Ce qui était condamné à mourir est enseveli dans la terre : tout le fardeau de notre péché ; et ainsi le ciel peut recevoir ce que le Fils ramène comme moisson : l'amour céleste semé par lui sur la terre. Le premier des fruits, c'est notre prière, que le Fils a séparée du péché et purifiée. Le Père peut désormais reconnaître notre prière parce que le Fils y vit, parce que sa mort a porté du fruit en nous et qu'il apporte au Père ce fruit qui est le sien (NB 3,341).

 

636. Le temps de l'existence terrestre du Christ s'ouvre totalement sur le temps éternel (NB 1/1, 108).

 

637. Le Fils nous ouvre l’éternité

En prenant sur lui les jours du temps, le Fils voulait nous faire le don des jours de l'éternité (NB 10, n. 2108).

 

638. Le Fils nous introduit dans l’éternel

L'amour que le Christ nous fait connaître est accompagné du souffle de l'Esprit qui procède du Père et du Fils et anime leurs relations, mais qui veut aussi façonner notre relation au Fils ; il nous ouvre l'amour du Fils, nous le révèle, nous l'explique. Celui qui regarde le Christ n'a peut-être de lui au début qu'un aspect qui l'intéresse, auquel il s'accroche, mais qu'ensuite il abandonne parce qu'il néglige d'accompagner le Christ dans son ascension vers l'éternel et l'infini. Il n'a donc pas su du tout à qui au fond il avait affaire, il n'a pas voulu admettre l'ouverture que le Fils voulait être vers la vie éternelle. Mais s'il ne résiste pas à l'Esprit, il accompagne le Christ et se laisse introduire dans l'éternel. Alors des espaces et des temps lui sont ouverts qui ne sont jamais accessibles au non croyant : des espaces et des temps qui ne sont pas terrestres mais éternels (NB 6,25).

 

639. Le lien au Christ : une libération pour l’éternel

Ce qui de l'extérieur semble un lien terrestre à Jésus Christ est, vu de l'intérieur, une libération pour l'éternel. Pour une réalité qui est si immense qu'elle dépasse à l'infini la réalité passagère. La notion de liberté elle-même reçoit dans l'assujettissement au Christ une telle extension que toutes les libertés terrestres paraissent limitées et de peu d'importance, même les libertés spirituelles de la science, de l'art, etc. Car même dans ces domaines que l'esprit humain édifie par lui-même se manifestent partout le caractère limité et le calcul qui leur est propre; et les conclusions qui sont tirées là deviennent toujours des barrières quelque part. La ligne qui s'ouvre sur l'infini, l'homme l'a perdue au cas elle lui fut jamais donnée (NB 6,25).

 

640. Par le Fils, en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu

Dieu, par l'Esprit Saint, voit en nous les frères de son Fils. Par le Fils et l'Esprit, le monde est en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu (NB 6,93).

 

641. Le Fils accomplit l’éternel dans le temps

Ce qu'il y a de plus mystérieux dans la condition du Fils d'être Homme-Dieu, c'est qu'il accomplit toujours l'éternel dans le temps, ce qui dure toujours dans l’éphémère, ce qui subsiste dans tous les temps dans l'unicité de son existence : ce qui s'est passé hier, ce qui se passe aujourd'hui et ce qui se passera demain, tant que dure le monde (NB 11,26).

 

642. Le Fils construit un pont du temporel à l’éternel

Le Fils nous construit un pont en donnant déjà à ses actes temporels une valeur supra-temporelle. Celle-ci n'est certes tant soit peu dévoilée que pour le croyant et, par la méditation de la vie du Christ, elle peut se dévoiler à lui toujours plus profondément. L'acte de la rédemption sur la croix possède une actualité perpétuelle, sa résurrection tout autant ; à partir de ces deux faits, on peut deviner la vie éternelle qui est cachée dans toutes les situations de la vie du Christ. Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière ; Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut. Un peu comme il en est pour les amoureux : peu importe qu'ils soient habillés ou déshabillés, à moitié ou totalement, l'amour n'est pas moindre dans un cas que dans l'autre. Ainsi en est-il des relations du Seigneur avec ses disciples croyants ; les moments sont si pleins, si denses et si parfaits, qu'on n'a pas besoin de demander dans quelle mesure sa divinité est visible dans son humanité, dans quelle mesure l'éternité est visible dans l'instant temporel ; la foi s'en remet à lui pour la manière dont il gère le contenu éternel de son existence dans le temps. Et bien que le Seigneur sache (et que les disciples peut-être devinent) que sa passion l'attend, il se repose (et les disciples avec lui) dans la volonté actuelle du Père, dans un abandon comblé qui ne cherche pas à pénétrer un avenir éphémère en sortant de l'instant présent. Ce qui s'oppose intérieurement au but du Père, il ne le presse pas ; chaque instant est orienté directement vers la vie éternelle. Et quand des événements particuliers sortent du lot et constituent des sommets (comme l'acte des amoureux est un sommet), ces événements aussi cependant étaient tellement déjà contenus à l'avance dans tout le passé (étant donné que tout était accompli et parfait) qu'ils en faisaient simplement partie pour être accomplis (NB 6,99-100).

 

643. Le Seigneur : une ouverture sur l’infini

Celui qui commence à croire peut sans doute réfléchir parfois pour chercher à comprendre, mais dès qu'il rencontre l’Église et la foi telles que le Seigneur les lui a données, il doit, également en réfléchissant à la vérité du Fils, renoncer à tout ce qui est limité et borné et reconnaître une existence à l'infini comme étant l'état du Seigneur et la qualité de sa vie et de son action, à quoi il participe en tant que croyant qui marche à sa suite, et qu'il doit nécessairement aussi accepter. Plus il avance dans cet espace qui lui a été donné, plus il sait avec certitude qu'il ne butera jamais sur un mur bien qu'il continue à avancer de but en but en vertu de l'assujettissement qui l'unit au Seigneur - un assujettissement qu'il ne ressent pas comme tel - , bien que ceux qui sont dehors le voient comme un assujettissement (NB 6,25-26).

 

644. L’incarnation nous permet de comprendre le sens du monde

C'est par l'incarnation que le monde reçoit pour nous son sens. C'est par l'incarnation que le ciel nous est rendu plus proche. Quand le Christ parle du Père, quand il décrit le ciel, il emploie des mots comme les hommes les emploient ; son incarnation lui permet cela. Mais la même incarnation qui nous rend compréhensible le céleste ne fait pas tomber sa divinité dans l'oubli ; on peut la deviner en lui et derrière lui ; elle vit tellement en lui que toutes ses paroles et tous ses propos en sont remplis, et derrière lui s'ouvre le chemin vers le Père, s'ouvre le ciel que le Fils nous rend accessible. Les notions que nous offre le monde : espace, temps, instant, sont des notions étroites qui, toutes, sont enrichies dans le ciel et reçoivent là leur pleine signification. Elles sont dilatées à l'infini et en même temps mises en sûreté infiniment dans le céleste, dans l’éternel présent du ciel en tant qu'opposé à l'éphémère de nos minutes, de nos années, de nos millénaires, dans l'ici éternel qui est l'espace de Dieu et dans lequel notre espace est mis en sûreté. En chacun de ses propos, le Fils nous offre les mots de la prière, de la conversation, de l'ouverture. Il parle en tant que représentant de Dieu Trinité auprès des hommes à qui le Père, lors de la création, a offert l'aptitude à recevoir la foi, à accueillir et à garder sa parole, et aussi l'aptitude à la transmettre aux hommes et à la rendre à Dieu en conversant avec lui. Et tout d'un coup surgit sur terre cet espace qui s'appelle l'Église et qui est comme l'antichambre du ciel, qui possède une structure que Dieu a donnée pour la terre mais en relation bien planifiée avec la structure du ciel, son habitation dans l'éternité. L'incarnation, la parole devenue chair, la transsubstantiation eucharistique toujours nouvelle nous donnent ce dont nous avons besoin pour aspirer à l'éternité, pour pressentir ce qu'elle est, pour comprendre que Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle, mais qu'il nous invite chez lui. Cette participation à Dieu a déjà commencé par l'incarnation si bien que le ciel et la terre sont comme les interlocuteurs d'une conversation qui se déroule dans l'intimité. Dieu parle à la terre, la terre répond ; la parole et la réponse ont leur centre dans l'incarnation du Fils. Ce n'est plus une conversation entre le haut et le bas parce que Dieu, le Christ, occupe le centre et réunit le tout (NB 10, n. 2274).

 

645. Le Christ seul nous donne le vrai sens du temps

Le Fils devenu homme a mis sa vie infinie face à notre vie finie. C’est le Christ seul qui nous donne le vrai sens du temps en insérant en lui sa substance éternelle et en la soustrayant ainsi au pur écoulement : c'est par ce qui dépasse la durée que nous apprenons ce qu'est la durée (NB 12,108).

 

646. Au début de son action, le Fils voit devant lui le salut du monde (NB 5,286).

 

647. Le Sauveur d’une humanité tombée

Si l'humanité n'était pas tombée, le Seigneur n'aurait pas eu besoin de venir comme Sauveur pour se façonner une Église qui lui soit adaptée (NB 12,215).

 

648. La décision du Fils de sauver le monde

La décision du Fils de sauver le monde est une décision divine et donc une décision éternelle. Mais cette décision divine inclut d'emblée en elle sa décision humaine, le oui qu'en tant qu'homme il donne à son être de Dieu. Et cela non seulement comme possibilité mais comme réalité. Quand, au ciel, le Fils décide devant le Père de devenir homme, son oui humain est inclus dans son oui divin comme un oui réel, humain. Dans sa décision, son être d'homme, à l'intérieur de son être divin, est déjà agissant et annoncé. Une analogie qui peut éclairer ce mystère, c'est quand un saint qui est au ciel, pleinement sauvé et dans la vie éternelle, se trouve en présence de choses qu'il a réalisées sur terre dans la foi et sur mission divine. Son unité personnelle n'a pas souffert de dommage du fait qu'il a été transporté dans le ciel, elle inclut maintenant en elle ce qui était bon dans la foi pour son existence humaine sur terre. Ainsi les saints dans le ciel continuent sans rupture la mission qu'ils ont remplie sur terre, ils y demeurent fidèles. Il est vrai que, pour eux, l'éternité vient après le temps dans le monde tandis que, pour le Fils, l'éternité se trouve avant l'incarnation ; l'éternité cependant inclut le terrestre. Que les bienheureux aient été déjà hommes tandis que le Fils ne le sera que plus tard, n'a ici aucune importance, parce que le Fils est Dieu, il dispose toujours de toute l'éternité "avant" et "après" l'incarnation. En devenant homme, il ne renonce pas à sa divinité. Même s'il veut être homme aussi totalement que possible pour accomplir le mieux possible sa mission d'homme, il ne perdra rien de sa perfection divine de ce fait. Il gardera les deux intactes : la réalisation effective de sa décision d'incarnation, de sa décision d'entrer dans la sphère du temps et de l'état de créature, et sa nature divine éternelle en tant que Fils du Père, qui a pris cette décision et l'exécute maintenant. Dans ces deux conditions, il est la même et indivisible personnalité, et les deux l'expriment aussi bien l'une que l'autre. Sur terre, il est quelqu'un qui est en même temps homme et Dieu, mais au ciel déjà, avant l'incarnation, il a vécu d'une certaine manière son être d'homme, dans la mesure où dès l'éternité il était celui qui avait sérieusement décidé de devenir et d'être homme ; de ce fait, depuis toujours il incluait dans sa divinité - quoique d'une manière totalement libre - quelque chose d'humain (NB 1/2, 152-153).

 

649. La mission est donnée au Fils de sauver le monde par l'incarnation (NB 2,140).

 

650. Le Fils est envoyé dans le monde pour le sauver

Pour sauver le monde, Dieu a envoyé son Fils et il lui a associé des hommes : d'abord les apôtres puis, parce que l'eucharistie fait durer toutes choses, d'autres hommes qui sont saints (NB 2,116).

 

651. Le Christ offre au monde la volonté de salut de Dieu pour tous

La décision de Dieu de nous sauver et l'accroissement de notre péché se superposent sans cesse ; Dieu ne veut pas que nous péchions et nous ne cessons de le faire. Nous ne voulons pas ce qu'il veut, mais nous savons que sa volonté prévaut sur la nôtre. Nous sommes libres mais, avec notre liberté, nous savons très bien que notre liberté devrait se diriger d'après la volonté divine ; nous nous lions dans le péché, mais nous restons conscients que nous aurions la liberté de ne pas pécher. Il s'ensuit une sorte de course entre la volonté salvatrice de Dieu et notre volonté de pécheur. Dans tous nos excès, l'offre de la grâce de Dieu est toujours là parce que le Christ a fondé son Église pour qu'elle ne cesse de présenter cette offre à l'humanité, de lui présenter dans le temps la volonté supra-temporelle de salut de Dieu qui était présente depuis toujours (NB 6,265).

 

652. Le Fils, le pécheur et son péché

Le péché en tant que tentation subjective, c'est ce que le Fils connaît à partir du monde, c'est le combat de l'homme dans lequel agit l’œuvre de rédemption du Fils. En enfer, il y a tout ce dont le Fils a libéré l'homme sur la terre. Mais même en enfer cela garde le caractère de ce qui est personnel, on peut lire la nature du pécheur concerné. Il se passe ceci avec ce péché : toute tentation, tout péché que l'homme laisse entrer dans sa subjectivité se nourrit de sa substance. L'homme prête au péché quelque chose de lui-même pour qu'il puisse prendre place en lui. Il investit une partie de lui-même dans le péché, il livre quelque chose de lui-même. Cette part de l'homme est corrompue et perdue par le péché, et elle doit être évacuée avec le péché. Certes quand l'homme se repent, quand il se confesse, il est celui à qui Dieu a pardonné, celui que Dieu considère comme pur parce que l'amour du Fils habite en lui. Mais malgré cela, il est celui qui doit confesser ce péché et qui, avec son péché, a repoussé ce que Dieu lui avait donné de plus personnel. Cette partie perdue de l'homme va en enfer avec le péché. L'homme a perdu l'intégrité que Dieu lui avait donnée parce qu'il n'a fait aucun cas de cette intégrité et cela, parce qu'il ne connaissait pas l'amour, car c'est seulement dans l'amour que l'homme est complet. Dans le péché, il perd quelque chose de lui-même. Ce manque, le Seigneur le compense par son amour. Il insère pour ainsi dire en l'homme la partie perdue. Mais que l'homme ait péché, cela le Seigneur ne peut pas non plus faire que cela ne soit pas. Il remplace ce qui est perdu par sa propre substance, et cela non pas strictement, mais avec surabondance, comme il le fait toujours. Il se fait ainsi qu'il y a maintenant dans le pécheur quelque chose qui ne lui appartient plus mais qui appartient au Seigneur. Il y a maintenant en ce pécheur une place que le Seigneur occupe. Depuis que cet homme s'est repenti et s’est confessé, le Fils a plus de place en lui qu'auparavant parce que quelque chose de cet homme, qui en soi n'était pas mauvais, qui était neutre, qui faisait partie de sa personnalité, a disparu par son péché et est remplacé par la grâce du Seigneur. En ce qui concerne ce péché, cet homme n'est plus intact, il n'est plus vierge, mais ce qu'il a perdu se termine devant Dieu par un gain parce que la grâce a remplacé plus abondamment ce qui avait été perdu, parce que le pécheur à qui il a été pardonné appartient en quelque sorte plus étroitement à Dieu que celui qui n'a pas connu le repentir. Le moins correspondant à ce plus est conservé en enfer. Ce moins se trouve ici comme un témoignage contre le pécheur, comme ce que le pécheur a cédé au péché. Ce qui se trouve là est une disposition qui aurait pu être employée pour quelque chose de bon. Si un homme est fait de mille dispositions de ce genre, qu'il pourrait développer en vie chrétienne dans le Seigneur, il en a peut-être gaspillé cent en péché. Le Seigneur les a certes remplacées surabondamment, mais en puisant dans le trésor de sa grâce. Lui, l'homme, ne s'appartient donc plus à cent pour cent. Une part de lui-même est une grâce du Seigneur. S'il était mort sans péché, il serait venu au ciel avec lui-même. Quand il arrive maintenant, c'est par une compensation du Seigneur. Il a été adapté au Seigneur dans un état indigne, c'est-à-dire dans l'état de pécheur, alors qu'il aurait quand même été plus digne pour le Seigneur de s'adapter à un non pécheur. Ainsi celui qui a été pécheur se trouve certes maintenant plus proche du Seigneur, mais il est en même temps, en tant que pécheur, représenté en enfer de manière négative. Ce péché tout à fait personnel, qui est exclusivement sien, est présent en enfer. Et ce, avec une part de lui-même, avec la part où le péché a vécu et prospéré. De savoir cela est profitable pour le pécheur : cela combat en lui le pharisaïsme. Il sait désormais qu'il n'a plus jamais le droit de se considérer comme un juste. Cette tentation est passée ; en tant que sauvé, il sait que l'enfer possède son reflet. Et de le savoir le rend dépendant de la grâce et de la vie du Seigneur. Quand viendra la tentation suivante, il se rappellera peut-être qui il est et il réclamera la grâce à grands cris. Il est lié plus étroitement au Seigneur, il ne s'appartient plus à lui-même (NB 3,111-113).

 

653. Le Fils sauve les pécheurs (NB 4,160).

 

654. Le Seigneur comprend ce qui est juste en tout pécheur qui parle faussement (NB 4,183).

 

655. Le Seigneur prend sur lui le châtiment du Père

Savez-vous où est le Seigneur ? Là où la justice du Père débouche dans l'amour. Là où se croisent les deux chemins vers le ciel et vers l'enfer. C'est le carrefour par excellence. Pas une chose intermédiaire. Il prend sur lui le châtiment du Père qui se reflète en enfer pour le transformer en l'amour du Père qui remplit le ciel. Et ainsi il est le carrefour (NB 4,186).

 

656. Le Seigneur est l'absolue justice d'amour du Père (NB 4,319).

 

 

               141 La personnalité du Fils

 

657. Le Christ est en Dieu, le Christ est Dieu

« Il était au commencement auprès de Dieu ». Le Verbe est en Dieu parce que le Christ est en Dieu et là même est Dieu (NB 9, n. 1112).

 

658. Le Christ est Dieu et homme

Le Christ est homme et il révèle le Dieu Trinité : il est Homme-Dieu. Cette unité se trouve aussi dans ses actes, même si un certain nombre d'entre eux paraissent purement humains à un incroyant, ou si nous pensons devoir les discuter de notre point de vue humain. Pour le croyant, ils sont tous l'expression de l'être trinitaire. Là où l'amour est absolu, là aussi se trouve le trinitaire : Dieu aime Dieu, car Dieu a Dieu pour prochain ; si le Dieu-Homme aime son compagnon d'humanité, il aime aussi son prochain, mais avec le même amour (il est quand même Dieu) dont il aime en Dieu le Père et l'Esprit. Dans l'amour humain du Christ, l'amour trinitaire est intact. Pour le croyant, l'amour chrétien est ainsi une porte sûre par laquelle il reste en contact avec l'amour divin trinitaire (NB 6,108).

 

659. Le Fils devenu homme est toujours Dieu

Le Fils, qui est Dieu et qui est devenu homme, est toujours Dieu. En tant que Dieu il est constamment occupé de Dieu. Le commandement qu'il a apporté aux hommes, c'est le commandement de l'amour du prochain. Comme si l'amour du prochain était pour lui une manière de se reposer de l'amour de Dieu. Non que l'amour de Dieu soit séparé de l'amour du prochain, mais l'amour de Dieu mène à l'amour du prochain, l'amour de Dieu se repose dans l'amour du prochain (NB 4,452).

 

660. « Qui me voit voit le Père »

"Qui me voit voit le Père". Certainement pas en ce sens que les traits du Fils sont les mêmes que ceux du Père. Ou bien qu'ils seraient simplement une œuvre du Père où l'on pourrait lire l'artiste ; le Fils est la révélation offerte par le Père (révélation certainement qui ne peut être "vue" que dans la foi) et le mot "Père" se trouve ici au fond pour le Dieu Trinité tout entier. Si un amoureux disait à l'autre : "Quand tu me regardes, tu vois l'amour", on serait enclin à objecter : "L'amour, c'est quand même quelque chose d'abstrait et tu es concret. Mais je vois en toi l'amoureux et l'aimé, et je sais que c'est l'amour qui a fait de toi ce que tu es". Ainsi le croyant peut voir dans le Fils le Père qui l'engendre et aussi celui qui l'aime et celui qui est aimé de lui, il peut voir le Père dans ses relations avec le Fils et par le Fils ses relations avec tous les hommes. Il n'apparaît pas là comme une idée qu'on déduit, mais dans ses relations concrètes au Fils concret. Dans la vie éternelle également nous verrons le Père dans le Fils, avec les yeux que le Fils nous a ouverts et que l'Esprit illumine. Ce que nous serons, ce que le Père, le Fils et l'Esprit auront fait de nous, nous rendra capables de contempler l'unité de la lumière trinitaire (NB 6,117-118).

 

661. Personne n’a jamais vu Dieu, sauf le Fils

Personne n'a jamais vu Dieu, sauf le Fils. Pourquoi ? Parce que la lumière de sa sainteté est trop aveuglante pour que l’œil puisse la soutenir (NB 11,442-443).

 

662. Comprendre le Fils !

Il nous est difficile de dire dans quelle mesure nous pouvons comprendre une personne, en tout cas notre compréhension reste limitée. Quoi que nous comprenions, la certitude reste en nous qu'il y a beaucoup de choses que nous n'avons pas comprises et que l'ultime mystère de la liberté de l'autre nous demeure caché. A combien plus forte raison cela vaut-il pour Dieu. Si nous regardons le Fils comme notre prochain, ce qui est voilé en lui reste beaucoup plus grand que ce qui est dévoilé ; si nous le regardons comme Dieu, tout ce qu'on peut concevoir de lui est encore beaucoup moins à la hauteur (NB 6,78).

 

663. L’Esprit Saint pour comprendre le Fils

Si on veut rapprocher un enfant du Seigneur, on lui racontera des histoires tirées de l’Évangile et on en éclairera sa vie. Il était indocile, on lui montre à quel point Jésus enfant était docile ; et parce qu'un enfant aime aimer et être aimé, il cherchera à ne pas faire de la peine à Jésus enfant. L'adulte qui le guide doit en quelque sorte être animé par l'Esprit pour savoir comment le lui présenter. Pour l'enfant, l'Esprit reste caché derrière le Christ enfant. Par la manière de se conduire du Christ enfant, il apprend à connaître ce qui est bien et qui appartient au Christ enfant. C'est ainsi que, grâce à son éducateur, l'enfant est conduit aussi bien par le Seigneur que par l'Esprit Saint. Mais quand l'Esprit requiert pour lui celui qui devient adulte, il y aura alors de vastes domaines où on ne peut plus prendre aussi concrètement l'exemple du Christ ; les vérités deviennent "plus abstraites", et maintenant c'est l'Esprit avant tout qui conduit. Un étudiant chrétien qui voudrait devenir médecin a sans doute dans le Christ un certain modèle, mais il en a une certaine "idée" qui est formée et contrôlée par l'Esprit. Pas simplement dans le prolongement du Christ. Il y a des transformations et de nouveaux domaines et de nouvelles formes dans lesquels l'Esprit se présente comme avec une certaine visibilité. Quand un chrétien désire avoir l'esprit d'enfance, il peut sans doute considérer Jésus enfant et l'attitude du Fils vis-à-vis du Père ; mais il doit aussi s'adresser en même temps à l'Esprit de connaissance qui n'est jamais totalement compréhensible. Et on ne doit pas penser qu'on ne peut s'adresser à l'Esprit que lorsqu'il s'agit de "hautes mathématiques"; il aide également à assumer le quotidien dans un sens chrétien (NB 6,435-436).

 

664. Pour comprendre le Christ, il faut l’Esprit

Il y a une nette distinction entre la foi par laquelle nous cherchons nous-mêmes à scruter et à toucher ce qui s'est passé en Terre sainte au temps du Christ et la foi par l'Esprit et en l'Esprit. La tentative première de nous rendre compte par nous-mêmes de ce que le Christ était ici-bas ne conduira nulle part sans l'Esprit. Car en chacune des circonstances de sa vie, le Fils ouvre une porte sur la vérité de Dieu Trinité ; tout ce qu'il montre se trouve dans un rapport absolu avec la vérité tout entière, mais garde quelque chose de la manière dont l'accès fut accordé. Nous ne pourrons jamais détacher la vérité d'une parabole de la teneur du texte. L'Esprit par contre part toujours de la totalité. Lui qui n'est pas devenu homme, n'ouvre pas d'une manière humaine, à partir des détails, il ouvre d'une manière divine (NB 6,433).

 

665. Connaître le Fils sous la conduite de l’Esprit

Celui qui est prêt pour être conduit et ne s'en tient qu'au Fils, peut toujours s'appuyer sur son existence terrestre : s'il est dans la sécheresse, il pense à la croix; s'il est consolé, il peut penser au Thabor. Mais un parallèle de ce genre peut faire courir le danger qu'on connaît trop bien le détail et, en conséquence, pas assez l'ensemble. Dans la conduite par l'Esprit, quelque chose de semblable n'est pas possible (NB 6,437).

 

666. Le Fils : on ne peut pas tout comprendre

Accepter la foi tout entière. Accepter la réalité tout entière de ce que le Seigneur révèle et que la tradition nous présente: tout ce qui est, je veux y croire et, par la foi, apprendre l'adoration. Je n'ai pas besoin pour cela de comprendre comment se passe la transsubstantiation, pour quelle raison précisément Marie a été choisie, pourquoi et comment le Fils ressuscite et va au ciel, comment se sont produits les miracles du Seigneur autrefois ; dans l'acceptation toujours plus grande, je laisse plutôt les choses se dérouler telles qu'elles sont. Et puis si cela nous fait plaisir, on peut encore y réfléchir jusqu'au fait donné. C'est comme ça ; que j'en comprenne ou n'en comprenne pas peu ou prou, comment je l'interprète et comment j'ergote est tout à fait indifférent. Si la réflexion m'aide à une plus grande ouverture, elle sera bonne. Mais parce que je suis pécheur, j'ai encore la tendance, au milieu de l'ouverture, à vouloir maîtriser la foi avec mon intelligence, avec ma science, avec toutes mes connaissances rassemblées. Si cette tendance conduisait à mettre en doute quelque chose de la foi, on ferait mieux de tout laisser tomber (NB 10, n. 2290).

 

667. Les vérités chrétiennes sont chargées de mystères

Par le passage à travers la nuit, toutes les vérités de la doctrine chrétienne, avant comme après la passion, sont si chargées de mystère divin que la foi précédente ne suffit plus ; elle doit être adaptée au nouvel état de la vérité ; elle n'a plus le droit de continuer à tendre de la périphérie vers le centre, elle doit être enracinée au centre lui-même. L'ancienne forme du dialogue entre les disciples et le Seigneur est dépassée parce que la vérité nouvelle renferme de telles profondeurs et aussi de telles exigences que seul un oui inconditionnel peut suffire. Et parce que le chrétien n'en est pas capable tout seul, le Seigneur promet l'Esprit Saint. Quand il descend sur les disciples, ils le ressentent comme un tourbillon qui transforme tout, qui les dote jusque dans leur corps de nouvelles capacités de foi. Sa force explosive les ouvre non seulement vers l'extérieur pour l'apostolat, mais également vers l'intérieur, il descend jusqu'au fondement du mystère du baptême pour s'y enfoncer lui-même (NB 5,142-143).

 

668. L’amour du Christ pour nous sous une forme qu’on peut comprendre

Les motifs de l'amour du Christ pour nous dans le ciel se trouvent dans le Père et dans l'Esprit. Toute l'incarnation se trouve dans le cadre de ces motifs. Il devient homme pour le Père et pour l'Esprit. En devenant homme, il nous montre cet amour sous une forme qui nous est adaptée et qu'on peut comprendre. Mais parce que, en Dieu, l'amour est toujours aussi intransitif, il ne nous montre pas cet amour comme une sphère fermée sur elle-même ou de telle manière que nous, les hommes, nous serions seulement des occasions de son amour pour le Père et l'Esprit, il nous le montre comme l'amour tout simplement qui inclut tout essentiellement dans sa sphère. Il le peut parce que, depuis toujours, le Père nous aime, nous ses créatures, comme ses enfants, dans l'unité d'amour aussi bien sûr avec le Fils et l'Esprit. Ainsi, dès la création, nous sommes aimés de manière trinitaire, mais nous ne pouvons le comprendre que dans le Fils (NB 6,110).

 

669. Impossible de scruter à fond les relations du divin et de l’humain dans le Christ -

Le Fils nous montre des choses qu'on ne peut voir, de manière allusive, que lorsque jaillit l’Esprit. Elles ont besoin de l'atmosphère de l'Esprit. Tout ce qu'on pense ou dit du Fils reste toujours, quand c'est spécifié, en deçà du contenu ; ce n'est pas le temps qui rend dépassée la révélation chrétienne, c'est celle-ci qui rend dépassé chaque temps. Quand nous essayons de comprendre ce qu'est le Christ, notre essai de pensée nous dépasse toujours nous-mêmes dans une double direction : en direction du mystère du Père d'où il vient et à qui il retourne, et en direction du mystère de la rédemption pour lequel il va à l'homme et le ramène. Les deux relations sont entrelacées de la manière la plus étroite dans le Christ, et l'Esprit Saint répand constamment sa nuée sur ces deux relations pour les montrer, pour les dilater en eux-mêmes et pour notre intelligence. Cette nuée nous empêche d'enclore le mystère dans un système où l'on pourrait scruter à fond les relations entre le divin et l'humain dans le Christ (NB 6,174-175).

 

670. Saisir suffisamment le Fils ?

Qui peut jamais dire qu'il a saisi suffisamment le Fils, qu'il peut passer à ce qui est plus grand, à Dieu Trinité (NB 11,238).

 

671. On ne peut pas dire qu’on ne comprend pas grand-chose au Seigneur

Origène pense qu’on ne peut pas se taire au sujet du Seigneur. On ne peut pas simplement renvoyer à une différence infinie entre le Seigneur et l’homme. On ne peut pas dire qu’on ne comprend pas grand-chose au Seigneur, donc qu’on n’a pas besoin de s’en occuper. Ou bien aussi que la vie du Seigneur est quelque chose de si connue qu’elle ne recèle aucun mystère qu’on aurait encore besoin de scruter (NB 4,65).

 

672. Du vivant du Seigneur, des choses ne pouvaient être connues que de Dieu

Il y a des choses du vivant du Seigneur que personne d’autre ne pouvait connaître que Dieu et ceux à qui il a donné part à sa mémoire. Jean aussi autrefois ignorait humainement beaucoup de choses qui lui furent montrées et données dans la vision de la mémoire de Dieu (NB 9, n. 1492).

 

673. L’incompréhensible du Père et Fils qui s’est révélé

Dans l'ancienne Alliance, on arrivait en quelque sorte plus rapidement et plus directement à l'incompréhensible du Père. Naturellement le Fils ne nous a rien caché mais, du fait qu'il est visible, notre imperfection ne nous permet plus de goûter aussi fort ce qu'il y a d'invisible. Il y a, dans la nouvelle Alliance, des péchés qui n'existaient pas dans l'ancienne, bien que le Fils n'ait certes pas été pour nous l'occasion d'un nouveau péché. Pour les croyants dont la foi est profonde, l'incompréhensible du Père est encore plus dévoilé qu'autrefois dans le Fils ; seuls les blasés se contentent du Fils comme celui qui se contente de la partition pour piano d'une symphonie parce qu'il peut la jouer, et ensuite il ne veut plus entendre parler de la partition ou il l'oublie tout simplement. Mais la partition pour piano, qui donne une idée de la symphonie, n'est sûrement pas ce que voulait exprimer le compositeur (NB 5,159).

 

674. Le Fils : éternel, insaisissable

Le Fils qui, de toute éternité et pour toute l'éternité, vit avec le Père en tant que Parole du Père ne perd jamais sa propriété d'être Parole. Pour le Père, le Fils est toujours également digne d'être aimé, toujours également important ; entre eux, rien ne s'épuise, rien n'est jamais dépassé, rien de la Parole de Dieu ne perd de sa force. La relation des personnes en Dieu est toujours également comblée, et ainsi la Parole de Dieu, qu'elle soit exprimée ou secrète, est toujours également actuelle, en service, adorante, disponible. Et ce service et cette adoration et cette disponibilité sont perceptibles par nous, dans une certaine mesure déterminée par Dieu, même si ce que nous pouvons en saisir débouche sans cesse dans le toujours-plus-grand que nous ne pouvons percevoir. Tout est plus grand et, du fait que c'est plus grand, c'est aussi différent. Quand nous disons plus grand, nous pensons, nous, hommes, accroissement de ce que nous pouvons saisir ; en réalité la Parole grandit qualitativement : elle devient autre, elle devient divine, substantiellement insaisissable (NB 6,39).

 

675. Le Christ est le Dieu infini

Parce que le Christ aime son épouse, l’Église, parce qu'il l'aime publiquement en montrant son amour à tous les croyants, parce qu'il est le Dieu infini qui s'est choisi son épouse pour toujours et qu'il est une personne de la Trinité divine, non seulement des possibilités immenses d'amour sont ouvertes mais aussi, en lui, des mystères innombrables qui ne peuvent être révélés en partie que comme mystères. Pour qu'on puisse les deviner, ils sont un peu dévoilés, mais leur révélation est réservée à la vie éternelle. C'est ainsi que l'être humain ne peut jamais recevoir assez d'amour, il ne peut jamais en être vraiment rassasié. Il a part à une plénitude qui coule éternellement et ne cesse d'être pour lui une source éternellement neuve (NB 12,50).

 

676. La démesure de l’être du Seigneur

Si, dans le Nouveau Testament, on met entre parenthèses les passages qui évoquent la démesure de l'être du Seigneur., on fait du Fils de Dieu un homme avisé et bon, et de notre foi une médiocrité (NB 9, n. 1797).

 

677. L’omniscience du Seigneur -

Théoriquement je sais que le Seigneur sait tout. Mais je ne me suis jamais occupé sérieusement de son omniscience (NB 6,353).

 

678. Où est le Seigneur?... Sur terre, on le reconnaît à l'amour (NB 4,29).

 

679. L’amour du Seigneur

Fête du Sacré-Cœur. Le cœur se trouve ici pour l’être du Seigneur lui-même, pour son amour. Le cœur apparaît comme le centre de tout. Le cœur représente l’être (NB 9, n. 1568).

 

680. Jésus, l’ami des enfants

Adrienne, enfant, explique à un adulte : « Tu sais, Jésus est l'ami des enfants » (NB 7,90).

 

681. Le Fils incarné aime

Là où Dieu aime Dieu, il aime toujours sans conditions et il ne rend pas son amour dépendant de la réponse du toi. L'amour de Dieu n'a rien de calculateur parce que, dans la Trinité, tout est pure surabondance. Le Fils incarné aussi aime de la même manière malgré toutes les déceptions qu'il connaît avec nous. Le commandement de l'amour du prochain qu'il édicte n'est pas une concession à notre faiblesse et à notre finitude ; l'amour qu'il ordonne découle immédiatement de son amour et il doit présenter, comme sa marque distinctive, la forme de la surabondance divine qui ne calcule pas. Le chrétien voit dans son prochain le cadeau que Dieu lui fait. Il est l'œuvre du Créateur, le frère du Rédempteur et, comme tel, il est confié au chrétien pour être aimé. Et cela de telle manière que le prochain, en éprouvant l'amour, soit incité à l'amour qui, de son côté, possède la forme de la surabondance et de la prodigalité. L'amour chrétien provient de Dieu et, par là, il lui est assuré de se répandre inépuisablement, et même d'être d'autant plus abondant qu'il est plus utilisé (NB 6,113).

 

682. La bonté du Seigneur, sa simplicité, son amour

Bernardin de Sienne. L’image de Dieu qu’il se fait, c’est surtout ce qu'il a vu dans son enfance : la bonté du Seigneur, sa simplicité, son humanité parmi nous, son amour (NB 1/1, 296).

 

683. Le Seigneur : quelqu’un de bon

Pour l'enfant, il n'est pas difficile de se faire une idée du Seigneur. Elle correspond simplement à ce qu'on attend de quelqu'un de bon (NB 4,189).

 

684. La puissance du Fils

On pourrait imaginer que le Christ se soit fait une Église à laquelle il ne se serait montré que dans sa gloire, sur son trône céleste, et qu'il aurait supprimé ses années d'humiliation. Mais justement il ne l'a pas voulu. Lui-même fut ici-bas le Fils humilié du Père, il a poussé si loin l'obéissance que finalement il a crié au Père : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et il proclame en même temps : "Qui me voit voit le Père". En cela il ne se laisse pas égarer par les hommes ; à Philippe, il ne se montre pas soumis au Père, il se montre son égal, avec sa puissance. Dans son impuissance humaine, il n'oublie pas qu'il est le Maître et qu'il peut représenter le Père, et son retour au Père aussi est un acte de puissance. La vision de l'Apocalypse est en grande partie une vision de la puissance du Fils. Mais du Père on doit dire : il admet la puissance du Fils, elle lui est chère, il se tient à côté d'elle. Il n'insiste pas pour avoir un Fils qui lui soit toujours soumis. Même si le Fils fait toujours la volonté du Père, le Père ne révèle pas seulement sa propre puissance en élevant le Fils à sa droite, il révèle tout autant la puissance du Fils. Le Père qui engendre éternellement le Fils, engendre aussi le Fils qui siège tout-puissant à sa droite (NB 12,44).

 

685. C’est la force du Seigneur qui remplit les montagnes et les renverse

Qui a la foi remplit les montagnes de sa foi. Il sait alors qu’elles sont creuses. On est capable de tout si l’on sait que c’est la force du Seigneur qui le fait. Le Seigneur seul renverse les montagnes. Si on le laisse faire, on peut tout. C’est lui qui le fait même s’il l’opère par nous. On aurait pu s’épargner la peine de regarder les choses pour autres qu’elles ne sont : des choses dont Dieu peut faire ce qu’il veut (NB 4,83-84).

 

686. Force et pureté du Christ

Devant la force du Christ, l’homme a une mesure de sa propre impureté et de la pureté du Christ (NB 8, n. 457).

 

687. Le Seigneur seul est saint

Seul le Seigneur est tout à fait saint, et à tout point de vue ; à part lui personne ne l'est. Tous les saints ont leurs défauts et leurs lacunes (NB 11,425).

 

688. La colère du Fils et le péché

Le Fils est en colère parce que les hommes pèchent : c’est un fait qu'on ne peut pas cacher ; mais il est aussi en colère parce que le Père est en colère et qu'il est offensé, et cette colère ne peut pas se calmer tant que sa création pèche. Cette colère qui existe avant l'incarnation est continuellement avivée par le péché. Comme la rencontre est constante entre le péché et la colère, il semble qu'on ne puisse pas espérer une victoire sur l'enfer, c'est-à-dire une séparation efficace du péché et du pécheur. Pour que cette séparation puisse se produire, le Fils doit devenir homme. En devenant homme, le Fils se dépouille de son existence céleste ; ce faisant, il va dépouiller les hommes de leur être d'enfer, il va pouvoir les en séparer. Mais la colère de Dieu, avec son caractère absolu, est pour ainsi dire incoercible. Elle est tellement entière, elle est tellement pure essence de colère, qu'il ne semble pas qu'elle puisse être influencée par d'autres propriétés de Dieu. Et pourtant Dieu n'a pas créé le monde dans la colère, et l'homme pourrait contribuer à ce que Dieu regarde sa création avec faveur. C'est dans cette possibilité que le Fils s'engage par son incarnation. Sur lui, le Fils éternel, le regard bienveillant du Père est posé depuis toujours ; maintenant le Fils se dépouille de sa divinité et revêt l'humanité mais, avec lui, il attire aussi le regard d'amour du Père sur le monde. En se dépouillant, le Fils ici-bas est comme un homme qui vit dans la grâce, dans le bonheur parfait d'être aimé par le Père. Soumis à une loi et à une destinée humaines, il prouve qu'il peut quand même rester totalement dans le Père. C'est presque comme si, par pure joie d'être un homme, il déposait sa divinité auprès du Père, comme si, dans sa condition humaine également, il pouvait sentir avec joie l'amour trinitaire de Dieu et lui répondre (NB 6,311).

 

689. Le Christ : sa tristesse et sa colère

Nous nous faisons souvent une idée de la grandeur du Christ qui nous empêche de faire avec lui bien des choses qui dans l’Évangile lui appartiennent. Sa tristesse par exemple, nous pouvons encore nous en représenter au moins quelque chose. Mais nous essayons rarement d'y pénétrer plus à fond et de comprendre à quel point ses grâces participent de sa tristesse. La distance est encore plus grande quand nous pensons à sa colère le jour où il a chassé les vendeurs du temple ; nous voyons ses effets : les marchands doivent fuir parce que sa colère balaie tout, mais nous ne pénétrons pas à l'intérieur de sa colère pour saisir de là ses effets et surtout pour voir comment tout ne cesse de remonter à son origine (NB 6,310).

 

690. La pauvreté du Christ

François d'Assise. Sa chasteté et son obéissance sont entièrement le fruit de sa pauvreté. Depuis le temps où il commence à croire d'une manière totalement vivante, c'est la pauvreté qui lui a tout donné. C'est comme si c'était la pauvreté du Christ qu'il avait d'abord en vue ; c'est d'elle qu'il apprend à louer, à prier, à méditer, à vivre. Son humilité aussi apparaît comme la conséquence de sa pauvreté: quand quelqu'un est si pauvre, il n'a rien d'autre à faire qu'à être humble (NB 1/1, 83).

 

691. Le mystère divin de l'humilité que le Fils possédait (NB 11,37).

 

 

               142 Les relations du Fils au Père

 

 

692. L’obéissance du Fils au Père dans l’usage de sa vision (surnaturelle)

Le Christ, sur terre, dispose totalement de sa vision (surnaturelle) et pourtant il ne l'utilise pas autrement que dans la plus stricte obéissance au Père. En tant que Dieu, le Fils dispose de manière assurée de la faculté de voir. Il a la vision quand il le veut ; et quand il ne le veut pas, il ne l'a pas. Mais sa volonté a dans le Père une assurance que ne possède pas la volonté du simple mortel vis-à-vis de Dieu. Il a toujours l'assurance de pouvoir ce qu'il veut ; ce n'est que dans la passion qu'il a déposé aussi l'assurance de disposer de la vision. Mais d'habitude il se meut de manière souveraine dans son état qui se situe entre la vision du Père et les sens humains ; mais à chaque instant il veut voir comme Dieu le veut et voir ce que Dieu veut (NB 1/2, 230).

 

693. Le mystère fondamental du Christ est l'obéissance (NB 2,46).

 

694. Comprendre l’obéissance du Christ

Il a été donné à Jean d’Avila une intelligence profonde de la mission du Christ, de l'obéissance du Christ, de l'attitude intérieure du Christ vis-à-vis de sa mission, pour qu'il puisse la transmettre. C'est un médiateur de la mission du Christ telle qu'il l’a saisie (NB 2,83).

 

695. L’obéissance dans la Trinité et l’obéissance de l’Homme-Dieu

L’obéissance trinitaire de l’Homme-Dieu ne serait pas compréhensible sans l’obéissance trinitaire de Dieu. L’omniscience de Dieu ne le dispense pas de l’obéissance. L’omniscience du Père ne le fait pas renoncer à ce que l’Esprit et le Fils lui rendent des comptes. Les trois se rendent leurs comptes mutuellement (NB 4,97).

 

696. L’obéissance du Fils

Le Christ dans sa passion sait qu'il doit mourir ; ce savoir fait partie de sa mission divine et personnelle. Et justement parce qu'il est le Fils unique, il ne décidera pas par lui-même la forme sous laquelle par exemple il sera flagellé. Il accepte ce qui est donné, ce qui est exigé, ce dont il est chargé, comme allant de soi, mais non de manière impassible. S'il disait aux bourreaux comment ils doivent le flageller, il ferait ressortir son moi d'une manière qui n'est pas prévue maintenant par Dieu Trinité. Ainsi le fait qu'il laisse faire est obéissance la plus profonde (NB 1/2, 97).

 

697. L’obéissance au sein de l’amour

Quand le Fils devient homme pour sauver le monde, il reprend les repères de l'obéissance pour faire de l'obéissance le chemin du retour à l'amour, pour montrer à l'homme que tel est le dessein du Père. Et de même qu'en s'incarnant il se détache au sein de la Trinité, de même il fait ressortir l'obéissance au sein de l'amour afin que les hommes puissent reconnaître le chemin qu'il prend et le suivre (NB 5,90).

 

698. L’amour dans l’obéissance du Fils

Quand nous nous représentons l'amour du Fils pour le Père, pour la création, pour sa Mère, il y a dans notre vie bien des éléments que nous pouvons utiliser pour mieux le comprendre. Pour l'obéissance, la comparaison semble beaucoup plus difficile. Comme point de comparaison, nous devons souvent prendre le petit enfant qui obéit parce qu'autrement il n'y arriverait pas, il aurait constamment le dessous dans son combat avec le monde qui l'environne, et pourtant il sent la présence de l'amour de son père et de sa mère, et il obéit en raison de cet amour (NB 11,312).

 

699. Le Fils vit dans l’amour et l’obéissance

Le Père envoie son Fils ; d'une part celui-ci est doté de la liberté divine qui lui est propre, d'autre part il est placé dans les limites humaines, mais il est toujours en même temps Dieu et homme, libre et lié, aimant et obéissant, et ceci toujours aussi bien comme Dieu que comme homme : c'est pourquoi l'obéissance divine illimitée du Fils n'est pas réduite par l'incarnation, il vit dans l'amour et l'obéissance (NB 11,312).

 

700. Parfaite obéissance au Père

Tous les mystères sont vécus par le Seigneur en plénitude et ils ont leur unité dans sa parfaite obéissance au Père : à chaque instant, il vit totalement ce qui est à vivre, dans le mélange, mieux : dans la pureté, que le Père lui accorde (NB 5,139).

 

701. L’obéissance du corps charnel du Christ

Le corps charnel du Christ lui obéit en tant que Fils de Dieu ; il ne fait pas qu'un avec lui seulement de manière générale, il ne fait qu'un avec lui expressément sous la forme de l'obéissance, et le Fils manifeste son obéissance filiale vis-à-vis du Père en gardant ce corps qui est le sien dans une relation constante d'obéissance (NB 6,248).

 

702. Obéissance : transparence et effacement

La perfection est le propre du Fils de Dieu ; dans le Fils devenu homme, elle est l'apparition de la perfection trinitaire dans une existence humaine. Il vit dans l'Esprit Saint qu'il reçoit et dans la vision du Père avec lequel il parle dans la prière et dont il fait la volonté. Lui-même nous ordonne d'être parfaits comme le Père dans le ciel, en obéissant à sa parole de Fils qui nous dit de faire la volonté du Père. Il nous apprend à prier : "Notre Père…" et, dans sa propre transparence et son propre effacement qui ne veulent être rien d'autre que la Parole du Père, il nous donne continuellement une idée de l'être du Fils éternel dans le Père éternel. Il fait entrer notre devenir dans son être éternel afin qu'étant en lui, notre devenir saisisse quelque chose de l'être du Père (NB 6,106).

 

703. Le Fils obéit au Père jusqu’à la mort

Nous pouvons nous faire certaines idées de la manière dont le Fils éternel obéit au Père, mais cela reste enfermé dans la sphère divine où l'unité de nature exclut tout désaccord, toute divergence d'opinions, pour cette raison aussi que le mal n'a là aucune place. En devenant homme, le Fils ne prend pas le mal en lui ; il s'y oppose, il le combat et le vainc. Ce n'est pas une victoire qui serait faite d'un certain nombre de tout petits succès, elle consiste en un acte global : l'obéissance jusqu'à la mort. C'est par cet acte global que Dieu veut sauver le monde et donner à l'homme un nouveau point de départ (NB 11,22).

 

704. Le Fils obéit au Père, la Mère obéit au Fils

C'est par le oui de sa Mère que le Fils devient un homme obéissant. Il y a ainsi un point de départ à un double point de vue : le Fils de l'homme obéit au Père, la Mère obéit au Fils (NB 11,22).

 

705. L’obéissance du Fils

Tout ce que le Fils a fait et dit ici-bas, toute son attitude et toute sa manière de penser étaient déterminées par son obéissance (NB 11,26).

 

706. L’obéissance du Fils est entraînée dans l’infini

Le Fils fut obéissant au Père jusqu'à la mort. Il révèle par là une relation au Père qui allait beaucoup plus loin que ce qu'on peut imaginer, qui était beaucoup plus unique, beaucoup plus radicale. On peut chercher à imaginer l'obéissance du Fils comme ayant des limites humaines, elle devient alors apparemment plus concrète, plus imitable. Mais nulle part on ne peut constater ces limites, son obéissance prend toute sa personne, toute son existence terrestre, y compris sa mort ; elle est entraînée dans l'immense, dans l'infini (NB 11,247).

 

707. Pour le Fils homme, voir ou ne pas voir le Père relève de son obéissance

Que le Fils ait la vision ou ne l'ait pas, cela fait partie des fonctions de son obéissance de mission, cela veut dire que ce n'est pas le Fils lui-même qui décide de voir le Père ; c'est dans l'obéissance que le Fils amène son esprit à cette disposition d'esprit. Par l'obéissance aveugle qui existe dans l’Église, Dieu donne à ses saints d'avoir part à cette disposition d'esprit. Pour bien la comprendre, il faut prêter attention à deux aspects de l'obéissance du Fils. Le Fils n'est pas si "fanatiquement" obéissant que, pour cette raison, il ne verrait plus le Père ; il ne s'anéantit pas dans son obéissance, il regarde toujours la volonté du Père pour obéir. L'exagération - si on veut employer le terme - ne réside pas dans l'obéissance subjective, mais dans l'exigence objective du Père. C'est ici que se trouve aussi le deuxième aspect : le Père est si puissant qu'il peut exiger et obtenir du Fils qu'il arrive à ne plus le voir. C'est la gloire du Fils qu'il le fasse et que, par son obéissance, il manifeste la puissance du Père (NB 6,192).

 

708. Le Fils obéit au Père

Le Fils obéit au Père comme un envoyé obéit à celui qui l'envoie, mais tout à fait aussi comme un homme obéit à d'autres hommes ; et du fait que son obéissance est absolue, il dévoile un mystère qui est là pour les autres. Sa parfaite obéissance invite à l'imitation et elle montre aussi comment c'est possible. Cette obéissance est incluse dans la prière, et à vrai dire justement et avant tout dans la prière que le Fils a donnée aux hommes : "Que ta volonté soit faite". Elle n'est donc pas un effort surhumain de la nature, elle est une grâce qui découle du Notre Père et se révèle toujours être un devoir envers Dieu (NB 2,47).

 

709. Le Fils obéissant est la possession de Dieu

Le Fils devenu homme voit les traces de l'Esprit en tant qu'homme parce que son propre Esprit divin, qui inclut l'Esprit Saint, est déposé auprès du Père ; mais l'homme qu'il est s'est acquitté si parfaitement de l'obéissance au Père qu'il a pleinement part à ce divin que Dieu offre à l'homme comme foi. Il voit les traces en vertu du surnaturel qui revient au juste qu'il est en tant que Fils. L'ampleur de cette part est en quelque sorte aussi le fruit de sa vie d'obéissance. Mais le renoncement à ce qui lui reviendrait aussi maintenant en tant que Dieu fait partie également de cette obéissance. En tant qu'obéissant au Père il est tout simplement l'homme parfait qui est totalement la possession de Dieu (NB 4,159).

 

710. L’obéissance du Fils et l’obéissance du monde

Le Christ offre au Père une obéissance absolue, et il s'approche de lui en tant que représentant l'humanité désobéissante et pour la défendre. Le Fils ne veut pas que le Père voie l'effort qui lui en coûte de venir à bout du monde. Il voudrait que le Père puisse voir dans son obéissance le reflet de l'obéissance du monde (NB 12,79).

 

711. La passion dans l’obéissance

Le Seigneur a porté toute sa passion dans l'obéissance. La mesure de son obéissance dans la passion était convenue quand il s'était séparé du Père. Mais parce qu'il était Dieu, il savait que tout ce que voulait le Père recelait en soi un plus d'amour, un davantage d'amour. Cela, il l'a accompli sur la croix dans une parfaite mesure. Et, après la croix, il rend au Père cette mesure. Mais en allant en enfer, il prend sur lui une œuvre qui dépasse la mesure. Le Père lui communique son mystère mais, du point de vue du Fils, son passage en enfer est une super-obéissance. Il fait plus qu'il n'était convenu parce que son amour pour le Père ne connaît pas de mesure, parce que le Père reçoit de lui plus d'amour que ce qu'on pouvait jamais prévoir. Malgré leur solitude le samedi saint, le Père et le Fils sont un dans la connaissance d'un toujours-plus. On pourrait certes s'imaginer que le Père projette de saisir et d'embrasser d'un seul coup d'œil une fois pour toutes le Fils tout entier et tout son amour. Mais cela, il ne le fait pas, c’est par amour qu’il ne le fait pas, pour ne cesser d'être surpris par l'amour et l'obéissance du Fils. A cette discrétion du Père, le Fils répond en lui offrant encore en enfer le toujours-plus de l'obéissance (NB 4,20).

 

712. Comprendre comme le veut le Père

Le Fils reçoit du Père ce qui lui est donné : comprenant là où il a à comprendre, ne comprenant pas là où il n’a pas le droit de comprendre, pour le bien de sa mission (NB 9, n. 1992).

 

713. Le désir de faire ce que veut le Père

Quand l'élève fait toujours exactement ce que veut le professeur, celui-ci a alors une expression détendue, satisfaite, et l'élève aussi sait qu'il fait bien. L'essentiel de son obéissance ne réside pas dans le fait qu'il fait ce qu'il tient lui-même pour juste, mais qu'il fait ce que le professeur, qui lui a montré son devoir, attend de lui. C'est pourquoi le Fils en tant qu'homme ne se regarde pas lui-même en tant que Dieu, il ne regarde que le Père. Il n'emprunte pas sa règle à sa propre vision divine du Père, mais au Père. Depuis toujours, son désir est de faire ce que veut le Père. Tant qu'il n'était que Dieu, aucune question ne se posait. Maintenant qu'il est homme - même s'il est un homme sans péché -, cela devient plus difficile - simplement parce qu'il est homme - d'atteindre à chaque instant exactement le centre de la volonté du Père. Dans sa vision divine, il atteignait toujours ce centre. En tant qu'homme, avec une volonté humaine, il doit apprendre à aligner exactement cette volonté sur le Père ; pour cela, il doit oublier d'une certaine manière qu'en tant que Fils divin il ne peut rien vouloir d'autre que ce que veut le Père (NB 6,134).

 

714. L’amour du Fils ne veut que ce que veut le Père

Le Seigneur demande que la volonté du Père se fasse, uniquement la volonté du Père et rien du tout en plus. On voit l'amour infini du Fils, qui veut uniquement ce que veut le Père. Il s'astreint autant à ce but unique que s'il était réellement le dernier et le plus petit des valets. S'il peut seulement servir, tous ses désirs sont comblés. Il ne veut rien recevoir que ce qui peut être utile pour ce service. Le service a cette largeur et cette profondeur : le plus grand service, le plus petit service, tout ce qui peut être demandé (NB 10, n. 2180).

 

715. Le Fils vit sur terre aussi longtemps que le Père le veut

Dieu le Père a possédé le pouvoir d’obéissance vis-à-vis du Fils incarné. Le Fils, qui est Dieu, a naturellement sa vie éternelle dans le Père en toute indépendance. Cependant le Fils est parfaitement obéissant au Père et, dans cette obéissance, le Père détermine le temps de la vie du Fils. Il fixe l’heure où devra avoir lieu la mort du Fils et une prolongation éventuelle de la vie dépend du Père. Par amour, le Fils vit aussi longtemps que le Père le veut. L’obéissance du Fils au Père n’est pas seulement officielle et abstraite, c’est une obéissance d’amour tout à fait personnelle, aussi personnelle que peut l’être une relation entre personnes. Il y a une crainte du Fils au mont des oliviers : “S’il est possible...” Ce n’est pas seulement la crainte devant la souffrance, mais devant la prodigieuse liberté du Père de disposer de la souffrance comme cela lui plaît. Tous les fils de la souffrance du Fils sont tenus par la main du Père. Le Fils, à chaque péché qui est sur sa route avant la passion, expérimente par anticipation quelque chose de sa mort sur la croix (NB 9, n. 1749).

 

716. Le désir du Fils : accomplir la volonté du Père 

Le désir du Fils est de prêter son concours à la volonté et à l’œuvre du Père pour le salut du monde. Le Fils n’a cessé d’accomplir l’œuvre du Père : en tant qu'incarné, en tant que crucifié, en tant que ressuscité. Accomplissement non seulement d'un plan de Dieu sur le monde, mais exactement accomplissement de la volonté du Père et de l'Esprit Saint par une obéissance donnée (NB 2,164).

 

717. Une insertion parfaite dans la volonté du Père

Le Christ - vérité, vie et chemin - montre son chemin unique. En tant que chemin de l’amour parfait, de l'obéissance parfaite, de l'insertion parfaite dans la volonté du Père (NB 2, 206).
 

718. Insertion de la volonté du Seigneur dans celle du Père

Le Père Vallée o.p., confesseur au carmel de Dijon (1841-1927), se plonge toujours davantage dans les mystères du Seigneur ; il cherche à mieux saisir leur insertion dans la volonté du Père pour pouvoir faire comprendre aux religieux leur insertion dans l'esprit de leur ordre : insertion dans une forme de l'Esprit Saint tout à fait parallèle à l'insertion de la volonté du Christ dans celle du Père (NB 1/1, 232).

 

719. Accomplir la volonté de Dieu comme le Fils l’a accomplie

Eusèbe de Verceil (+ 371) voudrait amener ses prêtres à accomplir toujours plus la volonté de Dieu, comme le Fils l'a accomplie, afin que Dieu voie en eux les frères de son Fils et qu'eux-mêmes éprouvent toujours plus que Dieu est leur Père comme il est le Père du Christ (NB 1/1, 271).

 

720. « Que ta volonté soit faite »

Quand le Fils dit : "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel", toutes les volontés du Père sont incluses dans cette prière (NB 1/1, 345).

 

721. « Ta volonté, non la mienne »

Dès l'instant où le Fils dit: "Ta volonté, non la mienne", il n'a plus la liberté de dire : "Que ce calice passe loin de moi". Il a rendu sa liberté (NB 3,266).

 

722. Volonté humaine du Fils de se soumettre à la volonté divine

Le Fils devient homme : cela correspondait à sa volonté divine qui ne faisait qu'une avec la volonté du Père et de l'Esprit. Mais comme il veut être homme tout à fait, il doit aussi avoir une volonté humaine qui s'adapte et se soumet à la volonté divine. Cette volonté humaine se heurte à des limites. Exactement comme son corps. Comme volonté du Fils, sa volonté humaine ne peut être que pure et transparente, si docile à la volonté du Père que les limites ne sont pas un problème. Cela ne préoccupe pas le Fils que sa volonté humaine comporte des limites, car la volonté du Père n'en connaît aucune et le Fils aspire à elle sans détour et il n'a pas d'autre souhait que de l'accomplir (NB 6,153).

 

723. Accomplir toute la volonté du Père

Le Fils tout autant que l'Esprit requièrent le meilleur possible également en toute situation concrète. Dans l'exigence, le Seigneur n'est pas partagé parce que, en tant qu'homme, il a toujours accompli toute la volonté du Père (NB 6,436).

 

724. Le Fils est totalement dans la volonté du Père

En engendrant le Fils, le Père choisit - de toute éternité - que celui-ci doit être son Fils et en même temps Dieu. La qualité essentielle est toujours déjà choisie. Parce que le Fils est Dieu, sa volonté tout entière, sa liberté tout entière, est dans le Père, ne fait qu’un avec la volonté et la liberté du Père. Dieu le Fils est parfaitement adapté au Père, d’abord parce que le Père ne cesse de l’engendrer et ensuite parce qu’il est Dieu et qu’il rejette tout ce qui n’est pas la volonté du Père, et que de lui-même il ne veut que ce qui correspond à cette volonté. S’il se trouve dans cette volonté paternelle que le Fils devienne chair maintenant et qu’il ait l’apparence d’une créature du Père, le Fils malgré la différence qui apparaîtra est totalement dans la volonté du Père. En tant qu’homme, il n’est en aucune manière hétérogène au Père. Et il importe par-dessus tout qu’on soit homogène à la volonté du Père (NB 9, n. 1953).

 

725. Accueillir la volonté du Père

Le Fils a accueilli en lui la volonté du Père et, dans la mort, il sera accueilli définitivement par le Père (NB 11,248).

 

726. Le Christ obéit à la volonté du Père Père

Le Christ ne suit pas une "règle" qu'il aurait établie lui-même, il ne suit pas un "idéal personnel", il obéit à la volonté du Père qui peut toujours en disposer autrement et exiger l'inattendu (NB 11,262).

 

727. Le Christ : disponibilité, obéissance, don de soi

Le Christ unit en lui disponibilité, obéissance, don de soi. La disponibilité, il la possède dès l'instant éternel où l'incarnation est décidée. Cette durée de l'éternité jusqu'à son Incarnation, on pourrait l'appeler durée de la disponibilité. La disponibilité n'est jamais finie, elle n'est jamais épuisée par son acte propre. Elle s'ouvre en elle-même à une nouvelle disponibilité qui change peut-être son contenu par l'acte qui suit et par le énième, mais qui ne change jamais son sens et sa nécessité. Elle peut prendre un autre aspect parce qu'elle est orientée vers une obéissance qui est exigée de manière toujours nouvelle et parce qu'elle peut demander aussi elle-même une nouvelle obéissance. Ainsi le Fils répond également à l'exigence d'obéissance par la demande de le prendre à nouveau dans l'obéissance. Le troisième terme, le don de soi, est le fruit de la disponibilité et de l’obéissance. Et ce fruit produit à son tour une nouvelle disponibilité et une nouvelle obéissance. Dans le ciel, le Fils est tout disponible pour l'incarnation, et c'est une disponibilité totalement divine (NB 2, 216-217).
 

728. La disponibilité du Fils

Dans le Fils, la disponibilité fut le commencement et tout ce qui est chrétien doit porter la marque du Christ. Quand le Fils vient dans le monde en obéissant au Père, il commence une tâche qui est visible pour lui, mais dans le cadre d'une obéissance qui ne lui fait pas prendre du Père plus que ce que le Père chaque fois lui donne, l'heure reste dans le mystère du Père (NB 2, 218).
 

729. Le Fils ne se permet rien de lui-même

L’obéissance et l'attitude intérieure du Fils : le Père seul décide, et sa propre volonté est de porter le péché et par là l'humiliation. Le Fils ne se permet rien de lui-même, il est rempli de patience et d'attention. Il n'est même plus que l'attention incarnée. Qu'il soit "un homme" ou "un ver" n'a pas d'importance pour le moment. Il n'est que l'être qui, justement maintenant, doit recevoir et exécuter la volonté de Dieu. Et parce qu'il n'est rien d'autre, il ne peut faire aucun pas de travers ; Dieu le tient en main, Dieu le forme, selon un procédé que le Fils n'a pas besoin de comprendre (NB 11,256).
 

730. Le Fils réalise le plan de Dieu

Le Fils se tient devant le Père dans une obéissance parfaite, et cela en regardant le Père. C'est avec une sorte de lumière tamisée que nous avons l'habitude de nous représenter le Christ dans les événements les plus divers de sa vie terrestre telle qu'elle conviendrait aux humains que nous sommes. L'événement, le discours, le miracle, la rencontre, nous les séparons de leur relation avec son obéissance divine toujours identique. C'est la volonté du Père qui donne à la mission du Fils sa constance. Surtout, ce n'est pas l'affaire du Fils d'établir des relations et de les garder en planifiant et en cherchant lui-même ; son affaire, c'est une obéissance qui repose sur Dieu, qui est conduite par le Père. Ceci dit, il ne faut pas réduire la part du Fils à l'exécution de sa mission, mais cette part se trouve là où il réalise en Dieu le plan de Dieu Trinité. Ce qu'il nous en montre et ce qui nous semble être un épisode indépendant est toujours en réalité l'expression de la plus intime relation trinitaire d'obéissance dans l'amour (NB 5,17).

 

731. Le Fils homme regarde le Père pour savoir comment accomplir sa mission

Un professeur de gymnastique se tient devant son élève et dit : « Reproduis exactement ce que je fais ». Il fait voir les mouvements, l'élève les reproduit. Pour cela, l'élève n'a pas d'autre moyen que de regarder le professeur. Il n'obéit pas à un ordre, mais il regarde les mouvements. Le professeur répète son mouvement en le faisant voir plus nettement afin que l'élève saisisse ce qui ne va pas. Il lui suffit de voir exactement et de se régler sur ce qu'il a vu. De la même manière le Fils en tant qu'homme regarde le Père : il est tout à sa tâche et il le regarde afin d'exécuter correctement sa tâche. Il ne réfléchit pas à sa propre vision du Père (en tant qu'il est Dieu), ni ne regarde le Père en mettant entre parenthèses son obéissance filiale, il le regarde pour lire en lui comment accomplir sa mission, son obéissance (NB 6,133).

 

732. Pour le Fils, joie de servir le Père

Pour le Fils, c'était une joie de servir le Père et, sa vie durant, il n'a cessé de servir joyeusement le Père. Il s'est laissé faire par le Père dans le détail. Quand il fut besoin de tristesse et d'angoisse, il les a assumées, mais il ne les a pas portées avant le temps. Déjà son don de lui-même au Père ne fut pas pour lui une occasion de s'appesantir sur ses états d'âme. Il n'y a dans l'être du Fils aucun recoin dont le Père ne pût prendre possession (NB 11,256-257).

 

733. Une entente aimante avec le Père

L'obéissance est une forme facile de l'amour tant que l'amour est récompensé. Quand le Fils regarde le Père et qu'il lit sur son visage qu'il l'approuve et qu'il est satisfait, l'obéissance est pour lui une joie ; il en est de même pour l'obéissance des croyants quand l'amour est senti. L'amour de Dieu et la réponse d'amour de l'homme peuvent être si bien sentis que le facteur d'obéissance s'estompe en quelque sorte : l'homme est reconnaissant de pouvoir recevoir dans l'obéissance des signes et des preuves de l'amour par lesquels il peut s'assurer de l'amour de Dieu et montrer à Dieu son amour. L'homme en est reconnaissant comme le Fils l'est de pouvoir prendre le chemin du Père dans une entente aimante (NB 5,90).

 

6. La passion

 

     A - Perspectives sur la passion

Plan  :     143 Le mystère de la passion dans le mystère de la Trinité – 144 Quand la passion approche145 La kénose – 146 L’heure - 147 Les fruits de la passion

     B – La croix

Plan :     148 Le mont des oliviers – 149 Pilate - 150 La flagellation - 151 Les préparatifs de la croix – 152 Le bon larron – 153 La soif et l’abandon – 154 La remise de l’Esprit - 155 La mort – 156 Le péché et la croix 157 La confession de toute l’humanité - 158 Le Fils et la croix - 159 Marie - 160 La croix - 161 La rédemption

 

 

A - Perspectives sur la passion

 

                  143 Le mystère de la passion dans le mystère de la Trinité

 

734. Le mystère de la passion n’est pas un mystère en dehors de la Trinité (NB 4,75).

 

735. La croix et la souffrance de la Trinité

La croix : non seulement l’humanité du Christ souffre, la Trinité aussi participe à l’abandon. C’est comme si le vendredi saint elle était comme détruite. Le Fils est en dépôt auprès du Père (sa divinité est cachée dans le Père, son humanité souffre, abandonnée) et l’Esprit Saint aussi est comme caché dans le Père, mis en dépôt. Mais le Père ne reste pas impassible, il participe à la souffrance au plus profond. C’est pour lui horrible de voir souffrir le Fils, de le laisser souffrir. Il a reçu la divinité du Fils et il la tient comme un gage. Qu’il le fasse, l’oblige ; il doit persévérer. Et de même que ce fut un cadeau pour lui de recevoir en dépôt la divinité du Fils, il offre de son côté un cadeau au Fils par le fait qu’il agit invisiblement en lui pour creuser davantage sa souffrance, son abandon. Il lui donne la force de sentir sa faiblesse à l’extrême. Il y a entre eux comme des égards réciproques qui les font se retirer davantage chacun dans la souffrance. Par leur amour réciproque, ils se laissent dans la solitude pour ne pas faire de mal à l’autre par la vue de leur propre souffrance. Souffrir en commun serait pour chacun un soulagement, mais chacun sait que cela aggrave la souffrance de l’autre. Et ainsi ils se retirent et se permettent réciproquement cette solitude. Il en est tellement demandé au Fils qu’il ne voit plus la rédemption. Le Père prend tellement part à la souffrance du Fils qu’il ne comprend plus pour ainsi dire comment il peut dire oui à un tel abandon. Tout cela est sans doute expliqué d’une manière humaine et pourtant c’est plus vrai que si on disait que la divinité ne peut pas souffrir et que le Père, en tant que Dieu, est indifférent à la souffrance du Fils (NB 9, n. 1471).

 

736. Le Fils dans la Trinité, même sur la croix

Le Fils n'est pas seul même dans l'abandon. Toutes les situations de la vie du Fils sont trinitaires. Du fait que le Fils ne voit plus le Père, il ne s'ensuit pas que le Père et l'Esprit ne sont plus en relation avec lui. Bien plus, tout état du Fils est tel qu'en le contemplant dans la foi on peut toujours y deviner le rapport que cet état entretient avec le Père et l'Esprit. Dieu est une seule nature en ses trois personnes, et seule une foi morte peut oublier les trois personnes et exclure, dans l'action d'une personne, les deux autres. Quand une personne est distinguée, elle est toujours accompagnée des deux autres, également dans l'abandon de la croix (NB 4,160).

 

737. Le Père et le Fils décident ensemble la passion dans l’éternité

Dans l'éternité, le Père et le Fils ont décidé ensemble la passion. L'action suprême du Fils était qu'il voulait entrer dans l'entière passivité de la passion (NB 6,271).

 

738. Le Père laisse le Fils se prodiguer

Le Père participe à l'acte de l'eucharistie du Fils, à sa prodigalité infinie. Une part de la prodigalité du Père consiste en ce qu'il laisse le Fils se prodiguer. Que cela soit possible, l'homme le sait par son expérience de l'authentique compassion, quand un autre soufre et qu'on supporte à peine soi-même cette souffrance de l'autre (NB 1/2, 244).

 

739. Le Fils en tant que Dieu a décidé de souffrir

En tant que Dieu, le Fils sait naturellement que, dans l'éternité, il a décidé de souffrir, au-delà de ses forces absolument. Et il s'est rendu la chose plus difficile par le fait qu'il doit rencontrer les premiers pécheurs en venant de l'espace protégé de la sainte famille. Il sera d'autant plus sans défense quand le péché l'atteindra. Il l'atteindra avec son entourage : sa Mère et son père nourricier (NB 6,137).

 

740. Finalement le Père aussi obéit au Fils en le laissant aller à la croix (NB 11,236).

 

741. La croix : pour le Père, c’est à peine supportable

Dans la nature humaine du Fils souffrant il y a un certain "non-vouloir" ou, dans la nature divine du Père, face à la croix, un certain sentiment que c'est à peine supportable (NB 6,449).

 

742. La non-participation du Père à la passion du Fils

L'absolue immutabilité de Dieu, la non-participation du Père à la passion du Fils sont tout à la fois vraies et absurdes. Vraies si on évalue la notion d'immutabilité avec des échelles humaines. Totalement fausses si on réfléchit à la vraie relation de Dieu et du monde, étant donné que Dieu est infiniment élevé au-dessus du monde et en même temps intimement en lui. Et voilà que d'une manière incompréhensible le changement reçoit une place au cœur de l'immutabilité. Le paradis était pour ainsi dire une contrée divine : participation de la création à tout le bien que Dieu lui donnait de lui. Dans son rapport avec Dieu, ce paradis est immuable si bien que le paradis est devenu l'image même du lieu parfaitement créé pour l'homme. Et malgré cela, le paradis devient le lieu de la plus grande tragédie qu'il y ait jamais eue. Adam pèche, il devient indigne de ce lieu auquel il était adapté - ou mieux encore : qui lui était adapté - et il en est chassé. Et le lieu le plus bienheureux devient le lieu le plus désolant parce qu'il a perdu sa destination: abriter l'homme bienheureux. Le paradis est un lieu que Dieu avait préparé en lui pour la création ; et comme l'homme a quitté ce lieu, Dieu doit pour ainsi dire trouver à nouveau en lui un lieu où il pourra à nouveau abriter l'homme pécheur qui s'est détourné de lui, un nouvel endroit dans l'être de Dieu. Naturellement cet endroit en Dieu était toujours là, et cela ne signifie aucun changement en Dieu du fait qu'il en ait maintenant besoin. On devrait dire : en face du caractère changeant de la création, il y a en Dieu un super caractère changeant qui lui est "plus que naturel" de sorte que Dieu ne subit vis-à-vis de lui aucune dépendance ni aucun embarras. Nous prenons des échelles trop petites quand nous opérons avec nos concepts "muable - immuable": la réalité est beaucoup plus pleine que ce que nous pouvons imaginer (NB 3,232).

 

743. Le Père, le Fils et l’Esprit dans l’attente de la passion

Quand le Fils se dirige vers la passion et qu'il le sait - il l'a prédit -, c'est comme si une scission s'introduisait en Dieu lui-même. Comme si le Père et l'Esprit devaient maintenant se heurter rudement au fait que Dieu le Fils, qui est tout à la fois Dieu et homme, va souffrir maintenant comme Homme-Dieu ; eux qui ne sont pas incarnés, c'est comme s'ils devaient entrer en contact avec sa passion par l'inséparable unité de l'Homme-Dieu. Comme si jusqu'à présent le Fils avait été pour ainsi dire un prêt du ciel à la terre et comme s'il s'enracinait maintenant si définitivement dans la terre que le céleste apparaît pour lui presque comme le provisoire. Et il n'y a pas de possibilité de lui réserver quelque chose du ciel si ce n'est celle de lui voiler le ciel encore plus totalement afin que sa passion soit totale et sans appel (NB 6,229-230).

 

744. Nous sommes dans la détresse : Dieu envoie son Fils qui meurt sur la croix

S'il est vrai que le dessein de Dieu est parfait et que, avec notre existence, nous correspondons à un dessein de Dieu, il doit aussi y avoir une perfection qui nous est destinée, une perfection en devenir (parce que nous sommes des êtres en devenir) qui est tellement comprise dans l'être de Dieu qu'elle est suffisante. Et comme nous sommes dans la détresse, Dieu nous envoie son Fils qui reste Dieu tout en étant homme, il lutte avec nos difficultés et il en vient à bout, mais il en est tellement harcelé que finalement il meurt sur la croix, et pourtant, tant qu'il était homme, il n'a jamais cessé un seul instant d'être parfait (NB 6,105-106).

 

745. La passion : le Fils est contraint, le Père aussi est contraint

Les clous s'enfoncent dans la chair. Par là se termine aussi une obéissance précise. Jusqu'à présent le Fils aurait encore pu fuir ; une fois cloué, il ne le peut plus. Son obéissance en est humiliée. Dire : "Je veux" ou "Je ne veux pas" n'est plus de saison. Il est contraint. Même si déjà auparavant son obéissance était tendue à l'extrême, il aurait encore pu crier : "Assez". Avec la croix dans son dos, il ne peut plus s'échapper. La question : "Pourquoi ai-je laissé les choses en arriver là ?" ne se pose pas. Mais le Père aussi est contraint. Il y a une compassion du Fils pour le Père qui maintenant ne peut pas faire autrement. Il est tenu, également en ce qui concerne le temps (intemporel, qui ne s'écoule plus). Donc le Père assume aussi en quelque sorte les lois du monde pour recevoir l'obéissance du Fils. Le Fils est tout au bout de ses forces ; ça n'ira plus encore qu'un tout petit peu, puis quelque chose est requis qui ne peut plus aller. Dans cette angoisse, il ne saisit plus les exigences pour ainsi dire et l'ange doit le "fortifier" afin que cela continue (NB 6,271-272).

 

746. Le Fils a une pensée pour le Père « obligé » de laisser le Fils souffrir

Tout ce que le Père, par son "rôle", fait avec le Fils crucifié, c'est pour cette humiliation. Une fois encore, la pensée de l'humilié est qu'il doit être terrible pour le Père d'agir ainsi. Il doit vaincre sa propre paternité pour entrer dans cette attitude du "rôle". Cela donne au Fils le sentiment de la grandeur du "rôle", cela lui donne aussi de ressentir de manière nouvelle le poids de la chair telle qu'elle est après la chute. Le Fils est pris, avec violence, forcé comme un coffre. En même temps, à ses yeux, rien ne s'écoule, rien n'avance, car sa passion dépasse tout accroissement possible. Aucune loi ne peut en être tirée. On ne sait même pas si elle va vers la mort. Tout est stagnant. On ne peut pas calculer l'heure de la mort du Seigneur. On pense qu'il est déjà mort. Et puis il rouvre les yeux. Il souffre d'une manière intemporelle. Cela pourrait continuer ainsi une éternité (NB 6,273).

 

747. Le Fils ne doit pas pouvoir reprocher au Père qu'il aurait pu faire davantage

Quand, le jour des rameaux, le Fils, dans son bien-être, mesure déjà en lui-même la souffrance, les possibilités de ses membres et de ses organes, avec une appréciation que le Père et l'Esprit lui imposent, le Père et l'Esprit attendent pour ainsi dire le résultat pour ne pas trop limiter la mesure, afin de retirer du sacrifice du corps tout ce qui est possible, afin d'honorer le Fils en lui permettant l'ultime don de lui-même. La mort sera la fin, mais elle sera exploitée goutte à goutte. Ainsi déjà pour la création, pour l'ancienne Alliance, pour toute la vie du Fils, il y a une évaluation de ce genre par Dieu : jusqu'où l'homme peut-il et doit-il être chargé ? L'homme n'en est pas conscient, mais Dieu le sait et le veut afin que le sacrifice du Fils et le total don de soi de sa Mère soient décidés en toute conscience, qu'ils soient soufferts et reçus par Dieu. A la fin, le Fils ne doit pas pouvoir reprocher au Père qu'il aurait pu faire davantage. Ainsi, depuis longtemps, Dieu prend les mesures du corps humain. Afin que le "très bon" soit valable aussi là où la Parole de Dieu, envoyée par le Père dans le monde, revient à Dieu avec la mission corporelle accomplie (NB 3,253-254).

 

748. Le Fils demande au Père de ne pas l’épargner

Avant la passion, il y a une prise en charge de la volonté de souffrance du Fils par le Père : il doit maintenant tenir ferme cette volonté vis-à-vis du Fils. Naturellement, c'est aussi sa volonté de Père qu'il présentera maintenant au Fils avec sa "fonction" de justice. Et le Fils exige du Père qu'il maintienne cette exigence vis-à-vis de lui, le Fils. Le Fils veut racheter le monde par sa passion, mais cette volonté deviendra pour lui exactement actuelle quand la volonté du Père en lui exigera au-delà de tout ce qu'il peut vouloir lui-même, et il peut dire et il doit dire : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne". Quand son obéissance ne sera plus son propre don de lui-même, mais sa réponse au Père qui a pris les choses en main (NB 6,267).

 

749. Le Fils ne veut pas parler de sa passion avec le Père

Quand le Christ annonce à ses disciples sa prochaine passion, il en sait déjà quelque chose. Il y a dans ses paroles une ultime espérance qu'ils en comprendront peut-être quelque chose. Avec le Père, il ne peut pas en parler, car il ne veut pas se faciliter lui-même la tâche. Avec les disciples, il en parlerait volontiers étant donné qu'il a la mission de les introduire aussi loin que possible dans ce qu'il éprouve. Il devrait être possible de leur en montrer quelque chose afin qu'ils apprennent à porter avec lui d'une certaine manière (NB 6,239).

 

750. Dieu Trinité inexorable devant la croix

Dieu Trinité est inexorable devant la croix du Fils, devant la mission du Fils, pour que soit pleinement garantie l’œuvre de la rédemption (NB 2,107).

 

751. La disposition est prise en Dieu que le Fils aille dans la souffrance

Dans la relation entre Dieu et l'homme, existe le danger énorme que l'homme puisse être infidèle à Dieu. Face à ce danger, Dieu prend aussi pour ainsi dire des mesures, non pas extérieurement, mais au plus intime de sa Trinité. Celles-ci sont comme un feu à l'intérieur de l'amour trinitaire. Ce feu doit être parce qu'il y a nous, les hommes. A ce feu appartient et l'abandon. Tout ce que nous, en tant que pécheurs, nous faisons à Dieu Trinité tombe sur ce feu qui est comme la disposition prise par Dieu pour compenser tout ce qui peut être fait contre l'amour (NB 10, n. 2287).

 

752. Le Fils est prêt à supporter toutes les souffrances que le Père a fixées

L’Esprit ne montre pas au Fils toute la mesure de la passion elle-même, car elle se trouve au ciel auprès du Père. Une mesure se trouve aussi dans le temps, et le temps se trouve auprès du Père. Il ne mesure pas du tout, il n'indique pas les trajets parcourus - maintenant les souffrances d'introduction sont bientôt finies, maintenant la moitié de la croix, etc. - mais, tout comme le Fils, il laisse au Père le soin de mesurer. Pour le Fils, l'Esprit est la mesure non de la quantité et de la durée des souffrances, mais de ce qui serait objectivement à faire pour le péché du point de vue du monde. Quand le Fils regarde la grandeur de l'offense faite au Père, il est prêt en toute liberté à supporter jusqu'au bout les souffrances que le Père a fixées. En regardant le Père, il s'engage à chaque fois à nouveau dans une nouvelle souffrance. Il persévère dans une disponibilité toujours plus grande étant donné qu'on ne lui montre pas la limite supérieure de ce qu'il doit atteindre. Le Fils comme l'Esprit accomplissent maintenant, dans la souffrance, leur mission sans mesure. C'est le Père qui doit mesurer et fixer. Le Fils reste ouvert à la souffrance, l'Esprit également en l'introduisant à la souffrance (NB 6,409-410).

 

753. L'amour pour le Père a conduit le Fils à la souffrance (NB 6,386).

 

754. L’Esprit et le Fils dans la passion

La loi de la souffrance exige en quelque sorte que le Fils et l’Esprit doivent y participer : l'un qui souffre comme il peut et l'autre qui est là à côté comme témoin qui gère et transmet. Le rôle de l'Esprit est de faire sans cesse découvrir pourquoi il faut souffrir. Le Fils ne doit pas disposer de sa passion : supporter cette souffrance pour ceci et celle-là pour autre chose. Sinon il en viendrait lui-même à mesurer. C'est pourquoi c'est l'Esprit qui doit le lui montrer ; il ne doit pas donner l'impression que par la souffrance tout se liquide petit à petit, c'est toujours du nouveau qui s'ajoute. Cela ne ressemble pas du tout à un travail humain en commun. Il se peut que le Fils et l'Esprit ne doivent pas non plus se rencontrer réellement dans la passion, ils ne parlent pas la même langue pour ainsi dire ; car si le Fils reconnaissait toujours l'Esprit comme l'Esprit du Père, il ne pourrait pas être aussi abandonné. Il sentirait un soulagement, il aurait une espérance. Il comprend certes ce que l'Esprit lui signale, mais il ne voit pas que cela correspond à sa propre souffrance. Il y a comme deux niveaux de vérité : l'un dans l'esprit du témoin, l'autre dans l'esprit de celui qui souffre. Le Fils ne doit pas se trouver maintenant au niveau de l'Esprit, mais au niveau de sa mission dans le monde ; ce dont il a besoin alors de sa conscience divine lui est donné par le Père selon les exigences de sa mission (NB 6,410).

 

755. L’Esprit, témoin du silence du Père et du Fils le samedi saint

L'Esprit Saint, en tant qu'échange d'amour, est aussi témoin de ce silence entre le Père et le Fils le samedi saint ; il doit témoigner au Père et au Fils : au Père le silence du Fils et au Fils le silence du Père. C'est pourquoi il se tait également pour se consacrer totalement à la médiation du silence. Servant ainsi de médiateur, il porte témoignage de ce silence des deux côtés : au ciel et à la terre ; à la terre, de sorte qu'il apparaît comme le protecteur du mystère du samedi saint ; comme tous les dons de l'Esprit, il garde aussi le don du samedi saint pour le transmettre aux hommes comme le requiert leur mission, comme l’Église en a besoin, comme il est nécessaire pour la présence continuelle du mystère divin. Son amour est si grand que cet amour ne réduit pas le mystère ; quand il le révèle, il le fait apparaître avec des contours précis, jamais incertains. Ce qu'il en transmet donne aux hommes et à leur foi un zèle nouveau pour accompagner le Seigneur, pour porter avec lui et pour comprendre. Avec l'intelligence, il donne aussi une vénération plus profonde et nouvelle, une distance, une douleur, une attente. Les hommes deviennent dans leur propre esprit tellement ajustés à l'Esprit Saint qu'un tel approfondissement devient possible ; en en faisant l'expérience, ils voient aussi à quel point le Dieu de l'échange, l'Esprit Saint, est donné au Père et au Fils, à quel point il prend au sérieux sa qualité de témoin et de médiateur, à quel point il ne s'interpose à aucun instant, se tenant de côté et transparent, il agit de telle sorte que tout devient plus compréhensible et plus clair (NB 3,338-339).

 

756. L’Esprit prépare le Fils à une démesure

Le Fils qui, durant toute sa vie, se prépare par ses prières et ses sacrifices à la passion totale qui arrive, sait vaguement qu'il est destiné au sacrifice pour le monde, même s'il ne veut pas en savoir le détail. Mais en priant avec l'Esprit et dans l'Esprit, il voit croître l'exigence. Au désert, il a vaincu la tentation, il s'est offert totalement au Père, mais il ne peut en tirer aucun apaisement, aucun soulagement, parce que l'Esprit le tient ouvert pour une exigence plus grande. En tant que Dieu, le Fils sait de quoi il s'agit. Mais, au Fils devenu homme, l'Esprit a la mission de le préparer à une démesure. Non que le Christ limiterait son sacrifice et y opposerait des résistances, mais l'Esprit lui montre constamment que davantage est requis (NB 6,408-409).

 

                   144 Quand la passion approche

 

757. L’action véritable du Christ, c’est sa passion

La vie du Christ sur la terre, ce fut pour ainsi dire comme s'il devenait toujours plus homme bien que, naturellement, dès le début il fût homme véritablement. Il ne cessa d'aller toujours plus loin vers le monde en s'éloignant du Père, et il devint toujours plus obéissant, plus au service du Père, jusqu'à ce qu'enfin sur la croix il ne fut plus qu'homme. Ici seulement définitivement et totalement homme, serviteur. En entrant dans la passion, il se dépouilla pour ainsi dire de sa divinité ; comme quelqu'un qui va entrer dans l'eau enlève ses vêtements et les dépose auprès du maître-nageur, ainsi il dépose non seulement sa divinité mais aussi ses "attributs", surtout son amour, auprès du Père. Et de même que sur la plage on ne fait plus de distinctions entre les gens, tous justement ne sont plus que des humains, de même dans sa passion, le Christ n'est plus discernable. Il est tout à fait nu. Dans cette nudité il devient en quelque sorte totalement passif. Il n'est plus actif que dans la mesure où son action véritable c'est justement sa passion, c'est de laisser venir sur lui la passion. C'est pourquoi, à la fin, c'est le Père qui le ressuscite en lui rendant la gloire de sa divinité et c'est pour cela qu'il doit d'abord fêter au ciel la résurrection. La demi-heure qui suit la mort le vendredi après-midi, avant la descente aux enfers, n'est pour ainsi dire qu'un instant de repos "dans le paradis" (NB 3,64).

 

758. Le Christ sait qu’on va le trahir et il ne l’empêche pas

Le point qui occupe constamment Adrienne, c'est l'amour du Christ, l'ingratitude des hommes, la pensée : aujourd'hui même tu me trahiras. Le Christ le sait déjà, il s'y attend. Ce qui est particulièrement douloureux c'est qu'il ne l'empêche pas mais qu'il le laisse venir. Il aurait certes pu donner à Pierre des indications pour éviter le reniement (NB 3,38).

 

759. La croix est inévitable

Sans cesse la question du temps qui reste avant la croix. La croix est maintenant inévitable. Le Seigneur la connaît, l'accepte, rien ne peut plus se mettre entre lui et la croix. Ni une grâce du Père, ni une grâce des hommes, ni une fuite possible. Il se sait sur le chemin de l'obéissance où il accomplit à tout instant les promesses. Et pourtant aucune chose n'est impossible à Dieu. Son temps est terminé. Dans le bref moment qui lui reste, il est raillé et bafoué, et tout ce qui se passe autour de lui, il doit encore l'intégrer dans la durée de sa vie. En ce qu'un petit nombre d'hommes lui font, il verra et comprendra ce que tous lui font, c'est-à-dire qu'il souffre sans être fermé mais ouvert à tous. La raillerie qui l'atteint de manière passagère n'est qu'un petit morceau de l'ensemble du péché. Et un péché inclut tous les péchés dans la mesure où tout péché est contre Dieu. Il voit ainsi dans la raillerie qui le touche la rébellion contre Dieu, le plus grand péché ou le péché en général. Pour les railleurs, c'est une distraction comme une autre et, s'ils devaient confesser leurs péchés ici sur-le-champ, ceux-ci leur paraîtraient peut-être petits, à peine dignes d'être mentionnés. Ainsi dans l'heure qui reste, le Seigneur ne prend pas seulement des fragments du monde ; avec ces fragments, il prend le tout. Mais il le fait avec un sentiment d'impuissance et d'exigence démesurée, avec le sentiment qu'il est impossible de faire entrer tant de choses en si peu. Et en même temps avec le sentiment croissant d'être accablé par l'excès, par le refus qui se trouve devant lui. Et puis il n'a aucune idée de la manière dont ce temps d'une vie terrestre qui se termine dans la mort pourrait se rattacher à la vie éternelle. Les souffrances et l'outrage qu'il subit empêchent pour ainsi dire le Seigneur d'y avoir accès. Tout maintenant ne sert qu'à rendre la passion plus pénible et à la parachever. Et quand il s'écriera : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?", l'absence d'issue de l'instant présent vers la vie éternelle sera devenue définitive (NB 3,400-401).

 

760. Le Fils se prépare à la passion sans tout savoir d’avance

Dieu le Fils sait qu'il sera cloué sur la croix ; le Fils, en tant qu'homme, pressent et sait que l'heure du Père est là. Mais pressentir et savoir ne se concrétisent pas dans une expérience anticipée de la passion. Si le Fils imaginait à l'avance les détails des souffrances, cela entraînerait en quelque sorte aussi pour lui le moyen de s'en défendre. Il ne le fait pas parce qu'il veut souffrir d'une manière purement humaine : il ne sait pas à l'avance. L'entrée dans la passion qu'il doit subir a lieu sans transition. Ce n'est pas lui, c'est le Père qui détient le pouvoir. Certes, c'est par les hommes qu'il est frappé et mis à mort, mais la gestion de la passion - sa mesure et son déroulement - se trouve entre les mains du Père. Par sa prière, ses veilles, son jeûne, le Fils se prépare à la passion, mais pas à une passion précise. Il fait partie de sa contemplation avant sa passion qu'elle laisse tout ouvert et s'en remet pour tout au Père (NB 6,222).

 

761. Le Fils ne peut pas imaginer la croix

Que le Fils ne puisse pas imaginer la croix rend sa passion nettement plus difficile. Car s'il pouvait l'imaginer, il pourrait aussi se représenter Pâques. Il n'y aurait plus alors de limite pour imaginer, mais la passion serait alors limitée et c'en serait fait de l'indifférence du Fils. Ce qui est décisif, c'est que la passion viendra quand, comment et où le Père en décidera. Ce qu'il veut, c'est ce que je préfère. Dans cette attente du Fils, il ne peut y avoir de sa part aucune impassibilité, mais une pleine vigilance pour tout ce qui est exigé. Par le péché, le Père a souffert un outrage infini, donc le Fils doit préférer détourner cet outrage du Père et le prendre sur lui. Le Fils ne se permet rien lui-même ; en s'offrant, il respecte le mystère du Père sans poser de questions (NB 6,224).

 

762. Les semaines qui précèdent la passion -

Durant les dernières semaines qui ont précédé la passion, le Seigneur dort très peu. Il veille et se prépare. Il dort pour de brefs moments parce que, pour se préparer à la croix, il ne recourt pas pour son corps à des facultés surnaturelles. Pour lui-même, il ne peut rien faire d'extraordinaire, il doit accomplir avec ses forces habituelles des œuvres qui dépassent la mesure. Pour ce qu'il ressent et supporte maintenant, il est totalement homme. S'il récupère en dormant, c'est pour être ensuite d'autant plus éveillé pour sa passion. Il n'y a pas en quelque sorte une mesure optimale de veille dont on lui laisserait le soin de la régler lui-même ; par la veille, il en arrive à un épuisement dont il ne peut se remettre qu'en dormant (NB 6,230).

 

763. Nature de la souffrance du Christ

Les souffrances de toute la semaine supportées par Adrienne sont terribles, les nuits presque insupportables. C’est avant tout une angoisse qui revient sans cesse pour tout et pour rien. Elle me décrit cette angoisse dans le détail. C’est une angoisse totalement inconsolable ; la présence d’un consolateur ne peut qu’aggraver la situation. Elle n’a jamais autant su ce qu’est le dernier désespoir. Jamais encore elle n’a vu aussi bien la nature de la souffrance du Christ. Il y a là une amertume qui n’est pas seulement une douleur creusée à l’extrême, mais une douleur extrêmement cruelle, comme ayant perdu l’équilibre, intensifiée jusqu’à l’impossible, jusqu’au “pervers”. Il est horrible de prendre conscience de cette souffrance. C’est alors que pour la première fois elle regarda les hommes et le monde avec les yeux du Seigneur souffrant ; le monde et les hommes qui n’ont absolument aucune idée de cette souffrance et y sont totalement indifférents. Et pour la première fois une sorte d’amer mépris pour l’humanité s’empara d’elle au vu de la distance qui sépare cette souffrance de l’abjection et de l’apathie des hommes. Cette distance est ce qu’il y a de pire dans la passion (NB 8, n. 213).

 

764. La souffrance du Christ est incommensurable

Souffrance incommensurable du Christ. Le pécheur doit consentir à être sauvé sur ce chemin et sur nul autre (NB 8, n. 715).

 

765. La souffrance totalement innocente du Fils (NB 4,145).

 

766. Le Christ est passé par toute cette souffrance

Adrienne sent en elle la damnation. Il est impossible de l'en dissuader. Elle est dans un état d'enfer. Je lui dis que le Christ est passé par toute cette souffrance et que maintenant aussi il souffre en elle et avec elle (NB 3,26).

 

767. Le Fils souffre

Saint Bruno prie tout près de la croix. Il prie de telle manière qu'il voit comment le Fils souffre ; il ne le voit pas dans une vision, il le voit à sa propre prière. Il prie dans le Fils souffrant, qui se révèle dans cette prière, et plus il l'adore profondément, plus il sent lui-même que la souffrance du Fils se saisit de lui et prend possession de lui. A partir de cette souffrance, il commence à comprendre pourquoi les trois années d'action de Jésus débouchent sur une contemplation de souffrance, pourquoi la contemplation des trente ans jette un pont par-dessus les trois années d'action pour se continuer dans la Passion. Il comprend ainsi qu'il y a des croyants qui doivent se consacrer entièrement à la contemplation, une contemplation qui n'exclut pas la souffrance, qui peut-être même construit sur la souffrance, qui vise la souffrance, qui conduit à travers la souffrance, qui en tout cas reçoit la souffrance comme une partie constitutive de la contemplation. Dans la prière, sa souffrance est chaque fois une part de la souffrance du Seigneur (NB 1/1, 281-282).

 

768. Une souffrance sans fond

Personne ne voit combien il doit souffrir, et infiniment. Nous parlons de cette souffrance comme si on pouvait la saisir avec des mots. Mais elle est sans fond (NB 3,52).

 

769. L’infini de la souffrance

Un après-midi, Adrienne vit les yeux du Christ. Non le visage, mais seulement le regard du Christ fixé sur elle, avec une tristesse insondable, avec angoisse, avec amour ; elle fut effrayée par le péché et l'infini de la souffrance. Le regard comportait une exigence, une demande, à laquelle on ne pouvait se soustraire (NB 3,54).

 

770. Le Seigneur s’offre sans se protéger

Les réflexes de défense vis-à-vis de la souffrance (comme le Seigneur par exemple en fait l'expérience quand il est flagellé) relèvent de la nature et n'ont rien à faire avec la faute. Ils sont une autoprotection. Dieu le Père n'aurait pas blâmé le Fils s'il avait laissé faire ces réflexes. Dans la vie chrétienne aussi, il est permis de les laisser jouer, ce ne sera pas compté comme une faute. Mais le Seigneur a une telle volonté de se donner qu'il s'offre sans se protéger. Il en est capable (NB 5,191).

 

771. Chaque instant : toute la souffrance

1943. Adrienne parla longtemps de la passion. Chaque instant de la passion du Seigneur contenait toute la passion. Chaque pas du chemin de croix, chaque clou, chaque épine est toute la souffrance. Elle n’est répartie ni dans le temps ni dans l’espace. Chaque instant est quelque chose comme une éternité. Elle compare aussi le mont des oliviers et la croix, les deux piliers d’angle de la souffrance. Le mont des oliviers est terrible en tant que premier choc, en tant que première perception encore tout à fait inaccoutumée de quelque chose qu’on connaissait auparavant mais qu’on ne pouvait pas encore comprendre dans sa réalité vivante. Sur la croix, la solitude : si bien que Marie, la médiatrice de la souffrance pour le monde, et Jean, l’aimant, doivent être là et que Jésus, malgré cela, ne reçoit rien en partage, mais demeure tout à fait seul (NB 8, n. 855).

 

772. La souffrance du Christ à cause de mon péché

La souffrance du Christ à cause de mon péché : c’est insupportable à voir d’autant plus qu’on ne peut rien y changer (NB 8, n. 989).

 

773. Prisonnier de la fin de son temps

Le Seigneur connaît l'effroi causé par le fait que le temps arrive à son terme. La conscience d'un temps éternel, d'un temps de Dieu Trinité, disparaît toujours davantage. Il y a maintenant un étrange va-et-vient. Le Seigneur voit la tâche énorme qui semble encore toujours se trouver devant lui, mais il n'a plus de temps. Je vois combien il en souffre, à quel point il est prisonnier de la fin de son temps jusqu'à son cri d'abandon (NB 3,402).

 

774. L’effroi

J'ai su un jour que le Seigneur connaissait la résurrection jusqu'au moment de partir pour la croix. Mais le concept de résurrection change pour lui. Avant l'incarnation, à Nazareth et dans sa vie publique, résurrection voulait dire pour lui retour au Père. Le miracle consistant à ramener au Père le monde entier avec lui était toujours pour lui un miracle du Père, le contraire de son incarnation, mais les deux sont un miracle immense et parfait du Père. Il les a laissés se produire en lui, il était ce qui était fait par le Père. Dans les deux cas, il a laissé au Père toute la joie du miracle. Lui, le Fils, ne voulut rien en avoir pour lui ; il lui suffisait de savoir que le Père agissait et que le tout était un miracle de joie, d'allégresse. Plus s'approche la passion, plus s'éloigne la résurrection. Elle appartient au Père inviolablement ; le Fils devient lui-même comme étranger vis-à-vis d'elle. Auparavant il éprouvait de la joie du fait que ce miracle du Père devait se produire pour lui : pouvoir retourner au Père avec le monde entier. Il y voyait sa participation. Il ajouterait son propre miracle au miracle du Père. Maintenant le tout devient l'affaire exclusive du Père. Il est devenu comme indifférent que ce soit lui justement qui va ressusciter, que ce soit lui justement qui va sauver le monde. L'effroi devant la passion qui arrive voile tout ce qu'il y a de commun entre lui et le Père. En même temps que se voile la vue du Père, se voile aussi la vue de la résurrection. Le mot de la croix : "En tes mains..." est la dernière conséquence de ce qui commence à se produire en lui dès maintenant (NB 3,156-157).

 

775. Angoisse sur angoisse

Avec cela une angoisse chaotique, par moments non réflexe : angoisse pure ; et ensuite aussi angoisse réflexe quand même : on s'est justement précipité dans l'angoisse parce qu'on ne la supporte plus. Dans le fait de s'y précipiter, il n'y a pas la moindre trace d'une volonté de soulagement. Le Fils se dirige vers une fin qui doit être atteinte et il a fait de cette obligation sa volonté. "Non pas ma volonté..." Le calice doit être bu comme étant la volonté du Père, aucune goutte ne peut en être perdue, aucun pas ne doit se faire à côté. Il n'y a pas d'entraînement subjectif. Le toujours-plus ne se trouve plus au-delà de ce qui est offert ; dans le calice il y a sans cesse du nouveau qui est ajouté sans qu'il soit tenu compte qu'il est déjà plus que plein. Chaque angoisse est angoisse absolue, et pourtant il arrive toujours une nouvelle angoisse qui est beaucoup plus angoissante que la précédente; on n'est pas en mesure d'aspirer à l'angoisse précédente car si elle revenait, elle serait aussi beaucoup plus forte que l'actuelle. Il n'est pas du tout question maintenant de la compréhension du sujet, de ce qu'il peut saisir, de quelle mesure il peut s'accommoder (NB 3,257-258).

 

776. L’angoisse du Fils

Le péché qui est en moi, le Seigneur s'en occupe en se châtiant ; pour ce péché, il a souffert lui-même le pire. Dans l'angoisse du purgatoire, le Seigneur me donne quelque chose qui à la longue me rend capable de mieux comprendre sa souffrance. Par grâce, il mêle à notre angoisse de pécheur quelque chose qui est un début de compréhension de son angoisse (NB 6,364).

 

777. L’angoisse du Seigneur à cause du péché

Au purgatoire, si je suis dans le temps du péché, je ne peux pas renoncer à lui. Je ne m'échappe de mon état que si le Seigneur a pitié de moi et me conduit là où je ne veux pas aller : il fait que sa direction soit plus forte que ma volonté. Le point où a lieu le passage, c'est la passion du Seigneur. L'angoisse de se livrer que connaît le pécheur est assumée par l'angoisse que connaît le Seigneur à cause du péché (NB 6,361).

 

778. Le poids de la mort menaçante

Dans les derniers jours du Seigneur avant la passion, c'est comme s'il voulait consciemment reprendre toute chose dans son obéissance au Père, prendre avec lui vers le Père chacun de ceux qu'il rencontre. Et pourtant, parce que personne ne connaît l'heure, c'est une œuvre dont personne ne sait comment elle peut finalement être accomplie. Dans l'obéissance certes, mais quelle forme prendra cette obéissance ? Il sait - plus par les promesses de l'Ancien Testament au fond que par sa conscience actuelle - que sa mort est impensable sans qu’il reprenne l'humanité entière. Mais justement parce qu'il a tant à ramener au Père, il y a sur lui le poids énorme de la mort menaçante qui le paralyse en même temps qu'il stimule son ardeur. Les deux vont de paire. Paralysé, il le sera comme un homme parmi beaucoup d'autres, qui est conscient de ses limites ; son ardeur s'accroît parce qu'il regarde d'autant plus vers le Père, et le Père maintient vivante en lui l'obéissance entière (NB 3,399).

 

779. Solitude du Fils

Plus le Fils se donne aux hommes, plus il devient l'un d'eux définitivement ; et dès que la souffrance commence, il devient aussi étranger au Père : leurs deux volontés manifestent leur opposition au mont des oliviers. Ce qui d'habitude débouchait dans l'unité apparaît comme différence afin que la solitude ressorte de manière nouvelle. Si le Fils ne s'était pas rendu étranger à lui-même pour les hommes, il suffirait qu'il dise : "Que ta volonté soit faite", il n'aurait pas besoin de nier spécialement la sienne. Sa solitude s'accroît alors jusqu'à l'abandon. Avec les hommes il engage certes une nouvelle communauté en rassemblant toujours plus sur lui leur péché et qu'il se les incorpore. Il ne reçoit pas les péchés à l'état pur, mais les péchés humanisés, tels qu'ils sont déterminés par le caractère des hommes, de chaque homme. Plus s'accroît le fardeau du péché, plus aussi il est abandonné par les hommes. Et c'est ainsi qu'il meurt, abandonné par Dieu et par les hommes. Dans son cri d'abandon vers Dieu, sa solitude devient visible. Il a sa conscience, son but, sa mémoire; il a le passé et le présent ; il n'y a que le futur qu'il n'a plus (NB 3,276).

 

780. Solitude du Seigneur

Personne ne veut plus l'accompagner dans la souffrance, il n'y a plus d'aide, plus de don de toute la vie. Ainsi la solitude sur la croix devient toujours plus grande. Pierre, le chef des apôtres, trahit ; il se fait un grand vide autour du Seigneur. Il y avait beaucoup de gens qui l'aimaient bien et qui croyaient aussi d'une certaine manière, mais ils ont peur de participer au mont des oliviers, à la croix. Le Seigneur est attaché à la croix. Les limites qu'exige la vie humaine, il y reste fidèle jusqu'à la fin ; la défaillance et l'indifférence de son prochain, il les supporte comme un homme qui fait la volonté du Père. Lui, le Fils de l'homme, ne veut pas trahir sa promesse d'être homme jusqu'au bout (NB 3,406).

 

781. Solitude rédemptrice

Ce que le Fils n'a plus dans sa passion, c'est de pouvoir reprendre des forces, d'aller vers le Père dans la joie. Lui-même y entre dans une solitude totale. De son point de vue à lui, le reniement de Pierre, la fuite des disciples, le fait qu'on lui voile le visage et les coups qu'on lui porte, sont tout à fait logiques. A Pâques, les disciples, après leur trahison et leur fuite, se rapprocheront à nouveau grâce à l'effet de leur foi remplie d'espérance. En faisant cela, ils pourront maintenant faire aussi une certaine expérience de la solitude du Seigneur. Désormais le suivre, ce sera le suivre jusqu'à la croix comme Jean l'a déjà fait. Et pour cela, les disciples sont portés ; ce n'est pas leur propre solitude qu'ils ressentiront mais, grâce à la communion, ils ressentiront quelque chose de la solitude rédemptrice du Seigneur (NB 6,528-529).

 

782. Tout est inutile

Dans les jours de la semaine sainte, la solitude du Seigneur était insensée. Il souffrait en vain. Et il n'y avait de progrès que dans les douleurs. Car ce qui aurait pu arriver en fait d'aide de la part de son entourage ou ce qui aurait pu être compris dans sa propre souffrance comme contribution à la rédemption des pécheurs demeurait invisible. Tout était inutile. Par moments, il semblait même que tout était marqué de signes inversés : plus il y a d'engagement, plus c'est inutile. Il n'y a que le péché qui faisait des progrès dans son attaque du Seigneur. Tout semblait ne pas aller vers Dieu mais vers le néant (NB 3,396).

 

783. Le Christ aime les humiliations et les subit

Pour Ézéchiel, les humiliations exigées sont très pénibles ; il les subit. Daniel les aime ; il les aime parce que Dieu lui inspire de les aimer. Le Christ les aime et les subit parce que Dieu le Père se réjouit de faire ce cadeau à son Fils (NB 1/2, 113).

 

784. Le Christ a été humilié pour nous

Le Christ a été humilié pour nous et tout pécheur mérite d'être humilié. Personne n’a le droit de dire : « Je n'ai pas mérité cette humiliation » ; il est merveilleux que je puisse l'offrir "pour le monde" ! (NB 1/2, 112).

 

785. Le Seigneur se livre sans défense à l’humiliation

Le Seigneur laisse l’humiliation opérer en lui selon une mesure que le Père seul tient en main. Ainsi la trahison de Judas, le reniement de Pierre, etc. Le corps qui reçoit les coups est, dans ce contexte, très important, parce que la douleur ressentie est quelque chose d’involontaire et elle ne peut être réglée simplement par l’esprit. Pour le Seigneur dans sa passion, il n’y a pas de corrélation établie par lui entre l’acte d’humiliation causé par les pécheurs et l’état provoqué en lui avec ses effets ultérieurs. Il ne pourrait pas dire : la trahison de Judas est pour moi plus douloureuse que le reniement de Pierre ; ou bien : les railleries du peuple sont pour moi plus faciles à supporter que les soufflets des grands-prêtres et des anciens. Il se livre sans défense à l’humiliation. C’est pourquoi il y a chez lui comme un étonnement toujours nouveau d’être ainsi offensé et touché. Car il ne s’est pas représenté à l’avance ce qui allait arriver, c’est pourquoi il n’a pris aucune mesure pour se défendre (NB 9, n. 1960).

 

786. Le Fils rempli de doutes

La souffrance a commencé dans l’âme du Christ. La souffrance du Seigneur commença au dedans. Il y a une conversation entre Dieu et le Christ homme : Créateur et créature. Il règne un accord total. Pourtant cela commence : éloignement progressif, imperceptible, obscurcissement, sentiment de devenir étranger, si progressivement que l’humanité du Seigneur ne s’en aperçut pas tout d’abord. Car cette humanité ne sait pas que la souffrance commence. Elle ne sait pas en somme quand la souffrance commence. “L’heure, le Père seul la connaît”. Le Fils ne sait pas si c’est déjà le commencement de la souffrance, ou bien quelque chose d’occasionnel, une épreuve préalable. L’expérience de cet éloignement du Père lui est inconnu jusqu’à présent, il ne l’a encore jamais faite, si bien qu’il est rempli de questions et de doutes. Pour le Fils en tant qu’homme, sa divinité est maintenant inaccessible, elle n’est plus à sa disposition. Le silence du Père, le fait qu’il abandonne le Fils, qu’il se retire, son absence progressive, la dissimulation de l’amour, de toute intimité, ce fut le commencement de la passion (NB 8, n. 977).

 

787. Les doutes du Seigneur

C'est comme si un léger doute s'insinuait dans le Seigneur sur le sens de son humanité : sa mission lui paraît équivoque, l'exigence posée démesurée. Quand à présent il rencontre des gens et qu'il rassemble leur péché sur la croix, ce n'est toujours que très peu. Même quand une foule se trouve devant lui, c'est en quelque sorte calculable et compréhensible. Mais tous ? N'y a-t-il pas d'emblée dans la pensée de souffrir pour tous quelque chose de vain ? Est-ce qu'il ne va pas s'avérer tout de suite que les forces de l'individu sont épuisées ? Que faire, étant donné que le Père et l'Esprit qui l'ont envoyé dans le monde avec une telle mission demeurent eux-mêmes dans la sécurité du ciel ? Et pourtant, est-ce que ce ciel peut être la sécurité quand le péché fait des ravages dans le monde ? Est-ce qu'il n'est pas devenu tellement homme qu'il fait l'expérience aussi du relatif, de l'équivoque qu'est l'homme pour ensuite seulement porter l'absolu du péché dans son don absolu de lui-même ? (NB 3,294-295).

 

788. Sentiment de sa propre impuissance

Quand le Seigneur se met à souffrir, les difficultés commencent à s'accumuler de tous côtés, il a l'impression toujours plus forte que son œuvre se heurte à des obstacles grandissants, qu'il pourrait dans l'ensemble échouer. L'un de ceux qui se trouvaient tout près de lui le trahit ; les autres à qui il transmet l'enseignement du Père ne comprennent que très peu de choses. Lui-même connaît la puissance du Père, mais le sentiment s'insinue en lui qu'elle s'est affaiblie du fait qu'il a assumé la mission de la faire connaître. Le sel du ciel est devenu insipide par son action ici-bas. C'est même son obéissance qui a fait disparaître l'activité de l'Esprit Saint. Plus la passion approche, plus grandit en lui le sentiment de son impuissance. Sa vision du Père, l'ardeur de sa prière n'ont pas changé, et la certitude que son obéissance est nécessaire ne l'a pas quittée. Mais son action rencontre un refus toujours plus radical et, en comprenant sa propre inefficacité, il est condamné lentement mais inexorablement à laisser faire purement et simplement (NB 3,397).

 

789. Sentiment d’être un vaincu

C'est réellement une condamnation, car même si, objectivement, laisser faire est la forme extrême de son obéissance, cette intensification se voile à lui subjectivement ; il ne voit clairement que son échec. La passivité lui fait l'effet d'être le refuge d'un vaincu et même plus précisément une fuite, un renoncement à vouloir dans le plus haut vouloir lui-même. Mais le fait qu'il laisse faire ne lui facilite rien ; s'ajoute à cela le fait que sa mission se cache ; il devient étranger à ce qu'il avait entrepris au nom du Père et de l'Esprit et en son propre nom. Là où il cherche le oui et veut le faire prévaloir, un mur de non s'oppose à lui. Il perçoit aussi toujours plus nettement sur les visages de ses auditeurs qu'ils se détournent. Et cela d'une manière si décisive qu'il doit se demander si justement par son action il ne favorise pas ce non. Il doit même se demander s'il ne pourrait pas justement en résulter en lui-même un non à sa mission. Non comme s'il avait à combattre une nouvelle fois les tentations du désert, mais plutôt comme si un bloc de roche se posait sur lui d'une manière toujours plus inévitable, paralysant ses mouvements, le décourageant de parler. Tout semble porter un goût de désobéissance et de non vouloir jusque dans sa vision du Père. Personne ne connaît l'heure, le Fils non plus, parce qu'il a remis au Père cette connaissance. Et pourtant il sent que l'heure approche, il se sent harcelé, menacé, astreint à quelque chose que finalement il ne connaît pas et qui pourtant prend de plus en plus possession de lui. Un tel sentiment d'impuissance s'est abattu sur lui que ses plans, sa respiration spirituelle sont devenus très réduits, si réduits que cela suffit encore à peine pour vivre. A l'arrière-plan, il y a une angoisse paralysante qui le condamne apparemment à l'inaction, mais qui prépare en vérité au parfait laisser faire. La pensée d'une défaillance totale le poursuit. Entre la défaillance et le refus, les limites semblent effacées. Ainsi il n'a plus de position stable. Et quand, sur mission du Père, il doit examiner les choses à fond, cette pensée le fatigue. Il ne peut plus se réjouir de la mission dont il s'était réjoui depuis les temps les plus reculés ; il ne lui est plus permis de le faire. A présent, il n'est plus l'homme pur et simple qui réfléchit, ni le Dieu qui domine la situation, il est le rédempteur au début de son action décisive : le commencement du pur laisser faire, le commencement d'une action aussi douloureuse que peut l'être une action. Douleurs et impossibilité d'en sortir le dominent entièrement parce que l'obéissance au Père l'exige, parce que l'obéissance jusqu'à la mort passe par ce chemin invisible et sans issue (NB 3,397-398).

 

790. Une certaine déception 

Le Seigneur comprend que son heure arrive. C'est avec un pressentiment presque physique qu'il sait ce que veut dire se séparer de son corps. Il est tellement devenu chair que la pensée de devoir mourir en pleine maturité le touche aussi durement dans sa chair que dans son esprit. Au beau milieu de sa tâche, il doit partir, la croix sera une fin précipitée. Humainement, il aurait aimé préparer plus soigneusement cette dernière tâche, il aurait souhaité plus de temps pour rassembler ses disciples, mieux les instruire, il aurait aimé fonder plus profondément son Église, approfondir son enseignement. C'est ainsi qu'une certaine déception s'insinue en lui, une inquiétude même : bientôt, en tant qu'homme, j'arriverai devant mon Père, Dieu, avec une tâche que j'aurais voulu avoir accomplie autrement, j'aurais voulu qu'elle soit plus grande. Il ne peut s'empêcher de comparer le petit territoire où il a commencé sa mission avec le vaste monde dans lequel elle devrait s'étendre. Autrefois aussi quand le Père avait installé dans le paradis les premiers humains, il avait été plein d'espérance, et le péché que les hommes ont répandu ensuite sur la terre fut pour Dieu une déception. Est-ce que cette fois-ci le Fils comblera l'espérance du Père ? L'angoisse du Fils augmentera jusqu'à sa mort et elle se communiquera au monde entier par le tremblement de terre et l'obscurcissement du jour. Pour le Fils, la vue de Pâques a maintenant disparu ; son esprit est totalement occupé par la passion qui constitue de plus en plus l'horizon de ses pensées, même s'il attend son retour auprès du Père. Ce qui se trouve derrière lui, il le voit comme recouvert du voile du péché du monde : ce qu'il a vécu et fait en tant qu'homme, ce que furent ses amis et ses préférences, ce qui fut dur et pénible, tout ce qui, dans son existence, a été frappant, tout est maintenant placé dans l'éclairage de la passion qui arrive. Ce qui était bon lui semble ne pas avoir été assez bon ; peut-être que cela aurait dû être fait tout autrement. Ce qui était mauvais et lui a fait mal aurait dû être sans doute beaucoup plus douloureux : comme s'il avait trop considéré le mal avec des yeux humains, alors que le Père doit le voir avec des yeux divins (NB 6,227-228).

 

791. Désillusion

Adrienne revient sans cesse au tableau du Christ tombé. Elle dit qu’elle a vu la manière dont cela s’est vraiment passé autrefois. Il y a là une souffrance infinie semblable à celle du visage de douleur qu’elle avait vu auparavant. Je demande où se trouve la souffrance particulière. Elle : elle se trouve surtout dans la désillusion. Car, humainement parlant, il y avait dans le Christ sur le chemin de la croix comme une espérance : “Ils ne vont quand même pas me laisser ainsi seul. Au dernier moment, ils vont encore venir et m’aider”. Et il tombe parce que personne ne vient (NB 8, n. 452).

 

792. L’incarnation est dénuée de sens

Le Seigneur avant la passion. Tout commence à lui devenir étranger, l’incarnation lui apparaît tout à coup comme quelque chose d’abstrait. Il avait pensé pouvoir devenir homme et conduire à Dieu le monde et tout homme, mais cela s’avère impossible parce que personne ne le veut. Les hommes n’aiment pas Dieu. L’incarnation lui paraît dénuée de sens (NB 9, n. 1774).

 

793. Cela ne sert à rien

Dimanche des rameaux. Vendredi dernier, Adrienne a été très malade. Les jours précédents, elle n'a cessé de voir la croix et son inutilité. Tout est vain : que le Seigneur ait vécu, que tant de gens aient entendu sa parole et que lui pourtant n'a cessé de se heurter au figuier stérile, qu'il ait tant semé mais qu'il n'y a guère de semence qui ait levé. Il le discerne de plus en plus: tout a été vain ; l'heure vient et elle aussi elle est sans perspective. Tout le positif - comme la conversion des apôtres, la bonne volonté, l'amour de sa Mère, etc. - paraît reculer à un tout autre niveau auquel il n'a plus accès maintenant. A la place, le regard s'ouvre sur l'avenir : les chrétiens qui seront persécutés et martyrisés, des gens comme Fidèle ou Foucauld qui seront assassinés ; le témoignage n'a cessé d'être inutile. Puis ce qui est bien pire : l'inutilité sous la forme de l'incroyance, de l'indifférence et du manque d'intérêt, dans l’Église et hors de l’Église. "Qu'est-ce que j'en ai à faire de tout cela !" Dans le Fils, il y a maintenant une ouverture sur l'omniscience et la prescience de Dieu, qui sont requises dans la mesure où cela contribue à rendre possible cette vue sur l'inutilité universelle. La marche vers la croix et vers la mort en portant tout le péché peut maintenant se faire avec le même éclairage. Il éprouvera jusqu'à la dernière goutte ce que cela veut dire que cela ne sert à rien et que cela ne servira à rien. Après comme avant, le monde aura exactement la même apparence. Ici le Père voile même la volonté divine et l'obéissance divine et la perfection de l’œuvre du salut ; le Fils ne doit pas regarder maintenant dans cette direction. Que cette expérience de l'inutilité fasse partie du salut du monde, il n'a pas le droit de le voir maintenant. Et qu'il y ait encore une espérance, que les hommes le regarderont, que de nouvelles semailles lèveront, est caché par la passion (NB 3,373).

 

794. Inutilité de la passion

L'inutilité de la passion. Cette inutilité augmente et s'amplifie autour du Seigneur. Il en est comme cerné ; elle le presse de l'extérieur alors que, de l'intérieur, il est disponible pour tout, il ne se refuse à rien, il laisse tout arriver, il accueille tout et il crée par là le climat pour que s'amplifie l'inutilité. Sa prière, sa vision du Père se trouvent totalement au service de cette inutilité dont il sait qu'il l'expérimente parce que cela fait partie de sa mission. Cette volonté du Père, il en est très conscient, et l'unité de sa volonté avec celle du Père n'est en cela nullement rompue. Étrange est sa relation aux apôtres. Il n'a pas la possibilité de les prendre avec lui dans cette expérience de l'inutilité, il ne peut pas leur expliquer ce qui se passe en lui. Ils sont trop troublés et sa tâche n'est pas maintenant de les instruire mais de souffrir. Et la tâche des apôtres comme celle des saintes femmes n'est pas maintenant de comprendre le Seigneur ; leur participation sera bien plutôt de n'avoir rien compris. Cela fait partie de sa propre expérience de l'inutilité que ceux qui le suivent l'ont suivi en vain, qu'ils ont reçu en vain sa parole (NB 3,374).

 

795. Tout est inutile et faux

Dès qu'on est seul, on sent ce fait d'être seul comme un tourment expressément imposé. Comme un abandon. L’abandon vécu par le Fils est énorme parce que sa mission est énorme. Il est parfois impossible de chercher quelque chose des yeux sans rencontrer cet abandon dans ce qui est inutile. Les souvenirs sont voilés ; tout ce que le Seigneur a vécu d'heureux ou d'exaltant est écarté. Tout ce qui était en rapport avec sa vision du Père, avec sa disponibilité joyeuse à obéir, avec son amour est devenu totalement étranger et n'est plus tangible. Et si quelque chose de tout cela devenait visible, c'était toujours sous le mode de la soustraction, déformé simplement par la pensée de l'inutilité : non seulement c'était inutile, c'était faux. C'est le poids croissant sur lui du péché qui produit cette déformation. Car maintenant il le porte de telle sorte qu'il ne distingue plus en aucune manière entre le mien et le tien : le péché est simplement le péché. Nulle part une volonté délibérée de porter le péché, partout l'obligation accablante de le porter. L'image qu'il offre maintenant est comme l'image contraire du commandement de l'amour : il n'est plus question maintenant d'amour, il n'a pas non plus la liberté ni le loisir d'y penser, toute sa conscience et tout ce qu'il vit est requis et rempli par le péché. Son poids énorme ne lui permet plus de souffler. Et le péché n'est plus maintenant nettement défini comme tel ou tel péché, il n'a d'autres contours que le "péché en général" (NB 3,374-375).

 

796. Absence d’espérance

Cette nuit, il me sembla que les derniers jours du Seigneur représentaient la conclusion parfaite de son existence. Tout a échoué et après cela il n'y a plus rien. Ce qu'on pourrait appeler espérance aurait pour lui cessé d'exister. Et puis naturellement, par contre-coup, également pour nous. Notre espérance n'avait une quelconque justification qu'aussi longtemps que l'Homme-Dieu venant de l'éternité allait vers l'éternité. Aussi longtemps que son séjour parmi nous était une sorte de couture entre l'éternité avant et l'éternité après. Mais maintenant la tunique sans couture, maintenant cette mort ! Ou bien doit-on dire que l'éternité est sans couture comme la tunique et que l'intermède sur terre ne doit pas être comprise du tout comme une couture ? Pourtant alors rien au fond n'arriverait. Ainsi l'incarnation de Dieu devrait être aussi bien la couture que l'absence de couture. Être une possibilité qu'il ne peut pas y avoir. Et maintenant cet intermède impossible se termine dans l'absence d'espérance, dans la dureté de la mort et non, comme cela se devrait, dans la vie éternelle (NB 3,384).

 

797. Pas d’échappatoire à la passion

Le Seigneur ne cherche pas à échapper à la passion. Et pourtant il est constamment poussé dedans, la passion ne cesse de lui être rappelée, il lui est montré continuellement qu'il n'y a pas d'échappatoire. L'exemple n'est peut-être pas très bon: il ressemble à un enfant docile qui ne pense pas du tout à faire quelque chose d'interdit, mais à qui on rappelle constamment les menaces qui pèsent sur lui, les punitions terribles qui l'attendent au cas où il ferait quelque chose de mal (NB 3,375).

 

                   145 La kénose

 

798. Définition de la kénose

La kénose consiste pour le Fils à se dépouiller de ses facultés divines pour s'approcher toujours plus des hommes pécheurs : devenir d'abord l'homme qui n'a pas perdu la connaissance de Dieu. C'est un stade de la kénose. Ainsi, sur la croix, il rend au Père sa création sous la forme d'un juste : l'Adam intact. Il joue pour ainsi dire le rôle de cet Adam que le Père aurait voulu avoir ; il lui donne cet amour que Dieu avait espéré recevoir de la part de sa création (NB 1/2, 243).

 

799. Kénose : le Fils assume les limites de l’homme

Finalement il s'agit pour le Fils non seulement d'assumer les limites que possédait l'homme créé parfaitement, il s'agit aussi de la limitation de ses facultés spirituelles à l'image de l'homme tombé. Il ne connaît pas l'heure du Père, etc. Il dit le premier Suscipe (de saint Ignace), il offre au Père de reprendre sa mémoire, son intelligence, sa volonté. Non de telle sorte que ce ne soit qu'un jeu et il pourrait en tout temps les reprendre au Père. Il le pourrait sans doute - comme il pourrait avoir des légions d'anges -, mais il a aussi déposé auprès du Père cette possibilité de le pouvoir. Le Père répond à cet acte d'amour du Fils en l'acceptant et il participe ainsi au même acte. Le Père ne le fait pas seulement de l'extérieur et d'en haut, il prend part intérieurement à l'acte du Fils, il prend cet acte au sérieux (NB 1/2, 244).

 

800. Kénose : le Fils abandonne ses propriétés divines

La kénose : le Fils abandonne ses propriétés divines pour s'approcher toujours plus des hommes, pour être devant le Père l'unique homme qui l'aime. Le Père doit en avoir au moins un et c'est en étant cet unique que, sur la croix, il rend le monde au Père. Son obéissance jusqu'à la mort, son empressement à tout faire pour l'amour du Père, sont sans limites et le conduisent à prendre sur lui tout ce qui déplaît au Père en renonçant à tout ce qui lui est propre. Le Fils a un chez-soi légitime auprès du Père et tous les biens qu'on peut avoir en tant que Dieu. Pourquoi doit-il les abandonner ? Pour le Fils, la réponse est : l'amour du Père. Le Fils se dépouille de tout ce qu'il a en propre : il rend tout au Père. Il le fait de toute éternité, c'est pourquoi il peut aussi le faire dans le temps. C'est son attitude immuable aussi longtemps qu'il est Dieu, c'est-à-dire éternellement ; et c'est de là qu'il a la liberté de donner à cette attitude qui est la sienne toutes les expressions variables qu'il veut, par exemple l'obéissance jusqu'à la croix. Et le Père répond à tout l'amour du Fils (à la kénose) en l'acceptant (NB 11,20-21).

 

801. La kénose du Fils, archétype de la vie selon les conseils évangéliques

Dans le fait que Fils se vide ainsi lui-même il y a l'archétype de cette folie qui se trouve aussi dans la vie selon les conseils. Dans la vie consacrée, il y a une sorte de kénose à la suite du Fils (NB 1/2, 243).

 

802. Kénose de la croix

Sur la croix, le Fils est totalement vidé. C'est à cette kénose de la croix que tout mystique doit se laisser adapter (NB 5,236).

 

                   146 L’heure

 

803. Le Fils a remis au Père la connaissance de l’heure

"Seul le Père connaît l'heure", le Fils a remis au Père la connaissance. Et ainsi on ne peut pas s'armer d'avance, s'endurcir contre ce qui va venir, etc. Le Fils s'en est remis aussi au Père pour la durée de l'humiliation possible jusqu'au moment où il sera repris par le Père. Connaître l'heure de l'engagement aussi bien que la durée du déroulement, il y a renoncé. L'obéissance dit oui à l'humiliation, mais on ne peut pas dire que l'humiliation soit une conséquence de l'obéissance. Les deux ne sont pas identiques. L'obéissance est un acte. L'humiliation est un état, quelque chose qui est subi. L'obéissance est que le Fils aille dans le monde. L'humiliation est qu'il remet au Père tout le déroulement de la passion (NB 1/2, 108-109).

 

804. Le Fils a laissé au Père le soin de décider

Le Seigneur est dirigé par le Père. Le Fils, de par la volonté du Père, ne choisit ce qui lui semble opportun. C'est le Père seul qui décide : "Personne ne connaît l'heure, même pas le Fils". Nous pécheurs, nous avons un besoin constant de nous installer. Il est très important que justement le temps reste incertain. Le Fils a tant aimé le Père qu'il lui a laissé le soin de décider totalement de son temps (NB 12,38-39).

 

805. L’heure du Père

Le Fils ne peut pas faire de plan à longue échéance parce que la volonté du Père le retient par l'ignorance de l'heure. Il a vécu pour l'heure du Père, dont il savait seulement qu'elle viendrait sûrement et qu'elle serait effroyable, mais dont il avait abandonné tout à fait le moment au Père (NB 11,257).

 

806. Personne ne connaît l’heure

"Personne ne connaît l'heure, pas même le Fils". Le Seigneur n'entre pas prématurément dans sa passion. Il aurait pu souffrir tout de suite pour tout régler. Mais non : il attend que vienne l'heure du Père. Le temps qui est toujours prêt , c'est le temps du péché, le temps qui est attendu, c'est le temps du salut. L'heure du diable précède, celle du Seigneur suit. Dans le monde, j'ai la possibilité de me décider pour le temps du diable ou pour le temps du Seigneur (NB 6,360-361).

 

807. L’heure qui vient

Quand le Fils parle de l'heure qui vient, qui n'est pas encore là, il veut parler d'une heure qui est totalement au pouvoir du Père et envoyée par lui (NB 10, n. 2234).

 

808. Jésus dans l’attente de l’heure

De temps à autre le Fils peut trouver soudain sur son chemin quelque chose qui lui rappelle immédiatement la passion qui arrive. Un appel ? Un avertissement ? Un signe que ça commence maintenant ? Cela semble être le plus vraisemblable. Mais ensuite cela continue comme avant. Judas est toujours là comme un avertissement. Jésus lui dit : "Ce que tu as à faire, fais-le vite". Jésus presse l'arrivée de l'heure du Père qu'il sent venir. Et pourtant il va encore s'écouler du temps ; il y a d'abord la négociation de Judas avec les grands-prêtres, le départ avec la troupe, etc. Le Fils n'est pas en mesure de faire venir l'heure prématurément, il doit persévérer jusqu'à la fin. Il persévère dans l'angoisse que personne ne lui enlève : ce n'est ni le Père lors de la prière au mont des oliviers, ni les disciples : ils dorment. Le Fils doit se tenir prêt, mais personne ne répond, personne ne lui donne de signe. Il attend sans voile, sans être sûr du tout de l'heure qui vient. Et quand commence ce qui est attendu depuis toujours, c'est presque moins effrayant que l'incertitude sans fin de l'attente. Il y a là comme un soulagement. Maintenant on peut mettre entre les mains du Père l'événement en marche (NB 11,258-259).

 

809. L’heure est arrivée

Vendredi saint. L'heure est arrivée, le Fils la connaît maintenant aussi. Et tout d'un coup il ne voit plus très bien si auparavant il ne la connaissait vraiment pas ou s'il avait remis au Père - librement et en même temps dans l'obéissance - sa propre connaissance à ce sujet. De sorte qu'il aurait suffi d'un geste pour s'assurer de sa connaissance. Que l'heure soit venue, il le sait par l'expérience douloureuse de la croix (NB 3,401).

 

810. L’heure est venue

Une future mère ne connaît pas l'heure exactement, elle ne le sait qu'approximativement. Quand arrivent les premiers signes des douleurs de l'enfantement, elle se pose la question: est-ce l'heure ? Elle aussi, elle la connaît à ses douleurs. Le Seigneur à vrai dire ne saisit pas la rédemption qui s’opère, il voit seulement que l'heure est venue. Plus s'accroissent manifestement les railleries, les douleurs, l'abandon, plus il rend son Esprit au Père dans un acte de complète dépossession de lui-même. Comme s'il devait ne plus être qu'homme afin de montrer au Père qu'il veut honorer pleinement sur la croix son cadeau, son humanité. L'Esprit, il le rend si totalement qu'il s'exclame ensuite : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Ceci pour prouver jusqu'au bout son humanité et pour prouver sa souffrance totale, naturellement aussi son amour total ; mais de celui-ci, il ne sait rien à présent, il y renonce pour éprouver l'intégralité de la souffrance. Et le Père le prend au sérieux. Il recueille en lui l'Esprit qui lui est rendu, il ne laisse pas voir à celui qui meurt le signe spécifique de la rédemption du monde. Il voile son visage ; mais qu'il le cache permet au Fils d'atteindre son but. Le Fils ne peut plus agir qu'en laissant faire et il ne saisit pas le signe de son action. Quand le Père est voilé, tout ce qui a un rapport avec son action est voilé pour lui. Que Dieu soit voilé, ce n'est pas seulement un brouillard, une absence de visibilité, c'est une déception sans nom. Tout ce qui lui est personnel ne peut par là qu'apparaître comme faux. La croix était une erreur. Le Fils s'est laissé conduire jusque là, et rien n'est plus visible de ce qui l'engageait à la confiance (NB 3,401-402).

 

                    147 Les fruits de la passion 

 

811. Tous les humains sont inclus dans la décision du Seigneur

La décision du Fils avant la passion inclut tous les humains : tous ceux qui seront autour de lui lors de la passion comme spectateurs et comme participants, tous ceux qui vont le faire souffrir. Tous les temps à venir sont inclus : croyants et non croyants, et tous ceux qui sont encore indécis, tous ceux qui sont prêts à faire souffrir le Seigneur sans le savoir. Tous ceux qui sont à racheter ou ceux qui sont déjà rachetés (NB 3,342).

 

812. Le Fils se porte garant pour tous les pécheurs

Toute la journée, des morceaux de la passion du Seigneur ne cessent d'apparaître dont le rapport n'est pas manifeste ; mais c'est justement cela qui augmente leur poids et leur oppression. La nuit, c'est un accompagnement du Seigneur à qui il en est trop demandé, le Seigneur qui ne fait que tout ouvrir encore au Père, qui se laisse examiner, qui s'expose. Il ne dit pas : Fais passer tout cela ! Il ne dit rien, il laisse le Père regarder. Comme en une confession énorme dans laquelle le confesseur recevrait tout à voir, le dit et le non-dit, toute la vie du pénitent, pour pouvoir tout juger dans une vue d'ensemble. La plus grande portée du sacrement se révèle quand le Fils se tient ainsi devant le Père. Une portée si "dramatique" que la confession de tous les pécheurs pour qui le Fils se porte ici garant occupe alors une place minime. Cette confession déborde de tous côtés parce que le Père est omniscient ; même le fait que le Fils se tienne là alors qu'on lui en demande trop est également dépassé de tous côtés parce que le Père voit la portée de ce qui est assumé. On pourrait même dire que plus le Père voit, plus le Fils souffre et renonce, plus il est dépouillé et nu. Cette vue du Père libère le Fils de tout ce qu'il pouvait apporter activement en fait d'attitude, de possibilité de porter et d'obligation de porter afin de le laisser libre pour une exigence démesurée de souffrance. Il est la souffrance incarnée, non tellement comme nous le voyons, mais comme le Père le voit, dans toute la profusion des possibilités de souffrance. Tout ce qu'on pourrait en dire n'atteint pas la réalité. Bien des scènes de la passion - le portement de croix physique, ou le baiser de Judas, la trahison de Pierre, etc. - semblent presque n'être là que pour nous, pour donner à nos idées un contenu et une direction, pour nous donner des signes extérieurs et des images de la passion. L'intérieur, qui se joue entre le Père et le Fils, dépasse tous ces signes et saisit le monde comme un tout. L'expérience de l'agonie qui est faite ici s'étend sur la totalité du temps. Et le mourant sera devant sa mort si plein de la mort qu'il ne peut plus guère prendre connaissance de la manière dont cette mort se déroule dans la vision du Père. Et pourtant il est nécessaire que le Père regarde et que le Fils se laisse regarder dans une ultime nudité et dans l'abandon et une fatigue démesurée et une lassitude infinie (NB 3,361-362).

 

813. Le Fils va réparer tous les dégâts

Le Père ressemble à un homme riche qui voudrait tout donner à son fils bien-aimé, mais son fils lui a amené à la maison un tas de mendiants qu'il faut habiller et nourrir. Et finalement le Père lui-même a accordé au Fils la permission de lui amener à la maison tous les pauvres qu'il ramasse un peu partout. C'est ainsi que le Père doit maintenant répartir. Il a engendré ce Fils, il lui a donné de quoi vivre. Mais le monde qu'il a créé a une ressemblance avec le Fils qu'il a engendré, et le Fils est attaché à ce monde même après qu'il s'est éloigné du Père. Les mendiants ont causé beaucoup de dommages dans la maison et le Fils veut se charger lui-même de tout remettre en état. Cela crée une situation très complexe que le Père ne doit pas perdre de vue ; et en tenant compte de tout, pas seulement du Fils, il joue son rôle vis-à-vis du Fils (NB 6,268).

 

814. Sur la croix, le Fils ramène au Père ceux qui ont été marqués par lui comme étant ceux qu'il a sauvés (NB 5,18).

 

815. Il veut ramener l’humanité au Père

Il y a tant d'âges qui se rencontrent dans le Seigneur âgé de trente-trois ans ! Il y a les années terrestres qu'il a vécues comme homme et qui sont insérées dans le temps éphémère du monde. Il sait que son existence terrestre lui a été donnée pour un temps et que celui-ci touche à sa fin. Il peut jeter un regard rétrospectif sur son temps historique et, par lui, sur Moïse et Abraham et Adam ; il peut voir à l'avance l'éternité "qui vient" de par son expérience de l'éternité "passée". Mais chaque conscience de la durée est grevée de questions et celles-ci débouchent toutes sur l'affirmation que "personne ne connaît l'heure". Il ne la connaît pas non plus. L’œuvre de sa vie lui apparaît ainsi comme une œuvre décousue qui s'insère dans toute l’œuvre décousue de l'histoire des hommes ; il a vécu parmi quelques-uns d'entre eux dont les noms resteront connus, suivant le mode de vie qui était habituelle autrefois, avec une profession humaine qui imposait certaines tâches ; au total, une image parlante du caractère éphémère de la vie. Il a vécu avec les hommes de son temps, et ceux-ci étaient pour lui les représentants de toute l'humanité qu'il veut ramener à son Père. Leurs péchés sont le péché originel, ce sont les péchés quotidiens, mais ce sont en même temps tous les autres, les péchés qui ont été commis et ceux qui vont venir ; les péchés ne sont pas liés au temps, ils sont liés aux hommes (NB 3,398-399).

 

816. Le Fils est venu pour ramener le monde au Père par sa passion (NB 6,404).

 

817. Le Fils rend au Père un monde qui est bon

Quel est au fond le sens de l'amour du Fils pour nous ? Le monde entier se plaint : des guerres terribles, ces hommes ont enlevé ma femme, tué mes enfants, partout incroyance, rapacité, pharisaïsme. Le monde est effrayant. Et le Fils va au Père et dit : Père, ton monde est magnifique. Le Père a créé le monde et il a vu qu'il était bon. Et le Fils rend au Père ce monde qui est bon ; bien qu'il ait fait l'expérience qu'il était noir, il l'apporte blanc. Pour ramener au Père ce monde comme bon, le Seigneur ne veut pas que le monde soit seulement attribué à sa bonté : il veut, par sa grâce, éveiller en chaque individu la possibilité du bien (NB 1/2, 216).

 

818. La passion du Seigneur : en brûlant pour le Père, il fait entrer en lui sa créature (NB 6,389).

 

819. Le Fils prend sur lui le châtiment de tous

Le Fils devient homme, il ne livre pas le vain combat contre le péché du pécheur individuel qui reste pécheur, mais le combat de tous. Il livre ce combat qui est la rencontre entre le péché et la justice de Dieu: il prend sur lui le châtiment de tous pour arriver à la réconciliation de l’homme avec Dieu (NB 3,196-197).

 

820. Il meurt sur le bois à la place des pécheurs

Il y a deux périodes dans la vie du Seigneur dont on sait peu de choses : son enfance et le "temps" après sa résurrection. Entre deux, il y a le temps du bois. Il en a fait la connaissance dans l'atelier de Joseph, et il meurt sur le bois. Ce bois de sa vie est une parabole du châtiment que Dieu a infligé à l'homme : les hommes doivent se donner beaucoup de mal. Lui-même s'échine comme un pécheur pour finalement mourir sur le bois à la place des pécheurs. Dans son travail comme dans sa mort, le bois est une parabole d'Adam qui a chuté ; sur la croix, il embrasse totalement le bois, les bras étendus : il porte tout le châtiment. Cependant, auparavant déjà, dans son travail, il accomplissait l'expiation sans se distinguer des autres travailleurs. Mais les autres ne compensaient pas par leur expiation leur aliénation (qui ne cesse de se produire) ; même l'expiation de la mort naturelle ne suffit pas pour compenser le péché. Et ainsi, sur le bois de la croix, le Fils prend sur lui la pleine mesure de l'expiation (NB 3,282).

 

821. Le Père voit désormais tous les hommes dans son Fils

La chair qui finalement va mourir sur la croix est capable de porter toutes les souffrances et tout l'opprobre, mais toujours dans la multiplication inimaginable qui est opérée par l'existence de tous ces pécheurs. Dans ces hommes, le Père son Fils, il voit désormais tous les hommes en lui, c'est pourquoi il n'a plus besoin de regarder les pécheurs avec colère parce qu'il voit en eux le contraire de ce qu'est son Fils. Ce contraire est maintenant dans le Fils lui-même ; et que cela soit est l’œuvre d'amour du Fils ; mais le Fils ne fait que ce que l'amour du Père lui a dit de faire (NB 10, n. 2289).

 

822. Délivrés du mal par la passion

Délivre-nous comme tu nous as déjà délivrés : par ta passion, ton passage à travers l'enfer et l'institution de la confession (NB 3,128).

 

823. Nos douleurs partielles et celles du Fils

Le Fils a fait entrer nos douleurs partielles dans l'ensemble indivisible de sa souffrance, il s’est offert à nous comme celui qui fait en réalité la volonté du Père jusqu'à l'extrême abandon de la croix, non seulement pour se donner en exemple comme saint Paul. Et c'est pourtant la volonté du Père d'avoir le Fils auprès de lui et non d'augmenter la distance et d'introduire l'incompréhensible entre lui et le Fils. La volonté du Père est l'unité avec le Fils dans l'Esprit Saint. Et qui dit unité dit amour, attachement, amitié, conversation, parole (NB 3,328).

 

824. L’absolution du Père

Le Seigneur est mort pour nous, il a porté le péché à notre place et il nous a obtenu sur la croix l'absolution du Père (NB 11,421).

 

825. Par la passion du Christ, nous avons droit à sa grâce

C'est par la passion, finalement aussi par la descente en enfer, que nos relations avec le Christ connaissent leur plus grande transformation, car c'est à partir de ce moment-là - étant donné qu'il vient de nous racheter - que nous avons droit à sa grâce ; nous pouvons prier avec la certitude de l'obtenir. Elle ne dépend plus de lui seulement; il ne la distribue plus seulement en quelque sorte à son gré ou par hasard; il la donne sans mesure à tous ceux qui désirent la posséder et qui la demandent avec foi. La grâce est devenue désormais accessible à chacun (NB 3,66-67).

 

826. Par sa passion, le Seigneur fait à la terre le don du ciel

Le don de la pénitence est peut-être le plus grand don du Seigneur parce qu’il inclut en lui l’attente. Après sa passion, le Seigneur rapporte, comme fruit de la croix, le sacrement de pénitence. Mais par sa passion, il a fait à la terre le don du ciel. La pénitence devient la véritable clef du ciel (NB 9, n. 1341).

 

827. Le Seigneur donne la force de sa vie aux siens en perdant sa propre vie

Comme le Seigneur est devenu homme, tous les siens ont été dotés de la force de sa vie parce que lui-même la perd (NB 3,238).

 

828. La justice et l’amour

Pour Job c'était beaucoup plus difficile de croire à la justice parce que tout ne faisait que tendre vers la croix ; il attendait de Dieu une délivrance, mais vis-à-vis de Dieu il devait quand même sans cesse rendre témoignage de sa justice. Il ne peut pas accuser Dieu d'injustice et pourtant la justice du Père n'a pas encore été révélée comme amour, comme dans la nouvelle Alliance. Il serait grand temps que le Fils vienne car on voit exactement chez Job que cela dépasse toutes les forces de l'homme de reconnaître Dieu comme juste quand il retire tout à un homme qui n'a pas conscience d'une faute particulière et quand Dieu n'est cependant pas révélé comme amour (NB 4,139).

 

829. Justice de Dieu – Mission d’amour du Fils

La justice qui est propre au Seigneur, il la tient du Père et en même temps dans le Père. En tant que Dieu le Fils, il possède la même justice que Dieu le Père, conformément à sa nature. Mais quand, par amour, il assume la mission d'amour du Père de sauver le monde, cette justice subit une transformation. Elle ne s'oppose certes pas à la justice du Père, mais elle est quand même comme séparée d'elle : il montre au Père sa justice (de Fils) toujours entourée de son amour infini. Sur la croix, il a déposé l'amour auprès du Père, et donc aussi sa justice qui ne fait toujours qu'un avec l'amour. Et voilà qu'il voit dans les enfers quelque chose qu'avait projeté la justice du Père. Seul le Père comprend ce que le Fils traverse. Quand il sera à nouveau dans le Père, quand il aura à nouveau la justice et l'amour, il en aura la clef et il comprendra que ce qu'il a reçu lui a été donné par le Père (NB 4,139-140).

 

 

B – La croix

 

                 148 Le mont des oliviers

 

830. Une exigence démesurée

Le Christ au mont des oliviers se trouvait devant une exigence démesurée du Père et de l’Esprit (NB 9, n. 2025).

 

831.Total isolement

Thérèse de Lisieux signe: "Thérèse… de la sainte Face". Elle voit le Seigneur au mont des oliviers. Il est triste, fatigué. Elle ne voit pas l'exigence démesurée, absolue, son suprême épuisement. Elle voit toujours ce qui est encore saisissable, elle ne voit guère ce qui n'est plus saisissable : son total isolement et le fait qu'il soit séparé du Père (NB 1/2, 79).

 

832. Difficile d’être obéissant

Au mont des oliviers, le Fils montre qu'il peut être très difficile d'être obéissant ; dans son cri d'abandon sur la croix, il prouve que son obéissance est totale, que Dieu peut aussi l'envoyer dans l'abandon où l'amour ne lui adoucit plus rien et ne le couvre plus. Et le Père a justement besoin de cette obéissance nue du Fils pour que le Fils puisse remplir sa mission de sauver l'humanité pécheresse (NB 11,252).

 

833. Le Fils voit venir la tempête

Au mont des oliviers, le Fils voit les disciples endormis comme une image de l’Église qui a glissé. Jusqu'à présent le Fils n'a connu l'angoisse que sous la protection du Père. Comme de nager à sec. Maintenant il est jeté à la mer. Il voit les vagues toujours plus exclusivement avec les yeux du Fils de l'homme, et toujours moins avec ceux du Fils de Dieu. Pour se faire comprendre des hommes, il s’est toujours plus rapproché la parole des hommes ; lui-même avait certes bien compris la vraie parole, mais il l'avait toujours plus inclinée vers les hommes. Maintenant tout est bouleversé. Il est dans l'eau et il voit venir la tempête, et il a une véritable angoisse. C'est tout autre chose de voir monter la tempête et de dire oui à la croix à partir de la rive du ciel que de faire la volonté du Père quand on est lié à un corps. Il avait accepté la croix comme Dieu, car on doit bien sûr être Dieu pour dire un tel oui au Père. Le Fils a de l'angoisse pour le Père, angoisse de ne pas pouvoir satisfaire le Père, angoisse de lui rendre une mission non accomplie. Il a de l'angoisse devant l'Esprit qu'il porte et qui est en même temps auprès du Père et qui, en tant qu'amour, continue à servir de médiateur entre le Père au ciel et le Fils sur terre. Le Fils voit cet engagement de l'Esprit qui l'a donné aussi à la Mère, qui est descendu sur lui au baptême. Et puis il a aussi de l'angoisse pour lui comme par exemple nous avons de l'angoisse dans notre conscience quand nous avons entrepris quelque chose dont nous ne pouvons pas venir à bout. Mais lui, il a entrepris de porter la croix pour le monde entier avec le corps d'un homme ordinaire. Toute cette angoisse se trouve à une sorte de niveau divin et malgré cela elle est liée humainement et physiquement: elle est l'angoisse de chaque homme qu'il prend en lui (NB 3,155-156).

 

834. Le Seigneur dans l’angoisse

La scène du mont des oliviers : on y voit le Seigneur dans l'angoisse et la honte à cause de mon péché (NB 6,368).

 

835. « Ta volonté » et l’angoisse

Le Fils est là pour rencontrer l’angoisse. Il ne peut pas l'éviter. Il ne le veut pas non plus parce qu'il a dit: "Ta volonté" ; l'angoisse est donc une partie de ce que le Père lui a destiné. Qu'il y persévère est simplement obéissance. C'est un état à peine supportable (NB 3,350).

 

836. L’angoisse devant l’inéluctable

Au mont des oliviers, le Seigneur souffre aussi pour ses disciples ; ils reçoivent par là un surcroît d'amour qu'ils ne peuvent pas percevoir, qu'en mettant les choses au mieux ils devineront plus tard. Cette sorte d'amour, le Seigneur la donne dans le secret de sa passion qui commence, dans l'angoisse devant l'inéluctable, passion qui doit être soufferte inexorablement vu la somme du péché (NB 6,242).

 

837. Sentiment de l’inutilité

Au mont des oliviers, seuls le Père et l'Esprit savent ce qui se passe dans le Fils ; dans ce qui se passe - "que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse" - la volonté du Fils se ramène à celle du Père, disparaît si bien en elle que de la sorte la fécondité du sacrifice, la grâce même du sacrifice semble se perdre. Ceci comme préliminaire à la croix qui, pour le Fils, est une souffrance jusqu'à la mort, tout à fait inutile. Cette expérience de l'inutilité commence déjà au mont des oliviers, où sa propre façon de voir se perd dans la volonté du Père. On donne le meilleur de ce qu'on a, sa propre substance et on ne voit pas à quoi elle aboutit. On reste dépouillé, interrogateur, perplexe, aveugle, avec le sentiment d'être devenu inapte finalement. La solitude a maintenant pris une forme qui exclut toute communion. La fécondité en est écartée. Il n'y a là plus rien de logique qui offrirait une ébauche pour autre chose. Ce qui est déterminant, c'est que cette souffrance n'ouvre aucun avenir. Elle est essentiellement si vaine qu'elle ne peut rien contenir, qu'on ne peut rien en tirer. Si quelqu'un me dit : "Votre souffrance est féconde", c'est un pont qui est en quelque sorte jeté. Mais pour le Seigneur il n'en est pas question du tout maintenant (NB 6,243).

 

838. Les disciples

Les disciples qui accompagnent le Seigneur au mont des oliviers ont certes un désir de lui appartenir qui pénètre tout leur être (NB 1/2, 46).

 

839. Les disciples dorment

"Veillez pendant que je vais prier". On pense d'habitude aux disciples qui dorment, on pense plus à leur sommeil qu'à l'ordre du Seigneur. Toutes les paroles du Seigneur sont si neuves en Dieu que c'est comme si Dieu n'avait pas de mémoire. Comme si à chaque instant le Seigneur s'attendait à ce que son appel : "Veillez!" trouve naturellement un écho. Comme s'il faisait toujours, maintenant justement, l'expérience de la trahison. Comme si le temps du mont des oliviers n'avançait plus. Comme si l’Église le décevait continuellement à tout instant (NB 10, n. 2043).

 

840. Il est clair que les disciples doivent dormir

Dans toute mission vécue, il y a une légère divergence entre ce qu'on a "assumé" au début et la charge qu'on reçoit chemin faisant. Il y a devant moi la montagne dans le soleil, tu m'invites à la monter ; les fatigues du chemin, l'orage et la pluie, je ne les vois pas. Ce n'est qu'au sommet que tout est bien à nouveau. Dans le "trou", on ne peut pas discuter de la mission. Le Seigneur a souffert pour porter du fruit. Il y a au mont des oliviers l'inexorabilité du Père vis-à-vis du Fils. Le Père pourrait éventuellement renvoyer à la détresse de l'humanité, ou à ce qui a été convenu autrefois et qui n'a cessé d'être confirmé par le Fils ; il pourrait par là consoler le Fils et se consoler lui-même, réconforter le Fils et se réconforter lui-même. Mais l'absolu de la mission serait par là abandonné ; par égard pour la rédemption justement, la mission ne doit être maintenant qu'absolue. Plus absolue encore dans le Père que dans le Fils, car le Père et sa volonté sont le point absolu d'après lequel Fils doit s'orienter dans sa marche à travers le temps et le fini. Maintenant justement, au mont des oliviers, on doit cesser de comprendre. De ce point de vue, il est clair que les disciples doivent dormir. Également que Pierre renie, parce que le Seigneur ne doit pouvoir s'appuyer sur rien. Le Fils, dans l'angoisse, ne peut se référer à rien qui ne soit pas vacillant. On peut dire qu'au mont des oliviers le Père représente "le ministère" avec ce qu’il a parfois d’inexorable, le Fils "l'amour". Mais ce n'est qu'un aspect isolé (NB 3,245-246).

 

841. Les disciples incapables de partager l’angoisse du Seigneur

Le Seigneur se fait accompagner au mont des oliviers. Les disciples qui l'accompagnent ont une double tâche. Pour l'une, on n'en dit pas un mot, elle va de soi : accompagnement tout simplement afin que le Seigneur en tant qu'homme ne soit pas seul et que les siens assistent à distance à sa conversation avec le Père, ce qui suppose qu'ils prient eux-mêmes. C'est la tâche des disciples à laquelle ils sont habitués. Mais ensuite le Seigneur leur demande de veiller avec lui : il rompt le silence pour leur tracer une nouvelle tâche ; sa parole est audible : elle a toute la force de son autorité qui exige l'obéissance. Les disciples accompagnent le Seigneur physiquement jusqu'au lieu où il les laisse et ils s'écartent alors de l'attitude qu'il leur a demandée : ils ne sont pas assez forts pour prier et pour l'accompagner spirituellement, et la parole du Seigneur n'est pas non plus capable de déranger leur tranquillité, de leur faire comprendre tant bien que mal de quoi il s'agit pour qu'ils se rendent compte que leur obligation est plus grande. Quand, dans son angoisse, il retourne auprès d'eux et qu'il les trouve endormis, cela ne fait qu'augmenter son angoisse. Il voit le dur chemin qu'il a devant lui, et il a parlé avec le Père de la possibilité que le calice passe loin de lui. Mais cela devient déjà plus dur maintenant, jusqu'à l'insupportable, vu que les disciples refusent de l'accompagner, que leur puissance de prière est si limitée qu'ils se dérobent malgré sa demande expresse. Ils n'ont pas saisi ce qu'a d'absolu le fait d'être disciple. La pause de sommeil qu'ils prennent et pendant laquelle ils renoncent à l'accompagner souligne leur prétendu droit de se reposer à leur gré, peut-être aussi celui d'être à la disposition du Seigneur comme bon leur semble. Ils oscillent d'une certaine manière entre eux et le Seigneur : ils vont vers le Seigneur, et ils reviennent à eux. Quand le Seigneur s'éloigne d'eux de quelques pas, ils reviennent à eux de leur propre mouvement. Et quand, dans son angoisse, il va les voir, il ne les emmène pas avec lui dans son angoisse parce qu'ils ne sont pas prêts. A la fin, ils feront connaissance d'une autre angoisse ; pour le moment, ils sont incapables de partager celle du Seigneur. C'est ici qu'est visible la tiédeur de l’Église, mais aussi la faiblesse du Seigneur vis-à-vis de son Église. En tant qu'homme, il n'est pas en mesure de faire usage parmi nous de la force dont il aurait besoin pour briser la résistance qui s'oppose ici à lui. Non certes à cause d'une faiblesse de Dieu vis-à-vis de sa créature, mais en vertu d'une faiblesse de Dieu qui a choisi lui-même d'aller tout seul sur le chemin de l'abandon. Il est en même temps visible que les disciples sont incapables de parcourir le bout de chemin qu'il faut pour rejoindre le Seigneur au cas où ils comprendraient ce que la parole ne dit plus. Le Seigneur maintenant ne s'évade pas de sa faiblesse, il rassemble en lui une force divine qui est nécessaire pour supporter la croix et pour lancer de la croix une autre parole, une parole qu'il pourra donner aussi à son Église. Ce sera le fruit de sa passion dans la solitude, mais aussi le fruit de son abandon par les siens qui ne voulurent pas aller au même rythme que lui et n'en furent pas capables. Ils dorment au lieu de prier (NB 5,98-99).

 

842. Les disciples et la défaillance de l’Église

Les disciples représentent une foi moyenne, routinière, qui, alors qu'elle devrait participer à la conversation du Fils avec le Père, s'en dispense elle-même, c'est pourquoi elle en est exclue. Le Fils se tient ainsi devant le Père sans son Église, sans semence et sans fruit. Il se tient devant lui comme le premier mystique devant Dieu Trinité, dans une solitude qui n'est plus accordée à l’Église bien qu'il lui appartienne. Il comprend ici que l’Église aura besoin d'une parole plus forte pour qu'elle reste éveillée. Les apôtres sont ici le début de l’Église institutionnelle ; il devra envoyer en elle une parole plus forte, mais qui justement sera aussi le fruit du fait qu'il a été abandonné par l’Église. Et ainsi la croix devra produire un fruit dans le sens de la mystique ecclésiale. Au mont des oliviers, quand la nuit n'est pas encore totale, le Fils peut encore comprendre cette nécessité. Là il sent aussi la contradiction de la situation. Car d'une part tout est juste, dans la mesure où il a remis au Père toute sa volonté. D'autre part, ce n'est pas du tout en règle parce qu'il voit la défaillance de son Église qui refuse de l'accompagner comme il lui a été demandé. C'est de cette contradiction que naîtra la mystique pour l’Église et dans l’Église (NB 5,99-100).

 

843. Si les disciples avaient prié

Si les disciples avaient prié avec le Fils au mont des oliviers, s'ils avaient accepté sa volonté comme il acceptait la volonté du Père, ils n'auraient pas dérapé. L'inclination au péché n'est surmontée que lorsque la volonté de Dieu est devenue ce qui détermine la volonté de l'homme. Mais l'eucharistie est un ferment qui est mis dans les disciples; un signe dont ils sont marqués afin qu'à la résurrection ils soient sains et saufs. Ainsi, dès avant la Pentecôte, l'Esprit Saint vit en eux, lié au corps du Seigneur qui fait la volonté du Père (NB 6,528).

 

844. Au mont des oliviers, le Fils porte les dormeurs

Ce qui ressort surtout au mont des oliviers est valable pour chaque instant de la vie du Fils : non pas ma volonté, mais la tienne. Se soumettre au Père pour que chacun assume sa responsabilité, sinon le Père devrait pour ainsi dire porter tout seul. Don de soi absolu incluant un amour absolu, et ainsi tout le contraire d'une manière de se débarrasser de la responsabilité en la rejetant sur le Père seul. Également un défi : "Ta volonté de Père l'emporte sur ma volonté de Fils, elle doit vaincre nécessairement". Mais soumission aimante pour maintenant et pour tous les instants à venir, et en même temps prise en compte de la responsabilité de la mission. Car le Fils s'exprime devant le Père en toute liberté. Et si au mont des oliviers les témoins dorment, le Fils atteste cependant devant le Père qu'il les a emportés dans sa prière et que, pour eux aussi, il assume la responsabilité. Même en dormant, ils font partie du témoignage du Fils : leur présence atteste que le Fils a reçu des aides. Il les a trouvés dignes de l'accompagner. Il voulait les faire participer à son acceptation de la volonté du Père. Ils dorment ; le Fils, qui les a pris dans son témoignage, doit ainsi assumer dès maintenant leur part de responsabilité et exprimer en leur nom ce qu'ils devraient dire en son nom. "Que ta volonté se fasse" n'est pas seulement une constatation, une déclaration, c'est une prière. Une prière qui exprime toute une attitude et ce n'est qu'ainsi qu'elle est une parole exprimée. Une prière qui inclut tout en elle, y compris ceux qui dorment. Sur la croix, le Fils portera dans son abandon tout ce qui porte le nom de péché. Ici, au mont des oliviers, il porte les dormeurs qui ne connaissent maintenant aucune responsabilité (NB 11,321-323).

 

845. « Que cette coupe passe »

Au mont des oliviers, le Fils montre au Père ce que la passion a de dur: "S'il est possible que cette coupe passe loin ce moi" ; mais aussitôt après il revient à l'accord qui a été passé : "Mais non ma volonté". Il montre ce qui est dur, il en parle, mais ensuite il le remet à sa place. En un certain sens, le Fils ici a souci du Père, il est le "directeur spirituel" du Père. Il lui présente ce que la situation a de bouleversant pour aussitôt ensuite le tranquilliser : la passion n'aura pas tant de pouvoir qu'elle ébranlerait leur accord. Le Fils n'aurait nullement mieux fait de taire sa souffrance au mont des oliviers ; le Père a besoin justement qu'il s'ouvre ainsi pour être en communion avec lui (NB 6,473).

 

846. Que le calice puisse passer loin de lui

Que le calice puisse passer loin de lui, aussi bien que l'adaptation de la volonté humaine à la volonté divine est pour le Fils l'expression de sa prière. Nous entendons les mots que le Fils dit au Père à haute voix. Il prie au sujet de tous les mystères qui ont affaire avec l'angoisse, il entre dans ces mystères en priant et finalement il offre au Père sa prière de telle sorte que le Père fait déboucher la force et la puissance de sa prière dans l'amplitude de son angoisse : pour l'augmenter ou la diminuer ou la transformer selon son bon plaisir, avant tout d'abord pour la rendre possible somme toute par cette prière (NB 5,94).

 

847. Il n’est pas possible que le calice passe loin du Fils

Le Père reçoit la prière du Fils au mont des oliviers et il y reconnaît son amour. "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi" : il sait que ce n'est pas possible, mais il ne le dit pas. Car le Fils ajoute aussitôt : "Cependant que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne!" : le Père doit être sans scrupules, il pourra tout exécuter [105] comme il était prévu; la volonté du Fils est passée dans celle du Père. Comme toujours durant la vie terrestre du Fils, l'accord est parfaitement réciproque (NB 5,104-105).

 

848. Vider le calice d’amertume

Le Seigneur ne dit pas oui à la croix que le Père lui laisse libre d'accepter ou non, il dit : « Que ta volonté soit faite ». Il ne veut pas mourir avant que le calice d'amertume soit vidé jusqu'au bout. Il ne le veut pas bien qu'il ait dit auparavant : Qu'il passe (NB 4,387).

 

849. Le Fils prie comme un angoissé

Jusqu'à présent, la prière du Fils a toujours été reçue tout de suite par le Père. Elle entrait directement dans le ciel. Verticalement. Quand maintenant il doit prier comme un angoissé : "Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de moi!", il sent le fardeau qui l'accable. Et il éprouve que l'homme n'est pas capable de porter ce fardeau si Dieu ne le lui allège. Il doit offrir à Dieu son fardeau de telle manière que Dieu ait l'occasion de l'accepter. On pourrait présenter à Dieu son fardeau de manière si tragique qu'il vous retombe sur les épaules avec un double poids. Ce serait peut-être un signe qu'on n'a pas confié réellement à Dieu son fardeau et que Dieu par conséquent ne pouvait pas le prendre. Quand quelqu'un parle à un autre homme de ses soucis et que celui-ci ne répond pas, il doit continuer à parler pour pousser l'autre à réagir. Et si celui-ci ne réagit toujours pas, il doit vider son sac jusqu'au bout. Et peut-être qu'après cela, il l'aura encore plus dur qu'avant. Car maintenant pèse aussi sur lui la conscience que plus personne ne s'intéresse à lui. Peut-être que personne au fond ne l'a écouté. C'est le sentiment du Fils au mont des oliviers quand le Père ne réagit pas à sa supplication. A-t-il mal prié ? Si bien que le Père ne peut plus s'intéresser à lui ? (NB 6,239-240).

 

850. « Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse »

Quand, au mont des oliviers, le Christ dit : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne", il sait que cette volonté est la volonté de l'Esprit, la volonté du Père, du Fils et de l'Esprit tout à la fois, mais qui lui est communiquée et présentée par l'Esprit Saint (NB 2,95).

 

851. Non pas ma volonté bouleversée

Le Père a "poussé le Fils dedans" (l’angoisse du mont des oliviers). "Non pas ma volonté" veut dire : non pas ma volonté bouleversée qui n'est plus intacte, qui fait l'expérience de l'angoisse et fait là l'expérience de quelque chose de fini. Auparavant ma volonté était de toute éternité identique à ta volonté. Certes, depuis l'incarnation, il y avait, dans ma volonté, l'éventualité au moins potentielle de l'expérience du trouble ; malgré cela, la certitude de l'unité ne cessait de percer. Mais maintenant c'est mon devoir de m'occuper de ce qui sépare le monde de toi. Ainsi je n'ai pas le droit d'obtenir par force de te voir, de contempler ton être ; tu dois être pour moi maintenant tel que celui dont je fais maintenant l'expérience. Et le résultat, le fruit de cette angoisse, je ne le vois pas non plus (NB 3,245).

 

852. Le calice

Lors de sa vocation mystique, Moïse résiste à la volonté de Dieu, il doute, il discute, et Dieu, pour arriver à ses fins, doit briser finalement sa résistance. Dans la nouvelle Alliance, ce genre de résistance n'existe plus parce que la tension entre la volonté humaine et la volonté divine a été totalement réglée par le Fils au mont des oliviers. Et même si cette tension est vécue dans la plus grande angoisse, l'attitude du Fils au mont des oliviers constitue le cadre dans lequel l'angoisse mystique peut être traversée dans la nouvelle Alliance. C'est justement en créant ce cadre que le Fils accomplit les états de souffrance de l'ancienne Alliance et les rend compréhensibles. C'était des promesses qui, en tant que telles, ne pouvaient pas rester, le Fils devait devenir homme pour apporter la solution de ces énigmes. Par la parole qu'il dit au mont des oliviers : "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi ! Mais que ce ne soit pas ma volonté qui se passe, mais la tienne!", il "sauve" Moïse et les prophètes. En tant qu'homme, il doit tenir pour possible que le calice passe loin de lui ; et cette possibilité est insérée par lui dans la volonté divine (NB 5,92-93).

 

853. Il y a cette volonté du Fils que le calice passe loin de lui

La prière au mont des oliviers : "Que ta volonté soit faite, non la mienne", est sans doute la prière suprême du Fils, celle qui est la plus caractéristique. Bien que, dans la vision, sa volonté soit identique à celle du Père parce que apparaît là l'unité de nature, il y a cependant cette volonté du Fils que le calice passe loin de lui : sa "volonté de foi", non sa "volonté dans la vision". Mais parce que sa "foi" (dans le sens de son don de lui-même dans sa mission terrestre) est parfaite, la "volonté de foi" coïncide avec elle ; à peine est-elle exprimée que déjà elle est à nouveau totalement avec la volonté du père, l'unité est rétablie, non par la vision, mais par la "foi". Le Fils atteint donc par la "foi" la perfection de la vision céleste sans permettre à la vision de dominer en lui la "foi", c'est-à-dire de remplacer les éléments de la "foi" (qui pour les hommes peuvent être difficiles) par ceux de la vision (NB 6,190-191).

 

854. « Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse »

Dans l'obéissance du Fils jusqu'à la croix il faut distinguer : c'est sa volonté de faire la volonté du Père. Mais le fondement et la source de sa volonté est son amour pour le Père. Car il aime tant le Père que tout en lui est amour, y compris son obéissance. Si ici-bas un amoureux fait la volonté de sa bien-aimée, il sent rarement que son obéissance est un fardeau, parce que l'amour a partout le premier rang et on ne peut pas distinguer les différents motifs qui se trouvent en lui. Quand par contre, au mont des oliviers, le Seigneur demande : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne", il laisse apparaître clairement le facteur obéissance dans son amour. Sans doute son obéissance est-elle encore toujours une expression de son amour pour le Père, mais on peut la saisir ici dans sa nudité et dans ce qu'elle a de caractéristique, elle est pour ainsi dire détachée de l'amour qui l'entoure et mise en relief (NB 11,251).

 

855. « Non pas ma volonté »

La prière du Seigneur au mont des oliviers : "Non pas ma volonté, mais la tienne", est humilité parfaite, adaptation de sa propre volonté à celle du Père. Et pourtant sa propre volonté est mentionnée. S'il avait dit seulement : "Que ta volonté se fasse", il se trouverait là comme comme sans volonté propre, comme si le Père lui avait permis certes de devenir homme, mais un homme sans les difficultés qui résultent de l'opposition entre Dieu et l'homme. Un homme désarmé, sans moyen de se défendre en face de Dieu. La mention de sa volonté propre est donc un signe de sa gratitude à l'égard du Père qui lui permet d'avoir une nature humaine complète. Ce n'est pas la faiblesse qui l'incite à dire cette parole, ni non plus l'impuissance, mais l'amour. L'amour qui reconnaît ce que veut dire : "Ma volonté", mais qui y renonce en faveur du Père. L'amour qui accorde plus de valeur à ce qui appartient au Père qu'à ce qui lui est propre, qui met en relief l'obéissance et l'exerce dignement. " Non pas ma volonté" : cette parole ne peut pas éveiller dans le Père l'impression d'un renoncement par faiblesse ou d'un mépris de son don. Elle renvoie en même temps au premier Adam qui avait tout le nécessaire pour faire la volonté du Père, mais ne voulut pas renoncer à sa volonté propre si bien qu'il se confirme aux yeux du Fils qu'Adam aurait pu résister à la tentation (NB 11,321).

 

856. La volonté du Père

L'expérience au mont des oliviers participe essentiellement à celle de la croix. Au mont des oliviers, le Fils se trouve devant la volonté du Père qui lui paraît absolue, inaccessible, étrangère. Il la regarde avec étonnement, il la regarde presque fixement, comme s'il ne pouvait plus la mettre en harmonie avec ce qui lui avait paru durant toute sa vie être la volonté du Père. C'est maintenant un oui énorme, démesuré et, en comparaison, le sien n'est qu'un minuscule oui d'homme, à peine formulé - "Non pas ma volonté, mais la tienne" - pour laisser entrer le oui divin. Auparavant, entre la volonté du Père et la volonté obéissante du Fils, il n'y avait aucune tension; il y avait la vision qui montrait toujours la volonté du Père comme étant ce qui était le plus digne d'efforts et la faisait aussi embrasser. Maintenant la volonté du Père est comme à côté du Fils, autour de lui (non plus en lui au fond); en lui, il n'y a que son oui humain donné au Père (NB 3,254).

 

857. Le Fils choisit la volonté du Père

Au mont des oliviers aussi, le Fils a certainement la vision du Père. Mais le principal pour lui maintenant est d'être totalement homme et de s'en tirer avec ses forces humaines. Et si maintenant la volonté du Père pour le Fils est que le Fils souffre, ses forces humaines doivent ressentir ce qu'il y a là d'étranger : "Non ma volonté". Et également après que cette décision a été exprimée, le Fils reste dans l'obéissance, la tristesse et l'angoisse. Il choisit la volonté du Père, mais il sait que cette volonté signifiera souffrance et que la souffrance ne sera pas adoucie par le fait que c'est une souffrance d'obéissance, au contraire, car le Fils connaît la grandeur, l'inflexibilité de la volonté du Père à laquelle il a livré sa propre volonté. S'il veut ce que veut le Père, il veut le tout, sans atténuation ; mais en tant qu'homme il sait combien la souffrance humaine peut être démesurée, variée, longue et inexorable. Comme il sait également que la volonté du Père n’a pas de limite, comme il connaît la divinité de ce qu'il réalise, il sait qu'il devra souffrir le pire. Et ce pire ne sera pas déterminé par les limites de son humanité, elles seront allongées et augmentées au-delà. Les limites humaines sont donc dépassées dans la pure obéissance pour entrer dans ce qui est toujours plus difficile. Que le calice ne passe pas signifie un accroissement constant de ce que l'homme fait. Cela signifie le consentement actif au Père pour se laisser faire passivement. Mais comme déjà le consentement à la volonté du Père est plus que purement humain, de même la souffrance passive dépassera les limites de l'humain. C'est justement à cela que le Fils est décidé (NB 3,344-345).

 

858. "Non comme je veux, mais comme tu veux"

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Ton Fils nous a montré cette volonté au mont des oliviers quand il a dit en tremblant: "Non comme je veux, Père, mais comme tu veux". Les hommes devraient accomplir sur terre cette volonté comme le Fils l'accomplit par son passage à travers l'enfer. Cette grâce que le Seigneur leur promet serait alors donnée par la confession. Nous demandons au Père, au Fils et à l'Esprit Saint de bien vouloir insérer aussi notre volonté humaine dans l'unité de leur volonté. Au jardin, le Fils a montré cette volonté divine quand il a dit : "Non comme je veux" ; il a frappé la formule et l'a assumée dans sa volonté humaine si bien que par sa grâce il ne serait plus difficile pour nous de mettre notre volonté dans la sienne ; nous savons qu'à l'instant où nous essayons de mettre notre volonté faiblement ébauchée dans la forte volonté du Père, le Fils la façonnerait parce que lui, le Fils, a fait s'ouvrir déjà sa volonté dans celle du Père (NB 3,127).

 

859. A l’ombre de la croix qui vient : « Que ta volonté soit faite »

A présent que le Seigneur se trouve à l'ombre de la croix qui vient, il dit : Que ta volonté soit faite! Mais l'angoisse et l'oppression, le sentiment de ne pas pouvoir faire face sont à peine supportables. Il veut et pourtant il ne peut pas. Et quand il regarde son prochain, il sait que celui-ci pourrait mais qu'il ne le veut pas. Lui, le Seigneur, ne ferme rien, il appelle maintenant son prochain de manière particulièrement pressante à collaborer à l’œuvre de la rédemption. Malgré cela, il sait que le péché s'y oppose, que même après avoir accompli son œuvre il laissera une humanité qui continuera à pécher, qui continuera donc aussi à le charger, bien qu'il veuille tous les ramener au Père en leur pardonnant. En ces derniers jours, le mystère du temps éphémère semble totalement imbriqué dans les lois du temps éternel, le mystère de son humanité dans les lois de sa divinité, le mystère de sa souffrance dans la joie à venir ; et tout est lié par l'obéissance dans son amour pour le Père et l'Esprit, dans son amour pour l'humanité entière. Tout est amour, mais l'amour s'est transformé en incertitude et en angoisse (NB 3,399-400).

 

860. Pour le Seigneur, c’est très dur de dire oui

« Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne ! ». Il veut souffrir, il souffrira, la volonté du Père se réalisera ; les différentes scènes de la passion ne sont pas visibles parce que la passion est prise comme un tout qui passe toujours dans le tout. C'est pour le Seigneur très dur de dire oui. Mais il dit oui. On sait qu'il a dit oui. D'abord la volonté du Père, puis celle du Fils, l'indivisibilité de la décision dans le Fils, puis les décisions qui n'ont pas encore été prises de tous ceux qui seront autour de la passion comme instruments, comme spectateurs, comme participants. Croyants et non croyants et tous ceux qui sont encore indécis, tous ceux qui sont prêts à faire souffrir le Seigneur sans le savoir : tous sont déjà inclus dans la décision du Seigneur. Et tous les temps à venir sont inclus. Tous ceux qui le font souffrir sont aussi déjà là : ceux qui sont à racheter ou ceux qui sont déjà rachetés (NB 3,342).

 

861. Entrer dans la pure volonté du Père

Au mont des oliviers, sous les beaux arbres calmes et paisibles, dans le domaine du Père, où le Fils en tant qu'homme a aimé s'arrêter ; mais maintenant il s'agit de prendre congé de toutes ces belles choses et d'entrer dans la pure volonté du Père. Dieu a créé un monde magnifique. Ce n'est pas lui qui s'est détaché, c'est l'homme, et il s'agit maintenant de prendre sur soi ce détachement en se tournant vers le Père de manière définitive : dans le oui d'une obéissance totale. Dans son oui au Père, le Fils doit porter le non des pécheurs. Et le oui ne va pas couvrir le non, mais plus il est dit profondément comme oui, plus il pèsera de manière sensible et tragique, plus il se déploiera dans toute sa portée. Le combat entre le oui et le non jusqu'à la mort ne se déroulera pas de telle sorte que le non se fasse entendre toujours plus faiblement et que le Fils de Dieu triomphe de l'homme pécheur. Le non devra être porté de telle sorte qu'il tue l'homme et le oui doit être dit jusqu'à ce qu'il soit totalement écrasé par le poids du non (NB 3,345).

 

862. La sueur de sang

La sueur de sang : le Seigneur commence déjà à donner sa propre substance. C'est une préformation de l'offrande de sa chair. Il doit commencer spontanément par là avec la totalité de son amour. Aucune partie de son corps ne reste étrangère à cette sueur (NB 3,153).

 

863. La sueur de sang de l’angoisse

Dieu a formé le monde en le tirant du chaos. Par le péché, un nouveau chaos surgit en l'homme et par là aussi autour de lui. Le Fils entre dans ce nouveau chaos, mais il ne peut pas établir le contact avec le chaos comme le fait le Père quand il crée ; il doit le subir, il doit le prendre sur lui comme péché pour le recréer. C'est ainsi que son angoisse au mont des oliviers et sur la croix correspond un peu à la situation de la création. Seulement le chaos n'est plus ce qui est informe et que la main du Créateur peut modeler de manière souveraine, c'est la masse du péché avec laquelle on n'entre en contact que par l'angoisse. Le corps du Fils se révèle être le récepteur, le lieu de la transformation, mais celle-ci ne se réalise que par la passion et l'angoisse. D'un mot : "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi", il se tourne vers le Père tel qu'il était lors de la création avec son omniscience et tous ses projets. Mais il le lui dit avec la sueur de sang de l'angoisse (NB 3,244-245).

 

864. Fin du mont des oliviers

A la fin du mont des oliviers, le commencement de la passion est devenu certitude. Les signes qui se multiplient, le Fils ne veut pas en prendre connaissance autrement que dans l'obéissance, il veut se comporter vis-à-vis d'eux d'une manière indifférente, mais son indifférence n'atténue pas la dureté des événements. Il ne veut aucunement les "dominer". il veut se trouver exactement "dedans" comme le Père le requiert. Beaucoup de choses se passent dans l'ombre, d'autres sont seulement à moitié cachées de sorte que justement il les perçoit. Parce qu'il est dans une parfaite obéissance, ce qu'il comprend coïncide exactement avec la volonté du Père (NB 3,347).

 

865. Aucun soulagement ne lui est permis

Tout le blesse. La tiédeur et l'incompréhension des siens, leur incapacité à l'aider, à se conduire comme l'heure l'exigerait. La brutalité et la dureté de cœur des autres qui font tout pour l'offenser. Maintenant déjà sa résistance humaine est mise à l'épreuve pour le rendre d'autant plus sensible à la souffrance. Le profond malaise que le Père permet maintenant le prépare à être touché par la croix plus profondément. Il a été question de calice et il voit maintenant de quoi est fait le calice, comment l'amer qu'il goûte y est mis. Lui-même, il ne lui est pas permis de se préparer ; la préparation se passe sans lui, de l'extérieur. Il doit seulement persévérer dans la patience et accepter tout ce qui est ajouté. Malgré cela, c'est une persévérance dans l'illimité. Humainement, il sait qu'il ne terminera pas bien des choses qu'il avait commencées. Mais il ne termine rien de lui-même, il n'écarte rien de ce qui pourrait faire partie du chemin de sa mission. Et quand, dans la prière, il parle avec le Père, il ne revient plus sur le passé. Il doit souffrir tellement dépouillé et abandonné qu'aucun soulagement ne lui est permis. Lui-même serait le dernier à prendre des dispositions de ce genre. En tant que Fils éternel, il savait exactement à quoi il s'engageait. Cette connaissance exacte est maintenant obscurcie. Car il doit faire maintenant l'expérience de la persévérance. Il ne récoltera plus de fruits sur terre et il ne met rien de côté pour le retrouver quelque part (NB 3,347).

 

                    149 Pilate

 

866. Le Fils est bien roi

Quand on se moque du Seigneur comme "roi des Juifs" et qu'il certifie devant Pilate qu'il est bien roi, sa royauté se trouve dans l'Esprit qui l'accompagne de sa présence. L'Esprit lui donne la royauté céleste où qu'il soit. C'est une propriété de Dieu Trinité, de l'Esprit du Père, du Fils et de l'Esprit lui-même. C'est une souveraineté dans l'Esprit, pourvue de toutes les propriétés qui sont propres à l'Esprit. Une souveraineté dans une liberté totale, dans la vision illimitée, avec le pouvoir aussi de réaliser parfaitement le dessein (NB 6,192-193).

 

867. Le Fils ne peut pas convertir Pilate

Quand le Seigneur réclame des fruits au figuier, celui-ci ne peut pas s'excuser en disant que ce n'est pas la saison. La surnature maudit la nature qui ne répond pas à l'exigence. Durant la passion, le Fils ne peut pas donner. Il ne peut pas convertir Pilate maintenant. Et Pilate ne peut pas le libérer, il est lui-même à son tour lié au peuple et celui-ci à son tour est lié également. La loi qui détermine Pilate, agit de Pilate sur le Seigneur. Ainsi le Seigneur lui-même est le figuier qu'il a maudit. On attend de lui un fruit que maintenant précisément il n'est pas capable de fournir. Car le Fils est lié au fruit du Père. Le Père pourrait le demander à l'instant où le Fils est en mesure de le donner. Mais il l'obtient à l'instant où le Fils a déposé auprès de lui toute sa puissance divine et où il est si totalement homme qu'il n'a rien à offrir. C'est ainsi que le "rôle" du Père le lie lui-même : il exige ce qu'il sait ne pas pouvoir recevoir maintenant. Il veut et en même temps il ne veut pas (NB 6,270-271).

 

868. Pouvons-nous imaginer le Fils de Dieu autrement que comme roi ?

Dans notre monde démocratique moderne, nous n'arrêtons pas de niveler, nous n'aimons pas nous mettre en relief nous-mêmes, nous n'aimons pas non plus voir les autres se mettre en relief. C'est pourquoi la pensée de la royauté n'est plus quelque chose de vivant. Nous essayons de rendre nos progrès accessibles à tous, ce qui en soi est très beau ; mais parce que nous ne cessons de comprendre toujours le progrès que comme un progrès purement scientifique et technique, nous établissons un minimum humain pour le luxe et le confort et le bien-être, mais également pour les valeurs spirituelles et morales, ce qui aboutit nettement à un nivellement de tous. Quelque chose d'autre que le purement humain n'a plus sa place dans cet effort ; quand nous rencontrons ici ou là la pensée de la surnature, de la grâce, de la sainteté, quelque chose en nous se hérisse et nous essayons le limiter à un minimum. Nous utilisons encore dans notre vocabulaire chrétien des termes comme hiérarchie ou sainteté, mais nous faisons tout pour les vider de leur contenu. Nous célébrons des fêtes de la tradition de l'Église et quand elles nous apportent des cadeaux et des banquets dans le cercle de la famille, nous faisons comme les autres. Aujourd'hui, pour la fête du Christ-Roi, il en est autrement. Ce n'est pas une fête qui a obtenu une place dans la famille. C'est une fête de l'Église. Mais si nous sommes l'Église et la communion des saints, cette fête devrait signifier pour nous quelque chose. Elle voudrait être notre fête. Mais pouvons-nous encore fêter un roi aujourd'hui ? Nous devons poser une autre question: Pouvons-nous imaginer le Fils de Dieu autrement que comme roi ? De même qu'il est indiciblement élevé au-dessus de nous de par sa nature divine, de même aussi son infinie perfection en tant qu'homme nous dépasse infiniment : son amour, son obéissance. C’est justement par cet amour et par cette obéissance jusqu'à la mort qu’il nous est si proche qu'il nous apprend à être soumis. Sa souveraineté comme son obéissance sont pour lui le service de son Père et en même temps sa plus haute joie festive. De même notre service à son endroit à lui, le roi, devrait être un service royal libre rendu joyeusement, non une lourde corvée accomplie de mauvaise humeur ; un service de fête qui nous honore nous-mêmes en honorant le roi. Plus nous connaissons et reconnaissons sa nature royale, plus nous devrions être dignes de sa royauté et si le roi est Dieu avec nous, qui nous offre en nourriture sa chair et son sang, notre service devrait être un service digne de Dieu. Dieu est inconcevable. S'il accepte pour nous le titre de roi, c'est pour nous être plus concevable et donner à notre service davantage de dignité et de joie. Nous avons le droit de nous rappeler qu'il est devenu roi à cause de nous, que son titre de roi inclut non seulement son incarnation mais surtout toute sa passion et sa mort, que sa souveraineté ne l'a pas empêché de porter nos péchés et que, dans sa dignité royale, il condescend non seulement à accepter nos services, mais à en avoir vraiment besoin pour développer l'éclat de sa royauté dans son royaume tout entier (NB 10, n. 2277).

 

                    150 La flagellation

 

869. La flagellation

L'obéissance corporelle du Seigneur est un élément essentiel de sa passion. Lors de la flagellation par exemple, son corps accepte les coups comme sans choisir. Presque comme si les péchés devaient d'abord être enfoncés dans le corps du Seigneur avant qu'il puisse les recevoir dans son esprit. C'est aussi une préparation du corps du Seigneur à l'ultime obéissance de la croix où le corps doit tout supporter intégralement avec une perfection qui lui est accordée par la grâce (NB 6,249).

 

870. Le corps tout entier

Lors de sa flagellation, le Seigneur emmène avec lui, pour une nouvelle fécondité, tous ses membres. Même les plus inattendus. Il fait ici quelque chose qui se passe aussi sur la croix mais qui, pour nous, est alors moins évident. Sur la croix, nous avons toujours sous les yeux telle ou telle partie du corps du Seigneur : ses mains, ses pieds, sa tête, son côté.Lors de la flagellation, c'est absolument au corps tout entier, du haut en bas, qu'est inoculée la vigueur des souffrances (NB 6,250).

 

871. Tout recevoir tel que c’est donné

Le corps du Seigneur s'attend à la flagellation. Il sait ce qui arrive, il s'y prépare consciemment. Et pourtant la souffrance et la manière dont cela fera mal, il ne peut pas le savoir exactement à l'avance. Peut-être qu'il attend plus l'humiliation que la souffrance ; et celle-ci viendrait comme un supplément. Il doit aussi apprendre l'attente parfaite : être totalement à ce qui lui arrive maintenant précisément ; enregistrer de ses yeux ce qui est préparé là : comment on va chercher les cordes (pour lui), comment on les prépare et on les place ; mais saisir aussi ce qui humainement n'est pas visible, ce qu'il ne peut savoir que comme Fils de Dieu ; et ceci cependant de telle manière que ne soit pas diminuée la surprise des coups qui vont venir. Se préparer à la flagellation veut dire : se déshabiller totalement. Ne rien garder. Ne rien disposer, ne rien diriger par soi-même. Si l'on ne dégageait que le dos, cela voudrait dire qu'on s'attend à ce que le dos seul soit concerné. Il ne faut pas que vienne la pensée : j'espère qu'on ne frappera pas ici et j'espère qu'on ne frappera pas là. Ou bien j'espère que je perdrai vite connaissance. Même en recevant les coups, il ne peut pas y avoir l'intention de se tenir comme ceci ou comme cela pour se protéger à d'autres endroits, pour s'épargner d'autres souffrances. La préparation veut dire : être prêt pour tout ce qui va venir. Et "pour tout" veut dire encore une fois non "ce qui est plus mauvais" ou "ce qui est le pire", mais être prêt exactement pour ce qui va venir. Le Fils ne fixe la mesure à aucun point de vue. Il n'a pas le droit maintenant de souhaiter que chaque coup fasse le maximum de mal. Il n'a pas le droit d'aspirer à une performance sportive. Il doit arriver au résultat que le Père permet. Avant la flagellation, le Fils connaît l’angoisse qu’il pourrait peut-être ne pas être à la hauteur de la mesure du Père. Pour les coups qui sont plus faibles, c'est l'angoisse que le Père pourrait faire arrêter les coups avant terme parce qu'il ne répond pas à son attente. Pour les coups qui sont plus forts que ce à quoi le corps s'attendait, l'angoisse qu'il pourrait ne pas être assez résistant. L'angoisse de ne pas avoir éduqué son corps assez sévèrement pour qu'il soit à la hauteur des peines qui sont nécessaires à la rédemption. Mais le véritable exercice préparatoire à la flagellation, c’est tout recevoir tel que c'est donné. Cela peut signifier pour le Fils une grande humiliation du fait que le Père n'exige pas de lui plus que ce qu'il reçoit. A la fin de la flagellation, le Seigneur est totalement épuisé. Mais il ne voit aucune utilité à ce qu'il a souffert, ni non plus que le Père ait reçu cette souffrance ; il ne ressent aucun apaisement : "Au moins c'est passé !" C'est simplement quelque chose qui a cessé. Aucune réflexion du genre : Est-ce fini ? Ou bien est-ce ça va peut-être recommencer par le début ? Ou bien est-ce que tout cela n'était qu'un prélude ? Le Fils ne pose pas de question ; il se tient devant le Père avec un amour qui n'a pas changé, avec une obéissance de mission qui n'a pas changé. Il ne se laisse pas aigrir, ni irriter, il ne pense pas avec méfiance : Qu'est-ce qu'il peut encore avoir en vue ? (NB 6,252-253).

 

872. Flagellation : des péchés sont jetés sur lui

Sur la croix, tous les organes corporels seront mis à contribution. Lors de la flagellation, c'est un organe après l'autre, c'est chacun à son tour qui reçoit les coups. Le rassemblement ne devient possible que lorsque le Christ tout entier se charge de la croix tout entière. Pour le moment, on ne fait pour ainsi dire que jeter sur lui les péchés, latéralement, obliquement, si bien qu'ils laissent des traînées. Sur la croix, chaque péché l'atteint verticalement. Lors de la flagellation, c'est l'un après l'autre ; sur la croix, c'est tous ensemble (NB 6,257).

 

873. La flagellation et Marie

La flagellation du Fils. La part que porte la Mère est épargnée au Fils, mais lorsque quelqu'un meurt de faim dans des souffrances effroyables, qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire qu'un autre le console en ayant faim lui aussi ? Pourtant, à sa manière féminine, la Mère participe à tout le déroulement de la flagellation, même si cette collaboration n'est pas sensible pour le Fils (NB 6,123).

 

                    151 Les préparatifs de la croix

 

874. Le manteau de pourpre

Le Seigneur reçoit le manteau de pourpre comme un habit pour la souffrance à venir. Celui qui va à une noce met un habit de fête. Pour un enterrement, on met un habit de deuil. Ainsi dès ce monde, le chrétien s’habille comme le requiert le lieu où il va : le ciel. D’autres attendent d’être dans la salle des noces pour savoir qu’il y a réellement une fête ; mais le chrétien, lui, le sait déjà d’avance (NB 4,71).

 

875. Les crachats

8 juillet 1943. Adrienne me parle des souffrances du cœur de Jésus d’un ton terriblement sérieux et avec un regard indiciblement implorant. Durant cette journée, elle a au moins vu cent fois la scène des épines et des crachats sous des aspects toujours nouveaux. Mais ce n’était pas les soldats, c’était les chrétiens qui, en procession, comme dans une liturgie, passaient devant l’Ecce homo, le méprisaient et lui crachaient dessus (NB 8, n. 719).

 

876. La couronne d’épines

1941. Vers le matin, Adrienne qui a beaucoup prié durant la nuit, aperçoit la tête du Christ dans sa chambre, plus grande que nature. La tête a une expression très douloureuse et porte la couronne d’épines. Puis l’expression du visage se modifie lentement, devient très douce et remplie d’une extrême bonté. La couronne d’épines se change en une couronne d’églantines blanches qui répandent une odeur singulièrement forte. Vers sept heures du matin, elle s’assoupit. Vers neuf heures, son mari entre pour lui souhaiter le bonjour. En entrant, il s’étonne : qu’est-ce qui sent ici comme ça si fort et si bon ? S’est-elle lavée avec un nouveau savon ? Il revient la voir vers onze heures alors qu’Adrienne elle-même ne sent plus rien : cela sent encore toujours très bon, qu’est-ce que ça peut être ? (NB 8, n. 234).

 

877. Les soufflets

Au début, la couronne m'apparaissait comme une affaire tout à fait spirituelle : la tête, symbole de la pensée, de l'esprit ; la couronne, symbole du péché des non croyants dont ils chargent l'esprit du Seigneur. Puis la couronne est montrée. Adrienne la voit avec une précision inouïe, elle aurait pu compter les épines, elle remarque à quel point la chose était peu adaptée à la tête d'un homme, à quel point les épines devaient pénétrer profondément. On voit tout de suite que comme ça, ça n'ira pas. La vérité de la tête du Seigneur ne peut s'unir à ce mensonge. A partir de la tête, on a une vue exacte de l'étendue du mensonge. La couronne en est la représentation. Cependant il n'y a pas de proportion entre la taille de la couronne et la taille du mensonge, car chaque épine contient toute la nature du mensonge. Comment est-ce possible, on ne le voit pas. Dans chaque soufflet qui est donné au Seigneur peut se trouver aussi toute la haine du monde (NB 6,258-259).

 

878. La tête du Seigneur est voilée

La tête du Seigneur est voilée : on l'empêche de voir. On ne compte donc plus sur sa collaboration. On lui prend sans lui poser de questions. Celui qui est voilé est doublement sans défense, il ne sait pas de quel côté viendra l'attaque, il entend les préparatifs, mais il ne peut pas s'y préparer. Et parce que ses mains sont attachées, il n'est pas question non plus qu'il se défende physiquement. Ce qui lui arrive maintenant est définitif ; il ne se servira plus jamais de ses mains, plus jamais il n'arrangera quelque chose par lui-même. Sa vie active est terminée, elle est réduite à rien. Il n'y a aucune possibilité de voir le tout comme un jeu effrayant (une initiation maçonnique), c'est simplement une exécution. Il est privé aussi de sa bouche. Sa propre parole ne compte plus. Non seulement toute discussion est interdite (cela se trouvait déjà dans le fait qu'il avait remis le tout à la volonté du Père), la Parole elle-même est annulée. Ce n'est pas sans rapport avec la soif sur la croix. Ensuite ce qui est respectable est voilé, ce qui est honteux est dévoilé, c'est comme l'omniprésence de la honte, l'interversion de la dignité et de l'indignité, qui pervertit la simple noblesse du corps humain (NB 6,269-270).

 

879. Les railleries

Tout ce que les chrétiens font ou ne font pas, opèrent et souffrent, est au fond ridicule pour le monde. C’est une utopie, c’est rendre hommage à un roi qui n’existe pas. Marie n’est pas là lors de ces railleries. Elle n’est pas mêlée à ces gens. Elle est quelque part dans la prière, dans l’accompagnement intérieur. Elle ne voit pas de ses yeux humains ce qui est fait au Fils en fait d’outrages toujours nouveaux mais, à partir de l’humiliation la plus profonde comme à partir de son oui, elle voit que chaque situation et chaque état du Fils, chaque changement dans son âge et dans son développement, tout ce qui lui est imposé, tout cela n’existe que pour rendre parfait son présent au Père (NB 9, n. 1967).

 

880. Les mains percées

Le Seigneur sait qu'on a percé ses mains ; mais nous savons aussi que c'est nous qui avons percé ces mains (NB 4,247).

 

881. Le Seigneur est cloué

Le Seigneur ne s'est pas infligé à lui-même la flagellation et les moqueries ; une pénitence active n'aurait jamais pu suffire à sa soif de porter le péché du monde. La souffrance lui est imposée. Sur la croix, il est cloué, il ne peut plus bouger et il est totalement dévêtu. Mais ce n'est pas la honte de la nudité qui à vrai dire est humiliante, c'est le fait que toute sa corporéité soit livrée sans aucun contrôle personnel possible (NB 11,304-305).

 

882. Cloué solidement

L'angoisse du Fils. Tout fait si mal qu’on n'a plus aucun endroit qui ne soit douloureux, on est refoulé en soi-même. On n'a plus d'autre endroit que son propre corps pour avoir de l'angoisse. On s'effondre en soi pour ainsi dire. Et plus on s'écroule, plus folle est l'angoisse. Et on est par là jeté dehors au loin. C'est peut-être l'angoisse devant le Père. Elle apparaît comme ce qui est immuable. Elle s'annonce en même temps en un point : du clou de la main comme en un point, du corps réuni de manière nouvelle par la douleur, comme en un point, du corps déchiré par la douleur. Il n'y a ni dehors ni dedans, pas de développement, pas de direction, seulement le fait d'être cloué solidement d'une manière impossible (NB 3,263).

 

883. Le péché enfonce le clou dans sa main

Le Christ sait qu’il recevra les plaies. Et ce qu’est la douleur, il le sait par expérience. Il y a les moments où il sent son corps et où il s’en réjouit, où il se réjouit vraiment de ce que ce corps subira bientôt des souffrances. Même si ces souffrances lui sont causées extérieurement par les hommes, elles seront cependant sa réponse à la mission du Père qui vit en lui. Le péché enfonce le clou dans sa main, mais il y répond de l’intérieur avec la mission qu’il porte en lui ; les deux ensemble produisent toute la plaie et ce n’est que cet ensemble qui est fécond. Qu’il donne son amour est un acte de l’Homme-Dieu tout entier, mais cela se fait de telle sorte que le corps a une tâche propre à l’intérieur de la tâche d’ensemble ; ce n’est pas seulement l’Homme-Dieu en général qui est cloué sur la croix, mais expressément son corps. Et quand ses plaies saignent, il n’est pas seulement appelé par là à répandre son sang “personnel” et donc divin mais, en raison de sa corporéité, expressément le sang de cet homme, l’une des nombreuses créatures du Père, à la place de toutes les autres. Que cela lui soit permis est pour lui recevoir à nouveau du Père son corps comme un présent (NB 9, n. 1753).

 

884. Les clous et la brûlure du péché

Les clous de la croix ouvrent sa chair d'une manière comparable à la manière dont le tremblement de terre ouvre l'enfer. La souffrance est double. Il y a la pénétration des clous et il y a la chair qui cède et qui saigne. Avec les clous, c'est le péché qui pénètre ; et la chair qui saigne, c'est la réponse que donne le Seigneur. Il y a dans les clous la brûlure du péché, et le sang, c'est le signe du feu de vie du Seigneur. Le baptême de feu qu'il apporte, c'est son sang. L'enfer et le purgatoire sont ici très proches l'un de l'autre (NB 3,212).

 

885. Le Fis a perdu l’usage de ses mains

L'Esprit est aussi l'inexorabilité entre le Père et le Fils, presque comme s'ils étaient tous deux pris dans un filet qui s'appelle maintenant l'Esprit. Il n'y a plus d'accommodement, ni d'exception, ni d'esquive. Et si le corps est la demeure de l'Esprit, l'Esprit veille maintenant à ce que ce corps soit totalement crucifié. Je ne sais pas ce qui fait le plus mal : les clous ou le fait d'être entravé. Le fait qu'on ne peut plus rien embrasser, saisir, toucher, que je ne peux plus aider aucun souffrant, que je ne peux plus le prendre par la main. Pour le conduire, l'apaiser. Que je ne peux plus prendre quelque chose à personne, aucun souci, aucun travail. C'est quand même pour cela qu'on a reçu des mains : pour embrasser les autres afin de les aider ou afin de prendre leurs soucis dans nos bras. C'est pour cela aussi que l'amour du Fils a reçu des mains. Les pertes d'amour entrent dans l'accroissement des douleurs (NB 3,261).

 

886. Tout ce que le Seigneur pourrait faire de ses membres s’ils n’étaient pas cloués

Le Seigneur sait qu'il va monter sur la croix. Et il commence à réfléchir à ce qu'il pourrait faire avec ses membres au service du Père s'il n'était pas cloué sur la croix. Il pourrait étendre les bras pour recevoir les enfants, les embrasser et les bénir pour les mettre en confiance. Avec ses pieds, il pourrait passer par beaucoup de lieux pour parler du Père. Il pourrait offrir sa poitrine et son cœur à beaucoup pour qu'ils s'y reposent et y reprennent des forces, comme Jean. Sa bouche et sa langue seraient assez puissantes pour exposer la parole du Père, tout son corps serait prêt à assumer et à exécuter toutes les missions du Père. Il a à peine commencé. Est-ce que le Père n'a pas voulu qu'il rassemble tout pour lui ramener la totalité du fruit ? Et voilà que la croix menace de tout ruiner. La pensée de laisser sa mission inachevée l'effraie (NB 6,244).

 

887. Nous ne devons pas laisser couler le sang en vain (NB 4,261).

 

888. Les soldats prennent note de l’absence de couture à la tunique

Le Seigneur abandonne sa tunique aux soldats qui ne comprennent rien. Ils prennent note de l'absence de couture, ils détiennent la tunique et la transmettent sans savoir quel trésor ils ont en main. Ils sont en cela notre image dans la glace. Nous ne savons pas nous servir de la grâce indivisible. Ni de la vérité de la Parole de Dieu, ni de la vie du Christ, ni de l’Église comme un tout, ni de quoi que ce soit d'autre qui nous est offert dans la foi. Et même si on nous explique parfaitement l'absence de couture, nous continuons à la chercher sans relâche. Nous cherchons ce qui est habituel, ce qui est compréhensible, à partir de quoi nous pouvons prendre en main le tout (NB 3,386).

 

889. La grâce est toujours sans couture : elle appartient à Dieu

Quand quelqu'un dit oui à Dieu, à la vocation que Dieu lui a destinée, quand il assume l'obéissance, quand il cherche à faire la volonté de Dieu, c'est alors comme si le Seigneur lui prêtait sa tunique sans couture. Il ne peut pas dire : "Je me suis décidé autrefois à suivre Dieu à cause d'une prédication, d'une confession, d'une conversation", comme s'il pouvait avoir une vue d'ensemble de sa vie comme on suit une couture avec le doigt et qu'on perçoit comment les morceaux sont assemblés. C'est bien plutôt la grâce, et la grâce est toujours sans couture, elle appartient à Dieu, elle n'est pas non plus à limiter à ce qu'on en voit ; elle ne montre que certains de ses effets, pas plus (NB 3,385).

 

                    152 Le bon larron

 

890. Le bon larron a été converti sur la croix

Le bon larron a été converti par la vue du Seigneur en croix. La vue du Seigneur qui lui fut accordée un instant l'a rendu, par la grâce, digne du ciel. Cependant il a mérité le gibet. Les deux jugements se suivent en une seconde. La révélation que le Seigneur fait de lui-même au larron est si pleine de grâce que pour lui tout est mis en ordre avant même qu'il ait expié sur terre. Quelque chose de semblable peut aussi arriver à d'autres gens qui sont condamnés sur terre (NB 3,359).

 

891. « Avec moi dans le paradis »

Pourquoi Jésus a-t-il pu dire : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis" alors qu'il part pour l'enfer ? (NB 3,44).

 

892. « C’est pour toi que je suis sur la croix »

Le Seigneur dit au larron: « Vraiment, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi au paradis ». Il ne lui dit pas : C'est pour toi que je suis sur la croix et que je supporte telle et telle souffrance. Il souffre pour tous, tellement pour tous que ceux-là aussi qui semblent destinés à l'enfer ne sont pas exclus de sa souffrance (NB 10, n. 2227).

 

893. Le Seigneur porte aussi le péché du larron

Bien que tous ses vêtements lui soient enlevés depuis longtemps, il y a d'une manière incompréhensible un mise à nu toujours nouvelle, un étalage encore plus humiliant afin que tous voient. Le Père peut sans cesse exiger quelque chose à quoi on n'avait pas pensé ou dont on avait imaginé que c'était déjà réglé. L'obéissance qui est ici demandée doit renoncer à toute réflexion. Au beau milieu de cet aveuglement, des exigences peuvent soudain être formulées qui vous montrent qu'on peut encore pourtant faire quelque chose, qui vous replacent pour ainsi dire à un stade antérieur ; ainsi quand le Seigneur voit à côté de lui le larron et qu'il lui adresse la parole et qu'il récupère pour ainsi dire quelque chose dans ses mains vides. C'est comme un répit, comme une ouverture sur une possibilité propre. Mais aussitôt elle est transformée en une nouvelle passivité. L'effet de ses paroles au larron, le Seigneur l'ignore totalement. Il ne s'agit maintenant que de porter, de porter aussi le péché du larron. Ce qui pourrait se trouver d'espérance et de consolation et de satisfaction dans les mots "aujourd'hui" et "paradis" et "avec moi" est totalement hors de portée. Le Seigneur sera avec le larron : pour que ce dernier y arrive et ne soit pas seul, le Seigneur l'accompagne, ce n'est pas le larron qui accompagne le Seigneur. Qu'il puisse offrir le paradis au larron est une révélation qui est de nouveau totalement voilée. On ne voit pas le visage du Père qui se retire, qui se voile, il se trouve en quelque sorte derrière le Fils. Il est pur "rôle"; on ne sait pas si son visage de Père (s'il était visible) ne serait pas couvert par le visage du "rôle". Pour le Fils, c'est très dur et très douloureux. Il sait bien qui le frappe, mais non dans quel dessein cela se fait. En tout cas, celui qui frappe sait qui il atteint. Il fut un jour celui que le Fils aimait éternellement (NB 6,274).

 

894. Dieu donne au larron quelque chose de la grâce

"Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Sur la croix, le Seigneur donne lui-même l'absolution avant même l'institution de la confession. Dans l’abandon grandissant du bon larron, il y a un don que Dieu lui fait. Dieu lui donne par avance quelque chose de la grâce (NB 4,285).

 

895. Le dernier prochain du Seigneur, c’est le larron

Le dernier prochain du Seigneur, c'est le larron sur la croix, à qui il promet le paradis. C'est pour ce prochain comme pour tous les hommes qu'il est venu en ce monde ; pour lui et pour tous, il a donné son commandement de l'amour de Dieu et du prochain. Pour son passage à travers l'enfer, il est seul ; son prochain lui est retiré. Mais ce que sur terre il a fait, ce qu'il a souffert et obtenu ne lui est pas retiré ; il n'y a plus que cela qui adhère pour ainsi dire encore à lui, étant donné que son semblable n'est pas là qui devrait aimer Dieu et aussi son prochain. Ce n'est qu'à Pâques qu'il retrouve son prochain. Et pourtant son don de lui-même à son prochain n'a souffert à aucun moment, il n'est jamais sorti de l'amour (NB 3,370-371).

 

                    153 La soif et l’abandon

 

896. La soif sur la croix

La soif sur la croix est celle qui est soufferte par le Fils, et quand un pécheur la ressent aussi, c'est lié au désir d'aider à racheter le péché ; elle porte les traits personnels que le Seigneur lui a donnés : la foi, l'amour, l'espérance et le désir que le monde se convertisse sont proches (NB 3,195).

 

897. Le Père disparaît

Le Fils n'assume pas seulement le péché en tant que tel, mais de plus le fait déconcertant que le Père l'abandonne, ce qui se traduit pour le Fils dans le fait que le Père disparaît (NB 6,553).

 

898. Abandonné

On voit uniquement ce corps épuisé, cet homme vidé totalement et jusqu'au fond, qui meurt sur la croix. Il y a ces paroles: "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" et "J'ai soif !" et "En tes mains je remets mon Esprit". Puis il meurt et quelque chose est fini, mais seulement pour dévoiler que ce n'est pas fini : la mort ne fait que permettre la descente aux enfers (NB 3,332-333).

 

899. Il est tombé dans l’abandon

Le Fils est sur la pente glissante du niveau de l'abandon ; il est tombé brusquement dans l'abandon, mais il y a des intensifications dans cet abandon : tout d'un coup il est encore plus abandonné, etc. Et parce qu'il a rendu son Esprit au Père, il n'a pas la possibilité de lutter contre l'abandon des derniers instants. Il n'a plus aucune mesure (NB 6,411).

 

900. « Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Je pense que lorsque le Fils sur la croix poussa le cri : « Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? », il n'alla pas plus loin dans le psaume. D'autres le continuèrent, le Fils dut simplement le traverser dans la souffrance (NB 10, n. 2051).

 

901. Un cri dans l’obéissance

"Comme un agneau, il n'ouvre pas la bouche". Pour le Fils, la conscience qu'il a de son Père est supérieure à sa propre envie de crier, dans une exigence totalement démesurée. Il sait très bien ce que le Père attend. Et ce n'est pas pour rien qu'il est obéissant jusqu'à la mort. Son obéissance ne s'arrête pas à la croix. Le cri : "Pourquoi m'as-tu abandonné?" est un cri dans l'obéissance. Car son abandon se trouve au cœur de son obéissance au Père (NB 3,213).

 

902. Le désarroi de Job et celui du Fils

La situation de Job, on peut non seulement la comparer à celle du chrétien, on doit aussi la comparer directement au Christ. Dans le dépouillement et le désarroi de Job se trouve ébauchée la question de la croix : "Pourquoi m'as-tu abandonné?" (NB 5,55).

 

903. Chercher le Père là où il ne peut être trouvé

On ne peut pas empêcher le Seigneur d’être crucifié. Lui épargner de devoir chercher le Père si terriblement. Mais ce ne serait rien de se laisser crucifier et de prendre sur soi le péché du monde si on compare cela avec son abandon par le Père et cette nécessité de le chercher là où il ne peut être trouvé. Mais c’est justement là qu’on reconnaît la grandeur de l’amour divin : que, dans la souffrance du Fils, l’abandon par le Père dépasse à l’infini la somme des péchés du monde (NB 9, n. 1764).

 

904. Le Père l’a abandonné

Sur la croix, si le temps n'était pas totalement supprimé, le Fils pourrait savoir d'une certaine manière : autrefois j'avais décidé cela avec le Père, et maintenant l'heure a commencé, et l'heure durera jusqu'à ma mort, puis je ressusciterai et le monde sera sauvé. Mais le toujours maintenant de l'éternité qui signifie dans l'éternité beauté et grâce n'est plus sur la croix qu'implacabilité, il est vécu comme une impuissance et il prive le Crucifié de toute distinction de temps : ce n'est pas l'expérience que le Père l'a abandonné maintenant pour la durée de l'heure, mais l'expérience que le Père l'a abandonné maintenant pour la durée future comme pour la durée passée. Cette imbrication des temps est nécessaire pour qu'il ne trouve plus le Père. Il y a dans cette mort une totale destruction du temps. Le Fils éternel du Père ne s'éprouve plus comme l'image du Père parce que le Père s'est voilé. Tant que l'homme créé se comprend comme l'image de Dieu, il peut lever les yeux vers Dieu pour maintenir la relation entre lui et Dieu. Mais si la relation disparaît, toute la relation entre le temps et l'éternité est supprimée (NB 3,285).

 

905. Le Fils ne saisit plus la présence du Père

Lors de la passion du Fils, la création en arrive à un abandon total. Il n'est plus question ici de maîtriser et de comprendre, il ne s'agit plus que de se plier à une volonté qui signifie mort sur la croix. Cela va si loin que le Fils rend son Esprit entre les mains du Père et qu'il ne saisit plus la présence du Père. Cela va encore plus loin : pendant "trois jours", il est dans la nuit de l'enfer, dans l'état du mort, comme s'il devait s'habituer à ne plus rien avoir à dire et à laisser faire tout ce que le Père a en vue pour lui dans une indifférence absolue. Plus de conversation, plus d'échanges, seulement laisser faire. Auparavant déjà il était exercé à ce laisser faire puisqu'il faisait toujours la volonté du Père et qu'il ne voulait rien savoir d'autre qu'elle. Et pourtant ce laisser faire ne pouvait pas être réellement exercé parce que le véritable laisser faire s'accomplit dans la mort et que cet abandon n'est pas compatible avec la vie. Le Père doit tenir en mains le cadavre du Fils pour accomplir en lui sa dernière volonté. Ce laisser faire va donc au-delà de tout ce qu'on peut ressentir comme impossible durant la vie (NB 5,116-117).

 

906. Laissé seul dans la souffrance

Dimanche de la Passion 1945. Nouvelles intuitions sur les conditions préalables de la passion en Dieu. Adrienne parle de la "pré-passion" du Fils dans le Père. Le Fils "souffre" avant l'incarnation de ce que le Père, atteint par les hommes, souffre de sa création. Mais cette souffrance n'arrive pas dans les ténèbres comme plus tard sur la croix, elle arrive dans la lumière de l'amour. Malgré cela, c'est comme un exercice préparatoire à la passion réelle avec la séparation d'avec le Père. Comme si un amant souffrait tout près de l'aimé au cas où celui-ci permettrait à l'amant de souffrir pour lui, de se laisser infliger une peine à sa place par exemple. Si quelque chose de ce genre se produit dans l'amour réciproque, c'est pour l'aimant une vraie joie, car il ne fait rien plus volontiers que d'épargner une douleur quelconque à l'aimé. Ou bien comme un enfant qui apprend à marcher, tenu à la main par son père : l'enfant n'a aucune peur tant qu'il sent que son père le tient. Et s'il fait quelques pas, c'est plus la main de son père que ses propres jambes qui le maintiennent. Ce n'est que lorsque le père le lâche réellement et disparaît et que l'enfant se sent seul que cela devient difficile. De même aussi pour le Fils sur la croix quand le Père l'abandonne pour qu'il apprenne ce que cela veut dire être laissé seul dans la souffrance (NB 3,86).

 

907. La question cruciale : pourquoi ?

Que les hommes trahissent et abandonnent le Fils toujours plus totalement, cela ne fait pour ainsi dire pas doute. La question cruciale est condensée sur la croix : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Tant que le Seigneur était en relation avec les hommes, sa relation au Père était intacte, il l'avait de toute éternité. Dans la mesure aussi où il porte le péché du monde, sa relation au Père est sans nuage. Que les hommes l'oublient, cela va de soi d'une certaine manière ; il ne peut pas s'attendre à ce qu'ils l'accompagnent fidèlement alors qu'il porte toute leur infidélité à l'égard de Dieu et qu'ils se détournent de lui. Ce qui est totalement incompréhensible, c'est seulement qu'il ne voit plus le Père, c'est que le Père profite du fait qu'il a été abandonné par les hommes pour disparaître également. Ici le Fils ne peut plus qu'interroger. Toutes les autres paroles du Fils en croix sont des phrases positives : prières, constatations, consignes, promesses. Même aussi quand il remet son Esprit entre les mains du Père. D'une certaine manière, tout cela est assumé. Mais ce qui ne peut être assumé, ce qui ne peut être exprimé que par une question, c'est qu'il est abandonné par le Père (NB 5,105).

 

908. Le pourquoi du Fils : c’est cela qui est terrible

« Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Le pourquoi du Fils, c’est cela qui est terrible. Il ne comprend pas pourquoi il est abandonné. Il ne trouve pas la moindre explication. C’est totalement incompréhensible, c’est vraiment absurde de voir que la Mère est à côté du Fils, mais pas le Père (NB 9, n. 1464).

 

909. Le Père est inaccessible

Pour le Fils sur la croix, si le Père répondait, la souffrance la plus dure serait enlevée, le Père serait accessible. Pour qu'apparaisse la souffrance la plus profonde, insurpassable, la question est nécessaire (Pourquoi m’as-tu abandonné ?). Déjà en tant qu'humaine, la souffrance de la croix est incompréhensible, mais si c'est le Fils divin qui est abandonné par le Père divin, elle est absolument infinie. Et ainsi il est clair que seul l'Esprit Saint peut être témoin de ce qui se passe en vérité, lui qui est prêt à en rendre témoignage. Et cependant c'est de cette souffrance surhumaine du Fils que jaillit une étincelle sur ceux qui sont choisis pour l'accompagner dans la nuit (NB 5,106).

 

910. Le Père est voilé

Les enfants jouent tranquillement quand ils savent que leur mère est dans la pièce à côté. Le Fils, en tant que Dieu, a toujours su que le Père était là, tout à côté pour ainsi dire ; à tout moment il était possible de le joindre et de vérifier. Sur la croix, cette conscience prend fin ; le Père est voilé. Et maintenant le Fils doit lutter en lui-même contre cette possibilité divine de rejoindre le Père et de s'assurer. Et cette possibilité est si bien surmontée qu'il n'y a plus là que l'homme crucifié (NB 3,283).

 

911. Le Père entend l’appel du Fils mais n’y répond pas

Le Seigneur sur la croix essaie de prier : "Pourquoi m'as-tu abandonné?" C'est Dieu qui ne répond plus à Dieu. Le Père entend l'appel du Fils, mais il ne réagit pas. Ce silence du Père doit engager le Fils dans un isolement extrême ; il doit goûter la dernière goutte du calice qui est beaucoup plus amère que tout le reste. La soif sur la croix, les douleurs, le mépris du monde, l'abandon par les disciples : tout cela n'est presque rien comparé avec l'absence de réponse du Père. Tout cela serait supportable si le Père l'encourageait et était là. Auparavant, le Fils connaissait toujours cet encouragement du Père. Maintenant, définitivement, il n'a pas le droit de le savoir. C'est bien pire que la mort d'un amour. L'existence du Père est sans doute supposée dans la question de l'abandon. Ce que fait le Père est pire qu'une absence, pire que le fait qu'il soit perdu : c'est l'acte voulu de laisser tomber (NB 3,407-408).

 

912. Le Père est devenu comme un étranger

Sur la croix, sans doute le Fils restait-il le Fils pour le Père, comme toujours ; mais pour lui, le Père était devenu un étranger afin que la mesure de l'abandon soit totale ; pour lui-même il était devenu d'une certaine manière un homme pur et simple. Un retour était donc nécessaire, mais il ne pouvait être obtenu que si le Fils voyait dans sa totalité ce qui le séparait de l'homme : le péché. C'est en voyant la totalité du péché que sa glorification aussi fut rendue parfaite (NB 3,66).

 

913. Le Fils remarque que le Père n’est plus là et pourtant le Père est là

L'angoisse : le Seigneur s'offre sur la croix pour les hommes, eux qui, au fond, ne veulent encore rien savoir de lui comme souffrant. Mais ce n'est pas sur leur volonté de ne pas savoir que l'accent est mis, c'est sur le fait qu'il s'éloigne d'eux afin de souffrir pour eux. Et tout d'un coup : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné !" Et pendant que cette parole se faisait entendre, les hommes en même temps étaient aussi abandonnés. Car pendant que le Seigneur souffre, il doit devenir pour eux un étranger : "Quelqu'un qui me procurera certains avantages", ou bien "Quelqu'un qui est si miséricordieux qu'il m'assistera à l'heure de la mort". Les hommes sont incapables de sentir vraiment l'amour de la croix. C'est pourquoi le Seigneur veut leur transmettre davantage le fruit de la croix que la croix elle-même. Ils sont tellement responsables de sa croix qu'il leur enlève ce qui serait inadapté à leur compréhension de pécheurs, ils sont pour un instant comme des dépouilles sans vie, en tout cas comme des dépouilles sans Christ. Mais c'est pour eux sans importance, ils ne le remarquent pas, tandis qu'il est de la plus haute importance pour le Fils qu'il remarque que le Père n'est plus là. Et pourtant le Père est là en vérité tandis que nous ne sommes pas là en tout état de cause. Le Père n'est jamais plus présent que dans cette absence à la croix, et nous ne sommes peut-être nulle part aussi absents que dans cette présence du Fils pour nous (NB 3,305-306).

 

914. Le Fils ne voit plus qu’il fait la volonté du Père

"Pourquoi m'as-tu abandonné" veut dire aussi que le Seigneur ne voit absolument plus qu'il fait la volonté du Père. Il pensait que le Père permettrait aussi la croix, mais il voit maintenant qu'il n'y a plus de rapport entre sa croix et le Père. Que les hommes l'ont abandonné, il le savait déjà au début de la passion. Mais le présent est ce qui est le plus amer: les paroles sont dites tout à fait dans le vide, il n'y a là personne pour les recevoir (NB 3,377).

 

915. Le Père est voilé : tout s’arrête

Comme on a coutume de dire : gris dans le gris, on peut dire ici : douleur dans la douleur, jusqu'à ce que tout ne soit plus que mort, parce que toute présence est devenue absente. Présence et vie pourtant vont ensemble. Il n'y a plus d'aspiration vers le Père. Il n'y a plus de désir de la mort, encore moins de la résurrection. Tout s'arrête parce qu'il n'y a plus de possibilité de continuer à exister. Le Père est si voilé que la question ne se pose plus de savoir s'il est ou non. C'est comme si on voulait demander à un aveugle: que vois-tu encore ? Rien. Après que le Fils a demandé : "Pourquoi m'as-tu abandonné?", il n'y a plus pour lui aucune question, même plus celle du Père (NB 3,377-378).

 

916. Ce qui se passe dans le Père quand le Fils crie vers lui

On a certes raison quand on dit que Dieu n'est pas solitaire, et pourtant il est quand même solitaire parce qu'autrement on retirerait à Dieu son don de lui-même. Qui dit don de soi doit dire aussi quelque part solitude. Quand le Fils, dans son abandon, crie vers le Père, il doit se passer quelque chose aussi dans le Père. L'amour est un mystère beaucoup plus profond que cette idée présumée qu'il doit rester toujours égal à lui-même (NB 3,323).

 

917. C'est à contrecœur que le Père abandonne le Fils (NB 11,317).

 

918. Trois degrés dans l’abandon

Pour le Fils, il y a trois degrés dans l’abandon : l’abandon de Dieu, l’abandon du Fils et l’abandon de l’Esprit. Le Fils abandonne d’abord le Père, puis lui-même, et il abandonne finalement l’Esprit (NB 4,121).

 

                    154 La remise de l’Esprit

 

919. Les mains du Père

Quand sur la croix, le Fils remet son Esprit entre les mains du Père, il parle le langage du corps. Il formule des mots physiques, il est le Verbe fait chair, il parle cette langue humaine si clairement que les personnes présentes l'entendent et le comprennent. Et s'il parle des mains du Père, il unit le Père au fait qu'il possède lui-même un corps. C'est aussi comme un pendant de l'incarnation. Ici, le Fils a reçu son corps du Père, sur la croix il le lui rend ; il fait alors presque comme si le Père lui-même avait un corps dans lequel le Fils peut déposer son Esprit. Ces mains du Père sont intactes, ce sont des mains qui n'ont pas souffert et qui par là sont capables de garder l'Esprit éternellement, de le recueillir, de l'abriter. On peut se confier à ces mains (NB 3,183).

 

920. Les mains réelles du Père

En chaque péché qu'il trouve, le Seigneur voit ce qu'il assume de manière illimitée. Pour toute la somme de nos péchés, il assumera et souffrira toujours comme un tout la perforation de ses mains et de ses pieds, la pénétration de la couronne d'épines, sa soif sur la croix, la rigidité causée par les clous, la mort. Il ne divise pas: cette douleur pour ce péché-ci, cette autre pour ce péché-là; il veut toujours être utile à tous avec tout. De même aussi quand il remettra son Esprit entre les mains du Père, il recommandera tout son Esprit entre les mains réelles du Père, qui ne veulent rien prendre d'autre à présent que tout cet Esprit. Cette même totalité se rencontre à nouveau comme une image - une faible image - de ce que le Fils a voulu quand il est devenu totalement homme afin d'endurer la mort sur la .croix (NB 3,303).

 

921. Des mains qui se retirent

"En tes mains, je remets mon Esprit". Mais ce sont des mains qui se retirent. Comme si un aveugle tendait la main vers la main d'un voyant ; mais celui-ci veut que l'aveugle fasse l'expérience de l'abandon et il retire sa main. C'est à cette main qui se retire que le Fils recommande son Esprit (NB 3,188).

 

922. "En tes mains"

Quand, du haut de la croix, le Seigneur regardait en bas, il savait qu'il y avait là sa Mère avec Jean. Et quand il a dit : "En tes mains...", il savait ce qu'était le Père et ce qu'était l'Esprit qu'il remettait. Il n'avait pas affaire à des sentiments et à des concepts étrangers (NB 3,166).

 

923. L’Esprit rendu au Père

L'Esprit est la troisième personne en Dieu. Il est aussi l'Esprit que le Fils en mourant a rendu entre les mains du Père (NB 3,340).

 

924. Le Fils rend encore au Père son Esprit

Quand le Père a tout pris, le Fils lui rend encore son Esprit. D'ici part un chemin invisible qui va de la croix à la Pentecôte. L'Esprit est libéré, on le charge de continuer (NB 6,276).

 

925. Triple est la parole du Seigneur

Triple est la parole du Seigneur : « En tes mains, Seigneur ». Le Fils et le Père se comportent l’un vis-à-vis de l’autre trois fois d’une manière différente : 1. Je te rends, Père, mon Esprit, je suis mis en sûreté dans tes mains. 2. Je te donne mon Esprit bien que je ne te connaisse plus, bien que je ne sache plus si tu existes ou non, si tu es ténèbres totales. 3. Je donne mon Esprit en tes mains qui ne sont pas des mains mais qui sont Esprit, et si elles sont Esprit je suis quand même né de ton Esprit. Je ne te possède plus, Père, mais tu me possèdes à nouveau. Car depuis que je suis né de toi, tu ne te possédais plus toi-même, mais tu t’étais donné entre mes mains, je pouvais t’offrir. Maintenant ma mission se termine, ce n’est plus moi qui te porte, maintenant c’est toi à nouveau qui me portes, je te rends le royaume afin que tu sois tout en tous (NB 9, n. 1107).

 

926. La participation de l’Esprit à la croix

A la croix, l’Esprit est rendu au Père par le Fils. L’Esprit reçoit donc du Fils la mission de franchir le fossé qui le sépare du Père pour ensuite, avec la même mission du Fils, être envoyé aux hommes. La croix est comme entrée dans l'Esprit, elle a remis à l'Esprit tout son poids pour qu'ainsi chargé il soit renvoyé soudainement de la croix au Père avec le message qu'il a assumé, et ceci est le sommet de la participation de l'Esprit à la croix (NB 2,62-63).

 

927. La remise de l’Esprit et l’abandon du Père 

La remise de l'Esprit et l'abandon du Père se trouvent en relation réciproque : ils reflètent dans le Fils l'offense faite par le péché à l'Esprit aussi bien que celle faite au Père. Ils sont la réponse du Fils aux contributions du Père et de l'Esprit lors de son incarnation : contributions telles que l'exigeait le péché ou mieux la victoire sur le péché. Dans la dernière partie de la passion, il prend sur lui quelque chose qui correspond à l'engagement du Père et de l'Esprit lors de l'incarnation (NB 3,225).

 

928. L'Esprit rapporte au Père son témoignage de la souffrance et de la mort du Fils

Sur la croix, le Fils souffre par amour pour le Père. A la croix, le Père reçoit la preuve de l'amour du Fils pour lui et pour les hommes. Il ressent cette preuve avec une évidence insurpassable. Et l'Esprit que le Fils renvoie au Père rapporte objectivement au Père, sans y rien changer, son témoignage de la souffrance et de la mort du Fils. "En tes mains…" : ces mots contiennent également ceci : l'Esprit est remis au Père et il se donne lui-même de telle sorte que le Père reçoit une participation totale à l'objectivité de la souffrance, de la nécessité de la souffrance et de la volonté de souffrir (NB 6,296).

 

929. Le Fils rend l’Esprit au Père

Sur la croix, le Fils rend l'Esprit au Père, non seulement parce que, dans son obéissance, le Fils veut faire l'expérience du parfait abandon, mais parce que, pour accomplir la rédemption, il doit être seul. Le Fils qui porte tout le fardeau meurt sous lui. La voie de l'humiliation que suit le croyant a bien déjà été suivie par le Fils dans la solitude de la croix (NB 6,512).

 

930. Le Fils renonce à l’Esprit

Le Fils, qui rachète l’humanité par sa mort sur la croix, ne s’accorde pas le moindre soulagement dans sa passion ; il veut que rien de divin ne l'empêche de connaître la plénitude de sa souffrance humaine et de sa mort. L’Esprit de Dieu qui était en lui, qui avec lui possédait la vision du Père et en jouissait et, en un certain sens, la lui procurait, cet Esprit, il le rend maintenant entre les mains du Père. Bien qu’il ait vécu avec l’Esprit en vue de la croix et de la mort, ce n’est pas l’affaire de l’Esprit de souffrir et de mourir. Dans le temps qui s'écoule entre le renvoi de la Mère et le moment où il renverra lui-même l'Esprit, le Fils a encore cet Esprit en lui. Jusqu’à l’extrême limite, jusqu’au moment du renvoi, cet Esprit du Fils et de la Mère est l'Esprit de la rédemption. Maintenant qu’il le rend, lui et la Mère sont privés de cet Esprit, ils ont accompli l’ultime renoncement ; à partir de ce moment, commence pour le Fils la pure passivité sur la croix (NB 1/2, 183).

 

931. Le Seigneur rend au Père son Esprit et toute espérance

Le Seigneur rend au Père son Esprit et avec lui toute espérance. Pour voir encore sa mission, il devrait avoir son Esprit, il aurait peut-être alors de l'espérance : l'espérance d'un christianisme futur, l'espérance que son chemin a un sens. Ceux qui se tiennent au pied de la croix quand sa mission s'accomplit, il ne les voit plus comme des personnes qui croient en lui, ils ne sont pas là pour lui, ils ne lui offrent aucune consolation, ils ne voient pas non plus qu'il aurait atteint un résultat (NB 3,315).

 

932. Le Fils glorifie le Père sur la croix en se privant lui-même de l’Esprit

Mais l'Esprit se retrouve auprès du Père. Avec le Père, il doit regarder la fin solitaire du Fils sur terre, voir du haut du ciel l’œuvre du Père glorifiée par le Fils. Il a accompagné le Fils jusqu'à la Passion ; il conduit maintenant le Père jusqu'à l’œuvre de la rédemption en lui apportant ce qu'il a vécu dans le Fils. Le Fils glorifie maintenant le Père sur la croix en se privant lui-même de l'Esprit, et cette glorification, l'Esprit l'apporte aussi au Père quand il lui est remis entre les mains (NB 1/2, 184).

 

933. Le Fils remet à Dieu ce qui lui est destiné

A quel point il se donne dans l'eucharistie et ensuite sur la croix, ni l’Église ni les chrétiens isolément ne le comprennent. Le pain ressemble toujours à du pain et le Seigneur se tient dans le cercle des disciples comme auparavant. Il n'y a que la foi qui voit. Et ainsi le don qu'il leur fait maintenant, bien qu'il soit réellement son corps, est surnaturel, divin, trinitaire. Quand il s'est vidé de lui-même par ce don de lui-même, il peut aller à la croix. Mais ce qui est destiné à Dieu, il le remettra à Dieu à la fin : son Esprit. Quand il a distribué les deux choses : ce qui appartient aux hommes et ce qui appartient à Dieu, il ne reste rien : il meurt. Mais le Fils vivant se trouve dans les hommes et dans le Père (NB 6,533).

 

934. Le Fils souffre jusqu’à la fin sans rien comprendre -

Quand le Fils a remis l'Esprit, il ne cesse pas d'être Dieu. Mais il se dessaisit du "troisième" Dieu, de l'Esprit-Dieu, qui était en lui. Et son propre être de Dieu a pour lui maintenant aussi peu d'importance que la présence de ses amis au pied de la croix. Au baptême, l'Esprit était descendu sur lui pour une compréhension précise de sa tâche apostolique et aussi pour le début de sa passion. Cette période est terminée. Il souffre jusqu'à la fin sans rien comprendre (NB 3,220).

 

935. La nuit du Fils

Par amour pour le Père, le Fils renonce à éprouver son amour. Il renonce en même temps à comprendre cette privation. Il la laisse se produire en lui, sans rien voir, sans la comprendre, sans sentir sa relation au Père. En rendant son Esprit au Père, il lui a remis tout ce qui le reliait à lui. Il n'est plus maintenant que l'objet d'une obéissance qui ne se connaît plus, qui ne peut même plus réfléchir parce que l'objet de la réflexion lui est retiré et que l'abandon est total. L'abandon ne s'explique pas seulement par l'absence du Père, mais tout autant par le défaut de tous les signes de son acceptation, et même de l'existence et du contenu de la volonté du Père. Il n'y a plus rien à quoi le Fils pourrait recourir pour s'y reconnaître dans sa souffrance. Il n'y a plus rien que l'obéissance dure et aveugle. L'aveuglement est total parce que ni le chemin, ni le Père, ni le fruit ne sont visibles. Cela n'a pas de sens de qualifier cette souffrance de sublime ; on ne peut la décrire que comme la privation de toute possibilité de s'y reconnaître, de tout point d'appui, de toute compréhension et de toute logique spirituelle. Comme un acquiescement qui ne peut plus s'entendre lui-même, qui a été si bien donné une fois pour toutes que plus rien n'y fait penser. Ainsi le oui actuel ne peut pas non plus être rapporté au oui donné autrefois : "J'ai un jour dit oui et ceci en fait partie". Le souvenir également a disparu dans la nuit. Comme si le Père devait refaire un monde de la rédemption à partir du chaos, et comme s'il ne le pouvait que parce que le Fils lui fournit pour cela les pierres à bâtir mais, dans sa nuit, il ne se doute pas qu'il prépare lui-même ces pierres à bâtir. Et ce n'est que lorsqu'il ne se doute vraiment plus de rien que les pierres à bâtir sont là et le Père pourra les utiliser pour la nouvelle construction. L'adaptation de la volonté du Fils à la volonté du Père est parfaitement objectivée et il n'est pas donné au Fils d'y comprendre quelque chose (NB 5,91-92).

 

936. Le Fils renvoie l’Esprit dans une offrande de lui-même

Il y a quelque chose de touchant dans le fait que le Fils meurt après avoir rendu l’Esprit au Père, dans une offrande de lui-même où il inclut sa Mère en la renvoyant. C’est comme s’il disait maintenant au Père : "Regarde, nous sommes tes humains. C'est ainsi que tu as voulu Adam et Ève. Ta grâce est plus grande que tout péché, que tout notre péché d'humains". Et les deux montrent au Père que sa proximité, là même où il abandonne apparemment le Fils, permet aux hommes de lui être fidèles jusque dans la mort : "Vois, Père, même un homme que tu as créé, qui est en toi, peut te rendre ton monde. Tu es tellement dans le monde qu'en regardant les hommes tu peux découvrir partout ta grâce malgré le péché et là même où les hommes se détournent de toi. Même quand l’Esprit est renvoyé, la force de la rédemption est si grande en toi qu’elle appartient aussi à l’homme qui reste" (NB 1/2, 184).

 

937. La pure remise de soi

La pure remise de soi : "En tes mains je remets mon Esprit", est bien le centre de la croix. Et pour nous, les hommes, suivre le Christ conduit toujours ici (NB 2,31).

 

938. La remise de l’Esprit : total dépouillement

On ne peut pas se représenter de manière satisfaisante la remise de son Esprit au Père sur la croix. Elle n'est pas seulement une remise renouvelée de sa volonté au Père, causée par la passion, ou l'acte qui achèverait sa mission terrestre, mais le renoncement aussi à son sens divin, c'est-à-dire à son sens filial, au sens de sa mission, et donc aussi à son sens humain : à sa volonté de sauver le monde. Il est là comme celui qu'il est, mais totalement dépouillé de toute possibilité de s'orienter lui-même ou d'orienter quoi que ce soit d'autre. Exactement dans le dépouillement, dans la disposition d'esprit et l'état d'âme tels que le Père les a fixés et dont il a besoin pour réaliser totalement en lui ce qu'il a décidé (NB 6,293-294).

 

939. Le Seigneur se prive de ce qui était indispensable à sa vie

Le Seigneur en croix a rendu son Esprit au Père. Il se prive de ce qui était indispensable à sa vie. Il fait par là un pas de plus vers la mort. Il ne lui reste que la mort qui l'attend et à laquelle succèdent les enfers. Ceux-ci sont la conséquence de sa vie humaine ; celle-ci a mis au jour la vérité du monde. Le Fils voit cette vérité en vertu d'une disposition du Père. L'enfer est une prise de connaissance accablante bien qu'il ne soit plus une souffrance actuelle, mais toute espérance y fait défaut. On enregistre seulement ce qui se fait connaître ; avec cela, on ne peut rien faire, on ne commence rien, on n'entreprend rien, on a tout au plus des esquisses. Et on se promet, au cas où on sortirait de cette prison, de ne pas oublier ce qui a été appris. Mais ce projet ne renferme aucune espèce d'espérance (NB 3,368).

 

940. Rendre l'Esprit, c’est vider le calice jusqu’au bout

En tout véritable croyant l'Esprit Saint joue un rôle primordial. Mais il est impossible de préciser ici la limite entre raison naturelle et compréhension grâce à l'Esprit. Mais quand quelqu'un souffre terriblement, toute compréhension cesse. Dans une opération sans anesthésie par exemple, il ne sert à rien d'assurer au malade que cette souffrance extrême lui sera utile. La souffrance l'emporte sur toute explication. Pour que le calice du Seigneur soit vidé jusqu'au bout, il doit rendre l'Esprit. Sinon l'Esprit serait toujours capable encore de suggérer un sens à la souffrance. Le tout doit devenir totalement insensé. Il ne suffit pas que la possibilité et la réalité de l'impuissance à comprendre, de ne plus rien calculer, de la pure dilapidation de la souffrance et de toute la vie deviennent événements, il doit aussi y avoir la nécessité, l'impossibilité d'être désormais autrement. C'est alors que cette dilapidation, cet écoulement de la vie sous le fardeau incroyable du péché, cette douleur infinie, reçoivent tout l'espace imaginable (NB 3,219-220).

 

941. Traverser sans l’Esprit l’abandon sur la croix

Sur la croix, le Seigneur n'a certes pas perdu l'Esprit, mais il l'a rendu. Ce n'était pas un acte de faiblesse mais de force. Un acte pour être tout à fait pauvre et dépouillé devant le Père. Il sait bien qu'en renvoyant l'Esprit au Père, le Père n'en sera pas plus riche. C'est de la force que de vouloir traverser sans l'Esprit l'extrême abandon sur la croix (NB 10, n. 2197).

 

942. Le Fils doit porter seul tout le fardeau du monde -

Le Fils sur la croix renvoie l'Esprit non seulement parce que, par obéissance, il veut l'abandon total, mais aussi parce qu'il doit être seul pour sauver et pardonner. Il doit s'exposer lui-même complètement au péché. Le Fils porte tout le fardeau du monde, il en meurt et il ouvre par là aux pécheurs le chemin de la confession (NB 10, n. 2315).

 

943. Le pire : tout ce qui est divin est retranché

Le pire est sans doute que la prière est interrompue, la conversation entre le Père et le Fils, l'accompagnement visible par l'Esprit, le chemin vers le Père, l'espérance en lui. Tout ce qui est divin et transcendant est retranché (NB 4,41).

 

944. L’Esprit à la mort

C'est l'Esprit Saint que le Fils rend au Père. Je ne peux pas mourir en chrétien sans que le Seigneur ne meure avec moi, sans qu'il m'assiste de son Esprit Saint (NB 3,183).

 

945. « Tout est accompli »

Que veut dire : « C'est accompli » ? Il régnait une obscurité qui enveloppait toutes choses. Non seulement par manque de lumière, mais une obscurité positive qui signifie que c'est accompli. Comme si un nuage noir descendait sur la terre et s'emparait de tout. Oui, certes, la terre trembla et les tombeaux s'ouvrirent. Et si la signification de ces signes était spirituelle, les signes n'en étaient pas moins matériels (NB 3,402-403).

 

946. « Tout est accompli » : le Fils est totalement abandonné

Sur la croix, le Seigneur est abandonné. Nous disons : amour du prochain, amour de Dieu, amour en général ; et plus nous avons le mot à la bouche, plus son contenu nous devient confus. Qui donc est mon prochain ? Qui donc est Dieu ? Que veut donc dire : amour ? Mais sur la croix, où l'amour n'est qu'abandon, la vie devient mort : c'est là que nous voyons ce qu'est l'amour, et aussi qu’il possède un caractère de totalité. L'image que le Fils a du monde est l'image de l'amour ; et quand il aime l'odieuse vieille mégère, il lui donne tant d'amour que l'odieuse vieille mégère devient à ses yeux d'une beauté étincelante. Son amour transforme le monde. Mais ensuite, inexorablement comme l'eau devient glace, son amour devient abandon. Et quand il peut dire : "Tout est accompli", il est si totalement abandonné que la vie aussi l'abandonne (NB 3,330-331).

 

947. « Tout est accompli » : dans la solitude de la croix

C'est dans la solitude de la croix et de l'abandon du Père que le Fils mourant dit : "Tout est accompli!" Il le dit pour lui mais tout autant pour tous ses saints, pour tous ceux qui meurent avec une foi authentique et l'intention de faire la volonté du Père. C'est pourquoi ceux-ci n'ont pas besoin de se faire du souci pour leur travail, pour leur bricolage, pour ce qu'ils ont achevé et ce qu'ils n'ont pas achevé de leur action, ils peuvent faire leur la parole du Seigneur qui la dit aussi pour eux. Cela ne veut pas dire que tout ce qu'ils ont fait durant leur vie était juste, qu'ils ont atteint à tout point de vue le but qui était envisagé par Dieu et qu'ils n'ont pas laissé bien des choses inachevées. Mais ils peuvent quand même revendiquer cette dernière grâce du Seigneur qui les attend dans le fait qu'il a tout "accompli". Il dit cette parole quand il est sur la croix ; ceux qui l'entourent l'entendent, le Père la reçoit, elle doit être dite quand il rend sa mission. Il offre à ses saints cette remise de sa mission : l'ensemble est globalement accompli ; il peut en rester tout ce qu'on veut, le Seigneur complète par sa parole ce qui n'a pas été accompli. (NB 6,285).

 

948. « Tout est accompli » : une mort dans le chaos

Quand il a dit: "Tout est accompli!", cela retentit comme une contradiction dans l'inutilité. C'est la fin. Mais accomplie, effectuée. C'est étrange, parce qu'en cet instant il ne voit pas qu’en mourant il a accompli quelque chose. Ce n'est que l'ultime degré de l'impuissance. Cela ne veut pas dire que le Seigneur meurt apaisé après avoir tout mis en ordre. C'est une mort dans le chaos. L'accomplissement est bien là, objectivement. Mais pour lui? (NB 3,364-365).

 

949. « Tout est accompli » parce que le Fils ne peut pas aller plus loin que ces ténèbres

Cette grande parole du Seigneur : "Tout est accompli", il l’a dite avant sa mort, sur la croix où aboutissent sa vie et son œuvre comme à leur quintessence. Sur la croix, à sa mort seulement, non pour tirer lui-même le bilan de son existence quand il est encore vivant, mais pour rassembler le tout dans son passage et le remettre au Père. Le Seigneur dit cette parole à l'instant où il ne voit plus le Père et où il ne le sent plus ; il peut dire cette parole parce qu'il ne peut pas aller plus loin que ces ténèbres (NB 6,285).

 

950. La qualité divine de « Tout est accompli »

« Tout est accompli ». Il a tout fait. Il n'y a aucune contradiction entre l'événement de la croix et un quelconque événement de la vie du Seigneur : les noces de Cana, une rencontre avec Pierre, un repas de fête avec les siens ou avec des étrangers. Tous les événements du passé reçoivent ici leur sens définitif, et tous sont inclus dans le "tout est accompli" par les ténèbres de la mort. En regardant la vie du Seigneur, on pourrait parfois penser que ses jours et ses rencontres ne se distinguent pas beaucoup de celles d'un hommes ordinaire. Mais si nous les regardons dans la double ligne, celle qui va à la croix et celle qui, partant de la croix, y rapporte tout, apparaît alors un sens infiniment plus profond, la qualité divine du "tout est accompli" (NB 6,286).

 

 

                    155 La mort

 

951. La plaie du côté du Seigneur : un ultime outrage

12 novembre 1943. Elle voit la plaie du côté du Christ : le Seigneur a très bien ressenti ce coup de lance comme un ultime outrage (NB 8, n. 892).

 

952. La plaie du côté du Seigneur

Ce qui sort de la plaie du côté du Seigneur : une sorte d'eau baptismale (NB 12,231).

 

953. La plaie du côté expie les péchés contre le Fils et son amour (NB 9, n. 1107).

 

954. Mourir comme un homme

Le Fils dépouille sa vie de son caractère divin que le Père seul doit gérer. Il ne voit plus que la misère. Le Père doit lui retirer le divin, le tout, dans la passion, parce qu'il fait partie de l'ensemble de la mission qu'il meure comme un homme (NB 3,157).

 

955. Porter quelque chose de la faiblesse du Seigneur

Voir le Seigneur mourir. Au dernier moment, il y a une sorte de consolation dans le fait que cesse une souffrance précise du Seigneur. Et aussi le sentiment que sa propre faiblesse n'empêche pas la souffrance du Seigneur. On est épargné. Si on était plus fort, on aurait davantage à porter de la faiblesse du Seigneur. Si on n'en peut plus soi-même, la proportion se déplace. Dans ma faiblesse, je peux m'appuyer sur la faiblesse du Seigneur quand je n'arrive plus à porter quelque chose de sa faiblesse (NB 3,368).

 

956. Le Fils meurt dans la dignité de celui qui appartient au Père -

Le Fils invitera les croyants à rester comme des enfants devant le Père. Ils ne doivent pas constamment réfléchir et souligner leur indignité, mais recevoir simplement et comme des enfants la conscience d'être des enfants de Dieu et y persévérer. Ils doivent se mouvoir avec naturel dans le monde de Dieu et ne pas mettre constamment des limites dans leur prière, parler de leur impuissance, de leur inclination au péché ou d'y penser. Même s'ils gardent quelque part le sentiment de leur tendance au péché et donc de leur indignité, il leur est quand même permis de recevoir avec gratitude le don de leur dignité d'enfant devant Dieu. La dignité l'emporte ; la pureté de la conversation avec Dieu, la force de la prière, peut-être aussi la force de la nuit et de la souffrance dans la prière peuvent être si prégnantes que cela devient clairement une participation à la destinée de Jésus enfant. Même l'impuissance de celui qui est suspendu à la croix, son cri d'abandon ne laissent à aucun moment s'éveiller la pensée de l'indignité. Il meurt dans la dignité de celui qui appartient au Père, il souffre comme un homme qui porte tout au Père comme un enfant, sans trier constamment ce qui est à lui et ce qu'il doit donner, ce qu'il veut prendre sur lui et ce qu'il ne veut pas prendre ; il rapporte la totalité de son être à la totalité du Père (NB 6,165).

 

957. La mort de Jésus : la fin de tout

Le Seigneur est mort. La fin de tout. Un calme, un arrêt de la respiration qui provoque partout comme un essoufflement. Et cela, après le cri ; on ne comprend pas comment, tout d'un coup, tout peut être fini. Tout est inclus dans cette fin : les gens aussi qui se trouvent au pied de la croix ; pour le moment peu importe s'ils étaient bons ou mauvais, pour ou contre, ils sont inclus dans la grande fin. Avant que la symphonie commence, il y a un instant de calme parfait. Ici, ce n'est pas le commencement mais la fin. Elle vient pour tous de manière aussi abrupte et aussi inattendue que le premier péché. A un concert, on sait quand on approche de la fin. A la croix, il y a un tel tourbillon qu'on ne réalise pas que c'était les dernières mesures (NB 3,297).

 

958. La mort du Fils sur la croix : la plus inimaginable

La mort du Fils sur la croix est la mort la plus inimaginable parce qu'elle inclut en elle toutes les morts. Elle a lieu certes en un lieu donné et à une heure précise, et cependant en même temps cette heure n'existe pas parce qu'elle efface toute autre chose. Pour la Mère, le vendredi saint, tout d’un coup il n'y a plus ni but, ni issue ; dans l'absolu de la mort du Fils il y a comme une immersion du temps éternel dans le temps temporel. Et ainsi il n'y a pas de Pâques. L'événement occupe tout l'espace, il n'y a que la mort, une mort qui fait mourir tout le reste. On ne peut pas le dire autrement. Ce ne sont pas la foi, l'amour, l'espérance qui sont mortes, mais la mort qui est si puissante qu'à côté d'elle il n'y a de place pour rien d'autre que pour la mort, et celle-ci inclut et aspire tout en elle parce que ensuite elle renouvellera tout. La mort avec tous ses éléments (NB 1/2, 205).

 

959. Le Fils après la mort

Un homme mort, séparé de sa divinité, sans avoir le visage tourné vers le Père, sans être comblé par le Père, c'est ce qu'était le Fils depuis la croix jusqu'au milieu de l'enfer. Quand il vivait sur terre et qu'il allait vers la croix, cela devint progressivement toujours plus dur et plus ténébreux (NB 4,18).

 

960. La mort du Fils : la nuit de la croix s'étend comme nuit visible sur la création

Quand la nuit de la passion est finie, ce n'est qu'à partir de cette mort que nous voyons ses répercussions dans le monde : il se met à trembler jusqu'en ses fondations. L'autre côté, nous ne le voyons pas : ses répercussions en Dieu Trinité. Ou mieux : nous reconnaissons indirectement la présence de ces répercussions au fait que la nuit de la croix s'étend comme nuit visible sur la création au lieu de détruire la création. Car, en soi, le monde devrait être détruit étant donné que Dieu le Fils a été assassiné par les pécheurs dans le monde créé par le Père. Ce que Dieu subit ici supprimerait en soi ce que Dieu a créé autrefois. Mais un équilibre est conservé. Justement, c'est en étant secoué jusqu'en ses fondations, en se fendant, en étant menacé, que le monde est également assis à nouveau sur ses bases et stabilisé. Et ainsi apparaît la question de savoir si l'enfer - qui est la nuit éternelle du péché - est tellement inclus dans le mystère de la Trinité que l'enfer vaincu sur la croix est utilisé en fin de compte pour tenir fermement ce qui réchappe de l'édifice du monde ébranlé (NB 3,207-208).

 

961. La mort du Fils : expression de son amour pour Dieu

Le Père, qui a créé la vie, voit son Fils bien-aimé mourir, à la suite d'Adam, de la mort du méchant. Mais dans cette mort, le Père ne voit plus rien de mauvais. Du début à la fin, son chemin est le chemin direct et continu de l'amour de Dieu, un amour qui reconnaît la réalité du mal et s'explique avec lui de cette manière. La "mort du méchant" dont meurt le Fils est l'expression de son amour pour Dieu. Nous connaissons des exemples d'un homme qui, par amour, meurt pour un autre. Nous connaissons l'exemple des martyrs qui préfèrent mourir plutôt que de manquer à l'amour. Mais si celui-là est un lointain reflet de l'amour de Dieu pour le monde entier, ceux-ci suivent et imitent l'amour qui meurt sur la croix pour tous, même s'ils ne savaient pas que leur chemin représente un certain trajet sur la voie de l'amour de Dieu (NB 5,76-77).

 

962. Le Fils meurt de la mort du méchant

En s'incarnant, le Fils vient de la vie divine, il quitte le ciel et reste pourtant Dieu ici-bas. Sa vie éternelle en tant que telle, rien de mal ne peut la toucher. Mais quand il subit la mort humaine, il s'engage si profondément dans le mal qu'il endure même la mort du méchant. Il finit comme peut finir l'homme le plus méchant et ceci par la force du mal ici-bas. Sa dernière souffrance est une souffrance sous le poids démesuré du mal dont fait partie aussi l'expérience d'être abandonné par Dieu. De ce point de vue, il endure la mort du méchant (NB 5,76).

 

963. La mort du Fils : un écrasement sous le poids du péché

Pour la Mère, le Fils est Dieu. Mais il est aussi son fils humain ; ces deux pensées étaient toujours vivantes en elle par la grâce, et le fait que le Fils était homme l'avait pour ainsi dire continuellement réconciliée avec les hommes. Il y avait sans doute les hommes pécheurs, mais il y avait aussi le Fils. Et sa splendeur était si grande que la Mère pouvait vivre avec les hommes dans son rayonnement. Plus tard, c'est aussi dans cette splendeur qu'elle pourra mourir au milieu des hommes. Mais cette splendeur est pour elle celle de la foi vivante. Maintenant pourtant elle prend conscience inexorablement de la réalité de la mort de son Fils, une mort qui est un écrasement sous le poids du péché. Sa splendeur personnelle est vaincue par le péché des hommes; celui-ci est si grand qu'il le fait mourir, lui le Magnifique (NB 1/2, 204).

 

964. La mort du Seigneur et les péchés

Le Seigneur meurt. Pour lui, tous les péchés étaient mortels. Chacun isolément et tous ensemble. Mais on peut fixer son attention tantôt sur ce péché tantôt sur celui-là, et celui qui vient d'être regardé apparaît toujours comme le plus grave sans que le précédent soit moins grave. On va d'effroi en effroi, chacun est plus grand que le précédent, mais le précédent n'est pas plus petit que le présent (NB 3,390).

 

965. La mort du Seigneur et le monde indifférent

On doit constamment prendre son courage à deux mains pour avancer dans la réalité de la mort du Seigneur... La détresse du Seigneur… Le Seigneur sur la croix, et les mouvements des hommes autour de lui et, dans un cercle plus large, le monde qui est tout à fait indifférent à ce qui se passe ici ou à ce qui ne s'y passe pas. Le Seigneur mourut d'une mort très douloureuse… Si on regarde la mort du Seigneur, on voit que le monde en est coupable ; si on regarde le monde, on ne voit plus rien du Seigneur (NB 3,411).

 

966. La triple mort du Seigneur

Le Seigneur meurt pour ainsi dire trois fois. Il meurt d’abord au monde, il meurt dans sa souffrance par le monde et pour le monde, il souffre du monde et à cause du monde. C’est la mort la plus superficielle. Il aurait pu pour ainsi dire s’isoler en lui-même dans cette mort. Mais il meurt aussi la deuxième mort en mourant à lui-même. Il a accompli sa mission alors qu’elle lui a échappé. Il a fait banqueroute, il n’a plus d’appui en lui, il est chassé de son moi le plus intime et il meurt à lui-même. On pourrait penser qu’il pourrait pour ainsi dire se retirer de son humanité dans sa divinité et s’y “donner du bon temps” pendant que seule l’humanité souffrirait, mais il n’en est pas ainsi. Il meurt finalement aussi au Père, il meurt comme Dieu, en Dieu et pour Dieu. Ce n’est qu’ainsi que toute sa souffrance est accomplie et que rien ne lui échappe. La troisième mort est de loin la plus profonde et la plus horrible (NB 8, n. 825).

 

967. Le Fils confie son cadavre à l’Église

Le Fils qui meurt sur la croix et présente au Père son sacrifice offre tout ce qu'il a. Pour ne pas garder la dernière chose qui lui reste ici-bas, il confie son cadavre aux hommes, à l’Église. Et quand, à sa résurrection, il réapparaît, à qui appartient alors la vie qu'il recouvre ? Pas seulement au Père qui la lui rend toute neuve, mais au fond aussi à l’Église, à nous tous. L'unité physique du Christ et de l’Église commence lors des "trois jours" : entre la remise de son cadavre le samedi saint et sa réapparition à Pâques. Le Seigneur a partagé sa substance divino-humaine entre le ciel et la terre. Ce qu'il en remet à l’Église lui appartient certes, mais cela appartient maintenant aussi à l’Église. L’Église commence ici. Sans cette union et ce partage, il y aurait présomption pour l’Église à vouloir être quelque chose. La semence du Christ qui lui est confiée, elle la fait se lever. La semence est vivante dans l’Église parce qu'il a mis en elle sa substance vivante (NB 6,298).

 

968. Le Fils est devenu la Parole muette du Père

En tant que Parole incarnée, le Fils parle du Père par sa chair. Il est constamment la Parole accomplie, la Parole audible du Père. Le Père a confié au Fils d'être sa totale ouverture pour nous, d'être tout ce qu'il veut nous dire. Le Fils meurt en tant qu'homme sur la croix ; mais, en tant que mort, il ne s'est pas séparé du fait qu'il est Parole : il est devenu la Parole muette du Père. Parce que la Parole était devenue chair et que la chair meurt, le Père se tait. Ce silence du Père est l'accueil de la mission achevée du Fils. Il n'y a maintenant rien de plus à en dire. Le Père se tait pour être un avec le Fils qui est devenu muet. Et les hommes doivent apprendre à se taire aussi dans ce silence entre la mort et la résurrection. Dans le silence est contenu la descente du Fils aux enfers. Elle s'accomplit dans ce silence de mort du Fils et dans le silence du Père qui est une réponse. C'est une marque d'égard de l'amour paternel qu'il se taise. Il ne veut pas signaler l’œuvre accomplie par le Fils ailleurs que dans la résurrection. Celle-ci est le signe. Le Père, qui fera ressusciter lui-même le Fils, attend le Fils pour parler à nouveau ; en reprenant la conversation avec lui, il recommencera aussi à parler avec nous. Ce n'est pas un silence impuissant, ni un silence qui serait dans l'embarras pour expliquer cette mort aux hommes. C'est le profond respect pour le Fils qui ici se tait, un respect qui accompagne en silence sa descente. C'est en même temps le profond respect pour l'homme racheté par le Fils, pour l'homme qui a été créé par le Père et à qui sont laissées l'indépendance et la liberté d'apprendre par la résurrection du Fils ce qu'est la résurrection comme communication divine. Pour le temps de la descente aux enfers, l'homme n'est pas exclu du message chrétien. Il est inclus dans cette descente, par conséquent aussi dans le silence, et il doit élaborer sa propre réponse à la Parole muette du Père. Il a part à un nouvel état de mise à l'épreuve, de maturité, d'enrichissement, et ce n'est qu'en se taisant qu'il peut s'approprier cette part, car il ne lui est pas permis de s'adapter, il ne lui est pas permis de trouver là un mot propre, étranger, éloigné du Fils. Dans toute son activité en tant qu'homme, le Fils, avec son être de Dieu, nous révèle aussi notre être d'homme : ce que signifie une vie dans l'amour et la mission. Maintenant il est enveloppé de mort et de silence ; mais ce serait trahir le Fils que de voir dans ce silence autre chose que ses propres sentiments : l'amour qui se révèle. Ainsi, pour répondre, nous avons à faire du silence une prière, et à faire de l'accompagnement un acte de foi qui ne voit pas et ne comprend pas. Le mystère du silence ne nous abandonne pas, le silence nous abandonne au mystère. Et ce n'est qu'en tant qu'abandonnés que nous pouvons y avoir part. Ce fait d'être abandonnés se réalise dans la mort du Fils et dans le silence du Père. La mort et le silence sont pour nous les deux pôles repérables du mystère du vendredi saint (NB 3,337-338).

 

969. Ce qu’il y a après la mort du Seigneur

On ne sait pas du tout ce qu'il y a après la mort du Seigneur ; on doit l’accompagner dans son manque d'espérance. Peut-être pour porter quelque chose de ce manque d'espérance (ce n'est pas sûr), en tout cas pour l'accepter comme un fait (NB 3,384-385).

 

970. Le Fils meurt pour tous

Le Fils meurt pour tous. Le sacrifice du Fils est si grand que tout sacrifice trouve en lui sa place (NB 10, n. 2156).

 

971. Le Seigneur est mort par amour (NB 3,335).

 

972. Le Christ est mort pour tous : croyants et non croyants

L’Église et le monde. Unité de tous ceux pour qui le Christ est mort. Pour ceux aussi qui se trouvent hors de l’Église. Partout où se trouve de la bonne volonté, un effort vers une vie morale et l’amour, il y a une parcelle de la croix (NB 8, n. 469).

 

973. Le Fils nous a sauvés par sa mort (NB 6,291).

 

974. Les effets de la mort du Seigneur

Le Seigneur subit la mort, et sa mort a des effets dans le temps qui le précède et dans le temps qui le suit (NB 10, n. 2156).

 

975. Le Fils meurt sur la croix pour rétablir le dessein originel de Dieu

Le dessein originel de Dieu n'a été changé ni par le mal ni par le bien que les hommes ont fait par la suite. Mais pour réaliser le projet originel, le Fils devait rassembler en lui tout le bon et tout le mal du monde et mourir sur la croix en tant qu'homme, nu et abandonné par Dieu. Cette tension extrême entre le "très bon" dont le Père parle lors de la création et la descente du Fils dans les ténèbres, l'Esprit l'enregistre comme l'unique réalité perpétuelle. Le jour de la création était un jour dans le ciel et sur la terre ; le jour de la croix était un jour sur la terre qui rend possible à nouveau des jours dans le ciel (NB 6,549).

 

976. La mission du Fils est accomplie par sa mort

La mission est accomplie par la mort. Le Fils meurt et le Père prend sa mort dans laquelle se trouve la mission accomplie. La distance semble grande certes entre le dessein que le Fils se faisait de sa mission et cette mort qui semble contrecarrer tout son dessein et laisse tout inachevé. La remise de son Esprit entre les mains du Père apparaît comme une obéissance au-delà du raisonnable, qui ne reçoit un sens qu'au-delà de la mort (NB 6,244-245).

 

977. La mort du Seigneur et la nuit sur le monde

A la mort du Seigneur, il fait nuit sur le monde. Afin que le monde comprenne que c'est un événement. Mais aussi pour montrer que l'ordre est bouleversé. Le Fils entre dans ce désordre avec le fardeau du péché qu'il a porté. Que le Seigneur emporte avec lui le fardeau sur le chemin du chaos qui est sans piste, qui n'est pas frayé, pour le décharger là où il ne peut plus jamais revenir à la surface, c'est un acte qui fait partie de la rédemption. Mais il ne transforme pas pour autant, il chemine avec ce qu'il porte, ou mieux : avec ce qu'il a porté. C'est pour lui un chemin sans issue : en même temps qu'un chemin dans le chaos et un chemin de retour au Père, le Père qui n'est plus visible, qui ne fait plus que l'engendrer (NB 3,264).

 

978. La mort du Seigneur est une semence

La mort du Seigneur est la fin de sa passion. Elle est en même temps une invitation à méditer la raison de sa mort. Elle est une fin où le Seigneur entre pour nous tous, qu'il assume et vit jusqu'au bout sur la croix comme notre fin pour en faire sortir la résurrection dans l'obéissance. Sa mort est une semence qui aboutit au fruit de la résurrection (NB 6,290).

 

979. Le Seigneur est mort pour que nous ayons en nous le germe de la résurrection

Le Seigneur est mort en tant qu'homme afin que nous vivions et que, dans sa mort, nous possédions déjà le germe de la résurrection. Dans le Seigneur, la vie et la mort sont également l'expression de l'amour, de la vie éternelle (NB 6,111).

 

980. Le Seigneur est mort et il nous emmène avec lui

Le Seigneur nous a pris avec lui, parce qu'il a vécu parmi nous, parce qu'il a vécu de nous qui sommes pourtant pécheurs. Lui maintenant est à la fin parce que la croix a duré trop longtemps. Et parce qu'il a vécu parmi nous et qu'il est mort, il n'a pas voulu se distancer de nous dans la mort. Dans tout ce que nous souffrons, la distance à sa souffrance est infiniment grande, non seulement la distance de notre état de pécheur à sa pureté de Fils de Dieu, mais aussi la distance de notre amour sans valeur à son amour véritable ; et cette distance, il la franchit de lui-même en nous emmenant avec lui malgré tout (NB 3,332).

 

981. Le Seigneur est mort pour que tous aient part à sa vie

Le Seigneur est mort pour tous afin que tous aient part à sa vie, sans gradations. Les apôtres, il les a appelés par son propre choix à le suivre au plus près et il leur a remis le ministère, mais le ministère est institué au profit de tous et les ministres sont choisis pour des renoncements au profit de tous. Sa vie tout entière, il l'a offerte à tous : tous peuvent et doivent, selon son enseignement, devenir familiers de son enseignement, grandir dans la foi. Mais sa vie, qu'il partage à tous, est la vie qui, provenant du Père, est vécue pour l'amour du Père, elle est apportée sur terre par l'Esprit et elle aboutira au don de l'Esprit. Elle est la vie de la Trinité qui nous a été ouverte. Une vie dans la vision du Père et dans la prière au Père avec l'Esprit constamment fécondée par l'amour trinitaire. Nous sommes tous invités à imiter cette vie, nous sommes d'abord invités à la connaître en la méditant, telle qu'elle était dans les relations trinitaires qui la déterminent, pour l'accomplir à sa suite dans la foi et la traduire en amour chrétien. Pour le Seigneur, quand il meurt sur la croix, sa vision du Père se transforme avec tout ce qui a précédé et a suivi, si bien que chez lui non seulement il n'y a aucune contradiction entre sa vie et sa vision : par sa vie est rendue visible une participation du Père et de l'Esprit à son destin, et toute sa conduite se comprend par cette participation. C'est pourquoi en l'imitant - quelle qu'en soit la manière -, nous sommes invités, par notre amour pour lui et pour le prochain, à participer autant qu'il est possible à son intimité avec le Père et avec l'Esprit. L'événement trinitaire dans la vie du Fils nous est nécessairement offert aussi à nous - sous une forme qui nous est adaptée - par l'exigence qui nous est faite d'imiter le Christ (NB 6,112).

 

982. Le Fils est rendu à sa mère

Le Fils est rendu à sa Mère. Elle est là, elle aide, elle le tient. Dans une nouvelle manière d'être ensemble. Pour elle, il n'est pas simplement mort. Elle l'a un peu comme on a l'accomplissement d'une prière. Il y a pour elle quelque chose de vivant dans cette mort. Comme quelqu'un qui serait caressé par une personne aimée et qui ensuite embrasserait sa propre main à l'endroit de la caresse. C'est plus qu'un simple souvenir. C'est un baiser qui vise l'aimé. Elle sent l'état du corps de son Fils : il a effacé le péché. Elle ne le sait pas avec des mots, mais elle le sait. Et pourtant la Mère déplore la perte de son Fils (NB 3,163-164).

 

983. Marie après la mort de son Fils

Durant la nuit, j'ai vu une fois la séparation du Fils et de la Mère. La Mère s'éloigne de la croix et elle emporte la croix avec elle (NB 3,412).

 

984. La mort du Fils et sa Mère

Si Ève devint désobéissante de son propre gré, Marie est introduite dans la liberté d'obéissance de son Fils. C'est le Fils qui agit, Marie ne fait que consentir. Si le Fils est obéissant au Père jusque dans la mort, il jette activement dans la rédemption l'acte de son obéissance. Quand Marie donne son consentement en obéissant, elle le fait dans la mesure où le Fils l'entraîne dans son obéissance, dans un laisser faire qui laisse au Fils toute l'action, dans la passivité de la corédemption. Ainsi la mort du Fils, en tant que drame, on peut la reconnaître aussi extérieurement comme action tandis que la souffrance de la Mère demeure voilée, parce qu'elle a sa manière d'obéir : dans la corédemption aussi elle laisse faire. De même qu'elle laisse agir le Fils, de même elle laisse se faire par elle ce qui dépasse de beaucoup ses possibilités humaines et sans percevoir ce qui se passe. C'est par le même laisser faire - et justement le laisser faire de la croix dont le fruit apparaissait déjà dans l'ancienne Alliance - que quelque chose de la substance de la Mère est passé dans l'ancienne Alliance. Une fois de plus on doit abandonner toutes les considérations de temps. En raison d'une prière faite aujourd'hui, Dieu peut corriger quelque chose qui s'est passé il y a des milliers d'années, de même qu'il peut faire s'ouvrir et se remplir de sens un passage de l'Ancien Testament auquel on n'avait jamais prêté attention, qu'on n'avait jamais compris (NB 1/2, 169-170).

 

985. Devant son Fils mort, Marie est désemparée

Jusqu'à présent, Marie n'avait toujours vu les péchés que dans la lumière de la grâce, même si elle comprenait bien leur horreur, comme une insulte à l'amour. Mais sa foi en son Fils lui disait : il sera plus fort que le péché et l'enfer. Maintenant qu'il est mort, elle ne sait plus si la mort n'était quand même pas plus forte que lui. Ce n'est pas un doute concernant la mission du Fils, concernant ce qu'il a fait, elle est ébranlée par la mort en relation avec le péché, ou bien par le péché à la lumière de la mort, par l'inutilité du combat. Elle-même ne met pas de point final, elle ne dit pas qu'elle ne veut pas aller plus loin, elle ne pense pas qu'elle pourrait désormais se livrer elle-même au péché. Le péché, même par sa victoire apparente, n'a reçu pour elle aucun pouvoir d'attraction. Elle comprend seulement que le péché est beaucoup plus puissant qu'elle ne le pensait ; elle se sent accablée. Et, dans sa tristesse pour son Fils, elle sent beaucoup moins ce qu'elle a perdu que ce qu'a perdu l'humanité, elle sent ce qu'ont d'inconcevable les plans de Dieu dans l'interruption de la mission. Ce n'est pas que la foi soit perdue pour elle, c'est qu'elle ne voit plus rien. Toute sa vie, une vue l'avait accompagnée, offerte par l'ange qui lui avait donné beaucoup de pensées et d'intuitions et d'assurances, de la lumière intérieure dans la prière et dans la docilité, dans la joie et l'adoration. Maintenant non plus elle n'est pas désobéissante, il n'y a pas de révolte en elle, mais toutes les lettres du mot "obéissance" sont pour elle mélangées si bien qu'elle ne reconnaît plus sa nature. Elle est désemparée (NB 3,316-317).

 

986. La fermeture du tombeau

Tout d'un coup le tombeau est fermé. Il y a là une ultime irrévocabilité. Il est inconcevable, jusqu'à un certain degré, que le Fils soit enfermé là avec Dieu. Ce qui reste de Dieu dans le Christ, ce qui reste de lui en l'homme, est justement suffisant pour expérimenter ce qu'a d'irrévocable la fermeture du tombeau. Ce n'est pas l'âme du Seigneur qui, séparée de son corps, regarde pour ainsi dire d'en haut son corps, qui en prend congé, ce n'est pas non plus Dieu qui, libéré des liens de la chair, retourne en lui. Mais quelque chose qui reste, un vestige, comme une synthèse, une symbiose, dont le sens est justement d'expérimenter cette irrévocabilité de l'adieu : adieu au sens d'être séparé, séparé de la vie, de la croix, du travail, de tout amour. Ces restes de l'Homme-Dieu ne sont pas capables de contemplation, ils ne peuvent pas non plus simplement "attendre", ils ont à utiliser tout ce qui reste du Seigneur. Dans le temps jusqu'à la résurrection, il n'y a pas de contemplation du Père parce qu'il n'y a pas de recherche de lui, il n'y a pas de possession du Père, ni de renoncement au Père. Chercher, posséder, renoncer font partie du cœur de la contemplation. Maintenant il n'y a là rien de ce qui serait nécessaire pour arriver à la contemplation. Et parce que, à côté de la contemplation, il n'y a que l'action, il doit y avoir là une action qu'on peut entreprendre en quelque sorte avec ces restes et qui, dans son déroulement, ramène toujours plus le Fils à lui. Et quand il aura de nouveau atteint sa plénitude, il ressuscitera. Mais c'est dans la pure privation de la plénitude, qu'il a voulue, qu'il va en enfer (NB 3,167).

 

987. La veillée au tombeau

La veillée au tombeau du Seigneur mort. Il y avait dans le défunt un abandon qui peut à peine se décrire ; les traits du visage, la forme du corps, sa manière d'être étendu, tout était pris, figé dans l'abandon. Qu'on se trouvât là auprès du corps n'y changeait rien. Je pensai un instant à la prière : on devrait rompre cette rigidité et cet abandon par la présence d'un être vivant et d'une parole vivante. Mais cela ne fut suivi d'aucun effet. Rien n'apparut qui aurait pu être fait, qui aurait fait irruption, qui aurait aidé. Et tout d'un coup on se demanda si justement cette rigidité de mort dans l'abandon ne faisait pas partie de l'achèvement de la mission du Seigneur, si ceci justement n'était pas la vie tandis que le peu de respiration et de mouvement qu'on possède n'était pas plutôt la mort. Mais l'affaire exprimée de la sorte semble plus claire qu'elle n'apparaissait ; tout correspondait plutôt à un état. Cet état était une participation à la non-participation, à la souffrance figée. Le tableau du Seigneur sur la croix, le tableau aussi de son passage à travers l'enfer avaient totalement cessé d'exister. Il n'y avait que cette présence du cadavre justement en ce lieu. Un état si insaisissable et si achevé en soi que toute relation au passé ou au futur avait disparu. Dans la perfection de cet état de mort et d'abandon il y avait l'accomplissement le plus originel et il n'y avait aucun accès extérieur pour s'en approcher. On ne pouvait pressentir cette perfection qu'approximativement, en méditant. Quand on pensait alors à Marie ou à Jean et aux apôtres, aux soldats, à Joseph d'Arimathie, aux croyants, aux contemplatifs, aux saints du temps du Christ et de tous les temps : ils n'étaient jamais et à aucun instant de simples pensées ; ils n'étaient pas là et, par le fait qu'ils n'étaient pas là, ils augmentaient leur absence qui était là. Quand on voit un tableau de la Pietà, on croit savoir que la Mère aime encore ce cadavre. On voit la relation entre la Mère et son Fils. Cela veut dire qu'on regarde au-delà, vers Pâques, où alors seulement la relation sera renouée. On peut de plus encore s'imaginer des saints en adoration, et le Père et l'Esprit à l'arrière-plan. Mais tout cela, ce n'était que des idées, des pensées fugitives et futiles qui n'étaient pas à leur place. Le cadavre du Seigneur abandonné semblait quelque chose de sublime, de parfait, de tellement teinté d'Esprit que l'accablement de la veillée au tombeau semble presque être une grande joie, par la pureté de l'être du Christ, par son abandon divinement noble (NB 3,300-301).

 

                    156 Le péché et la croix

 

988. Le Christ connaît le péché depuis toujours

En tant que Dieu, le Christ connaît le péché depuis toujours. Quand il apprend à le connaître d’expérience en tant qu'homme et que le péché n’exerce sur lui aucune force d’attraction, on pourrait penser que cela provient de sa prescience divine qui se trouve à sa disposition en tant qu’homme aussi (NB 4,170).

 

989. Marie connaît les pécheurs

La Mère de Dieu ne met bien sûr aucun péché à la disposition de Dieu ; elle se met elle-même à sa disposition avec la pureté de son vœu. Mais elle n'est pas au courant du fait que nous mettons notre péché à la disposition de Dieu. Elle connaît les pécheurs, le péché, mais le tout à la lumière de son Fils. Elle est totalement enveloppée de cette lumière, même dans sa désolation (NB 3,321-322).

 

990. Le Seigneur connaît chaque péché qu’il porte sur la croix

Supposons que vous portez un sac à dos d'un certain poids. Vous avez auparavant fait votre sac de telle sorte que les objets pointus ne vous piquent pas le dos. Le poids est adapté à vos forces. Puis arrive quelqu'un par derrière qui ajoute quelque chose dans le sac que vous portez déjà. Vous sentez peut-être vaguement que le poids a augmenté. Mais au seul poids, rien qu'en portant votre sac, vous ne pouvez pas savoir ce qu'il a ajouté. Si vous avez fait votre sac vous-même, en le défaisant vous saurez exactement ce qu'il y a dedans, comment vous devez le défaire. Si par contre des objets étrangers ont été ajoutés, vous ne pourrez pas défaire votre sac comme il faut. C'est ainsi que le Seigneur a chargé ses péchés. Il connaît chaque péché qu'il porte sur la croix et qu'il prend maintenant avec lui en enfer. Mais c'est comme si, au moment de sa mort, davantage de péchés que prévu étaient encore chargés sur lui et comme si, depuis ce moment, la reconnaissance du péché ne dépendait plus seulement de lui mais aussi du pécheur. L'homme doit être associé à cette reconnaissance, car le Fils doit pouvoir prouver au Père qu'il y a des hommes qui se laissent sauver. Et ainsi dorénavant le signe de reconnaissance du péché qui est porté par le Seigneur se trouve dans la confession. Le Seigneur doit aussi recevoir cette reconnaissance de l'homme. Il doit pouvoir reconnaître ce qui plus tard, après sa passion, lui est ajouté de péché à racheter. Le pécheur doit dire en quelque sorte au Seigneur : "Seigneur, j'ai encore mis ceci et cela dans le sac pour l'enfer" (NB 3,123-124).

 

991. L’expérience du péché du monde

Les apôtres dorment : le Fils voit comment ils sont restés en arrière, il voit leur défaillance, par peur. Puis les interrogatoires, pas à pas, jusqu'à Pilate : partout il n'y a que faiblesse, indécision, indigence, petitesse, bassesse ; et à travers tout cela, toujours plus forte, l'expérience du péché du monde. Cette défaillance devient toujours plus pour lui la clef de son nouveau oui à la volonté du Père qu'il voit de manière neuve (NB 3,254).

 

992. Sur la croix, le Seigneur a fait l’expérience de chaque péché en l’expiant

Sur la croix, le Seigneur a fait l’expérience de chaque péché en l'expiant, et il a fait de sa croix un centre de rassemblement auquel il est donné aux hommes de participer en le suivant, par l’obéissance et le renoncement, sous les formes du sacrifice dont on peut comprendre dans la foi le rapport à la rédemption (NB 2,60).

 

993. Le Fils devenu homme fait l’expérience du péché

Le Fils devient homme : il adopte l'état originel de créature d'Adam ; il adopte de plus la forme de l'homme déchu et, par là, une expérience du péché. Non pas du péché qu'il aurait commis. De même qu'il n'est pas nécessaire qu'un homme ait commis tous les péchés pour les comprendre, il n'est pas nécessaire que le Fils ait commis de péché, il suffit qu'il s'en charge, dans le détail comme dans leur totalité. Ce sont tous les hommes qui ont vécu depuis Adam qui l'en chargent. Il fait les deux expériences : celle de l'état de créature sans péché à l'origine et celle d'être chargé de la faute. Il assume cette expérience de la connaissance fondamentale du péché pour être en mesure de mieux racheter chacun des pécheurs. Porter leur faute n'a pour lui rien de théorique. Mais sa connaissance pratique se fait essentiellement par l'intermédiaire de l'Esprit Saint. L'Esprit donne au Fils devenu homme aussi bien l'expérience intérieure de la culpabilité humaine que l'expérience intérieure de l'offense faite au Père (NB 6,175-176).

 

994. Le Fils ressent surtout l’offense faite au Père

Désolation. Le Seigneur voit tout ce qui serait à faire. Il pense alors au Père. Donc tout ce qui serait à demander au Père, tout ce qui est entrepris contre le Père. Le Fils ressent beaucoup moins ce qui est fait à lui-même que ce qui offense le Père. C'est le Père surtout qui est dépouillé, d'abord de son monde, et maintenant du Fils qu'il a envoyé pour sauver le monde. Le Fils porte tellement le péché du monde qu'il se croit perdu avec lui pour le Père (NB 3,389).

 

995. Le péché : ce que le Père ne peut tolérer et qui pour cette raison tombe sur le Fils

Dimanche des rameaux. Plus s'approche l'heure du Père, plus la souffrance apparaît au Fils urgente et nécessaire. Comme une pénitence qu'il prend sur lui pour l'offrir au Père à la place de ce que les hommes lui refusent. Il ne la voit pas seulement de manière négative : comment les hommes se retirent et comment la main du Père reste vide, elle qui aurait tant aimé recevoir d'eux un peu d'amour. Dans tout son entourage, il voit positivement le péché, il le voit comme une partie de son monde, il le voit comme un avertissement qui lui est adressé de mettre la main à la pâte. De ne pas s'épargner. Il voit les petits péchés et les grands, et il doit constamment s'occuper de ce que le Père ne peut tolérer et qui pour cette raison tombe sur lui. Il veut expier. Mais, en expiant, il distribue du sien : il offre à sa Mère, aux saints, à toute l’Église une surabondance de moyens de grâce. La confession qu'il instituera après la croix ne sera pas seulement là pour effacer le négatif, pour régler un compte, mais tout au contraire justement : pour ne rien faire tomber juste, pour supprimer tout équilibre entre le péché et la surabondance de la grâce. Et la surabondance de la grâce n'est pas mesurable parce que manque tout terme de comparaison, parce que tout le péché et toute la grâce se font toujours face de manière nouvelle comme des données indécomposables et que seul peut se constater le plus de la grâce. Ainsi il y a également dans la confession ce qu'il y avait dans la croix, ce qu'il y avait déjà dans l'incarnation, ce qui caractérise tout le chemin du Fils : le plus. Le beaucoup plus. Et par là l'absence de toute mesure, de tout calcul, de toute comparaison. Le Fils lui-même est l'un d'entre nous, et il est pourtant le Fils unique du Père. C'est pourquoi rien de ce qui découle de la croix, rien de ce qui est le résultat de la passion n'est non plus à subdiviser ; c'est à prendre comme un tout (NB 3,302).

 

996. Le péché, sensible pour Dieu

Il n’est pas permis au Fils de devenir indifférent à tout ce qui concerne le péché. Tout péché doit être pour lui aussi sensible qu'il l'est pour Dieu, le toucher humainement comme une offense, comme elle le touchait quand il était auprès du Père. Il ne lui est pas permis de distinguer : le Père et moi d'un côté, les pécheurs de l'autre. Mais : mon prochain. En étant touché, il doit donc avoir aussi un sentiment d'appartenance à l'humanité. Il en fait partie et, en même temps, en tant que Rédempteur, il en est responsable. Pour tous, il est responsable devant le Père (NB 6,138).

 

997. La voracité du péché

Depuis la croix, le Seigneur connaît la marche du péché. Il sait aussi comment l’homme glisse dans le péché parce que, dans sa passion, il a fait l’expérience du glissement irrésistible dans une souffrance toujours plus grande. Cela lui donne du péché la connaissance la plus intime. Par la croix, il a appris à connaître la voracité du péché (NB 4,103).

 

998. Énormité du péché de l’humanité

S'il y a réellement péché, alors est requise une expiation qui est également réelle, et alors cette expiation doit faire mal, car une douleur réelle est la réponse à un péché réel. Mais on ne peut pas souffrir sans être réellement touché par le péché. Et à partir de là, un regard sur la passion du Seigneur, qui est insurpassable, et pourtant le péché du monde est encore plus insurpassable ; néanmoins le Seigneur souffre davantage, comme il devait être souffert pour le péché. Personne ne peut se faire une idée de l'énormité du péché de l'humanité. On frémit à la pensée que rien n'est négligé des possibilités humaines de péché, que toutes sont essayées les unes après les autres, que toutes sont saisies avec reconnaissance par moi, par toi, par n'importe qui. Et malgré tout, ce que le Seigneur souffre est non seulement suffisant pour cette immensité, mais il la dépasse de beaucoup. On peut penser à cette "problématique" et y réfléchir ; mais elle renvoie à quelque chose de concret, elle attire le regard sur le Crucifié qu'on voit souffrir, qu'on entend, qu'on sent (NB 3,356).

 

999. La somme énorme du péché du monde

Quand enfin le Fils est cloué sur la croix, avec les clous c'est toute la somme énorme du péché du monde qui entre dans son corps par les plaies. Dans ce qu'il a de plus intime. Par là aussi il ressent son corps d'une manière nouvelle : il éprouve les possibilités qui sont contenues dans un corps humain. Son corps est comme submergé, comme écrasé par le péché. Il le sent comme il ne l'a encore jamais senti. Il doit se retrouver en lui de manière nouvelle, et ce n'est plus totalement possible car c'est en même temps un corps qui est sous le fardeau étranger du péché et un corps humain souffrant. Dans son corps, il y a quelque chose qui dépasse le corporel et qui empêche aussi que la souffrance suive une progression et un cours naturels. Une douleur naturelle, comme un mal de dent, on y remédie en arrachant la dent ; la douleur du creux entre les dents n'est plus la même, la première douleur est passée. Sur la croix, rien n'est passé ; ce qui a déjà été souffert revient. Les douleurs sont certes distinctes et se succèdent les unes aux autres, mais chaque douleur prépare seulement son retour sous une forme intensifiée parce que les douleurs s'additionnent réciproquement sans écoulement temporel. Les péchés ne sont pas "liquidés" les uns après les autres, le tout pénètre toujours à nouveau comme un tout dans le corps du crucifié (NB 3,254-255).

 

1000. Le péché du monde entier

Sur la croix il n'a pas seulement pris sur lui le péché des personnes présentes, mais aussi celui du monde entier, de tous ceux qui étaient présents et de tous ceux qui allaient venir (NB 3,278).

 

1001. Sur la croix, le Seigneur crée l’ordre du salut avec le chaos de nos péchés

Tout d'un coup le chaos fut là. Il ressemblait au chaos d'avant la création du monde, mais c'était en réalité le chaos de nos péchés qui ne connaît aucun ordre. Nous voulons nous-mêmes le désordre, et le Seigneur sur la croix fonde un ordre qui n'apparaît qu'à la résurrection. Si un homme avait été présent lors de la création du monde, il n'aurait pas estimé possible que Dieu pût créer un ordre à partir du chaos ; l'humanité souffrante croit tout aussi peu que le Seigneur sur la croix est capable de créer un ordre du salut. Elle est comme le Thomas incrédule qui doit toucher la plaie de son doigt pour croire. Nous devons donc être déjà sauvés pour croire à la possibilité du salut par la passion du Seigneur. Nous découpons en morceaux le cours du temps qui passe pour nous orienter, pour suivre en quelque sorte, mais justement par là nous manquons l'événement. Quand Thomas reconnaît le Seigneur à ses cicatrices, il ne le reconnaît pourtant pas parce qu'il l'a vu autrement autrefois et qu'ensuite il n'a pas traversé avec lui l'événement de la mort et de la résurrection, qu'il n'a pas reconnu cet événement. Il ne peut en être convaincu que par une preuve sensible, il ne peut reconnaître la croix d'hier et la résurrection comme des actes réels du Seigneur qu'en touchant aujourd'hui sa plaie. Il est terriblement effrayant que nous ne puissions pas simplement voir déjà Pâques dans le vendredi saint parce que l'événement du passage de l'abandon à la résurrection appartient au Seigneur seul. C'est pourquoi Thomas connaît une forme très atténuée de l'angoisse que le Seigneur lui-même supporte. "Tout est accompli". Il a tout souffert et il ne reste plus rien ; "il en a fait le tour" (NB 3,306-307).

 

1002. Le chaos créé par le péché

A l'origine, le chaos est ce qui n'est pas ordonné ; après le péché, le chaos, c'est l'ordre détruit de propos délibéré. Le Fils souffrant rassemble en lui ce chaotique. De même qu'on ne peut pas entrer au ciel si on n'amène pas le ciel avec soi (pour cela le purgatoire est une préparation), de même on ne peut entrer en enfer que si on apporte l'enfer avec soi. Le Seigneur l'apporte en venant de la croix où il a rassemblé en lui tout le désordre chaotique du péché (NB 3,260).

 

1003. Les grimaces du péché

Quand les pieds sont cloués. Le peuple fait cercle autour des soldats au travail et regarde. Beaucoup se trouvent maintenant devant ses pieds qui, auparavant, auraient dû être assis à ses pieds. Mais ceux qui ne sont pas le peuple curieux se tiennent à l'écart, dans une sphère de solitude qui est donnée par la croix. Dans les curieux, le Seigneur voit surtout les grimaces du péché. Et pourtant ce sont des hommes. Quand le Fils regardait le Père et qu'en le regardant il voyait les hommes, il les apercevait comme le Père les voyait. Maintenant que le Père est voilé, il voit les hommes à ses pieds avec le visage du péché, du pur péché absolu. Auparavant il voyait leurs inclinations vers le bien et vers le mal, leurs désirs, leurs décisions. Maintenant, pour correspondre à la volonté du Père, il ne doit plus voir les hommes dans leur complexité mais comme les pécheurs qui font mourir le Fils unique du Père et se délectent de son supplice. Il doit voir transparent en eux le pur péché. Sans doute maintenant est-ce lui qui porte ce pur péché, ce péché total. Et pourtant il doit aussi le voir en même temps dans l'homme d'où il vient pour l'éprouver dans sa réalité concrète. Vu de la croix, le péché (et chaque péché) est objectif et entier. La croix elle-même est également objective et entière ; en tant que prestation, elle est orientée vers le Père et non vers les différents péchés des hommes. C'est justement la raison pour laquelle la croix est solitude (NB 3,213-214).

 

1004. Ce dont est capable le péché

A la fin de la croix, le Fils est dépouillé de tout de telle sorte qu’il ne devine aucunement que le Père pourrait l’accompagner sur l’obscur chemin. Sur la croix, il a fait l’expérience de ce dont était capable le péché ; auparavant, au cours de sa vie, il en avait fait l’expérience dans les autres hommes et, avant l’incarnation, il avait fait au ciel l’expérience des effets du péché sur le Père. Il possédait ainsi toutes les expériences du péché - l’expérience divine et l’expérience humaine - sauf une : l’expérience de le commettre. Maintenant , à l’entrée de l’enfer, il rencontre la perpétration du péché à l’état pur, ce qui n’est plus que perpétration (NB 4,96).

 

1005. La grande ombre du péché du monde peut être prise par le Fils

Dans l'acte d'engendrement du Père, le Fils dévoile pour ainsi dire au Père son plan. C'est comme si le Fils ouvrait au Père sa lumière pour que le Père voie la décision du Fils et perçoive que la grande ombre du péché du monde peut être prise par le Fils. Le Fils sent que l'ombre cherche à éteindre en lui la lumière. Il sent que l'ombre se défend pour rester ombre et il sent passer dans toute sa lumière quelque chose d'étranger et de froid qui voudrait la forcer à disparaître. Le Fils éprouve alors sa première angoisse parce que sa lumière fait apparaître le péché comme une indifférence à l'égard du Père et lui fait ressentir la justice du Père. Dans la lumière du Fils, il y a sa décision de prendre sur lui les ténèbres du monde et alors sa lumière semble ne plus être en harmonie avec celle du Père. Le Père n'a en lui aucune sorte de ténèbres alors que le Fils laisse entrer en lui les ténèbres du monde. Le Fils découvre alors que le Père aussi a des ténèbres en lui, les ténèbres de l'enfer. Car le Père a créé les hommes si libres qu'ils peuvent se perdre loin de Dieu (NB 1/2, 106-107).

 

1006. Le Fils porte la nuit du péché

Par le péché, l’homme est en désaccord avec Dieu. La nuit du péché conduit à la nuit qui le rend étranger à Dieu. Le Fils devient homme pour entrer dans cette nuit. A sa mort, il crie vers Dieu : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et il dit ensuite : "Tout est accompli". Les deux propositions n'en font qu'une intérieurement : ce qui est accompli, c'est que le Père a abandonné le Fils. Le Fils a finalement renvoyé aussi l'Esprit au Père, il a congédié l'Esprit ("En tes mains"), le Père l'a abandonné. Le signe de cet abandon du Fils, c'est sa mort qui fait trembler la terre, la secoue jusque dans ses fondations, bouleverse toute loi, réduit à néant toute habitude, ne correspond à aucune attente. Par le péché, Adam fut rejeté de la présence de Dieu étant donné qu'il ne supporta pas l'épreuve de la nuit du paradis. Ce qu'Adam n'a pas supporté, le Fils le supporte en portant encore en plus la nuit du péché, la faute de tous et l'abandon du pécheur par Dieu. Comme il porte réellement ce péché dans la nuit, il triomphe du monde en le portant, en étendant sur le monde la nuit de sa passion, de même qu'à sa mort la nuit est tombée sur le pays (NB 3,206-207).

 

1007. Le Christ a ressenti l’amertume du péché plus que quiconque

Plus on est pur, plus on ressent l’amertume du péché. Et donc le Christ et sa Mère ont éprouvé le péché plus profondément qu’Adrienne, ne pourra jamais le faire (NB 8, n. 274).

 

1008. L’amour du Fils est survenu pour mon péché

L'amour du Fils est survenu pour mon péché. Maintenant la colère de Dieu et l'amour du Fils se heurtent. La colère de Dieu est livrée à l'amour du Fils ; car Dieu n'a pas dit au Fils : tu peux partir et sauver les hommes, mais tu ne peux pas toucher à la sphère de ma colère. Au contraire Dieu le lui permet (NB 4,195).

 

1009. Le péché et l’amour du Fils pour le Père

Le Fils est suspendu au centre de la croix avec ses deux poutres. Verticalement, il y a son amour pour le Père et, horizontalement, il y a tout le problème du péché de l'humanité qui ne peut être enlevé que s'il rencontre le point de l'amour réciproque du Père et du Fils. Le Fils est exactement ce croisement au point où les poutres se croisent. Là, il est la quintessence de toute théologie théorique et en même temps pure souffrance. Il a porté le péché de tous ceux qui ne voulaient pas s'engager vraiment vers Dieu (NB 6,262).

 

1010. Compenser le péché par de l’amour

En tant qu'homme, le Fils doit agir et souffrir d'une manière analogue à celle d'Adam dans la proximité du Créateur, mais il devait être homme face à Dieu, avec la distance qui sépare Dieu de la créature. Seulement cette distance s'est agrandie par le péché, et le Christ doit compenser cette distance due au péché par une nouvelle forme de distance d'amour (NB 6,196-197).

 

1011. Feu de l’amour et de la souffrance

Le feu que le Seigneur apporte et allume pour qu'il consume, c'est le feu divin. Il provient de ce qui en Dieu est toujours jaillissant, de son être et de son devenir toujours nouveaux. Il est comme l'étincelle sous le sabot du cheval : feu de contact, feu de l'action. Mais feu aussi qui est toujours présent et dont nous faisons l'expérience si nous sommes présents (auprès de Dieu). Que nous soyons là n'apporte rien au feu, il est déjà là en soi ; qu'il soit là pour nous ne le change pas. C'est le feu de l'amour et le feu de la souffrance. En tant que feu de l'amour, il est une caractéristique de ce que le Père est pour le Fils, de ce que chaque personne en Dieu est pour l'autre. En tant que feu de la souffrance il est la caractéristique de Dieu Trinité qui ne supporte rien de ce qui n'est pas pur et le consume. Le Fils, en tant que porteur de tout péché et de toute impureté, se donne au Père par amour pour être consommé par ce feu divin. Il souffre sous ce feu, et une expression de cette souffrance, qui est en même temps amour, réside dans son abandon. Dans son cri d'abandon sur la croix, il se laisse consumer par le feu du Père. Il alimente passivement le feu (NB 6,383).

 

1012. (Dans l’éternité), le Père demande au Fils de prendre sur lui le péché du monde (NB 5,258).

 

1013. Devant le Père avec le péché du monde

Le Fils se trouve comme devant le Père avec la quintessence du péché du monde. En lui, qui veut la volonté du Père, le Père rencontre le refus total des pécheurs (NB 6,230).

 

1014. Le Fils devient homme pour expier l’offense faite au Père et à l‘Esprit

Avant l'incarnation, chaque personne divine éprouve ce qu'il y a d'offensant dans le péché avant tout dans les autres personnes ; et le Fils devient homme avant tout pour expier l'offense faite au Père et à l'Esprit. En tant qu'homme, il montrera au Père qu'un homme peut être bon, que le mal ne provient donc pas du Créateur et il détournera du Père les traits du péché en les dirigeant sur lui à la croix. Alors, pour ainsi dire, le Père n'aura plus de compte à régler qu'avec le péché déjà expié. Dieu étant infini, il peut certes se sentir offensé de manière infinie par le péché, mais il peut aussi s'élever au-dessus du péché en vertu de son invulnérabilité, lui déclarer la guerre où nécessairement le péché aura le dessous. Quand Dieu devient homme, il peut aussi, à cause de cette offense illimitée, souffrir en quelque sorte de manière illimitée et être vaincu : offense illimitée parce qu'il demeure Dieu, souffrir parce qu'il est homme. Ce pouvoir unique du Christ fait de lui le Médiateur, le centre de liaison entre Dieu Trinité et toute l'humanité. Ce ministère de Médiateur, le chrétien, comme chaque homme, en est le bénéficiaire; il doit y coopérer s'il comprend l'amour comme le Seigneur le fait dans le premier commandement (NB 6,110-111).

 

1015. Le Christ porte toute la faute sur la croix

Quand le Christ vient et qu'il porte toute la faute sur la croix, il n'est plus question de mesurer en pure justice ; toutes les mesures disparaissent en lui, car lui, l'innocent, il porte tout le fardeau du péché et le poids entier du châtiment correspondant. Il veut ramener au Père chaque pécheur et effacer par la démesure de son sacrifice les limites qui séparent les pécheurs les uns des autres. Il met la démesure de sa grâce là où aurait eu sa place l'exacte mesure de la justice (NB 6,502-503).

 

1016.Tous les péchés sur la croix

Dans l'œuvre de la rédemption, le facteur temps est comme suspendu. Un homme pourrait aujourd'hui se mettre en tête d'inventer un péché tout à fait nouveau, inouï ; s'il l'avait ensuite commis, le Fils aurait déjà souffert pour ce péché précis des milliers d'années auparavant. Et c'est justement parce que le Fils invite tellement la Mère à la croix qu'il se produit en elle une accumulation qui est comparable d'une certaine manière à l'accumulation de tous les péchés sur la croix. Marie est présente depuis toujours dans le plan du Père et du Fils, et elle participe aux décisions, elle est humainement visible depuis la chute d'Ève (NB 1/2, 167).

 

1017. Sur la croix il portera tous les péchés

D'autres travailleront avec le Fils à l'œuvre du Père, ses plus proches seront avec lui dans sa tâche. En tant que Dieu, il prévoit leurs difficultés, il voit le peu d'aide qu'ils lui offriront. En tant qu'homme, il voit les choses autrement : il est heureux et en même temps il est déçu ; il ne s'appuie pas sur sa prescience divine ; chaque homme qu'il va s'adjoindre, il préfère le rencontrer comme si on pouvait tout espérer de lui : comment prétendre arriver à la foi et accepter les tâches chrétiennes sans rester fidèle et obéissant ! Et au cas où quelqu'un devait le décevoir, il veut prendre la chose sur lui et par là épargner le Père. Il porte donc déjà à l'avance les lacunes et les défaillances des siens comme si elles étaient les siennes, tout comme sur la croix il portera tous les péchés (NB 6,141).

 

1018. Le péché et la croix

On doit faire les trois pas. Ils s'appellent : vie, mort, purgatoire. Ils s'appellent aussi : péché commis, péché reconnu, péché confessé. Mais ils s'appellent aussi : incarnation, croix, enfer. Ils s'appellent aussi : acceptation de la reconnaissance, expiation de la reconnaissance, passé de la reconnaissance. Ils s'appellent aussi : être engendré par le Père, naître et souffrir, descendre aux enfers. Ils s'appellent aussi : Esprit, Fils, Père (NB 3,231).

 

1019. Le péché et le Crucifié

Le fleuve du péché ne peut être arrêté que par la grâce du Seigneur crucifié (NB 9, n. 1778).

 

1020. Sur la croix le Fils porte les péchés du monde -

Le Fils s'est humilié jusqu'à se faire homme, jusqu'à se faire clouer sur la croix, dans une attitude de confession, d'aveu, d'ouverture devant Dieu ; ce n'est pas pour rien qu'il est nu sur la croix quand il porte les péchés du monde (NB 10, n. 2165).

 

1021. Il aurait été possible que je ne pèche pas, et le Seigneur n'aurait pas dû aller à la croix (NB 4,33).

 

1022. La croix est inévitable à cause du péché (NB 3,152).

 

1023. Sur la croix, le Fils a pris le péché en lui -

Sur la croix, le Fils se possédait encore lui-même comme étant le Fils. Ce qui ne veut pas dire que sur la croix il n'ait pas été totalement abandonné ou qu'il aurait joui d'une solitude satisfaite d'elle-même. La passion sur la croix était une passion de solitude qui avait renoncé au toi par amour. C'était une soif d'amour. Sur la croix, le Seigneur voyait encore chacun des hommes vivants pour qui il souffrait même s'ils étaient immensément nombreux. Et même si la croix était une exigence tout à fait démesurée, il avait pourtant conscience de s'être prodigué pour le péché du monde. On pouvait toujours encore prendre quelque chose au Fils, il avait donc toujours encore quelque chose à donner. Sur la croix, le Seigneur est mort pour communiquer la vie. Ici il n'y a plus de vie, tout est mort et rejeté. Sur la croix, la souffrance avait encore au moins le visage du sacrifice, et donc de l'amour (même si c'était un amour déjà disparu), la recherche du Père se faisait dans une sorte d'amour. Sur la croix, la souffrance rédemptrice était une œuvre du Fils. En enfer, derrière chaque péché, le Fils ne voit qu'une chose, c'est que le Père n'y est pas. Sur la croix, le Fils a pris le péché en lui. Dans le péché, le Fils reconnaît une chose avec certitude : le Père n'est pas là (NB 3,104-106).

 

1024. Le pécheur est responsable de la croix

C'est parce que le Seigneur est la pureté même qu'il souffre tellement de tout péché, même du plus petit. En face de cette pureté, il n'y a pas au fond de gradations. Le plus petit manque d'amour et le meurtre se trouvent sur le même plan. Non parce que le manque d'amour conduit logiquement au meurtre, mais parce que les deux fautes sont des souillures. Chaque être humain offense le Seigneur. Pierre, qui est un saint, l'a renié ; mais au fond n'importe qui pourrait se trouver à sa place. A la croix, chacun a sa place avec ce qu'il a péché et non avec ce qui l'a fait saint. Les saints se trouvent derrière ceux qui supplicient le Seigneur. Le pécheur est responsable de la croix, et cela est visible à la croix ; le juste, qui l'est devenu par la croix, demeure maintenant invisible. Le crucifié ne le voit pas. Comme si la face éclairée de la lune était cachée et que n'était visible que sa face obscure. C'est la nuit du péché qui accable le Seigneur. Ainsi s'explique aussi comment celui qui participe à la croix dans la foi et l'amour a conscience qu'il est responsable de la croix, que le Seigneur est cloué sur la croix à cause de lui (NB 3,376-377).

 

1025. Un oui à la croix était inclus dans l’incarnation

Le Fils a voulu être un homme authentique qui ne cesse de recevoir à nouveau son destin du Père sans vouloir l’explorer à l’avance ; ce n’est que lorsque sa mission l’exigeait que quelque chose de son avenir lui devenait conscient à l’avance par son savoir humano-divin. Il voulait et devait aussi croître comme un homme pur et simple dans son humanité et sa tâche, il dut faire lentement connaissance par expérience avec le péché du monde pour finalement le prendre sur lui et le supporter sur la croix dans une expérience globale aussi bien humaine qu’humano-divine. Et en jetant un regard rétrospectif sur sa vie à partir de la croix, sa vie lui semble depuis toujours se diriger vers la croix : c’est quand il porte le péché que se dégagent le sens et l’unité de son humanité, et même – en jetant un regard en arrière dans l’éternité – le sens et l’unité de son incarnation. Un oui à la croix était inclus dans l’incarnation (NB 4,91).

 

1026. La croix : le contraire du péché

La vie du Seigneur : trente années de contemplation, trois années d’action. Il n’est pas question de la croix. Pourquoi ? Parce que la croix est l’accompagnement, qu’on parte de l’Avent ou de l’enfer. La croix a déjà son début dans la Mère et elle s’étend sur la Mère, sur Noël, sur toute la vie du Seigneur, sur Pâques, elle prend même l’enfer avec elle. La croix est ce que le Seigneur a assumé pour ôter le péché du monde. Elle est donc le contraire du péché. Elle est le signe de la pureté du Seigneur. Je dis : de la pureté, et non : de la divinité. On ne peut expliquer à personne que toute la vie de l’homme, de la naissance à la mort, a reçu par la vie du Seigneur un signe précurseur absolument nouveau. Il a souffert pour nous sur la croix, il l’a partagée à cause de moi. Il partagera Noël et Pâques, à cause de moi (NB 4,107-108).

 

1027. Sur la croix, il rassemble sur lui les péchés

Durant sa vie terrestre, le Fils voit le péché qui est embrassé par l'homme. Jusqu'à la croix, il se heurte partout au péché : haine, incompréhension, dureté du cœur, incrédulité, manque de confiance ; tout cela décidé dans l'homme. Une part de ce péché vient à la lumière, se révèle. En tant qu'Homme-Dieu, il peut en même temps voir aussi la totalité de l'homme croyant ("Voilà un Israélite sans fausseté"), non seulement son assujettissement au péché. Sur la croix, il rassemble sur lui les péchés. Une qualité du péché dépend de chacun des pécheurs, mais plus les péchés s'accumulent, plus ressort l'énorme faute collective (NB 3,275).

 

1028. Démesure de la charge du péché sur la croix

Le rôle de l'Esprit Saint dans la rédemption. Il est descendu sur le Fils lors de son baptême ; sur la croix, le Fils le remet avec son esprit humain entre les mains du Père pour faire l'expérience de l'ultime exigence démesurée. Il le rend donc comme étant celui qui mesure, comme étant celui qui sert de mesure. Le Fils a vécu pour glorifier le Père, pour réparer l'offense du péché dont il devait chaque fois mesurer la grandeur. Il en était capable non en la mesurant à lui-même - car il ne voulait pas se faire lui-même la mesure de l'offense faite au Père -, mais en prenant pour cela l'Esprit qui habitait en lui. Mais sur la croix, il prend sur lui toute l'offense concevable, et cette prise en charge dépasse ses possibilités humaines de non pécheur, il porte une mesure, il laisse au Père toute possibilité de charger sur lui ce qui est sans mesure (NB 6,397).

 

1029. Sur la croix, le Fils prend le péché en lui

L'homme pèche, entraîne le monde dans son non. Sur la croix, le Sauveur rassemble tout le non en lui. Il atteint tout le péché, tout le péché l'atteint. Le péché a pris son origine dans l'homme, maintenant le Fils prend le péché en lui. Partant de la plénitude de la vie, il va avec lui dans la mort (NB 3,363).

 

1030. La croix et les pécheurs

Le Fils se livre pour nous alors que nous ne pouvons nous tenir autrement que comme des pécheurs devant sa sainteté (NB 5,56).

 

1031. La souffrance du Christ et le monde pécheur

Seul le ciel sait combien le Fils a souffert et combien malgré cela le monde est encore pécheur (NB 9, n. 1865).

 

1032. Le Fils souffrant et les pécheurs

Dans le Fils souffrant, il n'y a pas non plus la pensée que le Père connaît la différence entre lui et les pécheurs. Et le pécheur ne doit pas non plus chercher en pensée à délimiter sa part dans la passion du Seigneur ; elle est en tout cas plus grande que ce qu'il pense. Ni en lui-même, ni vis-à-vis du confesseur, ni vis-à-vis de Dieu, il ne doit établir les limites de sa culpabilité (NB 3,259).

 

1033. Péchés et souffrance de Jésus

Ce qui rend la souffrance de Jésus particulièrement douloureuse, ce n’est pas tellement le “grand péché” que les millions d’impondérables, les petites souillures dans notre vie et nos activités, l’égoïsme mesquin qui fait passer sa mesquinerie pour anodine (NB 8, n. 497).

 

1034. La souffrance en chaque partie du corps

Chaque endroit de son corps s'annonce par la douleur subie. Tous les organes sont requis, ils arrivent à la conscience, tantôt cet endroit dans le dos, tantôt cet endroit de la jambe ; par la croix, ressort dans tout le corps la contradiction entre ce que Dieu voulait en créant le corps et ce que l'homme en a fait. Quand le Fils, en ses bonnes périodes, faisait répondre son corps au Père, il le remerciait de tout son corps, il le louait avec tous ses organes, de manière aussi variée qu'il était possible. Maintenant, c'est le contraire: chaque endroit du corps révèle dans la douleur et la honte le tort et l'inverse qui lui sont infligés par le pécheur. Non de manière sommaire comme une exigence douloureuse démesurée, mais de manière différenciée jusque dans le plus petit détail. Comme si chaque muscle, chaque os avait non seulement une réalité dans le tout, mais une disposition séparée à la souffrance et informait de son existence justement par cette disposition (NB 3,255).

 

1035. Il va subir la pleine mesure des souffrances

Il est étrange que le Fils, en devenant homme, reçoive le même corps que nous : quelque chose qui accompagne notre vie consciente pour l'aider presque sans se faire remarquer ; mais en mourant, il doit charger sur lui toutes les souffrances pour pouvoir le rendre au Père. Durant la vie du Seigneur, ce corps était certainement caractérisé : il était le corps du Christ non celui d'un autre, et quand les hommes voulurent outrager le Christ, ils le firent là où était son corps, son corps qui voyait, entendait, ressentait. A partir de la flagellation et des moqueries, ce corps devint toujours plus ce qu'on pouvait mépriser, blesser, torturer. Et pour qu'il puisse le rendre au Père, toute l'histoire des souffrances du monde doit s'y graver. Il subira jusqu'à la mort la pleine mesure des souffrances et tout ce qu'on peut imaginer de démesure dans l'exigence, membre après membre, afin qu'il restitue au Père, avec la mission achevée, le corps que le Père lui avait donné pour porter le péché du monde. Plus il souffre, plus grandit le cadeau qu'il prépare pour le Père avec son corps (NB 3,181-182).

 

1036. Il ne peut pas fuir la souffrance

Des trois personnes divines les théologiens font des points fixes qui doivent toujours se trouver les unes vis-à-vis des autres également proches et également distantes. Il y a un point où c'est exact pour le Fils : la croix. Quand il porte le fardeau du péché absolu, il expérimente en lui la somme du péché en tant qu'homme, qui souffre pour cela. Il comprend alors de manière nouvelle l'offense faite au Père. Il y a un étonnement de la souffrance qui correspond à un étonnement de sa compréhension. On ne peut pas dire que cet étonnement de compréhension plus profonde du péché le rapproche du Père. Il fait bien plutôt partie de son être sur la croix qu'ici la proximité et la distance vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des hommes est comme donnée. Celui qui souffre ne peut pas fuir la souffrance pour se réfugier auprès du Père ou se laisser consoler dans sa souffrance par les hommes. Il a à persévérer dans la qualité de la souffrance absolue avec la qualité de la vue qui lui est donnée. Dans la souffrance rédemptrice, rien ne se laisse déplacer. Les points de départ de la souffrance peuvent sans doute changer, mais cela ne fait rien à la somme de la souffrance, on ne sent pas ce changement parce que rien que le changement serait déjà une sorte de soulagement, il donnerait du champ à un espoir, à une joie de pouvoir de passer à autre chose. Dans la souffrance absolue, il n'y a pas de prise pour l'imagination. Il n'y a aucune sorte de division (comme on le fait en suggérant aux petits enfants qui ne veulent plus manger : une cuiller pour l'ours, une pour l'éléphant). La croix est absolue, elle est aussi parfaitement virile (NB 3,216-217).

 

1037. Pas de mot pour dire la souffrance que le péché cause à Dieu

La croix vient de loin. Nous n'avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu est immuable et toujours bienheureux et qu'il ne peut être lésé par sa créature. D'autre part il serait pourtant incompréhensible qu'il ne soit pas touché par la faute et par les malheurs de ses propres créatures, lui qui est l'amour infini. Cet amour est le feu que le Fils est venu jeter sur la terre et qui s'est transformé sur la croix en feu de la passion. Dès le commencement il était là comme latent, on ne le remarquait pas ; ce n'est que dans l'explosion de la passion et dans ses résultats - notre rédemption - qu'il devient perceptible et qu'on peut le suivre maintenant jusque dans l'éternité de Dieu (NB 6,266).

 

1038. Le Seigneur est allé dans la nuit de la déréliction

Quand on cherche l'origine des sacrements, on atteint leur fin fond dans la nuit du Seigneur. Ici c'est la confession surtout qui apparaîtra par l'ampleur spirituelle de ce qui se passe en elle : elle offre au pécheur la lumière du Christ à partir d'une nuit qui n'était pas celle du Seigneur, mais que le pécheur a provoqué sur la croix, car c'est en prenant sur lui le péché qu'il est allé dans la nuit de la déréliction. Dans l'absolution sacramentelle de l’Église se trouve le grand pardon du Seigneur qui pardonne aux pécheurs de l'avoir poussé dans la nuit des enfers ; un pardon très conscient parce que seul le Seigneur connaît toute l'étendue et tout le poids du péché. Que le pécheur reçoive si facilement le pardon pour ce qu'il a causé d'horrible lui reste inconcevable ; il reconnaît seulement que l'amour du Seigneur est plus fort que tout, que ce que veut le Seigneur, c'est seulement de ressusciter avec ceux qu'il a sauvés et d'aller avec eux vers le Père, que la grâce de la rédemption est offerte aux pécheurs gratuitement (NB 5,130).

 

1039. Le Père châtie le Fils avec le plus grand sérieux comme si Fils était réellement coupable

Le Père accède si totalement à la demande du Fils qu'on ne peut plus rien voir de la demande elle-même. Il ne reste que l'accomplissement. Le Père châtie le Fils avec le plus grand sérieux comme si le Fils était réellement le coupable, sans égard, sans dialogue, sans explication, ni sur le sens ni sur la durée. Pendant toute la procédure, il n'y a qu'une chose : s'exécuter. Toute vue d'ensemble est retirée. Ce qui est exigé, c'est la remise de toute la personne, également du corps. Ceci aura toutes sortes de conséquences. Tout d'abord il semble que ce soient des conséquences de nature spirituelle : porter et reconnaître le péché. Ici déjà la vision est défaillante : la série des péchés s'étend à perte de vue. Et tous apparaissent maintenant tout autres que dans l'idée qu'on s'en était faite. C'est pourquoi on sait déjà que le spirituel ne suffira pas, il faudra aussi y laisser sa peau (NB 6,269).

 

1040. Le Seigneur a souffert à l'avance sur la croix pour tous les péchés à venir

Le Seigneur a souffert à l'avance sur la croix pour nous les puînés ; les offenses que nous infligeons aujourd'hui au Père étaient déjà incluses dans sa croix. La colère future de Dieu, à laquelle on pouvait s'attendre pour plus tard, était donc incluse dans la croix, la colère du jugement était insérée dans la volonté de salut sans que la colère de Dieu en devienne pour autant irréelle ou impuissante. Une mère peut corriger son enfant avec une véritable colère sans renier son amour pour lui ne fût-ce qu'un instant (NB 6,314).

 

1041. Le Fils souffre sur la croix pour mon péché

C'est la nature de Dieu qui, en elle-même et par tout elle-même, repousse totalement et éternellement tout ce qui s'appelle péché. C'est pour cette nature du péché absolument opposée à Dieu que le Fils souffre sur la croix, et il souffre de manière absolue. Il souffre pour "mon péché" non comme pour une conduite humaine limitée, mais pour mon péché en tant qu'il ne fait qu'un avec tous les autres péchés : pour sa totale opposition à Dieu. Le péché est un non-être qui, en sa totalité, s'oppose à la totalité trinitaire de Dieu. Le péché est devant Dieu ce qui est exclu radicalement et absolument. Ceci est l'objet de la passion du Seigneur et, après cela, la souffrance du purgatoire purifie l'âme (NB 6,336).

 

1042. C’est à cause de moi que le Seigneur souffre

Au purgatoire, on doit mettre ma souillure au grand jour. C'est donc en moi que se trouve la raison pour laquelle le Seigneur souffre. Cela me couvre de confusion et m'ouvre les yeux pour voir la souffrance du Seigneur. Je vois que la main du Crucifié lui fait très mal parce qu'un clou y est enfoncé mais, en suivant le regard du Seigneur, je découvre que c'est moi qui ai en main la tête du clou. La passion du Seigneur me couvre de confusion, la compréhension de mon péché grandit par cette confusion (NB 6,358).

 

1043. Le Fils est mort à cause du péché

Marie sait que le péché existe, car son Fils est bien mort à cause du péché et par le péché. Hier elle a expérimenté la puissance du péché sur son Fils. Elle a souffert avec lui, elle a compati, elle a pleuré, elle a été touchée avec son Fils par le péché aussi fort qu'il est possible de l'être à un être humain sans péché. Le samedi saint, elle est à nouveau dans l'angoisse pour son Fils, car il a affaire encore une fois avec le péché. Mais d'une manière qu'elle ne peut plus comprendre par la compassion (NB 3,140).

 

1044. Ne pas croire que le Seigneur est mort pour nous

Le pécheur qui a péché contre l'Esprit de la grâce ne veut pas croire que le Seigneur est mort pour nous, il veut construire sa propre religion (NB 4,332).

 

1045. Mort du Seigneur sous le fardeau des péchés

La mort du Seigneur : comme si un péché après l'autre consumait les quelques dernières forces qui lui restent, comme s'il subissait une mort affreuse par asphyxie sous le fardeau des péchés. Pendant un certain temps on ne le vit presque plus, on ne voyait que la charge des péchés qui pesait sur lui et dont la vue était encore plus effrayante que la sienne parce que finalement le péché est plus intelligible à l'homme que lui. Et maintenant il emporte ses plaies dans l'incroyance de l'enfer (NB 3,316).

 

1046. Monstruosité de cette mort sous l'afflux du péché

Le lieu où le pécheur se représente au fond ce qui est arrivé par la passion, c'est la confession. Cette prodigieuse confrontation du pécheur et de l'Esprit Saint opérée par le Fils, qui conduit à la confession et à la libération dans la paix par l'Esprit Saint, est d'abord la rencontre prodigieuse du monde présent et de l'au-delà sur la croix. Seulement le poids est mis si fort sur le monde présent qu'il occulte tout d'abord le visage de l'au-delà comme s'il devait occuper toute la place imaginable. Et cela non plus n'est pas un produit de l'imagination ou quelque chose de théorique et d'abstrait, c'est la pure réalité. On le voit dans la Mère et dans saint Jean qui se trouvent là, on le voit en ceux qui sont crucifiés avec le Fils, on le voit dans les soldats, dans le peuple qui regarde : tous ont des images, l'image des trois croix avec trois mourants. La plupart n'ont aucune idée qu'ils sont intéressés par cet événement. Et cela complique encore l'affaire : pour le Seigneur, qui doit encore porter aussi le péché d'ignorance, pour la Mère et pour saint Jean qui voient un rapport et qui sont concernés, eux aussi, par le poids croissant et la violence du péché ; et s'ils ne peuvent pas non plus saisir la chose avec des mots, ils voient quand même la monstruosité de cette mort sous l'afflux du péché qui s'accroît et qui est accablant (NB 3,364).

 

1047. Mort sous le signe du péché de l’homme

Le Fils se prépare à vivre pour pouvoir mourir. Il n'y a qu'un accès à la mort : la naissance. Et si sa naissance se trouve sous le signe de la grâce du Père, sa mort doit se trouver sous le signe du péché de l'homme afin que soit établi l'équilibre entre le péché et la grâce (NB 6,141).

 

1048. Un péché plonge le Seigneur plus profondément dans la passion

On peut regretter le petit larcin qu’on a commis parce qu'un "homme correct ne fait pas de ces choses". Ou parce qu'on a pris à un pauvre bougre le peu qu'il avait. Ou parce qu'on a manqué à l'amour. Ou parce que, en tant que chrétien, on a donné un mauvais exemple, qu'on a causé un scandale, qu'on a discrédité toute l’Église d'une certaine manière. Ou parce qu'on a plongé plus profondément encore le Seigneur dans sa passion bien qu'on fasse partie de ceux qui le confessent (NB 4,301).

 

1049. La passion et les pécheurs

Dans la passion du Seigneur, au début, différents pécheurs et différents groupes de pécheurs se détachent : les Juifs, les larrons, etc. Puis tout s'enfonce de plus en plus dans le péché total et ainsi dans l'exigence démesurée, dans l'absurdité (NB 5,104).

 

1050. La passion et la multiplicité de nos péchés

Durant la passion du Seigneur, il y a une foule de petites expériences corporelles, soudaines et brutales auxquelles il ne s’attendait pas. Des choses très précises, nettement circonscrites. A partir d’un seul point, la souffrance passe par vagues dans tout son corps. Le corps devient un instrument de souffrances duquel on peut tirer beaucoup plus que ce que l’homme peut deviner dans un état normal. La multiplicité des points de départ précis se trouve pour le Seigneur en rapport avec la multiplicité de nos péchés (NB 9, n. 1962).

 

1051. Tout le péché

Le Fils sur la croix a porté le péché du monde sans faire de distinction (NB 11,291).

 

1052. Sur la croix, le Fils "devient péché", prend sur lui tous les péchés du monde (NB 12,139).

 

1053. Aucun péché n’est oublié

L'angoisse de mort du Seigneur : aucun péché n'est oublié. Il les a tous pris dans sa souffrance, tous. Il a peur de la mort. Il dit dans la plus grande angoisse : « En tes mains, Père, je remets mon Esprit » (NB 3,118).

 

1054. Le Seigneur n'a pas oublié un seul péché, il les a tous pris sur lui jusqu'à sa mort finalement pour l'amour de tous (NB 3,121).

 

1055. Sauver chacun des pécheurs

Supposons que je suis masseuse ; les malades ont droit à toute ma force. Un cas est désespéré, l’autre est en voie d’amélioration, un troisième est douteux. Pour chaque cas, la masseuse va engager toute sa force musculaire, même pour le cas désespéré. Elle est embauchée pour cela. Et le Fils est chargé par le Père de sauver les pécheurs, de mettre chacun là où on peut l’engager. Il se tourne ainsi totalement vers chacun (NB 9, n. 1978).

 

1056. Le Fils porte tous les péchés sur la croix

Sur la croix, le Fils porte tous les péchés ; il les révèle et il s'offre pour eux en sacrifice. Il souffre pour tout ce qui s'appelle péché, il porte aussi le pécheur avec son péché, il voit à travers le péché commis la personnalité du pécheur. C'est une confession par la souffrance ; cela lui fait mal que ce péché offense le Père. Il voudrait tout faire pour qu'il n'ait pas été commis ; il fait tout aussi de fait en accomplissant son sacrifice (NB 10, n. 2195).

 

1057. La faute universelle et la faute de chaque personne

Vendredi après-midi, vers trois heures. Le Seigneur est fatigué, il ne tiendra plus longtemps. Tout - les clous et le bois et le fait que le Père soit caché et le fait de ne plus pouvoir disposer de l'Esprit et la grande soif -, tout concerne la faute universelle et en même temps la faute de chaque personne. Tout s'imbrique totalement l'un dans l'autre et porte en même temps des coups séparément. Chaque aspect de la crucifixion a en soi deux côtés. Il s'agit de porter et aussi d'être porté par le bois dans les douleurs de la crucifixion qui a été exécutée par les mains d'hommes précis, et pourtant par tous, tandis que la main de Dieu ne les en empêchait pas, se retirait, devenait invisible. C'est comme un labyrinthe dont on essaie de sortir en tâtonnant mais sans espérer trouver la sortie parce qu'il s'avère absolument sans débouché ; il présente une infinité de courbes et de passages qui sont tous en eux-mêmes sans issue. Sans issue aussi sont les gens qui sont autour de la croix. Sans issue aussi est l’Église (NB 3,296).

 

1058. Tous les péchés qui sont dirigés contre le Seigneur (NB 4,289).

 

1059. Le Fils porte notre péché

Origène voit la médiation du Fils, son expiation, sa vie dans le monde comme une somme, une somme énorme de chemins de croix personnels, de purgatoires, étant donné qu'il a quitté le "ciel" du Père. Le Fils porte notre péché et il en a une parfaite intelligence parce qu'il est pur. Chacun de nous, purifié dans le purgatoire du monde, reçoit une participation à l'intelligence de son propre péché telle que l'a le Fils (NB 1/1, 391).

 

1060. Le Fils porte notre fardeau comme si c’était le sien

"Notre Père", car nous sommes devenus les frères de ton Fils par la confession ; en portant notre fardeau, le Fils fait comme s'il portait son propre fardeau. En étant suspendu sur la croix, il est comme l'un de nous, il ne veut pas se distinguer ; et ainsi, par lui, nous sommes devenus ses frères et tu es notre Père (NB 3,126).

 

1061. Le Fils a porté tous les péchés

Aucun péché ne doit nous priver de l'espérance, maintenant que le Fils a porté tous les péchés, et qu’il a refusé pour lui la consolation de l'espérance (NB 3,316).

 

1062. Porter le péché

Durant sa vie et sur la croix le Seigneur avait sa manière personnelle propre de considérer le péché et de le porter. Également quand il fut cloué sur le bois et que toute liberté lui fut enlevée, il restait libre personnellement, malgré le fardeau démesuré du péché, de le porter comme il le voulait, comme il l'avait projeté (NB 3,169).

 

1063. Il a porté nos péchés sur la croix

Nous avons refusé de suivre le Seigneur, nous avons refusé de l'aimer. Nous avons refusé de l'aimer en cherchant toujours notre bien et non le sien. Nous n'avons fait que mettre des obstacles sur son chemin. Nous l'avons laissé porter nos péchés sur la croix sans avoir jamais convenu que c'était les nôtres. Nous avons négligé son don pascal de la confession (NB 4,254).

 

1064. Le Seigneur a porté le péché en lui

Le Fils sait que, sur la croix, son sang sera versé jusqu'à la mort. C'est un sang humain. Non le sang d'un homme quelconque, mais son sang. Son sang pur qu'il ne connaît pas, mais dans lequel il a assumé tous les péchés du monde, si bien qu'on ne peut plus dire de ce sang ce qu'il est d'autant moins que lui-même ne peut plus et ne veut plus tracer en lui aucune sorte de limites entre lui et les pécheurs, le pur et l'impur. C'est cela justement qui le rend totalement étranger vis-à-vis de lui même. S'il voulait se souvenir de ce qu'il est, il rencontrerait en même temps tous les pécheurs qu'il a assumés. La séparation n'aura lieu à nouveau que par l'institution de la confession. Le confesseur doit séparer pour rapprocher le pécheur du Seigneur de la bonne manière. Mais la confession n'est justement instituée qu'après la croix, quand le Seigneur a porté le péché en lui (NB 3,258-259).

 

1065. Porter tous les péchés du monde

Le Seigneur traverse l'enfer le samedi saint. Porter tous les péchés du monde sur la croix, le Seigneur continue à le faire en accueillant tout ce qui a dit non. Car le refus de l'envoyé est péché et tout péché est porté sur la croix (NB 4,210).

 

1066. Il portera le péché de tous

C'est la volonté du Père que le Fils en tant qu'homme se crée un milieu chrétien - des amis, des disciples, des convertis -, qu'il rassemble autour de lui des croyants, comme doit essayer de le faire tout chrétien dans son milieu de vie. Mais la volonté du Père est aussi que le Fils fasse la connaissance de toute l'humanité, non seulement des types qu'il rencontre par hasard, car il portera le péché de tous et il devra ainsi faire connaissance avec chaque personne. Il aurait pu se faire qu'il ne rencontre pas dans son milieu telle vertu particulière ou tel péché particulier ; mais pour porter tous les péchés, il doit avoir fait l'expérience totale de la mesure de l'humain en bien comme en mal. En tant que moi humain, il doit faire la connaissance de chaque toi humain. Et cela non d'une manière psychologique, mais d'une manière qui lui est imposée par Dieu, qui le rend réceptif pour tout ce qui constitue la nature de chaque être humain qui est tombé. Dans sa passion, il ressentira à quel point l'abandon de Dieu ou l'attachement à Dieu ou l'ignorance de Dieu que possède tel ou tel homme pécheur peut marquer l'homme (NB 3,348-349).

 

1067. Le Seigneur a porté mon péché dans la douleur

Sur la croix, le Seigneur se fraie un chemin jusqu’à moi en portant mon péché dans la douleur. Ainsi il me fraie un chemin vers lui quand je peux porter mon péché dans sa douleur et alors je peux aussi trouver ma joie d’être racheté dans la joie de sa rédemption. C’est ainsi que le chrétien arrive à l’amour : de la souffrance et de la joie du Seigneur, il arrive à sa propre souffrance et à sa propre joie et de là aux autres (NB 4,71-72).

 

1068. Sur la croix, le Seigneur porte tout mon péché

Sur la croix, le Seigneur a porté le péché du monde comme le sien propre, il l’a expérimenté, avec l’humiliation de l’avoir commis, la honte d’être pécheur. Mais alors qu’un homme peut s’arrêter sur la voie en pente de la tentation et mettre fin au péché, il n’y avait pour l’Homme-Dieu aucune halte sur la voie de la croix après son oui d’autrefois à l’incarnation. Il fut placé en tant qu’homme sur cette voie qui le livrait à la honte ultime qui était la sienne. Sur la croix, la honte des autres n’existe pas. Le Seigneur porte tout mon péché et toute ma honte, absolument et jusqu’à la dernière goutte, et il n’est pas prévu que la même chose soit soufferte deux fois. Jusqu’à la mort, le Fils entre de plus en plus dans la nature et dans les effets du péché (NB 4,93).
 

1069. Avec sa croix, le Fils porte toute la faute de l'homme à l’égard de Dieu Trinité : le Créateur, le Rédempteur, l’Esprit Saint (NB 4,419).

 

1070. Sur la croix, le Fils porte le péché du monde entier

Le Père a engendré le Fils et l'a mis en face de lui, aussi bien qu'il a créé Adam et l'a mis en face de lui. Et dans le Fils crucifié, le Père rencontre de nouveau Adam et, en lui, tous les pécheurs. Le Père est avec le Fils parce que le Fils fait sa volonté, mais il est aussi avec les pécheurs parce qu'ils sont ses créatures et parce que, malgré même leur conduite mauvaise, il veut réaliser son dessein de les sauver et de les ramener au bercail. Ses créatures déchues, il ne les ramène pas seulement à leur point de départ, il les unit à lui plus profondément en son Fils. Dans le second Adam qui retourne au Père, est contenu le premier (car le Christ est un homme véritable et il porte le péché du monde entier). En portant tous les péchés du monde sur la croix, le Fils rend pour ainsi dire au Père la joie de l'acte de création : vue de la croix, la création est saine, très bonne. Ainsi les souffrances du Fils pour le monde pécheur deviennent les douleurs d'un enfantement grâce auxquelles il rend l'enfant (le monde) saint et sauf au Père. Si la croix est unique dans le temps, l'attitude du Fils en croix ne passe pas, si bien que les effets de la croix peuvent s'étendre à tous les temps de la création. Dans la croix unique, la création est guérie petit à petit (NB 6,260-261).

 

1071. La conscience du Christ de porter le péché des hommes

Quand le Christ - qui est Dieu, c'est-à-dire la vérité - regarde le péché des hommes en vue de la passion qui approche, il en est touché si intimement qu'il commence à apprendre à le connaître et à le porter intérieurement sans faire de distinction entre lui et les pécheurs. Il le reçoit au plus intime de sa conscience et l'y enferme. Une fois qu'il l'a reçu, il ne peut plus s'en défaire, ni non plus faire que ça n'a pas été fait. Il ne peut ni s'en désolidariser, ni le purifier, parce que au contraire il est contraint à la croix, contraint à subir, à éprouver, à sonder partout son horreur et son poids. Il ne peut le faire en tant que Dieu, qui connaît toujours le temps limité dans lequel cela se fait, mais seulement en tant qu'homme qui se trouve devant la rédemption à opérer comme quelque chose dont il ne peut pas venir à bout. Le péché dont il se charge est si grand qu'il ne laisse en lui aucun espace libre, ni aucune possibilité de repentir. Il ne l'a pas d'une manière qui donnerait l'occasion d'une conversion. Il l'a comme détaché de tout ce qui pourrait dégager à nouveau un chemin vers Dieu. Il l'a pour l'avoir. Il l'a dans le but de le subir tel qu'il l'a : sans allègement, sans adoucissement, sans pouvoir le répartir ni s'en débarrasser petit à petit (NB 6,238).

 

1072. Angoisse infinie du Fils qui porte le péché

L'ouverture d'une écluse ouvrant sur l'angoisse. Tout d'un coup la grande angoisse, l'angoisse infinie du Fils qui porte le péché. Et l’angoisse devant l'abandon absolu : quand le Père retire sa main. Comme on doit lâcher la main d'un petit enfant qui fait ses premiers pas. Le petit sait : maintenant, je vais certainement trébucher, et c'est ce qui arrive. D'un point de vue humain, son père a tort, l'enfant tombe réellement par terre. Puis une angoisse que l'angoisse pourrait être contagieuse comme une maladie. Angoisse que Marie et Jean et tous ceux encore qui se trouvent au pied de la croix pourraient être trop saisis par l'angoisse. Et à partir de là le double mouvement : l'angoisse que le Seigneur amasse en lui et que néanmoins il laisse ensuite un peu filtrer, car ceux-là sont quand même bien là et on n'a pas le droit de les priver totalement de leur part d'angoisse. Et l'angoisse qui grandit à partir des douleurs. La main fait mal, non avant tout à cause des clous, mais à cause des péchés qui ont été commis par les mains. C'est de ces péchés, qui se traduisent en douleurs, que le Fils a peur. Ces angoisses sont distribuées comme des pilules amères ; entre temps il y a à chaque fois un arrêt. On est conduit de l'une à l'autre sans rythme et sans ordre. On doit se comporter de manière purement passive, sans désirs personnels (NB 3,305).

 

1073. Le Seigneur porte les péchés du monde pour que l’homme puisse avoir confiance en Dieu

Sur la croix, le Seigneur porte les péchés des hommes, chaque péché, il se charge aussi par là de toute l'angoisse du monde. Il porte cette angoisse comme l'angoisse dont l'homme a hérité en tant que pécheur et qui le tient loin de Dieu à qui il a tourné le dos. L'angoisse devant Dieu, le Christ l'a prise sur lui. De ce fait, les plantes ne sont pas pour l'homme moins toxiques, ni les animaux moins sauvages, ni l'obscurité moins inquiétante. Mais il n'est plus livré à l'angoisse du péché. Au sein de ce monde, il peut avoir la confiance en Dieu, dans la foi. Que l'angoisse soit avant tout motivée par la mort, c'est évident à la croix. Car à la croix, ce ne sont ni la nuit ni les animaux sauvages qui sont à l'œuvre, c'est uniquement Dieu et le péché avec la mort. Entre Dieu et le péché est suspendu le Fils de l'homme qui, devant Dieu, porte dans son angoisse tout le péché qui le remplit d'angoisse parce que Dieu se détourne du coupable et l'abandonne. C'est justement le fait d'être abandonné par Dieu qui est sa mort. Et plus approche la mort, plus le Fils est abandonné par le Père, dans l'angoisse. Dans cette angoisse, il n'a rien pour se protéger d'elle. L'angoisse de la mort est qu'il a perdu le Père à l'instant même où il sait qu'il meurt sous le poids du péché (NB 6,246-247).

 

1074. Porter le péché du monde

L’onction à Béthanie est pour le Fils un signal : c'est maintenant qu'arrive le jugement. Le jugement a pour lui la forme de la mort sur la croix : il devra porter le péché du monde comme une exigence tout simplement démesurée. Pour nous, c'est la rédemption. Pour lui, cette onction le libère pour la nuit de la croix. Il va subir le jugement (NB 6,544).

 

1075. Porter les péchés

La volonté du Fils est de s'offrir et de porter les péchés, et le Père justement est en train de se cacher (NB 6,553).

 

1076. Il a porté mon péché

Dans le purgatoire aussi il y a une obéissance au Seigneur. C'est lui qui détermine la profondeur de la prière. Quand il le veut, il peut offrir à l'âme une sorte de prière parfaite dans laquelle elle oublie tout ce qui n'est pas lui, non dans une vision pour le moment, mais dans la profondeur d'un abandon qui la transporte là où il veut qu'elle soit, si bien qu'au milieu de sa prière elle peut tout d'un coup se réveiller remplie de honte en comprenant son péché. Elle se trouve maintenant devant lui, dépouillée et livrée et profondément humiliée, et son moi n'est presque plus qu'une fonction de son péché. C'est donc à cela ressemble le péché concret ! Il y a une vue sur la croix qui est caractéristique du purgatoire, où par l'expérience de son propre péché on a le regard libre pour voir ce que le Seigneur a fait sur la croix : il a porté mon péché (NB 6,368).

 

1077. Le Seigneur a porté le péché que j’ai commis aujourd’hui

Ma confession est comme une question au Seigneur : "Seigneur, as-tu aussi enlevé le péché que j'ai commis aujourd'hui ?" Dès qu'il est regretté et confessé, le Seigneur répond et me dit : "Je l'ai perçu, je l'ai porté". Et alors son représentant peut donner l'absolution. Si par contre je ne me confesse pas, je n'ai pas la certitude que le Seigneur a porté aussi ce péché. Je puis peut-être m'imaginer qu'il l'a porté, je puis m'en tenir à la pensée qu'il a porté tous les péchés. Mais je ne sais pas si ce péché y est (NB 3,123).

 

1078. Le corps du Christ porte le péché du monde

A la croix, le corps du Christ se révèle capable de porter le péché du monde, et le Ressuscité nous révèle de manière nouvelle sa corporéité (NB 12,172).

 

1079. La volonté du Fils de porter le péché est comme une passion pour un poison

Au ciel, le Fils a eu connaissance du péché et, durant sa vie sur terre, il l'a partout rencontré. Et puis, dans la passion, il le rassemble en lui. Finalement, sur la croix, il l'a en lui totalement; il ne le porte pas seulement par substitution comme un fardeau extérieur, il l'éprouve en lui-même. Le péché a sa vie en lui au point qu'il en éprouve toute l'horreur ; c'est l'unique moyen de le vaincre ; et en éprouver l'horreur veut dire : ne pas pouvoir le porter plus longtemps. Il en a plus qu'assez et il doit pourtant encore faire davantage, il doit comme attirer à lui tous les péchés comme un glouton ; la force qu'il déploie pour attirer à lui tous les péchés est plus forte que toute la force de reniement chez les pécheurs, elle est plus forte aussi que sa propre aversion. Sa volonté de porter le péché est comme une passion pour un poison (NB 3,257).

 

1080. Tous les péchés sur le dos du Seigneur

Dans sa passion, le Seigneur a porté tous les péchés, y compris les péchés des confessions de Pâques. Mais il faut que dans les confessions tout soit dit afin que cela soulage le Seigneur. Et pourtant tout ce qui est confessé est bien mis sur son dos (NB 3,295-296).

 

1081. Recevoir la charge des péchés des hommes

En tant qu'homme, le Fils ressent le péché d'une manière juste, c'est-à-dire comme Dieu le ressent dans son absolue pureté ; le Fils a la connaissance divine de l'offense faite à Dieu par le péché, une expérience qui se traduit par l'incarnation dans l'humain. De plus il possède l'innocence d'Adam avant la chute, il ressent donc aussi le péché avec la pureté humaine qui n'a pas péché. Mais il y a pour lui une troisième manière de ressentir le péché étroitement lié au temps de son existence humaine terrestre, une expérience intime du péché. Il sent et connaît le changement que le péché opère en l'homme. Il fait l'expérience de la différence entre pureté et état de péché. Il sait ce que ressentent ceux qui ont péché. C'est un cadeau que le Père lui fait afin qu'il puisse mieux porter la faute du monde, afin qu'en étant totalement homme il intègre réellement en lui toute l'expérience humaine. En raison de cette expérience, il ne sait pas seulement ce que je ressens quand je suis tombé dans un péché presque par hasard, mais également ce que je ressens quand je le projette longtemps à l'avance ou que je ne me repens pas de l'avoir commis. Ou ce que je ressens quand je commets un péché qui se trouve en dissonance avec tout mon caractère et ce que je ressens quand mon péché révèle mon caractère et le fait deviner. Il ne laisse de côté aucune possibilité d'expérience du péché. Ces formes d'expérience du péché valent pour la vie du Fils avant la passion, avant donc qu'il reçoive personnellement la charge des péchés des hommes. Elles sont les conditions de la passion (NB 6,178-179).

 

1082. Le fardeau du péché

Sur la croix, tout ce que le Fils voit et tout ce qu'il ne voit pas, tout ce qu'il comprend et ne comprend pas n'est toujours là que pour augmenter la souffrance. L'absolu semblait dans le monde être totalement perdu et réapparaître pour la première fois ici sur la croix. Et à la vérité comme quelque chose d'insupportable parce que l'absolu apparaît au milieu du fardeau du péché. Si nous n'avions pas péché, nous aurions gardé le sens de l'absolu. Ceci ne peut plus être montré aux pécheurs que sur la croix. Et on ne sait pas si le Fils rassemble tous les péchés pour montrer l'absolu dans le péché ou pour dégager un chemin pour l'absolu par la collecte de tous les péchés (NB 3,261-262).

 

1083. Le Fils porte le fardeau du péché pour sauver les hommes -

Sur la croix, le Fils prend sur lui le péché ; en étant porté, le péché subit une transformation qui conduit à la rédemption. Quand le péché du pécheur passe au Seigneur, le pécheur contracte avec lui une relation intime : lui aussi subit une transformation par le fait que le Seigneur porte son péché. Une partie de la traversée de l’enfer par le Fils a pour but de lui montrer ce que le Père fait avec l’œuvre de la rédemption : son effet. Il ne voit pas cette œuvre de manière positive - dans les rachetés -, mais d'une manière négative. Le caractère obscur de l’enfer, qui est caché dans le Père, est en quelque sorte un pendant de l'obscurité de la croix. Sur la croix, le Fils est abandonné, abandonné par le Père et par les hommes ; il porte le fardeau du péché pour sauver les hommes, il se tient en face du Père abandonné, abandonné par le Fils, qu'il n'a pas le droit de recevoir maintenant, et aussi par les hommes qui ne reconnaissent pas dans le Fils sa volonté (NB 3,188-189).

 

1084. Abandonné par le Père sous le poids du péché du monde

Quand le Fils devint homme, il a appris une autre manière de connaître le Père. Pour montrer au Père que la communication entre le Créateur et la créature est valable et que le Père peut être plus aimé qu'offensé par les hommes, le Fils a voulu acquérir une expérience du Père totalement humaine, et ceci veut dire aussi une expérience essentiellement autre que celle du ciel. Quand le Fils rencontre Jean et déjà quand il rencontre sa Mère, ils ne sont pas avant tout pour lui des personnes qui l'aiment, mais des personnes qui aiment le Père. En tant qu'homme, il apprend à connaître l'effet de l'amour du Père sur les hommes et il reçoit par là un nouvel accès au Père, un accès d'homme. Il voit aussi des hommes qui haïssent le Père et, en tant qu'homme, il ressent cette haine autrement qu'en tant que Dieu. Cette transformation de son image du Père du fait de son incarnation le conduit à saisir ce que veut dire pour un homme être abandonné par le Père. Tout d'abord il voyait un abandon de ce genre chez les pécheurs ; bien sûr il voyait moins le Père qui abandonne le pécheur que le pécheur qui abandonne Dieu. Maintenant qu'il est abandonné par le Père sous le poids du péché du monde, il a, par ce qu'il a vécu auparavant, une pré-compréhension d'un abandon de ce genre, et se pose alors la question de savoir si ce n'est pas lui qui a abandonné le Père comme les autres pécheurs (NB 3,226-227).

 

1085. Mort sous le poids des péchés

Le Fils a accompli l’œuvre du Père, et la descente aux enfers à la fin lui fait voir l’œuvre accomplie. Il voit de l'intérieur ce qu'il a fait, sans deviner comment d'une certaine manière. Il a fait tomber sur lui le péché et il est mort sous son poids mais, tant qu'il était vivant, il ne pouvait pas mesurer la dimension exceptionnelle du fardeau. Une fois mort, il la mesure. Une comparaison : je suis médecin et je suis en train de perdre mon sang. Je sais très bien qu'en cas de grave hémorragie je ne peux en perdre qu'un litre et demi sans mourir. Je saigne constamment pendant que vous vous affairez autour de moi. Je m'endors et je me réveille, et vous faites de longues mines auprès de mon lit. Qu'est-ce qu'il y a, je demande ; et vous dites : tu as perdu deux litres. Ainsi sur la croix, le Fils a fait plus qu'il n'était humainement possible ; cela, il ne pouvait pas le mesurer en tant qu'homme. Il ne le voulait pas non plus et il ne voulait pas faire appel à sa divinité pour le lui montrer. Ce n'est que dans la vision de l'enfer qu'il le mesure. Ce n'est que dans la confrontation de ce qu'il a souffert et de ce qu'il voit qu'il comprend à quel point le monde était perdu (NB 3,175-176).

 

1086. Écrasé par le péché

Vendredi saint, midi. Dans une sorte d'objectivité, le crucifié voit l’œuvre qui n'est pas accomplie : tous ceux qui sont loin de se convertir, la faiblesse des apôtres, les gens qui avaient entendu sa prédication et on n'en voyait plus aucun, les pharisiens endurcis, tous ceux pour qui il a fait des miracles et qui ne sont pas tous devenus témoins pour autant. Il est toujours plus écrasé par le péché au fur et à mesure qu'il rend au Père sa force, sa divinité. Il ne se prononce pas sur le point de savoir s'il a bien ou mal agi. Il ne juge pas. Le péché du monde ne cesse de fondre toujours plus sur la croix, sur son corps nu. Son corps en fait l'expérience ; il n'aurait pas tenu pour possible en quelque sorte qu'il y avait aussi ceci et cela. Non seulement les péchés du corps, mais toutes les sortes de péchés. En tant que Dieu, il voyait bien sûr du ciel chaque péché. Mais ce sentiment physique, expérimenté par le corps nu, est nouveau. Des hommes purs, quand ils sont avec des pécheurs, expérimentent parfois quelque chose de ce genre et cela fait partie de ce qui est le plus répugnant : on préférerait vomir. Le Seigneur sur la croix est cloué ; il ne peut pas s'éloigner. Il faut que tout soit exactement exécuté (NB 3,160).

 

1087. Le Fils veut prendre sur lui nos péchés

Le Père était seul parce que, par nos péchés, nous lui étions devenus étrangers ; ensuite le Fils va dans la solitude pour nous racheter afin qu’il puisse prendre sur lui tous les péchés qui nous rendent étrangers, tous les péchés qui rendent le Père solitaire et tiennent les hommes éloignés de Dieu (NB 4,126-127).

 

1088. Le Seigneur a pris sur lui tout le péché. On dit cela avec tant de légèreté, mais qu'est-ce que cela veut dire en réalité ? (NB 3,325).

 

1089. Le Christ a pris sur lui nos péchés

Le Christ, en tant que Fils du Père, vient de l'éternité pour, dans le temps, prendre nos péchés sur lui comme châtiment. C'est pourquoi c'est comme étant ce châtié qui porte les péchés que, venant du temps, il entre dans l'éternité. Parce qu'il est venu de l'éternité dans le temps par besoin d'être châtié pour nous, le ciel nous est rouvert avec son retour (NB 3,197).

 

1090. Le Seigneur veut dissoudre le péché

Tout le péché que le Seigneur porte, il veut le dissoudre jusqu'à ce qu'il ne soit plus rien, dissoudre l'enfer tout entier dans le chaos originel ! Difficile pour le Seigneur de porter tant de péchés rassemblés (NB 3,267).

 

1091. Le Seigneur a fait sortir le péché du pécheur par l’opération de sa passion

Le Seigneur a pris l'enfer sur lui en prenant en lui tous les pécheurs et en faisant sortir de lui le péché par l'opération de sa passion. C'est sa manière de devenir tout pour tous (NB 4,208).

 

1092. Le Fils est capable de séparer le pécheur de son péché

Il y a une action terrestre du Fils qui l'accapare totalement. Il agit avec une force et une compétence qui s'avèrent être bonnes. Il accomplit une mission qui se déroule dans le monde, pour la réalisation de laquelle il a reçu du ciel la force. Il a en lui une force libératrice qui est capable de séparer le pécheur de son péché. Et l’Église se laisse réellement engendrer et purifier par le Christ (NB 12,45).

 

1093. Déraciner le péché

Le péché sans doute, c'est le péché. Mais il importe fort de savoir qui le ressent. Au moment où je le commets, le péché a un autre goût que plus tard, quand je m'en repens et que je le confesse. Sur la croix du Seigneur, il a aussi un autre sens que dans sa vie d'autrefois bien que toute sa vie n'existe avec la croix et l'enfer que pour expier le péché. Le goût qu'il a du péché doit changer, d'une part parce qu'il doit accomplir pour le Père toute la satisfaction et puis parce qu'il doit accomplir cette satisfaction avec son être d'homme tout entier, donc à chaque phase de son existence. Dans sa période contemplative (ses trente premières années), le péché a un autre goût que dans sa période active (sa vie publique) ; le goût n'est pas le même quand il fait des miracles pour briser l'incrédulité des uns et affermir la foi des autres que lorsqu'il annonce la parole du Père pour démasquer le péché et le déraciner (NB 3,229).

 

1094. Le Fils remet nos péchés

Le Fils remet nos péchés malgré notre confession imparfaite (qui cache toujours encore quelque coin), en considération de sa Mère (NB 3,71).

 

1095. Le péché est mis en fuite par le Fils

Pour Marie jusqu'à la croix, le péché était mis en fuite par le Fils. Elle comprenait la victoire sans doute, mais elle la voyait comme un combat entre son Fils lié et le péché lié. Elle voyait le Fils lié mettre en fuite le péché lié. Elle voyait le péché de telle et telle personne précises, elle voyait le Fils se charger du premier péché, du second, du centième et du millième et les mettre en fuite, mais toujours comme des péchés liés à tel propriétaire (NB 3,142-143).

 

1096. Le Seigneur crucifié se penche sur le pécheur

Le pécheur devrait comprendre que le Seigneur crucifié se penche totalement sur lui, il ne pourrait plus alors laisser fermés les volets de son âme. Mais tout en étant dans la foi, il reste un incroyant : il ne veut jamais tenir pour vrai que c'est lui qui est visé. Il ressemble à Thomas, qui a un certain zèle, mais qui ensuite fait tout dépendre de ses propres moyens de connaissance. De cette manière, il peut tout au plus saisir quelque chose d'humain. Pour saisir quelque chose du divin, il faut toujours la grâce, et celle-ci requiert toujours du croyant qu'il renonce à lui-même. Qu'il renonce à ratiociner et à ergoter et à tout savoir mieux que les autres. La grâce submerge, c'est sa nature. Elle n'explique pas point par point, mais elle prodigue sa lumière comme le soleil. L'homme en qui Dieu se prodigue de la sorte devrait chanceler puisqu'il ne pourrait plus voir que la lumière de Dieu et non plus sa propre faiblesse. Il devrait renoncer à un équilibre, à un dialogue entre lui et Dieu comme entre partenaires, n'être que pur bénéficiaire, avec les bras ouverts, sans jamais pourtant pouvoir tout contenir parce que la lumière coule à flots partout, qu'elle demeure insaisissable et qu'elle est beaucoup plus que ce que peut saisir une seule personne. Comme si on tenait un petit récipient sous un puissant jet d'eau : il ne peut jamais se remplir parce que le jet est trop puissant (NB 6,520).

 

1097. Se laisser laver par le sang du Seigneur

Le pire est quand le pécheur s’excuse et se justifie lui-même au lieu de se laisser laver par le sang du Seigneur. Il a sans doute alors une connaissance objective du péché, mais il n’a besoin ni de prêtre, ni de Dieu. Au diable la « bonne volonté » du pécheur qui se justifie lui-même ! (NB 4,59).

 

1098. Sur la croix, les péchés doivent être effacés devant Dieu

La relation du Fils au Père inclut la relation du pécheur à Dieu. Sur la croix, les péchés doivent être effacés devant Dieu. Tous les croyants aussi, avec leurs peurs et leurs difficultés, sont inclus dans l'œuvre de la rédemption. Ainsi le Fils se tient devant le Père avec beaucoup d'étrangers, toutes sortes de gens. Afin que tout puisse arriver à la vérité, le Père doit pour le moment garder pour lui son ultime savoir. Le Fils ne cesse pour ainsi dire de se hâter vers lui comme un converti qui a reconnu le sens d'un dogme : "Maintenant j'ai compris l'Eglise catholique : puis-je être reçu maintenant ? Maintenant je crois à l'Immaculée Conception : puis-je être reçu maintenant ?" Non, pas encore, il y a encore beaucoup d'autres choses à comprendre. Finalement on y est : on peut faire le pas. C'est ainsi que le Fils également est exercé comme un homme à qui on demande de faire le maximum en différents domaines. Finalement, au mont des oliviers, le Père peut l'autoriser. Et le Fils sait d'avance que la croix sera indivisible et le Père inexorable, car ce n'est qu'ainsi que le Père est le reflet de son exigence filiale de vouloir tout donner. Dans le fait de tout donner, il y a aussi le "mérite" de la gratuité du don (NB 6,268-269).

 

1099. Le Seigneur a vaincu le péché (NB 4,340).

 

1100. Le péché est vaincu sur la croix 

Le samedi saint est le jour où l'obscurité du Père se découvre au Fils. C'est à partir du péché vaincu par la croix - péché qu'il est maintenant donné au Fils de voir - que devient clair pour lui le sens d'avoir été sur la croix (NB 3,194).

 

                157 La confession de toute l’humanité

 

1101. Christ s’est substitué à tous

P. Balthasar : Dans l'enseignement que je lui donnais lors de sa conversion, j'avais expressément souligné que la marque distinctive du catholicisme était la solidarité : le Christ s'est substitué à tous et ses membres suppléent les uns pour les autres (NB 8, n. 11).

 

1102. Sur la croix, le Seigneur fait, dans la souffrance, la confession de toute l'humanité (NB 1/2, 273).

 

1103. Le Christ confesse sur la croix devant le Père le péché de toute l'humanité

Le péché fut lancé dans le monde par les premiers hommes. Maintenant le second Adam rattrape le péché qui a été lâché pour le lier. Ce n'est que lorsque Dieu demanda des explications à Adam que celui-ci apprit en vérité ce qu'il avait fait ; le Fils de Dieu connaît tout le péché ; il a appris à le connaître dans ses semblables, il va chercher les péchés qu'il connaît ainsi, il les prend en lui et, quand il fait cela, ils deviennent ses péchés. Il ne les porte pas à la distance de Dieu ou d'un homme pur mais dans l'immédiateté du pécheur qui apprend vraiment dans la confession ce qu'est le péché. Le Christ confesse sur la croix devant le Père le péché de toute l'humanité : la prodigieuse réalité du péché du monde, le péché commis et celui qui le sera, avec son visage effrayant et menaçant qu'il ne peut plus supporter et à cause duquel il meurt dans la nudité et l'inutilité de la croix. Les grimaces du péché ne sont pas des démons ni des figures étranges inventées par l'imagination, elles montrent toutes ensemble les traits des pécheurs véritables. C'est la réalité de l'homme qui fait mourir Dieu incarné. Il ne peut y avoir pour lui d'autre arrangement avec le péché que celui de se donner lui-même, de laisser sa vie se répandre sous le poids de sa réalité épouvantable (NB 3,363).

 

1104. Confession de tous les péchés du monde -

Entre la dernière Cène et l'eucharistie telle que l’Église la célèbre après la résurrection, il s'est produit dans le Fils une transformation, il s'est passé quelque chose de très concret pour le corps du Fils entre les mains du Père. Peut-être que le sommet de l'abandon corporel s'est produit justement dans cette nuit, quand le Fils a remis son corps au Père, son corps dans l'obscurité, dans l'abandon, dont le Père a disposé. La confession du Fils n'est pas terminée par le fait qu'il porte le péché du monde et qu'il en meure, qu'il doive faire sur la croix une confession si inouïe qu'aucun corps humain n'est capable de la supporter ; elle continue dans le fait qu'après cette confession et après sa mort il attende là où le Père lui enjoint d'attendre et ce n'est qu'après avoir souffert passivement la nuit tout entière qu'il laisse se produire pour lui la résurrection. La terrible confession des péchés l'a fait mourir ; mais il ne s’ensuit pas de récompense immédiate, il est laissé dans un oubli total qui ne ressemble ni à une attente ni à une espérance, c'est un état où tout reste absolument entre les mains du Père : que cet état persiste ou qu'il change ou qu'il soit supprimé (NB 5,111-112).

 

1105. Sur la croix, le Fils s'est confessé pour nous (NB 10, n. 2142).

 

1106. La croix : grande confession publique

A la croix, Marie se compte elle-même parmi les pécheurs parce que le Fils se compte parmi eux. Elle porte ce qu’il lui laisse du poids des péchés de la manière dont il le souhaite. Et elle ne peut pas le porter autrement qu’en souffrant sous le poids de telle sorte que la question du tien et du mien ne se fait plus jour. C’est un mystère de solidarité. Dès que le Fils porte avec les pécheurs, il est exclu que la Mère ne porte pas avec lui. Qui passe du judaïsme au christianisme passe de la “justice” aux “pécheurs”. On ne peut pas contraindre un Juif juste à se compter parmi les pécheurs. Le chrétien, lui, est tout de suite plongé parmi les pécheurs. La croix est la grande confession publique, au fond l’unique confession publique, catholique, tout à fait vraie ; le Fils la fait, la Mère est là et elle ne se dérobe pas (NB 9, n. 2034).

 

1107. Le Seigneur a souffert pour la confession

« Je me suis confessé à celui qui est là" ; celui qui est là, c'est le prêtre, et derrière lui le Fils, et derrière le Fils l'Esprit et le Père. Car le repentir véritable est rare. Et la véritable confession encore beaucoup plus rare. Le P. Balthasar : Est-ce qu'il n'aurait pas été mieux de ne pas instituer la confession ? Adrienne : Non! Car le Seigneur a souffert pour la confession. Tout le surplus qu'il a souffert pour l'expiation des péchés commis, il l'a donné à la confession (NB 3,172).

 

               158 Le Fils et la croix 

 

1108. Le Fils a décidé d’aller dans le monde et dans le trou le plus sombre

Le Père et le Fils examinent le monde ; celui au fond qui examine, c'est le Père. Parce que le Fils a déjà décidé d'y aller. Ils ne voient pas seulement le diable ou la masse des pécheurs ou les pécheurs individuellement, ils voient les séducteurs. Et que veut faire le Fils ? Aller où se trouve l'obscurité totale, dans le trou le plus sombre (NB 3,238).

 

1109. Le Fils devient homme en vue de la croix

Le Fils devient homme en vue de la croix, il va prendre sur lui cette croix en présence du Père et de l'Esprit, uni à eux dans la plus stricte obéissance. Cela veut dire que le Christ sur la croix doit répondre aux plus hautes attentes du Père, qu'il doit donc subir la croix avec ses démesures divines afin que toute la Trinité de Dieu puisse opérer divinement la rédemption du monde (NB 2,127).

 

1110. En devenant homme, le Fils sait qu’il va vers la croix

Le Fils doit avancer sa décision d’aller à la croix au moment de sa naissance. En venant en ce monde, en devenant homme visiblement, il n’a pas le droit d’oublier qu’il sera visible par les hommes sur la croix quand il quittera le monde. Il vient et il va vers la croix ; il vient et il va par sa naissance. Il doit vivre constamment avec la pleine connaissance de la croix et pourtant en l’oubliant totalement (NB 4,98).

 

1111. Toute l’existence du Seigneur vise la croix

Le Seigneur n'a aucune sorte d'expérience préalable de sa passion, il l'ignore, somme toute. Et pourtant, toute sa vie durant, il connaît d'avance la croix; c'est une attente, mais sans anticipation. Et il a sa pré-connaissance céleste; il sait que tout son être d'homme vise la croix. Qu'il n'y a pas de retour. Mais quand ensuite elle arrive, c'est quand même tout autre chose. Car il n'a jamais voulu se préparer à quelque chose pour laisser au Père toute liberté. Quelqu'un qui saurait que dans cinq semaines il recevrait la bastonnade, pourrait s'entraîner à l'événement. S'endurcir peut-être pour donner ensuite l'exemple de celui qui supporte virilement. Il pourrait imaginer des moyens pour se rendre insensible. C'est justement ce que le Seigneur ne fait pas. Son existence vise la croix. Mais son vécu et ses expériences ne se laissent pas marquer par cela pour ne rien anticiper (NB 3,211).

 

1112. Toute la vie du Seigneur va vers la croix

Pendant toute la vie du Seigneur, il y a des hommes qui l'aident sur un plan ou sur un autre. Mais toute sa vie va vers la croix, elle est promesse qui marche vers son accomplissement. Et ainsi, ceux qui l'aident au temps de la promesse, il les prend avec lui sur le chemin de son accomplissement. Leur activité serait de peu de valeur si le Seigneur ne se les attachait pas chemin faisant. Il n'opère pas tout tout d'un coup. Déjà pour la femme qui perdait du sang, une force était sortie de lui ; mais c'est sur la croix que toute sa force sortira. Et sur ce chemin il prend avec lui ceux qui l'aident. C'est une coopération au sens large. Au sens strict, Dieu ne peut utiliser que des hommes qui sont élevés au-dessus d'eux-mêmes. Quiconque s'occupe de lui-même est inapte à la corédemption. L'une des œuvres de Jean-Baptiste, c'est d'élever des disciples au-dessus d'eux-mêmes pour les rendre aptes au service du Seigneur. Pour souffrir la passion avec le Christ, il est indispensable de s'élever ainsi au-dessus de soi. De même qu'une prière n'est utilisable pour l’œuvre de la rédemption que si elle se libère, de même aussi la souffrance : elle doit être imposée par le Seigneur, acceptée, endurée et rendue comme lui appartenant, et non comme m'appartenant à moi (NB 3,200-201).

 

1113. Le Fils devenu homme vit toujours en vue de l’heure

Devenu homme, le Fils doit à nouveau décider la croix. Il a reçu une chair et une âme qui habite dans la chair. Il a reçu tout ce qu'un humain reçoit et il doit voir maintenant que sa décision en tant qu'homme ne soit pas en retrait de sa décision divine. Il sait maintenant ce qu'est l'existence humaine. Il perçoit que les souffrances peuvent l'atteindre dans cet espace. C'est absolument réel. Certes la décision divine était également réelle. Mais c'était une réalité éternelle contenue dans la vie éternelle. L'éternité d'autrefois (la même que l'actuelle et la future) savait que la passion arriverait. Mais maintenant apparaît un avenir temporel. Le Fils ne doit pas attendre la croix comme un mal inévitable dont quelques années encore le séparent et dont pour le moment il n'a pas besoin de se soucier. Il doit au contraire apprendre en tant qu'homme ce qu'il fait comme Dieu : regarder la croix immédiatement, avec toutes les conséquences qu'implique ce regard. Rien ne peut être écarté, rien ne peut être estompé, tout le vécu doit être en lui plénier, comme une première fois, unique. Il sait que le Père vit le tout dans une plénitude divinement parfaite et qu'il attend que le Fils lui offre son cadeau, son don de lui-même avec la même plénitude. Ne fléchir nulle part, ne pas remettre à plus tard. Et le Fils sait bien maintenant qu'il vivra toujours en vue de l'heure, qu'il l'attendra à tout moment sans se situer vis-à-vis de l'heure du Père. Il ne cessera d'apprendre l'imminence de l'heure qui doit venir. Bien qu'il doive aussi apprendre à vivre toujours dans le présent pour transmettre aux siens cette "existence dans l'instant", il doit également compter avec les années, les jours, les heures, comme un humain doit le faire. La division du temps est un don de Dieu aux hommes, le Fils doit y avoir part comme à toute grâce que Dieu destine aux hommes (NB 6,137-138).

 

1114. La vie terrestre du Fils a été vécue dans la perspective de la passion

Nous existons sous le signe d'un châtiment qui a été décrété, qui vient, qui est comme notre "purgatoire"; celui-ci se trouve en relation très étroite avec le châtiment historique de la passion du Fils. On pourrait objecter que ce n'est pas tout le temps terrestre du Fils qui fut passion. Et pourtant cette vie fut vécue dans la perspective de la passion et dès le début elle se trouvait sous son ombre. De la durée de notre purgatoire nous ne savons rien. Mais le Seigneur porte notre châtiment, et ce que nous en portons est déterminé aussi par ce que porte le Fils (NB 3,197-198).

 

1115. Le corps du Christ est orienté vers la croix

Le Christ a reçu son corps avec son orientation vers la croix. Toutes les fonctions de ce corps sont orientés vers sa mort. Et ceci en vertu de la volonté du Père(NB 12,183).

 

1116. Le chemin du Fils va vers la croix

En assumant du Père sa mission, le Fils sait très bien que, dans son obéissance au Père, son chemin va vers la croix (NB 11,323).

 

1117. Au désert, le Seigneur se prépare à la croix

Bien que le Seigneur n'ait rien de coupable à purifier, il se met, en allant au désert, dans un état de plus grand don de lui-même, il affaiblit volontairement ses forces physiques simplement afin d'être plus préparé pour la croix (NB 6,140).

 

1118. Don de lui-même

Le corps du Christ n'est jamais plus fécond que dans le don qu'il fait de lui-même sur la croix ; seul ce don de lui-même lui permet de se prodiguer dans l'eucharistie. "Prenez ma chair qui est livrée pour vous", seul ce don de lui-même conduit à ce que le Père le réveille d'entre les morts et engage ainsi la résurrection générale des corps humains morts (NB 12,167).

 

1119. Sur la croix, le Christ, pur don de lui-même

Le Christ, durant sa vie, a demandé à l’Église de le suivre. Mais au moment décisif, sur la croix, il n'est plus que pur don de lui-même , il est vidé, Jean en témoigne (NB 12,65).

 

1120. Sur la croix, Dieu s’est vidé de lui-même

Sur la croix, le Père abandonne cet homme religieux qu’est Jésus. C'est à cet instant que devient visible la divinité du Fils. A l'instant où il meurt en tant qu'homme dans l'abandon. Et nous devons nous taire avec lui sur la croix et être abandonnés et être jetés dans la nuit pour comprendre à l'avenir, en jetant un regard en arrière à partir de la croix, sa lumière et sa présence telles qu'elles voulaient être entendues. Il n'était pas un surhomme, mais Dieu. Pas une puissance humaine extrême, mais la manière suprême pour Dieu de se vider lui-même. Ainsi, c'est le rien parfait qui est décisif et non le tout. Le tout serait certes fort compréhensible, mais seulement jusqu'à la croix. A partir de la croix, il n'y a plus que le rien qui est la clef de la compréhension. C'est par le silence que la parole reçoit un contenu qui est digne d'elle. C'est par la nuit que le jour s'éclaire (NB 3,209).

 

1121. Croix : le Seigneur n’exige plus rien

Sur la croix, le Seigneur n'exige plus rien. Ses trois années publiques étaient exigence, certainement dans le don de soi. Mais sur la croix le Fils n'est plus que don de lui-même et la dernière goutte qui s'écoule de lui est comme un don de lui-même anonyme à l’Église : il est déjà mort (NB 12,231).

 

1122. Le sacrifice de la croix

Abraham quitte son pays et, en offrant son fils en sacrifice, il anticipe le geste de Dieu qui viendra plus tard (NB 6,453).

 

1123. Le Fils renonce à tout durant sa passion

Quand le Fils, durant sa passion, dépose auprès du Père tout ce qui peut le réconforter, cela se trouve alors réellement auprès du Père. Mais ce qui est déposé n'a pas une existence isolée, indépendante, cela fait partie de l'ensemble de sa mission comme un aspect qui, maintenant justement, pour que la mission soit complète, doit être incompréhensible. En tant que dépôt, cela appartient aussi au Père et est à sa disposition, et le Père a le droit de le changer. Ce qui est déposé n'est pas un dépôt figé, cela doit occuper une fonction dans l'ensemble de la mission. Cela profitera à l'humanité parce que, par amour pour elle, le Fils renonce à tout sur la croix. Ce sont les "talents" que le Père lui a donnés comme au bon serviteur et qui doivent rapporter. Ils portent du fruit pour le Père bien que, sur la croix, le Fils ne sache pas ce qu'ils deviennent, car il les a donnés sans condition. Il ne les a pas déposés pour en disposer quand même encore plus tard (NB 6,47).

 

1124. Le Fils se laisse utiliser

La croix comme ultime utilisation de son être d'homme. Ce n'est pas le Fils qui l'utilise car pour lui la croix, c'est la fin, qu'elle dure aussi longtemps qu'on veut, de manière intemporelle ; il se laisse bien plutôt utiliser. Le Père l'utilise dans l'Esprit de leur convention. Entre l'Esprit et la convention et la mission, il n'y a ici aucune différence. Le Père se reflète dans la création, le Fils subit la rédemption, l'Esprit se concrétise dans les missions et les conventions (NB 3,260-261).

 

1125. Le Fils offre sa vie

Sur la croix, le Fils offre sa vie à l'humanité, et Marie offre à l’Église son statut de pré-rachetée, elle transmet intégralement à l’Église le cadeau qu'elle a reçu du Fils (NB 6,482).

 

1126. Le Fils vient à la croix par amour (NB 9, n. 1635).

 

1127. L’amour du Fils sur la croix

Dieu a besoin, pour le monde, de l'amour du Fils sur la croix. Il a besoin de l'amour de celui qui est conduit par l'Esprit, il en a besoin pour celui qui est conduit, mais tout autant pour le monde (NB 6,449).

 

1128. Sacrifice d’amour

Dans l'amour du Fils pour les hommes, dans son sacrifice d'amour sur la croix, par lequel il rachète tous les hommes parce qu'il les aime, il y a toujours un renvoi à l'amour trinitaire tout entier (NB 12,37-38).

 

1129. La souffrance du Fils sur la croix : expression d’un amour

La souffrance du Fils est l'expression d'un amour qui vient de Dieu. Ainsi il est clair pour nous qu'il doit avoir souffert infiniment plus que nous ne pouvons l'imaginer. Quand la foi se fortifie en nous, nous comprenons la souffrance autrement, non plus superficiellement mais en son centre ; en souffrant nous-mêmes ou en regardant la souffrance du Seigneur, nous apprenons que la souffrance sur la croix est l'expression de l'amour intra-divin. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour qu’il puisse se révéler, son amour souffre (NB 6,329).

 

1130. Sommet de l’obéissance

L'obéissance du Fils au Père atteint son sommet dans l'obéissance de la croix (NB 11,270).

 

1131. Obéissance du Christ

L'obéissance d'Adam avant le péché et l'obéissance du Christ qui, sur la croix, porte en lui tout le péché, embrassent toutes les possibilités d'obéissance et de désobéissance (NB 6,549).

 

1132. Obéissance divine sur la croix : marque de sa divinité -

Le Seigneur sur la croix : sa divinité est mise en marge par obéissance ; pour lui maintenant, c'est sans importance. Une telle expérience est à comprendre exclusivement par l'obéissance. Qui n'est pas obéissant dira : c'est une pure impossibilité ! La croix tout entière ne se comprend que comme pure obéissance. Si le Seigneur disait : Tonnerre ! Je suis quand même Dieu en fin de compte ! Il serait en dehors de la croix. Mais il serait aussi en dehors de sa divinité parce qu'il ne serait plus dans l'obéissance. C'est justement son obéissance sur la croix qui est la marque distinctive absolue de sa divinité sur la croix. Et nous aussi nous pouvons en quelque sorte être obéissants, peut-être au-delà des limites de nos capacités, parce que Dieu fut si obéissant sur la croix qu'il n'était plus qu'homme. C'est en tant qu’Homme-Dieu que le Fils prête cette obéissance absolue en accordant, en tant que Dieu, à son être d'homme la place que le Père veut. C'est une obéissance divine envers le Père. Mais une obéissance si divine qu'en elle est déjà prévue une place pour notre obéissance. Il y a cette place pour notre obéissance "divine", qui nous dépasse, parce que l'obéissance du Fils sur la croix était divine et divinement parfaite (NB 3,215).

 

1133. Obéissance du Fils sur la croix

Sur tout le chemin terrestre du Fils, son obéissance au Père est continuellement visible, comme elle est visible aussi en Marie dans un certain parallèle. Le sommet du don de lui-même apparaît sur la croix où le Fils se donne jusqu'à la mort (NB 2,217).

 

1134. La croix et la volonté du Père

Quand le Seigneur va à la croix, celle-ci n’est pas pour lui un complément de son passé, il abandonne tout ce qu’il a à la volonté plus grande du Père (NB 9, n. 1855).

 

1135. Le Fils sur la croix, sans rien voir, s'abandonne à la puissance du péché et à la volonté du Père (NB 6,265).

 

1136. Le Père a le dernier mot

Pour le Fils, le Père a le dernier mot ; c'est à lui qu'est laissée toute la mesure de la passion (NB 3,343).

 

1137. Passion : tout est remis au Père

Tout est remis au Père. Que cela se passe dans la nuit facilite au Père son action, car la mission a atteint son sommet quand le Fils, dans sa nuit, ne peut plus suivre ce que le Père entreprend avec lui. C'est dans cet extrême qu'arrive la résurrection, et elle arrive de telle manière qu'elle est une pure surprise. Elle n'est pas ce que le Fils attend, parce que le Fils s'est dépouillé de toute attente. Tout était tellement sans issue que n'est perceptible ni un soupir de soulagement : "Enfin !", ni la pensée : "C'est bien ce que j'avais imaginé !" Le Fils était dans un état d'obéissance divine où le meilleur état est celui qui porte la marque du Père et où l'obéissant se garde d'exprimer quelque chose de son état afin que le Père ne change rien à ce qu'il avait projeté (NB 5,112).

 

1138. Totalement entre les mains du Père

Le Christ a dit oui toute sa vie ; le Seigneur n'a pas morcelé sa croix, il ne l'a pas goûtée à l'avance, il ne s'est pas familiarisé avec elle petit à petit au cours de sa vie pour atténuer le choc de l'heure. Le caractère mystérieux de la croix, le Seigneur l'a remis totalement entre les mains du Père (NB 2,125).

 

1139. Le Seigneur sur la croix juge selon la norme du Père

Le Seigneur sur la croix s'occupe de ceux qui sont suspendus à côté de lui et laisse pour le moment les autres où ils sont ; il se soumet à la limitation que Dieu lui impose et il juge selon la norme du Père (NB 4,435).

 

1140. Sur la croix avec sa nature de Fils

Le Fils est allé à la croix tel qu'il était, il souffrit et il mourut avec ce qu'il avait ; démuni certes de toute aide, mais avec sa nature de Fils ; ses paroles étaient des paroles du Fils, elles correspondaient à sa personnalité, à sa mission de glorifier le Père (NB 3,187).

 

1141. Volonté de se répandre

Le mystère de la présence réelle (dans l’eucharistie) est bâti sur les mystères de la souffrance, il en est une partie. La croix et le calice ne sont pour le Christ que l'expression de sa volonté de se répandre totalement, divinité et humanité (NB 8, n. 96).

 

1142. Comprendre la croix

Il y a des choses, de nature spirituelle ou corporelle, qu’on ne peut comprendre que dans la plus profonde fatigue, la plus extrême exigence, peut-être même la plus extrême humiliation ; de la même manière peut-être que le Fils de l’homme en tant qu’homme n’a pleinement compris la croix que lorsqu’il était sur le point de mourir et qu’il était absolument au bout de ses forces (NB 8, p. 487).

 

1143. Le Fils ne pose pas de questions

Le Père permet que le Fils soit frappé. Il n'est pas permis au Fils de demander combien de coups il y aura, ni où, ni comment il sera frappé. Justement parce qu'il sait que le Père gère les choses, il ne pose pas de questions. Les questions réduiraient à rien deux sortes d'éléments : d'abord le caractère soudain de la passion qui se produit au gré de celui qui la gère, et ensuite l'acceptation absolue sans jugement restrictif. Si le Fils se donnait lui-même la passion, le rôle du Père serait pour ainsi dire court-circuité. Et le Fils pourrait demander au Père : Père, si je suis vraiment crucifié, auras-tu besoin de mon abandon total ? Est-ce que le vendredi saint sera cette semaine ? Est-ce que la nuit du samedi saint suivra encore, ou bien est-ce que Pâques suivra tout de suite ? Est-ce que la passion sera la totale exigence démesurée de ma nature humaine, ou bien est-ce que ma surnature allégera la passion ? Par ces questions et d'autres semblables, toute la passion pourrait être faussée d'avance. Tout serait déjà réglé, le choc amorti, il y aurait moyen de s'arranger, de se consoler, de se fortifier ; on doserait soi-même la passion. On pourrait vouloir entrer dans la passion sous conditions de sorte qu'à tout moment on pourrait crier : "Assez !". On se soumettrait "généreusement", mais en y mettant des limites secrètes, une réserve. Elle réduirait le tout à rien. Le Père doit pouvoir gérer librement la croix. Le Fils doit oublier qu'il est Dieu qui dispose (de tout), dans une obéissance qui non seulement est aveugle, mais qui inclut aussi une sorte d'étonnement et le sentiment d'être pris à l'improviste par le rôle du Père. Il laisse le Père décider ; c'est la manière dont le Fils voit maintenant le Père. C'est une connaissance contemplative de la toute-puissance du Père (NB 6,222-223).

 

1144. Le Fils va vers la croix sans discuter

Le Fils va vers la croix comme l'agneau de Dieu qui n'ouvre pas la bouche, il n'émet aucune prétention, même pas celle de comprendre. Le Fils n'argumente pas : "Il serait certainement mieux d’œuvrer ici-bas encore quelques années, j'ai à peine commencé, il y aurait encore tant d'atouts à gagner pour le Père et pour son royaume". Finalement il sacrifie à la seule obéissance tous ses atouts et toutes les vertus qu'il pourrait encore déployer au service du Père. Cela fait partie essentiellement de la croix, plus essentiellement que toutes ses souffrances physiques (NB 11,290).

 

1145. Le Fils acquiesce

Si Dieu aime Dieu et si Dieu est Dieu, alors Dieu fait ce que Dieu veut, et cela dans un amour qui laisse à chaque volonté de Dieu sa totalité. Le Fils, dans sa mission divine, est totalement indifférent vis-à-vis du Père. Son indifférence va si loin qu’elle inclut aussi son amour pour le Père et l’amour du Père et qu’elle se laisse déterminer par eux. Il est engendré par l’amour du Père ; c’est par l’amour du Père qu’il est Dieu. Tout en lui provient de l’amour du Père, donc également son indifférence, son service. Et quand, à la croix, le Père se voile, le Fils a réussi à y acquiescer éternellement par avance et il ne cesse de le faire (NB 9, n. 1997).

 

1146. Le Seigneur est nu

Le Seigneur était nu sur la croix. La ceinture fut, pour l’Église, le commencement de la volonté de ne pas voir. On devrait du moins savoir que c'est l’Église qui couvre la nudité. Elle peut avoir pour cela ses bonnes raisons. Mais elle a trop oublié qu'il y a la nudité du Seigneur (NB 12,11).

 

1147. La croix : ultime nudité devant Dieu

Job se voit privé de plus en plus de choses : ses biens extérieurs, ses proches, des choses qui concernent sa propre personne, corps et âme. Il est conduit sur une voie de total dépouillement, de vide, de nudité devant Dieu. Mais parce que l'ultime nudité devant Dieu sera atteinte quand le Fils sera suspendu à la croix (NB 5,54).

 

1148. Impuissance

Adrienne raconte qu’elle voit partout le même tableau, où qu’elle tourne son regard : le Christ sur la croix, à moitié mort, à mi-chemin entre la vie et la mort. Son abandon, son impuissance sont insupportables. Mais le tableau lui est tenu devant les yeux de telle sorte qu’elle ne peut y échapper. Il contient en même temps une exigence immédiate, inévitable, de l’aider, de collaborer (NB 8, n. 586).

 

1149. Le Fils est impuissant

Sur la croix, le Fils ne pourrait être aussi impuissant et il ne pourrait autant se donner lui-même si le Père n'était si puissant et si exigeant (NB 12,23).

 

1150. L’amour de Dieu humilié

Quand on a pu contempler un beau mystère du ciel, il est d'autant plus horrible de voir sur terre l'humiliation du Fils. Quand on a pu deviner la grandeur de Dieu, il est d'autant plus affreux de voir sur la croix à quoi il a été réduit. Il ne s'agit pas d'une procédure purement objective (comme chez le médecin on se met à nu pour montrer un membre malade et qu'on n'en fait pas une histoire) ; il est question justement que ce qui est subjectivement sensible, l'amour de Dieu comme tel, doive être déshonoré, humilié (NB 10, n. 2060).

 

1151. Le Seigneur va à la croix comme un vaincu

Dans le Nouveau Testament, le Seigneur entre dans son ultime souffrance comme un humilié. Il porte sa croix non comme un fardeau qu'il a pris lui-même, qu'il a choisi selon ses forces. Il la porte comme quelqu'un qui s'est sacrifié, qui s'est donné, un humilié. Sur son chemin de croix, il nous montre que sa souffrance est une souffrance imposée comme l'est aussi à sa suite notre souffrance, qui finalement est aussi sa souffrance, elle ne nous est que prêtée, elle ne nous est pas remise pour être la nôtre. Il n'entre pas dans la souffrance avec des sentiments élevés, avec le sentiment que finalement il sera vainqueur. Il va à la croix comme un vaincu. Nous n'avons pas le droit de chercher à éviter la croix du Seigneur, même pas avec la conscience que le Père l'a ressuscité. Aussi longtemps que Dieu le veut, nous avons à porter la croix de la manière dont le Fils l'a portée : dans l'humiliation (NB 1/2, 103).

 

1152. Combat du diable avec Jésus sur la croix

Le soir, assise à son bureau, Adrienne essaie de dire un Notre Père. On peut, dit-elle, dire le Notre Père de manières très différentes. Le prier par exemple à partir de telle ou telle situation de la vie de Jésus. Aujourd’hui elle le prie à partir de la croix. Mais pendant qu’elle essaie, cela devient si terrible que c’est à n’y plus tenir. Elle regarde Jésus sur la croix et le diable qui lutte avec lui pour le jeter en bas de la croix. C’est un combat énorme qui remplit le monde entier et dont tout dépend. Et à cet instant, elle ne sait pas si le Christ vaincra, car le diable lui semble infiniment fort (NB 8, n. 559).

 

1153. La croix : exigence démesurée

On est uniquement renvoyé à la croix du Seigneur qui est toujours associée au sentiment d'une exigence démesurée, au sentiment qu’on n’en peut plus (NB 3,385).

 

1154. Le Seigneur a connu sur la croix une exigence démesurée (NB 11,265).

 

1155. Exigence démesurée

Dans l’ancienne Alliance, une certaine discussion avec Dieu est pardonnée qui n'est plus permise quand on suit le Christ. Parce que, dans l'ancienne Alliance, Dieu apparaît comme un partenaire qui se trouve en vis-à-vis, il concède que le prophète se comprenne aussi comme un partenaire et discute avec Dieu. Des explosions de rébellion, une conduite hésitante, même la désobéissance restent souvent impunies, pour mettre finalement en évidence la plénitude de la grâce qui sera offerte aux chrétiens. Le véritable héritier de l'exigence démesurée des prophètes sera le Fils sur la croix et il distribuera aux siens quelque chose de son exigence démesurée, ce qui lui semble bon, mais de telle sorte qu'y soit toujours visible une grâce plus grande (NB 6,168).

 

1156. Souffrance démesurée

La souffrance du Christ est si démesurée et le péché si profond et si inépuisable qu’on ne peut rien faire (NB 8, n. 342).

 

1157. La croix, événement démesuré

La croix, événement démesuré ; Jésus, suspendu à la croix, souffre jusqu'à la mort pour opérer notre rédemption (NB 2,62).

 

1158. Sur la croix, le Fils offre plus que ce qui est exigé

Il y a le surcroît de souffrances au-delà du fardeau des péchés. Ce qui a été offert par le Fils est toujours plus grand que ce qui est strictement exigé, car il répond toujours à toute la volonté éternelle du Père, non en y répondant peu à peu, en la réduisant pour ainsi dire. Et ainsi le Fils souffre plus que ce que provoque le fardeau des péchés, plus au fond que ce qu'il y a à racheter, il donne plus que ce qui est exigé (NB 3,255).

 

1159. Épouvantablement lourd

Sur la croix, le Fils rendra tellement tout au Père qu’il ne verra plus le but de la croix, il ne verra plus que ce qu’elle a d’épouvantablement lourd (NB 9, n. 1992).

 

1160. Le tout est insupportable

Le Fils est abandonné jusqu'à la mort. Il ne reçoit aucune réponse. Le Père ne répond pas et le Fils lui prend pour ainsi dire la possibilité de répondre par sa question : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Il remet en question toute la relation, il dit : "Mon Dieu, mon Dieu" ; d'un côté, il embrasse toute sa relation au Père, mais en même temps, avec sa question, il ruine la relation ; la conversation ne peut pas avoir lieu. Et ainsi c'est encore une fois le tout qui, en tant que tel est déjà insupportable, le tout auquel tout le reste - le fait d'être cloué, le fait d'avoir soif, etc. - ne fait que rendre attentif. Tout déjà est accompli, tout possède déjà ses ultimes contours, tout semble déjà être arrivé quand le Fils prend la croix sur lui, et pourtant d'un autre côté rien ne peut encore être arrivé parce que tout le déroulement doit se passer pour que le tout soit obéissance jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort sur la croix ! Abraham a conduit son Fils sur la montagne et a tout préparé pour le sacrifice, et pourtant le sacrifice demeure non accompli dans une ultime obéissance parce que Dieu se réserve pour lui-même l'accomplissement, parce qu'il veut mettre son Fils à la place d'Isaac pour remplacer la foi des juifs par la foi des chrétiens, pour mettre la rédemption en tant que vie du Fils au-dessous de la vie des hommes. Le Fils connaît Abraham et Isaac, il est au courant du sacrifice qu'il offre au Père et il l'offre au Père comme Abraham et Isaac ne pouvaient pas l'offrir à Dieu parce celui qui n'est qu'un homme ne pouvait aussi être placé par Dieu que dans une obéissance humaine tandis que l'obéissance de l'Homme-Dieu contient toujours le principe supérieur du plus qui en fait tout à la fois une totalité et quelque chose d'inexplicable. Et quand un être humain reçoit de ressentir quelque chose de la passion du Christ, un clou ou une épine, il sait que cela n'a pas la possibilité que ce soit possible dans son ultime vérité parce cela se joue dans une sphère qui est au-delà du possible, une sphère qui n'est rien d'autre finalement que la sphère de l'obéissance humaine et divine du Fils de Dieu. On peut méditer la passion, on peut aussi se voir imposé quelque chose des douleurs du Seigneur, mais toute participation n'est qu'une partie du tout qui est le tout même sans cette part et qui est toujours déjà accompli comme tout (NB 3,328-329).

 

1161. Ampleur de la passion du Christ

En partant de Job, on doit porter son regard sur la parole du mont des oliviers et sur le cri d'abandon sur la croix pour avoir une idée de l'ampleur de la passion du Christ (NB 5,56).

 

1162. Lassitude absolue

On requiert de l'homme Jésus ce que Dieu seul au fond peut faire. On requiert du Christ-Dieu ce que l'homme seul peut faire. On requiert aussi une succession ininterrompue d'actes sans se soucier que les uns ne peuvent être posés que par un Dieu, les autres seulement par un homme. Quelqu'un étudie un livre de philosophie, il est replacé en même temps dans la conscience de ses années d'enfance et maintenant on lui dit : Lisez très attentivement les premiers chapitres, on vous interrogera là-dessus. L'intéressé ne comprend rien ; dans le meilleur des cas, il sait qu'il y eut un temps, inaccessible (parce que c'est du futur), où il le comprenait. Ainsi le Seigneur ; il sait : je le pourrais en tant que Dieu (mais c'est le futur ou le passé, en tout cas pas le présent). Maintenant je ne le peux pas. Une telle conscience provoque une lassitude absolue. Elle donne aussi à l'obéissance une forme impossible (NB 3,258).

 

1163. L’angoisse du Seigneur devant la mort

Angoisse du Seigneur devant la mort ; pas forcément devant la croix. Il sait sans doute ce qu'est la mort chrétienne et le retour au Père. Mais l'angoisse était maintenant comme fixée dans la chair : le raidissement, le refroidissement, l'état physique de mort : désagréable, triste, surtout provoquant la suffocation. Le temps était arrêté, l'angoisse n'avançait pas (NB 3,343).

 

1164. L’angoisse du Seigneur appartient au péché

L’impossibilité de s'adapter exprime exactement sa défaillance dans l'angoisse de la croix. Quand un homme ordinaire éprouve de l'angoisse, il peut essayer de s'en détourner et de s'accrocher ailleurs. Ou de voir autrement ce qui est inéluctable. Ou d'attendre un miracle. Ou de séparer les éléments compacts de son angoisse pour qu'apparaisse quelque part une brèche, que s'ouvre une issue. Mais sur la croix, tout ce qui pourrait ressembler à une ligne possible de fuite est bloqué par la divinité du Fils ; la force divine, qui semble l'abandonner, le plonge dans une angoisse qui ne cesse de grandir. Il fait si bien la volonté du Père, tout en ne la voyant plus, qu'elle s'enfonce toujours plus profondément en lui par cette action. Si le Fils n'était pas Dieu, il pourrait être le spectateur de son angoisse, il devrait reconnaître son authenticité justement à ces caractéristiques. L'expérience angoissée du péché faite par le Seigneur signifie combien grand est le péché ! L'angoisse du Seigneur sur la croix appartient absolument au péché (NB 5,103-104).

 

1165. La croix et l’angoisse

Angoisse au désert, au mont des oliviers, sur la croix. Ces trois situations d'angoisse sont des situations de prière. Le jeûne dans le désert est expressément un temps de prière ; au cours de ce jeûne, le Seigneur est introduit toujours plus avant dans l'angoisse et dans la tentation. Le péché pour lequel il est tenté est le "péché en général" ; il lui est présenté par le diable ; c'est le péché en tant que réalité non détaillée, non décomposable, il est présent dans la réalité de la tentation. A son ensemble informe il mesure d'avance de loin ce que sera sa passion. La question de la passion est soulevée, sérieusement, inévitablement. Et maintenant il sait aussi pourquoi il a de l'angoisse. Au mont des oliviers, une nouvelle expérience du péché : au terme de sa vie publique, dans le prélude à la croix. Sur la croix, lui et le péché ne seront plus l'un à côté de l'autre comme autrefois, mais l'un sur l'autre : le crucifié sera écrasé par le péché. Le désert est le diagnostic de la maladie mortelle, le mont des oliviers est le compte rendu des mesures prises : il faut opérer, et l'angoisse avant l'opération. Ensuite les événements suivent leur cours pour l'intéressé. Le désert, c'est l'obligation d'un examen, la matière se trouve devant l'intéressé et il pense d'une certaine manière qu'il pourra en venir à bout. La vie publique, c'est l'étude ; les différents livres qu'on voyait auparavant de manière globale, sont ouverts, l'expérience est accumulée. La croix, c'est l'examen. Le mont des oliviers, c'est l'affolement avant l'examen. Le Seigneur voit la possibilité d'additionner tous les péchés dans un accroissement incroyable : c'est beaucoup plus que ce dont on peut venir à bout. Et il sait très bien que dans l'examen de la croix tout sera exigé. Quiconque participe à la corédemption apprendra à connaître l'angoisse. Elle ouvre le chemin. Elle est le signe du ton total de soi et le signe qu'on sait qu'il est accepté par Dieu (NB 3,203-204).

 

1166. Angoisse du Seigneur : le Père prend le Fils au sérieux

L'après-midi, vu le Seigneur avec la croix. La croix se trouve d'abord par terre, et le Seigneur se livre à une méditation : quand la croix sera debout, son horizon sera beaucoup plus étendu et plus ouvert, cela lui permettra une vue sur le monde, non qu'il se tiendra alors au-dessus de lui, il se trouvera au beau milieu du monde et il l'examinera. La crucifixion lui paraît ainsi nécessaire et également le lieu choisi pour elle. Le même après-midi, angoisse : s'engager d'innombrables fois, chaque fois d'une manière tout à fait différente. Une fois le regard angoissé du Seigneur qui maintenant déjà n'en peut plus avant même que cela commence et qui reçoit son impuissance comme un signe que le Père le prend au sérieux dans son amour objectif, un amour qui ne facilite rien mais qui augmente encore l'authenticité de l'angoisse (NB 3,304).

 

1167. Angoisse devant le péché et devant Dieu

L’angoisse dans laquelle entre de plus en plus le Fils aimant et qui le concerne à un double titre - angoisse devant le péché et angoisse devant Dieu - ne s'épuise pas à travers tout le temps de l’Église. Lui-même a connu toutes les angoisses et il les a connues à l'état pur ; il a vidé le calice jusqu'à la lie. Mais ce rassemblement en lui toutes les angoisses pour les épuiser, connaît aussi, à l'opposé, le mouvement d'ouverture dans lequel elles sont partagées à d'autres, à ceux qui suivent le Christ. En ce sens, Paul peut souffrir ce qui manque encore aux souffrances du Christ ; et pourtant ce qui manque à ces souffrances, le Seigneur l'a déjà supporté depuis toujours (NB 5,101).

 

1168. Angoisse éternelle

L'angoisse semble déjà durer éternellement. On ne peut pas s'imaginer qu'un jour elle n'ait pas été là. Mais si on pouvait lui échapper, ne serait-ce qu'un instant ! Il n' y a pas d'issue. Et les souffrances augmentent : jusqu'où ? Le Seigneur sur la croix sait qu'il est Dieu et pourtant il souffre. Il sait en même temps que ce n'est pas une occupation maintenant de se savoir Dieu. Tout est une question d'obéissance. Le Père a laissé le Fils s'incarner dans l'obéissance pour qu'il puisse mourir sur la croix. Et pourtant il n'en est pas moins Dieu (NB 3,214-215).

 

1169. Ce que le Christ éprouve : abandon de Dieu, angoisse, douleur et honte (NB 3,43).

 

1170. L’angoisse du Christ

L'angoisse du Christ commence là où le Christ s'est dépouillé de toute la sécurité provenant du Père pour se mettre dans le risque du Père (NB 1/1, 209).

 

1171. Le Seigneur nous a acquis par son sang

Le Seigneur nous a acquis par son sang. Mais il ne va pas en sang en enfer. Le sang qu'il a répandu recouvre pour ainsi dire quand même les péchés : ils sont rachetés par ce sang. Maintenant, en regardant, il voit l'effet du sang sur les péchés. Il ne voit pas l'effet de sa présence actuelle, mais celui du sacrifice qu'il a offert. Il voit aussi que le mystère le plus profond du Père ne peut pas exister sans lui, sans son être. Il y est déjà inclus (NB 4,26).

 

1172. Souffrance unique

Il y a eu d'innombrables crucifiés, mais aucune mort sur la croix n'est comparable à celle du Christ parce qu'aucun autre homme n'eut, ne fût-ce que de loin, la faculté de souffrir spirituellement comme lui (NB 12,217).

 

1173. Souffrance du Crucifié

Après une nuit horrible, le matin vers cinq heures Adrienne s’était trouvée devant le Crucifié et avait dû regarder son supplice. Il est beaucoup plus atroce de voir la souffrance du Christ dans leur démesure que de souffrir soi-même (NB 8, n. 218).

 

1174. Sa souffrance est réellement le centre de toutes choses

La croix. Tout ce qui fut : les événements, les rencontres, l'enseignement du Père exposé de manière vivante, toute l'ancienne Alliance, tout le temps de l'humanité depuis les origines, la création du Père, la décision céleste en faveur du monde et de sa rédemption, tout est comme la préhistoire du présent, tout se rencontre ici. De même qu'un homme ordinaire porte sa vie d'enfant dans sa mémoire, de même le Crucifié porte tout en lui jusqu'à sa vie éternelle avant l'incarnation. En lui, tout est présent pour approfondir sa souffrance et, en même temps, pour qu'il sache que cette souffrance maintenant est réellement le centre de toutes choses. Le savoir ne lui procure aucun soulagement d'être parvenu à ce point central, il est plutôt averti de ne rien laisser dans l'ombre de ce qui fait partie de cette souffrance. D'autre part on voit qu'on doit avoir été profondément heureux, qu'on doit avoir reçu et donné l'amour qu'il fallait pour être uni à la croix. Car tous les événements de la vie, qui émergent justement maintenant dans la mémoire, il faut absolument y acquiescer à la lumière du présent. Le film qui se déroule demande une claire confirmation : tous les tableaux, qui sont comme replacés sous les yeux pour un nouveau choix, doivent être choisis et acceptés à nouveau du haut de la croix : "C'est exactement ce qui devait se passer !" (NB 6,263).

 

1175. Regarder l'infini de la souffrance du Seigneur (NB 3,376).

 

1176. Le Seigneur a souffert sur la croix bien plus que nécessaire

Si le Seigneur a souffert sur la croix, ce n'est pas seulement autant que la somme des absolutions données dans l’Église le requiert, mais bien plus. La grâce de la rédemption dépasse de beaucoup ce que pourrait exiger la justice de Dieu, et cela aussi bien parce que le Fils a jeté dans la passion son amour infini du Père que parce que le Père a tout offert au Fils (NB 4,300).

 

1177. Souffrances sur la croix

Les douleurs dues à la couronne d'épines autour de la tête, les souffrances du dos pour qui la croix n'est pas un soutien, les douleurs causées par les clous qui arrachent la chair, ces douleurs avec toutes les autres donnent pour résultat le sentiment physique de la distance infinie existant entre ce que Dieu voulait avec la création d'Adam et ce qu'Adam est devenu. Dans la défaillance du corps tout entier apparaît la puissance du corps tel que Dieu l'a créé ; c'est dans la détresse qu'apparaît la gloire de l'homme telle qu'elle aurait dû être, une gloire qui inclut aussi le corps. Le Fils fait ici moins l'expérience de la descente allant de Dieu à l'homme que la montée de l'homme jusqu'au véritable Adam ; mais il fait cette expérience à l'occasion de son humiliation jusqu'à la mort, de même qu'un homme à qui tout a été volé remarque alors seulement combien il était riche auparavant. Dans cette expérience se trouve aussi inclus que si le Seigneur aime Jean et voit la beauté de son amour, de son don de lui-même, son amitié, le fait qu'il l'accompagne, il éprouve aussi par là la misère et l'outrage de ceux qui se détournent de lui et le bafouent (NB 3,283).

 

1178. Gratitude du Fils pour un corps qui peut souffrir

Le Fils voudrait s'agenouiller devant le Père, joindre les mains, se recueillir devant lui dans l'adoration. Mais il ne le peut pas. Lui, il doit s'étendre, Dieu ramasse. La croix crée une nouvelle relation à l'amour. François en a su quelque chose lors de sa stigmatisation : dans les douleurs, un sentiment de gratitude pour le corps, quelque chose que François connaissait déjà d'une certaine manière avant les stigmates, mais qu'il n'a compris pleinement qu'après. Sentiment d'un corps pécheur, puis d'un corps purifié (NB 3,262).

 

1179. Le Seigneur a souffert pour tous

De même que le Seigneur a souffert pour tous, de même ceux qui prient en vérité souffrent pour tous ceux qui prient faussement (NB 4,349).

 

1180 A. Le Fils ne sait pas que sa souffrance est lumière pour l’humanité

Le Fils renonce à toute lumière émanant de lui, il ne garde pour lui que la souffrance. Il ne voit pas que sa souffrance devient lumière pour l'humanité (NB 5,260).

 

1180 B. Saisir totalement la souffrance du Seigneur sur la croix

Même dans ses extases les plus pénibles, même quand elle est placée très près de la croix et qu'elle saisit totalement la souffrance du Seigneur, sainte Gertrude reste totalement un enfant, elle n'a jamais la pensée de vouloir mesurer ce qui est obtenu par cette prière, par ce sacrifice (NB 2, 173).

 

1181. Job et le destin du Christ

Job n'est pas un voyant ; sans le savoir, il porte à l'avance une part du destin du Christ (NB 5,57).

 

1182. Le Fils a souffert dans une solitude totale

Le péché originel au paradis se fit à deux. Il y a une communion dans le péché. Cette communion durable aurait pu conduire l'homme à retrouver l'amour de Dieu. Car il y avait toujours ici un point de départ pour l'amour et par là pour le retour à Dieu. Mais le péché, comme absence d'amour, s'interposa comme un obstacle et détruisit aussi l'authenticité de la communion. Chacun voulait certes admettre volontiers que l'autre souffrît pour lui, mais cette pensée ne se trouvait plus dans l'amour qui veut partager et permet de partager ce qui est difficile, elle se trouvait au contraire dans l'égoïsme qui ne veut pas souffrir lui-même. C'est pourquoi ils ne voulaient plus non plus la communion dans la joie ; mais quand l'un avait une joie, il cherchait à la savourer lui-même dans la crainte qu'en la partageant elle devienne plus petite. C'est pourquoi le Fils de Dieu devint homme et souffrit dans une solitude totale parce que l'homme s'était retranché égoïstement dans cette solitude (NB 3,86).

 

1183. Totale amertume de la croix

La totale amertume de la croix doit d’abord enseigner aux apôtres que cela peut aller aussi loin également pour eux (NB 9, n. 1883).

 

1184. Événements douloureux

Tous les événements dits joyeux de la vie de Jésus sont dans un rapport intime avec les douloureux (NB 8, n. 96).

 

1185. Sur la croix, tout fait mal

Sur la croix, tout fait mal. Tellement qu'on a l'impression que cela ne finira que lorsque tout sera épuisé. Les clous triturent les tissus, les pressent en quelque sorte contre le mur. Dans un premier temps, on voudrait revenir à la position normale du corps, s'étendre, pour être à nouveau libre ; puis au contraire : aider les clous à achever l’œuvre. Car l'éternité est toujours. On pourrait plutôt dire : l'éternité est le temps du temps. Quand on est soi-même sur la croix, tout le temps éternel tombe dans l'éternité de la croix. La croix a été décidée depuis l'éternité pour porter du fruit dans le toujours de l'éternité future. Mais l'éternité passée et l'éternité future se rencontrent dans la croix et, en fait, comme si elles se précipitaient sur la croix des deux côtés (NB 3,284).

 

1186. Il souffre comme les larrons

Si les deux paroles dites sur la croix : "Ils ne savent pas ce qu'ils font" et "En tes mains je remets mon esprit", se suivent de si près, c'est qu'il y a ici un abaissement du Fils qui ne veut pas souffrir autrement que les larrons à côté de lui, qui ne savent pas non plus ce qu'ils ont fait et qui, comme lui, s'approchent de la mort. Le bon larron en devine quelque chose, non par lui-même, mais par la présence du Seigneur ; et ce qu'il sait est comme une manière de déposer un peu son esprit dans l'Esprit que le Fils rend au Père. Dans cette volonté de se rendre semblable aux autres, il est capable de faire une expérience beaucoup plus forte du péché ; ce n'est pas une simple connaissance du péché, il fait l'expérience de son poids en étant écrasé par lui, en ressentant le bois qui fait si indiciblement mal. En un éclair, une connaissance des dimensions du péché à partir de la rudesse du châtiment (NB 3,282).

 

1187. La tête sur la croix

Adrienne perçoit que le Seigneur sur la croix ne savait pas comment il devait tenir sa tête. Chaque fois qu’il pensait qu’une autre position serait bien meilleure, il allait toujours de pire en pire (NB 8, n.849).

 

1188. Jésus se tord sur la croix

Dans sa chambre, Adrienne a un crucifix dont la présence lui cause une peine épouvantable durant la nuit. Dans un magasin, elle a vu plusieurs croix où Jésus semblait toujours dans une position différente. Elle le voit maintenant se mouvoir d'une position à l'autre, elle voit comment il se tord parce que cela devient insupportable sur la croix. C'est pourquoi elle approuve qu'on recouvre d'un voile les tableaux en ce temps de carême (NB 3,40-41).

 

1189. Les mains et les jambes du Seigneur sur la croix

Le Seigneur avait besoin de ses mains pour aider et ces mains étaient reconnaissantes de pouvoir bénir, de relever, de tirer à soi, de rompre le pain et de le partager ; maintenant il fait l’expérience de l'impossibilité pour ses mains de faire quelque chose et, dans cette incapacité, il fait l'expérience du fardeau du péché. Ses jambes sont paralysées par le péché, elles ne lui servent plus à le porter là où il pourrait exécuter une mission du Père. Le corporel, qui avait été créé pour un service de ce genre, se refuse à lui ; il est paralysé par le fardeau du péché et la douleur (NB 3,255-256).

 

1190. Pensées de Jésus sur la croix : fiasco

Adrienne dit qu’elle sait aujourd’hui (en 1943) un peu de ce que Jésus a vu et senti sur la croix. Il n’était plus du question de lui-même. Son fiasco avait été comme allant de soi. Il ne savait plus qui il était. Peut-être sous forme d’éclair la conscience lui était-elle encore venue qu’il était Fils de Dieu Il n’y avait plus devant ses yeux que la perte du monde, l’inutilité absolue et le caractère inéluctable du péché et de l’enfer (NB 8, n. 570).

 

1191. Sentiment que la croix est une erreur

Matin du vendredi saint. Le sentiment que la croix a été une erreur. Le Seigneur a connu l'angoisse en ayant la perspective de la croix. Mais comme devant un passage vers la mort. S'il l'avait voulu, il aurait pu savoir que sa résurrection suivrait sa mort. Mais maintenant c'est comme si tout avait été poussé sur une autre voie, sur une mauvaise voie. Il est sur une ligne qui ne conduit nulle part. Il n'y a pas d'issue. Il a maintenant l'angoisse d'être égaré. C'est l'angoisse à l'état pur. Rien ne correspond. Ce qui est n'est pas ce qui devrait être. Mais on ne lui pose plus aucune question. Si on l'interrogeait, on pourrait apprendre que tout est faux. Il est comme quelqu'un qui n'est pas opéré au bon endroit : il a des souffrances atroces, mais pour rien. Le Père garde maintenant le Fils comme un garde-malade qui empêche un patient d'arracher ses pansements. Au milieu de toute la pagaille, on a un grand souci de l'ordre. La question de la croix est insoluble pour le Fils. C'est comme un problème mathématique : on essaie et on ne cesse d'essayer et on voit qu'il doit simplement y avoir quelque chose de faux dans les données. Cela ne peut pas aller comme ça. Et à l'instant où le Fils comprend cela, il doit prendre sur lui toute la croix comme une question insoluble (NB 3,217-218).

 

1192. Inutilité de la passion

L'inutilité de la passion. Cette inutilité augmente et s'amplifie autour du Seigneur. Il en est comme cerné ; elle le presse de l'extérieur alors que, de l'intérieur, il est disponible pour tout, il ne se refuse à rien, il laisse tout arriver, il accueille tout et il crée par là le climat pour que s'amplifie l'inutilité. Sa prière, sa vision du Père se trouvent totalement au service de cette inutilité dont il sait qu'il l'expérimente parce que cela fait partie de sa mission. Cette volonté du Père, il en est très conscient, et l'unité de sa volonté avec celle du Père n'est en cela nullement rompue. Étrange est sa relation aux apôtres. Il n'a pas la possibilité de les prendre avec lui dans cette expérience de l'inutilité, il ne peut pas leur expliquer ce qui se passe en lui. Ils sont trop troublés et sa tâche n'est pas maintenant de les instruire mais de souffrir. Et la tâche des apôtres comme des saintes femmes n'est pas maintenant de comprendre le Seigneur ; leur participation sera bien plutôt de n'avoir rien compris. Cela fait partie de sa propre expérience de l'inutilité que ceux qui le suivent l'ont suivi en vain, qu'ils ont reçu en vain sa parole (NB 3,374).

 

1193. Inutilité de la croix

Dimanche des rameaux. Vendredi dernier, Adrienne a été très malade. Les jours précédents, elle n'a cessé de voir la croix et son inutilité. Tout est vain : que le Seigneur ait vécu, que tant de gens aient entendu sa parole et que pourtant il n'a cessé de se heurter au figuier stérile, qu'il ait tant semé mais qu'il n'y a guère de semence qui ait levé. Il le discerne de plus en plus : tout a été vain ; l'heure vient et elle aussi, elle est sans perspective. Tout le positif - comme la conversion des apôtres, la bonne volonté, l'amour de sa Mère, etc. - paraît reculer à un tout autre niveau auquel il n'a plus accès maintenant. A la place, le regard s'ouvre sur l'avenir : les chrétiens qui seront persécutés et martyrisés, des gens comme Fidèle ou Foucauld qui seront assassinés ; le témoignage n'a cessé d'être inutile. Puis ce qui est bien pire : l'inutilité sous la forme de l'incroyance, de l'indifférence et du manque d'intérêt, dans l’Église et hors de l’Église. "Qu'est-ce que j'en ai à faire de tout cela !" Dans le Fils, il y a maintenant une ouverture sur l'omniscience et la prescience de Dieu, qui sont requises dans la mesure où cela contribue à rendre possible cette vue sur l'inutilité universelle. La marche vers la croix et vers la mort en portant tout le péché peut maintenant se faire avec le même éclairage. Il éprouvera jusqu'à la dernière goutte ce que cela veut dire que cela ne sert à rien et que cela ne servira à rien. Après comme avant, le monde aura exactement la même apparence. Ici le Père voile même la volonté divine et l'obéissance divine et la perfection de l’œuvre du salut ; le Fils ne doit pas regarder maintenant dans cette direction. Que cette expérience de l'inutilité fasse partie du salut du monde, il n'a pas le droit de le voir maintenant. Et qu'il y ait encore une espérance, que les hommes le regarderont, que de nouvelles semailles lèveront, est caché par la passion (NB 3,373).

 

1194. Croix : tout est sans issue

Sur la croix, il se produit une totale annihilation du temps. Il ne se passe rien ; rien ne bouge. Il n'y a pas de direction, pas d'écoulement. L'homme vit toujours en vue d'un futur, il pense en vue d'un but. Il aspire à une heure ou il en a peur et il remet à plus tard. Maintenant l'heure fatidique est là, mais elle n'a aucune direction, elle n'a pas de contenu qui se déploie. Elle est ce qui est totalement indigeste, inassimilable. Autrefois l'espérance était comme un poteau indicateur, et la foi indiquait les étapes du chemin temporel. (L'amour bien sûr n'a en soi rien à faire avec le temps, il peut seulement fortifier et transformer la foi et l'espérance). La foi et l'espérance sont inséparables du sentiment que nous avons du temps en un sens naturel. Sur la croix, il n'y a plus de sentiment du temps. Le Seigneur a tellement placé toute sa nature (et en elle, le sentiment du temps) dans l'obéissance à Dieu qu'avec la perte du sentiment du temps la foi et l'espérance aussi sont sans issue (NB 3,218).

 

1195. Absurdité de toute l’entreprise

L'angoisse du Seigneur sur la croix est d'abord l'angoisse devant le péché qu'il doit porter : il doit le prendre sur lui avec ses dimensions monstrueuses. Et quand il le porte, c'est l'angoisse qui provient de la connaissance de sa nature ; sa nature présente un aspect anonyme en même temps qu'un aspect personnel ; avec le péché, on peut remonter à travers tous les temps jusqu'à Adam et, à partir d'Adam, il se répand par torrents et se différencie à l'infini et à perte de vue sur le Crucifié. Tout ce qui a rapport avec la réalité du péché apparaît au Seigneur souffrant comme plongé dans une atmosphère d'angoisse. L’angoisse du Fils ne devient une angoisse rédemptrice que par l'expérience de son impuissance et de sa faiblesse, et l'impression qu'il n'en peut plus ; abandonné par le Père, il s'avère qu'il est inapte à porter le péché du monde. La tâche apparaît maintenant si démesurée qu'il ne faut pas penser à s'en acquitter ; celui qui souffre qui ne peut pas tenir ce qu'il a promis. L'angoisse l'empêche d'y voir quelque chose, surtout de voir ce qu'il fait lui-même et la réponse que lui donne le Père, de voir le chemin parcouru et avec cela le sens de cette souffrance finalement. Plus l'angoisse l'envahit, plus sa tâche lui semble toujours plus absurde. Sa mission lui semble d'abord assez floue, mal définie, mais en fin de compte totalement dénuée de sens. La folie de la croix ne réside pas seulement dans le fait que les forces de celui qui souffre ne suffisent pas, elle réside dans l'absurdité de toute l'entreprise. Ce n'est pas seulement une question de disproportion parce que bien trop peu de force serait disponible pour une tâche démesurée, c'est que les forces semblent totalement mal employées. Toute la tâche est vouée à l'échec, on ne peut pas en sortir avec les moyens disponibles, le Fils s'est tellement éloigné du Père dans la nuit de l'angoisse qu'en fin de compte il n'est plus en mesure de lui demander son accord pour son action ; et même si le Père donnait le feu vert, le Fils ne pourrait plus entendre sa voix, il ne pourrait plus en tenir compte, il ne pourrait plus adapter sa volonté à celle du Père (NB 5,102-103).

 

1196. Tout doit paraître absurde

L’œuvre de la croix finalement comme œuvre du Père qui prend au Fils sa vie et sa vue ; et quand le Père n'est plus vu, tout doit paraître absurde (NB 3,368).

 

1197. Une mort douloureusement absurde

Le corps du Christ est suspendu à la croix, et toute l’Église est cachée en lui, et les deux, le Seigneur et son Église, dans l'unique corps crucifié, on ne peut pas les séparer. Ce qui meurt sur la croix, ce dont il est exigé au-delà du raisonnable, et les innombrables tableaux de l’Église qui se dérobe et de tous les chrétiens dans l’Église qui se dérobent : tout cela augmente la souffrance. Quand nous participons à la croix du Seigneur, c'est doublement amer : à cause des pécheurs nous voyions la mission (du Christ) s'interrompre dans la mort d'une manière absurde, mais aussi parce que nous avons la certitude d'être responsables qu'elle paraisse si douloureusement absurde au mourant (NB 6,245).

 

1198. Aucun sens

L'essentiel réside à nouveau dans la solitude et l'abandon. Ces jours derniers, cela n'a fait que s'accroître jusqu'au moment aussi où Dieu fut abandonné par Dieu. J'ai vu d'abord le Seigneur chez Pilate et lors du portement de croix : comme un homme au milieu des hommes, comme Dieu au milieu des hommes ; un homme abandonné par les hommes, Dieu abandonné par les hommes. Sur la croix elle-même, ce fut une intensification jusqu'au moment où réellement Dieu fut abandonné par Dieu. La fin de la croix fut un tel abandon que, par pure douleur, on ne peut plus y vivre. Tout autour il n'y a que le non qui se fait entendre. Et le Seigneur meurt parce que simplement il n'entend pas ou simplement à cause du silence qui dit non, parce qu'il semble que cela n'a absolument aucun sens ni aucune valeur de continuer à vivre. C'est dans cette douleur que réside la mort (NB 3,394).

 

1199. Le Fils souffre sans savoir pourquoi

La douleur du Fils est d'une certaine manière proportionnelle à l'énormité du péché. Les événements qui sont mentionnés sur le chemin de la croix ne sont, par rapport à la souffrance intérieure, que comme des signaux qui renvoient à beaucoup plus que ce qu'ils semblent contenir. Ils ne sont que comme des signes de rappel qu'il y aurait aussi à penser à quelque chose d'infini dans telle ou telle direction. Les personnes qui accompagnent celui qui porte la croix ont toutes en quelque sorte le visage du péché, et chacune ne fait que signaler et représenter, au-delà d'elle, infiniment plus de péché. Le péché total. Mais parce qu'est retirée au Seigneur la vue sur la fécondité de la rédemption, il souffre maintenant sans savoir pourquoi. Dans son don de lui-même, il a renoncé à tout ce qui pourrait alléger sa souffrance en la comprenant. La prière aussi qu'il continue de faire a part au sentiment d'inutilité. On prie, pourquoi ? Par habitude peut-être ? On prie pour ceci et pour cela, mais il manque la certitude d'être exaucé. La pensée peut se faire jour que peut-être il serait plus judicieux de ne pas prier mais de faire une chose quelconque : balayer l'escalier ou planter des pommes de terre. Mais pendant qu'on accomplit les choses quotidiennes, les pensées sont auprès du Seigneur et on se surprend à nouveau à prier comme un pécheur qui est retombé dans le péché. Cette prière, cette absence de prière, cette reprise de la prière, tout cela continue comme un orgue de Barbarie, cela se prolonge pendant des jours (NB 3,389).

 

1200. Tout est perdu

Je n'en peux plus ! Le fardeau du péché est trop bien implanté. Il remplit tout. Mais il remplit chaque coin d'une manière si fausse que plus rien ne va. Il fait un mauvais usage de l'espace. Au fond il n'occupe pas l'espace que le Seigneur met à sa disposition, il se crée lui-même un espace par la violence. Et cela fait partout si mal. Comme si c'était un sac bourré de choses qui ne peuvent pas entrer et qui se trouvent partout dehors. Celui qui souffre ne voit pas le Père, il est perdu, tout est perdu, le monde aussi. S'il avait abandonné le monde précédemment pour avoir le Père, il aurait au moins celui-ci, mais maintenant il n'a plus rien ; le monde et le Père et sa propre divinité, tout est perdu. Tout est vain. Il souffre sans espoir. Il y a si longtemps qu'il n'en peut plus qu'aucune raison non plus n'est visible pour que cela doive s'arrêter. Le Seigneur n’en peut plus (NB 3,263).

 

1201. Sur la croix, le Seigneur revoit sa vie

Sur la croix, le Seigneur voit sa vie ; son enfance également surgit devant lui. Non pour qu'il pense : si je n'avais pas fait ceci ou cela, il en serait autrement aujourd'hui ; au contraire, il voit confirmé son chemin jusqu'ici. Il se voit dans le temple à l'age de douze ans ; déjà à cette époque il a accompli la volonté du Père. Déjà à cette époque il a commencé à s'attirer la colère des scribes ; ils se rappelèrent plus tard qu'il les avait un jour humiliés. Il avait posé lui-même les bases de leur haine future. Il ne pouvait pas en être autrement. Il devait leur dire la vérité (NB 6,262).

 

1202. Le Christ est toujours le même : de l’enfance à la croix

Le Christ enfant et le Christ âgé de douze ans, le Christ prédicateur, dans la joie et la souffrance, le Christ thaumaturge, le Christ crucifié, c'est toujours le même : notre Seigneur. Nous pouvons cajoler l'enfant et pleurer sur le Crucifié : c'est le même. Avec le même homme, on peut s'entretenir du temps, d'un livre, de l’Église : il reste le même (NB 3,336).

 

1203. Pour le Fils, la croix est difficile à intégrer

Souvent l'image qu'on a eue d'un homme, on doit la corriger chaque fois que s'ajoute un trait étranger auquel on n'avait pas prêté attention jusque là. A partir d'un trait, toute une série d'autres traits se révèlent mal interprétés. Les prophéties ne s'insèrent jamais comme des éléments étrangers dans l'image de la vie du Fils - aussi bien dans leur disposition qu'en réalité -, elles sont toujours prises comme en faisant partie. On peut prendre n'importe quelle tranche de la vie du Christ, il est toujours évident qu'il est le Fils de Dieu. Toutes les sutures - là où il y en a - sont totalement justes. Ce qui ne veut pas dire qu'elles s'intègrent toujours d'une manière parfaitement claire. Pour le Fils lui-même, bien des éléments seront difficiles à intégrer, surtout la croix. Mais il dispose tout de telle manière que le Père voie partout l'accomplissement de la Parole prophétique de Dieu et que nous reconnaissons la justesse et la vérité et la transparence de sa mission. Tout homme emporte toutes sortes de choses dans sa vie actuelle. Ma dernière confession, le programme de travail que je me suis fait, mes relations jusqu'à présent avec ma famille, ma prière d'hier, quelques rencontres inattendues, une lettre commencée, tout cela, je dois l'insérer dans mon existence actuelle, cela demande à se refléter dans mon aujourd'hui, sans contradiction, de sorte qu'il n'y ait aucune rupture dans les tâches de toute ma vie, même si l'aujourd'hui se distingue d'hier. La substance de la mission, l'attitude de l'envoyé doivent être identiques. Nous aussi, dans la diversité des événements de notre vie, nous devons donc ne faire qu'un dans le Seigneur. Cette exigence chrétienne montre que le Seigneur également devait assumer les prophéties d'une manière semblable (NB 6,170-171).

 

1204. La nuit qui arrive

Si le jour est compris chrétiennement comme le temps de la foi et de l'accomplissement de la mission, le jour est, pour le Christ, le temps où il exerce son activité, que ce soit dans la prière ou dans l'action extérieure. Mais ce jour n'est jamais sans rapport avec la nuit parce que Fils sait que la croix et l'abandon arrivent ; c'est pour eux qu'il travaille et c'est en ayant conscience qu'ils sont proches qu'il prie. Sa prière est un dialogue avec le Père et une adhésion à sa volonté, elle le prépare à recevoir la nuit qui arrive. Il sait très bien que son heure approche, et aussi qu'elle sera pour lui la ténèbre la plus profonde. Néanmoins il ne vit pas à l'avance dans l'ombre d'une atmosphère d'angoisse et en pensant prématurément à ce qui va venir, il vit dans l'instant tel que le Père le lui donne. Une telle vie est pour le Père une satisfaction parce que le Fils lui témoigne ainsi que le temps qu'il a créé est bon et qu'on peut vivre et agir en lui. Il a la taille qu'il faut pour accorder au Fils l'occasion de parler avec le Père. Non en opposition à l'éternité, mais dans un authentique échange permanent entre le ciel et la terre, qui n'est pas troublé par la présence des hommes pécheurs. Le Père ne doit pas être inquiet parce que le Fils est devenu homme ; le Fils dit oui à sa mission et à la volonté du Père, et le Père doit pouvoir se réjouir de ce oui. Le Fils dit oui justement aussi à la nouvelle possibilité qu'il a d'être, en tant qu'homme, devant le Père ; le monde et le temps sont ainsi faits qu'ils sont propices à cette prière. Dans sa prière, le Fils franchit la distance qui sépare le temps de la terre de la durée dans le ciel. L'échange se fait immédiatement et de manière naturelle. Le Fils sait sans doute que l'homme pécheur se tient autrement que lui devant le Père, mais il sait aussi que, par son sacrifice pour la rédemption du monde, la situation de l'homme vis-à-vis du Père va changer (NB 5,110-111).

 

1205. La nuit du Fils

Sur la croix, le Fils a rendu son Esprit au Père ; dans la nudité et l'abandon de la nuit, il ne reçoit que ce que Dieu lui offre, et Dieu ne lui offre que ce qui n'est pas du ciel, ce qui ne peut pas voir le jour, ce qui n'est pas accessible à la lumière. C'est donc une privation de la lumière, de l’amour, de l’atmosphère spirituelle, une absence de tout ce qui est en rapport avec le ciel (NB 5,129).

 

1206. Une nuit sans forme

Quand arrive la nuit de la passion, le Fils doit se libérer de tout ce qui, dans son dialogue avec le Père, franchissait la distance. Il doit se rendre dans quelque chose qui lui est tout à fait inconnu qui permettra au Père de faire du neuf. C'est comme si l'acte de la création devait se reproduire d'une nouvelle manière. Le Fils plonge dans une nuit sans forme, et c'est par elle qu'il transforme le Père. Ce n'est pas seulement avec ce dont il s'est débarrassé qu'il fait advenir du neuf, c'est de sa nudité et de ce qui est en lui sans forme que sort ce qui est vivant et qui a une forme, et que seul le Père peut produire. Il livre sa substance dans une eucharistie qui reste livrée au Père, il donne au Père son corps et tout son être comme une matière première dont il peut faire ce qu'il veut (NB 5,111).

 

1207. Le Seigneur n’a pas une vue intelligible de son action

Les pieuses femmes et Jean se tiennent au pied de la croix, mais tout à fait sur le côté, ils n'ont que peu d'importance. Le Seigneur sait qu’ils sont là, mais cette connaissance est sans portée. Cette connaissance fait partie du tableau et en même temps elle n'a pas le droit d'en faire partie parce que le Seigneur n'a à aucun moment une vue intelligible de son action. Ni le Fils ni sa Mère ne savent qu'ils "accomplissent" quelque chose. Et aucun des deux ne sait ce que fait l'autre. La Mère sait bien que son Fils souffre en tant que Fils de Dieu, sans qu'il soit coupable ; mais sa douleur ne lui permet pas au fond de voir de quoi il s'agit. D'habitude les juifs n'aiment rien tant que de savoir où ils en sont. Ici plus personne ne le sait. La somme absolue du péché reste la même, que le Seigneur ne soit qu'au début de sa passion ou qu'il la porte depuis plusieurs heures déjà : c'est toujours le tout insupportable qui est à porter (NB 3,217).

 

1208. Sur la croix, le Fils n’a pas le droit de ressentir l’amour

Vendredi saint. Certaines choses sont cachées : sur la croix, le Fils n'a pas le droit de ressentir l'amour, il doit être atteint par le reniement de Pierre. Qu'il aille vers le Père est pour lui voilé. Pour les apôtres, le sens de la croix est caché, même si le Seigneur l'a prédite (NB 3,326-327).

 

1209. Le Fils ne sait plus qu’il est Dieu

De même que le Fils sur la croix renonce à savoir qu'il est Dieu et qu'il ne souffre que comme homme, il y a de même chez le porteur de la semence du Père, l'Esprit Saint, un renoncement correspondant quand, sur mission du Père, il ne veut plus se sentir que comme porteur de la semence et qu'il s'abaisse au rôle de féconder la Mère, non seulement jusqu'à devenir homme comme le Fils dans son incarnation et son humanité, mais jusqu'à n'être que le spermatozoïde d'un homme. Et ceci bien que l'Esprit soit Dieu et qu'il porte Dieu sur mission de Dieu (NB 5,281-282).

 

1210. Pas de consolation du Père

Sur la croix, la consolation du Père fait totalement défaut. Il y a là aussi une discrétion du Père : il doit montrer au Fils qu'il le prend au sérieux en tant qu'homme aussi bien qu'en tant que Dieu. Le Fils de l'homme n'est rien de déficient. Ceci justement est pour le Fils une occasion d'une nouvelle angoisse essentielle. Il n'y a maintenant aucun moyen de s'entendre avec le Père (NB 3,217).

 

1211. Sur la croix, le Fils est insensible à l’accompagnement

Pour le Seigneur sur la croix, "corédemption" ne veut rien dire. Si un homme a de grandes souffrances, la présence d'un ami peut le consoler. Mais quand les souffrances se font envahissantes, arrive l'instant où il ne reçoit plus rien de sa présence et il ne remercie peut-être plus son ami que par amour et par courtoisie. S'il doit être opéré et que son ami lui assure qu'il sera là lors de l'opération, cela peut le consoler d'une certaine manière avant l'opération mais, durant l'opération, sous anesthésie, quand il n'est plus que livré passivement au bistouri, l'accompagnement est pour lui sans importance. En ce sens, l'accompagnement de ceux qui croient et de ceux qui aiment est insensible pour le Crucifié. Avant et après, il leur en sera reconnaissant ; dans la passion elle-même, c'est impossible (NB 3,213).

 

1212. « Je ne voudrais pas te laisser tout seul sur la croix »

Gertrude d'Helfta : Quand je contemple ta croix, Seigneur, je comprends toujours plus que tu as justement besoin de nous du haut de ta croix. Quand maintenant je te demande : "Exprime tes souhaits, fais de moi ce que tu veux", je sais que ta réponse peut être plus dure que ce que j'estime supportable. Et pourtant je te le demande. Je ne voudrais pas te laisser tout seul sur la croix. Je voudrais me tenir là avec ta Mère et souffrir autant que tu le juges bon (NB 1/1, 447).

 

1213. Le Fils ne s’en sort pas sans le sang de l’Eglise

Le Fils qui donnera tout son sang pour l’Église ne s'en sort pas sans le sang de l’Église. Il en a besoin, il en dépend. Le Seigneur a besoin de nos œuvres pour donner à son œuvre son plein achèvement (NB 12,234).

 

1214. Le monde ne veut rien savoir de la croix

Le monde ne veut rien savoir du sacrifice du Seigneur ; et cela est si triste qu'on prie pour le monde avec tristesse (NB 10, n. 2059).

 

               159 Marie

 

1215. L’expérience mariale de la croix

Marie croyait très profondément à une victoire de son Fils. Il y a eu les longues années qui ont précédé le départ du Fils de la maison. Il y avait peut-être l’espérance que Dieu le Père en resterait là. La sainteté du Fils, sa force de rayonnement à la maison pouvait être ce que Dieu peut-être désirait. Puis vint l'incompréhensible des années de prédication. Mais elle pense toujours comme Mère, et parce qu'elle aime son Fils plus que tout et qu'elle est toute docile à Dieu Trinité, elle espère une grande victoire de son Fils. Peut-être, pour que la promesse s'accomplisse, y aura-t-il quelque souffrance à supporter, mais déjà enveloppée du rayonnement de la résurrection, et la souffrance serait quelque chose dont on pourrait venir à bout et qu'on pourrait surmonter. Ainsi l'angoisse ultime et l'ultime douleur et l'extrême impuissance seraient quand même épargnées. Le royaume qu'il a fondé serait si fort et si grand que plus rien ne pourrait lui arriver. Mais maintenant, c'est le fait de ne pas comprendre qui la saisit. Ce que le Fils vit, ce vers quoi il se dirige semble ne pas s'accorder du tout avec ce qu’elle attendait. Et sa douleur la plus profonde est qu'elle ne peut pas parler paisiblement de tout cela avec lui, qu'elle ne sait pas ce qu'il pense, qu'elle ne reçoit de lui aucun réconfort, aucune consolation. Elle voit aussi l'angoisse des disciples. Et quand ensuite il est réellement arrêté, quand elle entend parler de leur fuite, du reniement de Pierre, elle ne peut plus établir un rapport entre le Père du ciel et le destin de son Fils sur terre. Son oui est comme anéanti. L'inutilité de son oui à Dieu est établie parce que la vie du Fils était inutile. Telle est l'expérience mariale de la croix : elle l'éprouve dans une obéissance qu'elle ne reconnaît plus du tout elle-même comme obéissance parce qu'elle est devenue absurde. Son histoire et celle de son Fils sont comme un tas de débris, et la seule chose qu'elle voit est qu'elle perd son Fils unique d'une manière épouvantable (NB 3,314-315).

 

1216. Marie invitée à la croix

Le Fils n'a pas voulu vivre sa croix dans la solitude mais qu'il y invita sa Mère, Jean, Madeleine et les autres femmes ; de même qu'il prit avec lui ses disciples au mont des oliviers, de même il considère sa mission tout entière comme quelque chose qu'il peut partager. Il la laisse ouverte pour que les croyants puissent y puiser (NB 5,19).

 

1217. Marie et la croix de son Fils

Pour Marie, l'amour surmonte tout ce qui est difficile. Si elle-même est maintenant liée et retenue dans sa tâche, ceci n'éveille pas en elle le sentiment d'être limitée, mais c'est vécu dans le Fils : c'est lui qui se laissera lié dans une mission qui se terminera dans la totale impuissance et l'immobilité absolue. Il n'est pas permis à la Mère de changer quoi que ce soit à cette mission, d'empêcher quoi que ce soit. Pour le moment elle accueille l'assujettissement à la croix dans la mesure où cela lui est accordé. Ce n'est qu'une croix vaguement indiquée, pas encore une croix vécue (NB 6,122).

 

1218. Marie est présente à la croix

La Mère est présente à la croix, elle ne s’est pas refusée. Elle est allée avec lui, pas à pas, comme sa Mère. Et Mère, elle l’est par l’Esprit Saint, c’est pourquoi elle le reste par le même Esprit si bien qu’elle ne s’est pas éloignée de sa nature d’Homme Dieu, qu’elle ne s’en est pas séparée. Et ainsi elle est également liée à son état, à l’état de mort, non avec son œuvre en premier lieu, mais avec son être. L’œuvre a sa source dans l’être. Dès le début, sa maternité est tout à la fois spirituelle et corporelle et elle commence grâce au surnaturel de l’apparition d’un ange ; et seuls ceux qui s’écartent de leur mission perdent la grâce d’être accompagnés par le surnaturel qui était à l’origine de leur mission. Si le Fils l’a choisie pour être sa mère, elle le reste aussi quand il meurt ; il l’a choisie pour tout, et sa corédemption était déjà prévue et contenue dans sa prérédemption. Et ainsi elle était déjà corédemptrice quand elle l’a mis au monde. Son enfantement était un acte consacré au Fils pour qu’il accomplisse sa mission, un acte qui contenait comme sens sa mission tout à la fois divine et humaine. Et ce sens, Marie ne le perd pas. Elle reste la Mère, qu’il soit à présent en elle, qu’il sorte d’elle ou qu’il soit suspendu à la croix devant elle (NB 1/2, 180).

 

1219. Marie doit dire oui à la croix

Il y a un niveau de la souffrance divine qui est fermé aux hommes. Il revient aux hommes de faire l'expérience de toute la dureté du péché afin qu'à Pâques ils puissent avoir part à toute la grâce. Ce n'est pas seulement le Fils qui meurt sur la croix, ce n'est pas seulement l'affaire intra-divine de la rédemption du monde, c'est aussi la volonté positive de Dieu que la Mère dise oui à ce qui est incompréhensible sans souffrir elle-même de préjudice. Dans l'incompréhensible auquel elle se livre, l'Esprit est à l’œuvre, il façonne son esprit selon la volonté de Dieu (NB 1/2, 204-205).

 

1220. Le oui de Marie à la croix de son Fils

Quand Marie dit oui, c'est à ce qui vient, à l'exigence démesurée. Le oui donné au tout, son oui inconnu à la croix de son Fils est contenu d'avance dans son oui à l'ange. Et ce oui est aligné sur le oui du Fils qui existe depuis toujours. Le oui du Fils est comme un soutien continu pour le oui de sa Mère. Même quand elle est immergée dans la nuit de la croix, le oui de son Fils continue à exister pour elle. Pour le Fils par contre, la croix paraît comme une césure qui est nécessaire pour que, en cet instant décisif, il dise chaque fois oui à toute nouvelle exigence démesurée.Le Fils est livré dans le sacrifice (NB 3,212).

 

1221. Marie marche vers la croix

Marie est sauvée par la croix et en même temps elle en vient ; de même elle a été créée pour le Fils en vue de la croix et elle marche vers elle avec lui (NB 9, n. 2033).

 

1222. Marie accompagne son Fils à la croix

Le chemin qui mène à la croix a été parcouru dans la chair. La croix n'est pas du tout une expérience purement spirituelle. L'Esprit, qui a fait prendre chair au Fils, conduit le Fils à la croix corporellement pour le faire ressusciter corporellement. Et la Mère accompagne son Fils corporellement à la croix et, quand elle est accueillie corporellement dans le ciel, elle l'accompagne aussi pour son retour au Père (NB 12,165).

 

1223. Sur la croix, le Fils doit renoncer à son dernier lien humain : sa Mère

Sur la croix, le Fils ne peut pas rendre son Esprit avant d’avoir rendu tout ce qu’il possède. Il doit renoncer aussi à son dernier lien humain avant de pouvoir rendre l’Esprit de sa mission terrestre. Cela fait partie de son total dépouillement de lui-même. L’Esprit avait été donné à Marie pour sa tâche de mère vis-à-vis du Fils au cours de sa vie terrestre. Le Fils rend au Père tout l’Esprit de l’incarnation, y compris l’Esprit qui fut autrefois le porteur de la semence. L’Esprit était en Marie l’Esprit d’obéissance et d’amour et d’attachement au Fils tel qu'il était exigé par l’incarnation du Fils (NB 1/2, 182-183).

 

1224. Le Fils vit sa vie terrestre et, à la fin, sur la croix, il offre sa Mère en cadeau comme une chose (NB 1/2, 182).

 

1225. Sur la croix, le Seigneur donne sa Mère à Jean

Jean l'apôtre. Il aime la Mère par le Fils. Il l'aime d'abord parce que, ayant mis au monde le Fils, elle lui a procuré le don de cet amour ; puis il l'aime plus personnellement et toujours plus fort ; et quand enfin, sur la croix, le Seigneur lui donne sa Mère, toute la responsabilité de l'amour divin, dont il a tant appris auprès du Seigneur et par son amour pour lui, s'introduit dans ses relations avec la Mère. Maintenant il reçoit la Mère par le Fils comme il avait reçu le Fils par la Mère ; et, par la Mère, il perçoit de manière neuve comment tout l'amour chrétien est répandu de manière eucharistique, comment aussi les hommes peuvent être confiés les uns aux autres pour qu'ils aiment davantage l'amour de Dieu, croissent en lui, accomplissent en lui la volonté du Père (NB 1/1, 257).

 

1226. Marie au pied de la croix

Marie était au pied de la croix du Seigneur et elle a porté parfaitement sa propre croix, c'est pourquoi elle a le pouvoir d'alléger le fardeau de ceux qui portent la croix. Et quand par la suite ils participent à la fête céleste, la croix est devenue comme la parure de la Mère (NB 4,339).

 

1227. Marie accompagne son Fils à la croix

Marie accompagne son Fils à la croix, elle ne participe pas seulement à sa souffrance, elle apporte elle-même quelque chose de personnel (NB 1/2, 203).

 

1228. Marie est au pied de la croix sans comprendre la croix (NB 3,121).

 

1229. Marie pleure sur son Fils

Marie pleure vraiment sur son Fils, mais elle ne pleure pas à cause de son Fils ; elle pleure à cause des hommes qui lui font cela par leur imperfection et leur tiédeur (NB 8, n. 352).

 

1230. Marie souffre avec son Fils

Marie comprend au pied de la croix ce qu'est le péché en vérité : quelque chose qui se révolte contre l'amour trinitaire de Dieu. Maintenant elle le voit clairement ; elle souffre avec le Fils. Elle souffre avec lui de manière si étroite qu'elle ressent le péché d'une manière directe sans aucun doute. La croix ouvre en elle bien des choses qui auparavant n'étaient pas ouvertes parce que le Fils ne voulait pas que la relation de la Mère au péché du monde ne soit réalisée autrement que par sa croix. Ainsi la croix est également un lien de plus par lequel le Fils lui est uni. Il souffre, et que la Mère souffre avec lui est la réponse qu'elle donne au péché du monde. Qu'elle souffre avec lui est un cadeau du Fils qui lui donne aussi par là une compréhension beaucoup plus grande. La Mère qui souffre avec son Fils ne se fâche pas contre les pécheurs, elle se porte garante pour eux avec son Fils (NB 6,517-518).

 

1231. Marie porte avec son Fils ce qu’il doit porter pour le péché du monde

On peut quitter une pièce en sortant tout simplement. Mais on peut aussi la quitter en en retenant tous les détails, en se les gravant dans sa mémoire, pour l'emporter en esprit entièrement. Le Seigneur ne quitte pas le monde en s'en allant tout simplement. Il retient tout : il remarque l'état des larrons à côté de lui, l'état de la foule qui se moque de lui, etc. Il rassemble. Et le fait qu'il rassemble a un caractère objectif, absolu. Le Seigneur retient l'essentiel qui est autour de lui. Marie et Jean en font partie. Il voit combien le péché les tourmente. Il rassemble aussi ce qu'ils doivent porter. La souffrance de sa Mère n'est pas surtout compassion avec son Fils souffrant, elle porte avec son Fils ce que porte celui-ci pour le péché du monde (NB 3,260).

 

1232. Marie participe à la passion de son Fils

Le Fils demandera à sa Mère ce qu'il lui a donné depuis toujours et ce sera, en un point donné, la mise en évidence de sa corédemption à la croix. Une corédemption qui peut être efficace du fait qu'elle existait en lui depuis toujours, qu'elle se fortifiait en lui depuis sa décision, qu'elle était imbriquée dans son œuvre, inséparable de lui (comme aussi Marie lui demeura fidèle en tout) et que maintenant à proprement parler Marie porte aussi quand le Fils porte la croix, de même qu'il a toujours porté son oui à elle dans le sien. Le Fils porte donc sur la croix la corédemption par sa Mère, tandis que la Mère, au pied de la croix, participe à la passion de son Fils, comme il la lui offre, sans qu’on puisse le moins du monde enlever et séparer ce qui est sa quote-part à elle dans le total de la passion. La totalité appartient au Fils ; il l'a recueillie et il la porte ; et la Mère souffre avec lui sans limiter sa souffrance à elle en échange de la sienne. Le Fils subit sans doute le péché mais, d'un autre point de vue, il subit la rédemption du monde par son don de lui-même et par le don que la Mère fait d'elle-même, inclus dans son don à lui. Dans la souffrance de la Mère, il y a ce que le Fils lui donne à souffrir, et il peut y avoir là quelque chose qui appartient spécialement à la Mère, qui lui est réservé, mais cela ne se laisse pas saisir et on ne peut le séparer de l'ensemble. Quand un pécheur se convertit, Saul par exemple, et qu'il participe ensuite à la passion du Seigneur, on ne peut pas non plus déterminer avec précision ce qui là-dedans est souffrance pour quelque chose dont il est lui-même la cause et ce qui en plus est participation à la passion du Seigneur. Il collabore simplement à l'expiation des pécheurs, dont il fait partie. On ne peut pas dire non plus combien Marie souffre pour l'œuvre de rédemption du Seigneur et combien elle souffre pour sa propre corédemption. Mais corédemptrice, elle l'est, et cela avant même qu'elle ait dit oui personnellement, parce que le Fils l'a choisie ; avec son oui, elle ne fait qu'ouvrir la digue pour ainsi dire, sans savoir ce qu'elle fait jusqu'à un certain point. Elle sait seulement qu'elle ouvre la voie au Rédempteur, elle est prête à faire tout ce qu'il demande, mais n'anticipe rien par sa propre réflexion (NB 1/2, 148-149).

 

1233. Marie s’acquitte de sa participation à la croix

La solitude que Marie a connue durant sa vie était remplie de la présence de son Fils. A la mort de son Fils, elle sent la solitude d'une manière nouvelle : elle s'acquitte de sa participation à la croix et c'est dans cette solitude qu'elle voit la mort, une mort provoquée par le péché, soufferte comme un châtiment de Dieu, une mort qu'elle vit comme sa propre mort, et à laquelle elle survit (NB 1/2, 203).

 

1234. Marie souffre pour son Fils

Samedi saint. Marie est comme complètement vidée par la souffrance. Cette souffrance n'est pas désespoir, mais vide. Elle n'est plus capable que d'une souffrance qu'elle ne domine pas. C'est moins la souffrance d'avoir perdu le Fils qu'une sorte de somme et d'essence de la croix qui a été subie, une souffrance objectivée, faite de tous les éléments que le Fils a subis. C'est ainsi comme une nouvelle connaissance de son Fils à partir de la souffrance. Elle souffre pour ce qu'il a souffert et c'est dans cette "souffrance pour lui" que réside la rupture. Sa maternité, sa qualité d'épouse, toutes ses relations humaines avec le Fils, son oui à l'ange pour le Fils sont comme mis entre parenthèses et mis au second plan, elle souffre pour le Fils divin qui a porté tout ceci sur la croix pour nos péchés. Mais nos péchés n'existent pas là en eux-mêmes, comme péchés particuliers ou comme somme, ils ne sont plus là que par la souffrance du Fils (NB 1/2, 205-206).

 

1235. Au pied de la croix, Marie aide son Fils

Si, au pied de la croix, on demandait à la Mère ce qu'elle fait pour aider son Fils, elle répondrait peut-être : essayer de donner tout ce dont il a besoin, lui offrir toute la force de la foi, ne pas être pour lui un obstacle, aller où il veut que je sois. Mais ce qu'elle sait n'épuise pas, loin de là, ce que le Fils en fait : de ses souffrances humaines de mère il fait une substance qui produit un effet dans l'œuvre de la rédemption (NB 1/2, 170).

 

1236. Marie collabore

Au début de la passion, Marie sait que le Fils, qui est Dieu, l'associera d'une manière ou d'une autre à ses souffrances. Elle sait aussi qu'elle doit être là lors de l'action mystérieuse qu'il accomplit pour elle. Que même si c'est le Fils qui l'accomplit, elle, la Mère, qui est purement un être humain, doit d'autant plus collaborer. Elle est associée d'une manière qu'elle ne comprend pas (NB 1/2, 177).

 

1237. Marie est associée à la passion

A la croix, par la passion du Fils, Marie reçoit un nouveau rôle. Elle n'est pas seulement une mère ordinaire qui perd son fils humain et l'assiste à l'heure de sa mort. Dans la foi et dans l'obéissance à son Fils, qui est Dieu, conformément à sa volonté, elle est en outre associée à sa passion de manière surnaturelle. Mais à présent cette solidarité s'exprime justement par le fait que le Fils, dans son abandon, est inaccessible pour la Mère. C'est pourquoi elle doit passer par quelque chose qui paraît tout d'abord sans issue bien que cela provienne du mystère du Fils. Cela pourrait se comparer à une souffrance dans le purgatoire, où une âme doit apprendre à connaître la force du péché sans que se pose pour le moment la question de sa propre participation. Une souffrance purifiante sous la pression du péché et la connaissance qui y est associée. Marie aussi est placée au beau milieu de ce feu qui consume le péché du monde. Elle l’éprouve dans son âme et elle le voit – concrétisé autrement pour ainsi dire - dans son Fils mourant. Elle est introduite dans ce feu dans lequel, plus tard, le Fils introduira aussi les autres, les pécheurs. Mais à la différence de tous ceux qui, plus tard, passeront dans le feu purifiant, elle n'a commis aucun péché et elle souffre absolument en même temps que le Seigneur. C’est en elle que pour la première fois l’effet du feu de la rédemption est testé par le Fils qui, souffrant lui-même, se trouve placé face à ce qui se passe en elle sans y participer apparemment. Mais parce qu'elle est sans péché et que le feu qui brûle en elle a cependant la force d'un feu purificateur, dès le début il brûle en elle pour les autres. De cette force, elle ne voit rien maintenant ; elle ne la verra que lorsque le Fils sera visible pour elle : à Pâques (NB 1/2, 177-178).

 

1238. Le Fils n’a pas besoin de souffrir pour sa Mère

Le Fils n'a pas besoin de souffrir pour sa Mère, qui n'a pas péché ; de son côté, elle n'a pas besoin de passer par le purgatoire (NB 3,198).

 

               160 La croix

 

1239. Vénérer le crucifix ou le Seigneur lui-même ?

Au commencement, il y a le contact direct de l'homme avec Dieu. Nous avons toujours plus la tendance - peut-être aussi plus vieillit l’Église - à placer entre Dieu et nous des symboles, quelque chose de concret. L'objet "crucifix" ne nous pousserait-il pas davantage vers la piété que vers le Seigneur lui-même qui y est suspendu ? Nous concrétisons toujours plus le spirituel et nous perdons le contact direct avec lui (NB 1/2, 267).

 

1240. Nous approcher de la croix

Le Seigneur s'est toujours trouvé en son propre point crucial : dans le don de lui-même au Père ; et pour que cela devienne visible pour nous, il a dû subir la croix. La croix n'est pas seulement la rédemption en tant qu'acte accompli, elle est aussi connaissance répandue. Tellement répandue que non seulement le Père la reçoit, mais que nous aussi nous pouvons la recevoir. Et plus nous nous approchons de la croix, mieux nous comprenons. Nous avons tous une sorte de point crucial chronique qui, s'il a un jour fait son apparition, ne cesse plus d'être le point crucial. Celui qui a réellement compris qu'il doit répondre au Seigneur oui ou non, son oui ou son non se maintient. Et celui qui ne répond pas, il lui reste le malaise qu'il aurait dû répondre (NB 4,226-227).

 

1241. La croix reste vivante pour nous

La croix reste vivante pour nous, non en ce sens que nous avons conduit le Fils à la croix, mais en ce sens que nous pouvons participer à l'esprit de son sacrifice accompli dans l'amour. Le Fils nous prend avec lui dans le monde comme ses saints du ciel, il nous prend avec lui dans l’œuvre de son amour. Il nous est permis d'agir chrétiennement avec lui au milieu des hommes (NB 1/1, 495).

 

1242. La croix, une espérance

Pour nous, à la vue du Fils sur la croix, malgré tout ce qu'elle a d'horrible, il reste une espérance, annonciatrice de la grâce en quelque sorte (NB 3,66).

 

1243. La puissance de la croix

Saint François de Sales. Sa mission serait de saisir si fort la puissance de la croix qu'il sortirait d'elle une nouvelle lumière et une nouvelle compréhension du Seigneur, de l'homme appelé, du pécheur, une nouvelle lumière et une nouvelle compréhension aussi de la nature de Dieu Trinité et de la manière dont il se communique à la croix et agit dans la croix (NB 2,107).

 

1244. La vraie croix ne fait qu'un avec le Seigneur (NB 4,229).

 

1245. La croix du Seigneur doit opérer la rédemption des hommes (NB 1/2, 115).

 

1246. La croix ne supporte aucune relativisation

La Mère se tient au pied de la croix, l'ami, quelques connaissances. Il y a le commandement de l'amour. Mais il n'est pas utilisable maintenant ; la croix se tient sous une autre loi. De tout moment agréable, nous savons que, malgré toutes ses qualités, il passe. De même de tout instant tragique. Pour la croix, il n'en est pas ainsi. La croix ne supporte aucune relativisation alors que toute notion du temps en comporte une (NB 3,219).

 

1247. La croix du Seigneur est méritoire, mais aussi sa vie avant la croix

On ne doit pas oublier que ce n'est pas seulement la croix du Seigneur qui est méritoire devant le Père, mais aussi sa vie avant la croix en vue de la passion future, comme pré-passion. Durant sa vie, le Seigneur a pardonné à Madeleine ses péchés. Certainement pas en excluant ses souffrances sur la croix, mais de telle manière cependant qu'il a maintenant le pouvoir et la possibilité de pardonner. Cette "part" du service qui se trouve dans la vie de Jésus n'est pas oubliée, annulée à la croix; elle est en quelque sorte "retirée" de la croix (NB 1/2, 146).

 

1248. Méditer sur Jésus portant sa croix 

Saint Ignace dans sa vieillesse. Il a médité une petite partie du chemin de croix : comment le Seigneur portant sa croix a fait quelques pas et il est si fatigué sous la charge qu'il sait à peine s'il a réellement fait ces pas, s'il s'est approché en quelque sorte du lieu de la crucifixion. Dieu Trinité, tu permets que notre Seigneur, portant sa croix qui doit déboucher sur la rédemption du monde, s'effondre presque par pure fatigue. Et qu'en outre il ne sait plus s'il s'approche de son but et que la souffrance rédemptrice avance. Nous, dans notre petite Compagnie, nous sommes aux prises avec des contrariétés si bien que nous ne savons presque pas si nous servons l'Église et si, par notre service, nous aidons ton Fils à porter sa croix et à rapprocher l'Église du monde (NB 1/1, 471).

 

1249. Porter la croix d’une manière si pénible

Avant ses visions, Élisabeth de Hongrie ne savait pas que le Seigneur avait dû porter sa croix d'une manière si pénible (NB 1/2, 118).

 

1250. Le Seigneur en croix : le malheureux

Saint Jean de Dieu voit le Seigneur en croix comme le malheureux, l'incompris, l'abandonné (NB 1/1, 299).

 

1251. Le Fils sur la croix est avec le Père et avec l’Esprit

Saint Camille de Lellis est bon avec ses gens qu'il entraîne avec lui. Chez lui, il s'agit toujours de prendre avec. Il ne pourrait jamais s'imaginer faire quelque chose tout seul. Il a une représentation vivante du fait que le Fils sur la croix est avec le Père et avec l'Esprit et toute l'humanité souffrante, et il voit en cela quelque chose qui est donné à tous et qui doit trouver partout son prolongement (NB 1/1, 301).

 

1252. On ne peut pas porter sa croix mieux que le Seigneur

Le Seigneur porte sa croix unique comme Dieu seul peut la porter même s'il l'a portée en tant qu'homme. Il va de soi qu'on ne peut pas la porter mieux. C'est pourquoi chaque chrétien doit porter sa croix dans l'esprit du Seigneur. Cela ne veut pas dire dans une absence de formes comme le chrétien moyen le fait pour ses actes, mais comme Dieu l'a prévu pour chaque être qu'il a créé et à qui il a donné un caractère unique. La plupart trouvent que c'est déjà bien beau de la porter selon quelque norme abstraite. Mais le Christ a porté en réalité sa croix comme un charpentier même si, durant ses dernières années, il n'a plus exercé sa profession. Le bois était pour lui le matériau familier, son corps y était habitué. Les clous également étaient pour lui des objets dont il savait se servir (NB 10, n. 2328).

 

1253. Sans la croix, aucun homme ne peut vivre

Sans la croix aucun homme ne peut vivre. En tant que chrétien, il peut choisir la croix du Seigneur ; tout ce qui lui arrive, le plus petit comme le plus grand, il peut le considérer et l'accepter à la lumière de cette croix. Mais il peut aussi faire des mêmes événements de sa vie sa propre croix. Par exemple : un père perd son enfant ; il peut porter cette souffrance à la lumière de la croix du Christ ou se faire lui-même la mesure des choses et ainsi se faire également la mesure du malheur qu'il a à assumer ; finalement il peut refuser d'assumer toute croix ; c'est ce qu'il fait quand il refuse l'amour. Il ne s'acceptera pas non plus lui-même alors afin qu'il ne ressente pas de douleur particulière quand il devra se séparer de lui-même (NB 4,418).

 

1254. Croix du Père, du Fils et de l’Esprit

Trois croix se trouvent côte à côte ; mais, dans le Seigneur, elles ne forment qu'une seule croix. Car le seul côté que nous voyons de Dieu Trinité, c'est le Seigneur, et ainsi nous ne voyons la croix du Père et la croix de l'Esprit que dans la croix du Seigneur (NB 4,418).

 

1255. Ce n’est que par la croix que nous pouvons comprendre l’incarnation

Le Fils qui donne sa vie pour le monde reçoit une onction à Béthanie. Son onction est un accomplissement, accomplissement pour la mission de sa mort. L'onction le libère pour la mort, pour la fin de sa mission et pour la remise au Père de sa mission. Elle est comme un résumé de son existence jusqu'alors qui avait un sens pour ce qui allait venir ; l'ensemble de son œuvre était une action qui préparait sa mort sur la croix ; ce n'est que par la croix que nous pouvons comprendre l'incarnation (NB 6,543).

 

1256. Il faut la grâce pour comprendre la croix

La grâce seule nous fait saisir les choses du Seigneur, elle est l'air qui remplit le ballon de notre âme de telle sorte qu'il puisse voler ; ce ne sont en aucune manière nos mérites et nos spéculations. La grâce ne se laisse remplacer par rien d'autre. Avec des "réflexions", on n'arrive jamais à la croix parce que celle-ci ne cesse de rejeter loin d'elle toutes les abstractions par le poids de son caractère effectif, de sa réalité inexorable, incontournable. La croix est plus grande que toute la problématique de la passion (NB 3,357).

 

1257. Il a fallu la croix pour que Fils puisse envoyer l’Esprit

Il y a encore quelque chose qu'à vrai dire on ne peut guère exprimer. Il est pour ainsi dire exigé de Dieu beaucoup plus d'amour s'il s'agit de racheter sur la croix le monde pécheur que de répandre son Esprit dans un monde qui n'aurait pas péché. Bien que l'Esprit soit l'amour, on peut comprendre qu'il y ait une augmentation d'amour dans le fait que le Père se laisse retirer du cœur son Fils unique et bien-aimé, dans le fait que, pour sauver le monde, ne soit pas seulement requis l'envoi de l'Esprit mais aussi celui du Fils. Ce qui se passe maintenant, c'est que non seulement l'Esprit introduit l'œuvre du Fils, l'accompagne constamment et l'achève, mais que le Fils aussi communique l'Esprit, l'envoie et l'intègre à l’Église de bien des manières. Le Fils a dû faire son œuvre de rédemption pour que l'Esprit trouve sa place dans la nouvelle Alliance. Et cette place, l'Esprit l'a trouvée, il a reçu le rôle qu'il aurait dû jouer dans un monde sans péché, qu'il joue maintenant aussi dans le monde sauvé du péché, et il achève ainsi l'œuvre de la création du Père (NB 6,399-400).

 

1258. Actualité de la croix pour tous les temps

Il y a une éternelle actualité de la croix pour tous les temps et donc également pour notre temps (NB 10, n. 2194).

 

1259. Sur la croix, le Fils fait ce qu’il faut pour le monde entier

Durant sa vie, le Fils était lié aux lois de la finitude : il ne s'adressait qu'aux hommes de son temps qui vivaient dans les limites de son peuple. Sur la croix, ces limites sont supprimées : dans le "rôle", le Père peut soutirer tout ce dont il a besoin pour le monde entier (NB 6,273).

 

1260. Sur la croix, le Seigneur porte le monde entier

Lorsque le Seigneur est suspendu à la croix, sur laquelle il porte le monde entier, il fait l’incommensurable et aucun homme ne peut mesurer l’incommensurable, surtout pas, étant donné que suit le samedi saint. Parce que le samedi saint a les mesures de la pierre incommensurable et il y a des relations entre le péché incommensurable, la passion incommensurable, la croix incommensurable et la pierre incommensurable des enfers. Ce qui est mesurable de la croix, c’est le temps. Combien de temps le bois a poussé, on ne le sait pas ; mais on sait combien de temps la croix a duré jusqu’à la mort (NB 4 ,113).

 

1261. Sur la croix, le Christ a vaincu le mal du monde

Quand le Christ arrive, il institue l’Église à la place du monde et, par elle, il introduit dans le monde le jeu des forces : Père - Fils - Esprit - Église. Sur la croix, il a vaincu le mal du monde en son fondement et d'une manière universelle, il a ainsi la possibilité d'inclure tous les hommes dans sa relation d'amour avec l’Église : les croyants et ceux qui ne connaissent rien de lui, également ceux qui le combattent, tous sont inclus d'emblée. Mais, à aucun moment, le Fils n'accueille l’Église (et par elle, le monde) dans une relation exclusive avec lui, il l'accueille tout de suite dans la pluralité de ses relations avec le Père et avec l'Esprit. Et à la Pentecôte, il envoie l'Esprit sur l’Église afin que l’Église (et en elle, le monde) soit désormais aux yeux du Père à l'intérieur de la relation d'amour du Fils et de l'Esprit, de l'Esprit et du Fils. Le Père n'a plus besoin maintenant de voir son monde "extra muros", il est inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit et il participe à l'amour trinitaire. Et ce n'est pas seulement le monde comme un tout qui y participe, c'est chaque être humain individuellement, de sorte que se font jour une infinité de facettes de l'amour et que chaque acte d'amour est recueilli dans le trésor d'amour du Père. C'est ainsi qu'on comprend aussi que l’Église peut tout recueillir dans son trésor et qu'elle crée partout des concepts qui, s'ils sont compris correctement, peuvent servir à découvrir partout et à l'infini l'amour prévoyant du Père ; par tout ce que l’Église crée de neuf, par toute parole qui est formulée dans l'amour, l'amour du Père veut renforcer la relation d'amour que l’Église a pour le monde. Et on comprend aussi comment la croix remporte la victoire sur le péché, non seulement comme la plupart du temps nous la voyons - comme l'antidote aux différents péchés - mais de telle sorte qu'elle triomphe de la totalité du péché (et aussi du péché originel) et transforme le monde et l'établit en Dieu encore plus profondément que le péché pouvait l'en détourner (NB 6,91-92).

 

1262. La croix : le prix par le quel Dieu nous rend sa lumière

Quand les humains furent chassés du paradis, Dieu ne fut plus pour eux dans la lumière. Ce n'est que lorsqu'ils cherchent à s'approcher à nouveau de Dieu qu'il leur rend dans sa grâce quelque chose de la vraie lumière, afin qu'ils voient dans la lumière de Dieu la lumière terrestre et les choses terrestres. Quand, à la fin de la passion, le Fils meurt, que toute la lumière se brise et qu'elle est comme traversée par les ténèbres, c'est alors que devient visible le prix par lequel Dieu nous rend sa lumière. L'extinction de la lumière terrestre est un signe pour tous ceux qui sont complices de sa mort, la lumière s'éteint. Une nouvelle lumière proviendra de la grâce de la résurrection (NB 6,234-235).

 

1263. La croix : horizontale et verticale

Le Fils est étendu sur la croix horizontalement et verticalement : ses bras s'étendent sur le monde entier, la poutre transversale est prolongée à l'infini tandis que la poutre verticale avec le corps se prolonge jusqu'au ciel, dans le Père. Les deux lignes se rencontrent en un point infini qui est en même temps désigné par le corps du Seigneur : la croix est infinie en tant que souffrance et pourtant elle n'est pas à séparer d'une souffrance du Christ dans sa finitude temporelle (NB 4,220).

 

1264. Impossible de porter la croix

Avant même de commencer à porter la croix, le Seigneur sait qu'il est impossible de la porter, il connaît une grande fatigue, de la lassitude. Tout ce qui se passe autour de lui et tout ce qui arrive avec lui, a le caractère de l'intolérable, de l'insupportable. Tout se trouve sous le signe de la croix, à son ombre. Toute la journée, il vit dans la compagnie des hommes et souffre au milieu d'eux étant donné que leur volonté de le tuer se tourne vers lui toujours plus réellement ; la nuit, dans la prière, il doit découvrir au Père sa souffrance avec sa grande fatigue. Le calice devient trop amer, mais justement le fait que cela n'aille plus, le fait que c'est par trop amer, doit être éprouvé jusqu'à la dernière goutte (NB 3,361).

 

1265. Le poids du bois

Le poids de la croix à porter est trop lourd. Il connaît le poids du bois ; comme menuisier, il a manié le bois et il l'a travaillé d'après les mesures que d'autres précisaient eux-mêmes pour leur commande. Maintenant il le porte selon ses mesures à lui, sur mission du Père. Ce qui lui était confié à cause de sa profession lui est devenu totalement étranger en sa nouvelle utilisation. Le quotidien est étranger. Le travail est loin et il n'est plus compréhensible. Il ne reste que le matériau, mais il est devenu maintenant inexorable, on n'en est plus maître, il est même menaçant, dans une inversion des rapports. Pierre l'a renié, les disciples se sont enfuis ; tout ce qui, dans son existence, ressemblait à un foyer est à présent abandon, menace, péché. Même la matière participe à cette transformation. Le Père est caché, le ciel si éloigné qu'il n'y a plus moyen de croire à sa vérité (NB 3,401).

 

1266. Attaché au bois

Quand le Fils est fixé sur la croix, il est séparé de tout ce qui était et il appartient désormais à quelque chose de nouveau : à la mort sur la croix. La croix elle-même est un monde que les hommes ont confectionné avec le bois du Père, avec l'arbre créé par le Père. Il y avait l'appartenance du Fils au métier du bois, c'était pour lui son activité quotidienne, la matière que le Père lui donnait à travailler pour les besoins des hommes. C'était son travail quotidien, où il s'investissait pour son prochain, tous ayant le souci les uns des autres. Maintenant le même bois devient un symbole ; il est attaché au bois d'une manière nouvelle, le bois devient la mort elle-même. Son prochain fait un mauvais usage du bois pour le sacrifier et le tuer (NB 3,329-330).

 

1267. La croix du Seigneur : il n’en peut plus

La croix du Seigneur est tout en chacun de ses aspects. Elle n'est pas tout seulement quand il meurt, elle est déjà tout quand il est cloué, quand il a soif, quand une fatigue infinie le saisit et qu'il n'en peut plus, etc. Car il porte tout, et tout le fatigue, le tient fermement. Qu'il n'en puisse plus concerne d'emblée le fait que l'exigence du tout est démesurée. Le tout était au commencement quand les douleurs étaient toutes neuves, pas plus léger ni plus compréhensible que maintenant que la fatigue s'accroît démesurément. Le tout se trouve déjà dans le fait d'être en même temps Dieu et homme, dans l'entrée de Dieu dans une humanité qu'on peut comprendre en soi et qu'on peut fixer d'une certaine manière mais qui reste toujours le lieu de l'action d'un Dieu qu'on ne peut ni comprendre ni fixer (NB 3,327-328).

 

1268. La croix : la somme des souffrances

Le Seigneur a éprouvé aussi sur la croix la somme de l’ascèse, des exercices de pénitence et des souffrances (NB 4,118).

 

1269. La croix, c’est toujours plus

Tout est déjà contenu à l'avance dans le symbole de la croix. Dans la réalité du bois. Il est trop dur. La force humaine n'est pas de taille à se mesurer à la croix réelle. Et parce que c'est trop lourd, le tout est indéfinissable. Et quand le corps est cloué et que viennent les souffrances épouvantables, elles atteignent en plein ce qui est démesuré de manière indéfinissable. Le tout de la croix n'est pas subdivisé par les douleurs. C'est toujours le tout et après cela vient le plus. Le tout est déjà là, et les parties qui viennent en plus ne doivent pas être ordonnées dans ce tout parce qu'on ne peut quand même pas compléter un tout. Il est forcé en lui-même pour lui-même. C'est comme un récipient qui déborde, mais le débordement se produit dans le récipient lui-même. Aucune image ne convient parce que la réalité n'a plus rien à faire avec le symbole tel que nous nous le représentons. Nous nous sommes habitués à prendre la croix comme un symbole : comme une intensification de ce que nous imaginons sous le terme de souffrance, nous faisons des chemins et des ponts pour aller de ce que nous appelons "notre croix" jusqu'à la croix du Seigneur, pour aller de nos péchés jusqu'à lui qui les a portés, ou aussi pour aller de ce nous portons avec lui du péché jusqu'à lui qui porte tout le péché. C'est avec des comparaisons de ce genre que nous nous fermons l'intelligence de la réalité (NB 3,327).

 

1270. La croix : un tout

Il est incompréhensible que c'est cela la croix : non quelque performance extraordinaire, rien à quoi le Fils pourrait donner une forme de souffrance concevable. Non pas être fouetté à mort, non pas mourir de faim dans une cave. Mais cela. Ce que c'est, on ne peut pas le dire. Cela part sans doute de différents points : des mains, des pieds, de la couronne d'épines, de la position impossible du corps. Mais ce ne sont là que des points de départ qui s'ouvrent toujours sur un tout, y compris comme souffrances, pour rester ainsi jusqu'à la mort. Les souffrances également de la crucifixion ne font rien. Beaucoup ont été crucifiés et l'ont enduré. La crucifixion corporelle n'est qu'un point de départ. Certes chacune des douleurs ne cessent de se rappeler à la mémoire : tantôt ce sont les mains qui prédominent, puis la tête, puis la désarticulation (NB 3,215-216).

 

1271. « Notre Père » sur la croix

(Notre Père du Fils sur la croix). Le Fils ne saurait plus que le Père est au ciel si Marie et Jean n'étaient pas au pied de la croix. Il les voit, il perçoit par là en eux sa propre parole et il sait par là la vérité du Père. Que ton nom soit sanctifié. Cette sainteté du Père est maintenant pour lui comme un concept humain, il n'est plus rempli de sa sainteté divine. C'est comme homme qu'il doit chercher en quelque sorte ce qui est saint. Pour lui, Dieu Trinité était toujours saint; mais lui, il est comme détaché de la place de la deuxième personne. Il sait bien que le nom du Père ne doit pas être exprimé sans celui du Fils et de l'Esprit. Traduction en langage humain : il est comme quelqu'un qui est conscient d'avoir une mission reçue de Dieu et qui envie tous ceux qui ont reçu une mission comme si lui-même n'en avait pas. Comme un enfant de riche qui joue avec le jouet d'un enfant pauvre et qui oublie que lui-même a chez lui des jouets beaucoup plus beaux. Que ton règne vienne. Dit sur la croix comme un cri de détresse. Sans avoir conscience que le règne justement vient par le fait que lui-même s'en va et qu'il s'en va dans une angoisse qui l'aliène totalement. Comme s'il devait faire tomber d'en haut sur la croix le royaume des cieux parce qu'il ne voit pas que la croix s'élève vers le ciel et ouvre une brèche dans le ciel, brise les portes avec violence, établit le passage de la vie d'aujourd'hui à la vie éternelle. (Que ta volonté soit faite ne se trouve qu'à la fin). Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour. Ici, il n'est plus que les autres. Il ne peut plus avoir besoin du pain de chaque jour. Mais il n'a pas le droit d'omettre cette demande parce que les autres en ont besoin. Et pourtant cette demande veut dire maintenant: donne-nous le corps de ton Fils. D'un saut, le corpus Domini est le vrai pain, ils doivent le recevoir. Lui-même n'en a pas non plus besoin parce qu'il l'est lui-même ; il livre son corps au pain afin que le pain de chaque jour des chrétiens devienne eucharistique. Pardonne-nous nos offenses. Il porte toutes les offenses. Si le Père veut pardonner maintenant à un homme quelconque, il doit pardonner au Fils, l'innocent, à qui il est de toute façon pardonné parce qu'il n'a rien fait, mais à qui il faut pardonner parce qu'il porte tout. Une affaire tout à fait futée. Et le Fils doit se tenir pour coupable parce que la faute des autres a en lui place libre. En lui, il n'y a plus de place. Il se peut qu'on entre avec la conscience de son innocence et on voit tout d'un coup en lui le fardeau tout à fait écrasant des preuves et on est convaincu. Comme nous pardonnons aussi. Il pardonne à tous, il a déjà pardonné avant même qu'il en soit revêtu, de sorte qu'il pardonne à tous alors qu'il est encore sous le fardeau des offenses. Comme celui que tous ont outragé. Dans la double demande, il est celui qui fait tout parce que tout lui a été fait. Et cela justement afin qu'il puisse pardonner à tous. Pour lui, c'est comme s'il devait pardonner afin que le Père puisse pardonner, comme s'il devait pardonner afin que les autres puissent pardonner. Cela lui coûte de la peine de pardonner parce que tout ce qu'il doit faire lui-même lui coûte maintenant de la peine, maintenant étant donné qu'on dispose totalement de lui. Il est difficile d'être actif dans la passion. C'est pourquoi les paroles sur la croix pèsent tellement plus que toutes les autres paroles ; elles sont comme une avalanche ; plus elles se propagent, plus elles croissent, de Marie et de Jean jusqu'à nous, et on voit que toute leur force se trouvait déjà dans l'origine. Cela constitue pour nous une énorme obligation. Le plus touchant est peut-être la manière dont le Fils prie maintenant : Ne nous soumets pas à la tentation. Il a vaincu la tentation. Mais son expérience est maintenant passée. Dans son impuissance, il est celui qui ne décide plus de ce qu'il est capable de faire et de ce dont il n'est pas capable. Il fait partie d'une certaine manière de la masse de ceux qui sont fatigués de résister à la tentation. Il est l'homme fatigué qui souffre. Qui supplie d'être délivré du mal. Plus faible au fond qu'au mont des oliviers. Et ce n'est que maintenant que vient la dernière demande : Que ta volonté soit faite. Il résume tout en ce centre. Le Père ne doit pas penser qu'il a encore sur la croix un quelconque désir. Sauf un seul : sur la croix terrestre accomplir la volonté du Père comme il l'accomplit au ciel (NB 3,158-159).

 

1272. Homme jusqu’au bout

Dans sa croix est rassemblé tout ce qu'il n'avait pas encore expérimenté humainement jusqu'alors. Ainsi la soif et l'excès de douleurs et l'abandon infini. Il a tout donné déjà depuis toujours, mais il n'a pas su dans le détail le contenu qu'aurait son don (NB 3,407).

 

1273. Dans le Seigneur, la croix n’a pas tué la joie

Les mélanges d'amour et de châtiment, de joie et de confusion, dans la confession aussi bien qu'au purgatoire, montrent aussi que, dans le Seigneur, la croix n'a pas tué la joie, qu'en revenant de la croix et du monde d'en bas, il reste dans la décision joyeuse de ramener au Père son monde (NB 6,356).

 

1274. La croix, comme une bombe

Dans le temps qui précède la passion, le Christ a deux choses sous les yeux : le monde tel qu'il le voit comme Homme-Dieu, et le monde tel qu'il le voit comme Dieu dans le ciel. Il possède la vision du Père de telle manière que, si cela ne dépendait que de lui, il pourrait en faire usage à tout instant. Mais il doit avant tout tenir compte de sa mission. Se pose alors de façon aiguë la question : de quel côté l'action serait la plus forte ? Il voit très précisément que sa mort est devenue inéluctable, qu'il n'avance plus avec les hommes s'il ne meurt pas pour eux. Il reconnaît la nécessité de cette mort contre laquelle sa nature se hérisse. Son activité d'homme à homme ne pouvait être qu'un travail préparatoire ; la croix tombera sur ce travail comme une bombe. Ce n'est que si elle éclate que les rachetés pourront collaborer à son œuvre. Mais cela reste une alternative difficile, car il ne peut pas avoir les deux choses en même temps : par exemple, faut-il ne rien dire à Pierre (alors il le reniera sûrement), ou faut-il tenir compte du reniement pour instituer vraiment Pierre dans son ministère par la résurrection ? (NB 6,241).

 

               161 La rédemption

 

1275. Pourquoi le monde est-il racheté si tard ?

Réflexion d’Adrienne avant qu’elle devienne catholique : «  Pourquoi notre Seigneur a-t-il racheté le monde si tard alors que le Père l'avait quand même décidé depuis toujours? » (NB 7,54).

 

1276. Nous sauver autrement ?

Le Christ étant Dieu, il aurait pu peut-être aussi nous sauver d'une autre manière : par exemple, en raison de sa grâce et de notre pénitence, il nous aurait donné, après sa mort, des corps transfigurés (NB 12,92).

 

1277. La rédemption : quelque chose de nouveau

La rédemption par le Christ apporte à l'homme quelque chose de totalement nouveau. Le Père se laisse vaincre par l'amour du Fils, par l'inouï, ce qui veut dire ici : il a racheté le monde sur la croix. Le caractère démesuré de ce que le Fils a fait et son accueil par le Père, ce débordement de l'amour réciproque dans l'Esprit Saint, est d'une telle plénitude que toute prière en est portée et soulevée, reçoit son sens ultime et apporte constamment à celui qui prie de nouvelles expériences qui, malgré leur éternité, ne cessent d'être uniques (NB 6,77).

 

1278. Dans l’ancienne Alliance est lancée la promesse de la rédemption

Pendant le grand jeûne du Fils dans le désert, le Père lui montre, comme à l'avance et de l'extérieur, les aspects de la passion future. Le Fils ne peut pas se les présenter à lui-même, sinon il prendrait de lui-même ce que seul le Père peut lui imposer. C'est le Père qui montre au Fils la passion, pour le moment dans une sorte de transposition, il montre la réalité comme en image. Le Fils sait que la réalité viendra, mais il laisse au Père le soin de gérer ce savoir. Mais pas au Père comme à un ami qui voudrait lui épargner toute souffrance, mais au "rôle" du Père : et dans ce "rôle" se trouve son souci du salut des hommes à sauver. Ainsi le Père ne peut pas remplir son "rôle" uniquement comme Père éternel du Fils, il doit en même temps le remplir comme Créateur, comme le Dieu de l'ancienne Alliance qui a été offensé et qui, en même temps, a permis que soit lancée la promesse de la rédemption. Le Père ne fait qu'un avec sa création et avec son alliance dans ses exigences vis-à-vis du Fils (NB 6,267-268).

 

1279. La rédemption préparée dans l’ancienne Alliance

Ce n'est que l'enseignement chrétien qui ouvre la compréhension de ce que Dieu a fait depuis Adam dans l'ancienne Alliance pour préparer la rédemption par le Christ et la rendre possible (NB 12,155).

 

1280. La rédemption du monde était, de toute éternité, la décision de Dieu Trinité (NB 10, n. 2290).

 

1281. Rédemption : le Fils a tout remis au Père

Le Fils a tout remis au Père, non seulement sa vie terrestre, mais aussi la disposition de son esprit. Il ne veut pas porter la croix en disposant de lui-même comme Dieu, et c'est comme s'il ne pouvait se débarrasser lui-même de cette divinité ; il ne le peut que dans l'obéissance au Père qui peut intervenir en tout. Le moment de la rédemption est par là comme remis au Père (NB 3,157).

 

1282. Le Père participe à l’œuvre de la rédemption

C'est contre la tentation que lutte la grâce du Fils. Il offre son amour efficace, immédiat, pour aider. Comme aide subjective. Celle-ci va jusqu'à vaincre le péché. Cette victoire elle-même et le sacrifice qui y est inclus appartiennent au Père. Dès que le combat est fini, dès qu'il est décidé que l'homme ne péchera pas, commence le domaine du Père. Le Fils accompagne l'homme jusqu'à ce point par son intervention ; le fruit du combat, il l'abandonne au Père parce que tout le fruit de son œuvre, il le remet à la disposition du Père. Par amour, pour offrir au Père ce qu'il aime en l'homme, c'est-à-dire ce qui les rend semblables au Fils et ce qu'ils ont de lui. Si le Fils demandait pour lui non seulement le combat mais aussi la victoire, il ne laisserait pour ainsi dire au Père aucune participation à l’œuvre de la rédemption. Mais il veut que toute l’œuvre aboutisse au Père parce qu'elle est partie du Père. Et que finalement elle est l’œuvre du Père lui-même. Sinon aussi la vie des hommes dans la grâce du Seigneur serait en quelque sorte limitée et claire. L'imitation du Fils serait quelque chose de simple, de clos, d'intelligible. Notre vie serait dominée seulement par l'idée du Fils ; il y aurait une proportion simple entre notre chemin et le chemin du Fils ; il suffirait de croire au Fils, de se tenir à ses prescriptions comme à un programme qu'on peut embrasser d'un coup d’œil, on pourrait tout classifier et mesurer. Et le chemin ne serait plus un chemin trinitaire. Mais justement le Fils ne doit jamais être compris sans toute la Trinité, il renvoie toujours au-delà de lui, au Père et à l'Esprit Saint. Cela ne rabaisse aucunement le Fils, cela montre seulement qu'il est impossible de le détacher de sa relation au Père. De même que le Fils renvoie toujours au-delà de lui, au Père et à l'Esprit, de même aussi notre vie est dominée d'une manière infinie par la Trinité tout entière ; les trois personnes façonnent ensemble cette vie et donc aussi la relation de l'homme au péché. L'Esprit a une relation au péché en tant qu'objet, le Fils a une relation au péché en tant que tentation subjective, le Père a une relation au péché en tant que vaincu (NB 3,102-103).

 

1283. Le Père participe à la rédemption

L’œuvre de la rédemption est l’œuvre la plus personnelle du Fils, mais il y fait participer le Père, il fait couler son sang dans le mystère le plus intime de la Trinité (NB 4,30).

 

1284. L’Esprit et l’œuvre de la rédemption

Il pourrait paraître étrange que le Père envoie le Fils et l'Esprit dans la même œuvre. Une raison en est que l'Esprit doit être prodigué dans l'humanité afin que le Christ homme reconnaisse le Père dans son prochain. Il y a ainsi toutes sortes d'aspects de l'Esprit dans l'œuvre de la rédemption. L'Esprit couvre la Mère de son ombre et fait que le Fils devienne homme ; comme porteur de la semence, il est le représentant du Père. Il est également le représentant du Père dans le Fils qui agit. Nulle part l'Esprit n'agit seul, mais il accomplit la mission du Père pour rendre possible la mission du Fils à tout point de vue (NB 6,85).

 

1285. Il n’y a de purgatoire que par l’acte rédempteur du Fils

Le Seigneur voit le purgatoire comme l'unité de la justice et de l'amour, de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, donc comme conditionné aussi par la croix. Le Seigneur se trouve maintenant au milieu de deux extrêmes : d'un côté se trouve l’œuvre du pur amour : la croix, de l'autre côté l’œuvre de la pure justice : l'enfer. Et il voit ce que le Père fait des deux : il voit la synthèse. Il y a ici une prévenance réciproque de la part du Père et de la part du Fils. La prévenance du Fils consiste en ce qu'il a déposé sa rédemption auprès du Père pour être initié au mystère du Père. Par sa souffrance sur la croix, il a en main la clef de la rédemption ; en soi il pourrait absoudre toutes les âmes tout de suite et tout simplement et les conduire au ciel. Mais cela se ferait sans tenir compte du Père, cela ne se ferait donc pas dans l'unité de l'amour du Père ni à l'intérieur de sa mission. C'est pourquoi il doit se porter à la rencontre de la justice du Père. Le Père vient à la rencontre du Fils en ne lui montrant pas en premier lieu l'enfer nu, mais la synthèse de l'enfer et de la croix, donc l'effet de l'amour du Fils à l'intérieur de la pure justice. Avant la croix, il n'y avait que l'enfer définitif. Il n'y a de purgatoire que par l'acte rédempteur du Fils (NB 3,94-95).

 

1286. Le Fils prend la décision de la rédemption

La première personne que rencontre le Fils dans son attente, c'est sa Mère. Quand il ressent sa pureté et sa bonté, et qu'il expérimente en elle l'image idéale de la femme, il lui est difficile de voir derrière elle les autres humains, les pécheurs qui doivent être rachetés. D'une certaine manière il ne pense pas maintenant que sa Mère est rachetée à l'avance, il voit en elle l'être humain tel qu'il devrait être ; vivant en elle, il en arrive presque à la conviction que c'est ainsi qu'est l'être humain. Et l'homme déchu, l'homme pécheur n'est qu'un mauvais rêve. C'est comme si maintenant il devait, à partir de Marie, prendre encore une fois la décision de la rédemption. Dans l'obéissance au Père, se décider de nouveau à aller vers les autres humains. Tant qu'il ne regarde que sa Mère, il semble qu'il n'y ait aucune nécessité contraignante de prendre sur lui la terrible passion qu'il avait projetée. Et pourtant il doit y être prêt comme ce qui est la volonté du Père. Ainsi le plus dur à sa naissance, c'est l'attente inconditionnelle de la croix. La pureté de sa Mère ne doit pas détourner son regard de ce qui va arriver, il doit être prêt à quitter sa protection. Cette décision du Fils qui devient homme est peut-être pour nous l'exhortation la plus forte pour nous dire qu'il ne nous est jamais permis de nous installer. Toute décision chrétienne de renoncer à tout horizon fermé prend son point de départ ici où le Fils décide de vivre au milieu des pécheurs bien qu'il y ait eu peut-être la possibilité pour lui de rester auprès de sa Mère rachetée (NB 6,136-137).

 

1287. Le Fils s’est offert pour la rédemption

Peu importe quand on fait commencer la mission du Fils : dans la prescience de Dieu concernant le monde et son péché, ou à l'instant où Adam mange la pomme. Ce qui est impensable seulement c'est que le monde ait jamais pu vivre détourné du Père sans que le Fils se soit offert pour la rédemption (NB 10, n. 2167).

 

1288. Le Christ purifie par la rédemption la distance que le péché a établie entre l’homme et Dieu

En soi, Marie aurait pu pécher (comme Adam). Elle se trouve entre Adam qui a péché et le Christ qui ne peut pas pécher. Ce qui les unit, tous les trois, c'est une certaine relation au péché. C'est à cause des péchés de tous les enfants d'Adam que le Fils est devenu homme : pour montrer au Père que la création est bonne, qu'on peut vivre sans péché dans la nature d'Adam. Adam a souillé par le péché la distance entre lui et Dieu, le Christ la purifie par la rédemption en y vivant l'amour trinitaire. De même que la distance entre Dieu et la créature devient par Adam un éloignement de Dieu, la même distance devient par le Christ une proximité de Dieu. L'expérience du péché qu'il trouve là reçoit le sens d'une expérience de l'amour : elle est traduite dans le Fils, par son obéissance, en une possibilité d'être au plus près de Dieu, également dans l'expérience de l'éloignement de Dieu. Mais cette expérience, Marie la transmet au Fils : elle se trouve à l'endroit où se trouvait Adam, mais là où Adam s'est détourné, elle est restée tournée. De même que le Fils expérimente en Adam la possibilité du péché, de même il expérimente en Marie la possibilité de ne pas pécher. Il y a un instant où la situation d'Adam et de Marie est la même : l'instant avant qu'Adam prenne la pomme et l'instant avant que Marie donne son oui à l'ange (NB 6,180).

 

1289. C'est dans le Fils que se trouve la rédemption des pécheurs

Le Fils devient véritablement un homme si bien qu'il prend toutes les manières d'un homme, il devient le prochain des "autres", des pécheurs. Et pourtant il est parfaitement pur : il montre ainsi au Père, dans la possibilité qu'il a d'être un homme, l'impossibilité qu'il a d'être comme les autres hommes : il vit donc la contradiction. Ce n'est que dans cette contradiction qu'il devient Rédempteur : en prenant totalement sur lui et en portant ce qui est incompatible avec lui. Quand il rencontre les hommes qui le méprisent, l'insultent, le frappent, lui crachent dessus, il rencontre les images de ceux qu'il porte en lui bien qu'il soit le contraire de tous les pécheurs, et même parce qu'il en est le contraire. En ce qui lui arrive, il les reconnaît tous, avec toutes les nuances de la nature humaine. Il se trouve au centre afin que les attaques de tous l'atteignent de tous côtés, il les représente tous mais, par son attitude, il montre également à tous ceux qui entrent ainsi en contact avec lui le point de vue de Dieu. Sa chair, qui va mourir sur la croix, est capable de porter toutes les souffrances et tous les outrages. Comme un homme les subit, mais toujours avec l'intensification inconcevable qui s'exerce sur lui par la présence de tous les méchants. Et Dieu voit cela et, dès à présent, il peut regarder les pécheurs autrement. Non plus avec colère, parce qu'ils sont le contraire de ce qui est dans le Fils ; le Fils les porte en lui, c'est dans le Fils que se trouve leur rédemption. Il s'est produit une translation inconcevable : les pécheurs sont dans le Fils, c'est pourquoi le Fils est dans les pécheurs. Et le Père ne peut pas être irrité contre lui (NB 6,231).

 

1290. Le Christ, parfaitement rédempteur

Le Christ, en tant qu'homme, a parfaitement rempli son ministère de Rédempteur (NB 6,421).

 

1291. Le Fils : tout porter et tout pardonner pour devenir rédempteur

Le Fils qui devient homme, qui habitera parmi les hommes, s'habitue à leurs usages ; sa chair est celle d'un homme comme les autres, c'est la chair d'un pécheur. Malgré cela il est parfaitement pur. Et le Fils en tant qu'homme montre ainsi au Père l'impossibilité d'être comme sont ses compagnons d'humanité. De la sorte tout est en contradiction. Et pourtant ce n'est qu'en s'identifiant dans sa pureté avec toute l'impureté pour tout porter et tout pardonner qu'il devient rédempteur. Quand il rencontre des hommes qui le méprisent, qui le frappent, qui se moquent de lui, il se trouve en présence d'hommes qu'il porte en lui. Comme s'il lui suffisait de les regarder pour se voir lui-même tel qu'il veut être : sans mépriser mais en supportant le mépris, sans injurier mais en assumant les invectives (NB 10, n. 2289).

 

1292. Le Père voit continuellement dans le Fils l'œuvre de la rédemption (NB 6,476).

 

1293. Acquiescement du Christ à toute l’œuvre de la rédemption

Fête du Christ-Roi 1941. Adrienne écrit au P. Balthasar qu’on se trompait sur cette fête de manière inouïe. C’est une fête très sérieuse, presque sombre, plus précisément la fête de l’acquiescement du Christ à toute l’œuvre de la rédemption. Un acquiescement qui a d’avance tout connu, réellement connu toute la souffrance exactement et qui acquiert la royauté à ce prix (NB 8, n. 215).

 

1294. Le Fils quitte Nazareth : la rédemption, une tâche à accomplir

Quand il quitte la maison de Nazareth, le Fils voit devant lui la rédemption du monde comme une tâche à accomplir (NB 9, n. 2013).

 

1295. L’œuvre de rédemption du Fils

Avant même qu'Adam soit créé, avant même qu'il puisse pécher, du point de vue éternel du ciel, le Père s'exerce à son œuvre de création et le Fils s'exerce déjà à son œuvre de rédemption (NB 4,355).

 

1296. Le Fils, durant toute sa vie, n'a pas vu le fruit de sa rédemption (NB 10, n. 2167).

 

1297. Le Fils, en tant que Rédempteur, veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde (NB 10, n. 2291).

 

1298. La croix et la rédemption

La croix en tant que rédemption pour l'humanité est le lieu d'où ne cesse de sortir le commandement de Jésus sur l'amour du prochain (NB 2,62).

 

1299. Rédemption par la croix

Le Fils veut racheter le monde pour le Père. Cette rédemption est réalisée par sa passion dans laquelle il porte tous les péchés comme s'ils étaient ses propres péchés, et le Père reconnaît en lui tous les pécheurs. Arrivera donc l'instant où le Père verra dans le Fils la somme des outrages qui lui sont infligés à lui, le Père. C'est un processus d'amour que le Fils a imaginé par amour pour le Père et pour le monde. Il est juste alors que le Père et l'Esprit montrent à l'avance au Fils l'efficacité de la croix. Marie, la Mère, est ici dès le début un cadeau que le Père et l'Esprit font au Fils, comme si la Mère représentait dès le début une sorte de don anticipé, un acompte, en tant qu'elle est un instrument de la rédemption. Le Père et l'Esprit montrent au Fils que le chemin qu'il propose est valable en rachetant d'avance la Mère en prévision de la croix, ce qui veut dire finalement : par la croix. C'est un acte de rédemption du Fils par sa croix douloureuse, mais de telle manière que, pour son action, le Fils reçoit à l'avance la Mère qui le concevra comme celle qui est sans péché. En montrant par là au Fils que la rédemption par la croix est valable, le Père lui ouvre en même temps la voie pour accomplir l'incarnation (NB 1/2, 144).

 

1300. L’œuvre de rédemption du Fils sur la croix

Le Père, le Fils et l'Esprit Saint mettent ensemble le sceau de la nouvelle alliance sur l'âme du chrétien. Mais cela ne se produit qu'après que le Fils a reçu connaissance des mystères du Père et après que le Père a vu l’œuvre de rédemption du Fils sur la croix. C'est l'ultime intimité qui est dévoilée réciproquement ; et nous, les rachetés, nous sommes accueillis ici dans un mystère scellé. Mais la connaissance du mystère sert à notre croissance dans le Fils. C'est-à-dire que nous avons besoin de cette connaissance de l'enfer et du purgatoire tout autant que du mystère de la croix et de la passion pour pouvoir développer la vie chrétienne dans un sens trinitaire. Nous sommes accueillis de manière trinitaire dans la nouvelle alliance, ce qui signifie pour nous l'obligation d'y grandir aussi de manière trinitaire. Et si cette croissance ne doit pas être interrompue, si elle ne doit pas se dessécher avant l'heure, nous devons connaître par le Père, par le Fils et par l'Esprit Saint aussi bien ce qui est dans le ciel que ce qui est déposé en enfer (NB 3,113-114).

 

1301. Quand le Fils engendre sur la croix la rédemption du monde, il ressent l'abandon de Dieu (NB 12,213).

 

1302. Après sa mort, le Fils remet au Père la rédemption accomplie

Adrienne voit la croix et, sur elle, le Seigneur mort. Il y est suspendu dans une obscurité totale. Bien au-dessus et, séparée de l'obscurité, sans transition, la lumière du Père et de l'Esprit Saint, comme en attente. Dans cette lumière d'en haut, le Fils devient visible, lumière lui-même, transparent, spirituel (il semble avoir une sorte de corps spirituel, dit Adrienne, mais seulement pour que nous puissions le saisir). Il est réuni au Père un instant. Dans cette réunion, il remet au Père la rédemption accomplie, mais seulement comme quelque chose de provisoire. L'essentiel est achevé et déposé auprès du Père. La réunion du Père et du Fils est comme ponctuelle et établie en vue d'une nouvelle séparation : le Père accueille la rédemption et le Fils reçoit sa nouvelle tâche, qui n'est plus une mission dans le monde des vivants. Puis Adrienne voit comment le Fils redevient ténèbres et ne fait à nouveau plus qu'un avec le mort suspendu à la croix pour descendre dans le royaume du purgatoire et de l'enfer. Non comme s'il descendait avec son corps mort, mais il est dans l'état du mort, de celui qui n'est pas encore ressuscité. Dans la séparation, le Père va initier le Fils à ses mystères ultimes, et cette initiation doit se faire dans la séparation (NB 3,89-90).

 

1303. Passion du Seigneur et rédemption

A l’élévation de la messe, on montre au Père et au peuple ce qui est vivant, en s’appuyant sur l’élévation de la croix. C’est le mouvement qui va de la passion du Seigneur au Père pour la rédemption du peuple. Là où le Père sacrifie le Fils, on doit lui rendre le sacrifice (NB 4,63).

 

1304. Le Fils souffre pour réconcilier le monde avec Dieu

Sur la croix, le Fils doit souffrir personnellement pour le péché qui a été ressenti personnellement par lui, mais il doit en même temps souffrir de telle sorte que le Dieu tri-personnel soit réconcilié par lui avec le monde. Il le fait en renvoyant l'Esprit au Père. En mourant maintenant uniquement de sa mort personnelle de Fils, il rend pour ainsi dire au Père et à l'Esprit ce qu'ils ont fait pour lui lors de son incarnation. L'incarnation a certes eu lieu pour la rédemption ; le Père et l'Esprit y ont collaboré. Et à la coopération spéciale du Père et de l'Esprit lors de l'incarnation correspond une offense spéciale du Père et de l'Esprit par le péché. L'Esprit couvre Marie de son ombre et lui apporte le Fils du Père. C'est quelque chose de très particulier où chaque personne est représentée à sa manière ; il n'y a donc pas seulement une offense "générale" de Dieu, sinon Dieu aurait aussi pris seulement des mesures "générales" pour la rédemption (NB 3,225).

 

1305. Les douleurs tourmentent le Fils pour la rédemption du monde

"En tes mains". Abandon. Le Seigneur se tourmente, et les douleurs le tourmentent. Ce qui est chaotique dans le corps de péché est éveillé en lui. "En tes mains". On remet l'Esprit Saint, l'Esprit du Fils de Dieu. Un mot jaillit, comme "rédemption du monde", "Église" ; mais tout de suite il n'y a plus là à nouveau que les membres douloureux. On a rendu l'Esprit, on doit le rendre, pour pénétrer encore plus profondément dans l'obéissance. Qui est ici obéissant ? Le Fils ? Le Père en obéissant à la mission du Fils ? L'Esprit comme témoin qui appelle à l'obéissance ? (NB 3,262-263).

 

1306. Rédemption et péché

Quand, au ciel, le Fils assume sa mission de Rédempteur, il a la connaissance du péché. On ne peut pas dire que Dieu ne sait pas comment il se sentira quand il sera homme. Le Père sait que le Fils opérera la rédemption. Il sait donc que le péché a un caractère provisoire. En engendrant le Fils, il engendre en lui la mission, et celle-ci contre l'enfer (NB 3,274).

 

1307. Rédemption et destin du monde entier

A côté d'innombrables spermatozoïdes, c'est d'une unique cellule mâle que se fait l'enfant dans le sein de sa mère. Il s'opère un "choix", toutes les autres cellules disparaissent. Dieu le Père engendre le Fils unique et au même instant il "détruit" le grouillement de péché qui se trouve en enfer. En le couvrant. Dans l'acte où il est engendré, il n'y a pas pour le Fils de vision de l'enfer. Il n'en prend connaissance que le samedi saint. Mais l'acte d'acceptation de sa mission est en même temps l'acte de son don de lui-même au Père qui va au-delà de ce qu'il comprend, si l'on peut dire. Ce n'est que lorsqu’il dit : "Non ma volonté mais la tienne" que le don de soi du Fils se perçoit le mieux. Cela vaut dès l'instant où le Fils accepte sa mission dans le ciel ; d'un côté, il y a l'engendrement qui reste renfermé à l'intérieur du divin et, d'un autre côté, le destin du monde entier et sa rédemption y sont inclus (NB 3,274-275).

 

1308. Rédemption : tous les hommes

Le Seigneur voit tous les hommes qui sont pour lui l’objet de la rédemption (NB 9, n. 2014).

 

1309. Rédemption : le Fils porte en lui tous les hommes

Le Père crée l'être humain, celui-ci pèche ; le Fils devient un être humain qui, extérieurement, ne se distingue pas des pécheurs. Devant le Père, il se tient comme quelqu'un qui porte la faute de l'humanité entière. Dans le Fils, qui veut faire la volonté du Père, tout le non-vouloir des hommes devient visible ; dans le Fils, le Père reconnaît en même temps la séparation et l'unité. Quand le Fils sauve le monde, c'est en ne faisant qu’un avec le Père, mais aussi dans une unité nouvelle avec les hommes ; pendant la rédemption, c'est comme si le Fils portait en lui tous les hommes, comme s'il était un individu dans la foule innombrable (NB 10, n. 2289).
 

1310. Recevoir la rédemption

Le baptême et la confession que nous recevons ne nous garantissent pas que nous ne renierons pas le Seigneur. Celui qui est racheté définitivement ne connaît pas le moment de cette rédemption, cela dépend du Seigneur : elle peut se produire à la fin du purgatoire ou à la mort ou déjà dans la vie terrestre. La confession du pécheur ici-bas est comme une attribution partielle de la rédemption qui lui a été offerte, il éprouve le besoin d’être absolument sans voile devant le Seigneur et devant l’Église, il doit mettre à découvert sa participation au péché du monde, qui est d’autant plus grande qu’il est un homme sauvé (NB 4,55).
 

1311. Avoir part au mystère de la rédemption

Nul ne peut dire oui au Seigneur et le suivre sans avoir part intimement au mystère de la rédemption (NB 10, n. 2141).

 

1312. Au ciel, ne reste de l’œuvre de rédemption que ce qui est positif et joyeux

Si nous vivons totalement dans les limites de la temporalité, nous aurons toujours, dans l'adoration du Seigneur, une sorte de mauvaise conscience : nous l'avons cloué sur la croix et nous n'avons jamais réellement fini de le faire. Mais si nous vivons avec lui dans le ciel comme des êtres qui aiment, nous ne sentons alors que la gratitude infinie de pouvoir être avec lui là où il veut. De l’œuvre de la rédemption, il ne reste que ce qui est positif, joyeux, élevé. Et si le Christ règne en celui qui est aimé et qu'il est permis à celui-ci de régner dans le Christ, le Christ peut alors régner parfaitement aussi en celui qui aime (NB 12,104).

 

1313. Le Fils entraîne Marie dans la rédemption

Certes Marie n'est pas là au jour de la première création. Mais il lui est donné de contribuer à la création quand il s'agit de corriger la création, quand il s'agit de relever Ève. Pour en être capable, elle est née sans le péché originel, dans la grâce qu'Adam et Ève possédaient avant leur chute, dans la grâce aussi que possède le Fils comme rédempteur et à laquelle il donne à sa Mère de participer. Mais pour la faire devenir réellement corédemptrice, le Fils doit disséminer déjà son être dans l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement pouvoir remonter à Adam en lui, mais pouvoir remonter aussi à Ève en Marie. Ce n'est pas seulement l'homme qui doit être sauveur et sauvé, mais aussi la femme qui a été sauvée originellement et qui pour cette raison est corédemptrice. Et de même qu'Adam et Ève ont péché ensemble, ainsi le Fils et la Mère, sur un autre plan, doivent sauver ensemble ; ils placent l'œuvre de la rédemption là où s'est produite la chute. Ève a entraîné Adam dans le péché, et le Christ entraîne Marie dans la rédemption (NB 1/2, 169).

 

1314. La prérédemption de Marie

Le ministère est préparé en Dieu, mais invisiblement ; il devient visible pour nous quand apparaît l’Église. Et l’Église est préparée dans la prérédemption de Marie. Le Christ rachète sa Mère, l’Église et le monde. L’Église et le monde sont rachetés, mais le monde l'est aussi par l’Église. Parce que le monde est tombé, l’Église aussi serait livrée à l'apostasie si, dès sa naissance, elle n'avait été rachetée par le Christ et gardée de la chute. Mais pour opérer cette rédemption de l’Église, le Fils se sert de la prérédemption qui fut accordée à Marie. La prérédemption de Marie est la dot qu'elle apporte avec elle dans l’Église et qui fait que celle-ci, dès son origine, est sauvée. Le Seigneur sauve ainsi son Église pas seulement d'une manière directe, mais aussi par l'entremise de Marie à qui il a offert la prérédemption : il l'a offerte à elle et, par elle, à l’Église (NB 6,481-482).

 

1315. Marie est associée au but de la souffrance de son Fils 

En s'oubliant elle-même pour ne plus se rappeler que la souffrance de son Fils, quelque chose de nouveau devient vivant dans la Mère. Parce qu'elle ressent ce qu'il a ressenti, elle est associée au but de sa souffrance : la rédemption du monde. Si celle-ci a commencé à la croix d'une manière parfaitement objective, elle continue maintenant (après le vendredi saint) d'une manière beaucoup plus subjective dans une relation intime de moi à toi entre la Mère et le Fils. C'est une nécessité dont elle prend conscience en quelque sorte du fait qu'elle éprouve maintenant la souffrance du Fils avec lui. C'est une souffrance entre compréhension et non compréhension ; elle doit y persévérer, s'y exposer, y participer ; en même temps elle est donnée à Jean et par là elle n'est plus libre. Dans son oui elle était libre : libre de l'exprimer et de lui rester fidèle. Mais la mort du Fils lui a enlevé la dernière libre possibilité de décision ; on dispose tellement d'elle maintenant que cette souffrance - à laquelle la mort a mis un terme et qui, pour le Fils, s'est transformée maintenant en samedi saint - reste en elle comme un bloc impersonnel qui la travaille comme si elle était devenue elle-même si impersonnelle qu'on n'a plus besoin de tenir compte d'elle, de sa personne, de la vierge, de la mère, de l'épouse. C'est une souffrance derrière un rideau, et le rideau c'est elle. C'est aussi une intelligence plus pénétrante de la nécessité objective de la rédemption par le Fils. Si elle était libre en ce moment, elle devrait dire un nouveau oui. Elle devrait dire oui au passé, dire oui d'une manière intemporelle au sacrifice du Fils. Sa souffrance va du Fils au monde. Elle éprouve ce que le Fils a souffert, elle souffre donc maintenant pour le monde. Dans une grande compassion pour la souffrance de son Fils, mais aussi en comprenant la nécessité inexorable de cette souffrance ; c'est dans l'anonymat du monde pécheur qu'elle perçoit cette nécessité (NB 1/2, 206-207).

 

1316. Marie : porter la souffrance avec son Fils

Un enfant peut percevoir certains soucis de son père, comprendre par exemple qu’il gagne trop peu. Mais le souci principal de son père peut lui rester caché : le père se fait du souci parce qu’il ne peut pas offrir à son enfant l’école, la formation, la situation, qu’il avait projetées pour lui. Ainsi le Seigneur aussi a un souci que sa Mère ne peut partager : le souci que cela fait partie de sa mission de laisser des humains souffrir avec lui. Bien que sa mission soit une mission de joie, il ne peut partager sa joie la plus haute que sous la forme de laisser les humains souffrir avec lui. En rejetant sa Mère, le Fils souffre lui-même plus profondément, il souffre de ce qu’il doit lui donner à l’avance de porter la souffrance avec lui et il ressent comme une exigence démesurée qu’il doive le faire (NB 9, n. 1992).

 

1317. Marie tellement corédemptrice

La Mère du Seigneur était tellement corédemptrice, tellement incluse dans la destinée de son Fils, que tout le centre de son intérêt, de ses réflexions, se trouvait d'emblée dans son Fils (NB 11,445).

 

1318. Le Fils, sa Mère et la corédemption

Il est essentiel - et c'est le fondement de la compréhension de toute la corédemption de Marie - que le Fils dispose d'elle d'une manière divine, absolument au-delà de ce qui se trouvait dans la nature de Marie mais aussi dans sa conscience, il est essentiel qu'il utilise son oui de la manière qui lui plaît, essentiel qu'il donne à son oui son poids divin, pour le répartir dans les temps passés et futurs (NB 1/2, 170).

 

1319. Mère du Seigneur et corédemptrice

Par son oui, Marie est devenue la Mère du Seigneur ; par sa compréhension de la nécessité de sa croix, elle devient corédemptrice (NB 1/2, 207).

 

1320. Corédemptrice – Collaborer avec le Seigneur

En Marie comme "corédemptrice" se trouve la clef principale de la compréhension de notre collaboration avec le Seigneur: comme action pour la vie éternelle. L'accord de Marie avec toute la volonté du Seigneur ouvre des aperçus qui restent fermés d'habitude par notre état de pécheur (NB 3,199).

 

1321. Marie corédemptrice

Le Fils rachète la Mère sur la croix, et il le fait en la repoussant. A ce moment-là, il la considère, en ce qui concerne la rédemption, comme quelqu’un qui n’est pas racheté. Afin qu’elle puisse devenir médiatrice de toutes les grâces, afin qu’elle devienne corédemptrice, il doit la rendre anonyme, la replacer dans la masse de ceux qui doivent être sauvés, dans le monde. Immaculée, elle l’est en raison d’un mérite anticipé du Fils, que le Père reconnaît et qu’il considère comme déjà réalisé. Mais à la croix elle n’est pas rachetée comme quelqu’un qui n’a pas péché ; elle doit perdre là son visage de non pécheresse afin que la rédemption opère en elle comme dans les autres avec le plus de la faveur de la corédemption parce que, comme le Fils, elle "prend sur elle le péché" (NB 1/2, 181).

 

1322. Marie corédemptrice : totalement consommée pour être totalement associée

Une purification sans faute personnelle ne peut être qu'une purification à la disposition de Dieu. C’est dans cette purification que Marie devient corédemptrice. Non qu'elle devrait mériter pour elle-même à la croix la grâce d'être la pré-rachetée. Sa souffrance n'est pas utilisée à cette fin. Dès le début elle est libre. Elle n’est pas pré rachetée par la corédemption, c’est parce qu’elle est pré-rachetée qu’elle devient corédemptrice. La prérédemption est un don parfaitement libre de la grâce de Dieu qui est la condition pour tout ce qui va suivre. Maintenant par contre elle doit mériter pour être davantage associée. Et à vrai dire de deux côtés. Dans le cadre de sa relation à son Fils, elle doit mériter sans voir l’effet de ce mérite. Dans son feu qui consume tout, le Fils consume pour ainsi dire aussi tout ce qui appartient à sa mère. Il la consume entièrement, sans ménagement, dans une humiliation totale. Mais une autre partie de cette consomption est parallèle à la remise de l’Esprit à Dieu par le Fils : dans un abandon volontaire de tout ce qu’elle possède, même si c’est un abandon qui lui est totalement donné. Elle est appauvrie au-delà de toutes les limites de la pauvreté. Elle est totalement consommée pour être totalement associée. A l’Annonciation, elle dut se donner pour devenir mère. On vit un fruit. Maintenant par contre, c’est le pur sacrifice qui va bien au-delà de tout ce qui semblait requis par son oui et qui cependant n’aurait pas été possible sans le oui (NB 1/2, 178-179).

 

1323. Le Fils met au monde sa Mère dans sa corédemption

Autrefois Marie a façonné corporellement de son corps l’humanité du Fils et lui a donné le jour. Maintenant elle va mourir de la mort de son Fils. Pour cela, il n’y a plus de parallèle humain. Le Fils n’est pas le meurtrier de sa mère, mais il la prend avec lui dans sa mort. Cela se passe en dehors de toutes les lois humaines. Il peut arriver qu’un amoureux tue sa fiancée et se suicide ensuite : c’est une affaire humaine qui peut témoigner une certaine grandeur peut-être. Mais l’association de la Mère à la mort de son Fils, ce n’est pas un chemin purement humain qui y conduit. Plus tard les martyrs aussi seront associés à la mort du Fils et eux aussi diront oui à leur mort. Mais ce sera une mort corporelle. Pour Marie par contre c’est une mort de l’âme. La fin vécue avec le Fils de tout ce qui est au Fils. De tout ce qui était en lui. Et celui qui est humilié, ce n’est pas seulement un homme qui, dans une mort de criminel, doit abandonner inachevés sa vie et ses œuvres et ses plans. Il est Dieu, et sa mort est la mort de celui qui est Dieu et qui en même temps perd apparemment sa mission dans sa mort. Ses paroles et ses enseignements ne sont plus compréhensibles parce qu’à présent il meurt. C’est dans ce plus qu’humain que la Mère est prise même s’il est totalement caché et incompréhensible pour elle-même. Seuls le Père et l’Esprit voient ce qui se passe. L’Esprit, qui est rendu au Père par le Fils, porte vers le Père la corédemption de Marie de même qu’il porta à Marie la semence de Dieu. C’est un événement qui se passe dans l’obscurité tout comme aussi ce fut dans l’obscurité que l’Esprit la couvrit de son ombre. Dans son oui déjà il restait bien du mystère. Mais tout, le difficile comme le beau, était étroitement uni au beau mystère qu’elle pût donner au monde le Messie. Maintenant par contre tout est étroitement uni au mystère affreux qu’elle doit perdre son Fils unique qui est Dieu. Et maintenant précisément, en cet instant, en ce moment présent qui engloutit tout inexorablement : l’avenir et le passé, et qui ne laisse subsister d’autre sens que cette perte. Une perte humaine, mais dans le cadre d’un oui donné à Dieu, et donc dans une atmosphère d’élévation divine auquel en soi on n’a accès que dans la prière mais qui à présent a été rendue au ciel avec l’Esprit. Et pourtant dans une attitude qui est conditionnée par la prière, par les relations avec le Fils, par le oui, par la prérédemption. Tellement conditionnée par tout ce qui donné à Dieu que la Mère est libérée pour la corédemption, que la force qui surgit ici ne reste pas liée personnellement et humainement à Marie, mais retourne aussitôt tout entière à Dieu avec tous les effets possibles de son don d’elle-même, et Dieu la trouve incluse dans le don que le Fils fait de lui-même, étroitement unie à l’œuvre accomplie par lui. C’est maintenant qu’est visible le parallèle avec la naissance : Marie a mis le Fils au monde dans sa rédemption, maintenant le Fils la met au monde dans sa corédemption. C’est comme une contrepartie (NB 1/2, 179-180).

 

1324. Marie : corédemptrice depuis toujours dans les desseins de son Fils

A la croix, le Fils confie sa Mère au disciple et il rend son propre Esprit Saint avec l'Esprit Saint de sa Mère entre les mains du Père. Dans les desseins du Fils, Marie était depuis toujours corédemptrice et, durant toute sa vie, elle a porté en elle ce dessein de corédemption. Celle-ci était incluse dans son oui et Marie ne s'est jamais dérobée à ce dessein. A la croix, elle la reçoit à nouveau dans le dépouillement le plus extrême. Quand elle était enceinte, elle portait le Fils et, avec lui, tous ses desseins. Elle n'a pas besoin de se préoccuper en détail de ces desseins ; parce que d'emblée elle est prête à tout, le Fils lui donne ce qu'elle doit réaliser à l'instant qu'il juge opportun, quand les nécessités de sa rédemption le requièrent. Et les nécessités de la croix sont celles qui se trouvaient déjà dans le oui de la Mère à la question de l'ange et qui déjà alors étaient visibles pour le Fils qui, en, tant que Dieu, adaptait la réponse de la Mère à la question divine (NB 1/2, 195-196).

 

1325. La corédemption, un mystère du Seigneur

Le Seigneur porte Madeleine à la croix comme corédemptrice. Que Madeleine participe d'avance, elle ne le sait pas ; elle dit oui apparemment à des choses limitées, elle pense tout au plus à aller vers le Seigneur et elle ne peut pas imaginer qu'elle est intégrée dans le but lui-même. La rédemption, en son aspect de corédemption, reste totalement un mystère du Seigneur, dont la réalité et la totalité sont beaucoup plus fortes et plus vastes que les désirs hésitants de ceux qui voudraient y avoir une certaine part. Tous les invités pensent être chargés de quelque chose de précis, de délimité en tout cas par le cercle de leur propre vie, avec certes une aide de la grâce. Ils ne devinent pas que c'est de son espace à lui, qui est toujours plus grand, que le Seigneur les appelle à lui pour participer à ce qui lui appartient, au-delà des limites qu'ils ont érigées (NB 3,203).

 

1326. Le Seigneur ne cesse d’offrir sa propre angoisse

Le Seigneur ne cesse pas d'offrir quelque chose de sa propre angoisse. L'attitude dans cette angoisse - l'attitude du Fils devant le Père, l'attitude du croyant qui est appelé à l'angoisse devant le Seigneur qui la donne - est caractérisée une fois pour toutes au mont des oliviers : c'est un engagement dans la volonté du Père avec la conscience de la résistance de sa propre volonté (NB 5,94).

 

1327. Accompagner le Seigneur à la croix

L'accompagnement du Seigneur à la croix fait partie de ce qu'il y a de plus dur dans ce que je connais (NB 3,349).

 

1328. Accompagner le Fils dans la souffrance

De même qu'il est possible d'accompagner le Fils dans la souffrance, de même il est possible d'accompagner la joie de l'Esprit (NB 10, n. 2316).

 

1329. Enveloppée dans la croix du Seigneur, dans sa nuit

Sainte Élisabeth de Hongrie suit un chemin qui lui est comme invisiblement tracé d'avance très personnellement ; elle doit suivre ce chemin et elle ne peut pas choisir. Un chemin qui ressemble à celui du Seigneur. Elle est princesse comme le Fils dans le ciel est prince, elle monte dans la bassesse, devient la plus méprisée, elle est toute enveloppée dans la croix du Seigneur, elle n'a plus aucune possibilité de situer sa nuit (NB 3,237).

 

1330. Avoir la croix du Seigneur dans sa vie

On peut sans doute avoir la croix dans sa vie, mais jamais toute la croix du Seigneur et jamais comme sens dernier (NB 2,33).

 

1331. Suivre le Seigneur dans sa passion

La question de suivre le Seigneur : on voudrait le suivre, mais on défaille. On voudrait être emporté, mais on voit que le Seigneur entreprend seul tout le chemin. Nos pas ne suivront jamais le rythme des siens dans la passion (NB 3,343).

 

1332. Participer par grâce à la passion du Seigneur

Étant orientée vers le Fils, Marie veut ce qu'il veut, elle se tient à la disposition de sa volonté de porter le châtiment des hommes. A partir d'ici on peut dire, en élargissant:, que quiconque est de bonne volonté et est d'accord pour participer au châtiment de tous durant sa vie peut y avoir part de telle sorte que le Fils, par grâce, lui offre quelque chose de sa passion pour le temps de sa vie terrestre. Celui qui va toujours à la rencontre du Seigneur de telle sorte qu'il est prêt à participer par grâce à la passion du Seigneur, le Seigneur aussi vient à sa rencontre sur ce plan: cela donnera déjà dans le ciel un sens à sa fécondité, son purgatoire sera écourté (NB 3,198).

 

1333. Participer aux souffrances du Christ

On ne peut participer aux souffrances du Christ intérieurement et personnellement qu'en tant que baptisé (NB 4,296).

 

1334. Vivre quelque chose de la souffrance du Seigneur

La souffrance du Seigneur ici-bas, quand il porte nos péchés, prend maintenant le caractère d'un châtiment pour nos péchés. Le rapport de sa souffrance avec le reste de sa vie est complètement voilé. Quand il est donné à un chrétien ici-bas de vivre avec le Seigneur quelque chose de sa souffrance, durant les jours saints par exemple, il a une certaine conscience de la fête de Pâques qui approche ou bien il voit au moins d'une certaine manière le rapport de sa souffrance avec celle du Seigneur (NB 6,363).

 

1335. Participation aux souffrances du Christ

1941. Le P. Balthasar explique à Adrienne que la pure forme de la mystique chrétienne est un don de Dieu qui envahit des gens tout à fait indignes. Et que les signes d’authenticité sont d’une part la participation aux souffrances du Christ, d’autre part l’obéissance ecclésiale (NB 8, n. 195).

 

1336. L’absence de consolation peut être une participation à la passion du Seigneur (NB 11,374).

 

1337. Participer à la croix

La croix, à laquelle le Seigneur nous donne de participer de quelque manière, on la saisit de tout côté, de toute manière, mais elle oriente chacun vers l'unique Seigneur. Mais si je ne veux pas la croix, je dois tricher quelque part (NB 4,226).

 

1338. Aider le Christ dans sa souffrance

Adrienne dans la souffrance. Le P. Balthasar l’encourage à voix basse : « Je lui montrai la passion du Christ, les pécheurs, je lui montrai qu'elle pouvait aider » (NB 3,57).

 

1339. Souffrance du Christ – Aider ?

Adrienne parla longuement, à voix basse, avec de grandes pauses, paisiblement et avec une profonde tristesse, de la souffrance du Christ et de la Mère de Dieu. Sur sa propre incapacité à aider. A la fin : “Si seulement je pouvais ! Je voudrais bien. Mais je m’enfuis toujours. Ne voulez-vous pas m’offrir à Dieu? Moi-même je ne le peux plus” (NB 8, n. 462).

 

1340. Participation à la souffrance du Seigneur

Un chrétien qui souffre en vue de la croix grandit dans son épreuve. Ce qu’il y d’humain dans sa souffrance va de plus en plus vers une souffrance chrétienne, il est introduit dans la participation à la passion du Seigneur (NB 4,58).

 

1341. Souffrir avec le Christ

Paul sait qu'il faut souffrir avec le Christ. Il sait que si la souffrance est le plus grand mystère d'amour du Seigneur, il ne veut pas la porter seul, car cela voudrait dire : votre amour à vous les hommes n'est pas à la hauteur pour moi ! C'est justement en leur enlevant leur péché que le Seigneur leur donne part à sa croix. Cette participation est contenue déjà en quelque sorte dans le fait que les hommes lui permettent de leur enlever leur péché. C'est une participation encore toute minime et provisoire à l'amour. Quand ensuite le péché est un jour véritablement enlevé et que l'homme se laisse faire véritablement, c'est alors que se réalise une participation à l'amour actif du Seigneur. Cela, Paul l'a vu exactement (NB4,455).

 

1342. Une activité de souffrance

Le Fils garde au fond la possibilité de laisser à chacun la possibilité de sa propre activité de souffrance en vue de la vie éternelle (NB 4,335).

 

1343. Douleurs aux mains (stigmates)

Adrienne a d'horribles douleurs aux mains. Elle dit : cette douleur terrible ne concerne pas du tout mes mains. Je sais très bien que cette douleur des mains arrive aux mains du Seigneur crucifié (NB 3,212).

 

1344. Stigmates et plaie du côté du Christ -

Adrienne ne s'était jamais intéressée à la mystique. Elle n'avait jamais non plus fait attention à la stigmatisation, elle connaissait à peine l'existence de choses de ce genre. Si bien que dans les premiers jours jusqu'au moment où elle me rapporta les événements, elle n'avait vu aucun rapport entre la plaie et son sens profond. Surtout aucun rapport entre sa plaie et la blessure du côté du Christ. Mais quand je lui expliquai le rapport, elle le comprit aussitôt et, pour elle, ce fut comme si la chose ne pouvait pas avoir d'autre sens que celui-là. C'était une simple évidence. La douleur de la nouvelle plaie s'ajoute à ses douleurs cardiaques habituelles comme quelque chose de tout nouveau qu'on ne peut pas comparer aux autres. Comment la décrire ? Si ce n'était pas un peu sentimental, dit-elle, je dirais que c'est une douleur d'amour, une douleur suave (NB 8, n. 26).

 

1345. Les stigmates et les plaies du Seigneur

Saint François d'Assise devant sa stigmatisation : au fond il ne sait pas ce que c'est, il sait seulement que cela a un rapport très intime au Seigneur, il commence d'abord par remercier. Auparavant il avait beaucoup pensé à la croix, toujours avec des sentiments d'action de grâce. Sans se douter de rien, il avait aussi médité sur les plaies du Seigneur. Il voit maintenant les stigmates à ses mains. Elles sont pour lui comme une chose étrangère qui ne lui appartient pas. Comme si par hasard les plaies du Seigneur étaient tombées sur ses mains comme deux pétales de rose pendant qu'il contemplait le rosier. Comme si les pétales ne servaient qu'à mieux contempler les roses. Il n'a pas l'impression d'être un "stigmatisé". Pour lui ses plaies ne sont là que pour mieux voir les plaies du Seigneur, pour les comprendre plus intimement. Il n'est pas inquiet. Il a la certitude que tout ce qui arrive là n'a pour but que de mieux louer Dieu. Ce n'est que lorsqu'il remarque que les plaies lui restent qu'il perçoit qu'elles sont un présent que le Seigneur lui fait. Mais à ses yeux, ce n'est pas du tout une distinction. Plutôt une aide pour lui apprendre à prier d'une manière nouvelle, pour mieux louer le Père par un souvenir plus vivant de son Fils. Il offre toujours à Dieu ses mains et ses pieds. Il ne leur permettrait jamais de faire quelque chose qui ne serait pas au Seigneur. Il a pour ainsi dire prêté et livré au Seigneur ses mains et ses pieds. Ils ne lui appartiennent plus. Le Seigneur lui a retiré ses membres pour son usage personnel (NB 1/1, 82).

 

1346. Souffrir avec le Seigneur s’il en a besoin

La confiance des chrétiens va vers la croix que le Seigneur a subie pour eux. C'est par la croix d'abord que le Seigneur donne la confiance, puis une nouvelle forme d'amour compatissant qui peut s'accroître jusqu'à souffrir avec lui s'il en a besoin et s'il en dispose ainsi (NB 6,247).

 

1347. Souffrir avec le Seigneur

Pour Thérèse de l’Enfant-Jésus, souffrir avec le Seigneur est l'affaire de ceux qui veulent servir sérieusement le Seigneur pour que son Église grandisse (NB 1/2, 74).

 

1348. Participation à la souffrance du Christ

(Adrienne dans la désolation). Une consolation proprement dite n’est pas possible. On peut seulement la fortifier dans la souffrance. Lui répéter sans cesse que c'est une participation à la souffrance du Christ et donc que c'est fécond et plein de sens au plus haut point. Elle écoute certes, elle veut bien y croire, mais l'état dans lequel elle se trouve l'empêche de saisir et de comprendre intérieurement quoi que ce soit (NB 3,26).

 

1349. Le Seigneur nous fait participer à sa souffrance 

Le Seigneur nous fait participer à sa souffrance. "Au fond ce n'est pas lui qui le fait, dit Adrienne, c'est le Père". C'est Dieu qui le fait, c'est lui qui distribue les destinées et attribue les souffrances. Le Christ préférerait nous l'épargner. "Il y a ici comme une légère fissure dans la Trinité" : ce n'est que parce que le Père le veut que le Fils le veut aussi. Il aurait préféré ne nous donner que le bon côté de sa souffrance, mais il doit nous laisser participer aussi à sa souffrance elle-même. Cette participation cependant est déjà sa grâce. Malgré cela, c'est amer, car nous sommes la cause de sa souffrance. A cette vue, lui ne souffre pour ainsi dire pas ; elle renvoie l'homme dans une solitude singulière (NB 3,38).

 

1350. Accompagner le Seigneur souffrant

La nuit est ici un accompagnement du Seigneur souffrant jusqu'à la croix (NB 3,210).

 

1351. Souffrir avec le Christ

Luis de Leon prie avec un grand don de lui-même mais, dans ce don de lui-même, il doit passer par les mystères du Seigneur, sa nuit, sa passion, qui ont pour lui un double visage : il souffre avec le Christ et il doit souffrir d'adversités, de jalousie et de contestations émanant de son entourage (NB 1/1, 142).

 

1352. Souffrir avec le Seigneur

Sainte Angèle de Foligno connaît des heures difficiles. Non seulement celles où (dans des visions) elle voit le Seigneur souffrir et où elle souffre avec lui, mais aussi celles où elle devient une question pour elle-même (NB 1/1, 449).

 

1353. Suivre le Christ dans la souffrance 

Il ne viendra pas à l'esprit d'aucun croyant de vouloir épargner au Seigneur une partie précise de sa souffrance ou de vouloir l'alléger. Suivre le Christ dans la souffrance - tout ce qui mérite d'une certaine manière de s'appeler ainsi - ne pourra jamais être qu'un engagement aux conséquences imprévisibles de l'homme tout entier dans la souffrance tout entière du Seigneur ; la manière dont cet engagement sera géré est inconnue de l'homme et ne le concerne pas ; elle est l'objet d'une grâce cachée qui n'apparaît que lorsque le Père remet son heure au Fils (NB 3,303).

 

1354. Contribuer à ce que le Seigneur souffre moins

Nous voyons maintenant le sang couler goutte à goutte. Le sang du Christ est répandu. Chaque goutte correspond à un péché commis. Si l'un d'entre nous cessait maintenant de se livrer au péché, un peu de ce flux de sang tarirait. Ce qu'il y a au fond d'effroyable dans l’Église catholique, aujourd'hui et d'une manière générale, c'est que l’Église n'est jamais en mesure de déterminer si le Seigneur a maintenant assez saigné, si une plaie doit maintenant cesser de saigner. Le Seigneur se donne dans la passion de telle sorte qu'il n'agit pas sur ses souffrances ni ne les adoucit. Et l’Église non plus, en tant qu'institution, n'est pas en mesure d'adoucir la passion du Seigneur. Elle ne peut pas décréter : maintenant il a coulé assez de sang. Mais chaque membre de l’Église peut l'adoucir. Il doit être dans l’Église. Mais il peut, tu peux, avec l'amour, la foi, l'obéissance, contribuer à ce que le Seigneur souffre moins et que moins de sang doive couler. Tu as la possibilité de prier et de te tenir disponible, et Dieu le Père permettra que son Fils doive moins saigner. Naturellement l’Église peut apporter son concours, mais dans la mesure seulement où les personnes qui la composent sont de bonne volonté (NB 4,325-326).

 

1355. La grâce de porter une part de sa croix

Le Seigneur porte la croix comme un tout et, par grâce, il en donne pourtant une part à l'un ou l'autre dans l’Église. Cette part ne peut jamais être mesurée, même pas avec des mesures humaines (NB 10, n. 2239).

 

1356. Porter avec le Christ une partie de sa croix

Il n’est pas possible de comprendre le Christ sans aller avec lui et sans porter avec lui (une partie au moins de sa croix) (NB 3,210).

 

1357. Porter quelque chose de la croix du Seigneur

Les chrétiens en tant que tels ils sont appelés à porter quelque chose de la croix du Seigneur (NB 11,377).

 

1358. Apporter une contribution au sang de la croix

Les martyrs qui répandent leur sang pour le Seigneur, qui apportent leur contribution au sang de la croix (NB 12,234).

 

1359. Le Seigneur peut associer à sa croix celui qui l’aide

Le Seigneur doit porter la croix qui plus tard le portera. Mais, en la prenant sur lui, il sent que ses forces physiques ne suffiront pas. Il tombe. Si on demande pourquoi la croix est trop lourde pour lui, l'une des réponses est celle-ci : sûrement aussi parce qu'il peut être aidé. Afin qu'il voie dans un aide une image de lui-même et une image de la créature comme le Père la voulait. Afin qu'il puisse donc associer à sa croix celui qui l'aide. Simon de Cyrène rencontre le Seigneur non comme pécheur (c'est sans importance maintenant), mais comme une aide possible (NB 3,199).

 

1360. La grâce de la corédemption : les invités à la croix

Par pure peur que la corédemption porte ombrage à l’œuvre du Christ, on ne peut pas nier l’existence de ceux qui ont été invités à la croix. Et moins encore l'existence de la grâce de la corédemption donnée par Dieu (NB 3,242).

 

1361. Une volonté de sacrifice qu’on peut jeter dans la croix du Christ

Un homme a une grande tentation. Le péché l'attire ; cet homme pense que Dieu lui en demande trop ; de commettre ce péché ne devrait être rien de grave, les autres font la même chose sans sourciller. Puis, soudainement, il reçoit un coup de la grâce. Il ne commet pas le péché. Il comprend combien il aurait par là offensé Dieu. Il est reconnaissant à Dieu de l'avoir protégé et, parce qu'il n'est pas égoïste, il voudrait en même temps aider ceux qui ont la même tentation. De l'absolution qu'il a reçue (la grâce l'a pratiquement tiré du péché qu'il aurait sûrement commis sans cela) résulte en lui une volonté de sacrifice que, consciemment ou inconsciemment, il peut jeter dans la croix du Christ (NB 3,200).

 

1362. Une prière intégrée dans l’œuvre de rédemption du Fils

Il y a la prière imparfaite parce que divisée. Je prie tant et tant pour que j'aille au ciel, tant et tant à des intentions précises qui sont importantes pour moi, et puis une part encore pour ma dureté de cœur qui est si prononcée qu'elle me frappe moi-même. Par là toute ma prière est liée à ce qui me concerne. Si je cessais de ne regarder que moi-même et mes intérêts et si je cherchais sérieusement à éviter le péché, ma prière serait d'elle-même comme "libre" , c'est-à-dire qu'elle serait utilisable pour les propres désirs de Dieu, elle pourrait être intégrée dans l’œuvre de rédemption du Fils (NB 3,200).

 

1363. Prendre part à l’œuvre de rédemption du Christ

Comment Marie, sans péché, peut-elle avoir part au péché ? Si on est soi-même dans le péché, on ne porte rien du péché des autres. Ce n’est que lorsqu’on est délivré de son propre péché qu’on a part au péché des autres. On prend même part en quelque sorte à l’œuvre de rédemption du Christ, à la manière dont il devient “coupable” pour les autres. Au lieu d’être dans l’état passif de pécheur, quel qu’il soit, on en vient à porter activement cet état de pécheur. Celui-là isole, celui-ci unit. On ne peut s’immerger dans ces ordures que lorsqu’on est entièrement pur. C’est ce que fait Marie. Elle est entièrement “dedans” sans en être souillée le moins du monde (NB 8, n.242).

 

1364. Corédemption : participer à la mission du Seigneur

Vous ne savez donc pas qui est sauvé ? On est sauvé après la mort, après le purgatoire. Mais il y a déjà cette possibilité sur terre. Elle signifie une participation immédiate à la rédemption. Quelqu'un de ce genre ne commettra plus de péché. Sans doute fera-t-il encore des fautes, mais ses fautes ne feront pas obstacle au fait qu'il est sauvé. Être corédempteur, c'est participer à la mission du Seigneur. Il ne peut pas racheter autrement. Il ne peut pas inviter à une fête et laisser les invités se contenter d'être spectateurs du repas (NB 4,25).

 

1365. Porter quelque chose du péché

Quand, en dehors de la semaine sainte, un chrétien essaie de porter quelque chose pour alléger le fardeau du péché, il peut sembler que cela signifie pour le Seigneur quelque consolation. Ici, dans la passion, plus rien de tout cela n'est visible. Il semble être enseveli directement sous le choc du péché (NB 3,375).

 

1366. Paul : « Compléter les souffrances du Christ »

A l’époque de Paul, l’Église n’a pas encore d’histoire. Durant cette période, Paul est peut-être le seul à avoir la vocation de “compléter les souffrances du Christ”. Toute sa souffrance se concentre sur le centre qui est le Seigneur : il “complète les souffrances du Seigneur”. Il ne voit pas et il ne sait pas qu’une souffrance de ce genre est une mission ecclésiale qui doit être transmise (NB 8, n. 1051).

 

1367. Les chrétiens : compléter les souffrances du Christ

Les chrétiens qui souffrent après Paul ‘complètent’ dans leur corps les souffrances du Christ (NB 9, n. 1671).

 

1368. « Ce qui manque aux souffrances du Christ »

Même si Paul “complète en son corps ce qui manque aux souffrances du Christ”, le Christ a quand même souffert lui-même le maximum. Et sa souffrance en tant que telle n’a pas besoin de complément, comme si elle ne suffisait pas. Le complément ne se réalise pour l’Église qu’en vertu de la souffrance du Christ. Et cependant il a eu une sorte de consolation par ceux qui vont avec lui sur le chemin de la croix (NB 8, n. 452).

 

1369. Corédemption : des souffrance en compensation, en solidarité

Dieu lui-même est toute pureté, il ne peut pas être purifié par son feu ; toute la force de la purification par le feu, la passion, l'amour, agissent en l'homme. Quand le Fils, en tant qu'homme, souffre sur la croix, il offre aux hommes la possibilité non seulement d'être pardonnés par sa passion mais, quand ils commencent à brûler eux-mêmes aussi, il leur offre la possibilité d'y ajouter quelque chose de leur souffrance. Sur la croix, Dieu ne veut pas augmenter la distance entre lui et les pécheurs; ce serait le cas si lui seulement pouvait souffrir pour nous, et si nous aussi nous ne pouvions souffrir que pour nous, si l'effet de sa passion était pour lui-même seulement extérieur et si l'effet de notre souffrance était pour nous-mêmes seulement intérieur. Mais dans le feu de la croix prennent naissance bien des mystères de solidarité : le trésor de l’Église, la libre utilisation par Dieu de toute vraie prière chrétienne, tout l'excédent qui s'amasse dans l’Église, toutes les actions et toutes les souffrances en "compensation". L'effet le plus déterminant de la souffrance de la croix est qu'elle obtient pour l'homme la grâce de souffrir avec le Seigneur dans son sens et, par là, de se libérer de son constant repli sur soi pour apprendre, en souffrant, à regarder Dieu et ses désirs. Si le Seigneur s'est sacrifié pour tous sans compter, on ne peut alors offrir ses propres souffrances à Dieu que dans le même esprit d'un don de soi qui ne calcule pas. Sur la croix, le Fils donne au Père toute sa souffrance ; pour lui-même, elle est "perdue". Si le terme de "corédemption" doit avoir quelque part un sens, ce ne peut être en tout cas qu'en donnant à Dieu "à fonds perdu" tout ce qu'on a (NB 6,266-267).

 

1370. Entrer dans la souffrance du Fils

Saint Nicolas de Cues. Dieu le fait entrer à nouveau dans souffrance du Fils, et sa prière peut devenir une pure prière de souffrance, une prière d'incertitude, une prière de celui qui n'en peut plus, une prière d'interrogation et même de doute (NB 1/1, 111).

 

1371. Le Seigneur lui fait le don de la souffrance

Stéphanie de Quinzani. Le Seigneur, qui lui fait don de la souffrance, veut la garder en même temps dans une certaine sérénité et celle-ci serait perdue si elle pensait à elle-même, si elle posait la question du comment et du but de l'action de Dieu. Non seulement elle n'est pas curieuse, elle sait aussi ne pas être curieuse en ce qui concerne sa mission (NB 1/1, 123).

 

1372. Une contribution de souffrance

Nous savons toujours que le Seigneur a besoin de notre contribution de souffrance. Le Seigneur va chercher la souffrance là où il suppose que la distance n'existe pas. C'est pour la personne concernée quelque chose qui la comble de bonheur, car c'est un signe de son amour. La mesure de souffrance se trouve uniquement dans le Seigneur qui a tant souffert. Nous n'avons pas la mesure ; nous ne pouvons jamais dire : 'Maintenant j'ai souffert suffisamment pour faire passer une âme du péché à la grâce'. Qui sait ce qu'opère une souffrance précise et combien il en faut pour obtenir un tel résultat ? Dieu nous cache totalement tout cela. Il ne veut pas que nous calculions et marchandions avec lui, et nous devons aussi savoir que c'est lui qui fait tout. Ce n'est que dans son activité à lui que nous pouvons parfois coopérer, mais les deux activités ne peuvent jamais se comparer (NB 10, n. 2062).

 

1373. Invitée à souffrir avec le Christ

Sainte Catherine de Bologne. Dans ses visions, elle voit le Christ, elle voit aussi sa souffrance et elle est invitée à souffrir avec lui, mais seulement dans la prière. Quand elle en sort, elle doit à nouveau être celle qu'elle est d'habitude, elle doit pouvoir cesser de souffrir avec le Christ, car elle a la mission d'être joyeuse au milieu des humains. Personne ne devinerait qu'elle souffre tant dans la prière ; sa souffrance est enfermée là et elle est ainsi son plus grand secret. Quand elle parle de la croix avec les autres, elle parle surtout de son fruit, de la rédemption du monde. Dans la prière, sa souffrance peut être nuit obscure (NB 1/1,117).

 

1374. Être sauvé n’est pas purement passif

Dans le cercle le plus restreint de l’œuvre de la rédemption se trouvent Marie - la Mère -, Madeleine, Marie de Béthanie, Jean. Ils sont tous aussi bien des personnes individuelles que des types, c'est-à-dire qu'en tant que personnes elles ouvrent un type et cela de telle sorte qu'elles l'incarnent à la perfection. Même si à la croix Madeleine représente d'abord les pécheurs pardonnés, le fait d'être sauvé n'est cependant pas purement passif, c'est avoir part à l'amour chrétien rayonnant. Jean est l'ami humain: il devient un type justement en tant qu'il est personnellement le familier aimant. Et comme sur la croix le Seigneur est avant tout homme, il est avant tout requis de l'homme qui est son ami d'être là avec lui (NB 3,201).

 

1375. Le seuil de la corédemption

On ne peut pas dire que quiconque fait le bien participe à la "corédemption" au sens propre. On pourrait dire tout au plus que plus il fait le bien, plus il s'approche de la croix. Autour de la croix il y a des sphères pour ainsi dire invisibles: certaines plus proches, d'autres plus éloignées. Et en s'approchant, il y a l'instant où celui qui agit ou souffre peut franchir le seuil de la corédemption (NB 3,201).

 

1376. Les vierges et la rédemption

Le Fils a besoin de personnes qui sont vierges pour pouvoir accomplir son œuvre de rédemption. Le Fils espérait recevoir du Père ces personnes vierges. Et le Fils les invite dans son œuvre de rédemption : elles doivent collaborer et le Père reçoit la consolation qu'au moins les personnes qu'il donne au Fils en propre gardent la virginité. Ce sont ceux qui l'aiment, ceux qui l'accompagnent, ceux qui aplanissent ses chemins (NB 4,357).

 

1377. Invitation du Seigneur à partager sa nuit

Que l'invitation du Seigneur à partager sa nuit soit quelque chose de particulier, celui qui y est invité s'en aperçoit très vite. La plupart du temps, il se réfère à un oui donné précédemment. C'est ainsi que Marie partage la croix de son Fils en vertu de son propre accord qui a été pris au sérieux : même si ce n'était pas expressément stipulé, c'était inclus dans son oui dès le début. Quand un chrétien se met à la suite du Seigneur en se consacrant à lui par des vœux, il laisse ouverte la possibilité - peut-être sans que ce soit souligné - que le Seigneur le fasse participer plus étroitement à sa nuit et à bien des choses que l'homme naturel préfère éviter. Et si effrayé qu'il soit de la soudaineté et des dimensions de l'exigence, même s'il s'en défend et voudrait fuir et qu'il ne comprene plus rien, il sait pourtant dans la foi, s'il s'agit de la nuit de la croix, qu'elle est un droit du Seigneur ; et le Seigneur peut en faire usage non seulement pour l'éprouver ou le purifier, mais pour quelque chose d'autre qui ne peut être obtenu d'aucune autre manière. La volonté de l'homme de s'enfuir et son impression de ne pas être à la hauteur ne portent pas préjudice à son oui, ce sont tout au plus des gestes de défense de quelqu'un qui est bouleversé par l'exigence divine. On ne peut même pas dire non plus que ce sont des protestations de la saine nature contre les exigences démesurées de la surnature. C'est un droit de Dieu qui s'exerce sans s'occuper du refus de l'homme. Aucune borne ne peut être mise à cette nuit. Elle n'est pas une idée extensible dont la plénitude est atteinte progressivement et par à-coups; c'est une ténèbre dans laquelle disparaît tout paysage. Les gémissements du refus servent à exprimer qu'aucun accord ne peut être conclu avec la nuit ; elle reste désespérante, immense et absolument sans issue. On n'est même pas en mesure d'oser en parler, d'exprimer à son sujet des pensées justes et sensées. C'est comme si le Fils communiquait ici quelque chose qu'il est impossible de communiquer, qui sort de lui-même et que l'homme limité ne pourrait jamais atteindre par lui-même. On ne peut pas non plus dire simplement que cette nuit du Seigneur est le contraire de la grâce, car elle aussi est grâce ; on ne peut pas la décrire comme la négation d'une plénitude ; elle est sans relation, unique et incompréhensible sous tous ses aspects. Tout essai de décrire la nuit du Seigneur avec des notions connues par ailleurs, de lui donner un visage qui aurait un équivalent dans l'imagination humaine ou aussi dans la foi chrétienne, est voué à l'échec, et d'autant plus totalement que plus exacte voudrait être la comparaison. Pour être dans cette nuit, on doit l'endurer passivement, d'autant plus que toute tentative de la refuser rend tout de suite évidente l'inutilité de la résistance. Le refus n'est que le signe que l'exigence est démesurée. Il est impossible de vouloir expliquer la nuit par la béatitude comme son contraire, ou de la décrire d'un point de vue totalement chrétien comme un absence de visibilité. Celui qui est dans la nuit s'y trouve comme un ouvrier qui s'est équipé de tous les outils nécessaires pour faire un travail, ou comme un croyant qui s'est armé de tous les arguments imaginables pour faire face aux objections, et qui est maintenant contraint de renoncer à tous ses moyens, de chercher une méthode qui consiste dans le fait qu'il n'y a plus aucune méthode ; le travail s'accomplit au moyen d'un pur fiasco (NB 5,108-110).

 

1378. La nuit des mystiques et la rédemption du monde

Le but de la nuit est qu'advienne la rédemption du monde, que la mystique chrétienne, c'est-à-dire le contact personnel d'un croyant avec le mystère de la rédemption, se fasse par le Fils pour l’Église. On peut, sans crainte, situer le centre de la mystique chrétienne dans l'état de mort du Christ entre les mains du Père. Pour chacun de ceux qui rencontrent le Seigneur dans la mystique, cette nuit n'a pas la même densité ni le même degré d'obscurité, mais dans le Seigneur qui est rencontré, c'est quand même toujours sa nuit. Car quelle que soit la manière dont chacun a contact avec le Seigneur, que ce soit personnellement ou en accueillant son mystère vivant, il a quand même chaque fois contact avec le Fils tout entier, avec toute sa doctrine et toute sa vérité, avec son existence purement et simplement au centre de laquelle se trouve la nuit. Quand il est donné à un croyant de voir des tableaux et qu'il doive alors s'oublier, cet oubli se trouve dans le cadre de l'oubli de soi du Fils. Quand quelqu'un ne peut plus rien dire sur lui-même, ce mutisme se trouve dans la nuit du samedi saint. Quand quelqu'un a part aux souffrances objectives de la croix, à la joie objective de la résurrection, ces deux sommets objectifs sont noués dans la nuit. Mais tout comme le Seigneur dispose lui-même de chacun de ses mystères quand il les offre en partage, de même aussi pour sa nuit ; le chrétien ne doit pas essayer de préciser lui-même le lieu où il se trouve, ni non plus de déterminer - même avec la plus grande vénération - l'endroit de la nuit du Seigneur que le Seigneur lui assigne. Ce qu'il lui est permis de percevoir du mystère de la nuit doit le conduire directement et inexorablement à percevoir ce qui arrive au Seigneur, non à percevoir ce qui lui arrive à lui-même. Il n'est pas en mesure non plus de vouloir déterminer l'endroit précis le Seigneur se trouve maintenant dans la nuit (NB 5,115).

 

1379. Vie des mystiques : crucifiement dans le Seigneur

Dans la vie des mystiques, il y a un enchaînement constant de mort et de vie, de crucifiement dans le Seigneur et de résurrection en lui. C'est pourquoi dans la mystique, il n'y a pas de nuit qui serait sans jour, mais il n'y a pas non plus de sainteté qui ne serait pas née de l'obscurité (NB 5,120-121).

 

1380. Être sauvé et corédemption

A l'instant où on est sauvé on est corédempteur. Mais qui donc est sauvé ? Qui peut dire qu'il est sauvé ? (Note du P. Balthasar : Adrienne ne vise pas la rédemption à laquelle on participe par le baptême et la confession, elle vise une rédemption si totale qu'elle est quelque chose de définitif dans une vie humaine) (NB 4,24).

 

1381. Dans l’Église, aider le Fils pour la rédemption

Une exigence démesurée est requise du Fils. Le pont que le Fils a jeté lui-même entre ciel et terre, il veut aussi le transférer maintenant dans son Église avec des aides qui peuvent faire avec lui dans la grâce quelque chose de sa propre expérience de la rédemption. L'exigence démesurée qu'il a connue, il veut la leur faire sentir de son côté. Ils portent avec lui leurs regards vers le jour de Dieu qui arrive, c'est pourquoi ils doivent entrer avec lui dans la nuit. S'ils y réfléchissaient, ils devraient peut-être se sentir abusés parce qu'il leur est donné le contraire de ce qu'ils espéraient. Mais dès qu'ils ont appris à renoncer à eux-mêmes, ils comprennent que la nuit est la grâce du Seigneur la plus haute et la plus féconde. Quand ils perçoivent l'exigence du Père qu'ils ont été créés pour dominer le monde, ils l'entendent alors à travers l'exigence du Fils qu'ils ont été créés pour obéir. Pour avoir le droit aussi, de leur côté, d'obéir d'une obéissance semblable à son obéissance de cadavre le samedi saint. De même que la vie du Christ devait forcément le conduire à la mort pour la rédemption du monde, de même leur vie aussi doit recevoir la marque de la mort, de la mort en Dieu où, ne vivant plus, ils laissent faire ce que Dieu a en vue pour eux. On doit agir tant qu'il fait jour ; mais la nuit, avec son domaine, envahit le jour parce que, dès l'instant de la croix, le laisser faire est devenu plus important que l'action, l'impuissance est devenue plus importante que la puissance, le silence plus important que la parole. Car ce qui s'est passé dans le silence entre le Père et le Fils en un lieu qui n'est ni le ciel ni la terre, mais un non-lieu que nous appelons le séjour des morts, où ne pénètre aucun rayon du jour, est ce qui est le plus essentiel de tous les mystères qui nous ont été révélés de la rencontre entre le Fils et le Père. Pour le Fils, c'est en quelque sorte une vision supérieure dans laquelle toute vision est abandonnée au Père seul (NB 5,117-118).

 

1382. Parachèvement de la rédemption quand nous reprendrons nos corps au dernier jour

Le monde aurait été perdu si le Fils n'avait pas pris chair. Il revêt notre chair, devient Fils de l'homme, Dieu et créature en même temps. Dans un mouvement inverse, quand l’œuvre du Fils ici-bas est achevée, nous reprenons de notre corps ce qui relève de la création pour pouvoir, avec le Fils, montrer au Père dans le ciel que sa création était bonne ; les corps créés par lui étaient bons, eux aussi. C'est comme un parachèvement de l’œuvre de rédemption du Fils. Nous reprenons nos corps dans un acte de consentement à la volonté du Fils qui rachète la création du Père. Ce n'est possible qu'au dernier jour quand la création tout entière sera rachetée (NB 12,249).

 

 

7. Il est descendu aux enfers

 

 

Plan :   162 Pourquoi la descente aux enfers ? – 163 Le Fils dans les enfers - 164 Le domaine réservé du Père – 165 Le résidu des péchés – 166 Le positif de l’enfer

 

          162 Pourquoi la descente aux enfers ?

 

1383. L’enfer dans l’ancienne Loi et l’enfer dans la nouvelle Alliance

Dans l’ancienne Loi, l'enfer avec le caractère irrévocable de la condamnation avait une tout autre signification que dans la nouvelle. Avec le passage à la nouvelle Alliance, la signification de l'enfer a changé. Il y a un pont entre la Loi mosaïque et la croix du Seigneur. On ne mérite plus maintenant l’enfer par la transgression d'une Loi qui, sous cette forme, n'est plus contenue dans la loi d'amour. On doit trouver des traces de l'alliance mosaïque dans l'enfer chrétien (NB 4,53).

 

1384. Croix, enfer, Pâques

Vu de la croix, l’enfer n’est aucunement son prolongement, il n’est pas la continuation du chemin du Seigneur. L’enfer n’est pas le moyen pour passer de la croix à Pâques (NB 4,70-71).

 

1385. Pourquoi la descente du Seigneur en enfer ?

On pourrait presque considérer la descente du Seigneur en enfer comme une œuvre surérogatoire, une œuvre à peine encore nécessaire. Cependant, dans le dessein du Père, cette œuvre est si étroitement unie à la croix que c'est la chose nécessaire ; sur la croix, le Fils a fait subjectivement l'expérience des péchés, il en a éprouvé la violence et l'infinité, ce qui assurément dépasse de loin l'entendement d'un homme pur et simple. En enfer, il doit mesurer la même chose d'une manière totalement objective. Et les deux aspects - l'aspect subjectif et l'aspect objectif de l'expérience, les deux absolument différents - ne doivent pas seulement être expérimentés par le Fils, ils doivent aussi être connus par les chrétiens afin qu'ils aient une idée de ce que le Christ a fait pour eux (NB 3,292).

 

1386. La descente du Christ aux enfers : on n’en sait presque rien

Adrienne demande : "Que sait-on de la descente du Christ aux enfers? Comment cela s'est fait ?" Je dis qu'on n'en savait presque rien (NB 3,60).

 

1387. La descente aux enfers est simplement mentionnée dans les Écritures

Ce qui est curieux, c'est que l'Esprit Saint n'inspire aux évangélistes au sujet de la descente aux enfers rien de plus que le fait qu'elle ait eu lieu. Comme si l'Esprit s'en tenait strictement au fait qu'il a été rendu au Père par le Fils sur la croix ; comme s'il ne disait rien, conformément à sa mission, comme s'il ne voyait et n'entendait pas, comme si le Seigneur aussi se taisait pour le moment, quand les évangélistes mettaient leurs évangiles par écrit. C'est un silence dans le silence du Père. Silence du Fils, silence de l'Esprit, il n'y a aucun mot à ce sujet ; le Fils, qui dès le début était la Parole, est maintenant une Parole silencieuse et discrète (NB 3,287).

 

1388. Les trois jours : le secret de Dieu

Les trois jours. Ce que fut la durée du passage du Fils au séjour des morts, de quoi furent faites sa longueur et sa profondeur, ce qu'elle avait d'insupportable, peut-être même le fait qu'elle ne s'écoulait pas, reste le secret de Dieu. Le passage à travers l’enfer prend tout le temps, soit aucun temps. Le chemin est ce qui est sans chemin comme le temps est ce qui est sans temps. Employer le terme "traversée" est une solution de fortune pour dire qu'il s'agit d'une visite et d'apprendre quelque chose ; on ne peut rien dire sur la manière d'y entrer ni d'y séjourner. Nous, les humains, pour marcher, courir, monter ou descendre, nous avons toujours besoin du temps pour mesurer et d'étendue pour dire le chemin parcouru. Mais là, d'emblée, toute mesure est enlevée. Enlevée, tout comme le Fils lui-même s'est dépouillé de tout attribut qui lui rappellerait le temps de son séjour parmi nous ou les états de sa mission terrestre (NB 5,112).

 

1389. Avant la descente aux enfers, un retour au Père

Il y a un retour du Fils au Père "avant" la descente aux enfers : tellement "entre" la mort et l'enfer que c'est comme une perception en dehors de ce qui est perceptible. Pour nous, il n'y a absolument rien à en dire, pour le Seigneur non plus au fond ; c'est un instant dans l'objectivité parfaite (NB 3,297).

 

1390. Le samedi saint est impénétrable

Le chemin du Seigneur le samedi saint est impénétrable. Si l’Église ne célèbre pas de messe le samedi saint, elle devrait au fond descendre dans le tombeau. Faire symboliquement ce que le Seigneur accomplit (NB 4,112).

 

1391. Pourquoi la descente aux enfers ? 

Aller là où est le Seigneur pour voir quelque chose de la rédemption. Si le Seigneur nous aime tant qu'il meurt pour chacun de nous et que par amour pour le Père il nous rachète et complète ce qui nous manque, pour que son amour soit d'une durée parfaite et qu'il puisse être deviné par les hommes, il doit voir aussi ce que chacun de nous serait devenu sans son amour. C'est pourquoi il va en enfer, dans le domaine réservé du Père. Là il voit exactement le négatif de ce qu'il nous donne de positif (NB 4,184).

 

1392. Interpréter la descente du Fils aux enfers

On ne peut interpréter la descente du Fils aux enfers ni simplement par sa nature divine ni simplement par sa nature humaine, c’est-à-dire par ce que nous pensons devoir attribuer à ces natures et par les conséquences que nous pensons pouvoir en tirer. Tout ne peut être compris que par la relation Père - Fils. Et peut-être que le Fils n’est nulle part aussi apparent dans son pur être de Fils qu’ici en enfer. Mais pour faire ainsi l’expérience de l’enfer aussi totalement que le requiert la volonté du Père, il a déposé entre les mains du Père à partir du mont des oliviers tout son être divin (NB 4,93-94).

1393. L’enfer a-t-il un sens ?

Dans l'accablement général, sans cesse la question : est-ce que cela a un sens que le Seigneur séjourne en bas si longtemps ? Et la question elle-même s'effondre sur elle-même parce que le fait dont elle veut s'informer paraît tellement dénué de sens qu'on doit simplement reconnaître et accepter que c'est quelque chose qui n'a pas de sens. On doit rompre avec cette manie de questionner, être un simple appareil enregistreur et non un être humain raisonnant (NB 3,413).

 

1394. Pourquoi l’enfer ?

Il y aurait eu la possibilité de racheter les hommes de telle manière que sur terre déjà ils auraient été réellement sauvés, ils auraient vécu totalement dans le Seigneur si bien que le passage de la terre au ciel n'aurait plus été qu'un dernier pas facile. Mais on n'aurait pu leur donner cela que s'ils avaient été plus forts que l'enfer, que s'ils avaient aidé à vaincre l'enfer. Ils auraient haï le péché et ils l'auraient évité en ayant conscience d'avoir été rachetés, dans l'amour ; plus ils auraient aimé, plus ils auraient haï le péché. Cela aurait été un combat dans l'amour ; le Seigneur aurait triomphé du diable en moi, le ciel aurait triomphé de l'enfer (NB 4,17).

 

1395. Enfer : détour essentiel du Fils avant d’aller vers le Père

La vie du Fils qui meurt devient toujours plus creuse jusqu'à ce qu'une dernière conscience lui dise que la limite extrême est atteinte, que c'est "accompli". Après la mort, il va d'abord dans les enfers, il ne va pas vers le Père ("Je ne suis pas encore monté"). L'enfer dans lequel il descend maintenant est le détour essentiel et nécessaire par lequel il va vers le Père (NB 3,408).

 

1396. Ce que fait le Seigneur dans les enfers est totalement obscur

Je sais que le Seigneur est mort sur la croix, que le monde doit être sauvé par la prière, etc. Mais je ne peux pas faire le saut dans la vérité. Ce savoir est à gauche ; à droite, ce serait la descente aux enfers. Ce qu'il fait là est pour moi totalement obscur. Et ce que je fais là, tout autant. Je dois toujours demander : A quelle distance du monde puis-je me trouver ? Et le Fils : A quelle distance du ciel et du monde peut-il être ? (NB 3,308).

 

1397. Obscurité de l’enfer

Le samedi saint, toute la dureté de cet enfer doit être éprouvée. On n'y passe pas avec le sentiment que ce qui est derrière moi est "liquidé", c'est-à-dire sauvé, et qu'il ne resterait plus devant moi qu'une distance limitée. Au contraire, du début à la fin, il est tout aussi pénible et désagréable d'avancer. C'est toujours le même caractère d'obscurité et d'odeur d'enfer. Celui qui accompagne le Seigneur ne fait pas non plus autrement l'expérience du "chemin" : l'obscurité, c'est justement ce qui est voulu. Dans cette conduite du Seigneur, le Père seul a la vue. Lui seul accompagne en vérité le Fils et il voit ce qui en résulte pas à pas. Mais il laisse à chaque pas toute sa rigueur (NB 3,360).

 

1398. Les "trois jours: la nuit du Christ, un mystère de non-vision

La nuit du Christ est l'état qui relie à la résurrection l'heure où il a porté sur la croix le péché du monde et où il a sombré en lui. Les "trois jours" d'obscurité sont un mystère de non-vision, un temps où le Christ est banni de tout le passé et où il est séparé de tout ce qui va venir. Ils sont le point le plus bas, une fin, une totale désorientation, un abandon du chemin parcouru jusqu'à présent et, sans qu'ils le sachent, ils libèrent le chemin à venir. On ne peut situer ce point sur aucun plan, mais il existe ; les deux fins de la vie du Seigneur, il les relie pour en faire une unité qui n'est connue que du Père seul. C'est ici que le Père rassemble, relie, rattache les deux fins l'une à l'autre. Il le fait, rempli de respect pour son divin Fils qui a donné tout son amour et qui n'a plus son amour que dans le Père et l'Esprit, qui le gèrent pour ainsi dire maintenant de même qu'ils avaient géré sa vie humaine lorsque sa Mère fut couverte de l'ombre de l'Esprit. Là déjà, dans le sein de sa Mère, les deux fins furent nouées : l'existence du Fils dans le ciel et son existence sur la terre, pour former une unité dont Dieu seul peut disposer ; et le Fils, qui a part à l'échange trinitaire, s'en remet au Père et à l'Esprit pour sa décision de sauver le monde afin qu'ils le laissent devenir homme (NB 5,113-114).

 

1399. Caractère morne de l'enfer

La perception du fleuve se fait presque mécaniquement, c'est la perception de quelqu'un qui est mort, presque une perception morte : pur enregistrement où l'amour et aussi l'obéissance et la relation au Père et au monde sont totalement voilés. La corporéité du Fils est soulignée comme si, par sa mort, il était devenu trop fatigué pour être là totalement, pas suffisamment fatigué pour être totalement aveugle, mais le caractère morne de l'enfer l'envahit et il se laisse saisir par lui. Ce qu'il subit est une conséquence de son obéissance, sans qu'à présent il soit précisément conscient de cette obéissance. C'est un prolongement de sa mission qui lui semble incohérent et incolore (NB 3,408-409).

 

1400. L’enfer : du sur place, on n’avance pas

Le parcours du Seigneur à travers l'enfer, c’est du sur place, il n’y a pas d’avancée. Mais il n'y a pas non plus de sur place dans la mesure où ceci serait quelque chose d'existant (NB 3,270).

 

1401. Dans l’enfer, le temps est supprimé

De l’extérieur, on mesure le temps pendant lequel le Seigneur est dans les enfers. Mais à l’intérieur, le temps est supprimé parce qu’il n’y a plus là que le chaos. Et le chaos et le temps ne vont pas ensemble (NB 4,114).

 

1402. Enfer : impossible de trouver une issue

L’enfer : toujours la même odeur et le fleuve avec les péchés. Cette fois-ci sous le signe de la solitude. Le pécheur se rend solitaire par son péché. Mais l'unique solitude qui est valable, c'est la solitude devant Dieu. Le Fils passe dans l'enfer avec sa propre solitude. La solitude du péché n'est pas vaincue aujourd'hui par celle du Seigneur. Et la solitude mortelle du Seigneur avant sa résurrection se trouve en face de la solitude mortelle du pécheur avant sa résurrection qui n'a pas eu lieu. Mais ce qui les unit, c'est l'impossibilité de trouver une issue et la reconnaissance que la situation est désespérée (NB 3,395).

 

1403. Enfer : solitude, péché, chaos

Dans l’enfer, le Seigneur est comme quelqu'un qui ne saurait pas qu'il a un Père et qu'il a les hommes comme frères. De tous côtés, ce n'est qu'horreur. On ne peut pas demander comment lui, le Fils de Dieu et le fils de l'homme, est tombé dans cette horreur ; il n'y a que le fait qu'il est dans l'horreur. Sa relation au Père et à l'Esprit fait défaut. Il contemple le fleuve du péché et le chaos comme une question à lui adressée et une exigence pour lui, mais il ne connaît pas la réponse. Quand elle sera prête, l'instant de la résurrection sera venu (NB 3,277).

 

          163 Le Fils dans les enfers

 

1404. L’Esprit Saint a conduit le Seigneur en enfer

C'est par l'Esprit qu'on discerne. Ce n'est pas pour rien que c'est l'Esprit Saint qui a conduit le Seigneur en enfer ; il assume en enfer le rôle du discernement (NB 4,41).

 

1405. L’enfer a été imposé au Seigneur

Le Seigneur ne peut pas dire qu'il a pris l’enfer sur lui, il lui a été imposé à l'improviste (NB 4,45).

 

1406. Le Fils traverse l’enfer

Dieu le Fils en tant qu'homme, en tant qu'homme mort, traverse l'enfer. Mais il n'y passe pas seulement en tant qu'homme (NB 4,201).

 

1407. C’est par amour que le Seigneur traverse l’enfer -

C'est par amour pour le Père et pour les hommes que le Seigneur traverse l'enfer. Il est nécessaire qu'il traverse l'enfer, nécessaire qu'il perde son chemin et qu'il se trouve dans la solitude. Quand quelqu'un fait quelque chose par amour, il cherche l'amour partout. Quand je suis avec quelqu'un que j'aime, je cherche constamment à me montrer aimable avec lui. Il doit pouvoir cheminer constamment dans l'amour. Et le Seigneur, qui est l'amour même, va en enfer par amour, et l'amour lui est partout rappelé par l'absence d'amour. Le Père conduit le Fils en enfer sans amour senti (NB 4,206).

 

1408. Le Fils doit éprouver l’enfer avant de retourner au Père

L'enfer que le Seigneur traverse n'est pas seulement une chaîne de cataclysmes, mais l'enfer en soi, réel, inouï, jamais éprouvé. Il doit l'éprouver parce que, avant de retourner au Père, il doit connaître tout ce qu'est l'homme et tout ce qu'est le monde. Il l'éprouve alors que sa justice et son amour sont encore déposés auprès du Père. On parle beaucoup trop peu dans le catholicisme de l'enfer dans son vrai sens (NB 4,143).

 

1409. L’entrée du Fils en enfer et la volonté du Père

Condition préalable à l’entrée du Fils en enfer : acceptation de la volonté du Père là où il ne reconnaît plus le Père. Sur la croix, ce fut le sentiment de l’abandon, de l’extrême éloignement du Père, mais le Père restait le Père ; en enfer, l’aliénation est infinie, un état qui n’a plus rien de commun avec le rapport au Père autrefois connu (NB 4,95).

 

1410. En enfer : le résultat de ce que la croix a accompli

Le Fils est seul à accomplir sur la croix l'œuvre de la rédemption. Le Père, en montrant l'enfer, découvre au Fils ce qu'a accompli la croix. Dans l'enfer, le Fils voit dans le Père l'image antithétique de ce que sa croix avait d'objectif. Et la vision de l'enfer reste en tout cas et pour toujours la réponse à la croix. C'est l'achèvement de la croix. L'enfer qui est montré, tel que le Fils le voit, est la preuve que le Père a accueilli la mort du Fils sur la croix (NB 6,296-297).

 

1411. Le Fils traverse l’enfer pour voir le fruit de la croix

Le Fils traverse l'enfer pour voir dans l'obéissance ce que le Père veut lui montrer ; il a la croix derrière lui mais, sans se douter de rien, il doit en quelque sorte en voir le fruit qui ne lui sera donné et qu'il ne comprendra comme son salaire qu'à la résurrection, un salaire qui ne sera plus à séparer de la décision de l'incarnation, un salaire qui était au fond le but de l'incarnation : sauver l'humanité de la damnation (NB 4,136).

 

1412. Le sang du Fils est réellement sur le péché

Sans la croix, l'enfer serait virtuel. Par la croix, il est devenu réel. La preuve en est que le Fils a été en enfer après la croix ; il a ainsi montré après la croix qu'il y a un enfer qui sans doute était prévu avant la croix, mais qui était encore inexistant parce qu'il n'y avait pas encore de rédemption. Le Père n’a rien fait exister qui ne pût être racheté. En enfer, le Père montre au Fils que le sang est réellement sur le péché (NB 4,31).

 

1413. Dans l'enfer, le Fils est totalement occupé à regarder nos péchés

En enfer, le Fils est le substitut du Père et le substitut des pécheurs. Ainsi en lui se rencontrent le Père - qui lui pardonne tout ce qui est en lui, y compris nos péchés, parce qu'il est la pureté - et le pécheur qui ne sait pas ce qui se passe pour lui, il le sait d'autant moins qu'il ajoute à son ignorance de créature sa déraison de pécheur. Mais s'il est pris dans le Fils de telle sorte qu'il atteint son centre, il arrive à l'endroit où le Fils voit le Père qui n'est jamais invisible pour le Fils sauf dans la passion, sauf dans l'obscurité de l'enfer où le Fils est totalement occupé à regarder nos péchés ; et c'est justement par le fait qu'il ne voit plus le Père qu'il nous procure en lui la vision du Père (NB 4,180).

 

1414. L’enfer est vaincu par la croix

L'enfer est vaincu par la croix. L'enfer est transformé par la croix : là où était la damnation, la grâce maintenant pénètre ; là où était le jugement définitif, pénètre la rédemption ; là où n'existait aucune sorte d'espérance, pénètre la promesse (NB 3,208).

 

1415. Le passage du Fils dans l’enfer

Il est tout à fait faux de penser que le Fils n’a laissé aucune trace dans l’enfer. On ne doit pas penser que l’enfer est le même après son passage qu’avant (NB 4,108).

 

1416. Le Seigneur traverse l’enfer au milieu des traces des pierres mortes

Le Fils est le milieu entre le Père et l'Esprit. Le Seigneur traverse l'enfer comme une pierre vivante et il voit là toutes les traces qui sont faites par les pierres mortes (NB 4,153).

 

1417. Le Fils se déplace en enfer sans la lumière

Pour que le Fils puisse se déplacer en enfer sans la lumière de la justice et de l'amour, quelque chose doit pour lui être visible : sa mission. Malgré l'obscurité, celle-ci est suffisamment claire pour l'éclairer sûrement. Mais "seulement vers le bas", sans voir l'ensemble ; il n'y a de clair qu'on doit s'enfoncer, pas à pas. Il n'y a aucune espèce d'espérance de jamais en sortir car on ne voit que des marches qui descendent (NB 4,141).

 

1418. Le Fils donne son oui à la totale perdition de la croix et de l’enfer

Entre la mort et la résurrection de Jésus, le Père porte la responsabilité de la mission, non sans l'assentiment du Fils qui a consenti d'avance à tout : la mort sur la croix et le passage dans les enfers. Maintenant le Fils donne son oui à la totale perdition de la croix et de l'enfer. C’est le plus profond mystère entre le Père et le Fils. Quand il ressuscitera à Pâques, il rentrera en possession de ce qu'il avait remis au Père, le Fils verra alors le fruit de sa mission. Mais il gardera l'expérience la plus personnelle de ce qu'il a vu et de ce par quoi il est passé, de ce qu'il a laissé se faire dans la nuit pour le monde et pour sa purification (NB 6,295).

 

1419. Le Fils est sans contact avec le Père

Le Père reste en contact le plus étroit avec le Fils là même où le Fils semble ne plus avoir de contact avec le Père (NB 6,296).

 

1420. En enfer, le Fils ne ressent plus la présence du Père

Le samedi saint, en enfer, le Fils ne ressent plus la présence du Père ni celle des hommes. Tout est suspendu. Pour le Fils mort, sont suspendues sa divinité et son humanité. C'est un état de pure potentialité, dont la traduction en acte demeure incertaine (NB 6,544).

 

1421. Le Fils dans la nuit des enfers : pur abandon

Pendant que le Seigneur séjourne dans la nuit des enfers, les disciples savent qu'il est mort, les anges aussi le savent, Dieu le Père le sait. Mais personne n'est en contact avec lui parce qu'il fait partie de l'accomplissement des trois jours que le Fils les subisse dans le délaissement du pur abandon. Si le Fils ne peut maintenant contribuer lui-même à rien d'actif, c'est cependant lui qui laisse faire et toute son expérience du ciel et de la terre s'est à cet instant condensé en lui dans ce pur abandon. De tout son être et de toute sa présence, il laisse faire sans qu'il puisse percevoir son oui, le diriger, l'exprimer plus fort ou autrement. Son abandon est devenu purement objectif, c'est un état, intangible. Sur la croix, il est devenu pure ouverture pour assumer tout ce que le Père a prévu pour lui ; et cette ouverture est devenue maintenant, dans le monde d'en bas, pure attitude immuable dans laquelle arrive simplement ce que veut le Père (NB 6,293).

 

1422. Dans la nuit du samedi saint, le Seigneur n'a plus connu que l'abandon (NB 5,140).

 

1423. Le Christ dans les enfers connaît un état de pur abandon, il est dans la nuit

Le Fils est dans les enfers, totalement abandonné du Père, abandon qui reste le fruit de son expérience humaine achevée de la vie et de la mort. Tout est maintenant entre les mains du Père qui fait s'accomplir sa volonté dans le Fils totalement dépouillé. Le Christ dans les enfers connaît un état de pur abandon. Ce passage dans les enfers est ce qu'il offre de sa nuit mystique à ceux qui croient en lui, quand ils mettent définitivement leur existence à la disposition de Dieu, que ce soit pour accomplir une mission de création dans le mariage, que ce soit pour suivre le Christ dans l'état sacerdotal et religieux. De même que le Seigneur s'est remis totalement au Père, de même il attend de celui qui va faire un choix de vie chrétienne qu'il remette à Dieu tout son être propre. Le chrétien n'est en mesure de choisir que dans une prière qui est libre de tout. Il n'est rien de la vie présente qu’il ait le droit de présenter à Dieu comme étant sa propre volonté. C'est en priant qu'il doit arriver à l'indifférence pour ensuite, par la consécration de sa vie, avoir une part directe à la nuit du Christ dans sa passion. Il y a dans la consécration ce que l'homme ne peut pas faire lui-même : la garantie surnaturelle de celui qui fait le bon choix ; cette garantie ne veut pas dire une assurance pour toutes les éventualités terrestres possibles, c'est une sécurité en Dieu. Donc une primauté de la vie éternelle sur la vie temporelle (NB 5,146-147).

 

1424. Dans la nuit des enfers, le Fils doit éprouver ce qui se passe

La nuit de la descente aux enfers ne signifie pas la simple absence de ressenti parce que le Fils doit éprouver ce qui se passe ; son état, on ne peut le décrire finalement que par le fait qu'il correspond exactement à ce dont le Père a besoin. Le Fils ne traverse pas la nuit comme quelqu'un qui passe sans lumière, à tâtons, à travers des lieux qu'il connaît, il traverse de nuit une région inconnue, il est conduit sans qu'il sente qu'on le conduit, il accomplit ce qui sur le moment lui paraît inconnu, ce qui ne repose sur aucune promesse et ne suit aucune nécessité. Il marche sans être lié par une loi, sans avoir conscience d'avoir une mission, sans la présence de Dieu (NB 6,294).

 

1425. Le Seigneur va pour toi en enfer

En t'accueillant au ciel, le Seigneur prend sur lui d'aller pour toi en enfer. L'un des sens de la descente aux enfers, c'est l'effacement, il rend méconnaissable la place qui t'était réservée en ce lieu (NB 4,188).

 

1426. La croix et l’enfer

La croix du Seigneur est vraie avec son envers, l'enfer. C'est par l'enfer qu'elle devient définitive. C'est par l'enfer que la croix est fixée pour toujours (NB 4,232).

 

1427. Enfer et rédemption

C'est par la descente du Seigneur aux enfers que la rédemption est achevée. La croix a encore toujours un certain caractère de finitude, car elle est une souffrance que peuvent endurer un corps humain et une âme humaine. En enfer, tout devient infini. Ici le Seigneur a la possibilité de faire parvenir la rédemption personnellement jusqu'au bout. L'enfer est repoussé par son regard d'éternité (NB 4,15).

 

1428. L’œuvre de rédemption est achevée par le passage du Fils en enfer

L’œuvre de rédemption ne serait pas complète sans le passage du Fils à travers l’enfer, à travers ce qui n’est pas racheté (NB 4,133).

 

1429. Les enfers, achèvement de l’œuvre rédemptrice

Toutes les paroles dites par le Seigneur après sa résurrection ont un sens qui est marqué par la nuit du samedi saint. Les mots par lesquels le Fils préparait les hommes à la croix leur semblèrent plus compréhensibles que ceux qui furent dits par lui après la croix parce que ceux-ci sont imprégnés de l'expérience de l'abandon et parce que le Fils a connu, dans les ténèbres des enfers, des choses qu'aucun homme n'a jamais connues et qui servent surtout à l’achèvement de son œuvre rédemptrice (NB 5,141-142).

 

1430. L'enfer est l'œuvre de la rédemption du Fils (NB 4,242).

 

1431. En enfer, le Seigneur fait connaissance avec un aspect de sa rédemption déjà accomplie

Quand le Seigneur est mort sur la croix, il est allé pour nous à la rencontre de la lumière. En portant notre péché, il nous a portés à la rencontre du ciel. Maintenant qu’il passe à travers l’enfer, il va aussi à la rencontre de la lumière, mais il ne porte pas nos péchés à la rencontre de la lumière, nos péchés qui sont en enfer sous la forme du péché absolu. Il reçoit une nouvelle connaissance du péché mais qui n’a pas à faire directement avec notre salut. Nous avons été sauvés sur la croix. Maintenant il passe par le péché absolu et, par là, il fait connaissance avec un aspect de sa rédemption déjà accomplie. Cela ne fait partie qu’indirectement de ce qui a été accompli. Comme un élève qui, après avoir passé avec succès le baccalauréat, doit rester encore un certain temps à l’école pour que lui soit remis son diplôme. C’est pour le Seigneur une nouvelle expérience : sans l’homme, c’est ce qui est en elle l’essentiel. Le diable est comme le marchand de péché. Il expose tout son magasin. Il ne peut rien faire en enfer, il est paralysé en la présence du Seigneur. Il s’étend, mais il ne peut rien faire au Seigneur. Pour le Seigneur, la visite de l’enfer n’a rien à voir avec la tentation (NB 4,102-103).

 

1432. Le Fils prend l’enfer sur lui (à notre place)

Le Fils est pour tous en enfer, non dans un comme-si ; l'enfer est pressenti et préformé dans les souffrances de la croix. Il porte tous nos péchés sur la croix mais, en enfer, il est tous les pécheurs. Et parce qu'il porte tous les péchés et qu'en enfer il est tous les hommes, il n'y a plus de place en enfer pour les autres hommes. Et parce que le Seigneur supporte la peine pour moi, il la supporte pour moi en enfer. Il est mon substitut en enfer. Le travail que fait mon substitut, je ne le fais pas moi-même. Il est muni de mes pouvoirs et mes pouvoirs sont l'entrée en enfer pour mes péchés. En prenant l'enfer sur lui, il me retire mes péchés pour les prendre sur lui et il les porte comme étant les siens. Les péchés aussi de mon refus. Il est mort pour tous : juifs, païens et chrétiens. Et le Fils a le pouvoir de porter aussi en enfer les péchés non pardonnés et de les y décharger (NB 4,179-180).

 

1433. Le Fils cherche le Père sans le trouver

L'enfer est le lieu où le Fils cherche le Père sans le trouver. L'enfer est en même temps le lieu de la désobéissance (NB 4,372).

 

1434. La nuit continuelle du séjour des morts

Le Fils avait part au jour éternel du Père, et c'est là que fut décidée sa mission que le Fils accepta en même temps qu'il la proposa en adaptant sa volonté à la volonté du Père. Ici-bas, comme tout homme vivant, il fit l'expérience de la séparation du jour et de la nuit. Mais en mourant, il arrive dans la nuit du séjour des morts, une nuit qui ne connaît ni interruption ni la moindre lueur, une nuit qui est le pur contraire du jour du ciel, mais aussi le pur contraire du partage du temps qui passe et de son cours rythmique. Quand, au ciel, il prit la décision de devenir homme, il n'avait pas encore fait l'expérience du temps qui passe ni de la nuit des enfers. Et à bien des égards son existence humaine ici-bas apparaît comme un exercice préparatoire à la grande nuit ; c'est un bref apprentissage de la nuit qui passe pour sombrer ensuite dans la nuit continuelle du séjour des morts. La décision fut prise dans la lumière, dans l'espace de l'amour trinitaire éternel ; mais maintenant la nuit est si épaisse et si fermement encadrée que rien en elle ne pénètre de cette lumière de l'amour. L'abandon de la croix débouche dans la solitude infinie de la nuit aucune parole n'est plus possible ; rien ne nous parvient de ce qui a pu se passer entre le Père et le Fils. Ce n'est pas le silence bienheureux de la parfaite compréhension mutuelle, c'est le silence de la nuit définitive (NB 5,128-129).

 

1435. Samedi saint : pas de messe pendant que le Fils est en enfer

De même que, durant la semaine sainte, on a voilé les croix par vénération pour le mystère de la croix, de même, par une sorte de sentiment de respect ou de honte, on ne doit dire aucune messe pendant que le Seigneur est en enfer. Ce serait comme jouer avec le feu. Ou comme si, à un malade qui est alité avec un poison mortel, on voulait expliquer les avantages de ce poison pour des buts humanitaires. Pendant que le Fils est en enfer, il est dans l'au-delà, pour ainsi dire au-dessous du sacrifice (NB 4,42).

 

1436. Le séjour des morts est transformé du fait que le Fils y est passé

Si nous cherchons à comprendre de manière nouvelle la réalité du séjour des morts, il apparaît comme le lieu qui fut à ce point transformé par le passage du Fils qu'il n'est plus l'abandon ultime. Cet abandon ultime, le Fils l'a pris sur lui, il l'a retiré du séjour des morts, il l'a pris sur lui et il l'a ainsi changé. Le séjour des morts a perdu pour l'homme son caractère angoissant, car le Fils l'a vécu si totalement avec son abandon, son obscurité et son désespoir qu'il est définitivement marqué par le fait qu'il y a été présent. Cette empreinte qui le marque, on ne peut pas la saisir en dehors de l’Église. Cela ne veut pas dire que les enfers ont perdu pour nous leur réalité ; au contraire, ils ont reçu par le Seigneur une nouvelle actualité. Ils sont si vrais que le Seigneur y a séjourné, ils sont si réels qu'ils sont inclus dans le credo. Mais s'ils sont aussi si pleins de promesses c'est parce qu'ils ont part à l’œuvre de rédemption du Christ. La raison la plus profonde de leur existence, ce ne sont pas nos mauvaises actions, mais la grâce inconcevable du Seigneur qui a fait d'eux son ultime cadeau au Père (NB 5,127-128).

 

1437. Le Seigneur est passé par l’enfer pour nous réapparaître à Pâques avec l’absolution

Si le Seigneur a partagé notre vie, s'il a porté nos péchés, s'il est passé par l'enfer pour nous réapparaître avec l'absolution en sortant de là (Pâques), je pense alors qu'il n'a quand même pas imaginé quelque chose qui n'était que pour lui seul. C'était une concession que Dieu soit devenu homme ; il s'est abaissé jusqu'à devenir homme et à parler comme un homme. Si je sais qu'après mon orgie la gueule de bois ne dure que quelques heures, je l'assume pour être une fois vraiment rond ; de même j'assume tranquillement comme pécheur l'offense faite à l'amour de Dieu si je sais que les conséquences de mon péché sont limitées. L'affaire est quand même une peu différente si tout d'un coup l'infini entre en jeu (NB 4,459-460).

 

1438. Enfer : le Fils marche vers le Père dans l’obscurité

L’enfer a apparemment peu à faire avec la croix parce que le Fils marche vers le Père dans l’obscurité, il marche dans ce qui appartient au Père et que le Père lui montre maintenant afin que devienne visible la raison pour laquelle au fond le Père a donné à l’homme un corps bien qu’il sût depuis toujours que les hommes pécheraient. Si toutes choses ont été créées et préparées dès le début pour le Fils, il ne peut pas voir maintenant cette destination ; il doit voir la défaite du corps et retenir le total de cette défaite : le corps qui se pétrifie. La femme de Loth (NB 4,118).

 

          164 Le domaine réservé du Père

 

1439. Le mystère de l’enfer est un mystère du Père

Le mystère de l'enfer appartient à Dieu, mais il n'appartient pas à proprement parler à la Trinité. Car il est ténébreux ; ce qui appartient à la Trinité est dans la lumière. C'est un mystère du Père, mais pourtant il est en relation avec le Fils et avec l'Esprit Saint, et cela justement parce que ce n'est pas un mystère de la Trinité. Dieu le Père, qui possède le mystère au sein de la Trinité, en communique quelque chose au Fils ; il lui permet pour ainsi dire de visiter ses biens (NB 4,48).

 

1440. Le samedi saint, le Fils incarné doit être initié aux ultimes mystères du Père (NB 9, n. 1251).

 

1441. Le mystère de l’enfer : le Père conduit le Fils dans son domaine réservé

Le Fils a souffert la croix en tant qu'homme ; il y a en enfer quelque chose qui appartient à sa vie d'homme et qui, en même temps, modifie sa relation au Père. Cela consiste dans le fait que le Père le fait participer à son mystère de l'enfer. Sans doute, en ce qui concerne le monde, Dieu agit toujours de manière trinitaire ; mais il y a dans l'acte de la création une préséance du Père et, à cette préséance (les mots sont ici tellement insuffisants !), correspond le don que le Père fait au Fils en le conduisant à travers son domaine réservé et en le faisant participer en tant que rédempteur à la préséance du Créateur, en lui accordant une préséance à l'égard du Père (NB 3,236).

 

1442. En passant à travers l’enfer, le Fils entre dans le domaine du Père

En devenant homme, le Fils s'en est remis dans une certaine mesure au Père, à l'Esprit et à la Mère pour le genre d'homme qu'il serait. Il se laisse donner son "apparence", sa personnalité. Et en passant à travers l'enfer, il entre dans un domaine du Père auquel il n'avait pas accès en tant qu'homme "ayant une apparence", un domaine auquel seul le fait qu'il soit mort lui ménage un accès. Jusqu'à un certain point, le Fils a accumulé sur terre des expériences humaines (NB 3,228).

 

1443. Il serait difficile de décrire exactement la main du Père le samedi saint (NB 5,125).

 

1444. La descente du Fils aux enfers, c'est le Père qui livre son secret

La descente du Fils aux enfers, c'est le Père qui livre son secret. Le Père accordera au Fils - et cela en étant lui-même absent - de connaître le mystère de ses ténèbres qu'il s'était réservé depuis toujours. C'est le mystère du Père qu'il a gardé pour lui jusqu'alors parce qu'il n'avait remis au Fils que la rédemption, la miséricorde, l'amour, la lumière, la vie. Il ne l'a pas envoyé pour juger mais pour racheter. L'enfer est traité comme un mystère entre le Père et le Fils. Après le retour du Fils au ciel, il ne fera pas non plus l'objet d'un "thème de conversation" entre le Père et le Fils (NB 3,91).

 

1445. En enfer, le Fils apprend à connaître une partie du mystère du Père

Une partie du mystère du Père que le Fils apprend à connaître en enfer, c'est cette incroyable menace du péché qui est beaucoup plus grande que ce qu'il en connaissait. Cette connaissance faisait partie en quelque sorte du domaine réservé du Père dans lequel le Fils est maintenant introduit. C'est ainsi qu'un chrétien cherche sans doute à faire un peu la volonté de Dieu, il entreprend ceci et cela ; s'il est prêtre, il prêche et il absout et il prie et il écrit. Mais au fond personne ne sait ce qu'il fait. Personne n'a une vue d'ensemble de ce qu'il fait. Le Seigneur également, devenu homme, a remis au Père la vue d'ensemble avec tout le reste. Mais maintenant le Père, avant de le ressusciter, lui offre la connaissance, la vue d'ensemble du Père. La croix était pure obéissance. Mais avant de ressusciter, le Fils doit savoir ce qu'il a fait. Dans le prolongement de son obéissance humaine. Il doit mesurer toute la distance qu'il y a entre l'homme pur et l'homme pécheur (NB 3,176).

 

1446. Le mystère du Père

Le Fils va en enfer non pour contempler son œuvre propre mais pour recevoir une ouverture, un don du Père : son mystère. Mais celui-ci contient déjà le fruit de la rédemption (NB 4,32).

 

1447. Le Père possède l’enfer

Le Père, qui possède l'enfer, le possède pour autant qu'il n'a pas la croix. Pour autant que la croix est là, il ne le possède plus pour lui et il peut le montrer au Fils qui y discerne toutes ses traces jusqu'au début de la passion, et puis encore le sang qu'il a répandu. Dans son éternité, l’Esprit Saint connaît l'enfer et, dans son savoir éternel, il existe pour tous les temps (NB 4,33).

 

1448. Enfer : le Fils passe à travers l'obscurité du Père

En enfer, le Fils passe à travers l'obscurité du Père, à travers ce que le Père veut lui montrer, dans un domaine où l'action de Dieu en tant que telle ne peut être discernée alors qu'elle est présente en tant que tout : c'est pourtant une pure grâce et un fruit de la croix qu'il y ait ici un chemin pour celui qui est devenu homme. Seulement ce ne peut être un chemin de l'action, ni non plus de la passion, c'est bien plutôt un chemin à travers l'impossible, à travers ce qui n'avait jamais été ouvert jusqu'à présent et qui, maintenant que le Père le montre au Fils, reçoit de nouveaux traits caractéristiques. Il s'avère que le mal en soi, ce qui est pécheur en soi, a un lieu qui n'est plus la terre parce que le Fils a racheté le monde (NB 3,290-291).

 

1449A. L'enfer est le royaume de la justice que le Père s’est réservée (NB 3,126).

 

1449B. Le Père montre son enfer au Fils : c’est un mystère de l’amour du Père

Que le Père donc montre son enfer au Fils, c'est un mystère de l'amour du Père. Il le fait avec amour : il ne fait pas tomber le Fils tout de suite dans l'enfer le plus profond, il le conduit pour ainsi dire à partir d'en haut et il commence par la partie du purgatoire qui est la plus proche du ciel. Le Fils rencontre ici ceux qui sont déjà purifiés par son amour rédempteur. Il ne voit certes pas le résultat de cette purification, la rédemption elle-même (ceci ne sera possible qu'à Pâques), mais il voit pourtant que l'amour est à l’œuvre, son amour précisément qui s'est dégagé sur la croix. Qu'il voie cela, c'est une prévenance du Père. Le Père montre au Fils que, dans sa justice, il n'est pas insensible à la miséricorde du Fils ; il lui montre, avant même l'achèvement de l’œuvre de la rédemption, les effets de l'amour à l'intérieur du domaine de la justice. Il lui ouvre le cachot du côté où l'amour est visible. Le Fils voit ici que les âmes se trouvent entre la justice et l'amour, il voit comment les deux coïncident dans le processus de purification.Toutes sont pécheresses, mais elles ont saisi et reçu plus ou moins de la grâce. Toutes pourtant doivent mettre à jour leurs connaissances et s'adapter à l'atmosphère de Dieu. Elles doivent s'habituer à la justice du Père et à l'amour du Fils. En la matière, elles ne sont pas simplement passives, elles ne sont pas purifiées sans qu'elles le veuillent. Ce qu'a de passif le purgatoire, c'est qu'à présent elles ne sont mises que devant une seule possibilité : se laisser purifier, capituler devant la justice du Père et l'amour du Fils. Justice et amour attendent simplement d'être reconnus. Plus les âmes connaissent déjà l'amour et plus elles l'ont éprouvé, plus elles sont attendues par l'amour du Fils ; plus elles étaient infatuées d'elles-mêmes dans la vie, voulant estimer toutes choses selon leur propre mesure morale, plus donc elles se trouvaient à côté de l'amour, plus elles tendent vers l'ancienne Alliance (la justice). Mais parce que les deux alliances forment une unité parfaite, la synthèse du purgatoire est calculée pour toutes, et toutes doivent se laisser toucher par l'ensemble. Aucun coin de l'âme n'a le droit de se soustraire à la justice et aucun à l'amour. L'âme doit s'offrir tout entière à la justice et tout entière à l'amour, elle doit apprendre à connaître l'unité du Père et du Fils, elle n'a pas le droit d'être le moins du monde éclectique. Celui qui se confesse ne peut cacher aucun péché grave sans réduire à néant toute la confession. Dans le purgatoire on ne peut pas mettre de conditions ; on ne peut pas non plus vouloir faire juger tel péché par la justice et tel autre par la miséricorde, demander ici un peu plus d'indulgence tandis que là on veut bien porter éventuellement la juste expiation parce qu'on redoute la confrontation avec le pur amour. On doit se tourner de telle manière qu'on devienne accessible de tous les côtés à l'ensemble formé par la justice et par l'amour (NB 3,92-94).

 

1450. En enfer, l’obscurité du Père est visible pour le Fils

L'obscurité du Père en enfer est une obscurité qui était visible pour le Fils parce qu'il est celui qui est devenu homme, porté par l'Esprit, qui a souffert sur la croix. C'est dans cette continuité de la mission du Fils qu'on peut comprendre quelque chose de l'enfer. Si la compréhension humaine n'est pas à la hauteur des attributs de Dieu, la raison dernière en est qu'elle ne pense pas aux rapports de la révélation divine dans le Christ dans tout leur déploiement (NB 3,231-232).

 

1451. Descente du Fils aux enfers : une initiation à la diplomatie secrète de son Père

Il y a dans l’Église des degrés de responsabilité. Il y a des chrétiens dont on doit se contenter qu'ils suivent les grandes lignes de l’Église, qu'ils fassent le bien d'une certaine manière, à qui on ne peut pas demander une intelligence plus subtile. Mais plus la mission est différenciée, plus grande est la responsabilité. Le prêtre, pendant la messe, a peut-être la plus grande responsabilité. S'il fait un mauvais usage de son ministère en offrant le sacrifice sans foi et sans amour, le sacrifice du Seigneur sera sans doute valide, car le Seigneur ne veut pas qu'en raison du péché du prêtre, l'assemblée soit trompée. Mais le Seigneur prend alors sur lui quelque chose qu'il ne peut payer que par son passage en enfer. Il acquiert cette grâce en visitant le lieu de non-grâce. Le prêtre a rejeté la grâce dans le cadre de son ministère. Toute faute personnelle et privée peut être expiée sur la croix. Le péché dans le cadre du ministère, le Seigneur doit l'expier dans son propre ministère ; et le Seigneur n'est jamais autant dans son ministère que lors de son passage en enfer. La descente aux enfers est comme l'initiation à la diplomatie secrète de son Père. La diplomatie officielle aurait été la croix (NB 4,42).

 

1452. Enfer : le Fils et le Père

Pouvez-vous vous imaginer que pendant que le Fils passe dans l'obscurité de l'enfer le Père reste tranquille sur son trône ? Ne se sait-il pas touché aussi par l'obscurité du Fils ? N'accompagne-t-il pas aussi le Fils dans l'obscurité ? (NB 4,232-233).

 

1453. L’Esprit connaît le Fils, mais le Fils ne connaît pas l’Esprit en enfer (NB 4,133).

 

1454. Enfer : solitude du Fils et solitude du Père

Adrienne en extase. C’est étrange ; je voudrais savoir de qui vient cette pensée que Dieu le Père souffre de solitude parce que les hommes qui se sont perdus par le péché lui manqueraient. Et le Fils se séparerait de lui pour les lui rapporter. Et quand le Fils est en enfer, le Père est alors plus seul que jamais parce que maintenant il est aussi privé de son Fils qui passe en enfer dans une situation toujours plus solitaire, parce que le Père ne peut pas se communiquer à lui maintenant (NB 4,126).

 

1455. La trace du Seigneur dans l’enfer, et aussi le Père et l’Esprit

Il n'y a qu'une trace qui passe à travers l'enfer : la trace du Seigneur. Mais dans le fait qu'il n'y en qu'une, elle inclut partout la trace de Dieu et la trace de l'Esprit (NB 4,152).

 

1456. Le mystère de l’enfer appartient au Père, au Fils et à l’Esprit

Le Père, l’Esprit et le Fils se trouvent devant l’enfer comme devant un mystère qui appartient aux trois, un mystère que le Père donne à l’Esprit et au Fils dans l’obscurité de l’enfer. Il introduit dans l’Esprit, dans le Fils et par là aussi en lui-même l’aliénation absolue (NB 4,95).

1457. Enfer et Trinité

Dans sa vision éternelle, le Père a toujours vu l'enfer. Il n'avait pas besoin d'envoyer d'abord le Fils pour savoir à quoi ressemble l'enfer. Jusqu'alors il était seul en enfer. Mais le Fils aussi est seul en enfer, et à vrai dire seul dans l'Esprit qui l'a conduit en enfer. Car c'est l'Esprit qui y introduit le Fils parce qu'il connaît le péché avec une intelligence pleinement objective (NB 4,35).

 

1458. L’expérience de l’enfer

C’est l’humilité absolue du Fils qui permet à Dieu Trinité de faire cette expérience de l’enfer (NB 4,96).

 

          165 Le résidu des péchés

 

1459. Le Seigneur va en enfer pour y décharger tous les péchés

Le Seigneur a vraiment pris sur lui tous les péchés. Quand le Seigneur va en enfer, il n'y va pas à vide, il y va avec tous les péchés pour les mettre en enfer, avec tous les péchés qu'il a pris sur lui. Il va en enfer pour les décharger. Le Seigneur va en enfer chargé de tout le péché du monde. Le Seigneur, qui est la pureté même, porte le péché. Quels péchés porte-t-il ? Ceux d'Adam, le péché qui existe depuis toujours, celui de ses disciples convertis, tous les péchés qui ont été commis jusqu'au moment de sa mort, et certainement aussi tous les péchés à venir. (NB 3,122-123).

 

1460. Le samedi saint, le Fils va en enfer avec toutes les impuretés

Samedi saint. Le Fils est mort en emportant avec lui toutes les impuretés, toutes les immondices ; il va avec elles en enfer. La mort du Fils ne signifie pas du tout encore la fin. Sa mort est une entrée dans les enfers (NB 12,71).

 

1461. Le Fils met en enfer tous les péchés qu'il rachète

Qu'est-ce que c'est que l'enfer? C’est l'ultime secret du Père. L'enfer est au fond le lieu où le Fils règne sans l'avoir su jusque là. Pourquoi ? Parce qu'il le remplit. Parce qu'il délivre du péché. Il met en enfer tous les péchés qu'il rachète (NB 4,187).

 

1462. Le samedi saint, le Fils séjourne au milieu du péché (NB 3,140).

 

1463. Il n'y a que le Seigneur qui a été invité à voir l'enfer et lui seul n’a pas de péché (NB 4,39).

 

1464. Le péché est montré au Fils comme un tout

Le samedi saint, c'est le jugement du Fils ; comme il a voulu passer par la mort en tant qu'homme, il veut aussi en tant qu'homme passer par le jugement du Père. Le passage par les enfers est le jugement du Père. Mais comme le Fils n'est pas un pécheur, le jugement ne peut pas lui présenter une image de son péché ; le péché lui est montré comme un tout, comme un absolu, comme l'arrière-plan sur lequel se détache chaque péché particulier dans le jugement du pécheur. Au jugement, le pécheur n'a pas volé "un peu" ou menti "un peu", il tombe tout simplement dans la catégorie du vol ou du mensonge. L'âme qui a menti est une âme menteuse (NB 3,288).

 

1465. Le Seigneur montre ce que le péché a essayé de faire

On peut dire que la Toussaint est la fête qui fait pendant à la nuit de la désolation. A Pâques, c’est la résurrection. Mais la résurrection de l’Église, c’est à la Toussaint. Avant la Toussaint, et pourtant coïncidant avec la Toussaint, il y a le pendant de la nuit du samedi saint. Le Seigneur descend pour que les autres montent. Le Seigneur prend les siens avec lui en descendant pour leur montrer ce que le péché a essayé de faire (NB 4,111).

 

1466. Les péchés : comme des excréments à travers lesquels il faut passer -

De ses yeux d'homme, le Fils a vu sa Mère et les autres humains et le monde entier. Et avec les yeux de la vision, il a vu le Père. Avant la passion, il a rendu au Père les yeux de la vision et, quand il est mort, il lui a rendu aussi ses yeux humains. Et pourtant c'est lui qui descend dans les enfers, il y va avec des yeux qui ont renoncé à tout pour acquérir une vision d'un genre tout nouveau. Le Fils est mort sous le fardeau des péchés, totalement imprégné des attributs qu'ils possèdent pour lui personnellement. C'est en même temps comme si la sensibilité pour les péchés de tous s'était tellement accrue qu'il apparaît comme doté de sens totalement nouveaux. C'est surtout une expérience absolument objective de ce qu'est le péché, une expérience qui perçoit toutes les nuances du péché. C'est comme des excréments que non seulement on sent mais à travers lesquels on doit aussi passer (NB 3,286).

 

1467. Enfer : le caractère écœurant de l’existence dans le péché

La mort était maintenant tout d'un coup la mort coupable dans le fleuve : le péché mort qui constitue le fleuve, le caractère écœurant de l'existence dans le péché. A côté de cela, il y avait la pensée qu’on avait été auparavant en un lieu aimé par-dessus tout (le tombeau et la veillée auprès du cadavre du Seigneur), tandis que dans le lieu présent du péché tout est stagnant et suspendu dans l'intemporel, c’est le contraire de la vie (NB 3,301).

 

1468. La lourde odeur du péché corrompu -

On peut dire que sur la croix le Fils a vue sur la terre et sur le ciel ; mais dans l’enfer, sa vue se limite au fleuve. Ici cependant il n'y a pas d'air pour vivre, uniquement cette lourde odeur qui n'est peut-être que l'odeur du péché corrompu. Le Seigneur qui est là est également très fatigué (NB 3,307-308).

 

1469. Le Seigneur passe à travers l'enfer qui n’est fait que de boue (NB 3,412).

 

1470. Le Fils est descendu aux enfers avec nos péchés

Et ne nous laisse pas entrer dans la tentation. La tentation serait de nous rendre indifférents au Fils. Le Fils qui a souffert pour nous, qui est mort et qui est descendu aux enfers avec nos péchés, peut nous attirer si étroitement à lui qu'entre lui et nous il n'y ait plus d'espace pour la tentation, plus d'espace pour nous détourner de lui, pour quelque chose qui ne serait pas lui (NB 3,127).

 

1471. Les péchés comme des scories en enfer

Le Seigneur traversera l’enfer et, ce qui reste du péché, il s'en débarrassera comme de scories. Il libérera les pécheurs ; pécheur après pécheur, il prendra sur lui leur faute, la mettra dans sa lumière pour que leur obscurité soit éclairée (NB 5,265).

 

1472. En enfer, le péché est séparé de l’homme

Le Seigneur doit aller en enfer parce que là, le péché est séparé de l’homme, non seulement l’image du péché, mais le péché dans l’état où il est conçu par le diable, le péché à la recherche de l’homme et le péché après qu’il a abandonné l’homme (NB 4,102).

 

1473. Le Seigneur va de la croix à l'enfer et il rencontre là les péchés séparés (NB 4,457).

 

1474. Les péchés détachés du pécheur

Se pose toujours la question : que signifie au fond cet enfer ? Que le Fils ait été solitaire sur la croix est en quelque sorte compréhensible ; mais les péchés qu'on voit maintenant comme détachés du pécheur n'ont plus aucun rapport avec lui. C'est comme s'il ne voulait n'introduire personne dans son mystère, comme s'il était maintenant d'une certaine manière dans sa solitude la plus personnelle et il doit à sa solitude de ne pas la troubler (NB 3,409).

 

1475. En enfer, le Fils regarde la masse infinie des péchés

Quand, en enfer, le Fils regarde la masse infinie du péché, il voit en elle comme des entailles ou des encoches qui toutes le concernent d'une manière totalement objective. Parce qu'il a porté les péchés, ceux-ci ont certes perdu l'empreinte de chaque pécheur. Ils sont détachés du pécheur. D'innombrables traces de tous les pécheurs, mais aussi de leurs relations avec le Seigneur. Le moment est venu pour que ces rencontres personnelles soient purifiées par le Seigneur pour créer de nouvelles rencontres avec lui qui veut conduire les hommes au Père. Le Seigneur a porté sur la croix mon péché d'aujourd'hui. La rencontre avec moi a eu lieu sur la croix, mais en même temps elle n'a pas eu lieu là, car je n'étais pas encore présent ou j'étais mort depuis longtemps. Dans l'intemporel de l'enfer, apparaît la pure rencontre entre le fait objectif que le Seigneur a porté et mon péché objectivé (NB 3,227-228).

 

1476. Tous les péchés confessés sont en enfer

Le dépôt des nombreuses confessions - celles qui ont été entendues, emportées, vécues souvent de manière confuse seulement - est vivant ; ce n'est pas une matière qui est liquidée, elle est là parce que nous sommes tous des pécheurs. A présent elle est justement particulièrement importante parce que le Seigneur passe en enfer. On a l'impression que toutes les confessions pascales, toutes les confessions en général, celles des mourants et celles des vivants, ont une vie indépendante, véritable, qu'on voit en enfer dans une lumière nouvelle. Elles ressemblent à des blocs de granit, à de petits blocs, à de tout petits éclats de pierres, maintenus ensemble par un mortier qui est la grâce. Les rochers sont auprès du fleuve ; quand le Seigneur, en passant, extrait ces pierres du rocher, elles roulent dans le fleuve, elles perdent leurs contours, leur actualité, sans pour autant perdre leur réalité aux yeux de ceux qui les voient en enfer. Il y a aussi des régions où les rochers sont près de tomber en poussière ; il y a alors comme des panneaux d'avertissement et on craint pour soi une chute de pierres. Et pourtant, plus il en tomberait sur le Seigneur (et sur moi), mieux ce serait. En d'autres endroits, le rocher est dur et sec, le danger est "petit", mais cela veut dire que la rédemption est plus difficile car, dans le passage à travers l'enfer, comme le Père est absent dans une suprême objectivité, les signes précurseurs sont à l'inverse de ceux du monde (NB 3,298-299).

 

1477. En enfer, nouvelle rencontre du Fils avec le péché 

Quand la mort a séparé le Fils du fardeau du péché, il n'en résulte pour lui aucun sentiment de libération. Aussitôt c'est pour lui une nouvelle forme de rencontre avec le péché. La mort sera vaincue à Pâques quand il ressuscitera. La mort est sans doute un événement décisif, mais le chemin conduit en enfer. Il conduit en même temps à la récompense, mais pour le moment celle-ci est cachée dans l'obscurité du Père (NB 3,226).

 

1478. Le Seigneur ne peut expédier réellement le péché en enfer que si l'homme le regrette

Le Seigneur ne peut décharger réellement le péché que si l'homme le regrette. Jusqu'alors il le porte. Ce n'est que lorsqu’a lieu le repentir, dans lequel est inclus au moins virtuellement la confession du péché, que le péché est expédié en enfer (NB 3,124).

 

1479. Le Christ en enfer pour voir le résultat de la passion : l’enfer comme résidu des péchés

Samedi saint 1943. Pourquoi le Christ devait aller en enfer avant de ressusciter ? D'une part, c'est le plus court chemin vers le Père ; d'autre part, il s'agissait pour lui de voir le résultat de la passion : l'enfer comme résidu des péchés (NB 3,63).

 

1480. Dans l’enfer, la totalité du péché

Le Christ doit passer par l'enfer pour retourner au Père ; car c'est en voyant ce qu'il a obtenu, qu'il doit pouvoir voir l'ampleur de ce qu'il a accompli ; ce qu'il a obtenu est séparé, c'est le péché sans ceux qui lui appartiennent ; une fois pour toutes il a opéré la séparation entre le péché et le pécheur ; et dans l'enfer il rencontre d'abord le péché nu, le péché qui n'est plus associé à une personne. Le retour du Fils auprès du Père ne pouvait se faire que si le Fils voyait dans sa totalité ce qui le séparait de l'homme : le péché. C'est en voyant la totalité du péché que sa glorification aussi fut rendue parfaite (NB 3,65-66).

 

1481. Dans les enfers, le Seigneur prend connaissance de la démesure du péché

Le péché que j'ai avoué dans la confession se trouve derrière moi, mais tant que je n'ai pas reçu l'absolution, il n'est pas enlevé. Cet instant a un rapport avec la descente du Seigneur aux enfers. Il arrive de la croix en enfer dans un état d'extrême lassitude. Il reconnaît les péchés qui ont été enlevés au fait qu'il les a portés, de même que nous les reconnaissons parce que nous les avons commis. Il prend connaissance de leur démesure (NB 3,229).

 

1482. Dans l’enfer, le péché devenu inactif

Le Seigneur est le seul qui va de la croix en enfer. Le péché est ce qui a conduit le Seigneur à la croix, à notre rédemption. Le Seigneur a pour ainsi dire été chercher le péché en enfer pour l'apporter à la croix. En enfer, il voit après coup le péché devenu inactif, en tant qu'il est séparé de la possibilité d'avoir des conséquences (NB 4,50).

 

1483. Dans l’enfer le samedi saint, il y a un face à face entre le péché et le Fils (NB 3,139).

 

1484. Rencontre du Fils avec le péché qui refuse, qui ne veut pas se confesser

En enfer, rencontre du Fils avec le péché qui refuse, qui ne veut pas se confesser (NB 3,148).

 

1485. Enfer et péchés

Les péchés que le Seigneur a portés sur la croix, ils doivent aller quelque part. On les trouve en enfer (NB 3,161).

 

1486. L’âme du Fils rencontre les péchés en enfer

Dans son état de mort, le Seigneur conserve aussi une certaine perception de son corps. De même par exemple que dans une syncope donnée, on sent exactement ce qui se passe, mais on ne peut ni s'exprimer, ni réagir. Naturellement, pour le Seigneur, ce n'est pas une mort apparente. Ce qui se passe en réalité c'est que son humanité passe au-delà de la mort de même qu'avant sa conception elle existait déjà dans la semence de Dieu. De même le Fils, même en tant que mort, est aussi celui qui est devenu homme. Et cela, il le sait et il le sent. Il reste lié à son corps de telle sorte qu'il a une sensation pour ce qui se passe avec son corps. D'autre part son âme n'est pas non plus en enfer sans le corps parce qu'elle expérimente et mesure avec le corps les péchés qu'elle rencontre en enfer (NB 3,164).

 

1487. Le Fils est capable de porter plus de péché que l’enfer n’en peut contenir

Par son cri d'abandon, le Seigneur s'ouvre l'accès à l'enfer. Il crie au point d'en écorcher l'enfer. Il ouvre l'enfer par son cri. En entendant son cri, l'enfer est atteint à son talon d'Achille. Il est en principe vaincu par ce cri. C'est curieux parce que, dans notre représentation, l'enfer est si pécheur qu'il n'a pas d'oreille pour ce cri. Mais, par ce cri, le Fils montre qu'il est capable de porter plus de péché que l'enfer n'en peut contenir. Dieu triomphe du diable. Marie met son pied sur le serpent (NB 3,210-211).

 

1488. Le Seigneur ensevelit les péchés en enfer

Lors de la tentation au désert, le Seigneur aurait dû se précipiter du haut du créneau pour se laisser rattraper en bas. A l'instant de la mort du Seigneur, l'enfer s'est ouvert. L'abîme est maintenant là dans lequel il peut précipiter la masse. Mais cet abîme a tellement été fait pour lui qu'il doit faire les deux : précipiter la masse et se précipiter lui-même. Comme si, lors de la tentation, le diable avait possédé comme une sorte de connaissance anticipée du fait qu'il en viendrait un jour à cela. Le Seigneur le fera. Non pour se faire rattraper par des anges (comme Satan le lui suggérait), mais pour se laisser attraper par les péchés. Il appartient à cette masse dont il a encore à disposer dans l'abîme. C'est ainsi que le vendredi saint et le samedi saint sont unis de manière indissoluble. Leur unité est fondée dans l'objectivité du péché porté par le corps du Seigneur. Le sens de cet événement, son fruit, est encore à établir. C'est par le passage du Seigneur à travers l'enfer que découle la possibilité de la confession et du purgatoire. Une continuité temporelle, ecclésiale, entre la passion et l'institution de la confession à Pâques n'est possible que si le Seigneur ensevelit entre temps les péchés en enfer ; il doit descendre avec eux afin que se ferme en haut le cercle entre le ciel et le monde. A Pâques, il retrouvera les hommes en tant que pécheurs, il ne peut enlever ce péché (par la confession) que s'il les a enlevés définitivement (par sa passion) et s'il les a ensevelis en enfer. Il doit avoir accompagné le péché là où il est définitivement séparé de l'homme. Et cela en en faisant l'expérience. Par sa passion, les péchés ont reçu un état qui permet de les faire se dissoudre dans le fleuve de l'enfer (NB 3,223-224).

 

1489. Le fleuve informe des péchés

La descente du Seigneur aux enfers a son parallèle dans la confession. La vision des péchés par le Seigneur correspond à l'aveu du pécheur ; l'absolution à la fin de l'enfer correspond à Pâques. La croix correspond au repentir qui a lieu avant la descente aux enfers, avant l'aveu. Le Seigneur voit en enfer le fleuve informe des péchés (NB 4,15).

 

1490. Enfer : toutes les traces de l’homme pécheur sont là

Le mystère qui, dans l’enfer, est porté à la connaissance du Fils et dont il emporte le grand fruit dans la résurrection se trouve exactement entre la fin de la croix et le matin de Pâques. Pour le Fils, c'est la participation à une connaissance, mais ce n'est plus un combat. Son combat sur terre a été mis sous scellés à la fin de la croix. En enfer, il rencontre les péchés de ceux qui ont vécu des milliers d'années auparavant et les péchés d'autres qui vivront dans un lointain futur. Les traces du passage du Fils qui font défaut en enfer sont visibles à la croix, elles sont visibles dans sa vie terrestre, dans l’Église, dans les temps futurs, dans tout l'avenir.

L’enfer est un témoignage de la faculté que l'homme a de pécher, de l'homme qui a entassé des péchés comme des pierres les unes sur les autres jusqu'à ce que le péché ait rempli totalement ce lieu. En enfer, il n'y a pas trace de ciel ni d'amour, c'est le lieu de l'angoisse et de l'horreur, avec une sorte de caractère abstrait et concret tout à la fois : abstrait, parce qu'en fait partie aussi ce qui n'est plus saisissable spirituellement ; concret, parce que les traces de l'homme pécheur sont là (NB 3,291).

 

1491. Le chaos de l’enfer

Le chaos n'est plus le chaos devant lequel se trouvait le Père lors de la création ; il a été transformé en enfer par le péché des hommes. Les hommes ne sont plus l'Adam paradisiaque, mais des pécheurs (NB 3,264).

 

1492. L’homme pécheur court vers le chaos de l’enfer

Le chaos et l'enfer sont à interpréter comme ayant une origine et une direction. Mais c'est aussi le mouvement du Fils. Le Fils vient du Père, il prend la voie de l'homme pécheur qui court vers le chaos de l'enfer et il ne saute pas ce qui est chaotique pour retourner au Père. Le chaos était accessible au Père quand il en tira le bon. Le Fils n'arrive au chaos que par l'enfer. Le chaos existe pour ainsi dire comme la lisière extrême de l'enfer du Fils. Là où il est déjà presque lumière, lumière chaotique (NB 3,248).

 

1493. Le Fils et le chaos de l’enfer

Dans la souffrance, le Fils fait l'expérience de ce qui est moitié chaos, moitié enfer. La conscience d'Adam a commencé lors de sa propre naissance ; dans son milieu de vie, il rencontra la liberté, la tentation et, dans le péché, le nouveau chaos. Le Fils par contre ne commence pas d'emblée dans son espace mais dans l'espace illimité de la volonté du Père, qui embrasse tout, y compris le chaos, y compris ce qui par le péché est devenu entre temps l'enfer. Il embrasse cet espace non comme un lieu où il pourrait étendre sa liberté, mais comme un lieu où il pourra encore obéir (NB 3,256-257).

 

1494. En enfer, le Seigneur voit le chaos du péché comme un résidu (NB 4,145).

 

           166 Le positif de l’enfer

 

1495. Chaque pas que le Fils fait en enfer réduit le domaine du diable

En enfer, le Fils ne va pas jusqu'au diable. Mais chaque pas qu'il fait en enfer réduit le domaine du diable. Chaque pas raccourcit la chaîne, la réduit, contracte sa masse. Comme si le diable avait tout d'abord été lié à une chaîne si longue qu'il ne la sentait pas et qu'il pensait pouvoir se promener librement. Maintenant, par la croix et l'enfer, la chaîne ne cesse de se réduire. Le serpent est lié et, à l'inverse, Dieu peut se promener toujours plus librement dans sa création comme autrefois au paradis. La dernière conversation vivante du diable avec Dieu a eu lieu lors de la tentation au désert (NB 3,234).

 

1496. L’enfer et la chaîne du diable

Le Fils apprend pour ainsi dire à comprendre la longueur de la chaîne par laquelle le Père tient le diable. Il y a pour le Fils si peu d’espace en cet enfer que nous perdons constamment ses traces parce que le Père a laissé au diable tout l’enfer (NB 4,104).

 

1497. La progression du Seigneur en enfer fait reculer le domaine du démoniaque

La progression du Seigneur en enfer fait reculer toujours plus loin le démoniaque et, pour lui-même, son domaine ne cesse de s'étendre. Ce qui se trouvait auparavant des hommes dans le domaine du démoniaque passe dans le domaine du Seigneur. La chaîne du diable est si raccourcie qu'elle se limite au domaine de l'enfer où il se trouve lui-même. Par là, les enfers sont devenus le lieu de naissance du purgatoire. Le Fils est en enfer où il considère l'obscurité du Père, il est allé jusqu'à la limite où se termine le royaume du Père, la bonne création ; aucun chemin ne va plus loin, parce qu'il ne reste plus que le démoniaque qui a été repoussé au maximum. En revenant de l'enfer, il prend avec lui la substance de base du purgatoire : l'intelligence des péchés que les hommes doivent atteindre là pour devenir capables d'entrer dans la vie du Père (NB 3,236).

 

1498. Le Fils institue le purgatoire pour amener au Père ceux qui auront été purifiés dans le feu du Père sans être consumés

Si Moïse était entré dans le feu qui ne consume pas le buisson, il aurait été brûlé tout entier. Cela caractérise l'ancienne Alliance. C'est le Fils qui apportera la condition permettant que le pécheur ne soit pas consumé par le feu de Dieu. Jusque-là Dieu garde jalousement cette propriété du feu. Vis-à-vis de Moïse, il se fait reconnaître comme Dieu, il l'intéresse aussi par le feu, mais il ne le laisse pas s'approcher. Cela ne lui est pas possible, sinon Moïse se précipiterait dans ce que Dieu a de consumant, dans sa justice. Qu'un homme, s'en remettant au feu de Dieu, puisse se précipiter en Dieu, ce n'est que le samedi saint du Fils qui l'a obtenu. Le Père laisse au Fils tout le fruit du samedi saint, il s'abstient de l'utiliser jusqu'au moment où aura sonné l'heure du Fils. Le Fils va instituer le purgatoire pour amener au Père ceux qui auront été purifiés en se laissant brûler dans le feu du Père sans être consumés (NB 6,317).

 

1499. Le samedi saint, le Fils obtient que les hommes soient autorisés à entrer dans le feu du Père

Le dialogue paradisiaque des hommes avec Dieu n'est plus possible ; pour le renouer, le Fils doit obtenir le samedi saint que les hommes soient autorisés à entrer dans le feu du Père. Ils doivent le désirer et le vouloir : faire effort pour sortir de leurs propres limites et de leurs propres idées, et être plongés dans le monde du feu divin où Dieu maintient sa puissance souveraine (NB 6,317).

 

1500. Le Fils soulève l’homme pour que l’homme puisse voir le Père

Sur la croix, l'image du Père s'obscurcit pour le Fils ; il regarde les hommes et il meurt avec un regard sur l'homme qui se détourne de lui, le Fils. Donc le Père regarde le Fils qui maintenant ne le voit plus. En passant à travers l'enfer, le Fils ne voit plus l'homme que comme un pécheur en soi ; il le porte, il le soulève afin que l'homme puisse voir le Père. Par lui, le Fils, le créateur et la créature peuvent à nouveau se rencontrer (NB 4,180-181).

 

1501. Tout doit venir à la lumière

Par notre confession, nous nous dévoilons devant le Fils. La descente aux enfers est d'une certaine manière le dévoilement, la confession du Père devant le Fils. Dans les deux cas, l'ultime cachot est ouvert et montré de sorte qu'on ne laisse rien caché, la dernière chose justement doit venir à la lumière. C'est en cela qu'il y a une ressemblance entre la descente aux enfers et la confession. Dans le fait aussi que les deux se déroulent dans l'amour (NB 3,92).

 

1502. La confession et l’enfer

La confession est instituée par le passage à travers l'enfer, non pas à la croix déjà ; ce n'est qu'après la croix et l'enfer que le Seigneur l'institue (NB 3,132).

 

1503. Laisser l’enfer derrière soi et aller simplement à la rencontre du Seigneur

Tous montrent l’enfer comme s’il était simplement devant vous, comme si c’était un trou où l’on pourrait se précipiter, et on devrait faire terriblement attention pour ne pas y tomber. Comme si toute pensée qu’on n’a pas pour Dieu était un pas vers l’enfer. Mais on devrait quand même avoir le courage de laisser l’enfer derrière soi et aller simplement à la rencontre du Seigneur ; on ne devrait pas constamment supporter la contrainte que représente le négatif de l’enfer sur le chemin positif qui conduit au Seigneur (NB 4,75).

 

Note adjacente sur la descente aux enfers

Le 22 juin/2023, je reçois un homme de 48 ans qui travaille au service de l’ordre public. Il est déjà venu un certain nombre de fois pour des prières de délivrance. Ce matin, au cours des prières litaniques, il tremblait déjà depuis un certain temps, quand j’ai commencé une prière à saint Michel archange. Dans cette prière, il y a cette demande : « Viens au secours des hommes que Dieu a faits à son image et à sa ressemblance et qu’il a rachetés à grand prix de la tyrannie du diable ». Quand j’ai remarqué qu’il y avait des réactions plus fortes à ces quelques mots, je me suis limité à ces quelques mots et je les ai répétés un certain nombre de fois en les complétant comme ceci : « Viens au secours des hommes que Dieu a faits à son image et à sa ressemblance et qu’il a rachetés à grand prix de la tyrannie du diable par sa passion, sa mort sur la croix, sa descente aux enfers et sa résurrection ». Les réactions les plus fortes ont concerné alors la descente aux enfers. Quand les tremblements de l’homme ont cessé (ils ont duré trente minutes peut-être) et qu’il eut repris ses esprits, il a pu me dire un peu ce qui s’était passé. J’avais remarqué qu’il faisait signe non de la tête quand il était question de la descente aux enfers ; il avait compris alors : « Non ! - - - C’est des bêtises ! - - - Pas vrai ! - - - Il n’est pas descendu ! » L’homme pour qui je faisais ces prières ignorait tout de ce que disent les théologiens de la descente aux enfers.

 

 

8. Il est ressuscité

 

 

Plan : 167 La résurrection168 Le Fils à Pâques - 169 Le Père et la résurrection 170 Les quarante jours171 L’Ascension - 172 La Pentecôte

 

 

               167 La résurrection

 

1504. Paroles de Jésus annonçant sa résurrection

Les paroles du Seigneur sur une résurrection à venir, pour une part les apôtres ne les ont pas comprises, pour une autre part ils les ont oubliées. Ils prient pour leur Seigneur perdu, mort, ils prient pour que Dieu pourvoie à sa destinée, mais ils n'ont aucune idée de la raison pour laquelle en réalité ils prient. Ce sont de tristes soupirs dont le sens est la perte du Seigneur, mais en grande partie aussi la perte de la forme de leur foi qui jusque là était facile. Non qu'ils aient perdu la foi, mais ils ne savent plus comment la corroborer. Tant que le Seigneur était parmi eux, il arrangeait tout et il prévoyait l'avenir. Quelle que soit la question qu'ils se posaient, il était là pour donner une réponse. Le Seigneur qui ressuscite a pitié de leur prière désemparée. Il la prend dans sa résurrection comme si celle-ci n'était pas seulement l'accomplissement de ce qui avait été promis de manière unique, l'accomplissement de la parole du Père et de sa propre parole et de toute l'ancienne Alliance, mais comme si elle était aussi l'accomplissement de la prière des siens, comme si leur supplication était directement et absolument essentielle pour que se réalise son retour au Père et sa réapparition comme vivant au milieu des siens. Chaque apôtre doit pouvoir un jour reconnaître qu'il était engagé dans l'événement de la résurrection. C'est ainsi que le Seigneur laisse aussi son Église préparer la fête de Pâques par la prière et en laissant faire. Dieu Trinité a besoin de cette prière : par amour, par grâce, pour fortifier et affermir les croyants dans leur participation, dans leur signification, dans leur nécessité absolue. Être homme veut toujours dire aussi être un prochain ; il en fut ainsi lors de l'incarnation, il en est ainsi encore pour la résurrection (NB 3,404-405).

 

1505. L’Esprit roule la pierre qui ferme le tombeau

L'"instant" de la résurrection. Le Fils qui a racheté le monde par sa passion, mais dont la passion avait d'abord été permise par Dieu Trinité, avait certes porté en tant qu'homme tout le fardeau des souffrances, mais il n'avait pas percé à jour le mystère ultime du Père, l'enfer : ce chaos d'avant la création du monde, que les hommes ne connaissaient pas, mais que maintenant ils étaient en mesure de faire émerger à nouveau par leurs péchés. Ou mieux : le chaos de l'enfer, qui est un chaos de péché, est comme un reflet du chaos au commencement de la création. Le Fils non plus, devenu homme, ne devine pas la démesure de ce chaos de péché. Il ne le devine pas non plus maintenant qu'il le traverse. Comme homme, il a tout pris sur lui dans son amour et sa bonté ; il est un peu comme le cavalier qui est arrivé au bout du lac de Constance. Le lac de Constance serait la croix. Mais la frayeur supplémentaire serait l'enfer. C'est ici qu'intervient le Père et il sauve le Fils de l'enfer comme le Fils a sauvé le monde de l'enfer. Et l'Esprit qui l'a porté aux hommes comme semence du Père roule la pierre qui était devant l'entrée du tombeau d'où sort le Fils ressuscité, car rédemption et résurrection ne font qu'un (NB 3,175).

 

1506. Personne ne peut ressusciter avant le Fils

Ceux qui sont ressuscités avec le Seigneur (Mt 27, 52-53). Les tombeaux sont ouverts le vendredi saint parce que ce qu'a fait le Seigneur sur la croix a été fait pour tous. Mais personne ne peut ressusciter avant lui. Tant que lui-même se trouve au tombeau, c'est pour tous les autres un temps d'attente. Mais qu'ils soient dans le tombeau ouvert se trouve en opposition à la situation du Seigneur dans le tombeau fermé : leur tombeau ouvert est la promesse de l'ouverture du tombeau du Seigneur. En cela ils sont ses précurseurs. Comme s'ils ne pouvaient pas ressusciter les mains vides, ils auraient reçu auparavant du Seigneur le gage qu'il leur serait permis d'apporter une contribution à la résurrection. Cela fait partie de la tendresse de l'amour du Seigneur qu'il fasse dépendre l'ouverture de son tombeau de la leur. Le Seigneur se lève d'abord tout seul. Ensuite seulement les autres. Ici il n'est pas question de précurseurs. Quand il est ressuscité, ils se tiennent tout de suite au service de sa résurrection (NB 3,177-178).

 

1507. Le Fils ne peut prévoir ni faire venir la résurrection

Le Fils, dans la nuit du séjour des morts, attend la résurrection du Père sans l'anticiper. Pour lui, il y a pur abandon sur la croix et dans les enfers. Sur la croix, il porte les péchés mais, dans la nuit des enfers, il porte l’insuffisance perpétuelle de toutes les actions humaines par rapport aux exigences de la grâce. Là, toutes les incompréhensions humaines, toutes les résistances et tous les refus de choisir, toutes les hésitations et tous les retards sont entraînés dans la parfaite indifférence des enfers pour y être compensés. Le Fils ne peut prévoir ni faire venir l'heure de la résurrection. Le Seigneur attend dans la nuit : il a porté pour tous les hommes ce qu'ils ne sont pas capables de porter eux-mêmes (NB 5,147-148).

 

1508. C'est dans l'étonnement que le Fils ressuscitera

Dans la nuit du samedi saint, cette remise de lui-même au Père et à l'Esprit par la mort dans l'attente d'une résurrection est devenue une "disparition" du Fils dans le Père. Ce n'est pas seulement un oubli de lui-même (ce l'était déjà sur la croix), ce n'est pas seulement savoir qu'il est oublié par le Père ("Pourquoi m'as-tu abandonné?"), c'est quelque chose qui est encore au-delà de l'oubli : une ultime obéissance qui a décidé une fois pour toutes de se donner et qui est si illimitée que seuls le Père et l'Esprit disposent encore de cette volonté du Fils qu'ils disposent de lui. Cette obéissance est en eux quelque chose qui n'est plus du tout accessible au Fils lui-même : en tant que mort, il n'a plus la force de dire oui à son obéissance, il l'a remise comme la quintessence de lui-même entre les mains du Père. Non seulement le Père engendre à nouveau le monde en tant que monde sauvé par le Fils mais, avec ce monde, il engendre aussi à nouveau le Fils. Dans la nuit du samedi saint, le Père crée le monde pour la deuxième fois, et le Fils y est entré si profondément qu'il est devenu comme une partie de ce monde terrestre, non plus avec l'Esprit qui plane sur les eaux et qui est témoin de la création, mais comme une partie passive du monde à recréer. Ce n'est pas le Fils maintenant, en tant que mandaté, qui sauve le monde, il a tellement mêlé la substance du monde à sa mort que le Père peut recréer ce qui n'est pas séparé. C'est dans l'étonnement que le Fils ressuscitera, en s'étonnant de l'œuvre du Père : il la lui a tellement abandonnée qu'il n'en avait pas une vue d'ensemble. C'est pendant qu'il est mort, que le Père opère la rédemption du monde dans sa résurrection, comme aussi sa résurrection dans la rédemption du monde. On ne voit guère le passage qui va des tourments qu'il a endurés sur la croix à la joie qui est la sienne à sa résurrection. Et pourtant il y a là un passage : le chemin dans la nuit pendant laquelle il s'est remis entre les mains du Père avec le monde et même aussi avec l’enfer (NB 5,114-115).

 

1509. Résurrection : on ne peut pas saisir

On ne peut pas saisir ce qui s'est passé à la mort de Jésus lui-même, pas plus qu'on ne peut saisir ce qui s'est passé à sa résurrection (NB 5,140).

 

1510. Le Seigneur ne ressuscite pas de la croix mais de l'enfer du samedi saint (NB 3,275).

 

1511. Résurrection du Christ dans le ciel d’abord

« Le Christ est d'abord ressuscité au ciel (c'est ainsi qu'Adrienne disait), puis sur la terre. Il a repris possession de sa divinité en quelque sorte pour reprendre ensuite possession de son humanité ». Adrienne vit la fête de la résurrection dans le ciel. La Mère était là. Tous les saints et tous les anges étaient présents pour la glorification réciproque du Père et du Fils ; et au Fils qui redescendait sur la terre pour communiquer son amour, tous pouvaient donner quelque chose du leur (NB 3,64).

 

1512. La résurrection se passe en un rien de temps

La résurrection se passe en un rien de temps. Aussi instantanément que son contraire, l'incarnation ; autrefois, le Père le fit devenir sa semence, maintenant il le fait redevenir son Fils vivant. Le Fils de l'homme entre dans la naissance trinitaire. Le Père engendre éternellement le Fils. Mais dans cette éternité, il y a le moment où le Fils devient homme et où il ressuscite d'entre les morts. Ces deux moments sont inclus dans un devenir originel, et cependant c'est à chaque fois une césure : un triple devenir du Fils. Dans son troisième devenir, il devient sans doute celui qu'il était toujours, mais comme celui qui a fait l'expérience de la résurrection d'entre les morts. Il ne l'était pas auparavant. Et trente-trois ans plus tôt il est né de la Vierge Marie : il ne l'était pas non plus avant (NB 3,176-177).

 

1513. Soudaineté de Pâques

Soudainement, beaucoup plus rapidement qu'en une seconde, vint la lumière. Le Seigneur était entouré d'une splendeur qui n'était pas supportable. Et on sut que c'était l'amour qui frappait tout : son don, son don de lui-même, sa joie et sa gloire. Christ Roi. Toute la gloire. Et au même instant il fut à nouveau l'un de nous, nous offrant la joie de Pâques ; je ne sais pas comment on doit décrire cela sans être banal : il ne fait pas de manières ; cela lui est tout naturel d'être là et de parler avec nous et que les quarante jours commencent, et qu'il exige de nous la même joie de Pâques, la foi, la confiance il nous les donne, donc nous les avons (NB 3,322).

 

1514. Pâques arrive avec la soudaineté de la création du monde

Pâques. Au milieu de ce qui est sans but (le chaos de l’enfer), tout s'ouvre tout d'un coup. Avec la soudaineté de la création du monde par le Père à partir du chaos. La création se produisit alors dans un laps de temps (six jours) ; ici par contre la simultanéité commande tout parce que la vie éternelle est atteinte. On ne peut pas croître peu à peu dans la vie éternelle. Elle est là soudainement avec toute sa plénitude. Et le Fils revoit le Père , il voit l'Esprit, il se revoit ainsi que ce qu'il a fait dans le Père et dans l'Esprit. Il ne perçoit pas en lui-même les signes de ce qu'il a fait - les cicatrices par exemple - mais, à son arrivée, il trouve parfaitement dans le Père et dans l'Esprit ce qui a été fait, comme la mère qui a mis au monde un fils ne pense pas à ses souffrances quand elle le voit, mais à son mari qui le lui a offert. Auparavant le Seigneur était enveloppé d'un manteau d'horreur, et maintenant tout d'un coup d'une lumière rayonnante de gloire. Dans la joie du Père et de l'Esprit, le Fils éprouve sa propre joie. "Quelqu'un a accompli la mission". Sa joie est une réponse à la joie du Père et de l'Esprit (NB 3,280-281).

 

1515. La résurrection est aussi soudaine que l’irruption de la grâce

La froide odeur de renfermé de l'enfer est soudain remplacée par la froide odeur de renfermé du tombeau. Et bien que dans le tombeau il fasse sombre, on voit le Seigneur. La résurrection du Seigneur, c'est tout d'un coup qu’elle se produit. Rien ne pourrait être plus opposé à la pensée de la réanimation d'un mort par des moyens médicaux humains que la résurrection du Seigneur. Il n'y a aucune sorte de signes précurseurs, aucune sorte de transition. Pas de tressaillement des membres qui retrouveraient la vie "peu à peu". Il n'est pas question non plus de se réhabituer à la vie, d'ouvrir les yeux, de remuer les doigts, de respirer. Rien qui autoriserait l'espérance que le cadavre reviendrait à la vie. Tout est aussi soudain que l'irruption de la grâce, que l'absolution après la confession. En un clin d’œil tout est là, Dieu tout entier et la joie tout entière et toute la vérité, et l'amour est l'essence de tout. C'est la même chose maintenant de parler de vie ou d'amour ou de résurrection. Tout possède la soudaineté de Dieu, elle saisit tout et emporte tout avec elle. Tout le mouvement qui était endormi dans la mort est tout d'un coup présent avec la plénitude de la force la plus juvénile. Toute la faiblesse et toute l'odeur de renfermé (du tombeau) et toute la fatigue, tout le désarroi et tous les tourments ont disparu si totalement qu'il ne reste même plus une question à leur sujet ; ça a disparu avant qu'on le remarque, mais pendant qu'on voit le Seigneur ressusciter. Toutes les peines sont comme un échafaudage qui tombe et disparaît de lui-même quand l'édifice est achevé (NB 3,310-311).

 

1516. Tout d’un coup Pâques

Et tout d'un coup Pâques fut là. Tout d'un coup l'amour fut là avec l'espérance, comme un choc, une expérience d'une force percutante infinie. La lumière. Et si on voyait ça et là des lumières là où est l’Église, où vit la foi, on était à nouveau plein de l'espérance que l'amour serait assez fort pour remplir le monde entier. Lui le peut. Lui, dans l'unité avec le Père et l'Esprit. Mais unité est un mot faible pour l'amour indicible dans lequel le Père, le Fils et l'Esprit se pénètrent réciproquement et auquel tous les mots comme foi et espérance et reconnaissance ne renvoient que de loin. Si on pouvait au moins traduire cela en acte, surtout l'amour ! (NB 3, 355).

 

1517. Le Fils sort du tombeau comme un fruit mûr

Le Fils était dans les enfers, il était enseveli là où il devait se décomposer et il en sort aussitôt comme un fruit mûr. Il montre ce que peut le rayonnement qu'a le Père. Et quand maintenant il passe à travers les portes fermées et que les lois du monde terrestre ne sont plus valables pour lui, il montre la force de pénétration de sa fécondité. Il ne se laisse plus arrêter, repousser, chasser par nos péchés (NB 3,341).

 

1518. Le Seigneur entre au ciel

Au fond, le Seigneur ne monte pas au ciel. Il y entre aussi directement qu'on va d'une pièce à l'autre (NB 4,22).

 

1519. Le corps ressuscité du Seigneur

Celui qui peut voir le corps ressuscité du Seigneur - autrefois durant les quarante jours (entre Pâques et l’Ascension) ou plus tard comme Paul et d'autres voyants - fait l'expérience qu’il a vraiment un corps. Il serait faux de le considérer comme un simple "corps de vision" (NB 3,281).

 

1520. Un corps de résurrection avec ses cicatrices

Celui qui ressuscite est saisi par la grandeur du Père. La pierre qui a été roulée est pour l'Esprit un nouvel accès. Et, avec le Fils, le Père réveille tous les pécheurs : ils ont accès à l'Esprit. L'union au corps glorifié se produit à l'intérieur de la continuité qui n'a jamais été totalement brisée : de même que le Fils mort était conscient de la descente de croix et de la mise au tombeau, de même le corps de résurrection est un corps avec ses cicatrices, dans lequel pourtant les caractéristiques de la naissance de résurrection dépassent de loin celles de la naissance terrestre. Avant, il avait, en tant que juste, le corps des pécheurs. Si autrefois il avait eu à dire quelque chose de son corps, ç'aurait sans doute été surtout que son corps était assimilé en tout au corps des pécheurs. Maintenant c'est un corps de résurrection, qui est plus près de la sphère des miracles, qui est en relation avec les miracles opérés par lui : transsubstantiations, multiplications, résurrections, guérisons. Les miracles renvoyaient d'avance aux corps de résurrection dont le sien est le premier. Son premier corps était destiné à la croix, son nouveau corps vient de la croix (NB 3,177).

 

1521. Marie et la résurrection de son Fils

Si Dieu Trinité est seul témoin de la résurrection du Fils, et si Marie qui est pourtant si proche du Fils est placée devant le fait accompli et qu'auparavant elle n'en croyait et n'en savait quelque chose qu'en raison de la promesse, Dieu montre par là qu'il confie et demande à Marie comme à l’Église des mystères qui doivent rester tels. Elle doit croire comme cela lui a été offert ; il y a des franchissements qui ne sont possibles que par le mystère. Mais mystère ne veut pas dire simplement incompréhensibilité ; la raison reconnaît sans doute qu'il y a là un sens, mais elle doit en laisser la connaissance à Dieu en fin de compte ; elle comprend qu'elle ne comprend pas ce qui pour Dieu est compréhensible et qu'elle doit se contenter de savoir la véracité du mystère (NB 10, n. 2281).

 

1522. La rencontre avec le Ressuscité

Le temps où le tombeau est ouvert et où le Seigneur est cherché par les femmes et les apôtres avant qu'il leur apparaisse appartient encore au samedi saint pour ceux qui le cherchent, mais il est déjà en vérité le "temps de Pâques". La rencontre avec le Ressuscité offre la joie de Pâques de la même manière que le Fils se réjouit dans le Père et dans l'Esprit. C'est une joie qui est tout entière dans le Seigneur et une joie aussitôt rayonnée et offerte avec le Seigneur. Ce rayonnement de la joie n'est pas psychologique mais catholique. La part de chacun à cette joie ne peut être définie. Tout passe dans l'instant de l'accomplissement en Dieu Trinité qui est le pendant de l'instant de l'incarnation. Ceux qui se réjouissent s'y meuvent, lui en sont redevables, y prennent part, ils sont ce qu'ils sont : ils passent en Dieu (NB 3,281).

 

1523. Le matin de Pâques, Madeleine rencontre le Seigneur

Quand Madeleine rencontre le Seigneur ressuscité le matin de Pâques et le reconnaît lentement, elle le reconnaît comme celui qui l'a libérée de son péché. Mais le Seigneur qui revient dans le monde après la croix et l'enfer est celui qui a porté toute la faute et qui répand maintenant le pardon sous une forme catholique : dans la confession (NB 1/2, 261).

 

1524. Apparitions du Fils après sa résurrection -

Au commencement, le Créateur ne séjournait pas seulement au ciel ("de manière permanente") mais aussi sur terre (« se promenant de temps en temps » - « sa promenade dans son paradis »), ressemblant peut-être aussi à la manière dont le Fils, après la résurrection, non seulement séjourne auprès du Père mais apparaît aussi de temps à autre à ses disciples (NB 6,51).

 

1525. L’atmosphère incroyablement tendre des apparitions du Ressuscité

Entre le Père, le Fils et l'Esprit, l’échange est parfait, et c'est l'Esprit qui fait qu'entre le Père et le Fils aucun des deux ne se pose la question : Est-ce que je t'aime comme tu m'aimes ? Est-ce que tu m'aimes comme je t'aime ? L'Esprit au contraire fait que les deux laissent à l'Esprit le soin de présenter cet amour, et même d'être cet amour. Ainsi, dans l'Esprit Saint, les "limites" de chacun ne le séparent pas de l'autre. Quand maintenant le Fils en tant que Ressuscité apparaît aux siens, comme expression de l'amour divin trinitaire, il s'en remet aussi à l'Esprit, en tant qu'il l'Esprit d'amour, pour souffler où il veut. Cela donne aux apparitions du Seigneur leur transparence et à sa parole l'ampleur de la vie nouvelle qui fait transparaître partout l'Esprit. Pour ceux qui voient le Seigneur et en font l'expérience, une atmosphère nouvelle les entoure : il est maintenant spirituellement dans l'Esprit Saint. Le Seigneur aussi bien que celui qui le voit laissent à l'Esprit ce que leur rencontre a de spirituel, il est le paysage, l'atmosphère dans laquelle elle se déroule, davantage même, il est l'accomplissement lui-même. Quand le Seigneur dit une fois encore à Pierre : "Suis-moi", c'est dans l'atmosphère de l'Esprit qu'il attire le disciple. Avec une force presque sensible qui se communique aussi dans l'Esprit à l'intelligence de Pierre de sorte que toute résistance est vaincue par la volonté agissante du Seigneur. Tout cela dans l'atmosphère de la résurrection qui est si incroyablement tendre et qui n'a rien d'écrasant. Le Seigneur demande à Pierre : "M'aimes-tu ?", il ne demande pas : "Pourquoi m'as-tu trahi ?" (NB 6,300).

 

               168 Le Fils à Pâques

 

1526. Le Fils ne se sent pas ressusciter -

La passion du Seigneur en tant que passion consiste en un abandon voulu de toutes ses forces, elle équivaut à l'action la plus grande, de même la résurrection consiste en un abandon qui remet totalement au Père toutes ses forces et toutes ses possibilités ; le Fils se sent mourir, mais il ne se sent pas ressusciter ; c'est lui-même qui souffre jusqu'à la mort, mais il est engendré à la joie de la résurrection (NB 5,120).

 

1527. Résurrection du Fils

A la résurrection, le Fils sera à nouveau dans sa forme divine. C'est comme s'il s'était défait de cette forme pour la croix et pour l'enfer (NB 4,200).

 

1528. La lumière de Pâques rayonne du Seigneur

L'enfer ressemble à une blessure qui a été ouverte par le tremblement de terre, donc par la mort du Seigneur. En y entrant, le Seigneur ouvre continuellement cette blessure. Il l'examine à la lumière par sa venue, en continuant à avancer de manière intrépide. Comme s'il ne remarquait pas qu'il fait toujours plus sombre. En un certain sens, il fait toujours plus sombre jusqu'à ce que soit Pâques ; il patauge, il passe à travers des ténèbres toujours plus profondes jusqu'à la lumière de Pâques qui rayonne de lui, l'atteint, parce qu'elle lui est renvoyée par le Père (NB 3,228).

 

1529. A Pâques, tout est dans la lumière

A Pâques. Tant que le Fils était ici-bas, l'ombre que le monde projetait dans la lumière du Père était sombre. Pour le Père, elle était d'une certaine manière plus sombre encore qu'autrefois parce que le Fils avait laissé sa lumière dans le ciel et qu'il était descendu dans l'obscurité du monde pour y être obéissant. Mais maintenant, à Pâques, tout est dans la lumière de la lumière. Lorsque le Père fait tomber sa lumière dans l'ancienne obscurité, elle n'est plus rejetée, ses rayons la traversent. La lumière du Père a reçu pour ainsi dire une force nouvelle. Et il voit le Fils dans sa lumière : elle agit sur la lumière du Père comme pour la teinter. Et le Père prend le Fils dans sa lumière comme lumière de sa lumière. La première lumière devient lumière, l'autre lumière devient lumière, et l'amour est lumière. Et quand la lumière cherche l'ombre, elle rencontre la lumière, et quand l'amour cherche une résistance, elle trouve l'amour et le don de soi. Et dans la poussière de son corps, le Fils était tout donné à la lumière du Père, comme la Mère, dans la poussière de son corps, était toute donnée à la lumière de l'Esprit. Et il s'avère que la poussière était lumière dès le début et que c'est de sa lumière que Dieu a fait l'humanité. Et que, lorsque le Père prit en main la poussière et qu'il en forma le Fils, il a fait de la poussière la lumière pour l'éternité. Et que, lorsque l'Esprit porta à Marie la semence du Père, il portait à la lumière la poussière qui était devenue lumière en lui. Toute la vie du Fils ici-bas fut dans la lumière depuis toujours, capable en tout lieu de changer la poussière en lumière (NB 5,260-261).

 

1530. Résurrection : le Fils recouvre la lumière

La persévérance du Fils dans la nuit est son abandon le plus extrême au terme de sa mission qui est devenue inexorable, qui le rend aveugle à tout soupçon de lumière. Son passage dans le séjour des morts ressemble en fait aux tâtonnements d'un aveugle dans une région qui lui est inconnue, au milieu de dangers et de menaces ; il est tout à fait incapable de s'en tirer, le Père ne le soulage pas, mais il reçoit sans doute cette impuissance du Fils comme la chose la plus précieuse, comme un trésor tel qu'il ne veut pas le garder pour lui dans le ciel, il le rend au Fils quand il ressuscite pour qu'il le partage au monde sauvé parce que le Fils recouvre non seulement la lumière mais aussi, avec elle, la pleine compréhension de la nuit. La grâce de cette nuit se répand ainsi dans l’Église, dans le ministère et dans ses effets, dans les sacrements aussi bien que dans la mystique (NB 5,129-130).

 

1531. La résurrection : mystère du Seigneur qu’il partage avec le Père

Quand Madeleine quitte le tombeau et rencontre les autres, elle sait que les autres ont part à son mystère, elle sait que ce mystère n'a fait que passer par elle et qu'il la déborde de partout : c'est le mystère du Seigneur et de sa gloire qu'il partage avec le Père, le mystère de la vie nouvelle sans tache, qu'il a apportée aux siens par la croix, c'est la communion après une confession préparatoire. Elle va désormais dans le monde comme une initiée, mais une initiée qui s'est oubliée elle-même dans l'immense mystère du Seigneur, de sa résurrection et de son Église (NB 1/2, 261).

 

1532. Pâques : un mystère de présence

Pâques. Il y a un mystère de la présence, de l'actualité de Pâques, dans l’Église naissante, dans l’Église d'aujourd'hui aussi. L’Église devient porteuse du temps, de l'événement d'aujourd'hui, de la présence en nous de la fête. Elle est comme un lieu de transbordement : elle recueille les mystères de la résurrection du Seigneur et les rend à nouveau vivants dans l'année liturgique, non seulement en elle mais aussi en nous du fait de sa mission dans le temps. Si nous méditions les mystères du Seigneur sans l'année liturgique, nous serions dans une intemporalité. Nous pourrions reconstruire des événements historiques, mais les choses seraient sans présence ; et ainsi les mystères de l'authentique incarnation, de l'eucharistie, de l'habitation du Seigneur en nous, ne pourraient plus être rendus présents. Nous devrions tout replacer dans le temps de la vie historique de Jésus, notre participation se limiterait à considérer quelque chose de terminé (NB 3,365-366).

 

1533. Résurrection : le Fils revient à ses disciples chargé de nouveaux mystères

Avant la passion, le Fils parlait sans doute de ses relations avec le Père mais, pour les croyants, il menait une vie d'obéissance au Père. Pour les non croyants, il menait la vie d'un homme qui suit ses propres chemins, qui prend ses propres décisions, qui en toutes choses prend une direction qui ne fait qu'un avec sa mission qui, humainement parlant, consistait à rassembler des hommes, à leur donner son enseignement, à les éduquer selon son système pour en faire les gérants et les pratiquants de ses conceptions. Mais quand arriva l'heure et que commença sa passion, il fut visible qu'il se livrait totalement à cette heure, qu'il se détachait de tout ce qui n'était pas compatible avec elle, il se perdit et mourut en elle ; pendant "trois jours", on ne sut plus rien de lui jusqu'au moment où, chargé de nouveaux mystères, il revint à ses disciples avec des paroles qui ébranlèrent le monde, porteur d'un fruit qui ne dut être recueilli que par son obéissance, mais qui était arrivé à maturité seulement parce que Dieu le Père, par cette obéissance, intervint personnellement et changea le cours des choses (NB 5,124).

 

1534. Le mystère du Ressuscité et le mystère de son abandon

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix ; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent à nouveau face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est si profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire qu'il ne cesse d'être présent dans son Église. Ce mystère est la pierre angulaire de la rédemption et, en se le rappelant, l’Église sait que la rédemption reste vivante (NB 5,106-107).

 

1535. La plénitude du Fils se révèle après sa résurrection

Pendant la vie terrestre du Seigneur, les apôtres ne peuvent voir rien d'autre que lui. Les visions apocalyptiques sont impensables ; l'ancienne Alliance (Moïse et Élie) ne peut apparaître que dans sa relation au Seigneur. Mais après l'Ascension, les visions du disciple bien-aimé reçoivent une plénitude qui présuppose l'incarnation de Dieu. Leur plénitude se développe à partir du Fils incarné qui, durant sa vie terrestre, portait en lui cette plénitude, et il l'offre à l’Église après la résurrection et après la Pentecôte (NB 5,57).

 

1536. Pâques, la fête de l’amour qui se répand

Si, à l'avenir, il est question de l'amour chrétien, nous savons par le Seigneur que cet amour supporte et endure tout pour finalement rayonner et se répandre. Pâques est la fête de l'amour qui se fait connaître, qui éclot, qui se répand partout. L'heure que personne ne connaissait est arrivée. Son ignorance n'est plus nécessaire, on la connaît maintenant, c'est le jour et l'heure de la rencontre, de la plénitude de l'amour (NB 3,341).

 

1537. La joie de la résurrection

Celui qui se met à suivre le Seigneur sait qu'il le fait en raison de son baptême et que, du fait de l'unité du baptême, on ne peut pas séparer ce qui, dans la vie chrétienne, est difficile et ce qui est magnifique. Il serait vain également de demander si ce que la croix a eu de cruel avait pour le Seigneur plus de poids que la joie de la résurrection : les deux sont inséparables dans sa mission (NB 5,138-139).

 

1538. Richesse de la résurrection

Toute la richesse du sacrifice du Fils se déploiera dans la résurrection (NB 11,391).

 

1539. Nous avons eu la connaissance du temps éternel par la résurrection du Fils

Dieu lui-même est sans commencement ni fin. De son centre, il pose l'acte de la création par laquelle le monde commence et l'homme en lui. Le temps qui s'écoule est une invention de Dieu, lui-même est dans l'éternité. Le temps est mesuré avec les mesures de l'homme et de sa vie : le monde ne cesse de durer le temps d'une génération, jusqu'au moment où le Fils de Dieu assume la durée d'une vie, emprunte au temps des hommes trente-trois années pour les vivre. Mais parce qu'il les a empruntées au temps des hommes, il les rend aux hommes avec son temps à lui, qui est un temps indivisible, éternel. Le terme du temps terrestre de Jésus, c'est sa mort mais, en mourant, le Fils infléchit la ligne du temps dans le cercle de l'éternité, de sorte que désormais l'homme qui est dans le temps a part à la vie éternelle. En tant que croyants, nous vivons notre temps avec la conscience du temps éternel et nous devons orienter tous nos actes vers le temps éternel dont nous avons eu connaissance par la résurrection du Fils (NB 6,69).

 

1540. Le Ressuscité entraîne l’humanité avec lui dans la vie éternelle -

Quand le Fils vient pour porter tout péché, il le porte sans doute là où est le péché, il va jusqu'au lieu où se fait entendre le cri : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", le lieu de la mort et de la fin. Mais quand il meurt dans l'ultime impuissance et l'ultime obscurité, il retourne tout le cours du temps : de la perdition il ramène à Dieu. Ceux qui l'aiment, qui sont présents quand il meurt sur la croix et qui apprennent sa résurrection, ne remarquent pas tout d'abord ce qui s'est passé dans le secret : qu'ils ne respirent plus le même air, qu'ils ne sont plus dans le même temps terrestre. C'est seulement par lui qu'ils sont introduits dans le temps retourné, parce que c'est lui qui fait entrer, et seulement par sa joie. Pour eux, il est Jésus qu'ils connaissent et aiment ; mais qu'il soit le Ressuscité, l’Éternel, et celui qui les entraîne avec lui dans la vie éternelle, cela ne leur est communiqué que par lui. Si déjà toute rencontre avec lui dans le temps terrestre apportait quelque chose de plus grand, d'inespéré, d'incalculable, combien plus leur apporte la rencontre avec le Seigneur devenu éternel. Mais leur amour pour lui leur permet de l'accompagner (NB 6,69).

 

1541. Le Fils ressuscité est pur comme celui qui a porté le péché

Quand le Fils ressuscite, il est pur, mais comme celui qui a porté le péché. Et quand l'homme arrive au ciel, lui aussi doit être pur bien qu'il ait commis le péché. Son visage doit être libre de la grimace du péché (NB 3,233).

 

1542. Résurrection pour le Fils : mettre aux pieds du Père un monde où l’on ne pèche plus

Après son retour au Père, son désir ardent ne sera plus le même qu’avant. Il sera pour ainsi dire déplacé, ce sera alors le désir ardent de mettre aux pieds du Père un monde où l'on ne pèche plus, où l'on n'est plus qu'aimé. Son désir ardent ne vise plus une union plus grande avec le Père mais seulement une béatitude plus grande pour le Père, sa totale félicité (NB 6,181).

 

1543. La résurrection du Fils signifie l’absolution pour le monde entier

Quand, le jour de Pâques, le Christ institue la confession et exige la confession des péchés, on ne voit pas tout d'abord le rapport entre ce fait et cette exigence avec la croix ; car si c'est sur la croix que le monde est racheté, il est racheté. Et de plus, si c'est en mourant qu'il a racheté le monde, mais que sa mort l'a conduit à la résurrection et qu'il a été abandonné jusque là au Père comme un mort dans l'obscurité du tombeau et du séjour des morts, c'est un mystère pour lequel nous n'avons ni image ni mot. Mais si nous regardons la confession comme le fruit de tout ce processus, nous avons le droit de chercher à comprendre par là tout le chemin qui va de la croix à son institution. Car si la confession était un mystère de la croix seulement et si elle n'avait rien à faire avec le tombeau et avec le passage au séjour des morts et avec la résurrection, le Fils aurait tout aussi bien pu instituer la confession sur la croix. On peut donc affirmer avec certitude que sa résurrection d'entre les morts signifie l'absolution pour le monde entier. Mais, avant cela, il y a encore tout le mystère de l'état de mort, qui est caché dans le Père et qui contient la confession du Fils qui est faite dans l'obscurité avant la résurrection. Et c'est par cette obscurité que toute confession doit passer en quelque sorte. En nous confessant, nous n'avons pas seulement part au mystère de la rédemption par la croix, nous avons part à toute la relation à son Père du Fils qui a porté le péché du monde. Entre la croix et la résurrection est inséré quelque chose d'inconnu, d'absolu, d'objectif, qui se reflète pour nous dans l'intervention du prêtre. Le ministère du prêtre est pour nous voilé, il est porté par la disparition du Fils dans le Père durant les "trois jours". Il se passe ici quelque chose qui reste sans image et sans mot, et c'est pourtant l'opération qui relie une fois pour toutes la mort et la résurrection, le fait d'avoir porté les péchés et le pardon, la confession du péché et l'absolution. La Parole du Père est morte, et elle a pourtant toute sa force parce que le silence du Fils dans le Père fait mûrir la résurrection (NB 5,118-119).

 

1544. Pâques : surabondance de la grâce et pardon des péchés

Pâques arriva comme ce qui était totalement inopiné et inattendu. Et là où il n'y avait que la pure inutilité, il y avait maintenant la profondeur insondable de la grâce. Le passage fut si totalement abrupt qu'au premier instant il parut seulement être sans rapport avec ce qui précédait. On voyait le Seigneur ressuscité qui répandait partout la surabondance de sa grâce et de son pardon des péchés sans subir la moindre perte d'une telle prodigalité ; la grâce ne faisait que devenir toujours plus riche en étant distribuée. Ce n'est que lentement que le rapport devint visible et il se trouvait dans le Seigneur lui-même, il découlait de son unité et il passait dans l'humanité souffrante qui entrait maintenant dans le domaine de la grâce. Tout était rené, tout devint rempli de sens, tout était bon. Le Père, le Fils et l'Esprit retrouvaient dans cette nouvelle création le "très bon" de la création primitive. La résurrection rend tout bon parce qu'elle apporte la fin en assumant tout le mauvais pour l'anéantir et ramener les créatures à Dieu (NB 3,396).

 

1545. Le Fils retourne au Père avec l’humanité sauvée

La joie de Dieu à la création se répandait dans les choses créées. La joie de la résurrection est la joie de Dieu pour ce qui revient à Dieu à partir de la création. Le Fils apporte avec lui toute l'humanité sauvée, et la joie du Fils retourne au Père qui lui a permis l’œuvre tout entière (NB 10, n. 2283).

 

1546. Résurrection du Fils et résurrection du monde en marche vers le Père -

La résurrection du Fils il y a deux mille ans, la résurrection aujourd'hui, tout ne fait qu'un, tout n'opère qu'une chose : la résurrection du monde du Père, en marche vers le Père, la joie du Père pour le monde qui revient à lui. C'est là aussi que tend la nature, le printemps au dehors y tend, et les nuages et les fleurs et les fleuves qui coulent à flots : tout atteint son but par la résurrection, tout devient pour nous des chemins multiples de la joie par lesquels nous ramenons le monde au Père sans rien retenir pour nous (NB 3,311).

 

1547. La résurrection du Fils fait partie de son service des hommes

C’est comme si la résurrection du Fils n'était rien d'autre qu'une partie de son service des hommes. C'est ainsi que le Seigneur est à nouveau le Fils de l'homme qui peut être ensuite intronisé dans la gloire. C'est aussi un acte d'humilité du Fils vis-à-vis du Père qu'il veuille recevoir d'abord ainsi sa gloire et, après seulement, toute la gloire et toute la joie du Père (NB 3,151).

 

1548. Le Fils ramène au Père l’amour de chaque homme

Quand le Fils, chargé de la souffrance de la croix, passe à travers l'enfer, arrive le moment, avant la rencontre avec le Père, où il ne sent plus rien de sa souffrance, de son épuisement, où il ne voit plus devant lui que la rencontre avec le Père. Et cette rencontre devient une réalité où il ne ressent plus la perte que représente la séparation, il est soudainement entouré de l'éternité, il est rempli de la réalité : il arrive dans le Père, dans la plénitude. Et quand c'est réalisé, quand les deux sont à nouveau dans l'unité, le Père dans le Fils et le Fils dans le Père, le Fils sait qu'il ne se ramène pas seulement lui-même au Père, il lui ramène aussi l'amour de chaque homme, il sait que cet amour est devenu par lui, le Fils, après son passage à travers lui, un amour parfait en chaque être humain (NB 4,335).

 

1549. Après la résurrection, se continue la grande mission du Fils pour le monde et l’humanité

Pour le Fils, la fin de la croix et de l'enfer n'est pas l'abandon de sa grande responsabilité, la fin de sa mission. Tous deux, le Fils et sa Mère, entrent au contraire, par la résurrection du Fils, d'une manière neuve dans leur grande mission pour le monde et l'humanité (NB 3,150).

 

1550. Toute mort reçoit son sens par la résurrection du Seigneur

Toute mort reçoit son sens par la résurrection du Seigneur en nous. Toute mort est une fin afin que le Seigneur puisse commencer. Si un mourant estimait que sa mort consistait seulement à aller vers sa fin et que l'œuvre du Seigneur commencerait au-delà, il penserait n'avoir rien d'autre à faire en mourant que de mourir justement : il aurait alors méconnu le sens des derniers sacrements, mais aussi le sens de toute sa vie, qui est toujours la fin de quelque chose qui nous appartient pour déboucher dans la résurrection du Seigneur. Nous mourons dans le Seigneur, pour aller vers le Seigneur. Et ceci en sachant qu'étant Celui qui vient, il est là depuis toujours. C'est pourquoi la prière du mourant, la prière aussi de ceux qui l'entourent, de ceux qui accompagnent sa mort, est si importante (NB 6,282).

 

               169 Le Père et la résurrection

 

1551. Le Père sort de l‘ombre pour ressusciter le Fils

La nuit du Fils : c'est le mystère le plus profond qui existe entre le Père et le Fils, mais il est encadré par deux actes très nets du Père et par deux actes très nets d'abandon du Fils. Le Père laisse son Fils mourir et il se cache, et le Père ressort de l'ombre pour ressusciter le Fils. Le Fils supporte ces deux actes du Père dans le même état d'abandon, et son état d'obéissance n'est pas différent, qu'il supporte la mort ou qu'il fasse l'expérience de la résurrection. Si l'on considère cet abandon du point de vue de l'acte du Père, le Père protège le Fils et il donne à son abandon une direction. Le Fils est entre les mains du Père, sous sa direction. Cette direction n'est visible pour nous qu'à la croix et à la résurrection. Mais le Père est là aussi dans la nuit du séjour des morts, sa présence est alors si proche qu'elle n'est plus perçue par le Fils et qu'il n'en a connaissance, d'une manière nouvelle, qu'à la résurrection. Et quand le Fils a commencé sa propre nuit par sa prière au mont des oliviers, où il a promis de laisser se faire la volonté du Père et d'être totalement à sa disposition, il l'a fait en public d'une certaine manière, en invitant trois de ses disciples (qui s'endormirent à vrai dire) à participer par leur présence et leur prière à son dialogue avec le Père et à être témoins de ce qu'ils pouvaient saisir (NB 5,123-124).

 

1552. Le Père fait ressusciter son Fils

Quand Dieu le Père fait ressusciter le Fils, il va chercher pour ainsi dire la Parole dans le silence. Le sens de la mort du Christ apparaît là une fois encore dans une lumière nouvelle. Il est mort et il est passé dans les enfers pour s'assurer que le péché est mort définitivement, qu'il est enseveli avec lui et qu'il ne peut plus y avoir de terme à sa mort. Il a pris le péché avec lui en enfer, le péché en tant que mort, dépouillé de sa vie, détaché de ceux qui le portaient autrefois. Et parce que ceci est pour les hommes la délivrance de leur péché, il entre dans la résurrection. Dès ce moment-là, il est totalement celui qui a opéré la rédemption, qui se révélera aux siens en tant que tel, sous une forme nouvelle, libre de tout ce qu'il a porté. Il l'a enduré jusqu'au bout (NB 3,340).

 

1553. La résurrection du Fils montre la puissance de Dieu

Si le Fils n’avait pas dû montrer aux hommes toute la puissance de Dieu, il aurait pu choisir une mort naturelle. S’il était mort d’une maladie et s’il était ensuite ressuscité, on aurait encore pu jouer avec toutes sortes de problèmes médicaux ou croire aussi à un miracle comme lors de la résurrection de Lazare. Mais quand il meurt sur la croix, il meurt par le péché du monde ; et la puissance de Dieu - de Dieu Trinité - qui le libère des liens de la mort et le fait ressusciter est de loin plus évidente (NB 4,127).

 

1554. La résurrection : un cadeau du Père au Fils

C'est par le désintéressement du Fils qu'est révélé le désintéressement trinitaire. L'amour du Père pour le Fils devient visible par exemple quand il introduit le Fils dans le mystère paternel de l'enfer mais aussi en ressuscitant le Fils ; dans ce cadeau du Père au Fils, avec toute la joie il y a aussi quelque chose comme un renoncement, quand il permet au Fils de continuer comme Ressuscité son œuvre de rachat du monde. Même chose pour l'amour de l'Esprit quand il a donné à la Mère une tâche qui ne pouvait s'accomplir que par l'amour et un amour à vrai dire plus que terrestre, un amour qui n'est pas lié aux lois du monde. Son oui est déjà un signe que, dans la rencontre avec l'ange, elle accueille l'amour reçu de l'Esprit et qu'elle lui donne suite. La foi qui la rend capable de dire oui n'est certainement pas seulement la foi juive qui lui a été transmise, mais une foi dilatée par l'Esprit pour le Fils (NB 6,109-110).

 

1555. Résurrection : la main du Père sur l’épaule du Fils

La résurrection, c’est comme si tout d'un coup la main du Père se posait sur l'épaule du Fils de telle sorte qu'il la sente et que dans la joie qu'il en éprouve il ne perçoit pas qu'il est conduit par elle. Tout ce qui se passe d'autre est secondaire, il n'y a que la main du Père qui est importante. Cette main, c'est la lumière. Cette lumière du Père est aussi la première lumière lors de la création. Le Fils en tant que rédempteur ramène la création dans sa première lumière. C'est la lumière originelle que Dieu a donnée à son monde, elle n'est pas à confondre avec la lumière du jour ou de la nuit, c'est la lumière de l'être de Dieu dans le monde (NB 3,241).

 

1556. Résurrection : le Fils est touché puissamment par le Père

Le Fils a été touché puissamment par le Père lors de la résurrection et elle s'achève par l'envoi de l'Esprit Saint. L'Esprit qui descend sur l’Église, confirme le croyant et l'élève au-dessus de son état antérieur, est le même qui fut le témoin de la résurrection, celui-là même qui a opéré le parfait échange d'amour entre le Père et le Fils dans l'événement de la résurrection. Il a accueilli l'ultime obéissance du Fils comme abandon, également le fait qu'il s'est laissé ressusciter, et il l'a conduit au Père pour donner au Fils la grâce d'être ressuscité par le Père (NB 5,144).

 

1557. Le Père rend l’Esprit au Fils

Sur la croix, il a rendu au Père l'Esprit, son Esprit, l'Esprit Saint. Il est mort en en étant dépouillé, sans rien garder du Père, il devait déjà être privé de tout le reste pour rendre encore son Esprit ; la mort ne l'a pas frappé à un moment où il ne s'y était pas encore préparé activement ; elle ne le trouva pas possédant encore quelque chose, elle vint comme la conclusion interne de la passion, quand le Fils fut dépouillé de tout, jusqu'au plus intime, et même de son Esprit. Et quand il ressuscite, le Père, avec sa présence, lui rend aussi l'Esprit, il lui rend aussi la présence des hommes et celle de sa mission qui est devenue maintenant accomplissement pur et parfait de toutes les promesses du Père (NB 5,143).

 

1558. Résurrection : le Père et l’Esprit reçoivent le Fils dans leur sein

Tant que le Fils est dans sa mission terrestre, il témoigne du Père et de l'Esprit. Dans la résurrection, il témoigne en même temps de lui-même. Comme un artiste qui signe son tableau, comme un acteur qui, après la pièce, se présente devant le rideau. Le Fils peut le faire à la fin, après qu'il a livré tout ce qu'il avait : il a déposé sa divinité dans les souffrances, il a rendu l'Esprit au Père, il s'est défait de son humanité dans la mort. En ressuscitant, il montre que tout cela était une œuvre de Dieu, qu'il l'a fait en tant que Dieu infini qui est en même temps l'homme accompli. Dans la résurrection, le Père et l'Esprit ne sont pas seulement actifs mais, comme le Fils, ils reçoivent aussi, ils reçoivent dans leur sein comme une communion l'Homme-Dieu accompli : c'est le don de soi eucharistique du Fils incarné à la divinité. Il apporte sa chair et son sang dans l'échange trinitaire. Parce que le Fils s'est défait de tout et qu'à la fin il n'a plus rien, il peut donner son tout à tous : au monde comme à Dieu lui-même (NB 6,95).

 

1559. Pâques : le Fils devant le Père

Quand, après la souffrance de la croix, le Fils se tient devant le Père et que le Père tire au clair en quelque sorte cette souffrance (cette expression est naturellement fausse !), quand le Fils rend compte au Père de sa souffrance (dans l'échange d'omniscience du Père et du Fils, le lieu de ce qui a été souffert est difficile à préciser, car l'abandon du Fils a été le pire de ce qu'il pouvait souffrir et que le Père pouvait lui permettre), quand donc Dieu se tient devant Dieu, le sacrifice accompli, comparé à la joie de la réunion, est en quelque sorte mis de côté. Dans cette joie, le Fils n'est pas en mesure d'évaluer ce qu'il a souffert, il n'est pas capable de dire : « Je n'aurais pas pu en faire davantage ». Il y a quelque part quelque chose qui n'est pas réglé, mais qui ne compte pas, parce que maintenant ce n'est pas la croix qui est là, c'est le Père et le retour auprès de lui. Le Fils a payé le prix pour pouvoir maintenant rendre le monde au Père. Supposons que je t'achète quelque chose qui dépasse totalement mes moyens, me condamne à la pauvreté et que je voie la joie que tu en retires, il ne me vient pas à la pensée que j'ai fait le pire, mais qu'il est beau que tu sois heureux. C'est ainsi qu'à présent le Fils voit la croix : comme la joie du Père (NB 10, n. 2142).

 

1560. Joie du Père à Pâques : le retour du Fils

A Pâques, la joie du Père consiste dans le retour du Fils, et cette joie est la même qu'à l'Ascension. Pour le Père, c'est la même chose que le Fils revienne sur terre ou au ciel (NB 10, n. 2141).

 

1561. Pâques : rencontre entre le Fils et le Père, entre le Sauveur et les pécheurs

Le samedi saint est le lieu proprement dit de la confession : entre l'aveu le vendredi saint et l'absolution de Pâques. Le jour de Pâques qui est le jour de la rencontre entre le Fils et le Père est aussi le jour de la rencontre entre les pécheurs et le Sauveur (NB 3,191).

 

1562. Résurrection : le Père nous rend le Fils

Sur la croix, le Seigneur porte tous nos péchés non seulement moralement, mais physiquement. Son corps est pour lui l'instrument de sa souffrance. On ne peut pas parler d'un parallèle en rigueur de terme, mais on peut sans doute dire que sa souffrance s'accroît spirituellement autant que physiquement jusqu'à n'être plus supportable et que la mort s'ensuive. C'est à son corps que nous constatons la mort. Il y a le cadavre du Christ qui est enlevé de la croix et mis au tombeau. Mais il y a aussi une fin de son existence humaine ici-bas qui concerne avant tout son esprit, qui passe à l'état humain de mort. Il ne voit plus rien de l'avenir maintenant, il n'a plus de plan ; tout est passé aux mains du Père. Mais justement ce pur abandon est plus que jamais l'esprit du Fils qui attend avec son corps que le Père le ressuscite. Pendant qu'il est au séjour des morts, on ne peut pas déterminer ce qui se passe pour son corps ; il est au tombeau. Les femmes qui le revoient après la résurrection ne le reconnaissent pas. Il est sûr que le Seigneur a subi toute la mort humaine et que son humanité, sous une forme ou sous une autre, l'accompagne au séjour des morts ; car son humanité fait partie de sa mission rédemptrice. Ainsi son corps a certainement une expérience du passage au séjour des morts et c'est avec cette expérience qu'il ressuscite. Le nouvel état de résurrection, en tant qu'il est arrivé pour nous, n'est pas important pour le Fils seulement, mais aussi pour nous. Si le Père avait voulu seulement "récupérer" le Fils, une sorte de résurrection aurait pu se passer directement dans le ciel dont nous n'aurions guère eu connaissance. Mais il nous rend le Fils comme celui qui a souffert la croix pour nous, qui est mort et qui est passé par les enfers. Le plan du Fils de nous porter jusque dans la mort et le plan du Père de reprendre le Fils auprès de lui sont, dans l’Esprit Saint, un plan unique : la rédemption du monde pécheur. Ce n'est pas un retour à l'état d'Adam, c'est le passage à un état nouveau qui est apparu quand le Fils mort est touché par le Père. La mission qu'il a portée dans sa vie et dans sa mort prend une forme nouvelle : elle devient la source de toute la rédemption, elle devient pour l'homme une garantie totale ; dorénavant, la divino-humanité tout entière du Seigneur fait jaillir toute vie pour le monde et pour l'humanité (NB 5,137-138).

 

1563. Croix et résurrection

Aucune grâce mystique ne vit uniquement de la nuit de la croix, elle vit aussi de la résurrection du Seigneur (NB 5,19).

 

               170 Les quarante jours

 

1564. Les quarante jours (entre Pâques et Ascension) : une nouvelle invitation à suivre le Seigneur

La forme nouvelle du Seigneur durant les quarante jours (entre Pâques et Ascension) est pour les hommes une nouvelle invitation à le suivre. Elle a en elle plus de certitude, la foi peut s'appuyer sur une présence vivante. Le Seigneur a semé toute la rédemption, maintenant il apparaît comme la fécondité. Le chemin du pécheur vers Dieu est devenu autre par le Fils : c'est le chemin de quelqu'un qui est sauvé (NB 3,340-341).

 

1565. Les quarante jours : le Seigneur apporte la joie

Quand, durant les quarante jours, le Seigneur apparaît aux siens ici et là, chaque fois il apporte la joie, toute une gamme de joies : les joies évidentes du fait qu'il soit réellement ressuscité, et les joies plus contenues qui ne sont tout à fait accessibles qu'à lui seul : la joie d’être réuni au Père, la joie au sujet de son œuvre, de la collaboration à cette œuvre, le repos dans la main du Père (NB 10, n. 2294).

 

1566. Les quarante jours et l’amour

Un autre homme, on le voit quand il est présent. Et plus on aime quelqu'un, plus on le voit ; et plus la rencontre des deux est pure, plus le regard pénètre à fond ; et plus la relation entre les deux est intime, plus le voyant, par son amour, peut s'occuper parfaitement de ce qu’il voit d’amour en l'autre. Ce qui est l'essentiel, c'est que l'amour ressente plus fort l'amour et soit plus fortement touché par lui, qu'un échange ait lieu dans une sphère qui n'est compréhensible que par l'amour et ne soit accessible qu'à l'amour. Durant les quarante jours qui ont suivi la résurrection, le Christ vit avant tout pour cette vision d'amour. Ce n'est pas que les siens l'aimeraient tant que, pour cette raison, ils le verraient ; c'est lui : il les aime tant et il les rend si dociles à l'amour qu'ils le voient, le sentent et le saisissent plus profondément grâce à l'amour qu'il leur communique. Mais il ne veut pas que maintenant ils distinguent constamment entre son amour et le leur (qui est compris dans le sien) ; ils doivent ressentir l'amour dans l'événement de l'échange (NB 6,299-300).

 

1567. Qualité unique des apparitions durant les quarante jours

Pendant les quarante jours qui ont suivi la résurrection, les apôtres ont la faculté de voir. Elle ne leur est pas consciente en tant que telle, surclassée qu'elle est par le cadeau que leur fait le Seigneur en se montrant à eux. De voir le Fils est pour eux une participation à la nouvelle manière dont il voit le Père. Mais, dans cette vision du Seigneur, il n'y a pourtant pas une sainteté de peu de valeur pour les apôtres, pour ces saints des premiers temps, c'est une sainteté qui leur est donnée par le Seigneur de manière tout à fait originaire parce qu'ils ont vécu avec lui. Cela leur donne une autre qualité que celle de ceux qui viendront après eux. C'est pourquoi la vision qu'ils ont pendant les quarante jours a aussi une autre insertion dans la vie. Ce qui est dit et fait entre le Seigneur et eux a une justesse qui continue de manière nouvelle celle qu'ils avaient dans leurs relations terrestres. Dans cette relation directe au Seigneur, première, originelle, il y a aussi quelque chose de l'enfant (NB 6,301).

 

1568. Apparitions du Seigneur ressuscité aux disciples et à saint Paul

Après la résurrection, le Seigneur apparaît aux disciples devant leurs sens corporels même si ceux-ci sont élevés surnaturellement. A Paul, il apparaît dans une vision. Paul est ainsi le premier mystique, qui possède aussi la première âme de mystique (NB 9, n. 1323).

 

            171 L’Ascension

 

1569. Veille de l’Ascension

La veille de l’Ascension, c’est presque comme si le Seigneur devait se dire : "Si déjà ici-bas je ne peux plus rien faire, comment ce sera alors dans le ciel où je ne pourrai plus atteindre les hommes directement ?" Ici-bas, il pouvait dire des paroles "limitées", compréhensibles, plus tard, sa voix se fera entendre à partir de l'infini de Dieu. Et ses paroles sembleront démodées, on ne les entendra plus dans leur fraîcheur immédiate, mais dans un livre ou par la bouche d'un autre qui les répétera Dieu sait comment et ce sera l'occasion de décrocher (NB 6,304-305).

 

1570. L’état d’âme des apôtres avant l’Ascension

Il n'est pas facile de décrire l'état d'âme des apôtres avant l’Ascension. Et cependant en même temps ce n'est pas difficile parce que c'est aussi l'état d'âme des chrétiens d'aujourd'hui : quelque chose entre le regret et l'espérance, entre l'angoisse et l'amour. Le Seigneur va aller au ciel, il va quitter ses disciples, il va envoyer l'Esprit promis : tout cela semble si étrange. Lui qui a comblé tant de nos désirs, qui nous a accordé sa proximité comme le plus grand des cadeaux, va nous quitter. Et comme il connaît nos lacunes et notre peu de courage, il va nous envoyer l'Esprit Saint que nous ne pouvons pas nous imaginer. Il l'a en quelque sorte rendu au Père comme son propre Esprit et maintenant il va demander qu'il lui soit rendu afin qu'il nous transforme d'une manière qui ne sera pas la manière du Fils : il ne va pas prendre chair pour engager avec nous des entretiens. Le fait de ne pouvoir se représenter l'Esprit Saint qui va venir ajoute à l'accablement des apôtres : ils ont participé à la passion, ils ont vécu le retour du Seigneur qui fut si difficile à accepter pour Thomas. Et voilà que maintenant un nouveau départ est en vue avant même qu'ils soient seulement venus à peu près à bout de ce qui est arrivé : la croix et la résurrection (NB 10, n. 2184).

 

1571. L'ascension, c’est difficile à exprimer, le retour du Christ dans l'invisible (NB 4,211).

 

1572. L’Ascension dans le ciel : tout est accompli

Tout d'un coup le Seigneur tout seul. Totalement libéré, dans la joie pure. Tout est accompli, toutes les traces de ses peines sont effacées ; l'amour en lui et autour de lui était si rayonnant qu'il semblait être l'unique chose qu'il apportait aux hommes, l'unique chose aussi que lui-même éprouvait. Comme si le résultat de tout le passé, dans l'instant présent et dans l'éternité à venir, n'était qu'amour ; il n'y avait place pour rien d'autre à côté. Et ce n'était pas seulement l'amour qu'il rayonnait, c'était aussi celui qu'il recevait (NB 6,305).

 

1573. Le Père fait asseoir à sa droite le Fils de l’homme, son Fils éternel

Le Père a reconnu le Fils de l’homme comme son Fils éternel lors de son ascension dans sa forme humaine inchangée et l'a fait asseoir à sa droite (NB 6,476).

 

1574. Ascension : comme une nouvelle conception du Fils dans le sein du Père

Marie continue la tâche d'Ève : Ève aurait dû conduire à Dieu les hommes qui n'avaient pas eu comme Adam le contact direct avec le Père créateur. C'est en naissant que les enfants auraient reçu ce contact par les parents. Mais Marie est médiatrice de l'incarnation du Fils ; elle le conçoit par Dieu, le porte en tant que femme, le met au monde, prend soin de lui ; puis vient l'instant où ce n'est plus à elle seule qu'il est confié, mais à tous les hommes ; mais tous le rejettent et le refusent. Le Père cependant se tient prêt pour accueillir à nouveau auprès de lui le Rejeté, le Repoussé, non comme celui qu'il était auparavant, mais comme celui qu'il est maintenant. Cet accueil au ciel est ainsi comme une nouvelle conception du Fils dans le sein du Père qui retrouve celui que le monde a renvoyé. Mais fallait-il que Dieu se résigne à cet échec ? (NB 6,183).

 

1575. L’ Ascension en trois parties

Tous ne pensent qu'à une chose : le Fils va vers le Père ! Et tous sont pour ainsi dire emportés avec lui. Parce que personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils, arrive l'instant où le Fils seul continue pour rencontrer le Père dans l'Esprit, dans une sphère où notre esprit n'a plus accès. L'Ascension est en quelque sorte en trois parties : le Fils va de la terre au ciel, il est pris par l'Esprit, il arrive devant le Père (NB 10, n. 2116).

 

1576. Ascension : le Fils est à nouveau dans le Père et dans l’Esprit

Le retour du Fils au Père signifie la joie. Aux jours de la passion, quand l'amour du Père pour le Fils était voilé, son amour n'a certes subi par là aucun dommage. Mais il ne pouvait plus être saisi ni goûté en plénitude. Dans les jours de joie par contre que le Fils a passés sur terre, il a vu l'amour du Père. Maintenant qu'il retourne au Père, cet amour rayonne d'un éclat nouveau, divin, rien ne reste voilé, sombre ou obscur. Ce qui règne, c'est la plus grande joie du revoir : Dieu est de nouveau en Dieu, le Fils dans le Père et dans l'Esprit, rien ne peut troubler le revoir. Il ne serait donc pas juste de décrire les temps de l'angoisse du Fils comme des temps où ses relations avec le Père auraient été troublées. L'angoisse aussi était un acte d'amour, d'abnégation, de renoncement, aussi grand qu'un renoncement peut l'être. Mais maintenant il n'y a plus à renoncer à quoi que ce soit. Tout est entièrement transparent. Dieu Trinité célèbre la fête de la parfaite réunion dans le ciel. Et peut-être que la parabole du fils perdu n'est pas très loin. Le Fils était « perdu », il a pris sur lui le péché du monde comme le sien propre, il n'a connu et toléré aucune distinction ; et maintenant, après qu'il est mort dans la disette de la croix, après qu'il est ressuscité et qu'il est resté quarante jours auprès des siens, il revient avec le plus grand don que le Père pouvait attendre de lui. Le don qu'il apporte ne fait qu'un avec son retour : en l'embrassant, lui, le Fils perdu, le Père reçoit tout ce que le Fils lui apporte. En s'apportant lui-même, il apporte au Père le monde sauvé, il présente au Créateur le monde recréé, qui porte désormais l'empreinte du Fils. Quand le Fils rapporte au Père le don de la terre, dans la joie de l'Ascension il nous laisse pourtant sur terre ses dons : l'Église terrestre dans laquelle il vit désormais en tant qu'habitant du ciel (NB 10, n. 2284).

 

1577. Ascension : la joie trinitaire

L'Ascension est la joie que le Père reçoit de son Fils, la joie que le Fils reçoit du Père et de l'Esprit, la joie trinitaire reçue du monde. Aussi problématique que soit le monde, il n'est pourtant pas quelque chose qui a échoué, parce que le Fils le porte au ciel. Il est l’œuvre tout à fait bonne du Père, que le Rédempteur ramène au Père (NB 10, n. 2296).

 

1578. Ascension : le Fils a pris notre temps avec lui dans l’éternité de Dieu

Les témoins de l’Ascension ont expérimenté la manière dont quelqu'un qui se trouvait dans notre temps partait verticalement pour l'éternité. Il n'a pas rejeté avec mépris tout le temporel : il est mort bien sûr, mais il est aussi ressuscité, il est apparu aux siens dans le temps et il a ainsi pris ce temps avec lui. Par le fait qu'il a pris notre temps avec lui dans l'éternité de Dieu Trinité, il est en mesure d'entrer dans notre temps par une apparition (NB 10, n. 2264).

 

1579. Ascension : le Fils ne va pas tout seul au ciel

On s'imagine toujours que le Fils va tout seul au ciel. Il y a en plus tous ceux qu'il entraîne avec lui. Il est très difficile de dire si cette nuit Ignace était au ciel pour attendre le Seigneur ou s'il est monté avec lui. Il y a l'Ascension historique du Seigneur lors de laquelle pour la première fois il emporta avec lui d'innombrables âmes. Toutes celles qu'il avait délivrées de l'enfer le samedi saint. Où étaient-elles pendant les quarante jours ? Elles l'ont attendu certainement quelque part, elles ont en quelque sorte suivi un catéchuménat, quelque part entre terre et ciel. Il y a beaucoup de gradations entre voir et ne pas voir, entre garder les distances et avoir le contact, sans qu'un état de ce genre soit accablant (NB 10, n. 2053).

 

1580. Ascension : nous sommes montés avec lui

L’Ascension du Christ. Vus par nous, les quarante jours après la résurrection ne sont guère compréhensibles. Cette pause entre la mort et la résurrection d'une part, et le retour au Père de l'autre. Nous devons prendre au sérieux la mort de Jésus, écouter aussi et méditer ses dernières paroles. Et puis son ensevelissement. Et il y a alors cet état intermédiaire après la résurrection : il est là et il n'est pas reconnu tout d'abord par les siens. Il leur est très proche, mais ils ne vivent pas dans son monde. Cet état intermédiaire est important pour l’Église à venir, certains traits de cette proximité et de cette distance simultanées subsisteront en elle. L'Ascension, c'est ce que nous comprenons le moins. Car au fond le Seigneur nous emmène avec lui. C'est pourquoi nous devrions être des chrétiens rayonnants: parce que nous sommes "montés avec lui" et, en tant que tels, nous devrions comprendre ce que veut dire vraiment être chrétien. Mais nous sommes misérables, faibles et aveugles pour ce qui nous arrive. Et même si nous savons d'avance que la fête de l'Ascension arrive, son mystère est peut-être le dernier auquel nous croyons sérieusement. Néanmoins le Seigneur monte au ciel et il nous prend avec lui, c'est dans sa grâce qu'il accomplit le tout : pour lui et pour l’Église. Puis viennent encore dix jours d'une nouvelle attente dans la prière que le Seigneur impose à ses disciples et à nous. Mais qui dans l’Église saisit ce que signifie cette descente de l'Esprit Saint ? Après la Pentecôte, nous sommes aussi tièdes et aussi paresseux que nous l'étions auparavant (NB 10, n. 2355).

 

1581. Ascension : le Fils retourne au Père avec la rédemption

La croix signifiait bien déjà la rédemption mais, en montant au ciel, il rapporte définitivement au Père son œuvre terrestre. L’Ascension comme pendant de Noël : ici l’arrivée, en provenance du Père, pour la rédemption ; là, le retour au Père avec la rédemption (NB 9, n. 1799).

 

1582. Ascension : essentiel de faire route avec le Fils vers le ciel

Tous les épisodes de la vie du Seigneur deviennent définitivement remplis de sens lors de son accueil dans l'unité de l'Esprit. Quand le croyant comprend cela, il voit combien il est essentiel de faire route avec le Fils vers le ciel (NB 10, n. 2116).

 

1583. L’Ascension : il nous est constamment demandé de répondre au ciel

Quelque chose de nouveau est offert par le Seigneur par son Ascension : une participation de la terre à la vie du ciel. Il ne s'agit pas maintenant de visions ou d'autres expériences surnaturelles, mais d'un "cadeau de bienvenue" du Seigneur à toute l’Église. Proximité, participation, communauté des biens, des sentiments. C'est en Marie qu'on le voit le mieux : elle ne se sent pas séparée de son Fils ; au beau milieu de sa vie d'ici-bas, elle a un contact avec le ciel, sans vision ; peu importe pour elle qu'elle vive ici-bas ou dans le ciel. Non pas dans le sens de la négligence. Car l'Ascension est en même temps une fête de la responsabilité. Ici-bas, il nous est constamment demandé de répondre au ciel. Cela donne à la vie une portée beaucoup plus grande. Il n'y a plus de retour sur le moi, plus de "vacances de Dieu". Mais l'exigence de correspondre se trouve au sein d'une correspondance établie entre ciel et terre, non par mérite mais par grâce. Entre les deux, règne maintenant un esprit commun. On doit être de la partie, car le Fils ne retourne pas seul au Père, il emmène avec lui le monde comme ça peut (NB 6,309).

 

          172 La Pentecôte

 

1584. Pentecôte : Le Fils envoie Esprit

Que le Fils puisse envoyer l'Esprit et l'envoie de fait, nous l'apprenons par sa parole. Nous voyons cette parole accomplie le jour de la Pentecôte et nous recevons l'Esprit dans le sacrement de confirmation. Quand le Fils envoie l'Esprit, il l'envoie depuis l'éternité de Dieu Trinité comme Esprit d'amour. Il l'envoie dans un acte d'amour, mais celui qui est envoyé est en lui-même amour ; celui qui envoie et celui qui est envoyé sont un dans l'amour trinitaire. L'existence où l'Esprit entre comme envoyé reçoit la réalité de l'amour éternel. Là même où nous ne voyons pas l'Esprit, où nous ne pouvons pas le saisir, il est malgré tout l'amour ; par cette mission, nous sommes plongés dans l'atmosphère d'amour de l'Esprit (NB 10, n. 2147).

 

1585. Pentecôte et vendredi saint

On ne doit pas penser la Pentecôte sans le vendredi saint. La Pentecôte est une fête à laquelle on n'arrive que par les épreuves supportées en suivant le Christ au temps de sa passion ; on ne peut pas supprimer ces conditions. Plus l'expérience de la Pentecôte est pleine, plus aussi sa condition doit avoir été remplie profondément, plus le temps de la passion doit avoir été vécu à fond. Marie et Jean ressentiront la joie de la Pentecôte d'autant plus pleinement qu'ils ont participé plus profondément aussi à la croix du Seigneur (NB 5,146).

 

1586. Pentecôte : l’Église est reliée au ciel de manière nouvelle

Le Père a envoyé son Fils unique dans le monde. Le parcours du Fils : il sort du Père, vient dans le monde et retourne au Père à l'Ascension. D'autre part ce parcours ne se termine pas sans s'ouvrir sur un second circuit : l'envoi de l'Esprit sur l’Église en tant que tout. La Pentecôte et le miracle des langues sont sans aucun doute un événement mystique qui concerne toute l’Église : par lui, l’Église en tant que telle est reliée au ciel de manière nouvelle (NB 5,74).

 

 

9. Il a fondé son Église

 

 

Plan : 173 L’Église 174 Les sacrements - 175 Être chrétien176 La prière - 177 L’au-delà

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          173 L’Église

 

                  (Naissance de l’Église - Le Seigneur, tête de l’Église - L’Épouse du Seigneur – Marie - Exigences

                 du Christ  pour son Église - Le Christ corrige son Église - Prier pour l’Église - La mission de l’Église)

 

              Naissance de l’Église

 

1587. L’Église a été créée à l'origine par le Christ (NB 12,80).

 

1588. Le Seigneur a créé le miracle qu'est l’Église (NB 10, n. 2208).

 

1589. L’Église est créée par le Fils

L'Église est certes créée par le Fils à l'origine sans que la question lui soit posée, mais dès qu'elle est là, elle doit dire oui à sa relation au Seigneur (NB 12,21).

 

1590. L’Église naît du côté percé du Seigneur

La plaie du côté du Seigneur et la côte d'Adam. La première Ève reste pour toujours le symbole de l’Église qui refuse. Au lieu de devenir la mère de tous les pécheurs, Ève aurait dû devenir la mère de tous les croyants. Et l’Église ne peut pas se désolidariser d'Ève ; elle doit porter la honte de rassembler en elle tous les pécheurs. C'est ainsi que se fait la relation entre le sommeil d'Adam et la mort du Seigneur : Ève est façonnée à partir de la côte d'Adam qui se repose tandis que l’Église se façonne à partir du côté du Seigneur qui s'épuise jusqu'au bout. Ce n'est que lorsque le Seigneur meurt tout à fait que l’Église peut accéder à la vie ; pour l'éveiller à cette vie, il a fallu que s'épanche la substance vivante (NB 12, 231-232).

 

1591. L’Église sort de la plaie du côté du Christ

1943. Adrienne voit le Christ et l’Église. Le Seigneur lui montre comment l’Eglise sort de la plaie du côté du Christ, et les deux saignent ensemble. Il saigne par elle, elle saigne en lui. Par son saignement à elle, elle peut à chaque instant fermer sa plaie à lui. Chaque martyr ferme la plaie du Seigneur (NB 8, n. 873).

 

1592. L'Église est issue du Christ et il agit en elle (NB 10, n. 2255).

 

1593. L’Église est issue du Christ

Jésus Christ est incarné mais, avec sa corporéité, il nous rend présent sa divinité. Sa corporéité n'est qu'une médiation. Que l’Église soit issue du Christ est un fruit de l'obéissance absolue du Christ (NB 1/2, 267).

 

1594. Le Fils a fondé l’Église pour glorifier le Père

Prière de saint Thomas More. « Père, tu nous as donné ton Fils, tu nous l'as donné à nous, pécheurs, pour que, de nous pécheurs, il fasse tes enfants. Il a fondé l'Église pour te glorifier. Et il veut que chaque jour nous apprenions sans cesse avec lui à te glorifier. Il n'y a pour nous qu'une manière de te glorifier : la fidélité dans l'Église fondée par ton Fils. Père, je voudrais demeurer fidèle à ton Fils ; je ne le puis qu'en reconnaissant pleinement ton Église et en m'opposant avec toutes les forces que tu m'as données à ce qu'on fasse à ton Église quelque chose qui soit opposé à tes desseins. Tu requiers de moi un sacrifice, tu requiers ma vie ; Père, elle t'appartient depuis que j'ai appris à te connaître par ton Fils (NB 1/1, 462-463).

 

1595. L’Église a été fondée par le Christ

Depuis que l’Église a été fondée par le Christ, elle revendique la mystique pour elle, comme si celle-ci était absolument une expression de la relation entre le Christ-Époux et l’Église-épouse, qui est le modèle de la relation entre l'âme ecclésiale et le Seigneur. Vue de la sorte, la mystique est pour le chrétien une manière d'être comblé, une réponse de la grâce du Seigneur au don total de soi (NB 5,51).

 

1596. L’Église est l’œuvre du Fils

Le Fils connaît une joie comparable à la joie de l'homme qui sait qu'il est devenu fécond et qu'il a déposé un enfant dans le sein de sa femme. Le Fils connaît cette fécondité parce que le Père la lui a promise : Tu es fécond, ton Église est féconde. Elle est elle-même l’œuvre de ta fécondité. Le Père bénit la joie du Fils et la joie de l’Église et la joie de leur unité. Et il commence aussitôt à attirer à lui, dans son unité, toute cette fécondité commune du Fils et de l’Église (NB 5,268).

 

1597. L’Église est l’œuvre du Seigneur

Pour saint Étienne, l'Église est l'héritage visible que le Seigneur a laissé pour les hommes sur cette terre. Elle est pour lui l’œuvre du Seigneur, l'expression du Seigneur parmi les hommes, mais aussi le don des hommes à l’Époux (NB 1/1, 260).

 

1598. Le Fils façonne son Église

Le Fils aussi crée à sa manière, il mène à son terme l’œuvre du Père. Il connaît la joie de façonner son Église et de la gouverner (NB 12,39).

 

1599. Après la passion, le Fils va former son Église en la remplissant de son Esprit (NB 6,422).

 

1600. La mission du Seigneur est de former une Église

Le Seigneur essaie de former une Église avec ses disciples. Le soir, ils sont tous fatigués, rassemblés autour de la table. Et malgré la fatigue, l'union doit se faire, car la mission du Seigneur est de constituer une Église. C'est au beau milieu de cette fatigue qu'il forme son épouse en éveillant et en fortifiant la foi dans les âmes de ses disciples. Son âme s'épanche dans leurs âmes, ils saisissent quelque chose du don de soi et ils sentent en eux sa force. Et la volonté les saisit de lui appartenir et de le servir. C'est une force qui sort de lui comme lors des miracles. C'est comme s'il prodiguait aussi sa fatigue et il doit être de plus en plus fatigué pour qu'ils deviennent plus vigoureux. Ils le vident de toute sa force. Puis le Seigneur s'en va dans la solitude pour lever les yeux vers le Père. Et le Père prend en main, l'un avec l'autre, le Fils et l’Église à peine commencée, et il les associe dans une union qui ressemble à celle de l'époux et de l'épouse (NB 5,268).

 

1601. Le Seigneur peut se révéler de manière plus intime

Il n'y a rien d'étrange à ce que le Seigneur veuille se révéler un jour d'une manière plus intime et plus immédiate (NB 1/2, 289).

 

1602. La mystique chrétienne

Le Fils a certes remporté la victoire une fois pour toutes. Mais les chrétiens, à qui est laissée la liberté, ne cessent de tout faire pour vaincre le Fils, et c'est dans ce processus intra-ecclésial, qui vise de lui-même à liquider l’Église, que Dieu intervient avec le contrepoids de la mystique. La grande Thérèse, qui est transpercée par les éclairs et les traits du Christ, est le symbole général de la signification de la mystique chrétienne. Thérèse est vaincue pour que soit manifestée la victoire du Christ, mais en Thérèse c'est moins sa personne qui est visée que l'institution. Bien sûr il ne faut pas non plus que l’Église soit détachée du monde. Elle doit représenter le monde devant Dieu. Derrière elle et autour d'elle se trouve le monde. Ainsi la victoire de Dieu signifie sa victoire sur le monde (NB 5,71-72).

 

1603. Un ange lui a apporté la voix du Seigneur

Marie de la Visitation (née en 1541 à Lisbonne) . Un ange lui a apporté la voix du Seigneur, la voix de l'Esprit Saint, la voix de la Mère de Dieu, la voix de certains saints (NB 1,1, 147).

 

          Le Seigneur, tête de l’Église

 

1604. Le Seigneur est la tête de l’Eglise

Quand il est question du rocher sur lequel le Seigneur veut fonder son Église, Pierre sait qu'en même temps il pose les bases et qu'il continue. Il pose les bases en tant qu'il est le chef de la hiérarchie, il continue parce que le Seigneur est la tête de l’Église et que lui-même avec sa Mère constituent déjà l’Église (NB 2,123).

 

1605. Le Christ et l’Eglise intimement unis

Saint Ignace d'Antioche prie très simplement, très près du Seigneur. Et en même temps très près de l'Église. Avec une conscience de la relation entre l'Église et le Seigneur comme personne pour ainsi dire ne l'aura plus jamais par la suite. Il ne peut pas prier pour lui sans prier pour l'Église et il ne peut pas prononcer le mot Église sans voir le Seigneur. Il se sent lui-même membre de l'Église, mais le Seigneur est la tête de l'Église ; il est inséparablement uni à elle, mais sans fusion aucune entre les deux. Il voit le Christ et l'Église comme faisant deux, mais deux qui sont si intimement unis qu'on ne peut voir l'un sans l'autre. Pour Ignace, il est impensable d'adorer le Seigneur sans lui présenter l'adoration de toute l'Église et sans exprimer en lui-même quelque chose de l'essence de l'Église (NB 1/1, 381).

 

1606. Unité de l’Église avec le Seigneur

L'unité de l’Église avec le Seigneur est une unité d'éternité. L'eucharistie du Seigneur traverse toute l’Église et la rend féconde pour le monde (NB 3,293).

 

1607. L’Église est unie au Fils

L’Église devrait toujours vivre unie au Fils et l’aimer. Vis-à-vis d'elle, le Fils alors ne subirait pas plus de diminution dans l'acte de l'engendrer que le Père n'en subit dans l'engendrement éternel du Fils. Si l’Église doit être forte pour le monde et pour les chrétiens, c'est d'une force qui lui est donnée sans cesse par le Fils. Si la force suprême de l'homme c'est l'amour, l'amour suprême de la femme est de correspondre à son amour (NB 4,429).

 

1608. L’Église est la patrie du Seigneur (NB 6,478).

 

1609. Le peuple du Christ

Vincent Pallotti (1795-1850) aime réellement le peuple, il voit en lui un "peuple du Christ" (NB 1/1, 313).

 

1610. L’Église est communion des saints avec le Seigneur

Dans ses saints, le Seigneur voit que l’Église se donne à lui. Alors il peut prendre. L’Église est communion des saints. Elle est communion des saints avec le Seigneur et, par là, communion des saints entre eux (NB 5,266).

 

1611. Pour saint Paul, l’Église est le Corps du Christ

Saint Paul voit l’Eglise surtout comme le Corps du Christ et donc pas très directement comme épouse. Il voit l'union Christ - Église comme celle qui existe entre tête et corps, il ne peut pas les caractériser de manière plus précise. Il voit que les deux vont ensemble, depuis toujours, physiquement, comme la tête avec le corps, et que cependant l’Église demeure toujours ouverte pour le Seigneur, pour la semence du Seigneur et de sa parole, comme une épouse (NB 1/2, 53).

 

1612. Le Christ demeure dans l’Église

Les hommes ont toujours édifié des temples pour Dieu, afin d'être en communion avec lui. Le vrai temple, c'est l'homme Jésus Christ en qui Dieu habite en personne, et le Christ à son tour demeure dans l’Église. Il ne demeure pas seulement dans les communautés visibles qu'on appelle églises, mais aussi dans tous les cœurs qui font partie de la communion des saints et qui portent le Seigneur partout pour l'offrir au monde. Les chrétiens qui font cela ne sont jamais isolés, ils sont les membres de la communion du Fils qui est l'un de la communion de Dieu (NB 1/2, 16).

 

1613. Le Fils ressuscité est vivant dans l’Église 

Que l'abandon sur la croix ne cesse d'être partagé à travers les millénaires est un signe que le Fils ressuscité est vivant. Ce que l'eucharistie est pour toute l’Église après Pâques, la mystique l'est aussi à sa manière : elle est le témoignage du Ressuscité pour l'actualité perpétuelle de sa croix. Plus exactement : ce que, durant la passion, l'Esprit Saint a recueilli dans son témoignage divin, il le partage dans la mystique ecclésiale comme son témoignage au sujet de la rédemption (NB 5,106).

 

1614. Le Fils fait participer l’Église à sa vie

Le Fils se constitue une Église qui lui est adaptée, mais sans qu'elle ait part à l'abaissement qu'il a assumé en s'incarnant (car l’Église n'est pas Dieu), mais en la faisant participer à son exaltation et en la rendant ainsi capable de recevoir ses grâces (NB 5,20).

 

1615. Présence vivante du Fils dans l’Église

Le Fils n'a pas l'intention de laisser le monde s'appauvrir par sa mort et son Ascension. Dans le temps de l’Église, il veut prolonger sa présence avec tout ce qu'elle inclut. Mais il sait aussi combien tièdes sont les hommes et combien l’Église peut être contaminée par cette tiédeur : beaucoup de ce qui est encore vie aujourd'hui peut demain être à nouveau lettre morte, dépourvu de vie divine. C'est ainsi qu'il s'offre à son Église non seulement dans le sacrement et dans la parole de l’Écriture, mais aussi dans la mystique chrétienne : comme un avertissement, comme un signe, comme un don qui provient du fait qu'il a reposé nu, mort, sans image, entre les mains du Père, du fait qu'il a été totalement vidé de lui-même. Mais c'est à ce vide total que le Père a offert la vie la plus haute, la vie de la résurrection. C'est de cette vie offerte par le Père que le Fils – par-delà son total dépouillement – offrira aussi aux orants qu'il choisit les images et les signes sensibles de sa présence (NB 5,121).

 

          L’Épouse du Seigneur

 

1616. Le Seigneur est l’Époux de l’Eglise

Le Seigneur s'unit à son Église. Il l'aime et il l'humilie, il l'attire totalement en lui et se déploie totalement en elle. Il se donne à elle et elle lui répond. Elle est l'unique épouse, dans la communion des saints ; le Seigneur est l’Époux et le Fils du Père et le Maître de tous les temps (NB 5,257).

 

1617. Le Fils n’aime qu’une épouse : l’Église

Le Fils n’aime qu’une épouse : l’Église. Et tout le reste est inclus dans cette exclusivité ; dans l’Église et, par elle, le Seigneur aime tous les hommes (NB 9, n. 2028).

 

1618. L’Église : épouse du Seigneur

Dieu le Fils crée l’Église par l'Esprit. Le Fils, avec l'Esprit, façonne l’Église. L’Église est réellement l’épouse du Seigneur (NB 6,438).

 

1619. L’Église, épouse du Christ

Hippolyte de Rome : L'Église telle qu'elle existe est la seule, l'unique épouse du Christ (NB 1/1, 266).

 

1620. L’Église est l’épouse du Seigneur

Quelqu'un pourrait raconter qu'il est devenu catholique parce que la pensée de la Trinité de Dieu l'a bouleversé, un autre parce qu'il a compris l'amour du Christ pour l’Église ; on pourrait toujours citer encore d'autres portes. Mais on a commencé parce que lui-même, par sa présence, nous a montré et offert la foi en sa totalité ; de cette totalité, nous n'avons pas une vue d'ensemble. On peut être un saint chrétien et n'avoir pourtant aucune connaissance de certains aspects du dogme ; par exemple que l’Église est l'épouse du Seigneur (NB 3,380-381).

 

1621A. LÉglise en tant qu’épouse

L’Église en tant qu'épouse doit toujours prêter attention à la parole et à la question de son Époux, le Christ. Un relâchement dans cette attention, une volonté de s'en dégager et de suivre ses propres chemins signifie se rendre étranger à l'amour, c'est s'engager dans le péché (NB 12, 78).

 

1621B. L’Église, l’épouse du Seigneur, qui ne cherche pas assez à connaître son Époux

Denis Petau (1583-1652) voit toujours l’Église comme l'épouse du Seigneur qui ne s'emploie pas à connaître suffisamment son Époux. Elle ne représente jamais exactement l'image que le Seigneur se fait de son épouse (NB 1/1, 303).

 

1622. L’Église, l'épouse terrestre et concrète du Christ (NB 1/2, 174).

 

1623. L’amour du Christ et de l’Église

Le mariage catholique, comme sacrement, exige un absolu don de soi des époux pour autant qu'il doit être une image de l'amour du Christ et de l’Église, qui est sans calcul (NB 10, n. 2168).

 

1624. L’Église soutenue par le Seigneur

L’Église sera toujours remplie de force quand elle se laissera rattraper par le Seigneur au moment où elle reconnaîtra sa propre impuissance et qu'elle commencera à sombrer parce que la tempête sera trop forte et qu'elle ne verra plus d'issue (NB 5,79).

 

          Marie

 

1625. Marie préfigure l’Eglise

L’Église est aussi bien l’épouse du Christ que la mère du Christ. Elle est épouse parce qu’elle fut d’abord mère. Cela vaut tout autant de l’Église que de Marie, qui préfigure l’Église. La fécondité de l’épouse se trouve en relation immédiate avec la fécondité maternelle. Seulement Marie fut mère avant d’être épouse tandis que nous, nous sommes "épouse » avant de devenir "mère" (NB 4,110).

 

1626. Le Seigneur façonne sa propre Mère pour en faire l'Église-épouse (NB 1/2, 35).

 

1627. Marie et l’Église épouse du Christ

Saint Ignace de Loyola voit exactement le rapport entre Marie et l’Église en tant qu'épouse du Christ(NB 1/1, 465).

 

1628. L’Église, épouse, et Marie

Le Seigneur fait de sa Mère son épouse, l’Église. Il est sans cesse rappelé à l’Église que Marie est devenue l'épouse, qu'elle-même doit être épouse dans le sens le plus vivant, dans un sens qui résulte de la relation de la Mère au Fils. Marie est la porteuse de l'Esprit du Fils et, dans l'Esprit du Fils qui habite en elle comme Esprit Saint, elle connaît ce qu'elle doit connaître des desseins du Fils. L’Église devra connaître le Fils d'une manière semblable. Il y a beaucoup de mystères du Seigneur que l’Église n'est pas capable de pénétrer et qu'elle cherche pourtant à réaliser : dans une mission d'ouverture, de non fermeture d'elle-même, et même du devoir absolu de comprendre si le Seigneur parle (NB 1/2, 194).

 

1629. Marie et l’Église

Le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère cette manière de se tenir à sa disposition. Cette docilité (NB 4,404).

 

1630. Marie : l’Eglise telle que Dieu l’imaginait

L’Église auprès de Marie. Marie était son fondement, elle a porté le Fils et elle est restée fidèle et elle ne voulait que servir. Elle était l’Église telle que Dieu l'imaginait (NB 9, n. 1729).

 

1631. Le Fils voudrait une Église qui soit donnée comme sa Mère

Le Fils voudrait que tous apprennent de sa Mère à être donnés aussi totalement quelle l'est, que tous mettent leur volonté dans celle du Père et qu'ils ne soient qu'un seul corps et une seule âme. C'est ce qui plaît au Père. Et tous doivent mettre dans le Seigneur et dans le Père et dans l'Esprit tout ce qui leur plaît, leurs propres jugements et leurs propres volontés (NB 5,269-270).

 

1632. Prière de Marie pour l’Eglise

Marie a une certaine connaissance de l’Église. Dans l’Église, elle voit l'Esprit de son Fils qui a habité en elle. Et parfois elle ressent pour ainsi dire de tout son corps le corps de l’Église parce que le Fils habite dans l’Église et qu’il a habité en elle, la Mère. Elle veut tout ce que Dieu veut parce qu'elle voudrait que l’Église veuille tout ce que Dieu veut. Quand elle remarque des résistances, elle demande au Fils de bien vouloir la prendre pour vaincre les résistances (NB 5,269).

 

          Exigences du Christ pour son Église

 

1633. L’Église ne doit pas avoir d'autre centre que le Seigneur (NB 12,25).

 

1634. L’Église n'a pas sa vérité en elle-même

L’Église n'a pas sa vérité en elle mais dans le Seigneur et dans l'Esprit qu'il lui a donné. C'est pourquoi aussi l’Église ici-bas n'a sa vérité que là où elle s'ouvre sur le ciel et cela n'est visible que pour celui qui contemple cette ouverture dans la foi. La foi elle-même participe à cette ouverture et elle emporte la conscience, en tant que dot naturelle de l'homme, dans son existence dans le Christ et dans l'Esprit (NB 6,417).

 

1635. Ce qui est exigé de l’Église

En attirant l’épouse pour qu'elle ne fasse qu'un avec lui, l’Époux l'attire aussi dans sa passion et dans son humiliation. Il assume vis-à-vis de l’Église le rôle que le Père exerce vis-à-vis de lui à la croix. Seulement dans le Fils il n'y a pas de résistances à vaincre quand le Père le conduit, au-delà de sa volonté humaine, dans le pur abandon ; mais l’Église sent en elle des résistances quand lui est retirée toute libre disposition d'elle-même. Le rapport entre ce qui est exigé d'elle et ce qu'elle fait, elle ne peut en aucune manière le vérifier. On pourrait en arriver à penser que tout a été créé pour montrer que la créature n'est pas à la hauteur vis-à-vis de Dieu et du Christ. L'exigence est divine et rien de ce qui est nôtre ne peut vraiment lui correspondre. On n'est qu'une feuille dans le vent, précisément quand on a cherché à faire tout son possible (NB 6,278).

 

1636. L’Église est toujours dirigée par le Seigneur

Le Christ peut exiger que son Église se serve de son bon sens et tire ses conclusions, mais jamais jusqu'au point où elle se sentirait indépendante de lui. Même dans ses actes les plus minimes, elle doit sentir qu'elle est dirigée par le Seigneur (NB 12,38).

 

1637. Le Fils exige de l’Église l’obéissance

L’Église a part au Fils grâce à son attente virginale qui laisse tout ouvert et qui remet tout au Fils. Le Fils la comble et il façonne en même temps l'attente qu'elle avait. Mais il exige d'elle une obéissance qui lui laisse totalement la liberté et le mystère d'être tel qu'il est. Il ne peut pas se laisser imposer de règles par l’Église ; elle peut seulement chercher à rendre compréhensible les règles qu'il lui donne en se soumettant de telle manière qu'elles deviennent par elle utiles et fécondes. Elles le sont en lui de manière primaire et essentielle, mais elles peuvent aussi le devenir en elle à la mesure de son obéissance. Si l’Église avait reçu d'une manière ou d'une autre une parole de Dieu qui n'amènerait pas une fécondité immédiate, c'est que le dessein de Dieu aurait été mal compris (NB 5,22-23).

 

1638. Le Seigneur requiert le tout

L’Église doit apprendre à quel point l’Époux dispose d'elle. Au début, elle pense toujours qu'elle pourrait, au moins en partie, comprendre et faire ce qu'on attend d'elle. Mais justement il s'agit du tout ; l’Époux ne se laisse pas induire en erreur. C'est le tout qui est requis. Le Fils transmet aux siens la volonté totale du Père telle que lui-même l'a comprise et exécutée. Il n'a pas le droit de trahir le Père en accommodant et en ramollissant sa volonté. Pour l’Église, à l'instant de l'exigence, il n'est pas question de vouloir tout savoir mieux que les autres. L’Église est "systématiquement" examinée et scrutée par le Seigneur. Mais selon un plan dont elle ne voit pas l'ensemble. L'inexorable marche en avant lui donne il est vrai l'impression qu'il y a un système dans la procédure ! Il y a là pour l’Église une espérance. Qu'elle soit examinée peut avoir un sens, conduire quelque part. Elle court donc plus ou moins le danger d'être supprimée à fond et d'être rétablie. Le danger que sa structure soit agrandie d'une manière tout à fait nouvelle : la confession peut recevoir alors une tout autre importance. Tout est examiné quant à son authenticité et à son utilité pratique ; l’Église est testée. Le tout est vécu comme quelque chose de pénible, on ne tient compte de rien (NB 6,279).

 

1639. L’Église doit mourir à elle-même

Le Seigneur ne choisit pas l’Église pour épouse - et nous en elle - pour la condamner à mort ; il la choisit pour la vie. Elle doit seulement mourir à elle-même pour obtenir en lui la vie. Toute prière, toute méditation, est là pour créer un espace pour sa présence, et cet espace, nous le sommes nous-mêmes par le fait que nous nous effaçons nous-mêmes (NB 6,282).

 

1640. Voir ce qui gêne l’âme dans son union au Seigneur

La grande Thérèse peut voir en quelque sorte l'ensemble de son parcours et le diviser en degrés qui conduisent à la totale union de son âme avec l'âme de l’Époux. Cette manière d'y arriver par degrés a une certaine valeur descriptive dans la mesure où il est montré à la personne qui aspire au Seigneur ce qui la gêne encore, à quoi elle est encore attachée, de quoi elle doit encore se débarrasser. Mais l’Église en tant qu'épouse et Marie en tant qu'épouse ne doivent pas parvenir à l’Époux par degrés - cela ne leur est même pas permis du tout - parce qu'elles lui appartiennent essentiellement depuis toujours (NB 5,25).

 

1641. L’Église doit être un seul esprit avec le Seigneur

C'est dans l'Esprit que le Seigneur choisit son Église comme épouse. Afin qu'elle puisse l'être, elle doit être un seul esprit avec lui. Il doit par conséquent la faire participer sans réserve à son Esprit divin (NB 6,419).

 

          Le Christ corrige son Église

 

1642. Le Christ corrige son Église

Le Christ peut reprendre et corriger son Église, mais il ne vise pas son Église elle-même, il vise les pécheurs en elle, et son Église comme le lieu où séjournent les pécheurs (NB 9, n. 2025).

 

1643. Le Seigneur prend l’Église avec lui sur la croix pour éprouver l’Église (NB 4,426).

 

1644. L’Église doit être humiliée comme le Fils sur la croix

L’Église doit être mise à nu et humiliée comme le Fils sur la croix. Devant le Fils, elle ne peut pas prétendre à une intimité qui ne lui serait pas totalement abandonnée. Le Fils n'a pas besoin de répondre tout de suite à l'abandon de l’épouse en l'embrassant avec amour. L’épouse n'y a aucun droit : le Seigneur peut donner à sa réponse la forme qu'il veut. Elle doit être préparée par l'humiliation à recevoir l’Époux de toutes les manières qui lui plaisent. Il peut aussi lui montrer les obstacles qu'elle lui oppose. Le Seigneur l'humilie parce que ce n'est que dans l'humilité qu'elle peut nourrir ses enfants dans le sens du Seigneur. Mais il ne la laisse pas tomber, c'est justement en l'humiliant qu'il lui montre qu'il se soucie d'elle constamment. Les apôtres dorment au mont des oliviers quand le Seigneur aurait besoin de leur aide, ils le renient quand il devrait pouvoir compter sur leur témoignage. Mais il ne laisse pas tomber cette Église stérile, il l'emmène avec lui plus loin vers la croix (NB 6,277).

 

1645. L’Église doit accepter les humiliations

Il n'y a peut-être pas de préparation plus directe à l'extase que l'humiliation. On est débarrassé de soi-même à tout point de vue, on devient libre pour Dieu. La disponibilité propre est étendue en direction de la disponibilité de l’Église, on peut alors recevoir la joie du Seigneur. Mais il n'y a pas de contradiction au fait que le Seigneur humilie aussi son Église justement quand il la remplit totalement de sa joie. Là où l’Église est totalement livrée et pure et totalement prise par le Seigneur, elle devient assez forte pour accepter les humiliations les plus profondes et à voir en elles le couronnement de son amour pour le Seigneur (NB 1/2, 103-104).

 

1646. L’Église est humiliée par le Seigneur

L’Église aime le Seigneur et elle est en même temps aimée et humiliée par lui. Ce n'est que par l'humiliation qu'elle peut être glorifiée par le Seigneur (NB 1/2, 110).

 

1647. Le Seigneur humilie son Église : elle est couverte de péchés

Le Seigneur humilie son Église. Il le fait depuis le début en la faisant naître de lui. Lors de la création du monde, le monde dans sa totalité aurait au fond dû être l’Église. Mais les premiers hommes tombèrent dans le péché. Et quand l’Église apparaît comme monde nouveau, elle doit garder en elle le souvenir de ce qu'elle aurait dû être, le souvenir de sa défaillance. Elle ne cessera aussi d'en prendre conscience par les nombreuses fautes de chacun de ses membres, par la faute des communautés, par la faute de l’Église en tant que tout. Pour autant qu'elle doit être l'épouse sans tache du Seigneur, l’Église doit se sentir profondément humiliée à jamais en raison de sa faute. Le Seigneur lui met sous les yeux à quel point elle doit être immaculée ; elle est comme une Madeleine qui a toute sa pureté dans le Seigneur ; mais si elle détourne les yeux du Seigneur et qu'elle se voie dans sa nudité, elle est couverte de péchés. Elle ne cesse de s'éloigner du Seigneur. Elle ne veut pas, n'entend pas, fait la sourde, elle reste muette alors qu'il exige une réponse, aveugle alors qu'il requiert qu'elle regarde, désobéissante alors qu'il attend la pure obéissance. Elle se sent épouse quand elle doit être servante, et elle joue la servante quand le Seigneur veut en faire son épouse. Le Seigneur s'occupe d'elle constamment, il réduit sans cesse la distance et elle ne cesse de la recréer. Il agit de telle manière qu'il ne cesse de l'humilier. Elle doit sans cesse apprendre à voir la distance qui existe entre ce qu'elle est en elle-même et ce qu'elle est en lui. L'amour du Seigneur exige de lui-même de ne pas la priver de voir cela. Elle veut sans cesse lui échapper et il doit lui montrer chaque fois comment elle se détourne de lui. Il doit lui montrer les liens de l'amour par lesquels il essaie de la garder auprès de lui. Naturellement le Seigneur humilie l’Église en la prenant dans sa propre humiliation. Lui-même a d'abord porté et éprouvé toute l'humiliation de l’Église (NB 1/2, 111-112).

 

1648. Le Seigneur sait que son Église est pleine de défauts

En tant qu’Époux de l’Église, le Seigneur a vis-à-vis d'elle tous les droits divins et humains. Il peut l'aimer comme l'époux son épouse, il peut l'humilier, il peut exiger d'elle l'obéissance absolue. Ces trois choses peuvent apparaître séparément ou bien aussi se présenter toutes ensemble soudainement. Le Seigneur sait que son Église est pleine de défauts et qu'elle a besoin tout autant d'amour que de pénitence et d'obéissance ; c'est pourquoi il la traite comme un instrument sur lequel il joue comme bon lui semble. Pas tout à fait maintenant dans le sens du "jouet" de la petite Thérèse - car il ne s'agit pas de la liberté divine qui, humainement, peut sembler arbitraire - mais dans le sens où il offre à l’Église, selon son jugement, ce dont elle a justement le plus besoin. L’Église doit savoir que tout ce que le Seigneur lui impose est l'expression de son amour absolu. Elle ne doit rien choisir elle-même, elle doit lui offrir une disponibilité sans mélange. L'amour a une base d'obéissance : toujours se conduire et se diriger comme le Seigneur le veut. Et le Seigneur peut vouloir exercer à fond cette base de l'obéissance. L’Église peut alors avoir l'impression qu'elle est totalement réduite à un corps auquel on fait faire de l'exercice, dont on attend seulement qu'il prenne telle ou telle posture (NB 6,468).

 

1649. L’Église est faite de pécheurs

Sans doute l’Église est-elle dans le Seigneur, mais elle est en même temps la communauté d'anciens pécheurs. De pécheurs toujours nouveaux dont le négatif rejeté est l'enfer. C'est en tant qu'ancienne prostituée que l’Église est l'épouse immaculée (NB 4,202).

 

1650. Le Seigneur, l’Église et le diable

Comment se fait-il que le diable a un tel pouvoir dans l’Église ? Est-ce que le Seigneur n’est pas là pour le renverser ? (NB 8, n. 751).

 

            Prier pour l’Église

 

1651. « Seigneur, bénis ton Église »

Prière de saint Ignace d'Antioche : Seigneur, me voici comme ton serviteur dans ton Église avec la volonté de te servir dans cette Église. Je vois ton amour, Seigneur, dans le fait que tu me permets de travailler dans ton Église, de lui donner la forme que tu désires. Je t'en prie, Seigneur, bénis ton Église, bénis-moi dans ton Église et bénis tous ceux qui, par ton Église, entrent en elle, tous ceux qui par nous, tes serviteurs, sont appelés à entrer dans l'Église (NB 1/1, 381-382).

 

1652. Souffrir de l’Eglise

Saint Martin souffre parfois de l'Église, mais d'une manière presque impersonnelle : non pour des motifs précis en quelque sorte mais tout d'abord dans la souffrance du Seigneur. Il se doute bien que le Seigneur souffre encore beaucoup plus que lui au sujet de ce qui peine Martin maintenant précisément (NB 1/1, 271-272).

 

1653. Souffrir pour l’Église

Thérèse Higginson (1844-1905). Ses souffrances, ses douleurs, ses agonies, ses angoisses sont accaparées par l’Église. Le Seigneur les donne pour qu'elles soient utilisées (NB 1/1, 223).

 

           La mission de l’Église

 

1654. Mission de l’Église : rapprocher les hommes de Dieu

L’Église a deux aspects. Elle a un caractère absolu et divin pour rapprocher les hommes de l'être de Dieu, du Christ, de l’Église elle-même, ce qui fait que la représentation peut, dans une certaine mesure, être indépendante de la sainteté ou de l'état de pécheur de l'homme qui représente l’Église. Le Christ a tenu compte à l'avance des saints et des pécheurs : à ceux-là il offre son amour, pour ceux-ci il meurt sur la croix et, du haut de la croix, il leur lègue la confession (NB 6,467).

 

1655. Les grandes missions dans l’Église portent la lumière du Fils

Les hommes chargés de mission, bien qu'ils ne soient que des hommes, sont quand même des saints qui portent la lumière d’une manière indéfectible. Ils forment comme une grande, grande procession, comme un train qui ne serait fait que de lumière, derrière le Fils ; de même qu'il vient du Père dans une parfaite lumière trinitaire, de même ils marchent derrière lui, mais en même temps avec lui, dans la même lumière. Ils vivent de la lumière, car ils vivent du Fils, et ils vivent du Père parce que le Fils vit du Père et tous ensemble vivent de l'Esprit parce que l'Esprit est témoin, il témoigne du Père et avec le Fils il glorifie le Père. Les grandes missions sont la lumière indéfectible. Elles sont comme une lumière qui n'a pas encore été utilisée, neuve, éblouissante, et bien qu'elles viennent derrière le Fils et le suivent, elles jettent sur lui toute leur lumière. Sa lumière est enrichie de la leur. Les grandes missions sont toutes différentes et pourtant elle ne font qu'un parce qu'elles sont dans le Fils et qu'elles portent sa lumière, mais de différentes manières parce que Dieu leur a façonné leurs missions. Et pourtant elles sont identiques parce qu'elles proviennent de Dieu dans une obéissance immédiate. Ceci est valable pour les grandes missions (NB 1/2, 224).

 

1656. L’Église reflète quelque chose du visage du Christ

En fondant l’Église, le Fils crée une institution qui a la faculté de procurer à tout croyant un nouvel accès à la vie éternelle. Lui-même garde en main cette institution d'une manière dont on ne peut pas se faire une idée, mais il la remet néanmoins aussi aux hommes. Ainsi même si elle est pure, l’Église portera des traits humains - et ce doit être un signe qu'elle est bien vivante au milieu des hommes -, elle reflétera en même temps quelque chose du visage du Christ et quelque chose du visage de l'humanité qui lui prête son concours. Mais ce visage humain de l’Église reçoit lui-même le sceau du ciel grâce à l'envoi de l'Esprit le jour de la Pentecôte (NB 5,73-74).

 

1657. L’Église n’a pas accès à tous les mystères du Christ

Il n’est pas accordé à l’Église un regard sur chacun des mystères du Christ, car il reste son Seigneur et son Maître (NB 12,167).

 

1658. Le ministère descend sur terre avec le Fils

Ce que le ministère a d'impénétrable est dû au fait que l'ensemble du ministère descend sur terre pour la première fois avec le Fils (NB 1/2, 190).

 

1659. Le Fils a donné à l’Église un ministère de participation à la rédemption

Après la croix, le Fils donne à l’Église le ministère comme ministère de corédemption, car finalement une absolution sacramentelle est une participation ministérielle à l'œuvre de rédemption du Fils (NB 6,483).

 

1660. Le Seigneur est toujours distribué par l’Église

La grâce du Seigneur vit et agit dans l’Église, dans les apôtres, les docteurs, les croyants. Le Seigneur est toujours distribué par l’Église. Personne ne peut s'inventer un chemin privé vers le Seigneur (NB 4,294).

 

1661. Un trésor de grâce à la disposition de tous

Depuis la croix, la grâce du Seigneur et la grâce de l’Église ne font qu'un inséparablement, elles sont un unique trésor de grâce à la disposition de tous. C'est comme si quelqu'un laissait tomber une bourse remplie de pièces d'or : elle s'ouvre et l'or roule par terre ; il y a des gens qui se précipitent dessus, d'autres que cela n’intéresse pas, mais il y en aurait là suffisamment pour tous (NB 2,30).

 

1662. Ce que les saints reçoivent du Seigneur, c’est pour le transmettre

Parce que les saints, en tant qu'aimants, sont des intermédiaires particulièrement efficaces, ils sont pour les pécheurs ceux qui les aident à mieux comprendre Dieu et à lui être unis. Ils ne sont pas le centre, comme si le lieu du repos se trouvait en eux : celui-ci se trouve en Dieu et dans le Christ ; ils ne sont le centre que comme médiation et communication. Ce qu'ils reçoivent continuellement du Seigneur, c'est pour le transmettre et, ne gardant rien pour eux, ils ne cessent de recevoir de l'amour à distribuer (NB 6,467).

 

1663. Les saints nous donnent le Christ

Sens du mystère de la fête de la Toussaint : les saints nous donnent le Christ et Dieu, ils sont comme les lunettes par lesquelles nous nous approchons de Dieu, nous pouvons le voir (NB 8, n. 875).

 

1664. Le Seigneur sème dans l’Église -

Dieu le Père a envoyé dans le monde son Fils comme semence de Dieu et, pour montrer sa fécondité, il lui a associé l’Église. "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez". Certes même l’Église peut refuser de recevoir la semence du Seigneur, celle-ci alors retourne au Père de manière mystérieuse. L’Église ne peut jamais récolter que ce que le Seigneur a semé en elle. Elle ne pourra jamais prétendre qu'elle a manqué un jour de la substance du Seigneur, elle en a toujours assez, elle doit seulement reconnaître ce qui lui a été offert. Elle ne semble stérile que là où elle se refuse. On peut même dire qu'il n'y a pas d'endroits stériles dans l’Église. Aucun curé ne peut dire : "Avec cette paroisse, il n'y a rien à faire". La preuve du contraire, c'est le curé d'Ars. La semence de Dieu lui est confiée, c'est pourquoi il ne peut pas qualifier sa paroisse de stérile (NB 12,134).

 

1665. Ce que le Seigneur sème doit mûrir dans l’Eglise

Le Seigneur peut avoir aujourd'hui en vue quelque chose de nouveau dans l’Eglise, on ne peut pas être conservateur vis-à-vis de lui. Tout ce que le Seigneur sème doit mûrir dans l’Église. Et si elle le laisse vraiment mûrir, c'est une preuve de confiance qui permet au Seigneur d'aller plus loin avec elle (NB 11,26).

 

1666. Le Christ a mis dans l'Église le mystère de Dieu

L’Église est une institution publique dans laquelle le Christ a mis le mystère de Dieu Trinité avant tout sous la forme de la prédication et des sacrements (NB 5,45).

 

1667. Le Seigneur ne cesse d’envoyer l’Esprit à son Église

A la Pentecôte, l'Esprit est donné visiblement à l’Église. Mais cette visibilité exceptionnelle est seulement le signe que le Seigneur possède l'Esprit d'amour et qu'il ne cesse de l'envoyer à son Église (NB 12,97).

 

1668. L’Esprit doit faire grandir sans cesse l’Église vers le Seigneur

La force d'expansion de l'Esprit ne doit pas détruire l’Église, mais elle doit être suffisamment forte pour faire grandir sans cesse l’Église d'une manière nouvelle vers le Seigneur (NB 6,420).

 

1669. Le Seigneur donne à l’Église une vie jaillissante

Parce que le Seigneur a confié aux hommes son épouse, l’Église, et que les hommes restent pécheurs, il doit donner à cette Église une vie constamment jaillissante. Une vie donc qui se dérobe aux idées des hommes. C'est ici que la mystique chrétienne est un cadeau à l’Église, un don qui échappe à toute mainmise, que Dieu distribue librement à ceux qu'il a choisis pour cela, non en vue d'un terme, mais en vue de l'éternité. La vie mystique est un plus qui est donné, une surabondance qui est soustraite au péché, soustraite à la finitude, soustraite à l'éphémère, mais qui est pourtant distribuée dans le fini et l'éphémère pour que l'infini et l'éternité rayonnent pour la foi d'une lumière nouvelle (NB 5,73).

 

1670. Une Église vivante proche du Seigneur

François-Xavier voudrait fonder dans des pays étrangers une Église vivante proche du Seigneur (NB 2,95).

 

1671. La parole du Seigneur est toujours nouvelle

Ce qui est mystique apparaît souvent dans le cadre d'une prière précise qui est la réponse à une demande du Seigneur de veiller avec lui. Comme si, pour présenter au Père son œuvre complète, pour garder en vie son Église, pour dévoiler sans cesse la doctrine chrétienne dans toute son ampleur, il devait avoir des hommes qui se laissent secouer, qui sont décidés à veiller et sont capables non seulement d'entendre sa parole ordinaire mais, par une extension toute gratuite de tous leurs sens, sont capables de comprendre que sa parole est toujours nouvelle, toujours autre, toujours plus grande. Et ceci finalement non pour eux-mêmes mais pour l’Église (NB 5,100).

 

1672. Une vérité toujours nouvelle dans l’Église : la mystique

Dans la nouvelle Alliance, ceux qui sont bénéficiaires d’une expérience mystique ne savent pas du tout, dans un premier temps, de quoi il s'agit. Le contenu, c'est d'abord la totalité de la vérité chrétienne, il est donc identique aux dimensions de la foi. Mais cela, de manière cachée, voilée, secrète ; ce n'est qu'ensuite que se dévoile pour un instant l'une ou l'autre vérité, l'une ou l'autre exigence. Un aspect de la doctrine, mais sous un éclairage nouveau. Et la nouveauté veut chaque fois dire : don de soi, mais don de soi à l'invisible, au-delà de tout ce qui est visible. Et dans ce but, toute la visibilité de la foi est rendue invisible pour un instant, si bien que, dans l'expérience mystique, seule ressort l'urgence de l'exigence et que le mystique se sent saisi par une vérité qui lui paraît si neuve qu'au début il n'est pas capable de l'identifier. Si ce qu'il a vu est authentique, l'identification peut être examinée sans problème par la foi. Mais subjectivement, il faudrait que devienne visible ce que la vérité a de toujours nouveau : c'est pour cela que le Seigneur a donné les expériences mystiques à son Église (NB 5,100-101).

 

1673. La nouveauté de la foi

Prière de saint Augustin. « Père, tu sais : fatigué et découragé, je ne suffis plus à la tâche. Et pourtant je voudrais y suffire, je voudrais être l'un de ceux qui te restent fidèles et je sais que fidélité ne veut pas dire être chaque jour le même, mais chaque jour être nouveau en toi. Fais-moi le don de cette nouveauté de ta foi, fais m'en le don au nom de ton Fils qui voudrait voir en nous son Église, la preuve chaque jour nouvelle de sa mission reçue de toi. Je te le demande pour l'amour de son nom » (NB 1/1, 410).

 

 

           174 Les sacrements

                 (Le Seigneur et les sacrements - Le baptême – L’eucharistie – Marie et l’eucharistie                              Une  présence réelle - Le sacrement de pénitence)

 

               Le Seigneur et les sacrements

 

1674. Les sacrements, signes d’une présence divine

Le Fils connaît les hommes d'une triple manière : il les connaît par le Père à qui ils appartiennent depuis toujours, il les connaît pour avoir vécu au milieu d'eux, il les connaît aussi par la croix qui lui révèle leurs péchés d'une manière nouvelle étant donné qu'il les porte intérieurement et que leur opposition à sa pureté divino-humaine le précipite dans la souffrance la plus profonde. Parce qu'il connaît et comprend si bien les hommes, parce qu'il sait à quel point ils sont infidèles et inconstants et à quel point la plus petite chose suffit pour les détourner de lui, il crée pour eux les sacrements. Ils sont des événements momentanés qui tombent du ciel comme des éclairs, comme une verticale qui croise l'horizontale de la vie humaine, comme des exhortations et des rappels, mais aussi comme des signes indéniables d'une présence divine. C'est ainsi que, dans le sacrement de la Pentecôte, il envoie du ciel l'Esprit Saint sur les croyants (NB 5,126-127).

 

1675. Les sacrements sont la vie divine

Dieu Trinité est totalement dans le Fils : les sacrements sont la vie divine qui est cachée en lui, qu'il transmet au monde en s'incarnant. Déjà quand il est entré dans le sein de sa Mère, il n'a pas eu besoin d'un père pour lui donner la vie : il s'est apporté lui-même comme étant la vie. Il y a en lui l'intelligence et la grâce du Père et de l'Esprit, la force divine de faire ce qu'il veut des choses, la puissance qui sort de lui et par laquelle il opère des miracles de loin ou par contact. Sans lui, les sacrements seraient comme Lazare dans son tombeau. Quand il arrive, ils s'éveillent à la vie. Le temps de son séjour sur la terre se trouve au milieu de son éternité : son existence historique dans le temps est là pour nous montrer sa réalité éternelle. Nous n'étions plus sensibles à la réalité et à la vérité cachées en Dieu, sa Parole devint donc chair pour que Dieu devienne à nouveau pour nous une réalité. Le sacrement est l'œuvre de son éternité, opérée dans sa temporalité, afin de nous offrir pour tous les temps quelque chose de sa vie éternelle (NB 6,496-497).

 

1676. Le sacrement, porteur de la grâce

Le sacrement en tant que tout est porteur de la grâce. Ce n'est pas le pain et le vin, l'eau ou l'huile, etc., par eux-mêmes, c'est la parole sacramentelle unie aux éléments matériels, c'est l'acte tout entier de l’Église, c'est l'être tout entier que cet acte a dans le Christ. La puissance du Seigneur qui s'offre à son Église imprègne le sacrement tout entier jusqu'à la matière utilisée, une puissance qui a son siège dans Celui qui est devenu homme et qui provient de la vie trinitaire, mais qui est communiquée au sacrement par sa libre toute-puissance (NB 6,498).

 

1677. Les sacrements, signes du Fils

Dans les sacrements, ce n'est pas un ciel lointain, indifférent, qui s'étend comme une voûte au-dessus de la terre, c'est le ciel où l'incarnation a été décidée et accomplie, où celui qui s'est fait homme réside avec toute son expérience d'homme qu'il a amassée ici-bas et qui a son centre dans la croix et l'enfer, si bien que l'origine des sacrements peut se suivre jusqu'au séjour des morts. Ce ne sont donc pas seulement des signes divins d'en haut, mais des signes qui font partie de l'expérience du Fils de l'homme, qui portent les marques du ciel, de la terre et des enfers, toutes régions donc dont nous, les humains, nous avons connaissance d'une manière ou d'une autre. Le chemin singulier qui va de la nuit à la résurrection, qui va de la terre au ciel en passant par les enfers, manifeste sa fécondité également dans les sacrements. Ceux-ci ne sont pas faits seulement pour les gens de bien afin de les garder dans le bien et les améliorer, ils proviennent de telles profondeurs que même le pire des hommes peut être touché par eux. Ils ouvrent le monde entier ainsi que le séjour des morts (NB 5,127).

 

1678. Le Seigneur et les sacrements

Le Seigneur a institué la confession juste avant d'envoyer l'Esprit Saint à la Pentecôte, n'est-ce pas? D'abord le baptême, puis la sainte Cène avec la prêtrise, puis la confession, puis l'Esprit de la Pentecôte (NB 4,343).

 

                Le baptême

 

1679. Le baptême : contact avec le Seigneur

Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s'effectue dans le baptême (NB 5,139).

 

                 L’eucharistie

 

1680. Institution de l’eucharistie

L'institution de l'eucharistie est comme une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église : Reste auprès de nous ! Sois avec nous ! Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 11,253).

 

1681. Le Fils donne son corps aux disciples

L'Esprit a rendu possible l'incarnation, c'est lui qui a fait que la semence du Père devienne homme dans le sein de la Mère. Le Fils donne aux disciples son corps qui n'a pas encore souffert, son corps intact aux disciples qui doivent être conduits dans ce qui est intact. Il confie à tous les croyants (qui sont en même temps pécheurs) son corps intact qui donnera à leur corps d'être intact. Puis le Fils souffre en son corps qui est torturé jusqu'à la mort et il retourne au Père ; mais il ne peut pas dire au Père : "Tu vois, Père, comment ils m'ont torturé jusqu'à la mort", car auparavant il a déjà mis son corps dans les corps blessés des disciples. Après leur communion, les disciples pécheront même plus gravement qu'avant : Judas, Pierre ! Et après la croix : Thomas ! Car la rédemption n'enlève pas le péché du monde ; chacun doit faire ses preuves dans la tentation. Mais le Seigneur donne le salut et les disciples restent exemplaires pour ceux qui sont sauvés (NB 6,527-528).

 

1682. Le Seigneur a institué l’eucharistie avant la croix

Le prêtre célèbre la sainte messe, mais personne ne peut effacer le fait que le Seigneur l'a instituée avant la croix (NB 4,354).

 

1683. Le Seigneur a rompu le pain autrefois

Le Seigneur rompt aujourd'hui le pain à la messe parce qu'il l'a rompu autrefois. C'est le même geste de rompre : autrefois pour l'avenir, aujourd'hui par le passé (NB 12,31).

 

1684. L’eucharistie et la croix

L’existence du Seigneur dans l’eucharistie signifie une continuation de la souffrance de la croix (NB 8, n. 758).

 

1685. La dernière Cène : sa chair et son sang au service du monde

A la dernière Cène, il met sa chair et son sang au service du monde, il se rend présent dans le pain et le vin en vertu de la même obéissance qu'il prête à son Père. Il est réellement présent au monde par son contact avec le Père. Jusqu'alors il vivait ce contact en présence des hommes, à l'avenir il vivra aussi dans les hommes quand seront accomplis l'œuvre de la croix, l'abandon du samedi saint, les retrouvailles avec le Père à Pâques, et que sera définitivement remise à l’Église toute cette œuvre de la rédemption comme preuve qu'est parfaitement accompli ce que la dernière Cène avait promis. Tout le chemin du Seigneur, sa passion et sa résurrection, la foi, l'amour et l'espérance y seront cachés. Dans une fidélité éternelle dont l'union conjugale est une image, le Seigneur se promet à son épouse de manière toujours nouvelle et s'offre à elle infailliblement en chaque transsubstantiation et en chaque communion avec une plénitude qui ne perd rien de sa force à travers les millénaires. Si la messe ne faisait que remonter à la dernière Cène, on devrait craindre que la force d'un corps unique pourrait un jour s'épuiser, et on en conclurait que l'union eucharistique avec le Seigneur est en fait avant tout spirituelle. Mais c'est le corps qui expie réellement pour tous sur la croix, qui a réellement traversé l'enfer, qui est réellement ressuscité dans la vie éternelle du Père et qui a par là une force infinie pour se répandre lui-même (NB 6,535-536).

 

1686. L’eucharistie : un don au monde pour tous les temps

En instituant l’eucharistie, le Fils exprime sa volonté de faire la volonté du Père. Car il sait que le Père l’a offert au monde totalement et que ce don doit durer à travers tous les temps (NB 9, n. 1635).

 

1687. L’eucharistie : après la mort du Seigneur

Aussi longtemps que le Seigneur habite son corps, il ne peut pas le donner de manière eucharistique. Il doit s'en séparer, il doit entrer dans le vide pour pouvoir le donner comme plénitude. Il y a, avec la souffrance croissante, comme une sorte d'eucharistie croissante. Et en celle-ci il y a une sorte de sérénité croissante du Seigneur, qu'il possède naturellement comme Dieu, mais qu'en tant qu'homme crucifié il doit conquérir afin qu'il puisse la donner aux hommes, afin qu'il puisse mettre dans son don aux hommes sa pleine divinité qui est si pleine que, pour l'amour de cette plénitude, il a vidé l'homme tout entier en souffrant (NB 3,159).

 

1688. Le Ressuscité nous offre son eucharistie

Le Ressuscité nous offre son eucharistie. Il nous montre par là que son corps a une signification non seulement jusqu'à sa mort, mais qu'au contraire il garde pour Dieu et pour le monde une signification permanente : la même qu'il avait déjà autrefois et que maintenant il nous est donné de connaître par la résurrection et l'ascension, et qui demeure donnée dans l'eucharistie. Il est clair que, lors de l'institution de son eucharistie, il ne laisse pas derrière lui cette demeure, il ne la rejette pas, il la prend avec lui et l'élève. Il lui donne une signification qui reste étroitement unie à celle de son propre corps. En entrant dans cette relation, les chrétiens reçoivent de l’Époux la nourriture qui peut être mangée et gardée dignement (NB 6,476-477).

 

1689. L’incarnation comprend une promesse de l’eucharistie

Il y a dans l'incarnation une promesse de l'eucharistie, la promesse que Dieu reste au milieu de nous. Il y a dans l'eucharistie la confirmation de l'incarnation. Tout l’Évangile apparaît ainsi tendu entre incarnation et eucharistie, composé à partir de l'incarnation avec la conscience de l'eucharistie ; celui qui le lit aujourd'hui avec foi se trouve lui-même tendu entre les deux. En recevant la parole, il saisit qu'il a reçu quelque chose de l'incarnation et il ne comprendrait pas l'incarnation si l'eucharistie ne lui était pas donnée. En tant que chrétien, il a un savoir concret que lui a communiqué l'eucharistie et qui l'introduit dans la compréhension de l'incarnation. S'il n'y avait pas l'incarnation, je ne serais pas devenu le frère du Christ, ma vie serait privée d'une dimension essentielle. Si je recevais l'eucharistie sans croire à l'incarnation, je la recevrais d'une manière tout à fait incomplète, car il me manquerait l'essence que fournit l'incarnation, ma communion ne serait plus la rencontre en moi de l'eucharistie et de l'incarnation, elle resterait sans fondement (NB 6,529).

 

1690. Incarnation et eucharistie

L'eucharistie est cachée dans l'incarnation. L'incarnation est l'acte du Père, le Fils laisse faire. L'eucharistie est l'acte du Fils et le Père laisse faire. Mais parce que la volonté du Fils se trouve dans la volonté du Père, la volonté de l'incarnation et la volonté de l’eucharistie coïncident (NB 12,174).

 

1691. L’eucharistie a son origine dans l’incarnation

Par l'Esprit Saint, la semence du Père devient l'homme que Marie reçoit. C'est comme une première communion. Elle est l'être humain qui a été choisi pour cela, elle reçoit du Père l'être du Fils qui est tellement pur don de soi qu'il s'est laissé transformer en pain du Père. "Pain" est ici la substance de la semence que la femme est en mesure de manger. Dans la parabole aussi le Père est le semeur ; la semence - le Fils - lève dans la Mère et le pain peut être maintenant donné à tous : l'eucharistie. En offrant le Fils au monde, elle commence à partager le pain. Plus tard, le Fils se partage lui-même aux hommes dans le sacrement. Et il confirme le geste de la Mère qui partage. Dans le corps du Fils, l'eucharistie du Père et celle du Fils sont donc unies ; elle est incarnation et elle va si loin que le Fils, pour revenir au Père, se laisse distribuer à tous. En livrant son corps dans l'eucharistie, il fait sur terre ce que le Père a fait dans le ciel quand il donna sa Parole comme semence à la Mère. La pensée du Père de laisser le Fils s'incarner était si belle que le Fils ne connaît rien de meilleur à laisser aux hommes que l'eucharistie qui a son origine dans l'incarnation (NB 6,529-530).

 

                Marie et l’eucharistie

 

1692. Marie communie

Marie et les disciples célèbrent la cène après la résurrection du Seigneur. Ils bénissent et rompent le pain et le partagent comme le Seigneur le leur a montré. Ils le font en son nom en se souvenant que celui qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang ne lui appartient pas. La Mère reprend dans son corps le Fils incarné sous cette forme ; c'est pour elle un mystère de foi, de don d'elle-même et d'exigence. De même que le mystère aussi était contenu dans son oui à l'ange. La transsubstantiation en tant que telle ne l'occupe pas plus que le changement dans son corps ne l'occupa autrefois quand l'Esprit la couvrit de son ombre. Mais elle sait combien, par la croissance du Fils en elle, elle fut enrichie, bénie, rendue plus proche de Dieu. Elle le reçoit à nouveau parce que tous les croyants peuvent le recevoir aussi souvent qu'ils le veulent. Le mystère de l'incarnation unique est maintenant comme intégré dans le mystère de la communion. Il n'en résulte rien qui serait faux ou contradictoire. De même qu'elle a donné le Fils au monde, de même sa communion aussi le donne au monde. Elle communie en un sens pleinement eucharistique. Si elle se dérobait à la communion, elle priverait le monde de la grâce de sa propre communion (NB 1/2, 49).

 

1693. Marie et la transsubstantiation

On ne voit pas à la messe que Marie a quelque chose à y faire ; et pourtant le Fils ne peut pas devenir homme sans que sa Mère soit là ; dans son oui à l'incarnation, elle a donné aussi son oui à la transsubstantiation (NB 12,224).

 

1694. Eucharistie : là où est le Fils, Marie y est aussi

Marie est vénérée avec son Fils à l'autel. Elle n'est pas seulement vénérée avec lui, mais là où est le Fils, elle aussi y est et elle agit avec lui (NB 1/2, 192).

 

1695. Dans la chair du Fils, des traces de la chair de sa Mère

Quand le Fils offre aux hommes son corps dans l'eucharistie, chair et sang, c'est le corps qui a été conçu et porté, façonné et nourri par sa Mère, qu'elle a reçu de l'Esprit Saint pour qu'il se développe et pour le transmettre ensuite à l'humanité. Et il est impossible que l'unité dans la chair entre la Mère et le Fils soit jamais rompue. L'eucharistie ne supprime pas cette unité ; c'est pourquoi elle est toujours aussi commémoration du oui de la Mère et du fait qu'elle a porté le Fils parce que, dans la chair du Fils, on peut retrouver les traces de la chair de sa Mère (NB 1/2, 196-197).

 

                 Une présence réelle

 

1696. Il y a une descente renouvelée du Fils par l'Esprit dans la transsubstantiation (NB 1/2, 50).

 

1697. Un nombre infini de transsubstantiations

Le Fils qui, par la foi de l’Église, fait naître sa chair à partir de choses autant qu'on en veut, à partir d'hosties produites par l'homme, semble maintenant s'éloigner encore beaucoup plus du Père. Auparavant il pouvait toujours appeler le Père son Père et posséder l'Esprit comme médiateur du Père. Il y avait une origine du Père, un acte divin qui unissait Père et Fils. Dans sa nouvelle manière d'être, il est divisé en d'innombrables hosties pour rester cependant en elles l'unique qui vit dans le Père. Il renonce maintenant pour ainsi dire à accomplir quelques grandes actions en tant qu'incarné pour, au lieu de cela, devenir à nouveau lui-même par le moyen d'un nombre infini de transsubstantiations (NB 1/2, 243).

 

1698. L’Esprit Saint opère la transsubstantiation

L'Esprit Saint doit opérer la transsubstantiation à la messe parce qu'il a opéré la naissance du Fils, et cela parce que auparavant il avait opéré la conception. La conception correspond à la naissance, et la naissance de Jésus hors du corps de sa Mère à son tour correspond à la transsubstantiation (NB 12,223).

 

1699. Présence réelle du Christ

Ignace d'Antioche (+ 109) a une connaissance profonde de l'eucharistie, de la présence réelle du Christ en elle au milieu de l'Église(NB 1/1, 383).

 

1700. La réalité du corps du Seigneur

Avec la mort du Seigneur disparaît sa présence visible dans le monde sensible ; un point final est mis, ce n'est pas en apparence seulement que le Fils a été enseveli. Mais avant d'aller à la croix, il a institué l'eucharistie. Il a ainsi assuré à son corps une permanence dans l’Église. Il n'a donc pas voulu retourner au Père comme sa Parole à nouveau invisible désormais, qui serait tout au plus encore perceptible par des voix venues du ciel ou par la parole consignée dans l’Écriture ; il a voulu au contraire que son apparition - et plus précisément son apparition corporelle - soit continuée. Il garantit dans l'eucharistie la réalité de son existence corporelle et il offre à tout chrétien l'occasion de le rencontrer corporellement. Et il ne limite pas cette rencontre à l'un ou l'autre membre de son corps, sa main par exemple, il offre son corps tout entier pour que la rencontre avec lui soit totale. Lorsqu'il était ici-bas et qu'il rencontrait ses contemporains, cette rencontre leur donnait une totale satisfaction, son eucharistie de même est capable d'apporter une totale satisfaction. Pour le croyant, les conditions sont différentes : il ne peut pas voir le Seigneur de ses yeux, ni le toucher de ses mains, ni entendre sensiblement sa parole ; c'est la foi qui lui donne le corps du Seigneur sous les apparences du pain et du vin : sous la réalité des apparences, la réalité du corps du Seigneur (NB 5,134-135).

 

1701. Présence eucharistique du Seigneur

La présence eucharistique du Seigneur dans l’Église semble un engagement à être présent de cette manière précise. Mais le croyant sait que le Seigneur n'est pas lié à cette présence. Il peut se faire connaître aussi en chaque phase de son existence terrestre, en chaque état de son existence céleste. Le Seigneur, sa Mère, les saints apparaissent quand ils le veulent et de la manière dont ils le veulent. Mais la présence eucharistique est, pour les apparitions, comme une garantie. Sans doute y avait-il déjà des apparitions dans l'ancienne Alliance, mais elles étaient toutes orientées vers la venue du Seigneur. Maintenant le Seigneur est là et ses apparitions viennent toutes de l'eucharistie en quelque sorte (NB 5,183-184).

 

1702. Le Fils est au milieu de nous

Fête-Dieu. Nous sommes invités aujourd'hui à vivre avec le Fils qui est au milieu de nous. Nous participons avec simplicité à la vie des contemporains du Seigneur : nous pouvons goûter son séjour parmi nous. Seul celui qui connaît les deux choses - l'incarnation et l'eucharistie - peut saisir le sens de la fête (NB 6,530).

 

1703. Le Fils devient pain pour nous

Le Fils devient pour nous pain, dans le pain il demeure chair, il est mangé par nous ; pendant la sainte eucharistie, ce miracle s'accomplit sous nos yeux, nous ne remarquons rien avec nos sens, mais pour la foi la transsubstantiation est vérité. Et si cette transformation signifie pour chaque croyant un sommet, elle est justement par là l'exemple que la Parole est transformée par son être-plus en Dieu. Quand nous regardons une vague de la mer, comment elle se meut, se retourne et passe en d'autres vagues, quand de plus nous entendons constamment le ressac sur le rivage, cette vague unique est pour nous une parabole de la toute-puissance mystérieuse de l'océan ; devant cette plénitude, tous nos sens, tout notre être sont impuissants. Notre raison non plus n'en vient pas à bout bien que Dieu ait créé cette mer pour nous. Mais nous-mêmes, il nous a créés pour le Fils avec la mer et, avec le tout, nous sommes entraînés dans cette nouvelle croissance qui nous dépasse absolument. Nous pouvons aligner des parties de sens sans pénétrer jamais jusqu'au cœur de la vérité ni en avoir une vue d'ensemble, et l'instabilité infinie des choses nous renvoie au toujours-plus qui se trouve dans la Parole de Dieu, en Dieu lui-même. Quand nous disons "plus grand", nous pensons en même temps "autrement", quand nous disons "autrement", nous avouons notre impuissance à saisir cet être autrement. Nous avons une idée de l'être des choses, et même de la Parole de Dieu, mais nous ne pouvons ni la saisir, ni la décrire, ni l'assimiler. Plus une vérité est en Dieu, plus elle est élevée, plus elle lui appartient, moins nous pouvons la comprendre. Le ciel de Dieu, tel qu'il est réellement, est aussi élevé au-dessus de nos représentations de son ciel que le contenu divin de la Parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons. Si dans une assemblée de priants, qui appartiennent vraiment à Dieu et qui cherchent à faire sa volonté, quelqu'un devait dire quelque chose de son frère, il exprimerait quelques petites choses compréhensibles, mais dès qu'il en viendrait à l'essentiel et qu'il devrait décrire quelque chose du mystère de son âme devant Dieu, de sa prière, de son don de lui-même, il ne pourrait plus que balbutier et il devrait bientôt se taire. Ce qu'est l'être humain par le Christ en Dieu, comment lui-même est transformé dans le toujours-plus de Dieu, on ne peut ni l'imaginer ni l'exprimer. Au beau milieu du pressentiment le plus brûlant, la parole doit déboucher dans le silence de Dieu (NB 6,39-40).

 

1704. Là où deux ou trois sont réunis, le Seigneur est au milieu d'eux : il est présent pour l’Église dans l'eucharistie, mais également dans la communauté des croyants (NB 5,211).

 

1705. Ce pain est la chair du Christ

N'est-il pas vrai que dans l’Église d'aujourd'hui l'image de l'Esprit est beaucoup plus brouillée que celle de l'hostie. Celle-ci l'est indirectement par l'Esprit. Chacun se rétrécit et se refuse. Chacun veut être plus malin que l'Esprit. Et par ce refus de l'Esprit, tous les sacrements sont diminués. On le reconnaît peut-être de la manière la plus immédiate pour l'eucharistie parce que le Seigneur et l'Esprit forment ici pour notre intelligence une unité compréhensible. Car ce n'est que dans l'Esprit de Dieu que j'affirme que ce pain est la chair du Christ. Et cet Esprit de Dieu, le Fils l'a insufflé dans l’Église hiérarchique et je dois me tenir à lui dans la foi (NB 4,424).

 

1706. Le Seigneur a concentré dans l'eucharistie toute sa vie pour tous les hommes (NB 5,136).

 

1707. L’eucharistie : humanité concrète du Christ

De même que dans l'incarnation du Fils déjà c'est Dieu Trinité tout entier qui est devenu concret pour nous, de même dans l’eucharistie nous sommes saisis intérieurement par l'humanité concrète du Christ et ramenés à Dieu Trinité (NB 12,133).

 

1708. Une présence réelle

La présence réelle du Seigneur dans les églises. Pour que le Seigneur soit réellement là, il ne suffit pas de sa présence réelle, il y faut aussi la foi des gens. Si manque celle-ci, la présence réelle ne sert à rien, c’est comme si le Seigneur n’était pas là (NB 9, n. 1463).

 

1709. Le Saint-Sacrement exposé

(Saint-Sacrement exposé). L'important est que le Seigneur attend notre participation, que nous fassions attention à lui, que nous le regardions, que nous nous souvenions qu'il est là pour nous (NB 10, n. 2043).

 

1710. Une prière en présence du Saint-Sacrement

Supposons qu'il y ait une exposition du Saint-Sacrement dans une église. Celle-ci me met dans une certaine ambiance de prière. Cela ne m'empêche pas d'avoir avec moi un livre de prières et de dire telle ou telle prière en présence du Seigneur exposé, que je présente mes intentions particulières, que je prie peut-être pour un entretien qui doit avoir lieu après. Un état d'âme de base n'empêche pas que les états d'âme les plus divers y soient aussi associés (NB 1/2, 20).

 

1711. Le Fils nous honore de sa communion

Dans la communion, le Fils nous "honorera" jusqu'à nous mettre à sa hauteur. Il nous honore de sa communion et nous devons dire : "Je ne suis pas digne" (NB 6,535).

 

1712. La communion : grâce unique du Christ

La communion est une grâce du Christ si unique, si immédiate et si absolue, qu’on devrait construire beaucoup plus sur cette grâce dans la pastorale et dans la direction spirituelle des gens (NB 8, n. 608).

 

1713. La communion et le Notre Père

Quelle est la relation de la communion au Notre Père? Au fond, la phrase : "Que ta volonté soit faite…" est notre communion quotidienne. Pour que le Seigneur devienne vivant en nous, il doit déjà être vivant en nous. Et c'est la volonté du Père pour nous - le Père qui est vivant en nous - que nous la fassions. "Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour". Le Fils devient notre pain quotidien quand il est en même temps notre accomplissement quotidien de la volonté du Père. Et qui donnerait une pierre à son enfant qui demande du pain, qui ? Le Père. Le Père qui a fait de son Fils une pierre vivante. Pierre pour la construction, vivante dans la fécondité (NB 4,150).

 

1714. « Donne-nous notre pain quotidien »

Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. Le Père doit nous le donner. Le Fils dit peut-être ces paroles au début de la dernière Cène ; en tout cas, le pain est là, le pain comme cadeau du Père. Ceci est mon corps, dit le Fils ; le pain est donc maintenant le corps du Fils. Et la foi que communique l'Esprit permet aux disciples de recevoir ce pain (NB 6,527).

 

1715. Dans l'hostie, le Christ tout entier est présent

Le Seigneur garde cachés en lui-même ses mystères et il ne les révèle tout d'abord que par sa présence. Cette présence est difficile à comprendre : qu'il nous soit aussi présent comme homme que comme Dieu. Et que, pour la foi, il n'y a pas de points d'attache à cette présence. Ce n'est pas pour rien que saint Ignace a vu le Seigneur comme une sphère lumineuse dans laquelle on ne pouvait distinguer aucun détail. Il en est ainsi en réalité. On est ébloui quand on regarde, et ça brûle quand on touche. Dans l'hostie, le Christ tout entier est présent avec tous ses mystères ; et celui qui communie a dit oui à tout ce qu'il comprend et croit, au peu qu'il comprend et croit, et à l'infini qui lui demeure inconnu (NB 3,381).

 

1716. En chaque communion, le Seigneur prend domicile en nous

Quand il vivait parmi nous, le Seigneur a institué les sacrements et, parce qu'il nous rencontre partout comme pécheurs, il a institué le sacrement de la réconciliation et c'est peut-être comme pénitents justement que nous discernons le mieux la nature de l’Église : indigne parce que pécheresse, digne parce que rachetée. Et en chaque communion le Seigneur s'offre lui-même, il prend domicile en nous de sorte qu'à cet instant ce n'est plus nous qui vivons mais lui en nous. Lui qui, dans l'hostie, est totalement présent, ne faisant qu'un avec le Père et l'Esprit comme depuis toujours dans l'éternité (NB 1/2, 15-16).

 

1717. Le Seigneur, nourriture du monde

Pour le Seigneur, l'eucharistie est le pur renoncement à lui-même pour devenir ce que le Père veut faire de lui : la nourriture du monde (NB 12,108).

 

1718. Le Fils s’offre comme nourriture dans l’eucharistie -

(A propos de la réflexion de la femme qui dit : " Heureux le corps qui t'a porté" en Lc 11,27). Dans sa naissance, le Fils montre qu'il élève tout le genre humain par sa présence, qu'il peut conduire les hommes à la sainteté. Il peut être difficile de le prouver en tout homme, mais il est simple de le montrer par la béatitude de la Mère. Avec son flair féminin, la femme du peuple découvre combien la Mère est bienheureuse : bienheureuse dans son corps d'une béatitude que le Fils offrira aussi à ceux qui ont besoin de lui comme nourriture, à qui il se donne dans l'eucharistie. Il élargit la mission de sa Mère à tous les chrétiens ; par l'eucharistie, il leur offre d'habiter en eux comme il l'a offert à sa Mère. En leur offrant son corps eucharistique, il donne à tous les chrétiens dans leur corps, leur entrailles, leurs seins, la béatitude qu'il a donnée à sa Mère. Ils le portent réellement en eux et ils peuvent le laisser croître et il leur donne non seulement la faculté de le mettre au monde, mais de lui donner à boire : quand ils laissent faire en eux tout ce qui se trouve dans sa volonté, quand ils nourrissent son enseignement. La Parole a besoin d'être nourrie comme le Fils a eu besoin de nourriture dans sa vie terrestre. Sans cesse les croyants doivent se mettre entièrement au service de la Parole afin que la Parole garde son caractère humain vivant. Aujourd'hui encore existe cette manière du Seigneur de se nourrir de ceux qui sont à son service, l'interprètent et vivent de lui de telle sorte qu'il puisse aussi vivre d'eux. La fécondité des religieux par exemple consiste dans le fait qu'ils permettent au Seigneur de puiser en eux pour son œuvre de salut. Et de puiser cela même qu'il a mis en eux, tout comme l'enfant, en sortant de sa mère par sa naissance, lui donne le lait (NB 1/2, 246-247).

 

1719. Manger sa chair et boire son sang

La présence eucharistique avec son don de soi à nous dans la communion est la révélation d'une attitude constante du Fils qui est au ciel, attitude qui, dans l'acte historique de son don de lui-même au cénacle et sur la croix, était déjà totalement présence comme cette attitude constante, éternelle. C'est seulement ce qu'il y a de péché et de péché originel en nous qui nous empêche de comprendre le parfait caractère d'événement qui est dans l'être du Seigneur. Ainsi déjà le signe efficace de manger sa chair et de boire son sang est une prévenance du Rédempteur à l'égard des hommes qui ne peuvent pas surmonter totalement leur éloignement de Dieu durant leur vie. Mais cette prévenance exige en même temps qu'on s'exerce : de l'acte de réception de la communion et de l'action de grâce à l'acte d'une existence dans la foi qui vit constamment de la vie éternelle (NB 6,100).

 

1720. Recevoir la communion

Quand on reçoit la communion, on peut sentir comment sa grâce nous inonde, se répand en nous de tous côtés et nous introduit dans quelque chose de plus grand qui est la communion des saints. Si le fleuve puissant de l'eucharistie n'inondait pas le centre de l’Église et ne transportait pas ceux qui la reçoivent dans l'unité eucharistique, l’Église ne serait qu'une idée abstraite, tout juste bonne à fournir matière à statistiques. L'unité de l’Église est composée de croyants individuels, réunis par le corps du Christ qui est en eux. Toi et moi, nous nous trouvons en lui. L’Église en tant que moi vit toujours du toi du Seigneur et, en tant que toi, du moi du Seigneur. L’Église en tant qu’épouse et le Christ en tant qu’Époux en viennent à l'acte par le don qu'il fait de son corps aux membres ; le Seigneur doit se donner pour que naisse l’Église (NB 6,531).

 

1721. L’hostie, semence de Dieu

Le Seigneur ne cesse d'offrir à l’Église sa chair et son sang. Mais il doit en même temps lui donner son Esprit afin qu'elle comprenne que son présent est sa chair et son sang. Il distribue donc son Esprit, l'Esprit du Père, et l'Esprit à son tour se laisse distribuer d'une manière eucharistique dans un double sens : horizontalement, dans toute l’Église, et dans l'eucharistie du Fils lui-même pour la garder vivante en ceux qui la reçoivent. La hiérarchie a sans doute affaire avec le Fils parce que le Fils a institué le sacerdoce, le ministère, la confession, etc. Mais la mesure d'Esprit qui y est liée, c'est l'affaire de l'Esprit. Tous ceux qui ont part à l'ordre ecclésial vivent de cet Esprit, il est vivant et agissant en toute fonction ecclésiale, donc aussi dans l'eucharistie. Pourquoi l’Église ne donne-t-elle pas la communion à un non-catholique ? Parce qu'il n'a pas l'Esprit pour recevoir cette hostie de manière vivante. L'hostie est ici la semence de Dieu et celle-ci doit être déposée dans un réceptacle qui garantisse la fécondité (NB 4,423).

 

1722. L’eucharistie : semence du Fils dans le sein de l’Eglise

L'eucharistie : le Fils incarné se donne en tant que semence de Dieu dans le sein de l’Église, qu'il façonne de cette manière (NB 12,174).

 

1723. Le Seigneur est en nous

Eucharistie : le Seigneur est dans l’Église, il vient à nous et il est en nous pour que nous soyons en lui (NB 3,153).

 

1724. Eucharistie : la grâce de Dieu coule en l’homme

Adam se trouvait en présence de l'amour de Dieu, mais le chrétien a, dans l'eucharistie, la grâce de Dieu qui coule en lui (NB 6,524).

 

1725. « Le Christ vit en moi »

Le chrétien (authentique) est habité intérieurement, il vit habituellement dans un état qui a des liens étroits avec la communion eucharistique. "Le Christ vit en moi". Dans l'hostie, il prend possession de mon âme bien qu'il ne soit pas absolument dépendant du sacrement ; c'est en tant qu'Homme-Dieu qu'il se communique à moi (NB 5,249).

 

1726. Chair vivante et efficace

Le don de soi du Fils au monde est service du Père et de sa glorification, et justement par là apostolat. Efficace puisque la chair qu'il donne est vivante et efficace et qu'elle associe à son efficacité ceux qui la reçoivent (NB 6,533).

 

1727. Eucharistie : ne faire qu’un avec le Fils

Le Père ne fait qu’un avec le Fils, comme nous devrions ne faire qu’un avec le Fils quand nous recevons l'eucharistie (NB 4,325).

 

1728. Ceci est mon corps ; ce corps va agir en toi si tu le reçois

L'Esprit Saint est le gage que les disciples seront sains et saufs ; il garde la propriété de porter la semence qui vient du Père et qui est le Fils. Dans l'eucharistie, il a ainsi une double fonction : il donne au corps du Fils sa qualité particulière et à celui qui communie la certitude de la foi et de l'espérance. Le Fils a dans l'Esprit un garant et un témoin de son existence eucharistique, également pour celui qui reçoit la communion. Mais pour que l'Esprit puisse certifier la vérité, le Fils doit la réaliser. Comme quelqu'un qui promet quelque chose à un autre et qui est ensuite obligé de le faire par amour pour lui. Pour celui qui communie, c'est l'Esprit qui parfait en lui l'acte de foi en l'eucharistie. Il y a là un mystère. Le Fils dit : Ceci est mon corps ; ce corps va agir en toi si tu le reçois. Mais entre la parole du Fils et son effet, il reste dans le croyant comme un petit écart que l'Esprit remplit (NB 6,528).

 

1729. Réception de l’eucharistie : ma relation au Seigneur devient plus évidente

Le Seigneur met son eucharistie à la disposition de chacun de ceux qui viennent. Il ne dit pas : « Hostie 17 pour 19 », mais cela va simplement par hasard l'un après l'autre. Je ne sais pas qui a reçu l'hostie précédente, qui aura la suivante. Et pourtant, par la réception, je suis plus façonné, plus modelé, plus personnel. Ma relation avec le Seigneur devient plus claire, plus évidente (NB 4,179).

 

1730. Être une hostie dont le Seigneur dispose

Thérèse de Lisieux voudrait que le Seigneur habite en elle comme dans le tabernacle, et même comme dans l'hostie elle-même. Elle voudrait rester dans l'état de celui qui vient de communier. L'état de don de soi parfait et de détachement de soi, elle le connaît le mieux justement par la sainte communion. Et elle veut avoir en elle comme un gage qui l'empêche de sortir de cet état. D'un côté elle voudrait être hostie à jamais, d'autre part porter toujours l'hostie en elle : sa pensée oscille entre les deux représentations. Elle voudrait être une hostie dont le Seigneur dispose comme de toute autre, mais en même temps une hostie qu'il est, parce que Thérèse ne voudrait plus être qu'enveloppe (Hülle) du Seigneur. Aimer tellement le Seigneur, être tellement pour lui réceptacle utile qu'on n'a plus besoin de distinguer. Pour être ce que le Seigneur veut être maintenant, il a besoin d'un réceptacle, mais d'un réceptacle qui doit seulement le donner et nullement le garder ou le cacher. Les mots sont comme un écho de l'expérience d'union de Thérèse lors de sa première communion. L'image suivante aussi du feu dévorant de Dieu y fait allusion. Elle demande de ne plus déplaire au Seigneur ; que, sans cesse, son regard divin veuille bien la purifier tout de suite (NB 1/2, 78).

 

1731. Communion : en présence du Fils

Quand nous communions, la rencontre avec le Fils prend une certaine forme, on est en présence l'un de l'autre. Mais parce que l'Esprit n'est pas devenu homme, notre rencontre avec lui n'a pas une forme qu'on peut retenir. L'amour du Fils est tel que nous devons rencontrer cet amour et, à partir de cet amour, rencontrer sa personne (NB 6,465).

 

1732. La rencontre avec le Seigneur eucharistique

L'envoyé entre dans sa mission avec une semence dans le cœur, et c'est sa mission qui le fait grandir. Surtout si elle est fécondée de manière neuve par la rencontre avec le Seigneur eucharistique. Mais si l'envoyé se barricade, sa mission se dessèche (NB 4,210).

 

1733. Dans l’eucharistie, le Fils dit : Suis-moi

La réalité eucharistique est une nouvelle preuve qu'il s'agit pour le Seigneur de réalité, justement en ce qui concerne son séjour ici-bas. Cela suppose bien sûr que le chrétien aussi croie réellement. Il doit se prêter à la grâce pour y avoir part. Pas plus qu'il n'aurait suffi de rencontrer et de regarder le Seigneur ici-bas d'une manière purement neutre et en simple observateur comme d'autres croient en lui comme au Fils de Dieu, il ne suffit pas maintenant de voir le corps du Seigneur dans l'hostie sans se laisser saisir par lui. Dans la présence eucharistique aussi le Seigneur nous dit : "Suis-moi"(NB 5,135).

 

1734. Recevoir le Seigneur dans l’eucharistie comme un enfant

Quand on reçoit le Seigneur dans l'eucharistie, nos "yeux de la foi" devraient se tenir plus fermement à la vision des quarante jours (entre Pâques et Ascension). On peut très bien l'expliquer à un enfant : "Tu vas recevoir le Seigneur dans ton cœur"; il y croit à sa première communion. La foi de l'adulte s'est souvent affadie et la présence réelle du Seigneur lui paraît tout à fait irréelle. Il est plus occupé de l'acte de réception de la communion que de recevoir naïvement le Seigneur réel. Il se comporte avec raideur et formalisme, il produit tous les actes possibles, mais pas celui de l'amour d'un enfant. Mais pour recevoir le Seigneur dans l'eucharistie, on doit être réellement comme un enfant. Le but premier de la messe et ce qui est important, ce n'est pas le miracle de la transsubstantiation, c'est la réalité de l'amour présent du Seigneur (NB 6,301).

 

1735. Chaque communion dure un instant

Le Seigneur se donne à nous corporellement dans l’eucharistie. Son corps est un corps au service du Père, un corps de sacrifice. C'est le don que Dieu nous fait. Il doit devenir dans le chrétien une semence qui lève, devenir en lui le principe d'action de l'amour divin, communiqué par la réception du corps parfaitement obéissant. Tout ce que ce corps contient de force divine, nous ne le pénétrerons jamais mais, dans une obéissance filiale, nous pouvons nous exposer à sa force, nous pouvons demander que l'inconcevable nous saisisse et donne à notre vie la forme de l'obéissance au Père. Chaque communion dure un instant ; mais si elle est reçue de manière vivante, elle se poursuit dans la vie. Ce qui a été reçu corporellement est reçu en même temps spirituellement dans la foi et allume en nous un nouvel esprit. Cet esprit provient de la vie éternelle et veut adapter notre vie temporelle au mode de penser de la vie éternelle. Il est donc aberrant de vouloir préciser l'instant où la présence corporelle du Seigneur cesse en nous. Il y a en nous une transformation et il doit nous suffire de savoir que le corps reçu par nous se transforme en un esprit qui nous transforme (NB 6,536-537).

 

1736. La communion et le prêtre

A la consécration, le Christ seul agit et un mauvais prêtre ne peut pas troubler son action ; lors de la communion, le prêtre donne aussi quelque chose de lui-même au croyant dans l’hostie (NB 8, n. 789).

 

1737. Communion de désir

Très souvent la communion sacramentelle s’effectue par habitude et avec tiédeur, sans qu’elle soit coupable à proprement parler ; tandis que la communion de désir, qui arrive le plus souvent quand on aurait aimé communier et qu’on en a été empêché, ouvre toujours l’âme tout entière au Seigneur. Le Seigneur est plus riche que l’hostie, il la dépasse (NB 8, n. 995).

 

1738. Le mystère de l’eucharistie

Par le lien matériel aux formes du pain et du vin, l'eucharistie peut inciter à nous rendre compte de la disponibilité constante du Seigneur à s'unir à nous, ou mieux à unir notre existence temporelle à son existence éternelle de Dieu Trinité. Car la parabole qu'est l'eucharistie renvoie, au-delà de la personne du Fils qui se donne, au Père qui le donne et à l'Esprit qui est lui-même don de lui-même. Cette parabole renvoie donc au mode d'être de Dieu qui est l'amour toujours en acte. Ainsi, par le mystère de l'eucharistie, le croyant est amené non seulement à l'incompréhensible de Dieu mais, par la réalité du don de soi du Seigneur, à la réalité de Dieu lui-même qui est le don de soi absolu. Et dans la mesure où l'engagement sacramentel est signe d'un amour infini du Seigneur, il devient aussi révélation de l'amour de Dieu, qui est un amour illimité et infini, libre de tout lien (NB 6,100-101).

 

1739. Par l’eucharistie, avoir part à la Trinité

Par le corps du Seigneur qui nous est donné, nous avons part à sa divinité, à toute la Trinité de Dieu (NB 12,174).

 

1740. Nous lui offrons notre péché, il nous offre son eucharistie

Pour Marie, son oui exceptionnel et sa maternité exceptionnelle suffisent. Pour nous pécheurs, cela ne suffit pas. C'est ainsi que l'eucharistie nous est offerte par Dieu avec sa réception en nombre infini. Si nous étions comme Marie, il suffirait que le Fils soit venu ici-bas, il serait encore toujours là dans son existence d'autrefois et nous le porterions tous. S'il n'y avait pas eu de péché, nous l'aurions tous rencontré au paradis, son heure serait venue. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il serait alors devenu homme. Mais il serait quand même venu, l'heure de sa découverte aurait sonné. Nous n'aurions pas été plus pauvres si nous étions restés au paradis sans pécher. Nous ne pouvons donc pas considérer que c'est une chance d'être tombés parce que maintenant le Fils est venu à nous. Nous n'avons absolument pas le droit de le penser. L'eucharistie est la conséquence d'un sacrifice du Fils ; il se donne sous cette forme en immolant sa chair et son sang sur la croix. Mais il se serait de toute façon donné de telle sorte que chacun lui aurait été associé, même si cela n'avait pas été sous une forme qui aurait eu comme condition interne la croix avec ses souffrances et la mort. Sans le péché, ce qui aurait pu être au paradis et que nous voyons en Marie aurait suffi une fois pour toutes. Mais parce que tous, nous ne cessons de rejeter le Fils, nous devons recevoir l'eucharistie de telle manière qu'au lieu d'être ceux qui rejettent nous redevenions en Marie ceux qui accueillent. Au lieu de prendre le chemin de "tous ceux qui ont rejeté", nous devons prendre le chemin de "l'unique qui accueille" : la Mère. Le Père qui retrouve le Fils (à la résurrection) est le même qui a créé Adam au paradis. Avec le Fils qu'il accueille à nouveau, il reçoit aussi la terre qui, par le Fils et dans le Fils, devient sans péché parce qu'il lui offre la grâce de son être et de son eucharistie. Il lui donne l'eucharistie afin qu'il y ait en elle (la terre) quelque chose de pur, et il prend sur lui le péché, dans une sorte de don en retour. Nous lui offrons notre péché, il nous offre son eucharistie (NB 6,183-184).

 

1741. Eucharistie : le Fils se morcelle à l’infini

L'eucharistie est encore bien plus étonnante ; le Fils fait que sa chair soit produite à partir d'une infinité d'objets, de morceaux de pain qui ont été façonnés par la main de l'homme ; le Fils semble s’éloigner ainsi du Père encore infiniment plus si on regarde les choses avec la raison. Auparavant, le Père était toujours son Père, et l'Esprit Saint était le médiateur de la volonté du Père. Il y avait là quelque chose qui provenait de Dieu, qui était relié à Dieu, une vie qui était un acte divin. Maintenant des hosties sont cuites afin que le Fils, par une quantité immense de ces hosties, ne cesse d'être et de rester l'Unique qui est dans le Père. Presque comme s'il renonçait à accomplir l'acte unique de l'incarnation qui est limité pour se morceler à l'infini et ne revenir à lui-même que par des actes innombrables de transsubstantiation (NB 11,20).

 

1742. L'eucharistie est comprise dans le mystère tout entier du Fils ici-bas et au ciel

Trois lignes partent du Seigneur devenu homme. L'une renvoie au ciel. Il a la vision du Père et, pour lui, la terre n'est pas du tout le ciel. Toute sa vie ici-bas se trouve en quelque sorte sous le signe de sa future ascension et de son retour au Père. C'est ce qu'exigent aussi les qualités de son être divin qui nous sont cachées. La deuxième ligne est horizontale, elle le détermine à rester homme ; et qu'il reste homme parmi nous veut dire qu'est voilé d'une certaine manière son être divin qui brille sans doute dans sa parole et dans son esprit et qui explique aux croyants son appartenance au Père, mais seulement de manière voilée. Finalement il y a la ligne vers le bas, la ligne du don de soi, de l'eucharistie. Elle est également essentielle, car qui mange de ce pain est ressuscité pour la vie éternelle. Mais ce don de soi et l'eucharistie ne peuvent se comprendre que si on prend aussi les deux premières lignes. Le corps qu'il sacrifie pour nous et qu'il nous donne est un corps réel, il est aussi réel que le Christ qui est Dieu, qui s'est incarné et qui est monté au ciel. Et ce qui nous semble voilé de son humanité qu'il a gardée vient ici (sous le voile du pain) pour se dévoiler, d'autant que sa corporéité est pour nous aussi réelle que notre manducation du pain, et cette manducation ne prend tout son sens que lorsque, dans la foi, nous percevons en esprit l'existence spirituelle du Seigneur, sa divinité et son être de Dieu le Fils. On ne peut omettre ici aucun facteur. Si nous voulons honorer la qualité eucharistique du Seigneur, nous devons toujours inclure expressément les deux autres lignes, et on ne peut l'adorer qu'en associant dans l'unité les trois plans en même temps. L'eucharistie inclut la divinité et l'humanité qui demeure, et de plus le ciel tout entier et la Trinité tout entière. C'est ainsi qu'elle devient pour nous accès à la totalité. Il serait également faux de ne vouloir la trouver que lorsqu'elle nous est présentée concrètement, de considérer l'acte de communier comme quelque chose de fermé sur soi. L'eucharistie est comprise dans le mystère tout entier du Fils ici-bas et au ciel. La forme du pain est l'expression du Christ tout entier. S'il en était autrement, la forme eucharistique du Seigneur devrait, à un moment ou à un autre, s'épuiser elle-même. Mais c'est impossible parce que le don qu'il fait de lui-même reste toujours aussi en lui en même temps (NB 6,525-526).

 

1743. Par l’eucharistie, le Fils ne peut plus se retirer du monde

Le Fils, par son Ascension, se retire dans une sorte de passivité. "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie". Le Christ aussi s'est dépassé dans son don de lui-même à l’Église et au monde. Il ne s'est pas seulement donné lui-même, il s'est "vendu" (dans l'eucharistie) aux mains de l’Église, aux mains des pécheurs si bien que, tout en retournant au Père, il ne peut plus se retirer du monde (NB 12,69).

 

1744. Union du corps du Seigneur au corps de celui qui communie : on ne peut guère le comprendre

Le Seigneur offre son corps spirituel, l'eucharistie. Comment le corps spirituel du Seigneur, l'eucharistie, s'unit au corps de celui qui le reçoit sacramentellement, on ne peut guère le comprendre ; cependant le corps spirituel du Seigneur doit entrer en relation avec notre corps spirituel, c'est-à-dire avec la vie de notre corps qui est marquée par la foi. La communion est un acte de foi (NB 6,248).

 

1745. Recevoir l’eucharistie c’est être marqué

La volonté du Fils de racheter le monde apparaît avant tout comme l'accomplissement de la volonté du Père. Depuis l'institution de l'eucharistie, l'amour du Fils pour les hommes se manifeste d'une manière tout à fait nouvelle ; les hommes deviennent maintenant ses membres, maintenant naît dans l’Église l'amour qu'elle a pour lui. Pour le Père, ceux qui reçoivent l'eucharistie sont des êtres marqués, de la même manière que la femme qui a reçu son époux est marquée par lui. Le baptême serait la célébration du mariage, mais l'eucharistie sa consommation (NB 6,532).

 

1746. L’eucharistie pour mûrir dans la foi

Le Fils de Dieu est devenu homme : chair, substance humaine. Il offre cette substance qui est sienne à tous les croyants dans l'eucharistie. Une substance qui nous offre d'être uni à lui pour mûrir dans la foi, dans la vie éternelle. C'est ainsi qu'avec la substance qu'il nous donne, le Seigneur a fait descendre la vie éternelle dans notre temps (NB 12,107).

 

1747. L’eucharistie : pour ramener notre existence corporelle à Dieu

L'eucharistie est d'abord un don de soi spirituel du Christ, mais il offre aussi en même temps ce qui est corporel pour ramener notre existence corporelle à l'Esprit et à Dieu. Le Seigneur aurait pu ne nous assurer que sa présence spirituelle. Mais il a voulu nous être toujours présent en tant qu'homme incarné pour sanctifier aussi notre chair et nous montrer que nous, tels que le Père nous a créés, nous devons atteindre le salut éternel en tant qu'êtres corporels et spirituels (NB 12,132).

 

               Le sacrement de pénitence

 

1748. Le Fils et la confession

On peut trouver chaque vérité chrétienne accomplie dans le Fils ; ainsi par exemple la confession dans sa vie totalement transparente devant le Père, quand il s'expose lui-même devant ses apôtres et ses disciples (NB 2,46).

 

1749. La confession et les trois jours saints

Au fond, à chaque confession qu’il entend, le curé d’Ars célèbre aussi bien la Toussaint que la nuit du samedi saint. Et il se fait que ses pénitents reçoivent une absolution particulièrement rayonnante non parce qu’ils ont éprouvé un repentir particulièrement parfait mais parce qu’il est descendu avec le Seigneur et qu’il leur offre le fruit de cette descente. Cette descente peut prendre subjectivement toutes les formes possibles, mais le confesseur offre à son pénitent la connaissance objective du samedi saint du Seigneur. Au fond le samedi saint est l’exhortation, Pâques l’absolution, le vendredi saint la confession (NB 4,112).

 

1750. La confession, fruit de l’amour du Seigneur -

La confession terrestre est un fruit de l'amour du Seigneur ; elle est un incroyable allégement qui accorde la grâce de sa rédemption : on ne pourrait pas rendre au pécheur les choses plus faciles. C'est la limite la plus basse que l'amour de Dieu pouvait inventer et permettre. Après la mort, les choses deviennent beaucoup plus difficiles. Je ne suis plus en mesure de suivre le chemin de la libre décision vers Dieu. Sur terre, j'ai la possibilité d'apporter quelque chose de propre dans une décision personnelle: d'où la part de "mérite" qu'il y a dans la confession. Après la mort, l'humiliation se fait beaucoup plus grande, parce qu'il n'y a plus de mérite. Je ne peux plus rien décider. Je dois être purifié par une procédure. Ici j'ai la possibilité de me convertir et de promettre quelque chose pour l'avenir : la promesse de ne plus pécher. Là-haut, il n'y a plus de matière pour montrer ma bonne volonté, je suis privé de tout avenir, ma connaissance est pur présent, je dois persévérer dans l'état où je suis placé et être purifié à l'intérieur de cet état (NB 4,299).

 

1751. Par la confession, le Seigneur a le pouvoir de nous séparer de nos péchés (NB 4,154).

 

1752. Le service du confesseur : ramener dans l’amitié du Seigneur -

On sait que celui qui reçoit ce qu'on a sur le cœur transmet quelque chose venant de Dieu comme grâce et pardon. On voit en celui à qui on se confie un ami du Seigneur ; celui-ci rend au pécheur le service amical de l'écouter et de le ramener ainsi dans l'amitié du Seigneur (NB 1/1, 353-354).

 

1753. L’absolution

Est-ce que le pénitent sait qu'ayant reçu l'absolution il devient un compagnon du Seigneur ? (NB 4,137).

 

1754. L’absolution et la grâce trinitaire

Parce que Dieu le Fils brûle de me donner l'absolution à moi aussi, il brûle de me faire participer à l'absolution que le Père accorde au monde, de l'étendre aussi à moi, de faire couler en moi aussi la grâce divine trinitaire. Et cela est simplement plus important que tous mes scrupules. Dieu désire qu'on se confesse - même si nos confessions sont encore imparfaites - parce qu'il désire pardonner. Parce que le Fils veut nous présenter au Père, parce que cela fait la joie de son humanité d'apporter au Père un être humain de plus (NB 10, n. 2165).

 

1755. Par la confession : expier quelque chose du péché des autres

Quand je confesse par exemple un péché de concupiscence, cela inclut toujours aussi que j'assume un devoir. Plus mon repentir est parfait, plus le Seigneur me donne la grâce d'expier quelque chose de ce péché pour d'autres qui le commettent actuellement ou qui le commettront plus tard. On peut collaborer à l'expiation dans la catégorie où l'on pèche. Cela ne veut pas dire que ce péché sera commis moins fréquemment mais qu'il sera mieux expié (NB 3,71).

 

1756. Sacrement de pénitence et sacrement de l’ordre

L'ordination et le sacrement de pénitence ont une racine commune dans la nuit du Seigneur. Cette nuit, qui est entourée de toutes les incertitudes concernant ce qui s'opère, qui ne voit pas du tout l'avenir, est le lieu proprement dit du rachat des péchés et elle renferme un crédit énorme pour la confession aussi bien que pour l'ordination. C'est de sa propre expérience que le Seigneur offre ce crédit à l’Église : c'est de son renoncement, dans les enfers, à son expérience du ciel et de la terre qu'il a eue jusque là, c'est de son renoncement même à toute vue anticipée de l'avenir, c'est de son don absolu de lui-même qui est l'acte le plus sérieux, le plus parfait et le plus fécond qui puisse être pensé. C'est ainsi que la gravité sacramentelle objectivement la plus grande se trouve peut-être dans la confession et l’ordination sacerdotale (NB 5,149).

 

1757. Sacrement de pénitence et eucharistie

Le Fils endure des souffrances pour le péché. Le temps de sa passion se trouve entre l'institution de l'eucharistie et celui de la confession : elles sont les signes de la souffrance qui vient et de la souffrance subie, que le Seigneur donne aux siens pour le salut desquels il était prêt à souffrir. Ce sont des signes du salut, efficaces, qui invitent les hommes à participer à l'œuvre de leur rédemption par la réception des sacrements en recevant avec amour le corps du Seigneur et en se faisant purifier par lui dans la confession. L'amour et la purification sont liés indissolublement au salut par la croix. Dès ici-bas les sacrements montrent que le Seigneur s'occupe depuis toujours des hommes, il en fait ses frères pour les conduire au Père où, dans la liberté de l'amour, il n'y a plus ni commandement ni interdiction (NB 6,337-338).

 

 

                175 Être chrétien

                           (L’appel – Disponibilité - Aimer - TransmettreLes missions dans l’Église –

                                Les conseils évangéliques – Les saints – Le refus)

 

                              L’appel

 

1758. Le Seigneur touche quelqu’un

Il est impensable que le Seigneur touche une personne et que cette personne soit la même qu'avant (NB 4,331).

 

1759. L’appel mystérieux de Dieu

Les mages se contentent de ce que l'étoile leur a montré. Les premiers disciples qui suivront le Seigneur devront se contenter également de ce qui sera visible de Dieu dans le Fils de l'homme. Leur foi est solidement enracinée dans la vision que le Fils possède du Père et ils seront heureux de faire, en croyant, la volonté du Père. L'Esprit, dans lequel les rois risquent leur voyage, est déjà l'Esprit de l'apostolat futur. Il est premier semis, qui deviendra un jour une grande moisson : signe toujours nouveau que Dieu donne une étoile à ceux qui croient en lui, réponse toujours nouvelle à un appel mystérieux de Dieu. Sans cesse un savoir et un non-savoir confiant sont étroitement associés, et ceci non dans un demi-oui hésitant, mais dans un vrai départ qui emporte avec lui dans le voyage vers le Seigneur toutes les questions pendantes pour seulement adorer (NB 10, n. 2159).

 

1760. Le Christ se donne à l’homme avec sa grâce

Il y a des moments où le Christ se donne tellement à l’homme avec sa grâce, s’empare tellement de lui, qu’il devient totalement pur et sans péché, et en ce sens il n’y a plus de différence entre lui et ce qui est céleste (NB 8, n. 609).

 

1761. Le Seigneur donne à qui il veut

Si je savais que le Seigneur avait des cheveux blonds et que moi, pour lui ressembler, par amour pour lui, j'employais toutes les forces de mon âme à devenir blond également, ce serait tout à fait stupide et ridicule. Les stigmates du Christ, il est seul à en disposer ; il les donne à qui il veut (NB 5,219).

 

1762. Le Seigneur nous inonde de sa grâce

Le Seigneur est si imprévisible. On attend sa dureté, il nous inonde de sa grâce et il nous fait renaître et redevenir de petits enfants, mystérieusement et tout à fait réellement (NB 8, n. 614).

 

1763. Le Père et le Fils exigent toujours quand ils donnent

Le Père et le Fils exigent toujours quand ils donnent car c’est eux qui forment les destins, les chemins de vie et les tâches des hommes (NB 8, n. 197).

 

1764. Être accueilli par le Seigneur

Une fois que l'âme a été accueillie par le Seigneur, elle ne peut plus se dérober, si ce n'est par sa propre faute consciente (NB 5,25-26).

 

1765. Le Seigneur s'offre au voyant (NB 1/1, 140).

 

1766. Le Seigneur doit sans cesse descendre pour nous chercher

Dès que Thérèse (de Lisieux) est au couvent, elle lève sans arrêt le pied pour gravir l'échelon suivant. Mais jamais il n'est donné à son pied de sentir cet échelon ; pour la sensibilité de Thérèse, son pied reste toujours en l'air. On cherche à s'élever, mais le Seigneur doit sans cesse descendre, jamais nous ne le rencontrerons en haut de l'échelle. Tout le mérite réside dans le fait qu'il vient nous chercher (NB 1/2, 76).

 

1767. Ce que le Seigneur attend de toi

« Abandonne ce que tu as pour devenir ce que le Seigneur attend de toi ». Pour le Seigneur cela veut dire : « Abandonne ce que tu as pour accomplir la volonté du Père ». Le choix du Seigneur se porte d’avance sur le ciel naturellement (NB 4,109-110).

 

1768. Accomplir ce que le Christ attend de lui

Saint Louis (+ 1270). Dans sa charge, il se sent absolument investi par le Christ lui-même et il supplie pour que s'accomplisse ce que le Christ attend. Il prie plus pour le résultat que pour la marche à suivre et le progrès et les mesures à prendre (NB 1/1, 89).

 

               Disponibilité

 

1769. Laisser au Christ toute la place

Si l'Esprit se tient clairement tout près de moi, je lui donne toujours plus d'importance afin qu'il règle tout entre lui et moi. C'est un processus qui aboutit à ce que, vide de moi-même, je laisse au Christ toute la place pour vivre en moi (NB 6,425).

 

1770. Laisser toute la place au Seigneur

Marie de Jésus, Prieure du carmel de Dijon (+ 1916). Sa prière est tout à la fois très forte et très humble. Humble, car elle se compte pour rien ; forte, car elle est convaincue de la présence du Seigneur, presque plus encore de la présence vivante de l'Esprit Saint, et sa maison doit être une maison de l'Esprit. Elle n'est pas arrivée tout simplement à prier si fort ; elle a dû lutter beaucoup contre elle-même ; car il y avait un combat en elle entre l'esprit de quelqu'un qui sait tout et l'Esprit de l'absolue vérité de Dieu. Il lui fut pénible de se débarrasser de cet esprit qui sait tout et de laisser toute la place au Seigneur et à son Esprit. Elle voit exactement les exigences du Seigneur sur son couvent (NB 1/1, 230-231).

 

1771. Se décider pour une façon de vivre dans le Seigneur

Aujourd’hui j’embrasse ma vie d’un seul coup d’œil et je vois les chances qui m’ont été offertes et ce que j’ai choisi. Je vois si c’était juste ou non, je vois le péché, les faux calculs, les conséquences fâcheuses, etc. Durant la vie, on peut toujours recommencer cet examen. Cette vision n’a de sens que si on remet tout à Dieu de manière vivante et qu’on s’ouvre à l’avenir. C’est-à-dire qu’on doit se décider pour une façon de vivre dans le Seigneur. Mais cela justement, c’est l’ouverture vivante au Seigneur (NB 4,73).

 

1772. Rendre possible dans sa vie l'action du Seigneur (NB 1/1, 240).

 

1773. Amour et disponibilité

Lors de l’apparition de Jésus aux disciples après la résurrection sur les bords du lac de Tibériade, Jean a reconnu le Seigneur le premier parce qu'il incarne l'amour ecclésial. L'amour et la disponibilité furent en lui le moyen qui lui a permis de reconnaître le Seigneur. Pour cette disponibilité aimante que Jean cherche à garder partout, le Seigneur est comme un aimant qui agit sur l'aiguille aimantée. La certitude de la connaissance johannique provient de l'amour (NB 1/2, 48-49).

 

1774. Devenir pure disponibilité pour le Christ

Le Fils offre surtout aux saints son obéissance, sa souffrance ; l'Esprit leur offre les manières de penser du Fils, la disponibilité. De deux manières différentes, car un homme de bonne volonté peut d'abord chercher à imiter le Christ tout à fait de son propre mouvement, pour réaliser ce qu'il veut lui-même. Mais dans l'inquiétude qu'il éprouve de devoir chercher ce qui est chrétien, il peut quand même déjà y avoir aussi un souffle de l'Esprit, et l'œuvre de l'Esprit sera de façonner, à partir d'un esprit par trop humain, le véritable esprit du Christ. C'est à partir de ma disponibilité pour le Christ, que doit naître en moi la disponibilité du Christ. La solution est peut-être d'attendre, de laisser faire, de devenir pure disponibilité (NB 6,393).

 

1775. Se référer au Christ vivant

Marie de Jésus, Prieure du carmel de Dijon (+ 1916). Elle a une grande vénération pour la Mère sainte Thérèse, pourtant elle se réfère moins à elle personnellement qu'à l'esprit du carmel, au Christ vivant dont le carmel a besoin, tout comme le monde aussi en a besoin (NB 1/1, 231).

 

1776. Servante du Seigneur

Sainte Hildegarde (+ 1179) comprend que déjà dans sa vie professionnelle elle a été vaincue par Dieu ; alors qu'elle se croyait maîtresse de son art, elle était déjà une servante du Seigneur (NB 1/1, 75).

 

1777. Libre pour le Christ et son service

Pour Monique, son fils Augustin est devenu libre pour le Christ, pour son service (NB 2,49).

 

1778. Accepter

Accepter la souffrance ou la joie, et les reconnaître comme venant de la main du Christ (NB 8, n. 125).

 

1779. Dire oui au Seigneur

Le chrétien idéal est celui qui, dans la grâce, est prêt à emprunter tout chemin que le Seigneur lui montre. Dans ce oui parfait, il n'y a pas seulement l'abandon de son moi, il y a aussi la conscience de ne pas être à la hauteur. Il sait : tout seul, je n'en sortirai pas. J'ai besoin de soutiens. Il sait par expérience que son oui peut prendre toutes les nuances jusqu'au non. Il se connaît, c'est un chat échaudé. Il dit oui malgré tout, et quand cela commence à devenir sérieux, il a besoin de soutiens. Il trébuchera en pleurant avec son oui qu'il avait dit joyeusement, grâce aux soutiens que le Seigneur lui offre : l’Église, les sacrements, la prière, son prochain, les autres chrétiens (NB 4,333).

 

1780. Croire : dire oui au Seigneur

Quiconque croit doit dire oui au Seigneur quelque part. Mais celui qui croit de manière vivante sait aussi qu'il ne peut répondre qu'avec un oui vivant. Il sent qu'il ne peut aller chercher cette vie que dans le Seigneur et en même temps dans la communion des saints qui vit du Seigneur. Car personne n'est seul avec le Seigneur dans sa mission (NB 1/2, 42).

 

1781. Un oui au Seigneur sans conditions

Si les paroles de Jésus semblaient dures aux Juifs et s'il mettait même ses apôtres devant le choix d'accepter sa dureté ou de s'en aller, le guide dans l’Église doit lui aussi exiger le oui sans conditions au Seigneur (NB 2,129).

 

1782. L'homme est créé pour obéir à Dieu ; et le Fils, dans son incarnation, remplit ce vœu (NB 10, n. 2317).

 

1783. L’obéissance

L'obéissance, c'est être uni au Seigneur : naturellement, adéquatement, nécessairement (NB 4,248).

 

1784. Le Seigneur est là où on le cherche vraiment

Adrienne, en voiture, croise trois jeunes qui font partie d’une secte. Le Seigneur semblait dire : « C’est certes une secte et une partie seulement de la vérité. Mais pourtant je puis être ici parce qu’on me cherche vraiment » (NB 8, n. 674).

 

1785. Chercher le Seigneur sérieusement

Ils n'ont qu'une faible idée qu'ils devraient chercher le Seigneur sérieusement (NB 10, n. 2072).

 

1786. Chercher Dieu le Fils de manière plus vivante

Il ne suffit pas d'avoir son péché en horreur et de le considérer comme inexistant ; on interdirait par là au Fils et à l'Esprit de nous donner l'accès vivant au Père. On doit remplacer le péché par le mouvement qui est voulu par le Père. Bien sûr il ne s'agit pas simplement de transformer sa force orientée vers le péché en force de faire le bien mais, en partant de la connaissance de sa propre force tournée vers le péché, il s'agit de comprendre qu'on doit chercher Dieu le Fils dans l'Esprit Saint de manière plus vivante (NB 6,88).

 

1787. Chercher le Seigneur et être trouvé par lui

De par la surabondance de la grâce dans les baptisés, il est possible que des non-baptisés se décident à vivre pour le Christ et se fassent baptiser. Ce qui se passe, c'est qu'ils ne chercheraient pas le Seigneur s'ils n'avaient pas déjà été trouvés par lui (NB 5,141).

 

1788. Chercher le Seigneur et éprouver sa présence

Louise Jacques, clarisse à Jérusalem (+ 1942). Parce qu'elle ne cesse de chercher le Seigneur, elle reçoit d'éprouver réellement sa présence (NB 1/1, 377).

 

1789. Accueillir le Seigneur

Voilà quelqu'un qui est comme ci comme ça, pas capable d'un amour particulièrement grand, pas exactement moral, un pharisien moyen dans ses bonnes années, pas spécialement mauvais non plus. S'il accueille le Seigneur, il lui remettra son péché ; l’homme se débarrassera de son pharisaïsme, il deviendra un chrétien qui aime sérieusement, qui fait croître en lui l'amour du Seigneur. Mais si le Seigneur le considère en enfer, il voit que cet homme était sur la meilleure voie pour commettre tous les péchés, de les commettre à fond. Et sur terre il a été fait de lui quasi un saint ! Mais en enfer une place est réservée, une place aux nuances tout à fait personnelles pour celui qu'il serait devenu sans la grâce du Seigneur (NB 4,184).

 

1790. Accueillir tout ce que le Seigneur donne

Saint Bernard vit au plus intime de lui-même comme ont vécu les apôtres et les disciples : il accueille tout ce que le Seigneur donne et sans faire plus de plan que les disciples n'en ont fait dans l'évangile (NB 1/1, 426).

 

1791. Suivre le Seigneur

Si les hommes n'avaient pas péché, il aurait suffi que le Seigneur dise à quelqu'un : "Suis-moi!" et il l'aurait suivi ; une fois pour toutes, il n'aurait plus mené sa propre vie, il aurait regardé le Seigneur. Et de suivre le Christ lui aurait offert une plénitude d'action et de contemplation : en regardant le Fils de l'homme auprès de lui, il aurait continuellement eu part à son attitude de prière, à son existence en général et finalement à sa vision du Père, chacune de ses actions aurait été faite avec l'esprit de suivre le Christ. La loi de suivre le Christ aurait été la même pour tous, il n'y aurait pas eu besoin de différences, la certitude aurait été accordée que le service du Seigneur est un service parfait, et chacun de ceux qui le suivent, parce qu'il aurait vécu dans un amour parfait, n'aurait cessé d'en faire l'expérience quel que fût le service qu'il aurait eu à rendre. Suivre le Seigneur aurait eu le caractère d'être une communion totale avec le Seigneur, et l'amour du prochain lui-même n'aurait cessé d'émaner directement de cette communion (NB 6,559).

 

1792. Suivre le Christ intérieurement

Pour suivre le Christ, Benoît Labre est surtout le pèlerin, le pauvre, quelqu'un qui n'est nulle part chez lui. En suivant le Christ intérieurement, il est un homme content, un homme comblé (NB 2,148).

 

1793. Suivre le Seigneur sur la terre

Quand, sur terre, on suit le Seigneur ou ses saints, on trouve partout des traces. Des traces de la grâce, des traces d'actions, des traces de leur présence, des traces de lieux où ils ont parlé. La différence la plus essentielle entre la terre et l'enfer est peut-être que la terre porte en elle malgré tout tant de signes du paradis, que toute grâce n'est pas étouffée (NB 3,290).

 

1794. Marcher à la suite du Seigneur

Pour marcher à la suite du Seigneur, on a probablement dit oui un jour, peut-être avec une sorte de joie, en participant à sa joie, et on a dit : "S'il te plaît, l'autre chose aussi !" Sous cette "autre chose" étaient peut-être désignés la croix, la souffrance, les désagréments de la vie (NB 3,391).

 

1795. Suivre totalement le Christ

Marie Baouardy (Marie de Jésus crucifié, 1846-1879). Dieu agit toujours plus en elle si bien que tout devient authentique et bon, une véritable marche à la suite du Christ. Sa prière en devient toujours plus humble ; elle devient une véritable sainte, mais une sainte qui a dû lutter à n'en plus finir. L'amour brûle réellement en elle et elle vit en suivant totalement le Christ (NB 1/1, 225).

 

1796. Marcher à la suite du Christ

Saint Charles Borromée. C'est par l'Esprit qu'il répond à l'appel du Seigneur, c'est dans l'Esprit qu'il le suit. Cela veut dire qu'il marche à la suite du Christ d'une manière essentiellement autre que les premiers disciples qui l'eurent plus facile du fait que le Seigneur les tenait en quelque sorte sur la route et les invitait à le suivre et leur donnait ensuite des missions humaines, tandis que Charles doit suivre le Christ purement dans l'Esprit en devant se fortifier lui-même, fortifier sa prière et sa foi, pour obéir afin que l'obéissance puisse agir en lui. Il doit façonner sa manière de suivre le Christ. Suivre le Christ, c'est un mystère absolument divin parce que l'obéissance originelle est prêtée par le Fils au Père (NB 2, 147-148).

 

1797. Suivre le Christ

Quand un chrétien supporte quelque chose de difficile en suivant le Christ, si même finalement il doit mourir pour sa mission, il sait que c'est la grâce de la confirmation qui l'a conduit là. Elle lui a été donnée pour qu'il ait la force de suivre le Christ, pour qu'il ne choisisse plus lui-même parce qu'il a été choisi, et on est toujours choisi pour servir (NB 5,144).

 

1798. Suivre le Seigneur jusqu’à la croix et à la résurrection

Toute règle d'un ordre existant ou toute règle d'un ordre nouveau doit commencer par le Nouveau Testament et commencer par suivre le Seigneur. Et pas seulement en fonction des besoins du temps par exemple. Ceux-ci doivent être pris en compte aussi dans le projet, mais le centre, évidemment, est toujours dans l’Évangile et la suite du Christ. Et pour préciser, dans la suite du Christ total. Il ne conviendrait pas qu'un ordre, se basant sur la naissance du Christ, se choisisse comme but la puériculture et refuse de suivre le reste du chemin du Seigneur. La vie du Christ jusqu'à la croix et jusqu'à la résurrection n'est pas divisible (NB 6,560).

 

1799. Suivre le Christ de mille manières

Supposons, d'une manière tout à fait abstraite, le cas d'un homme le plus intelligent et le plus cultivé qui soit qui se convertit et, à côté de lui, se convertit le plus pauvre des ouvriers. A l'avenir, les deux feront tout pour Dieu, les deux reçoivent la mission de suivre le Christ totalement. Cependant ce que les deux feront sera absolument différent parce que Dieu, en donnant sa mission, ne tient pas seulement compte du milieu mais aussi du moi que lui finalement a donné à chacun (NB 1/2, 96).

 

1800. Suivre le Christ plus étroitement

Il y a ceux qui sont appelés à suivre le Christ plus étroitement (dans la vie consacrée) (NB 1/2, 281).

 

1801. Suivre le Christ au plus près

Rupert de Deutz (+1129/30). Il veut d'authentiques imitateurs qui renoncent d'abord à eux-mêmes, puis à tout ce qui leur appartient, pour suivre le Christ au plus près dans une disponibilité destinée à offrir au Seigneur la disposition pratique de ceux sur lesquels il peut compter. Et cela très simplement, sans aucune prétention ; obéissance, amour, recherche de la volonté de Dieu sont pour lui des choses toutes simples (NB 1/1, 71).

 

1802. Suivre rigoureusement le Christ

Celui qui veut se débarrasser d'une faute peut chercher à le faire en suivant rigoureusement le Christ chez qui naturellement cette faute n'existe pas (NB 1/2, 288).

 

1803. Quand quelqu’un suit le Christ

Parce que la croix fut embrassée devant Dieu par un libre choix de Dieu, quand quelqu'un suit le Christ, liberté lui est laissée de choisir les formes de son sacrifice : sacrifice du renoncement, de l'obéissance, forme corporelle et spirituelle, sacrifice aussi d'être conduit par l’Église où on ne veut pas aller, mais où Dieu nous attire, afin de donner au sacrifice des mesures autres et plus grandes que celles qu'on choisit soi-même (NB 2,60).

 

1804. Devenir apte à suivre le Christ

Sainte Sophie Barat doit si bien faire comprendre l'Esprit Saint aux hommes qu'ils deviennent aptes à suivre le Christ. Engager les gens à suivre le Christ (NB 2,86-87).

 

1805. Suivre le Christ et prendre sur soi la croix

Eusèbe de Verceil. Il voudrait inviter toujours plus énergiquement les croyants, les appelés, ceux qui suivent le Christ, à prendre au sérieux leur mission pour qu'en répondant au Seigneur et, avec lui, au Père et à l'Esprit, ils prennent sur eux leur croix d'une manière qui soit utilisable pour Dieu. Il voudrait qu'on suive véritablement le Christ, il voudrait communiquer aux siens ce qui fait le mystère de sa mission, mais aussi le bonheur qu'il a de suivre le Christ, la joie de son oui tel que le Christ le donne en partage, un toujours-plus pour le suivre dans sa marche vers la croix, mais un toujours-plus qui reste ouvert à Dieu Trinité (NB 2,127).

 

1806. Suivre le Christ fait partie d'une plénitude

Jusqu'au mont des oliviers, le Fils était un homme au milieu de nous et la grande chose pour les disciples était qu'il leur était permis de saisir le mystère que Dieu était devenu homme, qu'il était au milieu d'eux, qu'il opérait pour eux des miracles, qu'il apportait par sa vie et sa prédication la plénitude de la doctrine chrétienne, que, par sa prière, il portait devant le Père la vie humaine transformée. Puis vinrent les "trois jours" de la passion ; les souffrances, la mort et la résurrection furent compréhensibles ; ce qui était incompréhensible, c'est ce qui se cachait en profondeur là-derrière. Après la résurrection, la doctrine chrétienne est chargée de cet incompréhensible et elle en est comme obscurcie. Et pourtant elle en est aussi éclairée parce que l'amour a acquis des dimensions nouvelles : la médiation du Fils pour les hommes est devenue accessible et de suivre le Christ fait partie maintenant d'une plénitude qu'une vie n'arrive pas à épuiser (NB 5,142).

 

1807. Trouver un chemin pour suivre totalement le Christ

On peut avoir accès à Dieu Trinité d'innombrables manières, mais si l'homme n'avait pas péché, la foi et l'amour auraient suffi, il n'y aurait pas eu besoin du soutien de règles particulières. La multiplication des règles (des ordres religieux) est une nouvelle proposition de l'Esprit Saint qui ouvre beaucoup de portes, qui parle en beaucoup de langues, afin que chacun ait l'occasion de trouver un chemin pour suivre totalement le Christ, pour aimer parfaitement Dieu et le prochain. Dans la chrétienté telle qu'elle existe, il serait vain d'essayer de retourner à la règle suprême du Fils (l'Esprit Saint en est la plénitude indifférenciée). On pourrait tout aussi bien chercher à retourner au paradis par un chemin qui nous mènerait au-delà de l'ancienne Alliance. Mais en réalité, sur le chemin de notre retour, nous ne pouvons aller que jusqu'à dire oui pour suivre le Christ dans le cadre de l’Église telle qu'elle est (NB 6, 560).

 

1808. Le Seigneur nous montre le chemin

Sans doute devons-nous être parfaits comme le Père qui est au ciel, mais la perfection qu'il faut chercher à acquérir, que le Seigneur voudrait nous donner et pour laquelle il montre le chemin est un pur don de la grâce ; le petit mérite de l'homme consiste tout au plus à essayer de ne pas sortir de la grâce de la sainteté. Et celle-ci échoit au saint sans qu'elle lui soit évidente à lui-même (NB 2,205).


 

1809. Le chemin qui conduit à Dieu

Fra Angelico (+ 1455). Tout ce qui lui est inspiré dans sa méditation, tout ce qu'il apprend dans la prière et dans sa vie quotidienne, tout se rapporte toujours au chemin qui conduit à Dieu. C'est le chemin de l'esprit d'enfance et des enfants de Dieu. C'est le chemin de la sainteté, le chemin du renoncement dans l'amour, dans l'amour du prochain, qui est développé à un tel point qu'on voit toujours dans le prochain le Seigneur et sa sainteté (NB 1/1, 107).


 

1810. Toujours revenir plus au centre exact où est le Seigneur (NB 4,83).


 

1811. Conversion au Seigneur

Pour pouvoir être sauvé, quelque chose en moi doit être entier pour que le Seigneur puisse commencer. Tout n’a pas le droit d’être ambigu, chancelant, divisible ; la conversion au Seigneur doit avoir été un jour une décision authentique (NB 4,56).

 

1812. La grâce de correspondre pleinement au Seigneur

Saint Barnabé voudrait plaider parfaitement la cause du Seigneur, mais il se sent loin de lui et il lui demande de mieux l'introduire auprès de lui, de lui donner la grâce de correspondre pleinement (NB 1/1, 36).

 

1813. Correspondre à ce qu’on a saisi du Seigneur

Si quelqu'un veut être un croyant et qu'il veuille aussi le rester, il doit toujours correspondre à ce qu'il a saisi du Seigneur. Par exemple donner une aumône plus grande que prévu s'il pense percevoir un appel du Seigneur dans le but pour lequel il la fait. Le Seigneur a besoin maintenant de cet argent, on le donne, on a entendu un appel du Seigneur (NB 4,142).

 

1814. Le Seigneur loue ou réprimande

Le Seigneur loue où c'est nécessaire, il réprimande où c'est nécessaire (NB 1/2, 293).

 

1815. S’approcher du Seigneur

Quand quelqu'un commence à croire comme il faut, il s'approche du Seigneur par sa parole ; il ouvre la Bible, il médite la vie du Seigneur, il écoute attentivement sa parole. Mais il ne comprendra comme il faut que lorsqu'il avancera jusqu'au silence, jusqu'au moment où le Fils est abandonné par le Père et meurt dans une mort d'abandon, quand la nuit de son âme s'étend comme des ténèbres sur la création. C'est à partir de cette nuit, à partir de ce silence de mort, que peut devenir compréhensible la parole de vie (NB 3,208).

 

1816. L’obéissance

L'obéissance, c'est être uni au Seigneur : naturellement, adéquatement, nécessairement (NB 4,248).

 

1817. Obéir au Seigneur comme il a obéi à son Père

Réflexions d’Adrienne peu de temps avant son entrée dans l’Église catholique : Je voudrais être de ceux qui peuvent être dans la véritable Église du Seigneur. Et je voudrais être de ceux qui obéissent au Seigneur comme il a obéi au Père… pour ainsi dire (NB 7,311).

 

1818. Le Seigneur prend plaisir à notre obéissance

Il est difficile de dire si l'obéissance véritable procure du plaisir. De notre côté, rarement peut-être. Mais nous devrions apprendre de la générosité du Seigneur à connaître le plaisir que lui prend à notre obéissance. A vivre pour sa joie. Cela, nous ne le voulons pas; nous sommes trop fatigués (NB 3,386).

 

1819. Obéissance et amour

Sur terre, l'obéissance se trouve dans le cadre de l'amour chrétien. L'obéissance chrétienne est soumise à celle du Seigneur (NB 4,47).

 

1820. Se rapprocher du Christ qui est toujours dans le même lointain

Adrienne en 1941 : « Depuis que j'ai connu le Christ, j'ai beaucoup appris. Je me suis beaucoup rapprochée de lui. Mais en me rapprochant de lui, je sais mieux que Dieu est toujours dans le même lointain. Il n'y a aucun "rapprochement", même si on apprend toujours à mieux aimer et à mieux louer » (NB 8, n. 130).

 

1821. "Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait"

"Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait" : la Mère s'emploie maintenant à mettre en œuvre ce commandement démesuré de son Fils ; on est toujours en marche vers la perfection du Père et on le sera durant toute l'éternité en étant devant le Père dans une attente éternelle ; quand ici-bas le Fils lui a été donné, elle a reçu la perfection divine, et pourtant il ne vient à la pensée de personne de dire qu'elle est aussi parfaite que le Père du ciel (NB 6,568-569).

 

1822. S’ouvrir à Dieu par le Christ

François-Xavier : c'est en agissant dans l'amour que l'amour s'épanouit en lui et, dans cet amour, il s'ouvre à Dieu par le Christ (NB 2,96).

 

1823. La foi vivante est toujours en devenir

Le chrétien n'est jamais ce qu'il est par lui-même, il l'est par la rencontre avec le Seigneur. Je deviens aujourd'hui chrétien. On ne peut jamais dire qu’on l'est définitivement. Toute foi vivante est toujours un devenir (NB 4,331).

 

1824. Trouver dans le Seigneur sa joie et sa nourriture

Marguerite Colonna (+1284), clarisse, béatifiée par Pie IX. Les mystères de la vie du Seigneur, son incarnation, ses paroles sont pour elle l'occasion d'un étonnement et d'une action de grâce perpétuels, elle ne se lasse pas de contempler sans cesse les mêmes mystères, ils sont pour elle une telle source qu'elle s'en sent rafraîchie et qu'elle peut prodiguer ce qu'elle reçoit ; elle s'étonne que tous n'aient pas part dans la même mesure à l'être du Seigneur, à ses miracles, à ses paroles. Parfois elle a peur d'être peut-être coupable - par son manque de vertu, par son impatience, par sa réserve pour décrire ses propres expériences - si les autres ne trouvent pas aussi dans le Seigneur toute leur joie et toute leur nourriture (NB 1/1, 91).

 

1825. Quelque chose de la croix du Christ est inscrite en toute joie chrétienne (NB 12,90).

 

1826. Le Seigneur place les chrétiens devant la croix (NB 4,115).

 

1827. « Accorde ma volonté à ta volonté »

Saint Ignace. Il se pourrait que le service que le Fils attend de moi soit autre que celui que je puis accomplir ou même que je suis disposé à accomplir. C'est pourquoi, je te prie, Seigneur, accorde ma volonté à ta volonté en me donnant ta volonté afin que la volonté du Père s'accomplisse aussi en moi et que je sache mieux ce qu'il attend de moi (NB 1/1, 469).

 

1828. Chercher la volonté du Seigneur

P. Vallée o.p., confesseur au carmel de Dijon (+ 1927). Il incite à une prière accomplie dans un don de soi total avec la ferme intention de ne jamais chercher ce qui est à soi mais la volonté du Seigneur. Il ne s'arrête pas à l'esprit de l'ordre religieux, il renvoie toujours au Fils lui-même (NB 1/1, 232-233).

 

1829. Correspondre totalement à la volonté du Seigneur

Thérèse Neumann (+ 1964). Une aspiration de jeunesse à la sainteté, c'est-à-dire une aspiration à être bonne, à être chrétienne, en s'efforçant de correspondre totalement à la volonté du Seigneur. Elle veut marcher sur les traces du Seigneur parce que c'est là pour elle la perfection (NB 1/1, 250).

 

1830. Ce que le Seigneur attend d’elle

Élisabeth de Hongrie voit vivre le Fils, elle le voit avec candeur, avec une grande confiance et une grande foi, sans mesurer la distance qui la sépare du Seigneur et sans dramatiser non plus ce que le Seigneur attend d'elle (NB 2,131).

 

1831. Ce que le Fils requiert de lui

Saint Jean de Dieu (+ 1550). Son chemin est un chemin qui suit (le Christ) : il doit assumer la mission du Fils qui requiert de lui qu'il rassemble des hommes autour de lui et qu'il assume avec eux des tâches d'amour du prochain(NB 1/1, 298).

 

1832. Il voit le Seigneur et ses désirs

Saint Philippe Neri (+ 1595). Il prie vraiment beaucoup et, dans sa contemplation, il voit par la doctrine le Seigneur et ses désirs, l’Église et ses besoins, les hommes et leurs lacunes (NB 1/1, 136).

 

1833. Il veut de toute son âme ce que veut le Seigneur

François Régis voit en Ignace le saint ardent qui veut de toute son âme ce que veut le Seigneur (NB 1/1, 307).

 

1834. Qu'il aille dans la foi là où le Seigneur veut qu'il aille (A propos d’Ignace d’Antioche) (NB 2,125).

 

1835. Là où on s’écarte de l’intention du Seigneur

Nous devrons toujours dire non en silence là où quelque chose s’écarte de l’intention du Seigneur (NB 4,83).

 

1836. Une exigence du Seigneur

Ici-bas une exigence du Seigneur, même si elle est dure, est reconnaissable comme telle par la grâce du discernement des esprits (NB 6,366).

 

1837. Exigence personnelle de sainteté à la suite du Christ

Jeanne de Chantal doit d'abord augmenter et affermir sa foi en Celui qui est devenu homme et reconnaître dans l'Incarnation le signe de Dieu. Elle doit aussi se tenir devant l'Esprit avec le Seigneur, elle doit chercher à comprendre l'Esprit Saint en tant qu'exigence personnelle de sainteté à la suite du Christ, dans l'obéissance (NB 2,135-136).

 

1838. Être façonné à neuf par le Christ

Pie X (+ 1914). Il y a beaucoup de choses auxquelles il renonce, beaucoup de choses aussi qu'il perd de son ancienne piété en fait de formes et d'exigences extérieures en faveur de son unique mission : se tenir devant le Christ, être façonné à neuf par le Christ pour vivre dans le Christ ; cette exigence s'accroît au point que, désormais, il voit le monde, l’Église, les siens, à la lumière de l'eucharistie. Partout il cherche la présence du Seigneur. Depuis toujours il était pénétré par l'actualité absolue de la présence eucharistique. Mais maintenant cette réalité est devenue pour lui quelque chose de si actuel, de si actif, de si immergé dans sa mission qu'il en devient son apôtre. Il cherche à tout intégrer dans cette pensée, il cherche à aimer et à faire aimer ; il ne conçoit pas la force de l'amour dans le sens de saint Jean qui suit le Seigneur personnellement et en l'aimant ; il la conçoit dans le sens d'une participation de grâce à ce qui est le plus élevé ; il voit l'amour descendre d'en haut dans un courant vivant auquel il lui est permis d'avoir part et il doit aussi donner aux autres d'y avoir part. Sa vie devient toujours plus claire et plus transparente, lui-même disparaît pour ne plus laisser vivre que ce qui est au Seigneur. Il y a sans doute bien des choses qu'il a autrefois pensées, éprouvées, considérées ; maintenant elles se comprennent et disparaissent dans l'ensemble, elles lui paraissent sans importance parce que ce qui est important doit occuper la première place, et il est clair que rien de secondaire ne doit lui contester cette place. Finalement, il en arrive à ne plus sortir de l'attitude de prière, il en arrive à vivre en elle comme le Seigneur désire qu'il y vive. Ici il occupe, sans l'avoir cherché consciemment, la place d'un Jean qui est l'ami et qui est aimé. Il est donc quelqu'un qui réalise en lui l'amour du Seigneur et l'éprouve de manière vivante (NB 1/1, 217-218).

 

1839. Le Seigneur lui impose des temps de sécheresse

Marguerite Colonna (+1284), clarisse, béatifiée par Pie IX. Cela l'accable fort quand le Seigneur lui impose des temps de sécheresse. Elle se croit alors abandonnée et inutile et elle voudrait pourtant être source d'amour (NB 1/1, 91).

 

1840. Renouvelé de fond en comble par la grâce du Seigneur

Saint François Régis (+ 1640). Lorsqu'il retourne dans l'action, il peut y aller léger, paisible, unifié en lui, à chaque fois comme renouvelé de fond en comble par la grâce du Seigneur (NB 1/1, 307).

 

1841. Toutes les choses ont leur patrie en Dieu et dans le Christ

Se pose le problème de la vérité de l'être. L'être de Dieu est pure vérité. Nous aussi nous le sommes, mais d'une manière impénétrable, équivoque. Nous tendons vers la vérité et nous ne l'atteignons pas. Nous faisons tout pour l'éviter et nous restons marqués par elle. Et ainsi notre conduite et le fait que nous n'atteignons pas la vérité nous placent finalement devant la question : est-ce que le meilleur moyen pour atteindre la pure vérité n'est pas de souffrir ? Nous aspirons à des choses qui ont en Dieu et dans le Christ leur patrie, mais qui ne nous sont peut-être pas accessibles autrement que par l'incongruité de la souffrance (NB 6,260).

 

1842. Le vrai et le faux dans l’Église

Il y a dans l’Église des groupes et des assemblées qui sont fausses. Ils n'ont pas d'amour en eux, ils ne poursuivent pas les buts de l’Église. Leurs fondateurs sont coupables. Et quiconque collabore et, par négligence, s'abstient de vérifier ce vers quoi il se dirige augmente son tort. Aucune vocation dans l’Église n'est à comprendre comme une demi-vocation ; chaque appelé a une responsabilité non partagée dans le Seigneur, dans l'Esprit, dans la lumière, dans les desseins de Dieu (NB 4,41).

 

               Aimer

 

1843. Se laisser porter par l’amour du Dieu incarné

Origène se laisse toujours plus porter par l'amour du Dieu incarné, y compris dans ses recherches et ses exégèses. Ce qui le domine, c'est la joie que lui procure le Seigneur et le fait qu'il soit au milieu de nous par amour (NB 2,162).

 

1844. L’éminence absolue de l’amour du Seigneur

Mechtilde de Hackeborn (+ 1299) part de l'éminence absolue de l'amour du Seigneur, dans lequel son amour humain est toujours surpassé (NB 1/1, 439).

 

1845. L’amour du Seigneur s’est penché vers moi

Mechtilde de Hackeborn s'habitue dès son plus jeune âge à comparer tous les événements de sa vie quotidienne à ce qu'ils seraient si elle ne se donnait pas au Christ. Quel sens ils auraient alors ? Longtemps elle part d'elle-même et elle doit laisser agir en elle les effets et mesurer la distance entre elle et ce qu'elle vivrait si elle était totalement donnée. Elle connaît alors quelqu'un qui l'attire beaucoup et qui est attiré par elle, elle sent l'amour grandir en elle de jour en jour et la remplir. Cependant tout en étant ainsi comblée, elle doit à nouveau comparer. Comment ce serait si l'amour avait la mesure de l'absolu ? Comment ce serait si elle pouvait appartenir au Christ ? Elle fait alors une nouvelle découverte : avec cet amour justement dont je pourrais aimer le Seigneur, le Seigneur m'aime déjà réellement, et non seulement moi, mais tous ceux qui lui sont donnés. Il aime d'un amour qui dépasse tout ce qu'il pourra jamais y avoir d'amour terrestre le plus sublime : il aime d'un amour absolu. Et je peux m'imaginer que mon petit amour humain se laisserait dilater à l'extrême en amour de Dieu, mais même à cette limite je dois reconnaître que l'amour du Christ demeure infiniment plus grand. La distance entre mon plus grand amour possible et l'amour du Seigneur demeure pour moi incommensurable. Je sais seulement que ce qu'il y a de plus grand en moi se trouve caché dans son infini. Car l'amour du Seigneur s'est penché vers moi (NB 1/1, 441).

 

1846. Envahi par l’amour du Christ

Joseph de Copertino en tant que chrétien a fait l'expérience de la tentation, il appris à connaître la force du tentateur et en même temps il a été si envahi par l'amour du Christ et sa pureté et sa perfection que cette force a été brisée. Il a appris à connaître ce qui est tentant, non seulement en lui-même mais aussi dans les autres, dans le monde dans son ensemble et aussi par des lumières qu'il recevait dans la prière (NB 2, 154).

 

1847. Aimer Dieu et le Christ de telle sorte que disparaisse en moi tout ce qui s'oppose à lui (NB 6,554).

 

1848. Il aime le Christ

Épiphane de Salamine (+ 403). Il aime Dieu, il aime le Christ, de tout son cœur. Sa voie est en son fond marquée par l'amour. Le monachisme est pour lui la forme inconditionnelle de l'obéissance à Dieu, une réponse de l'amour à l'amour (NB 1/1, 53-54).

 

1849. Il a quitté le monde par amour pour le Seigneur -

Meinrad (+ 861). Il a quitté le par amour pour le Seigneur, afin que le Seigneur trouve par lui ou aussi sans lui un meilleur accès à ce monde (NB 1/1, 278-279).

 

1850. Amour parfait pour le mystère parfait du Seigneur

Charles de Foucauld. Quoi qu'il puisse faire : dans sa prière, sa méditation, son apostolat, il le fait sous le poids de la croix, sous la charge dont le Seigneur le charge, dans un amour parfait pour le mystère parfait du Seigneur, qu'il ne cherche pas à découvrir : il se tient à la disposition du mystère tel qu'il est. Toute sa mission est une mission de don de soi, de présence constante, du oui dans la durée et dans une continuité qui n'est interrompue par rien (NB 2,110).

 

1851. Aimer le Seigneur comme il veut être aimé

Si j'aime quelqu'un, j'aimerais vivre avec lui, et il serait tel que mon amour le voit. Je n'imagine pas que celui que j'aime pourrait changer extérieurement et intérieurement ; je n'aime pas non plus penser au fait que je pourrais moi-même changer et que mon amour est peut-être une affaire très superficielle. Si dès le début je l'aime moins, certaines rencontres me suffiront, un échange dans un domaine limité. Mais si j'aime le Seigneur, il ne me reste rien d'autre à faire qu'à l'aimer comme il veut être aimé. Et parce qu'il exige tout, qu'il en demande même trop à la seule nature, il montre aussitôt comment il aime lui-même et comment doit être l'homme qui veut vivre sans retour dans son amour. Le Seigneur ne connaît aucune espèce de compromis avec le pécheur et il n'y a pas avec lui de relations limitées. L'homme doit le choisir une fois pour toutes, lui, le Seigneur, tel qu'il est, qu'il change ou non, qu'il porte encore ou non le visage que l'on connaît en ce monde. Le Seigneur ne s'engage pas dans une amourette qui n'engage à rien ; on ne peut pas aimer ses fêtes, mais non son quotidien et sa croix ; on ne peut pas l'aimer dans la mesure où il est compréhensible et rompre quand il est incompréhensible (NB 6,362-363).

 

1852. Je voudrais voir Jésus

Adrienne à dix ans : Je voudrais voir le Bon Dieu et le Seigneur Jésus (NB 7,16).

 

1853. Un amour brûlant pour le Seigneur

Mechtilde de Magdebourg (+ 1285). Un jour elle fait une méditation sur l'amour sponsal, non en partant de l'homme mais en partant immédiatement du Seigneur comme Époux et de son épouse qui est avant tout l'Église. Pendant cette méditation, elle voit dans une sorte de vision comment l'Église brûle dans l'amour et puis comment le Seigneur brûle et comment il s'ensuit un brasier commun, avec quand même le fait que le brasier du Seigneur se trouve au-dessus de celui de l'Église parce que beaucoup d'éléments humains adhèrent à l'Église qui pourraient cependant être éliminés par l'amour brûlant de l’Époux (NB 1/1, 437).

 

1854. Le feu de l’amour

Qui renonce à quelque chose et l’offre au Seigneur est inondé de la chaleur de l'amour du Seigneur : c'est une grâce ; en enfer, la chaleur, c'est le péché brûlant. Sur terre, le feu de l’amour c'est la vie ; en enfer, le feu du péché, c’est l’asphyxie (NB 4,52).

 

1855. La passion de brûler pour le Seigneur

L’Irlandais (saint (Patrick) avait pour ainsi dire la passion de brûler pour le Seigneur. Il invitait tous les chrétiens qu’il rencontrait à brûler avec lui pour le Seigneur. Il y invite comme à un plaisir (NB 4,80).

 

1856. L’amour personnel du Fils 

Un saint du Moyen Age. Le Christ est pour lui Dieu, le Fils de Dieu, Dieu qui est devenu homme ; mais il est peu sensible à ce qu'a d’inouï, de pénétrant, de renversant, son amour personnel (NB 1/1, 436).

 

1857. Le Seigneur fait devenir ses disciples tous ceux qui croient

Catherine de Gênes (+ 1510). Méditation sur la pureté. Je voudrais arriver à la pureté, et Dieu me la donnera si je la lui demande. Par moi-même, je ne la possède pas, je n'ai pas la force d'y arriver. Mais le Fils, qui était la pureté même, nous communique tout ce qu'il possède. Il le dit lui-même : "Demandez et il vous sera donné". J'imagine le Seigneur disant ces paroles, comment il se tient là sur la montagne, comment ses disciples le regardent et commencent lentement à comprendre ce qu'il veut dire. Chacun de ces disciples voit ce que lui-même aurait à demander. Et parce que le Seigneur fait devenir ses disciples tous ceux qui croient, je puis me trouver maintenant au milieu de ses disciples et faire moi-même ce que font les disciples. Chercher en moi ce dont j'ai besoin pour en sortir et demander au Seigneur la pureté, la lui réclamer comme il le veut pour lui plaire (NB 1/1, 457).

 

1858. S'occuper des choses de Dieu

Si je suis intelligent, il me vient toutes sortes d'idées dans mon travail, des bonnes et des moins bonnes. Les mauvaises, je devrais les rejeter humblement dès que je vois qu'elles ne s'accordent pas avec le Seigneur et avec l'ensemble de l’Église. Je dois alors les laisser tomber comme des erreurs. Je pourrais tout au plus les mettre sur le papier afin de voir plus tard plus précisément ce qui était juste en elles. Plus j'ai à m'occuper profondément des choses de Dieu, plus je dois me tenir humblement devant la croix. Si je néglige cette attitude, je commence à créer des hérésies. Je suis épris de mes idées; ce qui au début était une recherche sérieuse dans la Parole de Dieu devient marotte, finalement jeu (NB 4,227).

 

1859. Chercher la compagnie de ton Fils

Prière de Mechtilde de Magdebourg (+ 1285) : Père, je te remercie que tu m'aies conduite au monastère où, par la règle, je peux mieux servir ton Fils. Mais Père, je t'en prie, ne me laisse pas devenir tiède, ne me laisse jamais croire que j'aurais maintenant accompli tout ce que ton Fils exige de moi, mais montre-moi jour après jour, pas après pas, comment je peux continuer à lui faire plaisir de manière neuve. Je le voudrais tant ! Et vois : nous sommes dans une maison bénie où beaucoup font réellement tout pour lui plaire. Je te remercie pour cette communauté, mais je t'en prie : que cette compagnie humaine de mes sœurs, qui est pourtant aussi en même temps une communauté spirituelle, ne me devienne pas si chère que je cherche moins, pour cette raison, la compagnie de ton Fils. Je te remercie pour tout, et je te demande aussi de disposer toujours plus de moi pour que je serve toujours davantage ton Fils (NB 1/1, 440).

 

1860. Un amour vraiment personnel pour le Seigneur

Par François, sainte Claire a appris ce qu'est l'amour personnel donné ; ce n'est que parce qu'elle a appris de lui à comprendre la prière que son amour pour le Seigneur devient un amour vraiment personnel. Tout dans sa relation au Seigneur devient maintenant concret, alors qu'auparavant c'était plutôt un moyen en vue d'un but. Au début, elle ressemblait à quelqu'un qui voudrait améliorer les mauvaises mœurs, qui découvre que le Christ a institué une bonne règle morale et qui, pour cette raison, s'engage pour le christianisme. Mais sur cette voie, Claire a trouvé réellement le Seigneur et elle s’est mise à l’aimer d’un amour vraiment personnel (NB 1/1, 84-85).

 

1861. Catherine de Sienne. Sa première rencontre avec le Seigneur devait l'affermir dans sa foi (NB 2,112).

 

1862. La joie de la rencontre avec le Seigneur

Lucie de Narni (+ 1544). En extase, elle prie dans l'enthousiasme, dans la joie de la rencontre avec le Seigneur, avec sa Mère et avec les saints (NB 1/1, 128).

 

1863. Rencontrer le Fils devenu homme

Il y a en l'homme quelque chose d'obscur qui s'intéresse au péché. Par le baptême, quelque chose entre en lui qui s'intéresse au contraire du péché et ceci provient de l'Esprit. Quand l'homme rencontre le Fils devenu homme et qu'il est atteint par son amour, ce quelque chose peut commencer à agir. Dans le baptême et dans l'Esprit Saint se trouve un point de départ pour l'action du Seigneur ; afin que l'homme puisse devenir vivant pour Dieu, les deux mouvements doivent se rencontrer en lui : celui de l'Esprit qui va de l'obscur à l'amour et celui du Seigneur qui va de l'amour à l'obscur (NB 6,84).

 

1864. Rencontre personnelle avec le Seigneur

Dans l'inspiration, il arrive aux hagiographes quelque chose qui ressemble à ce qui peut arriver aussi à un bon chrétien qui pensait pouvoir communier pour lui-même : tout d'un coup il remarque qu'il communie avec toute l’Église, pour toute l’Église, dans toute l’Église. Sa rencontre personnelle avec le Seigneur a une portée universelle (NB 6,456-457).

 

1865. Rencontrer le Christ et essayer d’aimer

Quand un homme pèche, il n'est plus dans l'amour de Dieu. Ni non plus dans le temps de Dieu. Mais si un homme est racheté pour l'amour chrétien, il fait de son temps éphémère quelque chose qui appartient déjà au temps éternel, dans son temps humain il participe à l'avance au temps éternel de Dieu. Car dès qu'il rencontre le Christ, il ne lui est plus permis d'aimer de manière limitée, il doit aussitôt se régler sur l'amour éternel. Il lui est permis alors de dire : j'essaie d'aimer selon la mesure divine, j'essaie de me laisser introduire par l'amour dans les lois divines. Mais ce serait encore trop vague, et c'est ici que le modèle de l'amour trinitaire devient actuel (NB 6,103-104).

 

1866. On ne peut jamais rencontrer le Seigneur dignement

Saint Jean de la croix (+ 1591). Même si on ne peut jamais rencontrer le Seigneur dignement, on lui est pour ainsi dire redevable de le rencontrer dans l'extase, dans laquelle je suis d'une certaine manière celui que je devrais être, non tel que je suis dans la vie de tous les jours où je ne suis qu'un pécheur commun (NB 1/1, 149).

 

1867. Sentiment de la présence du Christ

Le jour de son baptême, le 1er novembre 1940, à la consécration de la messe, Adrienne a pour la première fois un fort sentiment de la présence du Christ. La communion, la première de sa vie, est belle, mais elle ne laisse encore presque rien pressentir de ce que les suivantes devaient lui apprendre (NB 8, n.1).

 

1868. Possibilité de ne pas perdre le Seigneur de vue

On peut insérer tout le quotidien dans la croix. On sait que le Seigneur en fait ce qu'il veut, il sait ce qu'il prend et ce qu'il donne ; et dans la mesure où l'on est capable de vouloir, on est en mesure de courir simplement derrière lui, de se laisser tirer par lui, et moins on le fait avec ses propres possibilités de le suivre, plus on laisse au Seigneur de liberté d'action pour façonner notre marche vers la croix. Avant tout, c'est un chemin qui n'est pas divisé. On peut y vaciller, mais on ne peut pas perdre la direction. Il y a une boussole. Il y a la possibilité de ne pas perdre le Seigneur de vue malgré toute l'obscurité ; dans les pires circonstances on peut au moins se souvenir encore de son amour (NB 4,44).

 

1869. Rester dans l’axe du Seigneur

C’est par le don de soi qu’on doit rester dans l’axe du Seigneur. Si le don de soi est réellement chrétien, on y reste. Si le Seigneur vous a tout pris, on n’a pas la possibilité de se détourner de lui. Seul l’axe est important. C’est à lui qu’on doit faire attention et oublier ce qui a été donné (NB 4,79-80).

 

1870. Essayer de vivre dans la grâce du Seigneur

Les saints essaient de vivre dans la grâce du Seigneur et à sa suite avec la conscience de correspondre par là à l'amour, au désir, à l'exemple du Seigneur. La grâce trace un modèle et ils doivent tracer les lignes par dessus sans réfléchir. S'il ne nous est pas possible de nous pencher sur sa tunique pour chercher à approfondir l'ultime mystère de l'absence de couture, le croyant ne doit non plus se pencher sur lui-même, sur la singularité de son existence, pour découvrir la trace de l'un ou l'autre mystère le concernant. Et pourquoi le Père - qui sait tout de toute éternité -, pour l'amour de son Fils, n'augmente-t-il pas le nombre des saints qui l'entourent ? Pourquoi laisse-t-il le Fils entrer en contact avec tant de gens dont le vêtement est si déchiré et tellement en lambeaux ? Tout cela reste un mystère de vénération. C'est de la vénération que le pécheur doit avoir devant la vie et la destinée des saints ; de la vénération encore bien plus devant le caractère unique du Seigneur. La tunique du Seigneur et les saints font partie du mystère de Dieu Trinité qui accorde pourtant aux hommes un pressentiment de sa Trinité et un amour pour elle. Ce que les hommes peuvent entreprendre pour s'approcher de ce mystère finit toujours dans l'amour. Par amour, ils ont le droit de poser des questions, de chercher, de regarder ; par amour, Dieu leur donnera certaines réponses ; en dehors de l'amour, il n'y a pas de réponse, et la recherche n'est pas permise (NB 3,383-384).

 

1871. Vivre dans la lumière de la grâce

Saint Jean de la croix voit l’enfer sur terre. Il comprend l’enfer comme étant la recherche du Seigneur dans la nuit et l’abandon absolus. Pour lui, celui qui ne vit pas dans la lumière de la grâce est en enfer. Pour lui, l’enfer est comme l’état absolu dont s’approchent les états terrestres ; il prend l’enfer comme une idée pour expliquer la nature des tourments terrestres (NB 4,58).

 

1872. Ne faire qu’un avec le Christ

Saint Bernard. La souffrance qu'il a demandée, Dieu la lui accorde dans la contemplation de la croix. Il lui montre par exemple le Christ en croix et il le remplit en même temps d'une douleur démesurée. Il souffre dans une sorte d'identification avec le Seigneur. A cet instant, il n'est plus le pécheur qui se trouve en face du Seigneur. Depuis cette expérience, il sait beaucoup mieux qu'auparavant que c'est en ne faisant qu'un avec le Christ qu'il doit conduire les hommes à lui et les exhorter à la place du Christ. Il accomplit par là une mission qu'il voit à l'intérieur de la mission du Fils. L'existence du Christ parmi nous est le mystère où il puise la force de ses exhortations (NB 1/1, 425).

 

1873. Ne faire qu’un avec le Seigneur

Si on a compris que le Seigneur n'est rien d'autre qu'amour, on comprend aussi que tous ceux qu'il entraîne ne font qu'un avec lui (NB 6,306).

 

1874. Rendre service au Christ comme une épouse

Gertrude d'Helfta (+ 1302). Elle est épouse du Christ, mais d'une manière toute spirituelle : elle comprend que le fait d'être épouse consiste à rendre le service qui revient à une femme. Tout chez elle est situé dans le service et la prière. Le concept d'épouse du Christ n'a chez elle aucun arrière-goût sensuel. Là où commencerait la tentation sensuelle, elle n'a pas besoin de dire non alors seulement ; le non existe en elle comme déjà formulé et elle accomplit comme d'elle-même un acte de don de soi spirituel (NB 1/1, 445-446).

 

1875. Hadewych est toujours occupée du Seigneur et de ses affaires (NB 1/1, 93).

 

1876. Le Christ dans la vie

(De l’extase d’un saint). Je me trouve devant un rideau. Dieu est derrière le rideau. Chaque parole que j'entends est traduite en Dieu. Si tu dis "soif", je pense : soif du Christ ; si tu dis "faim", je pense : faim du Christ ; si tu dis "inquiétude", je pense : inquiétude du Christ. Richesse du Christ. Pauvreté du Christ. Et si j'entends "incroyance", je pense : l'incroyance et le Christ ; si j'entends "foi" : foi du Christ. Et la lumière est derrière le rideau. Et si tu dis "espérance", je pense : espérance du Christ. Amour : amour du Christ. Ô Christ, tu es derrière le rideau. Prends-moi, Seigneur, prends-moi, mais vite ! vite ! (NB 5,276-277).

 

1877. Posséder le Christ

C’est seulement dans le rayonnement de l’amour du Père que nous possédons le Christ, Marie et les saints (NB 8, n. 538).

 

1878. Mariage qui conduit à l’amour du Christ

Fête du Sacré-Coeur 1941. Le lointain passé d’Adrienne lui devint clair. Sa vie avec son premier mari lui fut présentée dans son sens propre et mise en ordre. Il lui fut montré comment tout cela l'avait conduite à l'amour du Christ (NB 8, n. 99).

 

1879. Il aime son prochain mais son amour a toujours aussi le Seigneur pour objet

Polycarpe aime son prochain, mais il l'aime en vertu de la prescription du Seigneur, il pense constamment à ce commandement ; il aime les autres non seulement de lui-même, d'homme à homme, son amour a toujours aussi le Seigneur pour objet. Son amour lui sert aussi à accomplir la parole du Seigneur, de sorte que cet amour ne court jamais le danger de devenir égoïste (NB 1/1,261).

 

1880. Chercher auprès du Fils l’amour du prochain

Charles Borromée (+ 1584). Son amour du prochain, il va le chercher entièrement auprès du Fils car, de lui-même, il serait plutôt enclin à éconduire, et il doit prendre beaucoup sur lui pour donner de la place à l'amour (NB 1/1, 300).

 

1881. Regarder l’amour du prochain avec les yeux du Christ

Le saint, qui est en quelque sorte converti à Dieu définitivement, reçoit pour son action des indications de deux côtés : des hommes et de Dieu, mais c'est Dieu qui a le plus d'importance, il apprend à voir le péché humain et à l'évaluer comme Dieu le voit, il apprend à regarder l'amour du prochain avec les yeux du Christ (NB 6,42).

 

1882. Le Fils et le commandement de l’amour du prochain

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ton Fils nous a donné le commandement de l'amour du prochain auquel nous ne comprenons rien tant qu'il ne nous est pas permis de saisir son amour comme amour du prochain. Et quand nous aimons notre prochain, nous pardonnons comme le Seigneur nous a montré la manière de le faire, et ainsi il peut aussi nous pardonner. Il nous pardonne donc par le commandement de l'amour du prochain (NB 3,127).

 

1883. Il aime d’autant plus les hommes qu’ils sont plus près du Seigneur

Savonarole (+ 1498). Il aime d'autant plus les hommes qu'ils sont plus croyants, qu'ils se trouvent plus près du Seigneur. Mais tout d'un coup une grande compassion le saisit à nouveau et il aime alors aussi ses ennemis et il voudrait en faire ses amis (NB 1/1, 297).

 

1884. Aimer le Fils et aimer son prochain

L'amour que le Fils nous donne à exercer est avant tout une réponse à son amour, qui a en même temps la forme de l'amour du prochain (NB 6,403).

 

1885. Auprès du Christ, pas de place pour les manques de charité

Alphonse de Liguori (+ 1787). Quand à l'occasion il a été trop violent, il a le sentiment d'avoir été infidèle à la vérité, car la vérité est pour lui le Christ finalement auprès de qui il n'y a pas de place pour les manques de charité (NB 1/1, 197).

 

1887. Il aime les hommes comme si chacun était le Christ

Saint François d'Assise. Les hommes lui réservent beaucoup de difficultés parce qu'il les aime tant qu'ils ont du mal à correspondre à cet amour. Il est capable de les aimer tous comme si chacun était le Christ lui-même. Il va vers les autres avec une telle ambition de pouvoir les aimer qu'ils n'y comprennent rien. Il ne peut s'habituer à tempérer son exigence. Cela répugne à beaucoup et il en souffre. Mais il est très engageant et les bons commencent peu à peu à comprendre. Tant qu'ils n'ont pas compris il souffre parce que, dans sa simplicité, il ne conçoit pas que quelqu'un ne puisse pas considérer le commandement de l'amour du prochain comme le plus pressant (NB 1/1, 83).

 

1888. Il veut seulement aimer

Las Casas (+ 1566). Il aime a priori : celui-ci qu'il connaît, cet inconnu, celui-ci dont il ne sait rien, celui-là dont il a appris quelque chose. Ainsi il les aime tous globalement en quelque sorte mais, dans cet amour, il sait qu'il a à représenter le Seigneur qui aime chacun personnellement. Et ainsi il met tout en jeu pour pouvoir aimer. Il se fait porteur de la parole, et la parole, c'est l'amour du prochain ; il ne connaît ni diplomatie, ni compromis. Il ne veut rien connaître au fond, il veut seulement aimer. Même quand il ne le dit pas, il agit au nom du Seigneur et de son commandement de l'amour(NB 1/1, 126).

 

1889. Voir un pauvre et penser à la pauvreté du Christ

Marie de l'Incarnation (+ 1672). Quand elle voit un pauvre, elle pense aussitôt à la pauvreté du Christ. Elle le sert et l'aide par amour pour le Seigneur sans aller jusqu'à penser qu'elle apporterait par là un bienfait au Seigneur lui-même. Dans son humilité, elle ne ressent toutes ses actions que comme un acte d'adoration (NB 1/1, 174).

 

1890. Expérience de l’amour de Dieu

Le commandement de l'amour du prochain, que le Christ édicte, est le véritable accès qu'il a créé pour que nous fassions l'expérience de l'amour de Dieu (NB 11,342).

 

1891. Jésus, notre chemin et notre vie

Si Jésus est notre chemin et notre vie, on ne peut certainement pas le connaître réellement si on ne partage pas un peu sa souffrance (NB 10, n. 2253).

 

1892. Le Fils donne aux hommes sa vision du Père

Quand Marie dit oui à l'enfant qui vient, elle met toute son existence dans ce oui. Et les présents des rois renvoient à ce oui. Entre les deux se trouve l'Enfant, Dieu devenu homme, qui apporte aussi tout ce qu'il a pour l'offrir en cadeau. En donnant sa vie aux siens, le Fils leur donne en même temps sa vision du Père (car en le voyant ils doivent reconnaître le Père), il la leur donne sous la forme de la prière et de l'adoration (NB 10, n. 2300).

 

1893. Relations à chacune des personnes en Dieu

Le rapport avec l’Esprit Saint est différent de celui qu’on a avec les deux autres personnes : on peut appartenir totalement au Père, on peut posséder totalement le Christ, lui appartenir totalement. Mais pour cela même, pendant longtemps encore on ne doit pas posséder l’Esprit Saint. L’Esprit est en quelque sorte l’ultime, l’accomplissement (NB 8, n. 454).

 

1894. Parler du Fils avec le Père

Mechtilde de Magdebourg (+ 1285). Prière avant son entrée au monastère : Notre Père, qui es aux cieux, tu nous a donné à tous ton Fils comme Époux. Je voudrais te dire pour cela ma gratitude. Mais, Père, je voudrais parler de ton Fils avec toi. Il y a peu de temps encore, il n'y avait entre nous, réciproquement, qu'amour et don de nous-mêmes, et chaque rencontre, chaque prière, chaque sacrifice offert pour lui, chaque vision, me rendait heureuse et me comblait. Et maintenant il me semble que toute rencontre est légèrement troublée. Quelque chose n'est plus juste, ton Fils ne semble plus être aussi content qu'avant ; il ne se montre plus avec le même visage ; je l'adore comme autrefois, je m'offre à lui comme autrefois, je cherche à l'aimer comme autrefois. Mais chaque fois il me semble qu'il me quitte déçu. Père, je t'en prie, parles-en à ton Fils et dis, toi, à ton Fils qu'il doit me montrer ce que je dois faire pour qu'il soit à nouveau content de sa jeune épouse. Je voudrais réellement tout faire, et je te le demande, laisse-le moi faire (NB 1/1, 439-440).

 

1895. Parler avec le Christ et l’écouter

La contemplation n’est entrée que peu à peu dans l’Église comme exercice particulier. Tant que le Christ est là, on ne peut pas contempler dans ce sens. Si le Christ était maintenant dans cette pièce, il ne me viendrait pas à l’esprit de fermer les yeux pour contempler ses paroles ou même pour lui adresser des prières. Je parlerais simplement avec lui et je l’écouterais. Mais une fois qu'il est parti, survient le sentiment d’un éloignement et commence alors le droit de la contemplation. Pas encore dans la première communauté. Celle-ci était encore toute hors d’haleine, encore toute sous la première impression. Elle n’avait pas du tout une vue d’ensemble de ce qui s’était passé, c’est pourquoi il y avait là des choses aussi éruptives que les charismes de Corinthe. Ce n’est que peu à peu que tout commença à se tasser et commença alors la contemplation (NB 8, n. 807).

 

1896. Une relation personnelle avec le Seigneur

Quiconque a un jour rencontré le Seigneur a la possibilité de devenir celui que Dieu a prévu. Donc de remplir sa mission, de s'éloigner de plus en plus du péché pour s'approcher toujours davantage du Fils. Mais cette approche du Fils ne se réalise pas de telle manière que lui, l'homme, s'approche pas à pas jusqu'à ce qu'il puisse toucher le Seigneur. Le toucher vient toujours du Seigneur. Ceci est à retenir. Mais ensuite, si je dois m'approcher pour devenir celui que Dieu veut que je sois, je dois simplement m'ouvrir. Et entrer avec le Seigneur dans une relation personnelle dans laquelle c'est lui qui a la préséance. Si je lui ouvre ma demeure, c'est justement parce que c'est sa demeure. Elle doit être sa demeure et le sera. Le tout en même temps: est, doit être et sera. Et ce n'est qu'ainsi, si je ne reçois pas seulement le Seigneur sous les espèces de la communion mais par ma vie, si je fais de ma vie une sorte de réception du Seigneur, que je deviens ce que Dieu a voulu faire de moi : un ami de son Fils, un frère de son Fils (NB 4,244).

 

1897. Le Fils facilite la conversation avec le Père

Il est en quelque sorte plus difficile pour nous de parler au Père que de parler au Fils parce que le Fils est devenu homme. C'est pourquoi le Fils nous facilite tellement la conversation avec le Père (NB 11,33-34).

 

1898. Ce que l'homme croyant rend au Seigneur va toujours au Père par le Fils (NB 11,26).

 

1899. Participer à la vie éternelle, c’est-à-dire participer à la vie du Fils (NB 9, n. 1272).

 

1900. Recevoir quelque chose du Seigneur

Eusèbe de Verceil ne fait pas du tout remarquer qu'il a reçu quelque chose directement du Seigneur (NB 2,129).

 

1901. Tous les chrétiens sont introduits dans la vie du Seigneur et des saints (NB 9, n. 1289).

 

1902. Le Seigneur est en toute lumière et en toute obscurité

Réflexion d’Adrienne : Si je sais bien que le Seigneur est en toute lumière, pourquoi est-il si difficile de savoir qu’il se trouve aussi en toute obscurité ?

 

1903. Accompagner le Fils dans ce qu’il a de plus ténébreux

Quand Jean de la croix est dans la nuit, souvent il ne peut pas trouver sa place. Il ne sait pas à quel point il est proche de tout en enfer. De l'enfer, Jean de la croix sait très peu de choses concrètes. Il ne connaît que l'abandon dont il ne cesse de faire l'expérience. Il sait qu'il est en enfer. Il sent qu'il a presque perdu Dieu par pur amour. Mais il ne peut pas rapprocher cela de l'enfer. Et pourtant cela aussi, c'est accompagner le Fils dans ce qu'il y a de plus ténébreux (NB 4,450).

 

1904. Plus on perçoit ce qu’est le Seigneur, plus on se sent pécheur (NB 8, n. 343).

 

1905. Elle voit le Christ en ceux qui souffrent

Sainte Élisabeth de Hongrie voit le Christ tout à fait réellement en ceux qui souffrent ; en ceux qui sont dans le besoin elle rencontre les besoins du Seigneur (NB 1/2, 59).

 

1906. Ici, j'ai rendu visite au Seigneur dans un malade, dans un prisonnier (NB 3,289).

 

1907. Voir le Christ dans un malade

Quand un saint accomplit une action, il peut être en même temps dans la contemplation la plus profonde. Ses motifs peuvent être enracinés là, mais aussi son action elle-même. Il peut se faire aussi que son action lui inspire sa contemplation : par exemple il peut soigner un malade et voir tellement le Christ en lui que la vue de ce malade devient pour lui contemplation. "Trouver Dieu en toutes choses" (NB 1/2, 25).

 

1908. Le Seigneur lui-même m'a préparé une place

Beaucoup de religieuses ont par exemple l'idée que chacune d'elles est une épouse du Christ ; elles ont renoncé au mariage et s'attendent à un certain mariage céleste avec le Christ, leur époux. Cent mille. Vu de la terre, c'est fort étrange. Mais au ciel, c'est élevé dans une tout autre sphère ; ce qui est personnel réside maintenant dans le fait que le Seigneur lui-même m'a choisi, m'a préparé et assigné une place où aboutissent toutes les représentations terrestres limitées (NB 4,185).

 

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1909. Partager la grâce reçue

P. Balthasar à Adrienne : Quand on suit le Christ, cela conduit aussi à ce que, de même que lui-même inclut les hommes dans son cœur, on peut de la même manière faire participer les hommes dans son cœur à la grâce qu'on a reçue (NB 8, n. 113).

 

1910. Partager le Seigneur

Vous n'avez rien à manger ici ? Je voudrais vous donner quelque chose à manger. Un gâteau. Il est vraisemblable que vous le partagerez quand même avec celui qui vous l'offre. Et si j'en mange un morceau avec vous, vous aimerez mieux ce qui vous aura été offert. Naturellement je ne vous offre pas le gâteau avec l'intention de le manger moi-même. Mais enfin, il est logique que j'en reçoive une part. Tout comme je m'attends à ce que vous l'acceptiez. Il en résultera une joie commune, dans la communauté aussi du repas. Et maintenant : si vous me donnez le Seigneur, je ne vais quand même pas le recevoir toute seule, je vous en donnerai quelque chose si je peux. Une part en retombera sur vous quelle que soit la manière dont je peux le recevoir (NB 4,204).

 

1911. Conversation du P. Balthasar avec Adrienne sur "coopérer" avec le Christ (NB 8, n. 128).

 

1912. Travailler avec le Christ

Il en est de l’aide qu’on apporte au Christ comme il en est de la manière de le suivre et de la foi : il n’y a pas de rang ; tous ceux qui travaillent avec le Christ, totalement, sont aussi proches de lui les uns que les autres ; très proches (NB 8, n. 181).

 

1913. Rapprocher l’homme de Dieu

Saint Bonaventure. Sa mission est de rapprocher l'homme de Dieu par le Dieu-Homme, mais pas un Dieu incontestable, qui apparaît directement dans le Christ, c'est Dieu Trinité dans son mystère (NB 2,85).

 

1914. Ne pas se contenter d’unir les hommes au Christ

Il y a des saints qui se contentent d'unir les hommes au Christ, l'Esprit alors n'a pas son compte. Il y a des saints qui en savent trop peu au sujet de la Trinité de Dieu. Ils sont dans l'amour, ils veulent l'amour, tout leur christianisme consiste en l'amour. Mais quelque part il leur manque la connaissance intime de la Trinité de Dieu. Ils ont lié leur amour aux hommes et ils amènent les hommes au Fils. Ce faisant, ils voient trop peu le grand mouvement trinitaire d'où vient l'amour. Ils devraient apprendre à rendre leur amour trinitaire en sa profondeur. Ne pas se contenter d'unir les hommes au Christ, l'Esprit alors n'a pas son compte (NB 2,115).

 

1915. C'est si beau d'amener des âmes au Seigneur (NB 3,126).

 

1916. De tous ceux qui l’aiment, le Seigneur fait ses serviteurs

Las Casas (+ 1566). Avec l’amour qui est exigé de chacun et qui a à s'éteindre à tous, il ne sait rien commencer tant qu'il n'a pas saisi qu'il a son fondement dans l'amour pour le Seigneur, que le Seigneur aime chacun par chacun, qu'il agit par chacun de ceux en qui il habite, qu'il ne fait pas acception des personnes pour autant que de tous ceux qui l'aiment il fait ses serviteurs et qu'il reçoit leurs services d'une manière comme anonyme afin que l’Église se maintienne (NB 1/1, 125).

 

1917. On pourrait aider le Seigneur

Le chemin de croix du Christ et la croix sont deux choses différentes. Le chemin de croix est un chemin. Là, on va d’une station à l’autre. Il se passe beaucoup d’humain, de physique. Ce n’est pas l’état définitif. Humainement parlant, ce n’est pas encore non plus sans espoir. Mais une fois que le Christ est cloué sur la croix, c’est la fin : l’absence d’espoir et de mouvement. Il n’y a plus d’issue. Tant que le Seigneur se trouve sur le chemin, humainement parlant, il y a encore pour lui une espérance. Des hommes pourraient lui venir en aide. C’est ici notre place. Si, à ce stade de la souffrance du Christ, le monde n’était pas aussi vide, sourd, muet et indifférent, il pourrait lui épargner le reste du chemin. Il est terrible de voir qu’on pourrait aider le Seigneur et qu’on ne le fait pas (NB 8, n. 452).

 

1918. Conduire les hommes à Dieu par la parole du Seigneur

Thomas a Kempis (+ 1471). Il apprend toujours plus profondément non seulement que Dieu a besoin de plus d'amour, il apprend aussi les voies que Dieu utilise pour entretenir la prière. Et ces voies sont étroitement rattachées aux voies des premiers apôtres qui vivaient jour après jour de la parole du Seigneur et qui, après l'ascension également, étaient constamment conduits par la parole entendue et expérimentée. Ainsi il veut conduire toujours davantage les hommes à Dieu par la parole, les amener à la prière par la parole. Le "Livre de l'Imitation" doit être une voie à cet effet, il doit ouvrir l'esprit humain à l'essentiel qui est de suivre le Christ, le remplir de la prière, l'initier à la présence de Dieu (NB 1/1, 109).

 

1919. Ne souhaiter à son prochain rien d’autre que de rencontrer le Seigneur

Joseph de Copertino ne peut souhaiter à son prochain rien d'autre que de rencontrer le Seigneur, et il ne peut rien faire d'autre que de le recommander au Seigneur, de le lui présenter pour qu'il le guérisse, le sanctifie, le sauve (NB 2,155).

 

1920. Pousser à suivre parfaitement le Christ

Rupert de Deutz (+ 1129/30). Il voit que le monde ne peut être sauvé que par le Christ et il voudrait mettre en évidence l'actualité de ce salut. Il voit pour cela un moyen : vivifier la suite du Christ, mais aussi l'ordonner, c'est-à-dire montrer des chemins, répartir les tâches et pousser à suivre parfaitement le Christ quiconque voudrait s'engager (NB 1/1,70).

 

1921. Aider les autres à servir

P. Vallée o.p., confesseur au carmel de Dijon (+ 1927). Dans sa prière, il s'investit pour lui et pour les autres, il implore de pouvoir mieux suivre le Christ. Il voudrait servir le Seigneur sérieusement et il reconnaît lentement que son service inclut d'aider les autres à servir, qu'il doit s'occuper le plus possible d'éveiller l'esprit des autres, de chacun, dans le sens du Seigneur. Il ne pense pas à une grande réforme des couvents ou de son ordre propre, mais surtout à tous ceux qui suivent le Christ et dont il doit prendre soin (NB 1/1, 232).

 

1922. Offrir l’amour du Seigneur

Saint François d'Assise. Quand il offre à un pauvre son amour personnel, il offre aussi en esprit en même temps l'amour du Christ. Mais pas plus qu'il ne confond ses mains avec celles du Seigneur, il ne confond son amour avec celui du Seigneur. Il est si bien en mission qu'il sait que l'amour qu'il a à offrir n'est pas du tout le sien mais l'amour du Seigneur. Cela ne le fait pas vivre d'une manière impersonnelle, au contraire ; son amour n'en devient pas général et moyen. Il se tient proche de l'amour de Jean pour le Seigneur (NB 1/1, 83-84).

 

1923. Apprendre aux autres à aimer le Seigneur

Sainte Claire introduit ses sœurs dans sa manière de prier. Elle leur décrit le Seigneur de manière si réelle, avec un amour si senti, que les autres apprennent par cet amour à voir et à aimer le Seigneur. François et Claire possèdent la mission commune de concrétiser l'amour pour le Seigneur (NB 1/1, 85).

 

1924. Donner le Seigneur aux autres

Vous êtes chrétien ? Que donnez-vous à la personne que vous aimez le plus ? Le Seigneur, n'est-ce pas ? De lui, vous n'avez sans doute qu'une vague idée. Vous offrez donc votre vague idée. Et pourtant vous sa que votre don est beaucoup plus grand que vous ne le pressentez. Pour vous et pour les autres, il peut avoir des conséquences telles que vous n'avez aucune idée de ce que vous avez donné en vérité (NB 4,203).

 

1925. Enrichi pour les autres

Quand saint Étienne apprend quelque chose de nouveau dans sa foi, quand il comprend quelque chose, c'est chaque fois pour lui comme une confirmation que la grâce lui donne et sur quoi il n'a pas de question à poser. Il se sent enrichi, mais non pour lui personnellement : pour les hommes, et en même temps pour rendre visible la mission du Fils sur la terre (NB 1/1, 260).

 

1926. Porter la présence du Christ dans le dernier lieu de la souffrance

Édith Stein (+ 1942). Le martyre est le couronnement de sa mission, l'entrée dans un anonymat encore plus grand : elle va porter la présence du Christ dans le dernier lieu de la souffrance (NB 1/1, 250).

 

1927. Le prochain : un frère qui lui est confié

William Faber (+ 1863). Il voit dans son prochain le frère qui lui est confié ; et dans le Seigneur il voit le frère qui lui montre qui est Dieu (NB 1/1, 209).

 

1928. Écrire pour que les cœurs soient embrasés par l’amour du Christ

Rupert de Deutz (+ 1129/30). Il s'emploie à écrire sur Dieu Trinité, sur le Christ, sur l’Église, de telle sorte que les cœurs de ceux qui seront ainsi contactés soient embrasés de l'amour du Christ et ne peuvent plus faire autrement que de rendre les armes. Non dans une soumission passive, mais activement, aussi bien dans le sens de la contemplation que de l'action extérieure (NB 1/1, 70-71).

 

1929. Demander pour les autres une grâce au Seigneur

Nous pouvons demander au Seigneur d’une manière tout immédiate une grâce pour les autres et elle peut être accordée par lui de manière tout aussi immédiate ; quelque chose alors se réalise qui ne se serait pas fait autrement (NB 8, n. 659).

 

1930. Toute parole du chrétien

Toute parole du chrétien, à la mesure de sa pureté, a part au Verbe de Dieu (NB 9, n. 1102).

 

               Les missions dans l’Église

 

1931. Toutes les missions participent à la mission du Christ (NB 2,72).

 

1932. Le Seigneur est l'origine de toutes les missions ecclésiales (NB 4,210).

 

1933. Les premières missions chrétiennes 

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles ; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur l'ordre de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle. Ils montraient par là aux charismes ultérieurs ce que veut dire avoir une mission et combien celle-ci fatigue l'homme et le réclame et le rend responsable. Quand Paul parle du Seigneur - déjà à une certaine distance des évangélistes étant donné qu'il n'avait pas fait l'expérience de la vie terrestre du Seigneur -, il le fait pourtant à partir de l'expérience quotidienne qui est la sienne de porter en lui la parole, à partir d'un zèle qui se déploie totalement selon la parole. Cela ne lui fait rien de ne pas saisir et de ne pas transmettre la parole en relation avec la chronologie terrestre de la vie de Jésus ; il le fait selon les besoins de sa mission (NB 10, n. 2242).

 

1934. La mission qui vient du Seigneur

Une mission dans l’Église est toujours une affaire composée de deux parties. Une partie vient toujours du Seigneur, est adaptée au Seigneur. Cette partie est toujours en même temps sur terre et au ciel. Une partie de cette mission opère aujourd’hui quand opère l’envoyé, une partie demain quand sa mission aura des répercussions après sa mort (NB 4,65).

 

1935. La mission participe à la vie du Seigneur

Toute mission est comme une pierre vivante, elle participe à la vie du Seigneur. Dès que quelqu'un veut faire de sa mission quelque chose qui lui est propre, cette vie du Seigneur se perd. La mission devient une pierre morte qui n'est plus bonne qu'à paver l'enfer (NB 4,155).

 

1936. Une mission qui provient des mains du Seigneur

La bienheureuse Agnès de Jésus o.p. (+ 1634). Très souvent, dans la vision, elle expérimente sa mission comme provenant des mains du Seigneur (NB 1/1, 178).

 

1937. Les ministères ne peuvent être exercés qu’en ne faisant qu’un avec le Seigneur

Le Seigneur abrite tout en lui. Il a en lui le ministère de Pierre et l'amour de Jean et les fonctions d'un chacun. Il les leur a certes distribuées mais de telle manière qu'ils ne peuvent les exercer qu'en ne faisant qu'un avec lui (NB 4,426).

 

1938. Le prêtre transmet ce qu’il a reçu

Celui qui, dans l’Église, interprète la Parole du Seigneur dans son Esprit est fécondé par le Seigneur. Et, surtout s'il est prêtre, il transmet ce qu'il a reçu de manière féconde (NB 4,382).

 

 

               Les conseils évangéliques

 

1939. Plénitude de la vie consacrée

La plénitude de la vie consacrée à Dieu est atteinte par les conseils évangéliques, par l'observation de ce que le Fils accorde à ceux qui veulent faire un plus, qui sont donc liés à sa nature d'être Parole du Père, comme lui-même, en tant qu'étant cette Parole, ne connaît pas d'autre fonction ni d'autre sacrement que de demeurer dans l'accomplissement de la volonté du Père (NB 4,353).

 

1940. Suivre les conseils évangéliques

Celui qui se conforme au Fils et à sa Mère en suivant les conseils évangéliques met sa vie tâtonnante et souvent défaillante dans la vie déjà éternisée du Seigneur et de sa Mère comme une partie intégrante d'une vie déjà intégralement dans le ciel (NB 10, n. 2357).

 

1941. Sacerdoce et état religieux : sur le chemin du Christ pauvre, obéissant et vierge

Ce n'est pas par hasard que l’Évangile prévoit fondamentalement deux états et non pas trois, les deux étant marqués par une consécration sacramentelle. Pour ceux qui, par leur propre faute, ne se consacrent pas une bonne fois à une tâche chrétienne pour toute la vie, il n'est pas prévu de huitième sacrement. De quelle manière le oui à la vie consacrée participe au sacrement global des noces du Christ et de l’Église, il n'est pas nécessaire de l'examiner ici, ni non plus de quelle manière le sacerdoce chrétien accomplit un sacerdoce déjà présent dans l'Ancien Testament. Ce qui est important, c'est que le sacerdoce et l'état religieux se sont placés définitivement sur le chemin du Christ pauvre, obéissant et vierge, lui qui conduit la création de son existence mortelle à la résurrection et à la vie éternelle (NB 6,539).

 

1942. Les ordres religieux

Les différents ordres religieux. Il est tout à fait possible de tout fonder sur la réalisation d'une parole isolée comme le fait François avec sa pauvreté : elle est alors aussi bien la forme de vie extérieure que la forme intérieure de la prière. La prière contemplative des franciscains est marquée par la pauvreté évangélique. Même si en général elle a en propre un certain enthousiasme, on peut sans cesse la ramener intellectuellement et spirituellement à ce seul terme. Il y a aussi l'esprit d'un ordre qui ne voit dans la Parole que l'adoration en esprit et en vérité, et l'esprit d'un autre ordre qui voit comme central dans la Parole l'envoi et la prédication ; il y a Ignace qui voudrait garder en même temps sous les yeux toute une gamme de nuances. Tous ces "esprits" sont justifiés dans la mesure où ils s'appuient sur la Parole de l’Écriture. "Veillez et priez", conduit à la contemplation. "Allez et proclamez" conduit à l'action. "Suis-moi" unit les deux. On peut d'une part se concentrer sur un mot, d'autre part développer, à partir d'un mot, beaucoup de possibilités. L'essentiel en tout cela est que l'Esprit - en tant que gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture - sait pour chaque époque de l’Église et du monde créé ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu ; de la sorte, il inspire un nouvel accès visible à la vie trinitaire sous la forme d'une règle nouvelle. A vrai dire, il n'y a pas tellement de différence entre ce qui est vraiment actuel aujourd'hui et ce qui l'était au temps du Christ ; il ne s'agit pas de la culture moderne, il y a le fait que le Rédempteur est venu et que nous vivons dans la tension entre notre péché et son œuvre de rédemption (NB 6,548-549).

 

1943. Une vie consacrée

Le Fils éternel devenu homme fait éclater le mariage en ce sens qu'il est né d'une vierge, qu'il reste vierge et qu'il institue un mode de vie où l'on se met à sa suite dans la virginité en vue de la fin des temps (dans cette manière de voir, le sacerdoce et le célibat, et finalement toute la vie consacrée, sont vus comme ne faisant qu'un). Mais la préséance de la virginité ne dévalorise pas la vie de couple, car on ne peut pas plus nier le commencement du monde et de chaque homme et de tout l'ordre de la création que le fait que le monde se dirige vers sa fin ; on ne peut pas plus nier la mission de vivre que la mission de mourir, on ne peut pas simplement sacrifier la mission concernant la vie présente à la mission qui vise l'au-delà (NB 6,538).

 

1944. Suivre le Christ totalement

Au commencement, Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde pour qu'ils le gèrent, et cela en toute liberté. L'homme doit organiser librement le domaine que Dieu lui a confié. Quand le Fils arrive comme Sauveur, il ne rétablit pas seulement la liberté de l'homme déchu, il l'élargit à la perspective de la vie éternelle. C'est dans cette liberté élargie dans un sens chrétien, que se prend la décision pour un des modes de vie consacré par un sacrement. Car l'homme ne doit pas laisser sa liberté se perdre dans le vide ni la gaspiller dans des choses qui ne mènent nulle part, il doit la mettre dans la lumière de la révélation chrétienne pour un but plus élevé : choisir un état de vie qui vaut la peine d'être vécu en présence de Dieu Trinité parce qu'il se met au service d'une tâche assignée par Dieu. Et bien sûr, dans son choix, l'homme tiendra compte de sa nature et de ses aptitudes, en ce sens que ses dispositions l'orienteront dans une direction, ou aussi dans la mesure où ses responsabilités dans l’État et la société sont déjà si bien établies qu'il ne puisse s'en dégager pour assumer une autre responsabilité. N'en restent pas moins l'appel du Seigneur à le suivre et la claire gradation des états de vie qu'il a apportés aux disciples et au jeune homme riche. Suivre le Christ totalement représente une valeur que ne possède pas le mariage, car cela permet de se tenir disponible pour chaque besoin du Seigneur et du royaume de Dieu (NB 6,539-540).

 

1945. Tout vendre pour suivre le Christ

Didyme l'aveugle (+ 398). Le fait qu'il soit sans lumière est devenu pour lui par Dieu un chemin vers Dieu. C'est pour lui comme le symbole du fait qu'on doit tout vendre pour suivre le Christ et que Dieu peut encore aider à ce qu'on vende tout en s'appropriant aussi ce qu'on n’est pas en mesure de donner soi-même et qui ressemble quand même encore à une possession (NB 1/1, 52).

 

                Les saints

 

1946. Dieu fait don de sa sainteté par le Fils

Dieu Trinité a fait don aux hommes de sa sainteté par le Fils afin qu'ils deviennent saints dans l'Esprit (NB 3,343).

 

1947. Le Seigneur et les saints

Il ne servirait à rien d’étudier un saint isolément et de le présenter dans ce qu’il a d’unique, de le décrire comme digne d’être imité, si en même temps on ne le présentait pas absolument comme une porte particulière d’accès à la plénitude du Seigneur, par laquelle nous comprenons plus profondément quelque chose du Seigneur. Tous les saints doivent laisser transparaître le Seigneur ; c’est lui qu’on doit voir, éclairé par les saints. Mais en même temps ils doivent avoir leur lumière, leur forme, leur relief afin que tout ne se dissipe pas dans la forme du Seigneur, sinon ils ne rempliraient pas la tâche qui est la leur de renvoyer au Seigneur (NB 9, n. 2022).

 

1948. Le Seigneur est toujours plus que les saints

Le Seigneur était aussi humble que la petite Thérèse, mais quand il purifia le temple il était aussi violent que la grande (Thérèse). Dans ses réponses, il était aussi avisé qu'Ignace. C'est avec les pierres à bâtir des saints qu'on compose une image approchante du Seigneur ; approchante, car naturellement le Seigneur est beaucoup plus grand et autrement. Le Seigneur ne cesse d'être toujours plus que ces saints (NB 4,434).

 

1949. Il y a des saints chez qui l'Esprit développe surtout l'amour pour le Fils (NB 6,93).

 

1950. La sainteté apparut comme un bloc unique dont le centre est le Seigneur (NB 1/2, 18).

 

1951. Par la grâce du Seigneur, ils sont devenus saints

Il y a ceux qui ont péché et qui, par la grâce du Seigneur, sont devenus saints en tant que convertis (NB 3,290).

 

1952. Ressemblance de Louis de Gonzague avec le Seigneur

Saint Louis de Gonzague a une ressemblance avec le Seigneur dans le fait qu'il est constamment si obéissant que Dieu lui fait continuellement le don de sa proximité, et là où Dieu laisse ses traces - que ce soit le Père, le Fils ou l'Esprit - Louis les reconnaît. Il n'a pas besoin de les voir de ses yeux et de les toucher de ses doigts, mais il les reconnaît comme le chemin de Dieu, avec une sorte de sûreté surnaturelle du chemin et de son existence. Mais aussi parfaite que soit cette connaissance, elle n'atteint naturellement pas celle du Fils. Quelqu'un pourrait dire : je ne vois pas les traces de l'Esprit, mais je vois bien celles de l'esprit malfaisant. Il montrerait par là qu'il a perdu le sens de Dieu et qu'il est un grand pécheur. Un autre pourrait dire : je ne vois rien tout simplement. Ce ne serait peut-être pas un grand pécheur, mais quelqu'un qui est endormi, quelqu'un qui ne s'entraîne plus, quelqu'un pour qui l'obéissance et la foi signifient quelque chose de tout à fait secondaire (NB 4,159).

 

1953. Un saint sur terre 

Un saint sur terre connaît de sa sainteté ce que le chrétien connaît de lui-même. Par la grâce du Christ, il est dans la main de Dieu, la foi le protège pour l’empêcher de se perdre. Il doit vivre sa foi de manière active, mais il doit aussi la laisser opérer en lui de manière passive (NB 9, n. 1607).

 

1954. Le Christ le considère comme un de ces petits qu’il invite

Saint Martin (+ 400). Il présente à Dieu tout ce qui lui tient à cœur avec le sentiment que Dieu l'exaucera, et Dieu l'exauce constamment parce que le Christ le considère comme un de ces petits qu'il invite et appelle auprès de lui. Il ne peut pas lui refuser une demande. Sa prière est bonne et pleine d'amour, et il n'a pas besoin de s'introduire dans la prière ni de s'y faire introduire ; toute sa vie est prière (NB 1/1, 271).

 

1955. Son don de lui-même : une réponse au Seigneur

Charles de Foucauld. Son don de lui-même est une réponse au Seigneur, un merci pour le don de lui-même qu'a fait le Seigneur, la promesse aussi de ne jamais considérer son propre don de lui-même comme quelque chose de personnel, mais de le tenir d’emblée disponible pour que le Seigneur puisse en façonner un nouveau don de soi, de nouvelles missions qui seront toutes marquées du signe de la croix et qui chercheront toutes à rendre une force et une actualité nouvelles au mystère de la rédemption de tous les hommes par la croix, au mystère de la rédemption de l'humanité (NB 2,110).

 

1956. Les saints et le style mignon

On cherche trop souvent à styliser les saints et leur rôle pour en faire des patrons devant servir de modèles selon les besoins et les opinions régnantes d'une époque. On a donné à la petite Thérèse le style mignon, on a fait de même avec d'autres saints, peut-être même avec le Seigneur lui-même et avec ses paroles (NB 1/2, 24).

 

               Le refus

 

1957. L'amour du Christ : nous le repoussons toujours (NB 3,39).

 

1958. Le Christ : pourquoi nous ne pouvons pas l'aimer ?

Le Christ. Pourquoi nous ne pouvons pas l'aimer? Nous prétendons l'aimer et nous ne faisons pas sa volonté. Intérieurement nous ne nous soucions pas de lui. Après lui avoir juré une fidélité éternelle, nous l'oublions au bout de vingt minutes. Il nous gêne. Nous le ressentons au milieu de nous comme un étranger. Notre amour pour lui a quelque chose d'artificiel : ce n'est pas l'amour simple, total, joyeux, que nous manifestons d'habitude à quelqu'un (NB 3,51-52).

 

1959. Ne pas entendre la voix du Seigneur

Sainte Madeleine de Pazzi sait que le péché originel est par exemple la possibilité de ne pas aimer ou la possibilité de ne pas entendre la voix du Seigneur (NB 4,289).

 

1960. Rester sourd à l’appel de suivre le Christ

Il y a tous ceux qui sont restés sourds à l'appel : l'appel au sacerdoce ou à l'état religieux, ou au baptême, ou à l’Église, ou à n'importe quelle manière de suivre le Christ (NB 3,60).

 

1961. Faire la sourde oreille à un appel du Seigneur

Un homme à qui nous transmettons l'appel du Seigneur et qui fait la sourde oreille est plus pécheur que si on ne le lui avait pas transmis. Mais nous devons transmettre (NB 3,173).

 

1962. Dire non à l’appel du Seigneur

Un homme peut être dans la grâce ; le Seigneur l’a appelé et il a dit non (NB 4,327).

 

1963. Dire non au Seigneur

Ce n'est pas la même chose de dire non au Seigneur à la fleur de l'âge - et donc dans la pleine force de la négation - ou dans la vieillesse, dans le maintien figé de la négation (NB 4,328).

 

1964. Dire non à une vocation

Un homme peut dire non au Seigneur, par exemple à une vocation au sacerdoce, et par là faire le malheur de toute sa vie. Mais ce non unique ne suffit pas pour l'envoyer en enfer. Avant que quelqu'un soit en enfer, il est souvent interrogé, il est sans fin interrogé. Le chemin qui mène enfer consiste en une longue suite de questions que le Seigneur lui a adressées et auxquelles il n'a pas répondu (NB 4,19-20).

 

1965. Mettre un mur entre soi et le Christ

Il y a tous ceux qui mettent un mur entre eux et le Christ, et alors ils ne peuvent plus entendre (NB 8, n. 600).

 

1966. Un mur contre le Seigneur

En toute rencontre avec le Seigneur, il y a le moment inquiétant où je remarque que je suis transformé. Je deviens quelqu'un que je ne domine plus. Il me prend. Cela peut devenir très inconfortable. Je fermerai toutes les fenêtres qui auparavant étaient ouvertes au Seigneur. Si je me dis oui à moi-même, je deviens un mur. Un mur contre le Seigneur. Je n'ai plus de rapport avec le Seigneur. Je peux toujours me barricader encore davantage. Je ne peux rien faire d'autre. Je suis incapable d'ouvrir, je ne peux que fermer (NB 4,244-245).

 

1967. Se décider contre le Seigneur et pour moi

Si je n'ai pas le courage de faire profession de la croix, c'est-à-dire de me soumettre avec le courage de l'humilité, de l'abandon - et l'abandon est ce qui est le plus difficile si je suis intelligent ; l'intelligence jumelée à une parfaite humilité est très rare, elle est le signe de la sainteté -, si je n'en suis pas capable, je dois justement alors me décider contre le Seigneur et pour moi (NB 4,226).

 

1968. Ne rien vouloir savoir du Christ

Il y a des hommes qui ne veulent rien savoir du Christ et qui se défendent contre son amour (NB 8, n. 709).

 

1969. Le refus du Christ par tous les hommes (NB 8, n. 713).

 

1970. L’amour du Christ rencontre la haine du monde

« La lumière brille dans les ténèbres ». Lumière et ténèbres comme amour et haine. L’amour du Christ rencontre la haine du monde (NB 9, n. 1110).

 

1971. Le Seigneur est peu recherché pour lui-même

C’est en étant recherché par les hommes que Charles Borromée apprend à quel point le Seigneur est peu recherché pour lui-même. Il voudrait souvent être un pauvre et un persécuté pour mieux rester en compagnie du Seigneur (NB 2,148).

 

1972. Là où rayonne la vérité du Seigneur, elle dissout le mensonge (NB 2,240).

 

 

               176 La prière

                           (Le Fils et la prière – Approches de la prière – Quelques prières)

 

                         Le Fils et la prière

 

1973. Le Fils est venu sur terre pour nous apprendre à prier (Littéralement : il est venu apporter le recueillement – Andacht - sur terre) (NB 1/1, 153).

 

1974. Le chemin du Fils s'ouvre constamment à celui qui prie (NB 2,218).


 

1975. Prier le Christ homme : le Christ comprend

Pseudo-Macaire (+ 390). Pour lui, le Christ est surtout l'homme qui a vécu sur terre parmi ses semblables ; il lui expose ses préoccupations et il a alors le sentiment d'être aidé : le Christ homme le comprend, lui, son prochain, et Dieu dans le Christ peut l'aider (NB 1/1, 47).

 

1976. Être avec le Seigneur

Costante Maria Castreca (+ 1736). Elle connaît un besoin de prière ; elle veut être avec le Seigneur, absolument, et elle veut tout lui apporter (NB 1/1, 193).

 

1977. Se remettre entre les mains du Seigneur

L’empereur Henri II (+ 1024) serait enclin à faire de petites prières, à accomplir de petits exercices de pénitence, à éviter de petits péchés, à consacrer de petits temps au Seigneur. Mais il voit que cela ne sied pas à sa situation, qu'il doit se remettre entre les mains du Seigneur dans la seule manière de le suivre que Dieu attend de lui (NB 1/1, 64).

 

1978. Rendre compte au Seigneur de son travail

Pierre Damien (+ 1072) : il doit se présenter devant le Seigneur comme un disciple qui rend compte de son travail (NB 1/1, 67).

 

1979. S’approcher du Fils dans la prière 

Véronique Giuliani (+ 1727). Pour chaque prière, elle a l'habitude de s'approcher du Fils comme le fait par exemple un enfant vis-à-vis de sa mère quand il se réjouit non seulement de trouver sa mère, mais de la voir, de la sentir, de la regarder, quand il est heureux non seulement d'avoir sa mère devant lui, mais qu'elle soit exactement telle qu'elle est. C'est un plaisir enfantin. Quand Véronique s'est ainsi remis en esprit que le Christ est là, elle s'attend à ressentir en plénitude l'atmosphère de Dieu. Ce n'est que lorsqu'elle est sûre de se trouver devant le Seigneur et personne d'autre qu'elle commence à prier à proprement parler et à s'offrir elle-même et à offrir le monde dans sa prière (NB 1/1, 154).


 

1980. Se souvenir du Seigneur

Saint Joseph de Copertino. Tout ce qu'il fait dans son travail est pour lui une inspiration : chaque balai qu'il prend en main, chaque poussière qu'il essuie, chaque chaise sur laquelle il est assis, chaque repas qu'il prépare : tout lui fait accompagner la vie du Seigneur dans la prière. Celui qui a perdu un être qu'il aimait beaucoup, il le voit partout : c’était son vêtement, ces yeux ressemblent à ses yeux, le même œillet fut un jour à sa boutonnière. Mais pour Copertino, tout cela n'est pas un souvenir nostalgique, c'est une proximité humblement reconnue : c'est Lui qui est là ! Tout est en Dieu (NB 2,156).

 

1981. La réalité du Seigneur se révèle à lui par la prière

Quand Joseph de Copertino accomplit une action quelconque, quand il aide ses frères, donne des ordres, tout lui paraît seulement n'être qu'un symbole qui en lui-même est petit et insignifiant parce que ce qui est le plus important, c'est la réalité du Seigneur qui se révèle à lui par la prière (NB 2,155).

 

1982. Porter le Mauvais au Seigneur

Pour Joseph de Copertino, ce qui est démoniaque et tentant devient fantomatique. Ce n'est plus là que pour être vaincu par le Seigneur. Lui-même ne se sentirait aucunement capable de venir à bout du Mauvais ; mais où qu'il le rencontre, il le porte aussitôt au Seigneur pour le placer sous sa bénédiction secourable qui répare tout, sous sa rédemption toute-puissante (NB 2,155).


 

1983. Entrer en conversation avec le Seigneur

Que fait le chrétien ? Il se dirige vers la croix. Quand il commence à croire tellement que la foi n'est plus pour lui une formalité, il cherche à entrer en conversation avec le Seigneur. La conversation a une caractéristique étrange : elle s'épanche le mieux dans le silence. Et c'est par le silence que s'éclaire la parole (NB 3,208).

 

1984. Prier avec ce qu’il sait du Christ

Saint Barnabé a une prière contemplative en se tenant fort à ce qu'il sait du Christ et de sa vie terrestre pour le placer sans cesse au milieu de scènes célestes et pouvoir le contempler ainsi (NB 1/1, 37).
 

1985. Une prière qui n’a pour contenu que le Seigneur

Il est une prière qui profite à toute l’Église et qui n'a plus pour contenu ni soi-même, ni nos proches, mais seulement le Seigneur (NB 2,172).

 

1986. Prier avec le Fils

En contemplant la prière de la Parole divine (le Fils), il nous est permis aussi de lui lancer une parole comme une balle : il la reprend dans sa grâce et montre comment on peut prier avec ce mot. Le mot 'amour' ou le mot 'prière' ou le mot 'oui' ou le mot 'envoi' ou le mot 'obéissance' : ces mots étaient tout d'abord, dans la sphère humaine, pauvres et secs, de simples mots ; quand ils sont repris, il sont nourris par l'amour du Fils pour le Père, ils reçoivent des significations qu'on ne voyait pas auparavant, ils grandissent pour devenir toute une prière du Fils au Père par le fait qu'ils deviennent la vérité du Fils qu'il offre au Père et qui ne fait qu'un avec la vérité trinitaire telle qu'elle provient du Père et lui est renvoyée par le Fils en cadeau pour qu'il s'en charge. Un mot que le Fils confie au Père n'est jamais perdu, il garde la plénitude qu'il avait lorsqu'il le lui a remis. Si nous remettons au Fils notre mot, la distance qu'il y a entre lui et nous reste toujours aussi évidente. Mais cette distance ne nous sépare pas de lui, elle nous unit à lui, puisque le Seigneur nous montre tous les germes qui sont contenus en chaque mot de la prière : ils ne peuvent éclore qu'en lui qui est la Parole elle-même (NB 5,235-236).

 

1987. Se laisser déterminer et remplir par le Seigneur

Quelque chose du sens fondamental de la prière : la prière n'est pas avant tout mon activité, dont je détermine et remplis moi-même la teneur, elle est l'offre que je fais de me laisser déterminer et remplir par le Seigneur (NB 6,368-369).

 

1988. Adopter les pensées et les désirs du Fils

Quand on prie, on sait que la plus grande partie de la prière est un cadeau. Même quand on dit quelque chose d'aussi connu et d'aussi employé que le Notre Père, même si on est convaincu qu'on a pris soi-même la décision de prier et qu'on s'est personnellement recueilli dans sa chambre pour adopter les pensées et les désirs du Fils, on perçoit quand même tout de suite que tout nous est donné. Chaque mot représente beaucoup plus que ce qu'on ne saura jamais, chaque mot a une ampleur qu'on ne pourra jamais lui donner soi-même, Dieu doit l'entendre divinement et ainsi seulement en faire un mot pour lui. Et s'il ne nous est pas donné de voir la forme et le contenu que la prière reçoit auprès de Dieu, on sait quand même que cette transformation a lieu et qu'elle est un pur don. La source de laquelle tout découle, qui donne forme à tout, se trouve en Dieu, on le devine soi-même (NB 6,287).

 

1989. Régler nos besoins sur ceux du Seigneur

L’apôtre Philippe prie beaucoup pour discerner comment il doit appliquer, réaliser, l'enseignement du Seigneur. Quand, dans sa prière, il s'adresse au Seigneur, il a toujours tout de suite quelque chose à lui demander. Dans sa prière, il ne contemplera jamais Dieu Trinité, il contemplera le Seigneur avec ses besoins terrestres du temps qu'il était homme, et comment ces besoins, qu'il n'avait pas au ciel, lui ont été donnés, à lui comme à nous, en dernier ressort surtout pour que nous apprenions à régler nos besoins sur les siens, à ne pas leur donner plus d'importance que lui (NB 1/1, 328).

 

1990. Notre prière et le Fils

Notre prière maintenant n'est plus avant tout l'expression de nous-mêmes, de nos besoins et de notre indigence, c'est une parole dans l'échange d'amour de Dieu qu'il nous attribue dans sa Parole éternelle et à laquelle nous répondons en renvoyant le Fils au Père. C'est par la Parole divine que notre prière est fécondée, c'est de cette Parole que notre prière reçoit son contenu et son sens dernier. L'échange de l'amour divin dans lequel nous sommes admis, nous n'en aurons jamais une vue d'ensemble ; la parole chrétienne à peine exprimée est aussitôt emportée au ciel où, rendue disponible et utilisable, elle est employée. Nous parlons et nous prions tournés vers le ciel, et la parole qui semble petite dans notre bouche, reçoit là des dimensions d'éternité. Dieu le Père l'entend comme son Fils. De la sorte il n'y a pas pour nous de limites de réception qu'on pourrait déterminer ; nous exprimons quelque chose en tant que chrétiens : intervient alors l'espérance que la parole sera reçue dans l'amour, et c'est uniquement la foi qui nous en assure (NB 6,21-22).

 

1991. La prière est participation à la vie du Christ avec le Père (NB 9, n. 1103).

 

1992. Ce qu’il doit dire au Père avec la parole du Fils

Gerald M. Hopkins (+ 1889). Il sait très bien ce qui est essentiel à la prière, ce qu'il doit demander, ce qu'il doit dire au Père avec la parole du Fils (NB 1/1, 220).

 

1993. Prier de manière trinitaire ou prier le Seigneur

Maxime le confesseur. Quand il traite des questions de la Trinité, il prie plus de manière trinitaire ; quand il traite des questions de l'Incarnation, le Seigneur passe aussi au premier plan dans sa prière (NB 1/1, 276-277).

 

1994. S’adresser plus facilement au Fils dans la prière ?

Parce que le Fils est devenu homme, on est tenté de s'adresser surtout à lui dans la prière comme si, du fait de son expérience du monde, il était plus à même de nous comprendre. Et quand arrive la fête de l'Esprit, il semble un peu pénible de devoir maintenant s'occuper surtout de lui, de lui confier notre prière. Mais dès qu'on le fait, on remarque que la difficulté qu'on redoutait n'existe pas. La prière est seulement devenue autre parce qu'on se sait maintenant enveloppé par l'Esprit (NB 5,166-167).

 

1995. Dans la prière et la méditation se trouve l’ouverture au Fils (NB 9, n. 1350).

 

1996. La prière et les désirs du Fils

Toute prière d'un vrai croyant cherche la volonté du Père, se conforme aux désirs du Fils (NB 10, n. 2292).

 

1997. Une présence silencieuse devant le Seigneur

Eusèbe de Verceil connaît la pénitence et le jeûne. Mais surtout cette présence silencieuse devant le Seigneur, qui requiert une telle attention que de sévères exercices de pénitence empêcheraient plutôt la pénétration du regard, apporteraient plutôt une inquiétude là où il faut la paix (NB 2,129).

 

               Approches de la prière

 

1998. Penser à Dieu le Père et au Seigneur

Adrienne en vacances en Italie avec son mari en 1932. « J'ai beaucoup prié à Riccione, j'avais beaucoup de temps pour cela ; j'ai beaucoup pensé à Dieu le Père surtout et au Seigneur » (NB 7,290).

 

1999. Réfléchir sérieusement à la passion du Seigneur

Bien des croyants, dans leur vie de foi, évitent de penser à leur propre mort ou à la mort du Seigneur. Ils suivent sans doute l'année liturgique, mais comme cela leur convient : le temps du carême et de la semaine sainte, ils le passent surtout dans l'attente joyeuse de la fête de Pâques qui arrive sans qu'ils réfléchissent sérieusement à la passion du Seigneur ; durant l'Avent, ils regardent à l'avance la venue certaine de l'enfant sans donner de place à l'inquiétude et aux rudes épreuves de Marie (NB 5,132).

 

2000. Contempler le Christ enfant

Élisabeth de Hongrie (+ 1231). Elle se propose de contempler le Christ enfant (NB 1/1, 86).

 

2001. Marie fait tout entrer dans la contemplation de son Fils

Saint Albert (+ 1280) a une grande vénération pour la Mère du Seigneur et il voit très fort en elle la contemplative qui fait tout entrer dans la contemplation de son Fils. L'amour aussi qu'il a pour le Fils, pour Dieu en général, est grand (NB 1/1, 433).

 

2002. Regarder le Christ enfant de manière neuve

Marguerite de Beaune (+ 1648). Ne plus contempler le Christ enfant à travers les lunettes de l'accoutumance, les mots figés de son entourage, à travers les principes de la tradition de son ordre ; elle le voyait de manière neuve, le ressentait de manière neuve, le priait de manière neuve (NB 1/1, 179).

 

2003. Adorer le Christ

Saint Philippe Neri (+ 1595). Chaque fois qu'il a adoré le Christ enfant ou le Seigneur adulte ou le Christ sur la croix ou Dieu le Créateur ou l'Esprit Saint, au milieu de sa prière il cherche à leur faire des surprises, à leur offrir quelque chose, à leur ménager de petites joies. Il n'y a pas là une manière humaine incongrue de se représenter Dieu, mais le besoin de manifester son amour (NB 1/1, 136).

 

2004. Un amour chrétien vivant

Grignion de Montfort (+ 1716) a pour Marie un amour qui ne cesse d'être engendré et nourri par l'amour du Fils pour elle. C'est un amour chrétien vivant pour Marie (NB 1/1, 308).

 

2005. Méditer la passion du Seigneur

Marie-Dominique Lazzari (+ 1848). Elle médite la passion du Seigneur, elle se sent prier un peu comme la Mère de Dieu, qui connaît la passion de son Fils. Il est parfaitement clair pour elle qu'elle s'est rendue volontairement au lieu où se trouve la Mère pour méditer la souffrance de la croix et pour aider par cette présence. Elle commence alors, dans l’angoisse, à regarder le Fils en croix avec sa propre angoisse. Et elle comprend soudain qu'il lui est donné d'avoir part à la croix elle-même. Mais pour acquérir cette connaissance, il a fallu une angoisse qui parut un long temps être quelque chose de purement naturel et qui était cependant déjà en secret l'angoisse de la croix, une angoisse qui lui était imposée pour ainsi dire à petites doses afin qu'elle ne s'effrayât pas trop (NB 1/1, 211).

 

2006. Se recommander au Seigneur

L’empereur Constantin (+ 337) se recommande souvent au Seigneur avant de faire quelque chose (NB 1/1, 45).

 

               Quelques prières

 

2007. Prière d’Origène (+253)

Père, je me tiens devant toi, devant ton Fils et devant ton Esprit, comme chaque jour. Toujours pour te demander la connaissance et ton aide. Tu le sais, je ne prie pas pour donner à mon œuvre plus de gloire, pour accroître ma renommée. Ma prière fait partie de mon adoration. Je voudrais te glorifier. Je voudrais te servir (NB 1/1, 392).

 

2008. Prière d’Origène pour son travail

Père, accompagne aujourd'hui mon travail. Fais que je disparaisse, fais-le par amour pour ton Fils qui nous apprend à disparaître (NB 1/1, 393).

 

2009. Prière de saint Athanase (+ 373) adressée au Père

Père, répands ton Esprit trinitaire, donne-le à ton Église tout entière, donne-le à chaque croyant et à ceux également qui ne croient pas encore mais qui, par ta grâce, par la grâce de ton Fils, peuvent devenir des croyants (NB 1/1, 397).

 

2010. Prière de saint Athanase adressée au Seigneur

Seigneur, quand tu étais petit, pour échapper aux persécutions, tu as dû fuir d'un pays à l'autre. Tu étais enfant, tu t'en remettais totalement au Père qui organisa ta fuite. On ne t'a rien demandé, tu n'as rien eu à dire. Et tu as subi cette fuite sans te faire de souci, comme un petit enfant justement parce que tout était quand même décidé à l'avance dans le savoir du Père. Seigneur, je t'en prie, donne-moi d'avoir part à ta confiance d'enfant quand tu fus persécuté. Permets que je ne cesse de supporter, avec ton Esprit des enfants de Dieu, cette fuite qui me fatigue, cette prison qui me répugne. Donne-moi de porter tout ce qui est désagréable comme tu l'as porté sans me demander pourquoi à chaque pas, mais en faisant confiance au Père, en remettant ma volonté à toi seul. Je sais que, lorsque tu fus persécuté dans ton enfance, tu ne servais pas moins le Père que lorsque tu es mort pour nous sur la croix (NB 1/1, 397-398).

 

2011. Prière de saint Augustin (+ 430)

Père, fais que j'aie toujours davantage part à la vie de ton Fils et permets que ce soit vraiment ton Esprit qui parle par moi (NB 1/1, 408).

 

2012. Prière de saint Grégoire le Grand (+ 604)

Père, donne-moi par ton Fils la grâce mystérieuse du ministère, dont personne n'a un si urgent besoin que celui qui doit s'asseoir sur le trône papal à la vue de toute la chrétienté (NB 1/1, 417).

 

2013. Prière de saint Anselme (+ 1109)

Père, cela devient difficile. Accorde-moi quelque chose de toi dans l'Esprit de ton Fils. Ton Fils aussi a vaincu dans ta grâce toutes ses difficultés. Et parce qu'il est Dieu il t'a aussi rendu réellement visible partout. Mais je sais qu'il nous invite à essayer de faire de même dans son Esprit. Père, donne-moi d'avoir part à la grâce de ton Fils, surmonte ces difficultés bien que je sois un pécheur (NB 1/1, 423).

 

2014. Prière de saint Dominique (+ 1221)

Seigneur, tu as dit : "Qui n'est pas pour moi est contre moi". C'est comme si cette vérité qui est tienne me remplissait toujours davantage. Je t'en prie : permets que tout notre travail soit fait de plus en plus pour augmenter le nombre de ceux qui se décident pour toi (NB 1/1, 431).

 

2015. Prière d’Angèle de Foligno (+ 1309) avant son entrée au monastère

Père, donne-moi la main de ton Fils pour qu'elle me conduise. Permets que je la lui donne comme un enfant, et comme lui-même maintenant m'a montré le chemin, permets que j'entre réellement par la porte indiquée, que j'y sois reçue et que, par ton amour et celui de toutes mes nouvelles sœurs, j'apprenne à faire ta volonté (NB 1/1, 450).

 

2016. Prière d’Angèle de Foligno dans la maladie

Mon Seigneur, en ces jours de maladie par lesquels tu me conduis, tu me montres que mon temps est bientôt fini (NB 1/1, 452).

 

2017. Prière de saint Nicolas de Flue (+ 1487)

Le chemin par lequel tu m'as conduit jusqu'à présent avec ta Mère très aimée, Seigneur, me semblerait être un faux chemin si je ne savais pas que c'est toi qui m'as conduit, que ta grâce a choisi pour moi ce chemin. Maintenant, Seigneur, tu veux que je te serve d'une tout autre manière. Seigneur, tu me donnes la certitude que je dois prendre ce chemin, que je n'ai plus le droit de revenir en arrière, que tout ce qui a été était une préparation. Je t'en prie donc, Seigneur, conduis-moi et enlève-moi tout ce qui m'empêche d'aller vers toi et fais tout advenir selon tes besoins, comme tu le veux. Ne m'abandonne pas. Accompagne-moi (NB 1/1, 453-454).

 

2018. Prière de saint Thomas More (+ 1535)

Je veux élever mon âme vers Dieu. Tu sais, Seigneur, que je le veux. La grâce nouvelle du Christ me donne la possibilité de le faire. Je veux, par ta grâce, élever mon âme vers Dieu. Je veux le faire comme le Christ nous l'a enseigné en disant le Notre Père (NB 1/1, 462).

 

2019. Prière de saint Thomas More pour le monde

Père, je te recommande les miens, mon peuple, mon Église. Père, aie soin d'eux tous, sois avec tous. Et donne-leur à tous ta grâce, la grâce de ton Esprit et la grâce de ton Fils (NB 1/1, 463).

 

2020. Prière d’Adrienne dans ses années de collège

Seigneur Jésus, je te remercie pour cette journée. je te remercie pour tout ce que tu as fait, pour moi et pour tous ceux que j'aime, et je te demande de permettre que tous ceux que j'aime soient aussi ceux que tu aimes, c'est-à-dire tout le monde. Je te demande de me prendre toujours plus, de m'apprendre à faire ta volonté et à mettre entre tes mains tout ce que je suis et deviendrai. Je te demande de bénir ma famille, d'être bonne avec maman, de bénir tous les copains, de bénir les maîtres et que tous ceux qui ont du mal à comprendre, comme moi, arrivent quand même par ta grâce à mieux te comprendre jusqu'au jour où au ciel ils te comprendront totalement. Sois avec tous les pauvres, avec tous ceux qui souffrent, mais surtout avec tous ceux qui ne comprennent pas. Je te prie pour cela et je te demande aussi de bénir la Sainte Vierge. Amen (NB 7,28-29).

 

2021. Prière d’Adrienne avec Jeanne

Au sanatorium de Leysin, prière d’Adrienne avec Jeanne, une jeune catholique qui est tout près de la mort. « Comment nous avons prié ? J'ai pris sa main dans mes deux mains et puis nous avons prié : Seigneur Jésus, voici Jeanne, Jeanne qui est si fatiguée, malade, et qui ne peut pas prier elle-même. Mais elle prie quand même, son amie te dit tout ce qu'elle voudrait te dire. Donc elle te dit : Seigneur, tu m'attends au ciel, tu m'attends avec ta Mère, avec tous tes saints, dans la belle lumière de Dieu, et chaque fois que tu me vois, tu es heureux parce que tu penses : ma chère Jeanne sera bientôt là. Elle est maintenant si fatiguée qu'elle ne peut plus être heureuse. C'est pourquoi je dis au ciel tout entier qu'il doit se réjouir pour elle et lui montrer beaucoup, beaucoup de joie même si elle ne la sent pas. Et puis tu sais sans doute, Seigneur, quand Jeanne est seule et triste parce qu'il n'y a personne dans sa chambre et qu'elle a un peu peur, alors tu sais, Seigneur, que Jeanne pense à toi, qu'elle se souvient de sa première communion quand elle était petite, avec une petite couronne sur sa tête : quelle joie elle a eu parce que le Seigneur était venu dans son cœur et comment elle t'a dit : maintenant je ne suis pas encore toujours avec toi, Seigneur, mais je me réjouis pour plus tard, pour le jour où je te connaîtrai mieux, et je me réjouis de ce que tu viendras un jour pour toujours dans mon cœur, dans le ciel avec ta maman et tous les saints et tous les anges. C'est pourquoi je te prie, Seigneur, de regarder Jeanne comme si elle était cette fille qui est heureuse, et de la consoler et de lui donner de ta joie et d'être toujours, toujours, auprès d'elle même quand elle pense être seule et de lui mettre sur les lèvres le mot de tes amis. Amen. C'est comme ça que j'ai prié. Et elle s'est toujours apaisée. Chaque jour nous avons fait un peu autrement, mais toujours de telle manière que ça l'a consolée (NB 7,38-39).

 

2022. Prière d’Adrienne à 22 ans

Elle s’est cassé une jambe et se retrouve à l’hôpital comme patiente. « Quand je prie dans mon lit, je fais toujours une croix sur la paume de mes mains. Parce que la croix, c'est le signe du Seigneur ; je ne fais cela que depuis que je suis à l'hôpital » (NB 7,131).

 

2023. Prière d’Adrienne en 1944

Seigneur, je voudrais être sans aucun savoir, recevoir avec gratitude ce que tu me donnes, céder avec gratitude ce que tu me prends, et finalement oublier la question : pourquoi ? Fais mourir en moi le médecin là où tu n’as besoin que de la croyante (NB 8, p. 487).

 

2024. Prière d’Adrienne dans une extase

Père, je voudrais confesser la distance qui sépare mon amour de l'amour de ton Fils, la distance qui sépare mon don de moi-même de son propre don de lui-même. Et Père, que je ne cherche pas toujours à faire ta volonté comme le Fils. Père, je voudrais confesser que, de temps à autre, je suis fatiguée alors que ton Fils peut encore continuer. Père, je voudrais confesser que, plus d'une fois, j'ai promis de mes lèvres et que, regardant ton Fils, je dois reconnaître que je n'ai fait que traîner mon cœur avec moi, que mes lèvres étaient plus promptes que le don de moi-même à ta volonté. Père, je voudrais reconnaître que j'ai besoin que ton Fils vienne dans le monde pour me délivrer de toute ma faiblesse. Que je n'ai pas pris suffisamment sur moi le fardeau du péché. Père, je voudrais reconnaître que je ne vis pas suffisamment dans la communion des pécheurs. Qu'au milieu des pécheurs, je distingue tellement entre le tien et le mien. Que je ne suis pas prête à prendre tout sur moi indistinctement si bien qu'on ne puisse plus voir d'où vient le péché (NB 5,271).

 

 

               177 L’au-delà

                               (La mort - Le purgatoire – Le ciel)

 

                   La mort

 

2025. Besoin d'une grâce au moment de la mort

Il est permis aux saints de plonger leur dernière heure dans la mort du Seigneur. Ce qu'ils ont vécu dans la foi, ce qu'ils ont accompli dans leur mission, n’est pas perdu, mais au-delà de tout cela, ils ont besoin d'une grâce au moment de la mort comme tous les pécheurs ordinaires, et ils la reçoivent du Seigneur comme preuve qu'il n'abandonne aucun des siens, mais que chacun d'eux dépend de lui. Aucun ne dirige son destin dans la mort, mais en mourant il disparaît dans la grâce du Seigneur tout comme le Seigneur lui-même, en mourant, disparaît dans les ténèbres du Père (NB 6,286).

 

2026. Notre mort est assumée dans la mort du Fils

Dans l'onction des malades, le Fils nous offre une sorte d'anticipation de la mort, mais ce n'est plus notre mort, parce que notre mort est assumée dans sa mort à lui. C'est donc une espèce d'anticipation du ciel, mais ce n'est pas non plus notre ciel, c'est le sien. Quand on reçoit le sacrement, se réalise une ultime obéissance de notre esprit (NB 6,544).

 

2027. Notre mort est remise au Seigneur

Si notre vie et notre mort sont remis au Seigneur, si nous vivons pour lui et mourons pour lui, il est clair que les deux ne font qu'un, et ils le sont en lui. Si donc nous savons par la foi qu'il nous regarde et nous juge, qu'il recueille tout ce qui est nôtre et voit en tout notre intention, nous devons comprendre en même temps que ce regard du Seigneur embrasse notre vie comme notre mort et notre purification après la mort, car il nous voit comme ne faisant qu'un avec lui. Cette unité nous avons aussi à nous efforcer d'y arriver en nous. Il n'est aucune seconde de notre vie où nous pouvons faire abstraction de l'instant de notre mort. Car pour le Seigneur, sa relation à notre vie et à notre mort est la même (NB 6,320).

 

2028. Celui qui vient de mourir

L'état de celui qui vient de mourir n'est pas une prolongation de ce qui était auparavant, ni un déplacement dans quelque chose de tout à fait inattendu. Ce qui prédomine, c'est le sentiment de ne pas s'en sortir. Si le défunt était un bon chrétien, son état ressemble à celui d'un converti qui vient d'entrer dans l’Église. Il était heureux, il était prêt à tout accueillir avec une âme neuve, mais il sent soudainement qu'il a besoin d'être dirigé pour vivre les choses comme elles doivent être vécues. Dans un premier temps, il pourrait peut-être décider de mener une existence en marge et à l'ombre, essayer de se faire remarquer le moins possible, de faire dans le service divin ce que font les autres et, pour le reste, s'habituer peu à peu à sa nouvelle vie. Mais celui qui vient de mourir n'a plus du tout le sens du temps, il ne peut plus compter sur lui. Il n'a pas le temps de s'adapter ; d'emblée il est contraint de désirer que le Seigneur, qui est la vérité, veuille bien s'occuper de lui. Ce qui domine tout, c'est un désir de correspondre, d'être transformé, d'être purifié. Si l'homme connaît Dieu et l'a aimé, très vite il le priera instamment de bien vouloir s'occuper de lui. C'est sans doute la première chose : ce geste de supplication. Avec une certaine liberté et une certaine indépendance, avec une certaine capacité à inclure le passé et à désirer s'approcher de Dieu tel qu'on était (NB 6,334-335).

 

               Le purgatoire

 

2029. Le Purgatoire est institué par passion du Fils

Avant la venue du Seigneur, il n'y a avait ni enfer (tel qu'il sera après lui), ni purgatoire, mais un lieu d'attente. En un certain sens, on peut aussi l'appeler "enfer". Mais quand le purgatoire est institué par la passion du Fils, cet "enfer" se transforme (NB6,333).

 

2030. Croix et purgatoire

La croix paraît comme une image du purgatoire dont la purification "passive" ne devient possible que par la passivité des souffrances de la croix (NB 3,212-213).

 

2031. Le purgatoire, domaine du Fils

Le purgatoire, c'est le domaine du Fils. Humainement parlant, c'est comme si le Père était comme d'emblée d'accord pour laisser au Fils ce qui est nécessaire pour cette sorte de purification (NB 4,313).

 

2032. Le purgatoire : le lieu de la purification

Dans le purgatoire, ceux qui ne veulent pas encore accueillir l'amour du Seigneur, le Fils doit les confier au Père ici en bas, il doit laisser s'accomplir en eux la procédure du Père. Les âmes sont enfermées dans cet état. Elles ne souhaitent aucune aide et aucune prière de l'extérieur. Elles ne reconnaissent pas leur faute, elles ne sont pas prêtes à recevoir la pure grâce du pardon comme l'unique moyen de s'en sortir. Elles se targuent de leur propre justice, de leurs principes, de leur vie passée. Elles veulent expier leurs péchés selon un procédé qu'elles comprennent elles-mêmes. Elles sont ainsi remises à la procédure du Père qui sait bien, dans son mystère, comment, pour chaque âme, il a à combiner justice et miséricorde afin de les forcer et de les conduire à l'amour du Fils. Il mêle toujours déjà à sa justice une goutte de l'amour du Fils sans que l'âme le sache et le reconnaisse. Avec le temps, la procédure agira. L'âme commence alors à souffrir en tous ses membres et à ressentir son incapacité à se tirer d'affaire elle-même, elle se voit forcée de renoncer à ses assurances. La cuirasse de morale pharisaïque dont elle s'était entourée lui devient insupportable. Elle comprend qu'elle n'en sortira pas toute seule : elle a besoin d'aide. Elle doit demander qu'on intercède pour elle. C'est alors que le Seigneur est libéré, lui qui était lié par son refus. C'est alors que sa prière pour l'âme devient efficace. Et elle qui jusqu'alors était prise dans les glaces se met en mouvement, aspire à l'amour, se dirige vers la sortie du purgatoire. Quand le pécheur désire l'amour et la pureté de manière toujours plus pressante, qu'il se repent toujours plus de son péché, qu'il laisse la prière du Seigneur et de l’Église devenir en lui toujours plus efficace, c’est alors que le changement décisif s'accomplit en lui. Dans la mesure où il reconnaît la gravité du péché, où il commence à voir toute l'étendue du monde du péché et sa malice, il oublie les limites qui séparent sa propre faute de celle des autres. Il ne voit plus qu'une chose : l'offense infinie faite à Dieu par chaque péché. Il ne la reconnaît pas directement dans les autres (dans le purgatoire on ne voit pas les autres), mais en jetant un regard en arrière sur son état, comment il était dans la vie et comment il était quand il est entré dans le lieu de la purification. C'est dans ce tableau de désolation qu'il reconnaît la nature du péché d'une manière générale. Il ne lui importe plus alors de savoir si lui-même ou un autre a commis le péché ; il n'a donc plus non plus le souci de sa purification et de sa rédemption personnelles, il ne calcule plus le temps pour ainsi dire qu'il doit encore passer ici. Il est tellement possédé par la pensée de l'expiation et de l'aide à apporter aux autres qu'il serait maintenant prêt à rester avec joie dans le feu jusqu'à la fin du monde si seulement Dieu en était moins offensé. Tout le poids passe du moi à l'amour de Dieu et, par l'amour de Dieu, à l'amour du prochain. L'âme ne veut plus atteindre de buts personnels, elle ne veut plus être qu'un instrument de l'amour. A l'instant où cette pensée la remplit, elle est sauvée. Il lui est permis de prier avec le Seigneur et avec l’Église, sa prière commence à être efficace dans la communion des saints, et ceci est l'absolution définitive avec laquelle elle entre au ciel. Le purgatoire, c'est le moi ; le ciel, c'est les autres. Le passage se fait dans l'amour du Seigneur (NB 3,96-97).

 

2033. Purgatoire : reconnaître l’offense faite à Dieu

Ici-bas, le chemin décisif vers Dieu passe par l'amour du prochain. Dans le purgatoire, c'est inversé : le pécheur reconnaît d'abord l'offense faite à Dieu dont il est responsable, il arrive à l'amour du Christ et, à partir de cet amour, l'amour des hommes s'ouvre pour lui. A l'instant où il voit que l'amour du Seigneur est partage infini avec les frères, il est sauvé : il passe à l’état de la communion qui est le ciel (NB 3,97).

 

2034. Le purgatoire : pour que l’homme reconnaisse son impureté

Quand, dans le purgatoire, l'âme remarque que toute la durée du purgatoire est enclavée dans la durée du Seigneur, elle pense alors qu'elle est déjà près de la sortie. Mais elle sous-estime aussi bien son péché que son aptitude à subir le châtiment. Et elle s'attend à nouveau à pouvoir prévoir par elle-même le terme du temps et de la mesure. Elle s'attend à ce qu'une mesure déterminée de péché lui soit remise par un châtiment déterminé pour un temps déterminé. Mais pour le Seigneur il ne s'agit pas d'une relation de ce genre. Il a certes déjà expié le péché sur la croix. Il s'agit moins pour lui d'une juste pénitence que de changer l'homme pour le rendre capable de l'amour céleste. Justement cette purification ne peut être atteinte que si l'homme reconnaît son impureté et que grandit en lui le désir de la pureté du Seigneur. Mais, pour ce processus, la mesure et le poids se trouvent totalement entre les mains du Seigneur (NB 6,338).

 

2035. Le purgatoire tout entier est la victoire de l'amour du Seigneur sur notre égoïsme (NB 6,340).

 

2036. Purgatoire : à nu devant le Seigneur

Le purgatoire provoque un désarroi qui donne l'impression qu'on est mis à nu. Tout d'un coup on sait qu'on est nu sous les yeux du Seigneur, pour la première fois. Et le fait que tombe sur mon âme un regard bienveillant du Seigneur augmente encore mon désarroi. Par ce regard, je perçois que le Seigneur m'a vu nu depuis toujours. La nudité dont je prends conscience pour la première fois me découvre ma nudité antérieure dont j'étais inconscient. Je suis comme l'enfant qui est surpris à faire quelque chose d'interdit et qui s'aperçoit que sa mère le savait depuis longtemps. Je pense d'abord : le Seigneur me met à nu pour la première fois, il va me rejeter. Puis je comprends qu'il m'a vu depuis toujours, qu'il tourne de nouveau son regard sur moi bien que je doive nécessairement le décevoir. Et plus le regard du Seigneur s'attarde sur l'âme et plus il se tourne vers elle, plus elle est désemparée parce qu'elle ne comprend pas ce qu'il désire voir en elle. En sentant le regard pénétrer toujours plus profondément en moi, j'ai l'impression que cela ne sert à rien, que je reste exactement celui que je suis. Qu'il se tourne vers moi est peine perdue. C'est un effort de l'amour parce que je comprends toujours mieux qu'il est la bonté même. Mais je ne refuse pas que le Seigneur continue, et cette passivité devient à un certain moment un acquiescement, une espérance que, malgré tout, va s'établir quand même peut-être une relation. Entre tout ce qu'il y a de mauvais en moi et sa bonté. Il y a ici un commencement, le commencement de ma capitulation. C'est pour ainsi dire la grande astuce du purgatoire qu'avant d'apprendre à voir tout ce qu'il y a de mauvais en nous et tout notre péché, nous expérimentions la bonté du Seigneur. Ainsi ce n'est pas de notre point de vue que nous prendrons conscience de nos actes mais du point de vue de la bonté et de l'amour du Seigneur. Nous devons en arriver peu à peu à comprendre à quel point j'ai offensé l'amour, c'est-à-dire le Seigneur (NB 6,349-350).

 

2037. Dans le purgatoire, on ne va pas échapper au Seigneur

Dans le purgatoire, on fuit le Seigneur et on sait pourtant qu'on ne va pas lui échapper (NB 6,360).

 

2038. Purgatoire : le Seigneur sait que l’âme arrivera au oui

Dans le travail de purification du purgatoire, le Seigneur sait que l'âme arrivera au oui ; cela lui sera très pénible, mais il saisit aussitôt le oui comme ce à quoi il a droit et qu'il provoquera par son travail dès les tout débuts (NB 6,361-362).

 

2039. Purgatoire, comme une confession dans laquelle le Christ serait le confesseur

Le purgatoire est comme une confession tout à fait minutieuse dans laquelle le Christ lui-même serait le confesseur. Avec la connaissance grandit le repentir, mais la connaissance, c'est le Seigneur qui la donne (NB 1/2, 211).

 

2040. Purgatoire : le Seigneur éveille en moi un désir d’arriver à Dieu

Au début du purgatoire, le Seigneur éveille en moi un désir d'arriver à Dieu. Un petit oui, une étincelle de bien est stimulée ; puis on avance sans faire attention à une protestation (NB 6,351).

 

2041. Purgatoire : envie de revenir au Seigneur

Ici-bas rien ne peut en quelque sorte m'empêcher de me tourner vers le Seigneur si je le veux vraiment. Dans le purgatoire, ce qui domine, c'est un impératif : mon envie de revenir au Seigneur doit devenir plus grand que l'aversion que j'ai à m'attendre à être châtié (NB 6,350-351).

 

2042. Purgatoire : le Seigneur aime l'homme qui doit expier

Le purgatoire est un acte d'amour du Seigneur ; celui qui est dans le purgatoire est considéré depuis toujours comme quelqu'un qui est aimé et c'est pourquoi aussi il est considéré comme quelqu'un qui aime. Le Seigneur aime l'homme qui doit expier, mais il ne lui est jamais intérieurement indifférent ; faire se dérouler le juste châtiment exige cependant de lui une grande patience d'amour : pour le Père, à qui il a promis de sauver les hommes, pour l'homme qu'il doit amener par l'intérieur à comprendre et à se purifier. Son amour doit arriver à ses fins au sein de la justice du Père (NB 6,341-342).

 

2043. Le lieu du purgatoire où l’amour du Fils n’est pas encore reçu

Dans le purgatoire, il y a un lieu où l'amour du Fils n'est pas encore reçu, où les âmes refusent encore d'entrer dans la flamme de l'amour purifiant. Tous les lieux et tous les états où l'amour du Seigneur n'est pas reçu correspondent à cette région du purgatoire. L'amour du Seigneur est offert mais il n'est pas reçu. Partout le Seigneur offre son amour, partout il rencontre le refus. Il tente d'intervenir auprès du Père pour les âmes qui refusent, mais dans la mesure où il se trouve à cet endroit du purgatoire, sa prière et son amour ne sont pas reçus. Il ne peut pas encore s'identifier avec une âme qui ne veut rien savoir de lui. Il est lié (NB 3,95).

 

2044. Prier pour ceux qui dans le purgatoire n’accueillent pas encore l’amour du Seigneur

L’Église sur terre, qui vit dans l'amour, dont l'amour n'est pas lié, doit prier avec la Mère du Seigneur pour ceux qui n'accueillent pas encore l'amour du Seigneur, qui lient son amour ; le Père fera que ces prières deviennent efficaces en suppléance pour le Fils. Pour les croyants sur terre, le fleuve de la grâce n'est pas coupé, ils ont un accès immédiat à l'amour du Père. Ils interviennent avec leur prière pour le salut du monde (NB 3,95-96).

 

               Le ciel

 

2045. Le désir du ciel

P. Balthasar, au cours de l’année 1941 : Adrienne a de plus en plus le désir du ciel, plus il lui est donné d'en voir et d'en comprendre quelque chose. Elle comprend tout à fait le mot de saint Paul : "Il serait meilleur de disparaître et d'être avec le Christ". Mais quand je lui dis qu'elle doit être heureuse de pouvoir encore souffrir quelque chose, qu'elle ne pourra plus le faire dans l'éternité, elle est à nouveau tout à fait d'accord : naturellement elle est pleine de reconnaissance pour tout, et sa vie tout entière doit devenir chaque jour davantage une prière d'action de grâce (NB 8, n. 102).

 

2046. Le Seigneur est venu pour nous conduire au ciel

Nous humains et chrétiens moyens, le Seigneur n'est pas venu pour nous amener à une quelconque médiocrité meilleure ; il est venu pour nous arracher à l'enfer, nous qui étions perdus, et pour nous conduire au ciel. Les deux places donc nous sont réservées. Le Seigneur décide pour le ciel, mais il connaît et considère l'enfer. L'enfer personnel de chacun. L'enfer est si personnel, qu'il me connaît à ma place. Mais il me considère comme celui pour qui il a subi la mort et pour qui il a acquis une autre place. Le Seigneur connaît ma place personnelle en enfer en la prenant pour lui en quelque sorte (NB 4,184).

 

2047. Le Seigneur nous a sauvés et il a préparé le ciel pour nous (NB 8, n. 730).

 

2048. Au ciel, le Fils est partout présent

La Mère se distingue au milieu du ciel. On ne voit pas le Fils, mais il est partout présent avec le Père et l'Esprit (NB 4,338).

 

2049. Le Père ne se montre jamais, il montre le Fils

Les visions des mystiques ne cessent d'ouvrir le ciel. Le Père lui-même ne se montre jamais. Il montre le Fils, la Mère de Dieu, etc., toujours de telle sorte que tout renvoie à lui. On devrait toujours mieux apprendre à voir le ciel tout entier en chaque détail qu'offre une vision (NB 5,183).

 

2050. Au ciel, tout est présence du Seigneur

Au ciel, tout est présence du Seigneur, on ne peut s'en détacher, même si on ne peut décrire le mode de sa présence (NB 6,66).

 

2051. Le mystère du Christ restera au ciel le centre qui éclaire toute chose

Notre relation au Christ : on ne sait jamais si on préfère en lui Dieu qui devient homme ou l'homme qui est Dieu. S'il nous dit : "Toi, suis-moi", c'est une parole de Dieu, il veut que quelqu'un le suive, sinon il ne pourrait pas exiger de manière aussi absolu. Nous ne savons ni ce qu'est Dieu, ni ce qu'est l'homme, ni ce qu'est l'acte créateur de Dieu qui engendre l'homme, ni pourquoi l'homme n'est pas bon si Dieu l'a créé bon. Au ciel, ces voiles seront un peu levés, nous verrons en Dieu comment l'homme était pensé et, en l'homme, comme Dieu se révèle en lui. Le mystère du Christ, qui est Dieu et homme, et qui guide notre foi ici-bas, restera au ciel ce centre qui éclaire toute chose (NB 6,565).

 

2052. Au ciel, le Fils incarné est au centre, et tout va vers le Père

Au ciel, c'est le Fils incarné qui est au centre ; c'est à lui que se réfère toute l'atmosphère d'amour. Dans le ciel, il y a une atmosphère générale d'ouverture aux autres. Et il va pour ainsi dire de soi que cette atmosphère atteint le Père, le Père qui reste rempli de mystère. C'est l'Esprit Saint qui donne cette atmosphère d'ouverture aux autres. Elle est personnifiée par le Fils, mais communiquée par l'Esprit ; et ensuite tout va vers le Père que nous ne voyons pas. Mais que nous ne le voyons pas ne fait pas problème, car nous savons que le Fils le voit. Et ainsi nous devons aller vers le Fils avec l'Esprit, et c'est par les deux que nous sommes présentés au Père. Cela aussi est mystérieux, car on ne voit pas cette présentation, on n'a pas de mots pour la dire, mais on fait l'expérience d'une ouverture. On a part à l'ouverture du Fils et de l'Esprit sans en voir une vue d'ensemble. C'est plutôt le Fils et l'Esprit qui nous tirent tous ensemble vers le Père. Et en allant tous ensemble vers le Père, personne n'a d'avantage ; du moins personne ne montre qu'il en a, car au ciel il n'est pas du tout question de se vanter (NB 6,571-572).

 

2053. Prière d‘Adrienne : Père, ta vie éternelle, c'est toi, le Fils et l'Esprit Saint (NB 1/1, 393).

 

2054. Au ciel, la joie du Père

Dans le ciel, il y a une joie éternelle qui est éprouvée par Dieu le Père quand il regarde son Fils qui, par son amour sur la croix, lui a ramené le monde entier (NB 6,574).

 

2055. Au ciel : une force qui sort de Jésus

La force qui sortait de Jésus et l'affaiblissait quand il opérait des miracles ici-bas sortira aussi de lui dans le ciel mais sans l'affaiblir, ce sera un éternel épanchement d'amour qui, justement, ne cessera pas de se régénérer en s'épanchant (NB 6,566).

 

2056. Ce que le Seigneur fera de nous dans le ciel

Il n'y a sans doute rien qui exige de nous plus de renoncement à nous-mêmes que notre attente du ciel. De même que beaucoup de renoncement à nous-mêmes est déjà requis pour accomplir à peu près convenablement notre service terrestre, de même nous devrions absolument considérer ce service et le renoncement à nous-mêmes qu'il requiert comme un exercice préparatoire à notre service un jour dans le ciel où le Seigneur nous placera et nous utilisera comme il lui plaira. Nous devrions donc attendre totalement du Seigneur notre béatitude éternelle et sa plénitude, et non selon nos attentes préconçues. Nous trouvons maintenant notre joie en ceci et en cela, et c'est bien ainsi, le Seigneur le veut. Au ciel, nous trouverons notre joie en des choses toutes différentes et ce sera des choses à lui auxquelles il nous donnera part (NB 6,563).

 

2057. Au ciel, une place personnelle nous attend

On s'imagine toujours que quelqu'un arrive au ciel par la grâce du Seigneur, tel qu'il est justement, soit directement soit en passant par le purgatoire. On pense qu'il forme la place qu'il prend. On pense : celui qui s'installe dans une habitation lui imprimera son caractère personnel ; la pièce en tant que telle peut être habitée aussi bien par un pharisien que par une prostituée ou un saint. Mais au ciel c'est différent. On a d'avance sa place personnelle qui nous attend et qui est beaucoup plus que la somme des qualités chrétiennes terrestres (NB 4,185).

 

2058. Au ciel : la foi et l’espérance

Nous emportons avec nous au ciel la foi et l'espérance, mais sous une forme qui est leur accomplissement éternel dans l'amour, de même que le Christ ici-bas, en tant qu'homme, avait à sa manière la foi et l'espérance, tandis qu'il n'avait pour Dieu que de l'amour (NB 6,442-443).

 

2059. Au ciel, les hommes voudraient aider le monde

(Sur Ap 14) Je vois maintenant une foule d'hommes dans le ciel qui ont tous leur part à la vie éternelle, à l'amour du Fils et qui voudraient aider le monde. Ils ne pourraient plus comprendre les hommes s'ils n'avaient rien de plus que le souvenir de leur propre péché. Mais ils ont encore aussi le souvenir de leur propre amour sur terre, celui que le Seigneur leur avait donné pour le recevoir d'eux en retour. Sans ce souvenir de l'amour, sans ce souvenir de leur vie chrétienne d'autrefois, maintenant qu'ils sont devenus participants de l'amour total du Fils, ils n'auraient plus la possibilité de s'approcher du monde ; ils seraient totalement liés au ciel et ils se constitueraient pour eux un monde propre à côté de ceux qui sont restés sur terre. Ils voient ainsi les esquisses d'amour dans le monde et surtout ce qui lui manque de plénitude (NB 4,335-336).

 

 

10. L’incarnation

 

Plan : 178 La décision – 179 La réalisation – 180 Le mystère – 181 Pour les hommes

 

 

               178 La décision

 

2060. Le Fils avant l’incarnation

Quand le Fils devient homme, nous savons très peu de chose sur sa vie éternelle "d’autrefois" (NB 11,296).

 

2061. Le Fils dans le ciel prend la décision de venir comme homme dans le monde

Il y a Dieu, le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Puis il y a Dieu avec l'homme en lui, c'est-à-dire avec le Fils avant qu'il s'incarne sur la terre, parce que le Fils, commençant et conçu dans le temps, fait participer son humanité aux attributs de sa divinité éternelle. Et le Fils en Dieu a en lui la Mère pré-rachetée, comme la Mère portera en elle celui qui l'a rachetée. Et comme le Fils prend au ciel la décision de racheter le monde, cette décision inclut une décision plus restreinte, celle de venir comme homme dans le monde. Et cette décision inclut à son tour de devenir homme par un être humain donné, pré-racheté par lui. Il place ainsi dans l'éternité le début de sa mère, de même que la Mère, par son oui à l'ange, situe sur terre le début du Fils. Le premier fait est une relation absolument céleste, mais qui inclut la relation terrestre ; le deuxième fait est une relation terrestre mais qui s'est faite par la grâce et qui implique le ciel dans le Fils en vertu de la grâce donnée par le ciel. La Mère possède déjà cette grâce là où le Fils, incluant sa mère, dispose de son oui avant qu'elle le lui ait donné sur terre. C'est du fait qu'il en dispose que se trouve la grâce qu'il lui fera. Longtemps avant devenir un être humain, la Mère possédait donc une grâce préalable qui ne consistait pas seulement dans le fait qu'elle devait donner naissance au Fils, mais aussi qu'elle avait sa place au cœur de la décision du Fils de racheter le monde pour y coopérer, sans quoi ce plan décidé ne pouvait être exécuté. Tant que la Mère n'était pas encore là, cette coopération fut opérée par le Fils, qui commença son œuvre de rédemption longtemps avant qu'apparut la Mère, mais en présupposant son oui. Son oui donné plus tard possédait en lui la force de ce qui avait déjà été opéré en collaboration avec le Fils dans son adoption de la Mère. Et c'est aussi cette force qui lui permit de dire totalement oui et de mettre son oui à exécution (NB 1/2, 147).

 

2062. Ce qui a incité le Fils à s’incarner

Pour entrer dans sa passion, le Fils, ne voulant plus être qu'homme, se remet lui-même au Père et à l'Esprit. Ce qui, au ciel, incita le Fils à s'incarner, ce fut son amour pour le Père et pour sa créature. C'est celle-ci qui retourne au Père, mais à présent comme quelque chose qui a été expérimenté, car le Fils sait maintenant ce que c'est que d'être homme. Et quand il retourne ainsi, il se produit aussitôt un échange en Dieu. Dieu le Père et Dieu l'Esprit reçoivent de Dieu le Fils ses soucis de mission spécifiquement humains. Et ils reçoivent par là comme une exigence de s'engager définitivement pour l’œuvre de rédemption du Fils qui doit maintenant être accomplie. La croix n'est pas encore accomplie. Cette remise du Fils comporte pour Dieu l'exigence de participer à la croix, non pour soulager le Fils, mais dans le sens d'une collaboration féconde dont le fruit, par la volonté du Fils, doit revenir à l'humanité. Par là, le Père et l'Esprit sont totalement orientés vers la croix avec ce qui leur a été confié par le Fils (NB 3,179-180).

 

2063. Comment le Père et le Fils décident l’incarnation

Le Père et le Fils sont ensemble dans leur lumière et ils contemplent l'un et l'autre l'ombre du monde qui se trouve en dehors de leur lumière. Le Fils voit cette ombre comme une humiliation du Père et il ne veut pas supporter plus longtemps que le Père soit ainsi humilié. Dans sa lumière personnelle, il prend la décision de faire entrer cette ombre dans sa lumière, de se jeter sur cette ombre et de la couvrir de sa propre lumière. Non pas de l'éclairer de telle sorte que cette ombre disparaisse simplement dans sa lumière, mais de la couvrir pour ainsi dire de telle sorte que sa lumière plus grande se livre à la grande ombre et lutte contre elle jusqu'à ce que toute l'ombre soit entrée dans sa lumière. Jusqu'à ce que sa lumière ait neutralisé l'ombre et qu'il reste toujours encore suffisamment de lumière pour que le Père puisse voir le monde dans la lumière du Fils (NB 1/2, 106).

 

2064. Le Père et Fils lors de l’incarnation

La distance trinitaire entre le Père qui engendre et le Fils engendré ne change pas même quand le Fils devient homme. Quand le Père engendre son Fils dans le sein de sa Mère par l'Esprit, Marie reprend en quelque sorte la tâche originelle d'Adam et elle garde son visage tourné vers Dieu. Elle ne se détourne pas de Dieu comme Adam. Elle est investie par Dieu et elle le rencontre de tous côtés. Ainsi elle est très proche du rôle de l'Esprit Saint : elle forme une atmosphère, elle joue le rôle du Père dans sa relation particulière au Fils qui est maintenant engendré comme homme : de même qu'elle sert d'intermédiaire en recevant du Père le Fils, elle sert d'intermédiaire en rendant le Fils au Père (NB 6,180).

 

2065. Dieu le Père, avec le Fils et l’Esprit, décide l’Incarnation

Grignion de Montfort (+ 1716). Sa mission est très proche du point où le Fils devient homme. Il a le mystère de l'Incarnation comme mystère de sa mission. Mais non là où Dieu le Père, avec le Fils et l'Esprit, décide l'Incarnation, mais là où est annoncé à la Mère qu'elle va recevoir la semence de Dieu afin que le Fils devienne homme. C'est à partir de ce mystère que ne cesse de grandir son amour de la Mère ; il voit l'humiliation du Fils qui confie son corps en devenir au corps humain de sa Mère, qui donne à son corps à elle pouvoir sur son corps à lui ; il se laisse former par elle, grandit en elle, reçoit de sa substance humaine tout ce dont a besoin un corps humain. Pour Grignion, c'est de cette obéissance corporelle du Fils à sa Mère que résulte notre obéissance spirituelle vis-à-vis d'elle. Si le Seigneur est devenu quelqu'un comme nous le sommes tous, nous avons à nous tenir vis-à-vis de la Mère dans une obéissance qui se soumet à la sienne : sans le perdre de vue, nous devons obéir à la Mère (NB 1/1, 308).

 

2066. Le Père et l’Esprit acceptent de laisser le Fils devenir homme

De toute éternité le Père engendre le Fils, et l'Esprit procède des deux : l'ordre des processions coexiste avec l'éternité. Selon l'ordre, on peut supposer le moment où les volontés du Père et du Fils s'accordent pour faire procéder l'Esprit. Mais il y a aussi le moment où le Père et l'Esprit acceptent de laisser le Fils devenir homme. Dans le premier exemple, où la procession de l'Esprit est basée sur les propriétés personnelles de Père et de Fils, on peut voir quelque chose de ce qui dans le second exemple, qui est une action ad extra, est appelé appropriation, étant donné que, lorsque l'Esprit couvrit la Vierge de son ombre, l'acte de création du Père dans le monde est prolongée et le résultat en est l'incarnation du Fils qui se laisse devenir homme (NB 6,81).

 

2067. Le Père, le Fils et l’Esprit dans l’incarnation

Le Père laisse le Fils aller dans le monde comme le premier homme qui sera parfait. Il lui donne l'Esprit Saint comme règle pour ainsi dire sur son chemin. Parce qu'il est le Fils et parce qu'il est parfait, le Fils ne manque pas d'obéir au Père directement. Mais cette obéissance "sans intermédiaire" ne fait toujours qu'un avec la règle de l'Esprit qui lui a été donnée. Dans la perfection de Dieu, aucune espèce de divergence n'est possible entre la règle (de l'Esprit) et la volonté de Dieu (du Père). Nous voyons surtout l'obéissance directe et perpétuelle du Fils à l'égard du Père, mais cette obéissance inclut toujours l'obéissance à l'Esprit. Il est impossible que l'Esprit soit en lui un facteur de conflit et donc comme l'occasion de se détacher du Père, car l'Esprit est toujours pour lui un don parfait que le Père parfait offre à sa perfection de Fils. Et quand, après sa résurrection, il insufflera dans les siens son Esprit, ce sera en tant qu'Esprit de la règle parfaite qu'il a lui-même observée parfaitement. L'Esprit est la règle de Dieu le Père que le Fils observe. Il est également la règle du Fils, parce qu'il l'a observée parfaitement et qu'il l'a traduite dans sa vie (NB 6,407-408).

 

2068. Le Père a donné l’Esprit au Fils lors de l’Incarnation

Prière de saint Athanase : Père trinitaire, de même que tu as donné l'Esprit Saint à ton Fils lors de son incarnation pour que la Parole qui était en toi devienne homme - et qu'elle restât pourtant alors ta Parole - pour demeurer parmi nous et nous montrer ta volonté, de même je te le demande, donne-moi ton Esprit pour que le récalcitrant que je suis devienne le serviteur dont tu as besoin pour ton Église (NB 1/1, 396).

 

2069. Incarnation : solidarité de l’Esprit avec le Fils

Dans l'événement de l'incarnation, il y a une solidarité de l'Esprit avec le Fils. Si on connaît l’incarnation du Fils, il n'est pas difficile d'en déduire aussi le renoncement de l'Esprit Saint. Si on compare l'incarnation du Fils à une infirmité, l'ami ou la famille y prend sa part, ils sont concernés, ils compatissent. On renonce à bien des choses quand un membre de la famille est malade. L'incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire, elle la fait ressortir au contraire, parce qu'il y renonce pour pouvoir la faire mieux rayonner. Mais il serait absurde de penser que le Père et l'Esprit veulent garder pour eux leur gloire alors que le Fils y renonce lui-même. Il n'y a certes qu'une seule gloire divine qui est commune aux trois. Si déjà, entre humains, il y a dans l'amour une solidarité qui ressort particulièrement quand l'un souffre, il serait étrange que l'auteur des commandements de l'amour ne les observe pas lui-même. Et comment, sans renoncement, l'Esprit devrait-il couvrir la Mère de son ombre ? Le but et le résultat de son acte divin ne se trouvent pas en lui-même, mais dans le Fils. Et quand l'Esprit dépose la semence du Fils dans le sein de la Mère, son acte divin devient un acte humain (dans son résultat), bien que tout l'événement de l'incarnation reste une action divine des trois personnes divines (NB 5, 282-283).

 

2070. L’Esprit et le Fils dans l’incarnation

Le Fils veut devenir homme pour être ici-bas aussi le Fils du Père, comme les autres hommes sont ses enfants. Cette volonté est en rapport intime avec sa propriété de Fils et la révèle. L'Esprit collabore à l'œuvre du Père et du Fils en couvrant la Vierge de son ombre ; il est ici nettement en évidence, ce qui montre sa liberté et sa responsabilité, et cependant il reste pleinement uni au Père et au Fils. Il se substitue d'une certaine manière au Père dans ce nouvel engendrement du Fils (NB 6,82).

 

2071. L'amour trinitaire a fait devenir homme la Parole qui était au commencement

L'amour trinitaire a fait devenir homme la Parole qui était au commencement ; c'est ce qu'il y a d'infini dans l'incarnation ; et sa force alors est aussi la force de toute prière. Dieu le Père met tout à notre disposition : son Fils, son Esprit, la prière. Et nous mettons à sa disposition notre péché : quelle horreur ! (NB 3,321).

 

2072. Incarnation et Trinité

On peut sans doute dire que Dieu, dans sa Trinité, « souffrait » du péché du monde dès avant l’incarnation à l’intérieur de l’unité indivise de son amour ; un peu comme dans une « famille en deuil » chaque membre tient compte affectueusement du deuil des autres. L’incarnation du Fils signifie alors, à l’intérieur de l’amour trinitaire, un premier renoncement qui s’exprime justement dans l’humanité du Fils (et donc dans le fait de n’être pas Dieu), dans sa souffrance sur la croix et son abandon par Dieu, un renoncement auquel le Père et le Fils sont absolument intéressés à leur manière (NB 4,92).


 

2073. Incarnation sans que soit lésée l’intégrité la Trinité

Le Fils devient homme dans le sein de sa mère sans que soit lésée l'intégrité de la Trinité ; il vivra dans la vision du Père sous la conduite de l'Esprit (NB 10, n. 2318).


 

2074. Solidarité de la Trinité dans l’incarnation

L’incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire, au contraire elle l’augmente ; mais par un don de lui-même, par un renoncement à sa gloire. Il serait tout à fait faux de penser que, durant le temps où il se donne lui-même, le Père et l’Esprit devraient tenir d’autant plus à leur gloire. Car dans le don que le Fils fait de lui-même, il s’agit de Dieu tout entier, il s’agit d’une action et d’une attitude de Dieu tout entier. Et si Dieu met dans le cœur des hommes le commandement de la solidarité - surtout quand un membre souffre -, il serait très étrange que l’auteur de ce commandement déclarait que pour lui-même ce commandement est inutile (NB 9, n. 2011).


 

2075. La Trinité dans l’attente de l’incarnation

Dieu Trinité dans l'attente de l'incarnation : c'est un échange d'attente entre le Père, le Fils et l'Esprit. Le Fils se trouve en quelque sorte au milieu, touché d'une manière particulière par l'amour du Père et par l'amour de l'Esprit si bien que dans cet échange - qui a lieu en même temps entre le Père et l'Esprit – il y a comme une anticipation de l'incarnation du Fils ; car l'amour divin vise toujours à produire un fruit et, cette fois-ci, le fruit sera le Fils. C'est pourquoi, dans cette attente, il est ce qui est le plus passif : il représente ce qui est abandonné. Il poussera quand son heure sera venue. Maintenant il est dans la patience qui laisse le fruit mûrir en lui. Le Fils se trouve pour ainsi dire dépouillé entre le Père et l'Esprit, il laisse passer en lui la volonté du Père et de l'Esprit pour qu'il devienne ce qu'il est : l'obéissance incarnée. Le Fils connaît une passivité dans laquelle il est modelé comme une chose. Il est livré afin que le dessein du Père s'accomplisse purement en lui. Il n'essaie pas de voir, il ne veut pas savoir à l'avance comment il se sentira dans le corps qu'il aura. Il apprend dès maintenant l'abandon le plus extrême, la passivité de la croix. Il doit devenir une créature. Il apprend à tout perdre pour pouvoir plus tard tout exiger (NB 12,53-54).


 

2076. Miracle de l’incarnation : qui l’a opéré ?

Pour le miracle de l'incarnation du Fils, il est très difficile de dire qui a opéré le miracle. Le Père certainement. Le Fils coopérait, mais seulement en se mettant totalement à la disposition du Père, si bien que le Père put pour ainsi dire le remettre à la Mère, caché dans la semence. Celui qui à proprement parler était à l’œuvre, c'était l'Esprit Saint. Et la Mère coopère en laissant faire (NB 5,227).

 

2077. Le Père n’avait pas demandé l’incarnation

Il y a dans l’enfer un grand mystère très singulier : la rencontre de l'expérience du Fils qui sait maintenant ce que cela veut dire être homme et mourir sur la croix, avec l'expérience du Père qui n'avait pas demandé pour lui-même le moyen de l'incarnation pour accomplir l’œuvre du Fils avec lui. Dans cet enfer, s'ouvre le mystère en Dieu entre l'incarnation et la non-incarnation, par ce mystère, il s'établit en Dieu une tension définitive (NB 3,189).

 

2078. Dieu a laissé son Fils devenir homme (NB 1/2, 95).

 

2079. Le Père envoie son Fils dans le monde

Quand le Père envoie son Fils dans le monde, il remet l’œuvre de l'incarnation à l'Esprit Saint. Et celui-ci commence dans le sein de la Vierge l’œuvre de l'incarnation de Dieu que le Fils accomplira et achèvera sur la croix (NB 12,181).

 

2080. Le Fils s'est offert lui-même au Père dans son incarnation (NB 12,175).

 

2081. La décision de l’incarnation et sa réalisation

Il y a un espace d'éternité entre la décision de l'incarnation et sa réalisation ; cet espace n'est pas imaginable parce qu'il se trouve dans le domaine de l'éternité. Et pourtant il existe. Il appartient déjà quelque part à la passion, car il est dirigé vers elle. C'est le "temps" où la décision de souffrir a été prise et le temps où on attend que le Père dise : "Maintenant", c'est le temps de l'incarnation (NB 3,197).

 

               179 La réalisation

 

2082. La semence de Dieu est déposée en Marie

Marie a su qu'elle livrait à l'Esprit Saint le plus intime d'elle-même. Elle s'est préparée pour lui avec toute sa personne, et il lui a enlevé son voile. Pour elle, ce qui était exigé était une exigence démesurée, c'était aussi une totale désappropriation de sa virginité pour l’Église. La semence de Dieu est déposée en Marie pour que naisse d'elle l’Époux de l’Église. Quelque chose qui était Dieu devient chair en Marie. Elle doit mettre à la disposition de l'incarnation tout son corps, l'extérieur et l'intérieur, pour que puisse se réaliser cet événement. Quand elle porte l'enfant, il se fait une transformation de sa chair (NB 12,162).

 

2083. L’Esprit et la semence du Père

Marie a conçu le Fils par l'Esprit comme semence du Père et celle-ci, sans acte sexuel viril et sans convoitise, est rendue visible en elle, c'est un acte divin dont la signature trinitaire est pleinement évidente (NB 12,141).

 

2084. L’Esprit a apporté la semence du Père

L'Esprit, qui a mis dans le sein de Marie la semence pour la naissance du Fils, n'a certainement pas utilisé les voies naturelles. Il apporta certes la "semence du Père", mais il n'a pas pénétré par une ouverture corporelle, il a mis une semence vivante dans le sein de la Vierge (NB 12,221).

 

2085. L’Esprit, porteur de la semence du Fils

Comme le Fils sur la croix renonce à se connaître comme Dieu pour ne plus souffrir que comme un homme, il y a dans le porteur de la semence du Père, dans l’Esprit, un renoncement à sa qualité de Dieu : comme s’il n’était plus que le porteur du Fils sur mission du Père et comme s’il s’abaissait, dans ce rôle de fécondation de la Mère, non seulement jusqu’à devenir homme comme le Fils dans son incarnation et son humanité, mais jusqu’à devenir “spermatozoïde” humain, bien qu’il soit Dieu qui porte Dieu sur mission de Dieu. Ainsi, dans le cadre d’une mission divine, il renonce à son être de Dieu afin que la glorification du Père par le Fils soit parfaite et que, par là, la Mère ait part à la rédemption du monde par le Fils. Il devient une fonction qu’il assume jusqu’à abandonner et à ignorer son être propre : l’Esprit d’amour n’est plus que porteur si bien que lui-même n’est comme plus touché par cet amour qu’il fait descendre comme un tout de Dieu le Père dans la Mère. Comme si lui-même n’y était pour rien, comme s’il ne pouvait rien détourner de cet amour comme étant son bien propre, comme s’il voulait aussi ne rien y ajouter de lui. Comme si Dieu l’Esprit s’était mis à la disposition de Dieu le Père et de Dieu le Fils comme quelque chose de neutre afin qu’ils se servent de lui comme d’un instrument sans sa coopération divine. Certes l’Esprit ne s’est pas incarné, mais il est un bout du chemin qui mène à l’incarnation du Fils. Si l’on connaît l’incarnation du Fils, il n’est pas difficile d’en déduire le renoncement de l’Esprit. Et si l’on peut comparer l’incarnation du Fils à une infirmité, la “famille” le soutient en quelque sorte: “Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui”. Un frère en bonne santé renonce à beaucoup de choses si son frère est malade surtout s’il peut, par ce renoncement, l’aider quelque peu (NB 9, n. 2011).

 

2086. La semence de Dieu en Marie

Le rien du commencement de l'incarnation, cette semence de Dieu Trinité, est en même temps le lien parfait du Fils à l'être humain qu'est Marie. Ce qui est présent dans la venue de la semence est comme rien. Une manifestation donc qui n'en est pas une, qui appelle d'autres manifestations, mais qui sont toutes cachées aussi bien dans le Fils qui commence à vivre au milieu de nous que dans la Mère (NB 6,556).

 

2087. Pendant sa grossesse, Marie a en elle le Fils du Père céleste (NB 12,193).

 

2088. C’est librement que le Fils se laisse faire pour entrer dans le sein de Marie

Dieu le Père fait surgir en Marie son Fils par l'Esprit Saint ; cette formation comprend aussi l'action du Fils, car c'est volontiers et librement qu'il se laisse faire (NB 2,32).

 

2089. Le Fils vit dans la parfaite pureté du sein de sa Mère

Il arrive aussi cette chose mystérieuse que le Fils, quand il vit dans le sein de sa Mère, assimile sa parfaite pureté. Étant Dieu, il possède naturellement toute pureté. Mais pour lui comme homme, il y a comme pour tout enfant une dépendance. Il sait certes comment a été choisi et protégé l'espace spirituel où il peut naître, et aussi que le temps de cette pureté est limité parce que, au-delà, l'autre monde, le monde pécheur l'attend. Qu'il puisse avoir cette mère n'est pas seulement un ménagement pour lui, le contraste le touchera plus tard d'autant plus amèrement (NB 6,132).

 

2090. Le Fils dans sein de Marie 

Tant que l'enfant se trouve dans le sein maternel de la Vierge, il est protégé par la pureté de sa Mère. Cette protection distingue fondamentalement l'Avent et la passion. Pourtant le Fils pressent, et même il sait, que cette Mère est la seule qui peut lui donner un amour si pur ; du fait du péché originel, tout autre amour est terni, il sera imparfait, peut-être tout à fait décevant. Le temps de l'Avent est comme un sursis avant une opération. On en sait trop pour être insouciant (NB 6,143).

 

2091. Le Fils est protégé dans le sein de la Vierge

Dans le sein de la Vierge, le Fils est si protégé qu'il ne remarque guère tout d'abord l'éloignement du Père. Bien qu'il se serve de ce temps pour s'habituer à l'existence humaine, il est encore tellement auprès du Père qu'en le regardant, c'est comme Fils divin qu'il regarde le Père divin. Et quand il se tourne davantage vers l'humain, c'est quand même Dieu le Fils qui décide de mettre sa vision au second plan par amour pour sa tâche. Tout se passe pour le moment encore dans le domaine de la décision divine de devenir homme. Bien que le Fils se trouve encore dans le sein de sa Mère, c'est comme si cette décision était encore en gestation, comme si elle était encore tellement en train de se prendre que l'existence humaine n'était pas encore définitivement imposée au Fils. En tant que Dieu le Fils, il sait que la décision est irrévocable ; en tant que Fils de l'homme, il doit encore l'apprendre (NB 6,149).

 

2092. Dans le sein de sa Mère, le Fils s’habitue à vivre dans le temps

C'est dans le sein de sa Mère que s'accomplit l'accoutumance à cette manière unique de vivre dans le temps : passage de l'éternité (décroissante) à la temporalité (croissante) ainsi qu'il convient à l'unique Homme-Dieu (NB 6,140).

 

2093. Dans le sein de sa Mère, le Fils s’exerce à l’humanité

Le Fils vit tout à fait isolé dans le sein de sa Mère. Il n'est pas au ciel, il n'est pas encore homme parmi les hommes. Il vit purement et simplement dans le milieu qu'est sa Mère. Il s'exerce à l'humanité avec la distance qui sépare l'existence terrestre du ciel. Il ne peut pas commencer à vivre dans le corps de sa mère et en même temps rester au ciel comme jusqu'alors ; il s'est décidé pour la terre et il s'est mis par le fait même à une certaine distance du ciel. Il doit s'habituer à contempler le Père à partir de la terre, il doit apprendre à façonner la vision continuelle du Père qu'il a de telle sorte qu'elle n'empêche pas son authentique humanité. Il ne peut pas séjourner auprès du Père de telle sorte que son humanité soit une sorte de conte, quelque chose qui n'est pas totalement réel ; sans doute regarde-t-il le Père, mais plus pour façonner parfaitement son obéissance que pour en recevoir une consolation. Il va de soi qu'en tant que Dieu il regarde le Père, mais il le regarde maintenant comme quelqu'un qui a changé de "milieu" et qui doit s'habituer à le regarder d'une manière adaptée à ce milieu. Finalement il doit arriver à une vision du Père qui soit ouverte à tous les croyants. Sa vision divine doit façonner sa vision humaine de Dieu, la réguler, la contrôler pas à pas. Et la vision humaine qu'on a du Père atteint son sommet quand on est sûr de faire la volonté du Père (NB 6,133).

 

2094. Le Fils attend sa naissance

Le Fils attend sa naissance, il attend son existence d'homme au milieu des hommes. Il l'attend avec sa Mère. Et il a part à son inquiétude. Il veut y avoir part parce qu'il ne veut écarter de lui rien de ce qui est humain et qui se trouve en dehors du péché. Il prend part en même temps à l'attente du Père et de l'Esprit qui le regardent pour ainsi dire maintenant comme on regarde un homme. La joie du Père est comparable à celle d'un père humain quand il voit la croissance de son fils dans le sein de sa mère. Il y a en lui comme un étonnement que ce petit être est son Fils, qu'il est destiné à sauver le monde entier. Et tandis que le Fils voit cette joie et cet étonnement, il prend part comme homme à l'inquiétude de sa Mère : "Pourvu que comme homme aussi je puisse correspondre en tout à l'attente du Père" (NB 6,131-132).

 

2095. La naissance du Fils : une fête de l’amour

L'enfant remercie le Père pour la grâce de l'incarnation. Il vit dans l'instant permanent de la joie. Il apprend maintenant en lui-même ce qu'était le dessein du Père quand il créa les hommes. La Mère et l'enfant n'ont besoin de rien d'autre pour leur joie que d'être des humains ensemble en Dieu. La nudité et les privations font ressortir le don du Père. Ils n'ont pas besoin que leurs corps soient autres que ce qu'ils sont, parce que le Père l'a voulu ainsi. La Mère est sans souci et sans tristesse : elle a l'enfant et elle l'adore, l'amour est si grand qu'il éclipse tout. C'est une fête de l'amour. Ils sont comme des amoureux qui sont ensemble dans une pauvre cabane, ils seront ingénieux l'un pour l'autre afin de compenser par l'amour réciproque tout ce dont ils doivent être privés (NB 6,160-161).

 

2096. Incarnation : pas une idée

Comprendre que l'incarnation n'est pas une idée, mais que Dieu est véritablement devenu chair sensible (NB 11,56).

 

2097. Dieu s'est créé un corps pour être homme avec nous (NB 10, n. 2055).

 

2098. Le Fils devient homme

Le Fils emprunte l'humain à l'humanité. Il l'emprunte à Marie, mais tout autant à l'humanité tombée. S'il n'y avait eu que Marie, il n'aurait pas eu besoin de devenir homme. Il se fait homme pour l'amour de ceux qui sont tombés. Et ainsi, dans son esprit divin, il doit quelque chose de son incarnation à cette humanité tombée, il lui emprunte l'occasion concrète et la forme concrète de l'incarnation : la descente dans la souffrance. Mais pour pouvoir descendre de cette manière, il a besoin de la Mère, qu'il oppose aux pécheurs en tant que pré-rachetée (NB 1/2, 156).

 

2099. Le Fils devient un être humain unique

Où est le Fils quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre ? Quelque part dans l'Esprit comme semence de Dieu ; mais il est comme anéanti en tant qu'être disposant librement de lui-même, il est reçu par la Mère comme quelqu'un dont on dispose purement et simplement. Puis il devient un être humain unique, il est de la sorte une image de Dieu qui certes demeure totalement dans le Père parce que le Fils n'a pas de péché, qu'il vit de l'amour du Père et qu'il ne pense qu'à un chose : augmenter dans le monde l'amour pour le Père (NB 11,20).

 

2100. Le Fils apprend les limites étroites de l’humain

Le Fils qui devient homme va vivre aussi dans les limites étroites que Dieu donne à sentir à l'homme pécheur. C'est pourquoi l'Avent signifie pour lui aussi prise de contact avec ces limites. Plus tard, en tant qu'homme, il accomplira sa mission et, comme les autres, il affrontera ses limites, mais il n'aura plus alors à apprendre à devoir devenir homme. Maintenant il apprend ce que veut dire une existence avec des limites. Cette expérience doit être emportée de haute lutte ; l'homme Jésus doit éprouver partout et pas à pas ce qui lui est pris et ce qui lui est laissé. Il doit s'organiser dans ce qui est limité. Il pourrait se faciliter la tâche, être conscient qu'il est Dieu et considérer l'humain comme un prêt temporaire : le principal sera la croix et le reste en découlera. Mais cela, il ne le veut pas. Pour racheter les pécheurs en vérité, il veut faire l'expérience de l'existence humaine tout entière et se laisser tracer sa vie par le Père comme n'importe quel autre croyant. Il veut apprendre à connaître la rigueur des limites de la nature humaine déchue (NB 6,143-144).

 

2101. Le Fils incarné n'est ni un pécheur ni quelque surhomme, mais Dieu (NB 3,192).

 

2102. Dieu se met au niveau de l’homme

Dans l'ancienne Alliance, Dieu révèle à l’homme quelque chose de lui-même : l'homme n'y a aucun droit et il n'est pas en mesure de mettre de proportion entre les choses de Dieu et sa propre raison. Chaque "pourquoi" de l'homme est passé par le simple "pour ça" de Dieu. Sans doute dans l'ancienne Alliance l'homme est-il en mesure d'essayer de faire de Dieu le partenaire de l'Alliance, de lui assigner un espace et un lieu pour ses révélations, il est en mesure par là, d'une certaine manière, de "contraindre" ce partenaire à se mettre si bien au niveau de l'homme qu'il puisse être capté dans des mots et des concepts humains. Mais Dieu ne se laisse "contraindre" qu'autant qu'il lui plaît ; à la fin de l'ancienne Alliance, il enverra son Fils comme homme dans le monde et ainsi, au lieu que l'homme mette apparemment Dieu à son niveau, ce sera tout le contraire : ce sera, de la part de Dieu, un acte de sa grâce la plus libre (NB 5,43).

 

2103A. Le Fils : Dieu et homme

Le Fils devient homme dans la Mère qu'il s'est choisie. Homme à l'intérieur de la vision du Père, mais homme aussi d'une manière si une et si personnelle que finalement sur la croix il repoussera aussi bien la Mère que le Père. Il montre par là sa plus grande unité avec lui-même, son unité personnelle, son unité divino-humaine, qui est assez forte pour être en même temps les deux, Dieu et homme, qui ne peut pas plus être mise en question ou divisée que l'unité du Père ou de l'Esprit Saint (NB 1/2, 153).

 

2103B. Dieu prend chair humaine

Qu'est-ce que c'est que l'incarnation ? Dieu prend chair humaine. Mais il garde toutes ses propriétés divines : sans rien en perdre et en en perdant quelque chose tout à la fois. Il reste le Dieu qu'il était au ciel, mais il se produit une sorte de transposition dans l'homme avec toutes les vertus et propriétés dont Dieu voulait pourvoir l'homme. Ça paraît tellement stupide : le Fils devient une sorte d'homme idéal. Et dans son développement il ne s'éloigne pas de cette image idéale de l'homme que possède Dieu le Père (NB 4,434).

 

2104. Il vient de l’infini

C'est en venant de l'infini que le Fils de Dieu devient homme. Il devient une forme limitée, corporelle (NB 12,147).

 

2105. Le miracle de l’incarnation

Le Christ est Dieu, il est devenu homme de la semence de Dieu, et il faut le miracle de l'incarnation pour que lui, qui est un esprit divin, puisse s'adapter à un corps humain. Du Père, il reçoit dans son corps une force qui rend celui-ci capable de vivre avec son esprit dans une harmonie heureuse, qui le rend en même temps capable de souffrir d'une manière voulue par Dieu, toujours dans une totale union avec son esprit. Ce n'est pas un corps étranger qui souffre ici, mais son corps totalement intégré à son esprit humano-divin (NB 12,100-101).

 

2106. Incarnation : un vrai travail pour Dieu

C’est un vrai travail pour Dieu de se faire entendre sur terre, et plus encore de devenir homme. Notre endurcissement et notre manque d’intelligence sont si grands qu’il doit comme s’ouvrir un passage de force: avec les voix et les visions des prophètes, etc. Il faut beaucoup d’efforts à Dieu pour qu’il en arrive au point d’oser venir dans le monde (NB 9, n. 1880).

 

2107. Un renoncement du Fils

En s'incarnant, le Fils renonce à quelque chose de céleste pour le donner aux hommes. Le Fils se prive d'un bien en devenant homme (NB 5,73).

 

2108. Le Fils a été confié au monde

Lors de l'incarnation, le Fils est confié au monde. Durant de longues années, rien d'autre n'est visible que ce fait que le Fils a été confié au monde : c'est confirmé par les bergers et par les mages, par le fait qu'il est au sein d'une famille. Le monde est devenu autre dans le secret, mais il n'en sait rien ; pour le moment, l'accomplissement de la promesse et la tâche de l'enfant sont totalement placés dans la Mère : elle prend soin de son enfant, elle protège aussi sa mission (NB 12,118).

 

2109. L’homme que le Père attendait depuis la chute

En s'incarnant, le Christ ne devient pas un homme quelconque, mais l'homme que le Père attend depuis la chute. L'homme qui fait la volonté du Père, et cela, non seulement d'une manière verticale à partir du ciel, mais aussi d'une manière horizontale ici-bas : dans le temps où il est né, à l'issue de l'ancienne Alliance. Il unit en lui les deux : son entente éternelle avec la volonté du Père dans le ciel et son entente dans l'instant présent qui rassemble en lui toute la doctrine de l'ancienne Alliance avec toutes les prophéties. Lui-même est annoncé à l'avance par l'Esprit Saint des prophètes. Les prédictions que les prophètes ont émises à son sujet, il les accomplira de telle sorte que les croyants reconnaîtront que la manière dont il les accomplit leur correspond totalement, qu'il les réalise pleinement (NB 5,63)

 

2110. Les anges et le Fils dans l’incarnation

Depuis l'éternité, les anges sont prêts à accompagner le Fils dans son incarnation (NB 6,41).

 

2111. L’incarnation et les anges

Toute sa vie durant, le Christ a été accompagné par des anges. Le ciel est la patrie des anges. Cette patrie est ouverte à la terre lors de l'incarnation ; il a eu recours à eux pour sa mission terrestre, c'est un ange qui est apparu à Marie ; mais ces apparitions et d'autres aussi n'arrivent pas par hasard et sporadiquement : tous les anges sont à la disposition du Fils, et leur accompagnement se manifeste à des moments décisifs. A la résurrection, il y a comme un témoignage de reconnaissance à l'égard des anges ; par l'incarnation, ils ont fait l'expérience d'une extension de leur sphère, ils ont participé plus profondément à l’œuvre du Père, leur existence s'est alors révélée pleine de sens de manière nouvelle ; ils peuvent apparaître, introduire, annoncer des événements et en accompagner d'autres, recevoir pour le Père la parole des humains - le oui de Marie par exemple -, non seulement ils sont anges gardiens depuis la création mais, à partir du Christ, ils le sont dans un sens nouveau. La première qui reçoit un ange gardien chrétien, c'est Marie lors de son oui (NB 12,171-172).

 

               180 Le mystère

 

2112. Le vaste mystère de l'incarnation (NB 2,140).

 

2113. L'incarnation est incompréhensible

S'il est déjà difficile de se représenter la Trinité en Dieu lui-même, comme mouvement des personnes les unes vers les autres et les unes dans les autres, elle est encore plus difficilement représentable dans l'incarnation, et à plus forte raison dans l'eucharistie. Il se produit ici quelque chose de totalement atterrant : le Fils devient une chose dans l'hostie. Déjà l'incarnation est incompréhensible : que Dieu le Fils soit maintenant sur terre totalement et qu'il se laisse donner une vie du Père, de l'Esprit et de la Mère, ce qui le fait disparaître pour ainsi dire dans l'Esprit et dans la Mère pour naître des deux. Quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre, le Fils est dans l'Esprit comme la semence de Dieu ; disposant librement de lui-même, il disparaît totalement pour se mettre à la disposition de cet homme particulier, cette image de Dieu. Mais comme tel, il vit toujours dans le Père, étant donné qu'il ne connaît pas le péché. Il vit de l'amour pour le Père et il ne veut rien d'autre qu'accroître l'amour pour le Père. Mais il reste pour nous étrange que la distance - le fait d'être simplement homme et image - doive signifier et réaliser l'accroissement de l'amour (NB 1/2, 242-243).

 

2114. Le Fils vient au monde par l’Esprit : événement éclatant

Que l'Esprit couvre Marie de son ombre et que le Fils vienne au monde par elle est un événement éclatant. D'habitude, l'action de l'Esprit dans le domaine de l’Église est quelque chose d'incroyablement caché (NB 6,424).

 

2115. Kénose éternelle du Fils et kénose de l’incarnation

Dès l'éternité déjà le Fils s'est vidé en rendant tout au Père. En vertu de cette "kénose" éternelle, il est capable aussi de la kénose de l'incarnation. Depuis l'éternité il est immuable, mais il a éternellement la possibilité de prendre cette forme, également celle du crucifié (NB 1/2, 243).

 

2116. Incarnation : condescendance de Dieu pour l’homme

L'incarnation veut dire : condescendance de Dieu pour l'homme, insertion de l'homme dans les plans de salut de Dieu, habitation de Dieu parmi nous mais sans dommage pour sa grandeur (NB 2,161).

 

2117. Dieu est devenu homme

Le Seigneur d'abord était purement Dieu en lui-même, pur infini. Puis il devint homme, il contracta mille relations avec les autres hommes, il connut mille états, changeants et passagers, des efforts et de l'effervescence, il vécut une destinée qui suivait son cours, dans quelque chose d'immense qui était toujours ouvert sur l'infini du Père (NB 3,79).

 

               181 Pour les hommes

 

2118. Le Fils de Dieu sur la terre a le ciel en lui

Marie ouvre le ciel d'une double manière aux habitants de la terre. Car celui qui la contemple comprend qu'elle a en elle un morceau de ciel ; mais il comprend aussi qu'elle porte en elle le Fils de Dieu qui, lui aussi, a le ciel en lui à sa manière à lui ; et ces deux cieux n'en font qu'un naturellement. C'est ainsi aussi que l'obéissance du Fils lors de son incarnation ne fait qu'un avec l'obéissance de la Mère qui dit oui à l'ange. L'obéissance du Fils et l'obéissance de la Mère s'accordent l'une avec l'autre pour le don de soi commun et permanent à Dieu le Père (NB 1/2, 142).

 

2119. Par l’incarnation, notre temps a été emmené dans le temps éternel

Le monde provient de la main de Dieu, l'homme est son image ; par l’incarnation du Fils, notre temps est devenu la demeure de Dieu, le temps éternel s'est déversé dans notre temps et, puisque le Fils est retourné au ciel, il a emmené avec lui notre temps dans le temps éternel. (NB 10, n. 2177).

 

2120. Par l’incarnation, le Fils et l’Esprit se différencient pour nous

On peut exprimer des généralités sur Dieu Trinité : le Père est la vérité, le Fils est la vérité, l'Esprit est la vérité. Tout semble alors déboucher sur l'uniformité, on ne perçoit pas dans quelle mesure justement le Père est la vérité, etc. Ce n'est que par l'incarnation que se différencient pour nous le Fils et l'Esprit, et le Père alors se détache aussi d'eux. Maintenant se pose la question : comment Dieu se différencie-t-il pour lui-même ? Est-ce que les personnes doivent se référer éternellement à leurs relations d'origine – le Fils engendré par le Père, l'Esprit procédant des deux - pour se distinguer les unes des autres ? Ou bien l'incarnation du Fils par exemple fut-elle pour le Père et l'Esprit une occasion bienvenue de se distinguer enfin plus nettement du Fils ? Il serait ridicule de dire ce genre de choses ! (NB 5,151).

 

2121. Le Verbe fait chair est pour nous l'accès à l’Écriture aussi bien de l'ancienne que de la nouvelle Alliance

Si le Fils n'était pas venu corporellement dans le monde, nous n'aurions aucune expérience concrète de la vérité de l'Ancien Testament et ainsi nous n'aurions l'intelligence ni de la Parole qui atteste, ni de la Parole qui est attestée. De même que le Fils devient homme dans la Mère, de même il devient Parole humaine dans l’Écriture. Qu'il soit aussi bien homme que Parole ou Dieu, cela nous est attesté par la Mère et par l’Écriture de manière à ce que nous y comprenions quelque chose. Dans l'Ancien Testament, la Parole n'est qu'entendue, dans le Nouveau elle existe corporellement : "Qui me voit voit le Père". Par son humanité, qui nous est communiquée par l’Écriture, nous nous sommes beaucoup rapprochés de la Parole. Dans l'ancienne Alliance, la Parole nous restait en quelque sorte extérieure ; dans la nouvelle, elle devient notre chair et nous voyons Dieu en elle. En devenant homme pour nous, la Parole nous fait saisir dans la Mère quelque chose qui nous appartient à tous, quelque chose de si humain que par elle - et ensuite plus profondément encore par l'eucharistie - nous avons Dieu au milieu de nous et en nous, dans une proximité à laquelle on ne s'attendait pas jusque là. C'est pourquoi le Verbe fait chair est pour nous l'accès à l’Écriture aussi bien de l'ancienne que de la nouvelle Alliance. La Parole est devenue Parole faite chair au point central ; toutes les autres paroles partent de là et y ramènent. Et le fait que l'Esprit ait couvert la Mère de son ombre est devenu aussi le témoignage de l'engendrement du Père éternel ; si nous voulions parler de l'engendrement éternel sans l'incarnation du Fils, à vrai dire nous n'y comprendrions rien (NB 1/2, 240).

 

2122. Incarnation : le monde de Dieu connu de manière inouïe

Dans la nouvelle Alliance, la révélation de Dieu est unifiée par le Fils d'une manière inouïe. Maintenant le monde de Dieu est presque un monde connu dans lequel on ne cesse de pénétrer plus profondément (NB 5,51).

 

2123. L’ incarnation : l’occasion de nous faire une idée de Dieu

Le Fils est venu aussi dans le monde pour se laisser interpréter ; l'incarnation est précieuse comme possibilité d'interpréter Dieu ; son sens est de nous donner une occasion de nous faire une idée de Dieu (NB 11,237).

 

2124. Le Père, le Fils et l’Esprit sont devenus compréhensibles pour nous par l’incarnation

Le Fils est devenu compréhensible pour nous par l'incarnation et, de la sorte, le Père l'est devenu aussi d'une certaine manière, en tant qu'il est le Père de celui qui s'est incarné. L'Esprit Saint ne devient pas évident pour nous parce qu'en partant de ce qu'il fait, il ne nous est pas permis de nous faire de lui une idée claire et nette. Nous nous approchons peut-être davantage de lui si nous partons de la propriété qui est la sienne d'être semence : aussi bien quand il se dévoile expressément avec la force de la semence que là où il personnifie en tant que semence l'unité du Père et du Fils si bien qu'il n'apparaît qu'uni à eux et qu'il n'est plus représentable isolément (NB 6,431).

 

2125. Par l’incarnation, comprendre le monde intra-divin -

Tout l'ordre intra-divin ne nous est compréhensible que par l'incarnation du Fils (NB 12,156).

 

2126. L’incarnation de Dieu a un sens fécond pour les hommes

Seul l'Esprit rend possible de comprendre que l'incarnation de Dieu, que suivre le Christ, a un sens fécond pour les hommes (NB 2,179).

 

2127. Lincarnation : pour faire passer notre existence humaine dans l’existence du Fils

L'incarnation du Fils est comme un pont sur lequel nous pouvons faire passer notre existence humaine dans son existence divine pour avoir part à la joie parfaite de l'adoration divine (NB 12,141).

 

2128. L’accueil définitif de Dieu 

En fin de compte le monde a été créé pour le Fils ; les choses ont d'abord été créées pour l'homme ; mais les choses et l'homme pour qui elles sont faites existent en vue d'un sommet qui sera l'accueil définitif de Dieu : le Fils qui se fait homme (NB 6,50).

 

2129. Par son incarnation le Fils ne fait plus qu’un avec Dieu et avec le monde

Il ne faut pas oublier que par son incarnation, le Fils lui-même ne fait plus qu'un avec Dieu et avec le monde, que son incarnation signifie un accomplissement totalement approprié à son être de Fils. Et justement sa croix sera l'accomplissement de son don parfait de lui-même au Père. Bien qu'il soit éternellement parfait, il a quand même devant les yeux la preuve inouïe de son amour pour le Père qu'il pourra donner sur la croix (NB 6,53).

 

2130. Incarnation : l’amour devenu visible du Fils

L'incarnation du Fils est pour nous la distinction des personnes de la Trinité et ensuite la distinction de nos personnes pour la Trinité. Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir d'ici que rétrospectivement nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils (et ensuite de l’Église et de l’Écriture sainte, qui elle aussi est un don de la Parole de Dieu), de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

2131. Incarnation par amour pour tous les hommes

Le Fils devient homme par amour pour le Père et pour l'Esprit, et son amour ne subit de ce fait aucune interruption. Mais sans doute en tant qu'homme, aime-t-il maintenant de son amour divin absolu tous les hommes qu'il rencontre, tous les hommes inclus dans sa mission, et cela a priori. Qu'il nous ait aimés d'abord sans interruption de l'amour dont il a aimé le Père et l'Esprit de toute éternité : c'est là que réside l'expression de l'amour trinitaire. Cet a priori (et donc ce caractère trinitaire) est connu dès sa conception et sa naissance ; elles ont eu lieu fondamentalement par amour pour tous les hommes. Si nous pouvions vivre totalement de la grâce de l'amour trinitaire, l'amour serait en nous aussi la donnée première, et les applications individuelles seraient secondaires par rapport à elle, et inclus en elle. Malheureusement la plupart des chrétiens ne vivent pas comme ça, ils adaptent leur amour aux circonstances de leur vie au lieu de se laisser dominer par l'amour divin et de s'y ajuster. Cet amour est éternel et infini et immuable, il n'est modifié par aucune des conditions de l'objet, il n'en dépend pas. Le Fils aime de la manière la plus inconditionnelle même là où il ne trouve aucun accueil, même là où on le hait : sur la croix (NB 6,109).

 

2132. La plénitude que le Christ a apportée ici-bas

Pour l’Église, il n'y a pas de mort comme la mort du Seigneur, pas de résurrection comme la résurrection du Seigneur, pas d'Esprit comme celui qui a été envoyé à la Pentecôte ; ce qu'il y a d'exclusif dans le Christ signifie la plénitude qu'il a apportée ici-bas et qu'il a promise infailliblement à son Église. En s'incarnant, le Fils a assumé vis-à-vis du Père une tâche qui, au début, semblait n'être qu'un pur renoncement, et qui finalement a débouché sur une pure prodigalité : tout ce qu'il avait laissé lui fut rendu en surabondance parce que tout ce qui concerne sa mission, il le confie à la fécondité du Père et il lui laisse le soin d'en disposer. Le monde racheté par le Fils est le monde du Père ; la mystique offerte par le Fils est la mystique du Père (NB 5,75).

 

 

11. Le Fils et l’Esprit Saint
 

Plan : 182 Relations de l’Esprit avec le Père et avec le Fils183 Relations de l’Esprit avec le Fils184 LEsprit, le Fils et le monde

 

            182 Relations de l’Esprit avec le Père et avec le Fils

 

2133. L’Esprit procède de l’unité du Père et du Fils

Nous pouvons le mieux nous représenter l'Esprit comme celui qui veille sur l'unité de Dieu ; qui intervient là où nous ne comprenons plus pour compléter, pour garantir. L’Esprit procède de l'unité du Père et du Fils et achève la divinité (NB 3,191).

 

2134. L’Esprit circule entre le Père et le Fils

Lors de la création, l'Esprit Saint plane au-dessus des eaux du chaos, il accompagne l’œuvre du Créateur. Il est dit du Père qu'il crée, qu'il se repose le septième jour, qu'il se promène dans le paradis. Le fait de planer est pour l'Esprit disponibilité ; dans l'Esprit se trouvent les propriétés contre lesquelles les hommes se dressent en péchant, les propriétés que demandent les croyants qui suivent le Fils et l'adorent. L'Esprit est libre pour eux, il peut être demandé par eux avec ses propriétés et il les accompagne ; il accompagne le Fils comme le Fils a accompagné le Père lors de la création du monde. L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils, il circule entre les deux et, quand le Père agit, le Fils agit ; il donne alors à ces actes son amour circulant sous une forme aimante qui n'a rien de contraignant. Quand le Fils souffre en tant qu'incarné et que le Père le laisse souffrir, il arrive aux deux quelque chose de tout à fait absolu ; mais le fait que l'Esprit plane et circule entre eux concilie le contraste, il est pour ainsi dire, dans l'amour, un renoncement à l'absolu du point de vue, mais sans le supprimer (NB 3,247).

 

2135. L’Esprit est tourné vers le Père et vers le Fils

L'Esprit est seul dans le Père et dans le Fils. Il a pour ainsi dire deux visages ; il est tourné tout autant vers le Père que vers le Fils (NB 4,36).

 

2136. L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils (NB 2,42 ; 2,80).

 

2137. L'Esprit : son éternelle procession du Père et du Fils (NB 2,70).

 

2138. Le Père et le Fils envoient l’Esprit

Le Fils (qui en tant que deuxième personne divine est ordonné à l'Esprit) peut en tant qu'homme recevoir l'Esprit et le renvoyer au Père sur la croix. Le Père qui envoie le Fils est unique ; mais quand l'Esprit est envoyé, il y en a deux qui l'envoient, si bien qu'il est impossible de se représenter un point de repos pour l'Esprit qui est envoyé, parce que le lieu d'où il sort est le mouvement entre le Père et le Fils eux-mêmes. Le Père et le Fils l'envoient de la même manière et en même temps, en un mouvement unique, dans lequel on ne peut distinguer la part de chacun, ils l'envoient dans la communauté toujours naissante de l'envoi (NB 6,394-395).

 

2139. L’Esprit est envoyé par le Fils et par le Père

L'Esprit est envoyé par le Fils et par le Père comme porteur de toutes les missions chrétiennes (NB 10, n. 2127).

 

2140. L’Esprit souffle là où le veulent le Père et le Fils

L’Esprit souffle où il veut, et sa volonté est l'expression de ce que veulent le Père et le Fils. Non pas qu'il convoiterait d'avoir la liberté du Père et du Fils, mais il ne veut pas avoir d'autre liberté que d'être là pour la liberté du Père et du Fils (NB 11,38).

 

2141. L'Esprit porte au Père tout ce qui appartient au Fils

L'Esprit a porté le Fils dans le sein de sa Mère. Puis l'Esprit porte au Père tout ce qui appartient au Fils, il porte au Père la volonté que le Fils a de souffrir ; venant du Fils qui exhale l'Esprit sur la croix, il revient au Père avec toute la souffrance du Fils. Et le Père reçoit cette souffrance et voit les richesses qui s'y trouvent, et l'Esprit unit l'Esprit de souffrance du Fils à la lumière du Père pour faire rayonner l'espérance du Père sur le monde, sur l’Église, sur la Mère (NB 5,260).

 

2142. Le Fils reste en contact avec Dieu par l’Esprit

Le Fils n'a pas la possibilité - et il ne lui est pas permis - de se séparer de sa divinité, il doit la prendre avec lui en tout ce qu'il fait, y compris quand il sera abandonné par le Père. Parce que l'expérience de l'humanité est pour lui nouvelle, il peut sans cesse recourir à l'Esprit pour être sûr que tout ce qu'il fait est juste. Et c'est ainsi qu'il peut oser avancer, car il reste en contact avec Dieu par l'Esprit qui lui montre le chemin et les limites, et l'introduit dans l'humanité. L'Esprit apparaît ici-bas comme l'aîné qui peut indiquer son chemin au cadet. Le Fils possède ici-bas son infaillibilité divine, mais de plus il doit toujours compter avec Dieu tel qu'il est au ciel. Il doit se poser la question : "Comment le Père dans le ciel perçoit-il ce que je fais ici-bas ?" C'est l'Esprit qui lui fait voir ce qu'il en est (NB 6,401).

 

2143. L’Esprit Saint est là pour aider le Père et le Fils

Lors de la passion, l'Esprit Saint est là pour aider le Père comme le Fils dans leur impuissance identique et pourtant opposée ; il est comme un miroir qui se tient devant le Père comme devant le Fils pour que, le plus clairement possible, ils reconnaissent toujours ce que l'autre désire. L'Esprit n'est pas seulement aide, il est aussi, en un certain sens, l'informateur qui indique de la manière la plus objective, la plus exacte, qui est Dieu le Fils et ce qu'il désire donner, et qui est Dieu le Père et ce qu'il désire donner. Cette impuissance du Père, qui lui est comme imposée, approfondit la distance qui sépare le Père du Fils, et l'Esprit qui sert de médiateur entre la volonté du Père et celle du Fils met toute sa volonté à souligner la distance requise de la manière dont le Père et le Fils le demandent, voulant et ne voulant pas tout à la fois. Le voulant, parce qu'il en a été décidé ainsi ; ne voulant pas, parce que, sur le moment, c'est le plus difficile : ils sont comme prisonniers de leur propre volonté (NB 3,180-181).

 

2144. L’Esprit auprès du Fils pour sa mission et auprès du Père comme conseiller

Par sa nature, l'Esprit a le devoir de se tenir auprès du Père et aussi auprès du Fils ; il se tient auprès du Père en quelque sorte comme un conseiller pour discuter de la mission du Fils et pour partager d'une certaine manière au Père son expérience du monde ; et le Père a pour ainsi dire en lui un tableau de l'expérience du monde qu'il consulte pour déterminer le chemin du Fils. L'Esprit se tient alors aussi auprès du Fils, et le Fils confère avec lui et il voit et il examine en lui et à ce qu'il est la grandeur de ce qu'il va entreprendre et la possibilité de le réaliser. Et c'est alors comme si, dans cette double concertation avec l'Esprit, le Père et le Fils prenaient leur décision définitive. Le Père mesure exactement ce qu'il demande au Fils, le Fils ce qu'il se demande à lui-même. L'Esprit est en quelque sorte pour les deux un garant (NB 6,396).

 

2145. Médiation de l'Esprit entre le Père et le Fils devenu homme

La situation de l'Esprit entre le Père et le Fils devenu homme, on peut la comparer à la situation du confesseur entre Dieu et l'homme. En portant la semence de Dieu dans le sein de la Mère, l'Esprit surveille et régit la relation entre le Père et le Fils. Dans le sacrement de pénitence a lieu aussi une médiation afin que se fasse jour un état juste que l'homme seul ne peut produire. Le confesseur représente là l'œuvre de la croix ; dans son ministère, il remplace le Fils et il ramène ainsi au Père sa créature. De manière similaire, l'Esprit joue un rôle de ministre entre le Père et le Fils ; c'est lui maintenant qui, à la place du Fils, rend au Père le monde que le Fils est sur le point de racheter. Le Fils n'est pas en mesure maintenant de le rendre au Père sans médiation, il doit vivre dans la médiation de l'Esprit que celui-ci a assumée lors de l'incarnation et qu'il accomplit jusqu'au retour du Fils auprès du Père par sa résurrection et son ascension. Jusque là le Fils est occupé à remplir sa mission, et l'Esprit surveille l'accomplissement de cette mission. Le Fils n'a pas le droit maintenant d'être pour ainsi dire distrait de sa tâche principale qui est de racheter le monde, et c'est l'Esprit qui en attendant recueille les fruits (NB 6,398-399).

 

               183 Relations de l’Esprit avec le Fils

 

2146. L’Esprit, semence du Père

La relation entre Dieu le Père et Dieu Esprit est rendu plus vivante parce que l'Esprit est devenu le porteur de la semence du Père, parce que le chemin terrestre du Fils qui va du Père au Père a été rendu possible par l'Esprit au service du Père (NB 12,114).

 

2147. L’Esprit a porté la semence du Fils dans la Mère

L’Esprit est le premier qui prie dans la désolation. Cette désolation consiste avant tout dans le fait qu’il se rend disponible comme une chose, qu’il se laisse malaxer comme une chose pour remplir la fonction de porteur de la semence du Père, comme une chose à laquelle est inhérente la vie du Fils en tant que vie unique, et qui féconde la Mère. Il opère dans un parfait anonymat. En venant à la Mère et en se laissant descendre en elle, il lui apporte la possibilité de la prière désolée. Malaxé lui-même, il lui apprend à être malaxée. Ainsi la Mère est la première qui apprend, par l’Esprit et par son exigence, la prière de désolation (NB 9, n. 2011).

 

2148. L'Esprit est le porteur de la semence du Père

Pour l'incarnation, l'Esprit est le porteur de la semence du Père. Il reçoit ainsi la propriété générale d'être dans le monde la semence de Dieu, de rendre Dieu présent. Dans le monde, l'Esprit semble attirer derrière lui le Père et le Fils. Il apparaît comme celui qui engendre et celui qui rend visible (le mystère), comme autrefois il a apporté le Fils à Marie et l'a rendu visible. Et en rendant visibles le Père et le Fils de manière nouvelle, il se fait connaître lui-même comme Esprit divin. De même que le Fils, durant sa vie, s'est employé à glorifier le Père jusqu'à l'instant où il a dit : "Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils". Glorification réciproque du Père et du Fils. L'Esprit attire après lui le Père et le Fils (NB 6,425-426).

 

2149. L’Esprit procède aussi du Fils et pourtant il apporte Fils au monde

L'Esprit est l'Autre en Dieu ; il n'est jamais écarté de la relation Père - Fils mais, dans cette relation, il est libre de souffler où il veut, à l'intérieur et au-delà. Cette liberté de l'Esprit est visible aussi dans le fait que c'est lui qui apporte le Fils ici-bas. Ce qui est là extraordinaire c'est qu'il ne procède pas seulement du Père et qu'il apporte à la Mère la semence du Père, mais c'est aussi qu'il procède du Fils et que pourtant il apporte le Fils au monde. C'est une image parlante de la vie éternelle. Il faut penser à ceci : l'Esprit apporte à la Mère non seulement une semence humaine mais une semence divine (NB 6,393-394).

 

2150. Le Fils est porté par l’Esprit. L’Esprit est porté par le Fils

Il y a la transsubstantiation du Fils dans l'eucharistie : il nous est offert pour qu'il vive en nous. L'Esprit opère cette transsubstantiation comme autrefois il porta le Fils dans le sein de la Mère. Mais le Fils porte l'Esprit dans sa vie terrestre depuis son baptême. Les deux choses sont une expression de la relation en Dieu Trinité : le Fils est porté par l'Esprit, l'Esprit est porté par le Fils (NB 10, n. 2054).

 

2151. Le Fils en tant qu’homme a porté l’Esprit

Lors de la réception du baptême ou d'un autre sacrement, l'Esprit Saint nous est donné d'une manière nouvelle, d'une manière beaucoup plus personnelle, par la médiation du Fils devenu homme : étant donné que le Fils en tant qu'homme a porté l'Esprit qui est descendu sur lui comme une colombe, nous reconnaissons plus facilement dans l'Esprit ce qui nous est destiné (NB 4,166).

 

2152. L’Esprit montre au Fils ce que veut le Père

L'Esprit transmet au Fils devenu homme la mission du Père. Ici-bas, il est pour lui le poteau indicateur, et pas un poteau indicateur qui ne ferait que montrer ce que veut le Père, mais qui montre aussi ce qui, pour cet homme qu'est le Fils, est juste au point de vue terrestre. L'Esprit est bien sûr aussi en Marie quand elle instruit et guide l'enfant avec une expérience qui est tout à la fois humaine et basée sur la foi. En tant que Dieu, l'Esprit Saint a depuis toujours une "expérience du monde" qui lui permet de pousser sur le bon chemin le Fils qui doit d'abord s'approprier cette expérience en tant qu'homme (NB 6,391).

 

2153. L’Esprit montre au Fils ce qui serait encore à faire

L'Esprit montre continuellement au Fils devenu homme ce qui serait encore à faire. Il le fait avec une sorte d'humilité divine. D'une certaine manière, il ne se permet pas de décider lui-même ce qui peut être demandé au Fils, ce qui se trouvait dans l'accord céleste. Il ne s'interpose pas ; d'une part il renvoie au Père, d'autre part il laisse au Fils de décider librement. Si celui-ci disait : "Assez", il ne pourrait pas le contredire ou faire prévaloir son avis. Il ne fait qu'indiquer la grandeur du péché de l'humanité, la profondeur de l'offense faite au Père (NB 6,409).

 

2154. Le Fils reçoit par l’Esprit la volonté du Père

Le Fils a placé son obéissance entre les mains du Père. Tant que le Fils est ici-bas, il ne va pas au Père avec des propositions. Il reçoit chaque fois dans l'Esprit Saint la volonté du Père (NB 11,281).

 

2155. L’Esprit transmet au Fils la volonté du Père

La relation du Fils au Père est façonnée ici-bas par l'Esprit Saint qui transmet la volonté du Père au Fils obéissant ; cet Esprit est le même dans le Père que dans le Fils, l'amour de celui qui obéit n'est donc pas plus imparfait que l'amour de celui qui ordonne (NB 12,36).

 

2156. La règle du Seigneur est originellement son Esprit

La semence du ministère que le Seigneur a semée autrefois dans l’Église pousse aujourd'hui tout comme de son temps… Le ministère n'est aucunement quelque chose de rigide. Le ministère du Seigneur était amour. Le ministère ressemble en quelque sorte à la règle, et la règle du Seigneur est originellement son Esprit (NB 1/2, 51).

 

2157. L'Esprit Saint est ici-bas la règle du Seigneur si bien que toute son attitude exprime l'Esprit (NB 2,87).

 

2158. L’Esprit, règle du Christ

Au Christ qui a vécu parmi nous, l’Esprit s'est donné à comprendre comme étant sa règle (NB 2,135).

 

2159. L’Esprit : la règle de Jésus

Ananie (Ac 5,1 ss.) ne ment pas quand il ne met aux pieds des apôtres qu'une partie du produit de la vente. Il n'avait qu'à rien vendre. Ou bien il aurait pu aussi vendre le tout à son profit. Mais s'il apporte aux apôtres le produit de la vente, il doit tout apporter. Il a "menti à l'Esprit Saint", cet Esprit qui était toujours la règle de Jésus et qui deviendra dans l’Église la règle des ordres. Ce passage est comme un fondement des règles des ordres (NB 10, n. 2354).

 

2160. L’Esprit, norme de la juste conduite pour le Fils

Pour le Fils devenu homme, qui fait connaissance avec le monde pécheur, l'Esprit est la norme de la juste conduite. Le Fils peut juger des dimensions du péché à l'éloignement de l'Esprit qu'il produit dans le pécheur. Sa propre relation à l'Esprit dans le cadre de sa mission est quelque chose d'absolument objectif parce que l'Esprit, tout comme lui-même, est envoyé par le Père pour sauver le monde. Le Fils juge chaque péché d'après l'offense faite au Père (NB 6,403-404).

 

2161. L'Esprit qui guide le Fils ici-bas est l'Esprit du Père

En tant que Dieu - et en tant qu'homme dans la prière et la contemplation - le Fils a une vision immédiate du Père, mais il a de plus une vision particulière du Père dans l'Esprit, par laquelle il peut voir comment ce qu'il fait comme homme réagit sur le Père. Celui qui aime peut, à côté de la vision immédiate de la personne aimée, avoir une instance qui lui permet de voir les effets de son comportement. Car il peut la regarder aussi de manière indirecte : se faire une idée des habitudes, des besoins, des actes, des manières de se comporter de la personne aimée, ce qu'elle aime, désire, ressent, et se comporter en conséquence. Cela lui donne un autre point de vue que s'il ne la considère que comme celle qu'il aime d'un amour débordant et qui répond de même. Dans l'amour, il y a une exigence. Celui qui aime doit accomplir les actes que la personne aimée attend de lui. Quand le Père envoie le Fils, il lui donne l'Esprit plus que jamais pour ce temps. Il unit les missions du Fils et de l'Esprit, mais on ne doit pas oublier que l'Esprit qui guide le Fils est l'Esprit du Père, c'est pourquoi il n'est pas possible du tout que le Père et le Fils deviennent étrangers l'un à l'autre. Mais l'Esprit assume une responsabilité qui, pour tenir bon, requiert une prudence et une tendresse divines. Le Père met son Fils dans les bras de l'Esprit comme une mère met son enfant dans les bras d'une nourrice. L'Esprit est le premier christophore (NB 6,401-402).

 

2162. L’Esprit conduit le Fils devenu homme

Dans le Fils, l'Esprit a pu tout faire. Naturellement un être humain est lié aux limites de sa nature, son quotidien est fait pour l'essentiel d'actes mesurables, limités. Mais si cet homme est Dieu et que l'Esprit de Dieu le conduit, ses actes limités reçoivent une justesse non seulement humaine, mais divine (NB 6,419).

 

2163. L’Esprit a conduit le Fils à la croix

L'Esprit, qui souffle où il veut, a conduit le Fils à la croix et Pierre là où il ne voulait pas aller : le Seigneur exactement là où il voulait aller et Pierre exactement là où il ne voulait pas aller (NB 11,27).

 

2164. Le Fils se laisse orienter par l’Esprit

Durant sa vie, Jésus a l'Esprit comme l'a un baptisé. Mais comme il est Dieu, l'Esprit l'accompagne comme Dieu accompagne Dieu. En tant que Dieu, le Fils est celui de qui l'Esprit procède, en tant qu'homme il l'écoute et se laisse orienter par lui (NB 6,413-414).

 

2165. Le Fils ici-bas : poussé par l’Esprit de Dieu

Le Christ a eu en lui l'Esprit comme règle et principe de conduite, et il a orienté vers le Père sa vie ici-bas en conséquence. Cet Esprit n'est pas mort, il est l'Esprit vivant et saint de Dieu, qui ne tolère jamais qu'on le repousse, qu'on l'enferme dans un coin de l'âme, qui au contraire veut toujours se répandre en tout ce que fait celui qui est conduit par lui. Il en fut ainsi en tout cas pour le Fils de Dieu, qui à tout instant était poussé par l'Esprit de Dieu (même si ce n'est pas toujours mentionné expressément) pour tout faire par cet Esprit en union avec le Père. Il en a fait l'expérience en tous ses actes humains avant de le communiquer plus tard à son Église. Durant toute sa vie, il a pour ainsi dire donné à l'Esprit de faire une nouvelle expérience de la terre et de l'homme, une expérience qui est inséparable de la sienne (NB 6,418).

 

2166. Jésus poussé par l’Esprit

Quand Jésus est poussé par l'Esprit ou quand il donne l'Esprit à ses disciples en soufflant sur eux, l'Esprit est toujours clairement situé. Jésus n'est jamais un mélange confus et ambigu de divin et d'humain ; il a toujours créé pour l'Esprit ici-bas une situation tout à fait claire sur laquelle il n'y a pas à se méprendre. Le mélange est signe de tiédeur (NB 6,425).

 

2167. L’Esprit aide le Fils dans sa mission terrestre

L'Esprit Saint témoigne au Fils devenu homme que Dieu est le Père qui l'engendre éternellement et lui l'éternellement engendré, le bien-aimé et l'envoyé. La tâche principale de l'Esprit pour le Fils se trouve là où se rencontrent les natures divine et humaine ; il rend en quelque sorte supportable pour l'homme d'être Dieu et pour Dieu d'être homme. Supportable justement en confirmant : Oui, tu es Dieu ; oui, tu es homme ! En tant que Dieu, le Fils ne fait qu'un avec le Père, en tant qu'homme il est séparé de lui, et l'Esprit l'aide, malgré la distance, à être dans le Père par l'Esprit. Mais il aide aussi Dieu le Fils à supporter les limites partout sensibles de l'humanité qu'il a établies lui-même. Par son incarnation, le Fils n'est pas déchiré, il possède sa parfaite unité dans l'Esprit Saint. De même que le Fils sur la croix a déposé sa divinité auprès du Père, ainsi il a confié à l'Esprit, pour la durée de sa vie terrestre, son unité divino-humaine. Quand l'Esprit porte la semence du Père dans le sein de la Mère, il devient le gérant d'un mystère. Il en assume la responsabilité : aussi bien de faire que le Père devient celui qui envoie et que le Fils devient l'envoyé. Le Père envoie le Fils dans le monde, mais de telle manière qu'il transmet cette mission à l'Esprit qui la concrétise. Et ce rôle assumé un jour, l'Esprit ne s'en dessaisit plus. Il se tient derrière le Fils comme celui qui rend possible sa mission, mais en même temps comme celui qui l'exige (NB 6,182-183).

 

2168. L’Esprit aide le Fils dans le quotidien

Parce que l'Esprit réalise l'incarnation en couvrant la Mère de son ombre, le Fils sait aussi que son obéissance va aussi à l'Esprit. L’Esprit n'aidera pas seulement le Fils en tant qu'homme à chercher et à trouver la volonté du Père, il l'aidera aussi, selon l'âge du Seigneur et les situations de sa vie, à avoir la juste disposition d'esprit ou le juste état d'âme. Quand l'enfant joue, quand le jeune garçon enseigne dans le temple, quand le menuisier fait son travail, sa mission est chaque fois parfaitement accomplie ; la conscience de sa mission, l'obéissance exacte au Père, n'empêchent pas le Fils de vivre totalement dans chacune des situations qui se présentent. Il connaît sa mission de souffrance, mais il joue pourtant comme un enfant avec les autres enfants, sans se faire de soucis. Et quand, à Cana, à la demande de sa Mère, il opère le miracle qu'il ne voulait tout d'abord pas faire, cela ne se fait pas avec une disposition d'esprit qui serait contraire à celui de la fête (NB 11,323).

 

2169. Le Fils appelle l’Esprit à l’aide pour ainsi dire

Les besoins du Fils ne sont pas seulement ses besoins divins de faire du divin, mais aussi ses besoins humains, des besoins "diminués", qu'il ne peut pas réaliser tout seul et pour lesquels il appelle l'Esprit à l'aide pour ainsi dire. Tout ceci est contenu à l'avance dans le renoncement du Fils à tout faire tout seul en tant que Dieu, à tout faire tout seul pour la plus grande gloire du Père. En tant qu'homme, il veut dépendre de l'Esprit divin. Et, dans cette coopération du Fils et de l'Esprit à l'œuvre du salut, nous voyons à nouveau leur unité céleste dans l'accomplissement de l'unique volonté paternelle et trinitaire (NB 6,405).

 

2170. Relation de l’Esprit au Fils pour lui permettre de remplir sa mission terrestre

Pendant la vie terrestre du Fils, l’Esprit a avec lui une relation spéciale pour lui permettre sa mission terrestre et l'opérer en lui, de même il a en même temps une relation spéciale avec la Mère pour façonner en elle sa mission maternelle à l’égard du Fils. Il habite en elle. Il lui est inhérent pour sa tâche de mère, pour la tâche de sa vie avec Dieu, qui a trouvé son expression dans sa maternité vis-à-vis du Fils et dans le fait qu'elle l'accompagne sur son chemin (NB 1/2, 182).

 

2171. L’Esprit accompagne toujours le Fils

L'Esprit Saint accompagne toujours le Fils. L'Esprit était toujours inséparable de la parole du Fils et de toutes les circonstances de sa vie (NB 11,28).

 

2172. L’Esprit a accompagné l’humanité du Fils

Si le Seigneur en tant qu'homme a appris à laisser des traces, lui-même a cependant toujours aussi suivi des traces qui ne sont pas visibles pour nous. On peut tout au plus s'en douter, il suit l'Esprit. L'Esprit a préparé son incarnation, il a accompagné son humanité ; aucune de ses démarches ne s'est effectuée sans que l'Esprit l'ait devancée. "Toi, suis-moi" : l'apôtre suit l'appel parce que l'Esprit l'a touché, l'a rendu attentif à la venue du Seigneur. Et pour le Seigneur qui appelle, il y a dans son action, à côté de son obéissance au Père, la reconnaissance de l'action de l'Esprit dans l'appel lui-même. "Toi, suis-moi" : le Fils dit cela au bon moment, quand l'autre a été préparé par l'Esprit (NB 4,157-158).

 

2173. L’Esprit, accompagnateur du Fils ici-bas

Quand le Fils sur la croix renvoie l'Esprit au Père, c'est comme si l'Esprit gardait dans le ciel les actes du Fils qui lui ont été remis en mains propres. Il entend comme le Père la parole du Fils qui remet l'Esprit au Père et il voit cette remise ; il n'est pas totalement dans le Fils, mais il reste le troisième. Il est témoin de la remise du Fils au Père et il assume pourtant en même temps ce qui lui revient dans l'événement : il se charge précisément des actes. Il ressemble à un notaire qui est présent à la signature des deux parties, mais il a là sa part, il est payé pour être témoin. En tant qu'accompagnateur du Fils - lors de sa conception et de sa naissance, auprès du garçon de douze ans, et jusqu'à la passion -, il lui était présent et il peut lui montrer tous ses mystères terrestres dans une supra-temporalité. Le Fils les a vécus dans leur déroulement terrestre, l'Esprit les a vécus à partir de la vie éternelle, à partir de la même vie éternelle où le Père engendre le Fils éternellement ; de la sorte l'Esprit est aussi en même temps avec le Père (NB 6,411-412).

 

2174. Le Fils homme est accompagné par l’Esprit

Le Père envoie l'Esprit Saint afin que le Fils ne soit pas seul, ni comme Dieu, ni comme homme. Quand le Fils devient homme, il a ainsi l'Esprit auprès de lui, non seulement en tant qu'il est Dieu, mais aussi en tant qu'il est homme. En tant qu'homme, il vit sous le signe de l'Esprit Saint que le Père a fait descendre sur lui. Quand le Fils dépose sa forme de Dieu auprès du Père pour être d'autant plus homme, il vit néanmoins dans la divinité de l'Esprit Saint qui lui a été envoyée et avec elle. Il voit en lui les effets de cet Esprit. Naturellement il n'a aucune sorte d'inclination au péché, c'est pourquoi il éprouve ce que peut éprouver de l'Esprit Saint un homme sans péché. Par la pureté de l'Esprit, il reçoit une opposition encore plus forte au péché. Mais il a reçu l'Esprit avant tout pour être accompagné par Dieu (NB 6,85).

 

2175. L’Esprit confirme la mission du Fils

L'Esprit d'amour est dans le Fils et dans le Père et, quand c'est nécessaire, il devient visible aussi comme Esprit pour ceux qui vivent sur terre. Lui qui, en soi, pourrait rester invisible se manifeste pour confirmer la mission du Fils (NB 12,96).

 

2176. L’Esprit au service du Fils devenu homme

L'Esprit souffle où il veut. Et il veut aller là où le Père et le Fils conjointement l'envoient. C'est en procédant du Père et du Fils que l'Esprit est envoyé. C'est en étant envoyé qu'il procède. Mais comme le Fils s'est abaissé et s'est en quelque sorte "diminué" pour devenir homme et pour accomplir en tant qu'homme (tout en étant Dieu en même temps) la volonté du Père, il y a pour l'Esprit un abaissement correspondant par lequel il cherche dans le Fils devenu homme la volonté du Père. Son abaissement réside dans le fait qu'il se laisse envoyer par le Fils devenu homme. Il ne croit pas devoir rester attaché à être envoyé par la divinité du Père et du Fils mais, par une sorte de renoncement, il se laisse en même temps envoyer par Dieu dans sa forme humaine. Quand il est ainsi envoyé, il exerce aussi son activité dans l'humiliation et le renoncement. Il souffle où il veut, mais maintenant cela dépend en partie des besoins du Fils. C'est une action intérieurement humble, effacée, toute au service du Fils (NB 6,405).

 

2177. Le Fils mourant remet l’Esprit au Père

Le Fils mourant remet l'Esprit entre les mains du Père. L'Esprit ne retourne pas au Père de son propre mouvement, il est remis. C'est un dernier consentement du Fils à la croix que le Père lui a donnée. Il fait partie de la mission du Fils et de l'Esprit qu'ils se séparent à la croix. Comme si le Fils devait provoquer lui-même son ultime abandon. Le Père et l'Esprit ne parlent plus, c'est le Fils seul qui dit : "Je rends". Ce n'est ni de la théorie, ni de la contemplation, c'est un acte. "Entre tes mains" veut dire : à toi qui m'as donné ma mission. La mission de l'Esprit pour accompagner le Fils est terminée, et le Fils ne le renvoie pas n'importe où, mais entre les mains du Père ; par cet envoi, il prend un ultime soin de l'Esprit. En retournant au Père, c'est l'Esprit qui obéit au Fils. Tant que le Fils avait auprès de lui l'Esprit comme règle, il obéissait à l'Esprit. Maintenant c'est l'Esprit qui obéit au Fils en retournant au Père dans une obéissance qui leur est commune. Le Fils commence ainsi à envoyer l'Esprit, ce qu'il achèvera après Pâques : il l'envoie d'abord au Père, puis à l’Église et au monde (NB 6,410-411).

 

2178. Le Père et l’Esprit obéissent au Fils sur la croix

En se laissant crucifier, le Fils accomplit d’abord une obéissance toute simple, physique : il met ses membres là où le Père veut qu’ils soient. Suit alors son obéissance absolue : quand il rend aussi au Père son Esprit, il se dépouille lui-même de tout ce qui lui appartient. Il rend librement l’Esprit. Ses mains et ses pieds, il ne peut plus les rendre qu’en l’absence de liberté parce qu’ils sont déjà cloués, déjà pris. Il n’a plus la possibilité de fuir parce que le Père et l’Esprit lui obéissent sur la croix. S’ils ne lui obéissaient pas, ils lui auraient épargné la croix par compassion, ou bien ils auraient fourni un remplacement comme pour Isaac. Cela fait partie de leur obéissance que, jusqu’au bout, ils considèrent comme Dieu le Fils dont la souffrance doit être infinie (NB 9, n. 1636).

 

2179. L’Esprit a apporté le Fils au monde. Après Pâques, l’Esprit est envoyé par le Fils

Après Pâques, l'Esprit Saint est envoyé par le Fils, mais c'est l'Esprit qui, au temps de l'Avent, apporte au monde le Fils du Père. Comme la mère tout d'abord porte son enfant et l'allaite et lui donne de sa force et de sa substance; ensuite, plus tard, elle est portée et guidée par son enfant. Dans cette réciprocité de la mère et de l'enfant, ce sont la force et la faiblesse humaines qui jouent un rôle, tandis que pour la réciprocité du Fils et de l'Esprit c'est l'amour divin seul qui décide. Dans l'échange des fonctions, c'est tantôt l'Esprit qui exprime au Fils son amour, tantôt le Fils qui exprime son amour à l'Esprit, tantôt il ressort que c'est le Fils qui se laisse faire, tantôt l'Esprit, tantôt c'est l'obéissance de l'un qui est visible, tantôt celle de l'autre (NB 6,404).

 

2180. L’Esprit porte la semence. Plus tard, le Fils donne à l’Esprit de continuer sa mission dans l'Eglise

Quand l'Esprit porte la semence, c'est lui qui gère la fécondité de Dieu. Il ne peut pour ainsi dire rendre la fécondité du Père au Fils que lorsque celui-ci a l'âge de porter du fruit. Bien sûr, si l'on regarde le fruit global de l'incarnation, le temps de l'enfance aussi est fécond. Mais la fécondité pleinement déployée, le Fils ne l'obtient que sur la croix. C'est pourquoi c'est à cet instant qu'il rend l'Esprit au Père. Jusqu'alors c'est l'Esprit qui portait et gérait la fécondité. Et quand plus tard le Fils le donne à l’Église, il y a une sorte d'inversion : c'est lui maintenant qui envoie l'Esprit et qui lui communique quelque chose de sa fécondité pour qu'il la partage à l’Église. C'est comme une reconnaissance du Fils vis-à-vis de l'Esprit : l'Esprit avait gardé ici-bas sa fécondité, il la lui rend maintenant qu'il est en pleine possession de sa propre fécondité, et il la lui donne pour remplir sa mission dans l’Église (NB 6,407).

 

2181. Le Seigneur envoie l’Esprit

Le Seigneur envoie l'Esprit, et l'Esprit sert de médiateur par-delà les époques. Il forme le pont. Tous ses efforts consistent à nous donner au Fils (et non l'inverse), tandis que les efforts de l'Homme-Dieu consistent à se donner à nous. Établir un pont entre les époques - des apôtres à nous - ne se fait pas en nous mettant au temps des apôtres, en y réfléchissant selon l'histoire, etc. Être contemporain du Seigneur n'est pas le problème de mon moi, ni de celui des apôtres. Cela se trouve d'avance dans le Seigneur et dans l'Esprit Saint vivant qui nous transforme jusqu'à ce que nous trouvions l'accès au Seigneur. C'est pourquoi on ne peut comprendre un chrétien - également un chrétien d'aujourd'hui - que dans le Seigneur par l'Esprit Saint (NB 6,427-428).

 

2182. Le Fils envoie l'Esprit dans l’Église

Quand, après la résurrection, le Fils envoie l'Esprit dans l’Église, c'est en vertu de l'expérience que l'Esprit a faite en accompagnant l'homme Jésus. De cette manière, il est devenu "humainement mûr" en quelque sorte. Selon le plan du Père, le Fils devait venir d'abord, puis l'Esprit. Mais l'Esprit était déjà là dans le Fils et, pour l'avenir, ce n'est pas sans importance. L'Esprit est présent dans le Fils parce que, plus tard, il descendra sur l’Église. Et de plus, l'Esprit vient "d'en bas", il a depuis toujours une "expérience du monde" ; il doit faire maintenant l'expérience du Fils incarné pour être donné aux hommes : il sera transmis aux chrétiens comme exigence (NB 6,414).

 

2183. L’Esprit est donné aux hommes par le Fils

L'Esprit est donné aux hommes par le Fils, comme le Fils leur fut donné par le Père. Ainsi quand le Fils souffle l'Esprit dans l’Église et dans le monde, cela provient finalement aussi du Père, l'ordre divin des relations se reproduit dans le temps. Naturellement le Père est aussi dans le Fils et le Fils dans le Père quand le Fils envoie l'Esprit. Mais nos petites capacités ont besoin de ce genre d'explications pour comprendre les choses (NB 6,414).

 

2184. L'Esprit : gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture (NB 6,549).

 

2185. Le Fils aime l’Esprit

L’amour du Fils pour l’Esprit Saint est double. Tout comme un homme peut dire : « Je t’aime » ; mais il peut dire aussi : « J’aime notre amour, j’aime que tu m’aimes » (NB 9, n. 2028).

 

2186. Les relations du Fils et de l’Esprit

En Dieu, toute représentation limitée ou toute définition est d'emblée hors de propos ; tout le limité que j'imagine en moi, je dois d'emblée le transférer en Dieu où les limites sont supprimées. Je peux certes dire que chaque personne divine n'est pas l'autre, mais je dois aussitôt ajouter qu'en Dieu chacune est dans l'autre et forme avec elle l'unité divine. Cela vaut même pour la vie du Fils sur terre : je peux indiquer le moment où l'Esprit Saint descend sur lui (au baptême) et le moment où il l'expire : sur la croix. Mais l'Esprit qui descend sur lui était déjà en lui auparavant, sinon il ne serait pas le Fils (NB 10, n. 2287).

 

               184 LEsprit, le Fils et le monde

 

2187. L’Esprit nous est donné par le Père pour aimer le Fils

L'Esprit que le Père nous envoie à nous pécheurs crée une sorte de facilité pour commencer à aimer le Fils (NB 6,85).

 

2188. Comprendre l’Esprit par le Fils

La compréhension de l'Esprit n'est possible que dans l'amour du Fils. Le manque de compréhension est dans le domaine chrétien un manque d'amour parce que le Fils et l'Esprit se rencontrent sans arrêt dans le chrétien pour engendrer et féconder, de même que sans arrêt ils sortent du Père. C'est ainsi que la Trinité vit en chaque baptisé ; l'Esprit le ramène au Père par le Fils. Et comme le Père a en lui le Fils et l'Esprit, de même le pécheur converti est visité par le Fils et l'Esprit. Mais le Fils qui voit dans le pécheur et dans le baptisé l'Esprit sous une certaine forme, voit aussi le même Esprit dans le Père ; l'Esprit est ainsi pour le Fils l'exigence d'assumer la mission de conduire l'homme au Père. Cette double habitation de l'Esprit divin, dans le Père et dans les hommes, est pour le Fils comme un parallèle ou un reflet de sa propre divino-humanité ; le Fils voit en l'homme une recherche de Dieu qui n'a pas encore abouti, il voit en Dieu la recherche de l'homme. Lui, le Fils, connaît la réponse des deux côtés, puisqu'il réalise par amour l'unité Dieu-homme. Mais pour cela il a besoin à nouveau de l'Esprit, pas tellement comme le sien, mais comme l'Esprit qui demeure en Dieu et dans les hommes (NB 6,94).

 

2189. Par le Fils, l’Esprit est devenu pour nous moins abstrait

Après le séjour du Fils sur terre, l’Esprit est devenu pour nous beaucoup moins abstrait qu’auparavant. Surtout parce que nous pouvons observer dans le Fils les effets de l’Esprit (NB 4,172).

 

2190. Ne pas confondre le Fils et l’Esprit

Dans l'Ancien Testament, le Fils était contenu dans la prophétie. Les voix qu'entendaient les prophètes étaient celles du Fils et de l'Esprit. L'Esprit était porteur du Verbe du Père et le Verbe était Dieu, le Seigneur. D'une certaine manière, l'Esprit est pour la dernière fois porteur du Fils quand il couvrit la Mère de son ombre. Il réalise alors la prophétie. Il se réalise et il réalise le Fils comme aussi le Fils le réalise. La double façon de voir la vérité divine telle qu'elle était contenue dans la voix divine s'adressant aux prophètes trouve maintenant sa dernière concrétisation : quand le Fils s'incarne et quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre. Dans la nouvelle Alliance, les rôles semblent intervertis : le Fils devient porteur de l'Esprit et l'envoie. Mais l'Esprit prend des formes concrètes : la colombe lors du baptême, les langues de feu à la Pentecôte. Mais celles-ci sont surtout là pour montrer sa suprême réalité et sa suprême efficacité afin qu'on ne confonde pas le Fils et l'Esprit, ou qu'on ne les mette pas au même niveau, alors qu'en réalité chacun des deux suppose l'autre et le remplace à l'occasion. Les deux sont intimement associés, mais les personnes et leurs modes d'action restent distincts (NB 6,440-441).

 

2191. L’Esprit seul est capable d’expliquer le sens du Christ

Le Fils devient homme par obéissance ; nous, en tant que créatures, en tant qu'êtres corporels avec de multiples sens de perception, nous avons beaucoup de possibilités de l'interpréter. Les uns ont vécu avec lui, d'autres comprennent sa parole, d'autres observent qu'il suit son Père comme un homme en suit un autre. Dans la mesure où nous devenons chrétiens, les différents chemins se rejoignent et nous pressentons quelque chose de son mystère central. Celui qui crée cet accès au Fils, c'est l'Esprit qui est seul capable d'expliquer le sens du Christ. Suivre le Christ est pour le disciple quelque chose qui est en partie physique, mais qui est pour une bien plus grande part quelque chose de spirituel, un risque, une remise de soi dans la confiance. En suivant le Christ, les apôtres se sont engagés dans le domaine de l'Esprit Saint, ils vivent déjà dans la mission ; leur mission future dans le monde reposera toujours sur le fait qu'ils suivent le Christ : ils sont ceux qui étaient là parce que, dans l'obéissance, ils ont lâché ce qui leur était propre. Cette obéissance était une ouverture à l'Esprit qui, en partant de là, peut donner à leur vie la forme de la mission (NB 10, n. 2127).

 

2192. L’Esprit unit l’Époux et l’épouse

Le Fils devient homme par l'Esprit Saint quand l'Esprit descendit verticalement sur la Mère pour la couvrir de son ombre. Mais parce que le Christ a donné cet Esprit à l’Église et qu'il est un Esprit d'amour, il unit constamment l’Époux et l’épouse (NB 6,437-438).

 

2193. L’Église est condée par l’Esprit

De même qu'on n'aurait pas le Christ sans le corps de Marie, de même on n'aurait pas l’Église sans le ministère ; mais les deux sont fécondés par l'Esprit et ils doivent à leur tour aider à obtenir l'Esprit (NB 6,423).

 

2194. L’Église porte l’Esprit de manière féconde

Dans l'ancienne Alliance, la présence de l’Esprit se limitait à ceux en qui il était ; c'est en eux qu'il agissait. Quelque chose de nouveau est arrivé dans l'acte par lequel il couvrit Marie de son ombre. Elle avait certainement déjà en elle l'Esprit Saint qu'elle reçut. Mais l'acte par lequel l'incarnation du Fils fut posée, posait aussi une présence pour tous ceux qui n'avaient pas l'Esprit Saint. L'existence du Fils fut dans le monde des hommes un fait indéniable, concret, permanent. Elle est saisie correctement par ceux qui ont l'Esprit, mais l'existence d'un homme du nom de Jésus ne peut pas non plus être niée par les autres. L'Esprit a posé ici un acte qui peut être compris pas uniquement par l'Esprit. Quand ensuite le Fils incarné crée son épouse, l’Église, il lui donne la même qualité que possédait Marie en tant qu'épouse de l'Esprit quand elle se laissa couvrir de son ombre : elle était porteuse de l'Esprit. L’Église porte l'Esprit de manière féconde comme Marie l'avait reçu de manière féconde (NB 6,441-442).

 

2195. L’Esprit désignera pour le Fils le successeur de Pierre dans son Église

Prière de saint Grégoire le Grand (+ 604) lors de son élection comme pape : « Père, je sais que c'est ton Esprit qui décidera de l'élection. C'est ton Esprit qui désignera pour ton Fils dans son Église le successeur de saint Pierre » (NB 1/1, 417).

 

2196. L’Esprit nous forme

L’Esprit nous forme tout comme il a formé la personnalité du Fils lors de l'incarnation. Et c'est lui qui, dans la prière, nous présente au Père et au Fils, qui transforme si bien notre esprit qu'il reçoit les traits que le Fils veut lui donner pour que le Père reconnaisse en nous le Fils (NB 6,431).

 

2197. L’Esprit veut nous rapprocher du Père et du Fils

L'Esprit, qui souffle où il veut, se tient lui-même totalement à la disposition du Père et du Fils pour ne rien décider lui-même, mais pour se laisser porter par les décisions et les desseins du Père et du Fils, sans savoir d'avance d'une certaine manière ce qu'ils vont décider. L'Esprit veut nous rapprocher du Père et du Fils dans l'acte de l'amour et une totale disponibilité (NB 6,432).

 

2198. L’Esprit nous donne accès au Seigneur

C'est l'Esprit Saint qui rend habitable pour nous l'espace du Seigneur et rend possible en lui l'activité de notre esprit (NB 6,26).

 

2199. L’ Esprit nous montre le chemin vers le Fils

L'Esprit nous saisit et nous montre le chemin vers le Fils de la même manière qu'il a pris le Fils avec lui sur le chemin du monde jusqu'à Marie. Ou bien nous avons appris à connaître le Seigneur et nous nous sommes efforcés de nous donner à lui ; l'Esprit nous conduit alors à une meilleure compréhension de ce qu'est la foi, de ce qu'est Dieu Trinité et à une meilleure manière de nous donner à lui. Sans l'Esprit, nous en serions restés à attribuer au Fils le format de notre humanité. Ces limites que nous avions mises, l'Esprit les fait sauter pour amener notre foi au niveau du Fils qui nous dépasse toujours (NB 6,434).

 

2200. L’Esprit conduit tout le monde au Seigneur

Les œuvres de l'Esprit sont immenses. Dans une communauté, dans une ville, etc., des milliers de vie se côtoient, partout il y a des approches, à des niveaux très divers, partout on peut reconnaître quelque chose de l'Esprit et pourtant on ne peut le fixer nulle part ; dans un ordre qui nous semble un pur désordre, il conduit tout le monde au Seigneur (NB 6,93).

 

2201. Le monde est attaché au ciel par le Fils et par l’Esprit

Le monde n'est pas quelque chose qui est largué par le ciel comme quelque chose de complet, il est quelque chose qui a à se compléter pour le ciel. Et c'est l'Esprit qui fait que la tendance du monde à la convexité soit transformée par la grâce en concavité pour Dieu. Ainsi le monde demeure maintenant constamment dans l'acte, provenant du Père, d'être conçu et vivifié par l'Esprit et le Fils, parce que l'Esprit et le Fils ont attaché indissolublement le monde au ciel du Père (NB 10, n. 2116).

 

2202. Le Fils et l’Esprit visiteront les hommes sur la terre

En Dieu tout est possible ; le Fils et l'Esprit visiteront les hommes sur la terre, le Fils en s'incarnant, l'Esprit en vivant dans les hommes, en habitant en eux et en leur faisant connaître ce qui est divin, mais ils le mépriseront et le repousseront (NB 1/2, 221).

 

2203. La grâce du Fils et la grâce de l’Esprit

La grâce du Fils peut saisir quelqu'un d'une manière inattendue, comme Paul à Damas. La grâce de l'Esprit Saint par contre reste une réponse. C'est dans le sens de l'Esprit Saint et en son nom que le Seigneur dit : Priez et vous recevrez, etc. Quand la foi est donnée soudainement à un non croyant, c'est davantage l'œuvre de Dieu Trinité au nom du Fils incarné. L'Esprit par contre - en ce qui le distingue du Père et du Fils - est toujours celui qui comble, celui qui éclaire quelque chose qui est déjà commencé (NB 6,428).

 

 

12. Le Fils et le Père

 

Plan : 185 L’engendrement186 Les relations entre le Fils et le Père187 Le Fils et le Père dans la rédemption – 188 Le Fils, le Père et le monde
 

               185 L’engendrement

 

2204. Père et Fils

Quand le Père engendre le Fils, il manifeste par là sa puissance divine. Le Fils est au ciel comme sur terre un témoin de l'efficacité de la puissance du Père (NB 4,427).

 

2205. Le Père engendre le Fils

Même si le Père n'a jamais été sans le Fils, il y a dans ses projets avant le Fils comme un aspect de solitude et, sous cet aspect, il ne fait qu'un avec le ministère. C'est son ministère d'engendrer le Fils. Ce n'est pas simplement un désir personnel qui l'amène à l'engendrer, ce n'est pas seulement le "besoin" d'avoir un Fils, mais quelque chose en plus à quoi on peut très bien attribuer la qualité d'un ministère. Une fonction paternelle qu'il crée et en même temps assume. Dans ce tout premier ministère qui provient du Père et qui vit en lui, il n'y a ni hésitation ni développement. En le créant il l'assume parce que cela correspond à sa volonté divine de le faire (NB 1/2, 186).
 

2206. L’engendrement éternel

Les premiers hommes sont créés, et l'acte de création a une autre forme que l'acte d'engendrement éternel du Fils. Alors que le fait d'être engendré en tant que tel est éternel et ne finira jamais, l'acte de création a une certaine limite dans le fait que la création a été créée (ce qui ne veut pas dire que Dieu ne doive pas soutenir continuellement ce qui a été ainsi créé) (NB 1/2, 161).

 

2207. Le Père engendre éternellement le Fils

Dieu est, Dieu Trinité est, et ce qui en lui est "devenir" est le signe qu'il est éternellement vivant. Le Père engendre éternellement le Fils mais, dans l'engendrement, le Fils ne "devient" pas, il est. Le "devenir" en Dieu est confirmation de son être. C'est aussi parce que Dieu est immuable que le caractère vivant de son "devenir" ne peut être rien d'autre que son être. Toutes les relations des personnes sont celles de l'être parfait, celles de l'immanence dans l'être commun (NB 6,104-105).

 

2208. Dieu le Père engendre le Fils éternellement (NB 2,186).

 

2209. Engendrement éternel et amour

L'engendrement éternel du Fils a satisfait pour le Père son tout premier besoin d'amour. Engendrant éternellement le Fils, il engendre l'amour éternel. Aucun autre engendrement n'atteint la fécondité de cet amour (NB 6,93).

 

2210. Le Fils se laisse engendrer par le Père

Il y a dans l'attitude du Fils vis-à-vis du Père quelque chose qui est comparable à la relation de la femme à son mari. Le Fils se laisse engendrer par le Père et il conserve continuellement cette attitude en ne cessant pour ainsi dire de recevoir la semence du Père en tant que déjà engendré. La soumission de la volonté du Fils à la volonté du Père a en fait un caractère féminin. Dans le Fils, on voit l'impuissance de la semence (par exemple quand il se trouve devant le grand Conseil) et il laisse cette impuissance devenir si impuissante qu'il en mourra. Mais en mourant, il montrera la puissance de la semence : dans la nouvelle naissance de la résurrection. Sans doute est-ce le Père qui l'a ressuscité, mais par suite d'une décision trinitaire commune. Dans la résurrection, le Fils joue un rôle qui est comparable à celui du Père au mont des oliviers : ils échangent leur rôle, ils assument chacun la volonté de l'autre (NB 4,428).

 

2211. Le Père engendre Fils, le Fils se laisse engendrer

La génération du Fils par le Père divin est un acte qui l'accapare totalement, le comble, le définit vraiment. Se laisser engendrer définit l'être du Fils, qui ne veut rien d'autre que persister dans cet acte de génération du Père, qu'être son fruit (NB 12,45).

 

2212. Le Fils engendré et son amour pour le Père

Il y a dans le Fils la volonté de servir le Père dans l'éternité. Le Fils s'offre de la manière la plus pressante, le Père doit en disposer totalement. En engendrant le Fils, il a conscience de ce qu'il fait et il se sait libre pour recevoir l'amour dont le Fils va le combler. En engendrant et en exprimant sa puissance et en étant au sommet de sa puissance d'engendrement, le Père met dans le Fils toute son espérance, il n'espère pas se combler lui-même, il espère être comblé par le Fils (NB 5,263).

 

2213. Le Père, source du Fils

Le Père et le Fils sont de même nature dans la divinité, mais le Père reste la source du Fils, l'origine infinie du Fils. Le passage du Fils à travers l'enfer en tant que mystère du Père est un signe de la paternité du Père vis-à-vis du Fils. Par les ténèbres de l'enfer, le Fils se dirige à tâtons vers le mystère de la source (NB 3,107).
 

2214. Père et Fils de toute éternité

En engendrant le Fils de toute éternité, le Père le plaçait comme en dehors de lui et le Fils reçut pour ainsi dire cet engendrement pour retourner vers le Père, pour combler en quelque sorte par son acquiescement au Père ce qu'on pourrait appeler une distance vis-à-vis du Père basée sur l'engendrement, si bien qu'il n'y avait plus de séparation. Le Fils était aussi prêt à être dans le Père que le Père était prêt à engendrer le Fils. Il existait ainsi de toute éternité une sorte de mouvement qui peut être comparé à une mission. Mais, à strictement parler, il n'y avait pas encore de mission telle qu'elle apparaîtra lors de l'incarnation du Fils, pas de sortie au sens propre, pas d'éloignement (NB 1/2, 161).

 

2215. Le Fils vient du Père et va au Père

Le Fils vient du Père et va au Père ; mais, du fait même qu'il l'engendre, le Père l'éloigne de lui. Si l'on considère l'acte d'engendrement, le Fils s'éloigne du Père. Qu'il revienne au Père et qu'alors il soit également le Fils, dans une naissance également perpétuelle, on le voit au fait que, retourné au Père, il soit avec le Père la source de la procession de l'Esprit. La procession de l'Esprit est le signe que le Fils est retourné au Père et qu'il agit avec lui dans l'unité. L'ordre de sortie des personnes en Dieu n'exclut donc pas la réciprocité (NB 6,483).

 

2216. Le Fils va éternellement vers le Père

Il fait partie de la nature du Fils en tant que Dieu d’aller éternellement vers le Père dont il a été engendré. Et quand le Fils est homme, il grandit continuellement dans la « connaissance » du Père en obéissant, il y grandit également par l’expérience de la croix et par l’absence d’expérience de l’enfer. Car l’obscurité de l’enfer est un mystère qui appartient au Père, dans lequel il introduit maintenant le Fils devenu homme (NB 4,93).
 

               186 Les relations entre le Fils et le Père

 

2217. Le Fils totalement un avec le Père

Toutes choses ont été créées par le Verbe, par le Fils de Dieu qui, à la première création, est encore totalement un avec le Père, il est encore Parole créatrice non distinguée, qui ne se distingue du Père qu’à l’incarnation (NB 9, n. 1103).

 

2218. Lumineux mystère d’amour entre le Père et le Fils

L'enfer, c'est le résidu qui ne peut être sauvé. Il est l'obscur contraire du lumineux mystère d'amour qui existe entre le Père et le Fils (NB 3,107).

 

2219. La distance entre le Père et le Fils

Sans doute parlons-nous toujours de distance entre Dieu et l'homme. Mais nous répugnons à parler de distance en Dieu entre le Père et le Fils - ils sont bien sûr également éternels ! - parce que l'amour dépasse constamment la différence de leur être. L'ordre des processions en Dieu, qui pourrait suggérer une gradation, est si bien compensé par l'amour que toutes les distances s’annulent (NB 12,79).

 

2220. Le Fils comblé par l’amour du Père

Le Fils aime le Père d'un amour qui ne veut que se prodiguer, mais qui voit et reçoit comme réponse la propre prodigalité de l'amour du Père. C'est comme si le Fils était à chaque fois comblé par l'amour du Père. Et cela déjà dans sa naissance elle-même du Père. En engendrant le Fils, le Père met à sa disposition tout son amour ; en étant engendré par le Père, le Fils surgit avec l'amour qu'il apporte au Père. C'est comme si l'amour que le Fils donne au Père, il l'empruntait absolument et totalement à l'amour plus grand du Père et le lui rendait, comme si le Père ne devait voir toujours dans l'amour qu'il reçoit du Fils que ce qu'il engendre à l'instant, son amour dans le Fils. Donc d'une certaine manière recevoir sa propre image qui lui est présentée par le Fils (NB 1/2, 104).

 

2221. Le Fils reçoit tout l’amour du Père

En coopérant à la création, le Fils connaît le dessein du Père et il le voit contrecarré par les hommes. Depuis toujours il reçoit tout l'amour du Père et son miroir le renvoie au Père sans dégradation. C'est ainsi qu'il devient homme pour offrir aux hommes sa manière de répondre à l'amour du Père. Le Fils est le seul qui peut comprendre de quelles profondeurs de l'amour paternel provient l'œuvre de la création. En devenant homme, il est le seul à trouver la pleine réponse du monde à la prodigalité de l'amour du Père (NB 6,522-523).

 

2222. Le Christ est aimé infiniment par le Père

Le Christ est aimé infiniment par le Père, il l'est aussi pour que sa mission réussisse ; tout en lui provient de la prière trinitaire. Et tout est toujours décidé. Chacune de ses journées montre son amour parfait (NB 10, n. 2124).


 

2223. Le Fils est aimé par le Père

Henri de Nördlingen : Le Fils contemple en priant, il est aimé en aimant, il est révélé en révélant le Père (NB 1/1, 101).

 

2224. L'amour du Fils pour le Père est et reste ce qui est premier (NB 4,205).

 

2225. Le Père est aimé par le Fils incarné

Saint Philippe Neri (+ 1595). Parfois, quand il adore Dieu, il lui semble que c'est comme si Dieu au fond n'avait pas encore fait l'expérience de l'amour de la part des hommes, si ce n'est Dieu le Père par le Fils incarné (NB 1/1, 136).

 

2226. L’amour du Fils pour le Père est brûlant

A l'instant où le Fils décide de devenir homme, il décide aussi de sentir déjà le mystère qu'il assume. Il doit prendre dans sa lumière divine la lumière que le Père a donnée au monde et que le monde a transformée en ténèbres par le péché. Et c'est dans ces ténèbres que se trouve par avance l'angoisse épouvantable, l'angoisse du pécheur, l'angoisse de n'en plus pouvoir, l'angoisse de la mort, l'angoisse de l'enfer : c'est avec tout cela que le Fils se tient devant le Père et qu'il lui demande cette angoisse. Afin que le Père perçoive dans l'angoisse du Fils combien est ferme la décision d'amour du Fils. Afin que le Père perçoive que l'amour du Fils pour lui et pour les hommes est si brûlant qu'il n'y a plus qu'une chose à faire : permettre au Fils de se consumer afin que le Père reçoive en retour cette ombre du monde redevenue lumière par le Fils (NB 1/2, 107)-

 

2227. Il y a un désir du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Non pas un désir non charnel, mais un désir non sexuel (NB 4,352).

 

2228. Le Père et le Fils se réjouissent toujours l’un de l’autre

Le Père se réjouit toujours du Fils et le Fils du Père : ils sont toujours unis dans la même nature divine et ils ne cessent pourtant jamais de se rencontrer en tant que personnes divines distinctes (NB 12,103).

 

2229. Fils et Père

Le Fils est ravi de la préséance du Père dans l'égalité substantielle de leur nature (NB 12,159).

 

2230. Le Fils est toujours en relation avec le Père

Le Fils est toujours en relation avec le Père, il le regarde. Par cette vision, il est fixé en tant qu'homme dans la zone du Père si bien qu'il la saisit en quelque sorte, mais que, plus encore, il est saisi par elle. Quand il prie, même quand il prie dans l'abandon le plus extrême, même dans le cri de la mort, il sait qu'il se trouve dans la zone du Père, peu importe qu'il perçoive ou non la réponse du Père, que cette zone du Père ait comme disparu. C'est la zone où le Père est à l’œuvre et aussi la zone du mérite de l'homme parce que le Père prend ces mérites et les utilise dans le cadre de son action personnelle. A l'origine, elle est la zone d'action de Dieu Trinité pour le monde et elle a en elle l'efficacité du Fils en tant qu'homme ici-bas. Les mérites du Seigneur ouvrent cette zone pour les croyants et de telle manière que toute prière et tout mérite sont reçus dans cette zone particulière de grâce de l'activité de Dieu (NB 5,225).

 

2231. Chaque minute de la vie du Fils doit être immédiatement tournée vers le Père (NB 6,136).

 

2232. Le Fils est purement orienté vers le Père

Lors de la création, le Père a donné aux hommes une sorte de boussole : la conscience qui, s'ils sont honnêtes, peut leur indiquer, même dans le brouillard de l'état de péché, ce qui est objectif et ce qui est subjectif. Le Fils, quant à lui, apporte avec lui dans son humanité le fait qu'il est purement orienté vers le Père, il "croit" au Père d'une manière claire et objective, et cette foi est en même temps en lui le parachèvement de la conscience humaine. En vertu de cette "foi" objective, il peut, sans remonter à sa vision divine du Père, rester dans la parfaite vérité divine. Mais en donnant à l’Église son orientation vers le Père, le Fils lui donne la foi chrétienne comme la pure conscience chrétienne. Les chrétiens pourtant, dans la mesure où ils sont pécheurs, ne cessent de mêler à cette conscience de la foi des points de vue humains. Et comme le Christ, en devenant homme, a renoncé à sa gloire et qu'il est devenu un homme tellement discret que, pour beaucoup, on ne pouvait plus le distinguer des autres hommes qui sont pécheurs, il a voulu donner à son épouse, l’Église, quelque chose de cette discrétion. Mais les pécheurs en elle obscurcissent sa pureté intérieure et la font apparaître comme une "prostituée" (NB 6,417).

 

2233. Le Fils est miroir et fenêtre du Père (NB 4,133).

 

2234. Le Fils ne s’est jamais éloigné du Père

Prière de saint Augustin (+ 430) : Père, ton Fils ne s'est jamais éloigné de toi, il est toujours resté comme quelqu'un qui ne reçoit que de toi toute sa foi et toute sa force et n'y ajoute de lui-même rien qui pourrait altérer quoi que ce soit (NB 1/1, 410).

 

2235. Le Père accompagne le Fils

Le Père accompagne le Fils en chacun des plus petits événements, le Fils prend le Père pour modèle à chaque miracle mais aussi dans sa vie quotidienne ordinaire (NB 1/1, 119).

 

2236. Le Fils fait tout en présence du Père (NB 6,62).

 

2237. Durant sa vie d’homme, le Fils a toujours le Père sous les yeux (NB 1/2, 18).

 

2238. Le Père et le Fils : communauté de points de vue

Quand des hommes lancent toutes les imprécations possibles contre le Père du ciel, le Fils devenu homme ne peut jamais se demander s'ils n'ont pas quand même raison sur un point ou un autre. Ou quand les hommes rejettent le Fils et le maudissent, le Père ne se pose pas la question de savoir si le Fils n'aurait pas dû faire quelque chose autrement (NB 12,103-104).

 

2239. Le Fils est compris par le Père et il connaît la volonté du Père 

Dans la vision, la compréhension du Fils est parfaite - non seulement il est compris par le Père mais il connaît aussi la volonté du Père -, la compréhension est le but, elle détient la clef. Mais le Fils en tant qu'homme veut toujours aussi parcourir le chemin de la compréhension, apprendre par l'expérience comme les autres hommes (que l'on pense à la tentation). Il veut savoir ce par quoi un homme doit passer pour arriver à comprendre. Et ainsi il en arrive toujours à tirer des conclusions avec sa raison humaine quand sa raison de voyant a depuis toujours le résultat de la conclusion. (C'est comme un peintre qui peint et achève un tableau selon la nature ; chez lui, il refait le même tableau de mémoire, ce qui est beaucoup plus difficile, et pourtant il veut le faire et il veut atteindre la perfection du premier). L'homme justement est une image de Dieu qui doit être capable de reproduire en quelque sorte dans sa finitude ce que Dieu est dans son éternité (NB 6,191).

 

2240. Le Père parle au Fils

Le Père parle avec le Fils, il est en contact avec le Fils, mais le Fils est relié au Père par l'Esprit (NB 6,546).

 

2241. Le Fils homme est toujours en conversation avec Dieu

Ici-bas le Fils ne parlera pas autrement qu'en conversation avec Dieu et pour le glorifier. Chaque parole qu'il exprime tire toute sa substance de la Parole qu'il est ; elle est remplie de l'absolue vérité de Dieu. Il comprendra ses paroles comme il les dit, il les remplira comme il les connaît. Les hommes les saisiront et les rediront, sans les changer apparemment, comme ils les ont apprises de lui, mais ils ne peuvent pas leur donner leur plénitude divine, ni les comprendre comme il les comprend (NB 6,157).

 

2242. Le Seigneur puise de la force dans son dialogue avec le Père

Le Seigneur montre qu'il puise de la force pour sa vie dans son dialogue avec le Père, qu'il se retire pour prier pour ensuite aller vers les hommes (NB 6,551).

 

2243. L'attitude du Fils était toujours une attitude de prière devant le Père (NB 6,366).

 

2244. Quand le Fils prie le Père

« Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne ». Mais quand Dieu le Fils prie, le Père prie avec lui : il lui répond en soutenant ses demandes, il se place à côté du Fils pour prier avec lui et il reste en même temps de son côté paternel pour lui répondre. Une partie de sa réponse consiste pour lui à prier avec le Fils et aussi dans le fait que le Fils ressent sa présence ; une autre partie de sa réponse réside dans le fait qu'il se tient en face de son Fils (NB 10, n. 2065).

 

2245. Le Fils homme prie le Père sans savoir dans quelle mesure le Père va l’exaucer

Quand le Seigneur a prié pour Jean avant la passion - car il priait pour chacun des siens en particulier -, sa prière est allée au Père ; celui-ci l'a reçue et il en a utilisé quelque chose pour Jean. Pas tout, car le Fils, en devenant homme, a adopté la loi de l'humanité, qui est une communauté indissoluble. Les hommes doivent toujours prier dans le cadre de la volonté du Père qui peut disposer librement de la prière pour le bien de tous. Si le Christ est l'Époux, quand le Père l'exauce, il pense toujours à l'épouse, et il garde pour elle une sorte de réserve en provenance de la prière de l'Époux. La prière du Seigneur se trouve donc dans la même tension entre le ciel et la terre : par sa prière céleste, il exige du Père ce qu'il sait lui plaire ; ici-bas, pour que son don au Père soit plus complet et pour que lui-même nous soit plus semblable, il veut prier sans tout savoir et remettre au Père sa volonté comme le fruit de sa prière (NB 6,241-242).

 

2246. Attitude de prière du Fils devant le Père

Saint Charles Borromée (+ 1584) ne sort jamais de la prière, il ne veut rien soustraire à la prière et à Dieu. Au fond, sa journée tout entière est prière. Dans cette attitude, il se tient tout près du Fils, de la manière dont le Fils se tient devant le Père (NB 1/1, 300).

 

2247. Le Fils a passé toute sa vie terrestre à prier le Père ( NB 1/2, 262).

 

2248. Le Seigneur a prié toute sa vie

Le Seigneur a prié durant toute sa vie. Si les paroles du Seigneur sont si peu nombreuses, leur petit nombre - malgré leur clarté et leur poids - peut être une image du fait que toute parole humaine n'est qu'un balbutiement devant la Parole éternelle. En tant qu'homme, le Fils de Dieu aussi balbutie quand il parle avec le Père parce qu'il doit être compris par les hommes qui l'entourent et à qui il s'adresse ; ils ne comprennent le langage divin que lorsque celui-ci se dissimule profondément dans des concepts et des images du quotidien humain. C'est pourquoi il est impossible que nous comprenions le Christ comme étant réellement Dieu (et il est en même temps homme), si nous faisons abstraction de sa croix. Qui considère ses miracles, écoute ses prédications, le suit de ville en ville, pourrait toujours expliquer l'extraordinaire en lui par des interventions de Dieu le Père. Il y aurait la possibilité d'admirer dans le Christ ce qu'il y a d'exemplaire et d'unique dans cet homme religieux supérieur qui, dans sa prière, son attitude morale, est si totalement uni à Dieu que Dieu le tient, le pénètre, ne l'abandonne pas, que les pains et les poissons se multiplient quand il les bénit, que Lazare ressuscite quand il l'appelle, qu’une femme qui perdait son sang soit guérie parce qu’elle le touche (NB 3,208-209).

 

2249. Le Fils glorifie le Père

Le Fils fait tout pour glorifier le Père. La glorification du Père par lui est parfaite parce que le Fils ne s'arrête jamais, il le glorifie constamment et partout, il le glorifie dans un sens parfait et divin comme si son existence humaine n'était rien d'autre que la pure volonté de glorifier le Père et de faire, dans l'obéissance à la volonté du Père, tout ce que fait un homme. Ainsi son obéissance humaine correspond totalement à sa volonté divine de Fils, on pourrait même dire que son obéissance humaine accomplit parfaitement la volonté divine du Fils, et ainsi sa forme d'Homme-Dieu tout entière est aussi bien l'expression de sa volonté de glorifier le Père en tout que l'expression de la glorification parfaitement réalisée, étant donné qu'il n'y avait pour lui rien de plus grand que de devenir homme pour glorifier Dieu le Père (NB 11,17).

 

2250. Le Fils est devenu homme pour glorifier le Père

Quand le Fils est devenu homme pour glorifier le Père, toute sa glorification réside dans le fait qu'il a au fond cette mission (NB 11,19).

 

2251. Le Christ vient du Père et retourne au Père : que préfère-t-il ?

Le Christ venant du Père et retournant au Père ; certes c’est son idéal de quitter le Père parce que c’est sa mission, et c’est en même temps son idéal de rapporter au Père sa mission parce que cela fait partie aussi de sa mission. A l’intérieur de ce mouvement, il est incapable de dire ce qu’il fait plus volontiers. Certes il préfère d’une certaine manière retourner au Père que le quitter, sur le plan d’un amour qui nous est accessible. Mais sur un plan sans doute plus divin, il aime autant quitter le Père. Ce plan nous est à peine concevable parce que nous ne pouvons pas pressentir un détachement divin de ce genre (NB 9, n. 1997).

 

2252. Le Fils accepte tout ce que le Père lui donne (NB 11,349).

 

2253. Le péché : pour le Fils, une offense faite au Père

Quand, sur terre, le Fils commence à rencontrer les péchés, ils sont pour lui douloureux, il voit surtout l'offense faite au Père, mais il en résulte aussi une relation singulière avec l'Esprit. L'Esprit Saint est opposé au péché d'une manière élémentaire. Et ainsi le Fils, lors de son premier contact avec le péché, reconnaît par l'Esprit divin l'opposition du péché à Dieu et il reçoit par là, en tant que représentant de Dieu parmi les hommes, une relation au péché divine et personnelle pour ainsi dire. Le péché a une relation à chacune des trois personnes. Comme si le péché n'était plus seulement quelque chose qui est dressé contre Dieu, mais comme s’il contenait en lui-même des traits personnels qui sont intolérables pour Dieu en sa trinité de personnes (NB 3,224-225).

 

2254. Le Fils ressent davantage l'outrage fait au Père que l’outrage qui le touche personnellement

En Dieu Trinité, la colère du Fils est illimitée. Cette colère est vivante à côté de son amour divin ; cette colère est vivante et, à côté de cela, il adore et il est adoré, il reçoit l'amour du Père et des hommes, car tout cela ne peut pas voiler ce que les hommes font de mal et celui qu'ils projettent de faire. Cette colère est divine, et donc pour les hommes indéfinissable parce que l'objet propre de cette colère, le péché, ils ne peuvent pas non plus le voir dans toute sa portée et toute sa vérité. Jusqu'à l'incarnation, le pécheur ne fait qu'un avec son péché au regard de Dieu, et il semble ainsi qu'on ne peut pas imaginer comment la colère de Dieu peut toucher le péché sans qu'en même temps le pécheur tombe raide mort. Cependant il y a en Dieu dès maintenant un niveau où l'amour de Dieu distingue le péché et le pécheur, un niveau d'attente où le pécheur racheté est ramené tandis que derrière lui brûle l'enfer en tant que quintessence de tous les péchés, de ce qui offense Dieu continuellement et avec quoi il n'y a pas d'arrangement possible. Et tandis que tous les pécheurs se trouvent devant cet arrière-plan, qui appartient à l'enfer, le tableau d'ensemble constitue pour le Fils aussi un outrage perpétuel ; mais le Fils ressent davantage encore l'outrage qui est fait au Père que celui qui le touche personnellement. Le Fils saisit la colère du Père d'être ainsi méprisé et outragé par sa création ; sa propre colère s'en allume et s'en accroît (NB 6,310-311).

 

2255. Relations infiniment variées du Père au Fils et du Fils au Père

La vision du Fils, une fois devenu homme, devient une fonction de sa tâche et donc de son obéissance. Vous pouvez me demander de ne pas voir un objet que je vois pourtant des yeux du corps. Ainsi le Fils ici-bas peut regarder sans voir. Sur la croix ce sera tout à fait clair, car autrement on ne pourrait pas expliquer l'abandon sur la croix. C'est un abandon dans l'obéissance parce que cela correspond à la volonté du Père. Toute la vision du Père est écartée, non seulement ses différents éléments (comme auparavant quand le Fils ne voulait pas savoir l'heure du Père). D'une manière générale, ce qui se passe pour le Fils ici-bas, c'est que jamais il ne se permettra de vouloir voir Dieu par lui-même autrement ou plus que ce que Dieu veut. La prière au mont des oliviers nous donne une indication sur les possibilités infiniment variées des relations du Père au Fils et de la volonté du Fils de s'adapter à toutes ; cela témoigne aussi de la volonté de Dieu de rendre fécondes dans notre foi ces possibilités trinitaires. L'histoire de l’Église ne cesse de montrer de nouveaux aspects de ces possibilités, qui vont de la pleine vision à la vision partielle, du voilement partiel jusqu'au voilement total sur la croix (NB 6,191-192).

 

2256. Le Fils s’efface devant le Père 

Le Fils s'efface devant le Père comme l’Église devrait s'effacer devant son Seigneur (NB 10, n.

2039).

 

2257. Le Fils offre au Père son obéissance

Le Fils assume la volonté du Père ; celle-ci, embrassée par le Fils, devient la volonté filiale, elle ne porte plus le visage du Père, mais le visage de la volonté assumée par le Fils. Et c'est ainsi que le Fils offre son obéissance au Père. Il le fait dans l'humilité de l'amour. Et l'humiliation commence là où le Père accepte réellement cette obéissance et quand le Fils sait que son obéissance aura comme conséquence que tout le péché du monde sera mis sur son dos. C'est l'amour du Fils pour le Père, du Père pour le Fils et le non amour du monde futur qui ensemble constituent l'humiliation. On peut dire que, dans son humiliation, le Fils ressent et sait de toute éternité que la création du Père péchera réellement. Il le sait pour ainsi dire avant le Père. Parce que le Père lit pour ainsi dire dans les yeux du Fils humilié que l'obéissance prendra la forme de l'humiliation. Parce que le Père voit deux choses en même temps d'une certaine manière : que le monde va pécher et que le Fils le sauvera. Et comme Dieu est encore plus libre que l'homme, Dieu le Fils doit avoir accepté sa mission, il doit donc avoir répondu avant que les hommes se soient refusés à Dieu ; mais dans l'acceptation de sa mission, il y a avant toute chose l'humiliation de l'obéissance soumise à l'épreuve. Le Fils est mis à l'épreuve, non seulement dans le fait que le Père permet au Fils d'aller dans le monde, mais en plus dans le fait que le Fils devra prendre sur lui l'humiliation qui arrive réellement par le péché (NB 1/2, 104-105).

 

2258. S'ouvrir sur la grande obéissance du Fils au Père (NB 1/1, 109).

 

2259. Disponibilité du Fils vis-à-vis du Père

Guillaume de Saint-Thierry (+ vers 1150) aime la disponibilité du Fils vis-à-vis du Père, et en général l'humanité du Seigneur devant le Père. Le Fils est pour lui le modèle de sa propre attitude en ce sens qu'elle est marquée par l'unité de l'action et de la prière. Il voir cette unité réalisée dans le Fils. Comme lui-même cherche à être le même comme priant vis-à-vis du Père et comme prochain pour les autres, de même il voit dans le Fils l'ouverture parfaite à Dieu et aux hommes, le passage parfait. Le Fils est pour lui le champion du Père auprès des hommes. Sans doute voit-il la grandeur de l'amour compatissant de Dieu ; mais son image intime du Fils est extraordinairement sobre et virile, malgré tout l'enthousiasme de son amour (NB 1/1, 72).

 

2260. Le Fils : toujours plus à la disposition du Père

Le Fils devenu homme a dans son corps l'instinct de se mettre, corporellement, toujours davantage à la disposition du Père (NB 6,469).

 

 

               187 Le Fils et le Père dans la rédemption

 

 

2261. « Ne t’occupe pas de cette prostituée (le monde pécheur) »

Le Fils est encore dans le Père. Et c'est comme si le Père posait ses deux mains sur les épaules du Fils pour l'avertir : « Ne t'occupe pas de cette prostituée » (NB 1/2, 110).

 

2262. Le Père et le Fils devant le choix de l’incarnation

Le Père et le Fils ont tous deux fait un choix "mûri" : incarnation - non-incarnation. C'est une alternative : ou bien, ou bien. On ne peut pas dire naturellement que le Père soit par là défavorisé, qu'il aura moins d'expérience que le Fils. Le choix ultime de Dieu - incarnation ou non-incarnation - reste au fond un mystère entre le Père et le Fils parce que le Fils a le désir de se donner au Père dans une obéissance aveugle - jusqu'à la croix et à l'enfer - et le Père avait depuis toujours le désir de montrer au Fils que le don aveugle qu'il fait de lui-même à la volonté du Père lui apporterait justement ce qu'au fond depuis toujours le Fils aurait le plus aimé faire : sauver le monde et l'apporter au Père, lui montrer et lui communiquer l'amour du Père. Là où le Fils pensait être le plus abandonné du Père, son abandon est utilisé pour forcer le cachot de l'abandon - l'enfer - et faire entrer le Fils, avec le monde sauvé, dans le ciel du Père (NB 3,189-191).

 

2263. Le Fils demande au Père de pouvoir entreprendre la mission de sauver monde

L'Homme-Dieu regarde toujours vers le Père ; c'est en voyant le Père qu'il ressent l'effet du péché sur le cœur du Père et qu'il demande au Père de pouvoir entreprendre la mission de sauver le monde. C'est en ce même point que les anges reçoivent leur mission d'accompagnateurs du Seigneur. Eux-mêmes ne deviennent pas hommes et pourtant ils accomplissent la mission de Dieu qui n'est pas autre que la mission du Fils dont ils reçoivent la part qui leur est attribuée. Mais de même que la mission du Fils lui est donnée par le Père dans l'Esprit Saint, de même les anges demeurent dans la contemplation de toute la Trinité de Dieu. Dans l'Esprit Saint, ils ont part au oui du Fils au Père (NB 6,43).

 

2264. Demande de rédemption adressée au Fils par le Père

Marie de Jésus, Prieure du carmel de Dijon (+ 1916). La demande de rédemption adressée au Fils par le Père. Marie de Jésus vit avec le Seigneur, elle vit dans l'eucharistie, dans une présence de Dieu, pour lesquelles elle ne formule pas de mots emphatiques : c'est dans l'humble service du quotidien qu'elle trouve ses mots et ses réponses et sait les donner(NB 1/1, 231).

 

2265. Le Père offre au Fils la rédemption du monde

Le Père offre au Fils la rédemption du monde, et le Fils la réalise. Les deux ne font qu’un dans leur volonté de rédemption, mais ce n’est pas une simple identité de volonté dans la mesure où le Fils a une volonté humaine et l’assume (NB 1/2, 181).

 

2266. Le Fils s’offre pour que le Père puisse l'envoyer

Le Fils va prendre sur lui toute l’humiliation qui lui viendra des hommes. Le Fils s'offre d'abord afin que le Père puisse l'envoyer. Le Fils doit être prêt au sacrifice avant que le Père puisse l'envoyer (NB 1/2, 108).

 

2267. Le Fils est envoyé ; il ne s'envoie certes pas lui-même, il se laisse envoyer par le Père (NB 6,396).

 

2268. Mission est donnée au Fils de devenir homme et de ramener les pécheurs au Père (NB 2,83).

 

2269. La mission du Fils et le Père

Le Fils a conduit le Père jusqu'au point de son incarnation, de sa croix et de son sacrifice. Humainement parlant : malgré leur omniscience, le Père et le Fils ont d'abord la liberté de se parler. Et si le Fils est alors davantage celui qui conduit, il est quand même prêt d'avance à entreprendre tout ce qui lui est demandé, "avant" même que le Père précise de quoi il s'agit. Le Père a engendré le Fils de tout temps de telle sorte qu'il puisse devenir homme. Mais cela reste pour ainsi dire un secret, "intangible" jusqu'au moment où le Fils, dans sa disponibilité, demande au Père la mission, et où le Père se laisse conduire jusqu'au point où il enverra le Fils. Cette manière qu'a le Fils de conduire le Père est incluse profondément dans la prière du Fils : "Que ta volonté soit faite". Cela veut dire seulement : "Si tu me prends totalement, tu dois savoir ce qu'est ma volonté : faire ta volonté en ce qui concerne le monde ; laisse-toi inciter à me commander. Finalement, Père, c'est de toi que j'ai ma volonté, de toi et avec toi". L'obéissance ne supprime pas la volonté. Tout ainsi est toujours inclus dans la volonté de Dieu (NB 10, n. 2337).

 

2270. Le Fils accomplit sa mission en assumant l’intention du Père

Ici-bas, le Fils n'est jamais abandonné par le Père du ciel ; comme un fils humain, il lui est permis de se référer à l'héritage de son Père, il n'est pas sans passé, il est doté du plus riche héritage du ciel et de la terre. Il n'est pas non plus un mineur, ni non plus un simple gérant qui doit administrer le bien d'autrui. En tant que Fils du Père, il est indépendant. Son indépendance se manifeste dans la manière dont il prend ce qui est disponible et le transforme, mais toujours en agissant au centre de la volonté du Père. Il s'acquitte de sa mission non "de manière servile", en assemblant minutieusement les éléments matériels de sa tâche comme un esclave, il l'accomplit dans la liberté du Fils en assumant l'intention du Père et en la façonnant après mûre réflexion (NB 6,174).

 

2271. Le Fils devenu homme vient du Père et il va vers le Père

En tant que Dieu, le Fils devenu homme a depuis le début deux directions dans sa vie parce que, pour lui, tout se marque l’un dans l’autre. Il vient du Père et va vers le Père. Dans cette vue, l’enfer est une dernière chose dans son retour vers le Père (NB 4,109).

 

2272. Le Fils homme a « déposé » sa divinité auprès du Père

Sa divinité qu'il reçoit dans l'engendrement éternel du Père, le Fils l'a "déposée" auprès du Père ; il ne la lui a pas lancée comme s'il voulait n'en plus rien savoir, il l'a confiée à sa garde, afin que le Père lui en fasse parvenir exactement ce que requiert l'obéissance à sa mission terrestre. Si la divinité du Fils n'était pas déposée auprès du Père de telle sorte que le Père en dispose et qu'il en donne au Fils ce que requièrent les besoins de sa tâche, on pourrait plutôt parler de "foi" pour le Fils, il serait alors, comme nous, renvoyé purement et simplement à la foi humaine pour rester auprès du Père (NB 6,156).

 

2273. Dieu le Père nous envoie son Fils par amour, à nous qui sommes innombrables (NB 9, n. 1685).

 

2274. Le Père doit envoyer son Fils pour rencontrer le diable et l'éliminer

La séparation entre le ciel et l'enfer existe depuis toujours parce que le diable et l'enfer, c'est ce qui ne peut exister dans le domaine de Dieu. Lors de la création, le ciel et la terre furent séparés et la terre fut attribuée à l'homme. Mais l'homme a péché et le diable a acquis sur terre un pouvoir. Le péché a reçu un visage humain : ce n'est que lorsque Adam se reconnaît lui-même comme pécheur qu'il sait ce qu'est le péché. C'est à cette figure humaine que le diable s'accroche de sorte que Dieu le Père doit envoyer son Fils avec une forme humaine pour rencontrer le diable et l'éliminer. Quand le diable envahit la terre à partir de l'enfer, quand il fait irruption dans la bonne création de Dieu, l'opposition entre le Père et l'enfer devient dramatique : il envoie son Fils sur terre pour donner réponse à la ruse du diable par une super-ruse d'amour (NB 3,237-238).

 

2275. Le Père attend l’œuvre du Fils

La confession est un fruit de la croix. Avant la croix déjà la confession est annoncée quand le Seigneur dit :"Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font". Il n'a pas encore la passion derrière lui et donc il ne peut pas encore absoudre en vertu de sa passion ; mais il ne dit pas non plus : "Père, fais avec eux ce qui te plaît", il dit : "Pardonne-leur". Ce n'est plus le temps du jugement absolu du Père, mais pas encore le temps de l'absolution dans la confession. C'est une situation absolument unique qui ne reviendra pas ; elle montre que le Père attend maintenant l’œuvre du Fils avant de l'abandonner. Le Fils, et lui seul, peut parler ainsi au Père (NB 1/2, 204).

 

2276. Pour la passion : entente préalable entre le Père et le Fils

Les souffrances de la passion, c’est ce que le Père requiert, mais la volonté du Père est enveloppée dans la volonté du Fils de le lui offrir. Il peut aussi sembler que là où le Fils n'en peut plus, le Père ne fasse simplement que prendre. Dans une entente préalable avec le Fils, qui dépasse tout ce qu'il peut donner lui-même (NB 3,182).

 

2277. Le Père laisse le Fils partir à la croix

Le Père laisse partir le Fils dans le tourbillon qui mène à la croix. Sans doute le Fils aussi décide-t-il dans le Père de se donner, mais quand arrive son "heure" de se donner, il n'a pas besoin de revenir à l'idée de ce projet pour le réaliser maintenant, il revient à l'instant où le Père l'a laissé partir et qui est à l'origine de son incarnation (NB 12,73).

 

2278. Le Père doit participer à l’impuissance du Fils sur la croix

Il serait facile pour le Père d'étendre autour de la croix sa main protectrice ; elle est assez grande et assez puissante pour la dominer tout entière. Mais justement il ne lui est pas permis de le faire. Car il doit participer à l'impuissance du Fils. Comme si cette impuissance ouvrait au Père une nouvelle possibilité : ne pas pouvoir, bien qu'il en ait le pouvoir. Quelque chose comme assumer une impuissance volontaire. Non seulement le Père n'a pas le droit d'envelopper la croix de manière à l'enlever au Fils, mais il doit prendre part à la mise en croix du Fils. Le Père laisse au Fils sa volonté propre qui, en son fond ultime, coïncide avec la volonté de mission du Père. Comme si, à la croix, il y avait une sorte d'inversion de la demande : "Que ta volonté soit faite, non la mienne" (NB 3,180).

 

2279. Le Père sait depuis toujours qu’il exposera le Fils à l’humiliation

Il y a pour le Père un facteur d'humiliation dans l'engendrement du Fils parce qu'il sait qu'il exposera le Fils à l'humiliation. Si bien qu'en fin de compte Dieu le Père qui sait tout - qui naturellement sait aussi que le Fils acceptera sa mission - ne reçoit néanmoins, dans la nature divine trinitaire, la certitude que le Fils aussi connaîtra l'humiliation que lorsqu'il l'apprend par le Fils (NB 1/2, 105).
 

2280. Le Père a beaucoup exigé du Fils

Diadoque de Photicé (Ve siècle) se traite sévèrement, il exige beaucoup de lui, mais il sait que Dieu le Père a beaucoup exigé du Fils et que Dieu l'Esprit impose constamment des exigences (NB 1/1, 57).

 

2281. Démesure de ce que le Père exige du Fils

Innocent III (+ 1216) a très bien compris la démesure de ce que le Père exige du Fils. Mais cette démesure n’est pas une contrainte venue de l'extérieur qui est exigée de lui (NB 1/1, 80).

 

2282. Le Père : exigence - Le Fils : don de soi

Dieu le Père personnifie l’exigence, et le Fils le don de soi. Sa vie nous est exposée en long et en large dans l’Écriture. Mais son don de lui-même manifeste quand même aussi ce qui était contenu dans l’exigence. C'est dans le don de soi que l’exigence est incarnée, concrétisée (NB 12,64).

 

2283. Dieu le Père use de rigueur avec le Fils 

François de Paule (+ 1507). Sa prière part toujours du même point : de la question du Seigneur sur la croix : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Elle est pour lui la preuve que dans le christianisme est nécessaire la plus grande rigueur parce que Dieu le Père use d'une telle rigueur avec le Fils qu'il permet cet abandon. Un abandon dans le sens le plus objectif bien que le Père reste présent. Et dans cet ultime don du Père au Fils sur cette terre, le Père donne sa perfection à la mission du Fils. Il considère l'expérience de la croix faite par le Fils comme l'expérience la plus essentielle pour la foi dans son ensemble, comme préparation de l'homme à la rencontre avec le Père de même qu'elle fut préparation pour le Fils (NB 1/1, 119).

 

2284. Dans sa mort, le Fils rend son corps au Père

Vendredi saint après-midi. C'est singulier, cette restitution du corps au Père dans la mort. Toute la vie du chrétien devrait être vécue de telle sorte que la mort devienne un don du mourant à Dieu. Le Père fait s'incarner le Fils, il lui fait le don de la vie humaine ; le Fils la lui rend et le Père lui en est en quelque sorte reconnaissant : il fait don au Fils du corps de résurrection et, par là, il nous fait don à nous tous de la vie éternelle. En tant que Dieu, le Fils la possédait depuis toujours, mais maintenant il la reçoit aussi en tant que Fils de l'homme. C'est ainsi que le don du Père au Fils est autre pour le Fils lors de la résurrection que lors de l'incarnation (NB 3,181).

 

               188 Le Fils, le Père et le monde

 

2285. Vie du Fils : unité avec le Père et avec le monde

Il y a l'engendrement qui place le Fils devant le Père et lui donne le Père comme son vis-à-vis. Mais c'est une conséquence de l'abandon que le Fils retourne pour ainsi dire lui-même dans l'acte d'engendrement comme si un enfant retournait dans le sein de sa mère et avait part de la sorte à l'obscurité de sa mère. Le chaos de l'enfer serait en tant que tel une obscurité du Père ; mais il il y aurait encore l'obscurité en tant que mystère du Père engendrant primitif, le mystère de sa paternité elle-même. Les deux ne peuvent se séparer maintenant. Car en acceptant sa mission, le Fils est tellement un tout à la fois avec le Père et avec le monde que plus il accomplit sa mission dans le monde, plus il est uni à la volonté du Père. En enfer, le Fils entre tout à la fois dans l'obscurité du chaos et dans l'obscurité du Père, de même que sur la croix il est mort tout à la fois abandonné par le Père et sous le fardeau du péché. Toute la vie de Jésus devrait être contemplée à la lumière de cette double unité du Père et du monde : en chaque point de sa vie, il y a la résultante de la relation entre le Père et le monde. Ici maintenant le Fils retourne à l'origine : à l'origine de lui-même sortant du Père et à l'origine du monde sortant du chaos, du monde en tant que non né, et du Père en tant qu'engendrant primitif ; et le Fils porte en lui le résultat des deux en portant le péché (c'est le résultat du monde), mais comme Fils envoyé (c'est le résultat de l'engendrement). Pourtant il porte les deux dans l'abandon et la non-connaissance (NB 3,264-265).

 

2286. Le Fils devant le Père et les hommes

En chacun des mystères de sa vie, le Fils devenu homme révèle toujours l'ensemble de son attitude vis-à-vis du Père et des hommes et reçoit toujours pour nous, par ce qu'a de particulier sa situation de vie, une nouvelle plasticité (NB 4,167).

 

2287. Le Fils est devenu homme pour rendre témoignage au Père

Le Fils a envoyé l’Esprit dans l’Église, et la volonté de l’Esprit est de ne pas s'écarter de cette origine ; de même que le Fils est devenu homme pour rendre témoignage au Père, de même l'Esprit agit dans l’Église pour rendre témoignage au Fils. Tout ce qu'il trouve, il l'emmène dans son mouvement vers le Fils, de même que le Fils s'efforçait de tout emporter avec lui dans son mouvement vers le Père (NB 6,419).

 

2288. Le Fils est la visibilité du Père

Le Fils est l’enfant du Père et sa visibilité. L’Esprit est, dans sa manière d’apparaître, comme l’humilité de Dieu : il nous mène, au-delà de lui-même, au Père et au Fils (NB 9, n. 1566).

 

2289. Le Seigneur nous fait savoir qu’il y a une intimité entre lui et son Père

Quand nous regardons la vie du Seigneur, nous y découvrons des lieux ouverts auxquels même des peu croyants ont accès et d'autres lieux aussi où il est seul avec le Père. Mais là non plus le Seigneur ne se ferme pas : nous pouvons entrer et avoir part à tous ses mystères. C'est un signe extrême de son ouverture que nous sachions qu'il est avec son Père dans le secret. Malgré notre indignité, il ne se retire pas au point que nous serions exclus de son intimité avec Dieu ; au contraire, dans ce qu'il y a en lui de secret, il s'ouvre afin que nous sachions que ce secret existe et que nous pouvons y avoir part (NB 12,122).

 

2290. Pour Angèle Merici, le Fils est surtout le chemin vers le Père (NB 1/2, 63).

 

2291. Le Christ opère dans l’Église la volonté du Père 

Ce que le Christ opère aujourd'hui dans son Église, c'est la volonté du Père, c'est aussi le souffle de l'Esprit ; c'est donc toujours l'expression et la manifestation de l'amour trinitaire. C'est pourquoi quand l’Église sent en elle l'action de l’Époux, elle ne peut pas en rester avec lui à une simple relation toi-moi ; dans cette action, elle doit toujours voir au-delà la volonté incompréhensible du Père et l'objectivation de l'amour divin dans l'Esprit Saint. Ceci lui permet de voir l'amour en chacune de ses formes, également celle de la justice, du châtiment et de la pénitence. L'amour n'a pas besoin d'être ressenti directement comme tel pour pouvoir être cru et même expérimenté comme amour. Mais ceci requiert aussi une objectivation de l'amour ecclésial en tant qu'obéissance : ce n'est que dans l'obéissance que tout souffle de l'Esprit peut être compris comme amour. Sans cette obéissance, l’Église s'en remettrait à ses sentiments, elle prendrait l'un pour de l'amour, l'autre pour quelque chose d'autre. Mais si elle sait que Dieu Trinité agit en elle, elle doit se placer elle-même à un point de vue d'éternité et là, en Dieu, toute expression de la vie trinitaire est amour (NB 6,495).

 

2292. Le Fils, le Père et l’Église

Si la position du Fils vis-à-vis du Père a quelque chose de féminin, vis-à-vis de l’Église, il est viril (NB 4,429).

 

2293. L’Église, le Fils et le Père 

L'enfant (le Fils) est le centre, la famille se concentre sur lui, mais le Fils est avec le Père, si bien que le cercle s’ouvre tout de suite sur l'infini, car le Père est au ciel. Ceci devrait toujours être aussi la marque distinctive de l’Église et de chaque personne dans l’Eglise : être attachée au Fils et totalement ouverte au Père (NB 6,161-162).

 

2294. Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans la plénitude de l’Esprit

Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans le sens et dans la plénitude de l'Esprit, et quand nous répétons ses paroles - le Notre Père par exemple - nous les disons parfois dans l'Esprit, mais très souvent seulement selon la lettre : nous réduisons tout un édifice à un seul point. De là découle la nécessité absolue de la méditation dans la prière et dans toutes nos relations avec la parole de l'Écriture sainte : elle ne peut être comprise dans la foi qu'avec sa dimension d'inspiration. Cela requiert un effort parce que notre condition de pécheurs éprouve le besoin effrayant d'éteindre partout l'Esprit (NB 6,551).

 

2295. Le Fils nous rend compréhensible la langue du Père

Le Fils était le seul à comprendre les deux langues (la langue du Père et la langue des hommes), c'est pourquoi il pouvait rendre compréhensible aux hommes la langue du Père (NB 3,155).

 

2296. Par le Fils vers Père

On peut se raccrocher au nom du Fils pour accéder au Père invisible. Et pourtant la prière se met en mouvement vers Dieu tout entier, bien que ce soit plutôt Dieu qui se met en mouvement. Dieu entre dans l'âme, il assume tout l'événement ; la personne laisse faire (NB 12,111).

 

2297. Le Fils renvoie toujours au Père

Toute prière est comme l’ascension, comme une marche avec le Fils vers le Père. Peut-être qu'à cause du Fils tout simplement le Père est souvent négligé. Mais le Fils renvoie toujours au Père. Et si, dans la contemplation, nous ne sommes pas à nous-mêmes un obstacle, le Fils nous prend avec lui vers le Père, il nous donne des ailes pour voler aussi loin que la foi le permet. Il nous ouvre le jardin de Dieu et là tout est beau (NB 10, n. 2116).

 

2298. Le Fils conduit tous les êtres au Père

Le monde entier est attiré dans le royaume du Christ. Le mystère de la création est que tous les êtres ont été créés secrètement pour le Fils. Par son incarnation et sa vie terrestre, le Fils achève ce qui a été commencé en conduisant par lui tous les êtres au Père afin que la création comme un tout devienne une fête. La somme qui est tirée de la vie du Seigneur rencontre la somme du monde créé : création et rédemption, terre et ciel se rencontrent dans l'unité définitive. Le royaume de ce monde et le royaume des cieux doivent se trouver l'un l'autre ; tout ce que Dieu Trinité a produit à l'extérieur est intégré dans le cercle interne de la vie trinitaire éternelle. C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10, n. 2175).

 

2299. Que le Fils ne soit pas seul à glorifier le Père

Le Père a peut-être créé les hommes au fond pour que le Fils ne soit pas seul à glorifier le Père, mais qu'il ait la joie de le louer, avec la totalité de la création, comme Celui qui est toujours plus grand (NB 11,19).

 

2300. Le Fils a vécu parmi nous et il nous a appris à prier le Père (NB 1/1, 495).

 

2301. Être dans la conversation du Fils avec le Père

L'empêchement que Jean ressent ne le fait douter à aucun moment de la divinité du Seigneur. Ce n'est pas non plus qu'il ne voudrait pas prier ; mais la défaillance de Judas, son péché et la menace qui se dégage de lui rendent Jean incapable d'aller à Dieu avec autant de candeur que d'habitude et d'être dans la conversation du Fils avec le Père. Pour le moment, cette conversation est pour lui muette (NB 5,88).

 

2302. Une exigence est adressée à l'homme d'entrer avec ses pensées dans la relation de l'Homme-Dieu à Dieu (NB 2,45).

 

2303. Commandement du Fils : être parfait comme le Père

La sainteté est ce que Dieu requiert de l’homme de la manière la plus absolue ; le Fils l'exprime dans son commandement d'être parfait comme le Père du ciel (NB 2,199).
 

2304. Apprendre à s’approcher du Père par le Fils

Tant que le Seigneur était sur terre, toutes ses paroles sur le ciel étaient voilées, elles renvoyaient seulement à une vision future du Père qui était promise. Car jusqu'à présent personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils. Et, les disciples devaient apprendre à s'approcher du Père par lui et à comprendre cette médiation d'une manière tout à fait incarnée (NB 2,201).
 

2305. Le Fils du Père fait de nous des fils du Père

Le Christ est le Fils du Père et il fait de nous les fils du Père en devenant notre frère ; ce processus se réalise du fait de sa condition de Fils. C'est l'Esprit Saint qui opère et aplanit les voies (NB 10, n. 2125).
 

2306. Tendance à oublier le Père parce que le Fils est devenu homme

Dans la nouvelle Alliance, il y a une tendance à oublier un peu le Père à cause du Fils qui pourtant ne voudrait être que passage pour aller au Père (NB 5,159).

 

2307. Sur mission du Père, nous tournons nos regards vers le Fils

Quand le Père nous invite à regarder le Fils, nous prenons part à la vision et à la joie du Père, et à aucun moment nous ne pensons que le Père nous renvoie au Fils pour que lui, le Père, nous ne le regardions pas parce qu’il ne veut pas être vu. Nous ne sommes pas privés de la vision du Père. Nous savons que le Père est là, cela suffit totalement. Sur mission du Père, nous avons tourné nos regards vers le Fils (NB 9, n. 1985).

 

13. Le Fils dans la Trinité

 

Plan : 189 Du Fils à la Trinité190 Les trois personnes191 La Trinité192 Prier la Trinité

 

               189 Du Fils à la Trinité

 

2308. Le Seigneur est toujours tourné vers Dieu Trinité (NB 2,130).

 

2309. Présence du Père et de l’Esprit dans la vie du Seigneur

Dans la vie du Seigneur, il y a des situations et des cycles manifestement trinitaires, puis à nouveau des périodes entières où l'on voit à peine quelque chose du Père et de l'Esprit, bien qu'ils soient présents avec une activité cachée (NB 6,557).

 

2310. Le Fils devenu homme vit d'une manière totalement trinitaire

C'est dans l'amour que Dieu le Père crée l'homme, mais l'homme le déçoit et fait tout ce qu'il peut pour échapper à l'ordre établi par Dieu, un ordre qui était la propriété de Dieu, qui faisait partie de l'amour de Dieu, qui unissait l'homme à Dieu et qu'il accordait à l'homme. Mais le diable incita l'homme à se détacher de cette unité avec Dieu. Il se produit alors cette chose prodigieuse que Dieu le Père, dans son amour, envoie son Fils à l'humanité égarée. Le Fils devient un homme qui ne peut décevoir le Père, qui n'interrompt pas la circulation de l'amour, que le Père reconnaît comme son Fils divin parce qu'il ne vit que dans l'amour. C'est ainsi que le Fils crée ici-bas une image, une expression, une extrapolation de la Trinité ; il vit d'une manière totalement trinitaire bien qu'il soit homme parmi les hommes, il exprime pour nous avec toute son existence ce qui est trinitaire, il le vit devant nous, il le représente, le réalise au sein de la création. Et il donne toujours une solution trinitaire aux problèmes des hommes concernant la lutte contre le mal, la rédemption du monde (NB 6,98).

 

2311. Impossible d'enlever au Fils le rapport qu'il a avec le Père et l'Esprit

Nous savons que, dans la Trinité, il est impossible d'enlever au Fils le rapport qu'il a avec le Père et l'Esprit ; bien plus, même quand nous faisons ressortir les attributs propres au Fils, nous ne pouvons toujours les considérer que dans le cadre de la totalité de la nature divine à laquelle appartiennent de la même manière le Père et l'Esprit, une nature cependant qui restera toujours pour nous un mystère. En un sens analogue, le Fils, dans sa mission d'incarnation, s'est lié à l'humanité, aussi bien à l'humanité tombée qu'à l'humanité pure de sa Mère pré-rachetée ; et ici également il est impossible de détacher le Fils de ce cadre. Partout en lui sont visibles les signes et les traces de sa parenté avec une humanité qui s'étend de Marie aux pécheurs. Au milieu de cette oscillation entre Marie et les pécheurs se trouve le Fils en quelque sorte, il place pour ainsi dire sa mission entre les deux à partir du point d'unité qu'est son existence céleste de Dieu. Et ce qui vaut pour son incarnation et sa nature humaine, vaut tout autant pour son état eucharistique. Celui-ci aussi se trouve au milieu de l'humanité, associé indissolublement à Marie d'une part, aux pécheurs d'autre part. Le corps eucharistique ne renie pas son origine, ni non plus par conséquent son lien indissoluble avec la Mère qu'il s'est choisie lui-même et par laquelle surtout il a pu devenir homme. Le rapport avec les pécheurs se trouve sur un autre plan : le Fils est venu pour les racheter, et on ne peut pas contempler et adorer son eucharistie sans considérer aussi ce sens de l'incarnation. Dans l'eucharistie, les pécheurs sont bien suffisamment représentés par nous, mais ils l'étaient déjà lors de l'incarnation elle-même, même si ce fut alors autrement (NB 1/2, 197).

 

2312. L'amour du prochain que connaît le Seigneur est un amour trinitaire

L'amour trinitaire du prochain que connaît le Seigneur est un amour qui, en lui, est de toute éternité éprouvé, expérimenté, exercé. C'est pourquoi on peut distinguer dans cet amour ce qui est trinitaire. Le Fils vient nous rendre visite non par amour de lui-même, mais par amour pour son Père et pour sa création qu'il veut lui ramener, et par amour pour l'Esprit : par son incarnation, il prépare la révélation de l'Esprit. Son amour est tellement dénué d'égoïsme que, dès les tout débuts, il ne fait pas seulement participer le Père à son incarnation mais aussi l'Esprit à qui le Père confie l'œuvre de l'incarnation que l'Esprit couronnera à la Pentecôte (NB 6,109).

 

2313. Passion du Fils et amour de Dieu Trinité

Le Seigneur a enduré les trois jours de sa passion et de sa mort comme sacrifice pour le monde : mystère dans lequel tout l'amour de Dieu Trinité se révèle - et se cache (NB 6,28).

 

2314. Le Fils conduit toujours au Père et à l’Esprit

Un exemple : je t'aime et j'ai confiance en toi, j'ai aussi une confiance théorique en l’Église. Dans une situation délicate, je te demande conseil et tu me conseilles ; mais ton conseil est celui de l’Église. Mon point de vue limité qui ne s'adresse qu'à toi est élargi du fait que ta réponse est celle de tous les croyants, la réponse de Dieu à l’Église. Par analogie : celui qui prierait d'une manière exclusive, qui ne s'adresserait toujours de préférence qu'au Fils ou à un saint. Si sa prière est authentique, il apprendra à reconnaître que le saint est un relais, que le Fils lui-même conduit toujours au Père et à l'Esprit, et qu'en conséquence la réponse divine est toujours trinitaire (NB 6,83).

 

2315. Le Fils ouvre aux hommes de nouveaux accès à vie trinitaire

Le commencement est que le Fils se tient devant le Père : il révèle aux siens la décision qui est dans le Père de sauver le monde et de le ramener au Père. Dans l'amour du Créateur était incluse sa volonté de doter l'homme de tout ce qui était utile à un dialogue avec Dieu. Le péché a rendu ces facultés inutilisables, mais le Seigneur, en s'incarnant, en fera usage à nouveau. Car dans le dialogue éternel, le Père, le Fils et l'Esprit ont d'infinies manières d'entretenir des échanges ; ce n'est jamais une répétition du même. Entre eux coule la vie, et une vie divine illimitée, qui ne cesse de jaillir, neuve, de la source originaire. C'est à cette source inépuisable que les hommes devraient avoir part, et Dieu leur a laissé ouverts beaucoup d'accès. Les paroles et les actes du Fils ouvrent aux hommes de nouveaux accès à la vie trinitaire (NB 6,547-548).

 

2316. Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité

Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité de Dieu. "Qui me voit voit le Père" et "Personne ne va au Père sans passer par moi". Certes le divin s'est tellement approché de nous dans le Fils de l'homme que nous sommes enclins à oublier la divinité du Fils au sein de la Trinité. Maintes formes de notre prière sont presque des familiarités bien souvent, elles ne regardent pas la majesté divine infinie, elles sont un produit de notre imagination et de nos pieux désirs. Nous avons l'habitude de dire sans y penser : "Je ne suis qu'un rien dans ta main, tu es tout", ou bien "Parce que je veux tout ce que tu veux, tu veux tout ce que je veux". Ces derniers temps, dans mes lectures, je ne cessais de tomber sur ce genre de choses énervantes qui jouent avec le don de soi, qui semblent très élevées, mais en réalité tout est réduit à ma mesure. Avec cette manière de mettre le Seigneur dans tous nos projets et tous nos actes, de mettre en relation nos petits ennuis avec sa croix, nous réduisons le Seigneur à notre format humain et nous ne cessons de nous éloigner du véritable esprit du don de soi (NB 6,116).

 

2317. Paul arrive à la Trinité par l'appel du Christ à Damas (NB 2,50).

 

2318. Le Fils a voulu être passage vers le Père et l’Esprit

Quand nous commençons à comprendre que la foi ne s'épuise jamais dans une reconnaissance théorique, mais qu'elle n'est viable qu'unie à l'amour agissant, alors il devient clair pour nous que les mystères trinitaires que nous confessons dans la foi doivent se répercuter dans notre amour. Un amour qui voudrait ne s'occuper que du Fils n'irait pas dans son sens, étant donné qu'il voulait être porte et non but, passage vers le Père et l'Esprit aussi bien que vers les hommes qu'il a aimés jusqu'à la mort. La communion la plus intime est la communion trinitaire en Dieu ; ce serait contraire au sens de l'amour lui-même que d'opérer ici un choix (NB 6,112-113).

 

2319. Par le Seigneur, nous savons que Dieu est Trinité

Nous ne connaissons pas l'avenir, mais par les paroles du Seigneur nous savons que Dieu Trinité demeure dans le ciel, nous savons que l'éternité est une super-durée dans laquelle ne se passe que la volonté du Père, qui est aussi la volonté du Fils et de l'Esprit (NB 10, n. 2177).

 

2320. Le Christ révèle la Trinité

La révélation du Christ est au service de la révélation de la Trinité. Quand la dogmatique estompe à nouveau cette distinction des personnes ou la rend superficielle en ne voulant parler que d'appropriations extérieures, on devra faire attention à ce que tout le credo ne s'effondre pas jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Ponce Pilate comme donnée reconnaissable et sûre tandis que tout le reste serait réduit au rang de discours en paraboles (NB 6,97).

 

2321. Le Fils nous communique ici-bas un pressentiment de la joie de Dieu Trinité

Trouver sa joie en Dieu Trinité, le Fils en a naturellement fait l'expérience de la meilleure manière qui soit et il nous communique ici-bas un pressentiment de ce que peut être dans le ciel la joie de Dieu Trinité. Mais qu'il trouve sa joie en Dieu inclut qu'il trouve sa joie en toutes les créatures qu'il a reçues de Dieu le Père, puisque que toutes ont été créées pour lui, même celles qui sont maintenant infidèles à leur destination. Ce que le Père lui a offert de plus précieux, c'est sa Mère, et rien que par amour pour elle toutes les choses qui lui appartiennent en quelque sorte lui paraissent encore plus dignes d'être aimées. Dans toutes les créatures se reflète pour le Fils la joie que le Père trouve en lui, et cette expérience du Fils est si sublime que nous ne sommes pas capables de la suivre, car elle fait déjà partie du domaine caché de la joie trinitaire. Mais même ce qui est caché ne nous est pas refusé, et nous comprenons tout d'un coup que trouver sa joie en Dieu est ce qui repousse sans cesse nos limites parce que ce n'est pas nous qui créons cette joie, c'est Dieu infini qui la fait descendre en nous toujours plus profondément (NB 6,575-576).

 

2322. Tout ce qui se rattache au Seigneur est à comprendre de manière trinitaire

Celui dont tout le sens de la vie est de suivre le Christ suivra les conseils évangéliques. Mais ceux-ci, comme tout ce qui se rattache au Seigneur, comme toutes ses paroles et tous ses actes, sont à comprendre de manière trinitaire. Quand le sens trinitaire d'une parole du Seigneur n'apparaît pas clairement d'emblée, il apparaît quand même tout de suite clairement, par le contexte de ce qu'il dit, qu'il est la Parole du Père et qu'il parle dans l'Esprit Saint. Le Père a créé le monde et ordonné toutes choses au Christ en la présence de l'Esprit Saint. Au temps également où le Fils n'était que promis, il était déjà présent comme parole de promesse du Père. Dès le début, le Père savait que le Fils sauverait le monde (NB 10, n. 2198).

 

2323. Tout ce qui est visible du Fils est toujours une expression de la Trinité tout entière

Le Fils incarné se fait comprendre aux disciples par son existence, par son être, par sa prière et par son action. C'est l'image la plus facile à saisir. Mais celui qui médite doit se souvenir que tout ce qui est visible dans le Fils est toujours une expression de la Trinité tout entière, que donc dans le comportement du Fils il faut toujours aussi tenir compte du Père et de l'Esprit. Il y a des moments dans la vie du Seigneur où la divinité tout entière apparaît dans son unité, d'autres moments où ressort surtout ce qui est du Fils, d'autres où il s'efface en quelque sorte pour laisser totalement apparaître le Père ou l'Esprit (NB 6,551).

 

2324. Le Fils apporte au monde toute la lumière de Dieu Trinité

En devenant homme, le Fils reste toute la lumière et il apporte au monde toute la lumière de Dieu Trinité (NB 1/2, 223).

 

2325. Le Fils est pour nous lumière trinitaire

Avant l'incarnation, l'homme pécheur était trop faible pour se détacher efficacement du péché. Dans l'Ancien Testament, il avait sans doute la promesse et la Loi, mais la grâce n'avait pas encore la pleine réalité que possédaient le monde terrestre, mais aussi le péché et la tentation. Quelques voix isolées se faisaient entendre en provenance du monde de Dieu par la tradition et par les prophètes. Mais l'effort pour mettre un terme à la désunion entre Dieu et le monde des hommes dépassait les forces de l'homme. En devenant homme, le Fils a surmonté la distance. Mais si nous ne faisons pas attention, un autre danger nous menace maintenant : ne voir en lui que l'homme et considérer sa connaissance du Père et son existence dans l'Esprit comme quelque chose d'abstrait et de nouveau irréel. D'où l'importance essentielle d'une méditation trinitaire du Fils. Il est pour nous la lumière trinitaire. Pas plus qu'un prêtre, même quand il ne célèbre pas, ne peut se défaire de son caractère sacerdotal, le Christ ne peut se défaire de la Trinité. Si on est en relation avec lui, on ne peut à aucun moment faire abstraction de la Trinité. Et nous ne pouvons pas seulement méditer de l'extérieur comment le Fils vit du Père et de l'Esprit, nous devons goûter la nourriture qu'il mange et qu'il nous offre (NB 6,115).

 

2326. Avec le Fils aimer le Père et l’Esprit

Le Fils est ici-bas l'envoyé de Dieu Trinité. Dans son amour, il apporte aussi celui du Père et de l'Esprit, et il le partage également à ceux qui croient en lui de sorte que non seulement ils sont rendus capables, par le Fils, d'aimer avec lui le Père et l'Esprit, mais que le Père et l'Esprit leur donnent, dans l'amour du Fils, leur propre amour. Il y a donc dans notre amour du prochain non seulement quelque chose du Fils mais aussi quelque chose du Père et de l'Esprit. Ce qui est de l'Esprit dans notre amour, c'est notre volonté que notre prochain soit intégré dans la foi de l’Église, dans le baptême, dans toute cette norme que l'Esprit a façonnée pour tous les temps : la vie du Seigneur. Mais quelque chose du Père se trouve dans le fait que nous accueillons le Fils en nous et que nous nous savons rachetés et sauvés par sa vie et par sa mort ; car cela signifie l'achèvement de la mission que le Père a confiée au Fils. Si nous refusions la foi, non seulement nous augmenterions le poids de la croix, mais nous renierions aussi le Père qui voit l'achèvement de l'œuvre de la rédemption (NB 6,114).

 

2327. Le Fils incarné invite les hommes à entrer en communion avec le Père et l’Esprit Saint

Dieu, en sa Trinité, jouit de la communion la plus sainte et de l'échange le plus intime de l'amour. C'est dans cette joie que Dieu fonde l’Église du Seigneur. Elle est l'expression de l'invitation faite aux hommes par le Fils incarné à entrer en communion avec le Père et l'Esprit Saint qui est la sienne. Et de même que Dieu le Père a créé le monde avec le Fils et l'Esprit, de même le Fils engendre l’Église dans la même communion avec le Père et l’Esprit et, quiconque y entre, il le fait participer aux biens de la communion selon un certain degré de conscience (NB 1/2, 15).

 

               190 Les trois personnes
 

2328. Père, Fils, Esprit : c’est dans la nouvelle Alliance que cet ordre divin est apparu

Dans l’ancienne Alliance, qui était un premier degré de l’Église, beaucoup de choses étaient encore changeables qui ne le sont plus dans la nouvelle Alliance parce que maintenant l’ordre divin des trois personnes est apparu : Père-Fils-Esprit. Et l’Esprit procédant toujours du Père et du Fils : Filioque. Les structures solides de l’Église sont déterminées par cela. Le Père comme fondement de tout, le Fils comme sortant de lui, et les deux envoient l’Esprit (NB 9, n. 1715).

 

2329. Le chrétien sait par la foi que Dieu est Père, Fils et Esprit (NB 6,65).

 

2330. La foi catholique : le Père, le Fils et l’Esprit

Adrienne en extase s’adresse au P. Balthasar qu’elle ne reconnaît pas : Quelle foi avez-vous ? Est-ce que c’est assuré ? Aimez-vous vos frères, Dieu ? Croyez-vous vraiment tout le credo ? Alors vous croyez au Père, au Fils et à l’Esprit. Et si vous niiez une personne, vous nieriez aussi les deux autres. Que devez-vous faire de votre vie si vous êtes catholique ? Un témoignage de la Trinité, n’est-ce pas ? C’est quand même clair. On n’a donc pas le droit de supprimer une seule des personnes en Dieu dans la vie. Le credo et le témoignage doivent ne faire qu’un. Si le Fils ne reconnaît pas en vous le Père et l’Esprit, il vous vomira (NB 4,122).

 

2331. Distinguer le Père, le Fils et l’Esprit

Origène met en relation le Père avec la jeunesse, le Fils avec les gens d'âge moyen et l'Esprit avec la vieillesse (NB 1/1, 391).

 

2332. Penser Dieu concrètement : Père, Fils ou Esprit

Quiconque pense concrètement "être humain" pense soit à l'homme soit à la femme. Quiconque pense Dieu concrètement pense le Père, le Fils ou l'Esprit (NB 6,96).

 

2333. Comprendre Dieu : Fils, Père, et Esprit Saint

D’une lettre d’Adrienne au P. Balthasar datée du 5 avril 1941 : Dieu ne peut être compris autrement que comme Fils et Père et en même temps Esprit Saint, tout à la fois dans l'unité et la multiplicité, "découlant l'un de l'autre et formant un tout indissoluble". Pour moi c'est clair comme le jour à travers mes difficultés d'expression et leur maladresse, "impossible à rendre, même pour vous". Bien que je sache que je suis incapable de vous décrire cette expérience, je devais quand même essayer de le faire pour que vous sachiez ce qui se passe (NB 8, n. 48).

 

2334. Le Père, le Fils et l’Esprit : des mystères réservés pour l’éternité

S'il est vrai que toute la mystique chrétienne a le Christ comme point de départ, il est clair qu'aux orants qu'il a choisis il ne transmet pas seulement par une communication directe les choses de sa vie qu'on comprend mais tout autant sa relation cachée au Père et à l'Esprit. Cette communication pourtant demeure voilée, car elle contient des mystères qui restent réservés pour l'éternité. Des mystères qui doivent rester inépuisables et qui pourtant ne peuvent pas être totalement mis de côté en tant qu’intangibles. Au contraire il offre aussi ces mystères voilés de son être comme le centre de la mystique nouvelle, et même comme ce qu'il y a en elle de plus essentiel : non seulement ce qu'il a fait, mais aussi ce par quoi il est passé (NB 5,119-120).

 

2335. Ne pas se limiter au Dieu unique

Personne ne peut se limiter au Dieu unique sans vouloir inclure le Fils et l'Esprit (NB 2,24).

 

2336. Le propre de chaque personne (Père, Fils, Esprit)

Les actions des personnes divines ad extra sont certes communes, mais elles sont opérées par une personne avec l'accompagnement des autres, et le caractère de l'action manifeste le caractère de la personne qui agit. Comme les personnes en Dieu se distinguent par leur opposition à l'intérieur de l'unité de nature, on peut reconnaître, dans une action déterminée du Dieu unique, une seule personne même si elle n'agit pas indépendamment des autres. La création comme telle renvoie clairement au Père, justement parce qu'il est Père, bien qu'elle soit, bien entendu, l'œuvre de Dieu Trinité tout entier. On peut comparer le monde et le Fils parce qu'ils sont issus tous deux du Père, on peut reconnaître le propre du Fils à partir de la nature créée du monde. Et parce que le Père et le Fils sont présents dans l'acte de la création, l'Esprit Saint y collabore aussi, par son souffle. Il souffle où il veut, mais toujours entre le Père et le Fils. D'où il s’ensuit qu'en suivant les traces de l'Esprit, on rencontrera toujours le Père et le Fils (NB 6,81-82).

 

2337. Le Père ne cesse d’engendrer le Fils - L’Esprit procède des deux

L'amour du Père est précis en ce sens qu'il engendre le Fils, et l'amour des deux est précis en ce sens que l'Esprit procède d'eux. L'amour de Dieu crée son toi, c'est pourquoi il fait partie de la nature de tout amour d'être créateur. Si nous, en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas nous créer réciproquement, nous devons quand même participer au devenir de l'être aimé, aider à le former, non selon la loi du moi, mais selon la loi objective de l'amour. Et cette loi agit en retour sur celui qui forme. Ainsi le Père divin reçoit aussi de l'Esprit Saint la forme d'amour qu'il a désirée pour lui-même afin d'être le Père du Fils. Pendant que le Fils commence à être et que des deux naît l'Esprit, le Fils et l'Esprit font que le Père est Père. Sans le Fils, le Père ne serait pas Père. Toutes les personnes se déterminent mutuellement. Et le Père tient tellement à ces dispositions que, dans l'éternité, il ne cesse d'engendrer le Fils et il tient tellement aussi à l'échange d'amour dans l'Esprit Saint qu'éternellement il fait souffler l'Esprit où il veut, il le fait être éternellement Esprit d'amour entre lui et le Fils (NB 6,104).
 

2338. Le Fils naît éternellement du Père – L’Esprit procède des deux

Le Fils naît éternellement du Père, il ne lui est pas demandé s'il veut être engendré. Mais, en tant que Fils engendré, il est aussi celui qui répond au Père de toute éternité. Le Fils dit éternellement oui à la volonté du Père, il est éternellement dans l'obéissance au Père. L'Esprit est le témoin éternel de l'entente éternelle du Père et du Fils : le Père et le Fils ne sont qu'une seule volonté. C'est pendant que le Fils est engendré par le Père que l'Esprit procède des deux. Pas ultérieurement (NB 12,21).

 

2339. L’Esprit procède du Père et du Fils

L'Esprit Saint procède du Père et du Fils, et il est envoyé de l'un à l'autre. La mission du Fils qui sort du Père et retourne à lui, nous pouvons nous la représenter plus facilement. Se faire une idée de l'envoi de l'Esprit par le Père et le Fils est difficile, car c'est une mission et un mouvement toujours nouveaux qui partent de l'origine (NB 6,394).

 

2340. L'Esprit procède éternellement du Père et du Fils  (NB 11,26).

 

2341. L’Esprit : du Père et du Fils

L'Esprit en Dieu reste toujours l'Esprit du Père et du Fils, comme dans l'incarnation il reste toujours l'Esprit du Christ et de l’Église (NB 12,98).

 

2342. L'Esprit occupe la situation de l'enfant puisqu'il procède du Père et du Fils

Il y a comme une possibilité divine pour chaque personne en Dieu de mieux connaître une personne par l'autre : l'Esprit connaît mieux le Père par le Fils, le Fils connaît mieux le Père par l'Esprit, peut-être aussi le Père connaît-il mieux le Fils par l'Esprit. C'est ainsi qu'une mère peut voir certains traits de son époux représentés de manière neuve dans son enfant et apparaître comme pour la première fois. L'Esprit occupe la situation de l'enfant puisqu'il procède du Père et du Fils, et qu'il fait voir les possibilités de Dieu d'une manière particulièrement nette (NB 6,392-393).

 

2343. L'Esprit est l'Esprit du Père et l'Esprit du Fils

Dieu le Père engendre éternellement le Fils, et l'Esprit procède des deux éternellement. L'Esprit, qui lui-même est Dieu, est en même temps aussi médiateur entre le Père et le Fils, il l'est sans que cela s'oppose à l'ouverture réciproque du Père et du Fils. Ils ont des relations directes l'un avec l'autre, mais ils communiquent aussi l'un avec l'autre dans l'Esprit. Il n'y a pas de loi qui régirait ces deux modes de relations. Les unes et les autres existent, et les deux sont vraies ensemble. L'Esprit est l'Esprit du Père et l'Esprit du Fils : chacun des deux reconnaît en lui son Esprit ; et l'Esprit se sait un avec le Père et avec le Fils (NB 1/2, 159).

 

2344. L’Esprit est dans le Père et dans le Fils

Si l'Esprit Saint a, vis-à-vis du Père et du Fils, la fonction de l'amour - l'amour comme tâche et comme mission -, ses traits les plus accusés disparaissent toujours dans l'amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père, comme si soudain, bien qu'ils soient trois, ils étaient deux à s'aimer : le Père qui dirige, le Fils qui est dirigé, et c'est ainsi que la fonction de l'Esprit est toujours remplie. Vis-à-vis du Père et du Fils, il a chaque fois accompli ce qui était sa tâche divine. Il est tellement entré dans le Père et dans le Fils qu'il semble se dissoudre totalement dans leur amour réciproque. L'Esprit n'en est pas humilié, compté pour rien, sa tâche n'est ni secondaire, ni insignifiante, elle est une tâche totalement divine dont il s'est acquitté parfaitement. Il est tellement l'amour en Dieu qu'il ne fait qu'un dans le Fils, un dans le Père, et de plus lui-même ne cesse pas d'être un. La troisième personne n'est pas supprimée dans les deux autres, mais toutes les trois, par l'amour de l'Esprit, réalisent parfaitement la nature de l'amour divin. L'Esprit est dans le Père et dans le Fils ; mais on peut dire tout aussi bien : le Père et le Fils sont dans l'Esprit ; dans l'amour, ils ne sont pas seulement l'amour par l'Esprit, mais c'est en étant dans l'Esprit qu'ils réalisent l'amour qu'ils sont. Parce qu'ils sont eux-mêmes l'amour, ils sont aussi l'amour dans l'Esprit (NB 12,96).

 

2345. L’Esprit est l’amour entre le Père et le Fils

Quand, dans l'éternité, le Fils est engendré et que le fait qu'ils soient deux, Père et Fils, précède à son tour la procession du Saint Esprit, la nécessité de cette procession a la caractéristique d'un ministère. Mais l'Esprit possède le caractère ministériel avec le Père et le Fils. En réalité le caractère ministériel ne doit pas être recherché dans ce qui le distingue personnellement, dans le fait qu'il est l'amour entre le Père et le Fils, ni non plus dans le fait qu'il souffle où il veut, mais dans le fait qu'il participe à la même nature que le Père et le Fils. L’Esprit est ce que le Fils prend avec lui en tout premier lieu comme quelque chose qui l'accompagne (NB 1/2, 187).

 

2346. L’Esprit va et vient entre le Père et le Fils

La possibilité de comprendre la relation trinitaire se trouve dans l'Esprit Saint qui va et vient entre le Père et le Fils comme échange d'amour et qui, en même temps, procède d'eux (NB 11,313).

 

2347. L’Esprit : jamais sans le Père et le Fils

Le plus grand péché, c’est celui contre l’Esprit, non contre le Père et le Fils. Comme si l’Esprit était justement si bon pour les pécheurs que le plus grand péché soit commis contre lui, qu’il soit pris comme l’objet du plus grand péché. Il serait moins grave de ne pas aimer Dieu (le Père) et d’outrager le Seigneur que justement l’Esprit. On ne peut se représenter l’Esprit qu’en relation avec le Père et le Fils. On peut pour ainsi dire offenser le Père isolément comme Créateur, le Seigneur comme frère. Mais le péché contre l’Esprit est le péché contre ce qu’il y a de saint en Dieu, contre la majesté elle-même de Dieu (NB 4,60).

 

2348. Trois personnes et une hiérarchie en Dieu

Les trois personnes sont Dieu et pourtant le Fils et l'Esprit sont, vis-à-vis du Père, dans une parfaite obéissance tandis que le Père veut exactement ce que veulent le Fils et l'Esprit. Les desseins des trois personnes sont parfaitement uniques. Et pourtant il y a une hiérarchie en Dieu (NB 11,235).

 

2349. Le Fils est après le Père – L’Esprit est après le Père et le Fils

Dans le mouvement de Dieu qui va du Père vers le Fils et des deux vers l'Esprit, les deux mouvements sont communs dans le temps éternel (qui n'est pas un temps) : la séparation l'un de l'autre et l'existence l'un dans l'autre. Depuis toujours. Le Fils est après le Père parce que celui-ci l'engendre ; l'amour, l'Esprit Saint, est après le Père et le Fils étant donné qu'il procède des deux. Mais ceci, en se trouvant entre les deux et en les unissant, en allant et venant de l'un à l'autre. Procédant du Père et du Fils, l'Esprit abolit la distance entre eux ou bien, de cette distance, il fait le mouvement, il fait qu'ils sont parfaitement l'un dans l'autre (NB 3,351).

 

2350. Le Fils est adoré par le Père et par l’Esprit

Chaque personne qui reçoit l'adoration des deux autres partage toujours tout de suite aux autres ce qu'elle a reçu. Le Fils qui est adoré par le Père et par l'Esprit offre au Père ce que l'Esprit lui donne en l'adorant et il offre à l'Esprit ce que le Père lui donne. Ce partage en Dieu est très important pour nous humains parce qu'il nous montre comment tout ce qui est exclusif doit être constamment dépassé. Celui qui prie comme il faut et reçoit dans la prière la réponse de Dieu doit aussitôt partager la réponse. Quand il adore le Fils, il doit comprendre, en regardant le Fils, que celui-ci ne garde rien pour lui de ce qu'il a reçu dans la prière ; lui, de même, doit laisser passer par lui le cadeau de la réponse divine, c'est ainsi qu'il deviendra digne de rencontrer aussi le Père et l'Esprit. Conformément au modèle du dialogue divin, il sera conduit toujours plus loin (NB 6,82-83).

 

2351. Liens du Fils avec le Père – Liens de l’Esprit avec le Père et le Fils

Le Fils est engendré par l'amour du Père. Mais le Père sait de toute éternité que le Fils va souffrir jusqu'à l'abandon du Père. De toute éternité, il a donc plus d'estime pour l'amour que pour la souffrance ; la souffrance sera une fonction de l'amour. Le Père en assume la responsabilité. Il a engendré le Fils, il l'aime et il partage tout avec lui ; ainsi l'Esprit Saint ne peut procéder que du Père et du Fils tout à la fois. Ceci est visible dans les liens qui unissent l'Esprit au Père comme au Fils, mais ces liens ne nuisent pas à la singularité des personnes, pas plus dans l'Esprit que dans le Fils. Ces liens du Fils avec le Père, de l'Esprit avec le Père et le Fils dans la singularité des personnes, nous ne pouvons les penser autrement que comme des mouvements. C'est dans ces mouvements qu'est fondée la participation des trois personnes à la naissance du monde (NB 6,92).

 

2352. L’unité entre le Père, le Fils et l’Esprit

Dans ses visions, Paul voit toujours plus les relations du monde céleste, les relations entre le Père, le Fils et l'Esprit, et surtout les relations entre l'éternité et le temps. Le mystère dont il parle, c'est le mystère de l'obéissance, c'est-à-dire de l'unique volonté en Dieu ; peut-être mieux : le mystère de l'unité en Dieu de manière générale, entre le Père, le Fils et l'Esprit (NB 1/1, 258).

 

2353. Le Fils et l’Esprit ne font qu’un avec le Père

Dans le mystère de Dieu Trinité, il y a une distance entre les personnes, qui est ce qui rend possible et exprime l'amour divin absolu. Parce que le Fils et l'Esprit ne font qu'un avec le Père, ils doivent être personnellement différents et distants de lui. Le Père ne veut pas absorber en lui le Fils et l'Esprit, il veut, par amour, les laisser être eux-mêmes dans son amour. Lors de la création, Dieu a certes établi une distance entre lui et la créature, mais en fin de compte il a voulu cette distance comme une image de la distance de l'amour intra-divin, pour faire participer la créature à l'amour éternel. C'est pourquoi quand le Fils devient homme pour enlever ce qui éloigne les pécheurs de Dieu, il prend avec lui dans le monde quelque chose de sa distance intra-divine vis-à-vis du Père et il la mêle à la distance de créature et de pécheur, pour imprégner le tout comme un levain et lui donner le goût et le sens de l'amour de Dieu (NB 6,197).

 

2354. LEsprit unit le Père et le Fils

Au ciel, il y a l'Esprit éternel qui unit le Père éternel au Fils éternel. Entre eux, il est l'amour qui non seulement joue pour eux le rôle de lien, mais il procède des deux. C'est en partant de là qu'on peut se faire peut-être la meilleure image de la vie éternelle, parce que l'Esprit tourne entre le Père et le Fils et, du fait qu'en tournant il va et vient en même temps, il montre aussi qu'il n'a ni commencement ni fin. On ne peut pas l'empêcher de se répandre. Et dans le fait qu'il se répand, on peut distinguer deux aspects : l'être de l'Esprit en tant que lien qui tourne entre le Père et le Fils, et l'être de l'Esprit dans l'acte de sa sortie et de son retour (NB 6,441).

 

2355. Chaque personne divine est tout pour l’autre

L’interpénétration réciproque des personnes divines suppose qu'elles se dévoilent totalement les unes aux autres. Non par nécessité mais par don d’elle-même. Chacune est tellement tout pour chacune que l'être du Père appartient au Fils, que l'être du Fils appartient à l'Esprit, etc. ; de cette manière, elles sont totalement les unes dans les autres bien qu'elles soient les unes en face des autres (NB 6,524).

 

2356. Le Père : un seul Dieu avec le Fils et l’Esprit

Dieu le Père est un seul Dieu avec le Fils et l'Esprit. Le Père qui contient tout, porte aussi en lui le Fils et l'Esprit. Dieu le Père possède le Fils et l'Esprit comme vis-à-vis (NB 1/2, 266).

 

2357. Échange éternel en Dieu entre le Père, le Fils et l’Esprit

La vision du Fils est pleine de sens pour la doctrine chrétienne du fait que le Christ dote la foi de bien des éléments qui proviennent de sa vision. La prière contemplative par exemple se nourrit de sa vision afin que l’Église ne cesse de savoir combien vivante est cette vision du Fils, l'échange éternel en Dieu du Père, du Fils et de l'Esprit. Afin qu'elle sache aussi que le Fils dans le ciel n'a pas oublié son humanité et qu'il répand des signes et des dons de son existence céleste dans la vie des chrétiens ici-bas afin qu'ils reconnaissent sa présence parmi eux sous des formes toujours nouvelles, pas seulement dans l'eucharistie (NB 6,189).

 

2358. Ouverture constante du Christ au Père et à l’Esprit

Il est certes difficile de mettre en relation quotidien et Trinité. Et pourtant le Christ lui-même a vécu dans l'ouverture constante au Père et à l'Esprit, et il nous a laissé sa vie pour que nous l'imitions. La solution se trouve dans le vrai renoncement à nous-mêmes qui ne réfléchit pas à tous nos propres actes et ne nous les renvoie pas (soi-disant au Seigneur) comme un miroir. Le Christ et sa Mère supportent les humiliations pour ce qu'elles sont. Ils les reçoivent dans l'obéissance telles qu'elles doivent être vécues. Sans les minimiser ni les majorer, ni avec enthousiasme, ni dans l'agitation ; ils laissent aux choses de la vie quotidienne le sens que Dieu leur donne. Ce n'est qu'alors que le quotidien peut être vécu en Dieu, que dans les plus petites choses peut-être sera perçu Dieu Trinité, mais tel qu'il est, non tel que je me le façonne. Il se peut que bien des événements de la vie quotidienne doivent être reçus simplement comme ils s'offrent, sans pieuses déformations qui veulent à tout prix, de manière artificielle, les mettre en relation avec le Seigneur. Seul ce qui est abordé "de manière juste" peut procurer une juste relation à Dieu. Ce n'est pas facile (NB 6,116-117).
 

2359. Entre les personnes en Dieu, les mystères de l’amour

Le Père engendre le Fils, et l'Esprit procède des deux. Le Père engendre éternellement le Fils. C'est pourquoi il y a un point de contact entre eux, et ainsi il y a des choses du Fils qui ne peuvent être comprises que dans le Père. Comme le Fils est celui qui a toujours été engendré, dans l'acte d'engendrement du Père il y a toujours la pénétration des deux. Mais l'Esprit procède des deux : dans son être propre il a part à l'être propre du Père, à l'être propre du Fils, et puis encore à ce qui est inséparablement commun entre le Père et le Fils. Mais en Dieu tout est clair pour Dieu et transparent, aussi bien la proximité la plus intime que l'éloignement du fait que les personnes se trouvent l'une en face de l'autre. Chacune des personnes sait ce qui se passe dans les autres, et Dieu tout entier sait qu'il est Dieu. En Dieu, les possibilités de "surprises" se trouvent uniquement à l'intérieur de l'amour qui, selon sa nature, en tant qu'amour éternel également, est ce qui surprend toujours. Il va de soi que cela n'exclut pas l'omniscience de Dieu. Mais, en Dieu, les mystères de l'amour sont plus prioritaires que les mystères de l'omniscience. Il y a le fait que les personnes procèdent les unes des autres et éternellement le fait de la rencontre toujours nouvelle des personnes qui sont issues les unes des autres. C'est là que réside la surprise éternelle et toujours nouvelle (NB 3,204-205).
 

2360. Le Père aime le Fils et l’Esprit, mais aussi la relation d’amour entre le Fils et l’Esprit

Nous avons une idée de l'amour du Père pour le Fils, car nous connaissons entre humains quelque chose de comparable et nous pouvons en quelque sorte exhausser nos expériences à l'infini. Et quand nous essayons de penser l'Esprit tant bien que mal, nous voyons que le Père non seulement aime la personne de l'Esprit comme celle du Fils, mais aussi qu'il aime la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit, et qu'il reçoit un fruit de cette relation d'amour : elle est importante pour le Père, elle l'enrichit, il l'aime et compte sur elle. De même une mère qui a plusieurs enfants est enrichie par chaque nouvel enfant, non seulement par sa nouvelle relation à l'enfant, mais aussi par la relation du nouvel enfant avec ses frères et sœurs, et par la relation de chacun d'eux avec les autres. Par cette image, il pourrait même sembler qu'on pourrait saisir plus facilement les relations des trois personnes divines que la relation d'une mère à ses dix enfants. Cette impression se dissipe quand on prend en considération le fait que Dieu le Père trouve si infiniment parfaites ses relations au Fils et à l'Esprit et les relations du Fils et de l'Esprit que, pour en exprimer quelque chose, il crée l'univers (NB 6,90).

 

2361. L’Amour du Fils pour le Père et pour l’Esprit

Quand le Fils aime le Père, son amour va en même temps à l'Esprit. Cela veut dire que tout amour trinitaire va toujours plus loin qu'on ne s'y attendait, que de lui-même il déborde. Ainsi notre amour du prochain qui provient de Dieu doit aussi aller plus loin que le prochain, il doit retourner à Dieu, mais il doit aussi emmener le prochain dans ce passage à Dieu. Et cela en l'incitant à l'amour de Dieu. Cela vaut également pour l'autre chose : l'amour pour un prochain inclut toujours l'amour des autres et finalement de tous les autres (NB 6,113-114).

 

2362. Nous avons appris le mot amour (dans la Trinité) par le Fils

Élisabeth de la Trinité : Père, dans la Trinité vous nous découvrez qu’il n’y a aucun repos, parce que partout c'est le même amour qui demande, le même amour qui se donne, le même amour qui reçoit. Père, nous disons amour, et nous avons appris ce mot du Fils, mais nous nous servons d'un terme que nous ne comprenons pas, que nous ne sommes pas capables de remplir, qui ne reçoit son sens que dans la Trinité du ciel. Car n'a de sens que ce qui dure éternellement (NB 1/1, 492).

 

2363. Communion en Dieu entre le Père, le Fils, et l’Esprit

En Dieu, chacun est confié à chacun. L'assistance spirituelle n'a pas été inventée d'abord ici-bas. Quand Caïn pose la question : "Suis-je le gardien de mon frère ?", la question a reçu éternellement dans la Trinité sa réponse positive. Quand l'Esprit porte la semence du Père - le Fils - dans le sein de la Mère (depuis longtemps il a pris soin de son âme), ici aussi il apparaît, sur mission du Père, comme étant le directeur spirituel du Fils et, en tant que tel, il s'occupera de lui tant que le Fils sera ici-bas (NB 6,474).

 

2364. Les trois personnes : liberté et amour

Le Père, le Fils et l'Esprit sont libres puisque, dans l'amour, ils font leur volonté qui n'est rien d'autre que de faire toujours ce que veut l'autre. Car leur volonté trinitaire est toujours amour et on ne peut pas l'imaginer en dehors de l’amour. On ne peut pas dire que le Père, le Fils et l'Esprit sont dépendants les uns des autres, ils sont au contraire dans la liberté la plus parfaite parce qu'ils sont dans l'amour le plus parfait. Ils possèdent d'ailleurs le plus haut degré de liberté qu'on peut imaginer, vis-à-vis duquel notre liberté humaine est quelque chose de tout à fait relatif (NB 11,408).

 

2365. L’obéissance, expression éternelle de l’amour du Fils pour le Père

L'amour trinitaire a "inventé" l'obéissance étant donné que le Fils se soumet à la volonté du Père d'une manière qui est l'expression naturelle de l'amour et qui ne s'en distingue pas tant que l'échange d'amour ne prend en considération que l'amour intra-divin. Se soumettre à la volonté du Père, se familiariser avec elle, se régler sur elle, est un aspect de l'amour éternel à côté d'autres ; si nous étions introduits très avant dans l'échange du pur amour divin comme croyants, aimants et mus par l'Esprit saint, nous ne pourrions pas isoler de l'amour la forme de l'obéissance (NB 5,89).

 

2366. Le Fils parmi nous obéit au Père dans l’Esprit

Qui perçoit la parole de Dieu entend avant tout ce que le Christ a dit en tant que Parole du Père. Le Fils s'est disposé pour être l'annonciateur de la volonté du Père qu'il a révélée à l'extérieur. Et en faisant ainsi comprendre le Père, il se présente lui-même en même temps comme l'image et la Parole du Père, et cela sous la forme d'un homme qui a choisi l'obéissance au Père comme fond de son existence. Il vit parmi nous comme quelqu'un qui accomplit parfaitement ce qui est au Père ; pour montrer donc la volonté du Père, il la prend en lui parfaitement et il la réalise pour le monde. Il la fait non pas superficiellement, par hasard, pour se donner lui-même en exemple quand il parle du Père, mais il la fait comme sa règle de vie. Il obéit au Père dans l'Esprit Saint, et l'Esprit Saint est sa règle parce qu'il représente la volonté du Père. Le Fils ne s'écarte de cette règle à aucun moment. Les conseils évangéliques qu'il donne aux siens, il les vit lui-même, ils deviennent vivants par lui. Il les présente de telle sorte que nous puissions les saisir. Il les vit si bien que chaque conseil devient pleinement vivant en lui et que chacun d'entre nous comprend par lui, l'homme obéissant, comment s'approcher de la volonté du Père. Le Fils se fait chemin en étant la vérité du Père, et cette vérité est la vie éternelle. De sa naissance dans la totale pauvreté, à travers sa vie de travail, caché dans la maison de Joseph, aux années de prédication, il s'adapte toujours à la volonté du Père et il accomplit toutes choses d'après elle si bien que nous trouvons représentée dans sa conduite sa règle intérieure. Tout ce qu'il nous communique comme vérité et parole du Père est porté par son ascèse divino-humaine qui ne se relâche à aucun moment et qui fait de lui sous nos yeux le parfait réceptacle de toute manifestation du Père. Tout ce qu'il nous explique, il l'explique en sa qualité de Fils ; depuis toujours il connaît toute la vérité, il l'est. Ses années humaines, il ne les prend pas comme une occasion d'annoncer cette vérité uniquement de manière accessoire et comme de l'extérieur pour ensuite être à nouveau un homme privé qui disparaît dans la masse ou prend les manières et les fautes de ses disciples ou des gens qu'il fréquente pour ne pas continuer à se faire remarquer. Il n'est pas sur le même plan qu'eux. Il s'est abaissé jusqu'à devenir homme, mais il veut être l'homme parfait qui vit dans la parole de Dieu et qui représente le Père partout où il est, qui donc ne doit jamais renoncer à un chemin pour sa prédication, pour sa théologie, pour ce qui est sa mission, mais qui prend absolument partout avec lui cette mission, sans la réduire, en sa totalité, et la révèle partout (NB 10, n. 2214).

 

2367. Obéissance trinitaire en Dieu

L’obéissance trinitaire de Dieu devient le plus visible à partir du moment où le Fils a déposé sa divinité, où il a perdu son humanité, où il dit son oui en ignorant les autres, à l’instant où ceux-ci se retirent et disparaissent. Le Fils devient obéissant au Père et à l’Esprit tandis que le Père devient obéissant à l’Esprit et au Fils, et que l’Esprit devient obéissant au Père et au Fils ; mais c’est l’affaire du Fils d’ouvrir en Dieu cette ronde de l’obéissance. Le Père devient obéissant parce qu’il sert la mission du Fils en l’accompagnant et en demeurant invisible. Semblablement, à la croix, le Père était déjà obéissant au Fils en le laissant souffrir jusqu’à la fin. Et l’Esprit Saint de manière analogue (NB 4,96-97).
 

2368. Les personnes en Dieu et la volonté des autres

C'est le mystère de l'unité divine que chaque personne en Dieu est prête à accomplir parfaitement la volonté des autres (NB 4,326).

 

2369. Entre le Père, le Fils et l’Esprit, il n’y a pas d’humiliation

Ce n'est pas une humiliation pour le Fils que le Père le précède en tant que Père, et ce n'est pas une humiliation pour l'Esprit de procéder du Père et du Fils (NB 6,68).

 

2370. Le Père, le Fils et l’Esprit avant la création

Avant de créer le monde, Dieu ne se révélait qu'au sein de sa Trinité. La nature trinitaire de Dieu est si infinie et si parfaite qu'elle suffit éternellement à Dieu Père, Fils et Esprit. Le Père, avec le Fils et avec l'Esprit, décide en toute liberté de donner à leur éternel échange d'amour une nouveau mode d'expression. Cet échange avait lieu jusqu'alors à l'intérieur de la nature trinitaire infinie. Création : le Père se dispose à agir, le Fils le seconde, l'Esprit plane en créateur sur l'abîme. Comment Dieu Père, Fils et Esprit se comportent-ils eux-mêmes envers le monde, nous ne pouvons pas nous en faire une idée. Personne ne peut observer l'Esprit planant sur l'abîme ni la présence du Fils et, encore moins, sa propre création par Dieu (NB 5,40-41).

 

2371. Dieu le Père crée le monde, Dieu le Fils le rachète, Dieu l'Esprit l'anime (NB 2,59).
 

2372. Le Père nous a créés, le Fils et l’Esprit nous sauvent

C'est le propre de l'Esprit de nous fixer des exigences claires, des exigences intellectuelles aussi, alors que dans notre relation avec le Christ tout semble se régler facilement dans son amour qui pardonne. Le Fils semble toujours nous présenter quelque chose de ce qu'il a fait lui-même alors que l'Esprit est très attentif à ce que nous faisons nous-mêmes. Le Fils complète notre faible oui dans son oui irréprochable ; l'Esprit tient à ce que notre propre oui soit total. Mais le Père se tient comme à l'arrière-plan et règle le jeu dans le chrétien entre le Fils et l'Esprit ; il nous a créés, le Fils et l'Esprit nous sauvent et nous sanctifient et, finalement, quand tout est achevé et que la maison est prête, le Père s'installe dans la demeure (NB 6,425).

 

2373. Le Père, le Fils et l’Esprit donnent aux hommes la liberté

Le Père engendre le Fils et, avec le Fils, il fait procéder l'Esprit. Et la première chose qu'il offre, c'est la liberté. Lorsque le Père engendre le Fils, il le libère, il lui offre son être, sa nature, son essence. Et ensuite il lui offre la mission, c'est-à-dire la possibilité de retourner au Père éternellement, ainsi que la permission, la force, la charge et l'amour pour le faire. Pour chaque mission que Dieu le Père et Dieu le Fils et Dieu l'Esprit donnent aux hommes, c'est la même chose. Dieu leur donne la liberté de choisir et il leur donne la mission, et la nature de la mission est la permission donnée de retourner à lui en remplissant la mission du Père. Ils peuvent l'accepter ou non, car ils ont la liberté. Dieu a créé l'homme à son image et Dieu est liberté. Non pas la liberté de pouvoir faire le mal, mais la liberté en tant que nécessité librement choisie d'accueillir l'obéissance à Dieu (NB 1/2, 224-225).

 

2374. Le Père envoie le Fils, le Père et le Fils envoient l’Esprit -

Quand le Père envoie le Fils et que le Fils avec le Père envoient l'Esprit, ils créent la force de la mission par leur puissance divine ; et la mission n'est rien d'autre que l'expression de l'amour qui se laisse envoyer. C'est l'amour qui est envoyé et qui doit devenir efficace. Le Fils et l'Esprit sont dans le monde les porteurs reconnaissables de l'amour. Parce que l'homme a péché et qu’il se trouve peu capable de saisir l'invisible du Père, il a besoin d'une manifestation plus forte encore qu'au paradis pour pouvoir remarquer que l'Esprit plane ou que Dieu se promène. Après avoir péché, l’homme ne peut par lui-même revenir à Dieu. Pour lui rendre possible le retour, Dieu envoie son Fils, le Fils et le Père envoient l'Esprit, et l'Esprit envoie tout homme qui est envoyé (NB 4,209).

 

2375. Le Christ donne aux siens l’Esprit de prophétie dans l’obéissance au Père

Le Christ donne aux siens l'Esprit de prophétie : les formes de possession de l'Esprit au temps des prophètes continueront d'exister aussi au temps de l’Église. Mais elles sont maintenant plus élevées, plus accomplies, infiniment variées et substantielles, parce que, dans ce qui est prophétique, le Fils ne veut pas seulement léguer l'esprit de foi vivant de l'ancienne Alliance mais, dans l'obéissance au Père, il doit aussi se présenter lui-même. Il a si bien assumé tout ce qui est de l'Ancien Testament que celui-ci reçoit toute la plénitude de sa force. En lui, il devient nouveau. Il garde le sens qu'il avait, mais il devient totalement nouveau dans son effet ; par exemple, tout ce qu'il y a de périphérique et d'hésitant dans la parole des prophètes disparaît ; ils n'arrivaient jamais à quelque chose de parfaitement achevé, ce n'est qu'en luttant plus ou moins qu'ils accédaient à la parole ; la parole du Christ résonne comme une parole de plénitude. Et son effet doit être celui de la plénitude. Il assume aussi bien ce qui vient du Père que ce qui vient de l'ancienne Alliance, et toujours aussi ce qui vient du Père par les prophètes, et il reçoit chaque fois ce qu'il a assumé en son sens plein (NB 5,64).

 

2376. Le Père, le Fils et sa mission future, l’Esprit

Dans le ciel, le Père engendre le Fils pour lui en quelque sorte ; on peut dire que l'envoi du Fils dans le monde et à la croix a lieu en même temps qu'il est engendré, car la vie éternelle, en tant que mode de durée, ne coïncide pas avec le temps de ce monde. On peut seulement dire que le Fils - qui est Fils dans sa relation au Père - porte caché en lui, dans son être de Fils, son envoi « futur ». L'Esprit, lui, est dès le début l'échange de l'amour, le dialogue entre le Père et le Fils, la mission de l'un à l'autre (NB 10, n. 2167).

 

2377. Les trois personnes : dans la Trinité, dans l’incarnation

Le Père sait que lorsqu'il envoie le Fils dans le monde il se prodiguera de manière eucharistique. Le Père et le Fils s'aiment dans la prodigalité et la fécondité. En Dieu il n'y a pas de simples protestations d'amour, il n'y a que la substance vivante et le résultat de l'amour parce que le Fils participe à la procession de l'Esprit Saint. Mais comme en Dieu il n'y a pas de traitement de faveur accordé à une personne, l'Esprit participe au devenir et à la naissance du Fils ici-bas. Il se prodigue dans le baptême comme le Fils dans l'eucharistie. Il se communique à une quantité de chrétiens qui sont baptisés et confirmés, qui reçoivent ensuite d'innombrables fois le Seigneur et qui, à leur tour, répandent dans le monde la vie qu'ils ont reçue. L'Esprit n'est pas dépassé pour autant, parce qu'il communique aux cœurs la connaissance croissante du Fils, parce qu'il donne l'impulsion à toute communion. Mais il y a en moi quelque chose comme un accord de l'Esprit avec la chair et le sang eucharistiques du Seigneur (NB 6,89-90).

 

2378. Le Fils devient homme sans se détacher du Père et de l’Esprit

Le Fils devient homme et accomplit en tant qu'homme son œuvre de rédemption sans se détacher pour autant de son unité antérieure avec le Père et l'Esprit, dans une vie terrestre donc qui possède en même temps une vision totale du ciel (NB 2,130).

 

2379. Devenu homme, le Fils reste dans l'unité avec le Père et l'Esprit

Notre intelligence ne peut pas expliquer l'unité de nature des trois personnes divines ; mais en tant que croyants, nous ne cessons de trouver dans le Christ des traces et des preuves de cette unité. Il fait ici-bas la volonté du Père sans sortir de l'unité divine, mais dans l'unité nouvellement contractée entre sa nature divine et sa nature humaine. En tant que Dieu (qui est devenu homme), il reste dans l'unité avec le Père et l'Esprit, et son obéissance ici-bas est l'obéissance de celui qui, par nature, ne fait qu'un avec eux, qui connaît exactement la volonté du Père, qui ne s'est jamais séparé d'elle et qui la fait ici-bas par définition parce que son incarnation déjà était l'expression de la volonté du Père. En tant qu'homme par contre (qui est Dieu), il cherche la volonté du Père, il doit lutter dans ses prières pour la trouver, pour la comprendre et avoir la force de la faire (NB 6,189).

 

2380. L'Esprit exige du Père le don de soi du Fils dans l’abandon

L'Esprit exige du Père le don de soi du Fils dans l’abandon, et il a part en quelque sorte à cet abandon en étant renvoyé au Père par cet abandon, mais en ayant part aussi à sa fécondité parce qu'il est envoyé à la Pentecôte de manière nouvelle (NB 2,163).

 

2381. La croix du du Père, du Fils et de l’Esprit

Après Pâques. Il y a une triple croix : du Père, du Fils et de l’Esprit, mais dépassée dans la joie. Tout d’abord les croix semblaient séparées, puis elles coïncidèrent pour former une unique croix trinitaire. Et c’était comme si chaque joie du Père, chaque joie du Fils et de l’Esprit sortaient de la croix. Celui qui ressuscite va immédiatement au Père, mais de quelle croix vient-il, ce n’est pas évident ; en ressuscitant, il s’appuie sur les trois croix afin que le Père et l’Esprit reconnaissent la résurrection comme le résultat d’une œuvre commune, non comme l’œuvre isolée du Fils. Durant le temps de la passion, la communauté trinitaire ne pouvait pas être visible mais, dans la joie de Pâques, le Père et l’Esprit permettent que le Fils contemple sa croix comme une œuvre trinitaire commune. Une nouvelle forme d’unité est créée entre le Père, le Fils et l’Esprit. Finalement peu importe laquelle des trois personnes a souffert ; le Fils rétablit l’unité, et le Père et l’Esprit le laissent faire (NB 9, n. 1972).

 

2382. Le Père, le Fils et l’Esprit n’ont pas été séparés par la souffrance du Fils

Le Père, le Fils et l'Esprit ne font qu'un. Ils n'ont pas été séparés par la solitude et l'abandon du Fils, dans la souffrance aussi ils ne faisaient qu'un : ils étaient l'amour qui s'offre (NB 5,260).

 

2383. Sur la croix aussi, l'Esprit Saint ne cesse de procéder du Père et du Fils (NB 10, n. 2361).

 

2384. Les trois personnes : à la croix, à la Pentecôte

Dans la solitude de la croix aussi, le Fils ne fait qu'un avec le Père et avec l'Esprit. Et en toute action de Dieu, par exemple à la Pentecôte, les trois personnes agissent ensemble (NB 12,71).

 

2385. Les modes de révélation de l'Esprit et du Fils se trouvent dans la volonté du Père

Le Père possède dans sa nature quelque chose qui comporte le renoncement du Fils comme le non renoncement de l'Esprit. La tension entre le mode de révélation du Fils et celui de l'Esprit, qui proviennent tous deux de la volonté du Père, atteint en lui un équilibre. Les modes de révélation de l'Esprit et du Fils se trouvent dans la volonté du Père. Cette volonté est d'abord comme un désir qui est réalisé et comblé dans les missions, et le Père laisse au Fils et à l'Esprit la joie de réaliser son désir à leur manière particulière et spontanée (NB 6,416).

 

2386. Le Fils ne parle pas sans l’Esprit et il est la Parole du Père

L'inspiration dans l’Écriture est aujourd'hui aussi vivante qu'autrefois lorsqu'elle fut composée. Elle n'est pas du passé. L'Esprit a inspiré, en ce sens elle est terminée ; et il inspire constamment, en ce sens elle n'est pas terminée, mais elle est éternellement et continuellement en train de s'accomplir. En s'incarnant, le Fils l'a justement aussi montré. Il est inspiration. Il ne parle pas sans l'Esprit Saint. Il n'est pas la Parole terminée du Père, mais il s'ouvre à l'action de l'Esprit dans la mesure où il est la Parole du Père. On reconnaît en elle le Fils du Père, mais le Fils inspiré par l'Esprit de sorte que, par son incarnation, on apprend à connaître la nature de l'inspiration dans la mesure où il procède du Père et qu'il est donné par l'Esprit (NB 1/2, 241).

 

               191 La Trinité
 

2387. La vie de la Trinité est mouvement éternel

Le Fils vient du Père et va au Père. La vie de la Trinité est mouvement éternel ; le Père lui-même est dans le mouvement éternel d'engendrement et de procession ; jamais le Père ne se repose en lui-même ; en tant qu'amour, le Père se communique éternellement. Du même mouvement du Père sort aussi sa création. Et de même que le Fils et l'Esprit sont dans un mouvement éternel qui sort du Père et retourne au Père, de même le Père veut introduire sa création dans ce mouvement trinitaire et, en envoyant son Fils et l'Esprit, il ouvre au monde ce mouvement éternel. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6, 86-87).


 

2388. Dieu ne peut être que trinitaire

Dieu ne peut être que trinitaire. J’ai vu l'Esprit Saint comme médiateur entre le Père et le Fils de l'homme, entre le Père et le croyant, entre le ciel et la terre (NB 4,156).

 

2389. Adoration trinitaire réciproque

Prière d'adoration dans le ciel : Père, tu nous as donné ton Fils, tu nous as communiqué ton Esprit pour nous accompagner et nous montrer le chemin vers toi, le Dieu Trinité. Nous voyons comment ton Fils et ton Esprit t'adorent dans l'adoration trinitaire réciproque (NB 1/1, 496).

 

2390. Dieu Trinité envoie le Fils dans l'incarnation salvatrice (NB 2,131).

 

2391. Dieu Trinité condescend à envoyer le Fils

Dieu Trinité condescend à envoyer son Fils, et le Fils qui a été envoyé reste continuellement devant Dieu Trinité ; dans la fidélité et l'obéissance, il fait exactement à tout instant ce que veut le Père. Le Fils le fait en lien avec les hommes, en tant que Maître et Seigneur, mais aussi en tant que serviteur. Il le fait en tant qu'envoyé de Dieu, mais tout autant en tant qu'il retourne à Dieu de chez les hommes : en tant que Dieu et homme. Cette conscience de Jésus Christ bouleverse profondément saint Anselme. Cela le touche personnellement, cela le convertit pour ainsi dire à chaque instant ; en chacune de ses réflexions, en tout acte de foi et en toute prière, il remarque davantage que, dans cette émotion profonde, il devient serviteur et mandataire, que ce n'est pas une grâce ad hominem mais pour les hommes, que le Christ révèle son mystère uniquement pour que lui, Anselme, contribue aussi à le révéler ; il est travaillé pour qu'il travaille à son tour ; il lui est permis de croire pour que les autres arrivent à la foi (NB 2,176).

 

2392. La mission du Christ incluse dans la vie trinitaire

Irénée voit la mission du Christ si incluse dans la vie trinitaire que rien de ce qui est fixé ne le satisfait, ce n'est toujours qu'avec une mauvaise conscience qu'il termine les chapitres et les parties de son travail. Pour lui, tout n'est toujours d'une certaine manière que l'introduction à une introduction de l'introduction (NB 2,46).

 

2393. Le renoncement de Dieu Trinité en Jésus Christ

Comprendre plus profondément le renoncement de Dieu Trinité en Jésus Christ (NB 10, n. 2268).

 

2394. Le Fils toujours vu dans la Trinité

Denis Petau (+ 1652). Il ne peut pas méditer un mystère du Fils sans être convaincu en même temps de la vérité du Père et du Fils dans ce même mystère. Il distingue très bien les trois personnes dans la prière, mais d'autre part il voit si fort leur unité qu'il les trouve toujours toutes les trois dans un seul mystère (NB 1/1, 303).

 

2395. L’eucharistie et la Trinité

Adrienne veut dire quelque chose au P. Balthasar : « Vous savez, autrefois, au printemps, quand je vous ai écrit un jour “Trinité, Trinité”, je ne vous ai pas tout dit. Je ne sais pas comment je dois dire ; peut-être est-ce une hérésie ; vous devrez justement corriger après. Donc : dans l’hostie, il n’y a pas que le Corps du Christ, mais en quelque sorte aussi la Trinité elle-même ». Nous parlons ensuite de l’unité de la nature divine, et comment le Père et l’Esprit sont un dans le Christ. Elle dit qu’on y pense trop peu quand on communie (NB 8, n. 202).

 

2396. Chacun a sa manière particulière de participer à la vie trinitaire

Chaque homme porte en soi une sorte de schéma de la vie trinitaire : sa manière particulière de participer à ce mystère. Chez les uns c’est la vie dans le Fils, chez d’autres l’amour particulier pour le Père, chez d’autres l’intelligence des dons de l’Esprit, mais toujours ce qui est particulier débouche dans le trinitaire qui englobe tout (NB 9, n. 1311).

 

2397. Toute prière vraie au Christ est trinitaire

Quand nous adressons au Christ une prière vraie, authentique, nous parlons dans l'espace de Dieu Trinité et la réponse nous vient de la Trinité tout entière. Cela nous encourage à nous souvenir toujours dans la prière de cette triple présence dans l'unité. Jamais Dieu ne laisse une personne se retirer pour laisser à une autre la priorité ; il est toujours présent comme parfaitement trinitaire (NB 10, n. 2318).

 

2398. Le commandement de l’amour du prochain a son fondement dans la Trinité

Aime ton prochain comme toi-même” est finalement basé sur l’amour trinitaire. C’est ainsi que le Fils aime le Père, et c’est de cet amour qu’il a pour le Père qu’il s’aime lui-même. Ce n’est pas parce qu’il est Dieu qu’il s’aime, ni parce qu’il est porteur d’une grande mission, mais parce que le Père l’aime de telle sorte qu’en l’engendrant il en fait son Fils ; il s’aime dans l’amour réciproque du Père et du Fils (NB 9, n. 1997).

 

               192 Prier la Trinité
 

2399. Aspirer au Père ou au Fils ou à l’Esprit ?

L’Église désire Dieu ardemment en quelque sorte, et elle ne sait pas exactement si c'est au Fils qu'elle aspire ou à l'Esprit Saint ou à Dieu le Père. C'est l'Esprit qui, inclus d'une certaine manière dans l'humanité du Fils, clarifie les besoins de l’Église en les échelonnant et en les faisant apparaître (NB 6,405).

 

2400. Parler de la lumière trinitaire

Prière d’Origène : «  Père, tu sais qu'aujourd'hui, dans la prédication, je vais parler de toi et du Fils et de l'Esprit, de votre lumière trinitaire. Je l'ai annoncé, et tous s'y attendent. Et c'est aussi la continuation de ce que j'ai commencé » (NB 1/1, 393).

 

2401. Se mettre à la disposition de la Trinité

Prière d’Origène : « Père, je te promets que désormais je me mettrai plus et mieux à la disposition de ta Trinité, d'être toujours moins soucieux de moi et des agréments et de chercher à te servir, toi, le Fils et l'Esprit » (NB 1/1, 394).

 

2402. Se tenir devant l’être trinitaire

Prière de saint Grégoire de Nazianze (+ 389) : «  Je me tiens devant toi, Père, et je sais qu'avec toi sont aussi ton Fils et ton Esprit Saint, et que vous trois, dans l'unité de l'être trinitaire, vous posez votre regard sur moi, que vous êtes témoins aussi du combat que j'ai mené en votre nom » (NB 1/1, 402).

 

2403. Aimer l’Esprit et aimer toujours davantage le Père par le Fils

Prière de saint Ambroise (+ 397) : « Père, reçois cette prière imparfaite ! Écoute-la, je voudrais l'avoir dite dans l'Esprit de ton Fils. Tu sais que je l'aime, que j'aime ton Esprit et que, par ton Fils, j'apprends également à t'aimer, toi aussi, toujours davantage. Accorde-moi aussi que quelque chose de cet amour soit contenu dans la prière que ton Fils nous a apprise et, bien que je sois un tel pécheur, laisse-moi prier avec lui : Notre Père » (NB 1/1, 407).

 

2404. Le Père, le Fils et l’Esprit façonnent la foi

Prière de sainte Catherine de Gênes ((+ 1510) dans une vision : « Père, tu m'as montré une partie de ton ciel. Tu m'as montré comment avec le Fils et l'Esprit tu façonnes la foi, une foi qui doit être trinitaire parce qu’elle aussi est commune aux trois, parce que vous la faites naître au milieu de vous et parce que vous nous la donnez comme vous la possédez elle-même » (NB 1/1, 459).

 

2405. Le Père, le Fils et l’Esprit – L’espérance, l’amour et la foi  

D’une vision de Catherine de Gênes : Je vis dans la lumière comme une raie plus claire qui était l'espérance. Elle allait du Père par le Fils sur l'Esprit et retournait au Père, et c'était l'amour. Et cette raie se divisait une fois encore, du Père au Fils sur l'Esprit et retournait au Père, et c'était la foi trinitaire qui était trinitaire dans son affinité avec l'amour et avec l'espérance, mais trinitaire aussi parce que, venant du Père au Fils sur l'Esprit, elle retournait au Père (NB 1/1, 460).

 

2406. Devant le Père, le Fils et l’Esprit

François de Paule (+ 1507). Quand il doit accomplir des miracles, il se tient humblement devant le Père, le Fils et l'Esprit, il leur abandonne totalement le choix et la mesure et les circonstances du miracle, et ce n'est qu'au dernier instant qu'il est là avec sa main qui bénit (NB 1/1, 120).

 

2407. Père, je voudrais te servir, toi, ton Fils et l’Esprit

Prière de saint François-Xavier (+ 1552) : « Père, je voudrais te servir, Toi, ton Fils et l'Esprit et notre Vierge bienheureuse. Et je voudrais t'offrir ma vie de telle sorte que tu ne doives jamais penser que je ne veux t'en donner qu'une part ou faire triompher en quelque point mon propre avantage. Je voudrais que ma vie devienne un service et que ce service, ce soit toi qui en disposes selon tes besoins, afin que tes projets, quels qu'ils soient, se réalisent mieux » (NB 1/1, 476).

 

2408. Père, ton message et celui du Fils et de l’Esprit

Prière de saint François-Xavier : « Père, je sais qu'on attend ailleurs notre venue, beaucoup espèrent en nous et nous ne pouvons pas les décevoir parce que nous avons quand même à leur apporter ton message et celui du Fils, de l'Esprit et de la Vierge Marie » (NB 1/1, 478).

 

2409. Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit

Prière de saint Ignace (+ 1556) : « Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit, je voudrais faire cette prière pour ta plus grande gloire, comme aussi je voudrais que tout ce que je fais et que tout ce que font les compagnons serve à ta plus grande gloire » (NB 1/1, 469).

 

2410. Trois Notre Père : pour le Père, pour le Fils, pour l’Esprit

Prière de saint Ignace dans sa vieillesse. Il dit d'abord trois Notre Père avec une intention précise : le premier pour le Père, le deuxième pour le Fils, le troisième pour l'Esprit Saint (NB 1/1, 470-471).

 

2411. Demander au Père, au Fils, à l’Esprit

Thérèse d'Avila (+ 1582). Elle sait, de manière méthodique, ce qu'elle veut demander au Père, ce qu'elle veut demander au Fils, ce qu'elle veut demander à l'Esprit (NB 1/1, 135).
 

2412. Il admire dans le Christ le Père, le Fils et l’Esprit

Saint Jean Bosco (+ 1888). Pour sa prière, il vit de quelques images tirées de l’Évangile et il admire dans le Christ le Père, le Fils et l'Esprit ; il les aime, il leur apporte tout et il prend tout sur lui par amour et surtout par admiration (NB 1/1, 210).
 

2413. Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit

Prière d’Élisabeth de la Trinité (+ 1906) : « Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit ! Père, si nous avons le droit de t'appeler Père, nous le devons à ton Fils qui s'est abaissé et qui est venu comme homme jusqu'à nous pour nous apporter l'Esprit. Et en vous révélant à nous comme étant Père et Fils, vous avez créé une relation qui correspond aux relations humaines. Mais vous nous l'avez montrée de telle sorte que jamais une relation terrestre de père et de fils n'atteint ce que vous nous avez révélé » (NB 1/1, 491).
 

2414. Prière d'adoration dans le ciel : Père, laisse-nous éternellement, avec ton Fils, t'appeler Père dans le sens que l'Esprit donne à ce nom (NB 1/1, 497).


 

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Note finale

1. Tous les textes rassemblés ci-dessus pourraient être classés et reclassés de multiples manières. Cela mettrait en relief de nouveaux aspects des mystères de Dieu.

2. L‘enquête serait à poursuivre dans toute l’œuvre d’Adrienne.

 

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Table des matières

 

Plan des 13 chapitres

 

Plan : Introduction - 1. La Mère de Jésus2. L’enfance3. L’humanité du Fils 4. La vie publique5. Le Fils dans l’histoire 6. La passion – 7. Il est descendu aux enfers – 8. Il est ressuscité – 9. Il a fondé son Église – 10. L’incarnation 11. Le Fils et l’Esprit Saint – 12. Le Fils et le Père – 13. Le Fils dans la Trinité


 

Plan des sous-titres (de 100 à 192)

 

1. La Mère de Jésus

100 Dieu a besoin de Marie – 101 Le Fils a choisi sa Mère – 102 L’Esprit, semence de Dieu – 103 L’ange et le oui de Marie – 104 Marie est avant le Christ – 105 Marie est rachetée à l’avance par le Fils - 106 Le Fils dans le sein de sa Mère - 107 La naissance – 108 Marie et son Fils - 109 Assomption - 110 Marie dans l’histoire du salut - 111 Marie, mère du Fils et épouse du Fils – 112 Marie et l’accès au Fils

 

2. L’enfance

113 Jésus reçoit son nom114 La circoncision115 Dans la mangeoire116 L’allaitement 117 Les mages118 La présentation au temple - 119 L’éducation de l’enfant120 La conscience de Jésus enfant121 Nazareth – 122 L’enfant de douze ans

 

3. L’humanité du Fils

123 Le Fils est devenu homme - 124 Le Fils doit apprendre à vivre comme un homme - 125 Un homme ordinaire - 126 Les formes étroites de la vie humaine - 127 Vivre dans la foi comme un homme - 128 Avoir un corps - 129 Le Fils devenu homme et le Père

 

4. La vie publique

130 Le départ – 131 Le baptême et Jean-Baptiste132 La tentation au désert – 133 Les disciples – 134 Les rencontres – 135 La transfiguration - 136 L’enseignement - 137 Les miracles

 

5. Le Fils dans l’histoire

138 La révélation de Dieu : de l’Ancien Testament au Nouveau - 139 Le Père et l’œuvre du Fils – 140 Le Fils, centre de la vision chrétienne – 141 La personnalité du Fils - 142 Les relations du Fils au Père

 

6. La passion

                A - Perspectives sur la passion

143 Le mystère de la passion dans le mystère de la Trinité – 144 Quand la passion approche145 La kénose – 146 L’heure - 147 Les fruits de la passion

               B – La croix

148 Le mont des oliviers – 149 Pilate - 150 La flagellation - 151 Les préparatifs de la croix – 152 Le bon larron – 153 La soif et l’abandon – 154 La remise de l’Esprit - 155 La mort – 156 Le péché et la croix 157 La confession de toute l’humanité - 158 Le Fils et la croix - 159 Marie - 160 La croix - 161 La rédemption

 

7. Il est descendu aux enfers

162 Pourquoi la descente aux enfers ? – 163 Le Fils dans les enfers - 164 Le domaine réservé du Père – 165 Le résidu des péchés – 166 Le positif de l’enfer

 

8. Il est ressuscité

 

167 La résurrection168 Le Fils à Pâques - 169 Le Père et la résurrection 170 Les quarante jours171 L’Ascension - 172 La Pentecôte

 

9. Il a fondé son Église

173 L’Église 174 Les sacrements - 175 Être chrétien176 La prière - 177 L’au-delà

 

10. L’incarnation

178 La décision – 179 La réalisation – 180 Le mystère – 181 Pour les hommes

 

11. Le Fils et l’Esprit Saint

182 Relations de l’Esprit avec le Père et avec le Fils183 Relations de l’Esprit avec le Fils184 LEsprit, le Fils et le monde
 

12. Le Fils et le Père

185 L’engendrement186 Les relations entre le Fils et le Père187 Le Fils et le Père dans la rédemption – 188 Le Fils, le Père et le monde

 

13. Le Fils dans la Trinité

189 Du Fils à la Trinité190 Les trois personnes191 La Trinité192 Prier la Trinité

 

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Mise à jour 23/06/2023