XIV. Homélies d'un curé de campagne
LA VIE ET L’ŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)
Aperçus divers
XIV
Homélies d’un curé de campagne
avec Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar
et quelques autres
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Introduction
Des paroissiens m’ont un jour suggéré de mettre sur internet mes homélies du dimanche à la paroisse de Wisques; c’est ce que j’ai fait; j’ai commencé le 11 janvier 2009 et l’homélie de ma dernière messe en paroisse est celle du 2 juillet 2017. En janvier 2022, j’ai regroupé toutes ces homélies dans l’ordre de l’année liturgique en ajoutant un certain nombre de liens.
Patrick Catry
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AVENT
1er dimanche de l'Avent - 2e dimanche de l'Avent - 3e dimanche de l'Avent - 4e dimanche de l'Avent
TEMPS DE NOËL ET DE L’ÉPIPHANIE
Nativité du Seigneur - Dimanche de la Sainte Famille - 1er janvier. Sainte Marie, Mère de Dieu - Fête de l’Épiphanie - Baptême du Seigneur
CARÊME
1er dimanche de carême - 2e dimanche de carême - 3e dimanche de carême - 4e dimanche de carême - 5e dimanche de carême - Dimanche des rameaux
TEMPS PASCAL
Pâques - 2e dimanche de Pâques -- 3e dimanche de Pâques - 4e dimanche de Pâques - 5e dimanche de Pâques - 6e dimanche de Pâques - Ascension - 7e dimanche de Pâques - Pentecôte
TEMPS ORDINAIRE
Fête de la Sainte Trinité - Fête du Corps et du Sang du Christ - 2e dimanche- 3e dimanche - 4e dimanche - 5e dimanche - 6e dimanche - 7e dimanche - 8e dimanche - 9e dimanche - 10e dimanche - 11e dimanche - 12e dimanche - 13e dimanche - 14e dimanche - 15e dimanche - 16e dimanche - 17e dimanche - 18e dimanche - 19e dimanche - 20e dimanche - 21e dimanche - 22e dimanche - 23e dimanche - 24e dimanche - 25e dimanche - 26e dimanche - 27e dimanche - 28e dimanche - 29e dimanche - 30e dimanche - 31e dimanche - 32e dimanche - 33e dimanche - 34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers
SANCTORAL
2 février. Présentation du Seigneur au temple - 24 juin. Saint Jean-Baptiste - 29 juin. Saint Pierre et saint Paul - 15 août. Assomption de la Vierge Marie - 14 septembre. La croix glorieuse - 1er novembre. Fête de tous les saints - 2 novembre. Commémoration de tous les fidèles défunts - 9 novembre. Dédicace de la basilique du Latran
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AVENT
28 novembre 2010 - 1er dimanche de l'Avent - Année A
Evangile selon saint Matthieu 24,37-44
Premier dimanche de l'Avent. Nous sommes en marche vers la célébration de Noël. Comme disait notre première lecture : "Venez, montons à la montagne de Dieu". Nous sommes toujours en route vers la montagne de Dieu. Et l'évangile d'aujourd'hui, au lieu de nous parler de Noël, nous parle de la deuxième venue du Fils de Dieu. Nous sommes invités à entrer dans le mystère de Dieu, dans le mystère de notre vie. On peut prendre la vie comme elle vient, sans réfléchir, comme au temps de Noé : on mangeait, on buvait, on se mariait, on prenait du bon temps. Notre évangile nous dit : il n'y a pas que ça dans la vie. Qu'est-ce qu'il y a en plus dans la vie ?
Il y a en plus que le Fils de l'homme viendra et qu'il faut penser à l'accueillir. Il faut penser à lui même quand on mange, quand on boit, quand on se marie, quand on travaille ou qu'on prend du bon temps. Cela ne se fait pas tout seul. Saint Paul nous parle d'un combat, d'un combat de la lumière. Tant que le monde subsiste, il y a deux sortes d'hommes : il y a ceux qui sont touchés par la Parole de Dieu et il y a ceux que la Parole de Dieu n'atteint pas. Plus il y a d'espace pour le Christ dans les cœurs, plus les cœurs vivent dans la lumière. Dieu est Dieu et qui résiste à Dieu se fait du tort à lui-même. Celui qui murmure contre Dieu, celui qui essaie de résister à la volonté de Dieu ne sait pas ce qu'il dit, ne sait pas ce qu'il fait, parce que Dieu est Dieu. Comme disait un jour un croyant d'une autre religion que la religion chrétienne : "On ne demande pas à Dieu pourquoi il agit de telle ou telle manière". On ne demande pas à Dieu de nous rendre des comptes de ce qu'il fait.
La révélation chrétienne nous dit : le monde existe pour Dieu, le monde appartient à Dieu, et Dieu est un mystère pour le monde. Dieu est un mystère pour le monde et le premier mystère de Dieu, c'est son existence. Pour le cardinal Newman, qui était passé de l'anglicanisme au catholicisme, l'existence de Dieu était l'article de foi le plus difficile. Il disait : "De tous les articles de foi, l'existence d'un Dieu est, pour moi, celui qui soulève le plus de difficultés et celui cependant qui s'impose à nos esprits avec le plus de puissance".
Il y a des gens par exemple qui ne croient pas aux miracles. Le miracle, c'est un signe qui est donné à la foi. C'est un message de Dieu. Que faire quand il y a un message de Dieu ? "Ne pas laisser passer un message de Dieu sans l'accueillir". On n'arrive à reconnaître un miracle que par une lumière de grâce. Mais on ne peut jamais savoir si Dieu veut que tel miracle soit un signe pour tel ou tel : on n'a jamais le droit de condamner personne.
On dit parfois que si l’Église était parfaite, si tous les gens d’Église étaient parfaits, et le pape et ses prêtres, et les fidèles, si l’Église était parfaite, tout le monde se précipiterait à l'église. Il y a des gens qui pensent cela, mais ce n'est pas vrai. Le Christ était parfait, et on l'a crucifié. Comme son Époux, l’Église aussi est sur la croix. Il y a un combat de la lumière, nous dit saint Paul. Il y a un combat pour accueillir la lumière, et pour rester dans la lumière. De même il y a un combat pour la prière et pour y rester. Pour notre foi chrétienne, la prière incessante est une chose normale, elle est le but de la vie chrétienne. Cela ne veut pas dire que le croyant doit répéter tout le temps des prières. Cela veut dire que le croyant se trouve constamment devant la face de Dieu. Qu'il rie ou qu'il pleure, qu'il soit fatigué ou en forme, qu'il soit dans la tristesse ou dans la joie, la conscience de la présence de Dieu ne devrait jamais être loin.
"Tenez-vous prêts", nous dit Jésus. L'homme n'est dans le vrai que lorsqu'il vit dans la vérité de Dieu. Et cette vérité, Dieu en a fait don à l'homme par la révélation biblique (Romano Guardini, Newman, Henri de Lubac, Cardinal Danneels, Alexandre Men, AvS, HUvB).
1er décembre 2013 - 1er dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 24,37-44
"L'heure est venue, il est temps". Saint Paul nous le dit aujourd'hui, et aussi l'évangile que je viens de lire. Il est toujours grand temps de sortir de notre sommeil... C'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra. Il y a beaucoup de manières de dormir. Il y a beaucoup de manières de dormir quand le Seigneur passe. On ferme les yeux, on ferme les oreilles, on ferme son cœur, on ferme son intelligence aux choses de Dieu. Qu'est-ce que ça veut dire fermer son cœur à Dieu, c'est lui désobéir. Et si on se ferme à Dieu à double tour, nécessairement, un jour ou l'autre, il y a une tristesse qui sera là. Un jour, autrefois, il y a très longtemps peut-être, on a été si proche de Dieu, mais on n'a pas écouté sa voix.
Jésus était dans une synagogue un jour de sabbat. Et un homme possédé se met à crier : "Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le saint de Dieu". Et Jésus menaça le démon : "Tais-toi et sors de cet homme". L'esprit mauvais n'est pas tué par Jésus, il est vaincu, il va ailleurs, il continuera ailleurs à combattre Dieu et à tenter les croyants et les non croyants. Quand Jésus a vu venir sa Passion, il a ressenti de l'angoisse parce qu'il s'est senti comme séparé de Dieu. Le pécheur, celui qui, volontairement, s'est éloigné de Dieu, aura peur un jour de devoir rencontrer Dieu à nouveau.
"L'heure est venue de sortir de votre sommeil", nous dit saint Paul aujourd'hui. L’heure est toujours venue. Le démon est le père du mensonge, nous dit Jésus (Jn 8,44). Le démon est le grand illusionniste. Il pousse les hommes à donner de l'importance à ce qui n'a pas d'importance. Le démon pousse à vivre dans le monde de l'apparence et du paraître. Et au contraire c'est l'Esprit Saint qui nous donne de l’attrait pour les choses de Dieu, qui nous introduit dans le monde de Dieu. Dieu ne s'introduit pas dans notre vie par effraction : il nous demande notre consentement, notre coopération. Et souvent il demande beaucoup.
Il y a une question qu'on doit poser à Dieu de temps en temps, et même peut-être tous les jours : "Mon Dieu, est-ce que tu es content de moi ?" Il y a trois ou quatre siècles, un chrétien disait ceci dans sa prière : "Mon Dieu, je ne sais pas si vous êtes content de moi, mais pour ma part j'ose dire que je suis content de vous"... C'est une belle petite prière : dire à Dieu qu'on est content de lui... Et espérer que lui aussi est content de nous.
"L'heure est venue de sortir de votre sommeil", nous dit saint Paul aujourd'hui : il est temps de sortir de votre sommeil pour vous éveiller à Dieu. S'éveiller à Dieu, c’est comme une nouvelle naissance. C'est un historien de notre temps qui raconte ça, un vrai croyant : "On entre dans la vie pour Dieu par une nouvelle naissance. On entre dans la vie éternelle par une nouvelle naissance. Il est normal que cette nouvelle naissance soit douloureuse. La vie éternelle, tu l’enfantes dans la douleur. Il est normal que la mort soit douloureuse comme l'entrée dans al vie. Notre mort est une naissance en Dieu, mais c'est une naissance d'une autre nature, une naissance au-delà de la nature. Certains aujourd'hui, même des chrétiens, se mettent à croire à des réincarnations possibles. Ce sont des idées qui nous viennent des philosophies et des religions d'Asie. Ce ne sont pas des idées chrétiennes. Pour notre foi chrétienne, il n'existe pas de vie de rattrapage".
"L'heure est venue de sortir de votre sommeil"... L'heure est toujours venue, parce que dans chaque être qui grandit il y a un noyau de nuit insaisissable. Et certains se livrent à la nuit, volontairement, comme celui qui disait : "J'ai tout à fait le sens du mal et je le pratique volontiers". Mais il arrive aussi qu'on s'éloigne de Dieu d'une manière beaucoup plus insensible. Simone Weil, la philosophe française, morte en Angleterre pendant la guerre 1939-1945, qui était d'origine juive et qui était arrivée aux portes de la foi chrétienne, écrivait un jour avec une certaine férocité : "Quantité de vieilles demoiselles qui n'ont jamais connu l'amour ont dépensé le désir qui était en elles sur des perroquets, des chiens, des neveux ou des parquets cirés"... Il y a beaucoup de manières de s'endormir.
L'heure est venue... Si l'enfant prodigue n'avait pas cru à l'amour de son père, il n'aurait pas pu se mettre en route pour revenir au foyer, même si cet amour paternel le reçoit ensuite d'une manière qu'il n'aurait jamais pu rêver. L'important, c'est que le pécheur a entendu parler d'un amour qui pourrait le concerner. (Avec Jean Daniélou, Claude Tresmontant, Bourdaloue, Pierre Chaunu, Michel Laroche, Régis Debray, Simone Weil, AvS, HUvB).
27 novembre 2016 - 1er dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 24,37-44
L'avènement du Christ, sa venue sur terre il y a deux milles ans, concerne tous les vivants, qu'ils le sachent ou non aujourd'hui. Toutes les nations sont convoquées à la montagne du Seigneur, comme le disait notre première lecture. Saint Paul, lui, nous invitait à revêtir le Christ, c'est-à-dire à nous laisser christifier si on peut dire, c'est-à-dire à devenir davantage chrétiens.
En ce premier dimanche de l'Avent, nous commençons notre marche vers Noël, vers la célébration de la naissance de Jésus il y a deux mille ans, vers la célébration de la première venue de Jésus. Le petit Jésus dans une mangeoire et la crèche de Noël, c'est charmant. Mais la longue réflexion des chrétiens depuis deux mille ans nous fait lire aujourd'hui un évangile qui évoque une autre venue de Jésus, pour nous donner à penser au sérieux infini de cette venue de Jésus il y a deux mille ans. L'évangile d’aujourd’hui évoque une autre venue de Jésus, la grande rencontre que fera un jour tout être humain avec le Seigneur Jésus. A propos de cette rencontre, notre évangile ne nous dit qu'une chose : "Tenez-vous prêts". Nous allons tous à la rencontre du Seigneur Jésus. Une rencontre dont les circonstances ne nous sont pas connues et pour laquelle Jésus nous dit simplement : "C'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra". La meilleure manière de se préparer à cette grande rencontre, c'est de faire la volonté du Père.
Le bienheureux John Henry Newman faisait parler ainsi le Christ : "Bien peu seront prêts à m'ouvrir immédiatement lorsque je frapperai à la porte. Ils auront toujours quelque chose à faire avant d'ouvrir. Ils sont satisfaits d'être sur cette terre, ils ne souhaitent pas aller ailleurs, ils ne veulent pas changer".
Le mystère suprême du Père, créateur du monde, c'est la puissance qu'il a laissée au diable pour séduire les hommes. Dieu aurait été assez puissant pour faire briller partout sa lumière, pour ne pas laisser le mal s'établir ou pour simplement l'étouffer. Qu'il ne l'ait pas fait est ce qu'il y a en lui de plus impénétrable. Mais les hommes devaient être libres, ils n'ont pas été créés tout faits, il leur fallait grandir eux-mêmes pour s'approcher de Dieu. Dieu ne voulait donner son ciel qu'à des fils adultes. Cet espace de liberté que Dieu offre à l'homme renferme les ténèbres de Dieu et le moyen de pécher, de s'éloigner de Dieu. Mais les ténèbres de Dieu, elles aussi, sont un mystère d'amour. Dieu respecte la liberté de l'homme dans ce qu'elle a de plus intime. Dieu ne veut pas s'imposer à l'homme, il ne révèle pas son nom de lui-même en quelque sorte, il attend qu'on désire le connaître, il attend qu'on le cherche.
Mais nous vivons dans un monde où l'on pratique le harcèlement religieux qui vaut le harcèlement sexuel. Il y a un certain nombre d'années déjà, un prêtre vivant au milieu de jeunes leur expliquait le harcèlement auquel ils étaient exposés, afin de les prémunir et de les rendre plus forts. Il disait : "On va te dire : Tu parles de Dieu : tu es ringard. Tu veux respecter l'amour : tu es puceau. Tu défends la vie : tu es demeuré. Tu pries : tu es bon pour l'hôpital psychiatrique. Tu crois : tu déconnectes".
La foi ne peut être qu'une réponse de l'homme à l'initiative de Dieu qui se révèle, la foi implique une décision de la volonté libre. Mais pour se décider à engager sa vie dans la foi, ou pour se décider à s'engager plus profondément dans la foi, il faut découvrir qu'il y a dans la foi quelque chose de savoureux. Françoise Dolto était psychanalyste. Elle travaillait donc dans un milieu où l'on fait totalement abstraction de Dieu. Ce n'est qu'à l'époque où François Dolto a cessé son activité psychanalytique qu'elle a manifesté en long et en large sa foi chrétienne dans deux livres au moins. Et elle disait : "Sans la foi, je n'aurais jamais pu faire ce métier".
De quoi Jésus nous parle-t-il ? Il nous parle d'un accès à Dieu qui ne peut être rendu possible que par sa grâce. Et donc le message de Jésus concerne avant tout Dieu lui-même. Son message nous parle de Dieu. Mais ce message entraîne immédiatement des consignes pour l'homme. Jésus invite l'homme à accueillir ce que Dieu seul peut donner. Et Dieu est prêt à le donner à celui qui choisit de s'ouvrir à sa venue.
En ce premier dimanche de l'Avent, nous commençons une marche vers Noël, pour célébrer en quelque sorte l'anniversaire de la naissance du Seigneur Jésus. Et, dans un premier temps, la foi que Jésus demande aux siens n'est pas dirigée sur lui, mais sur Dieu, le Père invisible, dont il parlait toujours. C'est après la résurrection de Jésus, quand les premiers disciples ont compris que Jésus lui-même était Dieu, surtout avec saint Paul et saint Jean, que les chrétiens se sont adressés à Jésus comme ils s'adressaient à Dieu le Père invisible. Si bien que le Notre Père que Jésus avait enseigné autrefois à ses disciples, ils auraient pu très bien l'adresser alors à Jésus lui-même : Notre Père qui es aux cieux... Seigneur Jésus qui es aux cieux... Que ton nom soit sanctifié... Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel... (Avec Newman, Jacques Loew, Daniel-Ange, Georges Cottier, Françoise Dolto, Joseph Doré, AvS, HUvB).
27 novembre 2011- 1er dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Marc 13,33-37
Saint Marc est le plus court de nos quatre évangiles. Il nous donne aujourd'hui un exemple de sa brièveté. Il y a un mot qui revient trois fois en quelques lignes. L'homme qui est parti en voyage a recommandé au portier de veiller. Conclusion : Veillez, car vous ne savez pas quand le maître de maison reviendra. Et enfin, à la dernière ligne : Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! Personne ne choisit le moment où le maître de maison va revenir. Que faire en attendant ? Saint Paul nous le disait dans notre première lecture : Vivre dès aujourd'hui en communion avec le Seigneur Jésus.
Saint Pierre nous dit dans sa première lettre que Dieu nous a donné une vivante espérance par la résurrection de Jésus Christ d'entre les morts, pour un héritage qui nous est réservé dans les cieux (1 P 1,3-4). Autrement dit, Dieu a déposé dans le cœur des croyants la semence d'une promesse. Notre état d'aujourd'hui ressemble alors à l'état d'une grossesse : l'enfant qui doit naître plus tard est déjà là et il a déjà dans le corps de sa mère une vie propre et réelle.
L'Esprit Saint éveille au fond des cœurs le désir de Dieu, le désir de sa rencontre. Il y a une nostalgie de Dieu qui ne cesse de sous-tendre toutes les activités de l'homme, même celles qui paraissent d'abord s'éloigner le plus de lui. Il y a une grâce prévenante de Dieu qui ne se lasse pas de rechercher l'humanité à travers toute son histoire. Le Seigneur ne cesse de lui ouvrir les bras, l'Esprit Saint ne cesse de la pousser sans jamais la contraindre. Ce qui nous a été donné une fois pour toutes par le baptême, c'est la communion avec Dieu. Il faut maintenant que ça se prolonge tout au long de notre vie par notre libre adhésion. C'est à cela qu'il faut veiller.
Comment faire pour veiller ? Par exemple comme ceci : "Quand je rencontre, au cours d'une visite pastorale (c'est le cardinal Barbarin qui raconte ça), des groupes d'enfants, je leur dis devant les parents et leurs catéchistes : le matin, quand tu te réveilles, commence par faire le signe de la croix. Avant de prendre ta douche ou ton petit déjeuner, donne à Dieu la première place. Tu peux demander à ta maman qu'elle te le rappelle". C'est notre évangile : Je le dis à tous, ayez le cœur éveillé.
Et que fait le cardinal Barbarin le soir avant de se coucher ? Ils nous le raconte lui-même. "Chaque fois que j'entends la question de l'avenir du christianisme au XXIe siècle, je sens pointer un brin d'angoisse. Les effectifs ont baissé, les évêques n'ont plus beaucoup de séminaristes, etc. A cette interrogation, saint Paul donne une réponse chrétienne simple et profonde. C'est un texte que je lis tous les soirs avant de me coucher : Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire : Soyez dans la joie. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien (Ph 4,4-6). Puis saint Paul invite à la prière : En toutes circonstances, dans l'action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus".
Le dernier mot de notre évangile d'aujourd'hui, c'est : "Je le dis à tous : Veillez". Ce ne sont pas nos fautes et notre orgueil qui intéressent Dieu, mais notre regret et notre humilité. Comment faire pour veiller ? On trouve ça dans la tradition juive comme dans les écrits chrétiens. Comment faire pour veiller ? S'exercer à demeurer uni à Dieu en traitant des choses matérielles. C'est vite dit, mais le premier mot nous dit aussi que c'est un labeur, que c'est une conquête : il faut s'exercer à demeurer uni à Dieu. C'est cela, veiller.
Alors là, il y a une question qui revient sans cesse : Pourquoi Dieu se révèle-t-il si peu ? L'Abbé Pierre aussi entendait la question et il essayait d'y répondre. Pourquoi Dieu se révèle-t-il si peu ? L'Abbé Pierre disait : "Si Dieu se révélait à nous totalement, si nous pouvions le connaître en pleine lumière, alors on ne pourrait que l'aimer. C'est la raison pour laquelle il a voulu nous créer en se voilant à nous. Nous ne voyons pas Dieu. Nous ne pouvons le connaître que de manière indirecte. C'est cette part importante d'obscurité qui nécessite la foi. Toute la grandeur de l'homme, c'est de pouvoir aimer Dieu dans la foi, sans le toucher, sans le voir, sans le connaître directement. Alors sa liberté est totale". Il faut veiller dans la foi, tenir sa foi éveillée.
Par le Seigneur Jésus, le règne de Dieu est en train d'arriver. A tous ceux qui acceptent son message, même aux égarés, il ouvre l'accès à Dieu comme à un Père très aimant (Avec Louis Bouyer, saint Maxime le confesseur, Cardinal Barbarin, Y. Létondot, Abbé Pierre, AvS, HUvB).
30 novembre 2014 - 1er dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Marc 13,33-37
Il y a un homme qui est parti en voyage. Et avant de quitter sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs. Cet homme qui est parti, c'est le Seigneur Jésus. Il a confié sa maison à ses serviteurs, à tous ceux qui croient déjà en lui. Et il va revenir un jour, on ne sait pas quand. Alors il nous donne une consigne : Soyez vigilants. Faites le travail que je vous ai confié. Que vos esprits ne soient pas fermés aux choses du ciel en accordant un soin excessif aux choses de la terre.
Tous les hommes, dès leur naissance, sont en marche vers la maison de Dieu, vers la maison d'éternité. Soyez donc vigilants. Vous ne savez pas quand le maître de maison va revenir. Ne faites pas comme le pécheur impénitent qui se dit toujours : "Plus tard, je me repentirai". Il ne faut pas que le maître de maison vous trouve endormis.
Il y a eu une venue unique du Seigneur Jésus à Noël, il y a deux mille ans. Il y a une venue unique du Seigneur Jésus dans chaque vie d'homme pour l'emmener avec lui de ce monde à son Père. Et il y a d'innombrables venues possibles du Seigneur Jésus dans chacune de nos vies.
Voilà saint Pierre : il était bien tranquille avec son métier de pêcheur du lac de Tibériade. Et voilà que le Seigneur Jésus lui demande de laisser tomber ses filets de pêcheur et de se mettre à le suivre. Et pas pour peu de chose, mais pour devenir la tête de l’Église. "Comment moi, pauvre pêcheur du lac de Tibériade, je vais m'en sortir avec une mission pareille ?" Jésus ne lui dit pas tout, tout de suite. C'est seulement après une longue fréquentation du Seigneur Jésus, jour et nuit, qu'un jour saint Pierre pourra lui dire : "Nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. Tu as les paroles de la vie éternelle".
Il y a peu de temps encore, le plus important au monde pour Pierre, c'était son travail, sa patrie, sa vie au milieu des siens. Maintenant le plus important pour lui, c'est l'amour du Seigneur Jésus pour lui et son amour pour le Seigneur Jésus. "Tu es celui par qui nous sommes prêts à accepter tout ce que Dieu a prévu pour nous. En toi, tout est saint, parce que tout vient de Dieu".
"Vous ne savez pas quand le maître de maison va revenir dans votre vie", nous dit Jésus aujourd'hui. Le maître de maison est venu au bord du lac pour prendre saint Pierre dans ses filets. C'était une première venue de Jésus dans la vie de saint Pierre. Il y en aura bien d'autres, et saint Pierre devra aller d'approfondissement en approfondissement dans la connaissance du Seigneur Jésus. Et le dernier approfondissement sera quand le Seigneur Jésus fera entrer saint Pierre dans la maison du Père. Nous savons que nous sommes faits pour cette maison du Père; mais croire en l'immortalité est une chose, être pressé d'y entrer définitivement en est une autre.
Dans chaque vie humaine, il y a normalement beaucoup de venues du Seigneur Jésus, si on ne lui ferme pas la porte a priori. Chaque eucharistie aussi est une venue du Seigneur Jésus dans nos vies. Quand nous communions, nous avons l'impression de recevoir le Seigneur Jésus mais, en fait, c'est le contraire qui se passe. C'est au plus grand d'absorber le plus petit. Cependant, grâce à ce "stratagème" si on peut dire, grâce à cette sorte de ruse divine, le Seigneur Jésus nous unit à lui... en attendant une dernière venue, définitive.
Évidemment, je peux lâcher la main de Dieu, mais lui ne va jamais lâcher la mienne. Une femme de notre temps raconte ceci : "Élevée dans la foi catholique et gardant au cœur une foi vive, je me suis éloignée de la pratique par manque de nourriture spirituelle, par effarement devant l'indigence de bien des homélies... J'ai préféré me tenir à l'écart et puiser, dans le silence, dans la lecture de la Bible, dans les écrits des théologiens et des mystiques de quoi édifier la maison intérieure". Il aurait été préférable, bien sûr, que cette femme de notre temps continue à se nourrir de l'eucharistie dans l’Église tout en cherchant personnellement une nourriture spirituelle complémentaire dans les théologiens et les mystiques, et la prière personnelle.
La profondeur de notre réception de l’eucharistie devant Dieu dépend de la ferveur que chacun y met. "Soyez vigilants", nous dit le Seigneur Jésus. La société de consommation répond seulement à des besoins très superficiels. Ce n'est pas elle qui nourrit l'âme. C'est pourquoi le désir religieux ne meurt pas, même s'il est parfois bien étouffé sous un tas d'immondices.
Terminer avec le cri d'horreur d'un grand croyant de notre temps, devenu cardinal vers la fin de sa vie. Il écrivait : "Malheur au chrétien qui ne se tiendrait pas chaque jour subjugué par le Seigneur Jésus" ("par l'événement qui a nom Jésus Christ"). (Avec Henri Boulad, Jacqueline Kelen, Michel Evdokimov, Christoph Schönborn, AvS, HUvB).
29 novembre 2009 - 1er dimanche de l'Avent - C
Évangile selon saint Luc 21, 25-28. 34-36
Saint Luc nous parle de la venue du Christ. Cela n'a pas l'air très joyeux au départ puisqu'il est question de catastrophes et d'affolements. Mais tout s'apaise quand apparaît le Fils de l'homme : "Redressez-vous, relevez la tête, votre salut est tout proche". Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire que l'histoire a un sens, que la marche du temps a un sens, parce que Dieu en est le Maître... La marche de l'histoire et le sens de chacune de nos vies... On est en marche vers un royaume où il n'y a plus ni guerre, ni souffrance, ni mort. Mais cela ne se fera pas sans mal. Comme pour une naissance... avant l'invention de la péridurale.
Il y a la fin des temps et il y a la fin de notre temps. Alors Jésus nous dit : Restez éveillés, priez en tout temps. Pensez souvent à Dieu. Penser à Dieu, c'est aussi une prière. Nous ne connaissons pas l'heure de Dieu, nous ne savons pas ce qu'il nous demandera dans l'heure qui vient. Il nous est demandé de rester disponibles pour ce qu'il nous demandera. Il nous est demandé avant tout d'attendre Dieu. La sainteté, c'est cela aussi : c'est une attente de Dieu, donnée par Dieu. La sainteté vient de Dieu et retourne à lui. Il nous est demandé de ne pas opposer de résistance à l’œuvre de Dieu en nous, il nous est demandé de lui permettre de nous donner ce qui lui semble bon.
Quand saint Paul prie dans sa prison, il ne demande pas à Dieu quelque chose pour lui-même, il ne demande pas à Dieu d'être assez fort pour supporter ses souffrances. Il prie pour que ceux qui lui sont confiés deviennent forts. Saint Paul connaît la richesse de Dieu, et il demande à Dieu de les rendre forts selon la richesse de sa gloire, de les rendre forts avec la surabondance qui est la manière propre à Dieu de donner. "De Dieu jaillit la vie, et dans un seul dessein: la partager".
Question des jeunes à leur évêque (Mgr Dagens) quand ils se préparent à la confirmation... (Question des jeunes et pourquoi pas aussi des vieux) : Pourquoi vivre ? Pourquoi ne pas se donner la mort ? Pourquoi aimer la vie même quand elle est difficile ? Comment faire confiance quand on désire aimé et être aimé ? Et comment prier ? Et comment aller à la rencontre de Dieu ? Et comment connaître Jésus ?
Sainte Thérèse d'Avila, qui était une grande sainte rejoint, elle aussi ces questions d'une certaine manière. Elle disait : "Je supplie, moi aussi, le Seigneur, de me délivrer de tout mal à tout jamais. Car loin de m'acquitter de ce que je lui dois, je m'endette peut-être tous les jours davantage. Ce qui fait mon tourment, ô Seigneur, c'est que je ne puis savoir de manière certaine si je vous aime, ni si mes désirs vous sont agréables".
Jésus, le premier, a vécu de la foi. On le perçoit le mieux dans sa prière vers la fin de sa vie. Et la foi de Jésus, à ce moment-là, c'est de s'en remettre à un Autre, le Père, comme il l'appelait. "Mon âme est triste à en mourir... Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne... Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?... Non pas ma volonté, mais ta volonté"... Et qu'est ce qui s'est passé alors ? Pas une parole, pas un geste de la part de Dieu en réponse à cette prière. Jésus ne peut s'appuyer que sur sa foi, une foi qui se livre, qui se confie, qui s'abandonne.
Un homme qui croit en Dieu ne demande pas de miracles ni d'apparitions. Cependant il ne rejette pas les miracles, ni les apparitions qui se produisent. Du moins les vrais miracles et les vraies apparitions. Ce sont des encouragements de Dieu. "Restez éveillés et priez en tout temps", nous dit Jésus. Dans la vie du roi Baudouin, de Belgique évidemment, on nous raconte que chaque jour il assistait à la messe, à l'eucharistie. Et il avait entre les mains quelque chose comme un "Prions en Église" ou un " Magnificat" et il soulignait les passages qui l'interpellaient. Et l'auteur de cette biographie du roi Baudouin concluait : "Il mangeait véritablement la Parole de Dieu".
C'est la foi qui constitue le lien entre le ciel et la terre. En vivant dans la foi, nous possédons la maîtrise sur notre mort, en ce sens que la mort n'est plus une rupture mais la refonte en Dieu de notre existence. "Restez éveillés et priez, ainsi vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver" (Fiches dominicales, Pierre Gervaise, Mgr Dagens, Thérèse d'Avila, Joseph Doré, Dimitri Doudko, Philippe Verhaeghen, AvS, HUvB).
2 décembre 2012 - 1er dimanche de l'Avent – Année C
Évangile selon saint Luc 21,25...36
Premier dimanche de l'Avent qui nous prépare à Noël, qui nous prépare à célébrer la naissance de Jésus il y a deux mille ans. Et voilà que notre évangile nous parle d'une autre venue de Jésus : une venue fulgurante du Fils de l'homme à la fin des temps. Saint Paul nous parle aujourd'hui de cette venue en termes plus sobres : "Agissez de manière à être sans reproches devant Dieu notre Père pour le jour où le Seigneur Jésus viendra". Et l'évangile rejoint saint Paul pour nous inviter à veiller sur notre conduite : "Restez éveillés, pensez souvent à cette venue du Seigneur Jésus, priez en tout temps. Soyez debout quand le Seigneur viendra".
Quand Jésus nous parle de sa venue, il veut nous faire comprendre que cette venue est pour tous les hommes un appel de Dieu. Le plus important dans la vie des hommes, c'est cet appel de Dieu. L'antienne d'ouverture de ce premier dimanche de l'Avent le dit en termes tout simples avec la prière du psaume : "Vers toi, Seigneur, j'élève mon âme. Mon Dieu, je compte sur toi... Je lève les yeux vers toi qui te tiens au ciel". Même si on ne connaît pas l'heure de Dieu, on sait qu'elle viendra.
Tout chrétien, à un moment donné de sa vie, doit se demander à quel état de vie il est appelé. Chacun doit se mettre un jour à la disposition de Dieu. Et une fois qu'on a fait ce choix, tous les jours encore, il faut qu'on demande à Dieu ce qu'il attend de nous aujourd'hui. Les circonstances seront toujours pour nous des poteaux indicateurs.
Un psaume nous fait dire ceci : "Qu'il n'y ait point chez toi de Dieu étranger" (Ps 81,10). Ce qui peut vouloir dire : Dieu ne doit pas être pour toi un étranger. Et quand le Seigneur Jésus viendra, il viendra avec tous les saints, comme dit saint Paul. Et de cette manière, le ciel ne sera pas pour nous quelque chose d'étrange ou d'étranger, puisque nous allons retrouver tous ceux que nous avons connus et aimés, et qui sont déjà auprès de Dieu. Se pose alors la question : "Avec quelle tête et à quel âge allons-nous retrouver ceux que nous avons connus ? A deux ans ou à quatre-vingts ans ?" Saint Paul encore nous dit que nous allons les retrouver avec un corps glorieux. C'est quoi un corps glorieux ? Nous allons les retrouver avec la voix que nous avons aimée, le visage que nous avons aimé, le regard que nous avons aimé.
Il y a des gens qui vivent sans la foi et sans espérance. Mais vivre sans espérance, c'est une horreur. Et Jésus est venu nous délivrer de cette horreur, nous sauver de cette horreur. Dans les premiers temps du christianisme, une fille de seize ans, Annalia, voulait se consacrer à Dieu. Elle disait : "Je pense que c'est une béatitude de posséder Dieu".
Charles Péguy qui avait découvert, ou redécouvert, Dieu à l'âge adulte disait lui aussi à sa manière que c'est une béatitude de posséder Dieu. Péguy le dit en poète et en philosophe qui réfléchit sur le sommeil, et voici ce qu'il écrit : "Je n'aime pas celui qui ne dort pas, dit Dieu. Le sommeil est l'ami de l'homme. Le sommeil est l'ami de Dieu. Le sommeil est peut-être ma plus belle création... Celui qui ne dort pas est infidèle à l'espérance... Pauvres enfants, ils administrent dans la journée leurs affaires avec sagesse. Mais le soir venu, ils ne se résolvent point, ils ne se résignent pas à en confier le gouvernement à ma sagesse... Comme si je n'étais pas capable, peut-être, de m'en occuper un peu"... Le sommeil est peut-être ma plus belle création, dit Dieu".
Notre vie est une somme de petits pas, de travaux quotidiens, le plus souvent insignifiants... Et toujours on voudrait faire ce qu'on aimerait mieux éviter : l'enfant doit aller à l'école et il vit dans l'attente de la récréation... L'étudiant attend l'heure de l'activité professionnelle... Le travailleur attend le soir ou le week-end… Les joies familiales sont achetées au prix de combien de sacrifices et de renoncements ? Et il y a Quelqu'un qui rassemble toute la dispersion apparente de notre existence. Si nous sommes réellement aimés par le Père, nos cheveux sont comptés par lui. Et avec tout l'amas de décombres que constitue finalement toute vie humaine il va faire un édifice habitable. Un jour, nous verrons en Dieu notre vie unifiée et nous reconnaîtrons alors pour la première fois ce que nous aurions toujours voulu être. (Avec Martin Buber, Luc Ferry, Péguy, AvS, HUvB).
29 novembre 2015 - 1er dimanche de l'Avent - Année C
Évangile selon saint Luc 21,25-28.34-36
Avec la troisième année du cycle liturgique de trois ans - l'année C -, nous ouvrons aujourd'hui l'évangile de saint Luc dont nous lirons l'essentiel tout au long de cette année. On ne commence pas par le début, mais en ce temps de l'Avent, nous ouvrons l'évangile là où Jésus nous parle de sa venue à la fin des temps. Le temps de l'Avent nous prépare à célébrer l'anniversaire de sa première venue, de sa naissance. Mais à l'horizon, il y a cette venue du Seigneur Jésus à la fin des temps, et la fin des temps, c'est la fin du monde, mais c'est aussi le terme de chacune de nos vies.
Jésus nous parle de sa venue en termes d'apocalypse : de grands signes dans le soleil, la lune et les étoiles, le fracas des mers et des tempêtes. On peut transposer ça dans chacune de nos vies : dans quelle vie n'y a-t-il pas un jour ou l'autre des fracas et des tempêtes, autrement dit des avertissements, des invitations à voir plus loin que le bout de son nez et de la vie présente ? Et la conclusion en est - la morale de l'histoire en est - ce que le Seigneur Jésus nous dit en termes clairs : "Tenez-vous sur vos gardes... Restez éveillés (gardez votre cœur éveillé) et priez en tout temps... Soyez prêts à recevoir le Fils de l'homme quand il viendra, soyez debout".
Un abbé de monastère au Moyen Age, le bienheureux Guerric (du monastère d'Igny, près de Reims) exhortait ses frères à préparer constamment le chemin du Seigneur Jésus. Il leur disait : "Même si vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer afin que, du point où vous êtes parvenus, vous alliez toujours de l'avant, toujours tendus vers ce qui est au-delà". Et le bienheureux Guerric suggérait de reprendre souvent la prière d'un verset de psaume : "Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes volontés".
La prière est comme une aumône qu'on fait à Dieu ; on sait seulement qu'il en a un urgent besoin pour la partager aussitôt comme il l'entend. On ne peut pas donner quelque chose à un mendiant en lui prescrivant de ne l’utiliser que selon nos désirs. Ce qu'on lui donne lui appartient. Qu'il en achète de la nourriture ou un manteau, qu'il le gaspille ou qu'il le donne à quelqu'un d’autre, c'est son affaire. Quand Dieu accueille nos prières, il est comme un divin mendiant qui fait ce qu'il veut de nos petites pièces ou des grosses, des petites ou des grandes prières.
"Tenez-vous sur vos gardes, nous dit Jésus. Restez éveillés". C'est comme une évidence. Les spectateurs du Bataclan, le vendredi 13, étaient là pour un moment de détente. Et un fracas de tempête est tombé sur eux sans préavis. Le Père Loew disait : "Nous vivons dans un monde dur où le sang est versé à flots, avec toute la profusion des moyens de l'homme moderne : la société de consommation est une consommatrice de sang". Dieu est réellement présent dans le devoir d'état. Et notre tâche, ce peut être aussi à l'occasion le devoir de se détendre et d'assister à un spectacle ou à un concert. Nous devons avoir la fierté de notre tâche comme de nos loisirs. Jésus disait : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père".
Nous sommes là une fois encore à l'exact contraire de l'homme sans Dieu, notre contemporain, notre contemporain sans Dieu qui s'est dit une fois pour toutes qu'il n'y a rien après, ni au-delà. Aussi doit-il bien profiter de son séjour terrestre, "se faire plaisir" et jouir de tout. La dimension verticale de l'homme est niée ; seul comptent l'immédiat et bien sûr le gros moi. L'être humain est prisonnier de sa condition mortelle ; il n'a pas d'autre choix que d'aménager sa prison et de s'y sentir bien.
C'est quoi la foi chrétienne alors ? Le Seigneur Jésus est venu pour nous libérer de cette prison. Il nous montre le chemin. La vie humaine a une issue. Une issue vers le haut, vers un immense Quelqu'un qui a créé l'homme et qui l'attend dans sa maison. Des sages de notre temps disent d'une manière ou d'une autre : "On ne fera jamais de la terre un paradis, mais c'est déjà quelque chose qu'elle ne devienne pas un enfer... L’État n'est pas appelé à réaliser le royaume de Dieu sur terre, mais à empêcher cette dernière de devenir un enfer".
"Tenez-vous sur vos gardes", nous dit Jésus. Dieu exige de chacun des comptes personnels sur l'utilisation de son temps. Toute l'humanité se trouvera un jour devant le tribunal de Dieu : ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas. Chacun ne peut opérer son salut qu'en coopérant au salut de tous. Mais ce n'est pas en s'occupant uniquement du salut des autres et en oubliant sa propre existence qu'on va faire son propre salut ; il ne suffit pas non plus de travailler purement et simplement au bien-être du monde; il y a toujours aussi un devoir de se réformer soi-même. (Avec Bienheureux Guerric d’Igny, Jacques Loew, François Varillon, Jacqueline Kelen, Gustave Thibon, Paul Evdokimov, AvS, HUvB).
5 décembre 2010 - 2e dimanche de l'Avent - Année A
Evangile selon saint Matthieu 3,1-12
Aujourd'hui, dans notre marche vers Noël, apparaît le personnage de Jean-Baptiste. Jean-Baptiste, ce n'est pas le clinquant, ni la consommation. Il est habillé comme un va-nu-pieds et il n'a rien pour attirer les foules, et pourtant il y a des foules qui vont vers lui. Pourquoi ? Parce qu'il avait quelque chose à dire aux gens de la part de Dieu. Et les gens sentaient bien qu'il y avait une parole de Dieu dans la bouche de Jean-Baptiste.
Que disait Jean-Baptiste à tous les gens qui allaient le voir ? Il leur disait deux choses. D'abord, reconnaissez vos péchés ; demandez à Dieu où sont vos vrais péchés, et puis demandez-lui pardon, et à l'avenir faites tout le bien que vous pouvez. D'abord reconnaissez vos péchés. Et ensuite, je veux vous dire qu'après moi arrive quelqu'un qui est beaucoup plus grand que moi. Et lui aussi, il va manier le balai, il va faire le tri dans vos vies : il va brûler ce qui ne vaut rien devant Dieu. Mais ce qui est valable devant Dieu dans vos vies, il va le recueillir dans ses greniers. Le royaume des cieux, le royaume de Dieu est tout proche.
C'est pour nous aussi que parle Jean-Baptiste. La confession, c'est une image du purgatoire. Avant d'être admis dans le royaume de Dieu, on doit faire l'aveu ultime et définitif de ses fautes. L'homme est responsable de ce qu'il fait de son existence. Et beaucoup d'hommes se conduisent comme des irresponsables. Ils sont indifférents à ce qui se passe en eux. Ils passent à côté de l'essentiel. Ils se laissent vivre comme ils peuvent au gré des hauts et des bas de l'existence. Il y a en eux quelque chose d'irresponsable. Saint Jean-Baptiste nous dit aujourd'hui qu'un jour Dieu va faire le ménage. Et Jean-Baptiste nous dit qu'il vaut mieux ne pas attendre et qu'il vaut mieux faire le ménage soi-même.
Une grande partie du ménage est faite quand on sait que le seul vrai sens de la vie humaine, c'est la communion avec Dieu, la communion avec celui qui va venir et qui baptise dans l'Esprit Saint, comme dit Jean-Baptiste. Vivre en communion avec Dieu ici-bas, dès maintenant, ce n'est jamais fini. L’Église, comme chaque chrétien, est sans cesse en approfondissement du mystère du Christ. Les disciples du Christ devraient être aussi compétents dans les choses de la foi qu'ils le sont dans les choses profanes, ni plus ni moins.
La recherche incessante de la communion avec Dieu fait partie aussi de la conversion, de la conversion incessante vers Dieu. On peut se faire des illusions sur sa propre conversion : c'est ce que Jean-Baptiste disait aux pharisiens et aux sadducéens : "Espèces de vipères", leur disait-il gentiment. Vous ne savez pas ce que vous faites, mais le jugement de Dieu sera le moment où toute équivoque sera ôtée. Le temps présent est le lieu de la croissance de l'amour humain pour Dieu. L'homme est tout autant temporel que tendu vers l'éternité, vers Dieu. Le temps d'aujourd'hui n'a de sens que s'il est le lieu, l'occasion d'un mouvement vers la plénitude de l'éternité de Dieu.
Un auteur juif contemporain, poète français reconnu, raconte son enfance. Le jour du sabbat, avec Léopold, son grand-père maternel, il allait à la synagogue. Son propre père n'y mettait jamais les pieds, ou le moins possible. "Mon grand-père savait par cœur des pages entières de prières en hébreu classique auxquelles il ne comprenait pas un mot. Il fallait se lever, s'asseoir, se lever, s'asseoir... Je lui demandais alors pourquoi il fallait se lever ou s'asseoir. Et comme il ne connaissait pas la raison précise de ces rites, il me répondait : 'Il le faut... Parce que ça, c'est important !' Argument décisif ! Il vivait dans une profonde fidélité à la foi de ses ancêtres, à ce monde englouti dont il ignorait totalement la pensée et l'histoire prodigieuses". On ne peut plus vivre de la foi aujourd'hui comme le faisait le grand-père de Claude Vigée... Les disciples du Christ devraient être aussi compétents dans les choses de la foi qu'ils le sont dans les choses profanes... Il est compréhensible qu'un père de famille de quarante ans ne puisse se libérer tous les soirs pour se joindre à une assemblée de prière. Mais une vie chrétienne qui ne reste pas branchée sur la prière devient vide. La prière est la première œuvre de l’Église.
Terminer avec Georges Bernanos. "Le pécheur, c'est celui qui a renoncé à la quête d'une vraie réalité, c'est celui qui connaît le morne ennui d'une vie sans Dieu". (Avec Nicolas Cabasilas, Boris Bobrinskoy, M.-C Bernard, Dumitru Staniloae, Claude Vigée, Andrea Riccardi, Georges Bernanos, AvS).
8 décembre 2013 - 2e dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 3,1-12
Tout l'Ancien Testament prépare la venue du Messie. Et à la fin de l'Ancien Testament, Jean-Baptiste arrive, envoyé par Dieu, pour dire aux Juifs d'abord que le Messie est tout proche. Mais Jean-Baptiste nous le dit à nous aussi aujourd'hui, il le dit à tous les croyants et aux hommes du monde entier : le Messie est tout proche. Et Jean-Baptiste exhorte ses auditeurs à préparer leurs cœurs en les débarrassant de tout ce qui les encombre.
On venait de loin pour écouter Jean-Baptiste. Il y avait même des gens qui venaient de Jérusalem, des bien-pensants : pharisiens et sadducéens. Jean-Baptiste aurait pu se prendre pour quelqu'un. Mais son rôle est d'annoncer surtout celui qui vient après lui et qui est plus grand que lui : le Messie justement.
Certains se demandaient si Jean-Baptiste lui-même n'était pas le Messie. Et Jean-Baptiste met les choses en place : le Messie n'est pas loin, préparez vos cœurs. Jean-Baptiste n'est pas le Messie, il n'est que le précurseur. Il est content de ce que Dieu lui donne. Mais il parle fort, ça ne plaira pas à tout le monde, et pour cela, un beau jour, on lui tranchera la tête. Comme Jean-Baptiste, nous devrions demander dans notre prière que tout ce que nous faisons renvoie à Dieu et le manifeste, pour sa plus grande gloire. Jean-Baptiste, c'est la définition du saint : il veut ce que Dieu veut, il ne cesse de se jeter dans l'abîme de Dieu. C'est ce que nous essayons de faire dans la prière.
Nous devrions toujours être persuadés, comme d'une évidence, qu'on parle vraiment à Dieu, que Dieu est là et qu'il entend, qu'il reçoit la parole qu'on lui adresse et qu'il y répond. Et cette parole qu'on adresse à Dieu, elle peut être simplement dite au fond du cœur, sans bruit de paroles. Mais elle est dite et Dieu l'entend. Et quand on prend le temps de prier une demi-heure ou une heure, comme à la messe le dimanche, on assume l'effort d'éviter les distractions, et c'est un sérieux devoir. La distraction, en soi, n'est pas un péché. On ne peut pas empêcher notre esprit d'aller voir ailleurs. Le péché commence quand on s'aperçoit qu'on est distrait et qu'on suit son chemin de distraction, volontairement. Nos distractions, nous sommes invités à les insérer dans notre prière ; nos distractions, ce sont des soucis ou des futilités ; les soucis, on les confie à Dieu ; les futilités, ce sera pour plus tard.
Un homme de notre temps, qui est mort maintenant, qui était écrivain et qui a joué aussi un rôle dans la société, disait ceci, un jour qu'on essayait de le faire parler de sa foi chrétienne : "Tous les matins, je lis un passage de l’Évangile et un fragment de la Bible. Je me récite les béatitudes ; je ne voudrais pas commencer autrement la journée". (Et puis il prie un peu devant une reproduction de la Sainte Face du suaire de Turin)... Et il ajoute : "Je ne pourrais pas mener ma vie d'homme public, d’écrivain, d'homme responsable, d'homme qui essaie d'avoir des activités bénévoles, d'aider les autres, non, je ne pourrais pas la mener un seul jour dans cette folie frivole et pathétique qu'est Paris, si je ne prenais pas tous les matins ce grand bain de Dieu".
Mais il explique aussi que pour lui, comme pour tout croyant, la prière ne va pas de soi, elle n'est pas toujours certitude radieuse, mais souvent effort et recherche laborieuse. La première prière, dit-il, c'est : "Apprends-nous à prier". Et il en appelle au curé de Torcy dans le "Journal d'un curé de campagne", de Bernanos. Ce curé conseillait à son jeune confrère de s'appliquer à la prière comme un écolier à ses devoirs, en tirant la langue.
Dans l'évangile tout à l'heure, on a entendu une homélie de Jean-Baptiste. Cela commençait bien : "Espèces de vipères", disait-il à ses auditeurs. Et ses auditeurs en redemandaient. Jean-Baptiste essayait de transmettre sa foi. Avec ses paroles d'homme du désert, il osait placer d'autres hommes devant le fait que l'amour tout-puissant de Dieu les concernait eux aussi.
Jean-Baptiste parlait de l'amour de Dieu avec la rudesse d'un homme du désert. Il parlait plutôt de la colère de Dieu et que le Messie allait faire le ménage entre le bon grain et la paille qui est bonne à être brûlée. Dieu est amour. Beaucoup de chrétiens, beaucoup de baptisés, ne croient pas à l'amour personnel de Dieu. Et ils se justifient en disant : "Si Dieu nous aimait, cela se saurait".
Le Père Ganne, un jésuite, raconte qu'un jour un "brave type", comme il dit, lui avait posé la question : "Comment savez-vous que Dieu nous aime ?" Le Père Ganne ne nous dit pas ce qu'il a répondu. Pour aimer, il faut au moins être deux. Et il faut qu'il y ait une correspondance entre les deux. Marie Noël nous donne une réponse à la question du "brave type" ; elle dit à Dieu dans sa prière : "Je laisse couler mon cœur en vous, comme un vase tombé dans l'eau de la fontaine, et que vous remplissez de vous-même sans nous".
Jean-Baptiste annonce la venue du Messie. Les chrétiens ne sont pas les partisans de Jésus, ce sont ceux pour qui Jésus est le Christ, le Messie. Ils croient qu'avec lui Dieu a offert aux hommes non pas quelque chose mais la réalité ultime, le fin fond du sens de toutes choses. Et accepter ce don, cela veut dire, sans qu'il soit besoin de beaucoup réfléchir, y répondre par l'amour dans toute son existence. (Avec Gilbert Cesbron, Karl Barth, Pierre Ganne, Marie Noël, AvS, HUvB).
4 décembre 2016 - 2e dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 3,1-12
Le Fils de Dieu n'est pas arrivé dans le monde sans préparation. Personne n'aurait pu comprendre. Dieu est venu à nous en nous envoyant d'abord des messagers dont le rôle était d'annoncer sa venue future. Ces messagers, c'est d'abord le peuple d'Israël et toute son histoire, des siècles et des siècles de préparation. Isaïe est un messager de Dieu, Jean-Baptiste est un messager de Dieu. Et après la venue sur terre du Messie, Dieu continuera d'envoyer des messagers. Saint Paul est un messager de Dieu. Tous les saints et toutes les saintes de Dieu depuis deux mille ans sont des messagers de Dieu. Chacun à sa manière, par sa vie simplement ou aussi par ses écrits, a quelque chose à nous dire de la part de Dieu.
Et que nous disent tous les messagers de Dieu d'une manière ou d'une autre ? Ils nous disent: "Empresse-toi de plaire à Dieu, attends-le sans cesse dans ton cœur, cherche-le par tes pensées, cherche-le dans tes rencontres, cherche-le dans ta prière, cherche-le à l'église, cherche-le dans ta maison. Dès qu'il aura vu ta ferveur à le chercher et l'espérance inlassable que tu lui portes, il t'instruira, il t'apprendra la prière véritable, il deviendra tout pour toi".
Et que nous dit Jean-Baptiste aujourd'hui ? Il nous dit la même chose, mais à la manière d'un homme qui a vécu longtemps dans le désert, un homme rude : "Préparez le chemin au Seigneur, aplanissez sa route"... Ouvrez votre cœur pour qu'il puisse venir vous visiter. Jean-Baptiste sait qu'il doit annoncer la venue du Messie. Et il imagine ce Messie comme un homme qui va lui ressembler, une espèce d'homme rude du désert : "Il tient en main sa pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, il va faire le tri entre le bon grain qu'il va garder et la paille qu'il va brûler". Saint Jean l'apôtre, après avoir vécu plusieurs années en la compagnie du Seigneur Jésus dira les choses autrement. Il dira : "L'heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité. Le Père cherche de tels adorateurs" : ce sont des paroles que Jean l'évangéliste met sur les lèvres de Jésus. C'est un autre climat que celui de Jean-Baptiste.
Dans l'homme créé, le premier balbutiement de l'enfant est pur ; c'est une parole qui est auprès de Dieu avant que s'éveillent l'égoïsme et la concupiscence. Et puis la dernière parole de l'homme, son dernier soupir quand il s'abandonne et dépose son égoïsme et son mensonge pour retourner à Dieu, cette dernière parole de l'homme est à nouveau une parole pure parce qu'elle s'exprime en Dieu. C'est un retour à la première parole balbutiée par l'enfant. Ces deux paroles sont prononcées dans la faiblesse, dans l'impuissance face à l'amour de Dieu. Il y a une venue de Dieu dans le monde tout au long des siècles, il y a une venue du Fils de Dieu il y a deux mille ans, il y a une venue de Dieu en chacune de nos vies, de la naissance à la mort.
Et pourquoi Dieu vient-il dans le monde ? La plus belle image de ce que Dieu veut faire en venant dans le monde des hommes, c'est le mariage : le mariage qui est le don des cœurs passant par le don des corps. La plus belle image de ce que Dieu veut en venant dans le monde, c'est d'instaurer avec l'humanité et avec chaque être humain un lien dont le plus beau symbole est celui du mariage : le don des cœurs passant par le don des corps. "Face à cette venue de Dieu dans le monde, en face de l’Évangile, ce n'est pas d'être peu nombreux qui est grave, c'est d'être immobile ou de marcher comme des vieillards". C'est Madeleine Delbrel qui disait cela, elle qui travaillait dans le social en pleine banlieue rouge parisienne : "En face de cette venue de Dieu dans le monde, en face de l’Évangile, ce n'est pas d'être peu nombreux qui est grave, c'est d'être immobile ou de marcher comme des vieillards".
Aujourd'hui les religions sont passées au crible de l'athéisme. "Comment croire au temps du Dieu fragile ?" C'est le titre du livre d'un croyant de notre temps qui essaie de comprendre le phénomène de l'athéisme. Ce croyant fait remarquer - ce que nous pouvons tous observer - que de la même façon qu'un enfant embrasse souvent la religion de ses parents, il hérite souvent aussi de leur athéisme ou de leur agnosticisme, de leur indifférence. Et ce croyant observe alors qu'il y a un athéisme faible qui est surtout sociologique et qui se nourrit de l'air du temps : il s'agit de ne pas dépendre d'un Dieu ou d'une Église supposés oppressants. Et là, il relève ce qu'on déjà observé dimanche dernier : "Certains jeunes croyants - quelle que que soit leur religion - n'osent pas dire leur foi, même sur un mode mineur, dans la crainte de la dérision, voire du mépris du groupe".
Saint Augustin, il y a très longtemps, a mis de longues années avant de découvrir vraiment la foi chrétienne. Il réfléchissait beaucoup, il cherchait beaucoup dans les courants religieux de son temps. Puis un beau jour, ou petit à petit, il a découvert vraiment le christianisme. Et en réfléchissant à son parcours qui était parti de vagues croyances pour arriver à la foi chrétienne, il disait plus tard que, s'il a découvert Dieu un jour datable, plus profondément Dieu était déjà en lui, c'était lui seulement qui sommeillait.
Jean-Baptiste, c'est l'homme du désert. Tout homme qui veut vivre en chrétien doit passer nécessairement aussi, un jour ou l'autre, par le désert, c'est-à-dire passer par une certaine mort dans sa relation avec Dieu. Tous les envoyés de Dieu viennent du désert d'une certaine manière. Le Seigneur Jésus a vécu trente ans de vie cachée. Jean-Baptiste vient du désert. Saint Paul a vécu trois ans en Arabie avant de commencer son ministère d'évangélisation. Un chrétien aujourd'hui peut être fatigué et découragé par le bavardage vide de prière si fréquent dans le christianisme actuel ; si ce chrétien ou cette chrétienne sort dans le désert comme Élie, il peut se trouver soudain devant la montagne de Dieu, l'Horeb, où il a le droit de rencontrer Dieu directement pour être ensuite envoyé vers ses frères avec une nouvelle mission. (Avec Pseudo-Macaire, André Manaranche, Madeleine Delbrel, Jacques Arènes, saint Augustin, AvS, HUvB).
4 décembre 2011- 2e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Marc 1,1-8
"Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu"... Commencement de la Bonne Nouvelle, commencement de l’Évangile, c'est la même chose. En deux temps, trois mouvements, saint Marc nous amène à Jésus. De tout l'Ancien Testament qui a préparé la venue de Jésus, saint Marc ne retient qu'un mot du prophète Isaïe... Dieu qui dit par le prophète : "Voici que j'envoie mon messager devant toi". Pour saint Marc, ce messager, c'est Jean-Baptiste.
Et quel est le message de Jean-Baptiste ? "Voici venir après moi celui qui est plus puissant que moi". Jean-Baptiste était puissant. Des foules entières allaient lui rendre visite sur les bords du Jourdain pour se faire baptiser en reconnaissant leurs péchés. Jean-Baptiste était un homme célèbre. Et voilà ce qu'il dit essentiellement : Après moi, vient celui qui est plus puissant que moi. C'est Jésus, bien sûr, le Messie, le Fils de Dieu; c'est lui la Bonne Nouvelle dont saint Marc veut nous parler.
Pourquoi Bonne Nouvelle ? Parce que la grâce nous est venue par Jésus Christ. Il nous a apporté la vérité. Par Jésus, la Parole infinie de Dieu est devenue chair. Tout ce qui se passe dans le monde, toute parole qui est dite dans le monde, a un rapport avec la Parole infinie de Dieu. Bonne Nouvelle, pourquoi ? Parce que la Parole infinie de l'amour a retenti dans le monde. Et toute parole limitée donne à entendre la parole infinie de l'amour.
C'est quoi la Parole infinie de l'amour ? C'est par exemple celle qui dit au bandit crucifié à côté de Jésus : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis !". On voudrait bien l'entendre cette bonne nouvelle qui nous serait dite par Jésus. Bossuet a commenté cette parole de Jésus sur la croix : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis!" Et pour une fois, Bossuet a imité saint Marc et son langage concis. Voici le commentaire de Bossuet. "Aujourd'hui : quelle promptitude ! Avec moi : Quelle compagnie ! Dans le paradis : Quel repos !" "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis!" : voilà le genre de bonne nouvelle qu'on voudrait bien qu'on nous glisse un jour à l'oreille.
Mais que voulez-vous ? Les gens n'ont pas le temps, ils n'ont pas le temps d'écouter la Bonne Nouvelle de Jésus. Le vieux Karamazov, dans le roman de Dostoïevski, disait déjà cela il y a bien longtemps : "Si nous autres, nous ne croyons plus, c'est qu'on n'a pas le temps, les affaires nous absorbent, les jours n'ont que vingt-quatre heures". "On n'a pas le temps!" Mais ce n'est pas vrai. Ce qui est vrai c'est que les gens ne savent pas, ne savent plus ou n'ont jamais su qu'il pouvait y avoir une bonne nouvelle dans la foi chrétienne. Croire ou ne pas croire ! Beaucoup de gens se disent : Est-il bien raisonnable de croire ? Nous qui croyons en la force de la parole infinie de Dieu, nous posons plutôt la question : Est-il raisonnable de ne pas croire ?
Dieu est le destin du monde. Comment les gens peuvent-ils être heureux à toute épreuve en tournant le dos à ce destin du monde ? "Dieu est le destin du monde", c'est un prix Goncourt qui donnait cette définition de Dieu, Dieu qu'il avait redécouvert à l'âge adulte : Didier Decoin. Dieu, c'est la Bonne Nouvelle. Si vous lui tournez le dos, où allez-vous ? Et Didier Decoin donne cette définition dans un petit livre qu'il a intitulé : "La sainte Vierge a les yeux bleus". On n'est pas obligé de croire Didier Decoin sur ce point des yeux bleus. Mais on peut apprécier son chemin qui lui a fait découvrir à l'âge adulte que Dieu était le destin du monde, que Dieu était la Bonne Nouvelle. On lit un livre de deux cents pages sur les choses de Dieu. Il y aura peut-être pour nous dans ce livre quatre ou cinq lieux de lumière. C'est suffisant.
Le psaume dit : "Heureux l'homme qui craint le Seigneur". Craindre, c'est trembler, comme tremble la toile de tente sous l'effet du vent, comme vibre la toile de tente. Alors, "Heureux l'homme qui craint le Seigneur", cela veut dire : Heureux l'homme qui est sensible à sa présence. Heureux l'homme qui vibre au vent de l'Esprit Saint. Grâce à l'Esprit Saint il sait que l’Évangile est vraiment une Bonne Nouvelle, que la foi chrétienne est vraiment la Bonne Nouvelle du siècle présent et de tous les siècles. (Avec Bossuet, Dostoïevski, Guillaume de Menthière, Didier Decoin, AvS).
7 décembre 2014 - 2e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Marc 1,1-8
Saint Marc est bref et direct. Pas de longue introduction à son Évangile, mais simplement : "Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu". Saint Marc entreprend de raconter une histoire qui donnera de la joie au cœur de ceux qui l'entendront. Il va raconter l'histoire d'un homme qui a réellement existé et qui continue à vivre à la droite de Dieu : Jésus de Nazareth. Saint Marc ne parle pas d'un mort mais d'un vivant. Il écrit après Pâques.
Il ne dit pas un mot de la naissance de Jésus, ni de sa jeunesse. Il ne parle pas des hochets du landau de la crèche ni des doudous de la poussette. Il commence son Évangile dans le désert. Le désert, c'est le lieu où l'on meurt de soif et de chaleur, un lieu où il n'y a pas grand-chose à manger. Autrement dit, c'est un lieu de combat. Et Jésus aussi commencera son ministère public en affrontant le démon dans le désert, après avoir jeûné quarante jours.
Jean-Baptiste au désert ne fait pas ce qui lui plaît. Il prend une place qui a été déterminée à l'avance, une place dans le plan de Dieu, et Jean-Baptiste a accepté cette place. Son rôle est de préparer le chemin du Seigneur Jésus. Il est une voix qui crie dans le désert : "Préparez-vous à la venue du Seigneur". Dieu pourrait préparer lui-même le chemin, mais il demande pour cela l'aide de Jean-Baptiste, et finalement l'aide de tous ceux qui croient en lui. Tous sont appelés à prêter leur concours pour aplanir la route. La coopération de tous est requise même dans les petites choses. Même ce qui est insignifiant a du sens sur le chemin de Dieu.
Et Jean baptise tous ceux qui viennent à lui. Ce baptême n'est pas une cérémonie creuse, il s'appuie sur quelque chose de très concret, sur le repentir. Le repentir n'a pas chez tous la même profondeur. Repentir et purification sont toujours liés. Et ceux qui se sont repentis conservent quand même une tendance au péché, mais il leur est permis de commencer une vie nouvelle.
C'est quoi le péché pour ces gens qui vont se faire baptiser par Jean-Baptiste ? Est-ce un péché bien précis ? Ou bien un sentiment général de ne pas correspondre à la volonté de Dieu ? Ou bien le sentiment de n'avoir pas cherché Dieu suffisamment ? Et finalement ils comprennent que le message de Jean est un message de bonheur : Jean leur montre finalement ce qu'est la foi et que leur péché, c'était de s'être tenus en dehors de la foi.
Un professeur qui enseigne l'histoire de la philosophie à l'Université nous parle de l'angoisse. Les états d'angoisse, dit-il, sont l'une des maladies les plus répandues sur la planète. Il y a différentes sortes d'angoisses : il y a celles qui relèvent de la médecine générale, de la biochimie et de la physiologie. Mais il existe aussi des causes spirituelles à l'angoisse. Et les diverses causes peuvent très bien se conjuguer entre elles. Pour l'athéisme, l'homme, tout comme le monde, n'a pas de raison d'être, n'a pas de fondement et n'a pas de but. L'existence de l'homme, comme l'existence du monde, est un surgissement inexplicable de l'être à partir du néant. Cette existence est éphémère : un bref instant entre deux éternités de néant. L'homme ne peut s'appuyer sur personne, puisqu'il n'y a personne. On comprend qu'une telle conception du monde (si elle est vraiment vécue et "réalisée") puise causer de l'angoisse, l'angoisse d'être fait pour la mort, pour le néant. L'homme est un être qui vient du néant et qui va vers le néant. C'est absurde, mais c'est comme comme ça. L'existence est absurde.
Pour nous, chrétiens, la Bonne Nouvelle, c'est qu'il y a une raison d'être au monde, c'est que le monde a un sens, le monde a un but. "Commencement de la Bonne Nouvelle", nous dit saint Marc aujourd'hui. Notre professeur d'université essayait d'expliquer une certaine angoisse d'aujourd'hui. Une femme de notre temps, fort croyante semble-t-il, dans un livre qu'elle a intitulé : "Impatience de l'absolu", rejoint notre professeur quand elle dit : "On a proclamé : Dieu est mort !, et on a voulu croire à une libération. Mais l'homme ne se porte pas bien du tout... On fait semblant d'être neutre, ni pour ni contre. Et en fait, ce qu'on appelle maintenant laïcité n'est bien souvent qu'un déguisement de la pensée athée".
Les gens vont trouver Jean-Baptiste dans le désert : pourquoi ? Celui qui, dans le prophète, reconnaît un prophète, c'est le signe qu'il est prophète, lui aussi, c'est le signe que l'Esprit de Dieu le tient dans ses bras. Et celui qui reconnaît un juste comme un juste, prouve que lui-même est juste, car les âmes qui se ressemblent se reconnaissent. Jean-Baptiste parle dans le désert et les gens vont à lui pour l'entendre, se repentir et se faire baptiser. Jean-Baptiste évangélise à sa manière, c'est-à-dire qu'il laisse passer une parole qui n'est pas de lui, mais de Dieu.
... Commencement de la Bonne Nouvelle... Le lecteur ou l'auditeur de la Parole de Dieu doit entendre ce qu'il plaît au Dieu unique de lui dire maintenant à lui, cet auditeur unique qui est doté, par la grâce, des oreilles de la foi... Il doit regarder la Parole en face, la Parole qui est le Christ et qui s'adresse à lui, non seulement dans l’Évangile, mais aussi par les paroles de l'Ancien Testament ou des apôtres, et par les événements. (Avec Fiches dominicales, Dimanche en paroisse, Claude Tresmontant, Mgr Dagens, AvS, HUvB).
6 décembre 2009 - 2e dimanche de l'Avent - C
Évangile selon saint Luc 3, 1-6
En ce deuxième dimanche de l'Avent, saint Jean-Baptiste entre en scène. Saint Luc prend grand soin de situer saint Jean-Baptiste dans l'histoire de son temps : qui était empereur de Rome et qui était gouverneur de Judée et qui étaient les princes de Galilée et d'Iturée et de Trachonitide et d'Abilène. N'en jetez plus. On a compris. Et qu'est-ce qui va se passer alors ? La parole de Dieu fut adressée à Jean, Jean qui allait devenir Jean-Baptiste. On ne sait pas ce que Dieu a dit à Jean-Baptiste. Ce qu'on sait, c'est que Jean-Baptiste s'est mis à appeler les gens à se convertir, à se tourner vers Dieu, à faire le bien plutôt que le mal.
Et pourquoi se convertir ? Pour que Dieu puisse venir, pour que Dieu puisse venir nous visiter. Pour que Dieu puisse venir nous visiter, il faut que la route soit praticable. Il faut aplanir la route, il faut combler les ornières, enlever les gros cailloux et les rochers, tout ce qui encombre la route. Cela permettra à Dieu de s'introduire dans nos vies, de s'y introduire un peu plus.
Et pourquoi Dieu veut-il s'introduire dans nos vies ? Pour nous faire entrer dans sa propre vie. C'était dans la prière d'ouverture de cette messe. Dieu promet un héritage à ses enfants, et cet héritage, c'est que ses enfants puissent entrer dans sa propre vie. Cet héritage promis est d'abord caché en Dieu. Il est caché en Dieu, mais par l'Esprit Saint il est communiqué à ceux qui possèdent la foi, à ceux qui ouvrent leur cœur et leur intelligence à la foi. Non pas pour les bercer dans une fausse sécurité, qui les dispenserait de tout effort, mais pour qu'ils comprennent la grandeur de leur foi et la grandeur du don de la vie que Dieu leur offre.
De même que Jean-Baptiste a annoncé la venue du Seigneur Jésus Christ, de même que Jean-Baptiste a été le précurseur de Jésus, de même on peut dire que le Seigneur Jésus a été le grand précurseur de l'Esprit Saint. Ce sont nos Pères dans la foi qui disent cela. Dieu s'est fait chair, Dieu s'est fait homme pour que l'homme puisse recevoir l'Esprit. Dieu a porté la chair pour que nous puissions être porteurs de l'Esprit. Et nos Pères dans la foi disaient : tout le but de l’œuvre du salut, tout le but du dessein de Dieu, c'est que les croyants reçoivent l'Esprit Saint... L'Esprit Saint consolateur. Pourquoi consolateur ? Parce qu'il nous "console" (si l'on peut dire) de l'absence visible du Seigneur Jésus.
Il faut donc aplanir la route, nous dit Jean-Baptiste, pour livrer passage à Dieu dans nos vies : le Seigneur Jésus et l'Esprit Saint. C'est comme ça que Dieu nous fait entrer dans sa propre vie. Jean-Baptiste avait un message de Dieu pour son peuple à lui, une parole de Dieu pour le peuple juif. Et le peuple juif, à son tour, est porteur d'une révélation pour les païens, d'une parole de Dieu pour les païens.
L'heure de Dieu dans la vie de quelqu'un, c'est l'heure de la rencontre. Dieu vient à notre rencontre dans nos vies. Et notre travail, c'est d'être là à l'heure de Dieu. Notre travail, c'est de consentir au travail que Dieu veut réaliser en nous aujourd'hui. On a le droit d'être parfois fatigué. Mais on n'a pas besoin d'être en forme pour s'offrir à Dieu, pour s'offrir à la prière. C'est quoi la prière ? Ce n'est pas nécessairement réciter des prières et beaucoup de prières. La prière, c'est avant tout une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Et une relation vivante, ça peut se faire avec des mots, mais parfois aussi sans beaucoup de paroles, sans aucune parole.
La grande épreuve des croyants, c'est que Dieu est inaccessible en quelque sorte. Dieu est inaccessible à nos sens : personne n'a jamais vu Dieu. Et la prière, c'est le moyen naturel que nous avons d'entrer en relation avec lui. Dieu nous appelle à prier pour que nous entrions en relation avec lui. Et la prière du chrétien ne consiste pas à essayer de faire l'expérience du vide comme les bouddhistes essaient de le faire. Le chrétien, comme le bouddhiste, vise aussi, d'une certaine manière, à se libérer de l'éphémère et de l'illusoire. Mais ce n'est pas pour faire l'expérience du vide. Le bouddhisme est d'inspiration athée. Si le chrétien cherche à se libérer, d'une certaine manière, de l'éphémère et de l'illusoire, c'est pour répondre à un appel, l'appel du Dieu unique en trois personnes qui a été révélé par le Seigneur Jésus Christ.
L'homme voudrait prier et il ne sait pas comment faire. Le modèle de la prière nous a été donné : le Notre Père, les psaumes, la liturgie de la messe et des heures, et tout le reste, toutes les prières des grands priants de tous les âges, de tous les siècles. L'acte fondamental de toute prière, c'est de dire oui à la volonté de Dieu. Une prière n'est vraie que si elle repose sur un oui, le plus total possible, à la Parole de Dieu. Partout où ce oui est présent - même inavoué, même secret, mais foncier - partout où ce oui est présent, la prière fondamentale est là. (Avec Bruno Régent, Isabelle Mourral, Paul Evdokimov, AvS, HUvB).
9 décembre 2012 - 2e dimanche de l'Avent – Année C
Évangile selon saint Luc 3,1-6
Cet évangile que je viens de lire, c'est le début du chapitre troisième de l'évangile de saint Luc. Les deux premiers chapitres de l'évangile de saint Luc sont consacrés à la naissance et à la vie cachée de Jésus. Au chapitre troisième, nous sommes à l'époque où Jésus va commencer son ministère de prédicateur ambulant. D'une manière un peu solennelle, saint Luc précise aujourd'hui les noms des autorités en place en cette année-là : qui était l'empereur de Rome, qui était le gouverneur romain du pays de Jésus (Ponce Pilate), qui étaient les chef juifs de l'époque (le roi Hérode et les grands-prêtres Anne et Caïphe). Tous ces gens ignoraient totalement Jésus à ce moment-là.
Mais il y a quelque chose qui se passe dans le secret : un homme - on l'appellera plus tard Jean-Baptiste - qui était une espèce de saint et de prophète, que beaucoup de gens allaient voir pour parler avec lui et l'entendre, ce Jean-Baptiste invitait tout le monde à se détourner du péché, à demander le pardon de Dieu et, en signe de cette demande de pardon, se faire baptiser par lui dans les eaux du Jourdain. Pour le moment Jean-Baptiste ne parle pas de Jésus. C'est après coup qu'on a compris que Jean-Baptiste préparait le chemin pour Jésus.
Et pourquoi Jean-Baptiste avait-il commencé à baptiser les gens dans le Jourdain ? Et pourquoi il pressait les gens de se détourner de leurs péchés ? Ce n'est pas de lui-même que Jean-Baptiste s'était mis en route. Saint Luc nous le dit : Dieu avait parlé à Jean-Baptiste alors que Jean-Baptiste menait dans le désert une vie toute consacrée à Dieu. Dieu avait parlé à Jean-Baptiste et Jean-Baptiste avait commencé son ministère de prédicateur et de baptiseur.
Jean-Baptiste s'était consacré à Dieu. Et Dieu l'avait rempli de son Esprit Saint. Jean-Baptiste était complètement imprégné de l'Esprit Saint. Et qu'est-ce que l'Esprit Saint lui inspire de dire ? Jean-Baptiste presse les gens de se détourner de leurs péchés et de faire le bien plutôt que le mal. Celui qui penserait qu'entre Dieu et lui tout est en ordre, celui-là ne saurait ni ce qu'est Dieu ni ce qu'est l'homme. Dieu avait parlé à Jean-Baptiste et Jean-Baptiste avait accueilli cette parole, et lui-même, pour obéir à cette parole, s'était mis à parler aux hommes. La parole que Jean-Baptiste avait reçue de Dieu était en lui comme un feu caché, un feu vivant, une vie qui débordait de sa parole.
Et voici une espèce de prophète de notre temps. Vous allez peut-être le reconnaître. Voici ce qu'il nous dit : "Que, dans ta journée, labeur et repos soient vivifiés par la Parole de Dieu. Que tu maintiennes en tout le silence intérieur pour demeurer dans le Christ. Pénètre-toi de l'esprit des béatitudes : joie, miséricorde, simplicité".
Et pour le détail de la journée, voici maintenant le poète qui parle comme un enfant, vous allez sans doute aussi le reconnaître. "Tout ce qu'on fait dans la journée est agréable à Dieu, pourvu naturellement que ce soit comme il faut. Tout est à Dieu, tout regarde Dieu, tout se fait sous le regard de Dieu, toute la journée est à Dieu. Toute la prière est à Dieu, tout le travail est à Dieu, tout le jeu aussi est à Dieu quand c'est l'heure de jouer. Je suis un petit Français. Je n'ai pas peur de Dieu parce qu'il est notre Père. Mon père ne me fait pas peur. La prière du matin et la prière du soir, l'angélus du matin et l'angélus du soir, les trois repas par jour et le goûter de quatre heures, et l'appétit aux repas et la prière avant et après le repas, le travail entre les repas, et le jeu quand il faut, et l'amusement quand on peut, prier en se levant parce que la journée commence, puis en se couchant parce que la journée finit et que la nuit commence, demander avant, remercier après, et toujours dans la bonne humeur, c'est pour tout ça ensemble, et pour tout ça l'un après l'autre que nous avons été mis sur terre, c'est tout ça ensemble, tout ça l'un après l'autre qui fait la journée du Bon Dieu". (Vous avez reconnu le poète qui parle comme un enfant pour les grandes personnes, mais ce n'est pas Saint-Exupéry).
Saint Jean-Baptiste invitait les gens à se convertir et à demander pardon à Dieu pour leurs péchés. Le repentir rend ami de Dieu. - Question d'une voyante à Marie : Est-il possible qu'un damné se repente ? Il ne pourrait pas demander pardon ? Dieu ne pourrait-il pas le retirer de l'enfer pour le mettre en paradis ? Marie : Dieu pourrait, bien sûr. Mais eux ne veulent pas. Ils ont de la haine pour Dieu.
Nous allons célébrer la fête de Noël, la fête de l'entrée de Dieu dans le monde. L'entrée de Dieu dans la chair est le fondement de tout. Le Crucifié a souffert l'enfer mérité par les pécheurs, les pécheurs qui se croient pour toujours loin de Dieu : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" C'est parce qu'il était vraiment le Fils de Dieu que Jésus a supporté cette déréliction dans la pure obéissance de l'amour. (Avec Frère Roger, Péguy, Gabriele Amorth, AvS, HUvB).
6 décembre 2015 - 2e dimanche de l'Avent - Année C
Évangile selon saint Luc 3,1-6
Dieu tout-puissant, le Père invisible, n'a pas envoyé son Fils sur terre sans préavis. Pendant des siècles, des hommes de Dieu, des prophètes, ont annoncé, de la part de Dieu, la venue un jour sur terre d'un messager exceptionnel de Dieu, plus grand que tous les prophètes. On ne savait pas trop si ce serait un roi, un prêtre ou un prophète. Dieu ne dit jamais tout, tout de suite. Et ce grand envoyé de Dieu, béni de Dieu d'une manière toute particulière, on l'a appelé le Messie, on pourrait dire : le Béni de Dieu. Et après une longue préparation par les prophètes de l'Ancien Testament, un dernier prophète a été envoyé par Dieu, le Père invisible : Jean-Baptiste, qui verra lui-même et montrera lui-même du doigt le Messie Jésus venu à sa rencontre sur les rives du Jourdain.
Près du Jourdain justement, il y a beaucoup d'hommes avec une grande variété de vêtements : des gens du peuple et des gens riches, des pharisiens aussi avec leurs vêtements ornés de franges et de galons. Debout sur un rocher, il y a Jean-Baptiste. Il parle à la foule, et sa prédication manque plutôt de douceur : il parle comme un tonnerre tant il est sévère dans son discours et dans ses gestes. Il parle de la venue du Messie et il exhorte ses auditeurs à préparer leur cœur en les débarrassant de ce qui les encombre et en redressant leurs pensées. C'est un parler rude. Le précurseur n'a pas la main légère pour soigner les blessures du cœur. C'est un médecin qui les met à nu, fouille et taille sans pitié : tout ce qui est grand en vous sera abaissé, tout ce qui est tordu en vous sera redressé.
Il n'y a en Dieu aucune tiédeur, les prophètes de l'Ancien Testament le savaient déjà : il punit ou il récompense, il maudit ou il bénit, il y a la colère de Dieu et son amour infini. Il y a des prophètes de l'Ancien Testament qui prononcent sans peur les terribles jugements de Dieu. Et le plus terrible de ces jugements de Dieu s'est révélé à la croix du Seigneur Jésus, qui a porté toute sa souffrance jusqu'à la mort. Mais opposée à la croix, il y a la Pentecôte.
Le Seigneur Jésus n'a pas cherché à être persécuté, il n'a pas voulu la souffrance pour elle-même. Mais de fait il l'a récoltée. Et de fait aussi, la souffrance est une réalité que tout chrétien rencontre, que tout homme rencontre, au moins de manière passagère. Nous sommes des êtres qui passent par la souffrance. Mais nous souffrons plus parce que nous sommes mortels qu'à cause du péché. Ce n'est pas le péché qui est la seule cause de la souffrance. Bien sûr il est fréquent que le péché fasse souffrir : notre péché peut faire souffrir les autres, et parfois ou souvent, sans que nous le sachions, en toute bonne foi presque, pourrait-on dire, notre péché peut aussi nous faire souffrir nous-mêmes. Mais si l'homme rencontre la souffrance, c'est essentiellement parce qu'il est un être limité, c'est à cause de sa finitude. Il ne faut pas relier nécessairement la souffrance au péché.
Il est vrai que le Seigneur Jésus n'aurait pas tant souffert lors de sa Passion s'il n'y avait pas eu de péché dans le monde. Mais il ne faut pas mettre un lien de cause à effet entre la souffrance et le péché. Au contraire, il faut lutter de toutes ses forces contre la souffrance. Et si elle se présente, il ne faut pas se laisser enfermer dans la révolte. Il faut l'affronter avec le Seigneur Jésus, le Serviteur souffrant, dans la perspective d'entrer dans la vie. Et la souffrance, elle est souvent là aussi où on ne l'attendait pas : il n'y a pas d'amitié sans souffrance purificatrice, il n'y a pas d'amour du prochain sans la croix.
"Préparez le chemin du Seigneur", nous dit Jean-Baptiste aujourd'hui. Il est où le chemin du Seigneur ? La conscience est comme la voix de Dieu qui m'indique le chemin de l'amour maintenant. Seule la conscience peut discerner dans la situation qui est la mienne ce que Dieu me demande pour aimer vraiment mon prochain. Dieu nous invite à suivre notre conscience éclairée par l'Esprit Saint.
"Préparez le chemin du Seigneur", nous dit Jean-Baptiste. Le pardon ! On dit parfois : c'est impardonnable ! Il y a des choses qu'on ne peut pas pardonner. On ne peut pas pardonner au mal absolu. Pour nous, ce n'est pas possible. Mais Dieu, lui, le peut. Le seul qualifié pour tout pardonner, c'est celui qui a tout donné. Et celui qui a tout donné, c'est celui qui a tout créé par amour.
"Préparez le chemin du Seigneur", nous dit Jean-Baptiste. Il y a aussi un chemin que nous n'avons pas préparé nous-mêmes. L'acte d'exister personnellement est déjà aussi une ascèse ; il me faut renoncer au désir d'être autrement, renoncer au désir d'être un autre que celui que je suis. Préparer le chemin du Seigneur, c'est d'abord aussi m'accepter tel que je suis, me recevoir de Quelqu'un qui est infiniment plus grand que nous. (Avec Jean Alberti, Frère John de Taizé, Jean-Luc Marion, AvS, HUvB).
12 décembre 2010 - 3e dimanche de l'Avent - Année A
Evangile selon saint Matthieu 11,2-11
Dimanche dernier, Jean-Baptiste annonçait la venue prochaine de Jésus sur la scène du monde : quelqu'un qui est plus grand que moi et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Quand Jésus a commencé son ministère de prédication et de guérison et que Jean-Baptiste s'est retrouvé en prison, Jean-Baptiste a eu des doutes sur l'identité de Jésus : est-ce bien lui qui devait venir ou bien y aura-t-il quelqu'un d'autre après lui, quelqu'un d'autre qui correspondrait mieux à ce que Jean-Baptiste attendait : un homme fort qui baptiserait dans l'Esprit Saint et dans le feu ? Et Jésus ne fait rien de tout cela, semble-t-il.
Jean-Baptiste se pose des questions au sujet de Jésus. Dieu lui a confié la mission d'annoncer la venue d'un grand envoyé de Dieu, pour ne pas dire le Messie. Et les choses ne se passent pas comme Jean-Baptiste l'avait imaginé. Jean-Baptiste a bien accompli sa mission d'annoncer le plus fort, le plus grand qui viendrait après lui. Mais il n'imaginait pas que Jésus serait si discret, malgré tous les miracles qui se produisent autour de lui. Même à ses envoyés, Dieu ne dit pas tout, tout de suite.
Jean-Baptiste est en prison. Qu'est-ce qu'il peut encore faire ? Jean-Baptiste se pose des questions au sujet de Jésus. Mais la mission de Jean-Baptiste continue : il envoie ses disciples poser carrément la question à Jésus. Jésus, lui, n'a pas de doute sur la mission de Jean-Baptiste. Et indirectement, on comprend qu'il n'a pas de doute sur sa propre mission : il est vraiment le Messie. Jean-Baptiste est vraiment grand dans le plan de Dieu, même s'il est maintenant réduit à presque rien dans sa prison. La mission d'un croyant peut se faire là où il semble qu'il n'y ait plus guère de place pour une action chrétienne. Il y a un abîme entre Dieu et nous. A un certain moment, il faudra découvrir que tout est grâce. Dieu pourrait tout faire lui-même, plus facilement et beaucoup plus vite que nous. Et sans cesse Dieu invite les hommes à faire quelque chose pour lui, pour son royaume, comme il dit.
Dans tout ce qui nous arrive, il faudrait dire : je suis sous la protection de Dieu qui m'aime ; Dieu m'aime d'un amour infini et il me donne toujours le meilleur. Jean-Baptiste dans sa prison avait des doutes. Un évêque de notre temps raconte que c'est vers l'âge de sept ou huit ans qu'il a pensé à être prêtre. Le jour de sa communion solennelle (de sa profession de foi), pendant le temps de silence après la communion, il a dit au Seigneur Jésus : "Tu m'as mis dans la tête l'idée d'être prêtre; je ne sais pas si cette idée vient de toi ou si c'est une idée à moi. (Il avait des doutes). Mais je sais par l’Évangile qu'il faut être appelé pour être prêtre. Donc si tu souhaites que je sois prêtre, tu t'arranges pour me le faire savoir, tu me donnes un signe, je suis disponible". Le garçon était au lycée, il fréquentait l'aumônerie. Un jour le prêtre lui a posé la question : "As-tu jamais pensé à être prêtre ?" Lorsque ce prêtre lui a posé la question, le garçon a tout de suite pensé que c'était le signe que Dieu lui donnait, il s'est senti appelé. Cette question du prêtre fut pour lui comme un appel. Ensuite le prêtre a demandé au garçon s'il voulait qu'il en parle à ses parents. Naturellement le garçon n'avait rien dit chez lui. Et c'est comme ça que tout a commencé. L'évêque, c'est Monseigneur Daniel Labille qui a été évêque de Soissons puis de Créteil. Il raconte cela dans un livre-interview qu'il a intitulé : "Je vous précède en Galilée".
Dieu ne dit pas tout, tout de suite, ni au jeune garçon, ni à Jean-Baptiste dans sa prison. Jean-Baptiste, le plus grand des prophètes, comme dit Jésus, est en prison. A quoi ça sert ? A quoi peut-il encore servir ? Sainte Thérèse d'Avila disait : "Ne visez pas à faire du bien au monde entier ; contentez-vous d'en faire aux personnes dans la société desquelles vous vivez".
A l'origine de toute mission chrétienne, et même de toute vie chrétienne authentique, il doit y avoir un acte d'indifférence absolue, une vraie disponibilité à ce que Dieu peut désirer de moi, une vraie disponibilité à accepter tout ce que Dieu peut décider. C'est le reflet de ce que Jésus demandait à ses disciples : "Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à tout le reste, il ne peut être mon disciple". (Avec Schenouda III, Mgr Labille, Thérèse d'Avila, AvS, HUvB).
15 décembre 2013 - 3e dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 11,2-11
Jean-Baptiste est en prison parce qu'il reproche au roi Hérode d'avoir pris pour lui la femme de son frère. Jean-Baptiste est en prison, mais il peut recevoir des visites. Et voilà qu'un jour des disciples de Jean-Baptiste vont trouver leur maître avec une affirmation claire et nette : "Pour nous, c'est toi qui es le Messie. Il ne peut pas y avoir quelqu'un de plus saint que toi".
Alors Jean-Baptiste n'arrive pas à convaincre ses disciples qu'ils se trompent : lui, Jean-Baptiste, n'est pas le Messie. Et il désigne deux de ses disciples pour aller trouver Jésus et lui poser la question au nom de Jean-Baptiste : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" Autrement dit : "Est-ce que tu es le Messie ? Les deux disciples vont trouver Jésus et ils restent un certain temps auprès de lui, puis ils lui posent leur fameuse question. Alors Jésus leur dit : Vous êtes arrivés ici depuis quelque temps, vous avez pu voir tous les gens qui étaient guéris autour de moi. Vous pouvez aussi les interroger vous-mêmes pour apprendre ce qui leur est arrivé. Et on raconte aux deux disciples de Jean-Baptiste, qu'il y a des sourds qui se sont mis à entendre, des aveugles qui commencent à voir. Et puis des lépreux aussi ont été guéris et même des morts sont ressuscités. Les disciples de Jean-Baptiste s'en vont avec le témoignage de tous ces miraculés. Quand ils sont partis, Jésus explique à tous les gens qui sont là le sens de la mission de Jean-Baptiste : en deux mots, il est le précurseur, le plus grand des prophètes de l'Ancien Testament, celui qui annonce que le Messie est là.
Il y a beaucoup de manières de participer à la vie éternelle. Chez certains, leur participation à la vie éternelle est à peine perceptible. Pour d'autres, comme pour Jean-Baptiste par exemple, la vie éternelle remplit déjà toute leur vie présente sur la terre. Chacun peut souhaiter pour lui-même que sa foi devienne totalement vivante. Mais il est réservé à Dieu de préciser la manière dont il va nous conduire.
Ce que Dieu demande à chacun, c'est d'accepter de se laisser conduire par lui. Il n'attend pas notre obéissance aujourd'hui pour nous laisser faire demain ce que nous voulons. Il ne nous est pas demandé de faire aujourd'hui la volonté du Père pour que demain nous ayons à nouveau la joie de faire notre volonté. Il nous demande toujours l'absolu. A chaque jour suffit sa peine. Demain nous serons entourés de la même grâce qu'aujourd'hui. Dieu conduit les siens de telle manière qu'à chaque instant ils peuvent savoir ce qui est exigé d'eux. Il nous est demandé de répondre à chaque instant à l'attente de Dieu.
Dans toutes les religions du monde, les hommes cherchent Dieu à tâtons, ils tentent de scruter l'invisible. Les chrétiens ne font pas autrement. "Dieu, personne ne l'a jamais vu", lui qui habite une lumière inaccessible. Pourtant le Fils de Dieu, celui qui était au commencement, sans lequel rien ne fut, s'est rendu visible dans la condition d'un homme né à Bethléem de Judée. Cet événement inouï et inimaginable, nous n'aurons jamais fini de l'approfondir.
La révélation chrétienne n'est pas une explication parmi d'autres explications que les hommes se seraient données de l'énigme de leur existence. La révélation nous révèle à nous-mêmes ce que nous ne savions pas que nous étions. La révélation chrétienne nous introduit dans une dimension nouvelle de l'existence. Il n'y a pas d'issue humaine au drame de l'homme : sur ce point, les athées, les sans-Dieu, ont bien raison. Mais ils ont tort quand ils pensent qu'il n'y a a aucune issue.
Beaucoup aujourd'hui cherchent une issue du côté des voyants et des devins. Aujourd'hui en France, le nombre des voyants et des devins n'est pas loin d'atteindre celui de l'ensemble des médecins généralistes, plus de quarante mille. Ce que la plupart des gens ne savent pas, c'est qu'il y a toujours le diable derrière les voyants et les devins. Et si on va les consulter, on est toujours plus ou moins contaminé.
Sainte Thérèse d'Avila disait : "J'ai fait très souvent l'expérience qu'il n'existe pas de moyen plus efficace que l'eau bénite pour chasser les mauvais esprits et pour les empêcher de revenir"... Cela veut dire que l'eau bénite a une force spéciale et extraordinaire. Un exorciste ajoute ceci : "Bien souvent, les armes du chrétien, telles que la prière et les sacrements, se révèlent aussi efficaces qu'un exorcisme".
Nous nous approchons sans cesse du mystère de Noël, pas seulement le 25 décembre. Si Dieu a véritablement assumé la nature humaine, c'est désormais exclusivement par lui que l'homme est digne de comparaître devant sa vérité suprême, devant Dieu. (Avec Henri Madelin, Jean Daniélou, Gilles Jeanguenin, Thérèse d'Avila, AvS, HUvB).
11 décembre 2016 - 3e dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 11,2-11
Cet évangile nous met en face du drame de Jean-Baptiste. Jésus a commencé son ministère. Jean, lui, est en prison et il veut savoir. Il fait demander à Jésus : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" Jean-Baptiste est envoyé par Dieu comme précurseur du Messie. Le Messie est venu et Jean-Baptiste ne le reconnaît pas. Du moins il n'est pas sûr que Jésus est bien le Messie. C'est une constatation qu'on a déjà souvent faite : Dieu ne dit pas tout, tout de suite. Il en est de même certainement en chacune de nos vies. Il y a des choses que nous savons, nous avons des projets pour la journée ou pour le long terme, et les choses ne se passent pas nécessairement comme nous l'avions prévu. Même à ses prophètes, Dieu ne dit pas tout, tout de suite. Ils savent quelque chose, ils doivent se lancer. Mais les choses peuvent se dérouler autrement qu'ils l'imaginaient.
C'est la même chose, en infiniment plus grand, dans l'histoire du peuple d'Israël. Toute son existence est prophétique, toute son existence prépare la venue du Messie, et finalement ce Messie sera le Fils de Dieu lui-même. Il est venu pour guérir l'humanité blessée, pour la ramener à Dieu en la portant sur ses épaules. Il est venu comme un médecin, pour guérir l'humanité malade, et cette humanité malade a tué son Sauveur. Le médecin a été envoyé, le malade ne l'a pas reconnu, le malade a tué son médecin. Et le médecin a été tué pour que le malade soit guéri. (C'est saint Augustin encore qui raconte ça).
Même histoire pour les apôtres que pour Jean-Baptiste. A un certain moment, les apôtres ont été convaincus que Jésus était bien le Messie. Mais ils n'avaient jamais imaginé que le Messie finirait cloué sur une croix. Il y a longtemps qu'on a appris que Dieu écrivait droit avec des lignes courbes. Et dans nos vies ? Elles ont été où les surprises ? A moins que, pour vous, il n'y a jamais eu de surprises. Mais si c'est le cas, il n'est jamais trop tard pour en avoir. Et dans notre évangile d'aujourd'hui, après ces doutes de Jean-Baptiste, Jésus fait de Jean-Baptiste un éloge étonnant : "Parmi tous les enfants des hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean-Baptiste".
Quelqu'un pourrait avoir apporté à la messe toute sa vie de tous les jours. Tel qu'il est, il ose à peine s'approcher pour recevoir la communion. Mais à toutes ces hésitations, le Seigneur Jésus répond en donnant sa paix. C'est comme un sourire de Dieu, c'est comme s'il disait : "Tout est bien ainsi, le reste nous nous en occuperons ensemble". L'humilité du Seigneur Jésus ne veut pas humilier. Dans sa prison, Jean-Baptiste n'est plus sûr de rien et Jésus fait de lui un très grand éloge. Le cardinal Decourtray disait autrefois : "Il y a aujourd'hui dans notre monde des rescapés de l'incroyance. On s'est posé un jour des questions, et la foi est revenue plus forte qu'auparavant".
Il y a quelques jours, nous avons célébré la fête de l'Immaculée Conception de Marie : Marie est toute sainte ; par la grâce de Dieu, elle n'a pas été touchée par le péché. Je termine donc un peu longuement avec une espèce de poème qui concerne Marie, et vous allez en deviner l'auteur. "Ma plus belle invention, dit Dieu, c'est ma Mère. Il me manquait une maman, et je l'ai faite. J'ai fait ma Mère avant qu'elle ne me fasse. C'était plus sûr. Maintenant je suis vraiment un homme comme tous les hommes. Je n'ai plus rien à leur envier, car j'ai une maman. Ça me manquait. Ma Mère, elle s'appelle Marie, dit Dieu. Son âme est absolument pure et pleine de grâce. Son corps est vierge et habité d'une telle lumière que sur terre je ne me suis jamais lassé de la regarder, de l'écouter, de l'admirer. Elle est belle, ma Mère, tellement que, laissant les splendeurs du ciel, je ne me suis pas trouvé dépaysé près d'elle. Pourtant je sais ce que c'est, dit Dieu, que d'être porté par les anges, ça ne vaut pas les bras d'une maman, croyez-moi.
Ma Mère Marie est morte, dit Dieu. Depuis que j'étais remonté au ciel, elle me manquait, je lui manquais. Elle m'a rejoint, avec son âme, avec son corps, directement. Je ne pouvais pas faire autrement. Ça se devait. C'était plus convenable. Les doigts qui ont touché Dieu ne pouvaient pas s'immobiliser. Les yeux qui ont contemplé Dieu ne pouvaient pas rester clos. Les lèvres qui ont embrassé Dieu ne pouvaient se figer. Ce corps très pur qui avait donné un corps à Dieu, ne pouvait pas pourrir, mêlé à la terre... Je n'ai pas pu, ce n'était pas possible, ça m'aurait trop coûté. J'ai beau être Dieu, je suis son Fils et c'est moi qui commande. Et puis, dit Dieu, c'est encore pour mes frères les hommes que j'ai fait cela. Pour qu'ils aient une maman au ciel. Une vraie, une de chez eux, corps et âme. La mienne. C'est fait. Elle est avec moi, depuis l'instant de sa mort. Son Assomption, comme disent les hommes. La Mère a retrouvé son Fils et le Fils sa Mère. Corps et âme, l'un à côté de l'autre, éternellement. Si les hommes devinaient la beauté de ce mystère ! Ils l'ont enfin reconnu officiellement. Mon représentant sur terre, le pape, l'a proclamé solennellement. Ça fait plaisir, dit Dieu, de voir apprécier ses dons. Depuis le temps que le peuple chrétien avait pressenti ce grand mystère de mon amour filial et fraternel...
Maintenant qu'ils l'utilisent davantage ! dit Dieu. Au ciel ils ont une maman qui les suit des yeux, avec ses yeux de chair. Au ciel ils ont une maman qui les aime à plein cœur, avec son cœur de chair. Et cette maman, c'est la mienne, qui me regarde avec les mêmes yeux, qui m'aime avec le même cœur. Si les hommes étaient malins, ils en profiteraient, ils devraient bien se douter que je ne peux rien lui refuser. Que voulez-vous, c'est ma maman. Je l'ai voulue. Je ne m'en plains pas. L'un en face de l'autre, corps et âme, Mère et Fils. Éternellement Mère et Fils". (Avec saint Augustin, Cardinal Decourtray, Charles Péguy, AvS).
11 décembre 2011 - 3e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Jean 1,6-8.19-28
Beaucoup de gens allaient trouver Jean-Baptiste sur les bords du Jourdain pour se faire baptiser par lui et demander le pardon de leurs péchés. Jean-Baptiste ne faisait pas partie du cercle des autorités juives officielles. Alors pourquoi ces mouvements de foules vers Jean-Baptiste ? Il est normal que les autorités de Jérusalem s'inquiètent, elles veulent s'informer. De quoi se mêle-t-il ce Jean-Baptiste ? Pour qui se prend-il ? Pour l'évangéliste saint Jean, c'est tout simple. "Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean". C'est après coup qu'on l'a appelé Jean-Baptiste. Jean, celui qui baptise. Qu'est-ce qu'il fait Jean-Baptiste ? Il aplanit le chemin du Seigneur. Il aplanit le chemin pour que les gens puissent s'approcher de Dieu et de Jésus. Et qui est Jésus ? Quelqu'un qui est au milieu de vous et que vous ne connaissez pas. Infiniment plus grand que moi.
L’Église devrait toujours être comme Jean-Baptiste, elle devrait toujours faire comme Jean-Baptiste, et elle le fait d'ailleurs, c'est-à-dire : annoncer quelqu'un qui est au milieu des hommes et que les hommes ne connaissent pas.
Jésus, un jour, parlera d'une ville sur la montagne. Une ville au sommet d'une montagne ne peut se cacher. "Ainsi votre lumière doit briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux". Jean-Baptiste a été envoyé par Dieu. Il a renoncé à disposer de lui-même. Il ne veut pas briller par lui-même, il laisse briller la lumière que Dieu a allumée. Saint Paul dit cela à sa manière : "Tout ce que vous dites ou faites, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père" (Col 3,17). Ce que le chrétien dit ou fait doit faire savoir qu'il est conscient que Dieu est présent. Le Seigneur Jésus habite dans les croyants. Et donc ils annoncent Dieu par toute leur existence. Ils sont au service du Seigneur Jésus. Pas à certaines heures seulement, et ils en garderaient d'autres pour eux et pour le monde. Ils sont simplement là au nom du Seigneur, au service du Seigneur Jésus.
"La foi est un amour qui accapare l'homme et lui montre une voie à suivre" (Benoît XVI). Mais Jean-Baptiste nous dit aussi aujourd'hui toute la difficulté de la foi : "Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas". Contrairement au mal, le bien ne fait pas de bruit. On parle trop du mal et pas assez du bien. Si Dieu paraît se taire, il nous parle en réalité par tout ce qui est beau et bien dans le monde. C'est un philosophe chrétien qui disait : "Aussi radical que soit le mal, il n'est pas aussi profond que la bonté". La bonté est présente dans le monde, il faut apprendre à la voir. La bonté aussi est une preuve de Dieu.
D'un côté un journaliste peut écrire : "L'homme est une machine à tuer l'homme". Mais un autre peut répliquer : "L'homme est capable de tout, même du bien". "Au milieu de vous se tient celui que vous en connaissez pas". Tous les croyants véritables pourraient le dire à tous ceux qui ne sont pas croyants comme à ceux qui ont du mal à croire. Pour l'Israël croyant comme pour les chrétiens, il y a la certitude que la Bible contient tout ce que Dieu veut nous faire savoir. Mais l'absence du nom de Dieu dans certaines bouches ne veut pas dire nécessairement l'absence du problème religieux.
Dialogue entre un prêtre et un incroyant (agnostique). Le prêtre à l'incroyant : N'oubliez pas que vous avez été baptisé et qu'il y a une source secrète et cachée en vous qui est invisible. - Réponse de l'incroyant : Je ne m'en suis jamais rendu compte. - La réflexion de ce prêtre à l'incroyant n'est sans doute pas des plus heureuses. Et il a reçu de l'incroyant la réponse qu'il méritait. Le mot de saint Jean-Baptiste est toujours valable, pour le croyant comme pour le non croyant : Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Mais on ne peut pas dire cela à n'importe qui en particulier pour essayer de le convertir. Le même agnostique expliquait au même prêtre : "Au point de vue religieux, je suis agnostique. Je ne dirai pas que je suis athée. L'homme, pour moi, est un être beaucoup plus mystérieux qu'on ne l'imagine. Il y a du divin dans l'homme. L'homme est quelque chose d'infini, il me passionne plus que toutes les galaxies. Je me moque de la planète Mars ». -Pour un non croyant, c’était une belle profession de foi.
Le message de Dieu n'est une joie que pour le pauvre. Pour le riche, la Parole de Dieu est toujours inopportune, parce qu'elle exige tout l'espace et cet espace est encombré de possessions personnelles. Le message de Dieu n'est pas une joie pour le riche, c'est une gêne. Alors saint Paul nous dit : "Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance : c'est ce que Dieu attend de vous". (Avec Benoît XVI, Jean Delumeau, Paul Ricoeur, Alain de La Morandais, Jacques Vergès, AvS, HUvB).
14 décembre 2014 - 3e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Jean 1,6-8.19-28
En ce troisième dimanche de l'Avent, voilà de nouveausaint Jean-Baptiste. Jean-Baptiste a pour mission de rendre témoignage à la lumière. Elle est dure, sa mission : il vit dans le désert et, à la fin, il sera décapité dans une prison. Elle est dure, sa mission, mais elle lui est confiée dans l'amour et dans la joie. Par la suite, tous les témoins ont pour mission, comme Jean-Baptiste, de montrer la lumière du Seigneur Jésus. Ils savent bien qu'ils ne sont pas eux-mêmes la lumière. Ils sont bien convaincus qu'ils sont des serviteurs inutiles. Et plus ils en sont convaincus, plus le Seigneur Jésus les remplit de sa propre lumière, plus il leur donne de sa grâce pour la gérer et la distribuer.
Jésus a été conçu par Marie dans l'Esprit Saint. Et Jean-Baptiste, quand il était encore dans le sein de sa mère, a reçu l'Esprit Saint par Marie. Jean a reçu sa mission dans le sein de sa mère. Dans l’Église, le même processus se poursuit : c'est Dieu lui-même qui donne la mission, mais Marie transmet quelque chose d'elle-même à tous ceux qui doivent annoncer son Fils.
Et ceux qui annoncent son Fils redisent toujours comme Jean-Baptiste : "Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas"... "Au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas..., ou que nous connaissons si peu". Et pourquoi nous le connaissons si peu ? Parce qu'il sort de son éternité pour vivre dans le temps et qu'il rentre dans son éternité par la croix. Et il gère le monde par l’Église, par les saints, etc., pour que le monde entier soit sauvé.
La Bible qui est transmise de génération en génération entre chrétiens, est une littérature voulue par Dieu pour nous dire quelque chose de son mystère. Quand Jean Guitton avait vingt ans, le Père Pouget lui disait un jour : "La Bible est avant tout un livre d'enseignement religieux. On s'égare si l'on s'aventure sans commentaire dans ce 'catéchisme pour primitifs', un vrai ciel d'orage où passe par instants l'éclair divin". Dans ces quelques mots du Père Pouget, il y a ce "catéchisme pour primitifs" qui peut faire sourire. Mais ce catéchisme, c'est aussi un vrai ciel d'orage. Et dans ce ciel d'orage, "passe par instants l'éclair divin". C'est pourquoi le Père Pouget a bien raison de penser qu'il ne faut pas s'aventurer dans la Bible sans commentaire, sans aide. Mais il faut y entrer pour y saisir l'éclair divin.
Jean-Baptiste n'était pas la lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage. "Celui qui vient après moi, disait-il, je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale". Un chrétien de notre temps disait : "Une des qualités de la jeunesse d'aujourd'hui est une perspicacité extrêmement vive pour détecter toute contradiction entre la parole qui est dite et ce qui est réellement vécu". Mais à quoi il faudrait ajouter qu'avant de se mettre en chemin vers la vraie lumière, d'innombrables jeunes se laissent subjuguer par le clinquant d'innombrables fausses lumières.
Question des croyants hindouistes à des chrétiens : "Pourquoi, vous autres chrétiens, êtes-vous si peu humbles que vous ne vous intéressez guère aux traditions spirituelles des autres ?" Que dire à cela ? D'abord peut-être, c'est qu'on n'a pas encore fini d'explorer nos propres trésors. On n'aura jamais fini d'ailleurs. Mais il est des chrétiens quand même qui, après avoir exploré longtemps leurs propres trésors, prennent aussi du temps pour aller voir les traditions spirituelles des autres. Dans nos régions actuellement, ce pourrait être surtout l'islam.
Jean-Baptiste n'était pas la lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage. Une femme de notre temps disait vers la fin de sa vie qu'elle voudrait dégager chez les autres la voie qui mène à Dieu. Elle avait la conviction que Dieu est caché dans l'intimité la plus profonde du psychisme de l'autre. Et elle pensait devoir écouter Dieu chez ceux qu'elle rencontrait.
Le christianisme est une réalité vivante ancrée dans l'éternité. Alors, quand on a trouvé la lumière, on n'est encore qu'au seuil. Le chemin est encore long, il est éternel, il est infini. La nouvelle évangélisation ne prétend pas apporter quelque chose d'extérieur, mais révéler au fond ce qui est déjà là, pour en faire découvrir toutes les dimensions.
Roger Martin du Gard, qui était tout à fait incroyant, avait une fille qui était très croyante. Entre elle et François Mauriac, il y a eu un échange de lettres qui évoquaient entre autres la question de savoir comment vivre comme croyante avec un père non croyant. Et Mauriac donnait ce conseil : Que la question religieuse ne soit pas une question irritante entre elle et son père. Et Mauriac ajoutait qu'elle détenait un pouvoir infini qui est la prière.
"Il y a au milieu de vous quelqu'un que vous ne connaissez pas", nous dit Jean-Baptiste aujourd'hui. Le domaine que la pensée chrétienne doit accorder à l'Esprit Saint ne peut jamais être assez vaste. Le Seigneur Jésus a vécu sur terre un bref moment, à peine perceptible dans l'histoire du monde : quelques paroles, quelques actes et tout est déjà fini. Et c'est lui qui nous dit : "Il vaut mieux pour vous que je m'en aille. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière" (Jn 16,13). Il y a des dimensions de la Révélation dont l'ouverture est confiée au seul Esprit de Dieu. (Avec Charles Delhez, Jean Guitton, Marie-Joseph Le Guillou, Etty Hillesum, Fabrice Hadjadj, François Mauriac, AvS, HUvB).
13 décembre 2009 - 3e dimanche de l'Avent - C
Évangile selon saint Luc 3, 10-18
Jean-Baptiste est toujours là, comme dimanche dernier. Il annonce la venue prochaine du Messie. Il est donc normal qu'il soit là en ce temps de l'Avent. Trois fois, on pose la question à Jean-Baptiste : "Que devons-nous faire pour nous préparer à recevoir le Messie ?" Il y a des soldats qui lui posent la question, et des collecteurs d'impôts, et des bons pratiquants. Que devons-nous faire ? Pour les soldats : vous avez la force pour vous ; il ne faut pas abuser de votre pouvoir : pas de violence ! Les collecteurs d'impôts : vous aussi, vous avez beaucoup de pouvoir ; ne trichez pas, faites ce qui est juste. Et les bons pratiquants : vous ne manquez de rien ; alors n'oubliez pas ceux qui n'ont pas grand-chose ou même rien du tout : pour se vêtir et se nourrir.
Jean-Baptiste ne fait pas de grands discours. On lui pose une question, il va droit au but. Mais il y a une question plus fondamentale qu'on voudrait bien poser à Jean-Baptiste, mais personne n'ose la lui poser clairement : "Est-ce que tu ne serais pas le Messie ?" Jean-Baptiste a deviné qu'on se posait la question. Alors sa réponse est claire et nette aussi : "Je ne suis pas le Messie". Le Messie est beaucoup plus grand que moi, beaucoup plus puissant que moi. Moi, je vous baptise dans l'eau du Jourdain. Lui, le Messie, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu. Qu'est-ce que ça veut dire ? Le Messie va vous juger, il va juger vos vies : le bien aura sa récompense, et le mal aussi aura ce qui lui revient : le feu.
En ce temps de l'Avent, on rencontre de temps en temps une parole de l'Ancien Testament qui dit ceci : "Prépare-toi, Israël, à rencontrer ton Dieu". C'est ce que fait Jean-Baptiste ; il dit aux gens comment ils doivent se préparer à rencontrer leur Dieu ; il nous dit comment nous préparer à rencontrer notre Dieu. Au centre de la crèche, il y a un enfant. La foi suppose toujours l'enfance. Celui qui veut rester un croyant doit rester un enfant vis-à-vis de Dieu. Rester pur comme un enfant vis-à-vis de Dieu. C'est quoi être pur ? Est pur celui qui veut ce que Dieu veut. Saint Jean-Baptiste disait cela à sa manière, bien concrète. Vouloir ce que Dieu veut, c'est une manière de dire : vouloir obéir à Dieu. Et le premier lieu où l'on peut s'exercer à obéir à Dieu, c'est la prière. On prie pour essayer d'être obéissant à Dieu. Et dans cette prière, dans ce temps de prière, on essaie de se taire pour que Dieu puisse parler. Mais est-ce que Dieu peut parler ?
Le théologien Joseph Ratzinger, avant de devenir Benoît XVI, a écrit un jour : "La foi chrétienne signifie être touché par Dieu et témoigner de lui". Est-ce possible ? Être touché par Dieu, c'est une parole de Dieu sans parole. Le cœur de la religion, c'est le lien entre Dieu et l'homme. Comment est-ce possible ? Nos Pères dans la foi disaient : Dieu a déposé dans le cœur humain le désir de Dieu. Cela ne vient pas de l'homme. L'homme est prédestiné à connaître Dieu. Tous les hommes sont prédestinés à connaître Dieu.
Question que se posait un jour un croyant devenu prêtre : "Dans mon engagement au service des hommes, quelle différence entre mon voisin non chrétien et moi-même, sinon qu'il est parfois plus généreux que moi ?" L'homme est prédestiné à rencontrer Dieu. Même celui qui ne croit pas en lui aujourd'hui, même celui qui le nie de toutes ses forces et se plonge dans le mal sans vergogne. C'est encore le théologien Joseph Ratzinger qui nous dit ceci : "Espérons qu'il y a peu d'hommes dont la vie est devenue un non total et irrécupérable... La plupart du temps, malgré beaucoup de manquements, la nostalgie du bien est restée déterminante. Dieu peut ramasser les morceaux et en faire quelque chose... Mais nous avons besoin d'une ultime purification, en ce monde ou en l'autre, un purgatoire précisément".
"Prépare-toi, Israël, à rencontrer ton Dieu". C'est ce qui se passe en chaque eucharistie. On s'avance, on reçoit le pain, le Corps du Christ, on le mange, on retourne à sa place et, cinq minutes après, on sort de l'église. Le chrétien ne sait pas ce qui se passe en lui, ni comment cela se fait. Il croit de son mieux. Mais il sait bien qu'il ne réalise pas totalement. Il se console en pensant qu'il passera toute sa vie sans comprendre totalement... Le seul moyen que j'ai pour me préparer consciemment à recevoir cette lumière, c'est la prière silencieuse qui essaie d'absorber et de digérer spirituellement ce qui a été avalé matériellement. (Avec Joseph Ratzinger, Alexandre Men, saint Maxime le Confesseur, Jacques Marin, AvS, HUvB).
16 décembre 2012 - 3e dimanche de l'Avent – Année C
Évangile selon saint Luc 3,10-18
En ce troisième dimanche de l'Avent, nous retrouvons saint Jean-Baptiste comme dimanche dernier. Il y a deux parties dans notre évangile d'aujourd'hui. D'abord les gens qui vont trouver Jean-Baptiste et qui lui demandent ce qu'ils doivent faire pour plaire à Dieu. Et dans la deuxième partie de notre évangile, il est question du Messie.
D'abord : Que devons- nous faire pour plaire à Dieu ? Commençons par les derniers : les soldats. Ce sont les représentants de la force publique. Que doivent-ils faire ? N'abusez pas de votre force. Ne profitez pas de votre force pour faire n'importe quoi. Ne faites de tort à personne. La première manière de faire le bien, c'est de commencer par ne pas faire le mal.
Puis les publicains, les collecteurs d'impôts. Même les collecteurs d'impôts qui n'avaient pas bonne réputation chez les Juifs, même eux sont attirés par la personne de Jean-Baptiste, et ils vont lui demander conseil pour s'approcher de Dieu. Ce qu'ils doivent faire ? Un peu comme les soldats. Eux aussi, les percepteurs d'impôts, jouissent d'un certain pouvoir dans le peuple. Ce qu'ils doivent faire ? Comme les soldats : N'abusez pas de votre puissance. Soyez justes dans votre travail.
Et enfin, ceux qui ne sont ni soldats ni percepteurs d'impôts, qu'est-ce qu'ils doivent faire pour plaire à Dieu ? Si vous avez de quoi (de quoi vivre, de quoi manger et de quoi vous habiller), partagez avec ceux qui sont dans la misère.
Il n'est pas dit que Jean-Baptiste faisait des miracles. Mais les gens se demandaient quand même si Jean-Baptiste ne serait pas le Messie, vu toutes les foules qui se pressaient autour de lui et à qui il prêchait un baptême de conversion pour se rapprocher de Dieu. Jean-Baptiste était au courant de ce qui se disait sur son compte, alors il a mis les choses au point : Non, je ne suis pas le Messie. Le Messie est beaucoup plus puissant que moi. Il est infiniment plus grand que moi, je ne suis même pas digne de me mettre à genoux devant lui pour défaire la courroie de ses sandales.
Trois catégories de gens posent des questions à Jean-Baptiste et il leur donne une réponse qui concerne leur vie personnelle. Mais la plus grosse question, tout le monde se la pose : est-ce que Jean-Baptiste ne serait pas le Messie ? Et aujourd'hui sans doute tout le monde a des questions à poser à Dieu. Tout le monde sans doute se pose des questions : ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas.
Dieu nous permet toutes les questions parce qu'il n'a à craindre aucune question et que les enfants ont le droit de poser des questions. Et le Père répond à chacune de nos questions. Mais beaucoup de gens n'entendent pas la réponse parce qu'ils ne sont pas dans la situation qui est exigée pour saisir la réponse. Je peux poser à Dieu toutes les questions que je veux ; il m'a donné la possibilité et la force de l'interroger, et il s'est obligé aussi à me répondre. Mais la réponse de Dieu peut être incomprise ou on peut l'interpréter comme étant inexistante, parce que l'homme ne l'entend pas. Le silence lui-même est aussi une réponse. Il se peut aussi que la réponse de Dieu n'est pas du tout ce que l'homme attendait. La réponse est adéquate, c'est l'homme qui n'est pas adéquat. Et là, les saints et les saintes de Dieu nous disent que c'est le péché qui nous empêche de comprendre.
Un homme de notre temps, qui réfléchit sur l'existence humaine, une espèce de penseur et de philosophe chrétien, nous dit ceci : "La mort est le facteur le plus important de la vie humaine. L'homme ne peut vivre dignement sans avoir défini son rapport avec la mort. Au lieu d'oublier la mort, l'être humain doit plutôt surmonter la crainte de la mort. Pour cela, prendre en compte la victoire sur la mort réalisée en Jésus Christ. C'est le Christ qui a rendu possible le sens positif de la mort". Saint Jean-Baptiste ne savait pas encore tout ça. L'homme de notre temps qui exprime ces pensées est un orthodoxe. Et l'on peut voir par cet exemple que sa foi orthodoxe et notre foi catholique s'accordent totalement sur ce sujet fondamental. Saint Jean-Baptiste ne savait pas encore tout ça, mais par la grâce de Dieu il savait que le Messie était beaucoup plus puissant que lui.
Il y a des gens qui pensent que la vérité se trouve là où est le désespoir. Ce n'est vraiment pas le message de la foi chrétienne. On pourrait dire que le danger de nos jours pour l’Église, c'est moins l'athéisme ambiant que l'ignorance de certains chrétiens et de beaucoup de baptisés. Beaucoup de gens allaient trouver Jean-Baptiste et lui demandaient : Que devons-nous faire pour plaire à Dieu ? Nous n'avons pas de Jean-Baptiste sous la main pour lui poser la question. Mais nous avons le droit et le devoir de poser la question à Dieu tous les jours de notre vie : Que dois-je faire pour m'approcher de toi en vérité ?
Les chrétiens ne sont pas les partisans de Jésus. Les chrétiens sont ceux pour qui Jésus est le Messie, le Christ. Ils croient qu'avec lui Dieu a offert aux hommes non pas quelque chose mais la réalité ultime. Accepter ce don de Dieu, c'est y croire, c'est y répondre... c'est y répondre par l'amour dans toute son existence. (Avec Nicolas Berdiaev, Isabelle Prêtre, AvS, HUvB).
13 décembre 2015 - 3e dimanche de l'Avent - Année C
Évangile selon saint Luc 3,10-18
Il y a deux parties dans cet évangile. D'abord trois questions de gens qui demandent à Jean-Baptiste : Que devons-nous faire pour plaire à Dieu ? Des soldats posent la question, des collecteurs d'impôts et puis des anonymes dont on ne sait pas ce qu'ils font dans la vie. Et la réponse de Jean-Baptiste est simple. Ce que vous devez faire pour plaire à Dieu ? Justice et charité. C'est simple et c'est vaste. Personne ne peut se mettre à notre place. La réponse ne peut être que personnelle. Qu'est-ce que je peux faire aujourd'hui pour plaire à Dieu ? Qu'est-ce que Dieu attend de moi aujourd'hui ?
Puis deuxième partie de l'évangile d'aujourd'hui : il est question du Messie. Jean-Baptiste devait en imposer aux gens à tel point qu'on se demandait s'il n'était pas ce grand envoyé de Dieu qu'on attendait depuis des siècles en Israël : le Messie. Jean-Baptiste est conscient qu'il n'est pas le Messie, mais Dieu lui avait fait comprendre que le Messie était sur le point d'arriver. Et Jean-Baptiste décrit le Messie avec les idées qui sont les siennes : quelqu'un de violent qui va faire le ménage entre le bien et le mal, entre les justes et les mécréants. Et il en revient ainsi à ses propres discours : justice et charité, sinon ça va vous coûter cher.
Jean-Baptiste n'avait pas fait de hautes études. Mais il aurait pu dire ce que saint Paul dira plus tard : "Je n'ai pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu. Et nous parlons non pas un langage enseigné par l'humaine sagesse mais un langage enseigné par l'Esprit". Et les mots de l'Esprit restent sans échos en ceux qui sont prisonniers de leur horizon purement terrestre. Pour entendre et comprendre les mots du prophète, il faut avoir soi-même reçu l'Esprit de Dieu.
Nous nous préparons à célébrer chrétiennement la fête de Noël. L'un de nos Pères dans la foi, il y a très longtemps, posait la question : "A quoi peut te servir que le Christ, le Messie, soit venu jadis dans la chair s'il n'est pas venu jusqu'à ton âme ?" Et le même homme ajoutait : "Prions pour que chaque jour son avènement s'accomplisse en nous, et que nous puissions dire comme saint Paul : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi".
A Noël, nous célébrons chrétiennement l'anniversaire de la venue en ce monde du Fils de Dieu il y a deux mille ans. N'importe qui peut faire l'expérience de l'irruption de Dieu dans sa vie. Tout homme est ou deviendra un jour un chercheur de Dieu. Et tout homme a besoin d'une certaine lumière pour son cheminement. Affirmer que Jésus est le Fils de Dieu et qu'il s'est fait homme est un "scandale" que les croyants oublient trop souvent dans leur routine. Et la foi chrétienne affirme aussi que cet homme Jésus a été crucifié d'une manière scandaleuse, et que c'est justement cette mort scandaleuse qui apporte à tout homme d'hier, d'aujourd'hui et de demain la libération et le salut véritable. Bien sûr, on peut repousser Dieu. Mais comme le disait une espèce de sainte de notre temps : "Celui qui repousse Dieu appelle Satan".
Mais comment peut-on exercer son esprit au problème de l’existence de Dieu? C'est un grand professeur de notre temps qui y réfléchit, et un vrai chrétien. Il dit : Dieu s'offre spontanément à la plupart d'entre nous, plus comme une présence sentie confusément que comme une réponse à un problème quelconque, par exemple quand nous nous trouvons face à l'immensité de l'océan, face à la tranquille pureté des montagnes ou à la vie mystérieuse d'un ciel étoilé au milieu de l'été... Ces tentations fugitives de penser à Dieu nous visitent ordinairement dans nos moments de solitude. Mais il n'y a pas de solitude plus solitaire que celle de l'homme plongé dans un profond chagrin ou confronté à la perspective de sa fin imminente. "On meurt seul", dit Pascal. C'est peut-être pour cette raison que c'est au seuil de la mort que tant d'hommes rencontrent finalement le Dieu qui les attend. Que prouvent de tels sentiments ? Absolument rien. Ce ne sont pas des preuves, ce sont des faits. Y a-t-il des preuves de l'existence de Dieu ? Pour Pascal, il était incompréhensible que Dieu existe, et il était incompréhensible que Dieu n'existe pas.
Jean-Baptiste a eu pour mission d'annoncer la venue imminente du Messie. De chaque chrétien, de chaque homme, Dieu a une idée qui lui détermine sa place dans l’Église, dans la société. On n'a pas à craindre que cette idée, qui est unique et personnelle, ne soit pas assez haute, ne soit pas assez large. Cette idée de Dieu sur les hommes est si haute qu'elle n'a été atteinte par personne si ce n'est par Marie. Réaliser cette idée qui est en Dieu, c'est le but suprême de chaque chrétien. "Que devons- nous faire pour plaire à Die ?" demandait-on à Jean-Baptiste. Qu'est-ce que Dieu attend de moi aujourd'hui et demain et après-demain ? (Avec Origène, Bernard Sesboüé, Étienne Gilson, Pascal, AvS, HUvB).
19 décembre 2010 - 4e dimanche de l'Avent - Année A
Evangile selon saint Matthieu 1, 18-24
En ce dimanche juste avant Noël, l'évangile nous dit quelle fut l'origine de Jésus Christ. Cet évangile est rempli de mystères. Faut-il s'en étonner ? Avant que Marie et Joseph commencent la vie commune, Marie fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Cela veut dire que l'enfant qui va naître vient totalement de Dieu et totalement de Marie, et que Joseph n'y est pour rien. Comment est-ce possible ? Joseph ne sait pas quoi faire. Il ne comprend pas. Et personne ne peut lui expliquer, personne ne peut lui dire ce qu'il doit faire. Et Marie non plus ne peut pas lui parler. Qu'est-ce qu'elle pourrait lui dire ? Alors c'est le ciel qui va se charger d'instruire Joseph sur la conduite à tenir. Un rêve, un songe lui donne la solution ; un ange de Dieu vient lui dire : "N'aie pas peur. L'enfant que Marie attend vient de l'Esprit Saint". L'ange n'en dit pas plus. Joseph n'a pas besoin de tout savoir pour savoir ce qu'il a à faire. Joseph comprend que tout est en ordre. Il se passe des choses étonnantes, mais maintenant il sait que Dieu est là. Alors quand Joseph se réveille, il fait ce que l'ange de Dieu lui a dit : il prend chez lui Marie, son épouse.
Joseph se trouve devant l'incompréhensible et il est invité à faire confiance à Dieu. Il pourrait dire à l'avance la prière de saint Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites : "Seigneur, prends et reçois ma liberté, ma mémoire, mon intelligence, ma volonté, tout ce que j'ai et possède. Tu me l'as donné, à toi, Seigneur, je le rends. Tout est à toi, fais-en ce que tu veux. Donne-moi ton amour et ta grâce, cela me suffit".
Il faut dire que Joseph a reçu de Dieu un cadeau merveilleux. Le ciel lui confie Marie, le ciel lui fait le cadeau de Marie. C'est un cadeau qui s'accompagne pour Joseph d'une certaine souffrance parce que tout d'abord il est très ennuyé, il ne sait pas ce qu'il doit faire. Mais c'est un cadeau merveilleux. On peut deviner qu'avant ces événements Joseph était vraiment ouvert à Dieu. Si on se tient devant Dieu, c'est toujours un événement plein de fécondité. Et cette fécondité transforme le croyant tout comme une grossesse transforme la femme. La femme qui attend un enfant, son corps est pris de plus en plus par le service de la fécondité ; elle reçoit la tâche d'être un réceptacle pour l'enfant que Dieu lui a donné. De même le croyant devant Dieu doit savoir qu'il porte un fruit qui vient de Dieu. Dieu modèle l'homme qui se tient devant lui jusqu'à ce qu'il ait l'attitude que Dieu exige de lui. Dieu demande au croyant qu'il reste ouvert à tout ce que Dieu peut lui demander. Joseph s'attendait à tout sauf à ce qui lui est arrivé. Ce qui lui est arrivé est unique dans l'histoire du monde. Pour personne la vie n'est définitivement un long fleuve tranquille.
"Quand Joseph se réveilla, nous dit notre évangile, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse". On peut être sûr qu'il y avait beaucoup d'amour entre Joseph et Marie. Dans l'amour, il y a un don de soi. Mais le don de soi est difficile. Il a dû être plus difficile pour Joseph que pour Marie. Il y a dans l'amour une dimension de sacrifice, une mort à soi-même. Et on peut penser que le sacrifice a été plus sensible pour Joseph que pour Marie. L'amour et la souffrance sont inséparables. On n'aime pas par devoir, on n'aime pas sans désir. Joseph n'aimait pas Marie par devoir. Mais on n'aime pas non plus sans savoir qu'on a un devoir envers l'autre. Joseph avait un devoir envers Marie, et Marie certainement aussi avait un devoir envers Joseph.
Dans quelque jours nous célébrerons la fête de Noël. Et pendant les quelques semaines du temps de l'Avent nous nous préparons à cette fête, entre autres manières, en parcourant l'Ancien Testament et en rendant visite au précurseur Jean-Baptiste, et à Joseph et à Marie pour une préparation plus immédiate. Toutes les étapes de la révélation biblique sont requises pour aboutir à l'incarnation de Dieu et donc aussi à la compréhension de Dieu par l'homme. (Avec Lytta Basset, Schenouda III, Antoine Vergote, AvS, HUvB).
22 décembre 2013 – 4e dimanche de l’Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 1,18-24
Marie était promise en mariage à Joseph. Et voilà que Marie est enceinte alors que Joseph n’y est pour rien. Joseph ne comprend pas. Il avait toute confiance en Marie. Mais, vu la situation, il lui semblait impossible de prendre Marie pour épouse. Marie ne lui avait rien dit. Dieu lui avait demandé ce silence. Elle, elle est la servante de Dieu, et les serviteurs ne discutent pas les ordres qu’ils reçoivent. Marie ne pouvait pas parler à Joseph. C’est le ciel lui-même qui va s’en charger. C’est un ange qui va lui dire : "Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie ; l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint".
Alors Joseph va trouver Marie de bon matin pour lui demander pardon : pardon pour avoir manqué de confiance, pour avoir manqué de charité, pour avoir accusé Marie dans son cœur, pour avoir offensé Marie par un soupçon. Mais Joseph pose quand même une question à Marie : Pourquoi ne m’as-tu rien dit et permettre ainsi que je te soupçonne ? Et la réponse de Marie : Dieu lui a demandé cette obéissance. Je suis la servante de Dieu et les serviteurs ne discutent pas les ordres qu’ils reçoivent.
Le chemin vers la sainteté est long et pénible. Joseph et Marie n’ont pas fini d’en voir ! Le signe spécifique du chemin de Dieu, c’est qu’on ne le choisit pas soi-même. Ni Marie, ni Joseph n’auraient jamais pu imaginer ce qui leur est arrivé : une semence de Dieu déposée dans le sein de Marie. Et l’eucharistie, ce sera plus tard la même chose : une semence de Dieu déposée dans le cœur des croyants dont le fruit mûrit patiemment. Qui peut comprendre ces choses ? Dieu peut atteindre son but par toutes sortes de chemins, même par ceux qui nous semblent impossibles et impraticables.
Joseph, dans son sommeil, a reçu la visite d’un ange, Marie avait avant lui reçu aussi la visite d’un ange. Et l’ange avait dit à Marie : "L’Esprit Saint viendra sur toi". Pour entendre avec justesse la parole de l’ange et le message de l’Esprit Saint, il faut toujours la volonté d’être ouvert à Dieu. C’est cette ouverture qui donne la possibilité d’entendre. Mais cela n’exclut pas la possibilité que l’Esprit Saint reste muet et ne donne pas de mission particulière.
Une mission particulière : c’est bien ce qui est arrivé à la Bienheureuse Marie de l’Incarnation. Elle est née en 1599. Ses parents la marient quand elle a 17 ans. Elle est maman à 19 ans d’un petit garçon, Claude Martin, qui deviendra moine bénédictin et un jour biographe de sa mère. Donc mariée à 17 ans, maman à 19, elle est veuve à 20 ans. Elle se révèle alors une maîtresse femme pour liquider l’entreprise de son mari, qui était au bord de la faillite, et payer les dettes.
En 1631, elle se consacre à Dieu et devient religieuse ursuline. En 1639, on l’envoie au Canada pour une première fondation féminine dans ce pays. Il faut trois mois de navigation pour y arriver. Elle restera 33 ans au cœur de la colonie naissante. Elle est là pour ceux qu’on appelait alors les "sauvages" qui habitaient les forêts : Hurons, Iroquois, Montagnais. Elle reçoit et éduque les filles de ces "sauvages". Elle construit, elle apprend leurs langues. A 65 ans, elle compose un dictionnaire : algonquin – français et français – algonquin, puis un dictionnaire iroquois. Elle a toujours vécu au milieu des tracas et des affaires. C’était le chemin de Dieu pour elle : mariée à 17 ans, maman à 19 et veuve à 20. Dieu en a fait une sainte.
"Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie". C’était le chemin de Dieu pour Joseph et Marie. Marie attend un enfant, et seule Marie sait comment cet enfant a été conçu : elle est toujours vierge. Il faut que le ciel instruise Joseph. Les paroles de Marie n’auraient pas suffi. Pendant toute le vie de Jésus, il est vraisemblable que Marie et Joseph n’en ont rien dit à personne. C’est après la résurrection de Jésus sans doute, que Marie a pu confier à l’apôtre Jean et aux autres apôtres le secret de la conception virginale. Marie et Joseph étaient les seuls à connaître le secret. Mais savaient-ils que ce Jésus était Dieu lui-même devenu homme, incarné ? Marie peut-être l’a deviné avant même la résurrection, c’est vraisemblable, mais nous n’en sommes pas sûrs.
Le chemin de Marie et de Joseph, le chemin de Marie de l’Incarnation, le chemin de chacune de nos vies : ce qui est premier dans la foi, c’est une obéissance à une lumière intérieure. La grâce, c’est un mouvement personnel de Dieu Trinité qui se penche sur chaque croyant, sur chaque personne, pour un chemin qui est toujours unique et qu’on doit découvrir pas à pas en tenant la main de Dieu. (Avec Marie de l’Incarnation, François Varillon, AvS, HUvB).
18 décembre 2016 - 4e dimanche de l'Avent - Année A
Évangile selon saint Matthieu 1,18-24
Dimanche dernier, l'évangile nous présentait la perplexité de Jean-Baptiste. Il envoyait ses disciples poser la question à Jésus : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" Le précurseur du Messie, tout d'un coup, a des doutes. Et Dieu permet ces doutes. Aujourd'hui l'évangile nous présente la perplexité de Joseph à qui Marie était promise en mariage. Avant qu'ils aient habité ensemble, Joseph se rend compte - ou on le lui apprend - que Marie est enceinte. Joseph ne comprend pas. Et le ciel n'avait pas pris soin de l'avertir. Le ciel laisse le doute s'installer dans le cœur de Joseph : il n'y comprend rien. Il avait toute confiance en Marie. Maintenant c'est le désarroi total.
Que faire ? Tout de suite Joseph sait la décision qu'il doit prendre. Et ce n'est que lorsque Joseph a bien goûté son désarroi, après qu'il a bien goûté son épreuve, qu'il a bien connu cette souffrance intérieure, c'est alors seulement que le ciel s'ouvre à lui pour lui expliquer les choses : "Joseph, ne crains pas de prendre Marie chez toi : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint". Il fallait que Joseph participe à l'avance aux souffrances de la Passion. C'eût peut-être été trop facile et trop beau de devenir simplement l'époux de Marie. Le ciel lui impose cette épreuve de ne pas comprendre.
Le mystère de l'origine de Jésus est révélé à Joseph dans un songe. C'était vraiment impossible de le deviner, de l'imaginer. Marie fut enceinte sous l'action de l'Esprit Saint : c'est une donnée de notre foi. Jésus est Dieu et homme. Jésus est Dieu : il a été conçu par l'Esprit Saint. Jésus est homme : il est l'enfant de Marie et il a été élevé par Joseph.
Tout n'est pas simple non plus pour Marie. Elle porte en elle un grand mystère et elle doit devenir quand même l'épouse de Joseph. Dans le mariage chrétien aussi il y a beaucoup d'inconnu. L'homme est aussi un mystère pour la jeune fille qui se donne à lui : elle ne voit pas totalement ce qu'elle lui donne ni ce qu'il en fera, elle sait seulement - sans le savoir - que ce qu'il fera est juste (dans la mesure où il est fidèle à Dieu).
Le ciel fait savoir à Joseph que ce qui est engendré en Marie vient de l'Esprit Saint. L'Esprit Saint est l'Acteur invisible, mais c'est l'Acteur suprême. C'est lui qui a agi en Marie dans son corps, comme il agit au fond des cœurs en respectant pleinement leur liberté. Et c'est l'Esprit Saint sans doute aussi qui a touché le cœur de Joseph pour lui faire admettre que tout était juste en Marie et qu'il n'avait pas de souci à se faire : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint.
L'homme n'est jamais vertueux une fois pour toutes. Il est toujours en mouvement de perfectionnement. On est toujours en marche vers la sainteté de Dieu. Joseph était croyant, un croyant ordinaire, un croyant plus croyant que d'autres peut-être. Mais ce qui lui est arrivé a dilaté sa foi à l'infini. Voilà qu'on vient lui dire, voilà que le ciel vient lui dire : "Ne crains pas de prendre chez toi Marie ; ce qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint". Il a fallu que Joseph soit touché aussi par l'Esprit Saint pour admettre une chose pareille.
Un saint de notre temps disait : "Je suis un grand pécheur, mais Dieu m'a pardonné. Et il m'a accordé non seulement son pardon, mais encore l'Esprit Saint. Croyez que c'est l'Esprit Saint qui témoigne de Dieu dans toutes les églises et dans mon âme. L'Esprit Saint vit sur terre dans les âmes de ceux qui aiment Dieu". L'Esprit Saint vivait en Marie d'une manière inouïe, il vivait aussi ne Joseph.
Et le même saint que je viens de citer écrivait encore : "Que le Saint Esprit dirige la barque de ton âme... Dieu ne fait aucune violence à l'homme, mais patiemment il se tient à la porte de son cœur, attendant humblement le moment où le cœur s'ouvrira à lui. Dieu lui-même cherche l'homme avant même que l'homme ne recherche Dieu... L'Esprit Saint nous rend proches parents de Dieu". On raconte qu'à l'âge de cinq ans, saint Thomas d'Aquin posait la question "Qu'est-ce que Dieu ?" L'Esprit Saint peut inspirer aussi les enfants. Comment faire pour que la Révélation puisse éclairer l'intelligence de nos contemporains ? Comment faire pour que l'amour du Père puisse se frayer un chemin vers le cœur de ses enfants ?
Au cours de ce pèlerinage qu'est la vie terrestre, l'homme est comme un peu dépaysé du monde, mais il n'est pas encore acclimaté au ciel. C'est un peu l'expérience de Joseph. Il était croyant et, à un certain moment, le ciel lui a demandé un immense pas dans la foi, et Joseph a reçu assez d'Esprit Saint pour oser faire ce pas, il a fait suffisamment accueil à l'Esprit Saint pour oser faire ce pas dans la foi. Que Joseph nous obtienne, à nous aussi, de faire dans la foi les petits pas ou les grands pas que le ciel nous demande de faire (Avec René Coste, Philippe Haddad, saint Silouane, Albert Chapelle, Cardinal Barbarin, AvS, HUvB).
18 décembre 2011 - 4e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Luc 1,26-38
Dernière étape de l'évangile avant Noël : l'annonce à Marie. Dieu lui envoie un ange. Et Marie dialogue avec l'ange. L'ange annonce à Marie qu'elle va avoir un enfant. Et il est nécessaire qu'un ange le lui dise parce que cet enfant n'aura pas de père humain. Comment est-ce possible ? Et l'ange explique à Marie que Dieu est capable de réaliser en elle cette chose impossible. L'ange explique, si l'on peut dire. Dieu est capable de certaines choses qui ne sont pas dans le cours habituel des événements. Marie, qui était très croyante, en est bien convaincue depuis toujours : Dieu est capable de certaines choses qui ne sont pas dans le cours habituel des événements. Marie ne proteste pas en disant par exemple qu'elle est indigne des faveurs de Dieu. Si Dieu le veut, elle n'a pas à réfléchir. Elle dit oui tout de suite. Oui à quoi ? Elle ne sait pas. C'est tellement mystérieux. Mais elle dit oui : Je suis la servante du Seigneur.
L'ange fut envoyé par Dieu à Marie. C'est Dieu lui-même qui assume la responsabilité de la rencontre, c'est lui qui l'organise. Marie ne peut offrir à Dieu que son vide pour qu'il y mette sa plénitude. Le dialogue de Marie avec l'ange c'est le modèle de toute prière. La prière, ce n'est pas seulement une parole adressée à Dieu. La prière, c'est en même temps, et bien plus encore, une écoute de sa parole, une disponibilité à faire ce qu'il dit. La prière n'est pas un monologue, c'est un dialogue. La prière n'est pas seulement l'expression des besoins de l'homme ; prier, c'est se tenir ouvert à tout ce que Dieu dit et à tout ce dont il a besoin. Dieu avait besoin des services de Marie et Marie lui a dit oui.
Ce dialogue de Marie avec l'ange peut aussi nous faire comprendre qu'on ne peut pas faire l'expérience de la foi si on ne conçoit pas Dieu comme un être personnel, capable d'une parole, et l'homme comme un être naturellement tourné vers Dieu. Est-il bon pour l'homme de croire en Dieu ? L'homme peut difficilement entreprendre quelque chose d'aussi raisonnable et d’aussi bon que de se relier à la science de Dieu en croyant (Saint Thomas d'Aquin). Est-il bon pour l'homme de croire en Dieu ? Personne ne peut nous obliger à croire. On ne peut pas croire sans le vouloir. "Un homme peut faire beaucoup de choses pour un autre, mais il ne peut pas lui donner la foi".
Si bien que quelqu'un peut très bien connaître parfaitement les évangiles et refuser de croire. André Gide nous donne un exemple de cette sorte de paradoxe, lui qui dit ceci : "Il y a dans les paroles du Christ plus de lumière que dans toute autre parole humaine. Ceci pourtant ne semble pas suffire pour qu'on devienne chrétien. Encore faut-il croire. Eh bien, je ne crois pas". On peut s'ouvrir à Dieu, on peut se fermer à Dieu. Newman disait : "Nous croyons parce que nous aimons". C'est pourquoi le mieux est que l'éveil à la foi se fasse en famille, le mieux est que les parents acceptent déjà de prier avec leur enfant quand il n’a que deux ou trois ans. Si cette référence à Dieu est négligée, il est évident que la foi sera un langage étranger à l'enfant de huit ans... sauf exception.
Dans son dialogue avec l'ange, à un certain moment, Marie a dit oui à ce qu'elle ne comprenait pas, mais son oui était raisonnable parce qu'elle savait que Dieu était là. Ce qui dépasse la raison, Dieu aussi peut le gérer. Il est impossible de prouver que Dieu n'existe pas. Pas plus qu'il est possible de prouver qu'il existe. Cependant il est raisonnable d'affirmer son existence. Ce qui dépasse la raison ne nie pas la raison. Tout à l'heure André Gide se mettait carrément du côté des non-croyants, tout en reconnaissant qu'il y avait dans les paroles du Christ plus de lumière que dans toute autre parole humaine. Y a-t-il des gens qui refuseront Dieu jusqu'au bout ? Nous n'en savons rien, mais c'est possible. Car si ce n'était pas possible, cela voudrait dire qu'on n'est pas réellement libre. Mais si Dieu nous demande de ne pas juger, c'est parce que nous n'avons pas en mains toutes les cartes.
Si on pensait qu'un homme peut devenir croyant en tombant amoureux ou en trouvant un ami, on se tromperait lourdement. Dans tout ce qui est chrétien, il y a aussi abnégation de soi, renoncement. Le renoncement est une donnée essentielle au christianisme, la Vierge Marie en sait quelque chose. (Avec Joseph Pieper, saint Thomas d'Aquin, Kierkegaard, André Gide, Newman, Mgr Defois, Charles Delhez, AvS, HUvB).
21 décembre 2014 - 4e dimanche de l'Avent - Année B
Évangile selon saint Luc 1,26-38
Mille ans avant le Christ, le roi David voulait bâtir une maison de Dieu, un temple. Par son prophète, Dieu annonce à David que c'est lui-même, Dieu, qui va se bâtir un temple dans la descendance du roi. Pour construire ce nouveau temple, Dieu choisit une femme pleine de grâce, Marie. Marie coopère avec Dieu pour la construction du nouveau temple. C'est l'Esprit Saint qui opère en Marie la présence du Seigneur Jésus. Marie devient le premier tabernacle du monde. C'est bien mystérieux pour Marie, ce sera bien mystérieux aussi pour Joseph. C'est bien mystérieux, mais Marie est bien consciente que Dieu lui parle. Et elle-même alors n'a plus qu'une chose à dire : "Je suis la servante du Seigneur. Que tout m'advienne selon ta parole".
Tous les croyants sont des coopérateurs de Dieu. Et tous les humains sont appelés à le devenir : c'est-à-dire croyants et coopérateurs de Dieu. Mais une marche humaine vers Dieu en ligne droite, ça n'existe pas. A certains moments, Dieu touche l'âme, comme Marie par la visite de l’ange, ou d'une autre manière, et la seule réponse possible à ce contact de Dieu, la seule réponse raisonnable, c'est celle de Marie : "Je suis la servante du Seigneur". A certains moments Dieu touche l'âme, à d'autres moments, c'est comme s'il se cachait. Mais la vie continue et il faut bien continuer à marcher en se souvenant qu'un jour on a dit : "Je suis au service du Seigneur". Toute la gloire de Jésus sera un jour de s'asseoir sur un âne : était-ce bien raisonnable ? Une marche humaine vers Dieu en ligne droite, ça n'existe pas.
Après la visite de l'ange, la vie de Marie a continué presque comme auparavant. A ce moment-là, personne n'a rien su de cette visite de l'ange, ni de la descente dans le corps de Marie de la présence de Dieu. On va en pèlerinage dans un lieu célèbre, dans une église ou une cathédrale. Mais tout pèlerinage s'oriente au fond vers le Maître du sanctuaire, jamais vers le sanctuaire lui-même, sauf si on y va simplement en touriste incroyant. Quand on se tourne vers Marie ou vers la crèche, on se tourne finalement vers celui qui habite invisiblement ce sanctuaire. Un grand croyant du XXe siècle disait un jour à Jean Guitton : "On ne risque pas de passer la mesure en louant la Vierge Marie puisqu'elle est toute humilité; les louanges que tu lui fais glissent sur elle pour ricocher sur Dieu". "Dieu a créé le monde pour trouver une mère", disait Nicolas Cabasilas vers la fin du Moyen Age. Et un homme de notre temps, parlant du Christ, disait : "Sa mère fut enceinte du Très-Haut".
L'expérience de Marie en présence de l'ange, tout chrétien la fait aussi d'une certaine manière. Mauriac écrivait à l'un de ses correspondants : "Une des exigences les plus étonnantes de notre Dieu, c'est de tout demander en demeurant caché". Marie, après sa rencontre avec l'ange, n'a pas éprouvé le besoin de raconter partout ce qui lui était arrivé. Elle n'a pas fait de grands discours sur Dieu. Et de toute façon les mots qui essaient de dire la foi chrétienne ne cernent pas la réalité divine, ils nous orientent vers elle. "Je suis la servante du Seigneur, dit Marie Que tout m'advienne selon ta parole". Marie priait certainement déjà avant sa rencontre avec l'ange.
Mais il y a des gens qui ne prient pas et qui ne vont jamais à l'église parce que personne ne les y a conduits : il se peut très bien que ces gens qui ne prient pas ont les mêmes chances que d'autres de faire la volonté de Dieu. Notre intelligence limitée ne peut percer entièrement ce qui a été conçu par le Créateur. Notre intelligence limitée ne peut percer la situation exacte devant Dieu de celui qui ne va jamais à l'église parce que personne ne lui en a montré le chemin. Tout comme notre intelligence limitée ne peut percer ce qui s'est passé entre Marie et l'ange Gabriel.
Est-ce qu'il y a encore aujourd'hui des gens qui disent : "Vous avez la chance d'avoir la foi ; moi, cela ne m'est pas venu" ? Comme s'il s'agissait d'une averse ou d'une grêle de manne : il suffirait de passer dessous ; mais ça, c'est le hasard. Les choses de la foi ne se passent pas de cette manière. On décide ou non d'ouvrir à Dieu son âme, son intelligence, son cœur. Mais il y en a qui se disent : "Et si cette âme soi-disant ouverte appelle les illusions ? Et si cette âme se nourrit de chimères ? Si elle se trompe elle-même ?" Et c'est ainsi, avec ces questions, que certains se ferment sur eux-mêmes. Comme disait l'une de nos contemporaines, assez philosophe : "Nos contemporains ont écarté les illusions religieuses pour entrer dans les illusions de la fête ininterrompue, de la récréation, de la consommation". Et elle concluait : "Fiction que ce bonheur de gadgets, d'amour sans responsabilité et de santé parfaite"... Fiction...
Marie reste éternellement la Mère de cet Enfant qui lui est venu de Dieu. Elle abrite tous les hommes maternellement dans son sein, nous restons toujours pour elle les enfants qu'elle a mis au monde dans la douleur et elle nous mettra au monde jusqu'à ce que cesse le travail d'enfantement de l’Église. (Avec Mgr Khodr, Robert Garric, Fabrice Hadjadj, Nicolas Cabasilas, François Mauriac, Gustave Thibon, Maria Simma, Chantal Delsol, AvS, HUvB).
20 décembre 2009. 4e dimanche de l'Avent - C
Évangile selon saint Luc 1, 39-45
Le dernier dimanche avant Noël, nous le passons avec Marie, la mère de Jésus. Pour elle aussi, c'est le temps de l'attente, le temps de sa grossesse. Mais ça ne l'empêche pas d'aller rendre visite, loin de chez elle, à une autre femme qui attend un enfant, sa cousine Élisabeth qui sera la mère de Jean-Baptiste.
L'enfant qu’Élisabeth porte en elle tressaille à l'approche de Jésus. Et à ce moment-là, Élisabeth elle-même est portée par l'Esprit Saint et elle devine que le Messie est venu la visiter, que Dieu est venu la visiter. Élisabeth est comme le porte-parole de son enfant : "Comment ai-je ce bonheur que la Mère de mon Seigneur soit venue jusqu'à moi !" Les deux femmes qui sont là, Marie et Élisabeth, attendent l'enfant du miracle, un enfant qu'on n'attendait pas, un enfant qu'on ne pouvait plus espérer, ou qu’on ne pouvait pas espérer de cette manière-là. Alors, elles tombent dans les bras l'une de l'autre. Elles pleurent de joie et elles remercient Dieu de ces cadeaux venus du ciel.
Dès que Marie a su par l'ange qu'elle deviendrait mère d'une manière incompréhensible, dès que Marie aussi a su par l'ange que sa cousine (sa vieille cousine, si on peut dire) attendait aussi un enfant qu'elle n'attendait plus, Marie s'est mise en route pour aller voir sa cousine, à plus de cent kilomètres de chez elle peut-être, à pied ou à dos d'âne. Marie possède la grâce de faire à chaque instant ce que la grâce lui montre et lui demande. Marie porte en elle un mystère, mais sans le connaître vraiment, sans le pénétrer vraiment. Mais pour ce qu'elle a à faire, il n'est pas nécessaire qu'elle comprenne tout. Il lui est demandé de laisser le mystère s'opérer en elle. Elle s'est mise à la disposition de Dieu quand elle a dit à l'ange : "Qu'il me soit fait selon ta parole". Elle s'est mise à la disposition de Dieu, et Dieu a disposé d'elle. Il lui suffit de comprendre et de faire ce que la grâce, à chaque instant, lui montre et lui demande. Et quelque chose de la grâce de Marie passe à tous les chrétiens s'ils disent vraiment oui à Dieu.
L'homme peut dire non à Dieu. Dieu ne dit que oui et il l'a dit aussi sur la croix. Dieu a dit oui à l'homme puisqu'il l'a créé, quand il l'a créé. Il l'a créé pour le meilleur et pour le pire. Mais le pire, il l'a pris lui-même sur la croix. Vous vous souvenez de ce mot de Jean-Paul Sartre, un homme qui avait dit non à Dieu ouvertement et dans toute son œuvre (jusqu'au bout de sa vie, on ne sait pas), Sartre qui a écrit un jour : "Si Dieu existe, l'homme n'est pas libre". En fait, c'est exactement le contraire qui est vrai : depuis que l'homme existe, c'est Dieu qui n'est plus libre. Depuis qu'il a créé l'homme, Dieu n'est plus libre de ses mouvements, si on peut dire. Dieu a assumé de devenir homme lui-même ; et sur la croix, on a bien vu qu'il n'était plus libre de ses mouvements. L'amour de Dieu pour les hommes est un amour immolé. En tout amour vrai il y a quelque chose comme ça. Tout amour vrai est un amour immolé.
Élisabeth et Marie savent juste ce qu'elles doivent savoir pour savoir ce qu'elle sont à faire et à dire. Une philosophe de notre temps, qui était arrivée aux portes de la foi chrétienne à la fin de sa vie, disait : "Le christianisme parle trop des choses saintes". Elle, la philosophe devenue croyante, craignait de souiller Dieu en le pensant mal. On ne peut pas souiller Dieu, mais on peut le souiller dans le cœur des hommes en donnant de lui une fausse image. Au concile Vatican II, il y a très longtemps déjà, c'était dans les années 1962-1965, tous les évêques du monde réunis ont signé un texte qui disait quelque chose de semblable : "Dans la genèse et la diffusion de l'athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n'est pas mince dans la mesure où, par la négligence dans l'éducation de la foi, par des représentations trompeuses de la doctrine, et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu et de la religion plus qu'ils ne le révèlent". C'est un texte très dense : on a voulu dire beaucoup de choses en peu de mots; c'est un peu indigeste... Cela vaut la peine de le relire pour commencer à l'assimiler, à le digérer.
Marie s'est offerte sans réserve à une parole de Dieu, elle s'est ouverte sans réserve au Verbe de Dieu. L'homme a été créé par Dieu pour être un auditeur de sa parole. Et l'homme alors devient vraiment ce qu'il doit être en répondant à cette parole. L'homme qui n'est pas dans l'obéissance à la parole libre de Dieu ne correspond pas à l'idée que Dieu se faisait de lui quand il l'a créé. Marie, elle, s'est ouverte sans réserve à une parole de Dieu. Que quelque chose de sa grâce se répande en nos cœurs et dans le cœur de tous les hommes. (Avec Paul Evdokimov, Simone Weil, Jean-Paul Sartre, Vatican II, AvS, HUvB).
23 décembre 2012 - 4e dimanche de l'Avent – Année C
Évangile selon saint Luc 1,39-45
Deux cousines attendent un bébé. La plus jeune, Marie, fait tout un voyage pour aller rendre visite à Élisabeth, pour qui la naissance approche. Élisabeth va mettre au monde Jean-Baptiste qui sera le dernier et le plus grand des prophètes de l'ancienne Alliance. Mais cela, Élisabeth ne le sait pas encore. Marie, elle, va mettre Jésus au monde. Que sera cet enfant ? Elle ne le sait pas non plus. Elle sait seulement qu'il vient de Dieu, et uniquement de Dieu.
Et quand les deux cousines se rencontrent, il y a un moment de grâce extraordinaire. Il y a un passage de Dieu qui les envahit toutes les deux. Elles se sentent toutes les deux baignées dans la grâce. C'est Élisabeth qui parle la première : "Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi !" Et Marie de répondre: "Le Seigneur a fait pour moi des merveilles. Saint est son nom !" Les deux femmes se sentent aimées de Dieu et elles se le disent, et cela augmente encore leur joie.
Les deux cousines ne savent pas tout, elles ne savent pas non plus tout ce qui attend leur enfant. Mais Dieu permet pour le moment qu'elles se sentent introduites dans l'amour de Dieu, c'est-à-dire dans l'Esprit Saint. Elles savent de manière élémentaire qu'elles sont aimées et qu'elles aiment. Elles n'ont pas besoin de poser de questions à ce sujet. L'Esprit Saint les remplit de sa présence. Et sa présence répond à toutes les questions qu'elles pourraient se poser.
Marie et Élisabeth étaient heureuses, chacune de son côté. Mais il y a eu un plus dans leur joie quand elles se sont rencontrées. Le philosophe nous dit : "On ne peut pas être heureux tout seul". C'est sûr qu'il y a eu un plus quand Marie et Élisabeth ont pu se dire l'une à l'autre leur bonheur. Élisabeth et Marie n'ont pas eu à réfléchir sur la manière d'engager entre elles un dialogue. Instinctivement elles savaient que Dieu ne demande qu'une chose, c'est que notre cœur soit ouvert au dialogue. Mais Dieu ne nous demande jamais d'ouvrir le cœur des autres au dialogue.
"L'être humain est un grand angoissé. Il cherche sans fin les clefs du bonheur". Pour Élisabeth et Marie, le bonheur était du côté de Dieu qui les avait comblées ; mais il était aussi dans la grâce de leur rencontre. "Le regard, c'est la certitude de l'amour".
Si la vie cesse d'être amour, elle n'est plus la vraie vie. La vie, c'est la communion ; la vie éternelle, c'est la communion avec Dieu, dès maintenant. Mais dans notre existence actuelle, dans la vie présente, l'amour implique la croix, parce qu'il y a des obstacles au don de soi dans l'amour. Nous sommes dans un monde qui est marqué par le mensonge et la trahison, par le désir de posséder et de dominer, par la haine aussi un jour et par la violence. Et alors, dans ces conditions d'existence, la croix éprouve l'amour. Dans la rencontre d’Élisabeth et de Marie, il n'y a pas encore tous ces nuages ; les nuages et les croix viendront plus tard. Par son incarnation, par sa venue dans notre monde, le Seigneur Jésus assume notre vie mêlée de croix et de mort pour nous faire participer à sa vie éternelle.
Nous allons célébrer la fête de Noël, la fête de la venue de Dieu en ce monde. Dieu devient homme et il le demeure éternellement. Par là, Dieu a ouvert à l'homme une issue vers l'infini. (Avec Aristote, les patriarches Bartholomée et Daniel, Cardinal Cottier, Karl Rahner, AvS).
20 décembre 2015 - 4e dimanche de l'Avent - Année C
Évangile selon saint Luc 1,39-45
La rencontre de Marie et de sa cousine Élisabeth, c'est Noël avant la lettre. Marie va porter son enfant encore caché à sa cousine. Et Dieu permet à la cousine de reconnaître en Marie quelque chose de divin. Jésus encore caché s'approche d’Élisabeth et Élisabeth est touchée par l'Esprit Saint de Dieu, elle dit à Marie : Tu es vraiment bénie de Dieu, tu portes Dieu en toi et Dieu te porte.
C'est la grâce qui nous est donnée à nous aussi, chaque fois que nous pouvons communier. Et nous portons Dieu en nous jusqu'à la prochaine communion. Et que dit Marie à Dieu, et que devons-nous dire à Dieu quand nous le recevons ? "Je suis la servante du Seigneur". Ou bien comme dans notre deuxième lecture d'aujourd'hui : "Mon Dieu, je veux faire ta volonté".
Mais où est-ce qu'elle est cette volonté ? Nous devons sans cesse demander à Dieu qu'il nous ouvre les yeux. Et qu'il nous donne de voir sa volonté même dans ce qui semble insignifiant dans notre vie, qu'il nous donne de nous donner à lui, et que chaque jour nous devenions plus capables de faire sa volonté. Le contraire de la volonté de Dieu, c'est toujours l'orgueil caché de l'homme. Le diable adore l'orgueil, c'est son péché mignon. Et il tient les hommes par là. Et l'orgueil peut être si bien caché que personne ne s'en aperçoit, et surtout pas celui en qui vit cet orgueil caché, c'est-à-dire en chacun de nous sans doute, dans une certaine mesure.
La vraie prière chrétienne est d'abord l'accueil de ce que nous ne pouvons pas nous-mêmes nous accorder ; la vraie prière chrétienne en ce temps de Noël, c'est de rechercher et de rencontrer celui dont nous avons d'abord à apprendre qui il est. La prière, ce n'est pas d'abord et avant tout demander quelque chose, la prière c'est d'abord chercher à nous ajuster à ce que Dieu nous a fait connaître de lui-même et de son œuvre.
Dieu n'a besoin de rien, il est au-dessus de tout, il possède tout en lui-même et il vient chercher l'homme : c'est le sens de Noël. Quel que soit le péché ou l'infidélité de l'homme, c'est toujours Dieu qui fait et refait le premier pas, qui invite au dialogue quand nous l'avons interrompu. Et la prière, c'est toujours ça aussi : reprendre ou continuer le dialogue.
Jean Guitton, le philosophe et académicien, avait plus de quatre-vingt ans ; on l'interroge sur sa foi chrétienne. Et il disait entre autres choses : "Je trouve que la première communion représente vraiment un moment mystérieux, solennel, dans la vie d'un homme, puisque c'est la première fois qu'il a un contact avec ce qui est essentiel, à savoir Dieu ; mais Dieu comme vivant en lui, lui-même vivant en Dieu". C'est aussi l'expérience vivante de Marie dans l'attente de la naissance. Et du temps de la jeunesse de Jean Guitton, il y avait une prière avant la communion qui disait : "Venez habiter en moi, afin que que je demeure en vous" (parce qu'à cette époque-là on vouvoyait le Bon Dieu). C'est une bonne prière, encore pour aujourd'hui, et pas seulement au matin de la première communion.
Dans la préparation à Noël, l’Église nous met aujourd'hui, par l'évangile, en communion avec Marie. Dans la société humaine, la femme représente le cœur maternel de Dieu. Elle incline à faire prévaloir des relations d'amour sur les rapports de force. La femme est toujours la première à reconnaître en son sein la présence d'un nouvel être humain, qu'elle offre à la reconnaissance et à l'accueil des autres, et d'abord du père. Et c'est là que le théologien de l’Église ajoute : "Les lois autorisant la femme à avorter détruisent dans la femme ce qui est l'essence même de la féminité : la tendresse maternelle".
La femme de lettres et académicienne se pose un autre genre de question. Elle nous dit : "Pour être très honnête, je dois même dire que moi, une femme, il m'arrive de chercher dans les livres à mieux comprendre cet être si étrange auquel je ne cesse d'avoir à faire et qui est l'homme... Comment peut-on être homme ?" En ces jours de préparation à Noël, il nous faut penser plutôt à demander à notre Mère du ciel quelque chose du regard qu'elle avait sur son Fils Jésus.
Terminer avec l'un de nos anciens dans la foi, il y a très longtemps, saint Grégoire de Nysse, qui écrivait : "Voici qui serait digne d'une longue recherche : comprendre comment vient celui qui est toujours présent ?" (Avec René Marlé, Jean Guitton, Michel Schooyans, Jacqueline de Romilly, Michel Viot, saint Grégoire de Nysse, AvS).
TEMPS DE NOËL ET DE ÉPIPHANIE
25 décembre 2009 - Noël
Évangile selon saint Jean 1, 1-18
Les évangiles de saint Matthieu et de saint Luc commencent par le récit de l'annonce et de la naissance de Jésus : c'est Bethléem et la crèche et les bergers et les anges. Saint Jean, qui a écrit son évangile longtemps après les autres, suppose que ses lecteurs connaissent tout ça : et la crèche et les bergers et les anges. Lui, saint Jean, avec les autres apôtres bien sûr et les premiers chrétiens, a eu le temps de réfléchir à tous ces événements à la lumière de toute la vie de Jésus et de sa mort et de sa résurrection.
Qu'est-ce que c'est donc que cet enfant qui est né un jour à Bethléem dans une crèche ? Cet enfant vivait depuis toujours auprès du Père, il vit auprès du Père depuis les éternités. Sur terre, cet enfant a reçu, par ses parents, le nom de Jésus. Mais auprès du Père, quel nom lui donner ? Quel était son nom ? Son nom propre, c'est qu'il est le Fils. Mais de plus, c'est ce Fils qui a révélé le Père, c'est ce Fils qui a parlé au nom du Père ; ce Fils, c'est Dieu qui a parlé, il est la bouche du Père invisible, la voix du Père invisible, la Parole du Père. En latin, la parole, ça se dit verbum; alors on a décalqué le mot verbum et on l'a traduit par le mot français Verbe, avec un V majuscule. Le Fils unique du Père invisible, Dieu tout-puissant, s'est fait homme ; la Parole de Dieu, le Verbe, s'est fait homme.
Pourquoi Dieu a-t-il eu l'idée de devenir homme ? Pour nous inonder de sa lumière. Pour nous donner accès à son monde lumineux. Pour nous donner une deuxième vie, plus grande et plus profonde que notre vie terrestre. Il nous fait la grâce de pouvoir devenir enfants de Dieu, la grâce d'avoir auprès de Dieu notre patrie définitive, notre chez-nous définitif, notre maison éternelle.
Dieu, le Père invisible, personne ne l'a jamais vu. Le Fils unique, qui vit auprès du Père depuis toujours, a quitté le Père pour venir nous visiter et nous introduire avec lui auprès du Père. Nous sommes destinés à appartenir à Dieu totalement, nous sommes destinés à être possédés par lui. Comment fait-on quand on voudrait beaucoup aimer quelqu'un ? Il y a une sainte qui disait un jour : "J'espère que le Bon Dieu sent que je l'aime". Dieu, le Père invisible, nous a envoyé son Fils, par amour, à nous qui sommes innombrables. Dieu seul peut nous avoir tous pour ses enfants.
Le dessein de Dieu, le dessein du Fils de Dieu, c'est que tous les humains soient sauvés : c'est infiniment mystérieux et impénétrable. C'est quoi être sauvé ? C'est le royaume de Dieu, c'est être auprès du Père. Pour nos Pères dans la foi, le royaume de Dieu, c'est la connaissance amoureuse de Dieu Trinité. Et la Trinité, c'est la communion.
Dès la période de ses origines, le christianisme s'est présenté comme une révélation qui ouvre sur une compréhension nouvelle de Dieu et du monde. Et cette compréhension nouvelle, c'est qu'on peut parler avec Dieu en toute confiance. Newman, cet Anglican du XIXe siècle qui s'est converti au catholicisme, qui a été choisi comme cardinal par le pape de l'époque, qui sera peut-être un jour canonisé, Newman priait comme ceci : "Je ne veux rien, sinon parler avec toi, juste pour parler. Je souhaite entretenir avec toi une communion consciente".
Et l’Église, la communauté des disciples de Jésus, l’Église qui a été voulue par le Seigneur Jésus, est le signe de Dieu planté dans notre société qui veut se passer de Dieu. L’Église et les chrétiens sont là comme des signes de Dieu pour livrer au monde le mystère du Christ, pour inscrire dans nos sociétés oublieuses le mystère de Dieu qui s'est fait homme.
Qu'est-ce que c'est que Noël ? Noël : il y a ceci de nouveau parmi les hommes, c'est que l'un d'entre eux est Dieu. Pascal disait que Jésus Christ est venu dans l'obscurité, il est venu dans une obscurité telle que les historiens, qui n'écrivent que les choses importantes des États, l'ont à peine aperçu.
La Parole du Dieu invisible qui nous est venue par Jésus Christ concerne tous les humains. Il fait partie de la révélation venue par Jésus Christ que tout homme est déjà foncièrement rejoint par sa grâce. Tout homme, même l'incroyant, est un homme aimé de Dieu, capable de répondre au "Dieu inconnu". Le croyant, le messager de la foi parmi les incroyants, doit prendre au sérieux ses partenaires en les considérant comme des frères dans le Christ. Tous se rencontrent sous le regard du Seigneur et Juge qui leur est commun. Et celui qui est croyant doit toujours se dire aussi qu'une parole de Dieu peut l'atteindre même par son frère non croyant. (Avec Paul Evdokimov, Mgr Dagens, Newman, François Varillon, AvS, HUvB).
25 décembre 2010 - Noël
Evangile selon saint Jean 1,1-18
Saint Jean ne commence pas son évangile par tout ce qui a entouré la naissance de Jésus, et la crèche et les bergers, comme le font les évangélistes saint Matthieu et saint Luc. Saint Jean a écrit son évangile longtemps après les autres et il n'éprouve pas le besoin de redire ce qui est connu par ailleurs. Saint Jean commence son évangile par un prologue où il essaie de dire ce qu'il a compris du mystère de Jésus. Depuis toujours, Jésus était auprès de Dieu. Tout a été créé par lui. En lui était la vie. Et il était aussi les lumière des hommes. Et au moment voulu par Dieu, il est venu dans le monde. Personne n'a jamais vu Dieu, mais lui, Jésus, qui était auprès du Père depuis toujours, nous l'a fait connaître.
En ce jour de Noël, l'évangéliste saint Jean dirige notre attention au-delà du petit enfant de la crèche. Dieu est présent dans cet enfant comme il est présent dans l'hostie de nos eucharisties. Parce que Jésus vient de Dieu, pour tout homme il est la vraie lumière. Mais tout de suite saint Jean nous avertit que tout le monde n'a pas fait bon accueil à l'Envoyé de Dieu, au créateur du monde. Et l'histoire continue : tous les hommes n'ont pas encore reconnu l'origine divine de Jésus.
Plus loin dans l'évangile, Jésus dira un jour : "Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé", c'est-à-dire Dieu, le Père invisible. Et Jésus avait ajouté : "Si quelqu'un veut faire la volonté du Père, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de moi-même". (Jn 7,17). Dieu donne réponse à qui le cherche vraiment. Il ne faut pas fermer la porte à l'imprévu de Dieu, il ne faut pas fermer les yeux à la lumière de Dieu qu'on a pu entrevoir un jour. Nous sommes invités à marcher selon la parole de Dieu qu'on a entendue. Peu importe le moment où on l'a entendue... comme la femme enceinte n'a pas besoin de savoir quand exactement elle est devenue enceinte, mais elle doit simplement s'adapter à la vie qui grandit en elle. Et de même le croyant doit se laisser transformer par la parole qu'il a reçue en lui et qui l'a touchée.
La foi est un don de Dieu, mais on ne peut pas croire sans raison. Tout le monde n'a pas été convaincu par Jésus durant sa vie terrestre. Même ceux qui ont été témoins de ses miracles n'ont pas tous été convaincus qu'il y avait en lui une présence de Dieu. Les miracles les plus éclatants ne convainquent jamais celui qui ne veut pas être convaincu. "Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu". Jésus vient de l'infini de Dieu. Par Jésus, Dieu s'est rendu accessible aux humains. Dieu a pris forme humaine. Selon toutes les apparences, Jésus était un homme comme un autre ; mais qu'un homme comme un autre puisse être perçu comme Dieu en personne, jamais chose pareille ne s'était produite. Jésus est le seul homme qui ait revendiqué d'être l'égal de Dieu. Il est aussi le seul Dieu humilié de l'histoire. Il est le seul aussi auquel des disciples rendent ce témoignage : "Dieu l'a ressuscité d'entre les morts".
L'homme n'a pas seulement besoin de pain, il a aussi besoin de sens. Dieu souhaite donner sa vie en partage. Et pour cela Dieu crée la terre par désir de l'homme. Nous sommes des êtres dont la destinée est d'éternité. Nous ne sommes pas des êtres pour la mort, comme le disent certains philosophes de notre temps, nous sommes des êtres pour la vie. Et le premier devoir des chrétiens n'est pas simplement de moraliser le monde. Le prologue de l'évangile de saint Jean n'est pas d'abord une leçon de morale. Il appelle tous les hommes à recevoir du Seigneur Jésus la lumière et la vie. La peur ne doit pas être à l'origine de la religion.
De quoi le monde d'aujourd'hui doit-il être sauvé ? Il doit être sauvé d'être sans Dieu, d'être sans destin, d'être sans au-delà, d'être seul. Dieu s'est fait homme. C'est l'affirmation centrale du message chrétien. Pour toutes les autres religions, une telle affirmation n'est pas soutenable, c'est totalement absurde. "Dieu s'est fait homme" : cette affirmation sépare radicalement le christianisme de toutes les autres croyances du monde. Mais pour nous, c'est central : Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. (Avec Lytta Basset, Marie-Christine Bernard, Mgr Léonard, Adolphe Gesché, AvS, HUvB).
25 décembre 2011 - Noël
Évangile selon saint Jean 1, 1-18
Le jour de Noël, trois messes sont prévues : la première à minuit, la deuxième, c'est la messe de l'aurore, la troisième, c'est la messe du jour, celle que nous célébrons en ce moment. Au monastère, ces trois messes sont toujours célébrées, avec cette particularité que la messe de minuit, au lieu de commencer à minuit, se termine vers minuit.
Pour chacune de ces trois messes, les lectures bibliques sont différentes. A minuit et à l'aurore, nous lisons le récit de la naissance de Jésus selon l'évangéliste saint Luc : c'est l'arrivée de Marie et Joseph à Bethléem. "Pendant qu'ils étaient là, arrivèrent les jours où Marie devait enfanter. Elle mit au monde son fils premier-né, elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune". Et puis il y avait des bergers dans les environs. Un ange rempli de lumière les avertit d'une naissance extraordinaire à Bethléem. Jusqu'ici, c'est la messe de minuit.
A la messe de l'aurore, les bergers se mettent en route vers Bethléem. "Ils découvrirent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire". Et les bergers repartirent, ils glorifiaient Dieu pour tout ce qu'ils avaient vu et entendu.
Maintenant, avec la messe du jour, changement de décor pour l'évangile : première page de l'évangile de saint Jean, saint Jean qui nous plonge dans le mystère de Jésus, qui est le mystère de Dieu. Dans tout l'Ancien Testament Dieu a parlé aux hommes par des prophètes. Maintenant il nous a envoyé son Fils qui est infiniment plus grand que tous les hommes de Dieu des temps passés. Tellement grand que le monde a été fait par lui. Dieu, personne ne l'a jamais vu, mais on peut dire que ceux qui ont vu Jésus ont vu Dieu, le Père invisible.
Dans chacune des pages de l'évangile il nous faut découvrir comment Jésus nous parle de l'incompréhensible. La charité, dit saint Paul, l'amour, excuse tout, espère tout, croit tout. La foi ne redoute pas de s'expliquer avec l'incroyance puisque, dans celui qui ne croit pas, la foi reconnaît aussi celui qui pourrait croire. L'être humain peut se fourvoyer tant qu'il voudra, il ne peut renier ce qu'il est vraiment : un être créé à l'image de Dieu, un être tourné vers l'éternité.
Il nous faut sans cesse purifier les idées que nous nous faisons de Dieu, des idées qui ne sont souvent que le reflet de certains rapports sociaux. Dieu n'est pas un maître, il ne domine pas. Dieu est le libérateur, non pas le dominateur. Dieu est attiré par un autre, Dieu aspire à un amour partagé et il attend la réponse de l'homme. Les non croyants, les gens sans Dieu, ont raison de protester contre les fausses images de Dieu. Dieu n'est pas un monarque absolu, c'est un Amour crucifié. Saint Jean vient de nous le dire de manière voilée : Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu.
Le christianisme ne peut être utile à aucune époque, ni par conséquent à la nôtre, s'il n'apporte pas au monde ce que lui seul peut lui apporter, c'est-à-dire le lien avec la puissance infinie de Dieu devenu homme ; et lui-même Jésus, Dieu devenu homme, est en communion avec le Père et l'Esprit Saint dans la Trinité de Dieu.
Le christianisme est - ou devrait être toujours - la religion de la liberté. Dieu lui-même est infiniment tolérant envers le mal qui existe dans le monde. Il supporte les plus grands malfaiteurs au nom de la liberté. Ce n'est pas par besoin que Dieu a amené à l'existence ses créatures. C'est pour que ses créatures soient heureuses d'avoir part à sa vie, et pour se réjouir lui-même de la joie de ses créatures quand elles puisent inépuisablement à l'Inépuisable.
Ne cherchons pas Dieu dans la lune, alors qu'il est en train de nous laver les pieds. C'est la totale impuissance du calvaire qui révèle la vraie nature de la toute-puissance de l’Être infini. L'humilité de l'amour donne la clef : il faut peu de puissance pour s'exhiber, il en faut beaucoup pour s'effacer. Dieu est infiniment riche : mais riche en amour, pas en avoir. Le tout de l'amour, c'est le renoncement à l'indépendance. A la limite, c'est le calvaire, c'est la mort.
Jamais nous n'aurions pu parvenir jusqu'à la vie intérieure de Dieu s'il n'avait voulu nous l'ouvrir par sa Parole, pour autant qu'il veut nous y introduire et nous y associer. (Avec Nicolas Berdiaev, Dumitru Staniloae, saint Maxime le confesseur, François Varillon, Louis Bouyer, AvS).
25 décembre 2012 – Noël
Évangile selon saint Jean 1,1-18
Depuis très longtemps dans l’Église, on célèbre trois messes le jour de Noël avec trois évangiles différents. Durant la nuit, l'évangile est celui de la naissance de Jésus. Joseph et Marie arrivent à Bethléem pour une histoire de recensement. Et c'est là, à Bethléem, qu'arrivèrent les jours où Marie devait enfanter. L'évangile dit simplement : elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
L'évangile de la messe de l'aurore - qui a été célébrée ce matin à l'abbaye -, c'est la visite des bergers à l'enfant qui vient de naître. En pleine nuit, des anges avaient annoncé à ces bergers une naissance extraordinaire dans la ville de Bethléem. Aussitôt les bergers se rendent à Bethléem et ils découvrent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Et les bergers retournent à leurs moutons en remerciant Dieu de tout ce qu'ils avaient vu et entendu.
Et maintenant, pour la troisième messe de Noël, la messe du jour, c'est saint Jean qui réfléchit au mystère de Noël, saint Jean, le disciple bien-aimé de Jésus, qui écrit longtemps après les événements et qui est le plus profond des quatre évangélistes.
Ce qui distingue le christianisme des autres religions, c'est l'incarnation, c'est le mystère de Noël. Dieu ne s'est pas seulement révélé du haut de son ciel lointain, il est venu sur terre, il s'est fait homme. La toute-puissance de Dieu est si grande qu'il a aussi le pouvoir de renoncer à en faire usage, et d'entrer dans le monde des hommes, comme un homme ordinaire parmi les hommes. Mais Dieu ne renonce jamais à quelque chose que pour donner. Par l'incarnation, il renonce pour un temps à sa toute-puissance pour introduire toute l'humanité dans sa vie divine.
Dès la première page de son évangile, saint Jean nous dit son étonnement du fait que les chefs juifs, et beaucoup de juifs à leur suite, refusent le mystère de la naissance de Jésus : "Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu". Plus loin dans son évangile, saint Jean nous dira les pensées des chefs juifs : "Ce Jésus, nous connaissons son père et sa mère. Comment peut-il dire maintenant qu'il est descendu du ciel ?"
Du moins les chefs juifs du temps de Jésus croyaient en Dieu. Aujourd'hui, beaucoup de gens non seulement refusent de croire à la divinité de Jésus, ils refusent aussi de croire en Dieu. Mais ils se posent quand même des questions : Est-ce que Dieu existe ? Qui est-il ? A quoi sert-il ? Qu'avons-nous à faire avec lui ? Tous ceux qui se posent la question de Dieu ont forcément une certaine idée de Dieu... Dieu : c'est ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de plus redoutable, de plus respectable, de meilleur, de plus digne d'amour, de plus désirable...
Les gens donc se font une certaine idée de Dieu. Un peu comme dans l'Ancien Testament. Dans l'Ancien Testament, Dieu était le maître souverain qui punit les méchants et comble les justes de biens. Dans le Nouveau Testament, Dieu se révèle comme un bébé dans une mangeoire, et puis plus tard comme un homme qui meurt sur une croix. C'est ce que saint Paul appelle le scandale de la croix. La foi en Jésus nous maintient sur les traces de Dieu.
L'évangile apporte non seulement un enseignement nouveau, mais il raconte surtout un événement inouï, un bouleversement cosmique survenu dans une lointaine province de l'empire romain ; cet événement, c'est la résurrection des morts. Cette Bonne Nouvelle, qui dépassait toute compréhension humaine, ne pouvait être annoncée en toute vérité que par ceux qui l'avaient eux-mêmes vue et entendue, et plus tard par ceux à qui ces témoins l'avaient transmise. C'est pourquoi quand il a fallu trouver un remplaçant à Judas pour compléter le nombre des douze apôtres, on a choisi un disciple qui avait accompagné Jésus tout le temps que le Seigneur Jésus avait vécu au milieu des douze apôtres, depuis le baptême de Jean-Baptiste jusqu'au jour de l'Ascension, pour être témoin avec eux de sa résurrection.
C'est quoi Noël ? Dieu s'est laissé voir, toucher, entendre. On n'a jamais fini de demander à Dieu de nous faire comprendre ce que nous devons comprendre de ses mystères, comme il veut et quand il veut. Mais il faut le lui demander.
La réponse à la question du sens de l'existence ne peut provenir que du Dieu vivant, et de manière totalement imprévisible... Le plus invraisemblable de tout, c'est que Dieu ne donne pas la réponse du dehors et d'en haut ; il n'est pas le juge qui trône et regarde le jeu du monde. Il est réellement un acteur qui entre presque incognito sur la scène, qui non seulement désire éprouver la finitude avec ses heurs et ses malheurs, mais qui veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort. Si cela est, l'existence n'aura pas à se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids. (Avec Guy Baret, Joseph Moingt, Alexandre Schmemann, Vincent Holzer, AvS, HUvB).
25 décembre 2013 – Noël
Évangile selon saint Jean 1,1-18
Nous célébrons la fête de Noël, la fête de la naissance de Jésus. Pourquoi c'est une fête si importante pour les chrétiens ? Nous, les chrétiens, nous croyons en Dieu, comme le croient aussi les Juifs et les musulmans. Mais ce qui distingue les chrétiens des autres croyants, c'est qu'ils croient de toutes leurs forces, de toute leur âme, de tout leur cœur, de toute leur intelligence, (ils croient fermement) que Dieu est devenu homme, que Dieu a voulu devenir homme, qu'il a voulu naître d'une femme (comme dit saint Paul), et donc qu'il est né petit enfant, comme tous les enfants qui viennent au monde.
Pour les Juifs, pour les musulmans, c'est impossible : Dieu est trop grand. Il ne peut pas devenir homme, il ne peut pas devenir petit bébé. Et nous chrétiens, nous croyons cette chose invraisemblable depuis deux mille ans. C'est le fondement de notre foi : Dieu est devenu homme. Et pas n'importe comment ; il n'est pas né dans un palais royal., il est né dans une étable. L'évangile de la messe de minuit racontait cela dans les termes les plus simples.
Marie et Joseph avaient dû se rendre à Bethléem pour se faire inscrire lors d'un recensement de la population de tout l'empire romain. Marie était enceinte, et pendant qu'ils étaient à Bethléem elle a mis son fils au monde. Elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Donc une naissance du Fils de Dieu dans l'obscurité la plus complète, personne n'est au courant sauf Marie et Joseph.
Mais le ciel lui-même s'occupe de faire connaître l’événement en pleine nuit à des bergers des environs. C'est un ange de Dieu qui va leur annoncer la nouvelle. Et l'ange invite les bergers à aller à Bethléem pour y chercher l'enfant. C'est très facile à trouver, dit-il : l'enfant est couché dans une mangeoire, ce n'est pas tous les jours qu'on voit ça. Mais ça n'effraie pas les bergers : un agneau dans une mangeoire, ils ont déjà vu. Et de fait les bergers vont bien à Bethléem, ils y découvrent Marie et Joseph, avec un nouveau-né couché dans une mangeoire. Ils offrent à Marie quelques petits cadeaux et deux peaux de mouton pour que le bébé ne prenne pas froid dans sa mangeoire : une peau de mouton sous le bébé et une par dessus. Les bergers s'en vont et ils se font un plaisir de raconter à tout le monde ce qui leur est arrivé : cet ange tout rempli de lumière en pleine nuit, cette grande nouvelle qu'il leur a dite et puis vraiment un bébé dans une mangeoire. Ils ne sont pas fous, les bergers, ils n'ont pas eu la berlue. Peu importe qu'on les croit ou qu'on ne les croit pas : eux, ils ne peuvent pas ne pas dire ces choses invraisemblables qui leur sont arrivées, des choses qui leur ont causé un immense bonheur. Il y a eu un passage de Dieu dans leur vie, c'est clair et net. Ils retournent ensuite à leurs moutons, mais avec le Bon Dieu dans leur cœur.
Dieu est toujours disponible. Celui qui prie sait que Dieu est toujours disponible. Le royaume de la prière est toujours ouvert. Et si le croyant cesse sa communication avec Dieu, c'est lui, le croyant, qui en est responsable. Ce n'est pas Dieu, qui est toujours disponible. L'homme peut refuser la prière comme il peut refuser la nourriture. La prière, c'est ce qui nous procure le pain de Dieu. L'âme qui ne prie pas, elle est pareille à un corps qui meurt faute d'aliments. Le pain de Dieu est toujours offert. Dieu ne claque jamais la porte au nez de celui qui frappe. Celui qui possède une maison paternelle mais qui n'y va jamais ne peut prétendre être orphelin. Dieu est là à toute heure pour accueillir son enfant. Dieu met en tout homme le désir de ce qui est bon, le désir de ce qui est beau et vrai. Mais l'homme peut fermer son cœur.
Un grand historien français de notre temps, qui était en même temps un vrai croyant, a écrit beaucoup de livres d'histoire, que je n'ai pas lus, et aussi deux ou trois livres où il a essayé de dire pourquoi il était croyant et en quoi il croyait. C'est toujours intéressant d'aller voir ce que disent ces gens-là, d'aller voir ce qu'ils disent de leur foi avec toute leur culture humaine d'hommes d’aujourd’hui. Nous célébrons Noël, un bébé dans une crèche. Que va devenir cet enfant ? Que nous dit notre historien ? "Dieu est beaucoup plus grand aujourd'hui qu'hier". Pourquoi ? A cause de la fantastique magnitude prise par l’œuvre du Créateur (à cause des fantastiques dimensions prises par l’œuvre du Créateur) : des millions et des milliards d'étoiles ou de galaxies. Et donc Dieu est beaucoup plus grand encore aujourd'hui qu'hier, à la lueur de l'accablante prise de conscience de son infinie grandeur. Dieu si grand, Dieu si proche...
L'un de nos Pères dans la foi, au début du christianisme, a donné un jour une définition assez curieuse de Dieu, mais qui est en même temps très biblique. Donc ce très vieux chrétien disait, à propos du Père des cieux : "Nul n'est plus mère que Dieu". Le Père des cieux est plus mère que toutes les mères. Et même pour Marie, la mère de Jésus, le Père des cieux est plus mère qu'elle. Marie aussi doit se blottir dans les bras de Dieu.
Qu'est-ce que c'est que Noël ? C'est Dieu qui rompt son silence, c'est Dieu qui se met à parler et qui ouvre ses profondeurs au regard de l'homme qu'il a créé. (Avec Jean-Paul II, Pierre Chaunu, Origène, AvS, HUvB).
25 décembre 2014 - Noël
Évangile selon saint Jean 1,1-18
Trois messes sont prévues dans les missels pour le jour de Noël : la messe de la nuit, la messe de l'aurore et la messe du jour. Dans les monastères, ces trois messes sont célébrées à l'heure voulue : la nuit, l'aurore et le jour. A la messe de la nuit et à la messe de l'aurore, les évangiles racontent la naissance de Jésus à Bethléem : et la mangeoire et les bergers et les anges, et Marie et Joseph ; Marie qui retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
A la messe du jour que nous célébrons en ce moment, c'est l'évangéliste saint Jean qui réfléchit sur le mystère de la naissance de Jésus. Saint Jean écrit son Évangile longtemps après les événements : il connaît toute la vie de Jésus et aussi sa mort et sa résurrection. Quand le Fils de Dieu est devenu homme, il ne s'est pas manifesté dans le fracas du tonnerre. Il s'est fait petit enfant, née d'une mère humaine. Et pourtant depuis toujours il était auprès de Dieu, et il était Dieu. Il est devenu semblable à nous, il s'est fait chair, pour que nous puissions devenir semblables à lui, c'est-à-dire enfants de Dieu. Il a eu comme nous une mère charnelle qui l'a nourri de sa chair et abreuvé de son lait. Il a vécu au milieu de nous, humain parmi les humains. Mais il était le Verbe, la Parole de Dieu, et il est resté le Verbe. Il s'est communiqué à nous. Il était à la fois charnel et spirituel. L'eucharistie dans notre vie est le souvenir permanent de cette incarnation.
Il a habité parmi nous. Il est comme le fils d'un riche employeur qui s'offrirait à habiter avec les plus pauvres ouvriers de son père afin de vérifier si, avec ce salaire et ces conditions de vie, on peut réellement joindre les deux bouts. Le Seigneur Jésus met son héritage en dépôt auprès du Père si bien que, sur la croix, il ne saura même plus qu'il en possède un, il renonce à l'exercice de sa divinité. Il n'emporte pour la route que ce que nous aussi nous possédons par sa grâce : la foi, l'amour et l'espérance. Il vit chez nous, dans les mêmes conditions que nous. Et il fournit la preuve que c'est possible : qu'on est capable de mener une vie chrétienne en ce monde-ci, avec ses limites, ses obscurités et la mort. Il nous montre que, dans le cercle fermé de notre existence, on peut mener une vie ouverte à Dieu, où on attend tout de Dieu seul.
Les chrétiens ont construit des églises depuis toujours et, à Noël, ils fabriquent des crèches depuis longtemps. Ce n'est pas que Dieu réclame un logis quelconque, lui qui demeure dans une lumière inaccessible. Mais Dieu infini prend pitié de nos limites et il permet qu'on édifie pour lui une église ou une crèche, qu'on édifie pour lui un logis limité dans l'espace. Et Dieu donne sa bénédiction à ce logis : "Mes yeux et mon cœur y seront pour toujours". Ses yeux y seront pour que l'homme se souvienne que Dieu le voit. Son cœur y est pour que l'homme y ressente de manière particulière la présence et l'amour de Dieu. L'une des préfaces communes de la messe dit ceci à Dieu : "Nos chants n'ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi". De même pour nos églises et nos crèches : elles n'ajoutent rien à Dieu, mais elles peuvent nous aider à nous rapprocher de lui.
Ce qui distingue radicalement les chrétiens des juifs et des musulmans, c'est que les chrétiens soutiennent mordicus depuis deux mille ans que Dieu s'est fait homme, que Dieu s'est incarné, que Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme. Pour les juifs et les musulmans, c'est impossible, Dieu est trop grand, Dieu est inaccessible. Pour les juifs, il est même interdit de prononcer son nom. Dieu est au-delà de tout ce qu'on peut voir, entendre, dire et penser. Pour nous chrétiens, Dieu aussi demeure toujours insaisissable même quand nous communions, même quand nous adorons le Seigneur Jésus comme Dieu. Dieu demeure toujours insaisissable. Mais Dieu s'est révélé de manière unique en devenant homme. La révélation de Dieu nous illumine de son mystère. L'accueil en nous de ce mystère, c'est la foi.
Noël, c'est comme si le Christ, au moment de sa naissance, s'était déshabillé de sa divinité. (Avec Philarète de Moscou, Georges Cottier, Philippe Haddad, Georges Lauris, AvS).
25 décembre 2015 – Noël
Évangile selon saint Jean 1,1-18
La messe que nous célébrons en ce moment est la troisième de ce jour de Noël. L'évangile de la messe de minuit racontait la naissance de Jésus à Bethléem, et qu'il avait fallu le coucher dans une mangeoire. A la deuxième messe de ce jour de Noël, la messe de l'aurore, l'évangile raconte la venue des bergers à la crèche, des bergers qui, en pleine nuit, avaient été avertis par un ange d'une naissance extraordinaire et l'ange avait invité les bergers à aller voir le nouveau-né : c'est facile à trouver, il est couché dans une mangeoire. Et puis troisième messe de Noël, la messe du jour, que nous célébrons en ce moment. Alors, là, pour l'évangile, changement de décor : on n'est plus à la crèche auprès du nouveau-né ; saint Jean, dans cet évangile que je viens de lire, essaie de nous dire ce que cette naissance à Bethléem a d’inouï, d'extraordinaire.
Sur le coup, cette naissance n'avait rien d'extraordinaire : un homme et une femme pauvres obligés de mettre leur bébé dans une mangeoire ! Saint Jean met la dernière main à son évangile vers la fin de sa vie. Il a tout connu de la vie publique de Jésus, il a vu sa mort sur la croix et, avec les autres apôtres, il a vu plus d'une fois Jésus vivant, ressuscité, Jésus qui leur apparaissait par-delà la mort. De plus, après la mort de Jésus, saint Jean a vécu de longues années après de Marie, la Mère de Jésus ; et alors il a certainement appris beaucoup de choses sur Jésus qui ne sont pas consignées dans l'évangile. L'essentiel de ce que saint Jean a compris et qu'il nous communique par tout son évangile, c'est que Jésus était Dieu, et qu'il l'était dès son berceau, dès sa mangeoire.
Et que nous dit alors cet enfant-Dieu dans sa mangeoire ? Il nous dit : "N'ayez pas peur de Dieu". Le Tout-Puissant peut se faire tout petit pour bien montrer qu'on ne doit pas avoir peur de lui. Il est le Tout-Puissant, c'est sûr, mais pas un Tout-Puissant pour écraser le petit. Il est le Tout-Puissant qui vient dire au petit que le petit a de la valeur à ses yeux, qu'il est grand à ses yeux.
Et le tout petit du premier jour dans la mangeoire, il va devenir un homme célèbre dans son pays, un homme qui faisait beaucoup de miracles pour guérir les gens ; des foules se pressaient autour de lui, on voulait au moins toucher son manteau, comme pour être touché par la grâce qui sortait de lui. Il attirait les foules, il était grand, il était célèbre. Et il a fini tout petit sur une croix, condamné à mort comme un malfaiteur, méprisé par les autorités religieuses de son peuple. Et les foules ne savaient plus que penser. L'évangile d’aujourd’hui résume d'un mot le destin de Jésus : il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu.
Lui, le Dieu tout-puissant et infini, il est venu dans son peuple, il est venu dans l'humanité qu'il avait créée, et les hommes l'ont rejeté, ils l'ont tué, mais il est vivant par-delà la mort. Saint Jean peut le dire avec les autres apôtres : "J'en suis témoin". Et saint Jean conclut : Personne ne peut voir Dieu. personne n'a jamais vu Dieu. Mais lui, Jésus, qui était depuis toujours auprès du Père tout-puissant et invisible, lui, Jésus, il est devenu homme pour nous faire connaître le Père, pour nous faire comprendre l’amour du Père pour les hommes, pour nous faire comprendre aussi qu'en tout homme il y a quelque chose qui provient de Dieu, qu'il y a en tout homme quelque chose du mystère de Dieu, et c'est pour cela que tous les hommes doivent s'aimer. Lui, Jésus, le Fils unique de Dieu, nous a fait connaître Dieu en vérité. Lui, il est le Fils unique, et nous, nous venons immédiatement après lui, si nombreux que nous nous croyons innombrables, et pourtant Dieu nous connaît tous et chacun par notre nom, malgré notre multitude. L'amour de Dieu nous atteint tous, quelles que soient nos dispositions.
Il y a une présence continue de Dieu à toute notre vie, à tous les hommes. Un grand priant de notre époque citait à ce propos une sentence (bien connue) d'origine arabe : "Une fourmi noire sur une pierre noire dans la nuit noire, Dieu la voit". Et dès les premières pages de la Bible, il nous est dit : "Marche avec Dieu", comme Hénoch, marche en la présence de Dieu. Et la Lettre aux Hébreux continue : "Celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent".
Dans l'Ancien Testament, dans l'ancienne Alliance, il est expressément interdit de se fabriquer une image de Dieu. On ne peut pas imaginer Dieu, on ne peut pas se représenter Dieu. Fabriquer une image de Dieu reviendrait à fabriquer une image de soi-même. Dans le christianisme, on représente le Christ en croix, on représente l'enfant Jésus dans la crèche. Mais dans le christianisme, ces représentations renvoient à l'infini de Dieu. Quand on prie l’enfant Jésus de la crèche, on s'adresse à la Trinité infinie de Dieu, qui est sortie d'elle-même dans l'incarnation. Comme disait l'un de nos Pères dans la foi, il y a très longtemps : "A Noël, Dieu nous a fait l'aumône de son Fils". (Avec Jacques Loew, saint Jean Chrysostome, AvS, HUvB).
25 décembre 2016 – Noël
Évangile selon saint Jean 1,1-18
Saint Jean introduit son évangile par cette sorte de poème grandiose sur la véritable origine de Jésus. Oui, Jésus est né dans une étable et, à sa naissance, il a été placé dans une mangeoire. Mais il était Dieu auprès de Dieu, le Père invisible. Il est venu dans l'humanité pour nous dire Dieu. Il est venu habiter parmi nous. Il est venu nous montrer le chemin qui conduit à Dieu. Mais l’évangéliste nous dit tout de suite aussi qu'il y a dans tous les humains une part de ténèbres, il y a dans tous les humains une difficulté à accueillir la vraie lumière.
Dieu a préféré se montrer sous les traits d'un petit enfant plutôt que dans le fracas du tonnerre. Dieu a préféré se montrer sous les traits d'un petit enfant, il a préféré apparaître plus aimable que redoutable, pour inspirer confiance. A Bethléem, tout se passe dans le silence et l'effacement. Et les premiers à être avertis que Dieu est né, ce sont des bergers ; ils sont avertis qu'ils doivent trouver quelque part à Bethléem un nouveau-né couché dans une mangeoire. Ce sont des bergers qui sont les premiers avertis de la naissance du Sauveur de toute l'humanité. Il est le Sauveur, mais le Sauveur de quoi ?
En célébrant la naissance de Jésus, nous célébrons aussi tout son mystère, toute sa vie. Et nous savons comment elle s'est terminée : sur la croix. Nous savons déjà qu'il a pris sur lui nos péchés sur la croix ; et en prenant sur lui nos péchés, il nous a séparés nous-mêmes de nos péchés pour que nous puissions nous approcher de Dieu sans qu'il ait quelque chose à nous reprocher. "Quand tu présentes ton offrande à l'autel, si là tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère (et avec Dieu), puis reviens, et présente ton offrande".
Par sa naissance en ce monde, Dieu est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Dès la première page de son évangile, saint Jean évoque la résistance à Dieu qui se trouve chez les hommes. Notre Église n'est pas un rassemblement de purs, mais une communauté de pécheurs, c'est-à-dire de gens qui luttent intérieurement contre le mal qui les sollicite.
Interviewé à la TV, un homme de notre temps, écrivain bien connu, disait ceci : "Je suis agnostique, ce qui veut dire que je ne sais pas. Il y a des gens qui savent que Dieu existe et il y a des gens qui savent que Dieu n'existe pas. Moi, comme la majorité des gens, je ne sais pas. Je constate que Dieu, qui a régné durant des millénaires, ... a passé un mauvais quart d'heure depuis le XIXe siècle et jusqu'à aujourd'hui encore. Je trouve que l'athéisme est magnifique. J'admire les hommes et les femmes qui ne croient pas en Dieu et qui font le bien, car tout de même les chrétiens, les musulmans, les juifs... attendent une récompense dans l'autre monde. Les athées qui ne croient en rien et qui font du bien, je pense que ce sont ceux-là qu'on devrait d'abord faire asseoir à la droite de Dieu auquel ils ne croient pas". Le chrétien qui rapporte les propos de cet agnostique ajoute ceci comme commentaire : "Faire le bien et être ouvert à la possibilité d'un Dieu vaut mieux qu'asséner sans charité sa foi et se comporter comme un malpropre".
Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de croire : aucune preuve scientifique ne vient étayer la foi et l'espérance chrétiennes. Nous avons seulement une humble certitude intérieure, mais une humble certitude intérieure qui a parfois toute la clarté de l'évidence. Mais autre chose est d'essayer de faire partager à d'autres cette certitude intérieure : nous sommes les témoins fragile d'une foi fragile. Mais Dieu a certainement mille manières d'agir dans nos vies, et beaucoup échappent à nos regards. Celui qui n'a jamais entendu parler de Dieu et qui avance dans la droiture, le service et l'humilité vit une existence humaine admirable. Et comme au soir de notre vie nous serons jugés sur l'amour, nul doute que cette personne sera accueillie dans le paradis.
L’Église tout entière a conscience d'être dépositaire d'un trésor qui la dépasse de toute part : le trésor de la révélation de Dieu transmise de génération en génération et qui a sa norme dans l’Écriture. Beaucoup de gens croient à l'astrologie, aux signes du zodiaque, à l'horoscope, sans parler des voyants, des médiums et des cartomanciennes. Il est désolant de voir ces gens s'égarer n'importe où alors qu'ils pourraient trouver dans les Écritures et toute la tradition chrétienne la Parole qu'ils recherchent et que nous n'aurons jamais fini d'explorer et de comprendre. Il est normal que les gens soient préoccupés par le sens de leur vie et par leur avenir, et ils ont raison parce que c'est un grand mystère. Mais qu'ils n'imaginent pas trouver une réponse éclairante chez des charlatans qui profitent de la crédulité générale pour s'enrichir, qu'ils n'imaginent pas trouver une réponse sûre chez des charlatans qui peuvent dire des choses justes parce qu'ils ont une espèce de pacte avec le diable, et le diable sait beaucoup de choses.
Nous célébrons aujourd'hui la naissance en ce monde du Fils de Dieu. La pensée ultime du Créateur et aussi sa pensée première, quand il envisagea de créer le monde et l'homme, ce fut de rassembler tous les êtres terrestres et célestes sous un seul Chef, le Christ, sous une seule tête, son Fils Jésus Christ. Pour Dieu, créer l'homme, c'est se pencher avec un amour personnel sur cette créature nouveau-née pour lui insuffler cet amour et susciter sa réponse, un peu comme fait une mère : par la force personnelle de son cœur, elle éveille dans son enfant une réponse d'amour, c'est une véritable création. (Avec Bienheureux Guerric d'Igny, Jean d'Ormesson, Olivier Le Gendre, Cardinal Barbarin, AvS, HUvB).
26 décembre 2010 - Fête de la Sainte Famille - Année A
Évangile selon saint Matthieu 2,13-15.19-23
Saint Matthieu nous raconte la fuite forcée en Égypte de Joseph, Marie et Jésus, à cause de la violence meurtrière d'Hérode. Une fois encore, c'est dans un songe que Joseph est averti de ce qu'il doit faire. C'est un ange qui avertit Joseph : "Fuis en Égypte avec l'enfant et sa mère parce que Hérode recherche l'enfant pour le faire périr". Et puis quand le danger est passé, parce que Hérode est mort, c'est un ange encore qui fait savoir à Joseph qu'il peut rentrer dans son pays.
Dieu a bien des manières de communiquer avec nous. Il peut envoyer un ange, pas seulement il y a deux mille ans en Palestine. En notre siècle encore il est arrivé qu'un ange communique avec des humains. Mais Dieu n'est pas obligé d'envoyer un ange pour nous dire ce qu'il faut faire. On peut se sentir poussé à faire quelque chose dans le sens de Dieu. On n'y pensait pas du tout auparavant. Et tout d'un coup on se sent poussé à faire quelque chose qu'on n'imaginait même pas. Et par la suite, on se dit qu'il y avait vraiment là le doigt de Dieu.
Dans l'évangile d'aujourd'hui, Joseph ne dit pas un mot, Marie non plus, et Jésus non plus. Il n'y a que l'ange qui parle. Joseph agit. Il fait ce que l'ange lui a suggéré. Et il le fait tout de suite. Joseph est averti la nuit dans un songe, et tout de suite, de nuit, il se lève et part en Égypte avec l'enfant et sa mère. Cela nous signale que si nous vient à l'esprit l'idée de faire quelque chose selon Dieu, il ne faut pas remettre au lendemain. Joseph n'a pas discuté avec l'ange. D'avance il s'était mis à la disposition de Dieu. Dans toute vie chrétienne, il y a des appels de Dieu. Si on ne répond pas la première fois, les appels suivants seront toujours plus faibles : on sera devenu un peu sourd. Ou bien on n'entendra plus rien à cause du bruit de nos soucis et de nos affaires.
Dans l'Ancien Testament, dans l'ancienne Alliance, Dieu a parlé aux hommes par les prophètes. Mais Dieu parle toujours aussi aux hommes par l'intermédiaire de leur conscience. Et enfin Dieu nous a parlé par son Fils qui est plus grand que tous les prophètes. Aucun être humain, aucune religion ne pouvait imaginer le mystère que nous célébrons à Noël : que ce petit enfant de la crèche est le Fils de Dieu. Aucune religion n'avait inventé cela, aucun homme n'avait découvert cela, c'est Dieu qui l'a révélé. Et si Dieu ne l'avait pas révélé, nous ne pourrions pas le savoir, nous ne pourrions pas y croire. On pourrait dire que la plus grande preuve de la toute-puissance de Dieu, c'est qu'il a pu se faire aussi petit enfant.
L’Église alors, c'est la réunion de ceux qui ont reçu la révélation du but ultime de la vie et qui ont accepté cette révélation. L’Église, c'est la réunion de ceux qui suivent le Seigneur Jésus dans sa marche vers le Père, dans son ascension vers le Père. L’Église, c'est la réunion de ceux qui font de cette ascension la destinée de l'homme. La marche vers Dieu est déjà commencée. Et la messe, c'est le rassemblement de ceux qui vont rencontrer le Seigneur Jésus ressuscité. Le Seigneur Jésus est devenu invisible, non pas parce qu'il est mort, mais parce qu'il est ressuscité et qu'il appartient à un monde qui, temporairement, est caché pour nous.
Dans notre évangile d'aujourd'hui il n'y a que l'ange qui parle. Marie, Joseph et Jésus sont tout à fait silencieux. Mais Dieu agit. C'est dans le silence que Dieu fait entendre ses appels. Et ces appels revêtent toutes les formes possibles, douces ou cruelles : les hasards, les joies, les douleurs, les choses dures et aussi les inspirations. Et quand l'homme se met à la recherche de Dieu, il y a bien longtemps que Dieu est à sa recherche. (Avec Christoph Schönborn, Alexandre Schmemann, Paul Evdokimov, AvS).
29 décembre 2013 – Fête de la Sainte Famille - Année A
Évangile selon saint Matthieu 2,13-15.19-23
Depuis la naissance de Jésus dans une sorte d’étable, du temps s’est écoulé. On a eu le temps de trouver une maison. Et tout de suite Joseph s’est mis à exercer son métier de charpentier. Jésus a un an peut-être, Joseph fait un rêve. Et il comprend qu’il faut partir tout de suite avec l’enfant et sa mère. Pourquoi ? Parce que le roi Hérode a appris par les mages qu’un roi était né à Bethléem. Alors Hérode veut éliminer ce concurrent possible à la royauté. Et donc le ciel avertit Joseph qu’il faut partir tout de suite avec l’enfant et sa mère.
En pleine nuit, Joseph réveille Marie et lui dit de préparer le coffre et d’y mettre tout ce qu’elle peut y mettre. Il faut emporter le plus de choses possibles. A l’aube, nous fuyons. Je t’expliquerai plus tard. C’est pour Jésus. Un ange m’a dit : "Prends l’enfant et sa mère… Ne perds pas de temps…" Prends le plus de choses possibles, nous devons rester longtemps au loin. Avec les cadeaux des mages, Joseph a pu acheter différentes choses, des outils de charpentier et aussi trois ânes. Le plus solide des ânes, on le charge de tous les bagages possibles. Il y a un âne pour Marie et l’enfant. Et puis Joseph attache son âne à celui qui porte les bagages et lui-même tient la bride de l’âne de Marie.
La fuite commence quand Bethléem dort encore tranquillement, inconsciente de ce qui l’attend. Et ce qui l’attend justement, c’est la colère d’Hérode. On ne lit jamais le dimanche dans évangile ce qui s’est passé à Bethléem après le départ de Jésus, Marie et Joseph. Le roi Hérode fut pris d’une violente colère. Il envoya tuer à Bethléem et dans tous les environs tous les enfants de moins de deux ans, d’après la date qu’il s’était fait préciser par le mages. Qu’est-ce que cela veut dire ? Dès son plus jeune âge, Jésus, on n’en veut pas. Pour différentes raisons. Hérode craignait pour son trône. Plus tard, ce seront les chefs religieux du peule juif.
Le péché affaiblit notre capacité de recevoir la lumière de Dieu. Ou bien on ne la voit plus, ou bien on la voit autrement qu’elle est. Ou bien on la voit, mais aussitôt on ferme les yeux pour ne plus devoir la voir parce que cette lumière est incompatible avec notre péché. Le péché a changé l’œil spirituel de l’homme. Maintenant on doit lutter pour rester dans la lumière, la lumière de la foi. La lumière a le pouvoir de rendre présent à tout instant l’absolue actualité de Dieu. Ce n’est pas un simple souvenir, ce n’est pas quelque chose de théorique. Il suffit d’un contact avec la lumière de Dieu – par la prière, la lecture de l’Écriture ou par tout autre document qui nous parle de Dieu – pour qu’on soit touché immédiatement et directement pas la lumière de la vérité, par la lumière de Dieu. A plus forte raison quand nous recevons la communion, nous entrons en contact avec la lumière de Dieu.
Et le rôle de l’Église, son devoir, sa tâche, c’est d’éclairer l’univers entier de la lumière qu’elle a reçue il y a deux mille ans en Palestine, sur les bords de la Méditerranée. Cette lumière a déjà touché depuis longtemps tous les pays du monde. Mais la lumière peut être là dans notre pays, et on peut fermer les yeux pour ne pas voir la lumière. Ce que nous fêtons en ce temps de Noël, c’est la toute-puissance de Dieu qui s’est anéantie librement en devenant un simple membre de l’humanité. Dieu renonce par là à toute puissance et surtout à toute volonté de puissance. Il s’est anéanti lui-même pour prendre la forme d’un serviteur, comme dit saint Paul.
Le christianisme a deux mille ans. Ce n’est pas deux mille ans de silence de Dieu. Mais on peut aussi se boucher les oreilles pour ne rien entendre. En présence des prophètes, en présence des hommes de Dieu, il y a trois jugements possibles : ou bien on estime que ces hommes ont dit la vérité ; ou bien on pense qu’ils ont délibérément inventé une histoire ; ou bien on se dit qu’ils ont été victimes d’une illusion. Autrement dit, ce que les croyants estiment être une Révélation de Dieu proviendrait soit d’une confusion mentale ("ils sont un peu dérangés"), soit d’une intention volontaire de tromper les gens, soit d’un fait réel.
Les hommes de Dieu n’ont jamais cherché à acquérir par eux-mêmes le don de prophétie. La révélation dont a bénéficié un prophète lui est toujours survenue contre son gré. Pour le prophète Isaïe, la perception de Dieu fut une aventure vécue dans le trouble. Il disait : "Malheur à moi ! Je suis anéanti, car mes yeux ont vu le Roi". Moïse, lui, se voilait le visage, tellement il redoutait de regarder Dieu. Quand Dieu appelle les prophètes, souvent les prophètes se récusent, ils résistent, ils demandent qu’on les laisse en paix : "Seigneur, je t’en supplie, envoie quelqu’un d’autre". C’est la résistance des prophètes qui leur permet de dire en toute sincérité : "Ce n’est pas moi qui parle, c’est Dieu : ainsi parle le Seigneur".
Aucun prophète n’a désiré être prophète. Le curé d’Ars se jugeait indigne d’être curé, même au fin fond de sa campagne. Et il lisait dans les cœurs. Marthe Robin, notre contemporaine, était prophète tout au fond de son lit de paralysée pendant cinquante ans. Elle aussi, elle voyait des choses que personne ne voyait. Jeanne d’Arc, une fille qui n’avait pas vingt ans, le ciel lui demande des choses invraisemblables et elle les fait envers et contre tout.
Joseph dormait bien tranquillement et le ciel lui demande de prendre la route sans tarder avec Marie et l’enfant. Joseph et Marie vivaient dans la lumière de Dieu. Dieu est lumière, le péché est ténèbres. Marie et Joseph étaient plus proches de la lumière que du péché. En Dieu, il n’y a pas dé ténèbres. Et dans le péché il n’y a pas de lumière. Les saints de l’Église ne peuvent aider les autres (et l’Église) à porter leur fardeau que dans la mesure exacte où ils sont eux-mêmes séparés du péché et où ils vivent dans la lumière. (Avec Paul Evdokimov, Abraham Heschel, AvS, HUvB).
28 décembre 2014 - Fête de la Sainte Famille - Année B
Évangile selon saint Luc 2,22-40
Dans cette scène de la présentation de Jésus au temple, l’évangéliste nous parle des parents de Jésus, il nous parle de son père et de sa mère, il ne signale même plus qu’ils s’appellent Marie et Joseph. Jésus entre au temple pour la première fois, porté par ses parents.
Et là, au temple, c’est l’Esprit Saint qui a organisé la réception. Il y a d’abord Syméon dont on nous dit que l’Esprit saint était sur lui. Et c’est l’Esprit Saint qui le pousse à aller au temple justement ce jour-là quand Jésus y arrive. Il prend l’enfant dans ses bras, ce qui n’était pas prévu, et l’Esprit Saint lui fait comprendre que cet enfant, que rien ne distinguait des autres, serait la lumière du monde et la gloire de son peuple.
Et par le hasard de Dieu, voilà qu’arrive une vieille femme qui a deviné aussi par l’Esprit Saint que cet enfant aurait un destin exceptionnel, et elle le dit à tout le monde. Puis après avoir accompli les rites prescrits, Jésus, dans les bras de ses parents, dans la maison de ses parents. Il n’y a pas eu de miracle dans le temple. Mais il y a eu une présence silencieuse de l’Esprit qui a touché le cœur d’Anne et de Syméon pour leur permettre de voir en cet enfant dans les bras de ses parents une présence de Dieu.
Un jour, bien plus tard, dans la synagogue de Capharnaüm, des juifs murmurèrent contre Jésus parce qu’il avait dit : "Je suis le pain descendu du ciel". Les juifs disaient : "Ce Jésus, c’est le fils de Joseph, nous connaissons son père et sa mère, qu’est-ce qu’il vient nous dire qu’il est descendu du ciel ?" Et Jésus leur avait répondu : "Ne murmurez pas entre vous. Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire". Quand on vient au Fils, c’est en raison d’un désir du Père qu’on aille vers lui, et d’un désir que le Père a mis en nous par son Esprit Saint. Dieu peut nous attirer à lui par la pensée, la prière et l’action.
Deux personnes reçoivent Jésus dans le temple : Joachim et Anne. Ils étaient proches de Dieu par le cœur et Dieu pouvait leur parler. Ils étaient croyants et ils vivaient les préceptes de l’Ancien Testament, par exemple ceux-ci : "Puisses-tu écouter Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux. Écoute, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dis aujourd’hui restent gravées dans ton cœur. Tu les répétera à tes fils, tu les diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout" (Dt 6,3-7).
Syméon et Anne sont attirés invisiblement au temple pour rencontrer Jésus qui y vient pour la première fois. Les deux, Syméon et Anne, vers la fin de leur longue vie de fidélité, jouissaient de la consolation de l’Esprit Saint. Saint Ignace, le fondateur des jésuites, disait : "J’appelle consolation toute augmentation d’espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle et attire aux choses célestes et au bien propre de l’âme, en la reposant et en la pacifiant dans son Créateur et Seigneur". La rencontre de Syméon et Anne avec Jésus a été un instant de lumière.
Et ensuite c’est la vie quotidienne qui reprend, la vie quotidienne avec ses questions insolubles. Une espèce de sage qui se trouvait en captivité en Allemagne pendant la guerre 39-45, avec Jean Guitton, lui disait un jour : "Vous trouverez quelque fois, dans votre vie, des questions insolubles. Ce sont des questions qu’il faut confier entièrement, totalement, absolument à Dieu… L’insoluble, c’est la part du divin dans notre vie et le moyen par où nous pouvons nous rattacher immédiatement à Dieu".
L’évangéliste nous dit qu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans Anne servait Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Saint Augustin disait : "Ton désir, voilà ta prière, et si ton désir est continuel, ta prière l’est aussi… Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer". La prière peut ainsi courir discrètement à travers toutes sortes d’activités. Tout être humain est aussi un être vertical. Il est référé à quelque chose qui le dépasse. Et Dieu demande à tout être humain d’aller à sa recherche avec toute son intelligence. La raison humaine est un chemin vers la communion avec Dieu.
Pour les hommes sans Dieu, pour les philosophes sans Dieu d’hier et d’aujourd’hui, la raison humaine remplace la foi chrétienne, la raison humaine qu’ils considèrent comme la mesure complète et exclusive de la connaissance. Pour ces philosophes, la raison est ce que la grâce est pour les chrétiens… La grâce qui pousse Syméon et Anne au temple pour rencontrer Dieu.
L’esprit de l’homme est attiré par un pôle supérieur. La créature spirituelle sait qu’elle doit s’élever en répondant à un appel d’en haut. Finalement l’attitude fondamentale de l’être créé, c’est le désir, l’aspiration vers Dieu. Mais c’est Dieu qui prend l’initiative, pleinement libre, de donner la réponse à la question nostalgique de l’homme. La réponse dernière de Dieu s’appelle Jésus-Christ. Mais que cette Parole de Dieu puisse être crucifiée, c’est ce que personne n’aurait jamais été capable d’inventer. Alors la multitude le repousse : non seulement cette réponse de Dieu est inattendue, mais de plus elle est indésirable, c’est un scandale et une folie. (Avec saint Ignace, Jean Guitton, saint Augustin, Guy Coq, Gérard Siegwalt, Patriarche Daniel, AvS, HUvB).
27 décembre 2009 - Fête de la Sainte Famille Année C
Évangile selon saint Luc 2, 41-52
Cet évangile, c'est une belle histoire que nous connaissons bien : Jésus qui a douze ans est comme perdu par ses parents et il est retrouvé. Cela nous dit quelque chose des mystères de Dieu et aussi de chacune de nos vies. On retrouve Jésus dans le temple. Il a quand même douze ans, Jésus, déjà, l'âge de la profession de foi aujourd'hui. Je connais un certain nombre de prêtres et d'évêques qui, à douze ans, savaient déjà qu'ils voulaient devenir prêtres. A douze ans, on sait ce qu'on fait quand même.
On retrouve Jésus dans le temple, occupé à parler avec les docteurs de la loi, les spécialistes de la religion ; ils étaient peut-être intéressés d'avoir devant eux un garçon si éveillé et un garçon qui s'intéressait déjà tellement aux choses de la religion, aux choses de Dieu. Jésus est comme chez lui dans le temple. Il est comme chez son Père. Mais il y a des choses qu'on ne comprend pas bien dans cet évangile : pourquoi Jésus n'a-t-il rien dit à ses parents ? Et Jésus s'étonne qu'on se soit fait du souci pour lui. "Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que c'est chez mon Père que je dois être ?" Chez mon Père, c'est-à-dire dans le temple, le temple qui est la maison de Dieu. "Ne saviez-vous pas ?" Eh non ! Marie et Joseph ne savaient pas .
Mais pourquoi Jésus n'a-t-il rien dit avant ? Toute la scène se termine dans la paix. Jésus repart avec ses parents et on nous dit qu'il leur était soumis. Alors pourquoi cet épisode où Jésus disparaît pendant trois jours ? Cela donne à réfléchir. Sa mère gardait tout cela dans son cœur. Non pas sur le cœur, mais dans son cœur. La naissance de Jésus, c'était pour elle un très grand mystère. Cette disparition de Jésus pendant trois jours : encore quelque chose qu'elle ne comprend pas. Mais elle devine, elle sait que Dieu est là. Cela ne veut pas dire que tout est facile. Encore et toujours, elle doit apprendre à faire confiance à Dieu. Cette disparition de Jésus pendant trois jours lui révèle au fond quelque chose de Dieu. Elle découvre un peu plus qu'elle doit toujours rester vigilante, à l'écoute de la voix de Dieu ; elle découvre que Dieu peut lui imposer une souffrance, comme celle de la perte de son enfant pendant trois jours. A l'horizon : souffrir avec son Fils sur la croix, pendant trois jours, avant le jour de Pâques. Mais cela, elle ne le sait pas encore.
Jésus était resté au temple parce qu'il trouvait son bonheur en Dieu. C'est quoi un homme ? C'est quelqu'un qui est destiné à trouver son bonheur en Dieu. Marie pouvait comprendre ces choses. Notre ultime demeure est en Dieu. Comme disait le P. Radcliffe, "si nous nous arrachons à nos lits et à nos maisons le dimanche matin, c'est parce qu'ils ne sont pas notre demeure finale". Le P. Radcliffe est un Anglais. Notre ultime demeure est en Dieu. Dieu Trinité est la demeure finale de l'humanité.
La disparition de Jésus pendant trois jours fait entrer Marie un peu plus dans le mystère de Dieu, elle ne sait pas tout de Dieu ni des chemins de Dieu. Il faut qu'elle apprenne. Nos Pères dans la foi disaient : "Nous ne pouvons pas connaître Dieu tel qu'il est , mais seulement ce qu'il n'est pas". Et nous, aujourd'hui, nous devons sans cesse nous libérer de nos fausses idées de Dieu. La foi, c'est un voyage dans l'obscurité où l'on détruit les idoles. Et en s'approchant du mystère de Dieu, on entrevoit aussi notre propre mystère. Dieu m'appelle par mon nom. Ce que je crois, c'est que je suis quelqu'un que Dieu appelle par son nom.
"Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce". Jésus, comme tout enfant authentiquement humain a eu besoin de l'appel d'une mère pour s'éveiller à la conscience de lui-même et pour entrer dans la vie en toute sécurité. L'éveil de l'enfant ne s'accomplit que par la sollicitation de quelqu'un qui, par ses soins, son amour, son sourire, démontre à l'enfant qu'il y a en dehors de lui un monde auquel il peut se fier. Jésus a eu besoin de tout cela de la part de Marie et de Joseph pour qu'il prenne conscience un jour de sa mission de Fils du Père. (Avec Timothy Radcliffe, AvS, HUvB).
30 décembre 2012 - Fête de la Sainte Famille – Année C
Évangile selon saint Luc 2,41-52
Notre évangile d'aujourd'hui nous rapporte la première parole de Jésus qu'on ait gardée : "Ne le saviez-vous pas ? C'est chez mon Père que je dois être". Et la dernière parole de Jésus sur la croix sera : "Père, entre tes mains, je remets mon Esprit".
Ce qui est étonnant dans l'évangile d'aujourd'hui, c'est que Jésus n'ait rien dit à Marie et à Joseph : il est resté à Jérusalem alors que ses parents retournaient à Nazareth avec tout un groupe de connaissances et de pèlerins. Cela veut dire aussi qu'on laissait à Jésus une certaine liberté de manœuvre parmi les parents et connaissances. Pour Marie et Joseph, il était évident qu'ils allaient retrouver Jésus le soir quand on ferait halte pour la nuit. Cela s'était toujours passé comme ça, on n'avait pas de souci à se faire.
Et justement, ce premier soir, alors que Jésus avait déjà douze ans, on ne retrouve pas Jésus à la halte du soir. Évidemment quand Marie et Joseph retrouvent Jésus dans le temple à Jérusalem au bout de trois jours, Marie ne peut pas ne pas poser la question : "Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Cela fait trois jours qu'on te cherche". Et c'est alors que Jésus répond : "Ne saviez-vous pas que c'est chez mon Père que je dois être ?" Et le temple justement, c'est le lieu de la présence de Dieu. Marie dit à Jésus : Ton père et moi, cela fait trois jours que nous te cherchons. Et Jésus répond en parlant de son Père du ciel : C'est chez mon Père que je dois être.
Pour Marie et Joseph, pendant trois jours, il y avait une montagne qui avait soustrait Jésus à leurs regards. Il peut y avoir un jour quelque chose de cela dans notre vie de foi. Pendant un jour ou trois jours ou de longs jours, il peut y avoir une montagne qui soustrait Dieu à nos regards, et on peut se demander alors où est Dieu. Où est notre foi ? Dieu n'a pas épargné à Marie et à Joseph ces trois jours d'épreuve. Pourquoi ?
Nous sommes invités à voir tous les événements de notre vie dans leur relation avec Dieu. Pour Dieu, tout est cohérent, même si nous, nous ne le voyons pas aujourd'hui. Dans la vie de Jésus lui-même, Dieu va pour ainsi dire aussi se cacher derrière un nuage ; lors du sacrifice de Jésus sur la croix, le Père s'est comme retiré, pour que toute la lumière du salut brille sur le Fils.
Dieu nous fait confiance dans notre cheminement personnel ; il nous fait des suggestions en certaines circonstances, mais sans décider pour nous. Si Jésus est resté trois jours à Jérusalem à l'insu de ses parents, cela devait avoir un sens dans le plan de Dieu : pour Marie et Joseph sans doute, pour les docteurs de la Loi aussi avec qui l'enfant Jésus discutait, et pour Jésus lui-même.
L'un de nos contemporains, dans un tout autre contexte, disait : "Aimer quelqu'un, ce n'est pas l'épuiser (ce n'est pas le connaître à fond), c'est au contraire le laisser être dans son mystère. Cela s'apprend douloureusement". Et il ajoutait - ce qui convient tout à fait à notre évangile d'aujourd'hui - : "Ce qu'il y a de plus profond dans la vie, c'est le rapport à Dieu". (Pour tout dire, notre contemporain qui disait cela le disait à propos de Luther et d'Érasme. On était donc à cent lieues de notre évangile d'aujourd'hui).
Marie et Joseph ont dû apprendre ce jour-là à laisser leur enfant aller vers le Père. Une psychanalyste de notre temps n'a révélé qu'à l'âge de la retraite sa foi chrétienne et ça a interloqué profondément tous ses collègues psychanalystes et sans Dieu ; cette personne donc, Françoise Dolto, ne s'accrochait pas à ses patients, elle se réjouissait au contraire de les voir s'en aller si c'était justement pour eux le signe de leur liberté retrouvée. Apprendre à laisser aller...
Jésus était heureux de rester dans le temple, parce que là, il était chez son Père. Jésus était rempli de l'Esprit Saint dès ce moment-là aussi. L'existence de l'Esprit dans notre cœur fait qu'il y a en nous une sympathie quasi naturelle pour Dieu et le monde spirituel. Au contraire, pour le pécheur, Dieu est une terre inconnue. Le pécheur a le cœur insensible à Dieu, il a le cœur aveugle. Le but de la vie chrétienne, c'est d'entrer dans la sphère de l'Esprit de Dieu pour avoir le sens de la vérité de Dieu, pour se laisser attirer par le bien voulu par Dieu, pour percevoir la beauté du monde de Dieu à venir.
Pécheur ou pas gros pécheur apparemment, tout homme est déjà foncièrement rejoint par la grâce du Christ, du moins par l'offre de sa grâce. Cet homme que je rencontre, tout homme, même l'incroyant, est un homme aimé de Dieu, capable de répondre au "Dieu inconnu". Le messager de la foi parmi les incroyants doit prendre au sérieux ses partenaires en les considérant comme frères dans le Christ. Tous se rencontrent sous le regard du Seigneur et du Juge commun. C'est pourquoi le chrétien doit rester conscient que, dans les autres points de vue, il y a aussi une part de vérité, mais que la vérité chrétienne est toujours plus grande que ce qu'il peut en saisir. Et donc que le jugement de Dieu peut l'atteindre même par son frère non croyant. (Avec Guy Bédouelle, Françoise Dolto, Thomas Spidlik, AvS, HUvB).
27 décembre 2015 - Fête de la Sainte Famille - Année C
Évangile selon saint Luc 2,41-52
L’évangéliste saint Luc est le seul à nous avoir gardé cet épisode de l'enfance de Jésus. Jésus est un bon fils, soumis à ses parents. Pourquoi ne leur a-t-il rien dit à la fin du pèlerinage à Jérusalem ? On est comme Marie, sa mère, on ne comprend pas. Pendant trois jours, Jésus est comme perdu pour les siens. Quelque vingt ans plus tard, Jésus à nouveau sera comme perdu par les siens. Il était parti sans espoir de retour puisqu'il était mort. Et on l'a retrouvé vivant au bout de trois jours; il s'est manifesté comme étant vivant par-delà la mort. Jésus est ressuscité des morts le troisième jour. Dans notre évangile d'aujourd'hui, c'est au bout de trois jours que ses parents le retrouvent dans le temple. Pourquoi ce silence de Jésus à douze ans ?
Quand Jésus, plus tard, parlera aux foules, il leur dira un jour : "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres" (Jn 8,12). Quand Jésus avait douze ans, ses parents ont été plongés dans la nuit pendant trois jours, trois jours d'angoisse. Toutes nos nuits, comme nos péchés, tout est finalement dans la lumière. Mais quand on est dans la nuit, on peut se demander parfois s'il y a encore de la lumière quelque part. Dieu permet que les croyants soient parfois dans la nuit. La lumière va revenir, mais Dieu sait quand ! Et ça ne dure pas que trois jours parfois. Ça peut être beaucoup plus long.
Ma mort, c'est la mienne. Personne ne pourra la vivre à ma place, je serai seul à l'affronter. Prier, c'est se savoir dépendant, c'est recourir à plus fort que soi, c'est s'abandonner à plus fort que soi. Les orgueilleux ne peuvent pas prier. Jésus est comme perdu pendant trois jours. Marie et Joseph le cherchent de toutes leurs forces et dans l'angoisse. Et Jésus leur est rendu au bout de trois jours. L'évangile ne parle pas de la prière de Marie et de Joseph pendant ces trois jours. Ils recherchaient Jésus de toutes leurs forces, mais en s'abandonnant en même temps entre les mains de Dieu.
Cette nuit de trois jours apprend un peu plus à Marie et à Joseph à s’abandonner entre les mains de Dieu. Cette nuit de trois jours a fait grandir encore la foi de Marie et de Joseph. Nous avons reçu la foi au baptême, sans le savoir, pour la plupart d'entre nous. Nous avons tous à passer d'une foi reçue à une foi approfondie. On a toute la vie pour progresser.
Il y a des Noëls païens ou pagano-chrétiens comme il y a des dimanches pagano-chrétiens. Il faut s'habiller "en dimanche", jouer extérieurement le dimanche, au lieu de le sanctifier, au lieu d'éclairer toute cette journée par la messe du dimanche. Toute la semaine pourrait être comprise comme une ascension vers le dimanche. Le mode d'emploi de notre vie quotidienne devrait être la parole de Dieu.
Marie et Joseph n'ont pas compris pourquoi Jésus avait disparu pendant trois jours sans leur en dire un mot. Marie et Joseph ont fait là une certaine expérience de Dieu. Dieu n'est pas limité à mon expérience. Dieu est l'Incommensurable, il n'est pas limité à moi-même. Il est le Dieu de toutes choses et de tous les êtres. Il est toujours au-delà de ce que j'ai pu comprendre de lui. C'est pourquoi la foi a tout contre elle : la raison s'y oppose et le monde tel qu'on le voit lui donne tort.
Et le non croyant se croit autorisé à nous dire : "Mais ouvrez donc les yeux sur le monde, Dieu n'y est pas". Et le non croyant peut continuer : "Il faut que vous l'acceptiez : il n'y a visiblement rien. Pourquoi cherchez-vous à rendre compte de ce monde par quelque chose qui n'y est pas et qui expliquerait tout ? Soyez réalistes, expliquez le monde par lui- même, regardez".
Il n'y a aucune évidence de l'existence de Dieu, il n'y en eut jamais et il n'y en aura pas. Si on attend l'apparition, si on attend le miracle, on peut attendre longtemps ; et toujours on soupçonnera d'avoir mal vu, par distraction, illusion ou même hallucination, qui sont toujours convaincantes, mais peut-être dues à ce que l'on vient de boire. Si on attend des preuves, elles ne viendront pas. Mais l'incroyant pourrait un jour aussi se poser la question : "Est-ce que, dans ma conscience, je ne fais pas obstacle à l'accueil de la vérité ?"
Marie et Joseph à la recherche de Jésus ont vécu trois jours dans la nuit. Pourquoi cette épreuve ? L'éternité est toujours présente ; et, par la foi qui grandit et se développe, l'éternité peut se faire progressivement transparente, et finalement se révéler plus présente qu'absente. C'est à cela que nous sommes tous appelés par notre cheminement dans la foi. (Avec Marie-Dominique Goutierre, Gérard Siegwalt, Alexis Jenni, Georges Cottier, saint Maxime le confesseur, AvS, HUvB).
1er janvier 2012 - Sainte Marie, Mère de Dieu
Évangile selon saint Luc 2, 16-21
Huit jours après Noël, on nous propose le récit de la visite des bergers à l'enfant nouveau-né. Mais avant de découvrir l'enfant, les bergers découvrent Marie dont c'est la fête aujourd'hui. Marie et Joseph. Marie, elle ne dit pas un mot aujourd'hui : elle retient tous ces événements et elle y réfléchit dans son cœur. Et le huitième jour, l'enfant reçoit le nom de Jésus, le nom que l'ange lui avait donné avant sa conception.
Quand le Fils de Dieu s'abaisse jusqu'à demeurer parmi nous en tant qu'homme, il ne le fait pas avec la distance du grand seigneur qui daigne passer quelque temps dans le logis des domestiques pour témoigner sa bienveillance à ses serviteurs. Il se fait homme comme nous et il devient le meilleur serviteur du Père. Marie, elle aussi, est la servante du Seigneur. Celui qui vit dans la lumière ne cherche qu'à s'effacer devant Dieu. Celui qui vit dans la nuit cherche à se rendre lui-même aussi important que possible. Marie est discrète, on ne l'entend même pas aujourd'hui, elle n'a pas de grande déclaration à faire, elle vit dans la lumière et elle médite dans son cœur tout ce qui vient de se passer depuis neuf mois.
Marie, d'elle on peut dire : "La présence furtive d'un saint suffit pour attester Dieu". Et Dieu vient à chacun d'une manière personnelle. Il est venu à Marie d'une manière invraisemblable. Il est venu à Joseph pour qu'il accueille le mystère de Marie. Il est venu aux bergers pour qu'ils soient remplis de joie en découvrant que les anges ne les avaient pas trompés en leur annonçant un bébé à Bethléem dans une mangeoire.
Dieu dans une mangeoire ! C'est l'originalité de la foi chrétienne. Le christianisme accueille un Dieu qui prend l'initiative de se manifester lui-même. Et il se manifeste d'une manière que personne n'avait osé imaginer. Dans une mangeoire ! Dieu se fait homme pour initier l'homme à une rencontre essentielle avec lui. Dieu ne se manifeste pas de loin, à distance. Il rejoint l'homme dans sa condition mortelle pour lui ouvrir le ciel, c'est-à-dire la parfaite communion avec lui.
Qu'est-ce que c'est que cette parfaite communion avec lui ? Un homme politique de notre temps, qui a été président de la République, pendant presque toute sa vie il s'est présenté comme étant agnostique : Dieu, il n'est ni pour, ni contre, il ne sait pas. Du moins c'est ce qu'il disait. Et voilà qu'au seuil de l'éternité il retrouve l'espérance chrétienne. Un journaliste évoque un jour avec lui sa prochaine rencontre avec Dieu. L'homme politique avait souri et il avait répondu : "J'espère qu'il me dira : sois le bienvenu !" C'est quoi la communion avec Dieu ? C'est espérer qu'un jour il nous dira : "Sois le bienvenu!"
"Tu veux le bonheur et cependant tu vas mourir. Comment fais-tu pour te débrouiller avec ça ? Comment fais-tu pour ne rien diminuer de ton désir de la joie et ne rien offusquer de ta lucidité face à la mort ?"... Comment fais-tu ? "J'espère qu'il me dira : sois le bienvenu!"
On dit que la foi c'est un don de Dieu, pas une simple production de la raison ou du sentiment. Alors on va nous répondre : "La foi est un don, or je n'ai pas reçu ce don, Dieu ne s'est pas encore révélé à moi, je vous envie de croire, pour ma part, je ne peux pas". La foi est un don parce qu'elle porte sur quelque chose qui dépasse notre raison. La foi n'est pas une conclusion théorique. Dieu fait don de sa grâce à tous les hommes, mais il y a pour nous la tâche de nous y disposer et de la recevoir toujours plus profondément. La foi est un don fait à la raison, et la raison doit être dans l'attente active de ce don. "J'espère qu'il me dira : sois le bienvenu !"
Depuis huit jours, nous célébrons tous les jours dans l’Église le mystère de Noël. A la source de l'homme il y a un mystère que rien d'autre ne peut dévoiler qu'une parole venue de Dieu qui est l'origine de l'être. Et parmi toutes ces paroles de Dieu, on voudrait bien un jour qu'il nous dise à nous personnellement : "Sois le bienvenu !" (Avec Henri de Lubac, Mgr Rey, Lucien Jerphagnon, Fabrice Hadjadj, AvS, HUvB).
1er janvier 2017 - Sainte Marie, Mère de Dieu
Évangile selon saint Luc 2,16-21
En ce 1er janvier, nous souhaitons une bonne et heureuse année à tous ceux que nous rencontrons. Notre première lecture aujourd'hui nous suggère ce que nous pouvons avoir dans le cœur quand nous exprimons nos vœux : "Que le Seigneur te bénisse et te garde. Qu'il fasse briller sur toi son visage. Qu'il se penche vers toi et t'apporte la paix".
Huit jours après avoir célébré la naissance du Seigneur Jésus, l’Église nous invite à célébrer sa Mère, sa Mère qui était au cœur des événements, qui retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur, comme vient de nous le rappeler notre évangile. "Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur" : il est vraisemblable que l'évangéliste saint Luc a recueilli cette confidence de Marie elle-même. A moins que ce ne soit de la bouche de l'apôtre saint Jean à qui Jésus avait confié sa Mère alors qu'il mourait sur la croix.
Marie est la Mère de Dieu et notre mère : qu'on s'en souvienne tous les jours de cette année qui commence. En devenant la Mère du Sauveur, Marie est devenue la mère des sauvés. "Reine du ciel, humble servante, conduis-moi au Seigneur Jésus, toi qui reflètes sa lumière sur tous ceux qui marchent dans la nuit".
Qui se met à la disposition de Dieu portera l'une ou l'autre souffrance. Marie s'est mise à la disposition de Dieu. Quand l'ange l'a appelée de la part de Dieu, elle a simplement dit : "Je suis la servante du Seigneur". Même si Marie s'est mise avec joie à la disposition de Dieu, elle aura à porter l'une ou l'autre souffrance à la suite de son geste. Pourquoi en est-il ainsi ?
Il y a dans le christianisme des mystères qu'on ne peut comprendre que de l'intérieur. Et pour les comprendre de l'intérieur, nous avons besoin de la grâce de Dieu parce que c'est la grâce de Dieu qui éveille le désir d'apprendre à le connaître. Il y a dans le christianisme des mystères de Dieu qu'on ne peut comprendre que sous l'influence de sa grâce, c'est-à-dire de son Esprit Saint. Et l'une des manières de se trouver sous l'influence de la grâce, c'est d'écouter la Parole de Dieu contenue dans l’Écriture. Chaque auditeur de la Parole de Dieu, chaque lecteur de l’Écriture, se retrouve, comme Moïse, à l'écoute de Dieu.
Une prière sans ferveur, c'est comme un corps sans âme, et la ferveur de la prière ne se trouve que sous l'influence de la grâce. Pour le non-croyant, la prière est un doux délire, c'est un soliloque que celui qui prie prend pour une parole adressée à quelqu'un (C'est un philosophe non-croyant d'un temps déjà un peu ancien qui disait cela). La prière a besoin d'être nourrie pour rester vivante. C'est comme dans le mariage : il faut sans cesse mettre du bois pour éviter que le feu s'éteigne ; il faut sans cesse nourrir la fidélité par le dialogue et le partage. Saint Augustin (encore lui !) disait : "Le bonheur, c'est de continuer à désirer ce qu'on a". C'est aussi vrai dans le mariage que dans la prière : le bonheur, c'est de continuer à désirer ce qu'on a. Ce qu'on a, c'est une relation avec Dieu, c'est une relation avec un époux ou une épouse.
Voilà Marie sur la paille avec son enfant, et Joseph auprès d'elle. Celui qui a la foi avance comme un pauvre. La foi de Marie, c'est un oui de tout son être à Dieu. La foi tout court, c'est le oui de tout notre être à Dieu. La foi, c'est savoir que la puissance de la grâce nous dépasse. Qu'allons-nous devenir ? Que va devenir cet enfant qui ne vient pas de Joseph mais de Dieu ? La foi, c'est savoir que la puissance de la grâce nous dépasse.
Comment faire pour que les paroles de la vie éternelle et la lumière de l’Évangile rejoignent les cœurs aujourd'hui quand la culture change ? Comment faire pour que cette parole puisse germer et offrir son sens à nos contemporains ? Comment dire la foi aujourd'hui ? Comment nous la dire à nous-mêmes d'abord ? Jésus est la seule personne qui, dans sa petite enfance, n'a pas été blessée par un manque d'amour. Le Seigneur Jésus est totalement amour et son amour se manifeste à travers son désir que chacun de nous soit libéré de sa peur d'aimer. "Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi" (Ap 3,20). Et si tu ne veux pas devenir mon ami parce que tu as trop peur ou parce que tu ne sais pas où ça va te mener, je resterai dehors et j'attendrai ton oui. Nous sommes tous en marche vers Dieu, nous sommes tous appelés à rencontrer Dieu en vérité, tous les humains sont appelés à rencontrer Dieu en vérité, même ceux qui ne le savent pas encore aujourd'hui.
Nous fêtons la Vierge Marie, Mère de Dieu. Elle est sur la paille avec son enfant. Joseph aussi est là. L'Esprit Saint surtout est là qui accompagne tous les événements. L'homme n'est jamais plus libre que lorsqu'il est conduit par l'Esprit. (Avec Sœur Marie-Pierre Faure, Philippe Haddad, saint Augustin, Cardinal Barbarin, AvS, HUvB).
3 janvier 2010 - Épiphanie du Seigneur
Evangile selon saint Matthieu 2, 1-12
Saint Matthieu ne raconte pas ce qui s'est passé lors de la naissance de Jésus. Il signale simplement que Jésus est né à Bethléem en Judée et aussitôt il relate cet épisode des mages, des étrangers, des savants qui savent lire les étoiles. Ces mages viennent de l'Orient, ils viennent de l'est, c'est bien vague, on n'en sait pas plus. Ces étrangers arrivent à Jérusalem, ils viennent de loin pour rendre hommage au roi des juifs qui vient de naître. Quand Hérode apprend cela, il n'est pas très heureux. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Le roi des juifs, c'est moi. Et je ne suis pas né la veille. Mais quand même Hérode interroge les spécialistes des Écritures. Et d'après ces spécialistes, le Messie, le futur roi des juifs, doit naître à Bethléem. C'est marqué dans la Bible. Alors Hérode demande aux mages d'aller repérer les lieux. Hérode n'est peut-être pas très convaincu de cette histoire de la naissance récente d'un roi des juifs. Mais on ne sait jamais. Et si vraiment il y a quelque chose, les mages lui rendront service en lui disant exactement où on peut trouver ce roi au berceau. Les mages font ce qu'ils doivent faire, guidés par le ciel. Ils trouvent l'enfant, avec Marie sa mère, ils se prosternent devant lui, ils lui offrent leurs cadeaux. Et puis le ciel encore fait comprendre à ces mages qu'ils ne doivent pas aller rendre compte à Hérode de l'endroit où ils ont trouvé l'enfant. Et donc ils rentrent dans leur pays par un autre chemin.
Que veut dire cette petite histoire des mages qui viennent adorer Jésus enfant ? Cela veut dire que des gens étrangers à la foi d'Israël, étrangers à la foi du peuple de Dieu, viennent les premiers reconnaître le Messie, le grand envoyé de Dieu promis depuis longtemps. Et c'est le ciel lui-même qui guide ces païens vers le Messie d'Israël, le Messie d'Israël qui est venu dans le monde pour toutes les nations du monde, pour tous les hommes. Cet épisode des mages d'Orient nous montre comment Dieu agit. Ces mages ont reconnu une présence de Dieu dans leur vie, ils ont reconnu un appel de Dieu dans un petit événement de leur quotidien, dans un petit événement dans leur vie de tous les jours : il y avait un astre pas comme les autres au bout de leur lunette. Et ils ont su que Dieu leur faisait signe, que Dieu les appelait. On ne doit voir partout des signes de Dieu. Mais Dieu peut nous faire signe par les choses les plus ordinaires. Les mages sont comme des enfants vis-à-vis de Dieu. Ils ne savent pas ce que c'est que désobéir. Ils sont ouverts à Dieu et ils le suivent en toute innocence, en toute naïveté. Et ils trouvent ce qu'ils cherchaient. Les mages ne faisaient pas partie du peuple élu. Et Dieu a été les chercher pour montrer à tous les hommes que tous les hommes sont invités dans son royaume, dans sa maison, à sa table. L’Église du Christ aussi s'adresse au monde entier.
Si le mal est semé sur la terre - produisant des fruits affreux -, si le mal est semé sur la terre chez les croyants comme chez les incroyants, le bien lui aussi est semé, mais sans qu'on le remarque parfois ; et le bien accomplit son œuvre discrètement et avec persévérance. Le mal était semé dans le cœur d'Hérode qui ne pensait qu'à éliminer tout de suite ce soi-disant roi des juifs qui venait de naître. Et le bien était semé dans le cœur des mages, et ils ont fait tout de suite ce que le ciel leur suggérait.
Il y a des gens, des philosophes, des techniciens et beaucoup d'autres qui refusent a priori la possibilité d'un Dieu personnel qui se révèle. Le Dieu incarné, crucifié et ressuscité ne peut agir comme une source de lumière et de paix que pour les cœurs qui s'ouvrent librement à lui. Le malheur par lui-même est quelque chose de négatif. Mais le malheur peut constituer un appel aux profondeurs du cœur, de la conscience, de l'esprit, de l'intelligence. Par contre la prospérité risque de maintenir l'être humain dans le superficiel. Les mages n'ont pas eu besoin de malheur pour se tourner vers Dieu et pour répondre à son appel. Mais il arrive que, devant la mort, devant une situation humainement sans issue, l'homme s'ouvre à Dieu pour recevoir de lui le sens définitif de son existence. Par la foi, l'homme s'en remet tout entier à Dieu.
Le Fils de Dieu se manifeste là où personne ne l'attendait. Les mages n'attendaient rien. Hérode n'attendait rien, surtout pas un nouveau roi des juifs. Le Fils de Dieu se manifeste là où personne ne l'attendait et il projette sa lumière sur l'obscurité de l'homme : sur les mages dans la nuit remplie d'étoiles, et aussi certainement dans chacune de nos vies. (Avec Alexandre Men, Pierre Chaunu, Olivier Clément, Jean Daniélou, Karl Rahner, AvS, HUvB).
2 janvier 2011 - Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Saint Matthieu écrit son évangile aux alentours de l'an 80 sans doute. Il écrit son évangile pour des chrétiens d'origine juive. Et dans la scène qu'il raconte aujourd'hui, il montre que les premiers adorateurs de Jésus (après les bergers) sont des païens, des mages venus d'Orient, des étrangers. Pour saint Paul, qui est aussi d'origine juive, l'un des grands mystères qu'il a découvert en devenant chrétien, c'est que le Seigneur Jésus est le Dieu de tous les hommes, pas seulement le Dieu des juifs, mais le Dieu et des juifs et des païens.
Les mages d'aujourd'hui ont fait un long voyage pour découvrir le Seigneur Jésus. Tous les hommes, de tous les pays du monde sont en route vers le Seigneur Jésus qui nous a révélé le mystère du Père invisible et de l'Esprit Saint. Les mages ont reçu un signe de Dieu, une révélation de Dieu, pour se mettre en route. Saint Paul, qui était un bon juif et un dur à cuire, n'a pas dû faire un aussi long voyage que les mages. Le Seigneur Jésus l'a renversé sur le chemin de Damas. Saint Paul a alors été ébloui par une grande lumière. Il en a perdu la vue pour quelques jours. Mais ses yeux intérieurs se sont alors ouverts à la lumière de Dieu, au grand mystère du Seigneur Jésus.
Et quand les mages ont découvert Jésus, il n'est pas nécessaire qu'ils retournent chez Hérode à Jérusalem pour lui dire qu'ils ont trouvé Jésus. Ni Hérode, ni les savants juifs qui l'entourent ne peuvent y comprendre quelque chose pour le moment. Il y a un temps pour comprendre les choses de Dieu. Il y a un temps pour pouvoir être touché par Dieu, par l'enseignement de Jésus. Il y a des conditions pour qu'on puisse être touché par Dieu. Les mages nous montrent ici le chemin : avec le peu qu'ils ont compris, ils se mettent en route. Ils ont vu une petite lumière dans le ciel, une petite ou une grande. Et quand ils auront marché des jours et des jours, Dieu leur fera le cadeau d'une très grande lumière. Aucun événement qui nous arrive n'est par hasard, aucune parole que nous entendons n'est par hasard. Telle personne t'a été envoyée ; à telle autre personne, c'est toi qui a été envoyé. Et ni elle, ni toi ne le savez. C'est Dieu qui agit de cette manière sur notre destinée spirituelle.
Le problème humain par excellence, c'est celui de la destinée de l'homme. Le christianisme est fondamentalement simple parce qu'il touche à ce qu'il y a de plus essentiel en tout être humain, parce qu'il touche aux questions que les jeunes comme les adultes se posent avec anxiété parfois : pourquoi vivre ? Pourquoi donner la vie plutôt que de ne pas la donner ? Pourquoi aimer la vie surtout quand elle est dure ? Et comment surmonter la peur de ne pas être aimé ? Et où trouver la force d'aimer de façon pure et durable ?
Les mages se sont mis en route quand ils ont vu une petite lumière dans le ciel. Le pape Benoît XVI, quand il n'était encore que le théologien Joseph Ratzinger ou le cardinal Ratzinger, a écrit un petit livre qu'il a intitulé : "Chemin vers Jésus". Encore un chemin ! Et là, il écrit ceci : "Dans une vie humaine, ce qui importe, le point suprême, le point décisif, c'est la primauté de Dieu. Le cœur de la tentation, c'est la mise à l'écart de Dieu : Dieu considéré comme une question d'importance secondaire dans notre vie. La tentation, c'est de se prendre soi-même pour plus important que Dieu, soi-même avec ses besoins et ses désirs personnels : voilà la tentation qui nous menace toujours".
Les mages de l'évangile, quand ils ont découvert l'étoile dans le ciel, ils auraient pu rester tranquilles chez eux, assis au coin du feu. Mais ils se sont mis en route pour aller ils ne savaient pas où, là où Dieu les attendait.
L'aventure des mages, l'univers entier avec ses grands courant d'histoire païenne et judaïque, sont la preuve des efforts constants de Dieu pour ramener à lui sa créature. Et lorsque toutes ses tentatives ont échoué, le Père met son Fils en danger et l'envoie sans défense au milieu des vignerons perfides. Il accepte d'assister en silence à la mort de son Fils. (Avec Alexandre Schmemann, Henri de Lubac, Mgr Dagens, Joseph Ratzinger, AvS, HUvB).
8 janvier 2012 - Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Les mages ont vu un signe dans le ciel. Pour eux, c'est un signe de Dieu. Il faut qu'ils se mettent en route. Ils arrivent à Jérusalem. Et là, ils ne savent plus ce qu'ils doivent faire. Ils interrogent les autorités en place. On les envoie à Bethléem. Et là, les mages trouvent ce qu'ils cherchaient : ils voient l'enfant avec Marie, sa mère, et ils se prosternent devant lui. Ils offrent leurs cadeaux et ils rentrent chez eux par un autre chemin. Pourquoi un autre chemin ? Parce qu'il ne faut pas qu'ils retrouvent le roi Hérode qui ne penserait qu'à une chose : éliminer le plus vite possible ce soi-disant petit roi qui pourrait devenir un concurrent pour le trône.
Les mages : trois petits tours et puis s'en vont. On ne les reverra plus dans l'évangile. Les mages représentent des gens qui sont dans la lumière ; Hérode, lui, c'est les ténèbres. - Avant de partir pour Jérusalem, les mages priaient Dieu : - Pourras-tu te servir de nous ? - Réponse de Dieu : Oui, avec ma grâce. - Les mages : Serons-nous à la hauteur ? - Réponse de Dieu : Oui, avec ma grâce. - Et la grâce de Dieu les accompagne. Quand ils ne savent plus ce qu'ils doivent faire, ils s'informent. Et ce sont de futurs ennemis de Dieu qui vont les mettre sur le bon chemin vers Bethléem. Et pour retourner dans leur pays, la grâce de Dieu encore va leur indiquer un autre chemin.
Voilà les mages : des hommes qui se sont mis à la disposition de Dieu. Et pour se tenir à la disposition de Dieu, ils étaient prêts à renoncer à certaines choses. C'est ce qu'ils ont fait. Ils se sont mis en route sans savoir où ils allaient, mais dans la grâce de Dieu. Par les mages, le Seigneur Jésus nous invite à voir toute chose à la lumière de Dieu. Il veut nous introduire dans la lumière de la foi et de la paix.
"Dieu, personne ne l'a jamais vu. Mais le Fils unique qui est dans le sein du Père nous l'a fait connaître". C'était l'évangile de Noël. Qu'est-ce que ça veut dire connaître le Père ? Qui donc ça intéresse ? Un homme veut d'abord connaître le dernier épisode de son feuilleton préféré, ou connaître une femme, on connaître Pondichéry, par exemple. Le Père, c'est quoi ? Eh bien, c'est simple, c'est trop simple. Le Père, c'est la source éternelle. Comment a-t-on pu croire que le christianisme allait contre la vie ou que Dieu était en concurrence avec la moindre des choses qu'il a créées ? C'est tout le contraire : il la veut cette petite chose. Ce lis des champs, ce moineau : il les veut infiniment, et à plus forte raison il veut chaque visage. Et il veut répandre sur chacun la vie en surabondance. Le christianisme, c'est cela : une vie éternelle où on n'a jamais fini d'être étonné.
Les mages posent la question au roi Hérode : où est le roi qui vient de naître ? Et Hérode est capable (en se faisant aider) de donner aux mages la bonne réponse. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le mal qui s'oppose à Dieu entre malgré lui au service de Dieu. Ce sera vrai au maximum de la croix : le mal qui s'oppose à Dieu entre malgré lui au service de Dieu. Et pourtant sur la croix Jésus priera comme ceci : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Cela veut dire pour nous que la certitude de la foi ne nous épargne pas nécessairement la nuit. Une mère qui vient de perdre son enfant est une pauvre. Une femme abandonnée par son mari est une pauvre. Un homme qui perd son travail est un pauvre. Celui qui apprend qu'il a un cancer est un pauvre. Celui qui vieillit et s'affaiblit est un pauvre. Chacun de nous, quand il se sent désarmé, faible, incapable, et qu'il l'admet, est un pauvre. La difficulté, ou le drame, c'est d'admettre notre pauvreté. Il faut entendre Dieu nous dire : "Tu n'as pas besoin de faire semblant, tu n'as pas besoin de te cacher, tu peux être toi-même".
D'une manière invraisemblable les mages ont reconnu devant un petit enfant ce qu'ils cherchaient. Et nous, comme les mages, nous reconnaissons que Dieu s'est rendu visible à nos yeux. Et le Seigneur Jésus doit maintenant nous apprendre "à nous laisser entraîner par lui à aimer ce qui demeure invisible". (Avec Michel Cool, Fabrice Hadjadj, AvS, HUvB).
6 janvier 2013 - Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Voilà trois hommes, trois mages, dont le cœur est simple et droit. Ce sont des espèces de savants qui sont curieux de ce qui se passe dans le ciel. Ils ont découvert un beau jour, ou une belle nuit, une étoile inconnue. C'était pour eux un signe du ciel, le signe qu'un roi venait de naître. Et ils se mettent en route pour aller rendre leurs hommages à ce roi dont le ciel a pris l'initiative de leur communiquer l'existence. Si le ciel leur a envoyé un signe, ce n'est pas pour rien. Ils savent qu'ils ont le devoir d'aller rendre hommage à ce roi dont le ciel lui-même a eu le souci de leur communiquer la venue au monde.
Dieu est toujours capable d'agir dans le cœur des hommes pour leur ouvrir une espérance, pour leur montrer un chemin. Dieu habite toujours dans son temple. Le temple de Dieu, c'est aussi le cœur de l'homme. Dieu est à l’œuvre partout, dans la discrétion, le silence, la simplicité, l'inattendu. Dieu est à l’œuvre dans notre vie. Et il va à la rencontre de tous ceux qui ne le connaissent pas encore.
Mais aujourd'hui il y a beaucoup d'obstacles pour nos contemporains qui sont à la recherche de Dieu qui sauve (beaucoup d'obstacles peut-être aussi pour nous-mêmes). C'est l'évangile qui nous le dit : Si quelqu'un te demande de faire une course d'un mille avec lui dans la foi, fais-en deux avec lui (Mt 5,41).
Les mages de notre évangile se sont ouverts à l'inconnu. Il y a toujours de l'inconnu dans nos vies. Un jour, Marie s'est trouvée devant une grossesse inattendue. Un jour, Jésus s'est trouvé devant l'inconnu de sa Passion. Mais chaque fois, ce qui nous est inconnu est connu de Dieu. Et c'est là qu'il nous attend.
Le péché, c'est de refuser la lumière qui nous est donnée. Le péché pour les mages aurait été de hausser les épaules : on ne va quand pas faire tout un voyage pour une malheureuse étoile. Une de plus, une de moins, qu'est-ce qu'on en a à faire ? Et Dieu les attendait à Bethléem. Le péché, c'est aussi de refuser de voir ce qu'on entr'aperçu et qui vient de Dieu ou qui vient peut-être de Dieu.
Mais il y a toujours des obstacles sur la route. Il y a l'astre dans le ciel, il y a la lumineuse clarté du christianisme et il y a aussi la pesanteur de l’Église. Et pourtant la profession de l’Église, c'est de parler à toute l'humanité. Il y a l'astre dans le ciel, mais il y a aussi l'Esprit Saint qui est le témoin à l'intérieur de nous-mêmes et qui nous communique la grâce de croire. Il y a toujours des obstacles sur la route. Des quantités de gens ne savent pas pourquoi ils souffrent et souvent ils se révoltent. Et, dans la prière, nous devons dire à Dieu : "Voilà, nous te prions pour eux qui ne te prient pas et ne savent pas te prier".
Il y a toujours des obstacles sur la route. Par exemple, pourquoi prier ? Nous devons prier pour que la grâce de Dieu nous imbibe, nous prenne, nous transforme, sinon nous restons à la surface de nous-mêmes. C'est notre contemporain, Pierre Goursat, le fondateur de la Communauté de l'Emmanuel qui disait cela aux membres de cette communauté naissante : "Nous devons prier pour que la grâce de Dieu nous imbibe, nous prenne, nous transforme, sinon nous restons à la surface de nous-mêmes".
Il y a toujours des obstacles sur la route. Marie-Madeleine, Marie de Magdala, la pécheresse, avait mis d'elle-même beaucoup d'obstacles sur sa route vers Dieu et vers Jésus. Et que lui dit Jésus quand il l'a rencontrée? "Je ne fais pas de différence entre celui qui m'aime avec une pureté intacte et celui qui m'aime avec le sincère regret d'un cœur qui renaît à la grâce".
Il y a toujours des obstacles sur la route. Voici ce que disait sainte Thérèse de Lisieux : "Où serait votre mérite s'il fallait que vous combattiez quand vous vous sentez du courage ? Qu'importe que vous n'en ayez pas, pourvu que vous agissiez comme si vous en aviez ! Si vous vous trouvez trop lâche pour ramasser un bout de fil et que néanmoins vous le fassiez pour l'amour de Jésus, vous avez plus de mérite que si vous accomplissiez une action beaucoup plus considérable dans un moment de ferveur". Quand Thérèse écrit cela, elle n'avait pas vingt-quatre ans. (Avec Mgr Pican, Alexandre Schmemann, Newman, Pierre Goursat, sainte Thérèse de Lisieux, AvS).
5 janvier 2014 – Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Voilà trois personnages puissants avec des habits très riches et tout un défilé de chevaux, de dromadaires et de chameaux. Ils arrivent à Bethléem en pleine nuit. Le bébé qu'ils vont voir a de neuf à douze mois. Le plus vieux des trois se met à parler : une nuit, au mois de décembre précédent, une nouvelle étoile s'est allumée dans le ciel, avec une splendeur inhabituelle. Jamais les cartes du ciel n'avaient signalé cet astre.
Cette étoile avait donc fleuri, envoyée par Dieu, pour dire aux hommes une vérité divine, un secret de Dieu. Mais la plupart des hommes ne savaient pas lire les signes que Dieu leur donne avec les astres de feu dans le ciel parce que leurs âmes étaient plongées dans la boue. Mais, eux, les trois, ils avaient vu et ils cherchaient à comprendre ce que Dieu voulait dire. Et ils s'étaient plongés dans des documents anciens, et ils avaient compris le nom et le secret de l'étoile. Elle voulait dire : "Le Messie est venu au monde".
Et ils étaient partis pour l'adorer. Ils voyageaient de nuit et ils étaient arrivés en Palestine, car l'étoile allait dans cette direction. Et en Palestine, ils vont, bien sûr, à Jérusalem, parce que le roi, c'est là qu'il devait être. Mais l'étoile s'était cachée sur le ciel de cette ville. Ils étaient tout tristes, ils se demandaient s'ils n'avaient pas fait quelque chose de mal aux yeux de Dieu. Ils sont allés voir le roi Hérode pour lui demander dans quel palais était né le roi des juifs. Hérode avait interrogé les spécialistes des Écritures et on lui avait répondu que c'était évidemment à Bethléem.
Les trois hommes se remettent en route, la nuit bien sûr comme toujours, et ils avaient été très heureux de constater que l'étoile était réapparue. Puis l'étoile s'était arrêtée au-dessus de cette maison. Et ils avaient compris que c'était là que se trouvait le divin roi. Et maintenant ils l'adoraient en offrant des cadeaux et en remerciant Dieu de tout leur cœur pour la grâce qu'il leur avait accordée. Et Marie met son bébé dans les bras du plus âgé qui embrasse l'enfant et reçoit ses caresses, et le plus âgé passe ensuite l'enfant aux deux autres. Et la caravane se remet en route.
Beaucoup d'hommes ont vu l'étoile. Il n'y en a que trois qui se sont mis en route. Pourquoi ? Parce qu'ils étaient à l'écoute de Dieu. Et eux déjà ils ne voulaient plus avoir dans leur cœur un coin qui ne soit pas rempli de la volonté de Dieu. Alors ils se sont laissés attirer par Dieu et ils se sont mis en route.
Et quand on vit comme si Dieu n'existait pas, qu'est-ce qui se passe ? Un philosophe sans Dieu au XIXe siècle a essayé de dire ce qu'il ressentait de l'absence de Dieu : "Comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné une éponge pour effacer tout l'horizon ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide sur notre visage ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne vient-il pas toujours des nuits, de plus en plus de nuits ? Ne faut-il pas, dès le matin, allumer les lanternes ?" Autrement dit, il fait froid, il fait nuit, dans un monde sans Dieu.
Cinquante ans plus tard, un autre philosophe sans Dieu disait la solitude de l'homme sans Dieu. Il écrivait : "Nous sommes, et nous sommes seuls". Un autre disait : "A quoi bon aller sur la lune si c'est pour s'y suicider ?" L'homme qui a oublié la résurrection, il est seul dans la prison infinie de l'univers. L'homme est arrivé à maîtriser beaucoup de choses dans le monde, mais cela ne lui a pas apporté automatiquement le bonheur et la plénitude de la vie.
Dieu est l’Absolu, tout le reste est relatif. Jésus nous dit dans les béatitudes : "Bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux est à eux". Être pauvre, ce n'est pas intéressant. Tous les pauvres sont bien de cet avis. Ce qui est intéressant, c'est de posséder le royaume des cieux, mais seuls les pauvres le possèdent.
A certaines époques de son histoire, l’Église n'a pas assez respecté la liberté d'autrui... Mais il est difficile de juger le passé avec notre conscience d'aujourd'hui qui est le fruit d'une longue maturation. Mais il est vrai que la mission de l’Église (de tous les baptisés), c'est d'annoncer ce qu'elle a reçu. Elle n'est pas chargée de convertir. L'acte de conversion est propre à chacun et c'est l’œuvre de Dieu. Beaucoup d'hommes avaient vu une étoile nouvelle dans le ciel. Trois hommes seulement se sont mis en route.
Pour aller vers Dieu, aucun trajet, aucun effort n'est foncièrement nécessaire pour passer de notre monde et de notre quotidien à Dieu et à la surnature parce que, comme le dit saint Paul, le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ nous a bénis et comblés de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ. (Avec Nietzsche, Albert Camus, André Malraux, Olivier Clément, Daniel-Ange, Madeleine Delbrel, Cardinal Martini, AvS, HUvB).
4 janvier 2015 - Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Notre évangile nous décrit deux manières de se situer devant le mystère de Dieu : il y a les mages et il y a Hérode. Hérode est roi à Jérusalem : il sait, il n’a pas besoin de chercher. C’est le roi des juifs, on peut supposer qu’il est croyant. Dieu s’est révélé à Israël. Il n’est pas besoin de chercher plus loin : Dieu, on connaît. Les mages, eux, n’ont pas les certitudes d’Hérode. Ils viennent de loin, ils n’ont pas derrière eux la longue histoire de la révélation progressive de Dieu au peuple d’Israël. Et voilà que Dieu intervient dans la vie de ces mages par un signe singulier qu’ils ne comprennent pas : une étoile s’est levée et qui doit vouloir dire quelque chose. Et ils se laissent guider par l’étoile et, à Jérusalem, ils se laissent guider par les sages d’Israël qui connaissent de longue date le Dieu qui s’est révélé à eux. Les mages entendent la parole des prophètes, ils y croient et ils vont se prosterner devant l’enfant de Bethléem. Ensuite, on perd les mages de vue, on ne sait pas ce qu’ils sont devenus.
Le chemin des mages nous indique quelque chose du chemin de tout chrétien et de tout homme. Chacun, qu’il soit croyant ou non aujourd’hui, a toujours à chercher le juste chemin vers Dieu, la vraie religion. Nous sommes toujours appelés à collaborer à l’œuvre de Dieu. La tentation de toujours, celle d’Hérode, est de s’arrêter en chemin. Marie a vécu des choses tout à fait insolites dans son chemin vers Dieu à un certain moment de sa vie : la rencontre de l’ange, la venue en elle d’un enfant alors qu’elle ne connaît pas d’homme, puis la naissance à Bethléem et la fuite en Égypte. Pour Marie, il y a eu l’extraordinaire du début, et ensuite la longue marche dans la foi. Et la longue marche dans la foi, c’est qu’elle sait que Dieu lui donne toujours ce qui est bon même si cela ne conduit pas toujours à une action pieuse ou à une prière consciente. Elle reste naturelle avec Dieu.
Une femme de notre temps, romancière, historienne et mère famille, nous livre son credo. Voici ce qu’elle dit : "En nous donnant la maternité, Dieu nous donne une approche de lui bien plus forte que ce que peut ressentir un homme à l’égard de Dieu. Pendant les neuf mois où nous portons un enfant, nous vivons une expérience prodigieuse : former un être. Tout, en nous, vit cela, pense à cela ; je peux imaginer la sollicitude de Dieu à l’égard de chacun de nous, former un être pour l’éternité, le porter trente ou quatre-vingts ans… Le travail de notre chair nous unit à son travail de gestation du monde. Nous enfantons avec lui, et cela manquera toujours à un homme… Si, dans les églises, il y a toujours plus de femmes que d’hommes, c’est parce que les femmes sont plus proches de Dieu, elles sont reliées à la création, à Dieu créateur, par leur propre chair. Les hommes sont la cérébralité de Dieu, nous sommes sa créativité et son cœur". Voilà donc Jeanne Bourin : les femmes pourront en discuter, et aussi les hommes…
Les mages de notre évangile se sont laissés guider vers la vérité par un signe venu du ciel. On peut dire aussi que l’existence de tout homme est animée par la recherche de Dieu, consciemment ou inconsciemment. Parce qu’il y a en tout homme, un jour ou l’autre, la question de sa propre existence. Et alors, s’interroger sur Dieu, c’est s’interroger sur soi-même.
A l’opposé de l’homme qui n’a pas encore découvert Dieu vraiment et qui se pose des questions un jour ou l’autre, il y a les chrétiens traditionnels. Et ce qui perturbe les chrétiens traditionnels (c’est le Père Radcliffe qui disait cela), ce qui perturbe les chrétiens traditionnels, c’est la peur du chaos. Le monde connu est secoué et l’avenir est incertain. Alors, ils veulent un christianisme qu’incarne un ordre bien défini, un monde sûr et sans danger… Un monde sûr et sans danger qui a conduit Marie à Bethléem pour accoucher dans une étable, et Marie à la croix pour enfanter son Fils dans les ténèbres de la mort et le froid du sépulcre.
Les mages se sont mis en route, guidés par l’étoile mystérieuse. Tout être humain est un mystère. Je suis moi-même un mystère pour moi. Chacun de vous est sans doute un mystère pour lui-même. Donc je ne suis pas mon propriétaire. Il y a quelque chose de moi-même qui m’échappe pour toujours, quelque chose qui est de l’ordre du mystère… Dieu aussi est un mystère. Il est à jamais inaccessible, il est toujours au-delà de toute saisie par nous-mêmes, il est à jamais transcendant, toujours au-delà.
Dieu est toujours au-delà, mais il n’est jamais tout à fait extérieur à l’homme, il n’est jamais tout à fait étranger. Puisque c’est lui qui a fait l’homme. Tout comme un enfant ne peut jamais être tout à fait étranger à sa mère, même si l’enfant, par malheur, s’était beaucoup éloigné d’elle. Dieu ne peut jamais être tout à fait étranger à l’homme. Et alors quand Dieu se dévoile à l’homme, en devenant petit enfant dans une étable, il dévoile aussi l’homme à lui-même. (Avec Dimanche en paroisse, Jeanne Bourin, Rudolph Bultmann, Timothy Radcliffe, Gérard Siegwalt, AvS, HUvB).
3 janvier 2016 - Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
Des étrangers, des païens, reçoivent du ciel un signe qui les conduit à Jésus. Cette page de l'évangile est un résumé de l'aventure chrétienne de l'humanité. Tous les humains sont en marche vers Dieu. Et Dieu donne un jour ou l'autre à chaque être humain le signe dont il a besoin pour se mettre en marche vers Dieu, puis ensuite continuer sa marche jusqu'au bout du chemin.
Ça n'a pas été tout seul pour les mages de notre évangile. A un certain moment de leur marche, ils ne savaient plus ce qu'ils devaient faire. Ils avaient comme perdu leur boussole. Dieu permettait pour eux cette épreuve. Les mages ont été obligés de demander leur chemin à des Juifs. Et c'est de cette manière que les Juifs de Jérusalem ont été mis au courant, pour la première fois, que leur Messie était né.
Sur le coup, les Juifs n'ont rien compris. Et le roi des Juifs, Hérode, s'est empressé d'essayer de supprimer cet enfant qui aurait pu devenir roi à sa place. Quelque temps après cette visite des mages à Jérusalem, Hérode envoya sa troupe à Bethléem avec mission de massacrer tous les enfants de moins de deux ans. Mais l'évangile nous raconte comment Jésus a échappé à ce massacre : Joseph, l'époux de Marie, a été averti en songe de quitter le pays en toute hâte ; c'est ainsi que Joseph, Marie et Jésus sont partis en pleine nuit pour aller en Égypte, et ils ne sont revenus en Palestine qu'après la mort d'Hérode quand un ange, une fois encore, avertit Joseph que le danger était écarté et qu'il pouvait rentrer au pays.
Dieu porte et dirige la vie de chaque être humain, et à plus forte raison la vie de Jésus enfant. Dieu porte et dirige chacune de nos vies. Il est compréhensible alors qu'il connaît nos soucis, il ne mésestime pas nos soucis. Dieu se soucie de nous, il se soucie donc aussi de nos petits soucis, et des grands. Saint Pierre, par sa foi juive et par tout ce qu'il avait appris de Jésus, en était bien convaincu, et il donne ce conseil dans sa première Lettre : "Humiliez-vous sous la main puissante de Dieu, jetez en lui tous vos soucis car il a soin de vous" (1 P 5,7). Celui qui pense venir à bout par lui-même de tous ses soucis crée un obstacle entre lui et Dieu ; c'est comme s'il connaissait un endroit où il ne permettait pas à Dieu d'entrer. Les mages ont eu des soucis à un certain moment, et ils ont demandé aux Juifs de les éclairer. Joseph dormait tranquillement, et il n'avait pas de soucis, mais l'ange de Dieu lui a fait savoir qu'il y avait péril en la demeure et qu'il fallait dare-dare quitter les lieux pour aller en Égypte.
Après sa résurrection, Jésus est apparu au groupe de ses disciples dans une maison dont les portes étaient bien fermées. Dieu donne à chacun les signes dont il a besoin, que les portes soient fermées ou non. Dieu a parlé aux mages d'une manière, par une étoile qui les intriguait. Presque au bout du chemin des mages, des Juifs leur ont indiqué où ils devaient aller. Dieu a parlé à Joseph d'une autre manière, dans un songe. Dieu est toujours capable d'enter par les portes fermées. L'eucharistie aussi, la messe que nous célébrons, signifie toujours que le Christ, de l'extérieur vient à nous à travers les portes fermées.
Un théologien de notre temps a eu l'audace d'écrire un jour : "Le peu que nous connaissons de notre histoire véritable et la plus profonde nous découvre partout, en tout temps, des effusions de l'Esprit prophétique, des infusions de la vérité divine. A la faveur de circonstances favorables, de grands surplus de lumière vivifiante en viennent comme à déborder".
Pour les mages de l'évangile, il y a eu deux lumières dans leur vie : un astre dans le ciel, puis à Jérusalem les Écritures saintes des Juifs. Pour nous chrétiens, il y a l’Évangile, c’est-à-dire toute la révélation qui nous est venue par le Seigneur Jésus et dont l'essentiel se trouve dans le Nouveau Testament : les quatre évangiles et les écrits des apôtres, les premiers témoins. Pour nous chrétiens, comme lumière sur notre route, il y a toute la révélation contenue dans le Nouveau Testament, mais il y a aussi tous ses prolongements spirituels à travers les siècles.
Nous commençons une nouvelle année : qu'elle soit pour tous une année de lumière et d'un surcroît de lumière. Et je termine avec François Mauriac, avec ce qu'il écrivait à l'un de ses correspondants au seuil d'une année nouvelle : "Que cette année vous apporte ce que vous désirez ou plutôt (car il faut nous méfier de nos désirs) que la volonté de Dieu s'accomplisse en vous et par vous. Quand on est chrétien, il n'y a pas d'autre vœu à formuler que celui-là".(Avec Cardinal Ratzinger, Louis Bouyer, Catherine Chalier, François Mauriac, AvS).
8 janvier 2017 – Épiphanie du Seigneur
Évangile selon saint Matthieu 2,1-12
"Levons-nous à l'exemple des mages... Courons avec joie à la demeure de l'enfant... Avant d'adorer cet enfant, décharge-toi de tout ce qui t'encombre. Si tu es riche, dépose ton or à ses pieds, donne-le aux pauvres. Ces étrangers sont venus de loin pour contempler ce nouveau-né ; comment pourrais-tu refuser de faire quelques pas pour visiter un malade ou un prisonnier ? Les mages ont offert leurs trésors à Jésus, et toi, tu n'as même pas un morceau de pain à lui donner ?" Voilà ! Est-ce du pape François? Non, c'est d'un homme qui vivait au IVe siècle à Constantinople, dans la Turquie actuelle, et il s'appelait Jean Chrysostome.
Les mages de l'évangile d'aujourd'hui symbolisent l'humanité tout entière. Ils sont guidés par une étoile mystérieuse et ils se sont mis en marche vers la vraie lumière ; c'est une humble lumière à ce moment-là : ils voient l'enfant et sa Mère, et ils se prosternent pour adorer. Ces étrangers venus de loin sont étrangers à la foi d'Israël. Et ils ont besoin de Jérusalem et des Écritures pour découvrir Jésus. Les gens de Jérusalem, eux, ne se déplacent pas. Ces étrangers se font des illusions avec leur étoile. Envoyons-les donc à Bethléem et bon débarras ! Les bons croyants de Jérusalem passent déjà ainsi à côté de leur Messie, leur Messie qui est aussi leur Dieu.
Et qui sont les gens aujourd'hui qui passent à côté du Messie et à côté de leur Dieu ? Vous les rencontrez dans toutes les rues, tous ces gens qui un jour peut-être ont été au catéchisme et qui n'ont pas découvert ou redécouvert à l'adolescence ou à l'âge adulte le trésor qu'ils avaient sous la main, le trésor qui était à leur porte et qu'ils laissent tomber comme étant sans importance. L'étoile brille pour tous les hommes aujourd'hui encore, il suffit de lever les yeux, et puis ne pas fermer son cœur à la lumière.
"Mages guidés par l'étoile, priez pour nous. Obtenez-nous de deviner l'étoile qui nous guidera jusqu'à la découverte de Dieu. Mages guidés par l'étoile, priez pour que tous les humains découvrent l'étoile qui les rapprochera de Dieu ou les introduira plus avant dans la connaissance de Dieu". Les mages sont des chercheurs de Dieu. Prions pour tous les chercheurs de Dieu : ceux qui se sont éloignés de la foi, ceux qui ne croient plus aux religions pour répondre à leur quête, mais qui demeurent en recherche spirituelle. Les mages n'ont pas trouvé tout de suite. Ils ont cherché, ils ont interrogé, ils ont accepté de se laisser guider vers la lumière. Et la lumière les a convaincus qu'ils avaient trouvé.
Chaque messe, chaque eucharistie, oriente l'homme vers Dieu. Et quand nous venons à Dieu avec une prière, ce n'est pas avec le sentiment que Dieu n'a pas remarqué ce qui nous manque ou qu'il a oublié que nous sommes dans le besoin ou dans la gêne. Mais bien qu'il sache tout, malgré son omniscience, nous attirons son attention sur des choses qui nous tiennent à cœur dans l'espoir que quelque chose d'essentiel et d'utile résultera de notre prière, pour nous-mêmes ou aussi pour d'autres.
L'homme sécularisé n'est pas forcément athée. Simplement, il ne saisit pas la présence de Dieu dans le monde, ni dans sa vie personnelle. Et de même, il ne voit pas la nécessité ni l'utilité de la prière... Il lui semble que le temps de la prière, le temps de la messe, c'est du temps perdu, c'est un temps qui n'est pas bien utilisé parce qu'il ne produit rien d'évident et d'immédiat. Pour le chrétien, le temps de la prière, loin d'être du temps perdu, est un temps d'éternité, un temps dans lequel entre l'éternité, un temps qui est un véhicule vers l'éternité, un temps qui nous rapproche de la lumière. Même si l'homme sécularisé accepte l'existence de Dieu, il ne construit pas de relation personnelle avec lui. Il a arrêté sa marche vers la lumière.
On n'a jamais fini de marcher vers la lumière. Le rôle de la théologie, le rôle de la littérature chrétienne des saints et des penseurs chrétiens, est de communiquer aux croyants et aux autres une connaissance plus approfondie de Dieu, qui est le vrai contenu de la vie éternelle. C'est une connaissance de Dieu pour une communion existentielle avec lui, une communion de vie et d'amour, une rencontre avec lui. Un pasteur protestant, devenu catholique, puis prêtre catholique, nous raconte qu'au catéchisme protestant, de quatorze à dix-huit ans, chaque jeune devait résumer quinze à vingt chapitres de l'Ancien Testament. Et de plus apprendre par cœur le petit catéchisme de Luther. C'est ainsi qu'il avait cherché la lumière.
Terminer avec le romancier Georges Bernanos qui était foncièrement chrétien. Il écrivait : "Tous les chrétiens font partie de l’Église, ils sont tous ses représentants dans le monde ; il faut donc que chacun engage sa personne entière pour aider le monde à prendre conscience de tout ce que l’Église comporte de liberté et de transcendance par rapport au monde". (Avec saint Jean Chrysostome, Patriarche Daniel, Alexandre Schmemann, Michel Viot, Georges Bernanos, AvS).
9 janvier 2011 - Fête du baptême du Seigneur - Année A
Évangile selon saint Matthieu 3,13-17
L'Eglise naissante était convaincue que Jésus était sans péché. Longtemps après son baptême, Jésus posa un jour la question à des interlocuteurs qui ne croyaient pas à l'origine divine de sa mission : "Qui d'entre vous me convaincra de péché ?" Qui d'entre vous peut prouver que je suis infidèle à la mission que j'ai reçue de Dieu ? L’Église naissante était convaincue que Jésus était sans péché.
Alors on se demandait pourquoi Jésus avait voulu être baptisé par saint Jean-Baptiste dans le Jourdain. Et déjà Jean-Baptiste lui-même ne comprenait pas pourquoi Jésus voulait être baptisé. Il disait à Jésus : "C'est moi qui devrait être baptisé par toi". Et la réponse de Jésus reste fort énigmatique. Jésus dit simplement : Il faut que ça se passe comme ça. C'est après coup, après la passion et la résurrection de Jésus qu'on a essayé d'expliquer quand même le sens du baptême de Jésus. Il est descendu dans les eaux du Jourdain comme le faisaient tous les pécheurs qui voulaient faire pénitence... Et puis à la fin de sa vie, on l'a élevé sur une croix pour qu'il porte tous les péchés du monde et tous les pécheurs du monde pour que tous les péchés du monde soient effacés comme dans un baptême de sang.
Et quand Jésus a été baptisé, le ciel s'est ouvert, l'Esprit Saint de Dieu est descendu sur Jésus et la voix du Père s'est fait entendre : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j'ai mis tout mon amour". Alors, pourquoi la croix si le Père a mis tout son amour dans son Fils, Jésus ? Il y a des saints et des saintes et des théologiens qui ont compris que ce n'est pas le Père qui a imposé la croix à son Fils. C'est le Fils qui aurait proposé au Père de mourir sur une croix pour porter tous les péchés de l'humanité. Et quand le Fils a fait au Père cette proposition, c'est comme si le Père avait dit alors au Fils : "Que ta volonté soit faite".
Alors la machine s'est mise en route, et les machinations des hommes, et Jésus a été mis à mort comme un malfaiteur, comme un blasphémateur, comme un ennemi de Dieu. Sur la croix, Jésus ne ressent plus la présence du Père. C'est en souffrant qu'il porte le fardeau de nos péchés. Le plus difficile de la mission de Jésus, c'est sa mort sur la croix. Et à la suite de Jésus, la mission de tous les saints et de toutes les saintes de Dieu, c'est de venir en aide aux pécheurs. Pourquoi le baptême de Jésus ? Pourquoi son baptême sur la croix ? Le mystère déborde à l'infini l'intelligence du croyant.
Le jour du baptême de Jésus, les cieux se sont ouverts : il y a eu une manifestation de l'Esprit de Dieu, il y a eu la voix du Père... L'histoire humaine est ouverte pour toujours à la vie de Dieu, à l'Esprit Saint. Le cardinal Lustiger expliquait un jour ce qu'était une paroisse à son avis. Il disait : "La paroisse d'autrefois se définissait par son territoire : on était de telle paroisse parce qu'on habitait telle rue. Cela n'existe plus de la même façon". Alors où est-elle la paroisse pour le cardinal Lustiger? "La paroisse, c'est le lieu où l'existence de l’Église devient visible". Et il ajoutait : "La ressource fondamentale de la paroisse, c'est l'Esprit Saint qui vous habite".
Jésus tient absolument à entrer dans les eaux du Jourdain et à se faire baptiser comme un pécheur. Et sur la croix, il porte sur son dos tous les péchés et tous les pécheurs du monde. Mais sur la croix, Jésus n'a pas bonne mémoire, c'est l'un des défauts de Jésus. C'est un évêque vietnamien qui dit cela, un évêque qui a connu les prisons de son pays pour le nom de Jésus. Et il explique comment, sur la croix, Jésus n'a pas bonne mémoire. Sur la croix, dans son agonie, Jésus entend la voix du larron placé à sa droite : "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi". Et l'évêque commente comme ceci : "Si j'avais été à la place de Jésus, j'aurais répondu : Je ne t'oublierai pas, mais tes crimes doivent être expiés, au moins par vingt ans de purgatoire". Jésus répond au contraire au bandit crucifié à côté de lui : "En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Il oublie les péchés commis par cet homme. Jésus n'a pas bonne mémoire.
A son baptême, Jésus descend comme un pécheur dans les eaux du Jourdain ; par sa mort sur la croix, le dernier des fils perdus devient le prochain du juif comme du chrétien. Le ciel s'ouvre : "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". (Avec Henri de Lubac, Cardinal Lustiger, Mgr Nguyen, AvS, HUvB).
12 janvier 2014 – Fête du baptême du Seigneur - Année A
Évangile selon saint Matthieu 3,13-17
Nous sommes sur les bords du Jourdain. Il y a du monde autour de Jean-Baptiste. Jean-Baptiste est sur un rocher et il parle de là comme d'une estrade, de sa voix tonitruante, pour presser les gens de se convertir. Jésus arrive derrière lui comme s'il était l'un de ceux qui voulaient se faire baptiser. Jean-Baptiste a comme senti la présence de Jésus derrière lui. Tout de suite il descend de son rocher. Il fixe son regard sur Jésus et il crie très fort pour tous ceux qui sont là : "Voici l'Agneau de Dieu. Comment peut-il se faire que mon Seigneur vienne à moi ?" Et Jésus lui dit : "C'est pour accomplir le rite de pénitence (le baptême)". Jean-Baptiste répond : "Jamais, Seigneur, c'est moi qui dois être sanctifié par toi, et voilà que c'est toi qui viens à moi". Alors Jésus dit à Jean-Baptiste : "Permets que tout se passe comme je veux".
Jésus et Jean-Baptiste descendent alors dans l'eau du Jourdain et Jean baptise Jésus en lui versant sur la tête de l'eau du fleuve avec une sorte de tasse suspendue à sa ceinture. Jésus remonte sur la rive, il se recueille dans la prière. Et Jean-Baptiste montre Jésus à la foule en disant qu'il avait reconnu Jésus au signe de l'Esprit de Dieu sous la forme d'une colombe. Et la voix du Père s'était fait entendre qui disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé".
Au baptême de Jésus, le ciel s'ouvre. Dieu n'est pas le monarque unique et tout-puissant siégeant sur un trône dans un ciel lointain. L'une des missions de Jésus a été de révéler à l’humanité qu'il y avait trois personnes en Dieu : le Père qui est toujours invisible mais qui peut faire entendre sa voix ; le Fils, Jésus ; l'Esprit Saint qui est invisible aussi et qui se manifeste ici sous la forme d'une colombe, l'Esprit Saint qui fait le lien entre le Père et le Fils. Le Père est placé avant le Fils, mais cela ne veut pas dire qu'il y a des inégalités en Dieu, qu'il y a plusieurs degrés. Le Fils est Dieu comme le Père est Dieu. Et de même dans l’Église il y a une priorité du sacerdoce par rapport au laïcat : c'est le prêtre qui baptise. Mais cela n’indique pas la hiérarchie des valeurs ou des mérites.
Ce qui distingue la foi chrétienne de tout autre enrichissement de savoir et de connaissance, c'est qu'elle est vivante et qu'elle peut devenir vivante au point de devenir la chose primordiale du chrétien, qu'il soit prêtre ou laïc. Nos Pères dans la foi, il y a très longtemps, disaient : "Est théologien celui qui sait prier". C'est vrai pour le laïc comme pour le prêtre. Qu'est-ce que c'est "être théologien" dans ce sens-là ? C'est quand la foi a le caractère d'une rencontre personnelle avec Dieu. Un théologien des temps anciens, qui était en même temps un saint, disait : "La théologie n'est rien si elle n'est pas une initiation à la proximité brûlante de Dieu". Est-ce que Bernadette était théologienne dans ce sens ? Sans doute, puisqu'elle a connu la proximité brûlante du ciel avec la présence de Marie et qu'elle a su, Dieu sait comment, en communiquer quelque chose au monde entier.
Un homme de notre temps raconte ceci : "Pendant bien des années j'ai rejeté la foi chrétienne pour trois raisons. 1. D'abord je considérais que cette religion était ennuyeuse, car je gardais un triste souvenir des moments passés dans la chapelle de mon école. 2. Ensuite, pour moi, le christianisme sonnait faux. Intellectuellement, j'avais de bonnes raisons de ne pas croire car, non sans prétention, je me prenais pour quelqu'un de très rationnel. 3. Enfin, je trouvais que le christianisme était complètement dépassé. Je ne voyais pas comment ce qui s'était passé il y a deux mille ans au Moyen Orient et à trois mille kilomètres d'ici concernait ma vie au XXIe siècle dans mon pays". Et cet homme est devenu enfin vraiment chrétien, et il dit alors : "Avec le recul du temps, je me rends compte que c'était en partie de ma faute, car je n'avais jamais rien voulu écouter sur ce sujet et j'ignorais tout de la foi chrétienne".
Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l'homme a-t-il une destinée ? Le problème est inévitable ; l'homme le résout inévitablement ; et cette solution, juste ou fausse, mais volontaire, chacun la porte dans ses actions. Mais nous portons tous en nous le désir naturel d'une communion plus intime avec Dieu. L'esprit humain ne cesse d'être attiré par une force qui vient d'en haut, l'Esprit Saint de Dieu justement. Et donc il apparaît in jour à tout homme, sous une forme ou sous une autre, qu'il faut inévitablement opter pour ou contre l'ouverture à l'action de Dieu.
Dieu agit pas sa grâce sur le cœur de tout homme. "Voici que je me tiens à la porte et je frappe, dit-il. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi". L'amour de Dieu pour l'homme est si grand qu'il ne peut contraindre, car il n'est pas d'amour sans respect. Dieu est comme un mendiant d'amour attendant à la porte de l'âme et n'osant jamais la forcer.
La condition nécessaire pour découvrir la dimension surhumaine du Seigneur Jésus, c'est la foi en Dieu; c'est-à-dire qu'il faut laisser le champ libre à la toute-puissance de Dieu. Dieu, c'est l'infinie liberté qui ne s'ouvre que d'elle-même. (Avec Paul Evdokimov, Grégoire Palamas, Nicky Gumble, Maurice Blondel, Vladimir Lossky, AvS, HUvB).
11 janvier 2009 - Fête du baptême du Seigneur - Année B
Évangile selon saint Marc 1,7-11
Lors du baptême de Jésus, une voix s'est fait entendre qui disait à Jésus : "Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j'ai mis tout mon amour". Personne n'a jamais vu Dieu, nous dit saint Jean dans son évangile. On ne peut pas saisir Dieu directement. Mais Dieu peut se faire connaître à travers des signes. Le jour de son baptême, Jésus a entendu une voix et il a vu un signe, le signe de la colombe.
Dieu a beaucoup de manières de faire. Mère Teresa a connu très concrètement quelque chose de Dieu, comme Marthe Robin d'une autre manière. Mère Teresa et Marthe Robin ou Bernadette de Lourdes sont des témoins privilégiés du monde d'en haut. Personne n'a jamais vu Dieu, nous dit saint Jean. Mais on peut saisir quelque chose de Dieu à travers des témoins privilégiés : Mère Teresa, Marthe Robin, Bernadette et beaucoup d'autres. Il y a des sources où on peut aller s'abreuver. On ne doit pas se plaindre que Dieu se tait si on ne va pas là où il a manifesté sa présence, là où il a parlé.
Olivier Clément qui fut longtemps professeur d'histoire dans un grand lycée parisien, grand croyant aujourd'hui, mais qui n'a découvert la foi chrétienne qu'à l'âge de trente ans, écrit quelque part que les gens ne savent plus grand-chose de l'histoire de l’Église; ils ne savent plus grand-chose de la véritable histoire, dit-il, qui est l'histoire de la sainteté.
Si aujourd'hui on veut entendre la voix de Dieu, on ne peut pas se dispenser d'aller écouter les saints et les saintes de Dieu, ceux d'aujourd'hui, mais ceux aussi des temps passés. Les gens ne savent plus grand-chose de l'histoire de l’Église, de l'histoire de la sainteté, dit Olivier Clément : "Mais il y a des points d'histoire dont les gens vont se rappeler, ajoute-t-il, des taches sombres de l'histoire de l’Église : l'Inquisition et les guerres de religion; les gens vont se rappeler aussi les prises de position répétées de l’Église sur la morale sexuelle, les gens vont dire que Dieu se tait. C'est qu'ils ne vont pas là où Dieu parle.
Jésus est venu d'en haut pour donner ici-bas une réponse aux questions que tous se posent. Tout au long des âges Dieu a établi des relais pour transmettre ce qu'il a à nous dire. Dieu peut toujours communiquer à tous quelque chose du poids de son éternité. Les hommes peuvent se lamenter du silence de Dieu et de son absence, se lamenter sur la brièveté de la vie et son absurdité. Mais ils peuvent aussi se réjouir de la lumière de Dieu. (Avec Mère Teresa, Olivier Clément, Hans Urs von Balthasar).
11 janvier 2015 - Fête du baptême du Seigneur - Année B
Évangile selon saint Marc 1,7-11
Au centre de la foi chrétienne, il y a le mystère de la personne de Jésus. Ce mystère, notre évangile d'aujourd'hui l'entrouvre en quelques mots, en nous rapportant ce qui s'est passé quand Jésus lui-même, vers l'âge de trente ans, a été baptisé par Jean-Baptiste dans le Jourdain. Ce qui s'est passé, c'est qu'une voix s'est fait entendre, la voix du Père qui disait à Jésus : "Tu es mon Fils bien-aimé". Et l'Esprit de Dieu aussi se manifeste à ce moment-là, l'Esprit qui manifeste sa présence sous la forme d'une colombe.
L'une des missions du Seigneur Jésus a été de révéler à toute l'humanité que Dieu n'était pas un monarque solitaire et tout-puissant, mais qu'en Dieu lui-même il y avait de l'amour échangé entre trois "quelqu'un", entre trois personnes : le Père, toujours invisible, dont la voix s'est fait entendre lors du baptême de Jésus ; le Seigneur (Jésus) qui a vécu sur terre une bonne trentaine d'années ; et l'Esprit Saint, qui est invisible tout comme le Père, mais qui a manifesté sa présence ce jour-là sous la forme d'une colombe. Pourquoi une colombe ? A la Pentecôte, l'Esprit Saint manifestera sa présence sous la forme d'une violent coup de vent et sous la forme de langues de feu qui se posent sur chacun des apôtres.
Le mystère de Jésus, c'est le mystère de Dieu Trinité. Chacune de nos prières chrétiennes touche Dieu Trinité, même si on prie le Notre Père ou si on adresse une prière au Seigneur Jésus ou à l'Esprit Saint. Et quand nous adressons une prière à un saint ou à une sainte, c'est toujours finalement pour que ce saint ou cette sainte intercède pour nous auprès de Dieu Trinité. Lors du baptême de Jésus, l'Esprit Saint est une présence silencieuse, il manifeste sa présence sous la forme d'une colombe. Dans l’Église aussi et en chacun de nous, l'Esprit Saint opère habituellement de manière extrêmement silencieuse. Mais après un véritable effort accompli longuement dans le secret par une personne, l'Esprit Saint peut aussi descendre du ciel comme un vent violent ou comme la foudre. L'Esprit Saint a couvert Marie de son ombre pour qu'elle devienne enceinte du Très-Haut. Mais dans ses années de jeune fille, Marie avait été préparée silencieusement par l'Esprit Saint.
Si l'on baptise aujourd'hui encore dans l’Église, c'est parce que Jésus lui-même a voulu un jour être baptisé. Pourquoi ce signe sacré du baptême ? Pourquoi ce signe sacré de la messe, de l'eucharistie, que nous célébrons en ce moment ? Un rabbin de notre temps réfléchit au sens des rites dans la liturgie juive. Et nous pouvons faire notre profit de ses réflexions. Voici ce qu'il dit : "Il est vrai qu'il est fort difficile d'admettre qu'il faille obéir à un rite avant même de parvenir à en comprendre le sens profond et sans que ce rite ait une raison évidente. Cette humilité de l'esprit n'est en fait que l'acceptation fondamentale de notre finitude et du caractère nécessairement inachevé de notre savoir, même scientifique".
Le jour du baptême de Jésus, le ciel se déchire, le ciel s'entrouvre. Le mystère de Dieu s'entrouvre. Mais il ne fait que s'entrouvrir. Dieu est saint. Cela veut dire qu'il est inaccessible, cela veut dire qu'il est pour toujours le Tout-Autre. C'est pour cela qu'une psychanalyste chrétienne de notre temps pouvait dire que la prière essentielle est un désir au-delà de toute parole, au-delà de toute prière récitée, au-delà de toute prière avec des mots. La prière, c'est comme la foi, c'est une entrée dans le mystère de Dieu. Le Dieu vivant est toujours le même, aujourd'hui et éternellement, mais le Dieu qui est toujours le même est aussi le Dieu qui est toujours nouveau. Il est le Dieu vivant aujourd'hui.
Dans le message de l’Évangile, il y a des choses qui ne peuvent apparaître que petit à petit, et qui sont une partie des possibilités du Dieu vivant. On pourrait dire ici que les apparitions de la Vierge Marie au cours des siècles étaient contenues dans l’Évangile, mais Dieu ne révèle jamais tout, tout de suite. Les apparitions de la Vierge, à Lourdes ou ailleurs, sont aussi pour le ciel des manières de s'entrouvrir. La Vierge Marie est bien là qui s'entretient avec Bernadette à Lourdes, mais Bernadette n'a pas la possibilité de retenir Marie, Bernadette n'a pas la possibilité de décider quand Marie doit lui apparaître. C'est le ciel qui en décide, le ciel, c'est-à-dire le Dieu vivant.
Dans l'Ancien Testament, on voit l'homme désirer regarder en Dieu. Cette aspiration à regarder en Dieu est satisfaite surabondamment, si on peut dire, par la venue de Dieu dans la demeure des hommes pour habiter chez eux et manger avec eux. Dans cette descente de Dieu parmi les hommes, rien d'autre ne doit être manifesté que l'humble amour de Dieu. Le ciel n'est plus seulement une image, le ciel est devenu quelqu'un : le Seigneur Jésus. Mais il meurt pour nous tous. Le ciel lui-même est mort pour nous. Et le Seigneur Jésus monte au ciel définitivement et il s'assied à la droite du Père. Par la résurrection du Seigneur Jésus, notre terre a reçu pour toujours quelque chose du ciel, elle en est marquée pour toujours. (Avec Gilles Bernheim, Gérard Siegwalt, Françoise Dolto, Georges Cottier, AvS, HUvB).
10 janvier 2010 - Fête du baptême du Seigneur – Année C
Evangile selon saint Luc 3, 15...22
L'évangéliste saint Luc est le seul à nous signaler qu'après avoir été baptisé Jésus s'est mis en prière. Et c'est quand il était en prière que le ciel s'est ouvert. La prière, c'est comme une ouverture entre le ciel et la terre, entre les hommes et Dieu. Dimanche dernier, peu après la naissance de Jésus, des mages, des étrangers, sont venus adorer le Messie, le roi des juifs. Aujourd'hui, trente ans après la naissance de Jésus, c'est Dieu qui vient attester en quelque sorte l'identité de Jésus : "Tu es mon Fils; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré".
Pour la plupart d'entre nous, notre baptême s'est passé peu après notre naissance, et nous n'en avons pas le souvenir. Nous ne nous souvenons ni du jour de notre naissance, ni du jour de notre baptême. Mais nous ne doutons pas que nous sommes vivants. Et dans la foi, nous savons aussi que le jour de notre baptême une voix du ciel nous a dit : "Tu es mon fils, tu es mon enfant bien-aimé".
A-t-on raison de baptiser les enfants ? Celui qui est convaincu de l'authenticité et de la valeur de la foi chrétienne sait que c'est le meilleur chemin possible, et donc qu'il a le devoir d'engager ses enfants sur ce chemin. A-t-on raison de baptiser les enfants ? On a le droit quand même de faire cadeau d'une grâce. Les parents et les amis de l'enfant n'ont pas seulement entre les mains l'existence biologique de l'enfant, ils ont aussi entre leurs mains son existence spirituelle. L'enfant n'est pas qu'un petit animal. La vie spirituelle de l'enfant se développe à partir de celle des parents et des maîtres.
Peut-on assumer la responsabilité de donner la vie à un être humain alors que personne ne sait les souffrances qui pourront l'atteindre ? Il y aura toujours évidemment la souffrance de la mort. Peut-on assumer la responsabilité de donner la vie à un être humain ? Pour notre foi chrétienne, fondamentale, le don de la vie n'est défendable que si on peut donner plus que la vie, que si on est en mesure de donner un sens plus fort que les souffrances inconnues et la mort qui attendent l'être humain.
A-t-on raison de baptiser les enfants ? On a le droit de faire un cadeau, le cadeau d'une grâce. Pour être baptisé, un adulte doit suivre une catéchèse, un enseignement qui lui explique tout le mystère chrétien et le sens du baptême. Pour l'enfant qui est baptisé tout petit, cette catéchèse doit suivre le baptême. La question essentielle qui est posée à la vie humaine, c'est la mort. Si on n'y répond pas, on n'a rien à répondre sur rien. Quand on est baptisé, on est baptisé au nom de Jésus, de Jésus crucifié et ressuscité, de Jésus qui a les clefs de la mort.
Celui qui est baptisé est appelé à participer à la relation de Jésus avec Dieu. Jésus est Fils, surtout quand il prie. Mais Jésus est constamment ouvert au Dieu vivant : quoi qu'il fasse, il est ouvert au Dieu vivant ; qu'il travaille, qu'il parle ou qu'il se repose, il est toujours à l'écoute du Dieu vivant. Le Père est toujours la source de sa vie. Le Fils, Jésus, ne dirige pas sa propre existence, il la reçoit toujours du fond de son dialogue avec Dieu. Tous les jours, il entend la voix du Père : "Tu es mon Fils ; aujourd'hui je t'ai engendré". Nous pouvons remettre à la Providence de Dieu chaque instant de notre vie. Alors nous savons que ce qui n'a pas de sens n'existe pas. Tout a un sens dans la Providence de Dieu. "Tu es mon fils ; moi, aujourd'hui je t'ai engendré". Et beaucoup peuvent baigner dans la grâce, sans même le savoir : enfants de Dieu aux yeux fermés. Une sainte du Moyen Age disait : "On ne peut dire de personne qu'il est insignifiant puisqu'il est appelé à voir Dieu sans fin". Nos Pères dans la foi disaient : Voir, c'est posséder. Celui qui voit Dieu a obtenu tous les biens qu'on peut concevoir.
La Parole de Dieu, l'Écriture, la Bible, n'a pas peur de l'angoisse ; elle n'a pas peur de la souffrance et de la mort ; elle n'a pas besoin de les recouvrir pudiquement de silence. La Parole de Dieu n'a pas pour but de préserver l'homme de la souffrance et de la mort. Elle n'est pas venue non plus pour ôter simplement l'angoisse de l'homme ou pour l'en dispenser. La Parole de Dieu s'empare de l'angoisse, de la souffrance et de la mort pour leur donner une valeur nouvelle. Quelle valeur ? Tout ce qui est humain est une argile dans la main du Créateur. "Tu es mon enfant bien-aimé". (Avec Fiches dominicales, Joseph Ratzinger, Marguerite Porete, Grégoire de Nysse, AvS, HUvB).
13 janvier 2013 - Fête du baptême du Seigneur - Année C
Évangile selon saint Luc 3,15...22
Il y avait tout un courant de ferveur autour de Jean-Baptiste. Beaucoup de gens, pas tous nécessairement très croyants, allaient le voir pour l'entendre parler des choses de Dieu. Et beaucoup se faisaient baptiser par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain pour demander à Dieu le pardon de leurs péchés. Et Jésus, encore inconnu, se mêle à la foule des pèlerins et il se fait baptiser lui aussi par Jean-Baptiste. Jésus, lui aussi, fait partie du peuple de Dieu ; en se faisant baptiser dans le Jourdain comme tout le monde, il manifeste sa solidarité avec tous.
Saint Luc nous dit aujourd'hui qu'après son baptême, Jésus s'était mis à prier. Et c'est alors que le ciel s'est ouvert pour lui, et pour quelques témoins sans doute. L'Esprit Saint de Dieu ce jour-là manifeste sa présence sous la forme d'une colombe. Le Père manifeste sa présence par une parole : "Tu es mon Fils, moi aujourd'hui je t'ai engendré". Ces quelques mots attribués au Père sont empruntés à un psaume messianique, un psaume donc qui semblait annoncer la venue un jour d'un Roi Messie : "Tu es mon Fils; moi aujourd'hui je t'ai engendré".
C'est pendant que Jésus prie que le ciel s'ouvre et que l'Esprit Saint et le Père manifestent leur présence. Qu'est-ce que cela veut dire ? Chaque fois que le Seigneur Jésus prie, le Père et l'Esprit Saint sont là, mais ils ne manifestent pas nécessairement leur présence. Chaque fois que nous, aujourd'hui, nous prions, le Père est là, et aussi l'Esprit Saint et le Seigneur Jésus.
Tout au long des âges chrétiens, des saints et des saintes de Dieu ont fait l'expérience de la présence de Dieu au cours de leur prière. Ce n'était pas tous les jours nécessairement qu'ils faisaient l'expérience de la présence de Dieu, mais Dieu leur avait fait un jour ce cadeau merveilleux pour qu'ensuite ils vivent tous les jours dans une foi plus vivante et plus consciente. Ce qu'ils ont connu un jour par l'expérience, nous le savons au moins par la foi : Dieu est là chaque fois que nous nous adressons à lui en vérité et dans la droiture du cœur.
Cette scène de l'évangile qui nous montre Jésus en prière et le ciel qui s'entrouvre pour lui nous apprend quelque chose de la prière et quelque chose de Dieu. Qui est Dieu ? Un être imprévisible qui a figure humaine, qui est capable de compassion, donc une personne avec qui on peut parler, que l'on peut prier, et aussi une personne qui nous cherche, donc qui a besoin de nous, une personne aussi qui souffre. Fondamentalement, la prière est toute forme de parole ou de pensée par laquelle l'âme cherche à entrer en communion avec Dieu.
Monseigneur Dagens, qui est aussi membre de l'Académie Française, raconte ceci : Dans son diocèse, il a un jour donné le sacrement de confirmation à une femme de soixante-dix-sept ans. Cette femme avait soigné pendant douze ans son mari qui était paralysé. Et elle écrivait à l'évêque : "Je veux passer le reste de ma vie à prier pour ceux qui ne prient pas. Ils ne le sauront peut-être jamais. Mais ce sera comme une lueur dans la nuit". On ne sait pas ce que Dieu va faire de la prière de cette femme, mais il est sûr qu'il l'entend et qu'il en fera usage pour répandre quelque part quelque chose de sa grâce.
Après son baptême, Jésus était en prière. Et voilà que ce dimanche matin nous sommes réunis aussi pour la prière de la messe, c'est-à-dire pour accueillir le mystère de Dieu et pour entrer dans le mystère de sa présence. Il y a un rapport entre la prière de Jésus le jour de son baptême et la messe que nous célébrons. Une présence de Dieu s'est manifestée le jour du baptême de Jésus. L'eucharistie, la messe, c'est le mystère précieux de Dieu vivant au milieu de ses enfants.
Saint Paul dit quelque part dans l'une de ses lettres à des chrétiens : "Vous tous que le baptême a unis au Christ". Qu'est-ce que c'est qu'un baptisé ? Qu'est-ce que c'est qu'un chrétien ? C'est quelqu'un qui n'en finit pas d'apprendre à devenir chrétien, à connaître le Seigneur Jésus, à vivre de lui et à témoigner de lui comme le chemin, la vérité et la vie.
Le jour de son baptême, Jésus priait. On ne connaît pas les mots de sa prière ce jour-là. Mais on connaît son dernier mot, c’est la parole qu’il a dite à l'heure où il passait de ce monde à son Père, sur la croix, entre deux condamnés à mort : "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" (Lc 23,34).
Que se passe-t-il dans le cœur du Père quand il voit son Fils sur le chemin de la croix ? Quand il doit se dire : "Voilà ce que j'ai permis à mon Fils unique et bien-aimé, parce qu'il m'a prié de pouvoir le faire !" Saint Ignace de Loyola nous dit que nous devons considérer comment Dieu se donne de la peine pour nous et se comporte comme quelqu'un qui fait un travail pénible...
Nous voudrions toujours qu'on nous explique pourquoi Dieu permet tant de souffrances dans le monde. La seule réponse qu'il nous donne se trouve ici : Dieu a tant aimé le monde qu'il a laissé s'écrouler sous ce monde son Fils unique. Et le Fils aimant a pris sur lui notre faute pour que le Père puisse de nouveau voir en nous ses enfants bien-aimés. (Avec Philippe Nemo, Mgr Dagens, AvS, HUvB).
10 janvier 2016 - Fête du baptême du Seigneur - Année C
Évangile selon saint Luc 3,15-16.21-22
Sur les rives du Jourdain, Jésus se mêle aux pécheurs pour recevoir le baptême des mains de Jean-Baptiste. On ne se baptise pas soi-même. On reçoit le baptême de quelqu'un d'autre. Et Jésus se mêle à la foule des pécheurs qui se font baptiser par Jean-Baptiste en signe de repentance pour leurs péchés. Personne ne remarque Jésus parmi les pécheurs ; il est le Messie de Dieu, il est le Fils de Dieu, personne ne s'en doute, personne ne le sait. Il se mêle à la foule des pécheurs, il est là comme un pécheur qui vient demander pardon.
Déjà Jésus assume là sur ses épaules le poids du péché de l'humanité tout entière. Ce n'est qu'un petit début. Sur la croix, ce sera autre chose : là il prendra sur lui avec une énorme souffrance les péchés innombrables de tous les hommes, des milliards et des milliards d'hommes. On ne peut pas comprendre ! On ne peut pas comprendre comment c'est possible. Mais on sait que c'est le geste d'un amour infini qui accepte de beaucoup souffrir pour les autres. Comment la souffrance de Dieu peut-elle sauver les hommes, c'est-à-dire les rapprocher de lui dans l'amour ? Comment, on ne sait pas. Les saints nous disent que la souffrance peut être transformée en bénédiction par l'alchimie de Dieu.
Si Dieu s'était contenté de sa joie céleste, il n'aurait pas créé le monde, et le Fils - Jésus - n'aurait pas eu besoin de s'incarner, de devenir homme. En se faisant homme, le Fils a montré ce qu'un homme pouvait faire pour Dieu. Chaque fois que nous voulons sérieusement faire plaisir à Dieu, lui offrir une joie, nous sommes capables de le faire. Et non seulement Dieu reçoit cette joie, il en a besoin dans sa vie trinitaire. Chaque fois que nous essayons de faire plaisir à Dieu, c'est que nous avons compris quelque chose de Dieu.
Jésus meurt sur la croix : c'est le prolongement de son baptême, il a montré ce qu'un homme pouvait faire pour Dieu. Et en montant au ciel, il nous a prouvé à nouveau combien Dieu était proche de l'homme. Comment faire plaisir à Dieu ? Saint Paul le dit de manière étonnante quand il écrit : "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu". Faites tout pour faire plaisir à Dieu.
Après avoir été baptisé dans le Jourdain, Jésus s'est mis à prier. On voudrait bien savoir comment il priait, avec quels mots, ou sans beaucoup de mots. Toujours est-il qu'il priait, et alors le ciel s'est ouvert, dit l'évangéliste. Jésus est baptisé comme un pécheur pour ouvrir le ciel à tous les pécheurs, c'est-à-dire à tous les hommes, de même qu'il meurt sur la croix pour ouvrir à tous les hommes les portes du paradis. On ne comprendra jamais. Encore une fois, c'est l'alchimie de Dieu, pour ne pas dire son secret et son mystère.
A quoi servent alors les commandements de Dieu ? La toute-puissance de Dieu qui ordonne n'est autre que la toute-puissance de l'amour qui sauve, la toute-puissance de l'amour qui appelle à la joie, la joie qui est le premier et le dernier mot de toute la Loi, le premier et le dernier mot des dix commandements. Les commandements de Dieu ont pour but de protéger l'homme de tout ce qui le mutile et l'aliène, de protéger l'homme de tout ce qui le rend moins homme, le protéger par exemple des paradis artificiels de l'alcool, de la drogue et des jeux (il y a une addiction aux jeux - à tous les âges-, à la drogue et à l'alcool, et ça peut commencer très tôt). Les commandements de Dieu sont là pour protéger l'homme de ces addictions, pour le protéger du culte du plaisir et de l'avilissement de la femme-objet, du meurtre des petits innocents dans le sein de leur mère, pour le protéger du culte de la richesse, comme pour le protéger de la paresse qui préfère ne pas travailler et vivre des subventions sociales.
Les commandements de Dieu sont là pour protéger l'homme de toute forme d'idolâtrie qui mutile l'homme et l'éloigne de Dieu. Mais l'idolâtrie peut se cacher partout. On en trouve un exemple chez un spirituel juif du XIXe siècle, qui raconte ceci : "Sacrifier à une idole, qu'est-ce que ça veut dire ? Personne n'aurait l'idée aujourd'hui d'offrir un sacrifice à une idole. Voilà un homme juste et pieux, à table avec d'autres convives. Il mangerait volontiers un peu plus, mais l'idée de se déconsidérer aux yeux des autres le retient. Il a sacrifié à une idole". Et nous, quelles sont nos idoles ?
Marie-Noël, de son nom d'état-civil Marie Rouget, est l'un des plus grands poètes catholiques français. Son père, agrégé de philosophie, était professeur au lycée d'Auxerre. Il était agnostique et rationaliste, il a fortement développé en sa fille l'esprit critique. Marie-Noël était célibataire contre son gré. Elle était très croyante malgré son père. Elle se décrivait elle-même avec humour comme une grenouille de bénitier absorbée par ses bonnes œuvres. Autrement dit, elle observait ses bonnes œuvres avec un certain recul, pour qu'elles ne deviennent pas une idolâtrie.
Jésus se fait baptiser dans le Jourdain comme un pécheur parmi les pécheurs alors qu'il est "de la Trinité", l'un de la Trinité, l'une des personnes de la Trinité. Si bien que nos Pères dans la foi ont pu dire : "L'un de la Trinité a souffert". Était-ce bien raisonnable de dire que l'un de la Trinité a souffert ? On s'est souvent posé la question dans l’Église. Et on a reconnu finalement que la formule était tout à fait correcte. Parce que si Jésus s'est fait baptiser "pour nous", s'il est mort sur la croix "pour nous" et s'il est ressuscité "pour nous", on ne voit pas pourquoi cette mort pourrait nous sauver si ce Crucifié et ce Ressuscité n’était pas "l'un de la Trinité". (Avec Benoît XVI, Cardinal Decourtray, Martin Buber, Marie Noël, AvS, HUvB).
CARÊME
13 mars 2011 - 1er dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Matthieu 4,1-11
Le premier dimanche de carême, nous commençons toujours par lire le récit des tentations de Jésus. Et curieusement, pour saint Matthieu, c'est l'Esprit, l'Esprit Saint, qui conduit Jésus au désert pour y être tenté. Tenté par le démon, le diable, Satan, peu importe. Par les deux premières tentations, le démon suggère à Jésus d'opérer un miracle. Tu as faim ? Fais que ces pierres qui sont là dans le désert deviennent des pains. Et puis, tu vas en haut du temple et tu te jettes en bas, et les anges de Dieu vont te porter pour que tu arrives en bas sain et sauf. Ce sera un grand miracle et tout le monde applaudira, et tout le monde te reconnaîtra comme le Messie et le Fils de Dieu. La troisième tentation est plus secrète : ça se passe uniquement entre le démon et Jésus. Le démon promet à Jésus tous les royaumes de la terre : il suffit que Jésus se prosterne devant le démon pour l'adorer.
Et nous, nos tentations, où sont-elles ? Le démon suggère à Jésus de faire un mauvais usage des pouvoirs qu'il a, il suggère à Jésus de faire un mauvais usage du pouvoir qu'il a de faire des miracles. Utiliser les dons de Dieu pour son compte personnel sans demander à Dieu si Dieu le veut. Et la troisième tentation, c'est la plus violente : tourner carrément le dos à Dieu et se prosterner devant le démon. C'est curieux que l'une des premières choses que les évangiles nous disent de Jésus avant le début de sa vie publique, c'est qu'il a été tenté par le démon.
Par les évangiles, la première chose qu'on sait de Marie, c'est qu'elle aussi a été visitée par un ange, mais ce n'était pas le démon. C'était un ange envoyé par Dieu pour lui demander si elle accepterait d'être la Mère du Messie. Et pour Marie, c'est tout de suite qu'elle veut ce que Dieu veut. Si c'est Dieu qui se penche sur elle, sa réponse ne peut être qu'un abandon confiant et aveugle entre ses mains. Si c'est Dieu qui est venu la visiter par son ange, elle ne sait qu'une chose : elle est la servante de Dieu, elle préférera toujours ce que Dieu lui offre et lui propose. Jamais elle ne cherchera à diriger la volonté de Dieu, les désirs de Dieu. Elle dit et elle dira toujours : "Je suis la servante du Seigneur". Que tout se passe selon sa parole et ses désirs. Marie reçoit la visite de l'ange : la réponse est oui. Jésus reçoit la visite du démon : la réponse est non.
Le démon pousse Jésus à des coups d'éclat. Les saints nous disent : l'orgueil est un signe de sottise. Au début de sa vie publique, Jésus est tenté par le démon. C'est pour nous qu'il a été tenté. C'est pour nous dire qu'une vie chrétienne sans tentations, qu'une vie humaine sans tentations, ce n'est pas possible. La foi exige des chrétiens qu'ils restent toute leur vie des élèves à l'école du Seigneur Jésus. Aujourd'hui les chrétiens ont leurs tentations, l’Église aussi a ses tentations aujourd'hui. Benoît XVI, dans l'un de ses livres, cite un Académicien français d'origine roumaine, l'un des pères du théâtre de l'absurde. Il n'est pas sûr qu'Eugène Ionesco soit très chrétien, mais du moins il devine ce que l’Église ne peut pas être. C'est le pape Benoît XVI qui cite Ionesco, un texte de 1975 (un peu vieux déjà!) : "L’Église ne veut pas perdre sa clientèle, elle veut gagner de nouveaux clients. Cela produit une sorte de sécularisation qui est vraiment désolante... Le monde se perd, l’Église se perd dans le monde, les curés sont stupides et médiocres ; ils sont heureux de n'être que des hommes comme les autres : petits-bourgeois médiocres et de gauche. Dans l’Église j'ai entendu dire un curé : 'Soyons joyeux, serrons-nous les mains. Jésus vous souhaite cordialement une bonne journée'. Bientôt on installera un bar pour communier au pain et au vin et on servira des sandwiches et du beaujolais ! Cela me semble être d'une incroyable bêtise et d'un manque total de spiritualité. La fraternité n'est ni médiocrité, ni fraternisation. Nous avons besoin de ce qui échappe au temps. Car qu'est-ce que la religion sans le sacré ? Il ne nous reste rien, rien de solide. Tout est en mouvement. Et nous, pendant ce temps, nous avons besoin d'un roc". C'était Eugène Ionesco qui écrivait cela en 1975, cité par Benoît XVI dans un livre récent. L’Église et les gens d’Église ont aussi leurs tentations. Que faire ? "On ne réforme l’Église qu'en se réformant soi-même".
Jésus a subi des tentations au début de sa vie publique. Mais il connaît la volonté absolue et exigeante de Dieu. Il a la certitude qu'il ne doit pas agir avec des moyens et des pouvoirs surhumains qui se trouveraient peut être magiquement à sa disposition. Il ne peut et ne veut agir qu'avec des forces accordées par Dieu et, du côté humain, avec la pauvreté, la prière, l'obéissance et l'abandon. (Avec Benoît XVI, Eugène Ionesco, André Manaranche, AvS, HUvB).
9 mars 2014 - 1er dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Matthieu 4,1-11
Jésus est depuis quarante jours dans un désert montagneux. Satan s'est déguisé en bédouin, il s'approche de Jésus : "Tu es seul ? Comment es-tu arrivé ici ? Tu t'es perdu ? Si j'avais de l'eau dans ma gourde, je t'en donnerais". Satan s'est assis en face de Jésus : "Regarde ces pierres toutes rondes et polies, ne dirait-on pas des pains ? Toi, Fils de Dieu, tu n'as qu'à dire : 'Je le veux' pour qu'elles deviennent du pain odorant. Rassasie-toi, Fils de Dieu, tu es le maître de la terre. Si tu es devenu trop faible pour faire un miracle, veux-tu que je le fasse pour toi ? Je ne suis pas à ton niveau, mais je peux faire quelque chose". Jésus : "Tais-toi! Ce n'est pas seulement de pain que vit l'homme…"
Le démon a un sursaut de rage, mais il se maîtrise. "Viens voir ce qui se passe dans la maison de Dieu. Viens voir tes prêtres : ce sont des hommes, ce ne sont pas des anges. Je te porte tout en haut du temple et tu ordonnes aux anges de te porter sur leurs ailes. Les prêtres vont voir ça. De temps à autre, il faut des choses extraordinaires parce que les hommes ont la mémoire courte". Jésus : "Ne mets ton Dieu à l'épreuve..."
Le diable : "Tu sais bien que le cœur des ministres du temple est un nid de vipères. Tu ne veux rien faire pour eux ? Alors, viens, adore-moi. Je te donnerai toute la terre, tous les royaumes de la terre, toutes les richesses et les femmes et les chevaux, les soldats, le temple. Adore-moi un seul instant et tout est à toi. Un seul instant et j'arrêterai de te tourmenter". Satan se jette à genoux en suppliant. Jésus s'est mis à genoux pour prier. Sa voix est un tonnerre : "Va-t-en, Satan ! Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras, lui seul". Et Satan disparaît avec un hurlement de malédiction.
Dieu est terrible, dit l’Écriture. Il a toute la puissance. Mais ce n'est pas une puissance menaçante. Pour rapprocher les hommes de Dieu, pour racheter les hommes, le Seigneur Jésus est mort sur une croix dans l'extrême faiblesse. Personne ne peut s'opposer à l'acte créateur du Père. De même personne ne peut s'opposer au fait que le Fils de Dieu l'a racheté sur la croix. Personne ne peut regarder la croix et douter que le Seigneur Jésus a souffert aussi pour lui.
Quand Satan parle à Jésus, il le fait en manipulateur. Il propose toujours à Jésus des choses bonnes et désirables : du pain quand on a faim, un grand coup de bluff du haut du temple, toutes les richesses du monde. On peut demander à l'Esprit Saint qu'il nous purifie de tout ce qu'il peut y avoir en nous de manipulateur, de dominateur, de condescendant.
Marx disait : La religion, c'est l'opium du peuple. Il faut abolir la religion parce qu'elle propose un bonheur illusoire. L'abolition de la religion est la condition nécessaire pour que l'homme parvienne à un bonheur réel. Et quel a été le résultat de ce beau programme ? Dans le cas de la Russie soviétique, ça a conduit à l'extermination pure et simple de dizaines de millions de gens qui faisaient obstacle à la volonté des gouvernants. Le diable prétendait faire le bonheur de Jésus. Il prétend toujours faire le bonheur des gens. Et ça marche très souvent. Jusqu'au jour où on se rendra compte qu'on a été berné. Et on peut être berné pendant toute sa vie.
Jean-Paul Sartre était devenu un athée militant. A sa mort, un homme, quelque part en France, un homme qui avait été lui aussi un athée militant et qui était devenu curé dans une paroisse de l'Ariège et qui entretenait une correspondance avec des personnages comme Claudel, Mauriac, Montherlant et Jean Guitton, ce curé donc écrivait le soir de la mort de Jean-Paul Sartre : "J'ai de la peine ce soir. Je ne sais pas si Jean-Paul Sartre a vu le diable, mais ma foi me dit qu'il a vu le Bon Dieu".
Jean-Paul Sartre avait connu un peu le christianisme dans son enfance. Mais quel christianisme ? Beaucoup de chrétiens - et vous en connaissez sans doute - ont été blessés dans leur éducation chrétienne et ils sont allergiques à la foi chrétienne, aux credos chrétiens, aux dogmes chrétiens. Karl Marx voulait organiser un monde sans Dieu. Certains croyants pensent ou disent parfois qu'il n'est pas possible d'organiser la terre sans Dieu. Ce n'est pas juste. On peut très bien organiser la terre sans Dieu. Ce qui est vrai, c'est que, sans Dieu, on ne peut en fin de compte organiser la terre que contre l'homme. C'est bien ce qui est arrivé autrefois au paradis des sans-Dieu, en Russie.
Parce que Dieu est Dieu, il n'est pas possible de lui faire du tort, par exemple en lui désobéissant. Le seul tort que l'homme puisse faire, ce n'est pas à Dieu qu'il le fait, c'est à lui-même. Dieu ne nous demande rien, mais il attend de nous que nous soyons ce que nous sommes : des humains; et donc que nous produisions les effets naturels de ce que nous sommes. Les commandements finalement se ramènent à un seul : l'homme est tenu d'être humain. Mais comment se garder de ce qui n'est pas humain ? Le premier commandement, c'est : "Sois ce que tu es. Sois ce que tu dois être. Sois conforme à ce que tu es".
Un temps de carême pour se convertir ! C'est quoi se convertir ? C'est sortir de soi (un peu plus) pour aller vers Dieu, en écoutant sa parole qui appelle et qui montre le chemin. (Avec Timothy Radcliffe, Casy Rivière, Anselm Grün, Henri de Lubac, saint Thomas d'Aquin, Rémi Brague, AvS, HUvB).
5 mars 2017 - 1er dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Matthieu 4,1-11
Pourquoi Jésus a-t-il été tenté ? Il aurait pu empêcher le diable de s'approcher de lui. Mais s'il n'avait pas été tenté, comment aurait-il enseigné la manière de vaincre la tentation ? Pourquoi le Christ a-t-il été tenté ? Saint Augustin se posait déjà la question et il essayait d'y donner une réponse. Jésus est tenté trois fois et, trois fois, il oppose la Parole de Dieu au tentateur. Trois fois, il répond : "Il est écrit..." Rien ne peut mettre en cause le oui du Christ à son Père. Et lorsque son heure viendra, ce sera encore un oui sans réserve qu'il dira au Père. A lire l'évangile, la victoire du Seigneur Jésus semble avoir été facile mais, sous cette victoire, il y a la Passion.
"Par ton jeûne au désert, délivre-nous. De ceux qui s'égarent, prends pitié. De ceux qui sont tentés, prends pitié. De ceux qui doutent, prends pitié. De ceux qui sont partis loin de toi, prends pitié". Adam a connu la douleur d'être chassé du paradis. Il a douté de Dieu et le péché est entré dans le monde. Pour Jésus, cela s'est passé autrement. Le récit des tentations de Jésus résume toute sa vie. Il n'a jamais dévié de sa fidélité à son Père, il s'est fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix.
La tentation, ce n'est pas une histoire du passé, mais un combat de chaque jour. Elle est où, notre tentation à nous ? Quand elle devient plus forte, elle entraîne au péché et nous détourne de Dieu. Les serpents qui s'approchent de nous aujourd'hui sont habiles et séducteurs pour nous éloigner de Dieu et de l’Église, l’Église qui est le lieu où l'on apprend à connaître Dieu et à se rapprocher de lui. Jésus est victorieux pour nous du Malin. Et ce n'est pas pour rien que le diable, on l'appelle le Malin.
Elle est où notre tentation aujourd'hui ? On manque de personnes qui s'emploient aux choses de l’Église et de Dieu, on manque de prêtres. Les vocations auxquelles il n'a pas été répondu ont des répercussions dans l’Église. Celui ou celle qui a refusé un choix mûr en gardera mauvaise conscience, il portera en lui une fausseté dont il n'arrivera pas à se débarrasser, parce qu'il aura esquivé une responsabilité. Mais de plus, un vide apparaîtra également dans l’Église. Ce sera par exemple un diocèse qui rencontre des difficultés en raison du manque de prêtres. Si les chrétiens parvenaient à se rendre compte du nombre immense de décisions manquées au sein de l’Église, ils seraient moins indignés à son sujet.
Le fait que tel homme ou telle femme dans l’Église occupe une place qui, finalement, ne lui correspond pas, s'explique peut-être par le fait qu'une autre personne, plus appropriée pour cette charge, s'est refusée à faire la volonté de Dieu. Celui qui vraiment aurait dû être prêtre, s'il refuse sa vocation première, ne pourra pas devenir toujours un époux idéal. Il ne peut pas affirmer qu'il se trouve à la place où Dieu voulait qu'il soit. Dieu utilise tout pour venir à notre rencontre. Même les tentations. Est-ce que notre manière de faire est bonne ? Demain, quel bon chemin prendre... pour une journée paisible à la recherche de Dieu ? Et pour les fermetures à la grâce, pardon !
Le contraire de la tentation, c'est l'amour. L'être humain atteint son sommet dans l'amour quand il n'est plus que relation à l'autre, en se vidant de lui-même pour s'ouvrir à l'autre. Le contraire de la tentation, c'est de s'ouvrir à Dieu en se vidant de soi. Pourquoi ces tentations de Jésus au moment où il va commencer sa vie publique ? Pour nous dire simplement aussi que la tentation fait partie de la vie. Il y a en tout être humain un penchant pour le mal, et ce n'est sûrement pas la science et la technique qui pourront extirper du cœur de l'homme son penchant pour le mal. Les progrès technologiques n'entraînent pas automatiquement le progrès moral.
Un Juif de notre temps résumait ainsi toute la morale : "Il est demandé à tout homme rien d'autre que la paix, la justice, la bonté et l'humilité, en un mot : l'humanité". Il est curieux et instructif que, dans ces quatre termes qui résument pour lui toute la morale, figure aussi l'humilité. Et d'ailleurs dans les tentations que le diable suggère à Jésus, l'orgueil a une bonne place : Ordonne que ces pierres deviennent des pains ! Jette-toi en bas du sommet du temple ! Fais donc des prodiges ! Et le même Juif, notre contemporain, résumait ainsi ce qu'est pour lui la sainteté : "La sainteté, c'est mener une vie droite". Et il ajoutait : "Une vie droite atteste de la présence de Dieu... Tout homme peut être à l'écoute de l'Esprit, même s'il ne sait pas encore lui donner un nom... Tout homme peut comprendre qu'il y a du sacré dans notre monde".
Dieu n'est pas une forteresse à prendre d'assaut. Au contraire, il est une maison pleine de portes ouvertes par lesquelles nous sommes invités à entrer. Dieu, c'est un échange énorme, infini, éternel, entre trois personnes, le Père, le Fils et l'Esprit saint, et il est prévu de toute éternité que nous, qui sommes dehors, nous qui sommes les autres, nous pouvons entrer et nous pouvons avoir part à cet échange d'amour vivant et infini. (Avec Sœur Marie-Pierre Faure, Bruno Régent, Maurice Zundel, Jean-François Bensahel, AvS, HUvB).
1er mars 2009 - 1er dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Marc 1,12-15
Saint Marc raconte très sobrement ce temps de quarante jours que Jésus a passé au désert. Pourquoi l'Esprit pousse-t-il Jésus au désert? Et pendant quarante jours. Aujourd'hui encore, il existe dans l’Église des retraites de trente jours. Cela se passe souvent dans des maisons tenues par des jésuites. Et souvent des chrétiens se décident pour une retraite de trente jours quand ils ont à prendre une grande décision pour leur vie. Mais pas nécessairement avant de prendre une grande décision. C'est peut-être uniquement pour vivre avec Dieu seul pendant trente jours. Trente jours au désert pour écouter Dieu.
Jésus, lui, avait quitté Nazareth et son travail de charpentier dans sa commune. Il savait sans doute que le temps était venu pour lui de commencer son ministère de prédicateur. Et l'Esprit lui inspire de se retirer dans un endroit désert. On ne sait rien de la relation de Jésus avec Dieu, le Père invisible, durant ces quarante jours. Saint Marc nous dit seulement que pendant ce temps Jésus fut tenté par Satan. Saint Marc n'en dit pas plus. Mais il est évident que Jésus a vécu ces quarante jours intensément en présence de Dieu, le Père invisible. Vraiment, pendant ces quarante jours, Dieu occupait tout son horizon. Il n'avait plus ses soucis de charpentier, il n'avait pas encore ses rapports quotidiens avec les gens, avec les foules, avec les malades, avec des gens bienveillants et des gens malveillants. Pendant quarante jours, Jésus s'est offert à Dieu seul.
Mais le diable aussi était là, à l'affût. On voit ça aussi dans la vie de certains saints. Quand on remarque que Dieu est très proche de quelqu'un, on se pose la question : et le diable? Et plus d'une fois on nous apprend que le diable non plus n'était pas loin : c'est l'histoire du curé d'Ars, de Marthe Robin et de bien d'autres.
Où est-ce qu'il est le diable pour nous? Le diable ne dit pas son nom. Il ne dit pas : "Attention! Je suis là!" Il est plus malin que ça. Pour un chrétien, tout ce qui ne se fait pas en direction de Dieu est déjà péché ; tout ce qui, dans ma vie, ne peut pas être mis en relation avec la volonté de Dieu est déjà péché.
Il est toujours possible de se détourner du péché, de se détourner d'une vie sans Dieu, même si pendant des années on a vécu comme si Dieu n'existait pas, comme si Dieu ne nous appelait pas. Il est toujours possible de se retourner vers Dieu, de se convertir, ou de se tourner un peu plus vers lui. La possibilité de la conversion d'un homme pécheur n'est jamais aussi désespérée que la conversion du démon.
Jésus a passé quarante jours au désert. Et nous, nous pouvons toujours demander à Dieu de nous apprendre à nous tenir sur nos gardes aux heures du danger et de la tentation. Qu'il nous donne toujours sa lumière et sa force, sa lumière pour voir où est le danger, et sa force. Il est toujours possible de changer de vie, de se retourner vers Dieu.
Oscar Wilde, un Irlandais, raconte l'histoire d'un assassin repenti. Cet homme qui se repent va trouver un pasteur presbytérien, puis un évêque anglican. Les deux le mettent à la porte en lui faisant remarquer qu'ils sont bien bons de ne pas le dénoncer à la police. Puis notre homme entre dans une église catholique, il repère un confessionnal, il s'agenouille et il frappe. Un volet s'ouvre et l'assassin devine dans l'ombre le visage d'un vieux prêtre. Et il dit alors : "Mon Père, j'ai tué". Et au lieu de réagir comme le presbytérien ou l'anglican, le vieux prêtre catholique lui répond seulement : "Combien de fois, mon fils?" Et Jean-Claude Barreau, qui reprend cette vieille anecdote, conclut en disant : "Quelle belle histoire évangélique que celle-là! La confession est un formidable instrument de recommencement".
Aucune relation humaine, même l'amour et l'amitié, ne dure sans le pardon. Les êtres humains se cherchent à tâtons, se rencontrent et se blessent. Le pardon est nécessaire à tous les niveaux. L’Écriture nous le dit : "Nulle créature n'échappe aux regards de Dieu. Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte".
Jésus passe quarante jours au désert pour être seul avec Dieu. On peut toujours se créer un petit désert de cinq minutes ou d'un quart d'heure ou plus pour être avec Dieu seul. L'existence du Seigneur Jésus a pour but d'aider l'homme à aller jusqu'à Dieu. Et l'existence de l’Église n'a pas d'autre sens que de représenter le Seigneur Jésus au milieu de ceux qu'il appelle "les siens". (Avec Jean-Claude Barreau, Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar).
26 février 2012 - 1er dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Marc 1,12-15
L'évangile du premier dimanche de carême évoque toujours les tentations de Jésus au désert. Saint Matthieu et saint Luc parlent de trois tentations de Jésus avec quelques détails. Notre évangile de l'année, saint Marc, est très bref à ce sujet. Il nous dit simplement que Jésus est resté quarante jours au désert et que là, il fut tenté par Satan. Si Jésus a été tenté par Satan, cela veut dire que Satan est présent dans le monde. Il s'est attaqué à Jésus, il évident aussi qu'il s'attaque à chaque être humain. C'est l'un des grands mystères de Dieu qu'il ait laissé à Satan de tels pouvoirs.
Beaucoup de gens ouvrent à Satan la porte de leur maison et de leur cœur sans même s'en apercevoir, sans même s'en douter. On peut se trouver sous l'emprise de Satan sans le savoir. Et pourtant nous avons à notre disposition tout ce qui est nécessaire pour vivre en communion avec Dieu. Et donc nous avons entre nos mains tout ce qui est nécessaire pour ne pas laisser Satan s'emparer de nos vies. Tout le nécessaire, nous l'avons dans notre foi chrétienne, dans toute la révélation biblique de Dieu, dans toute l'histoire des saints et des saintes de Dieu de deux mille ans de christianisme. Si on néglige tout ça et qu'on va chercher ailleurs, n'importe où et n'importe quoi, il ne faudra pas s'étonner qu'on se trouve un jour dans une impasse, sans issue et sans secours. Ce sont des choses qui arrivent.
Et que fait Satan ? Par exemple ceci : il agit dans la société sans se faire remarquer. Et voilà que notre société humaniste, prétendument humaniste, s'imagine sauver l'homme en le délivrant de la transcendance. Qu'est-ce que ça veut dire ? Satan insinue dans la société l'idée que pour sauver l'homme il faut le délivrer de Dieu, il faut bannir Dieu pour que l'homme trouve le bonheur. Satan ne peut pas mieux faire. Ce n'est que le début... "Notre société prétendument humaniste s'imagine sauver l'homme en le délivrant de toute transcendance".
L'évangile nous dit que Jésus a connu la tentation. Il ne faut pas s'étonner que dans toute vie chrétienne, que dans toute vie humaine, il y ait des tentations. Le feu de la tentation, le feu de l'épreuve, tout croyant en fait l'expérience comme saint Pierre aussi un jour, en particulier lors de son triple reniement. Ce n'est pas toujours une épreuve visible, c'est peut-être le doute, la lassitude, le vide, l'impuissance, l'ignorance. L'épreuve a toujours pour but d'éprouver et de purifier. L'épreuve peut être insupportable. Quelle parole de foi peut alors être pour nous un grain de lumière ? On ne voit vraiment pas.
"De demain tu ne sais rien si ce n'est que la Providence se lèvera pour toi plus tôt que le soleil". C'est une parole d'un croyant du XIXe siècle. Dans l'épreuve, c'est comme devant la résurrection des morts. "Les morts ne ressuscitent pas, c'est impossible". Dans un premier temps, la pensée fuit devant l'impossible. Ensuite elle comprend qu'en refusant l'impossible elle prétend limiter la puissance amoureuse de Dieu. S'il y a la foi, elle doit passer de l'autre côté du raisonnable. "De demain tu ne sais rien si ce n'est que la Providence se lèvera pour toi plus tôt que le soleil".
Jésus meurt sur la croix. Il y a en lui toute la puissance de Dieu. Et voilà que Dieu présent en cet homme renonce à user de sa puissance pour se soustraire au mal. C'est la plus grande victoire de Satan par l'intermédiaire des adversaires de Jésus. Le Dieu infiniment puissant dépose sa puissance par amour pour réaliser le don extrême de l'amour. Le Seigneur Jésus sur la croix, c'est Dieu qui abandonne le visage de la force vis-à-vis de l'homme, même de l'homme méchant. Ce geste de Dieu qui renonce à faire usage de la force permet la manifestation suprême du don de l'amour. Mais l'histoire ne se termine pas avec la mort de Jésus. La création n'est pas achevée avant la résurrection du Christ.
L'une des choses les plus étonnantes et les plus scandaleuses, c'est que c'est la religion qui a rejeté et crucifié le Seigneur Jésus, la religion de la plupart des chefs religieux du peuple élu de Dieu. Aujourd'hui beaucoup de gens rejettent la religion, et notre société s'imagine sauver l'homme en le délivrant de toute transcendance. Être libre, ce n'est pas simplement faire ce qui nous plaît, car la seule véritable liberté, c'est de faire la volonté de Dieu. Satan pousse les hommes à établir le paradis sur terre, un paradis sans Dieu. Mais le paradis sans Dieu, c'est justement la définition de l'enfer. L'enfer des hommes, c'est le lieu où Dieu est absent.
Le contraire des suggestions de Satan, c'est la prière de Marie, la prière aussi à Marie. Le oui de Marie à Dieu est la source de sa prière. Aucune prière ne peut poser de conditions à Dieu. La prière commence vraiment là où elle se décide à abandonner les conditions et à s'abandonner à Dieu. Qu'il me soit fait selon ta Parole... Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. (Avec Michel-Marie Zanotti-Sorkine, Lacordaire, Guy Coq, Kallistos Ware, Paul Evdokimov, AvS, HUvB).
22 février 2015 - 1er dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Marc 1,12-15
Fidèle à lui-même et à sa brièveté coutumière, saint Marc expédie en trois lignes son récit de la tentation de Jésus. Ce n'est quand même pas une petite affaire, et on voudrait bien en savoir un peu plus. Jésus vient de recevoir l'Esprit lors de son baptême. Et l'Esprit l'incite à aller au désert. Jésus a reçu l'Esprit et il le suit dès qu'il est en lui. Il obéit à son inspiration et il va au désert. Le Seigneur Jésus obéit à l'Esprit Saint sans poser de questions. Il ne va pas au désert de son propre mouvement, mais sous l'impulsion de l'Esprit. Jésus suit cet Esprit qui lui a été envoyé par le Père. Il va commencer son apostolat en obéissant à l'Esprit qui, au lieu de le conduire au milieu du monde, le conduit dans la solitude du désert. - Et nous, est-ce que nous pouvons entendre les indications de l'Esprit et les suivre ?
Et saint Marc continue : "Jésus resta au désert pendant quarante jours, et il était tenté par Satan". Autrement dit, il doit continuellement repousser des tentations. Il ne faut donc pas s'étonner des tentations. Même si Jésus n'a pas connu le péché, il est un homme que les tentations touchent d'une manière aussi sensible que les autres hommes. La différence par rapport aux pécheurs, c'est que Jésus terrasse les tentations. On peut demander ici que les tentations du Seigneur Jésus nous obtiennent la grâce de résister à nos propres tentations.
Et puis saint Marc nous parle des bêtes sauvages et des anges autour de Jésus. Nous avons du mal à nous représenter les anges en train de servir Jésus pendant que Satan le tente et que les bêtes sauvages l'entourent... Un chrétien n'est jamais seul dans la tentation. Toujours les anges sont là pour l'aider, qu'il les voie ou non. Les anges peuvent être perçus comme des bonnes pensées, comme un stimulant pour notre volonté de ne pas céder à la tentation.
Le diable veut enchaîner Jésus et les hommes par ses tentations. Il n'y a pas d'amour dans le démon, il n'y a que de la haine : pour Dieu et pour les hommes. Et l'homme est d'autant plus libre qu'il est plus capable d'aimer. Et l'homme est d'autant plus homme qu'il est moins centré sur lui-même. Il ne faut pas essayer d'utiliser les moyens du diable, les moyens du monde, pour accomplir l’œuvre de Dieu.
Le curé d'Ars disait que le diable ne tente que les âmes qui désirent abandonner le péché. Les autres lui appartiennent, il n'a pas besoin de les tenter. - Le diable est la source d'un grand nombre de nos doutes. Par exemple : "Cela ne vous fera pas de mal de désobéir à Dieu. Dieu est un trouble-fête. Dieu ne veut pas le meilleur pour nos vies. Pour ne pas être perdant, il faut désobéir". Tout cela, ce sont les doutes semés par le diable. Et c'est le contraire qui est vrai, bien sûr : en désobéissant à Dieu, nous passons à côté des meilleures choses qu'il avait préparées pour nous.
On ne doit pas voir le diable partout, ni le voir nulle part. D'abord parce qu'il est invisible et qu'il fait ses coups en douce. De même il ne faut pas voir l'enfer partout, ni le voir nulle part. Un évêque de notre temps disait un jour : "La peur de l'enfer a été un instrument de pouvoir dans les mains des prédicateurs et des responsables d’Église... Elle a fait des ravages dans des psychologies portées à la crainte ou au scrupule. Elle est une des raisons de l'éloignement de beaucoup par rapport à la foi".
Si bien que beaucoup se disent : on peut très bien vivre sans Dieu. Nous n'avons pas besoin de Dieu pour vivre honnêtement, pour être nous-mêmes, pour prendre nos responsabilités dans la vie. Mais quelle idée de Dieu se font les gens qui disent ne pas avoir besoin de Dieu ? Un Juif de notre temps, très croyant, disait ceci : "Dieu : aucun mot n'a été aussi souvent souillé, aussi défiguré. Les générations humaines avec leurs divisions religieuses ont déchiré ce mot ; il porte la trace de leurs doigts à elles toutes, et d'elles toutes il porte le sang. Où trouverai-je un mot qui lui ressemble pour désigner ce qu'il y a de plus haut ? Nous devons respecter ceux qui le vomissent parce qu'ils se soulèvent contre les injustices et les infamies qui se réclament volontiers d'un mandat de Dieu".
Que faire alors, et que dire ? Dieu est discret. C'est un avantage qu'il a sur beaucoup de ceux qui parlent de lui, comme sur beaucoup de ceux qui dénient son existence... Que faire et que dire alors ? Réfléchir entre autres à ce que disait un chrétien des premiers temps, qui était un peu philosophe : "Celui qui a découvert ce qu'il y a de mystère dans le monde ne s'étonnera plus qu'il y en ait dans la révélation de Dieu".
Le dessein de Dieu sur le monde est de réunir le ciel et la terre dans la plénitude du Seigneur Jésus. Parce qu'il est Dieu, il possède tout ce qui est au Père. Et finalement tous les hommes ne reçoivent parfaitement leur sens que par lui. (Avec François Varillon, Cardinal Daniélou, saint Jean-Marie Vianney, Nicky Gumble, Mgr Deniau, Martin Buber, Origène, AvS, HUvB).
21 février 2010 - 1er dimanche de carême - Année C
Evangile selon saint Luc 4, 1-13
Chaque année, le premier dimanche de carême, nous retrouvons ce récit de la tentation. Les trois évangiles synoptiques, saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, nous donnent chacun une version de ce récit. C'est aussitôt après le baptême de Jésus. Jésus est rempli de l'Esprit Saint, nous dit saint Luc, et il fut conduit par l'Esprit au désert. Là, il fut tenté par le démon. Cette tentation est présentée comme un dialogue entre Jésus et le démon. C'est le démon qui a l'initiative, c'est le démon qui attaque. Le démon pose trois questions à Jésus. Trois questions qui concernent le pouvoir et les pouvoirs. 1. Tu as faim. Tu as le pouvoir de changer des pierres en pain. Fais-le. Puisque tu as faim et que tu en es capable ! 2. Puis le démon affirme que lui-même a tous les pouvoirs. Et qu'il peut les transmettre à Jésus. Il suffit que Jésus se prosterne devant lui. Le démon est menteur, il n'a pas tous les pouvoirs. Mais il fait miroiter devant Jésus un pouvoir universel. Tout de suite. 3. Et puis troisième suggestion du démon : il propose à Jésus un coup d'éclat : se jeter en bas du haut du temple, du haut de la tour Eiffel. Il n'y a pas de danger : Dieu est avec toi.
Comment les évangélistes savent-ils que Jésus a été tenté par le démon ? Et qu'il a été tenté de cette manière-là ? Est-ce que Jésus en a parlé un jour à ses disciples ? Sans doute. Mais pas tout de suite. Qu'est-ce que ça veut dire ces tentations pour Jésus lui-même ? La tentation d'utiliser des prodiges pour convaincre les gens ? Peut-être. Sans doute. Il y a les tentations de Jésus. Pourquoi ? Est-ce que les évangélistes n'auraient pas mieux fait de ne pas en parler ? S'ils en ont parlé, c'est que c'est important pour nous. La tentation, ça existe. Le démon existe. Le mal est attrayant. L'attrait du mal existe. Et c'est comme ça d'ailleurs que le démon s'y prend avec Jésus. Le démon met sous les yeux de Jésus l'intérêt qu'il aurait à suivre ses conseils.
Et nous, comment le démon s'y prend-il avec nous ? Il y a des choses qui semblent innocentes, et le démon est là, bien caché. On participe à une séance de spiritisme, pour s'amuser, pour ne pas déplaire à des amis. Et on ne sait pas que le démon est toujours là dans le spiritisme. Même si les réponses obtenues sont cohérentes. Le démon est là, tapi dans son coin. Vous l'avez taquiné. Il viendra vous rendre visite d'une manière ou d'une autre. Et ce ne sera pas agréable du tout. Et les gens s'étonnent : ils ont fait du spiritisme pour s'amuser, par curiosité. Et les ennuis qu’ils ont par la suite, ils ne savent pas que c’est une suite de leur séance de spiritisme. Le démon, lui, ne s'amuse pas. Il vous a pris dans ses filets. Le démon est capable de nous toucher. Mais Dieu aussi est capable de nous toucher. Il faut souvent lui demander de nous toucher pour qu'il nous ouvre les yeux, pour qu'il nous rende capables d'exécuter ce qu'il nous demande de faire concrètement dans notre vie.
Le démon suggère à Jésus de s'imposer aux yeux du monde par des prodiges. Dans le royaume de Dieu, l'orgueil n'a pas sa place ; tout orgueil, toute vanité sont absolument bannis du royaume de Dieu. Pourquoi ? Parce que personne ne peut se glorifier devant Dieu. Quand Jésus meurt sur une croix, la mort de Jésus confirme ses adversaires dans la certitude qu'il ne peut être Fils de Dieu puisque Dieu le laisse périr. La croix, ce n'est pas la gloire promise à Jésus par le démon. La croix révèle jusqu'où Dieu peut aller pour chercher l'homme. La croix n'est pas seulement une exécution ignominieuse. La croix, c'est l'accomplissement d'un amour inouï. L'envers de la tentation de Jésus par le démon, c'est la croix.
Le démon fait miroiter des merveilles aux yeux de Jésus. Le démon fait miroiter aux yeux du monde les merveilles de l'amour humain et de la sexualité. Et voilà que l'amour humain de l'homme et de la femme, qui est le lieu par excellence de l'amour et qui est un cadeau merveilleux de Dieu, est sans cesse menacé de devenir un lieu de conflit, d'affrontement et de servitude. Il est malin, le démon. Il se sert du meilleur pour faire le pire. Avec Jésus, il s'y est pris d'une manière, mais sans succès. Avec nous, il a bien d'autres tours dans son sac.
Jésus a conscience d'avoir une mission de Dieu. Cette mission de Dieu est absolue et exigeante. Et il sait qu'il n'a pas le droit d'agir avec des moyens et des pouvoirs surhumains qui se trouveraient peut-être magiquement à sa disposition. Il ne peut agir qu'avec les forces que Dieu lui accorde, et donc avec les moyens humains que sont la pauvreté, la prière, l'obéissance et l'abandon. (Avec M. Egger, Jacques Guillet, Bernard Sesboüé, AvS, HUvB).
17 février 2013 - 1er dimanche de carême – Année C
Évangile selon saint Luc 4,1-13
Personne n'a été témoin du dialogue entre Jésus et le démon. Si nous en savons aujourd'hui quelque chose, c'est que Jésus a dû en parler un jour à ses disciples. Pas le premier jour, pas tout de suite, évidemment. Mais quand l'occasion s'en est présentée.
Deux fois le démon suggère à Jésus d'opérer un prodige pour son compte personnel. D'abord : puisque tu as faim, ordonne à cette pierre de devenir du pain et tu auras à manger. Jésus a en lui toute la puissance de Dieu, et il pourrait très bien faire ce que le démon lui suggère. Mais la puissance de Dieu qu'il possède, Jésus ne veut l'utiliser que si le Père le veut. En quittant le ciel, le Fils a pour ainsi dire déposé toute sa puissance entre les mains du Père, et une fois qu'il est devenu homme, il ne veut plus utiliser sa puissance de Dieu que si le Père le veut et quand le Père le veut. Jamais Jésus ne veut utiliser sa puissance pour son usage personnel.
Autre prodige que le démon suggère à Jésus : se précipiter en bas du sommet du temple et être secouru par les anges pour arriver à terre sans se faire de mal. Jésus ne veut pas non plus de cet étalage de puissance.
Enfin le démon suggère à Jésus de se prosterner devant lui, de l'adorer. Le démon s'est révolté contre Dieu, il n'a pas voulu l'adorer justement, et il suggère maintenant à Jésus de l'adorer, lui, le démon. Jésus n'a pas fait un long discours au démon. Il a cité une parole de l’Écriture : "Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras".
Jésus a été tenté par le démon. Et nous, où sont-elles nos tentations ? Et comment y répondre pour rester fidèles à Dieu ? Celui qui attend le Seigneur Jésus, celui qui attend Dieu, est sûr de sa présence. Lui préparer son cœur, c'est déjà le posséder. Et le posséder, c'est aussi déjà lui demander de nous éclairer dans notre combat contre les esprits du mal.
Quand on aime quelqu'un, on cherche à lui faire plaisir. Qu'est-ce qu'on peut faire pour faire plaisir à Dieu ? Qu'est-ce qu'il attend de moi aujourd'hui ? Il faut prier, bien sûr; mais c'est quoi prier ? Il faut que notre prière soit perméable à la volonté de Dieu. C'était certainement aussi l'essentiel de la prière de Jésus. Quand on aime quelqu'un, on cherche à lui faire plaisir. Quand on aime quelqu'un, on cherche aussi à connaître celui qu'on aime. Toute notre programme de carême pourrait se résumer dans la prière d'ouverture de cette messe où l'on demande à Dieu de progresser tout au long de ce carême dans la connaissance de Jésus-Christ, de nous ouvrir à sa lumière et de lui être alors de plus en plus fidèles.
C'est quoi être fidèle ? Un des secrets du parfait fidèle est de ne jamais s'ériger en interrogateur de Dieu. Cela veut dire qu'on ne doit jamais demander à Dieu de nous rendre des comptes : Pourquoi as-tu permis ça et ça dans ma vie ? Un des secrets du parfait fidèle est de ne jamais d'ériger en interrogateur de Dieu.
On ne devrait pas dire : "Nous avons péché". Nous devrions dire plutôt : "Nous ne voulons plus pécher". Ou bien il faut dire les deux choses à la suite : "Nous avons péché, c'est vrai. Mais nous ne voulons plus pécher".
Voilà un homme qui était médecin dans un hôpital de campagne pendant la guerre. Il a accompagné beaucoup de blessés graves, d'agonisants, de mourants. Ce médecin était très croyant. Par la suite, il est devenu prêtre. Comment faire auprès d'un homme qui est en train de mourir et qui n'a pas la foi ? Tu peux dire : Tu ne crois pas, mais moi je crois. Je vais parler avec mon Dieu, et toi, écoute comment nous parlons… Et le médecin ajoute : Il arrive souvent que les paroles aillent toucher l'homme. On ne peut pas expliquer ça logiquement. Il est très rare qu'un mourant hausse les épaules et dise : "Partez, vous et votre Dieu !" Mais avant d'arriver à Dieu, il faut absolument faire preuve de compassion, montrer que nous sommes proches, que nous sommes son semblable et qu'il est notre semblable... Je suis persuadé de la nécessité de prier, mais de telle sorte que la prière ne puisse l'offenser. S'il dit : "Surtout, ne me parlez pas de Dieu !", il vaut mieux se taire. Tu as un cœur, tu as une intelligence, tu peux te tenir devant Dieu et porter cet homme devant Dieu. Mais imposer Dieu à un homme qui va mourir, c'est tout simplement cruel.
Terminer avec Sainte Thérèse de Lisieux : "Nous qui courons dans la voie de l'amour, je trouve que nous ne devons pas penser à ce qui peut nous arriver de douloureux, car alors c'est manquer de confiance, et c'est comme se mêler de créer". (Avec S. Clément, Antoine Bloom, sainte Thérèse de Lisieux, AvS).
14 février 2016 - 1er dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 4,1-13
Jésus, aussitôt après son baptême, est tenté par le démon. Et pendant quarante jours. Et au bout de quarante jours le démon s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé. Et quel est ce moment où le démon reviendra ? La suprême tentation de Jésus sera sa passion et sa mort. Au moment fixé, Jésus donne sa vie en faisant pleinement confiance au Père : "Père, entre tes mains je remets mon Esprit".
Aujourd’hui Jésus répond aux tentations du démon en s'appuyant sur l’Écriture. Jésus répond aux tentations par trois paroles de l’Écriture. D'abord : "Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre". Ensuite : "C'est Dieu seul que tu adoreras". Enfin : "Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu".
Pourquoi ces tentations de Jésus juste avant qu'il commence sa vie publique de prédicateur itinérant ? Cela doit nous rappeler sans cesse qu'il n'y a pas de foi sans épreuves, il n'y a pas de foi sans lutte contre un adversaire. Il y a, dans toute vie humaine, comme dans la vie de tout croyant, des embûches et des batailles. Que nous dit l’Évangile ? Il faut veiller et combattre.
Tout le monde se souvient de cette parole célèbre d'un de nos contemporains (ou presque) : la plus grande ruse du démon est de faire croire qu'il n'existe pas. Au cours de l'histoire de l’Église, un certain nombre de saints ont eu à lutter avec le diable pour ainsi dire à visage découvert. Et le démon lui-même disait à l'un des saints qu'il importunait : "Je quitte les empires où règne l'idolâtrie (sous-entendu : j'ai là partie gagnée) pour venir dans le christianisme importuner et inquiéter une âme dès qu'elle a entrepris de servir Dieu". Et pourquoi toutes ces attaques du démon ? Certains démons répondirent eux-mêmes à un saint : "Au fond, c'est finalement pour la plus grande gloire de Dieu".
Un protestant allemand qui fut mis à mort par les nazis parce qu'il protestait contre le régime démoniaque de son pays à cette époque, disait : "La foi ne s'acquiert pas à bon marché. L’incroyant peut penser que tout est facile pour le croyant... Le croyant peut répliquer : Si tu crois que c'est facile, tu te trompes".
Tout ce qui se fait en ignorant Dieu ou en luttant contre lui est stérile, est déjà aux mains du démon, qui agit la plupart du temps sans se faire voir, sans même qu'on soupçonne sa présence... Tout ce qui se fait en ignorant Dieu ou en luttant contre lui est déjà aux mains du démon. Un grand cinéaste américain de notre temps disait : "Nous sentant orphelins de Dieu, nous n'avons rien trouvé de mieux que de diviniser la technologie". Sans faire de bruit, le démon a gagné la partie; insidieusement il a glissé dans le jeu un autre dieu : la technologie (et bien d'autres choses).
Les gens qui refusent la foi sont touchés, eux aussi, par les épreuves. Mais en refusant la foi, ils se vouent à une croix sans résurrection. Notre société du sourire fait tout ce qu'elle peut pour cacher, effacer, ignorer la souffrance et la mort, pour reléguer la souffrance et la mort dans les hospices, loin de nos yeux... jeunes, beaux et joyeux, en entretenant ainsi chez beaucoup aujourd'hui l'illusion de la jeunesse et de la santé éternelles. Là, le démon n'a plus grand-chose à faire, il se repose sur ses lauriers. Le démon est aussi le roi des illusions.
La difficulté de la foi, c'est que l'essentiel se passe dans l'invisible. Il y a eu autrefois, il y a deux mille ans en Palestine, la présence sensible du Fils de Dieu parmi les hommes. Mais Dieu vise un autre type de présence que la présence sensible, il vise la présence invisible de l'Esprit du Père et du Fils. Pour recevoir cette nouvelle présence, les hommes doivent accepter le retrait de la présence sensible de Jésus. Et ce renoncement à la présence sensible du Fils est quelque chose de pénible pour l'homme sensible. Jésus l'avait annoncé avant son départ : "Parce que je vous ai dit : 'Je vais à Celui qui m'a envoyé', la tristesse remplit vos cœurs" (Jn 16,5). Avec l'Esprit Saint, Jésus revient en vérité à ses disciples. Mais c'est désormais une présence spirituelle, ce qui est vrai aussi de l'eucharistie; c'est donc une présence qui suppose son absence sensible. C'est une présence dans la foi. (Avec Père Surin, Dietrich Bonhoeffer, Woody Allen, Olivier Clément, Jean-Marc Potdevin, AvS, HUvB).
20 mars 2011 - 2e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Matthieu 17,1-9
Dimanche dernier, le récit des trois tentations de Jésus était rempli de mystère : Jésus en présence du diable. Aujourd'hui, autre récit rempli de mystère : Jésus, tel qu'il est en vérité : dans la gloire de Dieu. Pour les trois tentations de Jésus, il n'y avait pas de témoins. Aujourd'hui, pour révéler son mystère, Jésus ne prend avec lui que trois de ses apôtres : Pierre, Jacques et Jean. C'est encore une confidence. Et en descendant de la montagne, Jésus donne l'ordre à ses trois disciples de ne parler à personne de ce qu'ils ont vu et entendu sur la montagne, l'ordre de ne pas en parler avant sa résurrection d'entre les morts. Pour le moment, c'est un grand secret. Mais Jésus a quand même voulu faire connaître à trois de ses apôtres le mystère de sa relation à Dieu, le Père invisible. La mort de Jésus sur la croix sera pour les disciples un moment terrible. Ils vont douter et s'enfuir. A ce moment-là, ce qui s'était passé sur la montagne ne fera plus le poids. Les disciples n'imaginaient même pas une résurrection.
Sur la montagne, tout d'un coup, Moïse et Élie sont là et ils parlent avec Jésus comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Moïse, mort douze siècles avant le Christ. Élie, mort huit siècles avant le Christ. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que Moïse et Élie sont vivants quelque part dans le monde invisible de Dieu. Et si Dieu le veut, ils peuvent venir à la rencontre de Jésus sur la montagne pour parler avec lui.
En 1858, la Vierge Marie vient rendre visite à Bernadette dans les Pyrénées et elle lui parle. Qu'est-ce que cela veut dire ? La Mère de Jésus a quitté ce monde au premier siècle. On ne sait pas quand exactement. Qu'est-ce que cela veut dire qu'en 1858 elle vienne parler à Bernadette ? Dix-huit fois que Marie est venue. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que Marie est vivante quelque part dans le monde invisible de Dieu. Et si Dieu le veut, si Dieu le lui demande, Marie peut venir dans les Pyrénées en 1858 pour parler avec Bernadette. Pourquoi ? Depuis deux mille ans, le ciel s'entrouvre comme ça de temps en temps. C'est Marie, c'est le Christ, ce sont des saints et des saintes qui viennent rendre visite aux terrestres que nous sommes encore. Pourquoi toutes ces visites ? Pour nous aider à croire tout ce que les évangiles nous ont dit, pour rendre notre foi plus vivante et plus sûre, pour nous faire comprendre qu'il y a des paroles qui nous viennent de l'éternité. Dieu n'est pas muet et il est capable de se faire comprendre par les humains.
Avant la Pentecôte, les apôtres étaient rassemblés au cénacle. Ils attendaient en priant la suite des ordres de Dieu. Par l'Esprit Saint, ils ont reçu une compréhension plus grande du mystère du Seigneur Jésus, ils ont compris quelque chose de la plénitude de Dieu. La scène de la transfiguration de Jésus sur la montagne devant Pierre, Jacques et Jean était un petit acompte qui les préparait à la révélation plénière de Pâques et de la Pentecôte. Le vendredi saint, manifestement Jésus avait échoué. Et toutes les grandes espérances précédentes apparaissaient comme une grande erreur. A Pâques, les apôtres ont découvert que Jésus n'était pas parti dans la mort mais dans la vie. Dieu lui avait donné raison.
Le plein pouvoir divin de Jésus est resté toujours voilé durant sa vie terrestre. La résurrection de Jésus signifie d'abord la révélation du mystère divin de sa personne. Durant sa vie terrestre, Jésus a voulu que trois de ses disciples au moins soient témoins de son mystère, pendant quelques instants, sur la montagne. L'homme aussi est un mystère, une énigme. L'homme est fait à l'image de Dieu, il porte nécessairement en lui quelque chose du caractère mystérieux de Dieu. C'est grâce à la relation de l'homme au mystère du Christ que l'homme n'est plus nécessairement une énigme insoluble. (Avec Benoît XVI, Leo Scheffczyk, AvS, HUvB).
16 mars 2014 - 2e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Matthieu 17,1-9
Jésus n'a pris avec lui que trois disciples pour aller avec lui dans la montagne. Les trois disciples n'ont aucune idée de ce qui les attend. Ce qui les attend, c'est que Dieu va leur faire le cadeau d'une expérience mystique. Les trois disciples s’attendaient à tout sauf à ça. Et dans cette expérience mystique sur la montagne, Dieu va leur faire connaître quelque chose de la vraie nature du Seigneur Jésus. Sur la montagne, les trois disciples vont découvrir qu'il y a en Jésus bien plus que ce qu'ils avaient découvert jusque là.
Comme tout le monde, ils avaient été témoins des miracles opérés par Jésus. Comme tout le monde, ils avaient été frappés par l'enseignement de Jésus : il parlait des choses de Dieu beaucoup mieux que tous les scribes et tous les rabbins. Et comme tout le monde, les disciples se disaient que Jésus était un ami de Dieu, un homme de Dieu, un prophète. Mais Jésus, sur la montagne, veut donner aux trois disciples une leçon particulière.
La vraie stature de Jésus, son monde secret, mais qui est en même temps son monde habituel, c'est qu'il est en communion avec les habitants du ciel qui vivent dans le monde invisible de Dieu, le Père invisible : voilà que deux prophètes des temps anciens sont là et qu'ils parlent avec Jésus comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Et puis il y a eu cette immense nuée lumineuse et cette voix puissante qui a retenti et qui disait en parlant de Jésus : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le".
Et après cela, la vie quotidienne ordinaire va reprendre avec les longues marches avec Jésus et les miracles et les enseignements. Mais pour les trois disciples, il y a quelque chose qui est changé fondamentalement dans leur relation au Seigneur Jésus. Constamment le souvenir leur revient de ce qui s'est passé sur la montagne. Là, ils ont été touchés par Dieu, c'est évident. Et maintenant Jésus est de nouveau au milieu d'eux comme un homme ordinaire, comme un prophète quand même, mais avec quelque chose en plus : à tout moment au fond, il pourrait se révéler dans la lumière de Dieu comme il était dans la montagne.
Ce n'est qu'après la résurrection de Jésus que les trois disciples ont pu dire aux autres ce qui s'était passé dans la montagne. Après la résurrection, Jésus apparaît à ses disciples où il veut et quand il veut. Pour les trois disciples, ce n'est pas plus étonnant au fond que ce qui s'est passé sur la montagne. Dieu est capable de ça. Jésus est capable de ça. Ils le savent.
Il y a des choses que les disciples ne peuvent donner que si elles sont devenues pour eux vérité. Elles sont devenues vérité pour les trois disciples sur la montagne, elles sont devenues vérité pour tous les disciples après la résurrection. Et pour les disciples, ces choses de Dieu, qui sont devenues pour eux vérité, sont destinées à devenir vérité pour les hommes du monde entier. Les disciples en trouvaient déjà l'annonce dans le prophète Isaïe qui disait : "La connaissance de Dieu recouvrira le monde comme l'eau recouvre le fond des mers".
Mais quelle est l'image de Dieu que beaucoup d’hommes se font aujourd'hui ? Un cardinal de notre temps disait : "Il y a des gens que les représentations affreusement mièvres de certains saints qu'ils voyaient toujours dans leur enfance ont rempli d'indéracinables préventions contre ces saints eux-mêmes", alors que, de leur vivant, ces saints savaient faire preuve de violence et de grandeur. La scène vécue par les trois disciples sur la montagne n'avait rien de mièvre. Les trois disciples étaient remplis de frayeur, dit l'évangile. Mais comment dire l'invisible ? Les trois disciples ont expérimenté la vérité. Mais la vérité est inexprimable et elle court toujours le risque d'être livrée par les hommes dans ces représentations mièvres dont parlait tout à l'heure le cardinal.
Benoît XVI disait : "La crise de notre monde est une crise de la foi. Il faut prêcher la foi". Oui, mais comment prêcher la foi ? Dans l'un de ses blocs-notes, Mauriac écrivait un jour : "Que de fois l'ai-je rappelé ! Cela fait dix-neuf siècles que les imbéciles font courir le bruit que Dieu préfère les imbéciles !". Alors que faire ? Ne jamais cesser d'étudier la profondeur de la foi chrétienne, ne jamais se contenter de l'écorce des choses ni des mots. L'enseignement de Jésus n'avait pas pour but d'aider les hommes à aménager leur séjour terrestre et de leur apprendre à bien vivre ici-bas. L'unique orientation de la vie, c'est la résurrection. Et c'est de cela que le Seigneur Jésus a donné quelque chose à goûter à ses trois disciples un jour sur la montagne.
Sur la montagne, les trois disciples ont connu quelque chose de la gloire de Dieu. Ils étaient terrifiés en même temps que subjugués : ils auraient voulu que ça dure ! On peut faire trois cabanes de branchages : une pour Moïse, une pour Élie et une pour Jésus. Le Verbe s'est fait chair pour révéler la gloire de Dieu. La beauté de la gloire de Dieu qui subjugue les disciples, c'est au fond que Dieu est la grâce de l'amour. (Avec Cardinal Journet, Benoît XVI, Jacqueline Kelen, AvS, HUvB).
8 mars 2009 - 2e dimanche de carême – Année B
Évangile selon saint Marc 9,2-10
Dans la montagne, tout d'un coup, Jésus fut transfiguré et il fut entouré d'une grande lumière. Saint Luc ici vient à notre aide avec un petit détail que saint Marc ne signale pas : à un certain moment dans la montagne, Jésus et les trois disciples ont fait une pause, et Jésus s'est mis à prier. Et c'est quand il priait que tout d'un coup il fut rempli de lumière.
Et voilà que deux hommes qui étaient morts des siècles et des siècles auparavant sont là qui parlent avec Jésus comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Ces deux hommes sont deux prophètes des temps anciens : Moïse, douze siècles avant le Christ, Élie, huit siècles avant le Christ. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que Moïse et Élie sont vivants quelque part dans le monde invisible de Dieu et, si Dieu le veut, ils peuvent se rendre présents quelque part sur la terre et parler avec Jésus.
En 1858, la Vierge Marie apparaît à Bernadette dans les Pyrénées, et elle s'entretient avec Bernadette. Qu'est-ce que ça veut dire ? Marie, la mère de Jésus, vivait au Ier siècle, et elle est morte, on ne sait pas quand, au cours de ce premier siècle. Qu'est-ce que ça veut dire qu'elle vient parler à Bernadette en 1858 ? Cela veut dire que Marie est vivante quelque part dans le monde invisible de Dieu et, si Dieu le veut, elle peut se rendre présente dans les Pyrénées en 1858 et s'entretenir avec Bernadette...
Et Jésus descend de la montagne avec Pierre, Jacques et Jean. De quoi parlaient-ils en descendant de la montagne? On voudrait bien savoir. Il y a une chose au moins que saint Marc nous dit, c'est que Jésus a demandé à ses trois disciples de ne dire à personne ce qui s'était passé sur la montagne. Ils ne pourront en parler que lorsque Jésus sera ressuscité d'entre les morts. Et saint Marc nous dit que les trois disciples se demandaient ce que ça voulait dire : "ressusciter d'entre les morts". On n'a jamais vu ça. Quand on est mort, on est mort. Et c'est pour toujours.
Sur la montagne, les trois disciples ont bénéficié d'une révélation sans précédent. Et pendant des jours et des jours, sans rien dire à personne ils ont ruminé dans leur cœur et dans leur tête ce qui s'était passé sur la montagne. On peut penser que leur cœur, à eux aussi, était tout brûlant. Ils avaient été enveloppés d'une grande lumière, c'est-à-dire qu'ils avaient été saisis par l'Esprit Saint. Mais pour le moment c'était un grand secret pour eux trois seulement.
En leur révélant un secret, Jésus leur confie une mission. Ils devront parler de ce secret quand le temps sera venu. Qu'est-ce que ça veut dire : ressusciter d'entre les morts? Jésus ne leur a pas expliqué ce que ça veut dire. Mais après sa mort, trois jours après sa mort, et pendant quarante jours, il leur a imposé sa présence vivante par-delà la mort. Et alors les trois disciples ont tout compris. Et leur langue a pu se dénouer. Et ils ont pu dire que ce n'est pas étonnant que Jésus est vivant par-delà la mort puisque, sur la montagne déjà, ils avaient vu aussi que Moïse et Élie étaient toujours vivants dans le monde invisible de Dieu, et que Moïse et Élie étaient venus leur rendre visite pour leur faire deviner déjà qu'il y avait une vie par-delà la mort.
La première vérité chrétienne, c'est la croyance en la résurrection de Jésus. L’Église est née de l'événement de la résurrection. La Bonne Nouvelle, ce ne sont pas les béatitudes, ce ne sont pas quelques règles de conduite ou quelques jolies paraboles, la Bonne Nouvelle, c'est la résurrection. Le christianisme, c'est l'affirmation tranquille et incroyable d'une expérience soudaine et historiquement datée : des hommes ont constaté que Jésus était revenu du royaume des morts : Jésus est ressuscité.
Une poignée d'hommes ont été les partenaires de Jésus dans ses entretiens sur la terre et nous pourrions les envier pour ce bonheur. Mais, dans ce entretiens, ils se sont comportés aussi lourdement et aussi maladroitement que nous l'aurions fait si nous avions été à leur place. Les disciples d'autrefois ont vu la manifestation terrestre et extérieure de Jésus, et ce côté extérieur leur cachait dans une large mesure le côté intérieur et divin de Jésus. C'est pour cela qu'avant de partir Jésus a dit à ses disciples : "Il vaut mieux pour vous que je m'en aille. Sinon l'Esprit Saint ne viendra pas. Et quand l'Esprit de vérité viendra, il vous introduira dans la vérité tout entière". Les véritables dimensions de Jésus sont confiées au seul Esprit de Dieu. C'est pourquoi on ne peut jamais accorder assez d'importance à l'Esprit Saint. (Avec Jean-Claude Barreau, Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar).
4 mars 2012 - 2e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Marc 9,2-10
Tous les ans, le deuxième dimanche de carême, nous lisons le récit de la transfiguration de Jésus. Cette année, dans l'évangile de saint Marc. Jésus emmène trois disciples à l'écart des autres disciples. Il emmène Pierre, évidemment, puisque Jésus l'a désigné comme le chef des apôtres. Pierre doit apprendre quelque chose : la relation de Jésus à son Père. Ce n'est pas un miracle de guérison ; Pierre doit être témoin d'un miracle qui éclaire la personne de Jésus. C'est un état de Jésus qui existe aussi d'ordinaire, mais qui doit être montré aux trois disciples, justement dans la solitude. Avec Pierre, il y a aussi Jean, le disciple bien-aimé, et Jacques, le frère de Jean
Le Seigneur Jésus se montre donc aux trois disciples sous une nouvelle manière d'être. "Jésus fut transfiguré devant eux". Jésus leur apparaît autrement que d'habitude. Question qui se pose : est-ce que Jésus lui-même passe par cette transformation ? Ou bien est-ce que les trois disciples le voient alors soudain tel que Jésus se tient toujours devant Dieu ? Est-ce que cette transfiguration serait son état habituel devant le Père ? Ce qu'on peut dire en tout cas, c'est que la transfiguration est avant tout une vérité divine qui est communiquée aux disciples pour un instant. Pour un instant, ils voient le Fils avec les yeux de Dieu. Non pas comme s'ils étaient à la place du Père, mais ils le voient avec la lumière dont Dieu le voit. Ils voient son être divin, sa sainteté, le fait qu'il demeure auprès du Père, ce qu'il possède toujours mais qui reste d'ordinaire voilé à leur connaissance terrestre et sensible.
En ce moment précis, ils doivent voir le Fils tel que le Père le voit... Pour un instant qu'ils n'oublieront jamais, le Fils est pour ainsi dire livré à leurs regards dans la lumière de Dieu pour qu'ils apprennent qui il est en vérité. Une fois au moins, ils doivent trembler d'être admis à vivre ainsi avec Dieu, de se trouver dans sa proximité, ils ne peuvent pas être secoués comme ça tous les jours. Mais ils doivent se souvenir d’avoir vu Jésus tel qu'il est devant Dieu, tout autre qu'ils ne l'avaient vu jusqu'à présent.
Les vêtements de Jésus devinrent éblouissants. Ces vêtements blancs ne concernent pas d'abord le vêtement, mais l'être spirituel intime de Jésus. En voyant le Seigneur Jésus transfiguré, les disciples remarquent qu'il est auprès du Père dans le ciel. Et dans le ciel, il y a aussi tout d'un coup deux grands personnages de l'Ancien Testament : Élie et Moïse. Et ces deux prophètes de l'Ancien Testament parlent avec le Messie. Il n'est pas dit que Moïse et Élie parlent en inconnus avec le Seigneur Jésus. On dirait plutôt qu'ils continuent une conversation commencée depuis longtemps.
Alors Pierre prend la parole, lui aussi. Il éprouve le besoin d'intervenir. Il doit parler, mais il ne sait pas ce qu'il doit dire. De tout croyant, qui croit vraiment, le Seigneur Jésus exige toujours plus que ce qu'il peut donner. L'amour de Dieu demande toujours plus que ce qu'on peut donner, et pourtant il n'exige jamais trop. Pierre veut faire trois tentes. Il n'a pas compris, bien sûr, que le Seigneur Jésus, au ciel avec Moïse et Élie, n'a pas besoin de tentes. Ils sont immergés dans le monde de Dieu. Mais saint Pierre ajoute quand même : on est bienheureux d'être ici.
Et aussitôt saint Marc ajoute que les trois disciples étaient remplis de frayeur. Ils sont transportés dans une réalité surhumaine. Ils sont comme dans un tourbillon. Les disciples ont déjà expérimenté beaucoup de faits extraordinaires opérés par Jésus, mais c'était toujours resté dans leur monde terrestre. Maintenant ils sont arrachés à ce monde terrestre. Le ciel s'est ouvert à eux, la vie éternelle a fait soudain irruption dans leur vie quotidienne. Ils doivent apprendre à voir des choses qu'aucun homme ne voit d'ordinaire. Comment ne seraient-ils pas saisis de frayeur ?
Et puis une nuée survint. C'est un symbole de la présence de l'Esprit Saint et de la sainteté de Dieu. Alors la voix de Dieu retentit comme elle s'était fait entendre autrefois dans la nuée de l'Ancien Testament. Et la voix s'adresse aux disciples comme s'ils étaient des élus, ce qu'ils sont d'ailleurs. La voix leur annonce : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé". Ils est l'Élu par excellence.
Il arrive ceci d'inouï aux trois disciples : non seulement ils ont entendu la voix d’Élie et de Moïse, mais ils ont entendu la voix du Père lui-même. Ils font l'expérience d'une dilatation soudaine et inconcevable de toute leur âme. Le Père en personne vient confirmer la nature filiale de Jésus, d'une manière totalement inattendue et inconnue. Et le Père dit aux disciples : "Écoutez-le". Autrement dit, les trois disciples ont tout à recevoir de Jésus. Par la voix du Père, les trois disciples apprennent d'une manière toute nouvelle qui est Jésus : pas seulement un homme qui vient de Dieu, pas seulement un homme qui vit uni à Dieu, mais le Fils bien-aimé du Père. Les trois disciples découvrent en Dieu une relation intime. Et ils découvrent cette relation dans la nuée, dans l'atmosphère qui règne entre le Père et le Fils, dans l'Esprit Saint. Et en même temps une exigence : écouter le Fils parce qu'il est le Bien-aimé, faire la volonté du Père en écoutant le Fils.
Et tout d'un coup il n'y a plus que Jésus seul avec les trois disciples. Pour eux, Jésus est le marcheur avec qui ils sont allés dans la montagne. Il y a un instant, il a parlé avec Moïse et Élie. Il est celui qui fait des miracles. Il est celui qu'ils côtoient. Tout cela, ils le savaient plus ou moins. Mais il est encore bien plus : il est tout. Maintenant il est toute leur foi, tout leur amour, toute leur espérance. Maintenant il est pour eux le chemin qui vient du Père et qui conduit au Père.
Et on descend de la montagne. Il est toujours difficile pour un homme, après avoir vécu un sommet, de devoir ensuite redescendre. Mais les disciples restent avec le Seigneur Jésus tel qu'il était auparavant. Et voilà qu'en plus ils ont le souvenir de la montagne. Ils n'ont pas la capacité de voir en permanence Jésus comme le Fils du Père. Ils ont eu cette capacité un instant, dans une grâce toute particulière. Ils continuent à vivre dans la grâce, mais une grâce quotidienne, plus petite à leurs yeux, mais une grâce qui leur permet pourtant de se rappeler sans cesse la grandeur de la grâce qu'ils ont reçue. Leur quotidien a maintenant un autre visage : la proximité de Jésus avec Dieu leur apparaît maintenant bien plus réelle.
Les trois disciples sont les premiers chrétiens auxquels une manifestation du ciel a été accordée, ils ont vécu quelque chose d'analogue aux prophètes de l'Ancien Testament. Ils n'ont le droit de s'attribuer en rien le mérite de cette grâce, ni de compter sur une répétition. Ils doivent simplement apprendre à être obéissants, à vivre toujours plus dans l'amour. Il est hors de question qu'ils puissent se sentir maintenant prophètes ou saints.
Jésus ne fait aucun commentaire sur la parole du Père que les disciples ont entendue, aucun éclaircissement. Jésus dit une seule chose : défense d'en parler ! Les disciples voient certainement dans ce qu'ils ont expérimenté de nouvelles chances pour leur apostolat. Si eux, des gens raisonnables, ont vécu une chose pareille et s'ils pouvaient la raconter, combien de nouveaux disciples ne pourraient-ils pas recruter ! Et Jésus leur demande de ne rien dire. Ils ne doivent pas en parler avant la résurrection de Jésus d'entre les morts. Mais qu'est-ce que ça veut dire : ressusciter d'entre les morts ? Les disciples se le demandent.
Le silence qui leur est imposé sur tout cela est pour eux presque comme une pénitence. Pour Jésus, cela veut dire que sa Passion ne doit pas être gâchée par des paroles prématurées de ses disciples. Ils n'ont pas le droit de livrer les mystères de Jésus à l'extérieur, mais ils peuvent en parler entre eux. Ils n'ont aucune expérience, et cette discussion entre eux fait partie de leur formation. Ils doivent apprendre à penser et à s'exprimer. Ils sont éduqués à une nouvelle pauvreté comme à une nouvelle richesse, à un partage de tout ce qui leur appartient en tant que disciples. (Avec Adrienne von Speyr).
1er mars 2015 - 2e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Marc 9,2-10
Jésus prend avec lui trois disciples. Pourquoi trois seulement ? Jésus les emmène à l’écart. Il veut leur faire voir non pas un miracle, il veut leur faire voir qui il est réellement. Il veut leur montrer ce qu’il est à l’ordinaire. Ce qu’il est à l’ordinaire, son état ordinaire, c’est sa relation au Père, c’est qu’il demeure dans la grâce du Père. C’est une vérité divine qui est communiquée aux trois pour un instant.
Ils voient le Fils de Dieu avec les yeux de Dieu. Il le voit un instant dans la lumière où Dieu le voit. Ils voient son être divin qui est toujours auprès du Père, quelque chose qui reste habituellement caché à leur connaissance terrestre. Tout d’un coup ils doivent voir Jésus comme le Père le voit : dans sa relation au Père et à l’Esprit Saint.
Pour un instant qu’ils n’oublieront jamais, le Seigneur Jésus est pour ainsi dire livré à leurs regards dans la lumière de Dieu pour qu’ils apprennent qui il est en vérité. Pour une fois, ils doivent être admis à trembler d’être admis à vivre ainsi avec Dieu, de se trouver dans sa proximité. Ce n’est pas tous les jours qu’ils peuvent être ainsi secoués. Mais ils doivent se souvenir qu’ils l’ont vu un jour tel qu’il est devant Dieu, avec des habits resplendissants, tout différent de son apparence de tous les jours.
En ce début de carême, notre évangile nous montre que notre vie est un chemin de lumière. Il y a des luttes et des renoncements, mais au terme il y a la victoire finale qui sera le don du Ressuscité. Un instant, sur la montagne, les trois disciples ont su ce que c’était qu’appartenir totalement à Dieu, qu’être possédé par lui. Parce que le Seigneur Jésus est Dieu, il est toujours bien plus que ce que nous pouvons penser. Dans chacune de nos rencontres avec lui, dans chacune de nos prières vraies, dans chacune de nos communions, il y a toujours plus que ce qu’on peut en saisir.
Les chrétiens, comme tous les humains, sont en marche vers la mort. Par nous-mêmes, nous ne pouvons pas franchir l’abîme de la mort. Mais Dieu, en Jésus, a franchi deux fois cet abîme. Il l’a franchi par son incarnation, en se dépouillant de sa divinité pour devenir totalement humain. Et puis dans sa Pâque, il a traversé l’abîme de la mort pour rejoindre le Père invisible dans les cieux. Il nous a ouvert de cette manière le chemin. Il a ouvert une brèche dans l’abîme. Dans le Seigneur Jésus, Dieu nous a donné un passeur.
Évidemment, il est plus facile de s’installer devant la télé que devant le tabernacle, plus facile de s’installer devant la télé que de prendre du temps pour prier Dieu ou pour approfondir sa foi par des lectures. Il ne suffit pas de naître chrétien, de devenir chrétien par le baptême, il faut le redevenir en le choisissant. L’Évangile n'a été donné qu'une fois. La foi chrétienne est la même pour tous. Mais l'accueil de la foi chrétienne n'est pas le même chez tous, parce que chacun la reçoit selon son ouverture à Dieu.
Il y a possibilité de salut pour tous, à condition de vouloir ouvrir cette porte fermée au plus profond de soi. Dieu cherche des hommes dont il puisse faire sa demeure. Il y a une souffrance que Dieu, le Père de tous les hommes, subit en ce monde où l'homme le tourmente en se défigurant lui-même. Les Pères du désert, les premiers moines, disaient que le plus grand des péchés, c'est l'oubli de Dieu, quand l'homme devient opaque, incapable de s'arrêter un instant dans le silence, insensible aux sollicitations secrètes de Dieu, pourtant si fréquentes.
Révérer Dieu ne dispense pas du tout de s'occuper des hommes. Mais à ne servir que les hommes et la planète, on en vient à négliger Dieu. D'une manière ou d'une autre, le croyant se trouve affronté à l'indifférence ou au mépris de la foi chrétienne. C'est cela, entre autres raisons, qui nécessite pour le croyant un travail incessant d'approfondissement. Pourquoi je crois et en quoi je crois ? Et si la foi est aujourd'hui pour moi une évidence, s'il évident aussi pour moi que tous les hommes sont en marche vers le Dieu de Jésus-Christ, pourquoi beaucoup d'hommes aujourd'hui n'ont pas découvert le Dieu vivant ? Pourquoi ? Un chrétien philosophe de notre temps disait : "Pour connaître Dieu réellement, il faut l'aimer au point d'être tout à lui et de lui sacrifier tout le reste".
La révélation qui nous est venue par le Seigneur Jésus contient surabondamment la vérité pour chaque époque de l'histoire, donc aussi pour la nôtre. Mais cette révélation ne contient pas la vérité de telle sorte qu'elle tomberait dans les bras des croyants sans qu'ils s'approprient par la réflexion le cadeau de cette vérité. Il serait indigne qu'il en soit autrement : ce serait indigne de la grâce aussi bien que de l'homme. L'Esprit Saint manifeste à chaque époque l'aspect de la vérité divine qui lui est particulièrement réservé, si du moins les hommes de cette époque s'efforcent, par la prière, d'obtenir cette vérité. Et cette vérité se trouve toujours au centre, elle est un foyer ardent d'où la lumière rayonne, comme elle rayonnait sur Pierre, Jacques et Jean, tout seuls à trois dans la montagne avec le Seigneur Jésus. (Avec Jean-Pierre Rey, Père Jozo, Colette Kessler, Claude Vigée, Olivier Clément, Jacqueline Kelen, Jacques Arènes, Maurice Blondel, AvS, HUvB).
28 février 2010 - 2e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 9,28-36
Dimanche dernier, nous avons lu le récit des tentations de Jésus : Jésus face au démon. Aujourd'hui, c'est le récit de la transfiguration de Jésus : Jésus devant Dieu. Jésus va dans la montagne pour prier tranquillement. Il prend quand même avec lui trois disciples : Pierre, Jacques et Jean. Pourquoi prendre avec lui trois disciples s'il veut prier ? Les trois disciples doivent apprendre quelque chose du mystère de Jésus. Dieu va leur révéler quelque chose du mystère de Jésus.
Les trois disciples voient Jésus en prière. Et à un certain moment, Jésus est tout rempli de lumière, et aussi son visage et ses vêtements. Ce sont des phénomènes qu'on retrouve dans les vies des saints et des saintes de Dieu tout au long de l'histoire de l’Église. On ne peut pas voir Dieu. Mais Dieu peut manifester sa présence en telle ou telle personne en la remplissant de lumière. Et les gens qui sont là voient cette lumière. Et puis voilà que deux hommes qui sont morts depuis longtemps, Moïse et Élie, des prophètes des temps anciens - douze siècles avant le Christ pour Moïse et huit siècles avant le Christ pour Élie - sont là tout d'un coup et ils parlent avec Jésus comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Et de quoi parlent-ils avec Jésus ? Ils parlent de sa mort. Mais ce n'est pas le terme "mort" qui est utilisé, c'est le terme "départ". "Ils parlaient de son départ". De plus les disciples entendent une voix : "Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi. Écoutez-le". Après cela, Jésus se retrouve dans son état habituel, Jésus se retrouve seul avec ses trois disciples. On descend de la montagne. Et l'évangéliste conclut la scène en nous disant que les trois disciples ne dirent rien à personne de ce qui s'était passé dans la montagne.
Mais ce qu'on peut deviner, c'est qu'après la mort et la résurrection de Jésus la langue des disciples a pu se délier. Et ils ont fait le lien entre ce Jésus rempli de lumière sur la montagne et le Jésus qui entrait chez eux toutes portes closes après sa mort. Sur la montagne, Dieu avait donné aux trois disciples un certain pressentiment de la véritable personnalité de Jésus : Jésus faisait partie du monde de Dieu, il était en dialogue comme de plain-pied avec le monde de Dieu, et Moïse et Élie, et tous les autres aussi sans doute. Et dans la montagne, les trois disciples avaient été comme intégrés, eux aussi, à la vie de Dieu, à la vie éternelle. Ils étaient baignés dans l'Esprit Saint, dans la nuée lumineuse. Les trois disciples comprennent et ils ne comprennent pas. Mais ils ont été touchés par Dieu, c'est évident. Dieu ne dit jamais tout, tout de suite. Peut-être que les disciples ont compris un peu mieux alors qu'en toute parole de Jésus il y avait une profondeur éternelle. Sur la montagne, Jésus a introduit un peu plus les trois disciples dans le mystère de l'au-delà, dans le mystère de sa relation avec le Père.
L'homme ne dispose pas de Dieu. Comme le disent les théologiens : de Dieu, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il est, mais seulement ce qu'il n'est pas. Dieu est toujours connu comme inconnu. Et si les théologiens disent quand même quelque chose de Dieu, ce sera toujours comme en bégayant. C'est saint Grégoire le Grand qui disait cela vers l'an 600. Dieu ne vient pas seulement à la rencontre de l'homme, il lui donne aussi la possibilité de le rencontrer.
Malgré cette expérience des trois disciples dans la montagne, Pierre, un jour, va renier Jésus. Et il faudra la résurrection de Jésus pour que Pierre se reprenne totalement, pour que Jésus le reprenne totalement. Et saint Pierre et les autres disciples attesteront à tous les hommes qu'ils peuvent atteindre l'expérience qu'ils ont faite de Jésus vivant par-delà la mort, et ils témoigneront aussi de cette expérience qu'ils avaient faite sur la montagne. Mais le témoin ne possède pas la capacité automatique de convaincre : le témoin est désarmé et vulnérable. Si on ne veut pas croire ce qu'il dit, il ne peut pas contraindre à croire. Personne ne comprend la vérité révélée par Dieu s'il n'en a pas la grâce, sans la présence de l'Esprit Saint. Cette grâce est offerte à tous, mais elle ne peut pas être donnée à ceux qui ne veulent pas l'accueillir. La foi est essentiellement libre. Elle est liée à la bonne volonté. Il n'y a pas de connaissance de Dieu sans conversion du cœur. Un Dieu qui se présenterait à l'intelligence de l'homme de telle manière qu'il suffirait de raisonner correctement pour adhérer à lui ne serait pas le Dieu vivant. On ne peut pas démontrer Dieu. Mais Dieu peut montrer quelque chose de lui, manifester sa présence comme aux trois disciples avec Jésus dans la montagne, comme dans chacune de nos vies sans doute, d’une autre manière, un jour ou l'autre.
Le Seigneur Jésus n'est rien d'autre, si l'on peut dire, que le sommet de l'histoire de Dieu avec sa création. Et l'image du Crucifié, l'image de la Passion montre l'obscurité de Dieu et elle nous invite à la conversion. (Avec Jean-Pierre Torrell, saint Thomas d'Aquin, saint Grégoire le Grand, André Manaranche, AvS, HUvB).
24 février 2013 - 2e dimanche de carême – Année C
Évangile selon saint Luc 9,28-36
Dimanche dernier, c'était la scène mystérieuse de la tentation de Jésus. Aujourd'hui, c'est la scène mystérieuse de la transfiguration de Jésus. Jésus et ses douze apôtres sont en marche dans les environs de Nazareth. Tout d'un coup Jésus s'arrête et il dit : "Que Pierre, Jean et jacques viennent avec moi sur la montagne". Et Jésus dit aux autres de se disséminer sur les routes qui entourent la montagne et de prêcher le Seigneur Dieu. Il leur donne ensuite rendez-vous le soir même à Nazareth : "Ne vous éloignez donc pas. La paix soit avec vous !"
Jésus et les trois commencent la montée. Jésus marche d'un pas si rapide que Pierre a du mal à suivre. A un arrêt, Pierre qui est tout rouge et en sueur, demande à Jésus : "Mais où allons-nous ? Il n'y a pas de maisons sur la montagne !" Réponse de Jésus : "Je vais m'unir à mon Père et je vous ai voulu avec moi parce que je vous aime. Allons vite !" Saint Pierre proteste un peu : "Est-ce qu'on ne pourrait pas marcher un peu plus doucement ?" Réponse de Jésus : "Aux rendez-vous de Dieu, il faut toujours se rendre rapidement... Là-haut vous pourrez vous reposer". Et ils reprennent la montée. De là-haut ils peuvent voir au loin le lac de Tibériade et toute la plaine.
Et Jésus dit aux trois : "Reposez-vous ici, je vais là-bas pour prier". Jésus s'arrête près d'un rocher, il y appuie sa tête et ses mains. Pendant ce temps-là, Pierre et Jacques enlèvent leurs sandales pour secouer la poussière et les petits cailloux. Jean, lui, reste assis et il regarde Jésus qui n'est pas bien loin. Et puis les trois se mettent à somnoler. Ils sont réveillés par une grande clarté et ils voient Jésus transfiguré. Son visage est comme un soleil ; il est maintenant debout et il paraît encore plus grand que d'habitude. Jésus reste le visage levé vers le ciel. Les apôtres ont presque peur et ils l'appellent parce qu'ils ont l'impression que ce n'est plus leur Maître qui est là. Puis tout d'un coup apparaissent Moïse et Élie : Moïse qui était mort douze siècles auparavant, Élie huit siècles auparavant. Et Moïse et Élie parlent avec Jésus comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Puis il y a une nuée qui passe et qui couvre la montagne. Il y a une voix qui se fait entendre : "Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi. Écoutez-le". Et après cela, il n'y a plus là que Jésus et ses trois disciples. On descend de la montagne.
Les trois apôtres n'ont rien dit aux autres de ce qui s'était passé sur la montagne. Mais très souvent ils en ont discuté à trois : qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? Question qu'on se pose : pourquoi Jésus n'a-t-il pris avec lui que trois disciples sur la montagne et pas les douze ? Comme très souvent, Dieu ne dit pas tout, tout de suite, à tout le monde. Dans les apparitions de la Vierge Marie (à Lourdes, à Fatima, à l'Île Bouchard et ailleurs), Marie donne aux voyants des secrets. Pourquoi des secrets ? Et pourquoi aux voyants seulement et pas à tout le monde ? Pourquoi ?
Qu'est-ce qui s'est passé sur la montagne ? Le Père a donné aux trois disciples la grâce de faire l'expérience du monde de Dieu. A un certain moment, il y a une nuée qui a recouvert la montagne : c'est le signe de la présence de l'Esprit Saint. Et c'est dans l'Esprit Saint que les trois disciples ont entendu la voix du Père parlant de Jésus, le Fils bien-aimé. Pourquoi Jésus a-t-il emmené trois disciples sur la montagne ? Pourquoi ? Pour les faire progresser dans la connaissance de Dieu et dans la connaissance aussi de Jésus lui-même.
Quand Jésus sera ressuscité, il apparaîtra à ses disciples de manière inattendue, et il disparaîtra tout aussi mystérieusement, sans que les disciples se sentent abandonnés pour autant. Sur la montagne, Jésus a donné aux trois disciples un avant-goût de ce qui arriverait plus tard : une présence de Dieu qui va et qui vient, mais qu'on ne peut pas saisir soi-même à son gré.
Dieu est inaccessible, et en même temps il peut se révéler où il veut et quand il veut, et toucher au plus profond. Dieu demeure au-dessus du monde, Dieu est transcendant, et en même temps très présent au monde. C'est cette expérience très concrète que les trois disciples ont faite sur la montagne et que Jésus a voulue pour eux. Cela n'a pas empêché les trois disciples de sombrer dans le désespoir et la nuit totale quand Jésus a disparu de la scène du monde en mourant sur une croix. Dostoïevski disait : "Ce n'est pas comme un enfant que je crois au Christ et le confesse. C'est à travers le creuset du doute que ma foi est passée".
La présence permanente du Seigneur Jésus auprès de nous se réalise à travers des absences et des retraits successifs. Il est venu dans le monde pour quelques années, puis il disparaît : "Je quitte le monde et je vais au Père" (Jn 16,28). Et cependant il ajoute, de manière paradoxale : "Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père" (Jn 14,28). Pourquoi ? "Parce que le Père est plus grand que moi".En disparaissant vers le Dieu plus grand, il parvient lui-même à sa véritable stature, celle que les trois disciples ont pu entrevoir sur la montagne de la Transfiguration et qui devient définitive pour lui à sa résurrection. (Avec Michel Rondet, Jacques Arènes, Dostoïevski, AvS, HUvB).
21 février 2016 - 2e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 9,28b-36
Dimanche dernier, l'évangile était celui de la tentation de Jésus par le démon : épisode bien mystérieux dont Jésus était le seul témoin. Si les apôtres en ont su un jour quelque chose, c'est que Jésus lui-même a dû leur en parler. Aujourd'hui, autre épisode bien mystérieux de la vie de Jésus : sa transfiguration. Mais aujourd'hui Jésus a voulu emmener avec lui trois apôtres pour qu'ils soient témoins de l'événement. Pourquoi trois apôtres seulement et pas les douze ?
Tout au long de l'histoire, Dieu se révèle souvent à une personne avec mission de communiquer un jour aux autres ce qu'elle a reçu de Dieu. Aujourd'hui c'est une révélation à trois apôtres : Pierre, Jacques et Jean. Et l'un des évangélistes nous fait savoir que c'est Jésus lui-même qui a donné à ces apôtres la consigne de ne rien dire aux autres de ce qu'ils avaient vu et entendu tant qu'il ne serait pas ressuscité d'entre les morts. Pourquoi cette consigne de silence ? Jésus a estimé qu'il était préférable que personne n'en sache rien pour le moment, sauf les trois disciples privilégiés.
Dans cette scène de la transfiguration, Jésus se trouve en conversation avec deux hommes qui étaient morts des siècles et des siècles auparavant, deux prophètes : Moïse douze siècles auparavant, Élie huit siècles auparavant. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que Moïse et Élie sont vivants quelque part dans le monde invisible de Dieu, et si Dieu le veut, si Dieu le permet, ils peuvent entrer en conversation avec le Seigneur Jésus, et cela devant trois témoins, Pierre, Jacques et Jean, qui ne prennent pas part à la conversation.
Et enfin dans cette scène de la transfiguration, la voix du Père se fait entendre, cette voix qui dit de Jésus : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le". Les apôtres étaient effrayés. Ce n'est pas Jésus qui révèle aux apôtres son mystère, c'est la voix du Père. Encore une fois Dieu ne dit pas tout, tout de suite, à tout le monde. Pourquoi? C'est comme ça.
La mort de Jésus sera pour ses disciples quelque chose d'insupportable et d'incompréhensible. En voyant tous les miracles de Jésus, en l'entendant parler du Père comme personne, les disciples étaient persuadés que Jésus venait bien de Dieu. Pourquoi sa mort alors ? Pourquoi cette fin si lamentable ? Est-ce que Jésus s'est trompé ? Est-ce que les apôtres se sont trompés sur Jésus ? Malgré tous leurs doutes au moment de la croix, il y avait quand même pour Pierre, Jacques et Jean, le souvenir de cette scène sur la montagne, où ils avaient vu Jésus dans la gloire de Dieu. Pourquoi cette mort de Jésus ? Les apôtres comprendront, après la résurrection, que la toute-puissance du Fils est si grande qu'il a aussi le pouvoir de renoncer à en faire usage : c'est l'abandon de la croix et la descente aux enfers.
Nous, chrétiens, nous croyons que l'une des missions de Jésus a été de révéler à l'humanité qu'il y a en Dieu trois "quelqu'un", trois personnes : le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Dire que Dieu est amour et qu'il est Trinité, c'est la même chose. Mais on ne peut pas se représenter la Trinité. On ne peut pas représenter le Père éternel par un personnage barbu, blanchi, un peu sénile. L’Église orthodoxe en 1667, au concile de Moscou, interdit la représentation de la Trinité sous forme de paternité. Et dans l'évangile d'aujourd'hui, si Moïse et Élie sont en conversation avec Jésus, le Père n'apparaît pas : les apôtres entendent seulement sa voix.
Moïse et Élie sont là à la transfiguration de Jésus. Si nous lisons toujours l'Ancien Testament dans notre première lecture du dimanche, c'est parce que l'Ancien Testament est la patrie de Jésus, c'est pour y découvrir que le Nouveau Testament commençait déjà à s'y révéler. Le Dieu unique qui s'est manifesté en Jésus à un certain moment du temps et en un certain lieu de l'univers, ce Dieu unique s'était déjà révélé auparavant d'une autre façon qu'en Jésus, dans l'Ancien Testament, et même aussi à travers les dieux du paganisme. Quelle est la vocation de Jésus, le Fils de Dieu ? Sa vocation est de manifester l'amour du Père pour le monde et d'entraîner le monde dans l'amour pour le Père.
Dieu s'est révélé aux hommes dans l'Ancien Testament puis dans le Nouveau Testament. Mais les hommes ont toujours tendance à s'approprier Dieu. Finalement les chefs du peuple élu par Dieu ont renié Dieu au moment le plus capital de sa révélation, quand il s'est révélé par le Seigneur Jésus. A un certain moment, les chefs juifs disent à Jésus : "Ce n'est pas pour une œuvre bonne que nous voulons te lapider, c'est pour un blasphème, parce que toi, qui n'es qu'un homme, tu veux te faire passer pour Dieu". Et quand Jésus passera en jugement devant le grand tribunal des Juifs, les chefs diront : "Vous avez entendu le blasphème : il prétend être le Christ, le Fils de Dieu... Qu'il soit crucifié". Conclusion de l’évangéliste Jean : "Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu". (Avec Jean Delumeau, Joseph Moingt, Patriarche Daniel, AvS, HUvB).
27 mars 2011 - 3e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 4,5-42
Jésus et la Samaritaine : c'est une grande page de l'évangile de saint Jean. Il est midi. Jésus a marché toute la matinée avec ses disciples. On s'est arrêté auprès d'un puits, c'est là qu'on va pique-niquer. Les apôtres sont partis en ville chercher de quoi manger. Jésus reste seul près du puits. Pour se recueillir, pour prier peut-être comme il fait souvent.
Et voilà qu'arrive une femme du pays qui vient se ravitailler en eau. Jésus aurait pu ne rien dire, la laisser faire et la laisser repartir. Ce n'est pas la femme qui engage la conversation, c'est Jésus. Jésus lui demande de l'eau qu'elle a puisée. Tout commence comme ça, par un service que Jésus demande à la Samaritaine. Jésus demande de l'eau. Cela ne se refuse pas. La femme aurait pu donner de l'eau à Jésus sans rien dire. Mais elle a l'habitude de vivre en compagnie. Et elle taquine un peu Jésus : C'est bizarre ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine. Voilà l'affaire engagée. Il y a l'eau du puits, mais il existe aussi une eau vive, une eau éternelle. La Samaritaine ne ne le sait pas.
A un certain moment, on ne sait pas pourquoi, Jésus demande à la femme qui est là d'aller chercher son mari. Alors là, les affaires se corsent. "Mon mari ? Je n'ai pas de mari!" Déjà l'eau vive dont Jésus disposerait : c'était bien curieux, mais pas très croyable. Mais quand Jésus lui répond tout à trac qu'elle a déjà eu cinq maris, en plus de celui qu'elle a maintenant, la femme craque : "Tu dois être un prophète, un homme de Dieu !" Et elle retourne en ville en courant, elle devient porteuse de Bonne Nouvelle plutôt que porteuse d'eau.
Et saint Jean conclut : "Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause des paroles de la femme qui avait rendu ce témoignage : Il m'a dit tout ce que j'ai fait". Et les gens de la ville sont persuadés aussitôt que Jésus est vraiment le Sauveur du monde. Jésus avait parlé d'eau vive. L'eau vive, c'est aussi l'Esprit Saint. Et cette eau vive avait rempli tout de suite le cœur de beaucoup de Samaritains pour leur faire comprendre que Jésus était vraiment le Sauveur du monde. Leur cœur était devenu tout d'un coup tout brûlant.
On ne sait pas ce qu'est devenue la Samaritaine. L'évangile n'en parle plus. Ce qu'on peut constater simplement, c'est que la lumière de l'amour avait pénétré dans les ténèbres de sa vie. Et tout de suite elle avait voulu partager la lumière qu'elle avait reçue. Et pour son grand bonheur, beaucoup de ses compatriotes furent eux aussi touchés par la lumière.
Question simple : Dieu, que veut-il de nous ? Que nous l'aimions, que nous l'accueillions comme la source, le sens et le but de notre vie. Et le sommet de la révélation de Dieu, c'est Jésus. La Samaritaine avait découvert Dieu en parlant avec Jésus. Et elle s'est arrangée pour que ses compatriotes aussi découvrent Dieu en parlant avec Jésus. Celui qui veut découvrir Dieu doit être prêt à prendre du temps pour lui. Et il faut être prêt à y mettre le prix. Dieu ne s'impose pas. Il ne nous court pas après. Il en appelle à notre liberté. Beaucoup de Samaritains de cette ville ont été touchés par Jésus, mais pas tous.
Saint Paul nous dit que la sagesse de Dieu est mystérieuse, qu'elle est longtemps demeurée cachée. Maintenant cette sagesse, Dieu nous l'a révélée par son Esprit Saint. L'Esprit en effet sonde tout jusqu'aux profondeurs de Dieu. Et nous, comme les Samaritains, nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits. (Avec Alexandre Schmemann, Benoît XVI, AvS, HUvB).
23 mars 2014 - 3e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 4,5-42
Nous sommes en Samarie. C'est l'heure de midi. Jésus s'arrête auprès d'un puits avec ses disciples après une longue marche. Et Jésus envoie en ville tous ses apôtres pour acheter ce qu'il faut pour le repas. Les disciples sont un peu inquiets de laisser Jésus seul dans ce pays de Samaritains qui sont hostiles aux Juifs. Mais Jésus veut être seul. Il sait certainement pourquoi.
Et tous les disciples s'en vont. Jésus est assis. Il prie et médite. Arrive une femme portant sa cruche. Elle a 35-40 ans. Elle s'étonne de voir un homme assis là. "La paix soit avec toi", lui dit Jésus. "Tu peux me donner à boire ? J'ai beaucoup marché, j'ai soif". La femme : "Mais tu es Juif ! Et tu me demande à boire ! Un Juif qui parle poliment à une Samaritaine, on n'a jamais vu ça ! Je devrais te dire que je ne te donne pas d'eau pour punir en toi toutes les insultes que les Juifs nous adressent depuis des siècles !"
Alors Jésus veut lui donner de l'eau vive. La femme : "Ce puits est à nous, et l'eau de ce puits aussi". Jésus : "Femme, tout appartient à Dieu. Tous les hommes viennent de Dieu, les Samaritains comme les Juifs. Si une erreur nous a séparés, ça ne change rien à notre origine. Moi, je ne t'attaque pas, je n'attaque pas ta race. Pourquoi veux-tu être agressive ?" La femme : "Tu es bien le premier Juif que j'entends parler comme ça ! Mais toi, tu n'as rien pour puiser, comment pourrais-tu me donner de l'eau ?"
Jésus : "Moi, j'ai une eau telle que celui qui l'aura bue ne sentira plus la soif. Cette eau n'appartient qu'à moi, et je la donne à qui la demande". La femme : "Je ne comprends pas. Tu es un magicien ? Tu dis que ton eau dure toute la vie. Donne-moi donc cette eau si vraiment tu la possèdes. Je me fatigue à venir jusqu’ici. Si je l'ai, je n'aurai plus soif et je ne deviendrai ni malade ni vieille". Jésus : "Il n'y a que ça qui te fatigue ? Il y a quelque chose de plus important que le corps, c'est l’âme... Comment tu t'appelles ?"
La femme : "Vous dites, vous, que nous, les Samaritains, nous sommes des païens. Nous ne pouvons pas être saints". (La femme n'a plus son ton impertinent et ironique). Jésus : "Même un païen peut être vertueux. Et Dieu, qui est juste, le récompensera pour le bien qu'il aura fait. Entre un fidèle souillé d'une faute grave et un païen sans faute, Dieu regarde avec moins de rigueur le païen. Tu vis en terre païenne, mais tu pourrais au moins avoir une vie vertueuse. Va chercher ton mari et reviens avec lui".
La femme : "Je n'ai pas de mari !" Jésus : "Oui, mais tu as eu cinq hommes... Même ta religion ne conseille pas l'impureté. Pourquoi vis-tu ainsi ? Où sont tes enfants ?" La femme baisse la tête et ne dit rien. Jésus : "Tu ne les as pas eus sur la terre, mais leurs petites âmes, auxquelles tu as interdit de voir la lumière du jour, t'adressent des reproches. Ce n'est que par le pardon de Dieu que tu peux devenir riche, et donc c'est de tes enfants que tu peux devenir riche".
La femme : "Je vois que tu es un prophète, et j'ai honte". Jésus : "Ne pleure pas. Reste ici, je te parlerai de Dieu. Si tu avais bien connu le vrai Dieu, tu ne te serais pas avilie". La femme : "Nous aussi, nous savons que le Messie va bientôt venir. Tout près d'ici se trouve celui qu'on appelle son précurseur. Il s'appelle Jean. Mais il est très sévère. Toi, tu es bon, et les pauvres âmes n'ont pas peur de toi. Le Messie, on l'appelle le roi de la paix. Est-ce qu'il faudra encore l'attendre longtemps ?"
Jésus : "Moi qui te parle, je suis le Messie". La femme : "Toi !" Et elle veut s'enfuir. Jésus : "Je suis venu ici parce que je savais que ton âme était lasse d'être errante. Je suis venu te donner une nourriture nouvelle... Voilà mes disciples qui reviennent". Les disciples regardent la femme plus ou moins discrètement. Et la femme s'en va sans sa cruche, mais elle revient escortée de Samaritains. Jésus dit à ses disciples : "Voilà les Samaritains qui arrivent. Usez de charité envers eux. Ce sont des âmes qui viennent à Dieu".
Dans la première lettre de saint Jean, il est dit ceci : "Si quelqu'un voit son frère commettre un péché qui ne va pas à la mort, qu'il prie, et il lui donnera la vie". Quand je vois le péché des autres, il y a quelque chose comme une communion dans la faute : moi, pécheur, je n'ai pas empêché mon frère de pécher. Toute réception d'un sacrement inclut d'une certaine manière les frères. Personne ne peut recevoir l'absolution pour lui seul, en voulant exclure les autres de cette grâce. De même pour la communion eucharistique.
"Heureux les doux", dira Jésus. Le doux, c'est celui que n'habite pas l'orgueil des conquérants. C'est l'homme au cœur humble qui obéit d'abord à l'amour. Jésus et la Samaritaine : ce dialogue montre comment naît une amitié. L'amitié fait découvrir la personne dans sa bonté, la bonté d'une personne qui me touche et qui me fait vivre. Et la bonté d'une personne conduit à la bonté de Dieu ; la bonté d'une personne, c'est le reflet de la bonté de Dieu. Toute rencontre dans l'amour suppose le respect de l'autre.
Le Seigneur Jésus n'est étranger à personne parce que tous les hommes, au fond de leur être, attendent Dieu. En profondeur, l'âme de chaque homme est en contact avec Dieu. De l'intérieur, Dieu peut parler à chacun de nous. Qui veut reconnaître Dieu doit être disposé à lui consacrer du temps. Dieu ne s'impose pas à nous. Il ne nous court pas après. Il fait appel à notre liberté. Et c'est seulement si nous disons oui nous-mêmes, si nous lui donnons de notre temps que le chemin peut s'ouvrir.
Jésus n'est pas venu d'abord comme un maître pour nous enseigner le vrai, ni comme le Sauveur, ni comme le Libérateur. Il est venu pour manifester et faire rayonner son amour trinitaire éternel. (Avec Cardinal Lustiger, François Varillon, Joseph Ratzinger, AvS, HUvB).
19 mars 2017 - 3e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 4,5-42
Jésus donc, fatigué par le chemin, s'assied au bord du puits. Ce n'est pas sans raison que Jésus se fatigue, ce n'est pas sans raison que nous voyons accablée de lassitude la puissance même de Dieu. Nous voyons en Jésus la force et la faiblesse. Il nous apparaît tout à la fois puissant et anéanti. Au commencement il était le Verbe et le Verbe était Dieu : c'est sa force. Et le Verbe a habité parmi nous : c'est sa faiblesse.
Ce troisième dimanche de carême, c'est le dimanche de la Samaritaine. Elle rencontre Jésus, voyageur fatigué, assis au bord du puits de Jacob. Jésus est fatigué et il a soif. "Donne-moi à boire !" Petit à petit Jésus va découvrir à la femme son secret à lui : il est le don de Dieu, il est la source d'eau vive, le Sauveur du monde. Et à la femme, il va révéler son péché. La femme ne comprend pas. Comment Jésus qui n'a rien pour puiser pourrait-il lui donner de l’eau ? L'eau vive, c'est l'image de la vie éternelle qui ne peut appartenir qu'à Dieu. Jésus est venu pour l'offrir à tous.
"Seigneur Jésus, comme à la femme de Samarie, tu me demandes à boire". Le Seigneur sur nos chemins nous demande à boire. Quelle eau lui donner ? Il a soif qu'on ait soif de lui, qu'on ait soif de Dieu. "Aujourd'hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur. Mon âme a soif de toi". Seigneur Jésus, comme à la femme de Samarie, tu me demandes à boire. Donne-moi d'exaucer ta prière et, à ton tour, Seigneur Jésus, donne-moi à boire. "Femme de Samarie, fais que je devienne avec toi témoin de la source vive". Cette femme avait eu cinq maris et celui qu'elle avait alors n'était pas le sien. Et le Seigneur Jésus a besoin d'elle pour faire d'elle sa messagère auprès de ses compatriotes.
La mission invisible de l'homme est toujours proportionnelle à l'amour, même quand la mission visible paraît secondaire et extrêmement petite. La femme de Samarie ne peut pas ne rien dire à ses compatriotes du trésor qu'elle vient de découvrir. Et les gens de Samarie se laissent convaincre par elle d'aller trouver eux-mêmes Jésus. C'est Dieu lui-même qui a choisi pour la Samaritaine le travail qu'elle avait à faire.
Ce que le christianisme apporte de radicalement nouveau, et que l'on ne trouve dans aucune autre conception religieuse, c'est que le baptisé, par le fait de ce don gratuit du Christ, a le pouvoir de transmettre à autrui ce qu'il a lui-même reçu, même si rien de ce passage ne lui est directement perceptible... Croire, c'est croire l'impossible, c'est croire que notre faiblesse, notre souffrance, notre misère, peuvent quelque chose pour autrui... et particulièrement pour celui devant qui nous nous trouvons le plus démuni, de celui qui refuse le message du Christ, car c'est pour lui justement que nous a été donné le baptême, c'est pour lui que nous avons grâce de salut.
L'incroyant que nous rencontrons peut se demander parfois : "Et si Dieu existait malgré tout !"... Parce que l'homme, c'est un jour ou l'autre l'animal qui s'étonne d'exister. L'homme cherche des raisons de vivre au-delà de lui-même. Il aspire à une joie qui ne le possède pas encore vraiment et dont il attend son accomplissement. Marie, qui défait les nœuds, ouvre aussi les cœurs fermés. La Samaritaine a réussi à convaincre ses compatriotes d'aller voir Jésus. Pour persuader, il vaut mieux être intelligent. La Samaritaine a éveillé la curiosité de ses compatriotes. La connaissance que procure la foi n'apaise pas le désir de savoir, elle l'attise.
A l'origine du christianisme, il y eu trois miracles : le premier, c'est la résurrection du Christ ; le second est que les apôtres ont cru en cette résurrection; et le troisième miracle, c'est qu'il y a eu des gens pour croire les apôtres. Le principal obstacle à notre illumination par l'Esprit Saint, c'est l'orgueil. Le principal obstacle à la foi vivante, c'est l'orgueil. L'humilité de Dieu est inconcevable. Dieu est humilité. Rien d'impur, c'est-à-dire rien d'orgueilleux ne s'approche de lui. L'essence de l'enfer, c'est l'orgueil.
Les gens sont prêts à tout acte négatif : à douter de Dieu, mais aussi à lui résister en face, peut-être même à le haïr parce qu'il laisse aller le monde comme il va, parce qu'il abandonne ses enfants à l'angoisse et à la nuit, ne leur laissant comme espoir que le néant, comme consolation que la mort certaine. La foi nous fait prier autrement : "J'ai toujours les yeux sur le Seigneur, lui qui dégage mes pieds du filet. Regarde, Seigneur, et prends pitié de moi, car je suis seul et misérable". (Avec saint Augustin, Henri de Lubac, Fabrice Hadjadj, Alain Besançon, Père Sophrony, AvS, HUvB).
15 mars 2009 - 3e dimanche de carême – Année B
Évangile selon saint Jean 2,13-25
On peut imaginer que Jésus invite d'abord fort poliment les vendeurs à aller s'installer ailleurs. Aujourd'hui il est descendu de la montagne de la Transfiguration, il entre dans la maison du Père, sa maison terrestre, le temple, et il chasse à coups de fouet tous ceux qui ne doivent pas s'y trouver.
Un peu comme pendant le carême : il faut chasser de nos vies tout ce qui ne doit pas s'y trouver, tout ce qui n'est pas selon Dieu. Dans tout l'évangile, c'est sans doute le seul acte de violence de Jésus : "Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic". Saint Paul nous dit : "Le temple de Dieu, c'est vous". Ne profanez pas le temple de Dieu. "Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi" : c'était notre première lecture.
On peut remarquer comment Jésus parle de Dieu : le temple, pour lui, ce n'est pas la maison de Dieu, c'est "la maison de mon Père". Autrement dit, Jésus manifeste ici qu'il a conscience d'avoir une relation privilégiée avec Dieu : mon Père. Et les Juifs un jour lui reprocheront énergiquement d'avoir émis cette prétention, d'appeler Dieu son Père.
Dans un enseignement sur la manière de prier, Jésus dira à ses disciples que, pour prier, il vaut mieux le faire dans le secret. Bien sûr on peut aller au temple pour prier, on peut aller à l'église. Mais on doit aussi prier dans le secret, dans ta chambre, par exemple. Et que dit Jésus à ce moment-là ? Il dit : "Ton Père (tiens, c'est curieux! pour parler de Dieu)... ton Père qui est là dans le secret te le rendra". Qu'est-ce qu'il va te rendre, le Père? La récompense, c'est que ton Père voit ce qui se passe dans le secret, le Père est la récompense de celui qui s'est mis à l'écart pour prier. Celui qui prie est comme nu devant Dieu, après avoir congédié le monde qui l'entourait. Celui qui prie n'a pas de secret pour Dieu. Il est là, ouvert, et Dieu voit tout. Et il laisse Dieu faire dans le secret tout ce qu'il veut. "Mon Dieu, montre-moi mon chemin. Montre-moi tes chemins. Qu'est-ce que tu attends de moi aujourd'hui? Parle, Seigneur, ton serviteur écoute".
Il ne faut pas commencer par dire à Dieu : "Écoute, Seigneur, je te parle. Écoute-moi bien". Il est vrai que dans les psaumes on dit plus d'une fois : "Écoute ma prière, Seigneur". Mais il faut peut-être commencer par dire : "Parle d'abord, Seigneur, ton serviteur écoute". Marthe Robin dit ici une chose étonnante et en même temps rassurante et consolante. Marthe Robin le dit, mais cela fait quand même partie du trésor de l’Église. Marthe Robin pense que le temps gratuit donné à Dieu seul dans le silence d'une prière personnelle peut être plus fructueux que de communier à la messe. Il faut se souvenir de cela quand, pour une raison ou pour une autre, on ne communie pas à la messe. Et puis il faut ajouter aussi que communier à la messe implique qu'on accompagne cette communion d'une prière personnelle, dans le secret.
Mère Teresa peut ici nous apprendre quelque chose, elle qui savait ce que c'était qu'être proche de Dieu et être proche des hommes. Elle enseignait à ses sœurs comment faire pour être proche de Dieu et être proche des hommes. Elle disait : Essayez d'accroître votre connaissance du mystère de Jésus, du mystère de la rédemption. Cette connaissance vous fera prendre part à la Passion du Christ, à la souffrance du Christ. Sans notre souffrance, notre œuvre ne serait qu'une action sociale, très bonne et très utile, mais elle ne serait pas l’œuvre de Jésus Christ, ni une participation à la rédemption. Jésus a voulu nous aider en partageant notre vie, notre solitude, notre agonie et notre mort. Tout cela, il l'a pris sur lui et il l'a porté dans la nuit la plus noire. Ce n'est qu'en étant un avec nous qu'il nous a rachetés. Nous avons la possibilité de faire de même : toute la désolation des pauvres, non seulement leur pauvreté matérielle, mais leur misère spirituelle doit être rachetée et nous devons y prendre notre part.
Et Mère Teresa suggère à ses sœurs une manière de penser quand elles trouvent que leur vie est difficile : se dire : je souhaite vivre au milieu de tous ces gens qui sont si éloignés de Dieu, qui se sont tant détournés de la lumière de Jésus, pour les aider, prendre sur moi quelque chose de leur souffrance. Et Mère Teresa ajoute : Oui, partageons les souffrances de nos pauvres, car ce n'est qu'en étant une avec eux que nous pouvons les racheter, c'est-à-dire amener Dieu dans leur vie, et les amener à Dieu.
On peut noter ici comment Mère Teresa définit la rédemption. C'est quoi la rédemption ? C'est quoi racheter le monde ? Racheter les hommes ? C'est amener Dieu dans leur vie, les amener à Dieu. C'est ce que Jésus voulait faire en chassant les vendeurs du temple : il voulait les amener à Dieu en les chassant du temple.
L'évangile d'aujourd'hui parle d'une colère de Jésus. Dans l'Apocalypse, il est question aussi d'une colère de l'Agneau. Et cette colère de l'Agneau est aussi grande que la colère du Père. Mais pour réconcilier le monde avec Dieu (pour le racheter), l'Agneau boit au mont des oliviers la coupe de la colère du Père, jusqu'à la lie, il souffre de la peur de la mort, il souffre de l'absence de Dieu qu'éprouvent les pécheurs, il se charge de toutes les fautes de ses frères, et ainsi il met fin à la colère de Dieu. (Avec Marthe Robin, Bertrand Souchard, Mère Teresa, Adrienne von Speyr et Hans Urs von Balthasar.
11 mars 2012 - 3e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 2,13-25
Jésus chasse les vendeurs du temple. Jésus accueille avec miséricorde la femme adultère. Il sait se montrer plein de douceur. On voit aujourd'hui qu'il sait se montrer plein de violence. Jésus nous révèle ici quelque chose de Dieu. Il y a en Dieu toute la douceur du monde, mais il peut manifester aussi une rigueur implacable. Jésus sait se montrer indulgent, il sait excuser les fautes et les couvrir pour orienter les gens vers Dieu, pour les encourager à ne vouloir que le bien. Il y a du bon grain et de l'ivraie dans le champ de Dieu, dans le cœur de l'homme. Il ne faut pas tout casser. Pour Jésus, il est plus important de préserver ce qu'il y a de bon que de détruire le mauvais. C'est une indication aussi pour les chrétiens au milieu des non croyants.
Jésus s'est permis un jour de chasser les vendeurs du temple. On ne doit pas se prendre pour Jésus. En accomplissant cet acte de violence, Jésus n'a fait qu'accroître la hargne de ses adversaires. On lui demande d'ailleurs de quoi il se mêle. Qui t'a donné mission de chasser les vendeurs ? Jésus fait preuve de violence alors que d'habitude il invite à la patience, à la modération.
C'est quoi la violence ? Souvent nous cherchons à blesser les autres parce que nous avons été nous-mêmes blessés. Vous connaissez cette histoire : Un contremaître enguirlande un de ses ouvriers... qui ne peut pas répliquer sous peine de perdre sa place. L'ouvrier rentre chez lui en colère et déverse cette colère sur sa femme qui n'a pas préparé le repas à l'heure... Elle n'ose pas lui répondre, mais elle passe sa colère sur son fils qu'elle surprend à chiper dans le frigidaire... Le fils ne répond pas, mais il se venge sur le chien... qui se précipite sur le chat... qui avale une souris ! ... Souvent nous cherchons à blesser les autres parce que nous avons été nous-mêmes blessés.
D'autre part le philosophe, qui est humoriste à certaines heures, chrétien aussi, ose dire ceci : "Certains coups de pied au derrière ont avant tout une intention de tendresse, avec pouvoir de propulsion. C'est l'amour qui les décoche". Le Seigneur Jésus a fait preuve de violence en chassant les vendeurs du temple. Et il invite à la douceur tous ceux qui croient en lui. Mais on n'y arrive pas toujours.
"L’Église est sainte, mais souvent, ce que nous avons fait dans l’Église est lamentable. (C'est le cardinal Barbarin qui dit cela). Il faut demander pardon à toutes les personnes que nous avons blessées. L'anticléricalisme, pour une bonne part, vient du fait que nous avons trahi notre mission de service. Que l’Église demande pardon et reconnaisse les fautes commises par ses ministres, c'est bien. Mais il faut aussi tourner la page et avancer dans une collaboration sereine".
Le Seigneur Jésus manifeste de la violence avec les vendeurs du temple. Mais Dieu ne fait que rarement violence à la liberté humaine. La plupart du temps, il laisse l'homme libre d'agir comme il le veut. Le Bienheureux Newman posait la question : "La discrétion du langage n'est-elle pas la règle de toute vie sociale ?" Et il ajoutait : "La vérité, certes, mais pas forcément toute la vérité. C'est la règle de toute société". Et Benoît XVI d'ajouter pour l’Église : "Dans l’Église, personne ne doit imposer aux autres sa propre volonté".
Qui peut mesurer ce que Dieu a risqué quand il a créé des êtres libres capables de le contredire en pleine face ? Devait-il les damner ? Il est alors perdant au jeu cosmique qu'il avait engagé. Devait-il simplement leur faire grâce ? Il n'aurait alors pas pris au sérieux leur liberté, l'aurait court-circuitée. Comment pouvait-il prendre ce risque ? A une seule condition : que, depuis l'origine, le Fils éternel se porte garant des pécheurs par une solidarité absolue avec eux jusqu'à l'abandon par Dieu. C'est à ce prix que Dieu a pu déclarer "très bon" ce monde atroce et lui donner d'exister. (Avec Cardinal Barbarin, Fabrice Hadjadj, Newman, Benoît XVI, AvS, HUvB).
8 mars 2015 - 3e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 2,13-25
Jésus est souvent allé au temple de Jérusalem. Pourquoi ce coup de colère ce jour-là ? Il y avait du monde dans les cours autour du temple. On y vendait, entre autres, des agneaux pour la fête de Pâques. Jésus aussi a acheté son agneau, c'est saint Pierre qui l'a payé et il tirait l'agneau derrière lui. Un vendeur avait refilé à deux petits vieux un agneau chétif et les sacrificateurs n'en avaient pas voulu. Alors les deux petits vieux reviennent à celui qui leur a vendu l'agneau défectueux pour expliquer l'affaire. Ils se font insulter, bien sûr. Mais Jésus a vu la scène. Il s'approche. Il met la main sur l'épaule de la femme : "Pourquoi pleures-tu ?" Et elle explique les raisons de leur chagrin.
Jésus alors s'adresse au vendeur d'agneaux : "Change cet agneau à ces fidèles. Il n'est pas digne de l'autel comme il n'est pas digne que tu profites de ces deux pauvres vieux parce qu'ils sont faibles et sans défense". Le vendeur se moque de Jésus : "Un Galiléen qui vient nous faire la leçon ! Écoutez-moi ça !" Il y a vite un petit attroupement autour de Jésus : les autres marchands et vendeurs prennent fait et cause en faveur de leur collègue et complice contre Jésus. Jésus n'a rien en main, mais il est rempli de colère et c'est alors qu'il renverse les tables et leur monnaie ; il prend des cordes qui attachaient les bœufs, il s'en fait un fouet qu'il fait tournoyer sur les bêtes et sur les corps.
Aussitôt arrivent des prêtres, des rabbins et des pharisiens, et c'est le petit dialogue que l'évangile vient de nous rapporter : "Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ?" Et la réponse de Jésus semble tout à fait à côté de la question qui a été posée : "Détruisez ce temple et, en trois jours, je le relèverai". Ces paroles font partie de toutes les paroles énigmatiques de Jésus que les disciples n'ont comprises que plus tard. Des paroles qu'ils n'ont pas comprises sur le coup, mais qu'ils ont gardées dans leur mémoire.
Détruire le temple : c'est mettre Jésus à mort. Et Jésus va relever ce temple dans les trois jours : trois jours après sa mort, il va montrer qu'il est debout, qu'il est vivant, qu'il vient vraiment de Dieu, qu'il est si proche du Père invisible qu'il a le même rang que lui, la même puissance, la même divinité. En ce troisième dimanche de carême, l'évangile tourne nos regards vers le terme du carême : la passion et la mort de Jésus, et puis le jour de Pâques. Et puis l'évangéliste évoque aussi un verset du psaume 68 : "L'amour de ta maison fera mon tourment". Jésus montre son zèle pour la maison de Dieu, pour le temple.
Une fille de notre temps, quand elle avait dix-neuf - vingt ans, priait comme ceci dans la ville où elle habitait : "Mon Dieu, allume ton amour dans cette ville. Fais qu'en chaque église il y ait quelqu'un qui prie vraiment. Permets qu'en chaque maison il y ait une flamme qui fait penser à toi. Sois tous les jours avec ceux qui te prient". C'est une bonne prière pour un temps de carême.
A tous ceux qui deviennent chrétiens ou qui sont devenus chrétiens, le Seigneur Jésus a dit d'une manière ou d'une autre : "Viens et suis-moi". Chaque jour, il nous redit ces paroles parce que chaque jour il nous invite à la prière : "Viens et suis-moi". Chaque jour, et plus encore pendant le temps du carême. A cet appel du Seigneur Jésus, qui va répondre : "Pour le moment, j'ai autre chose à faire, je te suivrai plus tard. Je répondrai plus tard à ton invitation à la prière" ?
La prière n'est pas un impôt qu'on paie à Dieu, ce n'est pas un office qu'on a promis d'accomplir. Comme disait un grand croyant de notre temps, devenu chrétien à l'âge adulte, "la prière est la recherche amoureuse du visage de Dieu". Et il ajoutait : "Amoureuse : cela ne veut pas dire que tout se passe dans l'allégresse, non. Mais je le recherche, je viens vers lui, je me détourne de ma route, je m'approche de lui, je désire le connaître... La prière, c'est avec Moïse, écouter Dieu qui me parle face à face comme un ami parle à son ami".
Mais qu'est-ce que c'est qu'un ami ? Un chrétien de notre temps nous l'explique à sa manière : "La joie la plus profonde est celle qui vient du fait de me sentir aimé et reconnu comme je suis, en communion avec un autre. Je dis bien 'comme je suis', c'est-à-dire avec toute mon histoire, tous mes dons et toutes mes peurs, avec toutes ces pauvretés en moi, et même avec mon péché. Dieu m'aime ainsi, tout pécheur que je suis, avec mes addictions, mes compulsions et mes fuites. Je ressens alors une joie inaperçue jusqu'alors : je suis aimé, je compte pour toi".
En chaque eucharistie, Dieu vient à notre rencontre, comme un ami, comme le Seigneur Jésus allait à la rencontre de ses apôtres après sa résurrection, entre sa résurrection et son Ascension. La messe est presque le contraire de l'Ascension. La messe, c'est une descente toujours nouvelle sur terre de celui qui est monté aux ceux.
Aujourd'hui on apprend par l'évangile que le Seigneur Jésus a un jour fait le ménage dans le temple. On peut toujours lui demander aussi - mais c'est peut-être dangereux - qu'il fasse le ménage dans notre vie, qu'il nous désencombre de tous les soucis et de tous les plaisirs inutiles qui nous empêchent plus ou moins de servir Dieu plus vraiment, de servir Dieu et les hommes. Et la communication de Dieu ne vient pas seulement de l'extérieur et d'en haut, elle peut surgir aussi du tréfonds de l'esprit des croyants, de l'Esprit Saint. (Avec Frère Roger, Jacques Loew, Erich Przywara, AvS, HUvB).
7 mars 2010 - 3e Dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 13,1-9
Un évangile en trois temps aujourd'hui : 1/ Un massacre par Pilate. On ne sait pas pourquoi. 2/ L'effondrement d'une tour : 18 victimes. On ne sait pas pourquoi. 3/ La petite histoire de l'arbre qui ne donne pas de fruits : on ne sait pas pourquoi. - De nos jours, on pourrait ajouter bien d'autres catastrophes, en France et ailleurs, qui ont fait bien plus de victimes. On ne sait pas toujours pourquoi. Parfois on sait. Saint Paul, tout à l'heure, dans la deuxième lecture, en tire la leçon : "Tout cela est arrivé pour nous servir d'exemple. Celui qui se croit solide, qu'il fasse attention à ne pas tomber". Jésus ne fait pas de grandes théories. Il dit quelques mots, il raconte une petite histoire, une parabole. Il nous invite à réfléchir. Réfléchir à quoi ? Il faut se préparer, il faut être prêt, il faut que nos vies portent du fruit. On n'a pas le droit d'avoir une vie stérile.
Quand Moïse veut s'approcher du buisson ardent, du buisson en feu, quand Moïse veut s'approcher de Dieu, il doit quitter ses chaussures. On lui dit : "Enlève tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte". On ne s'approche pas de Dieu n'importe comment. Le théologien Joseph Ratzinger, aujourd'hui le pape Benoît XVI, raconte quelque part que les moines de l'abbaye de Cluny, vers l'an mille, quand ils s'approchaient pour recevoir la communion, enlevaient leurs chaussures, comme Moïse devant le buisson ardent.
Dans l'Ancien Testament, le Christ était déjà présent. Toute l'histoire du peuple de Dieu dans l'Ancien Testament est une prophétie, est comme une préparation de la venue en ce monde du Fils de Dieu. Jésus nous invite à être attentifs à Dieu, à ne pas oublier Dieu. Et si on l'a oublié pour un peu de temps ou pour un très long temps, il est toujours temps de s'y mettre, d'enlever ses chaussures et de s'approcher de Dieu. Il est toujours temps d'appeler Dieu, il est toujours temps de lui dire : "Seigneur, comme tu vois et comme tu sais, prends pitié". Mais Dieu voit si celui qui l'appelle comme ça se donne vraiment en l'appelant. Qu'est-ce que ça peut vouloir dire : "Se donner à Dieu" ? Cela veut dire essayer de dire en vérité les paroles du Notre Père : "Que ta volonté soit faite". Ce n'est pas une petite affaire et on est obligé d'y mettre toute sa foi pour dire ces quelques mots : "Que ta volonté soit faite".
Ce que Jésus nous dit dans l'évangile d'aujourd'hui, c'est que le temps, le temps présent est un don de Dieu, un don de Dieu au service de l'éternité. Aux yeux de Dieu chaque instant a une valeur précise du point de vue de l'éternité. Et le chrétien doit en quelque sorte lutter pour donner à tout ce qu'il fait dans le temps le poids de l'éternité, le poids du monde de Dieu. Et c'est quoi l'éternité ? Saint Jean nous le dit dans l'Apocalypse ; c'est le Seigneur Jésus qui parle : "Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi".
Le Père Alexandre Men, un prêtre russe orthodoxe qui, à la fin du régime communiste, s'est fait massacrer pour sa foi communicative, a écrit entre autres choses un petit commentaire de l'Apocalypse. Et quelque part il écrit ceci : "Nous devons absolument rejeter comme étranger au christianisme le sentiment de peur de la fin du monde". Et il ajoutait quelques pages plus loin : "Il faut vivre comme si le jugement dernier allait advenir demain et œuvrer comme si nous avions l'éternité devant nous". L'évangile nous enseigne : "Veillez et priez". Et le Père Men concluait : "Faire la volonté de Dieu avec joie et patience". Un autre chrétien d'Orient, l'un de nos Pères dans la foi, il y a très longtemps disait : "Une poignée de sable dans la mer immense, voilà ce qu'est le péché de tout homme en comparaison de la miséricorde de Dieu". L'un de nos contemporains, décédé maintenant, un grand romancier, écrivait un jour dans son journal : "Le paradis n'est pas autre chose qu'aimer Dieu, et il n'y a pas d'autre enfer que de n'être pas avec Dieu".
Je termine avec un autre grand romancier contemporain, vrai croyant lui aussi : "Le pécheur, c'est celui qui a renoncé à chercher la vraie réalité, c'est celui qui connaît le morne ennui d'une vie sans Dieu". L'acte de foi réclame du croyant le don de tout son être. La foi, c'est l'adaptation de toute son existence à Dieu. (Avec Joseph Ratzinger, Alexandre Men, Isaac le syrien, Julien Green, Georges Bernanos, AvS, HUvB).
3 mars 2013 - 3e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 13,1-9
Voilà deux événements tragiques : Pilate qui fait massacrer des gens pendant qu'ils offrent un sacrifice; et puis dix-huit personnes qui se font tuer quand une tour s'écroule. Qui est coupable ? Réponse de Jésus : il ne faut pas croire que ceux qui sont frappés sont toujours les plus mauvais. Que chacun s'examine soi-même, et pas les autres. Que chacun balaie devant sa propre porte.
Il y avait un figuier qui ne portait pas de figues. Faudrait le couper pour mettre autre chose à la place. Le jardinier, lui, pense que tout n'est pas encore perdu. Je vais bien soigner ce figuier, peut-être qu'il va donner du fruit quand même cette année. Sinon, il faudra l'éliminer.
Les douze apôtres de Jésus n'étaient pas parfaits. Il y avait de grosses disputes entre eux. Et Jésus devait souvent les reprendre et corriger leur manière de penser. Et dans le groupe des douze, il y a quand même eu Judas. Et Judas aussi, le Seigneur Jésus l'a porté sur la croix en portant le péché de tous les hommes ; la croix, c'est la folie de Dieu ; la croix, c'est ce qu'il y a de plus caché dans sa sagesse. Est-ce qu'elle va porter du fruit ?
La vie en Dieu des croyants n'est pas une affaire superficielle et vague. La vie en Dieu exige des efforts et des décisions de la part de l'homme. L'homme aurait aimé vivre toujours sous le regard de Dieu comme Adam au paradis. Mais maintenant l'homme vit tourné vers la mort. Cela ne lui sert à rien de ne pas en connaître l'heure. Mais il ne peut pas vivre comme si cette heure ne le concernait pas, comme si elle n'allait pas sonner pour lui... C'est Pilate qui fait un massacre, c'est une tour qui s'effondre, c'est un accident.
Le cardinal Barbarin nous suggère de nous avancer pour la communion en disant : "S'il te plaît, Seigneur, donne-moi un peu de foi pour tenir jusqu'à demain… Et puis un peu d'amour aussi, pour aimer tous ceux que j'ai à aimer, parce que mon cœur en manque. Et puis encore un peu d'espérance".
Un chrétien motivé de notre temps raconte une histoire. C'est un jeune garçon à l'école, qui dit tout le temps : Ah! Quand j'aurai quitté l'école et que je travaillerai, je serai heureux ! Il quitte l'école et il se met à travailler, et il dit sans cesse : Ah! Quand je me marierai, ce sera le bonheur ! Il se marie et, au bout de quelques mois, il constate que la vie manque de variété, et il se dit : Ah! Que ce sera bien quand on aura des enfants ! Les enfants viennent et c'est charmant, mais ils pleurent vraiment souvent à deux heures du matin, et le jeune homme soupire : Vivement qu'ils soient grands ! Et les enfants grandissent, ils ne pleurent plus à deux heures du matin, mais ils font mille bêtises et les vrais problèmes commencent. Et lui, il rêve au moment où il sera seul avec sa femme. Ce sera si bien ! Et quand enfin il est vieux, il se souvient avec nostalgie des temps anciens : c'était si bien !
On pourrait tous ajouter des chapitres à cette histoire. Mais voici sa conclusion : Nous avons tous du mal à vivre le moment présent, à nous réjouir de la présence de Dieu ici et maintenant... Rendre grâce pour ce qu'on a. Ne plus pleurer pour ce qu'on n'a pas. S'accepter et accepter les autres tels qu'ils sont, en voyant la lumière qui est en eux, et en ayant la certitude que nous pouvons tous grandir... On n'en a pas pour un carême seulement. Ce sera un peu plus long de grandir. Il faut bien soigner le figuier ; peut-être qu'il portera du fruit un jour quand même.
Il y a toujours des gens qui rêvent de réformer l’Église et les gens d’Église. Ce qui réforme l’Église, ce ne sont ni les pamphlets, ni les pétitions, ni les mouvements "critiques" ou "fidèles"; c'est la sainteté de chaque chrétien, qui demande chaque jour à l'Esprit de réformer la part d’Église qui demeure en lui, c'est-à-dire qui demande chaque jour à l'Esprit la conversion de son cœur, la conversion du figuier.
Dans l’Église, le plus grand, le plus chrétien, c'est celui qui est le plus au service des autres, comme Jésus qui sert à la table eucharistique et lave les pieds à l'ennemi, même à Judas. (Avec Cardinal Barbarin, Jean-Luc Marion, AvS, HUvB).
28 février 2016 - 3e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 13,1-9
L'évangile d'aujourd'hui nous invite à nous convertir. - "Mais je vais à la messe tous les dimanches, même parfois aussi en semaine, comment voulez-vous que je me convertisse ? Je fais tout bien". - Si c'est vrai, tant mieux, pourvu que ça dure ! Mais on trouve quand même aussi dans le Nouveau Testament cet avertissement : "Celui qui dit qu'il est sans péché est un menteu". Et aussi : "Même celui qui est saint pèche sept fois par jour". Sept fois par jour, c'est-à-dire souvent.
Quand, au début de la messe, nous disons le "Je confesse à Dieu", la première chose que nous disons, c'est : "Je reconnais devant mes frères que j'ai péché en pensée, en parole, par action et par omission". Mais où est-il notre péché ? Si on commet un gros péché tout rond, il nous crève les yeux. La prière constante du pèlerin russe était : "Seigneur Jésus, Fils du Dieu vivant, aie pitié de moi pécheur". Le Seigneur Jésus ne nous demande pas de nous culpabiliser stupidement. L'une des prières du cardinal Newman commence comme ceci : "Conduis-moi, douce lumière". On pourrait ajouter : "Qu'est-ce que tu attends de moi aujourd'hui ? Qu'est-ce que je peux faire pour te faire plaisir ?"
Très souvent on voit très bien les péchés des autres, on voit très bien ce qui n'est pas juste dans les paroles, les actions, le comportement des autres. Et on peut très bien être aveugle sur soi-même. Jésus aussi attire notre attention sur ce point quand il parle de la paille et de la poutre. Et l’Écriture nous invite à prier comme ceci : "Fais-moi connaître tes chemins, Seigneur, guide-moi dans la vérité" ; c'est l'un des refrains que nous chantons de temps en temps le dimanche.
Saint Paul nous invite à nous revêtir de ce que Dieu aime, c'est-à-dire compassion, bienveillance, humilité, douceur, patience. L'évangile d'aujourd'hui nous invite aussi à percevoir dans les événements de tous les jours la relation qu'ils ont avec Dieu. Pour le chrétien, il n’existe rien qui soit absolument inutile. Tout événement de notre vie a un sens pour Dieu. Notre vie tout entière doit être présente dans notre prière pour être offerte à Dieu.
Le Seigneur Jésus ne dit pas : "Aimez-moi". Il dit : "Aimez-vous". Ce qu'il nous demande, c'est que nous supportions de vivre ensemble, c'est que nous nous supportions. Le curé d'Ars disait : "Que c'est beau, mes enfants, d'être accompagné par le Saint-Esprit. C'est un bon guide que celui-là. Quand le Saint-Esprit veut une chose, elle réussit toujours. Et dire qu'il y a tant de gens qui ne veulent pas le suivre !" L’Écriture n'est pas faite pour satisfaire des curiosités frivoles, mais toujours pour nous conduire au salut. Et c'est quoi le salut ? C'est la rencontre avec Dieu et l'union avec lui.
Marie, la Mère de Jésus, est pleine de grâce. Elle est quelqu'un qui écoute et qui prie. Elle est sans cesse attentive aux multiples appels du Dieu vivant. Elle est quelqu'un qui prie, elle est tout entière tendue vers Dieu, et donc quelqu'un qui aime avec la générosité du véritable amour, mais aussi avec toute la capacité de discernement qui se trouve dans l'amour, et aussi avec la préparation à la souffrance qui se trouve dans l'amour.
Tout chrétien sait bien que le premier commandement, c'est d'aimer. Mais c'est quoi l'amour ? Aimer, ce n'est pas dominer, c'est se mettre à genoux devant l'autre. Il y a de l'amour vrai entre deux personnes quand les deux s'agenouillent l'une devant l'autre. C'est une manière de parler, bien sûr. L'amour, c'est Jésus : il se laisse assassiner pour offrir la résurrection à ses assassins. Jésus refuse de s'imposer par le miracle et l'autorité : il se tait devant Pilate, il ne descend pas de sa croix, il ressuscite dans le secret ; seule la liberté royale de la foi peut le reconnaître, seul le libre amour peut le reconnaître.
L'évangile d'aujourd'hui nous invite à la conversion incessante. Notre vraie volonté, c'est de n'en avoir point d'autre que la volonté de Dieu. Mais cela ne peut se faire sans un sacrifice foncier. Dans l'eucharistie, dans la communion, l'Homme-Dieu donne à chacun la possibilité de participer à son pouvoir. Il y a une communion des saints aussi dans l'eucharistie, et le Seigneur Jésus peut donner à celui qui communie de partager le poids du péché d'une autre personne. Celui qui s'offre ainsi à porter avec le Christ le fardeau de ses frères sait, dans la foi, que son geste est riche de sens et qu'il porte ses fruits, mais il ne saura ni comment, ni au profit de qui cela se fait. Il entre simplement, avec l'offrande du Fils, dans la parole miséricordieuse du Père. (Avec Christian Bobin, saint Jean-Marie Vianney, Louis Bouyer, Joseph Ratzinger, Pierre Emmanuel, Olivier Clément, Maurice Blondel, AvS, HUvB).
3 avril 2011 - 4e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 9,1-41
Ce récit de la guérison par Jésus de l'aveugle-né est encore une grande page de l'évangile de saint Jean, après celle qui a été lue dimanche dernier, l'évangile de la Samaritaine. Jésus ose dire aujourd'hui : "Je suis la lumière du monde". Comment est-ce possible ? Pourquoi Jésus dit-il une chose pareille ? Jésus a conscience d'apporter au monde une lumière. C'est la certitude de Jésus qu'il apporte au monde la lumière de Dieu. Mais est-ce que les hommes peuvent reconnaître en Jésus la lumière de Dieu ? Autrefois, il y a deux mille ans. Aujourd'hui en l'an 2011. Pour l'aveugle qui a été guéri par Jésus, il n'y a aucun problème, c'est une évidence. Je n'y voyais rien, j'étais aveugle. Maintenant j'y vois. C'est grâce à Jésus que je suis devenu un voyant. C'est inouï. Si vous me demandez ce que je pense de Jésus, c'est tout simple, c'est un homme de Dieu. Si Jésus ne venait pas de Dieu, il n'aurait pas pu faire que je ne sois plus aveugle. Jésus existe et Dieu aussi existe. C'est une évidence.
Voilà un miracle, évident. Évident pour l'homme qui découvre ce que c'est que d'avoir des yeux pour voir. Pour les adversaires de Jésus, ce miracle est un problème. C'est un problème bien gênant. La solution, pour eux, c'est qu'il n'y a pas eu de miracle. Jésus n'a rien fait du tout : cet homme n'était pas aveugle. Mais comme l'aveugle insiste devant tout le monde pour dire qu'il était bien aveugle, et que c'est bien Jésus qui lui a donné la vue, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir inventer contre Jésus ? Ce qu'on invente ? C'est que Jésus a fait ça un jour de sabbat. (C'est vrai, c'était un jour de sabbat!) On n'a pas le droit de faire certaines choses le jour du sabbat. Et donc Jésus est un pécheur, ce n'est pas un homme de Dieu.
La réplique de l'aveugle veut son pesant d'or : "Moi, je sais une chose. Il m'a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n'exauce pas les pécheurs. Mais si quelqu'un fait sa volonté, il l'exauce. Si Jésus ne venait pas de Dieu, il n'aurait rien pu faire". Les adversaires de Jésus veulent en finir avec cet imbécile qui veut leur faire la leçon, ils le mettent dehors.
Cette histoire de l'aveugle guéri et des pharisiens qui ne veulent pas y croire, c'est notre histoire à nous aujourd'hui, c'est l'histoire du monde d'aujourd'hui, c'est l'histoire des croyants et des non-croyants d'aujourd'hui. Le chrétien ne croit pas à une multitude de choses. Au fond, il croit simplement en Dieu, il croit qu'il n'existe qu'un seul et vrai Dieu. Et ce Dieu se rend accessible en celui qu'il a envoyé : Jésus-Christ. Dieu montre son visage en celui qu'il a envoyé, en son Fils. Dieu et son Fils, c'est tout un, et en même temps ils sont différents.
Jésus dit quelque part dans l'évangile - c'est dans une prière qu'il adresse à Dieu, le Père invisible - :"La vie éternelle, c'est que les hommes te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ". La vie éternelle, ce n'est pas la vie qui vient après la mort. La vie éternelle, c'est la vie elle-même, c'est la vraie vie qui peut être vécue aussi dans le temps présent, aujourd'hui, et qui ensuite ne va pas s'achever avec la mort physique.
Mais toujours la question : comment est-il possible de croire en Dieu et en Jésus ? La foi prend naissance quand les hommes sont touchés intérieurement par l'Esprit de Dieu qui ouvre leur cœur et le purifie. Dimanche dernier, c'était la Samaritaine. Aujourd'hui, c'est l'aveugle guéri. Et aussi une partie de l'entourage de la Samaritaine et de l'aveugle guéri.
Au XVIIIe siècle, on voulait se moquer d'un petit Juif fort croyant. L'adulte qui voulait se moquer du petit croyant lui avait dit : "Je te donne un florin (c'était en Pologne) si tu me dis où Dieu habite". Qu'est-ce qu'il faut répondre à ça ? Le garçon avait répondu du tac au tac : "Et ben moi, je t'en donne deux si tu me dis où il n'habite pas". Le garçon était aussi malin que l'aveugle guéri devant les pharisiens.
Dans l'évangile d'aujourd'hui, comme dans le monde d'aujourd'hui, il y a les croyants et les adversaires de Jésus. Le combat était inégal entre l'aveugle guéri et les savants adversaires de Jésus. Et que s'est-il passé ? Il s'est passé ce que dit l'auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux : "La Parole de Dieu est vivante et efficace. Elle est plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants. Elle démêle les intentions et les pensées du cœur. Aucune créature n'échappe aux regards de Dieu. Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devrons rendre compte". (Avec Benoît XVI, Martin Buber, AvS, HUvB).
30 mars 2014 - 4e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 9,1-41
Jésus dans une rue de Jérusalem avec ses disciples. Ils croisent un homme jeune qui avance en tâtant les murs avec son bâton. Il a un visage, mais il est sans yeux. Jésus ne s'occupe pas de l'aveugle, mais ses disciples lui posent la question : Quel malheur ! Pour être puni ainsi, il a certainement péché. Mais s'il est né aveugle, comment peut-il avoir péché avant de naître ? Ou bien ce sont ses parents qui ont péché et Dieu les a punis en le faisant naître ainsi.
Jésus : Ni lui, ni ses parents n'ont péché plus que tout homme ; et peut-être même qu'ils ont moins péché que d'autres parce que souvent la pauvreté est un frein pour le péché. Je suis la Lumière du monde pour que ceux du monde qui ont oublié Dieu voient et se souviennent, et pour que ceux qui cherchent Dieu ou lui appartiennent déjà soient confirmés dans la foi et dans l'amour.
Jésus demande alors à un de ses disciples d'aller chercher l'aveugle : il ne doit pas être très loin. Aussitôt Jésus fait un peu de boue au bord de la route. Et quand l'aveugle arrive, Jésus ne lui demande rien, contrairement à ses habitudes. Tout de suite il étale un peu de cette boue sur les paupières closes de l'aveugle et il lui dit d'aller le plus vite possible à la piscine de Siloé sans s'arrêter pour parler avec quelqu'un.
L'aveugle y va, il se frotte plusieurs fois les yeux avec l'eau de la fontaine. Et tout d'un coup il y voit et il n'en revient pas : il voit de l'eau et un arbre et une femme qui arrive à la fontaine avec son enfant, et une brebis qui arrache un brin de verdure à un arbuste. Il retourne à sa maison, ses parents n'habitent pas loin. Sa mère tombe en larmes, son père se tourmente la barbe d'une main agitée. Il y a un tas de gens qui sont arrivés, mais aussi des prêtres et des scribes qui avaient tout de suite été avertis par deux des leurs qui avaient suivi l'aveugle jusqu'à la piscine de Siloé.
Et les docteurs de la loi demandent à l'aveugle de raconter lui-même ce qui s'est passé. "Quand Jésus m'a mis de la boue sur les yeux et qu'il m'a dit d'aller à la piscine, j'étais un peu déçu, j'espérais y voir tout de suite. On m'avait dit qu'il en était capable. J'ai failli croire que c'était une plaisanterie de jeunes qui voulaient se moquer de moi ; mais j'ai entendu une voix intérieure qui disait : Espère et obéis. J'y suis allé, je me suis lavé et j'ai vu.
Les docteurs de la Loi : "Viens avec nous, tu dois faire une déposition comme quoi il t'a guéri le jour du sabbat. Celui qui t'a guéri est un Satan, il a péché le jour du sabbat". L'aveugle guéri : "C'est vous qui êtes Satan !Je devrais déposer contre celui qui m'a fait du bien ! Vous êtes ivres !" Pour finir l'aveugle guéri accepte d'aller au temple avec les docteurs de la Loi. Et là on lui pose la question : "Tu sais qui est ce Jésus ?" L'aveugle guéri : "Je n'en sais rien, je suis pauvre et ignorant ; il y a peu de temps, j'étais aveugle, ça, je le sais; et je sais aussi que c'est lui qui m'a guéri. S'il a pu le faire, c'est que certainement Dieu est avec lui". Les docteurs de la Loi : "Ne blasphème pas ! Dieu ne peut pas être avec quelqu'un qui n'observe pas le sabbat !" Et ils chassent l'homme comme si c'était un damné.
Pourquoi y a-t-il des gens qui ne peuvent pas être touchés par Dieu, par le mystère de l’amour de Dieu ? L'homme ne peut y avoir accès que s'il s'ouvre à Dieu par une foi vivante. Et quel est le credo du non croyant aujourd'hui ? En voici un, d'un scientifique de notre temps : "L'ancienne alliance est rompue. L'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers d'où il a émergé par hasard. Son destin n'est écrit nulle part, son devoir non plus. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres". A ce credo, le croyant pose une question : "Comment un univers que je découvre, par ma science, tellement pétri d'intelligibilité, ne serait-il pas le produit d'une intelligence ?"
L'aveugle guéri devant les docteurs de la Loi : la foi est une affaire d'amour et la grâce a besoin de silence pour passer. Personne ne convertit personne si ce n'est Dieu. La foi n'est pas transmissible. Le monde qui nous entoure est souvent si peu attentif aux choses de Dieu qu'il faut un effort assidu pour se tenir éveillé aux réalités spirituelles et surnaturelles. Dans les choses de Dieu, c'est déjà beaucoup que nous comprenions qu'il est raisonnable de ne pas tout comprendre : l'aveugle guéri n'a pas éprouvé le besoin de demander à Jésus comment il avait pu faire ce miracle. On doit savoir que Dieu peut toujours nous dire comme Jésus l'a fait comprendre un jour à ses disciples : il y a encore apprendre beaucoup de choses qu'ils ne savent pas. Au fond, devant l'aveugle guéri, les docteurs de la Loi ont peur de la lumière. La vérité n'a jamais à craindre la lumière.
Quoi qu’on dise et quoi qu'on fasse, l'homme se souvient de Dieu. Même s'il le nie aujourd'hui, même quand il s'efforce d'éradiquer du cerveau des humains la pensée de Dieu, l'athée, le soi-disant sans Dieu, sera toujours rattrapé : l'homme se souvient de Dieu. (Avec Jérôme Monod, Cardinal Daniélou, Henri Fesquet, Maurice Blondel, Jacqueline Kelen, AvS).
26 mars 2017 - 4e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 9,1-41
Cet évangile illustre la venue de la lumière dans les ténèbres. A chacun de dire avec l'aveugle guéri : "Je crois, Seigneur !" Aveugles ou voyants, croyants ou non, nous marchons vers celui qui est la lumière du monde. Avec l’Église nous demandons pour tous les croyants que Dieu augmente la foi du peuple chrétien. - Crois-tu au Fils de l'homme ? - Je crois, Seigneur !
L'aveugle voit. Autour de lui, il y a des gens qui disent : Ce n'est pas possible, il y a du diable là en-dessous ! Le seul qui voit bien, c'est l'aveugle qui a été guéri. Ce sont les autres qui sont aveugles, qui n'ont rien compris, qui ne veulent pas comprendre. Et pourquoi ? L'aveugle guéri devine que Jésus vient de Dieu, qu'il est un prophète. Dès le début de son évangile, saint Jean explique ce qu'est la foi : "A tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu" (Jn 1,12), il a donné de voir que Jésus est vraiment la lumière du monde.
Jésus passe et il voit l'aveugle, l'aveugle qui ne peut pas encore le voir. L'aveugle marchait dans la nuit. "Viens ouvrir nos yeux ! Viens ouvrir les yeux de tous ceux qui n'ont pas encore vu que tu étais la lumière du monde. mets sur nos lèvres les mots qui conduiront à la lumière ceux qui nous approchent, croyants ou non croyants. Augmente la foi du peuple chrétien. Augmente encore et toujours ma foi. Que simplement je te dise : Tu es mon berger, je ne manque de rien".
Les pharisiens ont choisi de ne pas regarder la lumière. Pourquoi ? La lumière peut être gênante. Parce qu'il y a quelque chose en moi qui peut-être a peur de la lumière. L'aveugle de l'évangile est l'image du genre humain. Dès le premier péché, l'homme s'est fermé à Dieu, il s'est fermé à la lumière. Tout péché nous ferme un peu ou beaucoup à la lumière. Le vice du premier Adam qui s'est fermé à la lumière est passé en nous comme une seconde nature. Tout homme naît aveugle spirituellement. Le Christ a baptisé pour ainsi dire cet homme en lui rendant la vue. En lui rendant la vue, il l'a ouvert à la foi. Que notre foi soit toujours plus claire, plus évidente, plus lumineuse. "Ayant déjà en nous la foi, remplis-nous, Seigneur, de ta connaissance comme les eaux recouvrent le fond des mers".
Personne ne peut amener quelqu'un à croire au Seigneur Jésus tel qu'il est par ses propres forces. Par ses propres forces, on ne peut l'amener qu'à une fausse image du Seigneur Jésus. Et le passage est souvent imperceptible entre le désir de convertir quelqu'un au Seigneur Jésus et le désir de le convertir à soi !
Dieu n'est pas bavard. Dieu ne nous dit sur lui et sur son œuvre que ce dont nous avons strictement besoin. Ce qu'il dit est pour notre salut. A la différence des prédicateurs, Dieu n'est pas bavard. Tout est absolument nécessaire. L'histoire du peuple hébreu, c'est l'aventure mystique de l'humanité. Les documents qui relatent cette aventure (tout l'Ancien Testament) relatent un itinéraire que le chrétien revit aujourd'hui sous le régime de la nouvelle Alliance. Le christianisme est le fruit d'une longue évolution. Avec Jésus, l'humanité a atteint le point culminant de sa spiritualité. "Jamais homme n'a parlé comme cet homme". Le message de Jésus est tellement parfait (avec sa mort sur la croix et sa résurrection) qu'il est impossible d'en concevoir un meilleur. Il a d'ailleurs mis un point final à l'âge de la création religieuse de l'humanité : vingt siècles d'histoire confirment ce jugement.
Pour la foi chrétienne, la révélation est close à la mort du dernier apôtre. Mais la révélation ne s'est pas arrêtée à la mort de Jésus, elle se poursuit par l'action de l'Esprit Saint, sous un autre mode. Celui qui a guidé les mages par une étoile est capable aussi d'instruire secrètement les hommes dans leur cœur. Mais Dieu a voulu aussi avoir besoin des hommes. Il a bien fallu qu'il choisisse douze apôtres parmi tous ses disciples. Et la foi chrétienne est venue jusqu'à nous grâce à une très longue chaîne de témoins qui finalement constituent l’Église. Mais tout n'est pas parfait dans les croyants qui transmettent la foi. Il peut y avoir des scories qui font obstacle à la vérité. Tous les croyants ne sont pas parfaits. Et donc l’Église elle-même n'est pas parfaite. Ce qui a parfois pour effet de fermer à beaucoup de nos contemporains la qualité de la vie spirituelle qui est proposée à l'humanité par le christianisme. L’Église est parfois perçue comme un repoussoir par des personnes que la spiritualité chrétienne pourrait attirer. Et alors beaucoup de gens se bricolent une petite religion à leur guise : on va brûler un cierge dans une église, on va brûler de l'encens dans sa maison pour soi-disant chasser les mauvais esprits, on va aller prier sainte Rita à Vendeville, ou la Vierge Marie à la grotte de Clairmarais. Ce n'est pas interdit, mais est-ce là la connaissance plénière de la vérité ? Ce n'est qu'un tout petit début de la foi véritable.
Le Seigneur Jésus est le centre de la révélation chrétienne. Le meilleur de la foi chrétienne depuis deux mille ans, chez les saints et les mystiques, est à notre disposition pour nous aider à comprendre le mystère de Jésus. L'Esprit Saint de Dieu souffle toujours vers le centre. Dieu nous donne la vérité intégrale, mais nous n'en voyons jamais que des fragments. (Avec Pierre Chaunu, Claude Tresmontant, Henri Fesquet, Xavier. Léon-Dufour, saint Bernard, Guy Coq, AvS, HUvB).
22 mars 2009 -4e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 3,14-21
Cet évangile que je viens de lire, ce sont des paroles attribuées à Jésus à la suite d'un entretien qu'il a eu avec Nicodème. On ne lit jamais le dimanche à la messe cet entretien de Jésus avec Nicodème. Cet entretien commence comme ceci : "Il y avait parmi les pharisiens un homme du nom de Nicodème, un notable des juifs". Voilà l'homme qui va venir trouver jésus : un notable, un pharisien.
Mais il ne vient pas trouver Jésus dans la journée, il vient la nuit : il ne souhaite pas que ses collègues, les pharisiens, sachent qu'il a été rendre visite à Jésus. Et en présence de Jésus le pharisien commence par quelques mots aimables et flatteurs pour s'attirer la bienveillance de son interlocuteur. Il dit à Jésus : "Maître, nous le savons, tu viens de la part de Dieu, car personne ne peut faire les miracles que tu fais si Dieu n'est pas avec lui". Voilà donc ce que pensent les pharisiens, du moins certains : Jésus vient bien de la part de Dieu. La preuve : tous les miracles qu'il fait.
Et on n'a pas le temps de savoir pourquoi Nicodème est venu trouver Jésus. Nicodème n'a pas le temps de parler. Jésus lui dit tout de suite quelques mots étranges qui semblent n'avoir aucun rapport avec ce que Nicodème vient de lui dire. Jésus répond à Nicodème : "A moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le royaume de Dieu". C'est-à-dire personne ne peut avoir la vie éternelle.
Nicodème a bien entendu. Et il pose une bonne question, parce qu'on ne voit pas bien ce que Jésus veut dire. Jésus a parlé de naître de nouveau. Peut-on une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? Alors Jésus explique : pour entrer dans le royaume de Dieu, pour entrer dans la vie éternelle de Dieu, il faut naître de l'eau et de l'Esprit. On n'est pas beaucoup plus avancé. Qu'est-ce que ça veut dire : naître de l'Esprit? Alors Jésus continue : l'Esprit de Dieu, c'est comme le vent : le vent souffle où il veut, tu entends le vent siffler dans les arbres, mais tu ne sais pas d'où il vient, ni où il va. C'est comme ça pour quiconque est né de l'Esprit.
Ce n'est pas encore très clair tout ça et Nicodème pose donc la question : "Comment cela peut-il se faire?" Et que fait Jésus alors? Il répond par une question : "Tu es un maître en Israël, un pharisien, et tu ignores ces choses ?" On arrive alors à notre évangile d'aujourd'hui. On a oublié Nicodème et on ne sait pas ce qu'il va faire dans l'immédiat cette nuit-là.
Jésus continue à parler. Mais il se peut très bien aussi que l'évangile que je viens de lire, ce sont au fond des réflexions de l'évangéliste lui-même, longtemps après les événements, longtemps après la résurrection de Jésus. Et que dit saint Jean ? Il dit l'essentiel de la foi des premiers disciples : Celui qui croit en Jésus a déjà en lui la vie éternelle. Il a en lui une vie nouvelle, pas une vie purement terrestre. Il a en lui la vie de Dieu. Il est né à une autre vie, il est né à la vie de Dieu. Parce que Dieu aime le monde, il a envoyé son Fils Jésus pour que tous ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Jésus est la lumière du monde, la lumière envoyée par Dieu. Mais beaucoup d'hommes préfèrent rester dans les ténèbres. Pourquoi ? Parce que, quand on fait le mal, on n'aime pas la lumière. C'est en cachette qu'on fait le mal, c'est dans la nuit. Celui qui fait le bien est déjà dans la lumière, la lumière de Jésus et la lumière de Dieu.
Nicodème est venu la nuit pour rencontrer Jésus. Pourquoi voulait-il voir Jésus ? Parce qu'il cherchait la vérité. Et en cherchant la vérité, il était déjà dans la lumière. Mais on peut grandir aussi dans la lumière. Comme on peut aussi s'enfoncer dans les ténèbres et rester dans le mal. Le péché, ce n'est pas seulement les dix commandements : tu ne tueras, pas, tu ne voleras pas, tu ne mentiras pas, etc. La plupart du temps, le péché n'est pas là où on le cherche. Souvent un acte de refus de Dieu, tout intérieur et tout caché, est beaucoup plus terrible et plus blessant que tout le reste.
Notre évangile dit aujourd'hui :"Dieu a tant amé le monde qu'il a donné son Fils unique". Et nous disons dans notre credo : "Je crois en Dieu le Père tout-puissant". Si vraiment Dieu est amour, il ne peut pas être tout-puissant comme peuvent l'imaginer les païens. Devant le refus, Dieu ne peut rien. La toute-puissance dont parle notre credo n'est acceptable que si elle est la toute-puissance de l'amour. Et la toute-puissance de l'amour, justement, c'est qu'en certains cas elle est réduite à l'impuissance. Et alors, ce qui se passe dans la toute-puissance, c'est une souffrance rentrée, une souffrance secrète, une souffrance qui en fin de compte "expie", si l'on peut dire, le refus qui est essuyé.
Les deux images les plus fortes de la foi chrétienne ne sont pas des images de puissance, ce sont des images de faiblesse : un enfant dans un berceau, un supplicié sur un gibet. Et même le nouveau-né n'est pas un fils de prince... Dieu le Père tout-puissant a tant aimé le monde qu'il a livré son Fils unique : c'est notre évangile d'aujourd'hui.
Nicodème vient trouver Jésus. L'Esprit de Dieu poussait Nicodème à aller trouver Jésus. Et Nicodème ne le savait pas. La foi est toujours obéissance même lorsqu'elle cherche à comprendre. Et ce n'est que par la foi que nous comprenons... L'Esprit souffle où il veut. Ce n'est que par l'Esprit de Dieu que nous comprenons les choses de Dieu. (Avec Jean-Claude Barreau, Karl Barth, Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar).
18 mars 2012 - 4e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 3,14-21
Douze siècles avant le Christ, Moïse avait fait élever sur un mât un serpent de bronze. Et tous ceux qui avaient été mordus par des serpents venimeux étaient guéris s'ils levaient les yeux vers le serpent de bronze en haut du mât. De même Jésus sera élevé sur la croix, et tous ceux qui lèveront les yeux vers lui avec foi seront sauvés. Lever les yeux vers lui, c'est s'ouvrir à la lumière. Et s'ouvrir à la lumière, c'est être libéré de tout ce qui n'est pas Dieu. "La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière". Il y a une part de ténèbres en tout être humain. Mais Dieu est si puissant qu'en regardant les hommes il peut découvrir partout sa grâce, malgré les péché et les ténèbres.
Toi, tu dis : "C'est un criminel, qu'il aille donc brûler dans le feu de l'enfer". Mais je te demande : "Si Dieu te donnait une bonne place dans le paradis et que, de là, tu vois dans le feu celui auquel tu as souhaité les tourments, n'aurais-tu pas alors pitié de lui, quel qu'il soit ?" Dieu est si puissant qu'en regardant les hommes il peut découvrir partout sa grâce, malgré les ténèbres et le péché... Dieu nous aime comme une tendre mère aime son enfant malade. Dostoïevski disait : "Autant une mère éprouve de joie en voyant les premiers sourires de son enfant, autant Dieu en éprouve chaque fois qu'il voit, du haut du ciel, un pécheur le prier du fond du cœur".
"Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé". Le royaume de Dieu, c'est un appel à la communion, c'est une invitation au banquet. Mais comment oser y croire ? Que le Dieu éternel se soucie de nous, les hommes, et qu'il nous connaisse, que celui qui est insaisissable se soit fait saisissable dans l'homme Jésus, que celui qui est immortel ait souffert sur la croix, que la résurrection et la vie éternelle nous soient promises à nous, mortels, croire tout cela, c'est une prétention irritante pour beaucoup de gens aujourd'hui.
Dieu a créé le monde, et Dieu n'est pas du monde. Nous sommes au monde, mais nous ne sommes pas faits pour le monde. Et pour le prêtre, sa situation est impossible. Il se condamne lui-même à l'impossible puisque sa tâche consiste à donner un Dieu qu'il n'a pas à des hommes qui n'en veulent pas. La foi alors, envers contre tout, c'est la découverte que je suis aimé de Dieu. Je suis invité à relire mon histoire à la lumière de l'amour. Il est toujours possible de venir à la lumière, mais on peut toujours aussi préférer rester dans les ténèbres.
La solution fondamentale des doutes contre la foi n'est pas dans la recherche intellectuelle, mais dans le recours à Dieu même. Tout peut s'éclairer si on repart de lui, si on adhère à sa grâce et à sa lumière. Il y a un pas qui ne peut être franchi que dans l'humilité.
Le vouloir divin sur l'homme est fort clair grâce à la Révélation. Mais ce qui, pour chacun en particulier, est le meilleur, et sous quelle forme il se présente, personne ne peut le dire. Et là, il n'y a pas d'autre règle que de s'abandonner à la volonté personnelle et insondable de Dieu. (Avec saint Silouane, Sophrony, Dostoïevski, Paul Evdokimov, Joseph Ratzinger, Gustave Thibon, René Laurentin, Suso, AvS, HUvB).
15 mars 2015 - 4e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 3,14-21
Nous avons commencé le carême par l'évangile de la tentation de Jésus, c'est-à_dire aussi de nos tentations à nous. Aujourd'hui l'évangile nous parle encore de la tentation sous la forme d'un combat entre les ténèbres et la lumière. Les hommes ont tout ce qu'il faut pour vivre dans la lumière, mais souvent ils préfèrent les ténèbres. Quand on fait le mal, on choisit les ténèbres.
On peut se cacher pour faire le mal, mais il arrive aussi qu'on le fasse au grand jour et qu'on le clame sur les toits, comme si c'était une grande victoire. Ce que nous dit toute notre foi chrétienne, c'est que faire le mal n'est pas la voie du bonheur. Le mal conduit à des impasses. Le remède au mal qui persécute toute l'humanité, c'est de faire ce que faisaient les Hébreux dans le désert quand ils étaient poursuivis par la maladie et la mort, le remède, c'est de se tourner vers le signe que Dieu nous donne, se tourner vers la lumière qui provient du Seigneur Jésus sur la croix. Le mal, le péché, n'est pas supprimé quand on le regarde ; il est supprimé quand on lève les yeux vers la pureté qui nous entraîne vers le haut. C'est la pureté qui vient d'en haut qui nous purifie, et la pureté est un chemin vers l'amour. Jamais la pureté n'est un but en soi.
Les saints dans l’Église jouent le même rôle que le Seigneur Jésus sur la croix ; les saints ont été attirés vers le haut et ils nous transmettent quelque chose de la lumière de Dieu. Personne n'a jamais vu Dieu, mais le Seigneur Jésus élevé sur la croix et ceux qui sont avec lui nous le montrent. Les saints sont comme des auberges sur la route ; elles peuvent restaurer, mais elles ne retiennent pas leur hôte. Le terme du voyage, c'est la vie éternelle. "Tout homme qui croit au Fils unique de Dieu ne périra pas, il obtiendra la vie éternelle".
La foi et la vie éternelle ne font qu'un. La foi, c'est comme la prière, c'est ouvrir son intelligence. Ou plutôt laisser Dieu ouvrir notre intelligence et notre cœur au sens des vraies valeurs. Et où sont les vraies valeurs ? Dieu veut que nous nous dépassions, que nous dépassions nos limites pour aller vers lui. L'homme peut dépasser ses limites vers le haut, vers la lumière, ou vers le bas, vers les ténèbres. André Frossard, autrefois, parlait d'un monde où il est permis d'assassiner les enfants pour convenance personnelle.
Mais des ténèbres, il y en a partout, et dans le monde et en tout homme et dans l’Église. A l'époque du concile Vatican II, le cardinal Beran (archevêque de Prague), qui connaissait bien les persécutions religieuses de son pays en régime communiste, disait : "Dans ma patrie, l’Église semble expier aujourd'hui les fautes et les péchés qui ont été commis en son nom autrefois contre la liberté religieuse, comme ce fut le cas au XVe siècle pour le bûcher du prêtre Jean Huss ou au XVIIe siècle pour le retour forcé à la foi catholique d'une grande partie du peuple de Bohême en vertu du principe : le souverain de la région lui impose sa religion. Ce recours au bras séculier, voulant ou prétendant servir la foi catholique, a, en réalité, laissé une blessure certaine dans le cœur de la population. Ce traumatisme a mis obstacle au progrès religieux. Il a fourni et fournit encore aux ennemis de l’Église un argument facile pour l'attaquer".
Des ténèbres, il y en a toujours et partout. Vous vous rappelez l'apôtre saint Jean : "Celui qui dit qu'il est sans péché est un menteur". Pour lutter contre les ténèbres, il faut se tourner vers la lumière qui émane de la croix, qui émane du Seigneur Jésus sur la croix. Pourquoi ? Parce que la croix du Seigneur Jésus nous montre que, pour le Tout-Puissant, créer n'est pas une petite affaire, une partie de plaisir. C'est une aventure, un risque, une bataille où il s'engage tout entier. On ne comprendra jamais tout à fait.
Il y a un combat des ténèbres contre la lumière, en chaque être humain, croyant ou incroyant. Saint Augustin disait : "Dieu nous a faits sans nous, mais il ne nous sauvera pas sans nous". Le non croyant aussi a ses combats entre les ténèbres et la lumière. Un romancier d'aujourd'hui, bien connu, dont les romans ne sont pas à mettre entre toutes les mains, paraît-il, était un jour interviewé par un média quelconque ; même lui avait dit : "Il arrive un âge où il n'est plus raisonnable d'être athée".
Longtemps avant les événements, le Seigneur Jésus annonce qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé, comme le serpent de bronze fut élevé sur un mât par Moïse dans le désert. La souffrance du Seigneur Jésus pour les autres, sa mort pour les autres, incluait aussi sa nuit intérieure qui lui donnait le sentiment d'un naufrage dans le non-sens : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Jésus a conscience de cette substitution : il souffre et meurt pour les autres, pour que tous les autres, aussi nombreux que les étoiles du ciel, comprennent quelque chose de la lumière, arrivent d'une manière ou d'une autre à la lumière. Et le soir de la dernière Cène, au moment où il va effacer notre faute dans sa chair, il nous donne à la place sa propre chair dans l'eucharistie. (Avec Jacques Loew, André Frossard, Cardinal Beran, Teilhard de Chardin, saint Augustin, Michel Houellebecq, AvS, HUvB).
14 mars 2010 - 4e Dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 15,1-3.11-32
Trois personnages dans cette petite histoire que Jésus raconte : un père et ses deux fils. Et Jésus raconte cette parabole à l'intention des pharisiens et des scribes qui ne comprenaient pas que Jésus fasse bon accueil aux pécheurs. Jésus raconte cette parabole pour notre instruction à nous, à nous qui sommes comme le fils cadet ou comme le fils aîné, ou comme les deux à la fois. Mais on ne connaît pas la fin de l'histoire, le fin mot de l'histoire. Qu'est-ce qu'il a fait finalement le fils aîné de la parabole ? Il est resté dehors ? Ou bien il a été faire la fête avec tout le monde ?
C'est dur d'être le fils aîné. Le père doit simplement pardonner à l'un de ses fils, au plus jeune. Le fils aîné doit pardonner deux fois : une fois à son père et une fois à son frère plus jeune. La pilule est dure à avaler. Il faut se mettre à sa place. Son frère cadet a été faire la fête avec des prostituées et son père efface tout comme si de rien n'était. Faut pas pousser ! C'est dur d'être le fils aîné, c'est dur d'être le bien-pensant, c'est dur d'être celui qui fait tout bien quand on voit que celui qui a tout fait de travers, on le reçoit comme un prince.
Et le père dans l'histoire, que voulez-vous qu’il fasse ? Le père comprend tout. Il aurait pu rester de marbre avec son fils cadet et le renvoyer d'où il était venu. "Tu es parti de ton plein gré avec ton magot, je ne veux plus te revoir". Il aurait pu dire ça, le père.
Et le fils aîné ? Le père comprend bien que c'est difficile d'être gentil avec un frère qui n'a pas été correct du tout. Le fils aîné reproche à son père de n'être pas juste, il lui reproche de mieux traiter son fils cadet qui a été pitoyable que lui-même, le fils aîné, qui a toujours fait son devoir.
Et Jésus nous laisse avec ces trois personnages. Jésus veut nous dire quelque chose de Dieu avec cette petite histoire. Il veut nous indiquer un chemin. Jésus ne dit pas tout. Il nous donne matière à réflexion. Quelle réflexion ? Celle du psaume : "Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits. Comme est loin l'Orient de l'Occident, il éloigne de nous nos péchés". C'est dur de porter le péché des autres, c'est ce que fait le père de la parabole, c'est ce que doit faire aussi le frère aîné. Nos péchés, Dieu les a mis loin de nous, il les a pris avec lui, il a pris nos péchés sur lui dans sa Passion. Quand il ressuscite à Pâques, on ne peut plus voir une trace de péché. La joie de Pâques n'est pas troublée par le péché. Personne plus que le Père ne se réjouit de ce que son Fils soit ressuscité de la mort vers l'éternelle vie.
La parabole d'aujourd'hui, c'est la parabole du pardon. Jésus nous invite tous à vivre du pardon, du pardon reçu et du pardon donné. Frère Roger, de Taizé, disait : "Qui aspire à vivre du pardon cherche plus à écouter qu'à convaincre, cherche plus à comprendre qu'à s'imposer"... Convaincre par exemple que c'est l'autre qui a tort. Saint Thomas d'Aquin disait : "La nature de Dieu, c'est la bonté. Tout ce qui existe est bon du seul fait que cela existe, puisque c'est la volonté de Dieu qui est la cause de toute chose. Aimer quelqu'un, ce n'est rien d'autre que de lui vouloir du bien". Le père de la parabole aime toujours ses deux fils : le fidèle et l'infidèle.
Et pourtant on ne peut pas dire que le mal, c'est bien. Le mal, c'est le mal. Peut-on dire du mal qui est vrai? Peut-on dévoiler de quelqu'un le mal qu'il a fait? On appelle ça la médisance. Est-ce qu'on peut ? Le plus facile pour ne pas dire du mal vrai des autres, ce serait qu'on ne voie pas le mal qu'ils font. Comment faire ? Saint François de Sales, qui était un malin, disait : "Quand mon voisin est borgne, je le regarde de profil". Autrement dit, quand je le regarde de profil, je ne sais pas qu'il est borgne.
Personne ne se tient isolé devant Dieu. Tout le monde sait bien que le mystère des autres nous est caché, mais que ce mystère est découvert aux yeux de Dieu. Si on veut connaître quelqu'un d'autre en vérité, il faut chercher à le voir avec les yeux de Dieu, il faut regarder ses déficiences comme Dieu les voit, c'est-à-dire avec un amour très pur. Et les saints nous disent que pour y arriver, cela ne peut se faire qu'en étroite relation avec Dieu, dans la prière et le renoncement. Dieu nous a faits intelligents, et le bien, c'est le bien, et le mal, c'est le mal. Mais la capacité de juger que nous avons implique qu'on remette finalement le jugement entre les mains de Dieu. (Avec Frère Roger, saint Thomas d'Aquin, saint François de Sales, AvS, HUvB).
10 mars 2013 - 4e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 15,1-3.11-32
Il y a des gens qui sont choqués par le comportement de Jésus. Au lieu de fuir les pécheurs, Jésus leur fait bon accueil. Alors Jésus raconte de petites histoires, des paraboles, pour essayer d'expliquer. Aujourd'hui la parabole du fils prodigue.
L'histoire racontée par Jésus était beaucoup plus longue. Notre évangile ne nous donne qu'un résumé. Voilà les deux fils. L'aîné était sérieux, travailleur, affectueux, obéissant. Le second était plus intelligent que l'aîné. L'aîné, il faut le dire, était un peu borné. Mais le cadet était rebelle, ami du luxe et du plaisir, dépensier et paresseux. Plus d'une fois, son père a essayé de le remettre sur le droit chemin, mais sans résultat. A chaque fois, les réponses du fils cadet étaient méchantes. Et un jour, après une dispute plus forte encore que d'habitude, le fils cadet dit à son père : Donne-moi ma part de tes biens. Comme ça, je n'aurai plus à entendre tes reproches et les plaintes de mon frère.
Le père avertit quand même son fils cadet de faire attention : tu seras bientôt dans la misère si tu continues comme ça. Qu'est-ce que tu vas faire alors ? Réponse du cadet : Sois tranquille, je ne te demanderai rien donne-moi ma part. Le père alors fait estimer tout son avoir : ses terres et ses objets précieux. A l'aîné, il donne les champs et les vignes, les troupeaux et les oliviers. Et au cadet, il donne l'argent et les bijoux. Tout de suite le cadet vend tous les bijoux pour avoir de l'argent frais. Il fait cela en quelques jours et il part pour un pays lointain.
Et là il a honte de dire qu'il vient de la campagne, il se fait passer pour un fils de roi. Et c'est la grande vie : des festins, des amis et des filles, du vin, des jeux, une vie dissolue. Les réserves s'épuisent, et il arrive à la misère. Il était trop orgueilleux pour retourner chez son père. Alors il se fait embaucher comme gardien de cochons. Et il voyait les cochons se remplir le ventre de gousses et de glands et il soupirait : si au moins je pouvais me remplir le ventre de ce que mangent les cochons ! Mais c'est trop mauvais, c'est immangeable. Et il pleurait en pensant aux riches festins de satrape qu'il se payait peu de temps auparavant... Et il pensait aussi aux domestiques de son père : ils étaient plus heureux que lui... Ce fut une longue lutte pour briser l'orgueil.
Enfin arriva le jour où, n'y tenant plus, il revint à l'humilité et à la sagesse : c'est une sottise que cet orgueil qui me retient. Et il retourna à sa maison en mendiant le long des routes. Et voilà les champs de son père. Et son père est là qui surveille les travaux. Son père voit de loin un homme tout seul sur la route ; tout de suite, il reconnaît la démarche de son fils. Et on rentre à la maison. Et ce fils perdu, il doit comprendre qu'il est toujours pour moi le petit dernier.
Le frère aîné rentre du travail aux champs. Il demande à un domestique ce qui se passe. Le domestique lui répond ingénument qu'on n'attend que lui pour commencer la fête. Le frère aîné est furieux. Son père sort de la maison pour essayer de le raisonner. Et l'aîné finit par se rendre à toutes les raisons de son père.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre Jésus : pourquoi fait-il bon accueil aux pécheurs ? Et Jésus leur raconte cette histoire. Le père avait toutes les raison de renvoyer son fils à ses cochons. Mais ce n'est pas cela qu'il a fait. Le pardon de Dieu est toujours possible.
Le pape Benoît XVI disait un jour lors d'une audience générale : "Savoir avoir recours, chaque fois que cela est nécessaire, au sacrement de la réconciliation pour purifier l'âme de tout péché grave". Benoît XVI pesait ses mots.
Saint Paul dit quelque part dans sa lettre aux chrétiens d'Éphèse : "Vous n'êtes plus des étrangers, vous êtes de la maison de Dieu" (Ep 2,19). Vous êtes de la maison de Dieu, cela veut dire que la maison de Dieu est leur maison, cela veut dire aussi que la maison de Dieu a besoin d'eux. Ils font partie de la maison de Dieu. Ils ont besoin d'être dans la maison de Dieu pour se sentir bien, le frère aîné en a payé le prix. Ils ont la permission d'être là, mais la maison de Dieu aussi a besoin d'eux. Dieu a besoin d'eux : c'est pour cela qu'il a envoyé son Fils : pour qu'il lui ramène le monde et chaque créature en particulier. Et chaque créature porte en elle la nécessité de faire partie de la maison de Dieu.
C'est Dieu qui nous cherche, ce n'est pas nous qui le cherchons. Le monde n'a donc qu'une seule logique, la logique de Dieu. Mais que cette logique nous apparaisse ou ne nous apparaisse pas, c'est une autre affaire : on peut en discuter. Il est normal qu'elle ne nous apparaisse pas clairement, mais pourtant il n'y en a pas d'autres.
Pour le Nouveau Testament, pour notre foi chrétienne, le Seigneur Jésus est le frère aîné d'une multitude. Il est le Fils aîné. Et sa grâce, c'est de nous emmener avec lui dans son mouvement de retour vers le Père. (Avec Benoît XVI, Jean-Luc Marion, AvS, HUvB).
6 mars 2016 - 4e dimanche de carême - Année C
Évangile selon saint Luc 15,1-3.11-32
Cette parabole du fils prodigue, l’évangéliste saint Luc est le seul à nous l'avoir conservée. C'est l'un des trésors de cet évangile. Trois personnages : le fils cadet, le fils aîné et le père. Le fils cadet, c'est tout, tout de suite. Le fils cadet, c'est l'argent et les plaisirs. Son père, il s'en moque pas mal. Sa mère, on ne la voit même pas dans la parabole. Et quand ce fils cadet crèvera de misère, il aura le culot de revenir à la maison.
Le fils aîné, il fait tout bien. Et comme récompense, on ne lui donne même pas un chevreau pour faire la fête avec ses amis. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette maison. Et le père qui fait n'importe quoi ! On n'a pas idée de faire une fête pour un garçon sans scrupules qui a fait un tas de bêtises. Qu'on le reçoive à la maison, peut-être. Mais qu'on le mette au pain sec et à l'eau pendant un certain temps et qu'on le fasse bosser dur pour qu'il rattrape le temps perdu.
Le père n'est pas raisonnable. Et Jésus nous dit : "Voilà : votre Père du ciel, il est comme ça. Il y a quelque chose qui n'est pas raisonnable en lui. Et si, un jour, vous voulez être reçus dans sa maison, il faudra faire comme lui". Le fin de l'histoire, on la connaît ; le Père du ciel a livré son Fils unique aux mains des pécheurs pour ouvrir à tous les hommes les portes de sa maison : ce n'est pas très raisonnable non plus.
Saint Paul écrit quelque part que nous ne savons pas prier comme il faut. Et il ajoute que l'Esprit Saint lui-même intercède pour nous (Rm 8,26). On ne peut prier comme il faut que si l'Esprit Saint du Dieu vivant vient à notre aide pour nous adapter aux mœurs et coutumes du Dieu vivant. Et c'est l'Esprit Saint aussi qui peut nous faire comprendre que nous ne pouvons souffrir autrement qu'en souffrant avec le Fils. (Est-ce raisonnable de souffrir ?) Chaque fois que nous touchons nos limites, nous sommes invités à nous remettre au Fils et à l'Esprit pour qu'ils transmettent nos demandes au Père (et aussi tous nos points d'interrogation).
Dans une retraite prêchée au Vatican il y a quelques années, le prédicateur du pape, des cardinaux et du personnel de la curie romaine, le prédicateur était un évêque vietnamien qui avait connu les prisons communistes de son pays. Et ce prédicateur avait osé parler des défauts de Jésus. Le deuxième défaut de Jésus, c'est que Jésus ne connaît pas les mathématiques. Si Jésus avait passé un examen de mathématiques, il aurait peut-être été recalé. La parabole de la brebis perdue le montre bien. Un berger avait cent brebis. L'une d'elle s'égare et il s'en va sans délai à sa recherche en laissant les quatre-vingt-dix-neuf autres à la bergerie. Une fois qu'il l'a retrouvée, il la charge sur ses épaules. Pour Jésus, un égale quatre-vingt-dix-neuf, et peut-être encore plus. Qui acceptera jamais une chose pareille ? Sans compter la parabole des ouvriers envoyés à la vigne. Celui qui a travaillé une heure gagne autant que celui qui a travaillé huit heures. Si Jésus avait été un directeur d'entreprise, il aurait fait faillite : comment peut-on payer une heure de travail au prix d'une journée ?"
Après le discours de Jésus sur le pain de vie, où là aussi il y avait des choses déraisonnables, Jésus pose la question à ses apôtres : "Voulez-vous partir, vous aussi ?" Et saint Pierre avait répondu pour tous : "A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie". Pierre ne comprend pas mieux que les autres. On peut même admettre qu'il n'y entend rien, mais il sait déjà que partir, ce serait quitter sa vie... Jésus n'est pas ce qu'il possède, mais ce sans quoi vivre ne serait plus vivre.
Au XVIIe siècle en France, l'incroyance ne disait pas cela. Pour cette incroyance, la religion chrétienne est une fable. Cette divinité est trop haute pour s'occuper de nos affaires. Il faut satisfaire nos inclinations et nos passions, qui sont aussi innocentes que la nature même. Il n'y a pas de péché. Il est douteux que notre âme soit immortelle ou qu'il y ait un paradis, un enfer et un purgatoire. Mais au même XVIIe siècle, le croyant qu'était Pascal estimait, quant à lui que "rien n'accuse davantage une extrême faiblesse d'esprit que de ne pas connaître quel est le malheur d'un homme sans Dieu".
Il y a quelque chose de déraisonnable, humainement parlant, dans la parabole du fils prodigue comme dans la parabole des ouvriers envoyés à la vigne. Dans chacune de nos vies, il y a sans doute aussi des événements déraisonnables, des choses qu'on ne comprend pas, qu'on n'avait pas imaginées comme ça. Nous ne pouvons pas embrasser notre vie d'un seul coup d’œil, ni l'avenir sans doute, ni le passé. Il nous est en tout cas demandé de consentir à un plan conçu par Dieu, un plan plus grand que ce qu'on imagine, en tout cas un plan qui se présente autrement qu'on se l'était imaginé. Il nous est toujours suggéré de dire avec le psaume : "Comme la tendresse d'un père pour son enfant, le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour". (Avec Mgr Fr.-X. Nguyen Van Thuan, Michel de Certeau, Pascal, Georges Cottier, AvS, HUvB).
10 avril 2011 - 5e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 11,1-45
Ce récit de la résurrection de Lazare est propre à l'évangile de saint Jean. La Passion de Jésus n'est plus très loin. Les évangiles ne nous disent pas grand-chose des relations de Jésus avec Lazare, Marthe et Marie. C'est ici seulement qu'on apprend par l'évangéliste que Jésus aimait Marthe et sa sœur ainsi que Lazare, leur frère. Cela veut dire entre autres choses que Jésus était un habitué de leur maison, et qu'il avait dû y séjourner plus d'une fois avec ses disciples.
Cette fois-là, Jésus est loin de Béthanie quand on lui fait savoir que Lazare est à toute extrémité. Et Jésus, volontairement, ne se met pas en route tout de suite. C'est comme s'il attendait la mort de son ami pour opérer un miracle plus grand qu'une simple guérison (une simple guérison, si on peut dire!).
Quand Jésus arrive aux portes de Béthanie, Marthe court à sa rencontre. Elle ne trouve rien de mieux à faire que de reprocher à Jésus de n'être pas venu plus tôt : "Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Maintenant c'est fini, tu arrives trop tard". Et Jésus répond en substance : "N'aie pas peur. Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais".
Jésus se fait conduire ensuite au tombeau de Lazare. Tout le monde pleure et Jésus aussi se met à pleurer. Cela fait quatre jours que Lazare est dans son tombeau. Jésus se met à prier à haute voix. Et ensuite il s'adresse à Lazare comme si Lazare pouvait l'entendre. Il lui dit d'une voix forte : "Lazare, sors". Et Lazare lui obéit, il est à nouveau vivant. L'évangéliste ne nous donne pas plus de détails sur l'expérience de Lazare mort et sur son expérience de retour à la vie. Mais l'évangéliste nous dit la réaction de tous ceux qui étaient présents : "Les nombreux Juifs qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui".
Qu'est-ce que ça veut dire "croire"? Croire, cela veut dire se savoir aimé de Dieu de telle manière qu'on ne doit plus vivre dans la crainte. Croire en Dieu, c'est davantage que la simple conviction que Dieu existe. C'est aussi se savoir aimé de Dieu.
C'était en Allemagne il y a trente ans. Un futur jésuite devait faire un stage d'infirmier dans un hôpital. Longtemps après les événements, il raconte ceci : dans l'hôpital où il était, un petit garçon de cinq ans doit être opéré. Sa mère l'accompagne jusqu'à l'entrée de la salle d'opération. Le petit garçon dit alors à sa mère : "Maman, c'est quand même vrai que le Bon Dieu est toujours auprès de moi !" C'est ça la foi chrétienne. Et le garçon de cinq ans peut le dire et le comprendre. Il s'agissait d'une grave opération dont l'issue était incertaine. Le garçon ne voulait pas dire : "Tout ira bien, je pourrai bientôt rentrer à la maison". Ce qu'il voulait dire, c'était plutôt ceci : "Quoi qu'il arrive, je serai toujours entre les mains de Dieu, entre les mains de son amour". Dans sa peur, il sait que Dieu est avec lui. Il le sait parce que sa maman le lui a dit.
Un croyant commençait à dire le credo : "Je crois". Tout de suite il s'arrête et il dit : "Je ne comprends pas". On lui demande : "Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?" - "Je ne comprends pas cette histoire. Si réellement je crois, comment est-il possible alors de pécher ? Et si je ne crois pas réellement, pourquoi alors dire un mensonge ?" Et l'ancien lui dit alors : "Quand on dit : 'Je crois', cela veut dire qu'on demande à Dieu de nous donner la foi : que je puisse croire". C'est une anecdote qu'on trouve dans des récits juifs anciens.
La foi est faite de choses simples et d'une prière simple. Cette foi simple aura le courage de ne pas trop demander à Dieu. Il faut que je demande au Père ce qui me tient à cœur parce que je suis son enfant. Jésus lui-même l'a dit plus d'une fois : "Demandez et vous recevrez". Mais ce n'est qu'un premier niveau de la prière. Quand la prière s'approfondit, elle se simplifie ; de plus en plus elle accepte que Dieu soit ce qu'il est et qu'il se manifeste de la manière qui lui plaît. La demande demeure au cœur de la prière, mais elle est moins insistante et, surtout, elle s'accompagne de la conclusion que lui donne Jésus : "Cependant, que ta volonté soit faite".
Terminer avec une prière de saint Augustin. C'était un grand croyant des premiers temps de l’Église. On a toujours beaucoup à recevoir des grands croyants de tous les temps. Saint Augustin disait ceci dans sa prière : "Mon Dieu, tu précèdes tous les temps passés du haut de ton éternité toujours présente, et tu dépasses tous les avenirs". (Avec Peter Knauer, Martin Buber, Philippe Ferlay, saint Augustin, HUvB).
6 avril 2014 - 5e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 11,1-45
Il y a beaucoup de monde tout autour de la maison de Lazare et dans la maison. C'est une vaste maison tout près de Jérusalem avec des jardins et des parterres et des bosquets. Lazare est un homme riche, un gros propriétaire terrien. Quand Jésus arrive avec ses disciples, on a déjà averti Marthe, la sœur de Lazare, que Jésus arrivait. Aussitôt Marthe sort de chez elle, elle tombe en larmes aux pieds de Jésus. "Paix à toi", lui dit Jésus. Marthe : "Mais il n'y a plus de paix pour ta servante. Lazare est mort. Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt quand il était encore vivant ? Il t'a tant appelé, Lazare, mon frère. Nous espérions tout de toi". (Autrement dit, tu nous a déçues, ma sœur et moi).
On est toujours dans les jardins de la maison, il y a toujours là quantité de Juifs importants de Jérusalem venus pour les condoléance : certains bienveillants pour Jésus, d'autres hostiles. Marthe : "Maintenant, je vais aller chercher ma sœur". Marie arrive en courant, elle se jette aux pieds de Jésus en pleurant. Jésus : "Lève-toi, Marie ! Pourquoi ces pleurs comme ceux des gens qui n'ont pas d'espérance ?" Marie : "Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt ? Tu savais que Lazare était malade. Si tu avais été ici, il ne serait pas mort. Pourquoi n'es-tu pas venu ? Pourquoi nous as-tu fait cela, Jésus ?"
Le ton de Marie est celui de l'angoisse plutôt que celui des reproches. Jésus : "Marie, ne pleure pas. Moi aussi, je souffre de la mort de l’ami fidèle. Mais je te le dis : Ne pleure pas ! Lève-toi. Peux-tu croire que je t'ai donné cette douleur inutilement ? Où l'avez-vous mis ?"
Le tombeau se trouve à l'extrémité du verger dans une espèce de grotte. Jésus regarde la lourde pierre et il pleure. Tout d'un coup, après avoir essuyé ses larmes, Jésus crie : "Enlevez cette pierre !" Personne ne bouge. Jésus répète plus fort son ordre. Marthe : "Maître, ce n'est pas possible, il y a quatre jours qu'il est là. Il sent déjà. Que veux-tu voir ? Sa pourriture ?" Jésus : "Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? Enlevez cette pierre, je le veux".
Marthe fait signe à des serviteurs d'aller chercher les outils nécessaires pour déplacer la lourde pierre. Les serviteurs reviennent et, petit à petit, ils arrivent à écarter la pierre. Jésus prie tout haut, puis il reste un moment en silence, il s'avance jusqu'au seuil du tombeau et, d'une voix puissante, il crie : "Lazare ! Viens dehors !" Et celui qui était mort avance lentement, serré dans ses bandes, semblable à une statue de plâtre à peine ébauchée. Jésus : "Débarrassez-le et laissez-le aller".
Notre foi chrétienne s'ouvre sur l'infini. Et quand elle a compris quelque chose, elle comprend plus clairement qu'elle n'est qu'au commencement. A douze ans, on fait ce qu'on appelle sa profession de foi. Et cette foi peut être très vivante et très profonde. Mais on ne peut pas s'arrêter là. On ne doit jamais s'arrêter de chercher à mieux comprendre le fin fond de la foi chrétienne. Si on s'arrête, c'est qu'on n'a encore rien compris. La révélation de Dieu répond aux questions qui seront toujours posées, ces question que nous sommes nous-mêmes.
Un physicien de notre temps, qu'on interrogeait sur sa foi chrétienne, raconte ceci : "Dans une civilisation grégaire comme la nôtre, les hommes ne valent plus rien si on les écarte de l'action commune. Or l'homme rejeté peut prier. Et lorsqu'il prie, il participe au destin du monde. Je connais des gens (nous en connaissons tous) qui vivent dans une petite pièce sur un lit de douleur, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les hôpitaux ou chez eux. Ils se lèvent un tout petit peu dans la journée, quand ils le peuvent. J'ai encore vu, il y a quelques jours, une de ces personnes qui vit depuis plusieurs années très recluse, qui n'a pratiquement pas de contact avec le monde extérieur, en dehors d'une radio et de la télévision. Mais elle prie. La prière est pour elle fondamentale. Pour moi aussi, je crois qu'il y a une réalité dans la prière". L'homme qui raconte ça est un Français, physicien célèbre de notre temps.
Jésus pleure la mort de son ami Lazare. Ni la souffrance, ni la détresse humaine ne sont voulues par Dieu. Dieu n'assiste jamais passivement à la peine des êtres humains, il souffre avec l'innocent, il souffre avec chacun. Il y a une douleur de Dieu, il y a une souffrance du Seigneur Jésus.
"Mon Dieu, j'ai un très grand regret de vous avoir offensé..." Nous connaissons bien la formule ! Le péché n'inflige pas à Dieu une lésion qu'il faudrait compenser. Celui qui est lésé par le péché, c'est celui-là même qui le commet. En commettant le péché, le pécheur s'abîme lui-même. Saint Thomas d'Aquin ramassait tout cela en une formule : "Dieu n'est offensé par nous que dans la mesure où nous agissons contre notre propre bien". L'homme qui commet le péché ne blesse que lui-même. Dieu est le Bien de l'homme. Pécher, c'est se séparer de Dieu, c'est se faire tort à soi-même.
Terminer avec Thérèse de Lisieux : "Quand j'ai commis une faute qui me rend triste, je sais bien que cette tristesse est la conséquence de mon infidélité. Mais croyez-vous que j'en reste là ? Oh! Non ; je m'empresse de dire au Bon Dieu : Mon Dieu, je sais que ce sentiment de tristesse, je l'ai mérité ; cependant laissez-moi vous l’offrir tout de même, comme une épreuve que vous m'envoyez par amour. Je regrette ce que j'ai fait, mais je suis contente d'avoir cette souffrance à vous offrir". (Avec Bernard Sesboüé, Louis Leprince-Ringuet, Frère Roger, Rémi Brague, saint Thomas d'Aquin, Thérèse de Lisieux, AvS).
2 avril 2017 - 5e dimanche de carême - Année A
Évangile selon saint Jean 11,1-45
Dans cet évangile, personne ne triche avec la réalité de la mort et du deuil. Marie pleure la mort de son frère et Jésus pleure la mort de son ami. Pour l'évangéliste, la résurrection de Lazare n'est pas un miracle mais un signe. On aurait plutôt envie de dire : ce miracle est le signe qui préfigure la mort et la résurrection de Jésus et de tous ceux qui croient en lui. Lazare n'est revenu à la vie que pour un temps. Il faudra bien qu'il meure un jour pour de bon. Mais en ressuscitant son ami Lazare, Jésus nous donne un signe qu'il a un pouvoir sur la mort, que la mort n'aura pas le dernier mot, ni au terme de la maladie de son ami, ni au terme de nos pauvres vies condamnées à la dégradation inévitable. La victoire du Christ sur la mort ne signifie pas l'abolition de la mort. Le passage par la tombe demeure notre lot commun. L'évangéliste décrit le miracle de telle manière qu'il suggère ce qui adviendra lors du passage de chacun de nous par la porte étroite. A peine nos yeux se seront-ils fermés sur ce monde que nous entendrons Jésus nous crier d'une voix forte : "Viens dehors !"
Dans notre première lecture déjà, dans l'Ancien Testament, le Très-Haut s'engageait solennellement à nous arracher à la mort et à nous faire vivre de sa propre vie : "Quand j'ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir, vous saurez que je suis le Seigneur, vous apprendrez à me connaître vraiment. Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez". Dieu veut nous arracher à l'esclavage de la mort et de son cortège de souffrances. Avec le psalmiste et avec Job, nous pouvons dire et redire : "J'espère le Seigneur de toute mon âme ; je l'espère et j'attends sa parole, car près de lui est l'amour... Oui, j'en suis sûr, il me tirera du sommeil de la mort, et de mes yeux de chair je verrai Dieu mon Sauveur".
Dans la foi, Dieu donne à l'homme un monde qui n'a pas les limites de l'esprit humain. Il lui donne le monde divin. "Qui donc chez les hommes connaît les secrets de l'homme sinon l'esprit de l'homme qui est en lui. De même nul ne connaît les secrets de Dieu sinon l'Esprit de Dieu... Et nous, nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu afin de connaître les dons que Dieu nous a faits" (1 Co 2,11-12). Mais l'Esprit sait aussi que les hommes peuvent se fermer à lui et s'opposer au Père.
Pourquoi les eucharisties du dimanche ? Parce que ces assemblées incarnent aujourd'hui la Parole vivante de Dieu qui continue à interpeller tous les hommes. La résurrection de Lazare manifeste quelque chose de la toute-puissance de Jésus. Mais la toute-puissance de Dieu se révèle aussi dans la toute-faiblesse. L'amour ne peut violenter. On peut toujours se fermer à l'amour. La toute-puissance de Dieu se manifeste aussi dans la toute-faiblesse : c'est le nouveau-né dans une crèche, c'est un homme torturé sur une croix. Tout cela ne correspond pas à l'image que les païens se font de Dieu, ni les Juifs, ni les musulmans. Seuls les chrétiens croient à ces choses. L'amour ne peut violenter. Ce bébé dans une crèche, cet homme sur une croix.
L'enfer, c'est l'absence de Dieu, c'est l'absence de sens : la vie n'a pas de sens. Dieu a soif de l'homme, et l'homme le fuit. Sur la croix, Jésus va se retrouver un instant comme un athée, comme un homme sans Dieu : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et alors tout s'inverse : "Père entre tes mains, je remets mon esprit". Dieu a soif de l'homme et l'homme le fuit. Un grand croyant des siècles passés écrivait un jour : "Le blasphème des impies est peut-être plus agréable à Dieu que l'alléluia des croyants". Pourquoi ? Parce qu'il y a des chrétiens faussement religieux qui font semblant d'être près de Dieu alors qu'en réalité ils s'en éloignent.
Que se passe-t-il après la résurrection de Lazare ? A la vue du miracle, beaucoup de Juifs crurent en Jésus. Toutefois quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens et leur racontèrent ce qu'avait fait Jésus. Grands-prêtres et pharisiens réunirent alors un conseil : "Que faisons-nous ? Dirent-ils ; cet homme accomplit beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tous croiront en lui et les Romains viendront et ils détruiront notre Lieu saint et notre nation". Et c'est alors que les grands-prêtres et les pharisiens décidèrent que Jésus devait mourir : "Ils furent résolus à le tuer".
"Le succès n'est pas un nom de Dieu" (Martin Buber). Il faut situer la fine pointe du christianisme dans le fait que la fécondité chrétienne atteint son sommet dans l'échec aux yeux du monde, dans la faillite de la croix. Jésus s'abandonne à la volonté incompréhensible du Père, il obéit dans la nuit de l'esprit, il se laisse conduire là où il ne veut pas aller, il se laisse enfouir dans la terre comme un grain de blé : c'est là le principe d'une fécondité nouvelle que le monde ne peut comprendre. (Avec Joseph-Marie Verlinde, J. Peneau, Jean-Claude Barreau, Olivier Clément, Luther, Michel Evdokimov, AvS, HUvB).
29 mars 2009 - 5e dimanche de carême - année B
Évangile selon saint Jean 12,20-33
Nous approchons des jours saints. Voilà que des Grecs sont arrivés à Jérusalem pour célébrer la Pâque des Juifs avec les Juifs : des Grecs sympathisant de la foi des Juifs. Et ces Grecs disent à un disciple de Jésus : "Nous voudrions voir jésus". Il faut comprendre : "Nous voudrions avoir un entretien avec Jésus". Jésus est mis au courant de ces désirs des Grecs d'avoir un entretien avec lui ; et alors l'évangéliste met dans la bouche de Jésus tout un discours qui semble n'avoir rien à faire avec les Grecs qui voulaient le voir.
L'évangile de Jean est toujours lumineux et complexe. Lui, saint Jean, il sait beaucoup de choses. Mais comment les faire comprendre à ceux qui n'ont pas encore compris? Lui, saint Jean, il a touché Jésus, il a tout vu de ce que Jésus a fait, il a entendu tout ce que Jésus a dit pendant deux ou trois ans ; mais il en sait encore beaucoup plus que ce que tout le monde a pu voir et entendre. Ce n'est pas de sa faute, pourrait-on dire : c'est un don de Dieu, un don de Jésus et de l'Esprit Saint.
"Nous voudrions voir Jésus". Alors Jésus va se montrer. Il va montrer deux choses, et il va les montrer sans les montrer. Il va les faire deviner, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas montrer comme ça tout de suite à tout le monde. Il dit d'abord qu'il va être glorifié : il sera rempli d'honneur et de gloire. Cela, tout le monde comprend, désire et approuve : il sera glorieux, et nous avec lui, bien sûr.
Et aussitôt Jésus explique comment ça va se passer. Cela va se passer comme pour un grain de blé qu'on jette en terre pour en espérer plus tard une moisson. Et le grain de blé commence par pourrir en quelque sorte, par mourir. Sinon, s'il reste un beau grain de blé, rien ne va se passer et il n'y aura pas de moisson. Le grain de blé, c'est Jésus, bien sûr. Et Jésus est bouleversé : c'est terrible de devoir mourir, de devoir être jeté en terre et de disparaître. Il a envie de crier : "Père, délivre-moi de cette heure de ténèbres et de mort". A sa manière, l'évangéliste saint Jean résume le combat intérieur de Jésus au jardin des oliviers la veille de sa mort.
Il y a alors là dans l'évangile de saint Jean un petit épisode qu'il est seul à rapporter : "Du ciel vint une voix qui disait : J'ai glorifié mon nom et je le glorifierai encore". Qu'est-ce que ça veut dire ? Dans le Notre Père, Jésus nous a appris à prier comme ceci : "Que ton nom soit sanctifié, que ton nom soit glorifié par tous les hommes. Que tous les hommes te reconnaissent comme Dieu, le Dieu unique t véritable, Créateur du ciel et de la terre", qui a tellement aimé le monde qu'il lui a envoyé son Fils unique pour ramener tous les hommes dans l'amitié avec Dieu comme lui-même, Jésus, vit dans l'amitié de Dieu depuis toujours, et avant même la création du monde.
Le Fils de Dieu va mourir sur la croix à la place de tous les pécheurs du monde qui auraient mérité ce sort parce qu'ils ont refusé Dieu, parce qu'ils ont oublié Dieu, parce qu'ils se sont détournés de Dieu. Jésus se fait volontairement solidaire du péché de tous les hommes. Et par un grand mystère de Dieu, qu'on ne comprendra jamais, ce sacrifice de Jésus pour tous les autres doit ramener un jour tous les hommes dans l'amitié de Dieu.
Sur la croix, Jésus s'est fait solidaire de tous les pécheurs que nous sommes. Et dans la vie chrétienne, dans la foi chrétienne, quelque chose de ce mystère de la substitution continue. Tous les hommes, tous les croyants, sont solidaires les uns des autres. Et même ceux qui n'ont pas connu (beaucoup) le péché sont solidaires de tous ceux qui se sont éloignés de Dieu ou n'ont jamais voulu le reconnaître comme Dieu. Et ces chrétiens, solidaires du péché de tous, participent d'une certaine manière à la croix de Jésus pour le salut de tous.
Au IIe siècle de notre ère, les intellectuels païens, grecs et romains, étaient pour la plupart imperméables à l'évangile. Ils avaient du mal à accepter que Dieu se modifie et se transforme. Ils se scandalisaient de l'existence obscure que les évangélistes attribuaient au Fils de Dieu : la pauvreté de ses parents, son enfance modeste, ses humbles compagnons, ces odeurs de poussière, de charpente, de poisson, et enfin la prison et la mort. Aux yeux de ces intellectuels, un dieu ne pouvait pas finir de façon ignoble ; en un mot, tout cela leur semblait peu convenable. "Folie pour les païens", écrit saint Paul.
Et au pied de la croix, il y avait la Mère de Jésus. Le plus terrible pour une mère, c'est de voir son fils mourir. Marie souffre à présent les douleurs de tous les enfantements de tous les hommes à la grâce. Voilà comment Marie est la mère de la vie : en consentant à la croix de son enfant.
Les grecs disaient : "Nous voudrions voir Jésus". Et Jésus leur parle du grain de blé. Et la moisson viendra et la gloire. "Dieu veut me faire participer à sa béatitude éternelle". Mais si l'homme refuse Dieu, le bon pasteur, se trouve dans une impasse, car les brebis sont toujours libres de le suivre ou non. Et toute existence chrétienne suit quelque chose du parcours de Jésus. On peut le dire avec saint Paul, qui avait compris beaucoup de choses des mystères de Dieu : l'existence chrétienne n'est digne de foi que si nous sommes comme des gens qui vont mourir et nous voilà vivants, comme des gens qui n'ont rien nous qui possédons tout, comme des pauvres nous qui faisons tant de riches. (Avec Jean-Claude Barreau, Fabrice Hadjadj, Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar).
25 mars 2012 - 5e dimanche de carême - Année B
Évangile selon saint Jean 12,20-33
Des Grecs veulent voir Jésus. Des Grecs, c'est-à-dire des non-Juifs, mais qui admirent la religion d'Israël et qui, au temps de Pâques, viennent à Jérusalem comme tous les Juifs pour célébrer la fête. Et ces Grecs voudraient voir Jésus dont ils ont entendu parler en bien. Et que fait Jésus ? Il n'accomplit pas de miracle sous leurs yeux, au contraire. Il parle du grain de blé qu'on met en terre, d'un grain de blé qui va disparaître en terre, qui va mourir. Et c'est justement en mourant qu'il va produire un épi avec beaucoup de grains de blé. Des Grecs, des étrangers, veulent voir Jésus. Jésus leur parle à mots couverts de sa mort, comme un grain de blé en terre, et de sa résurrection, comme un épi bien rempli de grains.
Après cela, dans notre évangile d'aujourd'hui, il y a une scène qui ressemble fort à la prière désolée de Jésus à Gethsémani : il crie devant Dieu son angoisse devant les souffrances et la mort qui approchent. Et puis il s'en remet au Père : Que ta volonté soit faite. Il faut que Jésus soit élevé de terre sur la croix pour attirer à lui tous les hommes. Sur la croix, il y a des souffrances physiques inimaginables. Mais il y a aussi une souffrance intérieure inimaginable.
Les enfants jouent tranquillement quand ils savent que leur mère est dans la pièce à côté. Jésus, en tant que Dieu, a toujours su que le Père était là, comme tout près, on pouvait à tout instant lever les yeux vers lui. Sur la croix, Jésus ne sait plus que le Père est là ; le Père est voilé. Et maintenant Jésus doit lutter en lui-même contre la possibilité divine qu'il a d'aller au-delà et de s'assurer. Et cette possibilité, il la maîtrise si bien qu'il n'y a plus là que l'homme crucifié. Sur la croix, Jésus fait l'expérience de ce que c'est que d'être sans Dieu, de ce que c'est que d'avoir refusé Dieu. Et il fait cette expérience pour obtenir de Dieu le retournement et la conversion de tous ceux qui rejettent Dieu. Dans le don de lui-même sur la croix, Jésus dépose pour ainsi dire tout le péché du monde dans l'amour de Dieu et le fait fondre en lui. Et puis au-delà de la mort, Jésus sera élevé dans la gloire de Dieu par sa résurrection d'entre les morts.
Il y a des gens qui, par testament, veulent se faire incinérer en s'imaginant que, réduits en cendres, ils échapperont à Dieu. Je rencontre de temps en temps des couples pour préparer le baptême de leur enfant; on prépare la célébration du baptême, on parle aussi de tout et de rien, on parle aussi de la foi qui les amène à l’Église avec leur enfant ; à un certain moment, je pose la question : Est-ce que vous croyez qu'il y a une vie après la mort ? Plus d'une fois la réponse a été négative, et pour le papa et pour la maman : Non, il n'y a pas de vie après la mort.