L'abbaye Saint-Paul, un foyer intellectuel et artistique

 

 

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              Les monastères, ceux de l’Ordre de saint Benoît tout particulièrement, sont essentiellement et par vocation des foyers de prière. C’est pour être fidèle à cette vocation qu’ils sont devenus, au cours de l’histoire, des foyers de réflexion et d’art.

 

              Comme l’a dit Sa Sainteté Benoît XVI au collège des Bernardins le 12 septembre 2008 en s’adressant au monde de la culture, l’objectif des moines « était de chercher Dieu, quærere Deum. (…) Comme ils étaient chrétiens, il ne s’agissait pas d’une recherche dans l’obscurité absolue. Dieu lui-même a placé des bornes milliaires, mieux, il a aplani la voie, et leur tâche consistait à la trouver et à la suivre. Cette voie était sa Parole qui, dans les livres des Saintes Écritures, était offerte aux hommes. La recherche de Dieu requiert donc, intrinsèquement, une culture de la parole, ou, comme le disait Dom Jean Leclercq : eschatologie et grammaire sont dans le monachisme occidental indissociables l’une de l’autre. Le désir de Dieu comprend l’amour des lettres, l’amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. »

 

              En outre, si le moine est "le chantre de la beauté de Dieu", comment l’opus Dei, l’œuvre de Dieu, la prière liturgique ne s’enveloppera-t-elle pas de beauté pour atteindre sa fin première qui est la gloire de Dieu, et comment ne mettra-t-elle pas dès lors à son service toutes les ressources de l’art humain : chant et musique, architecture, peinture, sculpture, orfèvrerie, paramentique ? La beauté est aussi un chemin privilégié pour aller à Dieu, le seul possible pour certains à un moment donné. Benoît XVI disait aux artistes le 21 novembre 2009 : "La voie de la beauté nous conduit à saisir le tout dans le fragment, l’infini dans le fini, Dieu dans l’histoire de l’humanité… « L’art signifie : montrer Dieu en chaque chose. »"

 

              À son humble mesure l’abbaye Saint-Paul de Wisques a su honorer cette tradition vieille comme le monachisme.

Spiritualité, théologie et histoire

 

              Durant l’exil en Hollande les moines et les moniales de Wisques ont travaillé à rendre accessibles les mystiques flamands, notamment Ruysbroek. Il convient de citer en particulier Dom Jean de Puniet, premier Abbé de Wisques (1910-1928 ; + 1941) et Dom Émile Assemaine (+ 1949), qui étudia spécialement l’Imitation de Jésus Christ. Dom Pierre de Puniet, frère du Père Abbé, est connu pour l’histoire liturgique des sacrements et du Pontifical romain ; il a écrit aussi pour un public plus vaste des ouvrages d’initiation à la liturgie.

 

              Dom Augustin Savaton, deuxième Abbé de Wisques (1928-1960 ; +1965) synthétise à la fin de sa vie son expérience et ses études sur la vie monastique dans Valeurs fondamentales du monachisme, ouvrage qui constitue comme son testament spirituel.

 

              Dom Jean Gaillard, troisième Abbé de Wisques (1960-1985 ; + 1992), théologien et liturgiste, membre de la Société d'études mariales, a collaboré à la Revue thomiste des Dominicains de Toulouse et à la revue L’ami du clergé, devenue Esprit et Vie. Son ouvrage sur "les solennités pascales" (1952), réédité en 1961 et de nouveau en 1988 sous le titre "La liturgie pascale. Guide de la Semaine Sainte et de Pâques", est remarquable par sa profondeur non moins que par sa clarté.

 

              Dom Emmanuel Flicoteaux (+ 1956) s’est adonné tout au long de sa vie monastique à l’étude de la sainte Liturgie, publiant de nombreux petits ouvrages aussi bien documentés que pleins de piété.

 

              Dom Philippe Rouillard (âgé de 94 ans) a donné un cours de théologie sacramentaire à Saint-Anselme, l'université pontificale romaine bénédictine. 

 

              Son frère, Dom Édouard Rouillard (+ 1992), entreprit des recherches sur saint Basile, en formant peu à peu le projet de publier dans la collection "Sources chrétiennes" le texte critique et la traduction des homélies de saint Basile, mais il est décédé avant de voir aboutir son labeur.

 

               Dom Eugène Pichery (+1980) a traduit pour la collection "Sources chrétiennes" les Conférences de saint Jean Cassien.

 

              Dom Louis Baillet (+ 1913), ami et compatriote de Charles Péguy, s’intéressa à sainte Hildegarde et il préparait un ouvrage sur son enseignement quand la maladie l’interrompit dans son travail.

 

              Dom Pierre Doyère, longtemps Prieur de Wisques (+ 1966), a beaucoup travaillé sur l’érémitisme et sur saint Benoît-Joseph Labre, le grand saint de l’Artois, qu’il qualifie d’"ermite-pèlerin". Il préparait aussi une édition des œuvres de sainte Gertrude. La collection "Sources chrétiennes" a publié sous son nom les lives I à III du "Héraut - Mémorial de l’amour divin". Il était décédé le 18 mars 1966, quelques jours après avoir reçu les premières épreuves. Les moniales de Notre-Dame de Wisques ont complété son travail pour le livre IV.

 

              Dom Jacques Rousse (+ 1978) est l'auteur d'un recueil de poèmes : "Le bonheur est à la porte".

 

              Dom Louis Gaillard (+ 1970) a enseigné la géographie et exercé, un temps, la fonction de bibliothécaire aux Facultés Catholiques de Lille.

 

              Dom Jean Boutry (+ 1979) se consacra avec ardeur aux recherches préhistoriques, rapportant de ses  nombreuses expéditions dans la région une abondante moisson de vestiges, surtout de silex taillés, qui enrichit aujourd’hui le musée de Saint-Germain-en-Laye.

 

              Dom René Flahault (+ 1986) a acquis une compétence reconnue en histoire locale, qui s’est concrétisée sous forme d’articles dans des publications périodiques.

 

              Dom Charles Poulet (+ 1950) a composé avec quelques collaborateurs, mais en assumant la tâche principale, une grande Histoire du christianisme, qui avait été précédée d’une Histoire de l’Église moins ambitieuse et plus à la portée du grand public. Ses ouvrages ont familiarisé des générations de séminaristes avec l'histoire ecclésiastique qu'il a été appelé à enseigner au collège Saint-Anselme de Rome.

 

              Le Père Patrick Catry, âgé de 88 ans, avait commencé des recherches sur les œuvres du Pape saint Grégoire le Grand, dont les résultats ont fait l’objet de publication dans différentes revues. Il avait entrepris pour la collection "Sources chrétiennes" la traduction de la dernière partie des "Moralia in Job".

 

Mais, s’étant vu confier une lourde charge à la fin de 1977, il dut renoncer à ce travail, pour lequel il fit appel pour le remplacer aux moniales de l’abbaye Notre-Dame de Wisques. Au temps de Pâques 1978, il lit le livre du Père Hans Urs von Balthasar (1905-1988), créé cardinal juste avant sa mort en 1988 : "Adrienne von Speyr et sa mission théologique". C’est pour lui une totale découverte. Qui est Adrienne von Speyr (1902-1967) ? Une femme mariée, exerçant la profession de médecin généraliste à Bâle. D’origine protestante par sa famille, elle était entrée dans l’Église catholique en 1940 après avoir rencontré le Père Balthasar. De 1940 à 1967 celui-ci resta son confident et son confesseur, et de la sorte le témoin d’une vie mystique exceptionnelle. L’œuvre d’Adrienne compte une soixantaine de livres, plus de 16000 pages, en allemand. Petit à petit le Père Catry a tout lu, d’abord ce qui était déjà paru en français, puis le reste en allemand. Cette lecture l’incita à écrire quelques études sur Adrienne. Par intérêt personnel, il a progressivement traduit peut-être 5000 pages de cette œuvre, à usage privé, et préparé des notes sur des œuvres d’Adrienne. André Duédal, oblat familier de notre monastère, lui suggéra de mettre sur internet, en lui offrant son aide, une partie de son travail. Depuis le Père Catry continue d’alimenter, sur le site de l’abbaye, la page concernant Adrienne. Il souhaiterait avoir devant lui encore quarante années de vie !

 

Une pléiade d’artistes

 

              La deuxième guerre mondiale avait obligé la communauté de Saint-Paul de Wisques à se disperser.  La paix revenue la rassemble de nouveau et la vie reprend avec une ardeur renouvelée. Mais les ressources manquent. La ferme ne suffit pas, alors que les candidats  se pressent à la porte du noviciat : en 1946 la communauté compte près d’une soixantaine de moines, dont quatorze novices.
La même année sont créés les Ateliers Monastiques d'Art (AMA), qui permettent à quelques artistes de donner libre cours à leur créativité. Le Père Abbé Dom Savaton leur rend régulièrement visite l’après-midi.

 

              Dom André Bouton, alias "FRAB" ("Frère André Bouton") (+ 1980), fournit à l'atelier de céramique des centaines de dessins au caractère très original, pour illustrer les saints patrons et bien d'autres sujets. Une véritable tradition, encore vivante aujourd’hui, s’est établie dans certaines familles d’offrir une céramique de Wisques à l’occasion des grands événements religieux. La sacristie conserve de FRAB deux ouvrages entièrement calligraphiés et illustrés de sa main : un "rituel de bénédictions" (terminé en 1936, deux ans après son arrivée à Wisques), un Évangéliaire (1943-1946). En 1948, à l’occasion du quatorzième centenaire de la mort de saint Benoît, le Père Bouton, utilisant la technique de la linogravure, illustra l’édition de sa Règle réalisée par les éditions du "Grenier à sel".

 

              Dom Henri Houssain (+ 1983) travaille à la création d'ornements liturgiques. Membre de la Commission Diocésaine d'Art Sacré, il se voit confier la "mise aux normes" de plusieurs églises du diocèse à la suite de la réforme liturgique.


              Dom Stéphane Goossens (+ 1976) s'illustre avec autant de talent dans des domaines aussi variés que la tapisserie murale au pochoir, la poterie, la céramique, et même le métal. Il collabore aussi à la restauration de nombreuses églises et à la décoration d’édifices publics nouvellement construits.


              Dom Pierre Cholewka (+ 2012) , lui, travaille à la création de vitraux en France et à l'étranger.

 

              On se tromperait en pensant que le foyer artistique de Saint-Paul de Wisques ne date que de l’après-guerre. Lors de leur exil en Hollande les moines de Wisques avaient, en 1907, confié la construction de leur nouveau monastère à Dom Paul Bellot, moine de Solesmes, le "poète de la brique", qui s’apprêtait à lancer le chantier de Quarr Abbey, dans l’île de Wight, monastère d’exil de Solesmes. Après le retour d’exil c’est encore à lui que Dom Augustin Savaton, qui, en 1928, avait succédé à Dom Jean de Puniet comme Abbé de Wisques, fit appel pour construire un nouveau bâtiment comprenant la première aile du cloître, le réfectoire et des cellules (1930-1931).

 

              La carrière du moine-architecte est étroitement liée à celle du Frère François Mes, qui l’a fortement influencé en apportant à ses réalisations un surcroît de lumière et de couleur. Ainsi c’est lui qui choisit les couleurs du nouveau bâtiment, notamment celles du cloître et du réfectoire.

 

              Mais qui est donc le Frère François Mes ?

Article publié par ABBAYE SAINT PAUL DE WISQUES • Publié • 3171 visites