XV. L'humanité dans le dessein de Dieu

LA VIE ET LŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)


 

 

XV


 

 

L’humanité dans le dessein de Dieu

 

 

Plan : Introduction 1. Dieu crée2. Dieu et l'humanité3. Dieu parle4. Le Fils5. L'incarnation6. La rédemption - 7. La croix8. La résurection9. L'Esprit Saint10. L’Écriture - 11. L’Église12. L'au-delà

 

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Introduction

 

Profondeur du dessein de Dieu

concernant le salut du genre humain

(Richard de Saint-Victor)

 

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu » : Adrienne von Speyr n’a rien écrit de systématique sur le sujet. Mais en recueillant et en classant un certain nombre de ses textes, on arrive à une certaine vue d’ensemble. Les textes d’Adrienne ici rassemblés proviennent de ses œuvres posthumes. L’enquête serait à continuer pour l’ensemble de l’œuvre d’Adrienne.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu », c’est toute l’histoire de l’humanité : de la création à la vie dans l’au-delà. On n’a demandé à personne s’il voulait venir au monde. Mais une fois qu’on est lancé dans la vie, on n’a pas de choix non plus : tous les humains sont programmés pour rencontrer Dieu. Dieu désire que tous les humains vivent en communion avec lui. Il faudra peut-être du temps pour que l’être humain le comprenne, mais un jour ou l’autre, ici-bas ou dans l’au-delà, il sera mis en face de cette évidence.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu », c’est toute l’histoire de la révélation de Dieu, de l’ancienne Alliance à la nouvelle, toute l’histoire de l’Église chargée par le ciel de transmettre à tous les humains les trésors célestes qu’elle a reçus en dépôt pour tous les humains, c’est toute l’histoire de tous les humains, de leur vie à leur mort et à leur vie dans l’au-delà de la mort. La révélation de Dieu transmise par l’Église concerne tous les humains, qu’ils soient croyants ou non aujourd’hui, quelle que soit leur religion ou leur refus de toute religion. Que nous le voulions ou non, nous sommes embarqués.

 

Les auteurs du Nouveau Testament ont exprimé la foi chrétienne il y a deux mille ans avec la culture de leur temps en Palestine et dans le monde gréco-romain. Dieu a confié aux humains le trésor de sa révélation ; ils font ce qu’ils peuvent pour ne pas trahir l’essentiel, mais c’est toujours améliorable et toujours à refaire en chaque siècle, en chaque culture, sur la base de la révélation consignée pour l’essentiel dans les Écritures. L’œuvre d’Adrienne von Speyr n’est qu’un essai parmi beaucoup d’autres. Elle a exprimé sa foi avec sa culture de femme médecin du XXe siècle et avec les grâces toutes particulières dont elle a été favorisée. Bien des textes ici rassemblés ont été dits en extase. Quelques textes sont du Père Balthasar, d’autres proviennent de l’un ou l’autre saint, de l’un ou l’autre personnage, d’un passé plus ou moins lointain.

 

Dieu, c’est l’infini. L’homme doit le chercher avec le plus d’intelligence possible. Il y a les théologiens et leurs théologies ; il y a par ailleurs tous les saints et tous les mystiques (authentiques) qui représentent les humains les plus proches de Dieu. Il est essentiel, pour tous les chercheurs de Dieu, de les fréquenter pour en extraire ce qui peut leur être utile pour une compréhension plus profonde de la foi chrétienne, pour rendre plus vraie leur communion avec Dieu, pour progresser dans l’intelligence des choses de Dieu. Dieu, c’est l’infini. Aucun exposé de la foi chrétienne n’est à la hauteur.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu » : une manière de redire l’essentiel de la foi chrétienne. Et par le hasard de Dieu, autrement dit par sa grâce, Adrienne von Speyr a rencontré un jour le Père Hans Urs von Balthasar, l’un des plus grands théologiens du XXe siècle. Finalement, l’œuvre la plus importante de Hans Urs von Balthasar n’est peut-être pas tout ce qu’il a publié sous son nom, mais la publication par ses soins de l’œuvre d’Adrienne von Speyr.

 

« Pour ceux que cela concerne », l’œuvre d’Adrienne von Speyr peut être une nourriture vivante pour le cœur et l’intelligence. Il y a dans cette œuvre bien des matériaux pour vivifier la foi des simples comme celle des savants. Les textes ici présentés n’ont pas encore été publiés en français. Ils ont été classés en un certain ordre et en même temps un peu en vrac. Il y a tout un travail d’approfondissement possible. Ce sont comme des matériaux à exploiter. Avec ces documents, on peut multiplier les recherches ou simplement goûter les choses de Dieu et vivre en communion avec lui.

 

Patrick Catry

Tél. 03 21 12 28 53

 

Pour les références

 

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) : 1. Das Allerheiligenbuch (Le livre de tous les saints = NB I), en deux volumes - 2. Das Fischernetz (Le filet du pécheur = NB II). - 3. Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer I = NB III). - 4 Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer II = NB IV). - 5. Subjektive Mystik (Mystique subjective = NB V). - Objektive Mystik (Mystique objective = NB VI). - 7. Geheimnis der Jugend (Le mystère de la jeunesse = NB VII). - 8-10 Tagebuch (Journal = NB VIII, IX, X). - 11. Ignatiana (Notes ignatiennes = NB XI). - 12. Theologie des Geschlechter (Théologie des sexes = NB XII). - Les œuvres posthumes (cinq mille pages) n’ont pas encore été publiées en français.

 

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 1. Dieu crée

 

Plan : 1. Le Créateur2. Le monde3. Adam et Eve4. Le paradis5. La liberté 6. L’arbre7. Le serpent8. Le péché9. Après le péché
 

1. Le Créateur

 

1. Le Père : tout est créé par lui (NB 10, n. 2193).

 

2. La création sort du Père et retourne au Père

De même qu'en Dieu lui-même tout est à la fois immobile et mobile, toute la création sort du Père et retourne au Père par le Fils et par l'Esprit sur une voie établie de manière immuable et pourtant dans un mouvement toujours nouveau (NB 10, n. 2265).

 

3. La création : don du Père

La création est le grand don du Père, dans lequel on peut toujours découvrir quelque chose de nouveau, dans lequel des possibilités et des espérances nouvelles peuvent toujours s’ouvrir (NB 4,95).

 

4. Dieu se montre comme le Créateur

Le mystique devrait comprendre qu'il doit renoncer à toute attente. Avant même l'expérience mystique, mais en tout cas après elle, il sait peut-être que l'expérience de Dieu ne correspond jamais à l'attente de la prière, qu'en toute expérience mystique Dieu ne se donne pas seulement comme bienfaiteur, mais que Dieu se montre ici comme l'Inconnu : comme le Créateur qui crée ce que l'homme reçoit en cet instant, qui se montre en même temps dans son être de Créateur le plus originaire, avec son dessein, son plan, dans la paix de son être trinitaire (NB 5,45).

 

5. Mystère de l’activité créatrice de Dieu -

Quand Dieu donne des grâces, c'est en tant que Créateur, et aucune créature ne peut recevoir une participation au mystère de son activité créatrice autrement qu'en accueillant en elle un commencement déjà achevé, réalisé. Le chrétien qui prie pour obtenir une grâce la reçoit autrement qu'il ne l'avait demandée : plus grande, plus eucharistique, plus apostolique (NB 10, n. 2153).

 

6. Dieu le Père crée l'être humain

Dieu le Père crée l'être humain comme un tout. Si l'homme est croyant, il voit également comme un tout Dieu Trinité, l’Église, la foi, le ciel et la terre. Il voit tout de suite le lien qui existe entre Dieu et la création, le ciel et la terre, et il apprend à comprendre plus profondément l'unité à partir des connexions qu'il a comprises (NB 10, n. 2154).

 

7. Le Père, toute sa richesse est allée de lui dans la création -

Le Père est détaché de tout. Toute sa richesse s'en est allée de lui vers l'extérieur dans la création. Il n'est lié à rien en ce monde. Tout comme un pauvre dans le monde est libre de toutes choses (NB 10, n. 2198).

 

8. Toutes choses ont été créées par le Verbe

Le Verbe est tout en Dieu et est Dieu lui-même en nous. Toutes choses ont été créées par le Verbe : par le Fils de Dieu qui, à la première création, est encore totalement un avec le Père, il est encore Parole créatrice non distinguée, qui ne se distingue du Père qu’à l’incarnation. De même, dans la vie de l’homme tout est créé par le Verbe, il est le commencement de toute vie spirituelle. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes (NB 9, n. 1103).

 

9. Toutes choses ont été créées pour le Christ

Nous, avec nos éternelles objections, nous semblons ne jamais vouloir croire que réellement toutes choses ont été créées pour le Christ, partout nous voulons voir des exceptions, mettre des réserves. Les anges sont tout à fait comme des enfants pour admettre les choses et pour prier. Et tout ce qui a les qualités de l'enfance leur saute tout de suite aux yeux (NB 6,47).

 

10. "Tout a été créé par lui". Tout est créé dans le Christ qui est 1e Fils, l’Envoyé, Celui qui retourne au Père (NB 9, n. 1111).

 

11. La création : séparation du jour et de la nuit

En séparant le jour de la nuit, le Créateur choisit une disposition qui est bonne pour le monde ; cependant cette séparation, qui règle le cours du temps qui passe, a un prélude dans la séparation du ciel et de la terre. La terre était confuse et vide et ténébreuse si bien qu'il s'agissait au fond d'une séparation entre le jour du ciel et la nuit des enfers (NB 5,128).

 

12. Le souffle de l’Esprit dans la création -

Concrètement, le souffle de l'Esprit dans la création se produit d'abord dans l'être humain en tant que masculin et féminin : par leur échange d'amour, ils fusionnent dans l'unité. Unité que l'être humain lui-même ne comprend pas pleinement parce que, dans sa profondeur, elle n'est réalisée qu'en Dieu. C'est en devenant un quand ils s'unissent qu'ils deviennent trois. Mais parce que, en Dieu, l'échange d'amour est l'Esprit, il est impossible que l'acte d'amour entre l'homme et la femme soit seulement un acte de sensualité ; bien plus, cet acte, pour être compris, et même pour être accompli devant l'Esprit absolu, doit emprunter quelque chose à l'Esprit Saint. Il est demandé à l'Esprit d'être là, et là justement où le fruit de l'union est l'éclosion d'un être spirituel ; l'Esprit fait que l'action du couple humain ait part à sa présence comme troisième personne divine (NB 10, n. 2167).

 

13. LEsprit Saint accompagne l’œuvre du Créateur

L'Esprit Saint plane au-dessus des eaux du chaos, il accompagne l’œuvre du Créateur. Il est dit du Père qu'il crée, qu'il se repose le septième jour, qu'il se promène dans le paradis. Le fait de planer est pour l'Esprit disponibilité ; c'est en même temps la volonté de recevoir le chaos, non le chaos présent mais le chaos futur ; dans l'Esprit se trouvent les propriétés contre lesquelles les hommes se dressent en péchant, les propriétés que demandent les croyants qui suivent le Fils et l'adorent. L'Esprit est libre pour eux, il peut être demandé par eux avec ses propriétés et il les accompagne ; il accompagne le Fils comme le Fils a accompagné le Père lors de la création du monde. L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils, il circule entre les deux et, quand le Père agit, le Fils agit ; il donne alors à ces actes son amour circulant sous une forme aimante qui n'a rien de contraignant (NB 3,247).

 

14. Dieu crée le monde en tant que Dieu unique qui est pourtant un et trois (NB 2,22).

 

15. En ce qui concerne le monde, Dieu agit toujours de manière trinitaire ; mais il y a dans l'acte de la création une préséance du Père (NB 3,236).

 

16. Dieu le Père a créé le monde en commun avec le Fils et l'Esprit, de même le Fils engendre l’Église dans la même communion (NB 1/2, 15).

 

17. La création : un don que les personnes divines se font réciproquement

La création est à un certain point de vue la conséquence du don eucharistique réciproque de Dieu ; elle devient un cadeau que les personnes divines se font réciproquement. L'être humain est offert au Fils par le Père, le Fils et l'Esprit le rendent au Père. Le monde et l'homme sont pour les personnes divines une concrétisation de leur amour réciproque, de telle manière aussi que toutes les trois voient représentée dans le monde et l'homme l'unité de leur amour, car de toute éternité l'être humain fut pensé comme adorateur de l'amour éternel. Lors de la création, le Fils voit déjà la forme d'existence sous laquelle il pourra adorer le Père de manière nouvelle. Et l'Esprit sait que sa venue dans l'esprit créé fera des hommes de nouveaux adorateurs du Père. Cela ne veut pas dire que l'homme ne serait pas plus qu'un représentant de Dieu, il est sans doute un don de Dieu à Dieu. Un don qui doit être tellement image de Dieu qu'il jouit d'une certaine manière de la liberté divine, qu'il est doté d'emblée d'une liberté tournée vers Dieu, à la différence des autres êtres terrestres (NB 6,521-522).

 

18. Partout, c’est Dieu Trinité qui entreprend quelque chose dans son monde -

Partout où le Père crée, le Fils est Parole et il vit et souffre en tant que Parole devenue homme, l'Esprit se prodigue partout où Dieu Trinité entreprend quelque chose dans son monde, cela se fait dans l'unité réciproque qui est la nature de Dieu (NB 6,102).

 

19. Les trois personnes participent à la naissance du monde (NB 6,92).

 

20. La création du monde est réalisée dans l’amour trinitaire

Que le Fils puisse envoyer l'Esprit et l'envoie de fait, nous l'apprenons par sa parole. Nous voyons cette parole accomplie le jour de la Pentecôte et nous recevons l'Esprit dans le sacrement de confirmation. Beaucoup de choses de l'Ancien Testament donnent déjà une certaine connaissance de l'Esprit : les paroles des prophètes, ce qui se passe quand l'Esprit est donné et le fait que déjà lors de la création l'Esprit de Dieu planait sur l'abîme. A la lumière de la nouvelle Alliance, nous percevons que, tout comme le Père et le Fils, l'Esprit aussi était en Dieu de toute éternité, et que les relations des trois personnes sont des relations d'un amour éternel qui, pour la divinité, est tellement originel que la création du monde aussi ne pouvait être projetée et réalisée qu'à l'intérieur de l'amour trinitaire (NB 10, n. 2147).

 

21. L’œuvre commune de la création

Chaque œuvre de Dieu Trinité est faite en commun, mais de telle manière que c'est une personne qui agit et que les deux autres accompagnent et collaborent. Le Père est le Créateur du monde parce que l'acte du Créateur correspond à l'acte d'engendrer. De même qu'il engendre le Fils, il crée le monde. Ce que fait une personne correspond chaque fois à la volonté trinitaire. Celui qui aime cherche à adapter le plus possible sa volonté à celle de l'être aimé. Il a le désir de faire exactement ce que l'autre décide (NB 6,80-81).

 

22. Le Père crée, mais en même temps la création est l’œuvre de la Trinité tout entière

Les actions des personnes divines ad extra sont certes communes, mais elles sont opérées par une personne avec l'accompagnement des autres, et le caractère de l'action manifeste le caractère de la personne qui agit. Comme les personnes en Dieu se distinguent par leur opposition à l'intérieur de l'unité de nature, on peut reconnaître, dans une action déterminée du Dieu unique, une seule personne même si elle n'agit pas indépendamment des autres. La création comme telle renvoie clairement au Père, justement parce qu'il est Père, bien qu'elle soit, bien entendu, l'œuvre de Dieu Trinité tout entier. On peut comparer le monde et le Fils parce qu'ils sont issus tous deux du Père. Et on peut reconnaître le propre du Fils à partir de la nature créée du monde. Parce que le Père et le Fils sont présents dans l'acte de la création, l'Esprit Saint y collabore aussi, par son souffle. Il souffle où il veut, mais toujours entre le Père et le Fils (NB 6,81).

 

23. Procession des personnes divines et création du monde

La procession des personnes divines est indépendante de la naissance du monde. Mais l’hypothèse d'un monde possible est présente depuis toujours. L'hypothèse, pas encore une décision définitive (NB 1/2, 106).

 

24. Les hommes sont créés dans le face-à-face du Père, du Fils et de l’Esprit

Au début, il y avait le face-à-face du Père, du Fils et de l'Esprit, et c'est dans ce face-à-face au ciel que les hommes furent créés, ce sont des personnes aussi peu solitaires que le sont les personnes en Dieu (NB 4,237).

 

25. Dieu le Père crée le monde, Dieu le Fils le rachète, Dieu l'Esprit l'anime (NB 2,59).

 

28. Par la création du monde, Dieu est devenu un « Créateur » ; il ne l’était pas « auparavant » (NB 9, n. 1562).

 

29. Création et mission du Fils

Le Fils avait part au jour éternel du Père, et c'est là que fut décidée sa mission que le Fils accepta en même temps qu'il la proposa en adaptant sa volonté à la volonté du Père. Ici-bas, comme tout homme vivant, il fit l'expérience de la séparation du jour et de la nuit. Mais en mourant, il arrive dans la nuit des enfers, une nuit qui ne connaît ni interruption ni la moindre lueur, une nuit qui est le pur contraire du jour du ciel (NB 5,128).

 

30. L’homme créé par le Père, racheté par le Fils

Profond respect du Père pour l'homme racheté par le Fils, pour l'homme qui a été créé par le Père et à qui sont laissées l'indépendance et la liberté d'apprendre par la résurrection du Fils ce qu'est la résurrection comme communication divine (NB 3,338).

 

31. La joie de Dieu quand il crée

Quelle qu'ait pu être l'activité de Dieu de toute éternité avant la création, les traces s'en trouvent dans les trois personnes quand elles créent le monde. Pour Dieu, il n'y a pas de passé, tout souvenir est présence. Rien ne finit en Dieu, mais tout continue d'être fécond dans un éternel présent. La joie de Dieu quand il crée exprime tout ce que contient sa vie éternelle. La force créatrice de Dieu, chargée de sa fécondité éternelle, est si grande que les choses qu'il crée portent aussi les traces de cette fécondité permanente, d'une manière cachée peut-être, si bien que sa fécondité interne n'apparaît pas tout de suite dans ses conséquences (NB 5,41-42).

 

2. Le monde

 

32. Le monde, œuvre du Père

Pour le Fils qui est devenu homme, le Père est devenu très proche du monde. Le monde est l’œuvre du Père, il lui appartient et il est centré sur le Père. Il s'est séparé du Père par le péché, mais il n'a pas pu réduire à néant le fait qu’il lui appartenait, d'autant moins que le Fils devient homme pour offrir à nouveau au Père le monde racheté qui est bien le monde créé des origines (NB 5,126).

 

33. Tout est créé pour le Fils. Et cette phrase peut être étendue à tout ce que les hommes font pour le Fils : une cathédrale, un tableau, une prédication, surtout une prière, mais aussi tout ce qui peut être compris dans la prière (NB 10, n. 2193).

 

34. Toutes les choses ont été créées pour le Fils

Compris d'une manière positive, le "mérite", en tant que résultat d'une œuvre, ne veut toujours dire au fond qu'une conversion à l'amour, au Seigneur, un mouvement préétabli en direction des choses qui sont toutes créées pour le Fils (NB 6,429-430).

 

35. Toutes choses ont été créées pour le Fils. Les choses ne lui sont pas confiées comme au premier Adam pour qu'il les domine, elles sont créées d'emblée pour lui, pour qu'il fasse d'elles un royaume pour son Père ; et il imprime en toutes choses et en toutes ses décisions le sceau de son propre mystère. Tout ce qu'il touche et intègre dans son domaine en tant que Christ-Roi voit son caractère se modifier ; cela reçoit ainsi sa parfaite destination, c'est conduit au but pour lequel cela a été créé à l'origine (NB 10, n. 2175).

 

36. Tout est créé pour le Fils

Toutes les choses ont été créées pour le Fils. Si le Père donne tout au Fils, le Fils reçoit tout. Il a autant de joie à accepter les dons du Père qu'en a le Père à créer les choses pour l'amour du Fils (NB 10, n. 2269).

 

37. C'est du néant que Dieu a créé le monde

C'est du néant que Dieu a créé le monde, mais c'est à partir de la croix qu'il a créé l'état religieux. L'état sacerdotal appartient essentiellement à la création, l'état religieux est une fondation tout à fait nouvelle à partir de la croix (NB 11,390).

 

38. Le mystère de la création. La meilleure manière de le décrire est la suivante : c'est chaque fois comme si quelque chose de créé n'était pas encore créé et devrait l'être (NB 5,154).

 

39. Le Créateur et le chaos

Quand le Créateur ordonne le monde, le chaos disparaît ; d'un jour de la création à l'autre, on peut déterminer le progrès de l'ordre, on ne peut plus guère s'imaginer finalement l'apparence que pouvaient avoir le jour et la nuit quand ils n'étaient pas séparés. Ce n'était certainement pas un crépuscule, car celui-ci fait partie déjà de ce qui est séparé. C'est au crépuscule que la nuit commence ; dans le chaos par contre, il n'y a pas de commencement ; c'était une manière d'être ensemble pour laquelle nous n'avons pas de concept (NB 3,247-248).

 

40. Dieu crée à partir du chaos

L'acte créateur sépare et met ainsi de l'ordre : ce qui appartient à l'eau va à l'eau, ce qui appartient à la terre va à la terre, ce qui incline vers la nuit va à la nuit, ce qui incline vers le jour va vers ce qui appartient au jour. Les éléments ne sont ni diminués ni augmentés, ils sont ordonnés en étant bien distingués. L'eau n'est plus maintenant un mélange, mais de l'eau pure et claire... Il en est ainsi pour tout ce qui est séparé par Dieu : c'est pur et sans mélange (NB 12,70).

 

41. Le chaos lors de la création du monde

Lors de la création du monde, le Père se rend dans le chaos pour l'ordonner. Et même s'il se promène dans ce qu'il y a au monde de plus ordonné, le paradis, il est constamment en contact avec le chaos. C'est pour lui comme une atmosphère dans laquelle il entre pour y mettre de l'ordre. Il crée un monde en tant qu'ordre, un monde où l'on peut se promener, qui est capable d'accueillir l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Le monde que Dieu a formé en le tirant du chaos est comme une pré-image de l'homme. C'est une atmosphère pour lui, comme Dieu a son atmosphère. L'homme a dû animer son monde avec son âme, son attitude, ses pensées, il lui a donné son atmosphère, qui correspond à ses aptitudes et à sa liberté, et qu'il ajoute à l'atmosphère créée du monde. Il intégrera l'ordre de ses idées dans l'ordre que Dieu a tiré du chaos (NB 3,244).

 

42. Le Père crée monde à partir du chaos ; il n'a pas quelque chose d'autre pour créer le monde en vue de son Fils. Et pour façonner le premier homme, il prend de la glaise. La chaos et la glaise sont la base de tout ce que le Père crée de son Esprit en vue du Fils. Il façonne tout dans la parfaite pauvreté, il le façonne de lui-même, de ses propres mains, pour ce que cela devient. Et pour créer le deuxième être humain, c'est du premier qu'il doit prendre la côte, un peu comme s'il n'avait pas assez de glaise pour façonner le second. La splendeur du monde qui vient d'être créé et du premier couple humain qui vient d'être créé est un témoignage de la pauvreté du Père (NB 10, n. 2198).

 

43. Le chaos et le monde

C'est à partir du premier chaos que Dieu avait créé le monde. Il avait "délivré" le monde du chaos en le créant. L'enfer est le chaos restauré : il est fait du rejet de Dieu par le monde. Dans la mesure où le monde rejette Dieu, il ne reste plus à Dieu qu'à laisser le chaos revenir là où est le refus ; la somme de tous les refus forme le chaos, l'enfer. Le premier chaos avant la création n'était ni bon ni mauvais; il était simplement une possibilité neutre. Le chaos maintenant, c'est le mal séparé du monde, et le monde se trouve maintenant au milieu, entre le ciel et le chaos de l'enfer. Au début, Dieu avait en lui la potentialité de sa création tout comme l'homme possède en lui ses spermatozoïdes dont il peut faire des enfants. Seulement chez l'homme la possibilité de réalisation est limitée par la capacité de réception de la femme, et le nombre incalculable des facultés génésiques masculines que la femme ne peut accueillir se perd parce qu'il y a une disproportion entre la potentialité et la capacité de réception. En Dieu, cette disproportion n'existe pas, car il peut créer tout ce qu'il veut. La disproportion n'apparaît que lorsque le monde refuse d'accueillir les créations de Dieu. Par ce refus d'accueillir, Dieu est obligé de créer un nouveau chaos constitué par ces refus : l'enfer (NB 3,106).

 

44. La soudaineté de la création du monde par le Père à partir du chaos NB 3,280).

 

45. Dieu crée le monde pour l'homme à partir du chaos. Dieu fait de l'ancienne Alliance une promesse du Fils (NB 4,135).

 

46. Dans la création : une œuvre de séparation

Dans l’œuvre de la création, Dieu a opéré une séparation : le ciel et la terre, l'eau et le sec, le jour et la nuit… Plus tard sont créées les bêtes, avec la multiplicité de leurs formes et par paires… Enfin Dieu crée l'être humain. C'est un être humain unique. Adam est l'être humain et il est l'unique être humain. Un deuxième être humain, Ève, lui est donné pour être à son côté. L'être humain 1 était homme, l'être humain 2 était femme ; ils ont des caractéristiques particulières, mais on ne doit pas dire qu'elles séparent, elles sont attribuées à chacun pour se trouver en couple (NB 2,24-25).

 

47. Créateur, le Père sépare

En tant que Créateur, le Père sépare le mouillé et le sec, le jour et la nuit, etc. L'homme pécheur également est toujours plus occupé à séparer et à distinguer ; il y a là quelque chose de créateur, mais dont il est fait un mauvais usage par le péché (NB 3,265-266).

 

48. Dieu a créé le monde comme un travail

Le repos est en premier lieu une propriété de Dieu ; il a voulu et institué le sabbat. Nous savons par Dieu que le sabbat était en lui-même depuis toujours, qu'ensuite il a créé le monde et qu'il a considéré l'œuvre achevée comme son travail. Quelle était sa contemplation avant son action, nous ne le savons pas ; nous pouvons dire seulement avec certitude que le monde qui commençait est un signe du Dieu éternel qui ne commence jamais (NB 6,323-324).

 

49. Le monde se dirige vers sa fin

L'institution du sacrement de mariage a sa préhistoire dans la tâche de création du Père. Au centre de cette tâche apparaît le Fils éternel devenu homme, qui fait éclater le mariage en ce sens qu'il est né d'une vierge, qu'il reste vierge et qu'il institue un mode de vie où l'on se met à sa suite dans la virginité en vue de la fin des temps ; dans cette manière de voir, le sacerdoce et le célibat, et finalement toute la vie consacrée, sont vus comme ne faisant qu'un. Étant donné que le Fils vient comme celui qui accomplit, le deuxième état a une préséance, mais une préséance qui ne dévalorise pas la vie de couple, car on ne peut pas plus nier le commencement du monde et de chaque homme et de tout l'ordre de la création que le fait que le monde se dirige vers sa fin ; on ne peut pas plus nier la mission de vivre que la mission de mourir, on ne peut pas simplement sacrifier la mission concernant la vie présente à la mission qui vise l'au-delà (NB 6,538).

 

50. Il n'y a pas des milliers de mondes mais un seul monde (NB 4,405).

 

51. A chaque être qu'il a créé Dieu a donné un caractère unique (NB 10, n. 2328).

 

52. Le Père crée ce qui est fini à partir de ce qui est infini

Depuis toujours, l'Esprit Saint était le témoin du Père. Il l'était dès avant la création. Pour le Père, ce témoignage est comme l'établissement d'une mesure. Il voit dans l'Esprit la mesure de ce qu'il accomplit. Il en est de même aussi pour l'homme créé. C'est dans l'Esprit témoin que les possibilités de l'homme peuvent se voir ; en lui, le Père a comme un terme de comparaison ; il voit la grandeur, la petitesse, la profondeur d'une œuvre aux yeux de l'Esprit. Cette mesure n'est pas soumise à l'arbitraire de l'Esprit. Le Père lui-même la lui impose. Le Père crée ce qui est fini, déterminé, limité, à partir de ce qui est infini, et l'Esprit reçoit en lui ces relations du fini à l'infini pour les présenter au Père (NB 3,253).

 

53. Omniprésence de Dieu dans la création

Nous connaissons l'omniprésence de Dieu dans toute la création. Et pourtant, en maints endroits, cette présence semble comme plus dense : là où l'on prie, là où s'élève sa maison et partout aussi où un chrétien, un homme, vit dans la grâce. Et encore, dans un autre sens, là où quelqu'un - prêtre, religieux, religieuse - a consacré sa vie à Dieu. Même rencontrée dans la rue en passant, cette personne rappelle la présence de Dieu, et le quotidien autour d'elle est coloré par son existence (NB 6,70).

 

54. Toute la chaîne des créations de Dieu 

(En extase). Tout d'un coup, je fus toute secouée et je vis, dans une vision d'ensemble, le commencement du monde et les prophètes et le Seigneur et la mère de Dieu et les disciples et l'amour et le ciel et la terre et l’Église et le ministère et les sacrements…, tout cela en une procession interminable qui ne pouvait s'arrêter nulle part et dans laquelle tout procédait de tout ; c'est un "et" divin qui commence au sein de la vie trinitaire, se transmet à la création et ne peut s'y arrêter non plus, mais la ramène à Dieu. Tous les éléments particuliers qui se trouvaient dans cette chaîne faisaient partie d'un ordre qui est l'ordre de Dieu et il l'engendre maintenant précisément comme il l'a engendré de toute éternité (NB 5,30).

 

55. Profusion des choses de ce monde que Dieu a créées

Nous devrions toujours penser à la joie procurée à chacune des trois personnes par les autres. Une joie débordante. Cette plénitude débordante n’est jamais unilatérale et elle n’a pas besoin d’être complétée par la douleur et la tristesse pour ne pas dégénérer en ennui. Elle est en continuel jaillissement, elle ne cesse d’être différente, pour parler le langage de ce monde. Nous pouvons lire cette manière que Dieu a d’être toujours autre dans la profusion des choses de ce monde qu’il a créées. Peut-être n’a-t-il créé les nuages que pour que nous ne pensions pas qu’il est éternellement rayon de soleil. Et chaque nuage à son tour est différent, il n’y a pas au ciel de monotonie. Et les nuages fécondent la terre, l’hiver comme neige, l’été comme orage ; chaque pluie également a son caractère propre. Ainsi la fécondité de Dieu n’est bien comprise que comme toujours neuve (NB 9, n. 1938).

 

56. Le temps créé par le Père est bon

Le Fils devenu homme vit dans l'instant tel que le Père le lui donne. Une telle vie est pour le Père une satisfaction parce que le Fils lui témoigne ainsi que le temps qu'il a créé est bon et qu'on peut vivre et agir en lui. Il a la taille qu'il faut pour accorder au Fils l'occasion de parler avec le Père. Non en opposition à l'éternité, mais dans un authentique échange permanent entre le ciel et la terre, qui n'est pas troublé par la présence des hommes pécheurs (NB 5,110).

 

57. Le temps qui s’écoule est une invention de Dieu

Dieu lui-même est sans commencement ni fin. De son centre, il pose l'acte de la création par laquelle le monde commence et l'homme en lui. Le temps qui s'écoule est une invention de Dieu, lui-même est dans l'éternité. Le temps est mesuré avec les mesures de l'homme et de sa vie : le monde ne cesse de durer le temps d'une génération, jusqu'au moment où le Fils de Dieu assume la durée d'une vie, emprunte au temps des hommes trente-trois années pour les vivre. Mais parce qu'il les a empruntées au temps des hommes, il les rend aux hommes avec son temps à lui, qui est un temps indivisible, éternel. Le terme du temps terrestre de Jésus, c'est sa mort mais, en mourant, le Fils infléchit la ligne du temps dans le cercle de l'éternité, de sorte que désormais l'homme qui est dans le temps a part à la vie éternelle. En tant que croyants, nous vivons notre temps avec la conscience du temps éternel et nous devons orienter tous nos actes vers le temps éternel dont nous avons eu connaissance par la résurrection du Fils (NB 6,69).

 

58. Les jours et les nuits existent depuis la création (NB 3,366).

 

59. Les anges à la création

Les anges étaient présents lors de la création de l'homme et de la femme ; ils ont à constater l’œuvre de Dieu et son dessein, ils ont à garder la loi de la création et à surveiller son accomplissement, de même que l'ange gardien doit veiller en chaque homme à l'accomplissement de la volonté de Dieu et à l'encourager par tous les moyens qui lui sont donnés (NB 12,33).

 

60. Les anges ont participé à la création

Le ciel est la patrie des anges. Cette patrie est ouverte à la terre lors de l'incarnation : le Seigneur prend quelque chose aux anges, mais il leur rend aussi quelque chose ; il a eu recours à eux pour sa mission terrestre ; c'est un ange qui est apparu à Marie, mais ces apparitions et d'autres aussi n'arrivent pas par hasard et sporadiquement : tous les anges sont à la disposition du Fils, et leur accompagnement se manifeste à des moments décisifs. A la résurrection, il y a comme un témoignage de reconnaissance à l'égard des anges ; par l'incarnation, ils ont fait l'expérience d'une extension de leur sphère, ils ont participé plus profondément à l’œuvre du Père, leur existence s'est alors révélée pleine de sens de manière nouvelle ; ils peuvent apparaître, introduire, annoncer des événements et en accompagner d'autres, recevoir pour le Père la parole des humains, le oui de Marie par exemple ; non seulement ils sont anges gardiens depuis la création mais, à partir du Christ, ils le sont dans un sens nouveau. La première qui reçoit un ange gardien chrétien, c'est Marie lors de son oui. Les anges participèrent à la création ; dans l'ancienne Alliance ils eurent à remplir des missions exceptionnelles, ils eurent le droit de dévoiler des mystères du ciel, mais toujours pour une réalisation limitée ici-bas. A partir de Marie par contre, les anges reçoivent des fonctions dans l’œuvre de la rédemption elle-même : ils peuvent faire entrer les humains dans le salut apporté par le Christ. Et parce que Marie est rachetée à l'avance, c'est à partir d'elle que la nouvelle fonction des anges peut être présentée de la manière la plus claire (NB 12,172).

 

61. Les anges : entre Dieu Trinité et le monde des humains

La plupart du temps, on s'imagine les anges comme des êtres totalement achevés, terminés ; mais dans le ciel également, ils vivent entre deux pôles : Dieu Trinité et le monde des humains, qui les appelle et qui vit sous leur protection. Il n'y a ainsi pour les anges, jusque dans leur substance et leur nature les plus profondes, aucune possibilité de se reposer parce qu'ils se trouvent comme au carrefour entre Dieu et le monde, donc au fond là où se trouve le Christ (NB 6,41).

 

62. Les anges : des intermédiaires

Les anges constituent comme une sorte d'atmosphère entre le ciel et la terre, entre l'Esprit Saint absolu et notre condition d'êtres limités. Les anges servent d'intermédiaires entre Dieu et l'homme, entre l'homme et Dieu, et il est impossible d'exclure leurs missions (NB 6,45).

 

63. L’eau : Dieu l’a créée si belle

Dans sa prière, Adrienne pensa à la vie terrestre du Seigneur, à Pierre, à la pêche, au bateau. Pendant sa prière, le lac s'agita ; elle regardait sans autres sentiments que ceux de l'action de grâce envers Dieu qui agitait ainsi cette eau et l'avait créée si belle (NB 10, n. 2102).

 

64. La plénitude de l’eau jaillissante

L’eau du fleuve de l’enfer. Je comprends aujourd'hui que l'eau du fleuve est l'eau non séparée. La deuxième eau non séparée. La première était le chaos avant la création. Elle fut séparée et elle devint l'eau véritable, celle qui jaillit, claire, réjouissante, pure, rafraîchissante, transparente. Dans cette eau, Dieu a créé une image de ce que les hommes devaient chercher à atteindre vis-à-vis de lui. Ils ne devraient pas se laisser pénétrer à contrecœur, mais ils devraient couler devant Dieu purs, ouverts, transparents, fluides, laissant ouvertes toutes les portes, nus, avec une richesse de vie qui se renouvelle continuellement. dans la plénitude que Dieu leur a donnée et qui serait réellement la plénitude de l'eau jaillissante. Dieu voulait faire d'eux des sources pures et, de leur totalité, une mer faite de sources pures. La communauté des hommes aurait été un océan où l'on ne sait plus quelle eau appartient à qui, il aurait fait partie de leur personnalité qu'ils auraient été prêts à être échangés entre eux ; il n'aurait pas fait partie de cet état qu'ils cherchent constamment à s'éliminer, à se distinguer ; ils seraient restés conscients d'eux-mêmes, de leur origine - comme les sources dans la mer - et aussi de leur sécurité en elle comme leur but. Ils n'auraient pas eu le penchant vers l'exclusif, vers l'étude subtile de ce qui me convient et de ce qui ne me convient pas (NB 3,271).

 

65. Dieu a créé pour nous la nourriture avant de nous créer nous-mêmes (NB 4,377).

 

66. Dieu crée les animaux

Au commencement, Dieu crée une paire de chaque espèce d'animaux : poissons, oiseaux ou chevaux, et dans cette paire unique se trouve ce qui est innombrable par la multiplication. C'est ainsi que ce qui est clair se trouve à la disposition du Créateur. Les nombres n'entrent en action qu'après que l'homme a péché. Dans la création originelle, il n'y a pas de multiplicité parce que chaque chose est un tout comme l'unité du Créateur. Certes, dans la multiplication aussi, il y a un souvenir de lui puisque les êtres doivent être créateurs ; il y a là une attente et une espérance puisqu'ils doivent s'efforcer de ne faire à nouveau qu'un tout avec lui. A partir de l'unité du vieil Adam, ils doivent chercher à atteindre l'unité du nouvel Adam qui les rassemblera tous à nouveau dans son unité. Ils se multiplient en dehors du paradis dans un état de péché et pourtant dans l'unité de la parole de Dieu qui les conduit à l'unité du Fils incarné et de Dieu Trinité. C'est très mystérieux (NB 2,21).

 

67. Le Créateur a créé pour l’homme ce qui était bon

Le Créateur a séparé ce qui est perceptible, le jour, de ce qui est impénétrable, la nuit : celui-là était bon, celui-ci n'avait pas de signe, mais il était placé dans ce qui était bon et n'était pas laissé au libre usage de l'homme. Le sommeil d'Adam était inséré dans ce qui était bon dans sa vie et, avant la chute, il n'apparaissait pas comme un problème. Les animaux sur lesquels l'homme devait régner étaient créés pour lui, ils faisaient partie de ce qui était bon ; les plantes suivaient le cycle de la nature et elles n'étaient pas toxiques pour l'homme (NB 6,246).

 

68. Dieu a fait le monde bon

Dieu a fait le monde et il a vu que c'était bon, donc les hommes sont bons (NB 7,89).

 

69. Dieu a vu que le monde était bon

Quand Dieu créa le monde, c'est lui qui a vu qu'il était bon. Les signes de la bonté caractérisant le monde à sauver sont reconnus par la Mère - qui est rachetée à l'avance - comme par les mages. Cela signifie que le Fils trouve un accueil dans le monde tandis qu'Adam ne trouva d'accueil qu'auprès de Dieu (NB 10, n. 2155).

 

70. Dieu donne toujours ce qu’il y a de mieux

Un musicien aveugle mettra au-dessus de tout la merveille des sons et de l'ouïe. Un sourd qui peint d'une façon magnifique vantera les couleurs et les formes : qu'est-ce que Dieu n'a pas créé pour les yeux ! Mais celui qui veut être ouvert au monde de Dieu doit se garder de ce genre de spécialisations. Ce que Dieu donne et la manière dont il le donne est toujours ce qu'il y a de mieux (NB 5,190).

 

71. Quand le Créateur eut achevé son œuvre, il vit qu'elle était très bonne. Et il serait faux de croire que le Fils ne trouve dans sa mère que ce que Dieu lui a donné comme grâce spéciale ; il trouve en elle le bien de l'humain qui, sans résistance, s'adapte à son unité et s'habitue à sa forme d'homme, la nourrit, la rend possible finalement (NB 1/2, 155).

 

72. Le royaume du Père, la bonne création -

En enfer, le Fils considère l'obscurité du Père, il est allé jusqu'à la limite où se termine le royaume du Père, la bonne création ; aucun chemin ne va plus loin, parce qu'il ne reste plus que le démoniaque qui a été repoussé au maximum (NB 3,236).

 

73. Le Père a créé le monde et il a vu qu'il était bon

Quel est au fond le sens de l'amour du Fils pour nous ? Sa source la plus profonde est sa soumission au Père. C'est quand même la clef de tout... Le monde entier se plaint : des guerres terribles, des hommes ont enlevé ma femme, tué mes enfants, partout incroyance, rapacité, pharisaïsme... Le monde est effrayant. Et le Fils va au Père et dit : Père, ton monde est magnifique. Est-ce que le Fils ment en disant cela ? Non, car premièrement il vit dans l'éternité et, deuxièmement il rend au Père le monde de son amour, un monde magnifique. Il lui rend son obéissance absolue. Le Père a créé le monde et il a vu qu'il était bon. Et le Fils rend au Père ce monde qui est bon ; bien qu'il ait fait l'expérience qu'il était noir, il l'apporte blanc (NB 1/2, 216).

 

74. L’aptitude de l'homme à souffrir fait aussi partie de la bonté de la création -

C'est un mystère tout à fait filial que le Fils prenne avec lui quelque chose de la fatigue des siens et ne l'oublie pas au sein de la joie. Par là, il montre aussi au Père sa reconnaissance pour la souffrance qui lui a été donnée, qu'il ne veut pas simplement laisser derrière lui et oublier comme quelque chose de terminé ; l'aptitude de l'homme à souffrir fait aussi partie de la bonté de la création (NB 3,242).

 

75. Dieu a créé un monde magnifique

Le Fils au mont des oliviers, sous les beaux arbres calmes et paisibles : il est dans le domaine du Père, où en tant qu'homme il a aimé s'arrêter ; maintenant il s'agit de prendre congé de toutes ces belles choses et d'entrer dans la pure volonté du Père. Dieu a créé un monde magnifique. Ce n'est pas lui qui s'est détaché, c'est l'homme, et il s'agit maintenant de prendre sur soi ce détachement en se tournant vers le Père de manière définitive, dans le oui d'une obéissance totale. Dans son oui au Père, le Fils doit porter le non des pécheurs (NB 3,345).

 

76. Tout ce qui est créé est quelque chose de magnifique

Dieu crée dans un vaste espace : à l'infini, et en même temps dans l'éternel. Cette ouverture de tout ce qui est créé est quelque chose de magnifique, de rayonnant, de chargé de grâce. Le chaos derrière elle, la créature se dirige vers Dieu. Mais le trait perd son ressort, son oui, sa plénitude. L'homme pèche, entraîne le monde dans son non. Sur la croix, le Sauveur rassemble tout le non en lui pour en faire un trait opposé. Il atteint tout le péché, tout le péché l'atteint. Le péché a pris son origine dans l'homme, maintenant le Fils prend le péché en lui. Partant de la plénitude de la vie, il va avec lui dans la mort. Ainsi, en tant que second Adam, il fait l'expérience du premier dans une direction opposée (NB 3,362-363).

 

77. La création : signe de Dieu

Il ne peut pas y avoir de révélation naturelle de Dieu qui ne serait pas un aspect de sa révélation surnaturelle. On peut considérer la création comme un tout composé d'êtres purement naturels, mais tous, par eux-mêmes, en tant qu'images et signes de Dieu, renvoient au-delà de leur nature. Chaque plante, chaque pierre. Dans quelle mesure l'homme, avec sa raison naturelle, est capable de lire ce langage des signes est une autre question (NB 6,29).

 

78. La création : Dieu vit que c’était très bon

Quand Dieu devint créateur, il se livra à une action qui ne s'arrêta pas avant que fût faite la dernière chose. Les six jours de la création se déroulent d'un trait. Puis au septième jour, il vit que c'était très bon, et ce jugement ne concernait pas seulement les choses créées, mais aussi sa propre action. Il considère justement comme bonne la manière dont il a créé (NB 12,72).

 

79. La beauté de la création 

Réflexions d’Adrienne le 6 décembre 1951. « Quand on se trouve comme moi devant de si belles roses, on pense sans cesse à celui qui les a données. Et là, au mur, le tableau de la mer est si vivant avec son eau, qu'on pense à la Bretagne; on voit devant soi la mer et la création de Dieu tout entière, et il n'est pas difficile de trouver et de chercher Dieu en toutes choses. On n'a pas besoin de se donner du mal pour cette recherche, on est porté vers Dieu, et quand on a trouvé, cela se transforme tout de suite en amour - pour Dieu et pour les hommes - et en prière. La beauté des choses a forcément pour le croyant l'effet de le diriger vers Dieu, de faire sourdre la prière, peut-être les mystères joyeux du rosaire, une méditation de la joie de Dieu en lui-même et en sa création. C'est pour Dieu une joie de savoir qu'il y aura dans son monde une fleur comme cette rose devant moi, qu'elle répandra ce parfum. Comment Dieu ne serait-il pas déjà ivre de joie à l'avance en y pensant ? Et que pourrait-il faire d'autre que de créer l'homme pour que lui aussi ait part à cette joie en ce monde ? On comprend, à partir d'une fleur, que c'était la volonté de Dieu que l'homme aussi soit beau, l'être le plus beau du monde, en son corps et en son âme » (NB 10, n. 2152).

 

80. La joie avec laquelle Dieu a créé le monde 

De même qu'il est possible d'accompagner le Fils dans la souffrance, de même il est possible d'accompagner la joie de l'Esprit. Et la manière dont l'Esprit veut venir, que ce soit pour ma gloire ou pour ma honte, pour m'élever ou pour m'humilier, ce n'est plus un souci pour moi. Tout fait partie de la joie de sa venue parce que tout fait partie de sa venue. Et sa venue ne fait qu'un avec la venue du Père et du Fils, et sa joie est comme un aperçu de la joie de Dieu. Elle est comme une explication de la joie avec laquelle Dieu a créé le monde : pour sa joie, qui est amour ; la joie avec laquelle il a créé aussi le corps afin que, par lui également, nous puissions recevoir l'Esprit (NB 10, n. 2316).

 

81. En créant le monde, Dieu le Père était heureux car il créait une œuvre qui devait trouver constamment son assentiment. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie. Le péché a ruiné la joie et apporté la souffrance. Puis Dieu, par l'ange, a voulu entendre le oui de la Mère et ce oui devait résonner joyeusement parce qu'elle pouvait accomplir la promesse et voir le Messie, et parce que la rédemption et la nouvelle vérité au sujet de Dieu venaient dans le monde (NB 10, n. 2157).

 

82. La manière dont Dieu a créé le monde et l’allégresse spirituelle

Une fois se représenta en l’entendement de saint Ignace, avec une grande allégresse spirituelle, la manière dont Dieu avait créé le monde : il lui semblait voir une chose blanche, d'où sortaient quelques rayons, et avec laquelle Dieu faisait de la lumière. Mais ces choses, il ne savait pas les expliquer (NB 11,92).

 

83. Le côté joyeux et humoristique de Dieu et de sa création (NB 8, n. 701).

 

84. Humour dans la création

Je pensai un instant au beau vase avec les poissons incrustés dans le verre. A tout ce qu'il y a d'humour dans la création (NB 10, n. 2058).

 

85. Il faut de l’humour pour créer

(Adrienne a 25 ans. Pour la première fois, Adrienne peut aller en vacances : à San Bernardino, dans la montagne). Ce matin, j'ai été me promener. Des promenades intéressantes. On doit constamment sauter par-dessus des ruisseaux. Et pour la première fois de ma vie, j'ai vu des marmottes. Ça m'a aussi donné des pensées amusantes au sujet du Bon Dieu. Il est justement là aussi auprès des bêtes que personne ne voit. Et tout d'un coup arrive quelqu'un et il les voit. Ce sont des bêtes pleines d'humour. Et il faut aussi de l'humour pour les créer (NB 7,206).

 

86. Pourquoi la création ?

Dieu le Père trouve si infiniment parfaites ses relations au Fils et à l'Esprit et les relations du Fils et de l'Esprit que, pour en exprimer quelque chose, il crée l'univers (NB 6,90).

 

87. Par l’œuvre de la création déjà, l'homme est invité à regarder vers Dieu ; ce que Dieu requiert de lui est un absolu, par son orientation vers Dieu en pensée et en acte (NB 2,198).
 

88. Dieu a créé le monde pour révéler sa sainteté et il y a placé l'homme pour qu'il ait part à cette sainteté des manières les plus diverses. Il lui a fait connaître sa sainteté pour qu'il apprenne qui est Dieu ; mais il ne l'a pas fait voir de loin seulement, il l'a fait voir aussi dans la proximité de la communication, en l'invitant à collaborer. L'invitation elle-même est déjà une grâce offerte. L'être humain peut grandir dans la grâce de la sainteté parce que Dieu lui donne sa sainteté de telle sorte qu'elle l'atteigne réellement. C'est ainsi que l'homme est en même temps témoin et associé. Mais plus il témoigne en déclarant qu'il rend témoignage et en reconnaissant ce qu'il a perçu, plus ce dont il témoigne est aussi en lui. L'homme qui n'est pas saint, qui n'est pas croyant, ne perçoit pas. Il se détourne, il est aveugle pour la sainteté de Dieu parce qu'il ne sent pas qu'il a été atteint par la grâce, peut-être aussi parce qu'il ne veut pas le savoir et il étouffe ainsi la semence de la connaissance. Bien qu'il soit une créature de Dieu, il reste en dehors de la sainteté. Mais la sainteté de Dieu est si puissante qu'elle passe au-dessus des incroyants et remplit tout l'espace de la création si bien que les témoignages objectifs de la sainteté divine sont présents en dépit des incroyants et sont visibles pour celui qui est ouvert et de bonne volonté. Visibles même dans celui qui n'est pas saint, car le croyant sait que celui-ci aussi est une créature de Dieu et le reste, qu'il est dans le oui de Dieu à sa création, un oui qui couvre le non de l'homme (NB 2,33-34).

 

89. Dieu cré le monde comme un lieu pour l’homme et aussi pour Dieu lui-même

Quand Dieu créa le monde, il fit pour l'homme un lieu qui devait être en même temps un lieu pour Dieu lui-même. Dieu se promène dans le paradis où vit Adam. Dieu a créé le monde à partir du chaos et l'a établi dans une proximité intime avec lui ; il y a l'instant où le monde arrive à l'existence, et Dieu peut se reposer en lui. Le lieu de Dieu est aussi bien le ciel éternel que la terre temporelle qui vient de naître (NB 6,50).

 

90. L’espérance du Père lors de la création (NB 4,108).

 

3. Adam et Eve

 

(Plan : 1. Adam2. Eve 3. Les sexes 4. Parents et enfants 5. Les maîtres de la création6. Relations d’Adam et Eve avec Dieu7. Le prochain)

 

1. Adam

 

91. Le deuxième Adam est avant le premier (NB 12,45).

 

92. Il n’a pas été demandé au premier homme s’il voulait être créé

Le premier homme fut placé dans l'existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s'éloignant de lui ; il ne lui a pas été demandé s'il voulait être créé, il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître. Le Fils de Dieu s'humilie encore plus profondément par le fait qu'il n'apparaît pas à l'état d'adulte mais qu'il est conçu, porté, mis au monde : il offre ce temps de sa minorité au Père qui doit voir en lui que l'enfance et la croissance d'un être humain correspondent parfaitement aussi à la volonté du Créateur. Il grandit entre sa mère et son père nourricier, mais il grandit aussi d'emblée en direction du Père divin pour le louer dès son plus jeune âge, pour tendre vers lui ses bras dès son premier mouvement (NB 10, n. 2155).

 

93. La création du Père se produit sans que la question soit posée aux créatures (NB 12,21).

 

94. Création d’Adam

On ne peut pas dire que le premier Adam a été créé d'après le modèle du deuxième Adam crucifié et mesuré sur la croix. Mais sans doute Dieu le Père a-t-il mesuré au Fils éternel l'homme qu'il voulait créer. Le Père est l'original, l'homme est l'image, le Fils est le modèle pour le Père quand il a créé l'homme (NB 6,52).

 

95. L'ordre de la création fait de l'être humain ici-bas un être doté d'un corps et d'une âme (NB 5,24).

 

96. Adam a reçu de Dieu un corps

Dieu donne un corps à Adam : un instrument qui réagit à tout ce que Dieu lui demande, un corps qui ne se réfugie pas toujours dans le spirituel, mais qui perçoit aussi en lui l'instruction que Dieu lui donne (NB 6,249).

 

97. Par le corps, Adam peut percevoir la beauté de la création divine

Avant le péché, Adam n'avait guère la connaissance des instincts, après le péché il en a une connaissance faussée. Le Christ a une connaissance des instincts orientée vers le Père : tout le corporel est pour lui instrument de l'amour qui peut toujours être déterminé pour le Père et par le Père. Par le corps, Adam peut percevoir la beauté de la création divine ; par l'humiliation et la souffrance de son corps, le Fils peut percevoir et représenter l'amour et la justice du Père (NB 6,469-470).

 

98. Le corps d’Adam

Le Seigneur a emprunté son corps à Adam. La fécondité du corps d'Adam avant la chute ne se trouvait pas seulement en lui ; elle se trouvait aussi dans tout ce que le Père avait créé pour lui : dans les plantes et les fruits et les animaux, tout provenait de la même puissance créatrice du Père et était à la disposition de l'homme. Par la foi, il avait part à cette fécondité du Créateur. Vue de la sorte, la fécondité particulière de l'homme qu'est sa sexualité et son résultat, l'homme individuel, apparaissent comme un résultat de sa chute (NB 6,250).

 

99. L'homme est fait d'argile et d'esprit. Sans l'esprit, nous sommes à nouveau argile, cendre, glaise (NB 4,39).

 

100. Dieu prend de la glaise pour pétrir l'homme, l'homme reçoit de la force, mais Dieu n'en est pas affaibli pour autant (NB 10, n. 2115).

 

101. Création d’Adam à partir de la glaise

Il y eut la création d'Adam à partir de la glaise de la terre ; quand, à partir de ce "presque rien", Dieu créa le corps et lui insuffla une âme, il ne perdit rien en soufflant, il resta le même et il avait mis devant lui un homme vivant (NB 12,181).

 

102. Dieu crée l’âme

Dieu s'est réservé depuis toujours de créer l'âme de l'enfant engendré. Sans le péché, il y aurait toujours eu simultanéité entre la volonté d'engendrer des parents et la volonté de création de l'âme par Dieu. Les humains auraient su que Dieu crée en même temps. Dieu n'est certes pas touché par le péché, le péché ne porte pas atteinte à sa joie de Créateur, c'est-à-dire qu'il n'a pas besoin de créer dans l'incertitude. Mais Dieu crée l'âme et lui donne en même temps un corps qui provient d'un acte humain de procréation. La simultanéité est enrichie maintenant du fait que Dieu permet aux hommes d'engendrer un corps quand lui crée une âme. La relation dans l'engendrement est maintenant différente (NB 6,56-57).

 

103. La joie de Dieu quand il crée les âmes

Les âmes ne peuvent pas être semblables entre elles parce que Dieu le Père, le Fils et l'Esprit sont différents, bien que possédant la même nature. Dès le commencement, Dieu a trouvé sa joie dans la différence et, en créant les âmes spirituelles, il pouvait exprimer de nouveau cette joie (NB 6,58).

 

104. Dieu crée le monde, puis Adam

En créant le monde, Dieu a commencé à installer devant lui des êtres limités, achevés, comme le fait un artiste. Puis il créa Adam, et celui-ci se trouva dans un monde où il découvrit du plus grand et du plus petit que lui. Il pouvait prendre en main des fleurs et des pierres et, de ce fait, ressentir un sentiment de supériorité vis-à-vis d'un objet qui était à la portée de sa main. Il avait sans doute aussi un sentiment semblable vis-à-vis des petits animaux. Il voyait aussi des chemins, le chemin d'un petit animal, il pouvait le suivre. En comparant son pas à celui de ces animaux, par rapport à l'un, son pas était plus rapide, pour un autre il ne pouvait pas le suivre. Il y avait aussi les oiseaux ; quand il les avait en mains, c'était de petites bêtes ; quand il les libérait, ils étaient capables de faire soudain ce dont il était incapable. Il voyait couler le ruisseau et il pouvait courir à côté de lui ; tantôt le ruisseau coulait plus rapidement que lui et tantôt plus lentement. En saisissant partout des proportions différentes, Adam pouvait les référer à lui et, par comparaison, se faire la mesure des choses. Et comme le temps changeait selon un certain rythme, il pouvait aussi distinguer les jours et les nuits (NB 6,48-49).

 

105. Adam est créé à l’image de Dieu (NB 4,110).

 

106. Adam avant la venue d’Eve

Avant la création d’Ève, Adam aussi était d’une certaine manière aussi bien l’un que l’autre. Physiquement certes c’était un homme, mais spirituellement il était en quelque sorte les deux. La conscience de sa masculinité ne s’éveille que lorsque la femme est mise en face de lui, quand il prend conscience - sans aucune convoitise encore - de ce que produit cette confrontation. Auparavant Adam était simplement un être humain (NB 9, n. 1969).

 

107. Innocence d’Adam

Adam qui vient de sortir des mains de Dieu, est dans un état d'appartenance à Dieu et d'innocence, il n'a pas d'idées préconçues, et cet état lui permet de voir Dieu dans le paradis ; sa connaissance est sans idées préconçues : elle est celle qu'il a présentement ; les questions qui en résultent ne proviennent pas de réflexions et de cogitations humaines, mais du fait qu'il appartient à Dieu, qu'il est docile vis-à-vis de Dieu. Sans doute est-il mis dans le monde, mais il se trouve là où il doit être et il apprend de Dieu ce qu'il doit apprendre. Il n'y a pas de réelle confrontation. Adam se trouve dans le prolongement du bras de Dieu, il ne fait qu'un avec lui, ce qui ne permet pas le jeu des questions et des réponses ; la réponse est là avant que la question soit posée, et Adam a le temps, il a même le loisir de la recevoir en lui, non pour l'étudier peut-être, mais pour examiner, en y acquiesçant, ce qu'elle implique depuis toujours, ce qui la complète. Pour lui, les mots ne sont pas destinés à séparer comme le font les pécheurs. Ils n'ont pas de limites ; l'un après l'autre, ils vont d'intelligence en intelligence, dans l'obéissance, dans la simplicité, dans une unité indéfectible. Pour Adam, il n'y avait pas de distance entre lui et Dieu, il n’y avait pas le mystère d'une sphère réservée. Ce que Dieu apprenait à Adam était toujours adéquat, il n'y avait pour lui ni recherche, ni efforts (NB 5,31).

 

108. L'homme, sommet de la création (NB 3,62).

 

109. Adam devant le Père pour la première fois

Il y eut l'instant où Dieu le Père vit l'homme devant lui pour la première fois : Adam qu'il avait créé, sous la forme humaine qu'il voulait lui donner et qui correspondait à sa pensée. Parce que Adam était sorti entièrement de la volonté créatrice de Dieu, la relation était claire d'emblée. Dieu le portait dans son dessein avant qu'il sortît, et maintenant qu'il était devenu pour Dieu un toi véritable, il est tel que Dieu l'avait imaginé (NB 6,194).

 

110. Dieu se tenait devant Adam adulte ; celui-ci était conscient, il pouvait se souvenir et il n’oubliait à aucun moment ce que Dieu lui avait dit, ni non plus quand il enfreignit son commandement (NB 9, n. 1588).

 

111. Adam pouvait voir Dieu quand Dieu se montrait

Le Fils peut voir Dieu toutes les fois qu'il lève les yeux vers lui. Le saint voit Dieu quand Dieu se montre à lui et quand il lève les yeux vers Dieu. Ce qui est premier pour lui est que Dieu veuille se montrer à lui, c'est la possibilité primitive, celle d'Adam. La seconde vient si on suit le Fils, c'est la possibilité du Fils ; elle demeure seconde bien qu'elle soit première en dignité. Par le Fils, le saint apprendra à se laisser reconduire à la possibilité d'Adam, mais en même temps il verra dans le Fils la discrétion de la juste distance (NB 6,200).

 

112. Dieu crée Adam et lui donne de son Esprit

Dieu le Père crée Adam directement et lui donne de son Esprit par la même occasion. En Adam, l’Esprit assumait l'échange entre la créature fragile et la divinité. Adam fut fait image du Père créateur (NB 6,438).

 

113. Adam pouvait percevoir la voix de Dieu

Quand le Fils, en tant que second Adam, apporte définitivement l'Esprit, sa venue était déjà quand même esquissée et commencée dans le premier Adam. Celui-ci avait tant d'Esprit qu'il pouvait reconnaître Dieu comme Esprit ou, ce qui revient au même, percevoir la voix de Dieu (NB 4,182).

 

114. Adam avec Dieu avant le péché

Pour Adam avant le péché, la relation à Dieu le Père était quelque chose de tout à fait évident, même si ce n'était pas formulé. Bien qu'il y eût dans cette relation beaucoup de surnaturel, Adam, qui avait encore le don de discernement, devait néanmoins la considérer comme quelque chose de "naturel", de donné, comme faisant partie de son existence telle que Dieu la voulait. Que Dieu se promène dans le paradis quand et comme il lui plaît ne faisait aucun problème pour Adam qui était tout à la fois rempli d'attente et sans attente. Rempli d'attente, parce que l'homme sans péché était toujours heureux de rencontrer Dieu à nouveau, et cependant il ne prétendait pas avoir droit à une nouvelle rencontre du fait d'une rencontre précédente. Sans attente, parce que tout ce qui était, tel que c'était, était bon et que l'homme ne portait pas de jugement sur la proximité ou l'éloignement de Dieu. Entre temps Adam s'occupait de choses qui faisaient partie de la bonne création de Dieu, avec des pensées qui ne l'éloignaient pas de Dieu. Si bien que les allées et venues de Dieu prenaient dans la vie d'Adam une place "naturelle". Avec le péché d'Adam, ce naturel prit fin (NB 6,186-187).

 

115. Adam devant Dieu -

Quand Adam est créé, il reçoit de Dieu son corps et, dans ce corps, il n'y a rien qui l'empêche d'aller vers Dieu. Sa chair n'est pas opaque à Dieu, il n'y a pas non plus en elle de mise en garde. Adam ne se sentira pas à l'étroit du fait de son humanité. Il est doté de tout ce que Dieu lui fait connaître, de la manière dont Dieu veut être connu par l'homme. Un corps qui n'est pas un empêchement n'est pas non plus un problème, il est ce qui est totalement simple en tant qu'il est tout entier le don du Père créateur. En regardant en arrière, Adam se voit toujours tenu par Dieu et, quand son esprit se tourne vers l'avant, il cherche aussi Dieu du regard en comprenant Dieu comme celui-ci se révèle à lui. Avec son corps, il se trouve sur une ligne qui va de Dieu à Dieu. Avoir un corps et percevoir Dieu sont en harmonie (NB 12,169).

 

116. Quand Adam rencontre Dieu : le fini et l’infini

Quand, au paradis, Adam rencontrait Dieu et parlait avec lui, il savait qu'il se trouvait en présence de l'infini, de la démesure, comme un être créé devant son Créateur. Mais la différence infinie entre le monde de Dieu et le monde créé n'était pas pour lui une question inquiétante, il ne ressentait pas du tout la distance comme un abîme infranchissable. Mesurer et juger les distances et les changements et le cours du temps de ce monde étaient alors faciles pour lui. Partout dans les choses créées et dans leurs mesures, il y avait des points de départ, des passages, des choses comparables entre le créé et le non-créé, le fini et l'infini. Il y avait là, chaque jour, une pierre, immuable, elle ne se couvrait pas de mousse, elle n'était pas usée par l'eau, on ne pouvait voir en elle aucune trace du temps : qu'elle soit aussi inaltérable et aussi inattaquable pouvait lui donner une idée de la vie éternelle que rien d'éphémère n'altère. Adam cependant ne pouvait pas savoir ce qu'il adviendrait de cette pierre au cours des années par l'effet des conditions atmosphériques ou d'autres hasards ; peut-être que la petite mesure de temps qu'il s'appliquait à lui-même n'était pas du tout justifiée pour la durée et en quelque sorte pour la "vie" d'une pierre, si bien qu'il devait se poser la question de savoir si son critère pour connaître les choses était finalement adéquat (NB 6,49).

 

117. Lors de la création Dieu ne désire qu’une chose : que l’être humain soit en lui pour qu’il trouve la réponse à toutes choses

Au début de sa création, Dieu ne désire qu'une chose, c'est qu'on soit de la manière dont il le veut ; toute réflexion, toute question, toute certitude doivent simplement être mises de côté en lui et il suffit d'être en lui pour trouver la réponse. Si nous avions répondu à ce désir de Dieu, nous aurions pu poser beaucoup de questions, et les questions auraient toujours été justes ; nous ne serions jamais sortis de nos problèmes avec de fausses hypothèses parce que Dieu lui-même aurait été le point de départ et, avec nos questions, nous aurions eu aussi la paix et la certitude que Dieu lui-même nous aurait données. Si nous supposons que Dieu fait toujours ce qui est juste, nous pouvons trouver beaucoup plus facilement les réponses à nos questions. Mais comme maintenant nous sommes pécheurs, nous posons des questions avec beaucoup d'incertitude parce que nous ne savons plus si le lieu d'où nous posons la question est le juste lieu. Avant la chute, la "philosophie" et la "théologie" aurait été élaborées d'une tout autre manière, car elles seraient parties de la juste manière de poser les questions (NB 6,35-36).

 

118. Dieu a créé toutes choses, y compris l’homme, en vue du Fils

Selon le récit de l’Écriture, Dieu le Père a créé le monde en sept jours : le récit montre son activité créatrice et comment, jour après jour, le monde se développe par son action et lui doit sa réalisation ; en dernier lieu, il place l'homme au-dessus de tout le créé comme souverain, mais de telle sorte qu'il demeure subordonné à Dieu dans l'obéissance. D'autre part nous apprenons que Dieu a créé toutes choses, y compris l'homme, en vue du Fils ; les deux dispositions ne se gênent pas mutuellement, elles s'adaptent l'une à l'autre. En devenant homme, le Fils réalise cette unité de manière nouvelle parce que l'homme est devenu désobéissant et qu'il a détruit l'unité première. Le Fils crée l'unité en lui-même ; en son corps, en sa mort et en sa résurrection, il va rechercher fondamentalement le monde pour le ramener à Dieu. Et pour expliquer aux hommes l'unité créée, il crée l’Église avec son organisation terrestre visible mais aussi avec son unité tournée vers le Fils : elle est l'épouse, elle vit du contact vivant permanent avec lui, dans le fait que sans cesse le Seigneur et son épouse se trouvent mutuellement. Il est ainsi impossible d'établir une exacte distinction entre l'amour divin et ecclésial qui les unit. Tout ce qui, dans l’Église, est unité visible a pour but cette unité. Mais l’Église elle-même, comme il a été dit, est l'expression de l'unité globale du monde avec Dieu retrouvée par le Fils. Non plus dans la phase de la création, mais dans la phase de la rédemption (NB 10, n. 2292).

 

119. Dieu a créé la nature de l’homme comme un témoin de sa surnature

Très souvent on a le sentiment que le corps est là pour donner une forme durable aux bouleversements de l'âme. L'impulsion que reçoit l'âme se grave en elle par les souffrances du corps. Et ce qui vaut pour le corps vaut équivalemment pour le domaine naturel tout entier : c'est comme si Dieu avait créé la nature de l'homme pour avoir un témoin naturel de sa surnature, un destinataire des coups de sa grâce (NB 6,35).

 

120. Dieu a inséré en l’homme quelque chose d’infini

Dieu a créé l'homme beau dans les limites de sa forme, mais en elle est inséré quelque chose de la vie infinie : la fécondité humaine. La forme limitée porte en elle une puissance virile infinie de même que ce n'est aussi qu'à partir de l'infini des spermatozoïdes qu'elle parvient peu à peu à sa forme finie (NB 12,147).

 

121. Adam est mis sur le chemin de l’infini

Les êtres de la nature qui sont limités, finis, complets, ont été créés pour l'homme afin que, dans sa finitude, il connaisse et ait à sa disposition d'autres êtres limités. Mais par le rapport des choses à lui-même et par son propre rapport aux choses et à leurs mesures, qui sont autres et autonomes, Adam est mis, au-delà de lui-même, sur le chemin de l'infini. Pour lui, la pierre est au moins une image de ce qui est en repos, l'occasion de se faire, au sujet des choses, des pensées et des idées qui dépassent son monde humain et son imagination. Et ainsi, dans sa conversation avec Dieu, Adam peut dire des choses qui dépassent sa pensée mais, tout en étant dépassé par Dieu, il peut malgré tout garder avec lui une certaine intimité, et une partie de la foi y trouve son fondement. Adam croit comme quelqu'un qui est dépassé par la nature et la surnature. Les limites assignées à sa pensée ne sont pas du tout pour lui occasion d'angoisse et de doute parce que ce qui le dépasse absolument, c'est Dieu, qui le rencontre vraiment, qui lui fait bon accueil, qui le garde et se soucie de lui. Ce qu'il ne peut pas faire lui-même, Dieu le peut. Et ainsi en pensant à ce qui est fini et changeant comme en pensant à ce qui demeure et est immuable, la foi en Dieu devient pour lui ce qui sert de norme. Et dans la suite des jours il apprend à connaître l'éternité de Dieu qui accompagne et réalise tout changement. Du fait que Dieu lui fasse bon accueil, les deux choses - ce qui est changeant et ce qui est immuable - reçoivent leur sens. L'homme limité, qui vit dans ce qui est limité, est cependant créé par Dieu, devant Dieu, pour Dieu, et tout le fini est pour lui occasion et préparation de relations avec Dieu. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné, il est placé par Dieu dans un monde qu'il a créé (NB 6,49-50).

 

122. L’être humain participe à la démesure de Dieu

L'être humain ne peut pas se dilater aux dimensions de Dieu, mais pourtant, dans sa condition de créature, il participe très réellement (dans sa fonction de procréation) à la démesure de Dieu (NB 12,174).

 

2. Ève

 

123. Adam solitaire pour Dieu avant la venue d’Ève

Ève est créée après Adam ; d’où l’on voit qu’il y aussi une mission qui est solitaire pour Dieu, de même qu’Adam au début était solitaire pour Dieu. Certes Adam était dans la plénitude du paradis et il ne savait pas qu’il était encore inachevé. Il ne savait pas ce qui l’attendait ; Ève était encore trop dans l’ombre. Ainsi Dieu peut placer quelqu’un en un endroit solitaire et il serait tout à fait faux que celui qui se trouve dans cette situation et qui se sent envoyé, se mette à parcourir le monde pour chercher son complément. Chacun a à recevoir de Dieu ce que Dieu lui donne (NB 9, n. 1993).

 

124. Ève a servi de médiatrice au fond à Adam pour le genre humain ; sans elle, il serait resté seul (NB 9, n. 1714).

 

125. Homme et femme

Au paradis, le premier fruit de l'homme, ce fut la femme. C'est la première phase qui suffit aussi longtemps que le péché n'est pas commis, aussi longtemps qu'aucun égoïsme ne se fait jour (NB 12,149).

 

126. Adam a Ève en lui

En Adam qui a Ève en lui, Dieu a devant lui une créature qui laisse sa volonté se reposer en lui. En scindant en deux le premier homme, Dieu a devant lui des créatures qui reçoivent en eux sa volonté et la traduisent humainement, la façonnent en quelque sorte. Dans le premier cas, il y a là une pièce d'étoffe, dans le deuxième cas l'étoffe est transformée en vêtement. Cela vaut du caractère des sexes en général non des différents états du sexuel : l'acte sexuel, la grossesse, etc. Il n'est pas dit non plus qu'Ève a été créée pour devenir enceinte (NB 10, n. 2255).

 

127. Adam avait Eve en lui avant que le Père la crée

Le Fils est qualifié de second Adam, Marie de seconde Ève. Mais il y a un point où le second Adam a en lui la seconde Ève, où même il est davantage la seconde Ève que Marie elle-même. Par la suite il laisse à sa mère le rôle de seconde Ève. On pense trop peu au fait que le premier Adam a d'abord eu Ève en lui avant que Dieu le Père la créa de sa côte. Que vis-à-vis de Dieu il était donc en quelque sorte asexué : un homme avec la femme en lui. Et quand le Créateur établit la différence, ce fut plus dans le dessein de la voir réalisée pour lui, Dieu, que pour les deux dans leurs relations l'un avec l'autre (NB 10, n. 2255).

 

128. Eve formée de la côte d’Adam -

Ève fut formée de la côte d’Adam. La fécondité humaine a commencé là. Dieu a créé la femme de la côte d’Adam. Dieu aurait pu aussi créer la femme de multiples façons pour en tirer des fruits. C’est pendant le sommeil d’Adam qu’Ève fut formée à partir de sa côte (NB 9, n. 1680).

 

129. Dieu crée Adam puis Eve

Il y a des choses dont le commencement a lieu à un moment tout à fait précis en Dieu et qu'il ne cesse pas de faire. Il a créé le monde à un moment de ce genre et l'âme pareillement. Il crée à un rythme qui lui est propre. Il en fut ainsi dès le commencement : il créa le corps d'Adam et, au même instant, son âme bien qu'il l'ait créé adulte. Ève également , il l'a créée adulte, mais à partir d'Adam et, à partir des deux, les autres hommes : il voulait partager avec eux sa joie de Créateur. Déjà avec Adam seul, puis avec le premier couple (NB 6,56).

 

130. Dieu crée Adam, puis Eve

Dieu a d'abord créé Adam, puis Ève à partir de la côte d'Adam : la formation de la femme a donc dépendu de l'existence de l'homme, d'emblée elle a eu part à sa nature (NB 12,78).

 

131. Le Père crée le monde, puis Adam, puis Ève

Le Père a créé le monde et il a placé Adam dans le paradis. Il ne l'a pas abandonné, mais il l'a gardé dans une relation sans problèmes entre Créateur et créature. Le Créateur était là dans son existence, mais l'existence d'Adam aussi était réelle. Puis Dieu créa Ève à partir d'Adam et il la dota d'emblée d'une orientation. Cette orientation était double : spirituelle vers l'homme, car Dieu lui a donné Ève comme compagne, mais en même temps une orientation concrète, physique, qui l'éloigne de l'homme, car Ève est créé de lui (NB 4,351).

 

132. Homme ou femme : le choix de Dieu

A l'intérieur du choix de Dieu pour nous se trouvent les sexes : lui-même a choisi irrévocablement pour l'être humain qu'il soit homme ou femme. Naturellement il a choisi pour Adam le non-péché et ce n'est qu'Adam qui a ajouté l'alternative péché – non-péché : un choix dans un sens impropre seulement (NB 3,190).

 

133. Pour la créature, être homme ou femme, est un choix qui est fait par Dieu seul (NB 3,192).

 

134. L'être humain est créé homme et femme (NB 5,20).

 

135. Le Créateur a destiné l'être humain à être homme ou femme et, quand un être humain surgit, la décision pour lui est prise (NB 2,186).

 

136. Adam et Ève

Dieu a confié la terre à Adam pour qu'il la cultive, et tous les animaux pour qu'il règne sur eux. La femme, Ève, est comme une incarnation du monde qui lui a été remis. Naturellement elle lui est égale en tant qu'elle est une personne qui appartient directement à Dieu. Cependant, en tant que femme, elle est aussi le champ de l'homme, qu'il doit façonner et cultiver et féconder. Ce travail du sol doit conduire l'homme à Dieu, et il doit se reconnaître dans ce sol (dont il a été pris) comme dans son image (NB 12,147).

 

137. Adam reçoit Eve pour comprendre l’amour

Quand Adam se trouvait seul face à Dieu, il ne pouvait pas comprendre ce qu'était l'amour. Ainsi Ève lui fut-elle donnée à son côté, l'amour mutuel prend alors naissance et par là devint vivant en l'homme cet Esprit qui procède du Père et du Fils (NB 4,183).

 

138. Quelle que soit la manière dont l'acte sexuel était prévu au paradis, Adam avait besoin d'Ève pour se révéler lui-même en tant qu'homme (NB 12,33).

 

139. Adam et Eve : l’amour est créé par Dieu

L'amour n'est en rien étranger à Dieu mais, en tant qu'image de la vie divine, il est quelque chose qui est créé par Dieu et même quelque chose qui lui appartient (NB 12,36).

 

140. Dieu a fait à chacun le plus grand cadeau qui lui était destiné en le créant homme ou femme (NB 10, n. 2107).

 

141. Ève, la mère des vivants

Dans le plan de la création de Dieu, il était établi qu'Ève devait être la "mère des vivants". Cette décision était bien établie avant même la chute d'Ève. Elle ne fut pas non plus annulée du fait qu'Ève par elle-même ne fut plus capable que de donner une vie terrestre, non une vie céleste. Lors de la création, Dieu ne pouvait pas inclure dans ses plans une réassurance contre des fautes et des dommages éventuels causés par le péché d'Ève ; ce qu'il pouvait lui donner de mieux en fait de grâce était ces relations avec son mari et avec Dieu et cette faculté de transmettre la vie (NB 1/2, 160).

 

142. La place d’Ève dans le plan de Dieu

Ève aurait eu la mission de transmettre à Adam quelque chose de la vie trinitaire de Dieu. Dieu est toujours communion d'amour et de vie. Non seulement Dieu possède tout, il transmet aussi tout ce qu'il est et tout ce qu'il a : Dieu donne Dieu. Ève fut donc créée pour révéler à Adam quelque chose de l'amour et de la vie de Dieu. Elle devait servir à la réalisation de ses désirs, à satisfaire ses attentes, à donner tout son poids à son être d'homme, en étant avec lui une créature, issue de lui et le connaissant donc dès l'origine, dans une sorte de parallèle inversé à la manière dont Marie connaîtra son Fils qui est issu d'elle. Ce qu'Ève aurait eu à transmettre n'aurait pas été seulement ce qui lui appartenait, mais toujours ce qui vient de Dieu, car tout se serait passé dans la pureté de la foi et dans la pleine ouverture et dans l'échange avec Dieu (NB 1/2, 156).

 

143. Dieu crée le premier être humain, puis le deuxième

Dieu a créé un monde dans lequel il a séparé le ciel et la terre, le jour et la nuit, il a créé les animaux par paires, de lui il a créé le premier être humain et le deuxième, et il leur a donné la mission de se multiplier et de peupler la terre. Cette mission a fait passer du singulier au multiple, elle a fait sortir une multitude qui semblait aller vers l'infini. Mais l'être humain a besoin de s'y retrouver dans l'infini, de mettre des normes, des bornes, des mesures, qui permettent à nouveau de compter. Dans la vision apocalyptique, Dieu se sert de ce besoin de mesurer pour offrir des accès à ce qui est véritablement infini dans l’éternité (NB 2,202-203).

 

144. Adam et Eve se possédaient l’un l’autre

Adam et Ève étaient nus et ils se possédaient l'un l'autre dans la nudité. Ils se possédaient l'un l'autre comme, en Dieu, le Père et le Fils se possèdent. Dans la totale intimité qui ne supprime pas les personnes. Dans une unité qui inclut les aspects multiples de l'amour. Ils étaient créés pour se réjouir constamment l'un de l'autre. Leur corporéité était l'instrument parfait qui exprimait l'entente de leurs personnes. Mais l'homme fut là le premier, et la femme est ravie de cette préséance de l'homme de même que le Fils est ravi de la préséance du Père dans l'égalité substantielle de leur nature (NB 12,159).

 

145. Eve ne peut pas satisfaire pleinement Adam

Adam est le symbole du monde ; pour satisfaire le désir d'Adam, Dieu lui donne la femme. Dès avant le péché, Adam a donc un souhait, il a en lui quelque chose de bon qui demande à être exaucé. C'est en quelque sorte un signe : Dieu qui rencontre Adam au paradis lui a montré sa relation à l'Esprit qui planait au-dessus des eaux, il ne lui a pas montré sa relation au Fils. A la place de celle-ci, il lui montre Ève, mais Ève ne peut pas le satisfaire pleinement ; elle montre que l'amour à deux seulement est impossible et n'a pas d'avenir. En étant seul avec Dieu, Adam garde en lui un désir inassouvi, il devait pouvoir connaître aussi l'amour entre humains. Adam n'avait pas le droit de voir accompli en lui seul le sens de la création. Entre humains non plus l'amour ne satisfait pas totalement (NB 6,90-91).

 

146. Dieu crée le monde, puis Adam et la femme et l’enfant

Le monde est créé, la lumière est séparée des ténèbres, les plantes et les animaux surgissent. Tous les préparatifs sont faits pour qu'Adam puisse paraître. Adam n'est pas encore là, mais le monde est créé pour qu'il vienne. L'existence d'Adam est en quelque sorte préfigurée dans la création. Dieu le Père est d'humeur créatrice, il crée le monde et, dans sa joie de père, il sait qu'il va bientôt créer l'homme, que dans un instant il va se trouver devant son premier homme, qu'il crée à son image. Et avec le Père, il y a le Fils et l'Esprit. Le Père attend, le Fils attend, l'Esprit attend la création de l'homme afin que le Père se réjouisse de son image et que, dans la triade de l'homme, de la femme et de l'enfant, se reflète la Trinité de Dieu. Dieu crée dans la plénitude de son être divin et de la joie divine afin que surgissent un être terrestre et une plénitude terrestre. Adam n'est pas encore là. C'est la joie anticipée de Dieu (NB 4,355).

 

147. Dieu a créé l'être humain homme et femme : ce et a une grande importance (NB 12,58-59).

 

148. Dieu a créé Adam et Eve dans l’amour

En créant Adam et Eve l'un pour l'autre, Dieu les créa dans l'amour et par amour, il leur donna l'unité. Leur nudité et leur amour ne faisaient qu'un, ils se tenaient devant Dieu dans leur nudité comme la créature doit toujours l'être devant Dieu (NB 12,151).

 

149. Création de l’homme et de la femme : c’est bon pour ce monde

"Dieu vit que cela était bon": la création de l'homme et de la femme. Bon pour ce monde. Mais pour le ciel, ce qui est bon est différent, car là on ne cherche pas à se marier et on n'est pas pris en mariage. Là on est frère et sœur, d'autant plus naturellement que pour tel ou tel il en était déjà ainsi en ce monde (NB 10, n. 2125).

 

3. Les sexes

 

150. Il était sérieux pour Dieu de créer les sexes

Toute la relation des sexes dans le temps qui s'étend entre le paradis et la rédemption est en relation avec cette rédemption. Les hommes rendent les femmes fécondes pour que finalement la Parole devienne chair et que l’Église naisse de la Parole devenue chair. C'est ainsi que, du Christ en tant que but, il retombe une lumière non seulement sur l'ancienne Alliance qui, avec chaque prophétie, projetait une lumière à l'avance, mais aussi sur la création : il apparaît combien il était sérieux pour Dieu de créer les sexes. L'état des sexes au paradis et après le paradis reçoit son sens plénier par l'arrivée du Christ (NB 12,155).

 

151. Dieu a créé les sexes et le corps tout entier

Dieu a créé les sexes. Le corps tout entier est créé par Dieu, y compris dans ce qu'il a de plus intime, y compris dans ce qui en lui est humiliant (NB 12,11).

 

152. Force du Créateur et puissance sexuelle de l’homme

Quand l’homme manifeste sa puissance sexuelle, il ne montre pas sa force à lui, mais celle de Dieu, le Créateur qui l'a créé si vigoureux (NB 12,31).

 

4. Parents et enfants

 

153. Dans le mariage, l’être humain est associé intimement à l’acte créateur de Dieu

En s'unissant sexuellement à son mari, la femme ne s'est pas seulement approchée de lui physiquement, elle s'en est approchée aussi spirituellement ; si le mariage est vécu dans la foi comme il se doit, elle le connaît aussi dans l'intimité de son âme, et cette connaissance est réciproque. Par là elle comprend aussi la mission sainte que l'homme a accomplie en lui donnant un enfant : celui qui donne vraiment, c'est Dieu ; il donne l'âme immortelle, mais l'homme est intimement associé à cet acte créateur de Dieu (NB 12,199).

 

154. Dieu crée le premier couple. Force créatrice de l’éros : l’homme participe à la fonction créatrice du Père (NB 9, n. 1733).

 

155. En tant que géniteur, le père (humain) sert Dieu créateur (NB 12,209).

 

156. Dieu crée l’enfant

Seul Dieu peut faire naître un enfant. C'est Dieu qui se charge des deux éléments - l'ovule et la semence -, et qui, à partir de ce "peu de limon" provenant de l'homme et de la femme, crée l'enfant. La collaboration des parents à la création se limite à se donner (à donner ce qui est leur) pour être dans la main de Dieu limon et poussière. D'où, pour les deux, l'attitude de don de soi dans l'acte sexuel. Les deux seraient ridicules de faire comme si la loi de la procréation avait été inventée par eux, comme si elle était leur propre secret, comme s'ils obéissaient à leur propre loi (NB 12,138).

 

157. Le créateur de l'enfant, c'est Dieu, les époux n'ont que le droit d'être là à sa création. Dieu descend de manière créatrice dans notre enfant (NB 12,196).

 

5. Les maîtres de la création

 

158. Dieu a fait les hommes maîtres de la création

Au commencement, Dieu a fait des hommes les maîtres de la création et il attend d'eux qu'ils mettent toutes leurs facultés au service de cette maîtrise. Ils ne doivent pas seulement recevoir le cadeau que Dieu leur fait avec le monde et la gestion de ses différents domaines, ils doivent comprendre que cette prise en charge est un service qu'ils sont capables de rendre. Ils ont, dans leur intelligence spirituelle, tout ce qu'il faut pour répondre aux questions qui se posent. Ils doivent exercer leur maîtrise sur ce qui leur a été confié par Dieu, en une solidarité toute reconnaissante avec lui (NB 5,116).

 

159. Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde

Le Christ conduit la création de son existence mortelle à la résurrection et à la vie éternelle. Au commencement, Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde pour qu'ils le gèrent, et cela en toute liberté. L'homme doit organiser librement le domaine que Dieu lui a confié. Quand le Fils arrive comme Sauveur, il ne rétablit pas seulement la liberté de l'homme déchu, mais il l'élargit à la perspective de la vie éternelle (NB 6,539-540).

 

160. Quand les hommes perçoivent l'exigence du Père qu'ils ont été créés pour dominer le monde, ils l'entendent alors à travers l'exigence du Fils : ils ont été créés pour obéir (NB 5,117).

 

161. Dieu a créé la mer pour nous et il nous a créés pour le Fils

Quand nous regardons une vague de la mer, comment elle se meut, se retourne et passe en d'autres vagues, quand de plus nous entendons constamment le ressac sur le rivage, cette vague unique est pour nous une parabole de la toute-puissance mystérieuse de l'océan ; devant cette plénitude, tous nos sens, tout notre être sont impuissants. Notre raison non plus n'en vient pas à bout bien que Dieu ait créé cette mer pour nous. Mais nous-mêmes, il nous a créés pour le Fils avec la mer et, avec le tout, nous sommes entraînés dans cette nouvelle croissance qui nous dépasse absolument. Nous pouvons aligner des parties de sens sans pénétrer jamais jusqu'au cœur de la vérité ni en avoir une vue d'ensemble, et l'instabilité infinie des choses - d'abord en elles-mêmes, puis dans leur relation au Christ - nous renvoie au toujours-plus qui se trouve dans la Parole de Dieu, en Dieu lui-même (NB 6,39).

 

6. Les relations d’Adam et Eve avec Dieu

 

162. Quand Dieu créa les hommes

Quand Dieu créa le monde, il planta les hommes sur la sphère du monde. D'une certaine manière les hommes ne remarquèrent rien de la sphère que Dieu leur avait donnée (NB 4,405).

 

163. La créature est image

Dante : il aime Dieu dans le prochain et il aime en tous quelque chose qui tient au fait que la créature est image (NB 1/1, 291).

 

164. Tant que l'homme créé se comprend comme image de Dieu, il peut lever les yeux vers Dieu pour maintenir la relation entre lui et Dieu. Mais si la relation disparaît, toute la relation entre le temps et l'éternité est supprimée (NB 3,285).

 

165. Nous ne pouvons pas nous représenter Adam et Eve avant la chute

Nous savons seulement que nous avons été créés à l’image de Dieu. Pas plus qu'on ne peut se représenter Dieu, nous ne pouvons nous représenter comment il nous a imaginés. D'Adam et Ève, nous ne connaissons que des bribes, des ponts, des reconstructions. Nous ne pouvons pas nous les représenter avant la chute. Pour nous les représenter, nous partons de nous-mêmes : comment nous aurions été si nous n'avions fait aucun péché et si nous n'avions pas eu de parents. Mais justement alors nous n'aurions pas été nous-mêmes, nous aurions été tout différents. Nous ne savons donc pas comment au fond nous avons été pensés ; nous savons seulement avec certitude que l'image que Dieu avait de nous était autre que le chemin que nous suivons maintenant (NB 4,24).

 

166. L’hypothèse que l’homme ne renie pas Dieu

Le Père met ses créatures à la disposition du Fils afin que, par eux et en eux, il glorifie le Père ; cela aussi fait partie de la glorification du Fils. Dans la création il y a pour ainsi dire une hypothèse : l'hypothèse que si l'homme ne renie pas Dieu, il est capable de glorifier Dieu ; le Père présuppose que cette glorification pourra avoir lieu ; il voit pour ainsi dire au-delà de la chute, il offre les hommes au Fils afin qu'avec lui, comme fondus en lui, malgré tout et au-delà de tout, ils glorifient le Père (NB 11,19).

 

167. Les hommes sont créés pour que Fils ne soit pas seul à glorifier Père

Au fond, le Père a peut-être créé les hommes pour que le Fils ne soit pas seul à glorifier le Père, mais qu'il ait la joie de le louer, avec la totalité de la création, comme Celui qui est toujours plus grand (NB 11,19).

 

168. Dieu le Père se crée un vis-à-vis en créant l'homme. Et d’abord l'homme seul, Adam, comme unique partenaire de Dieu. C'est une nouvelle possibilité qui est créée dans l'être de Dieu : être avec un partenaire. Comme Dieu le Père est un seul Dieu avec le Fils et l'Esprit (NB 1/2, 266).

 

169. La joie de l’union de la créature avec Dieu : l’homme et la femme

Dieu a donné à l’homme et à la femme un corps différent, accordé l’un à l’autre afin que, dans leur union et leur joie commune, ils reçoivent un pressentiment de ce que sera la joie de l’union de la créature avec Dieu. Le corps, qui était un pur cadeau, était un cadeau aussi dans ses attributs sexuels, parce qu’il devait être l’expression de l’amour et donner à l’homme la liberté de la fécondité (NB 4,128-129).

 

170. Les premiers humains et l’amour trinitaire

Dieu avait créé les premiers humains en un lieu de ce monde, mais en même temps il les avait fait participer à sa vie divine de l'amour trinitaire. Il se promenait dans le paradis, donc en un lieu du monde, et il donna aux hommes des sens pour le voir et comprendre sa présence et sa parole (NB 5,48).

 

171. La réciprocité Adam – Ève est déjà elle-même une image de l'amour trinitaire (NB 6,534).

 

172. Le désir réciproque d’Adam et Eve n’était pas à séparer du désir de Dieu

A l'origine, l'homme aspirait à Dieu avec un désir totalement positif. C'était en quelque sorte un mouvement vers Dieu qui ne cessait de recommencer sans qu'entre deux se produise un éloignement de Dieu. Ainsi également, dans la relation d'Adam et Ève, le désir réciproque n'était pas à séparer du désir de Dieu, il était l'essence de leur gratitude vis-à-vis de Dieu. Par le péché, le désir de Dieu fut suspendu. Le désir physique devint le trait caractéristique, mais il reste, caché en lui, un facteur qui appartient au désir spirituel (NB 4,353).

 

173. Au paradis, Adam et Ève, tant qu'ils n'avaient pas péché, étaient l'un pour l'autre des médiateurs de la grâce (NB 1/2, 157).

 

174. Une croissance possible dans la grâce

Si les premiers hommes étaient restés sans péché, ils auraient été bons et, de ce fait, dans un état de devenir, ils n'auraient cessé de croître dans le bien. Ils n'auraient pas accru le bien en eux, mais Dieu aurait prolongé leur état dans le bien dans un cours temporel qui se serait fait dans la joie et le consentement. Il y aurait eu une croissance dans la grâce de Dieu et dans son amour, comparable à la croissance d'une plante (NB 3,273).

 

175. Les relations d’Adam et Ève avec le Créateur

Lors de la création, Dieu a d'abord créé Adam, puis il a façonné Ève à partir de sa côte. Ève pouvait avoir des relations directement avec Dieu, elle pouvait avoir des relations avec Adam, elle pouvait aussi avoir des relations avec Dieu au sujet d'Adam. Elle pouvait pour ainsi dire appeler Dieu à l'insu d'Adam. Mais elle pouvait aussi agir sur Adam pour qu'il puisse avoir des relations avec Dieu par elle, peut-être à l'occasion plus intensément que sans elle. De même qu'à certaines conditions l'Esprit peut rendre plus intenses les relations entre le Père et le Fils. Le rôle d'Ève ressemble donc ici au rôle de l'Esprit ; Ève provient de Dieu et d'Adam, il n'y a certes pas de comparaison absolue entre elle et l'Esprit, mais la comparaison est quand même possible (NB 1/2, 159).

 

176. Ce que le Créateur attend de la créature : qu’elle cherche Dieu

Les premiers hommes sont créés, et l'acte de création a une autre forme que l'acte d'engendrement éternel du Fils. Alors que le fait d'être engendré en tant que tel est éternel et ne finira jamais, l'acte de création a une certaine limite dans le fait que la création a été créée (ce qui ne veut pas dire que Dieu ne doive pas soutenir continuellement ce qui a été ainsi créé). Là où se trouve cette limite, c'est là que le Créateur attend de la créature qu'elle commence à chercher Dieu, à se tenir devant Dieu, à revenir à Dieu dans l'Esprit, dans une nouvelle connaissance, et ceci en utilisant les forces données à l'homme et dans le prolongement de sa nature. C'est ici que se trouve une première distance voulue par Dieu et, dans cette distance, il y a place pour la première mission. Une mission qui n'est pas encore du tout différenciée, une tâche générale, qui se trouve dans la nature de la créature et de ce qui est créé. Et voilà qu'Ève n'accepte pas cette mission. Elle ne commence pas là où elle devrait répondre à l'appel créateur de Dieu. Elle ne se lie pas à Dieu en retour. Au lieu de ramener à Dieu sa nature et sa pensée et toutes les grâces reçues de lui, elle fait tout aboutir à elle-même et elle n'oriente pas le nouveau commencement vers Dieu mais vers le péché. La fin, qui était naturelle en elle et qui ne devait être qu'un signe de sa finitude, est accentuée par elle comme une séparation. Ce qui aurait pu être une réponse à Dieu dans la liberté devient la tentative d'un nouveau commencement personnel qui s'éloigne de Dieu. Il devient ainsi rupture de la relation à Dieu (NB 1/2, 161-162).

 

177. Adam porte la lumière de l’Esprit

Dieu crée l'homme à son image, c'est-à-dire avec une multitude de possibilités fécondes. Adam peut nouer des relations avec le monde qui l'entoure, avec Ève, avec sa progéniture, avec Dieu lui-même. Il porte en lui la lumière de l'Esprit, qui lui permet de nouer toutes ces relations et de les organiser. Il reçoit deux ordres de Dieu : régner sur le monde, ne pas manger de l'arbre. Dans le cadre de ces ordres, il est libre d'organiser ses relations avec Dieu selon les possibilités que Dieu lui donne. Aux heures où Dieu se promène dans le paradis : vivre avec lui et apprendre toujours du nouveau de lui. Et cela sans distinguer ce qui est possible dans le bien : ce qui est bien n'est pas limité par ce qui est bien, il n'est pas question non plus de comparer, de préférer un bien à un autre, de les additionner ; tout reste dans le simple fait qu'il est juste que les choses soient ainsi et pas autrement. L'homme est en ordre et heureux, il n'a pas besoin d'aspirer au bonheur. Les limites dont il fait l'expérience lui ont été données par Dieu de telle sorte qu'il n'est pas conscient d'avoir des limites. Une limite ne se fait sentir que dans le commandement négatif de ne pas goûter du fruit. Tant que dure l'obéissance, cet aspect négatif reste quelque chose d'étranger, un "ne me touche pas", qui ne pose pas de problème. Et comme l'homme ne ressent pas de limite en tant que telle, il n'y a rien en lui qui pourrait se révolter ; il éprouve une reconnaissance joyeuse pour ce que Dieu lui accorde (NB 5,42).

 

178. Une relation aimante avec le Créateur

Dans l'état originel, les hommes avaient une volonté, mais elle n'était pas pour eux matière à réflexion. Elle leur était donnée pour nouer une relation vivante et aimante, avant tout avec le Créateur qu'ils ressentaient comme bienveillant (NB 6,359).

 

179. La voix du Père, Adam et Ève ne l'ont entendue que parce que Dieu leur avait donné la faculté, au-delà de leurs sens, de la percevoir (NB 4,159).

 

180. Les créatures sont aimées du Père

Il y a pour le Fils devenu homme l'étonnement fondamental qu'il partage avec toutes les créatures aimées du Père. Dans cet étonnement, il ne se raccroche pas à ses attributs exceptionnels qui pourraient lui prouver la "dignité" de son élection. Étant l'homme qu'il est - l'Homme Dieu -, il s'étonne au contraire de l'amour du Père qu'il est seul à connaître de cette manière (NB 6,181).

 

181. L’homme est créé pour glorifier Dieu

Saint Ignace ne supporte pas la pensée que l'homme et les fleurs soient créées dans le même sens pour glorifier Dieu. Dieu veut être glorifié par un témoignage de liberté. L'homme est une image de Dieu, la plante ne l'est pas. En un sens second, il peut être question aussi d'une glorification de Dieu par la nature, mais il est plus important que d'abord la hiérarchie soit claire (NB 11,344-345).

 

182. Les créatures sont toujours en devenir, vers Dieu

Pour nous, créatures, pour nous chrétiens également, l'être ne nous est donné que comme un devenir. Nous devons "devenir" ce que Dieu "est". Mais entre les deux, il y a le toujours plus de l'être divin qui les empêche de coïncider (NB 6,105).

 

183. La créature sent en elle-même la distance qui la sépare de Dieu (NB 1/1, 53).

 

184. La créature : pas à la hauteur vis-à-vis de Dieu ?

On pourrait en arriver à penser que tout a été créé pour montrer que la créature n'est pas à la hauteur vis-à-vis de Dieu et du Christ. L'exigence est divine et rien de ce qui est nôtre ne peut vraiment lui correspondre. On n'est qu'une feuille dans le vent, précisément quand on a cherché à faire tout son possible (NB 6,278).

 

185. L’humble créature devant son Créateur

Angelus Silesius (+ 1677). Son service est un service nettement joyeux, reconnaissant. Quand il essaie aussi d'établir la situation de l'homme en face de Dieu, cela ne signifie jamais qu'il mesure ses propres progrès et qu'il s'imagine parcourir un chemin. Il reste dans l'attitude de l'humble créature devant son Créateur et son infinité (NB 1/1, 181).

 

186. Au début : contact direct de l’homme avec Dieu

Au commencement, il y a le contact direct de l'homme avec Dieu. Nous avons toujours plus la tendance - peut-être aussi plus vieillit l’Église - à placer entre Dieu et nous des symboles, quelque chose de concret. L’objet "crucifix" ne nous pousserait-il pas davantage vers la piété que vers le Seigneur lui-même qui y est suspendu ? Nous concrétisons toujours plus le spirituel et nous perdons le contact direct avec lui (NB 1/2, 267).

 

187. L'homme est créé pour obéir à Dieu ; et le Fils, dans son incarnation, remplit ce vœu (NB 10, n. 2317).

 

188. Désir d’Adam de faire la volonté de Dieu

Si on peut parler d'un désir d'Adam, son désir était en premier lieu de faire la volonté de Dieu, même si Dieu avait exigé de lui (par Ève) la fécondité. L'objet principal de son désir n'aurait donc pas été la femme mais celui de satisfaire Dieu (NB 12,150).

 

189. L'être humain sans le péché originel vit dans la disponibilité totale de l'amour (NB 11,335).

 

190. Avant le péché, Adam et Eve vivaient comme des consacrés à Dieu

Dieu a créé Adam sans cérémonie. Adam avant le péché était dans "l'état religieux" le plus originel, et la relation Adam - Ève devait rester à ce niveau. Leur tâche était de vivre comme des consacrés à Dieu dans l'obéissance au commandement de Dieu : multipliez-vous, peuplez la terre (NB 4,353).

 

191. Le Père veut introduire sa création dans le mouvement trinitaire éternel

Le Père lui-même est dans le mouvement éternel d'engendrement et de procession ; jamais le Père ne se repose en lui-même ; en tant qu'amour, le Père se communique éternellement. Et du même mouvement du Père sort aussi sa création. De même que le Fils et l'Esprit sont dans un mouvement éternel qui sort du Père et retourne au Père, de même le Père veut introduire sa création dans ce mouvement trinitaire et, en envoyant son Fils et l'Esprit, il ouvre au monde ce mouvement éternel. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6,87).

 

192. Obéissance à l’Esprit

L'Esprit Saint aurait dû être en quelque sorte le troisième à côté de l'homme et de la femme. Tant que nous étions dans l'obéissance à l'Esprit, il pouvait répondre à notre volonté de connaissance. Il aurait de plus façonné notre intelligence et elle aurait été une forme d'habitation de Dieu en nous. Cette manière pour Dieu d'être chez nous aurait été la part de l'Esprit à la création. Cela aurait été naturellement une connaissance authentique à laquelle les forces de l'homme auraient eu leur part. Connaissance à la manière dont Adam "connut" Ève comme son aide. Cette connaissance n'aurait jamais été ennuyeuse pas plus que pour Dieu, qui sait déjà tout, le fait de connaître ne peut jamais être qualifié d'ennuyeux (NB 6,54).

 

193. Les hommes : des créatures de Dieu

Saint Patrick (+ 461). Tout dans sa vie, les exercices de pénitence de son corps comme les consolations de son esprit, est destiné aux autres. Il ne veut rien pour lui. Il aime les autres, car ils sont les créatures de son Dieu. Et quand ils ne croient pas, il les plaint terriblement, il a pour eux une compassion infinie (NB 1/1, 275).

 

194. Les créatures du Bon Dieu

Mozart (+ 1791). Il aime les hommes. Il en a peur et il les aime tout à la fois. Il les craint un peu comme les enfants craignent les autres enfants qui sont grossiers, qui pourraient casser le jouet ; mais Mozart redoute au fond qu'on puisse abîmer au Bon Dieu son jouet plus qu'il ne pense à lui-même. Il aime les hommes parce qu'ils sont les créatures du Bon Dieu et il est heureux d'avoir le droit de les divertir par sa musique. A sa manière propre, il voudrait leur poser la question de Dieu, même dans ses morceaux les plus joyeux. Il sait que Dieu s'occupe aussi des hommes tristes et sombres. Par sa musique, il doit rendre attentif à tout ce qui concerne Dieu et les hommes (NB 1/1, 311).

 

195. Il aime des créatures de Dieu

Newman (+ 1890). Il aime les hommes, mais d’une manière un peu curieuse. Il voit en eux des créatures de Dieu, mais un peu comme un entomologiste qui aime ses insectes. Il a souvent du mal dans le premier contact avec quelqu'un. Il ne le reçoit qu'en passant par Dieu (NB 1/1, 315).

 

7. Le prochain

 

196. Pour le chrétien, le prochain est l’œuvre du Créateur

Le chrétien voit dans son prochain le cadeau que Dieu lui fait. Il est l'œuvre du Créateur, le frère du Rédempteur et, comme tel, il est confié au chrétien pour être aimé. Et cela de telle manière que le prochain, en éprouvant l'amour, soit incité à l'amour qui, de son côté, possède la forme de la surabondance et de la prodigalité (NB 6,113).

 

197. Derrière le prochain se trouve le Père en tant que Créateur

Derrière le prochain se trouve le Père en tant que Créateur, le prochain que le Père nous envoie dans sa providence et qu'il nous permet de rencontrer. Les apôtres entendent l'appel du Seigneur parce que le Père les a placés sur son chemin et leur a ouvert les oreilles. Déjà en tant que Créateur, il a tout ordonné au Fils (NB 6,114-115).

 

198. L’autre : l’enfant de Dieu

Dieu n'a jamais besoin de limiter pour se connaître, l'homme sans péché n'en aurait pas eu besoin non plus ; dans l'autre, il aurait vu d'abord l'enfant de Dieu et chacune des choses de ce monde aurait reflété de maintes manières Dieu, sa puissance et son amour, elle n'aurait pas renvoyé à elle-même dans ce qu'elle a d'unique (NB 6,55).

 

4. Le paradis

 

199. Adam était lié à Dieu

Personne n'a mieux répondu à l’invitation de Dieu à peupler la terre que la Mère de Dieu quand elle a mis Dieu au monde. N'a-t-elle pas montré par là que la fécondité spirituelle inclut la fécondité corporelle ? Il est vrai qu'on ne peut rien dire sur le comment de la fécondité au paradis. Mais on peut dire qu'en Marie quelque chose en est montré, qu'elle n'est pas pour rien la seconde Ève, que chez elle le oui spirituel inclut la fécondité corporelle comme l'orientation spirituelle vers l'homme a dépassé "l'éloignement physique de l'homme" sous la forme de la fécondité. Adam était lié à Dieu. Si Ève avait été liée à Adam, la pensée du péché ne lui serait pas venue. Elle aurait alors connu le lien spirituel d'Adam à l'Esprit de Dieu (NB 4,352).

 

200. Au paradis, Dieu se tient à notre disposition (NB 6,55).

 

201. Quand le Père avait installé dans le paradis les premiers humains, il avait été plein d'espérance, et le péché que les hommes ont répandu ensuite sur la terre fut pour Dieu une déception (NB 6,228).cc

 

202. L’homme ne pouvait se cacher de Dieu

Au paradis, qui était le "lieu" de Dieu dans le monde, l'homme ne pouvait pas se cacher de Dieu. Dans le monde présent, l'homme croyant n'en est pas non plus capable parce qu'il sait par la foi qu'il vit en présence de Dieu, que Dieu le regarde. Il ne pourrait essayer de se cacher de Dieu qu'en reniant la foi ou en la perdant, en s'imaginant qu'il est pour Dieu un inconnu. C'est en sachant que Dieu le voit que le croyant va structurer sa vie de foi. Il lui est permis de se présenter devant Dieu, de l'adorer et de lui adresser ses demandes. Et Dieu se révèle à chaque croyant de la manière qui lui plaît (NB 5,48).

 

203. Adam connaît Dieu

Au paradis, Adam connaît Dieu, il connaît les dispositions de Dieu à son égard et les paroles que Dieu lui a dites. Il ne se pose pas la question de savoir si ces paroles sont les premières. Ou s'il y a déjà eu des paroles de Dieu avant la création, avant que Dieu ait vu le monde et qu'il ait dit que tout était bon. Dieu apparaît à Adam comme unique ; tout comme cela se passe pour l'enfant à qui on raconte des histoires de l'Enfant Jésus et qui apprend dans cet Enfant la merveille de Dieu (NB 2,214).

 

204. L’homme était familier de Dieu

Au commencement, le paradis avait la préséance sur le péché. Dieu parlait avec ses créatures et cette conversation était une initiation à l'obéissance. L'homme était familier de Dieu avant de rencontrer le serpent (NB 6,151).

 

205. Adam, confident de Dieu

Au paradis, Adam et Ève vivent dans un état où ils sont comblés. Et pourtant quand Ève fut créée, elle correspondait à un ardent désir d'Adam. Et cela parce qu'Adam, d'une certaine manière, était le confident de Dieu, non en raison de sa propre connaissance, mais parce qu'il était issu uniquement de la main de Dieu. Son désir ardent de la femme et son espérance étaient bons, et ils lui sont devenus pleinement conscients à l'instant où ils se sont réalisés. Il voit dans la femme le cadeau de Dieu qui correspond à ce qu'il a ardemment désiré, car il a avec Dieu une relation si naïve et si peu réflexive qu'il correspond au vouloir et aux desseins de Dieu avec une obéissance toute primaire ; c'est pourquoi quelque chose en lui, dont il n'a pas besoin d'être totalement conscient, approuve tout ce que Dieu fait. Il se réjouit si simplement de l’œuvre de Dieu qu'elle signifie pour lui une réalisation désintéressée. Comme une amoureuse reçoit tout cadeau de son bien-aimé comme ce qu'elle aime le mieux (NB 12,153).

 

206. Adam possédait le sens de la présence de Dieu

Au livre de la Genèse, quand Dieu se promène dans le paradis et s'entretient avec Adam, il est supposé que le premier homme possédait le sens de la présence de Dieu quand Dieu voulait se pencher spécialement vers l'homme. Le péché a supprimé cette assurance. Mais l'homme croyant sait que Dieu vit, qu'il est omniprésent, qu'il exauce sa prière, voit tout ce que fait l'homme. Cependant ce genre de savoir est en général une connaissance qui provient de la foi en la doctrine chrétienne (NB 2,156).

 

207. Au paradis, l’homme et la femme aiment beaucoup entendre la voix de Dieu quand il se promène dans le jardin. Qu'ils se cachent veut dire qu'ils fuient Dieu qui arrive, qu'ils ne veulent plus entendre la voix de Dieu (NB 12,169-170).

 

208. Quand Adam, au paradis, entend Dieu se promener et qu'il parle avec lui, il perçoit Dieu de la manière dont cela lui a été donné. Dieu l'a pourvu du sens de Dieu comme d'une faculté qui est à sa disposition (NB 10, n. 2155).

 

209. Amour et obéissance

Au paradis, l’amour aurait été si pur que l’obéissance n’aurait pas eu spécialement besoin d’apparaître, sauf sur un point: “Ne pas manger de cet arbre !” Si les premiers hommes étaient restés dans l’amour, ils n’auraient fait aucun problème avec l’arbre de la connaissance. La règle de Dieu leur aurait été aussi naturelle que le fait qu’ils étaient là et qu’ils étaient vivants. La meilleure obéissance est toujours l’amour parfait. Si j’aime Dieu, je fais ce qu’il veut (NB 9, n. 1685).

 

210. Paradis : pas de convoitise

Au paradis, il n'y a ni convoitise ni besoin personnel, ni mien ni tien. Ce n'est que par suite du péché que nos premiers parents sont nus et qu'ils doivent se vêtir, se procurer quelque chose qui se trouve à leur disposition. Les vêtements doivent devenir "le mien" et "le tien" pour que chacun puisse les porter. C'est ainsi aussi qu'après la chute le manger et le boire deviennent un devoir (pas seulement une joie) (NB 11,345).

 

211. Au paradis, Adam était donné à Dieu. Ève lui était donnée comme lui à elle, ils ne s'opposaient pas l'un à l'autre, il y avait entre eux un don de soi réciproque, et cela rendit possible l’égarement (NB 6,358).

 

212. Adam et Eve étaient transparents à Dieu

Au paradis, Adam et Ève étaient transparents à Dieu et l'un vis-à-vis de l'autre. Mais Adam avait un avantage sur Ève parce qu'il avait parlé avec Dieu avant qu'elle soit formée. C'est pourquoi il avait une sorte de responsabilité vis-à-vis de Dieu le Père, une sorte de fonction qui le plaçait comme un médiateur entre Dieu et Ève. Certaines décisions devaient être prises par lui et il pouvait parler à Dieu au nom des deux. Il pouvait aussi parler avec Ève au nom de Dieu et en son propre nom : être tantôt avec Ève devant Dieu, tantôt avec Dieu devant Ève. Même en tant qu'humain sans péché, il était à une certaine distance vis-à-vis de Dieu, il ne cessait d'apprendre et de clarifier bien des choses relativement à la volonté de Dieu et à ses décisions (NB 12,158).

 

213. S’ajuster à Dieu

L'être humain au paradis, homme et femme, c'est d'abord chacun pour soi ; il sont créés et ils se tiennent l'un côté de l'autre : c'est une comparaison de la relation entre Dieu et l'être humain. Ensuite le centre de gravité de l'homme doit être trouvé dans la femme, celui de la femme dans l'homme, les sexes doivent s'ajuster l'un à l'autre. Entre Dieu et l'être humain, cet ajustement se réalise dans le Fils et il se poursuit dans l'eucharistie (NB 12,148).

 

214. Au paradis, il n'y avait pas de "problèmes" parce qu'il n'y avait en l'homme aucune méfiance dans la connaissance, parce que tout était bon et que Dieu tenait enfermé le mal (auquel est liée la "problématique"). C'est pour l'intelligence un avantage infini de ne pas être encombrée par la connaissance du bien et du mal (NB 6,55).

 

215. Adam au paradis comme un enfant dans son enfance

Quand, dans sa maison paternelle et dans son milieu, un enfant ne fait l'expérience que du bien, son existence reste sans questions pendant un certain temps. Il n'est pas surpris qu'on lui donne à manger, qu'on le promène. Tout est bien tel que c'est. Ce n'est que plus tard, quand il jettera un regard rétrospectif sur son enfance, qu'il percevra à quel point il allait de soi pour lui de se soumettre aux mesures prises par ses parents ; d'une manière indéfinissable pour lui, il était consentant. Vivre et correspondre ne faisaient qu'un. Il en était ainsi pour Adam au paradis. Quand l'enfant grandit, il commet des fautes et il est puni, il lui faut de la réflexion pour qu'il donne son accord. Ce n'est que l'enseignement chrétien qui rend au pécheur la possibilité de donner son accord et lui ouvre en même temps, par un regard rétrospectif, la compréhension de ce que Dieu a fait depuis Adam et dans l'ancienne Alliance pour préparer la rédemption par le Christ et la rendre possible (NB 12,155).

 

216. Adam et Eve ne savent pas à quoi Dieu va les initier

Il y a l’arbre de la connaissance et l’arbre de la vie. Ils mangent de l’arbre de la connaissance. La vie demeure donc comme possibilité. La vie veut dire en même temps amour rendu et vie éternelle. S’ils avaient mangé de l’arbre de vie, ils se seraient privés définitivement de la vie éternelle et de l’amour vivant. Ils n’auraient pas ingurgité la vie mais, à l’inverse, ils l’auraient évacuée. L’arbre de la vie dépouille de la vie ; il devrait à vrai dire s’appeler l’arbre de la mort. C’est comme si le Père avait planté un arbre de l’Esprit Saint et un arbre du Fils. En mangeant de l’arbre de la connaissance, les hommes reçoivent l’expérience et l’intelligence du péché. S’ils n’en avaient pas mangé, ils auraient davantage part à la connaissance de l’Esprit, une connaissance opposée qui n’a rien de commun avec le péché. S’ils avaient mangé de l’arbre de vie, ils se seraient privés de la possibilité que Dieu leur envoie son Fils. Les deux arbres sont interdits. Interdits dans le sens que les hommes n’ont pas le droit de prendre de leur propre chef ce que Dieu veut leur donner dans l’Esprit et dans le Fils. Au paradis, le Père a auprès de lui le Fils et l’Esprit de telle sorte qu’il est prêt à donner les deux aux hommes. Adam et Ève connaissent la venue de l’Esprit et du Fils de manière inchoative pour ainsi dire parce qu’on ne sait pas encore s’ils vont pécher ou non. Que le Père garde l’Esprit et le Fils “en réserve” est sa précaution. Les hommes n’en savent pas plus de la Trinité qu’un enfant qui est baptisé, ils n’ont pas été instruits. Il y a une invitation, mais ils ne savent pas à quoi Dieu va les initier. L’amour de Dieu veut toujours surprendre. Adam et Ève étaient des humains comme nous : nous aussi nous ne comprenons que pas à pas ce qu’on nous donne. Celui qui est un jour invité et qui dit oui dans l’amour ne pose pas de conditions : l’invitation aura certes certains contours et certaines limites ; je sais qu’on ne va pas me donner un royaume. Malgré cela je prends simplement toutes choses comme elles viennent. Ainsi Adam aurait dû également tout recevoir bien que, pour le moment, il ne voie qu’une chose, c’est que des limites sont mises du fait que les arbres sont réservés (NB 9, n. 1685).

 

217. Depuis le paradis, Dieu a créé les humains les uns pour les autres à des points de vue très différents (NB 9, n. 1993).

 

218. Au paradis, le don de soi corporel n'aurait été possible qu'en étant en même temps un don de soi à Dieu (NB 12,132).

 

219. La fécondité au paradis

Dieu le Père et Dieu le Fils n'ont pas besoin de se proposer d'exhaler l'Esprit Saint. Il suffit qu'ils s'aiment pour qu'il soit là. C'est une image de la fécondité au paradis. Ici s'accomplit aussi totalement la parole : "La gloire de l'homme, c'est la femme" (NB 12,148).

 

220. Le mariage paradisiaque

Au paradis manquait certes l’enfant ; Adam et Ève ne s’accordèrent aucun temps ; ils passèrent tout de suite au péché ; s’ils avaient remis le péché à plus tard, l’enfant aurait été là et nous en aurions su beaucoup plus sur le mariage paradisiaque. Nous ne savons donc pas comment il était pensé. Ce qui est sûr, c’est que dans la multiplicité des enfants se serait exprimé le caractère eucharistique de l’amour qui, à présent, est si loin d’avoir son compte. Comme Dieu le Père nous envoie son Fils par amour, à nous qui sommes innombrables, Dieu le Père aurait donné les innombrables à Adam et Ève pour révéler le sens de leur don réciproque. Les deux points de vue l’un à côté de l’autre auraient été valables. Aucun des deux n’aurait revendiqué pour soi une préséance, même pas par amour parce que, dans cet amour, il aurait aussi été content que les autres aient la même richesse. Dieu seul peut nous avoir tous pour ses enfants, mais nous, nous devons nous limiter afin que tous aient part à la fécondité. Les autres hommes auraient été soit les enfants, soit les frères et sœurs des premiers parents ; non que Dieu aurait formé un autre couple du limon de la terre, mais il aurait replacé les hommes qui apparaissaient dans la série existante (NB 9, n. 1685).

 

221. Nous ne connaîtrons jamais la loi exacte de la fécondité paradisiaque (NB 12,167).

 

222. Reproduction au paradis

Il pourrait être égal qu'au paradis la reproduction ait pu avoir lieu d'une manière sexuelle ou d'une autre manière. Les deux pourraient avoir été également pures et proches de Dieu (NB 12,16).

 

223. Au paradis, il aurait suffi à Ève d'allaiter ses enfants pour qu'ils soient "baptisés", sanctifiés (NB 12,232).

 

224. Dans le paradis, il n'y a pas de pauvreté. Le bien-être au paradis ne suppose aucune sorte d'effort (NB 12,144).

 

225. Pas de saisons au paradis

Il est tout à fait faux de croire que lors de la création du monde il y ait eu une saison : le paradis ne connaissait pas les saisons (NB 4,225).

 

5. La liberté

 

226. Adam est créé libre

Au sein de la puissance de la création divine, il y a une sorte d'impuissance. En laissant Adam agir librement, Dieu renonce à quelque chose. Il ne le retient pas auprès de lui, il ne fait pas valoir tout de suite son pouvoir absolu (NB 12,72).

 

227. Dieu a donné à l'homme la liberté (NB 5,35).

 

228. Dieu a créé l’homme avec un libre-arbitre

Dieu, dans son omniscience, a tout laissé ouvert en quelque sorte. Il a créé l'homme avec un libre arbitre, il s'est fait connaître de lui, il ne l'a pas abandonné, il l'a gardé sous sa protection. La femme aurait eu la possibilité, en ne faisant qu'un avec son mari, mais aussi avec Dieu, de continuer la succession des humains. mère d'une lignée qui, par son amour conjugal pour Adam et par son amour pour Dieu, aurait appartenu à Dieu et, par la bénédiction de Dieu et la bénédiction d'Adam, serait restée perpétuellement attachée à Dieu et à Adam. Cette lignée aurait porté les signes de son origine : tout à la fois de Dieu et des hommes. Cela aurait été une propagation sans violence du genre humain. Et tous les hommes auraient reçu de Dieu Trinité la possibilité de relations avec Dieu. Au lieu de cela, arrive le péché. Ève enfantera dans les souffrances deux fils dont le plus fort tuera le plus faible, le plus méchant le juste. Quelle qu'ait pu être la justice d'Abel, sa mort est en tout cas une conséquence du péché originel, Caïn assassine en raison du péché originel et de sa faute actuelle. Mais Ève se trouve avec les deux dans la même relation. Les deux sont la chair de sa chair (NB 1/2, 159-160).

 

229. Adam, un être libre

Le premier Adam, Dieu le Père l'a créé par sa volonté et il l'a façonné avec de la glaise ; par son origine, Adam est lié au Dieu créateur, mais Dieu l'a placé devant lui comme un être libre et indépendant. Par les prévenances de Dieu, Adam a une connaissance suffisante, il n'a pas besoin d'une vision directe, car Dieu reste en communication avec lui. Adam sait qu'il est dépendant et il sait ce que Dieu veut de lui (NB 6,189-190).

 

230. Liberté d’Adam

La conscience d'Adam a commencé lors de sa propre naissance ; dans son milieu de vie, il rencontra la liberté, la tentation et, dans le péché, le nouveau chaos. Mais on peut aussi imaginer qu'il aurait pu reconnaître tout l'espace entre lui et Dieu - y compris le chaos subsistant - comme appartenant à Dieu, qu'il se serait abstenu librement du fruit défendu, et que Dieu, plus tard, après la décision d'Adam, lui aurait autorisé l'espace réservé (NB 3,256-257).

 

231. L’homme est doté de liberté

A un certain point de vue, le Créateur a sans doute doté "trop tôt" l'homme de liberté, en un temps où il ne possédait pas encore l'Esprit Saint intérieurement. L'homme voit que quelque chose manque à sa perfection et il cherche à compléter par lui-même. Le Père doit alors en quelque sorte "suivre" l'homme jusqu'à la venue du Fils qui apporte aussi l'Esprit sur la terre et dans les cœurs (NB 6,53).

 

232. Dieu donne à l’homme la liberté

Avant la création du monde, Dieu est libre. Mais dans son plan du monde, la création est nécessaire. Et Dieu donne à l'homme la liberté. Dans l'action créatrice de Dieu, il y a le fait qu'il ose. De même dans l'agir de l'homme : il a confiance en lui, il fait confiance à sa femme, il fait confiance au tiers qui est en devenir (NB 12,68).

 

233. L’homme créé libre devant Dieu libre

Si Dieu m'a créé comme homme libre, ma liberté devrait s'opposer à sa liberté. Dieu ne peut pas en même temps me donner la liberté et exiger de moi que je me soumette. Les hommes sont libres sans doute, mais Dieu leur a refusé les ultimes possibilités de l'usage de leur liberté. N'est libre au plein sens du terme que celui qui règne sur tout, donc Dieu. Nous sommes libres dans le dessein de Dieu, mais liés aux conditions de notre vie commune ; je ne peux pas au même instant me trouver à la même place que toi. il répugne à l’homme d'utiliser justement le mot de liberté pour quelque chose qu'il a reçu de Dieu, car il ressent déjà comme une limite le fait de l'avoir reçue. Il part de la notion de liberté, mais dès qu'il examine l'affaire, il se sent comme lié. S'il n'était pas lié, il aurait créé lui-même sa liberté (Pensées d’un hérétique des premiers siècles) (NB 4,221).

 

234. Le Père a créé les hommes si libres qu'ils peuvent se perdre loin de Dieu (NB 1/2, 107).

 

235. La possibilité de ne pas pécher

Quand le Père créa les premiers hommes, l'Esprit leur fut aussi donné, surtout comme amour entre le Père et les hommes. Dans cet Esprit ils auraient eu la possibilité de ne pas pécher. En créant l'homme, Dieu a mis l'Esprit sur terre fondamentalement (NB 4,182).

 

236. Arriver à s’abandonner à la volonté de Dieu

Dans l'acte créateur, Dieu donne à chacun un mode déterminé d'expérience vécue, il trace pour chacun un chemin déterminé. Et chacun doit surmonter des résistances pour arriver à s’abandonner à la volonté de Dieu (NB 4,164).

 

237. Adam et Eve devant la décision -

Adam et Ève sont créés adultes parce que tout ce qui compte pour Dieu, c'est de les voir devant la décision. Par la suite, les humains naîtront enfants afin que ceux qui avaient fait le mal puissent les avertir et les instruire pour leurs propres décisions. Mais d’être étranger à Dieu est présent dans le lignage tout entier. Ce n'est que lorsque le Fils devient enfant qu'il apparaît possible aussi de grandir lentement dans cette situation d'être étranger à Dieu (NB 6,53).

 

238. Nous sommes créés avec de la lumière et de l’obscur

Nous sommes créés à l'image de Dieu, avec de la lumière et avec de l'obscur, nous ne devrions pas nous occuper de notre obscur et le laisser en paix ; au lieu de cela nous cherchons nous-mêmes à le voir et nous péchons. A présent, le Fils et l'Esprit visitent notre obscur pour en faire un lieu abandonné, classé, dépassé (NB 6,87).

 

239. Dieu a mis aussi en nous la possibilité de pécher

Dans la pureté, les tentations qui demeurent nous rappellent qu'il y a en nous un espace pour la possibilité de pécher. En nous créant à son image et à sa ressemblance, Dieu nous a donné l'obscur. Mais au Fils et à l'Esprit il n'a pas donné l'obscur, ils se trouvent dans la pleine lumière du Père qu'il partage avec eux (NB 6,88).

 

6. L’arbre

 

240. L’arbre interdit

Il y avait l'arbre interdit et, dans l'interdiction, était inclus tout ce que Dieu ne voulait pas laisser au libre usage de l'homme, parce qu'il estimait que ce n'était pas bon pour lui. Après avoir été séduit par le serpent, l'homme a part à ce qui était réservé : la nuit devient un espace de ce qui est perceptible - par le péché -, les plantes deviennent toxiques et les animaux dangereux ; de l'inimitié aussi se fait jour entre l'homme et la nature : tout cela parce que l'homme a pénétré en ennemi dans l'espace de Dieu et qu'il a transgressé les limites protégées. Le mal en lui en a fait un ennemi de Dieu et de la nature, et l'a brouillé avec l'un et avec l'autre (NB 6,246).

 

241. L’arbre fascinant

Quand l'arbre du paradis - qui était un arbre comme un autre -, a été marqué par Dieu, il est devenu l'arbre de la connaissance, ce qui est fascinant pour l'homme tenté (NB 6,260).

 

242. Le fruit de l’arbre

Au paradis, Dieu avait laissé à l'homme la libre disposition de toutes choses, sauf du fruit de l'arbre. Mais même s'il savait que Dieu s'était réservé quelque chose, l'homme n'avait nul besoin de s'occuper continuellement de cette limite. Après la chute, il en est tout autrement. Le paradis a disparu, où la limite ne se faisait ni sentir ni remarquer, la limite est maintenant constamment voyante. On s'y heurte sans cesse (NB 6,143).

 

243. Adam devant le permis et le défendu

Dieu a créé Adam et lui a donné sa parole, il lui a dit exactement ce qu'il avait à faire. Mais dans la parole de Dieu, il y avait malgré son unité une division parce qu'en elle le permis et le non-permis étaient séparés comme le jour et la nuit. Le permis, qui brillait comme le jour, bien qu'il fût parole de Dieu, fut reçu par Adam comme si c'était son bien propre : il ne sentait en lui aucune opposition à l'égard de la permission de Dieu et de son invitation. Il ne faisait qu'un avec elles. Elles lui plaisaient tellement qu'il les a accueillies réellement et les a adoptées. Cela allait tellement de soi qu'il oublia ensuite l'origine de la parole. C'est là quil a commencé à se détacher de Dieu. Car il ne restait plus pour Dieu et la parole de Dieu que l'interdiction qu'en tant que telle il n'avait pas reçue de la même manière. Pour le moment, il ne se produisit rien car pour Adam il n'était pas urgent de transgresser le commandement de Dieu. Il n'y réfléchit pas. Il y avait cependant là le début d'un manque d'attention à l'Esprit de Dieu. Car dans l'Esprit Saint toutes les paroles de Dieu sont également importantes, les positives et les négatives. Vient alors la tentation. Elle arrive à Adam de l'extérieur et elle ne rencontre pas en lui l'esprit d'une totale obéissance parce que, par avance, il a déjà fait pour lui une différence, parce qu'il n'a pas réfléchi suffisamment à la sainteté de Dieu, parce qu'il s'est permis de séparer là où Dieu seul sépare. Parce qu'une certaine paresse faisait qu'il n'était pas vigilant et qu'il trouvait sa satisfaction dans son propre esprit (NB 4,161).

 

244. Possibilité de ne pas toucher à l’arbre

L’acte sexuel n’est pas un péché, mais une conséquence du péché. Au paradis, où l’être humain a été créé homme et femme, il y avait une autre possibilité dont Dieu ne peut plus livrer le secret après la chute. Comme Dieu place les hommes dans la liberté de la mise à l’épreuve, il doit prévoir les deux possibilités. Pour le cas où ils pèchent, il leur donne les organes sexuels, pour l’autre cas il leur donne une autre chose, que nous ne pouvons pas préciser et qui, sans doute, n’aurait cessé d’être donnée comme la grâce. Il aurait été tout à fait possible pour l’homme de vivre avec l’arbre de la connaissance sans y toucher. Il y a un rapport entre les deux convoitises : celle de manger de l’arbre et la convoitise sexuelle. Je ne crois pas que Dieu voulait donner à l’être humain des organes sexuels sans qu’il en fasse usage. Il veut la chasteté, et cela exige un effort de la part de l’homme tout autant que pour ne pas manger du fruit défendu. Les premiers hommes ne pouvaient pas plus ignorer l’arbre de la connaissance que je ne puis ignorer simplement les organes sexuels. Dieu attire même l’attention sur l’arbre. Mais ce n’est qu’après avoir mangé qu’on voit qu’on est nu (NB 9, n. 1427).

 

245. Adam aurait pu résister à la tentation

Adam avait tout le nécessaire pour faire la volonté du Père, mais il ne voulut pas renoncer à sa volonté propre ; il aurait pu résister à la tentation (NB 11,321).

 

246. Dieu est discret

Le Seigneur est discret dans ses offres. Il aurait suffi à Dieu de faire un léger mouvement, Adam et Ève n’auraient pas mangé la pomme. Mais il y a une discrétion dans la présence de Dieu qui fait partie du réel de la création ; correspondant à cela, l’homme ne doit jamais cesser de se contenter de ce qui lui a été attribué pour son intelligence et aussi pour sa foi (NB 9, n. 1990).

 

247. Ne pas vouloir écouter la parole de Dieu

Saint Ignace essaie de créer dans celui qui s'est confessé un état qui soit le plus proche possible de l'état d'Adam avant le péché, et ceci dans la nouvelle alliance, donc d'une manière plus ouverte. Adam ne savait pas ce que cela a comme conséquences de ne pas vouloir écouter la parole de Dieu (NB 11,372).

 

7 . Le serpent

 

248. Le serpent au paradis n'était pas à l'affût lors de la création d'Adam pour l'avaler, il était masqué par le commandement de Dieu de ne pas manger du fruit (NB 6,479).

 

249. La rencontre du serpent

Quand Adam et Ève ont péché au paradis, lors de la rencontre avec le serpent, l'Esprit aussi était présent, examinant s'il y avait en eux la capacité de résister, si les hommes avaient réellement été créés de telle manière qu'ils auraient pu dire non (NB 4,158).

 

250. Présence du mal dans le serpent

Dans la tentation, deux choses sont visibles : la présence du mal dans le serpent et, en même temps (dans l'offre du serpent), un réveil de l'offre de l'Esprit à Adam. Si auparavant Adam avait accepté réellement toute la parole de Dieu, il aurait eu en lui l'Esprit et celui-ci aurait vaincu avec lui la tentation (NB 4,161).

 

251. Le serpent et le diable

Le diable était le mal vivant, il a pris le visage du serpent et il s’est multiplié comme la mauvaise herbe sans cesser d'être un (NB 3,234).

 

252. Le démoniaque : le principe le plus intime du non des hommes à Dieu

Le Fils a toujours vu le démoniaque dans sa relation aux hommes : comme le principe le plus intime de leur non à Dieu. Maintenant le démoniaque apparaît comme un toujours-plus qui dévoile en quelque sorte le toujours-plus du Père et de son exigence divine (NB 3,235).

 

253. Le diable fait irruption dans la bonne création de Dieu

Lors de la création, le ciel et la terre furent séparés et la terre fut attribuée à l'homme. Mais l'homme a péché et le diable a acquis sur terre un pouvoir. Le péché a reçu un visage humain : ce n'est que lorsque Adam se reconnaît lui-même comme pécheur qu'il sait ce qu'est le péché. C'est à cette figure humaine que le diable s'accroche de sorte que Dieu le Père doit envoyer son Fils avec une forme humaine pour rencontrer le diable et l'éliminer. Quand le diable envahit la terre à partir de l'enfer, quand il fait irruption dans la bonne création de Dieu, l'opposition entre le Père et l'enfer devient dramatique : il envoie son Fils sur terre pour donner une réponse à la ruse du diable par une super-ruse d'amour (NB 3,237-238).

 

254. Le diable incite l’homme à se détacher de Dieu

C'est dans l'amour que Dieu le Père crée l'homme, mais l'homme le déçoit et fait tout ce qu'il peut pour échapper à l'ordre établi par Dieu, un ordre qui était la propriété de Dieu, qui faisait partie de l'amour de Dieu, qui unissait l'homme à Dieu et qu'il accordait à l'homme. Mais le diable incita l'homme à se détacher de cette unité avec Dieu (NB 6,98).

 

8. Le péché

 

255. Le péché originel s’est fait à deux

Le péché originel au paradis se fit à deux. Il y a une communion dans le péché. Cette communion durable aurait pu conduire l'homme à retrouver l'amour de Dieu. Car il y avait toujours ici un point de départ pour l'amour et par là pour le retour à Dieu. Mais le péché, comme absence d'amour, s'interposa comme un obstacle et détruisit aussi l'authenticité de la communion (NB 3,86).

 

256. Ève pèche la première

Adam, qui est issu directement de Dieu, n'est pas le premier qui pèche ; Ève qui est créée à partir de l'homme l'a devancé. De par son origine, Adam est si proche de Dieu qu'il a besoin de la tentation pour pécher. Ève est d'une certaine manière plus éloignée. Il y a l'entremise d'Adam. Cela apparaît aussi ensuite dans la nature du péché originel (NB 4,305).

 

257. L'envie de pécher, Adam n'a aucunement pu l'empêcher chez Ève

Le Christ est Dieu et homme tout à la fois, et il empêche absolument par son existence que Marie puisse jamais s'approcher du péché. C'est cela justement qui fait la nature du péché originel : l'envie de pécher, Adam n'a aucunement pu l'empêcher chez Ève tandis que pour sa mère le Seigneur l'enlève tout de suite totalement, il l'empêche même d'emblée. La relation Adam - Ève est en quelque sorte un stimulant pour le péché originel tandis que la relation Christ - Marie est un mur contre le péché originel. Adam et Ève sont bannis ensemble tandis que le couple Christ - Marie entre en scène contre ce bannissement et ouvre à nouveau le chemin du ciel, ramène l'homme en Dieu. Et comme Adam a eu besoin d'Ève pour pécher, le Seigneur ne veut pas ouvrir sans la femme le chemin de la grâce (NB 4,306).

 

258. L’homme est tombé

Lors de la création, Dieu n'a pas seulement créé et établi sa relation à l'homme comme distance, mais aussi comme relation et donc comme une forme d'unité. L'homme aurait pu être, se développer et devenir tel que Dieu l'avait conçu, devenir une créature qui soit une, toujours disponible pour recevoir Dieu comme il veut se faire connaître. L'unité de l'homme aurait alors été au fond agencée et renforcée par le fait qu'il aurait gardé de la souplesse dans son développement provenant de Dieu. Tenant son développement de Dieu, il aurait gardé ce développement qui aurait apporté en lui l'être de Dieu. Il se serait laissé façonner par Dieu de telle sorte que son propre développement humain aurait progressé dans cet échange et il aurait reçu et expérimenté de cette manière son unité humaine. Non en suivant vaille que vaille l'appel et l'exigence, non en y opérant des choix et en en faisant ressortir de son propre chef une partie, mais en gardant flexible - à l'intérieur de sa nature et de son être - ce que Dieu lui avait inspiré et communiqué. Telle aurait été son unité. Mais voilà que l'homme est tombé et qu'il a interrompu les échanges faciles avec Dieu. Il s'est détourné de Dieu et il lui a présenté une sorte de mur sans fenêtre, dans lequel il n'y a plus d'ouverture pour Dieu (NB 1/2, 153-154).

 

259. Le péché originel : le mouvement qu’Adam crée en tombant

Le péché originel est le mouvement qu'Adam a créé en tombant. La justice de Dieu n'est pas satisfaite par une expiation d'Adam. Les deux - péché et expiation - continuent. Le mystère du péché originel a un parallèle dans le mystère de la naissance d'un homme : rien n'est aussi incompréhensible que le fait que "moi" justement je vienne au monde, justement par suite de cette union, etc. Le péché originel n'est pas plus compréhensible que cette émergence du moi individuel (NB 4,291-292).

 

260. Lhomme a fait ce qui était défendu

Dieu a créé l'homme et il a vu qu'il était bon, et l'homme était bon avant tout parce que Dieu le trouvait bon. Pour lui-même, le fait d'être bon ne le frappait pas, il était trop occupé à correspondre, il n'avait pas à se prononcer à ce sujet. Quand ensuite il fit ce qui était défendu, le mal s'ouvrit à lui et il put alors établir une distinction car, étant dans le mal, il savait, en regardant en arrière, ce qu'avait été le bien : ce qui était bien objectivement était l'état dans lequel Dieu avait placé le monde, et le mal objectif est le résultat de son éloignement, l'enfer. Séparé du bien et pourtant en lui-même totalement non séparé. L'eau claire comme du cristal qu'était l'homme bon avait été séparée du chaos par Dieu lui-même, l'eau elle-même ne portait en elle aucune trace de séparation ; par la séparation opérée par Dieu elle était totalement son être propre. L'homme ne faisait pas l'expérience de la séparation dont lui, qui était bon, était le résultat. Le fleuve de l'enfer par contre porte toutes les caractéristiques de ce qui a été rassemblé, de ce qui a été fondu l'un dans l'autre : un résidu de pures séparations. C'est ainsi le contraire du premier chaos : tandis que celui-ci était l'origine, celui-là n'est plus que quelque chose d'abstrait, de pensé, de systématique (NB 3,272).

 

261. Lhomme viole le commandement

Comme c'est Dieu qui crée l'homme, l'obéissance est utilisée comme une forme naturelle de l'amour, et l'interdiction du paradis est là pour donner des repères à cette obéissance. C'est cette limite qui doit prouver l'amour dont l'homme est capable. L'homme viole le commandement parce qu'il ne respecte pas l'amour. En péchant, il se détourne de l'amour, il mésestime sa nature, c'est pourquoi il transgresse ses lois (NB 5,89-90).

 

262. Adam et Eve ont enfreignent les ordres de Dieu

Quand Adam et Ève commirent leur péché, ils tirèrent profit de l'origine du serpent avec lequel ils contractèrent un lien. Quand par la suite Dieu les rencontra à nouveau, ils avaient entre-temps enfreint les ordres de Dieu. L'avance du serpent demeure pourtant dépendant de l'ordre et de l'interdiction de Dieu ; les pécheurs ne peuvent pas dire qu'ils se seraient simplement attachés à celui qui était en lice le premier (le serpent), car ils savaient bien que le serpent devait, dans sa conversation, renvoyer à la parole de Dieu qui avait précédé. Pour celui qui connaît Dieu vraiment, pour le Fils, il n'est aucunement besoin d'une interdiction particulière pour savoir que manger du fruit n'est pas dans la volonté du Père ; mais Adam justement n'est pas le Christ et, pour Adam, Dieu en tout cas a lancé une interdiction ; lui et Ève se trouvent entre cette interdiction et le serpent, et comme ils prennent le parti du serpent, Dieu renvoie à son interdiction en les châtiant. Ce geste domine encore essentiellement l'ancienne Alliance : Dieu renvoie aux commandements et aux interdictions pour annoncer au pécheur son châtiment (NB 6,337).

 

263. Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu

Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu, il essaya de se construire lui-même un monde dans lequel il donnerait satisfaction à ses désirs et à ses appétits sans que Dieu y mette le nez. Il essaya donc de se cacher. La manière pour Caïn de se cacher s'exprimera de manière encore plus forte. Avant la chute, Dieu n'avait pas besoin de montrer sa force ; maintenant, il la montre comme étant la force capable de faire paraître au grand jour l'homme qui se cache. Et pour que le pécheur puisse reconnaître cette force, il ne doit pas oublier totalement comment c'était avant la chute ; le "naturel" de la présence de Dieu autrefois doit lui être gravée dans la mémoire. C'est pourquoi Dieu lui donne la foi : une relation de l'homme à Dieu, entretenue par Dieu, façonnée par Dieu quant à sa forme et quant à son contenu. Mais ce faisant, Dieu laissait à Adam sa liberté : l'homme pouvait inscrire son acte de foi personnel dans le cadre de la foi offerte par Dieu. Il avait le droit, le pouvoir et le devoir de réfléchir à sa foi, d'accueillir les paroles de Dieu et peut-être de ne pas les interpréter uniquement dans le sens qu'elles avaient à l'instant même où elles avaient été dites, mais dans un sens qui serait acceptable, compréhensible, utilisable par l'homme, sa vie durant (NB 6,187).

 

264. Adam fait un mauvais usage de sa souveraineté sur la terre créée

Adam pèche ; il fait un mauvais usage de sa souveraineté sur la terre créée, il répand ainsi le péché sur tout le domaine qui lui est confié. Lui, au nom de tous, et lui en tant qu'individu. Et chaque descendant à nouveau, en tant que pécheur individuel et en tant que participant au péché originel, détruit la relation à Dieu et aux choses qui sont le domaine de la souveraineté de l'homme. Chaque abandon individuel de Dieu ne reste pas concentré dans le pécheur, il se propage dans tout le domaine. Les différents abandons s'accumulent d'une manière difficile à préciser. L'homme tombé lutte pour le domaine du monde qui a été bouleversé, pour se l'assujettir à nouveau ; il le fait pourtant en un sens qui n'est plus le sens de Dieu, mais celui de son propre gré. Par ce qui n'est plus juste, l'homme remarque qu'il mérite le châtiment ; pourtant, dans son abandon, il ne peut jamais trouver la mesure du châtiment, il ne peut même jamais reconnaître le but du châtiment. Il y est trop lié. Il ne cesse de penser qu'il ne mérite de châtiment que pour ce qu'il a gâté en tant qu'individu et ce qui peut être remis en ordre dans son rapport individuel. D'autre part son besoin de châtiment se heurte à sa vague connaissance de la justice de Dieu ; il la craint parce qu'elle s'oppose à son péché et parce qu'il est clair pour lui que péché et justice se rencontrent quelque part définitivement. Mais la plupart du temps, cette connaissance n'est pas de telle nature qu'elle l'empêcherait de continuer à pécher, et qu'il continue à pécher n'affine pas non plus sa conception du châtiment. C'est ainsi que le combat du pécheur pour restaurer l'ordre demeure inutile (NB 3,196).

 

265. L’œuvre de Dieu pervertie par l’homme

Quand Dieu créa le monde, il était d’humeur créatrice. Il fit quelque chose qui correspondait à sa force. Il se donna à lui-même pour la première fois la preuve de ce qu’il pouvait faire. Puis vint le péché et son œuvre fut pervertie par l’homme. Mais la force créatrice originelle de Dieu ne faiblit pas : il créa les sacrements d’où cette force continue à se répandre, et chaque sacrement recrée le pécheur en Dieu (NB 9, n. 1718).

 

266. Adam veut être Dieu -

Avant le péché, l’être humain se trouvait avec sa fécondité au plan que Dieu lui avait assigné : celui de la créature devant son Créateur, de l’enfant devant son père. L’enfant ne voulait pas devenir père, la créature ne voulait pas créer. Ce n’est que la convoitise et le péché originel qui ont déplacé la relation naïve. Adam veut être Dieu, il veut être père au lieu de rester enfant. Il reçoit ce qu’il a voulu, il voit qu’il est nu, il doit descendre au niveau de la fécondité animale (NB 9, n. 1681).

 

267. Ève s’est fermée à Dieu

La transmission de la grâce a été placée en Marie à l'endroit où Ève s'est fermée à Dieu. Par son refus, Ève fut pour Adam la médiatrice de tous les péchés, car à ce moment-là il n'y avait qu'Adam à qui elle pouvait transmettre quelque chose. Par lui, la faute est passée dans toutes les générations. Ce n'est qu'en Marie que devient visible ce qui au fond aurait dû être transmis, et aussi la pureté que peut avoir cette transmission. Quiconque est dans l'amour et dans la foi peut, en intercédant, participer à la transmission de la grâce. Mais bien des choses sont obtenues dans un esprit qui n'est pas l'esprit de Dieu, et bien des choses doivent d'abord être changées et rectifiées par Dieu pour pouvoir être offertes. Marie par contre, dans sa pureté, ne transmet que ce que Dieu est et ce que Dieu veut transmettre. Entre ce qu'elle fait comme médiatrice et ce que Dieu fait par sa médiation, il y a une unité et une harmonie parfaites qui sont basées sur sa participation de grâce à la vie intime de Dieu (NB 1/2, 158-159).

 

268. Mise à l’épreuve, Ève n’a pas tenu bon -

Dieu a créé l'homme à son image. Cette image est double : c'est l'image comme reflet de l'être de Dieu et c'est l'image comme l'idée que Dieu se fait de l'homme. C'est pourquoi elle ne contient pas seulement une imitation mais aussi l'exigence d'une mise à l'épreuve. Ève n'a pas tenu bon, mais elle a séduit Adam qu'elle avait suivi dans l'existence. C'est pourquoi Marie maintenant est placée avant le Christ. Parce que Ève est issue d'Adam, le Christ sera issu de Marie. L'image du Fils doit faire ses preuves dans celle qui a été conçue sans tache avant que le Père accepte que son Fils vienne réellement comme homme dans le monde. Marie a dû passer avec succès l'épreuve de ses capacités. Dans le fait que l'ange l'aperçoive, il y a comme une inversion de l'attitude du premier couple qui a voulu se cacher après le péché : Marie se laisse trouver, elle se laisse trouver dans son oui qui est déjà le Christ. Son oui est déjà le Christ parce que le Christ est la récapitulation de toutes les prophéties qui l'annonçaient, en tant qu'il est l'unique manière de correspondre aux prophéties (NB 1/2, 157).

 

269. Adam et Eve se sont égarés

Devenu homme, le Fils apprend en quelque sorte à connaître le Père de manière nouvelle en tant que maître de la création. C'est lui qui a créé les hommes et le Fils apprend maintenant à le connaître en tant qu'homme. Il est heureux et en même temps il est inquiet. Car il y a la force du péché, ses plus fidèles s'égareront, comme Adam et Ève, qui étaient les plus fidèles du Père. L'expérience du Père avec la création se répète dans le Fils. Il se trouve maintenant là où se trouvait le Père ; ses plus proches, ses disciples, représenteront Adam et Ève. Tout en sachant qu'il va racheter le monde par sa mort, il sait en même temps que, durant sa vie, il n'obtiendra pas un résultat décisif. D'un point de vue terrestre, Judas aura le dernier mot. Le péché a causé de tels ravages que seule sa mort peut tout arranger (NB 6,141).

 

270. Adam a tourné le dos à Dieu

En créant Adam, Dieu a devant lui un être à une certaine distance. Cette distance aurait pu rester inchangée non seulement si Dieu s'était occupé d'Adam mais si également Adam s'était occupé de Dieu. Mais Dieu, Adam a voulu le perdre de vue, il a tourné le dos à Dieu et la distance s'est agrandie. La distance trinitaire entre le Père qui engendre et le Fils engendré ne change pas même quand le Fils devient homme. Quand le Père engendre son Fils dans le sein de sa mère par l'Esprit, elle reprend en quelque sorte la tâche originelle d'Adam, et Marie garde son visage tourné vers Dieu, elle ne se détourne pas de Dieu comme Adam. Elle est investie par Dieu et elle le rencontre de tous côtés. Ainsi elle est très proche du rôle de l'Esprit Saint (NB 6,179-180).

 

271. Adam tourne le dos au Père

La distance qui sépare Dieu de la créature avait été établie par Dieu comme l'optimum de visibilité de Dieu pour Adam : c'est à partir de là qu'il pouvait faire la meilleure expérience de Dieu selon la volonté divine pour lui. Cette distance était au fond pensée comme quelque chose de constant, de stable. Mais en péchant, Adam a tourné le dos au Père et, en s'habituant au péché, l'humanité s'est toujours plus éloignée de Dieu, cela la contraint aussi par conséquent à devoir faire des efforts toujours plus grands pour surmonter l'éloignement du péché. Parce que le pécheur a perdu la mesure de la juste distance, il n'est plus capable d'apprécier ce qui serait nécessaire pour la retrouver. Alors le Père envoie le Fils, et celui-ci nous montre l'unique véritable possibilité de rendre à la distance son sens voulu par Dieu, en somme de tourner à nouveau notre visage vers Dieu, de l'aimer à nouveau et de rester réceptif à l'amour. Il nous offre l'état de grâce (NB 6,197).

 

272. Adam s’est éloigné de Dieu

Quand Adam pèche, il défigure lui-même son corps, il l'humilie. Et ensuite, quand Dieu le rappelle, quand Dieu se fait à nouveau remarquer, il vient à l'esprit d'Adam qu'il s'est éloigné de Dieu non seulement dans son âme mais aussi dans son corps (NB 3,182-183).

 

273. L’homme s’éloigne de Dieu

Quand Dieu montra à Adam ce que celui-ci au fond savait déjà - qu'il s'était éloigné de Dieu - il lui indiqua quelque chose qui jusqu'alors n'avait pas de nom et qui désormais s'appellerait péché. Le petit enfant qui veut faire quelque chose d'interdit se trouve en face du non des parents qui l'en empêche ou non. Le non de Dieu vis-à-vis de notre père Adam a la force et l'efficacité d'un interdit de ce genre vis-à-vis de l'enfant : elle est une mesure de l'autorité vis-à-vis d'un savoir trop court. Plus l'homme s'éloigne de Dieu, plus les paroles deviennent nécessaires. Et à la fin des paroles de Dieu se trouve l'incarnation et le passage à travers l'enfer. Au début un mot suffit : Tu ne dois pas manger ! À la fin, la parole du Père rassemble en elle les multiples paroles d'interdiction qui ont été prodiguées, dont les négations s'offrent au regard du Fils obéissant dans les péchés de l'enfer (NB 3,232-233).

 

274. L'homme est fait tout entier à l'image et à la ressemblance de Dieu; mais il pèche et Dieu est au courant de son péché (NB 6,84).

 

275. Qui peut comprendre ce qui se passe en Dieu le Père quand il voit qu’Adam pèche ? Personne ne veut y réfléchir, c’est pourtant quelque chose d’important (NB 4,118).

 

275. La catastrophe du premier Adam (NB 6,189).

 

9. Après le péché

 

276. Par le péché, Adam fut rejeté de la présence de Dieu (NB 3,207).

 

277. Quand Adam et Ève eurent mangé la pomme

Après qu'Adam et Ève eurent mangé la pomme, il y a l'instant où ils savent qu'il s'agit maintenant de sortir de toutes les jouissances et de se présenter à nouveau devant Dieu. Ils ont fui Dieu est et ils sont conscients de la chose (NB 10, n. 2136).

 

278. Après le péché, nous sommes dans l'ordre de la création déchue, nous ne sommes plus au paradis (NB 12, 203).

 

279. Les anges vont chasser Adam et Ève

Aux portes du paradis. Les anges vont chasser Adam et Ève. Toute l'espérance en la grâce d'être sans péché a disparu. Il n'y a plus là que des débris, pas de promesse. Ce qui était s'est perdu définitivement : notre obéissance et notre pureté… Le péché… L'espérance brisée du monde… Le fiasco de la création (NB 1/2, 111).

 

280. Dieu lui-même chasse les hommes du paradis

Le chérubin à l'épée de feu gardera le paradis : il est l'instrument et l'apparition du châtiment de Dieu. Les relations de l'homme avec Dieu le Père sont suspendues ; mais les anges servent de médiateurs, plus tard ce sera le Fils, puis l'Esprit Saint qui parlera aussi bien dans le Fils que par les anges. Dieu lui-même chasse les hommes du paradis, il les met à distance, mais il place aussi l'ange pour que les hommes ne s'éloignent pas toujours plus de Dieu. L'ange porte les armes de Dieu - l'épée et le feu - ce qui coupe et ce qui brûle. Il coupe, et à vrai dire de telle manière que les hommes ne puissent pas évaluer la distance qui les sépare de Dieu. Ni maintenant qu'ils sont séparés, ni plus tard quand ils seront réunis par le Fils, Dieu ne veut pas que l'homme puisse évaluer la distance qui le sépare de Dieu et ce qu'il faudrait pour revenir à lui. La limite qui a été établie est de feu : elle le restera à l'avenir, seules les significations du feu vont changer (NB 6,315-316).

 

281. Adam chassé du paradis-

Le paradis était pour ainsi dire une contrée divine : participation de la création à tout le bien que Dieu lui donnait de lui. Dans son rapport avec Dieu, ce paradis est immuable si bien que le paradis est devenu l'image même du lieu parfaitement créé pour l'homme. Malgré cela, le paradis devient le lieu de la plus grande tragédie qu'il y ait jamais eue. Adam pèche, il devient indigne de ce lieu auquel il était adapté et il en est chassé. Le lieu le plus bienheureux devient le lieu le plus désolant parce qu'il a perdu sa destination : abriter l'homme bienheureux. Le paradis est au fond un lieu que Dieu avait préparé en lui pour la création ; comme l'homme a quitté ce lieu, Dieu doit pour ainsi dire trouver à nouveau en lui un lieu où il pourra à nouveau abriter l'homme pécheur qui s'est détourné de lui, un nouvel endroit dans l'être de Dieu. Naturellement cet endroit en Dieu était toujours là, et cela ne signifie aucun changement en Dieu du fait qu'il en ait maintenant besoin. On devrait dire : en face du caractère changeant de la création, il y a en Dieu un super caractère changeant qui lui est "plus que naturel" de sorte que Dieu ne subit vis-à-vis de lui aucune dépendance ni aucun embarras. Nous prenons des échelles trop petites quand nous opérons avec nos concepts "muable – immuable" : la réalité est beaucoup plus pleine que ce que nous pouvons imaginer (NB 3,232).

 

282. Adam banni du paradis et du monde de Dieu

Quand Adam commet le péché, il s'ensuit un double bannissement : celui d'Adam hors du paradis, mais en quelque sorte aussi celui de Dieu hors du monde. Le repos sans souci de Dieu dans son œuvre, sa promenade dans son paradis : c'est fini. On pourra toujours entendre sa voix ; mais le temps, en tant que temps du péché, a reçu du même coup quelque chose de vide et de refermé sur lui-même, qui ne peut être pour Dieu une demeure. Quand Dieu a quitté Adam, quand il ne lui a plus demandé comment il allait, quand sa promenade dans son jardin a pris fin, une fin aussi fut mise à la vie d'Adam. Adam vivait dans le paradis comme dans une sorte de noviciat pour la vie dans le ciel ; il n'aurait pas quitté le paradis par une mort réelle. Il y aurait eu une transformation instantanée : une partie du paradis encore occupé et un aspect de la vie humaine encore lié à la terre auraient été emportés vers Dieu dans une "résurrection de la chair". Dieu aurait peut-être été chercher les hommes à certains intervalles de temps qui auraient chaque fois correspondu à la fin d'une génération, mais cette fin et ce nouveau commencement n'auraient pas eu le caractère abrupt et définitif de la mort actuelle par laquelle Adam et sa descendance expient pour le péché. Il se serait produit un certain "être-ici" et un certain "être-là" ressemblant à ce qui s'était passé au commencement : le Créateur ne séjournait pas seulement au ciel ("de manière permanente") mais aussi sur terre ("se promenant de temps en temps"), ressemblant peut-être aussi à la manière dont le Fils, après la résurrection, non seulement séjourne auprès du Père, mais apparaît aussi de temps à autre à ses disciples. Il aurait fallu une "extension" pour rendre capable du ciel l'homme paradisiaque ; cette extension aurait inclus la somme de ses expériences terrestres au paradis et en même temps la somme de ses rencontres avec Dieu quand il s'y promenait. Le paradis aurait été réellement l'école préparatoire au ciel ; mais la fréquentation du noviciat n'aurait pas été interdite à celui qui aurait été reçu au ciel, et les autres novices auraient été mis au courant de l'existence de ceux qui avaient été reçus en Dieu. Le jour où Adam aurait pris congé de ses enfants, ceux qui restaient auraient été consolés - bien que le terme de consolation ne soit pas adéquat - par une sorte de vue du ciel, comme par exemple elle fut accordée à Étienne sur le point de mourir. L'entrée d'Adam dans le ciel aurait été pour les autres une approche du ciel, car l'amour d'Adam aurait été si grand qu'il n'aurait voulu bénéficier de rien pour lui-même sans le partager avec les autres de sorte qu'ils y auraient eu part au moins sous la forme d'un pressentiment. Quelque chose de ce partage des biens se retrouvera dans le mystère de l'eucharistie ou dans la dépossession de l'apôtre pour l'Eglise : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi"; et le "Christ" aurait été pour l'Adam paradisiaque le ciel de Dieu. L'homme nouveau aurait été l'homme capable du ciel. Il n'aurait pas eu besoin de se séparer radicalement du terrestre, car ce que nous, nous comprenons sous le terme de séparation inclut déjà la mort. Une transformation aurait eu lieu, comparable à celle de l'enfant qui devient un adolescent. Cette transformation se serait produite en un point précis du temps (et non peu à peu) parce que l'homme, au paradis, vivait déjà dans les jours de la création qui sont comptés. Ce passage aurait aussi été un événement festif auquel les autres auraient participé avec joie. C'eût été la contrepartie de la visite de Dieu chez les hommes : c'est maintenant Adam qui rend visite à Dieu. A vrai dire une visite pour toujours. Son monde l'aurait aussi accompagné en quelque sorte, le jardin du paradis aurait été emporté au ciel d'une certaine manière, sans que pour autant le jardin terrestre en fût devenu plus petit pour les autres dont l'heure n'avait pas encore sonné. Le temps du paradis est divisé en jours et en nuits comme notre temps, et Adam aurait connu d'une certaine manière le jour de sa transformation. Celui-ci aurait répondu au jour de sa création, Ss bien qu'Adam pouvait dire : « Tel jour j'ai été créé, j'ai reçu Ève », de même aurait-il su : tel jour j'irai à Dieu dans le ciel (NB 6,50-52)

 

283. Adam et Eve expulsés du paradis

Dieu crée Ève pour Adam; les deux se complètent, les deux sont également heureux, ils ont également part à tout ce que Dieu a créé, toujours avec l'orientation d'Ève vers Adam. Lors de la chute il est dit certes que c'est Ève qui entraîne Adam mais, pour commettre tout le péché, ils ne font qu'un et il s'entraident l'un l'autre. Dieu punit les deux, il les expulse du paradis. Adam doit s'adonner à un travail pénible, Ève enfanter dans les douleurs ; les deux choses vont ensemble, on ne peut pas dire laquelle est la plus dure. L'homme certes ne peut pas éprouver en lui-même le poids du châtiment qui concerne la femme, et vice versa ; c'est cependant un châtiment commun, ils sont soumis ensemble à la juste colère de Dieu. Il pourrait se faire qu'Adam (en tant que plus responsable) soit plus coupable qu'Ève et que, pour son châtiment, il ait plus à porter qu'elle, bien qu'il soit tout aussi possible qu'Ève, avec ses douleurs, porte une part de ce qui au fond devrait revenir à Adam. Ou aussi vice versa. Cela veut dire que, dès cette situation initiale, Dieu ne va peut-être pas tout à fait jusqu'au bout de sa justice (NB 6,502).

 

284. Les hommes chassés du lieu où Dieu se promenait

Les hommes commirent le péché et ils essayèrent de se cacher de Dieu, c'était une conséquence de leur péché. Ils furent chassés aussi du lieu où Dieu se promenait, ils furent chassés dans le monde des pécheurs où Dieu ne peut plus se promener de la même manière (NB 5,48).

 

285. Le chaos de nos péchés ne connaît aucun ordre. Nous voulons nous-mêmes le désordre (NB 3,306).

 

286. Péché d’Adam : le chaos saccroît

Par le péché d'Adam, le chaos s'accroît. Adam trouve pour ainsi dire du plaisir à mettre sur le chaos le signe du péché et à l'agrandir à l'infini ; à l'origine, le chaos est ce qui n'est pas ordonné, maintenant, c'est l'ordre détruit de propos délibéré. Le Fils souffrant rassemble en lui ce chaos du péché (NB 3,260).

 

287. Par le péché, l’homme crée second chaos -

A l'origine, Adam est né de Dieu. Dieu avait séparé le chaos, et quand Adam naquit de Dieu, cela se fit totalement dans la lumière. C'est Dieu seul qui le créa, Adam n'eut aucune part à cette naissance, il ne possédait aucun discernement et il fut placé dans le paradis. Après le péché, comme l'homme avait créé un second chaos, il s'est acquis aussi un discernement. Maintenant il ne peut plus naître de Dieu sans sa collaboration ; il doit y acquiescer lors du baptême (NB 10, n. 2041).

 

288. Adam et Eve sont comme enveloppés dans une atmosphère de péché

Après la chute, l'homme et la femme se trouvent l'un en face de l'autre de nouvelle manière : ils sont en quelque sorte enveloppés d'une atmosphère de péché et de convoitise qui leur appartient. C'est une atmosphère de trouble, comme si la nuit n'était plus vraiment séparée du jour. Et non seulement l'être humain cherche à allumer des lumières dans cette nuit pour voir quelque chose, Dieu lui-même crée pour l'être humain des issues à cette existence pécheresse de fermeture et de limites (NB 12,153-154).

 

289. Le péché est contagieux

A cause du péché originel, la mort n'est pas une affaire privée, elle est, comme le péché originel, une affaire partagée. Elle l'est comme le contraire de la communauté dans l'amour. L'amour est échange, si bien que celui qui aime et l'aimé forment une unité dont les joints sont invisibles ; l'aimé ressent le don que fait de lui-même celui qui aime, et celui qui aime se donne à l'aimé pour se recevoir de lui en retour sous une forme transformée. De même que Dieu a créé l'amour contagieux, le diable en a fait autant pour le péché : il ne concerne pas l'homme à titre privé ; il fait partie de sa nature qu'il soit commis par un pécheur pour convaincre les autres de la justesse de son action, pour les inciter au péché. Il donne au péché une vitalité qui est à l'opposé de la vitalité de l'amour (NB 6,290).

 

290. Une mauvaise conscience suit le péché

Dans la filiation Dieu – Adam et Ève -, il y a d'abord un intervalle énorme. Quand Adam tombe, l'intervalle entre lui et Dieu est si grand qu'il ne peut plus être comblé par Adam, et l'intervalle se poursuit à travers toutes les générations. La "mauvaise conscience" qui suit le péché originel, est pour Adam plus forte que pour Ève en quelque sorte parce qu'il aurait eu la connaissance suffisante pour éviter le péché (NB 4,305).

 

291. La nudité d’Adam et Ève

Au paradis, Adam et Ève étaient nus, c’est-à-dire qu’ils étaient à la disposition de Dieu et que Dieu, au moment qu’il aurait trouvé bon, aurait pu leur donner la pleine connaissance réciproque. Mais ils se sont emparés eux-mêmes de la connaissance et le vêtement dont les hommes se couvrent dut se placer entre la nudité qui est sainte et la nudité qui n’est pas sainte (NB 4,105-106).

 

292. Les peaux de bêtes

Quand Adam et Ève cessèrent de ne faire qu'un dans l'amour de Dieu, ils virent qu'ils étaient nus. Et alors, pour être deux êtres clairement différents, séparés, ils se vêtirent de peaux de bêtes. Ils eurent besoin des bêtes, ils descendirent vers eux pour être deux : abaissés, bestialisés (NB 12,151).

 

293. Après la chute, une existence fermée sur elle-même

Dieu crée Adam nu et il le laisse être nu dans le paradis. Dans cette nudité, bien qu'étant créature et étant par là en face de Dieu, Adam participe à l'eucharistie divine. Il vit en Dieu, non séparé de Dieu. Ce sont les peaux qu'il reçoit de Dieu après la chute qui lui donnent une existence fermée sur elle-même ou plutôt le confirment dans cette existence. Elles sont pour lui une protection et elles lui permettent de continuer à vivre dans sa nouvelle situation vis-à-vis de Dieu (NB 6,524).

 

294. Continuer à vivre après la chute

Après la chute, Adam et Ève doivent accepter les lois de leurs corps, ils n'ont pas d'autre choix. Une fois qu'ils ont été recouverts de feuilles de figuier, ils doivent trouver une relation nouvelle avec leur nudité. Dieu ne les laisse pas seuls ; dès qu'ils sortent de la défaillance de leur péché, Dieu répand sur eux quelque chose de sa puissance céleste pour qu'ils puissent continuer à vivre (NB 12,151).

 

295. Quand Adam et Eve furent tombés 

Il y a chez Adam quelque chose comme un tournant. Quand Adam et Ève furent tombés, ils durent naturellement chercher un chemin qui partait du bas vers le haut (NB 1/2, 266).

 

296. Après le péché, Dieu n’abandonne pas simplement les hommes à leur destin

Au paradis, Ève est bien née d'Adam, il a reconnu en elle son image ; et les deux, par leur relation au paradis, sont initiés par anticipation à la relation sexuelle. Dieu bénit aussi leur fécondité post-paradisiaque en donnant à l'enfant une âme immortelle. Dieu ne les abandonne pas simplement à leur destin ; ils ne s'accouplent pas non plus comme des bêtes. Ce qui n'était pas prévu à l'origine est après coup béni par Dieu (NB 12,149).

 

297. Par le péché, Adam trace des limites entre Dieu et lui

Quand l'homme pèche, il trace des limites entre lui et Dieu, des limites qui ne le font pas différent mais qui font de lui un étranger. Disparaît alors la complicité naïve et non réflexive. Mais depuis toujours Dieu a le dessein d'aller rechercher l'homme et de lui donner une nouvelle complicité (NB 12,153).

 

298. Léloignement de Dieu introduit du limité dans notre conception de Dieu

Tout ce que notre pensée - par suite de notre éloignement de Dieu lié à notre péché et au péché originel - introduit de limité dans les actes divins est sans cesse à exclure ; ce que les mots de l’Écriture font apparaître en Dieu de limité d'une certaine manière n'est qu'une concession à notre compréhension bornée. Par notre éloignement de Dieu, nous sommes tellement immergés dans notre temporalité avec son cloisonnement de jours et de nuits, d'heures et d'événements, que si Dieu nous emportait pour un instant, tels que nous sommes, dans l'événement éternel de la Trinité, nous ne pourrions même pas remarquer qu'il s'y passe quelque chose (NB 6,99).

 

299. Pour l’homme chassé du paradis, Dieu n’est plus dans la lumière

Au commencement, quand Dieu créa le jour et la nuit, l'un et l'autre étaient remplis de lui. Toutes les aurores également et tous les crépuscules entre deux étaient remplis de lui. Si bien que l'homme ne pouvait jamais dire que les changements de la lumière le rapprochaient de Dieu ou le lui rendait étranger. Tous les changements appartenaient à Dieu, il n'y avait pas de fluctuations. Quand les humains furent chassés du paradis, Dieu ne fut plus pour eux dans la lumière. Ce n'est que lorsqu'ils cherchent à s'approcher à nouveau de Dieu qu'il leur rend dans sa grâce quelque chose de la vraie lumière, afin qu'ils voient dans la lumière de Dieu la lumière terrestre et les choses terrestres. Quand, à la fin de la passion, le Fils meurt, que toute la lumière se brise et qu'elle est comme traversée par les ténèbres, c'est alors que devient visible le prix par lequel Dieu nous rend sa lumière (NB 6,234).

 

300. Depuis le péché, l’homme est conscient des limites de sa connaissance de Dieu

Dieu a sans doute placé l'homme dans un monde limité parce que matériel, mais il voulait conduire l'esprit de l'homme plus loin de telle sorte qu'il soit aidé à dépasser ses limites. Si l'homme ne s'était pas rendu étranger à Dieu, l'homme n'aurait cessé de se tourner immédiatement vers Dieu et il aurait pu avoir quelque chose de l'infini que possède Dieu dans sa Trinité. Depuis que l'homme a mangé de l'arbre de la connaissance, il est conscient des limites de sa connaissance. Auparavant les hommes avaient confié à Dieu leur connaissance et ils recevaient de lui les réponses à leurs questions. Mais en Dieu la connaissance n'a pas de limite : aucune des personnes divines n'est pour l'autre une limite (NB 6,54).

 

301. Le péché : la relation d'amour originelle est anéantie

Le péché introduit une ligne de séparation qui traverse l'amour. Il isole. Adam et Ève ont maintenant la connaissance du bien et du mal, et cette séparation se révèle, se découvre pour ainsi dire, en Caïn et Abel. Leur querelle est le signe que la relation d'amour originelle est anéantie. On doit compter pour elle avec la loi du péché, ce sera une lutte éternelle entre le noir et le blanc, et la plupart des fruits seront gris. Désormais le monde est ainsi (NB 6,91).

 

302. Le péché a beaucoup réduit la fécondité des humains

La parole : "Cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira" aurait eu au paradis un sens beaucoup plus fort : le sens d'un engendrement. Les parents auraient eu une part beaucoup plus grande dans l'origine de l'enfant. La fécondité, qui était au fond prévue pour la création, peut être d'une certaine manière lue aujourd'hui dans le oui de Marie : c'est par la grâce de Dieu qu'elle devient la mère du Seigneur et de tous les croyants. Le péché a beaucoup réduit la fécondité des humains (NB 6,57).

 

303. Au paradis, le lait de la femme aurait dû donner aussi la force de rester devant Dieu en toute pureté

Recevoir le lait maternel, c'est pour l'enfant une sorte de communion. Après le péché originel, l'allaitement a perdu de sa spiritualité, il est surtout le don d'un aliment. A l'origine (au paradis) , le lait de la femme aurait dû donner aussi la force de rester devant Dieu en toute pureté. Ce qui était prévu pour Ève se réalise en Marie. Elle et son enfant sont tous deux parfaitement purs ; par l'allaitement de la mère, ce n'est pas seulement cet enfant, mais c'est toute l’Église (qui est le corps du Christ) qui devrait recevoir quelque chose de la grâce de la pureté maternelle (NB 12,229).

 

304. Relations sexuelles d’Adam et Eve après la chute seulement -

Adam n'eut de relations avec Ève qu'après la chute, mais il ne sait pas bien ce qu'il doit faire de son état antérieur. Il ne peut pas se l'expliquer. Était-il renoncement ou non ? La connaissance qui lui manquait était-elle justement de pouvoir avoir des relations ? Ou bien aurait-il pu continuer simplement sans désir ? S'il était resté sans péché, est-ce que Dieu n'aurait pas éveillé tel ou tel désir? (NB 10, n. 2107).

 

305. Après le péché, enfanter dans la douleur et travailler à la sueur de son front -

Peut-on dire d’Adam et Ève qu’ils étaient mariés ? Ils sont simplement des compagnons. À partir de là tout reste ouvert. Il y a un état dans lequel ils se trouvent : ils sont en Dieu et Dieu les a faits ainsi. Puis arrivent la chute et le désordre, ils doivent vivre désormais en conséquence. En tant que pécheurs, ils ne peuvent plus retourner dans l’état où Dieu les avait placés. En tant que pécheurs, Dieu leur donne la tâche d’enfanter des enfants dans la douleur et de travailler à la sueur de leur front (NB 9, n. 1953).

 

306. Avec la chute, les humains deviennent serviteurs des biens créés -

Adam et Ève vivaient dans l'état des vœux parfaits. Ce n'est que lorsqu'ils sont devenus désobéissants qu'ils furent aussi remplis de convoitise et propriétaires, et qu'avec les choses créées d'ici-bas, qui étaient à leur disposition, ils durent se faire des biens. Dans le plan originel de Dieu, les biens ne sont rien de plus que des choses créées qui sont là pour servir l’homme, mais la chute a fait de nous, nolens volens, leurs serviteurs (NB 11,345).

 

307. Le mal, c’est la mort

En créant, le Père produit une vie nouvelle ; à l'homme, qui est son image, Dieu donne son souffle. L'homme est en mesure de transmettre, il peut engendrer une nouvelle vie à partir de la sienne. Après qu'il a péché, c'est une vie qui est marquée par la souillure du péché originel. Puisque ce qui est créé provient de Dieu, il peut lui attribuer la même note qu'à lui-même : c'est bon. Mais le mal s'y ajoute et il est le contraire de la vie en devenir : il est opposé à la vie. Le mal, c'est la mort (NB 5,76).

 

308. A cause du péché, le monde est sombre

(Adrienne en extase). Lors de l'incarnation. Je suis dans la lumière du Père La lumière du Père. C'est la toute grande lumière de Dieu Trinité. Le Père place le monde dans sa lumière et, à cause du péché, ce monde est sombre, il assombrit la lumière de Dieu, l ne laisse pas la lumière le pénétrer. Le Père reprend dans sa main de la poussière dont il a créé Adam. Il regarde la poussière et il regarde la création du monde et les créatures qu'il a formées à partir de la poussière. Et il trouve que tout a été bon. De cette poussière, il aurait pu naître une humanité qui n'aurait pas assombri sa lumière. Dans sa lumière, il regarde la poussière qui est dans sa main, et il demande au Fils de prendre sur lui le péché du monde. Puis le Père prend dans sa main le Fils comme la lumière de sa lumière. Il peut la mettre partout : sa propre lumière est éclairée par la lumière du Fils. Et le Fils prend dans sa main la poussière de la main du Père et la place dans sa propre lumière, il la place aussi dans la lumière du Père et il dit au Père : "Père, ta poussière était bonne, elle s'accordait à cette lumière que tu rayonnes et de laquelle tu m'engendres continuellement". Puis il demande au Père d'être créé comme homme de cette poussière. Le Père prend alors cette poussière en lui et il en fait sa semence. Et le Fils entre avec la poussière dans la semence du Père, il est en même temps semence et poussière. Le Père remet la semence à l'Esprit et l'Esprit souffle où il veut, et il veut souffler vers la Vierge Marie. Marie est toute donnée, elle est couverte de l'ombre de l'Esprit et elle ne met aucune limite ni en son âme, ni en son corps. Elle donne ce qui est découvert comme ce qui est caché, ce qui est en bas comme ce qui est en haut. L'Esprit peut pénétrer en elle au plus profond et l'Esprit enfonce en ses ultimes profondeurs la semence du Père. C'est de cette poussière que le Fils devient homme (NB 5,258-259).

 

309. La création de Dieu devient deux par le péché : le ciel et la terre

Quand Paul est emporté au paradis, il voit les mystères du paradis qui sont en même temps ceux du ciel, les mystères de l'unité de la création de Dieu avant même qu'elle ne devienne deux par le péché : le ciel et la terre (NB 1/1, 259).,0

 

310. La pesanteur du péché originel (NB 11,373).

 

*

 

2. Dieu et l’humanité

 

 

Plan : 1. Le dessein de Dieu2. Dieu aime3. Dieu a besoin d’amour4. L’homme en face de Dieu5. Distance et proximité

 

1. Le dessein de Dieu

 

311. Notre existence correspond à un dessein de Dieu

S'il est vrai que le dessein de Dieu est parfait et que, avec notre existence, nous correspondons à un dessein de Dieu, il doit aussi y avoir une perfection qui nous est destinée, une perfection en devenir (parce que nous sommes des êtres en devenir) qui est tellement comprise dans l'être de Dieu qu'elle est suffisante. Comme nous sommes dans la détresse, Dieu nous envoie son Fils, qui reste Dieu tout en étant homme, il lutte avec nos difficultés et en vient à bout, mais il est tellement harcelé que finalement il meurt sur la croix, et pourtant, tant qu'il était homme, il n'a jamais cessé un seul instant d'être parfait (NB 6,105-106).


 

312. Le Fils, médiateur du dessein créateur du Père

Le Fils est médiateur du dessein créateur du Père ; dans son don de lui-même eucharistique, il donne ce dessein à l’Église, l’Église le transmet à chaque croyant dans la communion et chacun doit le transmettre à d'autres selon la loi de la chaîne tout entière dans laquelle il est inséré : l'eucharistie est par elle-même apostolique. La loi de la chaîne est plus ancienne que le dessein apostolique de chaque personne. Ce dessein la marque, mais il ne l'immobilise pas dans un sens limité, car l'ouverture qui se présente à elle est aussi vaste que le dessein de Dieu lui-même : se communiquer au monde par amour. Le Fils est l'eucharistie du Père, c'est pourquoi, à tous ceux qui reçoivent le Fils, il est permis d'entrer eux aussi dans l'eucharistie du Père (NB 6,533).

 

313. Un résumé de tout le dessein de Dieu

Lors de la création, Dieu a séparé le jour de la nuit, il a fait que les jours se suivent, il a organisé le temps selon ce cours et selon le retour des saisons. Ce n'est que lorsque l'homme a péché que ce cours du temps devint de l'éphémère ; l'état antérieur est par suite perdu sans retour, la mort met une fin partout. Pourtant la grâce de Dieu a conféré d'emblée à cet éphémère le caractère d'une espérance par les commencements toujours nouveaux qui se trouvent en lui. Du point de vue de Dieu, une année qui commence est un don fait à l'homme : il a le droit de commencer à nouveau avec l'expérience de ce qui se trouve derrière lui, avec le coup d’œil rétrospectif sur le bon et le mauvais, mais aussi avec la confiance de correspondre mieux, avec la grâce, au dessein divin. Ce qui vient apportera de nouvelles désillusions étant donné que nous ne sommes pas en état de faire quelque chose de parfait ou de faire durer réellement le bien commencé. Mais ce qui vient n'est pas non plus seulement de l'éphémère, de l'imparfait et du caduc, c'est avant tout un temps qui se tient en présence du temps éternel, le temps de l'homme qui se tient devant le temps de Dieu. Ce face-à-face ne délimite pas les deux temps de manière tranchée, ils sont ouverts l'un à l'autre. C'est dans cette ouverture que devient visible le caractère supérieur du temps divin vis-à-vis du monde, de l'éternité sur notre temps, mais aussi la possibilité, pour l'éphémère, de puiser déjà dans les réserves de l'éternel. Dans ces réserves, il n'y a pas seulement ce qui est devenu visible lors de la création du Père (le monde provient de la main de Dieu, l'homme est son image, notre temps s'écoule devant le sien), il est devenu aussi visible que, par l’incarnation du Fils, notre temps est devenu la demeure de Dieu, le temps éternel s'est déversé dans notre temps ; puisque le Fils est retourné au ciel, il a emmené avec lui notre temps dans le temps éternel. Un échange est ainsi préparé ; l'année qui vient, chaque temps futur, a le droit de porter les signes de cet échange. Nous ne connaissons pas l'avenir, mais par les paroles du Seigneur nous savons que Dieu Trinité demeure dans le ciel, nous savons que l'éternité est une super-durée dans laquelle ne se passe que la volonté du Père, qui est aussi la volonté du Fils et de l'Esprit. Ce qui se passe est si énorme que cela dépasse les événements du temps de notre monde et illumine si bien de la lumière éternelle les bonnes dispositions, les débuts prometteurs, l'amour qui voudrait être authentique, que quelque chose de conforme à Dieu peut en résulter. Il serait vain de regarder notre passé d'un œil soucieux (où nous avons tenu bon, où nous n'avons pas tenu bon), de séparer le clair de l'obscur comme le Créateur sépara le jour de la nuit. Notre confiance dans le temps de Dieu qui commence de manière nouvelle doit être beaucoup plus forte que tous nos comptes et nos calculs. Nous avons le droit de regarder brièvement en arrière, d'exprimer notre regret pour ce que nous n'avons pas réalisé devant Dieu, de reconnaître d'un cœur contrit que nous n'avons pas accompli notre tâche. Mais le repentir doit déboucher tout de suite sur une espérance confiante, car il n'y a pas que l'année que Dieu veut nous offrir qui est nouvelle, toujours neuf aussi est son amour pour nous, toujours neuve sa volonté de nous recréer, toujours neuve la pitié qu'il a pour nous. Le neuf signifie l'éternel qui nous est offert de la manière qui est celle de Dieu, avec l'efficacité qui est son fruit, ainsi qu'avec une assurance qu'il introduit lui-même dans notre foi. Le neuf qui s'offre jour après jour, et qui cependant veut être observé particulièrement à l'occasion du changement d'année, voudrait aussi nous renouveler nous-mêmes, non en effaçant ce qui a été, mais en venant à bout du passé de sorte que nous puissions en être libres et cependant enrichis par son expérience, même si elle inclut insuffisance et faute. Nous-mêmes, nous devenons neufs, nous ne sommes plus les mêmes que ceux à qui la grâce s'est offerte il y a un an ou il y a dix ans. A la lumière des expériences faites, nous sommes libres d'accorder à ce qui vient un espace plus important, à discerner plus profondément la valeur de ce qui jusqu'à présent a été refusé, renié ou seulement compris de manière insuffisante ; libres en somme de nous ouvrir totalement à la volonté de Dieu. La nouvelle expérience qui nous atteint est une expérience chrétienne : l'expérience de l'éternel dans l'éphémère, car c'est la dignité de notre temps éphémère d'avoir été le temps de Jésus Christ ; ce temps a été capable de porter sa personne éternelle et d'être formé par les signes de Dieu en lui : ses paroles et ses actes, sa prière et sa souffrance. Capable donc aussi de porter ses saints à qui n'a pas été offert un autre temps qu'à nous et qui ont été capables d'en faire quelque chose d'impérissable devant Dieu. Et ainsi nous devons chercher, nous aussi, à présenter à l'éternel le réceptacle de notre vie de telle sorte qu'il puisse y pénétrer et s'y développer. Il ne suffit pas de contempler l'éternel, ce serait plus ou moins stérile ; il faut oser essayer de saisir l'éternel tel qu'il se donne: comme le levain qui veut lever dans notre farine. Nous le reconnaissons en Dieu qui nous appelle, mais aussi dans notre prochain qui nous appelle également, d'une manière peut-être très maladroite et difficile à comprendre, à plus d'amour, à plus de don de nous-mêmes. Si, au cours du temps, Dieu ne cesse de rendre visible de manière nouvelle l'ouverture sur l'éternel, c'est parce qu'il connaît notre inconstance et la force d'attraction qu'exerce sur nous tout ce qui est frais. Quand il s'agit de la force d'attraction de l'éternel sur l'éphémère, nous devrions comprendre que rien n'est obtenu avec un bref enthousiasme, mais seulement avec une persévérance dans le temps face à l'éternité qui persiste au-delà de tous les temps, une persistance qui devient nécessairement un accueil toujours nouveau de l'éternité dans le temps. Par l'éphémère et par la grâce du retour qui l'habite, notre vie se voit placée dans de nouveaux rapports : nous gagnons une relation vivante à l'ancienne Alliance où la même éternité était présente dans le temps. Nous gagnons une relation plus étroite encore à la nouvelle Alliance, l'autorisation d'y vivre, car ici Dieu est entré dans notre temps et l'a adapté à son éternité. Nous sommes placés au point où se trouvaient les apôtres quand, pour la première fois, ils rencontrèrent cette éternité incarnée. Notre temps nous offre la présence du Seigneur, la victoire de la nouvelle Alliance sur le monde et sur l'ancienne Alliance, la victoire de l'éternel sur l'éphémère, du divin sur l'humain. Même si nous ne le reconnaissons pas, nous vivons quand même à l'intérieur de ce qui est aujourd'hui vainqueur. Et l'année qui commence nous donne la certitude de cette victoire parce que rien n'a été capable de faire sortir de ses gonds le temps que Dieu a institué pour nous, le temps dans lequel Dieu a vécu pour nous. Et ainsi commence en vérité l'année de grâce du Seigneur (NB 10, n. 2177).

 

314. Les desseins du Père lors de la création

"L'intervention" de l'Esprit constitue une sorte de parallèle à la décision du Fils de racheter le monde. La disponibilité de l'Esprit à s'adapter aux exigences du Père en face du péché du monde et à se manifester comme le Père le désire, s'insère en même temps dans l'œuvre du Fils qu'il s'agit d'alléger. Le Fils l'a en quelque sorte plus "belle" que l'Esprit : il va devenir homme et il apprendra ainsi à connaître la nature et le mode de pensée des hommes, leurs désirs, les limites de leur intelligence, leur humeur, les points d'ancrage en eux pour la foi ; en tant qu'homme, il agira sur les hommes, il pourra ainsi planter en eux la semence de Dieu pour qu'elle lève. L'Esprit, lui, ne devient pas homme, il connaît l'existence humaine à partir des desseins du Père lors de la création, il connaît le péché par les effets qu'ils produisent sur le Père. C'est en partant de la différence entre le dessein du Père et l'effet du péché sur lui, qu'il doit voir comment il lui faut organiser son action dans le monde des hommes pour qu'elle soit une aide féconde. Il procède pour ainsi dire d'une manière plus déductive (NB 6,558-559).

 

315. Le dessein du Père quand il créa les hommes

L'enfant (Jésus) remercie le Père pour la grâce de l'incarnation. Il vit dans l'instant permanent de la joie. Il apprend maintenant en lui ce qu'était le dessein du Père quand il créa les hommes. C'est par la pauvreté que la joie d'être un homme parmi les hommes reçoit des contours plus concrets. La mère et l'enfant n'ont besoin de rien d'autre pour leur joie que d'être des humains ensemble en Dieu. La nudité et les privations font ressortir le don du Père. Ils n'ont pas besoin que leurs corps soient autres que ce qu'ils sont, parce que le Père l'a voulu ainsi. La mère est sans souci et sans tristesse : elle a l'enfant et elle l'adore, l'amour est si grand qu'il éclipse tout. C'est une fête de l'amour. Ils sont comme des amoureux qui sont ensemble dans une pauvre cabane, et ils seront ingénieux l'un pour l'autre pour compenser par l'amour réciproque tout ce dont ils doivent être privés (NB 6,160-161).

 

316. L’amour du Père lors de la création

De la même et primaire grâce de Dieu qui coule éternellement surgissent deux choses : la création et l'eucharistie. La source en est l'amour trinitaire avant toute création dans lequel chaque personne divine, dans sa disposition d'amour à l'égard des autres, se donne sans limite et d'une manière incomparable. Ainsi l'amour du Père lors de sa création est également sans limites, il n'est pas réduit à une mesure humaine, ni au temps, ni à l'espace ; et de même que le Créateur ne se dérobe nulle part, de même la créature ne devrait aucunement se détourner non plus. Le plan de la création de Dieu ne doit pas être séparé de son plan d'amour ; l'unité des deux réside dans le fait que l'homme est image de Dieu. Par ses propres forces, l'homme n'est pas en mesure de déchiffrer cette image, mais grâce à elle il se sent interpellé par Dieu, il sait qu'il porte en lui un mystère qui le dépasse et qui met en son être une tension qu'il ne peut pas apaiser ; il n'est pas livré à lui-même mais, avec sa liberté, il doit toujours penser aussi à l'infinité de Dieu : se tourner vers elle ou s'en détourner dans le péché. Il est en outre un être de chair, limité, et il n'est pas en mesure d'ajuster harmonieusement les deux côtés de son être. Il ne saisit donc pas non plus ce que c'est que d'être l'image de Dieu ; à vrai dire elle se trouve non en lui mais en Dieu qui, en le regardant, peut se refléter en lui. C'est pour Dieu qu'il est image, non pour lui, mais il a quand même le pressentiment de ce qu'est cette image, de ce que cela veut dire pour Dieu. C'est pourquoi il devrait seulement chercher à rester tel que Dieu veut le voir, à persévérer dans une réponse aimante à Dieu, qui permet que Dieu se reflète en lui (NB 6,523).

 

317. Le plan de Dieu est de sauver tous les hommes

Si Dieu apportait dans le monde son amour comme un pur feu, il trouverait peut-être quelques rares humains qui ne seraient pas encore totalement endurcis par le péché et qui se livreraient à son feu. Mais son plan est de sauver tous les hommes. Il ne peut pas le faire par la transmission du feu de l'amour d'un homme à un autre ; il doit transformer son feu en souffrance. Mais parce que lui-même est totalement pur et qu'en lui il n'y a rien à consumer, il prend en lui comme combustible le péché du monde et il le consume en lui-même, dans la nature humaine que le Père lui a donnée, et il souffre pour chacun de nous (NB 6,330).

 

318. Les plans de salut de Dieu

Condescendance de Dieu pour l'homme, de l'insertion de l'homme dans les plans de salut de Dieu, de l'habitation de Dieu parmi nous, mais sans dommage pour sa grandeur (NB 2,161).

 

319. Un plan de Dieu sur le monde

Le Fils ne cessait d’accomplir l’œuvre du Père : en tant qu'incarné, en tant que crucifié, en tant que ressuscité. Accomplissement non seulement d'un plan de Dieu sur le monde, mais exactement de la volonté du Père et de l'Esprit Saint par une obéissance donnée (NB 2,164).

 

320. Le plan de Dieu inclut le monde entier, inclura le monde entier et le monde ne pourra plus jamais sortir de ce plan (NB 5,279).

 

321. Le plan éternel de Dieu pour le monde

L'Esprit a l'expérience du monde. Le Fils sait qu'il l'aura en tant qu'homme. Il fera l'expérience du monde pécheur, il sera placé comme un homme sans rien de particulier parmi d'innombrables pécheurs. L'Esprit par contre a l'expérience du monde pour l'adapter à Dieu. Entre ces deux expériences du monde, il n'y a dans un premier temps aucune comparaison possible. C'est comme si Dieu le Père avait besoin des deux dans son plan éternel pour le monde. Sans doute le Père sait-il depuis toujours que l'homme va pécher. Mais depuis toujours il lui laisse pourtant la liberté de ne pas pécher. En laissant le choix à l'homme, il prévoit aussi de toute éternité les deux possibilités. Si l'homme ne pèche pas, l'Esprit de Dieu est prêt à se prodiguer dans la création par une sorte d'eucharistie spirituelle. Si l'homme pèche, c'est le Fils qui est prêt à fournir l'eucharistie de sa chair et de son sang offerts (NB 6,399).

 

322. Le plan de Dieu dure depuis l’éternité

Dès que quelqu’un entre dans l’éternité, il y était déjà éternellement. Il se trouve bien dans le plan de Dieu, il y a son origine, et le plan de Dieu dure depuis l’éternité (NB 9, n. 1714).

 

323. Ce que Dieu a projeté pour son monde

Si nous contemplons Marie dans sa foi aimante, nous nous sentons attirés et pressés de l'imiter pour apprendre par elle à suivre son Fils. Nous entrons alors dans le tout indissoluble que Dieu a projeté pour son monde, et nous y avons part. Tout ce qui forme en quelque sorte une unité - Marie, l’Église, l'humanité - retourne par le Dieu incarné dans l'unité ultime de la vie trinitaire (NB 10, n. 2154).

 

324. Le but originel de Dieu

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église - est clairement destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,546-547).

 

325. L’être humain est intégré dans le « système » de la Trinité

L'être humain aimant – qu'il soit celui dirige ou celui obéit - comprend qu'il a été conçu d'après l'archétype le plus haut et qu'il lui arrive ce qui peut lui arriver de plus grand : il est intégré dans le « système » de la Trinité qui inclut en elle le monde (NB 12,36).

 

326. La volonté du Seigneur est de sauver par l'amour le monde entier (NB 10, n. 2182).

 

327. La volonté du Père et du Fils : le salut de l’humanité

Le Fils a dit : "Père, que ta volonté soit faite, non la mienne". La volonté du Fils et la volonté du Père ne faisaient qu'une volonté. Cette volonté aspirait au salut de l'humanité et voulait le réaliser. Maintenant, ensemble, ils opèrent le salut du monde dans la souffrance : le Fils sur la croix dans l'abandon, le Père dans le ciel avec l'Esprit Saint du Fils dans les mains, il voit le Fils avec les yeux de la lumière et il le voit souffrir et mourir, il le voit au bout de ses forces, livré jusqu'à l'extrême, nu, marqué des stigmates et les traces des coups (NB 5,259).

 

328. Le Père savait que Fils sauverait monde

Le Père a créé le monde et ordonné toutes choses au Christ en la présence de l'Esprit Saint. Au temps également où le Fils n'était que promis, il était déjà présent comme parole de promesse du Père. Dès le début, le Père savait que le Fils sauverait le monde et qu'il offrirait à l’Église sa voie de salut (NB 10, n. 2198).

 

329. La décision de Dieu de nous sauver

La décision de Dieu de nous sauver et l'accroissement de notre péché se superposent sans cesse : sous la garde de Dieu, qui ne veut pas que nous péchions, nous ne cessons de le faire. Nous ne voulons pas ce qu'il veut ; mais nous savons que sa volonté prévaut sur la nôtre. Nous sommes libres mais, avec notre liberté, nous savons très bien que notre liberté devrait se diriger d'après la volonté divine ; nous nous lions dans le péché, mais nous restons conscients que nous aurions la liberté de ne pas pécher. Il s'ensuit une sorte de course entre la volonté salvatrice de Dieu et notre volonté de pécheur. Dans tous nos excès, l'offre de la grâce de Dieu est toujours là parce que le Christ a fondé son Église pour qu'elle ne cesse de présenter cette offre à l'humanité, de lui présenter dans le temps la volonté supra-temporelle de salut de Dieu qui était présente depuis toujours (NB 6,265).

 

330. Le Père et son souci du salut des hommes

Pendant le grand jeûne du Fils dans le désert, le Père lui montre, comme à l'avance et de l'extérieur, les aspects de la passion future. Le Fils ne peut pas se les présenter à lui-même, sinon il prendrait de lui-même ce que seul le Père peut lui imposer. C'est le Père qui montre au Fils la passion, pour le moment dans une sorte de transposition ; il montre la réalité comme en image. Le Fils sait que la réalité viendra, mais il laisse au Père le soin de gérer ce savoir, pas au Père comme à un ami qui voudrait lui épargner toute souffrance, mais au "rôle" du Père : et dans ce "rôle" se trouve son souci du salut des hommes qu'il voit comme Église dans l'œuvre de rédemption du Fils. Il s'agit de l’épouse du Fils et en même temps de la rédemption de sa création paternelle. Ainsi le Père ne peut pas remplir son "rôle" uniquement comme Père éternel du Fils, il doit en même temps le remplir comme Créateur, comme le Dieu de l'ancienne Alliance qui a été offensé et qui, en même temps, a permis que soit lancée la promesse de la rédemption. Le Père ne fait qu'un avec sa création et avec son alliance dans ses exigences vis-à-vis du Fils (NB 6,267-268).

 

 

2. Dieu aime

 

331. L'amour du Créateur

Le Fils révèle aux siens la décision qui est dans le Père de sauver le monde et de le ramener au Père. L'Esprit l'entend pour ainsi dire, acquiesce, signale que les hommes doivent être ramenés avec toutes les possibilités que le Père leur a données lors de la création. Dans l'amour du Créateur était inclus sa volonté de doter l'homme de tout ce qui était utile à un dialogue avec Dieu. Le péché a rendu ces facultés inutilisables, mais le Seigneur, en s'incarnant, en fera usage à nouveau, et l'Esprit sera le témoin du nouveau dialogue, il sera en même temps le gardien de toutes les possibilités humaines de dialogue imaginées par le Créateur. Car dans le dialogue éternel, le Père, le Fils et l'Esprit ont d'infinies manières d'entretenir des échanges, ce n'est jamais une répétition du même. Entre eux coule la vie, et une vie divine illimitée, qui ne cesse de jaillir, neuve, de la source originaire. C'est à cette source inépuisable que les hommes devraient avoir part, et Dieu leur avait laissé ouverts beaucoup d'accès (NB 6,547).

 

332. Dieu aime les hommes

Dieu aime les hommes parce qu'il les a créés et en justifiant par lui-même la relation d'amour qu'il a avec eux. La raison pour laquelle il les aime est totalement divine, c'est sa propre satisfaction. Et l'amour du Fils pour les hommes provient du ciel ; en venant de là, il l'emmène avec lui comme amour divin. Mais devenu homme, il doit se l'approprier de manière nouvelle. Il doit à présent aimer les hommes comme l'un d'entre eux. Son commandement : "Aime ton prochain comme toi-même" vaut aussi pour lui (NB 6,142).

 

333. Dieu aime tous les hommes (NB 10, n. 2065).

 

334. Dieu aime l'homme depuis toujours

Dieu aime l'homme depuis toujours. Il l'aime pour que l’homme saisisse la foi. En dehors de l'amour de Dieu, l'homme ne peut pas croire. Il ne peut pas non plus y avoir une foi qui n'engendre pas l'amour. Et la foi et l'amour sont fondées sur l'espérance, une espérance qui est toujours comblée en ne cessant d'engendrer la foi et l'amour (NB 2,215).

 

335. Dieu veut toujours montrer aux hommes son amour

Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. Il le fait aussi tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît toute la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession. Il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

336. L’amour de Dieu pour le monde entier

Nous connaissons l'exemple des martyrs qui préfèrent mourir plutôt que de manquer à l'amour. Leur amour est un lointain reflet de l'amour de Dieu pour le monde entier, les martyrs suivent et imitent l'amour qui meurt sur la croix pour tous (NB 5,76-77).

 

337. L’amour de Dieu pour sa créature

Quand je dis : souffrance dans la faiblesse, je ne pense pas à la croix ni au mont des oliviers., c'est plutôt la sourde expérience de sa propre impuissance avec le sens d'une expiation. Peut-être aussi avec le sens d'une punition infligée à tous les hommes pour leur penchant au mal. Seulement le terme punition est presque trop fort. Tout est suggéré de manière plus nuancée, plus légère. Il y a vis-à-vis de l'être humain beaucoup d'égards qui font sentir surtout l'amour de Dieu pour sa créature et justement pour celle qui est malade et faible. Dans l'hébétude aussi, où l'on ne peut ni prier ni méditer comme il faut, l'amour de Dieu est présent comme quelque chose d'infiniment tendre et cependant en même temps rigoureux. On peut être tenu par cet amour de Dieu, se laisser tomber en lui, se remettre entre ses mains sans problème et sans avoir une claire conscience de sa propre situation. On est faible et on sait quand même que tout est comme Dieu le veut (NB 10, n. 2178).

 

338. Le regard d’amour du Père sur le monde

La colère de Dieu devant le péché, avec son caractère absolu, est pour ainsi dire incoercible. Elle est tellement entière, elle est tellement pure essence de colère, qu'il ne semble pas qu'elle puisse être influencée par d'autres propriétés de Dieu. Et pourtant Dieu n'a pas créé le monde dans la colère, et l'homme pourrait contribuer à ce que Dieu regarde sa création avec faveur. C'est dans cette possibilité que le Fils s'engage par son incarnation. Sur lui, le Fils éternel, le regard bienveillant du Père est posé depuis toujours ; il se dépouille de sa divinité et revêt l'humanité mais, par lui, il attire aussi le regard d'amour du Père sur le monde. En se dépouillant, le Fils ici-bas est comme un homme qui vit dans la grâce, dans le bonheur parfait d'être aimé par le Père. Soumis à une loi et à une destinée humaines, il prouve qu'il peut quand même rester totalement dans le Père. C'est presque comme si, par pure joie d'être un homme, il déposait sa divinité auprès du Père, comme si, dans sa condition humaine également, il pouvait sentir avec joie l'amour trinitaire de Dieu et lui répondre (NB 6,311).

 

339. Dieu veut nous accueillir dans son tout

Nous devrions savoir que nous nous trouvons comme de faibles créatures avec notre foi imparfaite, vides de vertus, n'offrant rien à Dieu, devant ce Dieu qui est tout et que nous ne pouvons pas comprendre, savoir aussi que Dieu veut nous accueillir nous aussi dans son tout (NB 3,328).

 

340. Dieu Trinité se penche vers l'homme, vers tous les hommes (NB 2,77).

 

341. Le Seigneur peut se pencher vers moi

Supposons que je suis un "homme moderne", un homme qui vient après Voltaire, sans rapport avec la surnature. Et je me trouve devant le Christ : humainement, il m'a frappé. Sa raison a frappé ma raison, ses talents ont frappé ma manière d'être. A y regarder de plus près, il s'avère que son monde intérieur ne s'accorde pas avec le mien. Je ne peux pas le saisir ; il y a des choses en lui qui n'existent pas en moi. Mais le Seigneur peut aussi se pencher vers moi, l'Esprit peut m'élever jusqu'à lui ; bien sûr, je suis forcé alors de renoncer à mes propres critères. Ce n'est pas moi qui le saisit, c'est lui qui me saisit. Ici, on peut en arriver à une conversion, le même processus intérieur s'est produit déjà pour les apôtres ; sans doute auraient-ils aimé absorber le Seigneur dans leur horizon historique, comme nous-mêmes et tous les siècles avant nous n'avons cessé d'essayer de le faire. Mais le Seigneur ne se laisse pas manipuler par nous et par l'esprit de notre temps, il est de taille à se mesurer à l'esprit de tous les temps. Il ne se penche pas sur le monde d'autrefois autrement que sur le monde d'aujourd'hui. Avec nos manières de penser et nos aspirations, nous ne sommes ni plus près, ni plus loin que n'importe quelle époque. Par lui-même, il recrée toujours distance et proximité sans qu'on puisse affirmer qu'elles auraient changé essentiellement au cours des âges (NB 6,427).

 

342. Le Seigneur élève l'homme à lui en descendant vers lui (NB 11,124).

 

343. Quand maison est prête, le Père s’installe dans la demeure

C'est le propre de l'Esprit de nous fixer des exigences claires, des exigences intellectuelles aussi, alors que dans notre relation avec le Christ tout semble se régler facilement dans son amour qui pardonne. Le Fils semble toujours nous présenter quelque chose de ce qu'il a fait lui-même alors que l'Esprit est très attentif à ce que nous faisons nous-mêmes. Le Fils complète notre faible oui par son oui irréprochable ; l'Esprit tient à ce que notre propre oui soit total. Le Père se tient comme à l'arrière-plan et règle le jeu, dans le chrétien, entre le Fils et l'Esprit ; il nous a créés, le Fils et l'Esprit nous sauvent et nous sanctifient et, finalement, quand tout est achevé et que la maison est prête, le Père s'installe dans la demeure (NB 6,425).

 

344. C’est l’amour trinitaire qui règle l'incarnation du Fils et la rédemption du monde (NB 6,482).

 

345. L’être humain est donné par Dieu au monde sans pour autant être abandonné (NB 12,72).

 

346. Dieu n’a pas créé des êtres qu’il aurait d’emblée voués à la damnation

Un protestant dit à Adrienne : « Au fond, nous sommes tous pécheurs, c’est-à-dire que tous les hommes sont condamnés à l’enfer, sans degrés ni distinctions. Et tous, sans degrés également, sont rachetés par le Seigneur sur la croix. Sans le Seigneur, tous sont soumis à la même justice ; par le Seigneur, tous sont également rachetés ». Mais cette doctrine supprime toute l’œuvre du Seigneur qui consiste à associer l’homme. Elle supprime aussi tout l’Ancien Testament comme si Dieu avait créé des êtres qu’il aurait d’emblée voués à la damnation (NB 4,58-59).

 

347. Il est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu

Tout amour humain peut s'orienter pour la vie éternelle selon l’Église et ses promesses, voir là comment au fond est fait l'amour, non avec une curiosité qui est interdite, ni non plus pour acquérir des connaissances scientifiques, mais dans la simplicité de l'amour qui sait que cet amour est juste. Il sait aussi qu’est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu (NB 12,50).

 

348. Dieu veut nous partager quelque chose de sa plénitude

Dieu ici-bas, en tant que Fils de l'homme et en tant qu'Esprit dans l’Église, se communique à profusion. Ce qui est communiqué provient directement du ciel, c'est ce qui constitue la plénitude de Dieu, ce qui le distingue de nous, ses créatures, dans la perfection de sa vie éternelle, mais qu'il ne veut pas garder pour lui tout seul : il le tient à notre disposition. C'est ainsi que l'Esprit devient ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et qu'il veut partager. Ce n'est jamais la divinité qu'il partage, ce sont ses attributs qui ne perdent rien de leur origine divine en étant transmis. Il est clair par là qu'un homme qui reçoit dignement le don de l'Esprit et le laisse agir ne devient jamais un "homme parfait", mais quelqu'un qui tend à la perfection : les dons ne sont parfaitement réalisés qu'en Dieu ; quand ils sont communiqués, ils ont la propriété de ramener à Dieu. Ils ont en eux le mouvement qui est propre à l'Esprit : il vient de Dieu et il unit à Dieu (NB 6,442).

 

349. Dieu peut donner accès à des vérités divines absolues

Dieu est capable de dilater l'esprit humain et de le rendre capable de choses qui sont surnaturelles. Ainsi un prophète ou un mystique, dans l'extase, peut savoir des choses qui ne sont pas seulement des vérités humaines pieuses, mais des vérités divines absolues. Dieu peut faire que celui qui parle ait une part dans cet acte d'annonce, mais de telle manière que ce qu'il apporte soit dans le pur service de la vérité divine (NB 1/2, 170).

 

350. La lumière de l’être de Dieu dans le monde

En tant que rédempteur, le Fils ramène la création dans sa première lumière, la lumière du Père lors de la création. C'est la lumière originelle que Dieu a donnée à son monde, elle n'est pas à confondre avec la lumière du jour ou de la nuit, c'est la lumière de l'être de Dieu dans le monde (NB 3,241).

 

351. Des paroles éternelles de Dieu dans le temps

Quand l'homme essaie de se représenter comment les choses étaient lors de la création, il y avait en tout cas là une suite avec ses rythmes, la succession du jour et de la nuit ménagée par le crépuscule ; et la suite formait une unité, un tout. Quelque chose que Dieu avait donné à l'homme de manière divine afin que l'homme le lui rende de manière humaine. Et, dans la suite du temps, il est placé quelque chose qui a des effets pour l'orientation de toutes choses vers le Christ. Quelque chose qui a en soi l'authentique possibilité d'être employé dans le dernier plan de Dieu. Dieu lui-même était présent en tout cela comme celui qui séparait en mettant de l'ordre, mais de telle sorte que ce qui avait été séparé n'était pas détaché de lui : il y attestait sa présence ; il mettait ses paroles éternelles dans le temps de telle sorte que le cours du temps reçoive son existence dans la lumière de l'éternel (NB 10, n. 2234).

 

352. N’a de sens que ce qui dure éternellement

D’une prière d’Élisabeth de la Trinité (+1906) : Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit ! Père, si nous avons le droit de t'appeler Père, nous le devons à ton Fils qui s'est abaissé et qui est venu comme homme jusqu'à nous pour nous apporter l'Esprit. En vous révélant à nous comme étant Père et Fils, vous avez créé une relation qui correspond aux relations humaines. Mais vous nous l'avez montrée de telle sorte que jamais une relation terrestre de père et de fils n'atteint ce que vous nous avez révélé, car nous sommes pécheurs. Père, fais-nous oublier que nous sommes pécheurs, fais-nous vivre en ayant le droit d'être près de toi, en ayant le droit d'adorer dans notre méditation tous les mystères de ton être trinitaire, de ton être trinitaire éternel, de ton être trinitaire toujours en devenir. Nous avons appris le mot amour de ton Fils, mais nous nous servons d'un terme que nous ne comprenons pas, que nous ne sommes pas capables de remplir, qui ne reçoit son sens que dans la Trinité du ciel. Car n'a de sens que ce qui dure éternellement (NB 1/1, 491-492).

 

353. Les créatures sont appelées à prendre part au double mouvement éternel

En Dieu, la Trinité des personnes, qui différencie toujours profondément la Trinité tout entière, est une occasion toujours nouvelle de distinction et d'union et, en conséquence aussi, un appel à nous, les créatures, à prendre part à ce double mouvement éternel (NB 5,151).

 

354. Le Seigneur apporte le royaume des cieux dans le temps éphémère

Parce que le Seigneur est Dieu, toutes ses paroles ont le caractère d'être un événement toujours actuel. "Il y eut une fois un homme". Mais cet homme est là maintenant, car la Parole éternelle le met là maintenant. "Je suis la porte". Il n'est pas besoin de beaucoup d'explications pour savoir d'où l'on vient pour entrer, où mène la porte et où elle se trouve. Il est lui-même la Parole qui se réalise. Il suppose une connaissance de soi qui touche ce qui est juste parce qu'il ne cesse de la créer maintenant. Il apporte toujours l'ensemble du royaume des cieux dans le présent du temps éphémère (NB 11,320).

 

355. Le monde entier est attiré dans royaume du Christ

Quand un mystère du Seigneur est célébré dans l’Église (le jour du Christ-Roi), il est aussi communiqué ; qui le médite verra certes avant tout le Roi qui est fêté, mais la fête a quelque chose d'indivis : c'est une fête de l’Époux avec son épouse qu'il mène à la rencontre du Père ; et, avec l’Église, c'est le monde entier qui est attiré dans le royaume du Christ. Son mystère est ainsi un pendant du mystère de la création où tous les êtres ont été créés secrètement pour le Fils ; maintenant le Fils achève ce qui a été commencé en conduisant par lui tous les êtres au Père, afin que la création comme un tout devienne une fête. La somme qui est tirée de la vie du Seigneur rencontre la somme du monde créé : création et rédemption, terre et ciel se rencontrent dans l'unité définitive. Le royaume de ce monde et le royaume des cieux doivent se trouver l'un l'autre ; tout ce que Dieu Trinité a produit à l'extérieur est intégré dans le cercle interne de la vie trinitaire éternelle. C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10, n. 2175).

 

356. Le monde est orienté vers Dieu

Notre relation à Dieu n'est plus celle de l'ancienne Alliance où l'on était encore capable d'arrêter, de mettre un point final ; dans la nouvelle Alliance, aucune mission n'est jamais finie, elle peut tout au plus mal tourner au cas où l'homme s'y refuse. Le fait que le monde ait été orienté vers Dieu par le Christ et par l'Esprit fait espérer recevoir toujours du nouveau à ceux qui croient de manière vivante (NB 10, n. 2116).

 

357. Dieu nous invite chez lui

L'incarnation, la parole devenue chair, la transsubstantiation eucharistique toujours nouvelle nous donnent ce dont nous avons besoin pour aspirer à l'éternité, pour pressentir ce qu'elle est, pour comprendre que Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle mais qu'il nous invite chez lui. Cette participation à Dieu a déjà commencé par l'incarnation si bien que le ciel et la terre sont comme les interlocuteurs d'une conversation qui se déroule dans l'intimité. Dieu parle à la terre, la terre répond ; la parole et la réponse ont leur centre dans l'incarnation du Fils. Ce n'est plus une conversation entre le haut et le bas parce que Dieu, dans le Christ, occupe le centre et réunit le tout (NB 10, n. 2274).

 

358. Dieu veut prendre avec lui tout le monde

On ne peut pas perdre Dieu parce que c'est lui qui nous trouve et pas nous qui le trouvons. Il veut quand même être avec nous tous. Il nous a envoyé son enfant pour montrer qu'il veut prendre avec lui tout le monde, du plus petit enfant au plus grand des hommes (NB 7,71).

 

359. Dieu Trinité s'occupe de l'homme depuis toujours. Paul est le premier qui voit et montre expressément le Dieu Trinité comme tel (NB 2,41).

 

360. L'amour créé est invité à participer à l'amour trinitaire en s'insérant dans l'être divin, non que nous devenions Dieu, mais en accueillant ce que Dieu nous communique de ce qui lui appartient (NB 5,172).

 

361. Les trois personnes sont occupées à combler le monde

Nous sommes trop habitués à imaginer Dieu, dans sa plénitude et dans sa grâce, tourné avant tout vers le monde, et nous oublions alors que cette plénitude et cette grâce s’adressent d’abord à Dieu lui-même, se déversent et se comblent constamment en lui-même. Chacune des trois personnes est constamment occupée à combler : elle comble le ciel, la durée, l’adoration, l’amour, la réciprocité et finalement aussi le monde. Mais que le monde soit comblé n’est qu’une chose parmi d’autres (NB 9, n. 1938).

 

362. C’est au monde entier que se donne le second Adam

Quand Dieu le Père créa Adam, il avait en vue le monde entier. A plus forte raison, le second Adam a-t-il voulu aller chercher l'ensemble du monde. Il n'est pas réduit aux limites des individus, il veut être tout pour tous, et même il le doit, conformément à sa mission et ainsi, quand il s'offre à quelqu'un, c'est au fond au monde entier qu'il se donne (NB 6,500).

 

363. Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils

Il y a une préformation de l’Église lors de la création, étant donné que Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils : elle l’a renié, mais il garde avec elle une infinie patience, il lui envoie toujours de nouveaux messagers qui doivent lui apprendre à devenir une véritable épouse qui ne peut plus faire défection. L’Église est les deux : l’épouse infaillible et celle qui ne cesse de faire défection et qui est dure d’oreille (NB 9, n. 1925).

 

3. Dieu a besoin d’amour

 

364. Dieu a besoin d’être aimé par l’homme

L'un est devenu ermite en raison d'une connaissance de Dieu, d'un besoin de Dieu, parce qu'il sait que Dieu a besoin d'être aimé par l'homme. Maintenant il rencontre un Dieu qui lui offre des choses qui étaient prêtes avant même que le monde existe. L'amour et la libéralité de Dieu sont si infinis qu'il n'hésite pas à partager à l'homme des trésors qu'il avait pour lui seul avant qu'il fût question d'un monde. Il donne des choses qui étaient prêtes en Dieu pour rattraper le monde avant même que le monde fût. Des choses qui existaient pour le pardon de la faute dans ce qu'il y a en Dieu de plus originaire, avant même la naissance d'un pécheur. C'est pourquoi il faut que l'homme, qui doit apprendre ces choses, disparaisse en quelque sorte afin qu'il soit plongé dans ce qui n'a pas de commencement (NB 5,44).
 

365. Dieu n’a pas encore fait l’expérience de l’amour de la part des hommes

Philippe Neri (+ 1595). Parfois, quand il adore Dieu, il lui semble que c'est comme si Dieu au fond n'avait pas encore fait l'expérience de l'amour de la part des hommes, si ce n'est Dieu le Père par le Fils incarné. Et lui, Philippe, il voudrait donner lui-même à Dieu la joie de l'amour (NB 1/1, 136).

 

366. Alphonse Rodriguez, convers s.j. (+ 1617). Il perçoit le besoin d'amour que ressent Dieu vis-à-vis des hommes (NB 1/1, 151).

 

367. Dieu lui révèle la nécessité pour lui d’être aimé

Madame Guyon (+ 1717). Dieu l'a saisie par un côté singulier en lui révélant la nécessité pour lui d'être aimé. Elle comprenait parfaitement cette nécessité et elle savait qu'elle était appelée à y correspondre (NB 1/1, 191).

 

368. La souffrance de Dieu causée par le péché de ses créatures

Nous n'avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu est immuable et toujours bienheureux et qu'il ne peut être lésé par sa créature. D'autre part il serait pourtant incompréhensible qu'il ne soit pas touché par la faute et par les malheurs de ses propres créatures, lui qui est l'amour infini. Cet amour est le feu que le Fils est venu jeter sur la terre et qui s'est transformé sur la croix en feu de la passion (NB 6,266).

 

4. L’homme en face de Dieu

 

369. L’être humain devant Dieu : comme un enfant devant l’adulte

Origène tient fort à l'idée que Dieu est l'adulte qui possède la pleine connaissance, que l'être humain est celui qui apprend, l'enfant, l'image qui ne cesse de tendre vers l'original (NB 1/1, 392).

 

370. Les hommes devraient se laisser enseigner et remplir par Dieu

Ici-bas les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu (NB 6,311-312).

 

371. Une science exacte des choses de Dieu

Clément d'Alexandrie (+ 217). Il craint que, sans une science exacte, la relation des hommes à Dieu ne devienne floue et que, dans ce flou, Dieu puisse pour ainsi dire disparaître (NB 1/1, 264).

 

372. Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin

La vision de la création que saint Ignace a eue lui montre qu'il y a plus de lumière dans la création qu'on ne le pense généralement. Il a compris que Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin. Cela le console de penser que Dieu lui donnera à lui aussi, sa créature qui cherche à le servir, la lumière nécessaire pour que son chemin soit visible. Ce n'était pas une vision de l’œuvre des six jours, mais une vision de l'attitude de Dieu à l'égard de ses créatures (NB 11,93).

 

373. Tout ce qui appartient à l'homme doit passer en la possession de Dieu… L’Esprit qui se répand à la Pentecôte doit tout emporter avec lui dans son souffle (NB 11,37).

 

374. L'humanité était créée pour vivre dans la paix de Dieu

La caractéristique de la nature humaine telle qu'elle est maintenant a une ambiguïté qui provient du péché. L'humanité était créée pour vivre dans la paix de Dieu, pour servir Dieu dans l'obéissance. Chacun de ses membres avait sa légitimité par le Créateur : il était parfaitement apte à faire la volonté du Père. Et justement parce que tout était si bien inventé dans ses possibilités pour le bien, avec la chute il en résulta autant de dispositions pour le mal (NB 6,150).

 

375. Ce que Dieu Trinité exige de l'homme : l’adoration, la vénération, l'amour (NB 2,132).

 

376. Dieu lui-même contribue de manière décisive à former en l'homme la réponse qu'il attend et dont il a besoin (NB 1/1, 494).

 

377. On est créé pour ce que Dieu veut

On est créé avant tout pour le Bon Dieu et ensuite seulement pour les autres. On est créé pour ce que Dieu veut et non pour ce que je veux (NB 7,241).

 

378. Dieu ne se laisse prendre que par l’amour

Jamais quelqu'un ne s'approchera de Dieu en emmagasinant des mots. Dieu ne se laisse prendre que par l'amour, par l'amour que Dieu donne aux hommes pour prendre l'amour. Pour l'attacher, oui, parfaitement !… Cet amour est capable de prendre Dieu (NB 4,323).

 

379. Se laisser façonner par Dieu

L’être humain serait au plus haut point image de Dieu s'il pouvait se laisser façonner totalement afin d'être en Dieu don réciproque et, d'une certaine manière, ressembler à l'eucharistie divine. Malgré sa corporéité, il se trouverait alors au maximum à la place de l'Esprit Saint dans son souffle qui va et vient entre le Père et le Fils, reconnaissant le Père dans le Fils et le Fils dans le Père. Il s'épancherait lui-même totalement en Dieu comme Dieu s'est donné à lui en tant que Créateur (Père), Rédempteur (Fils) et Sanctificateur (Esprit Saint) (NB 6,522).

 

380. L’homme qui cherche et la réponse de Dieu

Le rapport entre l'homme qui cherche ou frappe à la porte et la réponse de Dieu peut aller jusqu'à une divergence totale. Il s'agit de l'éducation à l'indifférence parfaite (NB 1/2, 280).

 

381. Dieu a besoin de celui qui s'est tourné vers lui pour regagner ceux qui se sont détournés de lui (NB 2,167).

 

382. La relation fondamentale de la créature à Dieu : le oui à Dieu (NB 5,155).

 

383. Il y a bien des choses qui restent justes aussi longtemps qu'elles sont employées par Dieu et qui deviennent fausses quand l'homme les emploient à sa guise (NB 1/2, 100).

 

384. L’amour chrétien : une porte sûre pour rester en contact avec l’amour divin trinitaire

Dieu aime Dieu, car Dieu a Dieu pour prochain ; l’Homme-Dieu aime son compagnon d'humanité, il aime aussi son prochain, mais avec le même amour dont il aime en Dieu le Père et l'Esprit. Dans l'amour humain du Christ, l'amour trinitaire est intact. Pour le croyant, l'amour chrétien est ainsi une porte sûre par laquelle il reste en contact avec l'amour divin trinitaire (NB 6,108).

 

5. Distance et proximité

 

385. La distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 139).

 

386. El Greco (+ 1614). Il connaît la distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 152).

 

387. Joseph Haydn (+ 1809). Quand il augmente sa prière, il voit plus profondément la distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 200).

 

388. Dieu sait bien que je ne suis qu'un homme (NB 1/2, 55).

 

389. Distance entre les hommes et Dieu

Duns Scot (+ 1308). Plus il avance dans la vie, plus il voit l'étendue de la distance entre les hommes et Dieu, non parce que Dieu est si grand, mais parce que les hommes sont si pécheurs et si indifférents (NB 1/1, 290).

 

390. Le "déraisonnable de Dieu" doit se révéler dans le raisonnable de l'homme ; celui-ci ne doit pas répondre à la "folie de Dieu" d'une manière folle ; la "folie de Dieu", quand l'homme la perçoit, doit le conduire à la raison (NB 1/2, 24).

 

391. Possibilité pour l’homme de croître vers Dieu

L'homme croyant est l'homme qui est toujours en devenir, qui se tient devant le Dieu toujours plus grand ; mais du fait qu'il est toujours plus grand, Dieu ne lui fait pas seulement sentir la distance, il lui ouvre aussi la possibilité de croître vers lui en un sens humain. Et la croissance s'effectue par les trois vertus théologales que Dieu offre à l'homme pour faire de lui un vrai chrétien (NB 2,215).

 

392. Le Fils et l’Esprit nous donnent l’accès vivant au Père

Il ne suffit pas d'avoir son péché en horreur et de le considérer comme inexistant, on interdirait par là au Fils et à l'Esprit de nous donner l'accès vivant au Père. On doit remplacer le péché par le mouvement qui est voulu par le Père. Bien sûr il ne s'agit pas simplement de transformer sa force orientée vers le péché en force de faire le bien mais, en partant de la connaissance de sa propre force tournée vers le péché, il s'agit de comprendre qu'on doit chercher Dieu le Fils dans l'Esprit Saint de manière plus vivante (NB 6,87-88).

 

393. La communication entre Créateur et créature est valable

Sur la croix, le Fils est abandonné, il ne connaît plus le Père comme il l'avait connu avant ce temps. Il y a une manière de connaître le Père que le Fils a apprise quand il devint homme. Pour montrer au Père que la communication entre le Créateur et la créature est valable et que le Père peut être plus aimé qu'offensé par les hommes, le Fils a voulu acquérir à présent une expérience du Père totalement humaine, et ceci veut dire "aussi" une expérience essentiellement autre que celle du ciel (NB 3,226).

 

394. Dieu lui-même crée la distance entre lui et sa créature

Chaque jour qui se lève rappelle la création, l'intérêt de Dieu pour sa créature, il rappelle en même temps la distance et la proximité entre Dieu et sa créature. Aujourd'hui aussi Dieu est à nouveau là pour nous. Et aujourd'hui aussi Dieu maintient la séparation entre lui et nous. Il y a également la nuit qui empêche l'homme de voir et l'enveloppe dans le sommeil, un espace dans lequel Dieu peut se promener incognito (comme il se promenait le jour au paradis). Il peut certainement se servir aussi du jour pour être plus présent ou plus absent, pour venir quand cela lui plaît. Mais la séparation primaire est quand même celle du jour et de la nuit. Pour la doctrine chrétienne, il faut tenir compte que les deux sont faits dans la bonne création. La nuit n'est pas plus mauvaise que le jour. La distance n'est pas plus mauvaise que la proximité. Ne pas voir n'est pas plus mauvais que de voir. Savoir de manière sensible qu'on est exaucé n'est pas meilleur que de savoir purement objectivement qu'on est exaucé. Comme si le Créateur avait voulu assurer à l'homme la possibilité d'une vue et d'une connaissance de son être de Dieu d'une manière purement objective, indépendante de sa nature humaine déterminée. La nuit, l'homme est fait autrement que le jour : il dort, ou bien il ne voit pas. Certaines choses lui sont retirées la nuit. Ce n'est pas mauvais. Car celui qui ne voit pas dans la nuit est le même qui, dans le jour, voit. Il n'a rien perdu de sa nature. Ainsi Dieu lui a donné avec la nuit quelque chose qui est comme une parabole pour le fait que Dieu lui-même crée la distance entre lui et l'homme (NB 3,205-206).

 

395. Dieu est infiniment élevé au-dessus du monde

L'immutabilité absolue de Dieu, la non-participation du Père à la passion du Fils sont tout à la fois vraies et absurdes. Vraies si on évalue la notion d’immutabilité avec des échelles humaines. Totalement fausses si on réfléchit à la vraie relation de Dieu et du monde: étant donné que Dieu est infiniment élevé au-dessus du monde et en même temps intimement en lui. Et voilà que d'une manière incompréhensible le changement reçoit une place au cœur de l'immutabilité (NB 3,232).

 

396. Proximité sensible de Dieu

Duns Scot (+ 1308). Il sent Dieu très fort. Il le sent constamment et il ne perd pas non plus dans son travail le sentiment de la proximité de Dieu. Quand il écrit quelque chose, quand il développe quelque chose, cela se fait dans une proximité sensible de Dieu ; si ce sentiment de la proximité cessait, son âme serait en quelque sorte paralysée et il serait incapable de continuer à écrire. Son travail est constamment engendré par sa prière (NB 1/1, 290).

 

397. L’humanité reçoit une nouvelle qualité en toute attente qui a Dieu pour but

Marie enceinte. Dieu fait irruption dans notre indignité pour nous apprendre à vivre en l'attendant et nous donner ainsi une dignité. Quand le Fils s'est abaissé à devenir dans le sein de sa mère quelqu'un qui est attendu, l'humanité a reçu une nouvelle qualité qui se trouve en toute attente dont Dieu s'est réservé l'accomplissement et qui peut être alors appelée le fruit de la prière. Car Marie attend ce qui est déjà en elle ; tous ceux qui espèrent chrétiennement attendent ce qui est déjà en eux : la Parole de Dieu qui se fait homme, qui s'accomplit selon sa propre promesse (NB 6,119).

 

398. Dieu peut montrer à l’homme sa transcendance

La lumière que Dieu crée au premier et au quatrième jour est la bonne lumière, celle qui guide, dont nous sommes reconnaissants; elle n'a rien à faire avec le feu. Il n'est question pour le moment ni de justice ni de châtiment. La voix de Dieu, sa présence, ne sont accompagnées d'aucune "liturgie" comme au Sinaï avec des éclairs et de la fumée. Dieu est beaucoup plus proche que là, au sommet de la montagne, il est au milieu des hommes. Ceux qui s'aiment se rencontrent en toute simplicité même si l'un est le supérieur de l'autre. Mais si celui-ci apprend qu'il est devenu indifférent pour son subordonné, lors de leur rencontre suivante, il se comportera autrement. Il en va de même pour une mère avec un enfant désobéissant. C'est quand Dieu doit montrer à l'homme sa transcendance, qu'apparaît alors son feu. Non que Dieu l'aurait gardé secrètement auprès de lui en réserve pour le cas où l'homme se détournerait de lui, il le produit quand il en a besoin (NB 6,315).

 

*

3. Dieu parle 

 

Plan : 1. Dieu se communique2. Dieu parle3. La Parole de Dieu4. Dieu se révèle5. La Révélation et les révélations6. La voix de Dieu

 

1. Dieu se communique

 

399. Absolue liberté de Dieu de se communiquer comme il le veut

La mystique de l'ancienne Alliance a quelque chose qui n'est pas compatible désormais avec la mystique de l’Église. Dieu a l'absolue liberté de communiquer, de la manière qui lui plaît et à l'heure qui lui plaît, des mystères qu'il n'avait pas communiqués jusqu'alors. On pourrait essayer de considérer la mystique de l'ancienne Alliance dans ses différentes expressions comme une série d'ébauches destinées à la construction de la future Église. Plus précisément, la mystique vétérotestamentaire a une double signification : elle est parfois offerte pour affermir la confiance en Dieu et donner ainsi un fruit qui revient totalement à Dieu ; il sème quelque chose de mystique et, quand c'est mûr, il récolte une confiance accrue en la puissance de sa direction. Il y a d'autre part dans l'ancienne Alliance des éléments mystiques qui, par avance, renvoient immédiatement à l’Église future. Ils renforcent indirectement l'Alliance existante en incitant davantage les hommes à s'engager et en augmentant les possibilités d'application de la parole de Dieu dont la dernière sera l'incarnation (NB 5,52).

 

400. Dieu est lumière quand il se communique

Didyme l'aveugle (+ 398). Ce qu'il aime surtout en Dieu, c'est qu'il est lumière quand il se communique, il aime beaucoup aussi les relations de Dieu avec les hommes, tous les mystères eucharistiques, compris dans le sens le plus large, et qui débouchent chaque fois dans le commandement de l'amour (NB 1/1, 52).

 

401. Dieu peut communiquer sa présence pleine de grâce -

Pour préciser la situation de Job, on peut non seulement le comparer au chrétien, on doit aussi le comparer directement au Christ. Dans le dépouillement et le désarroi de Job se trouve ébauchée la question de la croix : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais l'autre parole : "Tout est accompli" est recueillie par Dieu lui-même, et Job se trouve apaisé quand Dieu lui rend ses biens terrestres. Pour toute mystique chrétienne, quel que soit le nombre de nuits par lesquelles elle ait dû passer, Dieu récompense dans le sens du Fils, il s'offre lui-même. C'est ainsi qu'il peut s'offrir en toute communion ou dans une vision ou dans une expérience de sa présence. Pour Job par contre, il doit se communiquer - c'est-à-dire il doit communiquer sa présence pleine de grâce - par des choses et des personnes de ce monde. Vis-à-vis des mystiques chrétiens, Dieu s'exprime autrement parce qu'ils participent déjà au mystère de la passion du Fils qui a été consommée, à sa résurrection et à sa transsubstantiation (NB 5,55).

 

402. Dieu est libre de se communiquer de manière mystique

Dieu est libre de se communiquer aussi de manière mystique à un humain avant même qu'il ait reçu le baptême. C'est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, il n'est baptisé qu'après ; dans les Actes des apôtres, d'autres reçoivent l'Esprit Saint comme le signe qu'ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême. Normalement personne ne peut rester mystique à la longue sans désirer le baptême, sans savoir qu'il doit le recevoir. Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s'effectue dans le baptême (NB 5,139).

 

403. Dieu communique avec nous, ses créatures, pour que nous l’aimions

Le Dieu tri-personnel se comporte avec nous comme celui qui communique afin que nous l'aimions avec toute notre personne comme ceux qui reçoivent. Dans son don de lui-même, Dieu nous montre la distinction e