XV. L'humanité dans le dessein de Dieu

LA VIE ET LŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)


 

 

XV


 

 

L’humanité dans le dessein de Dieu

 

 

Plan : Introduction1. Dieu crée2. Dieu et l'humanité3. Dieu parle4. Le Fils5. L'incarnation6. La rédemption - 7. La croix8. La résurection9. L'Esprit Saint10. L’Écriture - 11. L’Église12. L'au-delà

 

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Introduction

 

Profondeur du dessein de Dieu

concernant le salut du genre humain

(Richard de Saint-Victor)

 

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu » : Adrienne von Speyr n’a rien écrit de systématique sur le sujet. Mais en recueillant et en classant un certain nombre de ses textes, on arrive à une certaine vue d’ensemble. Les textes d’Adrienne ici rassemblés proviennent de ses œuvres posthumes. L’enquête serait à continuer pour l’ensemble de l’œuvre d’Adrienne.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu », c’est toute l’histoire de l’humanité : de la création à la vie dans l’au-delà. On n’a demandé à personne s’il voulait venir au monde. Mais une fois qu’on est lancé dans la vie, on n’a pas de choix non plus : tous les humains sont programmés pour rencontrer Dieu. Dieu désire que tous les humains vivent en communion avec lui. Il faudra peut-être du temps pour que l’être humain le comprenne, mais un jour ou l’autre, ici-bas ou dans l’au-delà, il sera mis en face de cette évidence.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu », c’est toute l’histoire de la révélation de Dieu, de l’ancienne Alliance à la nouvelle, toute l’histoire de l’Église chargée par le ciel de transmettre à tous les humains les trésors célestes qu’elle a reçus en dépôt pour tous les humains, c’est toute l’histoire de tous les humains, de leur vie à leur mort et à leur vie dans l’au-delà de la mort. La révélation de Dieu transmise par l’Église concerne tous les humains, qu’ils soient croyants ou non aujourd’hui, quelle que soit leur religion ou leur refus de toute religion. Que nous le voulions ou non, nous sommes embarqués.

 

Les auteurs du Nouveau Testament ont exprimé la foi chrétienne il y a deux mille ans avec la culture de leur temps en Palestine et dans le monde gréco-romain. Dieu a confié aux humains le trésor de sa révélation ; ils font ce qu’ils peuvent pour ne pas trahir l’essentiel, mais c’est toujours améliorable et toujours à refaire en chaque siècle, en chaque culture, sur la base de la révélation consignée pour l’essentiel dans les Écritures. L’œuvre d’Adrienne von Speyr n’est qu’un essai parmi beaucoup d’autres. Elle a exprimé sa foi avec sa culture de femme médecin du XXe siècle et avec les grâces toutes particulières dont elle a été favorisée. Bien des textes ici rassemblés ont été dits en extase. Quelques textes sont du Père Balthasar, d’autres proviennent de l’un ou l’autre saint, de l’un ou l’autre personnage, d’un passé plus ou moins lointain.

 

Dieu, c’est l’infini. L’homme doit le chercher avec le plus d’intelligence possible. Il y a les théologiens et leurs théologies ; il y a par ailleurs tous les saints et tous les mystiques (authentiques) qui représentent les humains les plus proches de Dieu. Il est essentiel, pour tous les chercheurs de Dieu, de les fréquenter pour en extraire ce qui peut leur être utile pour une compréhension plus profonde de la foi chrétienne, pour rendre plus vraie leur communion avec Dieu, pour progresser dans l’intelligence des choses de Dieu. Dieu, c’est l’infini. Aucun exposé de la foi chrétienne n’est à la hauteur.

 

« L’humanité dans le dessein de Dieu » : une manière de redire l’essentiel de la foi chrétienne. Et par le hasard de Dieu, autrement dit par sa grâce, Adrienne von Speyr a rencontré un jour le Père Hans Urs von Balthasar, l’un des plus grands théologiens du XXe siècle. Finalement, l’œuvre la plus importante de Hans Urs von Balthasar n’est peut-être pas tout ce qu’il a publié sous son nom, mais la publication par ses soins de l’œuvre d’Adrienne von Speyr.

 

« Pour ceux que cela concerne », l’œuvre d’Adrienne von Speyr peut être une nourriture vivante pour le cœur et l’intelligence. Il y a dans cette œuvre bien des matériaux pour vivifier la foi des simples comme celle des savants. Les textes ici présentés n’ont pas encore été publiés en français. Ils ont été classés en un certain ordre et en même temps un peu en vrac. Il y a tout un travail d’approfondissement possible. Ce sont comme des matériaux à exploiter. Avec ces documents, on peut multiplier les recherches ou simplement goûter les choses de Dieu et vivre en communion avec lui.

 

Patrick Catry

 

 

Pour les références

 

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) : 1. Das Allerheiligenbuch (Le livre de tous les saints = NB I), en deux volumes - 2. Das Fischernetz (Le filet du pécheur = NB II). - 3. Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer I = NB III). - 4 Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer II = NB IV). - 5. Subjektive Mystik (Mystique subjective = NB V). - Objektive Mystik (Mystique objective = NB VI). - 7. Geheimnis der Jugend (Le mystère de la jeunesse = NB VII). - 8-10 Tagebuch (Journal = NB VIII, IX, X). - 11. Ignatiana (Notes ignatiennes = NB XI). - 12. Theologie des Geschlechter (Théologie des sexes = NB XII). - Les œuvres posthumes (cinq mille pages) n’ont pas encore été publiées en français.

 

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1. Dieu crée

Plan : 1. Le Créateur2. Le monde3. Adam et Eve4. Le paradis5. La liberté 6. L’arbre7. Le serpent8. Le péché9. Après le péché


 

1. Le Créateur

1. Le Père : tout est créé par lui (NB 10, n. 2193).

 

2. La création sort du Père et retourne au Père

De même qu'en Dieu lui-même tout est à la fois immobile et mobile, toute la création sort du Père et retourne au Père par le Fils et par l'Esprit sur une voie établie de manière immuable et pourtant dans un mouvement toujours nouveau (NB 10, n. 2265).

 

3. La création : don du Père

La création est le grand don du Père, dans lequel on peut toujours découvrir quelque chose de nouveau, dans lequel des possibilités et des espérances nouvelles peuvent toujours s’ouvrir (NB 4,95).

 

4. Dieu se montre comme le Créateur

Le mystique devrait comprendre qu'il doit renoncer à toute attente. Avant même l'expérience mystique, mais en tout cas après elle, il sait peut-être que l'expérience de Dieu ne correspond jamais à l'attente de la prière, qu'en toute expérience mystique Dieu ne se donne pas seulement comme bienfaiteur, mais que Dieu se montre ici comme l'Inconnu : comme le Créateur qui crée ce que l'homme reçoit en cet instant, qui se montre en même temps dans son être de Créateur le plus originaire, avec son dessein, son plan, dans la paix de son être trinitaire (NB 5,45).

 

5. Mystère de l’activité créatrice de Dieu -

Quand Dieu donne des grâces, c'est en tant que Créateur, et aucune créature ne peut recevoir une participation au mystère de son activité créatrice autrement qu'en accueillant en elle un commencement déjà achevé, réalisé. Le chrétien qui prie pour obtenir une grâce la reçoit autrement qu'il ne l'avait demandée : plus grande, plus eucharistique, plus apostolique (NB 10, n. 2153).

 

6. Dieu le Père crée l'être humain

Dieu le Père crée l'être humain comme un tout. Si l'homme est croyant, il voit également comme un tout Dieu Trinité, l’Église, la foi, le ciel et la terre. Il voit tout de suite le lien qui existe entre Dieu et la création, le ciel et la terre, et il apprend à comprendre plus profondément l'unité à partir des connexions qu'il a comprises (NB 10, n. 2154).

 

7. Le Père, toute sa richesse est allée de lui dans la création -

Le Père est détaché de tout. Toute sa richesse s'en est allée de lui vers l'extérieur dans la création. Il n'est lié à rien en ce monde. Tout comme un pauvre dans le monde est libre de toutes choses (NB 10, n. 2198).

 

8. Toutes choses ont été créées par le Verbe

Le Verbe est tout en Dieu et est Dieu lui-même en nous. Toutes choses ont été créées par le Verbe : par le Fils de Dieu qui, à la première création, est encore totalement un avec le Père, il est encore Parole créatrice non distinguée, qui ne se distingue du Père qu’à l’incarnation. De même, dans la vie de l’homme tout est créé par le Verbe, il est le commencement de toute vie spirituelle. En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes (NB 9, n. 1103).

 

9. Toutes choses ont été créées pour le Christ

Nous, avec nos éternelles objections, nous semblons ne jamais vouloir croire que réellement toutes choses ont été créées pour le Christ, partout nous voulons voir des exceptions, mettre des réserves. Les anges sont tout à fait comme des enfants pour admettre les choses et pour prier. Et tout ce qui a les qualités de l'enfance leur saute tout de suite aux yeux (NB 6,47).

 

10. "Tout a été créé par lui". Tout est créé dans le Christ qui est 1e Fils, l’Envoyé, Celui qui retourne au Père (NB 9, n. 1111).

 

11. La création : séparation du jour et de la nuit

En séparant le jour de la nuit, le Créateur choisit une disposition qui est bonne pour le monde ; cependant cette séparation, qui règle le cours du temps qui passe, a un prélude dans la séparation du ciel et de la terre. La terre était confuse et vide et ténébreuse si bien qu'il s'agissait au fond d'une séparation entre le jour du ciel et la nuit des enfers (NB 5,128).

 

12. Le souffle de l’Esprit dans la création -

Concrètement, le souffle de l'Esprit dans la création se produit d'abord dans l'être humain en tant que masculin et féminin : par leur échange d'amour, ils fusionnent dans l'unité. Unité que l'être humain lui-même ne comprend pas pleinement parce que, dans sa profondeur, elle n'est réalisée qu'en Dieu. C'est en devenant un quand ils s'unissent qu'ils deviennent trois. Mais parce que, en Dieu, l'échange d'amour est l'Esprit, il est impossible que l'acte d'amour entre l'homme et la femme soit seulement un acte de sensualité ; bien plus, cet acte, pour être compris, et même pour être accompli devant l'Esprit absolu, doit emprunter quelque chose à l'Esprit Saint. Il est demandé à l'Esprit d'être là, et là justement où le fruit de l'union est l'éclosion d'un être spirituel ; l'Esprit fait que l'action du couple humain ait part à sa présence comme troisième personne divine (NB 10, n. 2167).

 

13. LEsprit Saint accompagne l’œuvre du Créateur

L'Esprit Saint plane au-dessus des eaux du chaos, il accompagne l’œuvre du Créateur. Il est dit du Père qu'il crée, qu'il se repose le septième jour, qu'il se promène dans le paradis. Le fait de planer est pour l'Esprit disponibilité ; c'est en même temps la volonté de recevoir le chaos, non le chaos présent mais le chaos futur ; dans l'Esprit se trouvent les propriétés contre lesquelles les hommes se dressent en péchant, les propriétés que demandent les croyants qui suivent le Fils et l'adorent. L'Esprit est libre pour eux, il peut être demandé par eux avec ses propriétés et il les accompagne ; il accompagne le Fils comme le Fils a accompagné le Père lors de la création du monde. L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils, il circule entre les deux et, quand le Père agit, le Fils agit ; il donne alors à ces actes son amour circulant sous une forme aimante qui n'a rien de contraignant (NB 3,247).

 

14. Dieu crée le monde en tant que Dieu unique qui est pourtant un et trois (NB 2,22).

 

15. En ce qui concerne le monde, Dieu agit toujours de manière trinitaire ; mais il y a dans l'acte de la création une préséance du Père (NB 3,236).

 

16. Dieu le Père a créé le monde en commun avec le Fils et l'Esprit, de même le Fils engendre l’Église dans la même communion (NB 1/2, 15).

 

17. La création : un don que les personnes divines se font réciproquement

La création est à un certain point de vue la conséquence du don eucharistique réciproque de Dieu ; elle devient un cadeau que les personnes divines se font réciproquement. L'être humain est offert au Fils par le Père, le Fils et l'Esprit le rendent au Père. Le monde et l'homme sont pour les personnes divines une concrétisation de leur amour réciproque, de telle manière aussi que toutes les trois voient représentée dans le monde et l'homme l'unité de leur amour, car de toute éternité l'être humain fut pensé comme adorateur de l'amour éternel. Lors de la création, le Fils voit déjà la forme d'existence sous laquelle il pourra adorer le Père de manière nouvelle. Et l'Esprit sait que sa venue dans l'esprit créé fera des hommes de nouveaux adorateurs du Père. Cela ne veut pas dire que l'homme ne serait pas plus qu'un représentant de Dieu, il est sans doute un don de Dieu à Dieu. Un don qui doit être tellement image de Dieu qu'il jouit d'une certaine manière de la liberté divine, qu'il est doté d'emblée d'une liberté tournée vers Dieu, à la différence des autres êtres terrestres (NB 6,521-522).

 

18. Partout, c’est Dieu Trinité qui entreprend quelque chose dans son monde -

Partout où le Père crée, le Fils est Parole et il vit et souffre en tant que Parole devenue homme, l'Esprit se prodigue partout où Dieu Trinité entreprend quelque chose dans son monde, cela se fait dans l'unité réciproque qui est la nature de Dieu (NB 6,102).

 

19. Les trois personnes participent à la naissance du monde (NB 6,92).

 

20. La création du monde est réalisée dans l’amour trinitaire

Que le Fils puisse envoyer l'Esprit et l'envoie de fait, nous l'apprenons par sa parole. Nous voyons cette parole accomplie le jour de la Pentecôte et nous recevons l'Esprit dans le sacrement de confirmation. Beaucoup de choses de l'Ancien Testament donnent déjà une certaine connaissance de l'Esprit : les paroles des prophètes, ce qui se passe quand l'Esprit est donné et le fait que déjà lors de la création l'Esprit de Dieu planait sur l'abîme. A la lumière de la nouvelle Alliance, nous percevons que, tout comme le Père et le Fils, l'Esprit aussi était en Dieu de toute éternité, et que les relations des trois personnes sont des relations d'un amour éternel qui, pour la divinité, est tellement originel que la création du monde aussi ne pouvait être projetée et réalisée qu'à l'intérieur de l'amour trinitaire (NB 10, n. 2147).

 

21. L’œuvre commune de la création

Chaque œuvre de Dieu Trinité est faite en commun, mais de telle manière que c'est une personne qui agit et que les deux autres accompagnent et collaborent. Le Père est le Créateur du monde parce que l'acte du Créateur correspond à l'acte d'engendrer. De même qu'il engendre le Fils, il crée le monde. Ce que fait une personne correspond chaque fois à la volonté trinitaire. Celui qui aime cherche à adapter le plus possible sa volonté à celle de l'être aimé. Il a le désir de faire exactement ce que l'autre décide (NB 6,80-81).

 

22. Le Père crée, mais en même temps la création est l’œuvre de la Trinité tout entière

Les actions des personnes divines ad extra sont certes communes, mais elles sont opérées par une personne avec l'accompagnement des autres, et le caractère de l'action manifeste le caractère de la personne qui agit. Comme les personnes en Dieu se distinguent par leur opposition à l'intérieur de l'unité de nature, on peut reconnaître, dans une action déterminée du Dieu unique, une seule personne même si elle n'agit pas indépendamment des autres. La création comme telle renvoie clairement au Père, justement parce qu'il est Père, bien qu'elle soit, bien entendu, l'œuvre de Dieu Trinité tout entier. On peut comparer le monde et le Fils parce qu'ils sont issus tous deux du Père. Et on peut reconnaître le propre du Fils à partir de la nature créée du monde. Parce que le Père et le Fils sont présents dans l'acte de la création, l'Esprit Saint y collabore aussi, par son souffle. Il souffle où il veut, mais toujours entre le Père et le Fils (NB 6,81).

 

23. Procession des personnes divines et création du monde

La procession des personnes divines est indépendante de la naissance du monde. Mais l’hypothèse d'un monde possible est présente depuis toujours. L'hypothèse, pas encore une décision définitive (NB 1/2, 106).

 

24. Les hommes sont créés dans le face-à-face du Père, du Fils et de l’Esprit

Au début, il y avait le face-à-face du Père, du Fils et de l'Esprit, et c'est dans ce face-à-face au ciel que les hommes furent créés, ce sont des personnes aussi peu solitaires que le sont les personnes en Dieu (NB 4,237).

 

25. Dieu le Père crée le monde, Dieu le Fils le rachète, Dieu l'Esprit l'anime (NB 2,59).

 

28. Par la création du monde, Dieu est devenu un « Créateur » ; il ne l’était pas « auparavant » (NB 9, n. 1562).

 

29. Création et mission du Fils

Le Fils avait part au jour éternel du Père, et c'est là que fut décidée sa mission que le Fils accepta en même temps qu'il la proposa en adaptant sa volonté à la volonté du Père. Ici-bas, comme tout homme vivant, il fit l'expérience de la séparation du jour et de la nuit. Mais en mourant, il arrive dans la nuit des enfers, une nuit qui ne connaît ni interruption ni la moindre lueur, une nuit qui est le pur contraire du jour du ciel (NB 5,128).

 

30. L’homme créé par le Père, racheté par le Fils

Profond respect du Père pour l'homme racheté par le Fils, pour l'homme qui a été créé par le Père et à qui sont laissées l'indépendance et la liberté d'apprendre par la résurrection du Fils ce qu'est la résurrection comme communication divine (NB 3,338).

 

31. La joie de Dieu quand il crée

Quelle qu'ait pu être l'activité de Dieu de toute éternité avant la création, les traces s'en trouvent dans les trois personnes quand elles créent le monde. Pour Dieu, il n'y a pas de passé, tout souvenir est présence. Rien ne finit en Dieu, mais tout continue d'être fécond dans un éternel présent. La joie de Dieu quand il crée exprime tout ce que contient sa vie éternelle. La force créatrice de Dieu, chargée de sa fécondité éternelle, est si grande que les choses qu'il crée portent aussi les traces de cette fécondité permanente, d'une manière cachée peut-être, si bien que sa fécondité interne n'apparaît pas tout de suite dans ses conséquences (NB 5,41-42).

 

2. Le monde

 

32. Le monde, œuvre du Père

Pour le Fils qui est devenu homme, le Père est devenu très proche du monde. Le monde est l’œuvre du Père, il lui appartient et il est centré sur le Père. Il s'est séparé du Père par le péché, mais il n'a pas pu réduire à néant le fait qu’il lui appartenait, d'autant moins que le Fils devient homme pour offrir à nouveau au Père le monde racheté qui est bien le monde créé des origines (NB 5,126).

 

33. Tout est créé pour le Fils. Et cette phrase peut être étendue à tout ce que les hommes font pour le Fils : une cathédrale, un tableau, une prédication, surtout une prière, mais aussi tout ce qui peut être compris dans la prière (NB 10, n. 2193).

 

34. Toutes les choses ont été créées pour le Fils

Compris d'une manière positive, le "mérite", en tant que résultat d'une œuvre, ne veut toujours dire au fond qu'une conversion à l'amour, au Seigneur, un mouvement préétabli en direction des choses qui sont toutes créées pour le Fils (NB 6,429-430).

 

35. Toutes choses ont été créées pour le Fils. Les choses ne lui sont pas confiées comme au premier Adam pour qu'il les domine, elles sont créées d'emblée pour lui, pour qu'il fasse d'elles un royaume pour son Père ; et il imprime en toutes choses et en toutes ses décisions le sceau de son propre mystère. Tout ce qu'il touche et intègre dans son domaine en tant que Christ-Roi voit son caractère se modifier ; cela reçoit ainsi sa parfaite destination, c'est conduit au but pour lequel cela a été créé à l'origine (NB 10, n. 2175).

 

36. Tout est créé pour le Fils

Toutes les choses ont été créées pour le Fils. Si le Père donne tout au Fils, le Fils reçoit tout. Il a autant de joie à accepter les dons du Père qu'en a le Père à créer les choses pour l'amour du Fils (NB 10, n. 2269).

 

37. C'est du néant que Dieu a créé le monde

C'est du néant que Dieu a créé le monde, mais c'est à partir de la croix qu'il a créé l'état religieux. L'état sacerdotal appartient essentiellement à la création, l'état religieux est une fondation tout à fait nouvelle à partir de la croix (NB 11,390).

 

38. Le mystère de la création. La meilleure manière de le décrire est la suivante : c'est chaque fois comme si quelque chose de créé n'était pas encore créé et devrait l'être (NB 5,154).

 

39. Le Créateur et le chaos

Quand le Créateur ordonne le monde, le chaos disparaît ; d'un jour de la création à l'autre, on peut déterminer le progrès de l'ordre, on ne peut plus guère s'imaginer finalement l'apparence que pouvaient avoir le jour et la nuit quand ils n'étaient pas séparés. Ce n'était certainement pas un crépuscule, car celui-ci fait partie déjà de ce qui est séparé. C'est au crépuscule que la nuit commence ; dans le chaos par contre, il n'y a pas de commencement ; c'était une manière d'être ensemble pour laquelle nous n'avons pas de concept (NB 3,247-248).

 

40. Dieu crée à partir du chaos

L'acte créateur sépare et met ainsi de l'ordre : ce qui appartient à l'eau va à l'eau, ce qui appartient à la terre va à la terre, ce qui incline vers la nuit va à la nuit, ce qui incline vers le jour va vers ce qui appartient au jour. Les éléments ne sont ni diminués ni augmentés, ils sont ordonnés en étant bien distingués. L'eau n'est plus maintenant un mélange, mais de l'eau pure et claire... Il en est ainsi pour tout ce qui est séparé par Dieu : c'est pur et sans mélange (NB 12,70).

 

41. Le chaos lors de la création du monde

Lors de la création du monde, le Père se rend dans le chaos pour l'ordonner. Et même s'il se promène dans ce qu'il y a au monde de plus ordonné, le paradis, il est constamment en contact avec le chaos. C'est pour lui comme une atmosphère dans laquelle il entre pour y mettre de l'ordre. Il crée un monde en tant qu'ordre, un monde où l'on peut se promener, qui est capable d'accueillir l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Le monde que Dieu a formé en le tirant du chaos est comme une pré-image de l'homme. C'est une atmosphère pour lui, comme Dieu a son atmosphère. L'homme a dû animer son monde avec son âme, son attitude, ses pensées, il lui a donné son atmosphère, qui correspond à ses aptitudes et à sa liberté, et qu'il ajoute à l'atmosphère créée du monde. Il intégrera l'ordre de ses idées dans l'ordre que Dieu a tiré du chaos (NB 3,244).

 

42. Le Père crée monde à partir du chaos ; il n'a pas quelque chose d'autre pour créer le monde en vue de son Fils. Et pour façonner le premier homme, il prend de la glaise. La chaos et la glaise sont la base de tout ce que le Père crée de son Esprit en vue du Fils. Il façonne tout dans la parfaite pauvreté, il le façonne de lui-même, de ses propres mains, pour ce que cela devient. Et pour créer le deuxième être humain, c'est du premier qu'il doit prendre la côte, un peu comme s'il n'avait pas assez de glaise pour façonner le second. La splendeur du monde qui vient d'être créé et du premier couple humain qui vient d'être créé est un témoignage de la pauvreté du Père (NB 10, n. 2198).

 

43. Le chaos et le monde

C'est à partir du premier chaos que Dieu avait créé le monde. Il avait "délivré" le monde du chaos en le créant. L'enfer est le chaos restauré : il est fait du rejet de Dieu par le monde. Dans la mesure où le monde rejette Dieu, il ne reste plus à Dieu qu'à laisser le chaos revenir là où est le refus ; la somme de tous les refus forme le chaos, l'enfer. Le premier chaos avant la création n'était ni bon ni mauvais; il était simplement une possibilité neutre. Le chaos maintenant, c'est le mal séparé du monde, et le monde se trouve maintenant au milieu, entre le ciel et le chaos de l'enfer. Au début, Dieu avait en lui la potentialité de sa création tout comme l'homme possède en lui ses spermatozoïdes dont il peut faire des enfants. Seulement chez l'homme la possibilité de réalisation est limitée par la capacité de réception de la femme, et le nombre incalculable des facultés génésiques masculines que la femme ne peut accueillir se perd parce qu'il y a une disproportion entre la potentialité et la capacité de réception. En Dieu, cette disproportion n'existe pas, car il peut créer tout ce qu'il veut. La disproportion n'apparaît que lorsque le monde refuse d'accueillir les créations de Dieu. Par ce refus d'accueillir, Dieu est obligé de créer un nouveau chaos constitué par ces refus : l'enfer (NB 3,106).

 

44. La soudaineté de la création du monde par le Père à partir du chaos NB 3,280).

 

45. Dieu crée le monde pour l'homme à partir du chaos. Dieu fait de l'ancienne Alliance une promesse du Fils (NB 4,135).

 

46. Dans la création : une œuvre de séparation

Dans l’œuvre de la création, Dieu a opéré une séparation : le ciel et la terre, l'eau et le sec, le jour et la nuit… Plus tard sont créées les bêtes, avec la multiplicité de leurs formes et par paires… Enfin Dieu crée l'être humain. C'est un être humain unique. Adam est l'être humain et il est l'unique être humain. Un deuxième être humain, Ève, lui est donné pour être à son côté. L'être humain 1 était homme, l'être humain 2 était femme ; ils ont des caractéristiques particulières, mais on ne doit pas dire qu'elles séparent, elles sont attribuées à chacun pour se trouver en couple (NB 2,24-25).

 

47. Créateur, le Père sépare

En tant que Créateur, le Père sépare le mouillé et le sec, le jour et la nuit, etc. L'homme pécheur également est toujours plus occupé à séparer et à distinguer ; il y a là quelque chose de créateur, mais dont il est fait un mauvais usage par le péché (NB 3,265-266).

 

48. Dieu a créé le monde comme un travail

Le repos est en premier lieu une propriété de Dieu ; il a voulu et institué le sabbat. Nous savons par Dieu que le sabbat était en lui-même depuis toujours, qu'ensuite il a créé le monde et qu'il a considéré l'œuvre achevée comme son travail. Quelle était sa contemplation avant son action, nous ne le savons pas ; nous pouvons dire seulement avec certitude que le monde qui commençait est un signe du Dieu éternel qui ne commence jamais (NB 6,323-324).

 

49. Le monde se dirige vers sa fin

L'institution du sacrement de mariage a sa préhistoire dans la tâche de création du Père. Au centre de cette tâche apparaît le Fils éternel devenu homme, qui fait éclater le mariage en ce sens qu'il est né d'une vierge, qu'il reste vierge et qu'il institue un mode de vie où l'on se met à sa suite dans la virginité en vue de la fin des temps ; dans cette manière de voir, le sacerdoce et le célibat, et finalement toute la vie consacrée, sont vus comme ne faisant qu'un. Étant donné que le Fils vient comme celui qui accomplit, le deuxième état a une préséance, mais une préséance qui ne dévalorise pas la vie de couple, car on ne peut pas plus nier le commencement du monde et de chaque homme et de tout l'ordre de la création que le fait que le monde se dirige vers sa fin ; on ne peut pas plus nier la mission de vivre que la mission de mourir, on ne peut pas simplement sacrifier la mission concernant la vie présente à la mission qui vise l'au-delà (NB 6,538).

 

50. Il n'y a pas des milliers de mondes mais un seul monde (NB 4,405).

 

51. A chaque être qu'il a créé Dieu a donné un caractère unique (NB 10, n. 2328).

 

52. Le Père crée ce qui est fini à partir de ce qui est infini

Depuis toujours, l'Esprit Saint était le témoin du Père. Il l'était dès avant la création. Pour le Père, ce témoignage est comme l'établissement d'une mesure. Il voit dans l'Esprit la mesure de ce qu'il accomplit. Il en est de même aussi pour l'homme créé. C'est dans l'Esprit témoin que les possibilités de l'homme peuvent se voir ; en lui, le Père a comme un terme de comparaison ; il voit la grandeur, la petitesse, la profondeur d'une œuvre aux yeux de l'Esprit. Cette mesure n'est pas soumise à l'arbitraire de l'Esprit. Le Père lui-même la lui impose. Le Père crée ce qui est fini, déterminé, limité, à partir de ce qui est infini, et l'Esprit reçoit en lui ces relations du fini à l'infini pour les présenter au Père (NB 3,253).

 

53. Omniprésence de Dieu dans la création

Nous connaissons l'omniprésence de Dieu dans toute la création. Et pourtant, en maints endroits, cette présence semble comme plus dense : là où l'on prie, là où s'élève sa maison et partout aussi où un chrétien, un homme, vit dans la grâce. Et encore, dans un autre sens, là où quelqu'un - prêtre, religieux, religieuse - a consacré sa vie à Dieu. Même rencontrée dans la rue en passant, cette personne rappelle la présence de Dieu, et le quotidien autour d'elle est coloré par son existence (NB 6,70).

 

54. Toute la chaîne des créations de Dieu 

(En extase). Tout d'un coup, je fus toute secouée et je vis, dans une vision d'ensemble, le commencement du monde et les prophètes et le Seigneur et la mère de Dieu et les disciples et l'amour et le ciel et la terre et l’Église et le ministère et les sacrements…, tout cela en une procession interminable qui ne pouvait s'arrêter nulle part et dans laquelle tout procédait de tout ; c'est un "et" divin qui commence au sein de la vie trinitaire, se transmet à la création et ne peut s'y arrêter non plus, mais la ramène à Dieu. Tous les éléments particuliers qui se trouvaient dans cette chaîne faisaient partie d'un ordre qui est l'ordre de Dieu et il l'engendre maintenant précisément comme il l'a engendré de toute éternité (NB 5,30).

 

55. Profusion des choses de ce monde que Dieu a créées

Nous devrions toujours penser à la joie procurée à chacune des trois personnes par les autres. Une joie débordante. Cette plénitude débordante n’est jamais unilatérale et elle n’a pas besoin d’être complétée par la douleur et la tristesse pour ne pas dégénérer en ennui. Elle est en continuel jaillissement, elle ne cesse d’être différente, pour parler le langage de ce monde. Nous pouvons lire cette manière que Dieu a d’être toujours autre dans la profusion des choses de ce monde qu’il a créées. Peut-être n’a-t-il créé les nuages que pour que nous ne pensions pas qu’il est éternellement rayon de soleil. Et chaque nuage à son tour est différent, il n’y a pas au ciel de monotonie. Et les nuages fécondent la terre, l’hiver comme neige, l’été comme orage ; chaque pluie également a son caractère propre. Ainsi la fécondité de Dieu n’est bien comprise que comme toujours neuve (NB 9, n. 1938).

 

56. Le temps créé par le Père est bon

Le Fils devenu homme vit dans l'instant tel que le Père le lui donne. Une telle vie est pour le Père une satisfaction parce que le Fils lui témoigne ainsi que le temps qu'il a créé est bon et qu'on peut vivre et agir en lui. Il a la taille qu'il faut pour accorder au Fils l'occasion de parler avec le Père. Non en opposition à l'éternité, mais dans un authentique échange permanent entre le ciel et la terre, qui n'est pas troublé par la présence des hommes pécheurs (NB 5,110).

 

57. Le temps qui s’écoule est une invention de Dieu

Dieu lui-même est sans commencement ni fin. De son centre, il pose l'acte de la création par laquelle le monde commence et l'homme en lui. Le temps qui s'écoule est une invention de Dieu, lui-même est dans l'éternité. Le temps est mesuré avec les mesures de l'homme et de sa vie : le monde ne cesse de durer le temps d'une génération, jusqu'au moment où le Fils de Dieu assume la durée d'une vie, emprunte au temps des hommes trente-trois années pour les vivre. Mais parce qu'il les a empruntées au temps des hommes, il les rend aux hommes avec son temps à lui, qui est un temps indivisible, éternel. Le terme du temps terrestre de Jésus, c'est sa mort mais, en mourant, le Fils infléchit la ligne du temps dans le cercle de l'éternité, de sorte que désormais l'homme qui est dans le temps a part à la vie éternelle. En tant que croyants, nous vivons notre temps avec la conscience du temps éternel et nous devons orienter tous nos actes vers le temps éternel dont nous avons eu connaissance par la résurrection du Fils (NB 6,69).

 

58. Les jours et les nuits existent depuis la création (NB 3,366).

 

59. Les anges à la création

Les anges étaient présents lors de la création de l'homme et de la femme ; ils ont à constater l’œuvre de Dieu et son dessein, ils ont à garder la loi de la création et à surveiller son accomplissement, de même que l'ange gardien doit veiller en chaque homme à l'accomplissement de la volonté de Dieu et à l'encourager par tous les moyens qui lui sont donnés (NB 12,33).

 

60. Les anges ont participé à la création

Le ciel est la patrie des anges. Cette patrie est ouverte à la terre lors de l'incarnation : le Seigneur prend quelque chose aux anges, mais il leur rend aussi quelque chose ; il a eu recours à eux pour sa mission terrestre ; c'est un ange qui est apparu à Marie, mais ces apparitions et d'autres aussi n'arrivent pas par hasard et sporadiquement : tous les anges sont à la disposition du Fils, et leur accompagnement se manifeste à des moments décisifs. A la résurrection, il y a comme un témoignage de reconnaissance à l'égard des anges ; par l'incarnation, ils ont fait l'expérience d'une extension de leur sphère, ils ont participé plus profondément à l’œuvre du Père, leur existence s'est alors révélée pleine de sens de manière nouvelle ; ils peuvent apparaître, introduire, annoncer des événements et en accompagner d'autres, recevoir pour le Père la parole des humains, le oui de Marie par exemple ; non seulement ils sont anges gardiens depuis la création mais, à partir du Christ, ils le sont dans un sens nouveau. La première qui reçoit un ange gardien chrétien, c'est Marie lors de son oui. Les anges participèrent à la création ; dans l'ancienne Alliance ils eurent à remplir des missions exceptionnelles, ils eurent le droit de dévoiler des mystères du ciel, mais toujours pour une réalisation limitée ici-bas. A partir de Marie par contre, les anges reçoivent des fonctions dans l’œuvre de la rédemption elle-même : ils peuvent faire entrer les humains dans le salut apporté par le Christ. Et parce que Marie est rachetée à l'avance, c'est à partir d'elle que la nouvelle fonction des anges peut être présentée de la manière la plus claire (NB 12,172).

 

61. Les anges : entre Dieu Trinité et le monde des humains

La plupart du temps, on s'imagine les anges comme des êtres totalement achevés, terminés ; mais dans le ciel également, ils vivent entre deux pôles : Dieu Trinité et le monde des humains, qui les appelle et qui vit sous leur protection. Il n'y a ainsi pour les anges, jusque dans leur substance et leur nature les plus profondes, aucune possibilité de se reposer parce qu'ils se trouvent comme au carrefour entre Dieu et le monde, donc au fond là où se trouve le Christ (NB 6,41).

 

62. Les anges : des intermédiaires

Les anges constituent comme une sorte d'atmosphère entre le ciel et la terre, entre l'Esprit Saint absolu et notre condition d'êtres limités. Les anges servent d'intermédiaires entre Dieu et l'homme, entre l'homme et Dieu, et il est impossible d'exclure leurs missions (NB 6,45).

 

63. L’eau : Dieu l’a créée si belle

Dans sa prière, Adrienne pensa à la vie terrestre du Seigneur, à Pierre, à la pêche, au bateau. Pendant sa prière, le lac s'agita ; elle regardait sans autres sentiments que ceux de l'action de grâce envers Dieu qui agitait ainsi cette eau et l'avait créée si belle (NB 10, n. 2102).

 

64. La plénitude de l’eau jaillissante

L’eau du fleuve de l’enfer. Je comprends aujourd'hui que l'eau du fleuve est l'eau non séparée. La deuxième eau non séparée. La première était le chaos avant la création. Elle fut séparée et elle devint l'eau véritable, celle qui jaillit, claire, réjouissante, pure, rafraîchissante, transparente. Dans cette eau, Dieu a créé une image de ce que les hommes devaient chercher à atteindre vis-à-vis de lui. Ils ne devraient pas se laisser pénétrer à contrecœur, mais ils devraient couler devant Dieu purs, ouverts, transparents, fluides, laissant ouvertes toutes les portes, nus, avec une richesse de vie qui se renouvelle continuellement. dans la plénitude que Dieu leur a donnée et qui serait réellement la plénitude de l'eau jaillissante. Dieu voulait faire d'eux des sources pures et, de leur totalité, une mer faite de sources pures. La communauté des hommes aurait été un océan où l'on ne sait plus quelle eau appartient à qui, il aurait fait partie de leur personnalité qu'ils auraient été prêts à être échangés entre eux ; il n'aurait pas fait partie de cet état qu'ils cherchent constamment à s'éliminer, à se distinguer ; ils seraient restés conscients d'eux-mêmes, de leur origine - comme les sources dans la mer - et aussi de leur sécurité en elle comme leur but. Ils n'auraient pas eu le penchant vers l'exclusif, vers l'étude subtile de ce qui me convient et de ce qui ne me convient pas (NB 3,271).

 

65. Dieu a créé pour nous la nourriture avant de nous créer nous-mêmes (NB 4,377).

 

66. Dieu crée les animaux

Au commencement, Dieu crée une paire de chaque espèce d'animaux : poissons, oiseaux ou chevaux, et dans cette paire unique se trouve ce qui est innombrable par la multiplication. C'est ainsi que ce qui est clair se trouve à la disposition du Créateur. Les nombres n'entrent en action qu'après que l'homme a péché. Dans la création originelle, il n'y a pas de multiplicité parce que chaque chose est un tout comme l'unité du Créateur. Certes, dans la multiplication aussi, il y a un souvenir de lui puisque les êtres doivent être créateurs ; il y a là une attente et une espérance puisqu'ils doivent s'efforcer de ne faire à nouveau qu'un tout avec lui. A partir de l'unité du vieil Adam, ils doivent chercher à atteindre l'unité du nouvel Adam qui les rassemblera tous à nouveau dans son unité. Ils se multiplient en dehors du paradis dans un état de péché et pourtant dans l'unité de la parole de Dieu qui les conduit à l'unité du Fils incarné et de Dieu Trinité. C'est très mystérieux (NB 2,21).

 

67. Le Créateur a créé pour l’homme ce qui était bon

Le Créateur a séparé ce qui est perceptible, le jour, de ce qui est impénétrable, la nuit : celui-là était bon, celui-ci n'avait pas de signe, mais il était placé dans ce qui était bon et n'était pas laissé au libre usage de l'homme. Le sommeil d'Adam était inséré dans ce qui était bon dans sa vie et, avant la chute, il n'apparaissait pas comme un problème. Les animaux sur lesquels l'homme devait régner étaient créés pour lui, ils faisaient partie de ce qui était bon ; les plantes suivaient le cycle de la nature et elles n'étaient pas toxiques pour l'homme (NB 6,246).

 

68. Dieu a fait le monde bon

Dieu a fait le monde et il a vu que c'était bon, donc les hommes sont bons (NB 7,89).

 

69. Dieu a vu que le monde était bon

Quand Dieu créa le monde, c'est lui qui a vu qu'il était bon. Les signes de la bonté caractérisant le monde à sauver sont reconnus par la Mère - qui est rachetée à l'avance - comme par les mages. Cela signifie que le Fils trouve un accueil dans le monde tandis qu'Adam ne trouva d'accueil qu'auprès de Dieu (NB 10, n. 2155).

 

70. Dieu donne toujours ce qu’il y a de mieux

Un musicien aveugle mettra au-dessus de tout la merveille des sons et de l'ouïe. Un sourd qui peint d'une façon magnifique vantera les couleurs et les formes : qu'est-ce que Dieu n'a pas créé pour les yeux ! Mais celui qui veut être ouvert au monde de Dieu doit se garder de ce genre de spécialisations. Ce que Dieu donne et la manière dont il le donne est toujours ce qu'il y a de mieux (NB 5,190).

 

71. Quand le Créateur eut achevé son œuvre, il vit qu'elle était très bonne. Et il serait faux de croire que le Fils ne trouve dans sa mère que ce que Dieu lui a donné comme grâce spéciale ; il trouve en elle le bien de l'humain qui, sans résistance, s'adapte à son unité et s'habitue à sa forme d'homme, la nourrit, la rend possible finalement (NB 1/2, 155).

 

72. Le royaume du Père, la bonne création -

En enfer, le Fils considère l'obscurité du Père, il est allé jusqu'à la limite où se termine le royaume du Père, la bonne création ; aucun chemin ne va plus loin, parce qu'il ne reste plus que le démoniaque qui a été repoussé au maximum (NB 3,236).

 

73. Le Père a créé le monde et il a vu qu'il était bon

Quel est au fond le sens de l'amour du Fils pour nous ? Sa source la plus profonde est sa soumission au Père. C'est quand même la clef de tout... Le monde entier se plaint : des guerres terribles, des hommes ont enlevé ma femme, tué mes enfants, partout incroyance, rapacité, pharisaïsme... Le monde est effrayant. Et le Fils va au Père et dit : Père, ton monde est magnifique. Est-ce que le Fils ment en disant cela ? Non, car premièrement il vit dans l'éternité et, deuxièmement il rend au Père le monde de son amour, un monde magnifique. Il lui rend son obéissance absolue. Le Père a créé le monde et il a vu qu'il était bon. Et le Fils rend au Père ce monde qui est bon ; bien qu'il ait fait l'expérience qu'il était noir, il l'apporte blanc (NB 1/2, 216).

 

74. L’aptitude de l'homme à souffrir fait aussi partie de la bonté de la création -

C'est un mystère tout à fait filial que le Fils prenne avec lui quelque chose de la fatigue des siens et ne l'oublie pas au sein de la joie. Par là, il montre aussi au Père sa reconnaissance pour la souffrance qui lui a été donnée, qu'il ne veut pas simplement laisser derrière lui et oublier comme quelque chose de terminé ; l'aptitude de l'homme à souffrir fait aussi partie de la bonté de la création (NB 3,242).

 

75. Dieu a créé un monde magnifique

Le Fils au mont des oliviers, sous les beaux arbres calmes et paisibles : il est dans le domaine du Père, où en tant qu'homme il a aimé s'arrêter ; maintenant il s'agit de prendre congé de toutes ces belles choses et d'entrer dans la pure volonté du Père. Dieu a créé un monde magnifique. Ce n'est pas lui qui s'est détaché, c'est l'homme, et il s'agit maintenant de prendre sur soi ce détachement en se tournant vers le Père de manière définitive, dans le oui d'une obéissance totale. Dans son oui au Père, le Fils doit porter le non des pécheurs (NB 3,345).

 

76. Tout ce qui est créé est quelque chose de magnifique

Dieu crée dans un vaste espace : à l'infini, et en même temps dans l'éternel. Cette ouverture de tout ce qui est créé est quelque chose de magnifique, de rayonnant, de chargé de grâce. Le chaos derrière elle, la créature se dirige vers Dieu. Mais le trait perd son ressort, son oui, sa plénitude. L'homme pèche, entraîne le monde dans son non. Sur la croix, le Sauveur rassemble tout le non en lui pour en faire un trait opposé. Il atteint tout le péché, tout le péché l'atteint. Le péché a pris son origine dans l'homme, maintenant le Fils prend le péché en lui. Partant de la plénitude de la vie, il va avec lui dans la mort. Ainsi, en tant que second Adam, il fait l'expérience du premier dans une direction opposée (NB 3,362-363).

 

77. La création : signe de Dieu

Il ne peut pas y avoir de révélation naturelle de Dieu qui ne serait pas un aspect de sa révélation surnaturelle. On peut considérer la création comme un tout composé d'êtres purement naturels, mais tous, par eux-mêmes, en tant qu'images et signes de Dieu, renvoient au-delà de leur nature. Chaque plante, chaque pierre. Dans quelle mesure l'homme, avec sa raison naturelle, est capable de lire ce langage des signes est une autre question (NB 6,29).

 

78. La création : Dieu vit que c’était très bon

Quand Dieu devint créateur, il se livra à une action qui ne s'arrêta pas avant que fût faite la dernière chose. Les six jours de la création se déroulent d'un trait. Puis au septième jour, il vit que c'était très bon, et ce jugement ne concernait pas seulement les choses créées, mais aussi sa propre action. Il considère justement comme bonne la manière dont il a créé (NB 12,72).

 

79. La beauté de la création 

Réflexions d’Adrienne le 6 décembre 1951. « Quand on se trouve comme moi devant de si belles roses, on pense sans cesse à celui qui les a données. Et là, au mur, le tableau de la mer est si vivant avec son eau, qu'on pense à la Bretagne; on voit devant soi la mer et la création de Dieu tout entière, et il n'est pas difficile de trouver et de chercher Dieu en toutes choses. On n'a pas besoin de se donner du mal pour cette recherche, on est porté vers Dieu, et quand on a trouvé, cela se transforme tout de suite en amour - pour Dieu et pour les hommes - et en prière. La beauté des choses a forcément pour le croyant l'effet de le diriger vers Dieu, de faire sourdre la prière, peut-être les mystères joyeux du rosaire, une méditation de la joie de Dieu en lui-même et en sa création. C'est pour Dieu une joie de savoir qu'il y aura dans son monde une fleur comme cette rose devant moi, qu'elle répandra ce parfum. Comment Dieu ne serait-il pas déjà ivre de joie à l'avance en y pensant ? Et que pourrait-il faire d'autre que de créer l'homme pour que lui aussi ait part à cette joie en ce monde ? On comprend, à partir d'une fleur, que c'était la volonté de Dieu que l'homme aussi soit beau, l'être le plus beau du monde, en son corps et en son âme » (NB 10, n. 2152).

 

80. La joie avec laquelle Dieu a créé le monde 

De même qu'il est possible d'accompagner le Fils dans la souffrance, de même il est possible d'accompagner la joie de l'Esprit. Et la manière dont l'Esprit veut venir, que ce soit pour ma gloire ou pour ma honte, pour m'élever ou pour m'humilier, ce n'est plus un souci pour moi. Tout fait partie de la joie de sa venue parce que tout fait partie de sa venue. Et sa venue ne fait qu'un avec la venue du Père et du Fils, et sa joie est comme un aperçu de la joie de Dieu. Elle est comme une explication de la joie avec laquelle Dieu a créé le monde : pour sa joie, qui est amour ; la joie avec laquelle il a créé aussi le corps afin que, par lui également, nous puissions recevoir l'Esprit (NB 10, n. 2316).

 

81. En créant le monde, Dieu le Père était heureux car il créait une œuvre qui devait trouver constamment son assentiment. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie. Le péché a ruiné la joie et apporté la souffrance. Puis Dieu, par l'ange, a voulu entendre le oui de la Mère et ce oui devait résonner joyeusement parce qu'elle pouvait accomplir la promesse et voir le Messie, et parce que la rédemption et la nouvelle vérité au sujet de Dieu venaient dans le monde (NB 10, n. 2157).

 

82. La manière dont Dieu a créé le monde et l’allégresse spirituelle

Une fois se représenta en l’entendement de saint Ignace, avec une grande allégresse spirituelle, la manière dont Dieu avait créé le monde : il lui semblait voir une chose blanche, d'où sortaient quelques rayons, et avec laquelle Dieu faisait de la lumière. Mais ces choses, il ne savait pas les expliquer (NB 11,92).

 

83. Le côté joyeux et humoristique de Dieu et de sa création (NB 8, n. 701).

 

84. Humour dans la création

Je pensai un instant au beau vase avec les poissons incrustés dans le verre. A tout ce qu'il y a d'humour dans la création (NB 10, n. 2058).

 

85. Il faut de l’humour pour créer

(Adrienne a 25 ans. Pour la première fois, Adrienne peut aller en vacances : à San Bernardino, dans la montagne). Ce matin, j'ai été me promener. Des promenades intéressantes. On doit constamment sauter par-dessus des ruisseaux. Et pour la première fois de ma vie, j'ai vu des marmottes. Ça m'a aussi donné des pensées amusantes au sujet du Bon Dieu. Il est justement là aussi auprès des bêtes que personne ne voit. Et tout d'un coup arrive quelqu'un et il les voit. Ce sont des bêtes pleines d'humour. Et il faut aussi de l'humour pour les créer (NB 7,206).

 

86. Pourquoi la création ?

Dieu le Père trouve si infiniment parfaites ses relations au Fils et à l'Esprit et les relations du Fils et de l'Esprit que, pour en exprimer quelque chose, il crée l'univers (NB 6,90).

 

87. Par l’œuvre de la création déjà, l'homme est invité à regarder vers Dieu ; ce que Dieu requiert de lui est un absolu, par son orientation vers Dieu en pensée et en acte (NB 2,198).


 

88. Dieu a créé le monde pour révéler sa sainteté et il y a placé l'homme pour qu'il ait part à cette sainteté des manières les plus diverses. Il lui a fait connaître sa sainteté pour qu'il apprenne qui est Dieu ; mais il ne l'a pas fait voir de loin seulement, il l'a fait voir aussi dans la proximité de la communication, en l'invitant à collaborer. L'invitation elle-même est déjà une grâce offerte. L'être humain peut grandir dans la grâce de la sainteté parce que Dieu lui donne sa sainteté de telle sorte qu'elle l'atteigne réellement. C'est ainsi que l'homme est en même temps témoin et associé. Mais plus il témoigne en déclarant qu'il rend témoignage et en reconnaissant ce qu'il a perçu, plus ce dont il témoigne est aussi en lui. L'homme qui n'est pas saint, qui n'est pas croyant, ne perçoit pas. Il se détourne, il est aveugle pour la sainteté de Dieu parce qu'il ne sent pas qu'il a été atteint par la grâce, peut-être aussi parce qu'il ne veut pas le savoir et il étouffe ainsi la semence de la connaissance. Bien qu'il soit une créature de Dieu, il reste en dehors de la sainteté. Mais la sainteté de Dieu est si puissante qu'elle passe au-dessus des incroyants et remplit tout l'espace de la création si bien que les témoignages objectifs de la sainteté divine sont présents en dépit des incroyants et sont visibles pour celui qui est ouvert et de bonne volonté. Visibles même dans celui qui n'est pas saint, car le croyant sait que celui-ci aussi est une créature de Dieu et le reste, qu'il est dans le oui de Dieu à sa création, un oui qui couvre le non de l'homme (NB 2,33-34).

 

89. Dieu cré le monde comme un lieu pour l’homme et aussi pour Dieu lui-même

Quand Dieu créa le monde, il fit pour l'homme un lieu qui devait être en même temps un lieu pour Dieu lui-même. Dieu se promène dans le paradis où vit Adam. Dieu a créé le monde à partir du chaos et l'a établi dans une proximité intime avec lui ; il y a l'instant où le monde arrive à l'existence, et Dieu peut se reposer en lui. Le lieu de Dieu est aussi bien le ciel éternel que la terre temporelle qui vient de naître (NB 6,50).

 

90. L’espérance du Père lors de la création (NB 4,108).

 

 

3. Adam et Eve

 

(Plan : 1. Adam2. Eve 3. Les sexes 4. Parents et enfants 5. Les maîtres de la création6. Relations d’Adam et Eve avec Dieu7. Le prochain)

 

1. Adam

 

91. Le deuxième Adam est avant le premier (NB 12,45).

 

92. Il n’a pas été demandé au premier homme s’il voulait être créé

Le premier homme fut placé dans l'existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s'éloignant de lui ; il ne lui a pas été demandé s'il voulait être créé, il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître. Le Fils de Dieu s'humilie encore plus profondément par le fait qu'il n'apparaît pas à l'état d'adulte mais qu'il est conçu, porté, mis au monde : il offre ce temps de sa minorité au Père qui doit voir en lui que l'enfance et la croissance d'un être humain correspondent parfaitement aussi à la volonté du Créateur. Il grandit entre sa mère et son père nourricier, mais il grandit aussi d'emblée en direction du Père divin pour le louer dès son plus jeune âge, pour tendre vers lui ses bras dès son premier mouvement (NB 10, n. 2155).

 

93. La création du Père se produit sans que la question soit posée aux créatures (NB 12,21).

 

94. Création d’Adam

On ne peut pas dire que le premier Adam a été créé d'après le modèle du deuxième Adam crucifié et mesuré sur la croix. Mais sans doute Dieu le Père a-t-il mesuré au Fils éternel l'homme qu'il voulait créer. Le Père est l'original, l'homme est l'image, le Fils est le modèle pour le Père quand il a créé l'homme (NB 6,52).

 

95. L'ordre de la création fait de l'être humain ici-bas un être doté d'un corps et d'une âme (NB 5,24).

 

96. Adam a reçu de Dieu un corps

Dieu donne un corps à Adam : un instrument qui réagit à tout ce que Dieu lui demande, un corps qui ne se réfugie pas toujours dans le spirituel, mais qui perçoit aussi en lui l'instruction que Dieu lui donne (NB 6,249).

 

97. Par le corps, Adam peut percevoir la beauté de la création divine

Avant le péché, Adam n'avait guère la connaissance des instincts, après le péché il en a une connaissance faussée. Le Christ a une connaissance des instincts orientée vers le Père : tout le corporel est pour lui instrument de l'amour qui peut toujours être déterminé pour le Père et par le Père. Par le corps, Adam peut percevoir la beauté de la création divine ; par l'humiliation et la souffrance de son corps, le Fils peut percevoir et représenter l'amour et la justice du Père (NB 6,469-470).

 

98. Le corps d’Adam

Le Seigneur a emprunté son corps à Adam. La fécondité du corps d'Adam avant la chute ne se trouvait pas seulement en lui ; elle se trouvait aussi dans tout ce que le Père avait créé pour lui : dans les plantes et les fruits et les animaux, tout provenait de la même puissance créatrice du Père et était à la disposition de l'homme. Par la foi, il avait part à cette fécondité du Créateur. Vue de la sorte, la fécondité particulière de l'homme qu'est sa sexualité et son résultat, l'homme individuel, apparaissent comme un résultat de sa chute (NB 6,250).

 

99. L'homme est fait d'argile et d'esprit. Sans l'esprit, nous sommes à nouveau argile, cendre, glaise (NB 4,39).

 

100. Dieu prend de la glaise pour pétrir l'homme, l'homme reçoit de la force, mais Dieu n'en est pas affaibli pour autant (NB 10, n. 2115).

 

101. Création d’Adam à partir de la glaise

Il y eut la création d'Adam à partir de la glaise de la terre ; quand, à partir de ce "presque rien", Dieu créa le corps et lui insuffla une âme, il ne perdit rien en soufflant, il resta le même et il avait mis devant lui un homme vivant (NB 12,181).

 

102. Dieu crée l’âme

Dieu s'est réservé depuis toujours de créer l'âme de l'enfant engendré. Sans le péché, il y aurait toujours eu simultanéité entre la volonté d'engendrer des parents et la volonté de création de l'âme par Dieu. Les humains auraient su que Dieu crée en même temps. Dieu n'est certes pas touché par le péché, le péché ne porte pas atteinte à sa joie de Créateur, c'est-à-dire qu'il n'a pas besoin de créer dans l'incertitude. Mais Dieu crée l'âme et lui donne en même temps un corps qui provient d'un acte humain de procréation. La simultanéité est enrichie maintenant du fait que Dieu permet aux hommes d'engendrer un corps quand lui crée une âme. La relation dans l'engendrement est maintenant différente (NB 6,56-57).

 

103. La joie de Dieu quand il crée les âmes

Les âmes ne peuvent pas être semblables entre elles parce que Dieu le Père, le Fils et l'Esprit sont différents, bien que possédant la même nature. Dès le commencement, Dieu a trouvé sa joie dans la différence et, en créant les âmes spirituelles, il pouvait exprimer de nouveau cette joie (NB 6,58).

 

104. Dieu crée le monde, puis Adam

En créant le monde, Dieu a commencé à installer devant lui des êtres limités, achevés, comme le fait un artiste. Puis il créa Adam, et celui-ci se trouva dans un monde où il découvrit du plus grand et du plus petit que lui. Il pouvait prendre en main des fleurs et des pierres et, de ce fait, ressentir un sentiment de supériorité vis-à-vis d'un objet qui était à la portée de sa main. Il avait sans doute aussi un sentiment semblable vis-à-vis des petits animaux. Il voyait aussi des chemins, le chemin d'un petit animal, il pouvait le suivre. En comparant son pas à celui de ces animaux, par rapport à l'un, son pas était plus rapide, pour un autre il ne pouvait pas le suivre. Il y avait aussi les oiseaux ; quand il les avait en mains, c'était de petites bêtes ; quand il les libérait, ils étaient capables de faire soudain ce dont il était incapable. Il voyait couler le ruisseau et il pouvait courir à côté de lui ; tantôt le ruisseau coulait plus rapidement que lui et tantôt plus lentement. En saisissant partout des proportions différentes, Adam pouvait les référer à lui et, par comparaison, se faire la mesure des choses. Et comme le temps changeait selon un certain rythme, il pouvait aussi distinguer les jours et les nuits (NB 6,48-49).

 

105. Adam est créé à l’image de Dieu (NB 4,110).

 

106. Adam avant la venue d’Eve

Avant la création d’Ève, Adam aussi était d’une certaine manière aussi bien l’un que l’autre. Physiquement certes c’était un homme, mais spirituellement il était en quelque sorte les deux. La conscience de sa masculinité ne s’éveille que lorsque la femme est mise en face de lui, quand il prend conscience - sans aucune convoitise encore - de ce que produit cette confrontation. Auparavant Adam était simplement un être humain (NB 9, n. 1969).

 

107. Innocence d’Adam

Adam qui vient de sortir des mains de Dieu, est dans un état d'appartenance à Dieu et d'innocence, il n'a pas d'idées préconçues, et cet état lui permet de voir Dieu dans le paradis ; sa connaissance est sans idées préconçues : elle est celle qu'il a présentement ; les questions qui en résultent ne proviennent pas de réflexions et de cogitations humaines, mais du fait qu'il appartient à Dieu, qu'il est docile vis-à-vis de Dieu. Sans doute est-il mis dans le monde, mais il se trouve là où il doit être et il apprend de Dieu ce qu'il doit apprendre. Il n'y a pas de réelle confrontation. Adam se trouve dans le prolongement du bras de Dieu, il ne fait qu'un avec lui, ce qui ne permet pas le jeu des questions et des réponses ; la réponse est là avant que la question soit posée, et Adam a le temps, il a même le loisir de la recevoir en lui, non pour l'étudier peut-être, mais pour examiner, en y acquiesçant, ce qu'elle implique depuis toujours, ce qui la complète. Pour lui, les mots ne sont pas destinés à séparer comme le font les pécheurs. Ils n'ont pas de limites ; l'un après l'autre, ils vont d'intelligence en intelligence, dans l'obéissance, dans la simplicité, dans une unité indéfectible. Pour Adam, il n'y avait pas de distance entre lui et Dieu, il n’y avait pas le mystère d'une sphère réservée. Ce que Dieu apprenait à Adam était toujours adéquat, il n'y avait pour lui ni recherche, ni efforts (NB 5,31).

 

108. L'homme, sommet de la création (NB 3,62).

 

109. Adam devant le Père pour la première fois

Il y eut l'instant où Dieu le Père vit l'homme devant lui pour la première fois : Adam qu'il avait créé, sous la forme humaine qu'il voulait lui donner et qui correspondait à sa pensée. Parce que Adam était sorti entièrement de la volonté créatrice de Dieu, la relation était claire d'emblée. Dieu le portait dans son dessein avant qu'il sortît, et maintenant qu'il était devenu pour Dieu un toi véritable, il est tel que Dieu l'avait imaginé (NB 6,194).

 

110. Dieu se tenait devant Adam adulte ; celui-ci était conscient, il pouvait se souvenir et il n’oubliait à aucun moment ce que Dieu lui avait dit, ni non plus quand il enfreignit son commandement (NB 9, n. 1588).

 

111. Adam pouvait voir Dieu quand Dieu se montrait

Le Fils peut voir Dieu toutes les fois qu'il lève les yeux vers lui. Le saint voit Dieu quand Dieu se montre à lui et quand il lève les yeux vers Dieu. Ce qui est premier pour lui est que Dieu veuille se montrer à lui, c'est la possibilité primitive, celle d'Adam. La seconde vient si on suit le Fils, c'est la possibilité du Fils ; elle demeure seconde bien qu'elle soit première en dignité. Par le Fils, le saint apprendra à se laisser reconduire à la possibilité d'Adam, mais en même temps il verra dans le Fils la discrétion de la juste distance (NB 6,200).

 

112. Dieu crée Adam et lui donne de son Esprit

Dieu le Père crée Adam directement et lui donne de son Esprit par la même occasion. En Adam, l’Esprit assumait l'échange entre la créature fragile et la divinité. Adam fut fait image du Père créateur (NB 6,438).

 

113. Adam pouvait percevoir la voix de Dieu

Quand le Fils, en tant que second Adam, apporte définitivement l'Esprit, sa venue était déjà quand même esquissée et commencée dans le premier Adam. Celui-ci avait tant d'Esprit qu'il pouvait reconnaître Dieu comme Esprit ou, ce qui revient au même, percevoir la voix de Dieu (NB 4,182).

 

114. Adam avec Dieu avant le péché

Pour Adam avant le péché, la relation à Dieu le Père était quelque chose de tout à fait évident, même si ce n'était pas formulé. Bien qu'il y eût dans cette relation beaucoup de surnaturel, Adam, qui avait encore le don de discernement, devait néanmoins la considérer comme quelque chose de "naturel", de donné, comme faisant partie de son existence telle que Dieu la voulait. Que Dieu se promène dans le paradis quand et comme il lui plaît ne faisait aucun problème pour Adam qui était tout à la fois rempli d'attente et sans attente. Rempli d'attente, parce que l'homme sans péché était toujours heureux de rencontrer Dieu à nouveau, et cependant il ne prétendait pas avoir droit à une nouvelle rencontre du fait d'une rencontre précédente. Sans attente, parce que tout ce qui était, tel que c'était, était bon et que l'homme ne portait pas de jugement sur la proximité ou l'éloignement de Dieu. Entre temps Adam s'occupait de choses qui faisaient partie de la bonne création de Dieu, avec des pensées qui ne l'éloignaient pas de Dieu. Si bien que les allées et venues de Dieu prenaient dans la vie d'Adam une place "naturelle". Avec le péché d'Adam, ce naturel prit fin (NB 6,186-187).

 

115. Adam devant Dieu -

Quand Adam est créé, il reçoit de Dieu son corps et, dans ce corps, il n'y a rien qui l'empêche d'aller vers Dieu. Sa chair n'est pas opaque à Dieu, il n'y a pas non plus en elle de mise en garde. Adam ne se sentira pas à l'étroit du fait de son humanité. Il est doté de tout ce que Dieu lui fait connaître, de la manière dont Dieu veut être connu par l'homme. Un corps qui n'est pas un empêchement n'est pas non plus un problème, il est ce qui est totalement simple en tant qu'il est tout entier le don du Père créateur. En regardant en arrière, Adam se voit toujours tenu par Dieu et, quand son esprit se tourne vers l'avant, il cherche aussi Dieu du regard en comprenant Dieu comme celui-ci se révèle à lui. Avec son corps, il se trouve sur une ligne qui va de Dieu à Dieu. Avoir un corps et percevoir Dieu sont en harmonie (NB 12,169).

 

116. Quand Adam rencontre Dieu : le fini et l’infini

Quand, au paradis, Adam rencontrait Dieu et parlait avec lui, il savait qu'il se trouvait en présence de l'infini, de la démesure, comme un être créé devant son Créateur. Mais la différence infinie entre le monde de Dieu et le monde créé n'était pas pour lui une question inquiétante, il ne ressentait pas du tout la distance comme un abîme infranchissable. Mesurer et juger les distances et les changements et le cours du temps de ce monde étaient alors faciles pour lui. Partout dans les choses créées et dans leurs mesures, il y avait des points de départ, des passages, des choses comparables entre le créé et le non-créé, le fini et l'infini. Il y avait là, chaque jour, une pierre, immuable, elle ne se couvrait pas de mousse, elle n'était pas usée par l'eau, on ne pouvait voir en elle aucune trace du temps : qu'elle soit aussi inaltérable et aussi inattaquable pouvait lui donner une idée de la vie éternelle que rien d'éphémère n'altère. Adam cependant ne pouvait pas savoir ce qu'il adviendrait de cette pierre au cours des années par l'effet des conditions atmosphériques ou d'autres hasards ; peut-être que la petite mesure de temps qu'il s'appliquait à lui-même n'était pas du tout justifiée pour la durée et en quelque sorte pour la "vie" d'une pierre, si bien qu'il devait se poser la question de savoir si son critère pour connaître les choses était finalement adéquat (NB 6,49).

 

117. Lors de la création Dieu ne désire qu’une chose : que l’être humain soit en lui pour qu’il trouve la réponse à toutes choses

Au début de sa création, Dieu ne désire qu'une chose, c'est qu'on soit de la manière dont il le veut ; toute réflexion, toute question, toute certitude doivent simplement être mises de côté en lui et il suffit d'être en lui pour trouver la réponse. Si nous avions répondu à ce désir de Dieu, nous aurions pu poser beaucoup de questions, et les questions auraient toujours été justes ; nous ne serions jamais sortis de nos problèmes avec de fausses hypothèses parce que Dieu lui-même aurait été le point de départ et, avec nos questions, nous aurions eu aussi la paix et la certitude que Dieu lui-même nous aurait données. Si nous supposons que Dieu fait toujours ce qui est juste, nous pouvons trouver beaucoup plus facilement les réponses à nos questions. Mais comme maintenant nous sommes pécheurs, nous posons des questions avec beaucoup d'incertitude parce que nous ne savons plus si le lieu d'où nous posons la question est le juste lieu. Avant la chute, la "philosophie" et la "théologie" aurait été élaborées d'une tout autre manière, car elles seraient parties de la juste manière de poser les questions (NB 6,35-36).

 

118. Dieu a créé toutes choses, y compris l’homme, en vue du Fils

Selon le récit de l’Écriture, Dieu le Père a créé le monde en sept jours : le récit montre son activité créatrice et comment, jour après jour, le monde se développe par son action et lui doit sa réalisation ; en dernier lieu, il place l'homme au-dessus de tout le créé comme souverain, mais de telle sorte qu'il demeure subordonné à Dieu dans l'obéissance. D'autre part nous apprenons que Dieu a créé toutes choses, y compris l'homme, en vue du Fils ; les deux dispositions ne se gênent pas mutuellement, elles s'adaptent l'une à l'autre. En devenant homme, le Fils réalise cette unité de manière nouvelle parce que l'homme est devenu désobéissant et qu'il a détruit l'unité première. Le Fils crée l'unité en lui-même ; en son corps, en sa mort et en sa résurrection, il va rechercher fondamentalement le monde pour le ramener à Dieu. Et pour expliquer aux hommes l'unité créée, il crée l’Église avec son organisation terrestre visible mais aussi avec son unité tournée vers le Fils : elle est l'épouse, elle vit du contact vivant permanent avec lui, dans le fait que sans cesse le Seigneur et son épouse se trouvent mutuellement. Il est ainsi impossible d'établir une exacte distinction entre l'amour divin et ecclésial qui les unit. Tout ce qui, dans l’Église, est unité visible a pour but cette unité. Mais l’Église elle-même, comme il a été dit, est l'expression de l'unité globale du monde avec Dieu retrouvée par le Fils. Non plus dans la phase de la création, mais dans la phase de la rédemption (NB 10, n. 2292).

 

119. Dieu a créé la nature de l’homme comme un témoin de sa surnature

Très souvent on a le sentiment que le corps est là pour donner une forme durable aux bouleversements de l'âme. L'impulsion que reçoit l'âme se grave en elle par les souffrances du corps. Et ce qui vaut pour le corps vaut équivalemment pour le domaine naturel tout entier : c'est comme si Dieu avait créé la nature de l'homme pour avoir un témoin naturel de sa surnature, un destinataire des coups de sa grâce (NB 6,35).

 

120. Dieu a inséré en l’homme quelque chose d’infini

Dieu a créé l'homme beau dans les limites de sa forme, mais en elle est inséré quelque chose de la vie infinie : la fécondité humaine. La forme limitée porte en elle une puissance virile infinie de même que ce n'est aussi qu'à partir de l'infini des spermatozoïdes qu'elle parvient peu à peu à sa forme finie (NB 12,147).

 

121. Adam est mis sur le chemin de l’infini

Les êtres de la nature qui sont limités, finis, complets, ont été créés pour l'homme afin que, dans sa finitude, il connaisse et ait à sa disposition d'autres êtres limités. Mais par le rapport des choses à lui-même et par son propre rapport aux choses et à leurs mesures, qui sont autres et autonomes, Adam est mis, au-delà de lui-même, sur le chemin de l'infini. Pour lui, la pierre est au moins une image de ce qui est en repos, l'occasion de se faire, au sujet des choses, des pensées et des idées qui dépassent son monde humain et son imagination. Et ainsi, dans sa conversation avec Dieu, Adam peut dire des choses qui dépassent sa pensée mais, tout en étant dépassé par Dieu, il peut malgré tout garder avec lui une certaine intimité, et une partie de la foi y trouve son fondement. Adam croit comme quelqu'un qui est dépassé par la nature et la surnature. Les limites assignées à sa pensée ne sont pas du tout pour lui occasion d'angoisse et de doute parce que ce qui le dépasse absolument, c'est Dieu, qui le rencontre vraiment, qui lui fait bon accueil, qui le garde et se soucie de lui. Ce qu'il ne peut pas faire lui-même, Dieu le peut. Et ainsi en pensant à ce qui est fini et changeant comme en pensant à ce qui demeure et est immuable, la foi en Dieu devient pour lui ce qui sert de norme. Et dans la suite des jours il apprend à connaître l'éternité de Dieu qui accompagne et réalise tout changement. Du fait que Dieu lui fasse bon accueil, les deux choses - ce qui est changeant et ce qui est immuable - reçoivent leur sens. L'homme limité, qui vit dans ce qui est limité, est cependant créé par Dieu, devant Dieu, pour Dieu, et tout le fini est pour lui occasion et préparation de relations avec Dieu. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné, il est placé par Dieu dans un monde qu'il a créé (NB 6,49-50).

 

122. L’être humain participe à la démesure de Dieu

L'être humain ne peut pas se dilater aux dimensions de Dieu, mais pourtant, dans sa condition de créature, il participe très réellement (dans sa fonction de procréation) à la démesure de Dieu (NB 12,174).

 

2. Ève

 

123. Adam solitaire pour Dieu avant la venue d’Ève

Ève est créée après Adam ; d’où l’on voit qu’il y aussi une mission qui est solitaire pour Dieu, de même qu’Adam au début était solitaire pour Dieu. Certes Adam était dans la plénitude du paradis et il ne savait pas qu’il était encore inachevé. Il ne savait pas ce qui l’attendait ; Ève était encore trop dans l’ombre. Ainsi Dieu peut placer quelqu’un en un endroit solitaire et il serait tout à fait faux que celui qui se trouve dans cette situation et qui se sent envoyé, se mette à parcourir le monde pour chercher son complément. Chacun a à recevoir de Dieu ce que Dieu lui donne (NB 9, n. 1993).

 

124. Ève a servi de médiatrice au fond à Adam pour le genre humain ; sans elle, il serait resté seul (NB 9, n. 1714).

 

125. Homme et femme

Au paradis, le premier fruit de l'homme, ce fut la femme. C'est la première phase qui suffit aussi longtemps que le péché n'est pas commis, aussi longtemps qu'aucun égoïsme ne se fait jour (NB 12,149).

 

126. Adam a Ève en lui

En Adam qui a Ève en lui, Dieu a devant lui une créature qui laisse sa volonté se reposer en lui. En scindant en deux le premier homme, Dieu a devant lui des créatures qui reçoivent en eux sa volonté et la traduisent humainement, la façonnent en quelque sorte. Dans le premier cas, il y a là une pièce d'étoffe, dans le deuxième cas l'étoffe est transformée en vêtement. Cela vaut du caractère des sexes en général non des différents états du sexuel : l'acte sexuel, la grossesse, etc. Il n'est pas dit non plus qu'Ève a été créée pour devenir enceinte (NB 10, n. 2255).

 

127. Adam avait Eve en lui avant que le Père la crée

Le Fils est qualifié de second Adam, Marie de seconde Ève. Mais il y a un point où le second Adam a en lui la seconde Ève, où même il est davantage la seconde Ève que Marie elle-même. Par la suite il laisse à sa mère le rôle de seconde Ève. On pense trop peu au fait que le premier Adam a d'abord eu Ève en lui avant que Dieu le Père la créa de sa côte. Que vis-à-vis de Dieu il était donc en quelque sorte asexué : un homme avec la femme en lui. Et quand le Créateur établit la différence, ce fut plus dans le dessein de la voir réalisée pour lui, Dieu, que pour les deux dans leurs relations l'un avec l'autre (NB 10, n. 2255).

 

128. Eve formée de la côte d’Adam -

Ève fut formée de la côte d’Adam. La fécondité humaine a commencé là. Dieu a créé la femme de la côte d’Adam. Dieu aurait pu aussi créer la femme de multiples façons pour en tirer des fruits. C’est pendant le sommeil d’Adam qu’Ève fut formée à partir de sa côte (NB 9, n. 1680).

 

129. Dieu crée Adam puis Eve

Il y a des choses dont le commencement a lieu à un moment tout à fait précis en Dieu et qu'il ne cesse pas de faire. Il a créé le monde à un moment de ce genre et l'âme pareillement. Il crée à un rythme qui lui est propre. Il en fut ainsi dès le commencement : il créa le corps d'Adam et, au même instant, son âme bien qu'il l'ait créé adulte. Ève également , il l'a créée adulte, mais à partir d'Adam et, à partir des deux, les autres hommes : il voulait partager avec eux sa joie de Créateur. Déjà avec Adam seul, puis avec le premier couple (NB 6,56).

 

130. Dieu crée Adam, puis Eve

Dieu a d'abord créé Adam, puis Ève à partir de la côte d'Adam : la formation de la femme a donc dépendu de l'existence de l'homme, d'emblée elle a eu part à sa nature (NB 12,78).

 

131. Le Père crée le monde, puis Adam, puis Ève

Le Père a créé le monde et il a placé Adam dans le paradis. Il ne l'a pas abandonné, mais il l'a gardé dans une relation sans problèmes entre Créateur et créature. Le Créateur était là dans son existence, mais l'existence d'Adam aussi était réelle. Puis Dieu créa Ève à partir d'Adam et il la dota d'emblée d'une orientation. Cette orientation était double : spirituelle vers l'homme, car Dieu lui a donné Ève comme compagne, mais en même temps une orientation concrète, physique, qui l'éloigne de l'homme, car Ève est créé de lui (NB 4,351).

 

132. Homme ou femme : le choix de Dieu

A l'intérieur du choix de Dieu pour nous se trouvent les sexes : lui-même a choisi irrévocablement pour l'être humain qu'il soit homme ou femme. Naturellement il a choisi pour Adam le non-péché et ce n'est qu'Adam qui a ajouté l'alternative péché – non-péché : un choix dans un sens impropre seulement (NB 3,190).

 

133. Pour la créature, être homme ou femme, est un choix qui est fait par Dieu seul (NB 3,192).

 

134. L'être humain est créé homme et femme (NB 5,20).

 

135. Le Créateur a destiné l'être humain à être homme ou femme et, quand un être humain surgit, la décision pour lui est prise (NB 2,186).

 

136. Adam et Ève

Dieu a confié la terre à Adam pour qu'il la cultive, et tous les animaux pour qu'il règne sur eux. La femme, Ève, est comme une incarnation du monde qui lui a été remis. Naturellement elle lui est égale en tant qu'elle est une personne qui appartient directement à Dieu. Cependant, en tant que femme, elle est aussi le champ de l'homme, qu'il doit façonner et cultiver et féconder. Ce travail du sol doit conduire l'homme à Dieu, et il doit se reconnaître dans ce sol (dont il a été pris) comme dans son image (NB 12,147).

 

137. Adam reçoit Eve pour comprendre l’amour

Quand Adam se trouvait seul face à Dieu, il ne pouvait pas comprendre ce qu'était l'amour. Ainsi Ève lui fut-elle donnée à son côté, l'amour mutuel prend alors naissance et par là devint vivant en l'homme cet Esprit qui procède du Père et du Fils (NB 4,183).

 

138. Quelle que soit la manière dont l'acte sexuel était prévu au paradis, Adam avait besoin d'Ève pour se révéler lui-même en tant qu'homme (NB 12,33).

 

139. Adam et Eve : l’amour est créé par Dieu

L'amour n'est en rien étranger à Dieu mais, en tant qu'image de la vie divine, il est quelque chose qui est créé par Dieu et même quelque chose qui lui appartient (NB 12,36).

 

140. Dieu a fait à chacun le plus grand cadeau qui lui était destiné en le créant homme ou femme (NB 10, n. 2107).

 

141. Ève, la mère des vivants

Dans le plan de la création de Dieu, il était établi qu'Ève devait être la "mère des vivants". Cette décision était bien établie avant même la chute d'Ève. Elle ne fut pas non plus annulée du fait qu'Ève par elle-même ne fut plus capable que de donner une vie terrestre, non une vie céleste. Lors de la création, Dieu ne pouvait pas inclure dans ses plans une réassurance contre des fautes et des dommages éventuels causés par le péché d'Ève ; ce qu'il pouvait lui donner de mieux en fait de grâce était ces relations avec son mari et avec Dieu et cette faculté de transmettre la vie (NB 1/2, 160).

 

142. La place d’Ève dans le plan de Dieu

Ève aurait eu la mission de transmettre à Adam quelque chose de la vie trinitaire de Dieu. Dieu est toujours communion d'amour et de vie. Non seulement Dieu possède tout, il transmet aussi tout ce qu'il est et tout ce qu'il a : Dieu donne Dieu. Ève fut donc créée pour révéler à Adam quelque chose de l'amour et de la vie de Dieu. Elle devait servir à la réalisation de ses désirs, à satisfaire ses attentes, à donner tout son poids à son être d'homme, en étant avec lui une créature, issue de lui et le connaissant donc dès l'origine, dans une sorte de parallèle inversé à la manière dont Marie connaîtra son Fils qui est issu d'elle. Ce qu'Ève aurait eu à transmettre n'aurait pas été seulement ce qui lui appartenait, mais toujours ce qui vient de Dieu, car tout se serait passé dans la pureté de la foi et dans la pleine ouverture et dans l'échange avec Dieu (NB 1/2, 156).

 

143. Dieu crée le premier être humain, puis le deuxième

Dieu a créé un monde dans lequel il a séparé le ciel et la terre, le jour et la nuit, il a créé les animaux par paires, de lui il a créé le premier être humain et le deuxième, et il leur a donné la mission de se multiplier et de peupler la terre. Cette mission a fait passer du singulier au multiple, elle a fait sortir une multitude qui semblait aller vers l'infini. Mais l'être humain a besoin de s'y retrouver dans l'infini, de mettre des normes, des bornes, des mesures, qui permettent à nouveau de compter. Dans la vision apocalyptique, Dieu se sert de ce besoin de mesurer pour offrir des accès à ce qui est véritablement infini dans l’éternité (NB 2,202-203).

 

144. Adam et Eve se possédaient l’un l’autre

Adam et Ève étaient nus et ils se possédaient l'un l'autre dans la nudité. Ils se possédaient l'un l'autre comme, en Dieu, le Père et le Fils se possèdent. Dans la totale intimité qui ne supprime pas les personnes. Dans une unité qui inclut les aspects multiples de l'amour. Ils étaient créés pour se réjouir constamment l'un de l'autre. Leur corporéité était l'instrument parfait qui exprimait l'entente de leurs personnes. Mais l'homme fut là le premier, et la femme est ravie de cette préséance de l'homme de même que le Fils est ravi de la préséance du Père dans l'égalité substantielle de leur nature (NB 12,159).

 

145. Eve ne peut pas satisfaire pleinement Adam

Adam est le symbole du monde ; pour satisfaire le désir d'Adam, Dieu lui donne la femme. Dès avant le péché, Adam a donc un souhait, il a en lui quelque chose de bon qui demande à être exaucé. C'est en quelque sorte un signe : Dieu qui rencontre Adam au paradis lui a montré sa relation à l'Esprit qui planait au-dessus des eaux, il ne lui a pas montré sa relation au Fils. A la place de celle-ci, il lui montre Ève, mais Ève ne peut pas le satisfaire pleinement ; elle montre que l'amour à deux seulement est impossible et n'a pas d'avenir. En étant seul avec Dieu, Adam garde en lui un désir inassouvi, il devait pouvoir connaître aussi l'amour entre humains. Adam n'avait pas le droit de voir accompli en lui seul le sens de la création. Entre humains non plus l'amour ne satisfait pas totalement (NB 6,90-91).

 

146. Dieu crée le monde, puis Adam et la femme et l’enfant

Le monde est créé, la lumière est séparée des ténèbres, les plantes et les animaux surgissent. Tous les préparatifs sont faits pour qu'Adam puisse paraître. Adam n'est pas encore là, mais le monde est créé pour qu'il vienne. L'existence d'Adam est en quelque sorte préfigurée dans la création. Dieu le Père est d'humeur créatrice, il crée le monde et, dans sa joie de père, il sait qu'il va bientôt créer l'homme, que dans un instant il va se trouver devant son premier homme, qu'il crée à son image. Et avec le Père, il y a le Fils et l'Esprit. Le Père attend, le Fils attend, l'Esprit attend la création de l'homme afin que le Père se réjouisse de son image et que, dans la triade de l'homme, de la femme et de l'enfant, se reflète la Trinité de Dieu. Dieu crée dans la plénitude de son être divin et de la joie divine afin que surgissent un être terrestre et une plénitude terrestre. Adam n'est pas encore là. C'est la joie anticipée de Dieu (NB 4,355).

 

147. Dieu a créé l'être humain homme et femme : ce et a une grande importance (NB 12,58-59).

 

148. Dieu a créé Adam et Eve dans l’amour

En créant Adam et Eve l'un pour l'autre, Dieu les créa dans l'amour et par amour, il leur donna l'unité. Leur nudité et leur amour ne faisaient qu'un, ils se tenaient devant Dieu dans leur nudité comme la créature doit toujours l'être devant Dieu (NB 12,151).

 

149. Création de l’homme et de la femme : c’est bon pour ce monde

"Dieu vit que cela était bon": la création de l'homme et de la femme. Bon pour ce monde. Mais pour le ciel, ce qui est bon est différent, car là on ne cherche pas à se marier et on n'est pas pris en mariage. Là on est frère et sœur, d'autant plus naturellement que pour tel ou tel il en était déjà ainsi en ce monde (NB 10, n. 2125).

 

3. Les sexes

 

150. Il était sérieux pour Dieu de créer les sexes

Toute la relation des sexes dans le temps qui s'étend entre le paradis et la rédemption est en relation avec cette rédemption. Les hommes rendent les femmes fécondes pour que finalement la Parole devienne chair et que l’Église naisse de la Parole devenue chair. C'est ainsi que, du Christ en tant que but, il retombe une lumière non seulement sur l'ancienne Alliance qui, avec chaque prophétie, projetait une lumière à l'avance, mais aussi sur la création : il apparaît combien il était sérieux pour Dieu de créer les sexes. L'état des sexes au paradis et après le paradis reçoit son sens plénier par l'arrivée du Christ (NB 12,155).

 

151. Dieu a créé les sexes et le corps tout entier

Dieu a créé les sexes. Le corps tout entier est créé par Dieu, y compris dans ce qu'il a de plus intime, y compris dans ce qui en lui est humiliant (NB 12,11).

 

152. Force du Créateur et puissance sexuelle de l’homme

Quand l’homme manifeste sa puissance sexuelle, il ne montre pas sa force à lui, mais celle de Dieu, le Créateur qui l'a créé si vigoureux (NB 12,31).

 

4. Parents et enfants

 

153. Dans le mariage, l’être humain est associé intimement à l’acte créateur de Dieu

En s'unissant sexuellement à son mari, la femme ne s'est pas seulement approchée de lui physiquement, elle s'en est approchée aussi spirituellement ; si le mariage est vécu dans la foi comme il se doit, elle le connaît aussi dans l'intimité de son âme, et cette connaissance est réciproque. Par là elle comprend aussi la mission sainte que l'homme a accomplie en lui donnant un enfant : celui qui donne vraiment, c'est Dieu ; il donne l'âme immortelle, mais l'homme est intimement associé à cet acte créateur de Dieu (NB 12,199).

 

154. Dieu crée le premier couple. Force créatrice de l’éros : l’homme participe à la fonction créatrice du Père (NB 9, n. 1733).

 

155. En tant que géniteur, le père (humain) sert Dieu créateur (NB 12,209).

 

156. Dieu crée l’enfant

Seul Dieu peut faire naître un enfant. C'est Dieu qui se charge des deux éléments - l'ovule et la semence -, et qui, à partir de ce "peu de limon" provenant de l'homme et de la femme, crée l'enfant. La collaboration des parents à la création se limite à se donner (à donner ce qui est leur) pour être dans la main de Dieu limon et poussière. D'où, pour les deux, l'attitude de don de soi dans l'acte sexuel. Les deux seraient ridicules de faire comme si la loi de la procréation avait été inventée par eux, comme si elle était leur propre secret, comme s'ils obéissaient à leur propre loi (NB 12,138).

 

157. Le créateur de l'enfant, c'est Dieu, les époux n'ont que le droit d'être là à sa création. Dieu descend de manière créatrice dans notre enfant (NB 12,196).

 

5. Les maîtres de la création

 

158. Dieu a fait les hommes maîtres de la création

Au commencement, Dieu a fait des hommes les maîtres de la création et il attend d'eux qu'ils mettent toutes leurs facultés au service de cette maîtrise. Ils ne doivent pas seulement recevoir le cadeau que Dieu leur fait avec le monde et la gestion de ses différents domaines, ils doivent comprendre que cette prise en charge est un service qu'ils sont capables de rendre. Ils ont, dans leur intelligence spirituelle, tout ce qu'il faut pour répondre aux questions qui se posent. Ils doivent exercer leur maîtrise sur ce qui leur a été confié par Dieu, en une solidarité toute reconnaissante avec lui (NB 5,116).

 

159. Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde

Le Christ conduit la création de son existence mortelle à la résurrection et à la vie éternelle. Au commencement, Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde pour qu'ils le gèrent, et cela en toute liberté. L'homme doit organiser librement le domaine que Dieu lui a confié. Quand le Fils arrive comme Sauveur, il ne rétablit pas seulement la liberté de l'homme déchu, mais il l'élargit à la perspective de la vie éternelle (NB 6,539-540).

 

160. Quand les hommes perçoivent l'exigence du Père qu'ils ont été créés pour dominer le monde, ils l'entendent alors à travers l'exigence du Fils : ils ont été créés pour obéir (NB 5,117).

 

161. Dieu a créé la mer pour nous et il nous a créés pour le Fils

Quand nous regardons une vague de la mer, comment elle se meut, se retourne et passe en d'autres vagues, quand de plus nous entendons constamment le ressac sur le rivage, cette vague unique est pour nous une parabole de la toute-puissance mystérieuse de l'océan ; devant cette plénitude, tous nos sens, tout notre être sont impuissants. Notre raison non plus n'en vient pas à bout bien que Dieu ait créé cette mer pour nous. Mais nous-mêmes, il nous a créés pour le Fils avec la mer et, avec le tout, nous sommes entraînés dans cette nouvelle croissance qui nous dépasse absolument. Nous pouvons aligner des parties de sens sans pénétrer jamais jusqu'au cœur de la vérité ni en avoir une vue d'ensemble, et l'instabilité infinie des choses - d'abord en elles-mêmes, puis dans leur relation au Christ - nous renvoie au toujours-plus qui se trouve dans la Parole de Dieu, en Dieu lui-même (NB 6,39).

 

6. Les relations d’Adam et Eve avec Dieu

 

162. Quand Dieu créa les hommes

Quand Dieu créa le monde, il planta les hommes sur la sphère du monde. D'une certaine manière les hommes ne remarquèrent rien de la sphère que Dieu leur avait donnée (NB 4,405).

 

163. La créature est image

Dante : il aime Dieu dans le prochain et il aime en tous quelque chose qui tient au fait que la créature est image (NB 1/1, 291).

 

164. Tant que l'homme créé se comprend comme image de Dieu, il peut lever les yeux vers Dieu pour maintenir la relation entre lui et Dieu. Mais si la relation disparaît, toute la relation entre le temps et l'éternité est supprimée (NB 3,285).

 

165. Nous ne pouvons pas nous représenter Adam et Eve avant la chute

Nous savons seulement que nous avons été créés à l’image de Dieu. Pas plus qu'on ne peut se représenter Dieu, nous ne pouvons nous représenter comment il nous a imaginés. D'Adam et Ève, nous ne connaissons que des bribes, des ponts, des reconstructions. Nous ne pouvons pas nous les représenter avant la chute. Pour nous les représenter, nous partons de nous-mêmes : comment nous aurions été si nous n'avions fait aucun péché et si nous n'avions pas eu de parents. Mais justement alors nous n'aurions pas été nous-mêmes, nous aurions été tout différents. Nous ne savons donc pas comment au fond nous avons été pensés ; nous savons seulement avec certitude que l'image que Dieu avait de nous était autre que le chemin que nous suivons maintenant (NB 4,24).

 

166. L’hypothèse que l’homme ne renie pas Dieu

Le Père met ses créatures à la disposition du Fils afin que, par eux et en eux, il glorifie le Père ; cela aussi fait partie de la glorification du Fils. Dans la création il y a pour ainsi dire une hypothèse : l'hypothèse que si l'homme ne renie pas Dieu, il est capable de glorifier Dieu ; le Père présuppose que cette glorification pourra avoir lieu ; il voit pour ainsi dire au-delà de la chute, il offre les hommes au Fils afin qu'avec lui, comme fondus en lui, malgré tout et au-delà de tout, ils glorifient le Père (NB 11,19).

 

167. Les hommes sont créés pour que Fils ne soit pas seul à glorifier Père

Au fond, le Père a peut-être créé les hommes pour que le Fils ne soit pas seul à glorifier le Père, mais qu'il ait la joie de le louer, avec la totalité de la création, comme Celui qui est toujours plus grand (NB 11,19).

 

168. Dieu le Père se crée un vis-à-vis en créant l'homme. Et d’abord l'homme seul, Adam, comme unique partenaire de Dieu. C'est une nouvelle possibilité qui est créée dans l'être de Dieu : être avec un partenaire. Comme Dieu le Père est un seul Dieu avec le Fils et l'Esprit (NB 1/2, 266).

 

169. La joie de l’union de la créature avec Dieu : l’homme et la femme

Dieu a donné à l’homme et à la femme un corps différent, accordé l’un à l’autre afin que, dans leur union et leur joie commune, ils reçoivent un pressentiment de ce que sera la joie de l’union de la créature avec Dieu. Le corps, qui était un pur cadeau, était un cadeau aussi dans ses attributs sexuels, parce qu’il devait être l’expression de l’amour et donner à l’homme la liberté de la fécondité (NB 4,128-129).

 

170. Les premiers humains et l’amour trinitaire

Dieu avait créé les premiers humains en un lieu de ce monde, mais en même temps il les avait fait participer à sa vie divine de l'amour trinitaire. Il se promenait dans le paradis, donc en un lieu du monde, et il donna aux hommes des sens pour le voir et comprendre sa présence et sa parole (NB 5,48).

 

171. La réciprocité Adam – Ève est déjà elle-même une image de l'amour trinitaire (NB 6,534).

 

172. Le désir réciproque d’Adam et Eve n’était pas à séparer du désir de Dieu

A l'origine, l'homme aspirait à Dieu avec un désir totalement positif. C'était en quelque sorte un mouvement vers Dieu qui ne cessait de recommencer sans qu'entre deux se produise un éloignement de Dieu. Ainsi également, dans la relation d'Adam et Ève, le désir réciproque n'était pas à séparer du désir de Dieu, il était l'essence de leur gratitude vis-à-vis de Dieu. Par le péché, le désir de Dieu fut suspendu. Le désir physique devint le trait caractéristique, mais il reste, caché en lui, un facteur qui appartient au désir spirituel (NB 4,353).

 

173. Au paradis, Adam et Ève, tant qu'ils n'avaient pas péché, étaient l'un pour l'autre des médiateurs de la grâce (NB 1/2, 157).

 

174. Une croissance possible dans la grâce

Si les premiers hommes étaient restés sans péché, ils auraient été bons et, de ce fait, dans un état de devenir, ils n'auraient cessé de croître dans le bien. Ils n'auraient pas accru le bien en eux, mais Dieu aurait prolongé leur état dans le bien dans un cours temporel qui se serait fait dans la joie et le consentement. Il y aurait eu une croissance dans la grâce de Dieu et dans son amour, comparable à la croissance d'une plante (NB 3,273).

 

175. Les relations d’Adam et Ève avec le Créateur

Lors de la création, Dieu a d'abord créé Adam, puis il a façonné Ève à partir de sa côte. Ève pouvait avoir des relations directement avec Dieu, elle pouvait avoir des relations avec Adam, elle pouvait aussi avoir des relations avec Dieu au sujet d'Adam. Elle pouvait pour ainsi dire appeler Dieu à l'insu d'Adam. Mais elle pouvait aussi agir sur Adam pour qu'il puisse avoir des relations avec Dieu par elle, peut-être à l'occasion plus intensément que sans elle. De même qu'à certaines conditions l'Esprit peut rendre plus intenses les relations entre le Père et le Fils. Le rôle d'Ève ressemble donc ici au rôle de l'Esprit ; Ève provient de Dieu et d'Adam, il n'y a certes pas de comparaison absolue entre elle et l'Esprit, mais la comparaison est quand même possible (NB 1/2, 159).

 

176. Ce que le Créateur attend de la créature : qu’elle cherche Dieu

Les premiers hommes sont créés, et l'acte de création a une autre forme que l'acte d'engendrement éternel du Fils. Alors que le fait d'être engendré en tant que tel est éternel et ne finira jamais, l'acte de création a une certaine limite dans le fait que la création a été créée (ce qui ne veut pas dire que Dieu ne doive pas soutenir continuellement ce qui a été ainsi créé). Là où se trouve cette limite, c'est là que le Créateur attend de la créature qu'elle commence à chercher Dieu, à se tenir devant Dieu, à revenir à Dieu dans l'Esprit, dans une nouvelle connaissance, et ceci en utilisant les forces données à l'homme et dans le prolongement de sa nature. C'est ici que se trouve une première distance voulue par Dieu et, dans cette distance, il y a place pour la première mission. Une mission qui n'est pas encore du tout différenciée, une tâche générale, qui se trouve dans la nature de la créature et de ce qui est créé. Et voilà qu'Ève n'accepte pas cette mission. Elle ne commence pas là où elle devrait répondre à l'appel créateur de Dieu. Elle ne se lie pas à Dieu en retour. Au lieu de ramener à Dieu sa nature et sa pensée et toutes les grâces reçues de lui, elle fait tout aboutir à elle-même et elle n'oriente pas le nouveau commencement vers Dieu mais vers le péché. La fin, qui était naturelle en elle et qui ne devait être qu'un signe de sa finitude, est accentuée par elle comme une séparation. Ce qui aurait pu être une réponse à Dieu dans la liberté devient la tentative d'un nouveau commencement personnel qui s'éloigne de Dieu. Il devient ainsi rupture de la relation à Dieu (NB 1/2, 161-162).

 

177. Adam porte la lumière de l’Esprit

Dieu crée l'homme à son image, c'est-à-dire avec une multitude de possibilités fécondes. Adam peut nouer des relations avec le monde qui l'entoure, avec Ève, avec sa progéniture, avec Dieu lui-même. Il porte en lui la lumière de l'Esprit, qui lui permet de nouer toutes ces relations et de les organiser. Il reçoit deux ordres de Dieu : régner sur le monde, ne pas manger de l'arbre. Dans le cadre de ces ordres, il est libre d'organiser ses relations avec Dieu selon les possibilités que Dieu lui donne. Aux heures où Dieu se promène dans le paradis : vivre avec lui et apprendre toujours du nouveau de lui. Et cela sans distinguer ce qui est possible dans le bien : ce qui est bien n'est pas limité par ce qui est bien, il n'est pas question non plus de comparer, de préférer un bien à un autre, de les additionner ; tout reste dans le simple fait qu'il est juste que les choses soient ainsi et pas autrement. L'homme est en ordre et heureux, il n'a pas besoin d'aspirer au bonheur. Les limites dont il fait l'expérience lui ont été données par Dieu de telle sorte qu'il n'est pas conscient d'avoir des limites. Une limite ne se fait sentir que dans le commandement négatif de ne pas goûter du fruit. Tant que dure l'obéissance, cet aspect négatif reste quelque chose d'étranger, un "ne me touche pas", qui ne pose pas de problème. Et comme l'homme ne ressent pas de limite en tant que telle, il n'y a rien en lui qui pourrait se révolter ; il éprouve une reconnaissance joyeuse pour ce que Dieu lui accorde (NB 5,42).

 

178. Une relation aimante avec le Créateur

Dans l'état originel, les hommes avaient une volonté, mais elle n'était pas pour eux matière à réflexion. Elle leur était donnée pour nouer une relation vivante et aimante, avant tout avec le Créateur qu'ils ressentaient comme bienveillant (NB 6,359).

 

179. La voix du Père, Adam et Ève ne l'ont entendue que parce que Dieu leur avait donné la faculté, au-delà de leurs sens, de la percevoir (NB 4,159).

 

180. Les créatures sont aimées du Père

Il y a pour le Fils devenu homme l'étonnement fondamental qu'il partage avec toutes les créatures aimées du Père. Dans cet étonnement, il ne se raccroche pas à ses attributs exceptionnels qui pourraient lui prouver la "dignité" de son élection. Étant l'homme qu'il est - l'Homme Dieu -, il s'étonne au contraire de l'amour du Père qu'il est seul à connaître de cette manière (NB 6,181).

 

181. L’homme est créé pour glorifier Dieu

Saint Ignace ne supporte pas la pensée que l'homme et les fleurs soient créées dans le même sens pour glorifier Dieu. Dieu veut être glorifié par un témoignage de liberté. L'homme est une image de Dieu, la plante ne l'est pas. En un sens second, il peut être question aussi d'une glorification de Dieu par la nature, mais il est plus important que d'abord la hiérarchie soit claire (NB 11,344-345).

 

182. Les créatures sont toujours en devenir, vers Dieu

Pour nous, créatures, pour nous chrétiens également, l'être ne nous est donné que comme un devenir. Nous devons "devenir" ce que Dieu "est". Mais entre les deux, il y a le toujours plus de l'être divin qui les empêche de coïncider (NB 6,105).

 

183. La créature sent en elle-même la distance qui la sépare de Dieu (NB 1/1, 53).

 

184. La créature : pas à la hauteur vis-à-vis de Dieu ?

On pourrait en arriver à penser que tout a été créé pour montrer que la créature n'est pas à la hauteur vis-à-vis de Dieu et du Christ. L'exigence est divine et rien de ce qui est nôtre ne peut vraiment lui correspondre. On n'est qu'une feuille dans le vent, précisément quand on a cherché à faire tout son possible (NB 6,278).

 

185. L’humble créature devant son Créateur

Angelus Silesius (+ 1677). Son service est un service nettement joyeux, reconnaissant. Quand il essaie aussi d'établir la situation de l'homme en face de Dieu, cela ne signifie jamais qu'il mesure ses propres progrès et qu'il s'imagine parcourir un chemin. Il reste dans l'attitude de l'humble créature devant son Créateur et son infinité (NB 1/1, 181).

 

186. Au début : contact direct de l’homme avec Dieu

Au commencement, il y a le contact direct de l'homme avec Dieu. Nous avons toujours plus la tendance - peut-être aussi plus vieillit l’Église - à placer entre Dieu et nous des symboles, quelque chose de concret. L’objet "crucifix" ne nous pousserait-il pas davantage vers la piété que vers le Seigneur lui-même qui y est suspendu ? Nous concrétisons toujours plus le spirituel et nous perdons le contact direct avec lui (NB 1/2, 267).

 

187. L'homme est créé pour obéir à Dieu ; et le Fils, dans son incarnation, remplit ce vœu (NB 10, n. 2317).

 

188. Désir d’Adam de faire la volonté de Dieu

Si on peut parler d'un désir d'Adam, son désir était en premier lieu de faire la volonté de Dieu, même si Dieu avait exigé de lui (par Ève) la fécondité. L'objet principal de son désir n'aurait donc pas été la femme mais celui de satisfaire Dieu (NB 12,150).

 

189. L'être humain sans le péché originel vit dans la disponibilité totale de l'amour (NB 11,335).

 

190. Avant le péché, Adam et Eve vivaient comme des consacrés à Dieu

Dieu a créé Adam sans cérémonie. Adam avant le péché était dans "l'état religieux" le plus originel, et la relation Adam - Ève devait rester à ce niveau. Leur tâche était de vivre comme des consacrés à Dieu dans l'obéissance au commandement de Dieu : multipliez-vous, peuplez la terre (NB 4,353).

 

191. Le Père veut introduire sa création dans le mouvement trinitaire éternel

Le Père lui-même est dans le mouvement éternel d'engendrement et de procession ; jamais le Père ne se repose en lui-même ; en tant qu'amour, le Père se communique éternellement. Et du même mouvement du Père sort aussi sa création. De même que le Fils et l'Esprit sont dans un mouvement éternel qui sort du Père et retourne au Père, de même le Père veut introduire sa création dans ce mouvement trinitaire et, en envoyant son Fils et l'Esprit, il ouvre au monde ce mouvement éternel. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6,87).

 

192. Obéissance à l’Esprit

L'Esprit Saint aurait dû être en quelque sorte le troisième à côté de l'homme et de la femme. Tant que nous étions dans l'obéissance à l'Esprit, il pouvait répondre à notre volonté de connaissance. Il aurait de plus façonné notre intelligence et elle aurait été une forme d'habitation de Dieu en nous. Cette manière pour Dieu d'être chez nous aurait été la part de l'Esprit à la création. Cela aurait été naturellement une connaissance authentique à laquelle les forces de l'homme auraient eu leur part. Connaissance à la manière dont Adam "connut" Ève comme son aide. Cette connaissance n'aurait jamais été ennuyeuse pas plus que pour Dieu, qui sait déjà tout, le fait de connaître ne peut jamais être qualifié d'ennuyeux (NB 6,54).

 

193. Les hommes : des créatures de Dieu

Saint Patrick (+ 461). Tout dans sa vie, les exercices de pénitence de son corps comme les consolations de son esprit, est destiné aux autres. Il ne veut rien pour lui. Il aime les autres, car ils sont les créatures de son Dieu. Et quand ils ne croient pas, il les plaint terriblement, il a pour eux une compassion infinie (NB 1/1, 275).

 

194. Les créatures du Bon Dieu

Mozart (+ 1791). Il aime les hommes. Il en a peur et il les aime tout à la fois. Il les craint un peu comme les enfants craignent les autres enfants qui sont grossiers, qui pourraient casser le jouet ; mais Mozart redoute au fond qu'on puisse abîmer au Bon Dieu son jouet plus qu'il ne pense à lui-même. Il aime les hommes parce qu'ils sont les créatures du Bon Dieu et il est heureux d'avoir le droit de les divertir par sa musique. A sa manière propre, il voudrait leur poser la question de Dieu, même dans ses morceaux les plus joyeux. Il sait que Dieu s'occupe aussi des hommes tristes et sombres. Par sa musique, il doit rendre attentif à tout ce qui concerne Dieu et les hommes (NB 1/1, 311).

 

195. Il aime des créatures de Dieu

Newman (+ 1890). Il aime les hommes, mais d’une manière un peu curieuse. Il voit en eux des créatures de Dieu, mais un peu comme un entomologiste qui aime ses insectes. Il a souvent du mal dans le premier contact avec quelqu'un. Il ne le reçoit qu'en passant par Dieu (NB 1/1, 315).

 

7. Le prochain

 

196. Pour le chrétien, le prochain est l’œuvre du Créateur

Le chrétien voit dans son prochain le cadeau que Dieu lui fait. Il est l'œuvre du Créateur, le frère du Rédempteur et, comme tel, il est confié au chrétien pour être aimé. Et cela de telle manière que le prochain, en éprouvant l'amour, soit incité à l'amour qui, de son côté, possède la forme de la surabondance et de la prodigalité (NB 6,113).

 

197. Derrière le prochain se trouve le Père en tant que Créateur

Derrière le prochain se trouve le Père en tant que Créateur, le prochain que le Père nous envoie dans sa providence et qu'il nous permet de rencontrer. Les apôtres entendent l'appel du Seigneur parce que le Père les a placés sur son chemin et leur a ouvert les oreilles. Déjà en tant que Créateur, il a tout ordonné au Fils (NB 6,114-115).

 

198. L’autre : l’enfant de Dieu

Dieu n'a jamais besoin de limiter pour se connaître, l'homme sans péché n'en aurait pas eu besoin non plus ; dans l'autre, il aurait vu d'abord l'enfant de Dieu et chacune des choses de ce monde aurait reflété de maintes manières Dieu, sa puissance et son amour, elle n'aurait pas renvoyé à elle-même dans ce qu'elle a d'unique (NB 6,55).

 

4. Le paradis

 

199. Adam était lié à Dieu

Personne n'a mieux répondu à l’invitation de Dieu à peupler la terre que la Mère de Dieu quand elle a mis Dieu au monde. N'a-t-elle pas montré par là que la fécondité spirituelle inclut la fécondité corporelle ? Il est vrai qu'on ne peut rien dire sur le comment de la fécondité au paradis. Mais on peut dire qu'en Marie quelque chose en est montré, qu'elle n'est pas pour rien la seconde Ève, que chez elle le oui spirituel inclut la fécondité corporelle comme l'orientation spirituelle vers l'homme a dépassé "l'éloignement physique de l'homme" sous la forme de la fécondité. Adam était lié à Dieu. Si Ève avait été liée à Adam, la pensée du péché ne lui serait pas venue. Elle aurait alors connu le lien spirituel d'Adam à l'Esprit de Dieu (NB 4,352).

 

200. Au paradis, Dieu se tient à notre disposition (NB 6,55).

 

201. Quand le Père avait installé dans le paradis les premiers humains, il avait été plein d'espérance, et le péché que les hommes ont répandu ensuite sur la terre fut pour Dieu une déception (NB 6,228).cc

 

202. L’homme ne pouvait se cacher de Dieu

Au paradis, qui était le "lieu" de Dieu dans le monde, l'homme ne pouvait pas se cacher de Dieu. Dans le monde présent, l'homme croyant n'en est pas non plus capable parce qu'il sait par la foi qu'il vit en présence de Dieu, que Dieu le regarde. Il ne pourrait essayer de se cacher de Dieu qu'en reniant la foi ou en la perdant, en s'imaginant qu'il est pour Dieu un inconnu. C'est en sachant que Dieu le voit que le croyant va structurer sa vie de foi. Il lui est permis de se présenter devant Dieu, de l'adorer et de lui adresser ses demandes. Et Dieu se révèle à chaque croyant de la manière qui lui plaît (NB 5,48).

 

203. Adam connaît Dieu

Au paradis, Adam connaît Dieu, il connaît les dispositions de Dieu à son égard et les paroles que Dieu lui a dites. Il ne se pose pas la question de savoir si ces paroles sont les premières. Ou s'il y a déjà eu des paroles de Dieu avant la création, avant que Dieu ait vu le monde et qu'il ait dit que tout était bon. Dieu apparaît à Adam comme unique ; tout comme cela se passe pour l'enfant à qui on raconte des histoires de l'Enfant Jésus et qui apprend dans cet Enfant la merveille de Dieu (NB 2,214).

 

204. L’homme était familier de Dieu

Au commencement, le paradis avait la préséance sur le péché. Dieu parlait avec ses créatures et cette conversation était une initiation à l'obéissance. L'homme était familier de Dieu avant de rencontrer le serpent (NB 6,151).

 

205. Adam, confident de Dieu

Au paradis, Adam et Ève vivent dans un état où ils sont comblés. Et pourtant quand Ève fut créée, elle correspondait à un ardent désir d'Adam. Et cela parce qu'Adam, d'une certaine manière, était le confident de Dieu, non en raison de sa propre connaissance, mais parce qu'il était issu uniquement de la main de Dieu. Son désir ardent de la femme et son espérance étaient bons, et ils lui sont devenus pleinement conscients à l'instant où ils se sont réalisés. Il voit dans la femme le cadeau de Dieu qui correspond à ce qu'il a ardemment désiré, car il a avec Dieu une relation si naïve et si peu réflexive qu'il correspond au vouloir et aux desseins de Dieu avec une obéissance toute primaire ; c'est pourquoi quelque chose en lui, dont il n'a pas besoin d'être totalement conscient, approuve tout ce que Dieu fait. Il se réjouit si simplement de l’œuvre de Dieu qu'elle signifie pour lui une réalisation désintéressée. Comme une amoureuse reçoit tout cadeau de son bien-aimé comme ce qu'elle aime le mieux (NB 12,153).

 

206. Adam possédait le sens de la présence de Dieu

Au livre de la Genèse, quand Dieu se promène dans le paradis et s'entretient avec Adam, il est supposé que le premier homme possédait le sens de la présence de Dieu quand Dieu voulait se pencher spécialement vers l'homme. Le péché a supprimé cette assurance. Mais l'homme croyant sait que Dieu vit, qu'il est omniprésent, qu'il exauce sa prière, voit tout ce que fait l'homme. Cependant ce genre de savoir est en général une connaissance qui provient de la foi en la doctrine chrétienne (NB 2,156).

 

207. Au paradis, l’homme et la femme aiment beaucoup entendre la voix de Dieu quand il se promène dans le jardin. Qu'ils se cachent veut dire qu'ils fuient Dieu qui arrive, qu'ils ne veulent plus entendre la voix de Dieu (NB 12,169-170).

 

208. Quand Adam, au paradis, entend Dieu se promener et qu'il parle avec lui, il perçoit Dieu de la manière dont cela lui a été donné. Dieu l'a pourvu du sens de Dieu comme d'une faculté qui est à sa disposition (NB 10, n. 2155).

 

209. Amour et obéissance

Au paradis, l’amour aurait été si pur que l’obéissance n’aurait pas eu spécialement besoin d’apparaître, sauf sur un point: “Ne pas manger de cet arbre !” Si les premiers hommes étaient restés dans l’amour, ils n’auraient fait aucun problème avec l’arbre de la connaissance. La règle de Dieu leur aurait été aussi naturelle que le fait qu’ils étaient là et qu’ils étaient vivants. La meilleure obéissance est toujours l’amour parfait. Si j’aime Dieu, je fais ce qu’il veut (NB 9, n. 1685).

 

210. Paradis : pas de convoitise

Au paradis, il n'y a ni convoitise ni besoin personnel, ni mien ni tien. Ce n'est que par suite du péché que nos premiers parents sont nus et qu'ils doivent se vêtir, se procurer quelque chose qui se trouve à leur disposition. Les vêtements doivent devenir "le mien" et "le tien" pour que chacun puisse les porter. C'est ainsi aussi qu'après la chute le manger et le boire deviennent un devoir (pas seulement une joie) (NB 11,345).

 

211. Au paradis, Adam était donné à Dieu. Ève lui était donnée comme lui à elle, ils ne s'opposaient pas l'un à l'autre, il y avait entre eux un don de soi réciproque, et cela rendit possible l’égarement (NB 6,358).

 

212. Adam et Eve étaient transparents à Dieu

Au paradis, Adam et Ève étaient transparents à Dieu et l'un vis-à-vis de l'autre. Mais Adam avait un avantage sur Ève parce qu'il avait parlé avec Dieu avant qu'elle soit formée. C'est pourquoi il avait une sorte de responsabilité vis-à-vis de Dieu le Père, une sorte de fonction qui le plaçait comme un médiateur entre Dieu et Ève. Certaines décisions devaient être prises par lui et il pouvait parler à Dieu au nom des deux. Il pouvait aussi parler avec Ève au nom de Dieu et en son propre nom : être tantôt avec Ève devant Dieu, tantôt avec Dieu devant Ève. Même en tant qu'humain sans péché, il était à une certaine distance vis-à-vis de Dieu, il ne cessait d'apprendre et de clarifier bien des choses relativement à la volonté de Dieu et à ses décisions (NB 12,158).

 

213. S’ajuster à Dieu

L'être humain au paradis, homme et femme, c'est d'abord chacun pour soi ; il sont créés et ils se tiennent l'un côté de l'autre : c'est une comparaison de la relation entre Dieu et l'être humain. Ensuite le centre de gravité de l'homme doit être trouvé dans la femme, celui de la femme dans l'homme, les sexes doivent s'ajuster l'un à l'autre. Entre Dieu et l'être humain, cet ajustement se réalise dans le Fils et il se poursuit dans l'eucharistie (NB 12,148).

 

214. Au paradis, il n'y avait pas de "problèmes" parce qu'il n'y avait en l'homme aucune méfiance dans la connaissance, parce que tout était bon et que Dieu tenait enfermé le mal (auquel est liée la "problématique"). C'est pour l'intelligence un avantage infini de ne pas être encombrée par la connaissance du bien et du mal (NB 6,55).

 

215. Adam au paradis comme un enfant dans son enfance

Quand, dans sa maison paternelle et dans son milieu, un enfant ne fait l'expérience que du bien, son existence reste sans questions pendant un certain temps. Il n'est pas surpris qu'on lui donne à manger, qu'on le promène. Tout est bien tel que c'est. Ce n'est que plus tard, quand il jettera un regard rétrospectif sur son enfance, qu'il percevra à quel point il allait de soi pour lui de se soumettre aux mesures prises par ses parents ; d'une manière indéfinissable pour lui, il était consentant. Vivre et correspondre ne faisaient qu'un. Il en était ainsi pour Adam au paradis. Quand l'enfant grandit, il commet des fautes et il est puni, il lui faut de la réflexion pour qu'il donne son accord. Ce n'est que l'enseignement chrétien qui rend au pécheur la possibilité de donner son accord et lui ouvre en même temps, par un regard rétrospectif, la compréhension de ce que Dieu a fait depuis Adam et dans l'ancienne Alliance pour préparer la rédemption par le Christ et la rendre possible (NB 12,155).

 

216. Adam et Eve ne savent pas à quoi Dieu va les initier

Il y a l’arbre de la connaissance et l’arbre de la vie. Ils mangent de l’arbre de la connaissance. La vie demeure donc comme possibilité. La vie veut dire en même temps amour rendu et vie éternelle. S’ils avaient mangé de l’arbre de vie, ils se seraient privés définitivement de la vie éternelle et de l’amour vivant. Ils n’auraient pas ingurgité la vie mais, à l’inverse, ils l’auraient évacuée. L’arbre de la vie dépouille de la vie ; il devrait à vrai dire s’appeler l’arbre de la mort. C’est comme si le Père avait planté un arbre de l’Esprit Saint et un arbre du Fils. En mangeant de l’arbre de la connaissance, les hommes reçoivent l’expérience et l’intelligence du péché. S’ils n’en avaient pas mangé, ils auraient davantage part à la connaissance de l’Esprit, une connaissance opposée qui n’a rien de commun avec le péché. S’ils avaient mangé de l’arbre de vie, ils se seraient privés de la possibilité que Dieu leur envoie son Fils. Les deux arbres sont interdits. Interdits dans le sens que les hommes n’ont pas le droit de prendre de leur propre chef ce que Dieu veut leur donner dans l’Esprit et dans le Fils. Au paradis, le Père a auprès de lui le Fils et l’Esprit de telle sorte qu’il est prêt à donner les deux aux hommes. Adam et Ève connaissent la venue de l’Esprit et du Fils de manière inchoative pour ainsi dire parce qu’on ne sait pas encore s’ils vont pécher ou non. Que le Père garde l’Esprit et le Fils “en réserve” est sa précaution. Les hommes n’en savent pas plus de la Trinité qu’un enfant qui est baptisé, ils n’ont pas été instruits. Il y a une invitation, mais ils ne savent pas à quoi Dieu va les initier. L’amour de Dieu veut toujours surprendre. Adam et Ève étaient des humains comme nous : nous aussi nous ne comprenons que pas à pas ce qu’on nous donne. Celui qui est un jour invité et qui dit oui dans l’amour ne pose pas de conditions : l’invitation aura certes certains contours et certaines limites ; je sais qu’on ne va pas me donner un royaume. Malgré cela je prends simplement toutes choses comme elles viennent. Ainsi Adam aurait dû également tout recevoir bien que, pour le moment, il ne voie qu’une chose, c’est que des limites sont mises du fait que les arbres sont réservés (NB 9, n. 1685).

 

217. Depuis le paradis, Dieu a créé les humains les uns pour les autres à des points de vue très différents (NB 9, n. 1993).

 

218. Au paradis, le don de soi corporel n'aurait été possible qu'en étant en même temps un don de soi à Dieu (NB 12,132).

 

219. La fécondité au paradis

Dieu le Père et Dieu le Fils n'ont pas besoin de se proposer d'exhaler l'Esprit Saint. Il suffit qu'ils s'aiment pour qu'il soit là. C'est une image de la fécondité au paradis. Ici s'accomplit aussi totalement la parole : "La gloire de l'homme, c'est la femme" (NB 12,148).

 

220. Le mariage paradisiaque

Au paradis manquait certes l’enfant ; Adam et Ève ne s’accordèrent aucun temps ; ils passèrent tout de suite au péché ; s’ils avaient remis le péché à plus tard, l’enfant aurait été là et nous en aurions su beaucoup plus sur le mariage paradisiaque. Nous ne savons donc pas comment il était pensé. Ce qui est sûr, c’est que dans la multiplicité des enfants se serait exprimé le caractère eucharistique de l’amour qui, à présent, est si loin d’avoir son compte. Comme Dieu le Père nous envoie son Fils par amour, à nous qui sommes innombrables, Dieu le Père aurait donné les innombrables à Adam et Ève pour révéler le sens de leur don réciproque. Les deux points de vue l’un à côté de l’autre auraient été valables. Aucun des deux n’aurait revendiqué pour soi une préséance, même pas par amour parce que, dans cet amour, il aurait aussi été content que les autres aient la même richesse. Dieu seul peut nous avoir tous pour ses enfants, mais nous, nous devons nous limiter afin que tous aient part à la fécondité. Les autres hommes auraient été soit les enfants, soit les frères et sœurs des premiers parents ; non que Dieu aurait formé un autre couple du limon de la terre, mais il aurait replacé les hommes qui apparaissaient dans la série existante (NB 9, n. 1685).

 

221. Nous ne connaîtrons jamais la loi exacte de la fécondité paradisiaque (NB 12,167).

 

222. Reproduction au paradis

Il pourrait être égal qu'au paradis la reproduction ait pu avoir lieu d'une manière sexuelle ou d'une autre manière. Les deux pourraient avoir été également pures et proches de Dieu (NB 12,16).

 

223. Au paradis, il aurait suffi à Ève d'allaiter ses enfants pour qu'ils soient "baptisés", sanctifiés (NB 12,232).

 

224. Dans le paradis, il n'y a pas de pauvreté. Le bien-être au paradis ne suppose aucune sorte d'effort (NB 12,144).

 

225. Pas de saisons au paradis

Il est tout à fait faux de croire que lors de la création du monde il y ait eu une saison : le paradis ne connaissait pas les saisons (NB 4,225).

 

5. La liberté

 

226. Adam est créé libre

Au sein de la puissance de la création divine, il y a une sorte d'impuissance. En laissant Adam agir librement, Dieu renonce à quelque chose. Il ne le retient pas auprès de lui, il ne fait pas valoir tout de suite son pouvoir absolu (NB 12,72).

 

227. Dieu a donné à l'homme la liberté (NB 5,35).

 

228. Dieu a créé l’homme avec un libre-arbitre

Dieu, dans son omniscience, a tout laissé ouvert en quelque sorte. Il a créé l'homme avec un libre arbitre, il s'est fait connaître de lui, il ne l'a pas abandonné, il l'a gardé sous sa protection. La femme aurait eu la possibilité, en ne faisant qu'un avec son mari, mais aussi avec Dieu, de continuer la succession des humains. mère d'une lignée qui, par son amour conjugal pour Adam et par son amour pour Dieu, aurait appartenu à Dieu et, par la bénédiction de Dieu et la bénédiction d'Adam, serait restée perpétuellement attachée à Dieu et à Adam. Cette lignée aurait porté les signes de son origine : tout à la fois de Dieu et des hommes. Cela aurait été une propagation sans violence du genre humain. Et tous les hommes auraient reçu de Dieu Trinité la possibilité de relations avec Dieu. Au lieu de cela, arrive le péché. Ève enfantera dans les souffrances deux fils dont le plus fort tuera le plus faible, le plus méchant le juste. Quelle qu'ait pu être la justice d'Abel, sa mort est en tout cas une conséquence du péché originel, Caïn assassine en raison du péché originel et de sa faute actuelle. Mais Ève se trouve avec les deux dans la même relation. Les deux sont la chair de sa chair (NB 1/2, 159-160).

 

229. Adam, un être libre

Le premier Adam, Dieu le Père l'a créé par sa volonté et il l'a façonné avec de la glaise ; par son origine, Adam est lié au Dieu créateur, mais Dieu l'a placé devant lui comme un être libre et indépendant. Par les prévenances de Dieu, Adam a une connaissance suffisante, il n'a pas besoin d'une vision directe, car Dieu reste en communication avec lui. Adam sait qu'il est dépendant et il sait ce que Dieu veut de lui (NB 6,189-190).

 

230. Liberté d’Adam

La conscience d'Adam a commencé lors de sa propre naissance ; dans son milieu de vie, il rencontra la liberté, la tentation et, dans le péché, le nouveau chaos. Mais on peut aussi imaginer qu'il aurait pu reconnaître tout l'espace entre lui et Dieu - y compris le chaos subsistant - comme appartenant à Dieu, qu'il se serait abstenu librement du fruit défendu, et que Dieu, plus tard, après la décision d'Adam, lui aurait autorisé l'espace réservé (NB 3,256-257).

 

231. L’homme est doté de liberté

A un certain point de vue, le Créateur a sans doute doté "trop tôt" l'homme de liberté, en un temps où il ne possédait pas encore l'Esprit Saint intérieurement. L'homme voit que quelque chose manque à sa perfection et il cherche à compléter par lui-même. Le Père doit alors en quelque sorte "suivre" l'homme jusqu'à la venue du Fils qui apporte aussi l'Esprit sur la terre et dans les cœurs (NB 6,53).

 

232. Dieu donne à l’homme la liberté

Avant la création du monde, Dieu est libre. Mais dans son plan du monde, la création est nécessaire. Et Dieu donne à l'homme la liberté. Dans l'action créatrice de Dieu, il y a le fait qu'il ose. De même dans l'agir de l'homme : il a confiance en lui, il fait confiance à sa femme, il fait confiance au tiers qui est en devenir (NB 12,68).

 

233. L’homme créé libre devant Dieu libre

Si Dieu m'a créé comme homme libre, ma liberté devrait s'opposer à sa liberté. Dieu ne peut pas en même temps me donner la liberté et exiger de moi que je me soumette. Les hommes sont libres sans doute, mais Dieu leur a refusé les ultimes possibilités de l'usage de leur liberté. N'est libre au plein sens du terme que celui qui règne sur tout, donc Dieu. Nous sommes libres dans le dessein de Dieu, mais liés aux conditions de notre vie commune ; je ne peux pas au même instant me trouver à la même place que toi. il répugne à l’homme d'utiliser justement le mot de liberté pour quelque chose qu'il a reçu de Dieu, car il ressent déjà comme une limite le fait de l'avoir reçue. Il part de la notion de liberté, mais dès qu'il examine l'affaire, il se sent comme lié. S'il n'était pas lié, il aurait créé lui-même sa liberté (Pensées d’un hérétique des premiers siècles) (NB 4,221).

 

234. Le Père a créé les hommes si libres qu'ils peuvent se perdre loin de Dieu (NB 1/2, 107).

 

235. La possibilité de ne pas pécher

Quand le Père créa les premiers hommes, l'Esprit leur fut aussi donné, surtout comme amour entre le Père et les hommes. Dans cet Esprit ils auraient eu la possibilité de ne pas pécher. En créant l'homme, Dieu a mis l'Esprit sur terre fondamentalement (NB 4,182).

 

236. Arriver à s’abandonner à la volonté de Dieu

Dans l'acte créateur, Dieu donne à chacun un mode déterminé d'expérience vécue, il trace pour chacun un chemin déterminé. Et chacun doit surmonter des résistances pour arriver à s’abandonner à la volonté de Dieu (NB 4,164).

 

237. Adam et Eve devant la décision -

Adam et Ève sont créés adultes parce que tout ce qui compte pour Dieu, c'est de les voir devant la décision. Par la suite, les humains naîtront enfants afin que ceux qui avaient fait le mal puissent les avertir et les instruire pour leurs propres décisions. Mais d’être étranger à Dieu est présent dans le lignage tout entier. Ce n'est que lorsque le Fils devient enfant qu'il apparaît possible aussi de grandir lentement dans cette situation d'être étranger à Dieu (NB 6,53).

 

238. Nous sommes créés avec de la lumière et de l’obscur

Nous sommes créés à l'image de Dieu, avec de la lumière et avec de l'obscur, nous ne devrions pas nous occuper de notre obscur et le laisser en paix ; au lieu de cela nous cherchons nous-mêmes à le voir et nous péchons. A présent, le Fils et l'Esprit visitent notre obscur pour en faire un lieu abandonné, classé, dépassé (NB 6,87).

 

239. Dieu a mis aussi en nous la possibilité de pécher

Dans la pureté, les tentations qui demeurent nous rappellent qu'il y a en nous un espace pour la possibilité de pécher. En nous créant à son image et à sa ressemblance, Dieu nous a donné l'obscur. Mais au Fils et à l'Esprit il n'a pas donné l'obscur, ils se trouvent dans la pleine lumière du Père qu'il partage avec eux (NB 6,88).

 

6. L’arbre

 

240. L’arbre interdit

Il y avait l'arbre interdit et, dans l'interdiction, était inclus tout ce que Dieu ne voulait pas laisser au libre usage de l'homme, parce qu'il estimait que ce n'était pas bon pour lui. Après avoir été séduit par le serpent, l'homme a part à ce qui était réservé : la nuit devient un espace de ce qui est perceptible - par le péché -, les plantes deviennent toxiques et les animaux dangereux ; de l'inimitié aussi se fait jour entre l'homme et la nature : tout cela parce que l'homme a pénétré en ennemi dans l'espace de Dieu et qu'il a transgressé les limites protégées. Le mal en lui en a fait un ennemi de Dieu et de la nature, et l'a brouillé avec l'un et avec l'autre (NB 6,246).

 

241. L’arbre fascinant

Quand l'arbre du paradis - qui était un arbre comme un autre -, a été marqué par Dieu, il est devenu l'arbre de la connaissance, ce qui est fascinant pour l'homme tenté (NB 6,260).

 

242. Le fruit de l’arbre

Au paradis, Dieu avait laissé à l'homme la libre disposition de toutes choses, sauf du fruit de l'arbre. Mais même s'il savait que Dieu s'était réservé quelque chose, l'homme n'avait nul besoin de s'occuper continuellement de cette limite. Après la chute, il en est tout autrement. Le paradis a disparu, où la limite ne se faisait ni sentir ni remarquer, la limite est maintenant constamment voyante. On s'y heurte sans cesse (NB 6,143).

 

243. Adam devant le permis et le défendu

Dieu a créé Adam et lui a donné sa parole, il lui a dit exactement ce qu'il avait à faire. Mais dans la parole de Dieu, il y avait malgré son unité une division parce qu'en elle le permis et le non-permis étaient séparés comme le jour et la nuit. Le permis, qui brillait comme le jour, bien qu'il fût parole de Dieu, fut reçu par Adam comme si c'était son bien propre : il ne sentait en lui aucune opposition à l'égard de la permission de Dieu et de son invitation. Il ne faisait qu'un avec elles. Elles lui plaisaient tellement qu'il les a accueillies réellement et les a adoptées. Cela allait tellement de soi qu'il oublia ensuite l'origine de la parole. C'est là quil a commencé à se détacher de Dieu. Car il ne restait plus pour Dieu et la parole de Dieu que l'interdiction qu'en tant que telle il n'avait pas reçue de la même manière. Pour le moment, il ne se produisit rien car pour Adam il n'était pas urgent de transgresser le commandement de Dieu. Il n'y réfléchit pas. Il y avait cependant là le début d'un manque d'attention à l'Esprit de Dieu. Car dans l'Esprit Saint toutes les paroles de Dieu sont également importantes, les positives et les négatives. Vient alors la tentation. Elle arrive à Adam de l'extérieur et elle ne rencontre pas en lui l'esprit d'une totale obéissance parce que, par avance, il a déjà fait pour lui une différence, parce qu'il n'a pas réfléchi suffisamment à la sainteté de Dieu, parce qu'il s'est permis de séparer là où Dieu seul sépare. Parce qu'une certaine paresse faisait qu'il n'était pas vigilant et qu'il trouvait sa satisfaction dans son propre esprit (NB 4,161).

 

244. Possibilité de ne pas toucher à l’arbre

L’acte sexuel n’est pas un péché, mais une conséquence du péché. Au paradis, où l’être humain a été créé homme et femme, il y avait une autre possibilité dont Dieu ne peut plus livrer le secret après la chute. Comme Dieu place les hommes dans la liberté de la mise à l’épreuve, il doit prévoir les deux possibilités. Pour le cas où ils pèchent, il leur donne les organes sexuels, pour l’autre cas il leur donne une autre chose, que nous ne pouvons pas préciser et qui, sans doute, n’aurait cessé d’être donnée comme la grâce. Il aurait été tout à fait possible pour l’homme de vivre avec l’arbre de la connaissance sans y toucher. Il y a un rapport entre les deux convoitises : celle de manger de l’arbre et la convoitise sexuelle. Je ne crois pas que Dieu voulait donner à l’être humain des organes sexuels sans qu’il en fasse usage. Il veut la chasteté, et cela exige un effort de la part de l’homme tout autant que pour ne pas manger du fruit défendu. Les premiers hommes ne pouvaient pas plus ignorer l’arbre de la connaissance que je ne puis ignorer simplement les organes sexuels. Dieu attire même l’attention sur l’arbre. Mais ce n’est qu’après avoir mangé qu’on voit qu’on est nu (NB 9, n. 1427).

 

245. Adam aurait pu résister à la tentation

Adam avait tout le nécessaire pour faire la volonté du Père, mais il ne voulut pas renoncer à sa volonté propre ; il aurait pu résister à la tentation (NB 11,321).

 

246. Dieu est discret

Le Seigneur est discret dans ses offres. Il aurait suffi à Dieu de faire un léger mouvement, Adam et Ève n’auraient pas mangé la pomme. Mais il y a une discrétion dans la présence de Dieu qui fait partie du réel de la création ; correspondant à cela, l’homme ne doit jamais cesser de se contenter de ce qui lui a été attribué pour son intelligence et aussi pour sa foi (NB 9, n. 1990).

 

247. Ne pas vouloir écouter la parole de Dieu

Saint Ignace essaie de créer dans celui qui s'est confessé un état qui soit le plus proche possible de l'état d'Adam avant le péché, et ceci dans la nouvelle alliance, donc d'une manière plus ouverte. Adam ne savait pas ce que cela a comme conséquences de ne pas vouloir écouter la parole de Dieu (NB 11,372).

 

7 . Le serpent

 

248. Le serpent au paradis n'était pas à l'affût lors de la création d'Adam pour l'avaler, il était masqué par le commandement de Dieu de ne pas manger du fruit (NB 6,479).

 

249. La rencontre du serpent

Quand Adam et Ève ont péché au paradis, lors de la rencontre avec le serpent, l'Esprit aussi était présent, examinant s'il y avait en eux la capacité de résister, si les hommes avaient réellement été créés de telle manière qu'ils auraient pu dire non (NB 4,158).

 

250. Présence du mal dans le serpent

Dans la tentation, deux choses sont visibles : la présence du mal dans le serpent et, en même temps (dans l'offre du serpent), un réveil de l'offre de l'Esprit à Adam. Si auparavant Adam avait accepté réellement toute la parole de Dieu, il aurait eu en lui l'Esprit et celui-ci aurait vaincu avec lui la tentation (NB 4,161).

 

251. Le serpent et le diable

Le diable était le mal vivant, il a pris le visage du serpent et il s’est multiplié comme la mauvaise herbe sans cesser d'être un (NB 3,234).

 

252. Le démoniaque : le principe le plus intime du non des hommes à Dieu

Le Fils a toujours vu le démoniaque dans sa relation aux hommes : comme le principe le plus intime de leur non à Dieu. Maintenant le démoniaque apparaît comme un toujours-plus qui dévoile en quelque sorte le toujours-plus du Père et de son exigence divine (NB 3,235).

 

253. Le diable fait irruption dans la bonne création de Dieu

Lors de la création, le ciel et la terre furent séparés et la terre fut attribuée à l'homme. Mais l'homme a péché et le diable a acquis sur terre un pouvoir. Le péché a reçu un visage humain : ce n'est que lorsque Adam se reconnaît lui-même comme pécheur qu'il sait ce qu'est le péché. C'est à cette figure humaine que le diable s'accroche de sorte que Dieu le Père doit envoyer son Fils avec une forme humaine pour rencontrer le diable et l'éliminer. Quand le diable envahit la terre à partir de l'enfer, quand il fait irruption dans la bonne création de Dieu, l'opposition entre le Père et l'enfer devient dramatique : il envoie son Fils sur terre pour donner une réponse à la ruse du diable par une super-ruse d'amour (NB 3,237-238).

 

254. Le diable incite l’homme à se détacher de Dieu

C'est dans l'amour que Dieu le Père crée l'homme, mais l'homme le déçoit et fait tout ce qu'il peut pour échapper à l'ordre établi par Dieu, un ordre qui était la propriété de Dieu, qui faisait partie de l'amour de Dieu, qui unissait l'homme à Dieu et qu'il accordait à l'homme. Mais le diable incita l'homme à se détacher de cette unité avec Dieu (NB 6,98).

 

8. Le péché

 

255. Le péché originel s’est fait à deux

Le péché originel au paradis se fit à deux. Il y a une communion dans le péché. Cette communion durable aurait pu conduire l'homme à retrouver l'amour de Dieu. Car il y avait toujours ici un point de départ pour l'amour et par là pour le retour à Dieu. Mais le péché, comme absence d'amour, s'interposa comme un obstacle et détruisit aussi l'authenticité de la communion (NB 3,86).

 

256. Ève pèche la première

Adam, qui est issu directement de Dieu, n'est pas le premier qui pèche ; Ève qui est créée à partir de l'homme l'a devancé. De par son origine, Adam est si proche de Dieu qu'il a besoin de la tentation pour pécher. Ève est d'une certaine manière plus éloignée. Il y a l'entremise d'Adam. Cela apparaît aussi ensuite dans la nature du péché originel (NB 4,305).

 

257. L'envie de pécher, Adam n'a aucunement pu l'empêcher chez Ève

Le Christ est Dieu et homme tout à la fois, et il empêche absolument par son existence que Marie puisse jamais s'approcher du péché. C'est cela justement qui fait la nature du péché originel : l'envie de pécher, Adam n'a aucunement pu l'empêcher chez Ève tandis que pour sa mère le Seigneur l'enlève tout de suite totalement, il l'empêche même d'emblée. La relation Adam - Ève est en quelque sorte un stimulant pour le péché originel tandis que la relation Christ - Marie est un mur contre le péché originel. Adam et Ève sont bannis ensemble tandis que le couple Christ - Marie entre en scène contre ce bannissement et ouvre à nouveau le chemin du ciel, ramène l'homme en Dieu. Et comme Adam a eu besoin d'Ève pour pécher, le Seigneur ne veut pas ouvrir sans la femme le chemin de la grâce (NB 4,306).

 

258. L’homme est tombé

Lors de la création, Dieu n'a pas seulement créé et établi sa relation à l'homme comme distance, mais aussi comme relation et donc comme une forme d'unité. L'homme aurait pu être, se développer et devenir tel que Dieu l'avait conçu, devenir une créature qui soit une, toujours disponible pour recevoir Dieu comme il veut se faire connaître. L'unité de l'homme aurait alors été au fond agencée et renforcée par le fait qu'il aurait gardé de la souplesse dans son développement provenant de Dieu. Tenant son développement de Dieu, il aurait gardé ce développement qui aurait apporté en lui l'être de Dieu. Il se serait laissé façonner par Dieu de telle sorte que son propre développement humain aurait progressé dans cet échange et il aurait reçu et expérimenté de cette manière son unité humaine. Non en suivant vaille que vaille l'appel et l'exigence, non en y opérant des choix et en en faisant ressortir de son propre chef une partie, mais en gardant flexible - à l'intérieur de sa nature et de son être - ce que Dieu lui avait inspiré et communiqué. Telle aurait été son unité. Mais voilà que l'homme est tombé et qu'il a interrompu les échanges faciles avec Dieu. Il s'est détourné de Dieu et il lui a présenté une sorte de mur sans fenêtre, dans lequel il n'y a plus d'ouverture pour Dieu (NB 1/2, 153-154).

 

259. Le péché originel : le mouvement qu’Adam crée en tombant

Le péché originel est le mouvement qu'Adam a créé en tombant. La justice de Dieu n'est pas satisfaite par une expiation d'Adam. Les deux - péché et expiation - continuent. Le mystère du péché originel a un parallèle dans le mystère de la naissance d'un homme : rien n'est aussi incompréhensible que le fait que "moi" justement je vienne au monde, justement par suite de cette union, etc. Le péché originel n'est pas plus compréhensible que cette émergence du moi individuel (NB 4,291-292).

 

260. Lhomme a fait ce qui était défendu

Dieu a créé l'homme et il a vu qu'il était bon, et l'homme était bon avant tout parce que Dieu le trouvait bon. Pour lui-même, le fait d'être bon ne le frappait pas, il était trop occupé à correspondre, il n'avait pas à se prononcer à ce sujet. Quand ensuite il fit ce qui était défendu, le mal s'ouvrit à lui et il put alors établir une distinction car, étant dans le mal, il savait, en regardant en arrière, ce qu'avait été le bien : ce qui était bien objectivement était l'état dans lequel Dieu avait placé le monde, et le mal objectif est le résultat de son éloignement, l'enfer. Séparé du bien et pourtant en lui-même totalement non séparé. L'eau claire comme du cristal qu'était l'homme bon avait été séparée du chaos par Dieu lui-même, l'eau elle-même ne portait en elle aucune trace de séparation ; par la séparation opérée par Dieu elle était totalement son être propre. L'homme ne faisait pas l'expérience de la séparation dont lui, qui était bon, était le résultat. Le fleuve de l'enfer par contre porte toutes les caractéristiques de ce qui a été rassemblé, de ce qui a été fondu l'un dans l'autre : un résidu de pures séparations. C'est ainsi le contraire du premier chaos : tandis que celui-ci était l'origine, celui-là n'est plus que quelque chose d'abstrait, de pensé, de systématique (NB 3,272).

 

261. Lhomme viole le commandement

Comme c'est Dieu qui crée l'homme, l'obéissance est utilisée comme une forme naturelle de l'amour, et l'interdiction du paradis est là pour donner des repères à cette obéissance. C'est cette limite qui doit prouver l'amour dont l'homme est capable. L'homme viole le commandement parce qu'il ne respecte pas l'amour. En péchant, il se détourne de l'amour, il mésestime sa nature, c'est pourquoi il transgresse ses lois (NB 5,89-90).

 

262. Adam et Eve ont enfreignent les ordres de Dieu

Quand Adam et Ève commirent leur péché, ils tirèrent profit de l'origine du serpent avec lequel ils contractèrent un lien. Quand par la suite Dieu les rencontra à nouveau, ils avaient entre-temps enfreint les ordres de Dieu. L'avance du serpent demeure pourtant dépendant de l'ordre et de l'interdiction de Dieu ; les pécheurs ne peuvent pas dire qu'ils se seraient simplement attachés à celui qui était en lice le premier (le serpent), car ils savaient bien que le serpent devait, dans sa conversation, renvoyer à la parole de Dieu qui avait précédé. Pour celui qui connaît Dieu vraiment, pour le Fils, il n'est aucunement besoin d'une interdiction particulière pour savoir que manger du fruit n'est pas dans la volonté du Père ; mais Adam justement n'est pas le Christ et, pour Adam, Dieu en tout cas a lancé une interdiction ; lui et Ève se trouvent entre cette interdiction et le serpent, et comme ils prennent le parti du serpent, Dieu renvoie à son interdiction en les châtiant. Ce geste domine encore essentiellement l'ancienne Alliance : Dieu renvoie aux commandements et aux interdictions pour annoncer au pécheur son châtiment (NB 6,337).

 

263. Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu

Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu, il essaya de se construire lui-même un monde dans lequel il donnerait satisfaction à ses désirs et à ses appétits sans que Dieu y mette le nez. Il essaya donc de se cacher. La manière pour Caïn de se cacher s'exprimera de manière encore plus forte. Avant la chute, Dieu n'avait pas besoin de montrer sa force ; maintenant, il la montre comme étant la force capable de faire paraître au grand jour l'homme qui se cache. Et pour que le pécheur puisse reconnaître cette force, il ne doit pas oublier totalement comment c'était avant la chute ; le "naturel" de la présence de Dieu autrefois doit lui être gravée dans la mémoire. C'est pourquoi Dieu lui donne la foi : une relation de l'homme à Dieu, entretenue par Dieu, façonnée par Dieu quant à sa forme et quant à son contenu. Mais ce faisant, Dieu laissait à Adam sa liberté : l'homme pouvait inscrire son acte de foi personnel dans le cadre de la foi offerte par Dieu. Il avait le droit, le pouvoir et le devoir de réfléchir à sa foi, d'accueillir les paroles de Dieu et peut-être de ne pas les interpréter uniquement dans le sens qu'elles avaient à l'instant même où elles avaient été dites, mais dans un sens qui serait acceptable, compréhensible, utilisable par l'homme, sa vie durant (NB 6,187).

 

264. Adam fait un mauvais usage de sa souveraineté sur la terre créée

Adam pèche ; il fait un mauvais usage de sa souveraineté sur la terre créée, il répand ainsi le péché sur tout le domaine qui lui est confié. Lui, au nom de tous, et lui en tant qu'individu. Et chaque descendant à nouveau, en tant que pécheur individuel et en tant que participant au péché originel, détruit la relation à Dieu et aux choses qui sont le domaine de la souveraineté de l'homme. Chaque abandon individuel de Dieu ne reste pas concentré dans le pécheur, il se propage dans tout le domaine. Les différents abandons s'accumulent d'une manière difficile à préciser. L'homme tombé lutte pour le domaine du monde qui a été bouleversé, pour se l'assujettir à nouveau ; il le fait pourtant en un sens qui n'est plus le sens de Dieu, mais celui de son propre gré. Par ce qui n'est plus juste, l'homme remarque qu'il mérite le châtiment ; pourtant, dans son abandon, il ne peut jamais trouver la mesure du châtiment, il ne peut même jamais reconnaître le but du châtiment. Il y est trop lié. Il ne cesse de penser qu'il ne mérite de châtiment que pour ce qu'il a gâté en tant qu'individu et ce qui peut être remis en ordre dans son rapport individuel. D'autre part son besoin de châtiment se heurte à sa vague connaissance de la justice de Dieu ; il la craint parce qu'elle s'oppose à son péché et parce qu'il est clair pour lui que péché et justice se rencontrent quelque part définitivement. Mais la plupart du temps, cette connaissance n'est pas de telle nature qu'elle l'empêcherait de continuer à pécher, et qu'il continue à pécher n'affine pas non plus sa conception du châtiment. C'est ainsi que le combat du pécheur pour restaurer l'ordre demeure inutile (NB 3,196).

 

265. L’œuvre de Dieu pervertie par l’homme

Quand Dieu créa le monde, il était d’humeur créatrice. Il fit quelque chose qui correspondait à sa force. Il se donna à lui-même pour la première fois la preuve de ce qu’il pouvait faire. Puis vint le péché et son œuvre fut pervertie par l’homme. Mais la force créatrice originelle de Dieu ne faiblit pas : il créa les sacrements d’où cette force continue à se répandre, et chaque sacrement recrée le pécheur en Dieu (NB 9, n. 1718).

 

266. Adam veut être Dieu -

Avant le péché, l’être humain se trouvait avec sa fécondité au plan que Dieu lui avait assigné : celui de la créature devant son Créateur, de l’enfant devant son père. L’enfant ne voulait pas devenir père, la créature ne voulait pas créer. Ce n’est que la convoitise et le péché originel qui ont déplacé la relation naïve. Adam veut être Dieu, il veut être père au lieu de rester enfant. Il reçoit ce qu’il a voulu, il voit qu’il est nu, il doit descendre au niveau de la fécondité animale (NB 9, n. 1681).

 

267. Ève s’est fermée à Dieu

La transmission de la grâce a été placée en Marie à l'endroit où Ève s'est fermée à Dieu. Par son refus, Ève fut pour Adam la médiatrice de tous les péchés, car à ce moment-là il n'y avait qu'Adam à qui elle pouvait transmettre quelque chose. Par lui, la faute est passée dans toutes les générations. Ce n'est qu'en Marie que devient visible ce qui au fond aurait dû être transmis, et aussi la pureté que peut avoir cette transmission. Quiconque est dans l'amour et dans la foi peut, en intercédant, participer à la transmission de la grâce. Mais bien des choses sont obtenues dans un esprit qui n'est pas l'esprit de Dieu, et bien des choses doivent d'abord être changées et rectifiées par Dieu pour pouvoir être offertes. Marie par contre, dans sa pureté, ne transmet que ce que Dieu est et ce que Dieu veut transmettre. Entre ce qu'elle fait comme médiatrice et ce que Dieu fait par sa médiation, il y a une unité et une harmonie parfaites qui sont basées sur sa participation de grâce à la vie intime de Dieu (NB 1/2, 158-159).

 

268. Mise à l’épreuve, Ève n’a pas tenu bon -

Dieu a créé l'homme à son image. Cette image est double : c'est l'image comme reflet de l'être de Dieu et c'est l'image comme l'idée que Dieu se fait de l'homme. C'est pourquoi elle ne contient pas seulement une imitation mais aussi l'exigence d'une mise à l'épreuve. Ève n'a pas tenu bon, mais elle a séduit Adam qu'elle avait suivi dans l'existence. C'est pourquoi Marie maintenant est placée avant le Christ. Parce que Ève est issue d'Adam, le Christ sera issu de Marie. L'image du Fils doit faire ses preuves dans celle qui a été conçue sans tache avant que le Père accepte que son Fils vienne réellement comme homme dans le monde. Marie a dû passer avec succès l'épreuve de ses capacités. Dans le fait que l'ange l'aperçoive, il y a comme une inversion de l'attitude du premier couple qui a voulu se cacher après le péché : Marie se laisse trouver, elle se laisse trouver dans son oui qui est déjà le Christ. Son oui est déjà le Christ parce que le Christ est la récapitulation de toutes les prophéties qui l'annonçaient, en tant qu'il est l'unique manière de correspondre aux prophéties (NB 1/2, 157).

 

269. Adam et Eve se sont égarés

Devenu homme, le Fils apprend en quelque sorte à connaître le Père de manière nouvelle en tant que maître de la création. C'est lui qui a créé les hommes et le Fils apprend maintenant à le connaître en tant qu'homme. Il est heureux et en même temps il est inquiet. Car il y a la force du péché, ses plus fidèles s'égareront, comme Adam et Ève, qui étaient les plus fidèles du Père. L'expérience du Père avec la création se répète dans le Fils. Il se trouve maintenant là où se trouvait le Père ; ses plus proches, ses disciples, représenteront Adam et Ève. Tout en sachant qu'il va racheter le monde par sa mort, il sait en même temps que, durant sa vie, il n'obtiendra pas un résultat décisif. D'un point de vue terrestre, Judas aura le dernier mot. Le péché a causé de tels ravages que seule sa mort peut tout arranger (NB 6,141).

 

270. Adam a tourné le dos à Dieu

En créant Adam, Dieu a devant lui un être à une certaine distance. Cette distance aurait pu rester inchangée non seulement si Dieu s'était occupé d'Adam mais si également Adam s'était occupé de Dieu. Mais Dieu, Adam a voulu le perdre de vue, il a tourné le dos à Dieu et la distance s'est agrandie. La distance trinitaire entre le Père qui engendre et le Fils engendré ne change pas même quand le Fils devient homme. Quand le Père engendre son Fils dans le sein de sa mère par l'Esprit, elle reprend en quelque sorte la tâche originelle d'Adam, et Marie garde son visage tourné vers Dieu, elle ne se détourne pas de Dieu comme Adam. Elle est investie par Dieu et elle le rencontre de tous côtés. Ainsi elle est très proche du rôle de l'Esprit Saint (NB 6,179-180).

 

271. Adam tourne le dos au Père

La distance qui sépare Dieu de la créature avait été établie par Dieu comme l'optimum de visibilité de Dieu pour Adam : c'est à partir de là qu'il pouvait faire la meilleure expérience de Dieu selon la volonté divine pour lui. Cette distance était au fond pensée comme quelque chose de constant, de stable. Mais en péchant, Adam a tourné le dos au Père et, en s'habituant au péché, l'humanité s'est toujours plus éloignée de Dieu, cela la contraint aussi par conséquent à devoir faire des efforts toujours plus grands pour surmonter l'éloignement du péché. Parce que le pécheur a perdu la mesure de la juste distance, il n'est plus capable d'apprécier ce qui serait nécessaire pour la retrouver. Alors le Père envoie le Fils, et celui-ci nous montre l'unique véritable possibilité de rendre à la distance son sens voulu par Dieu, en somme de tourner à nouveau notre visage vers Dieu, de l'aimer à nouveau et de rester réceptif à l'amour. Il nous offre l'état de grâce (NB 6,197).

 

272. Adam s’est éloigné de Dieu

Quand Adam pèche, il défigure lui-même son corps, il l'humilie. Et ensuite, quand Dieu le rappelle, quand Dieu se fait à nouveau remarquer, il vient à l'esprit d'Adam qu'il s'est éloigné de Dieu non seulement dans son âme mais aussi dans son corps (NB 3,182-183).

 

273. L’homme s’éloigne de Dieu

Quand Dieu montra à Adam ce que celui-ci au fond savait déjà - qu'il s'était éloigné de Dieu - il lui indiqua quelque chose qui jusqu'alors n'avait pas de nom et qui désormais s'appellerait péché. Le petit enfant qui veut faire quelque chose d'interdit se trouve en face du non des parents qui l'en empêche ou non. Le non de Dieu vis-à-vis de notre père Adam a la force et l'efficacité d'un interdit de ce genre vis-à-vis de l'enfant : elle est une mesure de l'autorité vis-à-vis d'un savoir trop court. Plus l'homme s'éloigne de Dieu, plus les paroles deviennent nécessaires. Et à la fin des paroles de Dieu se trouve l'incarnation et le passage à travers l'enfer. Au début un mot suffit : Tu ne dois pas manger ! À la fin, la parole du Père rassemble en elle les multiples paroles d'interdiction qui ont été prodiguées, dont les négations s'offrent au regard du Fils obéissant dans les péchés de l'enfer (NB 3,232-233).

 

274. L'homme est fait tout entier à l'image et à la ressemblance de Dieu; mais il pèche et Dieu est au courant de son péché (NB 6,84).

 

275. Qui peut comprendre ce qui se passe en Dieu le Père quand il voit qu’Adam pèche ? Personne ne veut y réfléchir, c’est pourtant quelque chose d’important (NB 4,118).

 

275. La catastrophe du premier Adam (NB 6,189).

 

9. Après le péché

 

276. Par le péché, Adam fut rejeté de la présence de Dieu (NB 3,207).

 

277. Quand Adam et Ève eurent mangé la pomme

Après qu'Adam et Ève eurent mangé la pomme, il y a l'instant où ils savent qu'il s'agit maintenant de sortir de toutes les jouissances et de se présenter à nouveau devant Dieu. Ils ont fui Dieu est et ils sont conscients de la chose (NB 10, n. 2136).

 

278. Après le péché, nous sommes dans l'ordre de la création déchue, nous ne sommes plus au paradis (NB 12, 203).

 

279. Les anges vont chasser Adam et Ève

Aux portes du paradis. Les anges vont chasser Adam et Ève. Toute l'espérance en la grâce d'être sans péché a disparu. Il n'y a plus là que des débris, pas de promesse. Ce qui était s'est perdu définitivement : notre obéissance et notre pureté… Le péché… L'espérance brisée du monde… Le fiasco de la création (NB 1/2, 111).

 

280. Dieu lui-même chasse les hommes du paradis

Le chérubin à l'épée de feu gardera le paradis : il est l'instrument et l'apparition du châtiment de Dieu. Les relations de l'homme avec Dieu le Père sont suspendues ; mais les anges servent de médiateurs, plus tard ce sera le Fils, puis l'Esprit Saint qui parlera aussi bien dans le Fils que par les anges. Dieu lui-même chasse les hommes du paradis, il les met à distance, mais il place aussi l'ange pour que les hommes ne s'éloignent pas toujours plus de Dieu. L'ange porte les armes de Dieu - l'épée et le feu - ce qui coupe et ce qui brûle. Il coupe, et à vrai dire de telle manière que les hommes ne puissent pas évaluer la distance qui les sépare de Dieu. Ni maintenant qu'ils sont séparés, ni plus tard quand ils seront réunis par le Fils, Dieu ne veut pas que l'homme puisse évaluer la distance qui le sépare de Dieu et ce qu'il faudrait pour revenir à lui. La limite qui a été établie est de feu : elle le restera à l'avenir, seules les significations du feu vont changer (NB 6,315-316).

 

281. Adam chassé du paradis-

Le paradis était pour ainsi dire une contrée divine : participation de la création à tout le bien que Dieu lui donnait de lui. Dans son rapport avec Dieu, ce paradis est immuable si bien que le paradis est devenu l'image même du lieu parfaitement créé pour l'homme. Malgré cela, le paradis devient le lieu de la plus grande tragédie qu'il y ait jamais eue. Adam pèche, il devient indigne de ce lieu auquel il était adapté et il en est chassé. Le lieu le plus bienheureux devient le lieu le plus désolant parce qu'il a perdu sa destination : abriter l'homme bienheureux. Le paradis est au fond un lieu que Dieu avait préparé en lui pour la création ; comme l'homme a quitté ce lieu, Dieu doit pour ainsi dire trouver à nouveau en lui un lieu où il pourra à nouveau abriter l'homme pécheur qui s'est détourné de lui, un nouvel endroit dans l'être de Dieu. Naturellement cet endroit en Dieu était toujours là, et cela ne signifie aucun changement en Dieu du fait qu'il en ait maintenant besoin. On devrait dire : en face du caractère changeant de la création, il y a en Dieu un super caractère changeant qui lui est "plus que naturel" de sorte que Dieu ne subit vis-à-vis de lui aucune dépendance ni aucun embarras. Nous prenons des échelles trop petites quand nous opérons avec nos concepts "muable – immuable" : la réalité est beaucoup plus pleine que ce que nous pouvons imaginer (NB 3,232).

 

282. Adam banni du paradis et du monde de Dieu

Quand Adam commet le péché, il s'ensuit un double bannissement : celui d'Adam hors du paradis, mais en quelque sorte aussi celui de Dieu hors du monde. Le repos sans souci de Dieu dans son œuvre, sa promenade dans son paradis : c'est fini. On pourra toujours entendre sa voix ; mais le temps, en tant que temps du péché, a reçu du même coup quelque chose de vide et de refermé sur lui-même, qui ne peut être pour Dieu une demeure. Quand Dieu a quitté Adam, quand il ne lui a plus demandé comment il allait, quand sa promenade dans son jardin a pris fin, une fin aussi fut mise à la vie d'Adam. Adam vivait dans le paradis comme dans une sorte de noviciat pour la vie dans le ciel ; il n'aurait pas quitté le paradis par une mort réelle. Il y aurait eu une transformation instantanée : une partie du paradis encore occupé et un aspect de la vie humaine encore lié à la terre auraient été emportés vers Dieu dans une "résurrection de la chair". Dieu aurait peut-être été chercher les hommes à certains intervalles de temps qui auraient chaque fois correspondu à la fin d'une génération, mais cette fin et ce nouveau commencement n'auraient pas eu le caractère abrupt et définitif de la mort actuelle par laquelle Adam et sa descendance expient pour le péché. Il se serait produit un certain "être-ici" et un certain "être-là" ressemblant à ce qui s'était passé au commencement : le Créateur ne séjournait pas seulement au ciel ("de manière permanente") mais aussi sur terre ("se promenant de temps en temps"), ressemblant peut-être aussi à la manière dont le Fils, après la résurrection, non seulement séjourne auprès du Père, mais apparaît aussi de temps à autre à ses disciples. Il aurait fallu une "extension" pour rendre capable du ciel l'homme paradisiaque ; cette extension aurait inclus la somme de ses expériences terrestres au paradis et en même temps la somme de ses rencontres avec Dieu quand il s'y promenait. Le paradis aurait été réellement l'école préparatoire au ciel ; mais la fréquentation du noviciat n'aurait pas été interdite à celui qui aurait été reçu au ciel, et les autres novices auraient été mis au courant de l'existence de ceux qui avaient été reçus en Dieu. Le jour où Adam aurait pris congé de ses enfants, ceux qui restaient auraient été consolés - bien que le terme de consolation ne soit pas adéquat - par une sorte de vue du ciel, comme par exemple elle fut accordée à Étienne sur le point de mourir. L'entrée d'Adam dans le ciel aurait été pour les autres une approche du ciel, car l'amour d'Adam aurait été si grand qu'il n'aurait voulu bénéficier de rien pour lui-même sans le partager avec les autres de sorte qu'ils y auraient eu part au moins sous la forme d'un pressentiment. Quelque chose de ce partage des biens se retrouvera dans le mystère de l'eucharistie ou dans la dépossession de l'apôtre pour l'Eglise : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi"; et le "Christ" aurait été pour l'Adam paradisiaque le ciel de Dieu. L'homme nouveau aurait été l'homme capable du ciel. Il n'aurait pas eu besoin de se séparer radicalement du terrestre, car ce que nous, nous comprenons sous le terme de séparation inclut déjà la mort. Une transformation aurait eu lieu, comparable à celle de l'enfant qui devient un adolescent. Cette transformation se serait produite en un point précis du temps (et non peu à peu) parce que l'homme, au paradis, vivait déjà dans les jours de la création qui sont comptés. Ce passage aurait aussi été un événement festif auquel les autres auraient participé avec joie. C'eût été la contrepartie de la visite de Dieu chez les hommes : c'est maintenant Adam qui rend visite à Dieu. A vrai dire une visite pour toujours. Son monde l'aurait aussi accompagné en quelque sorte, le jardin du paradis aurait été emporté au ciel d'une certaine manière, sans que pour autant le jardin terrestre en fût devenu plus petit pour les autres dont l'heure n'avait pas encore sonné. Le temps du paradis est divisé en jours et en nuits comme notre temps, et Adam aurait connu d'une certaine manière le jour de sa transformation. Celui-ci aurait répondu au jour de sa création, Ss bien qu'Adam pouvait dire : « Tel jour j'ai été créé, j'ai reçu Ève », de même aurait-il su : tel jour j'irai à Dieu dans le ciel (NB 6,50-52)

 

283. Adam et Eve expulsés du paradis

Dieu crée Ève pour Adam; les deux se complètent, les deux sont également heureux, ils ont également part à tout ce que Dieu a créé, toujours avec l'orientation d'Ève vers Adam. Lors de la chute il est dit certes que c'est Ève qui entraîne Adam mais, pour commettre tout le péché, ils ne font qu'un et il s'entraident l'un l'autre. Dieu punit les deux, il les expulse du paradis. Adam doit s'adonner à un travail pénible, Ève enfanter dans les douleurs ; les deux choses vont ensemble, on ne peut pas dire laquelle est la plus dure. L'homme certes ne peut pas éprouver en lui-même le poids du châtiment qui concerne la femme, et vice versa ; c'est cependant un châtiment commun, ils sont soumis ensemble à la juste colère de Dieu. Il pourrait se faire qu'Adam (en tant que plus responsable) soit plus coupable qu'Ève et que, pour son châtiment, il ait plus à porter qu'elle, bien qu'il soit tout aussi possible qu'Ève, avec ses douleurs, porte une part de ce qui au fond devrait revenir à Adam. Ou aussi vice versa. Cela veut dire que, dès cette situation initiale, Dieu ne va peut-être pas tout à fait jusqu'au bout de sa justice (NB 6,502).

 

284. Les hommes chassés du lieu où Dieu se promenait

Les hommes commirent le péché et ils essayèrent de se cacher de Dieu, c'était une conséquence de leur péché. Ils furent chassés aussi du lieu où Dieu se promenait, ils furent chassés dans le monde des pécheurs où Dieu ne peut plus se promener de la même manière (NB 5,48).

 

285. Le chaos de nos péchés ne connaît aucun ordre. Nous voulons nous-mêmes le désordre (NB 3,306).

 

286. Péché d’Adam : le chaos saccroît

Par le péché d'Adam, le chaos s'accroît. Adam trouve pour ainsi dire du plaisir à mettre sur le chaos le signe du péché et à l'agrandir à l'infini ; à l'origine, le chaos est ce qui n'est pas ordonné, maintenant, c'est l'ordre détruit de propos délibéré. Le Fils souffrant rassemble en lui ce chaos du péché (NB 3,260).

 

287. Par le péché, l’homme crée second chaos -

A l'origine, Adam est né de Dieu. Dieu avait séparé le chaos, et quand Adam naquit de Dieu, cela se fit totalement dans la lumière. C'est Dieu seul qui le créa, Adam n'eut aucune part à cette naissance, il ne possédait aucun discernement et il fut placé dans le paradis. Après le péché, comme l'homme avait créé un second chaos, il s'est acquis aussi un discernement. Maintenant il ne peut plus naître de Dieu sans sa collaboration ; il doit y acquiescer lors du baptême (NB 10, n. 2041).

 

288. Adam et Eve sont comme enveloppés dans une atmosphère de péché

Après la chute, l'homme et la femme se trouvent l'un en face de l'autre de nouvelle manière : ils sont en quelque sorte enveloppés d'une atmosphère de péché et de convoitise qui leur appartient. C'est une atmosphère de trouble, comme si la nuit n'était plus vraiment séparée du jour. Et non seulement l'être humain cherche à allumer des lumières dans cette nuit pour voir quelque chose, Dieu lui-même crée pour l'être humain des issues à cette existence pécheresse de fermeture et de limites (NB 12,153-154).

 

289. Le péché est contagieux

A cause du péché originel, la mort n'est pas une affaire privée, elle est, comme le péché originel, une affaire partagée. Elle l'est comme le contraire de la communauté dans l'amour. L'amour est échange, si bien que celui qui aime et l'aimé forment une unité dont les joints sont invisibles ; l'aimé ressent le don que fait de lui-même celui qui aime, et celui qui aime se donne à l'aimé pour se recevoir de lui en retour sous une forme transformée. De même que Dieu a créé l'amour contagieux, le diable en a fait autant pour le péché : il ne concerne pas l'homme à titre privé ; il fait partie de sa nature qu'il soit commis par un pécheur pour convaincre les autres de la justesse de son action, pour les inciter au péché. Il donne au péché une vitalité qui est à l'opposé de la vitalité de l'amour (NB 6,290).

 

290. Une mauvaise conscience suit le péché

Dans la filiation Dieu – Adam et Ève -, il y a d'abord un intervalle énorme. Quand Adam tombe, l'intervalle entre lui et Dieu est si grand qu'il ne peut plus être comblé par Adam, et l'intervalle se poursuit à travers toutes les générations. La "mauvaise conscience" qui suit le péché originel, est pour Adam plus forte que pour Ève en quelque sorte parce qu'il aurait eu la connaissance suffisante pour éviter le péché (NB 4,305).

 

291. La nudité d’Adam et Ève

Au paradis, Adam et Ève étaient nus, c’est-à-dire qu’ils étaient à la disposition de Dieu et que Dieu, au moment qu’il aurait trouvé bon, aurait pu leur donner la pleine connaissance réciproque. Mais ils se sont emparés eux-mêmes de la connaissance et le vêtement dont les hommes se couvrent dut se placer entre la nudité qui est sainte et la nudité qui n’est pas sainte (NB 4,105-106).

 

292. Les peaux de bêtes

Quand Adam et Ève cessèrent de ne faire qu'un dans l'amour de Dieu, ils virent qu'ils étaient nus. Et alors, pour être deux êtres clairement différents, séparés, ils se vêtirent de peaux de bêtes. Ils eurent besoin des bêtes, ils descendirent vers eux pour être deux : abaissés, bestialisés (NB 12,151).

 

293. Après la chute, une existence fermée sur elle-même

Dieu crée Adam nu et il le laisse être nu dans le paradis. Dans cette nudité, bien qu'étant créature et étant par là en face de Dieu, Adam participe à l'eucharistie divine. Il vit en Dieu, non séparé de Dieu. Ce sont les peaux qu'il reçoit de Dieu après la chute qui lui donnent une existence fermée sur elle-même ou plutôt le confirment dans cette existence. Elles sont pour lui une protection et elles lui permettent de continuer à vivre dans sa nouvelle situation vis-à-vis de Dieu (NB 6,524).

 

294. Continuer à vivre après la chute

Après la chute, Adam et Ève doivent accepter les lois de leurs corps, ils n'ont pas d'autre choix. Une fois qu'ils ont été recouverts de feuilles de figuier, ils doivent trouver une relation nouvelle avec leur nudité. Dieu ne les laisse pas seuls ; dès qu'ils sortent de la défaillance de leur péché, Dieu répand sur eux quelque chose de sa puissance céleste pour qu'ils puissent continuer à vivre (NB 12,151).

 

295. Quand Adam et Eve furent tombés 

Il y a chez Adam quelque chose comme un tournant. Quand Adam et Ève furent tombés, ils durent naturellement chercher un chemin qui partait du bas vers le haut (NB 1/2, 266).

 

296. Après le péché, Dieu n’abandonne pas simplement les hommes à leur destin

Au paradis, Ève est bien née d'Adam, il a reconnu en elle son image ; et les deux, par leur relation au paradis, sont initiés par anticipation à la relation sexuelle. Dieu bénit aussi leur fécondité post-paradisiaque en donnant à l'enfant une âme immortelle. Dieu ne les abandonne pas simplement à leur destin ; ils ne s'accouplent pas non plus comme des bêtes. Ce qui n'était pas prévu à l'origine est après coup béni par Dieu (NB 12,149).

 

297. Par le péché, Adam trace des limites entre Dieu et lui

Quand l'homme pèche, il trace des limites entre lui et Dieu, des limites qui ne le font pas différent mais qui font de lui un étranger. Disparaît alors la complicité naïve et non réflexive. Mais depuis toujours Dieu a le dessein d'aller rechercher l'homme et de lui donner une nouvelle complicité (NB 12,153).

 

298. Léloignement de Dieu introduit du limité dans notre conception de Dieu

Tout ce que notre pensée - par suite de notre éloignement de Dieu lié à notre péché et au péché originel - introduit de limité dans les actes divins est sans cesse à exclure ; ce que les mots de l’Écriture font apparaître en Dieu de limité d'une certaine manière n'est qu'une concession à notre compréhension bornée. Par notre éloignement de Dieu, nous sommes tellement immergés dans notre temporalité avec son cloisonnement de jours et de nuits, d'heures et d'événements, que si Dieu nous emportait pour un instant, tels que nous sommes, dans l'événement éternel de la Trinité, nous ne pourrions même pas remarquer qu'il s'y passe quelque chose (NB 6,99).

 

299. Pour l’homme chassé du paradis, Dieu n’est plus dans la lumière

Au commencement, quand Dieu créa le jour et la nuit, l'un et l'autre étaient remplis de lui. Toutes les aurores également et tous les crépuscules entre deux étaient remplis de lui. Si bien que l'homme ne pouvait jamais dire que les changements de la lumière le rapprochaient de Dieu ou le lui rendait étranger. Tous les changements appartenaient à Dieu, il n'y avait pas de fluctuations. Quand les humains furent chassés du paradis, Dieu ne fut plus pour eux dans la lumière. Ce n'est que lorsqu'ils cherchent à s'approcher à nouveau de Dieu qu'il leur rend dans sa grâce quelque chose de la vraie lumière, afin qu'ils voient dans la lumière de Dieu la lumière terrestre et les choses terrestres. Quand, à la fin de la passion, le Fils meurt, que toute la lumière se brise et qu'elle est comme traversée par les ténèbres, c'est alors que devient visible le prix par lequel Dieu nous rend sa lumière (NB 6,234).

 

300. Depuis le péché, l’homme est conscient des limites de sa connaissance de Dieu

Dieu a sans doute placé l'homme dans un monde limité parce que matériel, mais il voulait conduire l'esprit de l'homme plus loin de telle sorte qu'il soit aidé à dépasser ses limites. Si l'homme ne s'était pas rendu étranger à Dieu, l'homme n'aurait cessé de se tourner immédiatement vers Dieu et il aurait pu avoir quelque chose de l'infini que possède Dieu dans sa Trinité. Depuis que l'homme a mangé de l'arbre de la connaissance, il est conscient des limites de sa connaissance. Auparavant les hommes avaient confié à Dieu leur connaissance et ils recevaient de lui les réponses à leurs questions. Mais en Dieu la connaissance n'a pas de limite : aucune des personnes divines n'est pour l'autre une limite (NB 6,54).

 

301. Le péché : la relation d'amour originelle est anéantie

Le péché introduit une ligne de séparation qui traverse l'amour. Il isole. Adam et Ève ont maintenant la connaissance du bien et du mal, et cette séparation se révèle, se découvre pour ainsi dire, en Caïn et Abel. Leur querelle est le signe que la relation d'amour originelle est anéantie. On doit compter pour elle avec la loi du péché, ce sera une lutte éternelle entre le noir et le blanc, et la plupart des fruits seront gris. Désormais le monde est ainsi (NB 6,91).

 

302. Le péché a beaucoup réduit la fécondité des humains

La parole : "Cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira" aurait eu au paradis un sens beaucoup plus fort : le sens d'un engendrement. Les parents auraient eu une part beaucoup plus grande dans l'origine de l'enfant. La fécondité, qui était au fond prévue pour la création, peut être d'une certaine manière lue aujourd'hui dans le oui de Marie : c'est par la grâce de Dieu qu'elle devient la mère du Seigneur et de tous les croyants. Le péché a beaucoup réduit la fécondité des humains (NB 6,57).

 

303. Au paradis, le lait de la femme aurait dû donner aussi la force de rester devant Dieu en toute pureté

Recevoir le lait maternel, c'est pour l'enfant une sorte de communion. Après le péché originel, l'allaitement a perdu de sa spiritualité, il est surtout le don d'un aliment. A l'origine (au paradis) , le lait de la femme aurait dû donner aussi la force de rester devant Dieu en toute pureté. Ce qui était prévu pour Ève se réalise en Marie. Elle et son enfant sont tous deux parfaitement purs ; par l'allaitement de la mère, ce n'est pas seulement cet enfant, mais c'est toute l’Église (qui est le corps du Christ) qui devrait recevoir quelque chose de la grâce de la pureté maternelle (NB 12,229).

 

304. Relations sexuelles d’Adam et Eve après la chute seulement -

Adam n'eut de relations avec Ève qu'après la chute, mais il ne sait pas bien ce qu'il doit faire de son état antérieur. Il ne peut pas se l'expliquer. Était-il renoncement ou non ? La connaissance qui lui manquait était-elle justement de pouvoir avoir des relations ? Ou bien aurait-il pu continuer simplement sans désir ? S'il était resté sans péché, est-ce que Dieu n'aurait pas éveillé tel ou tel désir? (NB 10, n. 2107).

 

305. Après le péché, enfanter dans la douleur et travailler à la sueur de son front -

Peut-on dire d’Adam et Ève qu’ils étaient mariés ? Ils sont simplement des compagnons. À partir de là tout reste ouvert. Il y a un état dans lequel ils se trouvent : ils sont en Dieu et Dieu les a faits ainsi. Puis arrivent la chute et le désordre, ils doivent vivre désormais en conséquence. En tant que pécheurs, ils ne peuvent plus retourner dans l’état où Dieu les avait placés. En tant que pécheurs, Dieu leur donne la tâche d’enfanter des enfants dans la douleur et de travailler à la sueur de leur front (NB 9, n. 1953).

 

306. Avec la chute, les humains deviennent serviteurs des biens créés -

Adam et Ève vivaient dans l'état des vœux parfaits. Ce n'est que lorsqu'ils sont devenus désobéissants qu'ils furent aussi remplis de convoitise et propriétaires, et qu'avec les choses créées d'ici-bas, qui étaient à leur disposition, ils durent se faire des biens. Dans le plan originel de Dieu, les biens ne sont rien de plus que des choses créées qui sont là pour servir l’homme, mais la chute a fait de nous, nolens volens, leurs serviteurs (NB 11,345).

 

307. Le mal, c’est la mort

En créant, le Père produit une vie nouvelle ; à l'homme, qui est son image, Dieu donne son souffle. L'homme est en mesure de transmettre, il peut engendrer une nouvelle vie à partir de la sienne. Après qu'il a péché, c'est une vie qui est marquée par la souillure du péché originel. Puisque ce qui est créé provient de Dieu, il peut lui attribuer la même note qu'à lui-même : c'est bon. Mais le mal s'y ajoute et il est le contraire de la vie en devenir : il est opposé à la vie. Le mal, c'est la mort (NB 5,76).

 

308. A cause du péché, le monde est sombre

(Adrienne en extase). Lors de l'incarnation. Je suis dans la lumière du Père La lumière du Père. C'est la toute grande lumière de Dieu Trinité. Le Père place le monde dans sa lumière et, à cause du péché, ce monde est sombre, il assombrit la lumière de Dieu, l ne laisse pas la lumière le pénétrer. Le Père reprend dans sa main de la poussière dont il a créé Adam. Il regarde la poussière et il regarde la création du monde et les créatures qu'il a formées à partir de la poussière. Et il trouve que tout a été bon. De cette poussière, il aurait pu naître une humanité qui n'aurait pas assombri sa lumière. Dans sa lumière, il regarde la poussière qui est dans sa main, et il demande au Fils de prendre sur lui le péché du monde. Puis le Père prend dans sa main le Fils comme la lumière de sa lumière. Il peut la mettre partout : sa propre lumière est éclairée par la lumière du Fils. Et le Fils prend dans sa main la poussière de la main du Père et la place dans sa propre lumière, il la place aussi dans la lumière du Père et il dit au Père : "Père, ta poussière était bonne, elle s'accordait à cette lumière que tu rayonnes et de laquelle tu m'engendres continuellement". Puis il demande au Père d'être créé comme homme de cette poussière. Le Père prend alors cette poussière en lui et il en fait sa semence. Et le Fils entre avec la poussière dans la semence du Père, il est en même temps semence et poussière. Le Père remet la semence à l'Esprit et l'Esprit souffle où il veut, et il veut souffler vers la Vierge Marie. Marie est toute donnée, elle est couverte de l'ombre de l'Esprit et elle ne met aucune limite ni en son âme, ni en son corps. Elle donne ce qui est découvert comme ce qui est caché, ce qui est en bas comme ce qui est en haut. L'Esprit peut pénétrer en elle au plus profond et l'Esprit enfonce en ses ultimes profondeurs la semence du Père. C'est de cette poussière que le Fils devient homme (NB 5,258-259).

 

309. La création de Dieu devient deux par le péché : le ciel et la terre

Quand Paul est emporté au paradis, il voit les mystères du paradis qui sont en même temps ceux du ciel, les mystères de l'unité de la création de Dieu avant même qu'elle ne devienne deux par le péché : le ciel et la terre (NB 1/1, 259).,0

 

310. La pesanteur du péché originel (NB 11,373).

 

*

 

2. Dieu et l’humanité

 

 

Plan : 1. Le dessein de Dieu2. Dieu aime3. Dieu a besoin d’amour4. L’homme en face de Dieu5. Distance et proximité

1. Le dessein de Dieu

311. Notre existence correspond à un dessein de Dieu

S'il est vrai que le dessein de Dieu est parfait et que, avec notre existence, nous correspondons à un dessein de Dieu, il doit aussi y avoir une perfection qui nous est destinée, une perfection en devenir (parce que nous sommes des êtres en devenir) qui est tellement comprise dans l'être de Dieu qu'elle est suffisante. Comme nous sommes dans la détresse, Dieu nous envoie son Fils, qui reste Dieu tout en étant homme, il lutte avec nos difficultés et en vient à bout, mais il est tellement harcelé que finalement il meurt sur la croix, et pourtant, tant qu'il était homme, il n'a jamais cessé un seul instant d'être parfait (NB 6,105-106).


 

312. Le Fils, médiateur du dessein créateur du Père

Le Fils est médiateur du dessein créateur du Père ; dans son don de lui-même eucharistique, il donne ce dessein à l’Église, l’Église le transmet à chaque croyant dans la communion et chacun doit le transmettre à d'autres selon la loi de la chaîne tout entière dans laquelle il est inséré : l'eucharistie est par elle-même apostolique. La loi de la chaîne est plus ancienne que le dessein apostolique de chaque personne. Ce dessein la marque, mais il ne l'immobilise pas dans un sens limité, car l'ouverture qui se présente à elle est aussi vaste que le dessein de Dieu lui-même : se communiquer au monde par amour. Le Fils est l'eucharistie du Père, c'est pourquoi, à tous ceux qui reçoivent le Fils, il est permis d'entrer eux aussi dans l'eucharistie du Père (NB 6,533).

 

313. Un résumé de tout le dessein de Dieu

Lors de la création, Dieu a séparé le jour de la nuit, il a fait que les jours se suivent, il a organisé le temps selon ce cours et selon le retour des saisons. Ce n'est que lorsque l'homme a péché que ce cours du temps devint de l'éphémère ; l'état antérieur est par suite perdu sans retour, la mort met une fin partout. Pourtant la grâce de Dieu a conféré d'emblée à cet éphémère le caractère d'une espérance par les commencements toujours nouveaux qui se trouvent en lui. Du point de vue de Dieu, une année qui commence est un don fait à l'homme : il a le droit de commencer à nouveau avec l'expérience de ce qui se trouve derrière lui, avec le coup d’œil rétrospectif sur le bon et le mauvais, mais aussi avec la confiance de correspondre mieux, avec la grâce, au dessein divin. Ce qui vient apportera de nouvelles désillusions étant donné que nous ne sommes pas en état de faire quelque chose de parfait ou de faire durer réellement le bien commencé. Mais ce qui vient n'est pas non plus seulement de l'éphémère, de l'imparfait et du caduc, c'est avant tout un temps qui se tient en présence du temps éternel, le temps de l'homme qui se tient devant le temps de Dieu. Ce face-à-face ne délimite pas les deux temps de manière tranchée, ils sont ouverts l'un à l'autre. C'est dans cette ouverture que devient visible le caractère supérieur du temps divin vis-à-vis du monde, de l'éternité sur notre temps, mais aussi la possibilité, pour l'éphémère, de puiser déjà dans les réserves de l'éternel. Dans ces réserves, il n'y a pas seulement ce qui est devenu visible lors de la création du Père (le monde provient de la main de Dieu, l'homme est son image, notre temps s'écoule devant le sien), il est devenu aussi visible que, par l’incarnation du Fils, notre temps est devenu la demeure de Dieu, le temps éternel s'est déversé dans notre temps ; puisque le Fils est retourné au ciel, il a emmené avec lui notre temps dans le temps éternel. Un échange est ainsi préparé ; l'année qui vient, chaque temps futur, a le droit de porter les signes de cet échange. Nous ne connaissons pas l'avenir, mais par les paroles du Seigneur nous savons que Dieu Trinité demeure dans le ciel, nous savons que l'éternité est une super-durée dans laquelle ne se passe que la volonté du Père, qui est aussi la volonté du Fils et de l'Esprit. Ce qui se passe est si énorme que cela dépasse les événements du temps de notre monde et illumine si bien de la lumière éternelle les bonnes dispositions, les débuts prometteurs, l'amour qui voudrait être authentique, que quelque chose de conforme à Dieu peut en résulter. Il serait vain de regarder notre passé d'un œil soucieux (où nous avons tenu bon, où nous n'avons pas tenu bon), de séparer le clair de l'obscur comme le Créateur sépara le jour de la nuit. Notre confiance dans le temps de Dieu qui commence de manière nouvelle doit être beaucoup plus forte que tous nos comptes et nos calculs. Nous avons le droit de regarder brièvement en arrière, d'exprimer notre regret pour ce que nous n'avons pas réalisé devant Dieu, de reconnaître d'un cœur contrit que nous n'avons pas accompli notre tâche. Mais le repentir doit déboucher tout de suite sur une espérance confiante, car il n'y a pas que l'année que Dieu veut nous offrir qui est nouvelle, toujours neuf aussi est son amour pour nous, toujours neuve sa volonté de nous recréer, toujours neuve la pitié qu'il a pour nous. Le neuf signifie l'éternel qui nous est offert de la manière qui est celle de Dieu, avec l'efficacité qui est son fruit, ainsi qu'avec une assurance qu'il introduit lui-même dans notre foi. Le neuf qui s'offre jour après jour, et qui cependant veut être observé particulièrement à l'occasion du changement d'année, voudrait aussi nous renouveler nous-mêmes, non en effaçant ce qui a été, mais en venant à bout du passé de sorte que nous puissions en être libres et cependant enrichis par son expérience, même si elle inclut insuffisance et faute. Nous-mêmes, nous devenons neufs, nous ne sommes plus les mêmes que ceux à qui la grâce s'est offerte il y a un an ou il y a dix ans. A la lumière des expériences faites, nous sommes libres d'accorder à ce qui vient un espace plus important, à discerner plus profondément la valeur de ce qui jusqu'à présent a été refusé, renié ou seulement compris de manière insuffisante ; libres en somme de nous ouvrir totalement à la volonté de Dieu. La nouvelle expérience qui nous atteint est une expérience chrétienne : l'expérience de l'éternel dans l'éphémère, car c'est la dignité de notre temps éphémère d'avoir été le temps de Jésus Christ ; ce temps a été capable de porter sa personne éternelle et d'être formé par les signes de Dieu en lui : ses paroles et ses actes, sa prière et sa souffrance. Capable donc aussi de porter ses saints à qui n'a pas été offert un autre temps qu'à nous et qui ont été capables d'en faire quelque chose d'impérissable devant Dieu. Et ainsi nous devons chercher, nous aussi, à présenter à l'éternel le réceptacle de notre vie de telle sorte qu'il puisse y pénétrer et s'y développer. Il ne suffit pas de contempler l'éternel, ce serait plus ou moins stérile ; il faut oser essayer de saisir l'éternel tel qu'il se donne: comme le levain qui veut lever dans notre farine. Nous le reconnaissons en Dieu qui nous appelle, mais aussi dans notre prochain qui nous appelle également, d'une manière peut-être très maladroite et difficile à comprendre, à plus d'amour, à plus de don de nous-mêmes. Si, au cours du temps, Dieu ne cesse de rendre visible de manière nouvelle l'ouverture sur l'éternel, c'est parce qu'il connaît notre inconstance et la force d'attraction qu'exerce sur nous tout ce qui est frais. Quand il s'agit de la force d'attraction de l'éternel sur l'éphémère, nous devrions comprendre que rien n'est obtenu avec un bref enthousiasme, mais seulement avec une persévérance dans le temps face à l'éternité qui persiste au-delà de tous les temps, une persistance qui devient nécessairement un accueil toujours nouveau de l'éternité dans le temps. Par l'éphémère et par la grâce du retour qui l'habite, notre vie se voit placée dans de nouveaux rapports : nous gagnons une relation vivante à l'ancienne Alliance où la même éternité était présente dans le temps. Nous gagnons une relation plus étroite encore à la nouvelle Alliance, l'autorisation d'y vivre, car ici Dieu est entré dans notre temps et l'a adapté à son éternité. Nous sommes placés au point où se trouvaient les apôtres quand, pour la première fois, ils rencontrèrent cette éternité incarnée. Notre temps nous offre la présence du Seigneur, la victoire de la nouvelle Alliance sur le monde et sur l'ancienne Alliance, la victoire de l'éternel sur l'éphémère, du divin sur l'humain. Même si nous ne le reconnaissons pas, nous vivons quand même à l'intérieur de ce qui est aujourd'hui vainqueur. Et l'année qui commence nous donne la certitude de cette victoire parce que rien n'a été capable de faire sortir de ses gonds le temps que Dieu a institué pour nous, le temps dans lequel Dieu a vécu pour nous. Et ainsi commence en vérité l'année de grâce du Seigneur (NB 10, n. 2177).

 

314. Les desseins du Père lors de la création

"L'intervention" de l'Esprit constitue une sorte de parallèle à la décision du Fils de racheter le monde. La disponibilité de l'Esprit à s'adapter aux exigences du Père en face du péché du monde et à se manifester comme le Père le désire, s'insère en même temps dans l'œuvre du Fils qu'il s'agit d'alléger. Le Fils l'a en quelque sorte plus "belle" que l'Esprit : il va devenir homme et il apprendra ainsi à connaître la nature et le mode de pensée des hommes, leurs désirs, les limites de leur intelligence, leur humeur, les points d'ancrage en eux pour la foi ; en tant qu'homme, il agira sur les hommes, il pourra ainsi planter en eux la semence de Dieu pour qu'elle lève. L'Esprit, lui, ne devient pas homme, il connaît l'existence humaine à partir des desseins du Père lors de la création, il connaît le péché par les effets qu'ils produisent sur le Père. C'est en partant de la différence entre le dessein du Père et l'effet du péché sur lui, qu'il doit voir comment il lui faut organiser son action dans le monde des hommes pour qu'elle soit une aide féconde. Il procède pour ainsi dire d'une manière plus déductive (NB 6,558-559).

 

315. Le dessein du Père quand il créa les hommes

L'enfant (Jésus) remercie le Père pour la grâce de l'incarnation. Il vit dans l'instant permanent de la joie. Il apprend maintenant en lui ce qu'était le dessein du Père quand il créa les hommes. C'est par la pauvreté que la joie d'être un homme parmi les hommes reçoit des contours plus concrets. La mère et l'enfant n'ont besoin de rien d'autre pour leur joie que d'être des humains ensemble en Dieu. La nudité et les privations font ressortir le don du Père. Ils n'ont pas besoin que leurs corps soient autres que ce qu'ils sont, parce que le Père l'a voulu ainsi. La mère est sans souci et sans tristesse : elle a l'enfant et elle l'adore, l'amour est si grand qu'il éclipse tout. C'est une fête de l'amour. Ils sont comme des amoureux qui sont ensemble dans une pauvre cabane, et ils seront ingénieux l'un pour l'autre pour compenser par l'amour réciproque tout ce dont ils doivent être privés (NB 6,160-161).

 

316. L’amour du Père lors de la création

De la même et primaire grâce de Dieu qui coule éternellement surgissent deux choses : la création et l'eucharistie. La source en est l'amour trinitaire avant toute création dans lequel chaque personne divine, dans sa disposition d'amour à l'égard des autres, se donne sans limite et d'une manière incomparable. Ainsi l'amour du Père lors de sa création est également sans limites, il n'est pas réduit à une mesure humaine, ni au temps, ni à l'espace ; et de même que le Créateur ne se dérobe nulle part, de même la créature ne devrait aucunement se détourner non plus. Le plan de la création de Dieu ne doit pas être séparé de son plan d'amour ; l'unité des deux réside dans le fait que l'homme est image de Dieu. Par ses propres forces, l'homme n'est pas en mesure de déchiffrer cette image, mais grâce à elle il se sent interpellé par Dieu, il sait qu'il porte en lui un mystère qui le dépasse et qui met en son être une tension qu'il ne peut pas apaiser ; il n'est pas livré à lui-même mais, avec sa liberté, il doit toujours penser aussi à l'infinité de Dieu : se tourner vers elle ou s'en détourner dans le péché. Il est en outre un être de chair, limité, et il n'est pas en mesure d'ajuster harmonieusement les deux côtés de son être. Il ne saisit donc pas non plus ce que c'est que d'être l'image de Dieu ; à vrai dire elle se trouve non en lui mais en Dieu qui, en le regardant, peut se refléter en lui. C'est pour Dieu qu'il est image, non pour lui, mais il a quand même le pressentiment de ce qu'est cette image, de ce que cela veut dire pour Dieu. C'est pourquoi il devrait seulement chercher à rester tel que Dieu veut le voir, à persévérer dans une réponse aimante à Dieu, qui permet que Dieu se reflète en lui (NB 6,523).

 

317. Le plan de Dieu est de sauver tous les hommes

Si Dieu apportait dans le monde son amour comme un pur feu, il trouverait peut-être quelques rares humains qui ne seraient pas encore totalement endurcis par le péché et qui se livreraient à son feu. Mais son plan est de sauver tous les hommes. Il ne peut pas le faire par la transmission du feu de l'amour d'un homme à un autre ; il doit transformer son feu en souffrance. Mais parce que lui-même est totalement pur et qu'en lui il n'y a rien à consumer, il prend en lui comme combustible le péché du monde et il le consume en lui-même, dans la nature humaine que le Père lui a donnée, et il souffre pour chacun de nous (NB 6,330).

 

318. Les plans de salut de Dieu

Condescendance de Dieu pour l'homme, de l'insertion de l'homme dans les plans de salut de Dieu, de l'habitation de Dieu parmi nous, mais sans dommage pour sa grandeur (NB 2,161).

 

319. Un plan de Dieu sur le monde

Le Fils ne cessait d’accomplir l’œuvre du Père : en tant qu'incarné, en tant que crucifié, en tant que ressuscité. Accomplissement non seulement d'un plan de Dieu sur le monde, mais exactement de la volonté du Père et de l'Esprit Saint par une obéissance donnée (NB 2,164).

 

320. Le plan de Dieu inclut le monde entier, inclura le monde entier et le monde ne pourra plus jamais sortir de ce plan (NB 5,279).

 

321. Le plan éternel de Dieu pour le monde

L'Esprit a l'expérience du monde. Le Fils sait qu'il l'aura en tant qu'homme. Il fera l'expérience du monde pécheur, il sera placé comme un homme sans rien de particulier parmi d'innombrables pécheurs. L'Esprit par contre a l'expérience du monde pour l'adapter à Dieu. Entre ces deux expériences du monde, il n'y a dans un premier temps aucune comparaison possible. C'est comme si Dieu le Père avait besoin des deux dans son plan éternel pour le monde. Sans doute le Père sait-il depuis toujours que l'homme va pécher. Mais depuis toujours il lui laisse pourtant la liberté de ne pas pécher. En laissant le choix à l'homme, il prévoit aussi de toute éternité les deux possibilités. Si l'homme ne pèche pas, l'Esprit de Dieu est prêt à se prodiguer dans la création par une sorte d'eucharistie spirituelle. Si l'homme pèche, c'est le Fils qui est prêt à fournir l'eucharistie de sa chair et de son sang offerts (NB 6,399).

 

322. Le plan de Dieu dure depuis l’éternité

Dès que quelqu’un entre dans l’éternité, il y était déjà éternellement. Il se trouve bien dans le plan de Dieu, il y a son origine, et le plan de Dieu dure depuis l’éternité (NB 9, n. 1714).

 

323. Ce que Dieu a projeté pour son monde

Si nous contemplons Marie dans sa foi aimante, nous nous sentons attirés et pressés de l'imiter pour apprendre par elle à suivre son Fils. Nous entrons alors dans le tout indissoluble que Dieu a projeté pour son monde, et nous y avons part. Tout ce qui forme en quelque sorte une unité - Marie, l’Église, l'humanité - retourne par le Dieu incarné dans l'unité ultime de la vie trinitaire (NB 10, n. 2154).

 

324. Le but originel de Dieu

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église - est clairement destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,546-547).

 

325. L’être humain est intégré dans le « système » de la Trinité

L'être humain aimant – qu'il soit celui dirige ou celui obéit - comprend qu'il a été conçu d'après l'archétype le plus haut et qu'il lui arrive ce qui peut lui arriver de plus grand : il est intégré dans le « système » de la Trinité qui inclut en elle le monde (NB 12,36).

 

326. La volonté du Seigneur est de sauver par l'amour le monde entier (NB 10, n. 2182).

 

327. La volonté du Père et du Fils : le salut de l’humanité

Le Fils a dit : "Père, que ta volonté soit faite, non la mienne". La volonté du Fils et la volonté du Père ne faisaient qu'une volonté. Cette volonté aspirait au salut de l'humanité et voulait le réaliser. Maintenant, ensemble, ils opèrent le salut du monde dans la souffrance : le Fils sur la croix dans l'abandon, le Père dans le ciel avec l'Esprit Saint du Fils dans les mains, il voit le Fils avec les yeux de la lumière et il le voit souffrir et mourir, il le voit au bout de ses forces, livré jusqu'à l'extrême, nu, marqué des stigmates et les traces des coups (NB 5,259).

 

328. Le Père savait que Fils sauverait monde

Le Père a créé le monde et ordonné toutes choses au Christ en la présence de l'Esprit Saint. Au temps également où le Fils n'était que promis, il était déjà présent comme parole de promesse du Père. Dès le début, le Père savait que le Fils sauverait le monde et qu'il offrirait à l’Église sa voie de salut (NB 10, n. 2198).

 

329. La décision de Dieu de nous sauver

La décision de Dieu de nous sauver et l'accroissement de notre péché se superposent sans cesse : sous la garde de Dieu, qui ne veut pas que nous péchions, nous ne cessons de le faire. Nous ne voulons pas ce qu'il veut ; mais nous savons que sa volonté prévaut sur la nôtre. Nous sommes libres mais, avec notre liberté, nous savons très bien que notre liberté devrait se diriger d'après la volonté divine ; nous nous lions dans le péché, mais nous restons conscients que nous aurions la liberté de ne pas pécher. Il s'ensuit une sorte de course entre la volonté salvatrice de Dieu et notre volonté de pécheur. Dans tous nos excès, l'offre de la grâce de Dieu est toujours là parce que le Christ a fondé son Église pour qu'elle ne cesse de présenter cette offre à l'humanité, de lui présenter dans le temps la volonté supra-temporelle de salut de Dieu qui était présente depuis toujours (NB 6,265).

 

330. Le Père et son souci du salut des hommes

Pendant le grand jeûne du Fils dans le désert, le Père lui montre, comme à l'avance et de l'extérieur, les aspects de la passion future. Le Fils ne peut pas se les présenter à lui-même, sinon il prendrait de lui-même ce que seul le Père peut lui imposer. C'est le Père qui montre au Fils la passion, pour le moment dans une sorte de transposition ; il montre la réalité comme en image. Le Fils sait que la réalité viendra, mais il laisse au Père le soin de gérer ce savoir, pas au Père comme à un ami qui voudrait lui épargner toute souffrance, mais au "rôle" du Père : et dans ce "rôle" se trouve son souci du salut des hommes qu'il voit comme Église dans l'œuvre de rédemption du Fils. Il s'agit de l’épouse du Fils et en même temps de la rédemption de sa création paternelle. Ainsi le Père ne peut pas remplir son "rôle" uniquement comme Père éternel du Fils, il doit en même temps le remplir comme Créateur, comme le Dieu de l'ancienne Alliance qui a été offensé et qui, en même temps, a permis que soit lancée la promesse de la rédemption. Le Père ne fait qu'un avec sa création et avec son alliance dans ses exigences vis-à-vis du Fils (NB 6,267-268).

 

 

2. Dieu aime

331. L'amour du Créateur

Le Fils révèle aux siens la décision qui est dans le Père de sauver le monde et de le ramener au Père. L'Esprit l'entend pour ainsi dire, acquiesce, signale que les hommes doivent être ramenés avec toutes les possibilités que le Père leur a données lors de la création. Dans l'amour du Créateur était inclus sa volonté de doter l'homme de tout ce qui était utile à un dialogue avec Dieu. Le péché a rendu ces facultés inutilisables, mais le Seigneur, en s'incarnant, en fera usage à nouveau, et l'Esprit sera le témoin du nouveau dialogue, il sera en même temps le gardien de toutes les possibilités humaines de dialogue imaginées par le Créateur. Car dans le dialogue éternel, le Père, le Fils et l'Esprit ont d'infinies manières d'entretenir des échanges, ce n'est jamais une répétition du même. Entre eux coule la vie, et une vie divine illimitée, qui ne cesse de jaillir, neuve, de la source originaire. C'est à cette source inépuisable que les hommes devraient avoir part, et Dieu leur avait laissé ouverts beaucoup d'accès (NB 6,547).

 

332. Dieu aime les hommes

Dieu aime les hommes parce qu'il les a créés et en justifiant par lui-même la relation d'amour qu'il a avec eux. La raison pour laquelle il les aime est totalement divine, c'est sa propre satisfaction. Et l'amour du Fils pour les hommes provient du ciel ; en venant de là, il l'emmène avec lui comme amour divin. Mais devenu homme, il doit se l'approprier de manière nouvelle. Il doit à présent aimer les hommes comme l'un d'entre eux. Son commandement : "Aime ton prochain comme toi-même" vaut aussi pour lui (NB 6,142).

 

333. Dieu aime tous les hommes (NB 10, n. 2065).

 

334. Dieu aime l'homme depuis toujours

Dieu aime l'homme depuis toujours. Il l'aime pour que l’homme saisisse la foi. En dehors de l'amour de Dieu, l'homme ne peut pas croire. Il ne peut pas non plus y avoir une foi qui n'engendre pas l'amour. Et la foi et l'amour sont fondées sur l'espérance, une espérance qui est toujours comblée en ne cessant d'engendrer la foi et l'amour (NB 2,215).

 

335. Dieu veut toujours montrer aux hommes son amour

Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. Il le fait aussi tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît toute la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession. Il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

336. L’amour de Dieu pour le monde entier

Nous connaissons l'exemple des martyrs qui préfèrent mourir plutôt que de manquer à l'amour. Leur amour est un lointain reflet de l'amour de Dieu pour le monde entier, les martyrs suivent et imitent l'amour qui meurt sur la croix pour tous (NB 5,76-77).

 

337. L’amour de Dieu pour sa créature

Quand je dis : souffrance dans la faiblesse, je ne pense pas à la croix ni au mont des oliviers., c'est plutôt la sourde expérience de sa propre impuissance avec le sens d'une expiation. Peut-être aussi avec le sens d'une punition infligée à tous les hommes pour leur penchant au mal. Seulement le terme punition est presque trop fort. Tout est suggéré de manière plus nuancée, plus légère. Il y a vis-à-vis de l'être humain beaucoup d'égards qui font sentir surtout l'amour de Dieu pour sa créature et justement pour celle qui est malade et faible. Dans l'hébétude aussi, où l'on ne peut ni prier ni méditer comme il faut, l'amour de Dieu est présent comme quelque chose d'infiniment tendre et cependant en même temps rigoureux. On peut être tenu par cet amour de Dieu, se laisser tomber en lui, se remettre entre ses mains sans problème et sans avoir une claire conscience de sa propre situation. On est faible et on sait quand même que tout est comme Dieu le veut (NB 10, n. 2178).

 

338. Le regard d’amour du Père sur le monde

La colère de Dieu devant le péché, avec son caractère absolu, est pour ainsi dire incoercible. Elle est tellement entière, elle est tellement pure essence de colère, qu'il ne semble pas qu'elle puisse être influencée par d'autres propriétés de Dieu. Et pourtant Dieu n'a pas créé le monde dans la colère, et l'homme pourrait contribuer à ce que Dieu regarde sa création avec faveur. C'est dans cette possibilité que le Fils s'engage par son incarnation. Sur lui, le Fils éternel, le regard bienveillant du Père est posé depuis toujours ; il se dépouille de sa divinité et revêt l'humanité mais, par lui, il attire aussi le regard d'amour du Père sur le monde. En se dépouillant, le Fils ici-bas est comme un homme qui vit dans la grâce, dans le bonheur parfait d'être aimé par le Père. Soumis à une loi et à une destinée humaines, il prouve qu'il peut quand même rester totalement dans le Père. C'est presque comme si, par pure joie d'être un homme, il déposait sa divinité auprès du Père, comme si, dans sa condition humaine également, il pouvait sentir avec joie l'amour trinitaire de Dieu et lui répondre (NB 6,311).

 

339. Dieu veut nous accueillir dans son tout

Nous devrions savoir que nous nous trouvons comme de faibles créatures avec notre foi imparfaite, vides de vertus, n'offrant rien à Dieu, devant ce Dieu qui est tout et que nous ne pouvons pas comprendre, savoir aussi que Dieu veut nous accueillir nous aussi dans son tout (NB 3,328).

 

340. Dieu Trinité se penche vers l'homme, vers tous les hommes (NB 2,77).

 

341. Le Seigneur peut se pencher vers moi

Supposons que je suis un "homme moderne", un homme qui vient après Voltaire, sans rapport avec la surnature. Et je me trouve devant le Christ : humainement, il m'a frappé. Sa raison a frappé ma raison, ses talents ont frappé ma manière d'être. A y regarder de plus près, il s'avère que son monde intérieur ne s'accorde pas avec le mien. Je ne peux pas le saisir ; il y a des choses en lui qui n'existent pas en moi. Mais le Seigneur peut aussi se pencher vers moi, l'Esprit peut m'élever jusqu'à lui ; bien sûr, je suis forcé alors de renoncer à mes propres critères. Ce n'est pas moi qui le saisit, c'est lui qui me saisit. Ici, on peut en arriver à une conversion, le même processus intérieur s'est produit déjà pour les apôtres ; sans doute auraient-ils aimé absorber le Seigneur dans leur horizon historique, comme nous-mêmes et tous les siècles avant nous n'avons cessé d'essayer de le faire. Mais le Seigneur ne se laisse pas manipuler par nous et par l'esprit de notre temps, il est de taille à se mesurer à l'esprit de tous les temps. Il ne se penche pas sur le monde d'autrefois autrement que sur le monde d'aujourd'hui. Avec nos manières de penser et nos aspirations, nous ne sommes ni plus près, ni plus loin que n'importe quelle époque. Par lui-même, il recrée toujours distance et proximité sans qu'on puisse affirmer qu'elles auraient changé essentiellement au cours des âges (NB 6,427).

 

342. Le Seigneur élève l'homme à lui en descendant vers lui (NB 11,124).

 

343. Quand maison est prête, le Père s’installe dans la demeure

C'est le propre de l'Esprit de nous fixer des exigences claires, des exigences intellectuelles aussi, alors que dans notre relation avec le Christ tout semble se régler facilement dans son amour qui pardonne. Le Fils semble toujours nous présenter quelque chose de ce qu'il a fait lui-même alors que l'Esprit est très attentif à ce que nous faisons nous-mêmes. Le Fils complète notre faible oui par son oui irréprochable ; l'Esprit tient à ce que notre propre oui soit total. Le Père se tient comme à l'arrière-plan et règle le jeu, dans le chrétien, entre le Fils et l'Esprit ; il nous a créés, le Fils et l'Esprit nous sauvent et nous sanctifient et, finalement, quand tout est achevé et que la maison est prête, le Père s'installe dans la demeure (NB 6,425).

 

344. C’est l’amour trinitaire qui règle l'incarnation du Fils et la rédemption du monde (NB 6,482).

 

345. L’être humain est donné par Dieu au monde sans pour autant être abandonné (NB 12,72).

 

346. Dieu n’a pas créé des êtres qu’il aurait d’emblée voués à la damnation

Un protestant dit à Adrienne : « Au fond, nous sommes tous pécheurs, c’est-à-dire que tous les hommes sont condamnés à l’enfer, sans degrés ni distinctions. Et tous, sans degrés également, sont rachetés par le Seigneur sur la croix. Sans le Seigneur, tous sont soumis à la même justice ; par le Seigneur, tous sont également rachetés ». Mais cette doctrine supprime toute l’œuvre du Seigneur qui consiste à associer l’homme. Elle supprime aussi tout l’Ancien Testament comme si Dieu avait créé des êtres qu’il aurait d’emblée voués à la damnation (NB 4,58-59).

 

347. Il est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu

Tout amour humain peut s'orienter pour la vie éternelle selon l’Église et ses promesses, voir là comment au fond est fait l'amour, non avec une curiosité qui est interdite, ni non plus pour acquérir des connaissances scientifiques, mais dans la simplicité de l'amour qui sait que cet amour est juste. Il sait aussi qu’est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu (NB 12,50).

 

348. Dieu veut nous partager quelque chose de sa plénitude

Dieu ici-bas, en tant que Fils de l'homme et en tant qu'Esprit dans l’Église, se communique à profusion. Ce qui est communiqué provient directement du ciel, c'est ce qui constitue la plénitude de Dieu, ce qui le distingue de nous, ses créatures, dans la perfection de sa vie éternelle, mais qu'il ne veut pas garder pour lui tout seul : il le tient à notre disposition. C'est ainsi que l'Esprit devient ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et qu'il veut partager. Ce n'est jamais la divinité qu'il partage, ce sont ses attributs qui ne perdent rien de leur origine divine en étant transmis. Il est clair par là qu'un homme qui reçoit dignement le don de l'Esprit et le laisse agir ne devient jamais un "homme parfait", mais quelqu'un qui tend à la perfection : les dons ne sont parfaitement réalisés qu'en Dieu ; quand ils sont communiqués, ils ont la propriété de ramener à Dieu. Ils ont en eux le mouvement qui est propre à l'Esprit : il vient de Dieu et il unit à Dieu (NB 6,442).

 

349. Dieu peut donner accès à des vérités divines absolues

Dieu est capable de dilater l'esprit humain et de le rendre capable de choses qui sont surnaturelles. Ainsi un prophète ou un mystique, dans l'extase, peut savoir des choses qui ne sont pas seulement des vérités humaines pieuses, mais des vérités divines absolues. Dieu peut faire que celui qui parle ait une part dans cet acte d'annonce, mais de telle manière que ce qu'il apporte soit dans le pur service de la vérité divine (NB 1/2, 170).

 

350. La lumière de l’être de Dieu dans le monde

En tant que rédempteur, le Fils ramène la création dans sa première lumière, la lumière du Père lors de la création. C'est la lumière originelle que Dieu a donnée à son monde, elle n'est pas à confondre avec la lumière du jour ou de la nuit, c'est la lumière de l'être de Dieu dans le monde (NB 3,241).

 

351. Des paroles éternelles de Dieu dans le temps

Quand l'homme essaie de se représenter comment les choses étaient lors de la création, il y avait en tout cas là une suite avec ses rythmes, la succession du jour et de la nuit ménagée par le crépuscule ; et la suite formait une unité, un tout. Quelque chose que Dieu avait donné à l'homme de manière divine afin que l'homme le lui rende de manière humaine. Et, dans la suite du temps, il est placé quelque chose qui a des effets pour l'orientation de toutes choses vers le Christ. Quelque chose qui a en soi l'authentique possibilité d'être employé dans le dernier plan de Dieu. Dieu lui-même était présent en tout cela comme celui qui séparait en mettant de l'ordre, mais de telle sorte que ce qui avait été séparé n'était pas détaché de lui : il y attestait sa présence ; il mettait ses paroles éternelles dans le temps de telle sorte que le cours du temps reçoive son existence dans la lumière de l'éternel (NB 10, n. 2234).

 

352. N’a de sens que ce qui dure éternellement

D’une prière d’Élisabeth de la Trinité (+1906) : Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit ! Père, si nous avons le droit de t'appeler Père, nous le devons à ton Fils qui s'est abaissé et qui est venu comme homme jusqu'à nous pour nous apporter l'Esprit. En vous révélant à nous comme étant Père et Fils, vous avez créé une relation qui correspond aux relations humaines. Mais vous nous l'avez montrée de telle sorte que jamais une relation terrestre de père et de fils n'atteint ce que vous nous avez révélé, car nous sommes pécheurs. Père, fais-nous oublier que nous sommes pécheurs, fais-nous vivre en ayant le droit d'être près de toi, en ayant le droit d'adorer dans notre méditation tous les mystères de ton être trinitaire, de ton être trinitaire éternel, de ton être trinitaire toujours en devenir. Nous avons appris le mot amour de ton Fils, mais nous nous servons d'un terme que nous ne comprenons pas, que nous ne sommes pas capables de remplir, qui ne reçoit son sens que dans la Trinité du ciel. Car n'a de sens que ce qui dure éternellement (NB 1/1, 491-492).

 

353. Les créatures sont appelées à prendre part au double mouvement éternel

En Dieu, la Trinité des personnes, qui différencie toujours profondément la Trinité tout entière, est une occasion toujours nouvelle de distinction et d'union et, en conséquence aussi, un appel à nous, les créatures, à prendre part à ce double mouvement éternel (NB 5,151).

 

354. Le Seigneur apporte le royaume des cieux dans le temps éphémère

Parce que le Seigneur est Dieu, toutes ses paroles ont le caractère d'être un événement toujours actuel. "Il y eut une fois un homme". Mais cet homme est là maintenant, car la Parole éternelle le met là maintenant. "Je suis la porte". Il n'est pas besoin de beaucoup d'explications pour savoir d'où l'on vient pour entrer, où mène la porte et où elle se trouve. Il est lui-même la Parole qui se réalise. Il suppose une connaissance de soi qui touche ce qui est juste parce qu'il ne cesse de la créer maintenant. Il apporte toujours l'ensemble du royaume des cieux dans le présent du temps éphémère (NB 11,320).

 

355. Le monde entier est attiré dans royaume du Christ

Quand un mystère du Seigneur est célébré dans l’Église (le jour du Christ-Roi), il est aussi communiqué ; qui le médite verra certes avant tout le Roi qui est fêté, mais la fête a quelque chose d'indivis : c'est une fête de l’Époux avec son épouse qu'il mène à la rencontre du Père ; et, avec l’Église, c'est le monde entier qui est attiré dans le royaume du Christ. Son mystère est ainsi un pendant du mystère de la création où tous les êtres ont été créés secrètement pour le Fils ; maintenant le Fils achève ce qui a été commencé en conduisant par lui tous les êtres au Père, afin que la création comme un tout devienne une fête. La somme qui est tirée de la vie du Seigneur rencontre la somme du monde créé : création et rédemption, terre et ciel se rencontrent dans l'unité définitive. Le royaume de ce monde et le royaume des cieux doivent se trouver l'un l'autre ; tout ce que Dieu Trinité a produit à l'extérieur est intégré dans le cercle interne de la vie trinitaire éternelle. C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10, n. 2175).

 

356. Le monde est orienté vers Dieu

Notre relation à Dieu n'est plus celle de l'ancienne Alliance où l'on était encore capable d'arrêter, de mettre un point final ; dans la nouvelle Alliance, aucune mission n'est jamais finie, elle peut tout au plus mal tourner au cas où l'homme s'y refuse. Le fait que le monde ait été orienté vers Dieu par le Christ et par l'Esprit fait espérer recevoir toujours du nouveau à ceux qui croient de manière vivante (NB 10, n. 2116).

 

357. Dieu nous invite chez lui

L'incarnation, la parole devenue chair, la transsubstantiation eucharistique toujours nouvelle nous donnent ce dont nous avons besoin pour aspirer à l'éternité, pour pressentir ce qu'elle est, pour comprendre que Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle mais qu'il nous invite chez lui. Cette participation à Dieu a déjà commencé par l'incarnation si bien que le ciel et la terre sont comme les interlocuteurs d'une conversation qui se déroule dans l'intimité. Dieu parle à la terre, la terre répond ; la parole et la réponse ont leur centre dans l'incarnation du Fils. Ce n'est plus une conversation entre le haut et le bas parce que Dieu, dans le Christ, occupe le centre et réunit le tout (NB 10, n. 2274).

 

358. Dieu veut prendre avec lui tout le monde

On ne peut pas perdre Dieu parce que c'est lui qui nous trouve et pas nous qui le trouvons. Il veut quand même être avec nous tous. Il nous a envoyé son enfant pour montrer qu'il veut prendre avec lui tout le monde, du plus petit enfant au plus grand des hommes (NB 7,71).

 

359. Dieu Trinité s'occupe de l'homme depuis toujours. Paul est le premier qui voit et montre expressément le Dieu Trinité comme tel (NB 2,41).

 

360. L'amour créé est invité à participer à l'amour trinitaire en s'insérant dans l'être divin, non que nous devenions Dieu, mais en accueillant ce que Dieu nous communique de ce qui lui appartient (NB 5,172).

 

361. Les trois personnes sont occupées à combler le monde

Nous sommes trop habitués à imaginer Dieu, dans sa plénitude et dans sa grâce, tourné avant tout vers le monde, et nous oublions alors que cette plénitude et cette grâce s’adressent d’abord à Dieu lui-même, se déversent et se comblent constamment en lui-même. Chacune des trois personnes est constamment occupée à combler : elle comble le ciel, la durée, l’adoration, l’amour, la réciprocité et finalement aussi le monde. Mais que le monde soit comblé n’est qu’une chose parmi d’autres (NB 9, n. 1938).

 

362. C’est au monde entier que se donne le second Adam

Quand Dieu le Père créa Adam, il avait en vue le monde entier. A plus forte raison, le second Adam a-t-il voulu aller chercher l'ensemble du monde. Il n'est pas réduit aux limites des individus, il veut être tout pour tous, et même il le doit, conformément à sa mission et ainsi, quand il s'offre à quelqu'un, c'est au fond au monde entier qu'il se donne (NB 6,500).

 

363. Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils

Il y a une préformation de l’Église lors de la création, étant donné que Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils : elle l’a renié, mais il garde avec elle une infinie patience, il lui envoie toujours de nouveaux messagers qui doivent lui apprendre à devenir une véritable épouse qui ne peut plus faire défection. L’Église est les deux : l’épouse infaillible et celle qui ne cesse de faire défection et qui est dure d’oreille (NB 9, n. 1925).

 

3. Dieu a besoin d’amour

364. Dieu a besoin d’être aimé par l’homme

L'un est devenu ermite en raison d'une connaissance de Dieu, d'un besoin de Dieu, parce qu'il sait que Dieu a besoin d'être aimé par l'homme. Maintenant il rencontre un Dieu qui lui offre des choses qui étaient prêtes avant même que le monde existe. L'amour et la libéralité de Dieu sont si infinis qu'il n'hésite pas à partager à l'homme des trésors qu'il avait pour lui seul avant qu'il fût question d'un monde. Il donne des choses qui étaient prêtes en Dieu pour rattraper le monde avant même que le monde fût. Des choses qui existaient pour le pardon de la faute dans ce qu'il y a en Dieu de plus originaire, avant même la naissance d'un pécheur. C'est pourquoi il faut que l'homme, qui doit apprendre ces choses, disparaisse en quelque sorte afin qu'il soit plongé dans ce qui n'a pas de commencement (NB 5,44).


 

365. Dieu n’a pas encore fait l’expérience de l’amour de la part des hommes

Philippe Neri (+ 1595). Parfois, quand il adore Dieu, il lui semble que c'est comme si Dieu au fond n'avait pas encore fait l'expérience de l'amour de la part des hommes, si ce n'est Dieu le Père par le Fils incarné. Et lui, Philippe, il voudrait donner lui-même à Dieu la joie de l'amour (NB 1/1, 136).

 

366. Alphonse Rodriguez, convers s.j. (+ 1617). Il perçoit le besoin d'amour que ressent Dieu vis-à-vis des hommes (NB 1/1, 151).

 

367. Dieu lui révèle la nécessité pour lui d’être aimé

Madame Guyon (+ 1717). Dieu l'a saisie par un côté singulier en lui révélant la nécessité pour lui d'être aimé. Elle comprenait parfaitement cette nécessité et elle savait qu'elle était appelée à y correspondre (NB 1/1, 191).

 

368. La souffrance de Dieu causée par le péché de ses créatures

Nous n'avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu est immuable et toujours bienheureux et qu'il ne peut être lésé par sa créature. D'autre part il serait pourtant incompréhensible qu'il ne soit pas touché par la faute et par les malheurs de ses propres créatures, lui qui est l'amour infini. Cet amour est le feu que le Fils est venu jeter sur la terre et qui s'est transformé sur la croix en feu de la passion (NB 6,266).

 

4. L’homme en face de Dieu

 

369. L’être humain devant Dieu : comme un enfant devant l’adulte

Origène tient fort à l'idée que Dieu est l'adulte qui possède la pleine connaissance, que l'être humain est celui qui apprend, l'enfant, l'image qui ne cesse de tendre vers l'original (NB 1/1, 392).

 

370. Les hommes devraient se laisser enseigner et remplir par Dieu

Ici-bas les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu (NB 6,311-312).

 

371. Une science exacte des choses de Dieu

Clément d'Alexandrie (+ 217). Il craint que, sans une science exacte, la relation des hommes à Dieu ne devienne floue et que, dans ce flou, Dieu puisse pour ainsi dire disparaître (NB 1/1, 264).

 

372. Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin

La vision de la création que saint Ignace a eue lui montre qu'il y a plus de lumière dans la création qu'on ne le pense généralement. Il a compris que Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin. Cela le console de penser que Dieu lui donnera à lui aussi, sa créature qui cherche à le servir, la lumière nécessaire pour que son chemin soit visible. Ce n'était pas une vision de l’œuvre des six jours, mais une vision de l'attitude de Dieu à l'égard de ses créatures (NB 11,93).

 

373. Tout ce qui appartient à l'homme doit passer en la possession de Dieu… L’Esprit qui se répand à la Pentecôte doit tout emporter avec lui dans son souffle (NB 11,37).

 

374. L'humanité était créée pour vivre dans la paix de Dieu

La caractéristique de la nature humaine telle qu'elle est maintenant a une ambiguïté qui provient du péché. L'humanité était créée pour vivre dans la paix de Dieu, pour servir Dieu dans l'obéissance. Chacun de ses membres avait sa légitimité par le Créateur : il était parfaitement apte à faire la volonté du Père. Et justement parce que tout était si bien inventé dans ses possibilités pour le bien, avec la chute il en résulta autant de dispositions pour le mal (NB 6,150).

 

375. Ce que Dieu Trinité exige de l'homme : l’adoration, la vénération, l'amour (NB 2,132).

 

376. Dieu lui-même contribue de manière décisive à former en l'homme la réponse qu'il attend et dont il a besoin (NB 1/1, 494).

 

377. On est créé pour ce que Dieu veut

On est créé avant tout pour le Bon Dieu et ensuite seulement pour les autres. On est créé pour ce que Dieu veut et non pour ce que je veux (NB 7,241).

 

378. Dieu ne se laisse prendre que par l’amour

Jamais quelqu'un ne s'approchera de Dieu en emmagasinant des mots. Dieu ne se laisse prendre que par l'amour, par l'amour que Dieu donne aux hommes pour prendre l'amour. Pour l'attacher, oui, parfaitement !… Cet amour est capable de prendre Dieu (NB 4,323).

 

379. Se laisser façonner par Dieu

L’être humain serait au plus haut point image de Dieu s'il pouvait se laisser façonner totalement afin d'être en Dieu don réciproque et, d'une certaine manière, ressembler à l'eucharistie divine. Malgré sa corporéité, il se trouverait alors au maximum à la place de l'Esprit Saint dans son souffle qui va et vient entre le Père et le Fils, reconnaissant le Père dans le Fils et le Fils dans le Père. Il s'épancherait lui-même totalement en Dieu comme Dieu s'est donné à lui en tant que Créateur (Père), Rédempteur (Fils) et Sanctificateur (Esprit Saint) (NB 6,522).

 

380. L’homme qui cherche et la réponse de Dieu

Le rapport entre l'homme qui cherche ou frappe à la porte et la réponse de Dieu peut aller jusqu'à une divergence totale. Il s'agit de l'éducation à l'indifférence parfaite (NB 1/2, 280).

 

381. Dieu a besoin de celui qui s'est tourné vers lui pour regagner ceux qui se sont détournés de lui (NB 2,167).

 

382. La relation fondamentale de la créature à Dieu : le oui à Dieu (NB 5,155).

 

383. Il y a bien des choses qui restent justes aussi longtemps qu'elles sont employées par Dieu et qui deviennent fausses quand l'homme les emploient à sa guise (NB 1/2, 100).

 

384. L’amour chrétien : une porte sûre pour rester en contact avec l’amour divin trinitaire

Dieu aime Dieu, car Dieu a Dieu pour prochain ; l’Homme-Dieu aime son compagnon d'humanité, il aime aussi son prochain, mais avec le même amour dont il aime en Dieu le Père et l'Esprit. Dans l'amour humain du Christ, l'amour trinitaire est intact. Pour le croyant, l'amour chrétien est ainsi une porte sûre par laquelle il reste en contact avec l'amour divin trinitaire (NB 6,108).

 

5. Distance et proximité

 

385. La distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 139).

 

386. El Greco (+ 1614). Il connaît la distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 152).

 

387. Joseph Haydn (+ 1809). Quand il augmente sa prière, il voit plus profondément la distance qui existe entre Dieu et l'homme (NB 1/1, 200).

 

388. Dieu sait bien que je ne suis qu'un homme (NB 1/2, 55).

 

389. Distance entre les hommes et Dieu

Duns Scot (+ 1308). Plus il avance dans la vie, plus il voit l'étendue de la distance entre les hommes et Dieu, non parce que Dieu est si grand, mais parce que les hommes sont si pécheurs et si indifférents (NB 1/1, 290).

 

390. Le "déraisonnable de Dieu" doit se révéler dans le raisonnable de l'homme ; celui-ci ne doit pas répondre à la "folie de Dieu" d'une manière folle ; la "folie de Dieu", quand l'homme la perçoit, doit le conduire à la raison (NB 1/2, 24).

 

391. Possibilité pour l’homme de croître vers Dieu

L'homme croyant est l'homme qui est toujours en devenir, qui se tient devant le Dieu toujours plus grand ; mais du fait qu'il est toujours plus grand, Dieu ne lui fait pas seulement sentir la distance, il lui ouvre aussi la possibilité de croître vers lui en un sens humain. Et la croissance s'effectue par les trois vertus théologales que Dieu offre à l'homme pour faire de lui un vrai chrétien (NB 2,215).

 

392. Le Fils et l’Esprit nous donnent l’accès vivant au Père

Il ne suffit pas d'avoir son péché en horreur et de le considérer comme inexistant, on interdirait par là au Fils et à l'Esprit de nous donner l'accès vivant au Père. On doit remplacer le péché par le mouvement qui est voulu par le Père. Bien sûr il ne s'agit pas simplement de transformer sa force orientée vers le péché en force de faire le bien mais, en partant de la connaissance de sa propre force tournée vers le péché, il s'agit de comprendre qu'on doit chercher Dieu le Fils dans l'Esprit Saint de manière plus vivante (NB 6,87-88).

 

393. La communication entre Créateur et créature est valable

Sur la croix, le Fils est abandonné, il ne connaît plus le Père comme il l'avait connu avant ce temps. Il y a une manière de connaître le Père que le Fils a apprise quand il devint homme. Pour montrer au Père que la communication entre le Créateur et la créature est valable et que le Père peut être plus aimé qu'offensé par les hommes, le Fils a voulu acquérir à présent une expérience du Père totalement humaine, et ceci veut dire "aussi" une expérience essentiellement autre que celle du ciel (NB 3,226).

 

394. Dieu lui-même crée la distance entre lui et sa créature

Chaque jour qui se lève rappelle la création, l'intérêt de Dieu pour sa créature, il rappelle en même temps la distance et la proximité entre Dieu et sa créature. Aujourd'hui aussi Dieu est à nouveau là pour nous. Et aujourd'hui aussi Dieu maintient la séparation entre lui et nous. Il y a également la nuit qui empêche l'homme de voir et l'enveloppe dans le sommeil, un espace dans lequel Dieu peut se promener incognito (comme il se promenait le jour au paradis). Il peut certainement se servir aussi du jour pour être plus présent ou plus absent, pour venir quand cela lui plaît. Mais la séparation primaire est quand même celle du jour et de la nuit. Pour la doctrine chrétienne, il faut tenir compte que les deux sont faits dans la bonne création. La nuit n'est pas plus mauvaise que le jour. La distance n'est pas plus mauvaise que la proximité. Ne pas voir n'est pas plus mauvais que de voir. Savoir de manière sensible qu'on est exaucé n'est pas meilleur que de savoir purement objectivement qu'on est exaucé. Comme si le Créateur avait voulu assurer à l'homme la possibilité d'une vue et d'une connaissance de son être de Dieu d'une manière purement objective, indépendante de sa nature humaine déterminée. La nuit, l'homme est fait autrement que le jour : il dort, ou bien il ne voit pas. Certaines choses lui sont retirées la nuit. Ce n'est pas mauvais. Car celui qui ne voit pas dans la nuit est le même qui, dans le jour, voit. Il n'a rien perdu de sa nature. Ainsi Dieu lui a donné avec la nuit quelque chose qui est comme une parabole pour le fait que Dieu lui-même crée la distance entre lui et l'homme (NB 3,205-206).

 

395. Dieu est infiniment élevé au-dessus du monde

L'immutabilité absolue de Dieu, la non-participation du Père à la passion du Fils sont tout à la fois vraies et absurdes. Vraies si on évalue la notion d’immutabilité avec des échelles humaines. Totalement fausses si on réfléchit à la vraie relation de Dieu et du monde: étant donné que Dieu est infiniment élevé au-dessus du monde et en même temps intimement en lui. Et voilà que d'une manière incompréhensible le changement reçoit une place au cœur de l'immutabilité (NB 3,232).

 

396. Proximité sensible de Dieu

Duns Scot (+ 1308). Il sent Dieu très fort. Il le sent constamment et il ne perd pas non plus dans son travail le sentiment de la proximité de Dieu. Quand il écrit quelque chose, quand il développe quelque chose, cela se fait dans une proximité sensible de Dieu ; si ce sentiment de la proximité cessait, son âme serait en quelque sorte paralysée et il serait incapable de continuer à écrire. Son travail est constamment engendré par sa prière (NB 1/1, 290).

 

397. L’humanité reçoit une nouvelle qualité en toute attente qui a Dieu pour but

Marie enceinte. Dieu fait irruption dans notre indignité pour nous apprendre à vivre en l'attendant et nous donner ainsi une dignité. Quand le Fils s'est abaissé à devenir dans le sein de sa mère quelqu'un qui est attendu, l'humanité a reçu une nouvelle qualité qui se trouve en toute attente dont Dieu s'est réservé l'accomplissement et qui peut être alors appelée le fruit de la prière. Car Marie attend ce qui est déjà en elle ; tous ceux qui espèrent chrétiennement attendent ce qui est déjà en eux : la Parole de Dieu qui se fait homme, qui s'accomplit selon sa propre promesse (NB 6,119).

 

398. Dieu peut montrer à l’homme sa transcendance

La lumière que Dieu crée au premier et au quatrième jour est la bonne lumière, celle qui guide, dont nous sommes reconnaissants; elle n'a rien à faire avec le feu. Il n'est question pour le moment ni de justice ni de châtiment. La voix de Dieu, sa présence, ne sont accompagnées d'aucune "liturgie" comme au Sinaï avec des éclairs et de la fumée. Dieu est beaucoup plus proche que là, au sommet de la montagne, il est au milieu des hommes. Ceux qui s'aiment se rencontrent en toute simplicité même si l'un est le supérieur de l'autre. Mais si celui-ci apprend qu'il est devenu indifférent pour son subordonné, lors de leur rencontre suivante, il se comportera autrement. Il en va de même pour une mère avec un enfant désobéissant. C'est quand Dieu doit montrer à l'homme sa transcendance, qu'apparaît alors son feu. Non que Dieu l'aurait gardé secrètement auprès de lui en réserve pour le cas où l'homme se détournerait de lui, il le produit quand il en a besoin (NB 6,315).

 

*

3. Dieu parle 

 

Plan : 1. Dieu se communique2. Dieu parle3. La Parole de Dieu4. Dieu se révèle5. La Révélation et les révélations6. La voix de Dieu

1. Dieu se communique

399. Absolue liberté de Dieu de se communiquer comme il le veut

La mystique de l'ancienne Alliance a quelque chose qui n'est pas compatible désormais avec la mystique de l’Église. Dieu a l'absolue liberté de communiquer, de la manière qui lui plaît et à l'heure qui lui plaît, des mystères qu'il n'avait pas communiqués jusqu'alors. On pourrait essayer de considérer la mystique de l'ancienne Alliance dans ses différentes expressions comme une série d'ébauches destinées à la construction de la future Église. Plus précisément, la mystique vétérotestamentaire a une double signification : elle est parfois offerte pour affermir la confiance en Dieu et donner ainsi un fruit qui revient totalement à Dieu ; il sème quelque chose de mystique et, quand c'est mûr, il récolte une confiance accrue en la puissance de sa direction. Il y a d'autre part dans l'ancienne Alliance des éléments mystiques qui, par avance, renvoient immédiatement à l’Église future. Ils renforcent indirectement l'Alliance existante en incitant davantage les hommes à s'engager et en augmentant les possibilités d'application de la parole de Dieu dont la dernière sera l'incarnation (NB 5,52).

 

400. Dieu est lumière quand il se communique

Didyme l'aveugle (+ 398). Ce qu'il aime surtout en Dieu, c'est qu'il est lumière quand il se communique, il aime beaucoup aussi les relations de Dieu avec les hommes, tous les mystères eucharistiques, compris dans le sens le plus large, et qui débouchent chaque fois dans le commandement de l'amour (NB 1/1, 52).

 

401. Dieu peut communiquer sa présence pleine de grâce -

Pour préciser la situation de Job, on peut non seulement le comparer au chrétien, on doit aussi le comparer directement au Christ. Dans le dépouillement et le désarroi de Job se trouve ébauchée la question de la croix : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais l'autre parole : "Tout est accompli" est recueillie par Dieu lui-même, et Job se trouve apaisé quand Dieu lui rend ses biens terrestres. Pour toute mystique chrétienne, quel que soit le nombre de nuits par lesquelles elle ait dû passer, Dieu récompense dans le sens du Fils, il s'offre lui-même. C'est ainsi qu'il peut s'offrir en toute communion ou dans une vision ou dans une expérience de sa présence. Pour Job par contre, il doit se communiquer - c'est-à-dire il doit communiquer sa présence pleine de grâce - par des choses et des personnes de ce monde. Vis-à-vis des mystiques chrétiens, Dieu s'exprime autrement parce qu'ils participent déjà au mystère de la passion du Fils qui a été consommée, à sa résurrection et à sa transsubstantiation (NB 5,55).

 

402. Dieu est libre de se communiquer de manière mystique

Dieu est libre de se communiquer aussi de manière mystique à un humain avant même qu'il ait reçu le baptême. C'est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, il n'est baptisé qu'après ; dans les Actes des apôtres, d'autres reçoivent l'Esprit Saint comme le signe qu'ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême. Normalement personne ne peut rester mystique à la longue sans désirer le baptême, sans savoir qu'il doit le recevoir. Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s'effectue dans le baptême (NB 5,139).

 

403. Dieu communique avec nous, ses créatures, pour que nous l’aimions

Le Dieu tri-personnel se comporte avec nous comme celui qui communique afin que nous l'aimions avec toute notre personne comme ceux qui reçoivent. Dans son don de lui-même, Dieu nous montre la distinction en lui des personnes afin qu'ainsi nous soyons devant lui des créatures distinctes qui lui correspondent mieux dans leur manière de recevoir (NB 6,97).

 

404. A l'enfant de Lourdes (Bernadette), Dieu peut se communiquer dans une sorte de paix et de plénitude qui ne laisse pas de place à autre chose (NB 2,160).

 

2. Dieu parle

405. Dieu cherche des personnes à qui parler -

Il y a bien des personnes qui un jour ou l'autre ont entendu ou vu quelque chose de Dieu. Elles en ont connaissance comme d'une curiosité en quelque sorte. Il y avait peut-être là-dessous une révélation importante, mais la personne concernée ne s'est pas montrée suffisamment disponible. C'est très souvent la raison pour laquelle elle ne perce pas. Entendre quelque chose de Dieu oblige à se donner soi-même. Si on apprend sans se donner totalement, la fécondité se perd. Il y a naturellement la fausse perception qui ne peut pas non plus percer. Il y a enfin ce que Dieu fait dans tous les cas, que nous entendions ou non : Dieu parle, l'Esprit parle, mais si celui à qui s'adresse la parole se ferme, il ne peut pas entendre justement. Non seulement Dieu cherche des personnes à qui parler, il y a, en plus du fait qu'il a été entendu, tout ce qu'il y a au-delà de sa parole. Beaucoup plus de personnes pourraient entendre si seulement elles le voulaient. C'est un préjugé de penser que très peu de personnes seulement pourraient entendre (NB 5,242).

 

406. Dieu parle et on n’écoute pas

Il y a toutes les personnes qui, dans le cadre d'une révélation qu'elles ont entendue, ne veulent pas continuer. Dieu parle, mais je suis si occupé à parler moi-même, à prendre part à la conversation, à couper la parole, si je n'écoute plus, j'entends tout au plus quelques mots qui manquent alors de cohérence. Si par la suite j'essaie de reconstruire ce que Dieu a dit, cela sonne faux en mettant les choses au mieux. Ou bien on ne laisse pas à Dieu le temps de parler, on lui coupe la parole, on sait mieux que lui comment il doit terminer ses phrases. Il y a dans la mystique toutes les inconvenances que peuvent avoir les hommes dans leurs dialogues (NB 5,242-243).

 

407. Dieu me fait connaître tout ce qui est nécessaire

Je sais que Dieu me fait connaître tout ce qui est nécessaire, ma vie est la plus intéressante possible si c'est Dieu qui l'organise. Sa manière de se faire connaître dans les mystères de l'obéissance n'est jamais le moins du monde ennuyeuse. On peut dire aussi que le savoir d'Adam aurait été une "science" qui se serait insérée dans le monde mystérieux de Dieu. Elle ne devient véritablement intéressante que lorsqu'elle trouve en Dieu sa continuation (NB 6,54-55).

 

408. Laisser Dieu parler

Osuna (+ vers 1540). Il prie avec passion, toujours avec passion, mais de manière très irrégulière. Il prend avec lui toute sa passion dans la prière et alors il n'est plus là que pour Dieu, réellement pour Dieu seulement, il laisse Dieu parler, il laisse Dieu agir et le purifier (NB 1/1, 124).

 

409. Convaincu que Dieu parle de l’au-delà

Richard de Saint-Victor (+ 1173). Il a une vénération infinie pour le monde de l'au-delà ; il est si convaincu que Dieu parle de là qu'un authentique croyant qui s'est libéré du péché pourrait et devrait ici-bas vivre en étant toujours parfaitement abordable par Dieu (NB 1/1,77).

 

3. La Parole de Dieu

410. Tout en restant la Parole du Père, le Seigneur se donne comme Parole à l'humanité (NB 10, n. 2125).

 

411. Une parole de Dieu vivante et personnelle -

Les saints de l'ancienne Alliance sont distingués par des relations directes avec la parole de Dieu. Les apôtres aussi, en tant que saints de la nouvelle Alliance, vivaient en relation avec la Parole incarnée. Nous vivons dans l'espace de l’Église et du mystère eucharistique, et nous oublions que les deux, l’Église et l'eucharistie, non seulement procurent une grâce sanctifiante universelle, mais qu'elles contiennent toujours la parole de Dieu vivante et personnelle. La sainteté dans l’Église n'est jamais possible sans une relation personnelle à la parole personnelle de Dieu à moi (NB 2,27).

 

412. L'efficacité infaillible de la parole de Dieu (NB 6,325).

 

413. Nous sommes chrétiens par la parole de Dieu. Le Christ est la Parole qui fait de nous des chrétiens, et c'est pourquoi il constitue notre langue primitive (NB 6,42).

 

414. Dieu a besoin de gens qui vivent sa parole avec soin (NB 1/2, 92).

 

415. La parole que le Père a inspirée

Quand il sauve, le Seigneur parle de jugement, quand il juge il reste le Sauveur. On voit ceci à la fin du texte de saint Jean : la parole que le Père lui a inspirée, il l'a annoncée, et cette parole et ce commandement du Père s'appellent vie éternelle (NB 6,328).

 

416. Toute parole humaine n'est qu'un balbutiement devant la parole éternelle (NB 3,209).

 

 

4. Dieu se révèle


 

417. La volonté de Dieu de se révéler

On ne peut pas dire que la création en tant qu'acte de Dieu est une affaire naturelle ; car derrière elle se trouve la volonté libre et puissante de Dieu de se révéler lui-même. Dans toute la création - en dehors de l'homme comme en lui-même - cette volonté de Dieu de se faire connaître jusqu'en ses profonds mystères intérieurs apparaît cachée et pourtant évidente. Quand Dieu se révèle à Adam au paradis et plus tard au peuple d'Israël et finalement à tous les hommes dans le Christ, c'est sans doute quelque chose de nouveau, mais ce nouveau aussi correspond à la volonté fondamentale de Dieu, qui est une et la même, de se faire connaître et de se communiquer. Dans ce surnaturel, il y a aussi le naturel étant donné qu'il place les créatures en face de lui afin qu'elles puissent recevoir et porter la révélation qu'il fait de lui-même. Ainsi les deux domaines s'interpénètrent intimement et inséparablement (NB 6,31-32).

 

418. Le Dieu vivant se révèle dans l'histoire d'Israël et dans le Christ

Le scientifique qui se pose la question de l'origine dernière doit accepter qu'il existe une origine au-delà du monde, une origine "divine". Les dieux des païens aussi sont une preuve qu'il existe une connaissance naturelle de Dieu, mais ils révèlent en même temps les impasses où s'engage cette connaissance si elle reste en dehors de la révélation centrale de Dieu. Si la connaissance naturelle de Dieu suffisait, les hommes devraient avoir dès le début un Dieu et une foi. Mais si le Dieu vivant se révèle dans l'histoire d'Israël et dans le Christ et dans toutes les voies du salut qui s'y rattachent, il montre ainsi qu'une révélation "naturelle" ne suffit pas à l'homme. Elle peut être pour la question une première impulsion, une chiquenaude qui met tout en branle ; mais s'il n'y avait rien de plus, l'homme, très vite, mettrait à nouveau à la place de Dieu ses propres images, des images de lui-même, celles qu'il a toujours reconnues comme place de Dieu, c'est-à-dire comme le lieu où lui, l'homme, s'arrête et où Dieu commence. Les idoles sont le signe évident que l'homme sait que Dieu s'est réservé son lieu, mais il sait aussi qu'il est incapable de garder libre pour Dieu cette place. La connaissance naturelle de Dieu peut le conduire jusqu'au point où la connaissance surnaturelle doit commencer si cela doit rester authentique (NB 6,32-33).

 

419. Dieu peut se manifester à nouveau

La vie trinitaire - pas seulement au ciel, mais aussi dans l’Église et dans les saints et dans les croyants, dans la "communion des saints" - est une force de vie capable de faire sauter toutes les limites et toutes les attentes précises ; c'est pourquoi cette substance peut parfois passer par un "hivernage", soit que les péchés des hommes recouvrent la vitalité de la substance, soit que Dieu lui-même, pour des raisons cachées, attende patiemment pour se manifester à nouveau (NB 6,557).

 

420. Dieu est infini et il veut révéler à ceux qui l'aiment des traits toujours nouveaux de son amour (NB 12,106).

 

421. Dieu se sert de tout pour se révéler (NB 10, n. 2135).

 

422. Le Seigneur peut se donner tout d'un coup, révéler quelque chose de son amour pour sa créature (NB 6,353).

 

423. La beauté de l’être humain doit lui révéler Dieu

L'être humain est comme ébloui par la beauté de la forme de l'autre sexe : elle doit lui révéler Dieu. Car la forme n'est pas fermée sur elle-même, elle vient de l'infini et retourne à l'infini dans l'union sexuelle (NB 12,147).

 

424. Dieu se révèle

Saint Basile ressent comme une si grande grâce de pouvoir prier qu'il cherche à maintenir toujours sa prière à la même hauteur. Il est rempli d’un sentiment de vénération parce que Dieu se révèle à lui (NB 1/1, 54).

 

425. Dieu veut lui révéler qu’il est toujours plus

Sainte Hildegarde (+ 1179). Dans ses visions, Dieu veut lui révéler qu'il est toujours-plus : non seulement parce qu'elle a un bon œil pour voir ce qui peut être vu mais parce qu'elle en a encore un meilleur pour ce qui, dans le tableau, dépasse la vision elle-même. C'est pourquoi le fait qu'elle ne puisse pas tout interpréter n'est pas blâmable, c'est une forme particulière de la communication du toujours-plus. Elle doit savoir continuellement que, malgré la complexité de ses visions et malgré son propre manque de simplicité - qui est un reste nécessaire de son esprit scientifique et impliqué par lui - elle n'arrivera jamais à trouver une formule qui serait suffisamment vaste et scientifique pour exprimer la totalité de ce qu'elle a vu (NB 1/1, 75-76).

 

426. Le tourbillon de la Trinité qui se révèle

Louis de Gonzague a été poussé dans le tourbillon de la Trinité qui se révèle ; ce qu'il expérimente, il doit le faire connaître non seulement dans la prière mais dans toute son attitude, et il ne peut le faire autrement que par sa pureté (NB 2,104-105).

 

 

5. La Révélation et les révélations

 

 

427. Le monde de la création est l'arrière-plan du monde de la Révélation (NB 10, n. 2203).

 

428. La Révélation de Dieu : ce qu’il enseigne au monde

La "Révélation" est la vérité de Dieu et ce qu'il enseigne au monde. Elle reste sommaire à bien des égards, elle ne remplit pas tous les coins du domaine spirituel. La "mystique" dans l’Église peut développer bien des points qui à l'origine ne sont qu'esquissés. Le critère principal de son authenticité est qu'elle rende plus vivant le contenu de la Révélation (NB 5,34-35).

 

429. La révélation du ciel à la terre

La présence du fini dans le non fini supprime la ligne de séparation ; pour le chrétien qui connaît la révélation du ciel à la terre, cette suppression s'appelle la grâce. On ne peut pas préciser le lieu où la grâce quitte l'espace céleste pour entrer dans l'espace terrestre. On peut seulement dire : ici la grâce sort de Dieu le Père, ici tel ou tel saint y collabore, ici se trouve l'homme qui la reçoit (NB 6,62).

 

430. La Révélation : une entreprise de Dieu contre le péché

La Révélation est une entreprise de Dieu contre le péché. Dans l'ancienne Alliance, le monde est retenu dans sa chute loin de Dieu et ensuite, dans la nouvelle Alliance, il est ramené au Père par le Christ. Il rattrape la boule qui roulait en suivant les lois de la pesanteur du péché et il la rapporte au Père. La "mystique", et précisément la mystique néotestamentaire, est employée quand le monde - chose curieuse, justement aussi en tant qu’Église - auquel la révélation de Dieu a déjà été adressée fait la tentative d'échapper à nouveau à tout prix aux mains de Dieu. La mystique vétérotestamentaire avant le Christ ne cesse de faire rayonner sur le monde pécheur, surtout sur le peuple élu, une lumière venant du ciel, pour ralentir en quelque sorte sa chute ; pour garder l'image, elle raye la boule qui tombe afin qu'elle puisse être ramassée plus facilement par le Christ : tel est le rôle des voix, des visions, des prophéties (NB 5,71).

 

431. Les modes de révélation du Fils et de l’Esprit

Le Père possède dans sa nature quelque chose qui comporte le renoncement du Fils comme le non-renoncement de l'Esprit. La tension entre le mode de révélation du Fils et celui de l'Esprit, qui proviennent tous deux de la volonté du Père, atteint en lui un équilibre. Les modes de révélation de l'Esprit et du Fils se trouvent dans la volonté du Père. Cette volonté est d'abord comme un désir qui est réalisé et comblé dans les missions, et le Père laisse au Fils et à l'Esprit la joie de réaliser son désir à leur manière particulière et spontanée (NB 6,416).

 

432. La révélation du Christ est au service de la révélation de la Trinité (NB 6,97).

 

433. Penser la révélation divine dans le Christ dans tout son déploiement -

La compréhension humaine n'est pas à la hauteur des attributs de Dieu ; elle ne pense pas la révélation divine dans le Christ dans tout son déploiement (NB 3,231-232).

 

434. Dieu a donné sa Révélation aux prophètes, au Fils, à l’Église

Dieu a donné sa Révélation aux anges, aux prophètes, finalement au Fils et, quand celui-ci a accompli sa mission terrestre, il transmet à l’Église sa parole vivante. Avant le Christ, Dieu a parlé verticalement du ciel , pour la dernière fois à la Mère du Seigneur à Nazareth. Puis vint le Fils et il apporta l’horizontale, et celle-ci continue à vivre dans l’Église. Elle prend dans l’histoire la parole du Seigneur, mais dans l’unité avec l’Esprit qui descend sur elle verticalement si elle lui demeure ouverte (NB 9, n. 1788).

 

435. La splendeur de la Révélation (NB 9, n. 1579).

 

436. Dieu doit mesurer sa Révélation à l’homme

Le Fils doit considérer jusqu'où il peut aller dans la communication de ses forces divines. Dieu ne peut pas se permettre de faire exploser l'être humain avec ses forces divines, il doit mesurer sa Révélation à l'homme (NB 4,404).

 

437. Comprendre la Révélation de Dieu

En ce qui concerne le sens de la vie et le sens de Dieu, beaucoup de liberté est laissée pour les comprendre ou non. On peut considérer des événements en dehors de la foi, et alors on ne comprend rien, on veut aussi alors ne pas comprendre. Si par contre quelqu’un veut comprendre dans la foi, Dieu lui révélera au moins quelque chose du sens. L’humilité de la foi procure deux choses : l’assurance de comprendre quelque chose et l’assurance de ne pas tout comprendre (NB 9, n. 1934).

 

438. Révélation : les concepts n’arrivent jamais à la plénitude de la vérité -

Il va de soi que la Révélation doit être saisie en quelque sorte dans des concepts donnés. Mais ceux-ci ne parviennent jamais cependant à la plénitude de la vérité (NB 4,130).

 

439. Le ciel étoilé : parabole de la Révélation -

Le ciel étoilé paraissait à Ignace être une parabole de la Révélation : une réalité qui se montre, dont on peut comprendre quelque chose et dans laquelle on se heurte pourtant toujours à ce qu'on ne peut plus comprendre et qui est quand même montré aussi dans l'apparition. En chaque étoile, il y a une communication du ciel tout entier (NB 11,57).

 

440. Se tenir prêt pour toute révélation authentique de Dieu par lui-même

Ce qui se passe pour l'adoration et le service de Dieu en raison de la connaissance naturelle qu'on a de lui fait partie d'un ordre provisoire qui n'est pas mauvais en tant que tel. Dans quelle mesure l'homme et son image se projettent dans cette relation est secondaire par rapport au fait premier qu'il en voit les limites et en tient compte aussi longtemps qu'il n'est pas entré en contact avec la révélation plénière. Le mieux qu'il peut faire est de reconnaître que l'image de Dieu qu'il s'est faite est quelque chose qui lui correspond ; en tant que croyant qui en sait si peu sur Dieu, le mieux qu’il peut faire est de se tenir le plus possible ouvert et prêt pour toute révélation authentique de Dieu par lui-même. Il peut acquérir quelque chose de cette attitude en se basant sur sa propre raison. S'il connaît d'autres hommes qu'il respecte et estime, il peut déjà par courtoisie naturelle du cœur, par tolérance et par concession, comprendre que s'ils projettent quelque chose d'eux-mêmes dans leurs différentes représentations de Dieu, lui aussi sans doute se met lui-même dans la sienne si bien que sous ce rapport il n'a sur eux aucun avantage. Mais quand il revient à l'origine de toutes ces images, la pensée qu'il y a autant de divinités qu'il y a d'hommes, ne peut le satisfaire ; quand il voit comment toutes les images ne sont que différentes manières de voir de l'unique impulsion originelle, alors l'idée lui viendra qu'il n'y a sans doute quand même qu'un seul Dieu. Et si, d'une manière ou d'une autre, il entre en contact avec la révélation biblique, il se voit à nouveau confirmé dans cette opinion. Il se peut aussi qu'il reconnaisse comme justes et nécessaires certaines exigences surnaturelles de Dieu à lui adressées qui ne veulent pas cadrer avec son image intellectuelle de Dieu. Il peut finalement faire le pas de la foi chrétienne, mais il reste que les premiers pas sur ce chemin étaient ceux d'une connaissance "naturelle". Dieu a créé des hommes naturels et il les a rendus capables de faire des pas vers lui, qui deviennent une marche avec Dieu et dans la force de Dieu (NB 6,33-34).

 

441. Un instrument à qui la Révélation est montrée

Saint Paul est emporté, entraîné dans l'extase. Mais celle-ci est ensuite tout à fait objective. Elle n'a rien d'extatique si on comprend sous ce terme une agitation quelconque. Autant sa prière habituelle est agitée, autant ses extases sont complètement paisibles. Il n'est plus qu'un instrument tant que la Révélation lui est montrée, il n'est plus que mission et obéissance (NB 1/1, 258).

 

442. La révélation la plus parfaite se fait dans la plus parfaite discrétion (NB 3,90).

 

443. Même la révélation la plus simple doit nous conduire à Dieu

Les oiseaux font quand même partie de la nature de Dieu. Même la révélation la plus simple doit nous conduire à Dieu et nous faire souvenir de lui (NB 4,371).

 

444. Prophètes et mystiques sont requis par Dieu pour remplir une fonction dans la Révélation

Chez les prophètes et les apôtres, il y a le cas extrême où ils sont bousculés par une expérience mystique qui les requiert pour remplir une fonction dans la Révélation. C'est à vrai dire exceptionnel et cela paraît d'une certaine manière "inadmissible" dans la mesure où Dieu semble se jouer de la liberté qu'il a donnée à l'homme. Mais il y a aussi les cas où Dieu tient compte explicitement de cette liberté, par exemple quand il discute avec Moïse de sa mission ou qu'il lutte avec Job à qui il laisse une sorte de responsabilité en face de Dieu. Chez les mystiques chrétiens, le plus souvent, la part de la liberté est d'emblée plus grande. Quand Dieu les touche, ils sont déjà croyants, leur obéissance croyante est dilatée, souvent leur désir d'un meilleur service est comblé (NB 5,35).

 

445. Jean-Baptiste n'a pas eu besoin d'une révélation proprement dite, il n'a reçu qu'une connaissance tout à fait précise de sa vocation (NB 1/2, 38).

 

446. Thérèse de Lisieux vit dans la vérité de la Révélation telle qu'elle lui est donnée sur terre dans la grâce (NB 1/2, 81).

 

447. Les révélations de Dieu

La révélation de Dieu peut être comprise de telle sorte que, dans toute la nature, la question de l'origine est constamment perceptible et s'impose au chercheur. Il pourrait aussi se faire que lorsque l'homme qui s'interroge se heurte à ce commencement qu'il appelle "Dieu", ce soit déjà une réponse à une question précise que Dieu lui a adressée. Il se peut donc que dans cette révélation tout aride de l'origine, qui peut sembler purement scientifique, Dieu ait déjà touché celui qui pose la question d'une étincelle vivante de son être divin réel, de son être spirituel éternel. Il se peut que sous le prétexte et sous le couvert de cette question d'origine, Dieu ait déjà saisi l'homme d'une saisie qui maintenant devrait être appelée nettement surnaturelle. Si auparavant nous appelions "surnaturelle" la connaissance qui requiert la présence de quelque chose au-delà du domaine naturel, la connaissance s'appelle maintenant surnaturelle en un sens beaucoup plus plein : ce quelque chose est un être puissant, libre, vivant, qui se révèle à moi et cherche à me saisir avec ses exigences. Ce qui auparavant, pour la nature de l'esprit qui cherche, pouvait être désigné comme une sorte d'étincelle de surnaturel, devient maintenant une révélation surnaturelle. Mais en toute manifestation de Dieu, il est impossible de séparer nettement nature et surnature. Car les conditions d'apparition de cette première étincelle se trouvent toujours aussi dans la nature des choses et de l'esprit qui cherche ; jusqu'aux révélations de Dieu les plus surnaturelles, jusqu'aux plus hautes visions, demeurent déterminantes aussi en l'homme des conditions créées précises (NB 6,31).

 

448. Dieu offre toujours de nouvelles révélations de son amour

Dieu offre constamment à celui qui est patient de nouvelles révélations de l'amour, qui éveillent en lui un nouvel étonnement : Qu’est-ce que c'est que ça encore ? Ah ! C'est l'amour de Dieu qui est comme ça cette fois-ci ! (NB 12,103).

 

449. Des révélations qui viennent aider

Jeanne d'Arc (+ 1431). La première voix qu'elle a entendue lui reste très exactement présente. A cette époque, elle a dit oui de tout son être et elle voulait obéir totalement. Plus tard, dans les révélations qui viennent l'aider, elle est chaque fois pleine de reconnaissance quand cela se confirme, quand le but est atteint (NB 1/1, 115).

 

450. Le monde de la révélation de Dieu

Louis de Gonzague. Son monde est pour lui tellement le monde de Dieu, de sa révélation et de son amour que Louis a l'impression d'être comme une minuscule pièce de mosaïque dans le monde créé par Dieu et qu'il faut rendre à Dieu. Il voit si nettement la distance entre Dieu et l'homme que son regard se tourne toujours plus vers Dieu pour se laisser conduire par Dieu. Il vit dans l'obéissance et dans le bonheur paisible de celui qui aime et qui est aimé (NB 2,105).

 

6. La voix de Dieu

451. La voix de Dieu qui parle à l’homme

Dans ce qu'il perçoit, le prophète doit apprendre à distinguer dans la foi entre Dieu et l'homme, tout comme le fait un homme ordinaire. Il doit le faire comme ceci : la première chose qu'il perçoit concerne la voix de Dieu qui parle directement à l'homme et qui, dans un deuxième temps pour ainsi dire, permet une conversation des hommes entre eux concernant les sens naturels. Il n'est pas nécessaire que les hommes en soient conscients mais, pour le prophète, cet ordre qui accorde à la parole de Dieu la prééminence absolue est tout à fait évident. La foi n'est pas plus une opinion parmi d'autres, que la voix de Dieu n'en est une parmi d'autres ; au contraire les voix et les opinions humaines sont vraies si elles gardent le sens de la réalité et de la présence de Dieu (NB 5,59).

 

452. Accorder plus d'attention à la voix de Dieu, s'y adapter, l'interpréter, se laisser conduire par elle (NB 5,38).

 

453. Pour Joachim, le père de Marie, il fallait seulement qu'une certaine attention à la voix de Dieu soit atteinte (NB 1/2, 32).

 

454. Écouter la voix de Dieu

Marguerite de Cortone fut transportée dans une vision là où cesse le moi propre, là où n'est plus visible que le toi de Dieu et où, abandonné, sans résistance, on écoute sa voix (NB 1/2, 120).

 

455. Être libre pour entendre la voix de Dieu -

Saint François Jérôme s.j. (+ 1716). Son souci principal, c'est la confession liée à la prière, l'aveu des péchés, afin d'être libre pour entendre la voix de Dieu (NB 1/1, 186).

 

456. Otto (évêque de Bamberg (+ 1139) a besoin de beaucoup de prière pour percevoir la voix de Dieu et ses instructions, et s'y conformer (NB 1/1, 70).

 

457. Percevoir la voix de Dieu

Innocent III (+ 1216). Sa prière n’était pas assez contemplative, c'est-à-dire que lui-même n'était pas assez vide et paisible pour percevoir dans la prière la voix de Dieu (NB 1/1, 80).

 

458. Joseph Haydn (+ 1809). Au fond il ne voudrait qu'une chose : pouvoir interpréter la voix de Dieu dans sa création, dans toute sa relation au monde (NB 1/1, 200).

 

459. Percevoir réellement la voix de Dieu -

Gerson prie beaucoup et avec application, en ce sens qu'il fait attention à être devant Dieu sans entrave, à percevoir réellement la voix de Dieu et à ne pas confondre ses propres désirs avec les plans de Dieu (Nb 1/1, 106).

 

460. Être aux écoutes de la seule voix de Dieu -

Botticelli. Dans son travail, il connaît une ascèse qui constitue une partie de son ascèse personnelle étant donné qu'entre deux il intercale des exercices de pénitence, des jours de silence, des heures de silence, et il se donne ainsi des occasions d'être aux écoutes de la seule voix de Dieu (NB 1/1, 121).

 

461. L’ange qui apporte la voix du Seigneur

Marie de la Visitation (née en 1541 à Lisbonne). Son ange providentiel lui apporte la voix du Seigneur, la voix de l'Esprit Saint (NB 1/1, 147).

 

462. Il lui semble que la voix de Dieu est toute proche -

Shakespeare. Il est convaincu que Dieu requiert absolument quelque chose de lui ; il pense parfois comprendre ce que Dieu exige ; puis il lui semble que la voix de Dieu est toute proche certes, mais que lui-même est si loin que son oreille ne perçoit rien (NB 1/1, 156).

 

463. Marie-Antoinette de Geuser [Consummata] (+ 1918). Réserver de la place pour la voix de Dieu (NB 1/1, 245).

 

464. Percevoir la voix de Dieu

De même que la fiancée se pare pour son prochain mariage, de même qu’on jeûne avant une fête, on se sépare plus à fond du charnel pour mieux percevoir la voix de Dieu parce qu’elle retentit alors dans un espace vide, qu’elle coule dans un vase purifié (NB 8, n. 967).

 

465. Les voix du ciel disent la vérité, mais les hommes sont loin de pouvoir tout interpréter correctement. La vérité est toujours plus riche que notre compréhension (NB 9, n. 1234).

 

466. Pour celui qui a été touché par la voix de Dieu, ses sens n'ont pas perdu leurs capacités, il n'est ni aveugle ni sourd (NB 5,60).

 

466. Ce qui nous empêche d’entendre la voix de Dieu

Pour que nous puissions percevoir la voix de Dieu, il faut que soit enlevé ce qui nous empêche de l’entendre. J’enlève tout, non pour être vertueux, mais pour que Dieu soit libre à mon égard (NB 9, n. 1936).

 

467. Le schizophrène qui entend une voix et l’hagiographe qui entend la voix de Dieu

Souvent le schizophrène et l'inspiré semblent avoir un lien de parenté. Le schizophrène entend une voix qui peut l'inquiéter : elle ne fait pas partie de sa vie ordinaire. Au début, il a peut-être encore assez de force pour s'en défendre et, s'il sait à quoi s'en tenir, comprendre que le phénomène est une maladie. Avec les progrès de la maladie, la voix se fait plus souveraine et l'empêche de mener une vie normale. Le médecin se met à lutter contre la voix et, dans certains cas, le malade se laisse convaincre que la voix n'est pas réelle. Dans d'autres cas, la voix du médecin ne fera plus que le troubler. La juste réaction serait en tout cas qu'il se libère de cette voix. Ce n'est que lorsqu'elle se fait très forte que le malade renonce, dans une sorte de résignation. L'inspiration des hagiographes s'en distingue fondamentalement parce que la voix de Dieu ne s'oppose aucunement à la conscience ordinaire. Il n'en résulte aucun dédoublement. La conscience normale s'adapte à l'inspiration sans cesser d'être normale. Et cela uniquement lorsqu'ils écrivent ou qu'ils travaillent d'une manière ou d'une autre à leur œuvre, autrement non. Au fond, ils ne deviennent conscients de la force de l'Esprit qui les a dirigés qu'à la vue de l'œuvre achevée. Mais alors, vu le résultat, ils sont engagés à suivre le Seigneur de manière nouvelle. De cette manière aussi, ils sont tout le contraire des malades (NB 6,458-459).

 

468. La voix de Dieu et son exigence tombent sur sainte Gertrude avec une force inouïe pour lui montrer l'amour du Christ (NB 2,171).

 

469. Entendre la voix de Dieu

(Novembre 1947, le Père Balthasar) : « J’ai entendu avec une telle clarté la voix de Dieu, qui exigeait de moi quelque chose de précis, que je me rendrais coupable envers Dieu de la plus profonde infidélité si je jouais au sourd. Et ceci même si les conséquences étaient pour moi fort graves et pénibles » (NB 9, n. 1922).

 

 

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4. Le Fils

 

 

 

Plan : 1. Le Fils et le Père2. La décision3. Le Fils devient homme4. Le Fils et l’Écriture5. L’œuvre6. Ramener le monde au Père

1. Le Fils et le Père

470. Le Père n'engendre qu'une fois pour toutes : le Fils. Ni l'Esprit Saint ni la création ne sont "engendrés" (NB 12,21).

 

471. Au ciel, le Fils est toujours engendré par le Père

Ici-bas, le Fils est un homme limité ; au ciel, il est celui qui est toujours engendré par le Père. Et pendant cet événement éternel, l'Esprit procède sans cesse du Père et de lui (NB 6,415) -

 

472. Le Père engendre le Fils comme il crée le monde et l’homme

L'eucharistie instituée par le Fils montre que lui aussi, en Dieu, est caractérisé par l'attitude eucharistique d'une manière particulière. Le Père l'engendre, et l'acte d'engendrement ressemble à l'acte de création par lequel le Père (associé au Fils et à l'Esprit) engendrera le monde et l'homme. Le Fils répond à son engendrement par le Père par un don de lui-même eucharistique. Il était ainsi "prédestiné" en quelque sorte à fonder l'eucharistie pour le monde avec sa personne incarnée. L'Esprit Saint est médiateur et, par sa médiation, il se laisse lui-même devenir médiateur. En Dieu, il est facteur d'échange, il dévoile constamment ce qui en l'homme doit être accessible pour Dieu. Mais il tient caché aussi ce que l'amour veut laisser dans le mystère. Il est celui qui connaît les besoins de Dieu et les réalise (NB 6,525).

 

473. Le Fils : Parole du Père avant que le monde fût

Le Fils est la Parole du Père : en lui Dieu s'exprime. Mais il est aussi la Parole au commencement, longtemps avant que le monde fût, Parole qui fut dite au Père, mais Parole aussi qui ne fut pas dite, parce que Dieu le Père, parce que Dieu Trinité est omniscient. Dans l'ancienne Alliance sont lancées des promesses dont le sens est en partie manifeste, en partie encore caché, parce que leur sens plénier se dévoile seulement lorsque le Fils devenu homme accomplit toutes les promesses. C'est par lui que nous apprenons ce que la parole a voulu dire sur lui. Jusqu'alors elle était plus ou moins voilée, maintenant elle montre ce qui est son cœur. Bien d'autres paroles de l'ancienne Alliance, qui n'étaient pas des promesses, reçoivent aussi leur sens par la vie terrestre du Fils (NB 6,37).

 

474. Le Fils, Parole du Père de toute éternité

Le Fils qui, de toute éternité et pour toute l'éternité, vit avec le Père en tant que Parole du Père ne perd jamais sa propriété d'être Parole. Pour le Père, le Fils est toujours également digne d'être aimé, toujours également important ; entre eux, rien ne s'épuise, rien n'est jamais dépassé, rien de la Parole de Dieu ne perd de sa force. La relation des personnes en Dieu est toujours également comblée, et ainsi la Parole de Dieu, qu'elle soit exprimée ou secrète, est toujours également actuelle, en service, adorante, disponible. Ce service, cette adoration et cette disponibilité sont perceptibles par nous, dans une certaine mesure déterminée par Dieu, même si ce que nous pouvons en saisir débouche sans cesse dans le toujours-plus-grand que nous ne pouvons pas percevoir. Tout est plus grand et, du fait que c'est plus grand, c'est aussi différent. Quand nous disons plus grand, nous pensons, nous, hommes, accroissement de ce que nous pouvons saisir ; en réalité la Parole grandit qualitativement : elle devient autre, elle devient divine, substantiellement insaisissable (NB 6,39).

 

475. Le Père voit dans sa main la poussière dont il a créé le corps de son Fils (NB 5,259).

 

476. Le Père est prêt à accueillir le Fils rejeté par les hommes : comme une nouvelle conception du Fils dans le sein du Père

Marie est médiatrice de l'incarnation du Fils ; elle le conçoit par Dieu, le porte en tant que femme, le met au monde, prend soin de lui ; puis vient l'instant où ce n'est plus à elle seule qu'il est confié, mais à tous les hommes, mais tous le rejettent et le refusent. Le Père cependant se tient prêt pour accueillir à nouveau auprès de lui le Rejeté, le Repoussé, non comme celui qu'il était auparavant, mais comme celui qu'il est maintenant. Cet accueil au ciel est ainsi comme une nouvelle conception du Fils dans le sein du Père qui retrouve celui que le monde a renvoyé. Mais fallait-il que Dieu se résigne à cet échec ? (NB 6,183).

 

477. Le Fils devenu homme : devant Dieu comme Adam avant le péché

En tant qu'homme, le Fils doit agir et souffrir d'une manière analogue à celle d'Adam dans la proximité du Créateur, mais il devait être homme face à Dieu, avec la distance qui sépare Dieu de la créature. Seulement cette distance s'est agrandie par le péché, et le Christ doit compenser cette distance due au péché par une nouvelle forme de distance d'amour (NB 6,196-197).

 

478. Le Fils regarde le Père

Le Fils qui devient homme, homme sans péché, a vécu depuis toujours avec le Père, il l'a aimé et regardé ; le regarder et l'aimer constitue un va-et-vient, mieux un état qui est propre au Dieu trinitaire dans la vie éternelle. Au ciel, lors de sa décision de devenir homme, en regardant du Père, le Fils voit les éléments surnaturels que le Père a mis dans la foi des hommes, et ce qu'un homme peut faire avec cette foi : il peut s'en détourner, se retourner vers elle, la gérer en quelque sorte en dépit du bon sens jusqu'à peut-être lui attribuer tout juste une place à peine suffisante, ou au contraire lui donner une place extraordinairement grande, lui accorder toute la place, ou se dépouiller totalement. C'est ainsi que le Fils examine l'étendue des possibilités humaines, il voit ce que le Père a voulu lors de sa création, ce que l'homme veut en se détournant de lui, ce qu'il essaie de faire en se tournant à nouveau vers lui. Ainsi en qualité de Fils qui regarde le Père, il est témoin de ce que cela signifie de vivre dans la foi en tant qu' homme (NB 6,187-188).

 

479. Le Fils et son amour pour son Père et pour sa création

Le Fils vient nous rendre visite non par amour de lui-même, mais par amour pour son Père et pour sa création qu'il veut lui ramener, et par amour pour l'Esprit : par son incarnation, il prépare la révélation de l'Esprit. Son amour est tellement dénué d'égoïsme que, dès les tout débuts, il ne fait pas seulement participer le Père à son incarnation mais aussi l'Esprit à qui il confie l'œuvre de l'incarnation que l'Esprit couronnera à la Pentecôte (NB 6,109).

 

480. Le Fils aime le Père

Le Fils aime le Père et les hommes : il ne les oppose pas, il les aime dans l'unité. C'est la même source d'amour débordante qui se répand sur les deux. "Père, pardonne-leur" montre cette unité. C'est par amour pour le Père comme pour les hommes qu'il devient homme et c'est à partir de cet autre, dans lequel il incarne constamment sa vérité, qu'il concrétise d'instant en instant son amour aussi bien pour le Père que pour les hommes. Mais cet être autre qu'il est reste aussi, en tant que tel, vivant et jaillissant, il n'y a en lui ni accoutumance, ni affadissement, son être d'homme garde continuellement la fraîcheur de l'instant de son entrée dans le monde des hommes. Il est continuellement fonction de l'amour originel. Il aime activement, son amour actif le fait devenir homme en permanence, le fait rester homme et le fait accomplir la destinée d'un homme qui reste toujours Dieu. Avec cette vitalité originelle qui est toujours la même, il reste toujours tout prêt à faire la volonté du Père (NB 6,534-535).

 

481. Le Fils fait de son corps une réponse d’amour infini au Père

Seul le Fils réussit à accomplir l'image de Dieu en l'homme en faisant aussi de son corps une réponse d'amour à Dieu le Père, et en donnant aux hommes de participer à cette réponse eucharistique qui est rendue possible par l'échange éternel de l'amour trinitaire. Tandis que l'eucharistie du Fils se tourne en quelque sorte vers le corps du croyant, celui-ci perçoit que sa corporéité aussi est un don de l'amour infini du Père lors de la création et que cette corporéité, avec toutes ses limites, il lui est permis de l'intégrer dans la corporéité du Fils qui ne met aucune limite à l'amour de Dieu. Le lieu où est accordé au chrétien l'abolition des limites de sa corporéité, c'est l’Église qui, par l'eucharistie, est intégrée dans le corps du Christ, elle devient même le corps du Christ lui-même (NB 6,523-524).

 

482. Le Fils renvoie à l’amour du Père

Pour les saints thaumaturges authentiques, il y a le fait qu'ils sont en croissance ; le Fils par contre n'est pas en croissance. S'il opérait maintenant lui-même ses propres miracles, son être serait à ces moments-là pour ainsi dire mi-homme et mi-Dieu. Sur le Thabor, il serait plus Dieu qu'homme, sur la croix plus homme que Dieu. C'est cette apparence qu'il veut éviter. Une fois pour toutes, il est qui il est : le Fils du Père, il est devenu homme et, par son être, il renvoie à l'amour du Père. Le miracle majeur qu'il nous apporte est celui de l'amour et de la foi : par sa venue, l'amour et la foi peuvent devenir des miracles manifestes pour la rencontre de l'homme avec le ciel (NB 6,227).

 

483. Le Fils homme : le seul à trouver la pleine réponse du monde à l’amour du Père

La création du Père, qui est advenue par pur amour, portait déjà en elle un élément de sacrifice : elle était une œuvre de don de soi, de don d'amour, car tout don de soi dans l'amour comporte un certain caractère de sacrifice, même s'il n'est pas nécessairement douloureux. Le Fils est le seul qui peut comprendre de quelles profondeurs de l'amour paternel provient l'œuvre de la création. En devenant homme, il est le seul à trouver la pleine réponse du monde à la prodigalité de l'amour du Père : son eucharistie (NB 6, 522-523).

 

484. Le Père traite le Fils devenu homme comme n'importe quel humain qui jeûne et qui prie

Sur la durée de sa vie, le Fils prend un temps humain pour méditer et jeûner dans le désert afin d'être prêt à faire sur la croix la pleine volonté du Père. Pour cela, il ne prend pas ses forces dans le ciel, mais dans ses provisions humaines afin que le Père le traite comme n'importe quel humain qui jeûne et prie pour sa mission (NB 6,139).

 

485. Le Fils souffre pour le Père

Avant l'incarnation, le Fils "souffre" de ce que le Père, atteint par les hommes, souffre de sa création. Mais cette souffrance n'arrive pas dans les ténèbres comme plus tard sur la croix, elle arrive dans la lumière de l'amour. Malgré cela, c'est comme un exercice préparatoire à la passion réelle avec la séparation d'avec le Père. Comme si un amant souffrait tout près de l'aimé au cas où celui-ci permettrait à l'amant de souffrir pour lui, de se laisser infliger une peine à sa place par exemple. Si quelque chose de ce genre se produit dans l'amour réciproque, c'est pour l'aimant une vraie joie, car il ne fait rien plus volontiers que d'épargner une douleur quelconque à l'aimé (NB 3,86).

 

486. Le Père laisse le Fils souffrir

Quand le Fils souffre en tant qu'incarné et que le Père le laisse souffrir, il arrive aux deux quelque chose de tout à fait absolu ; mais le fait que l'Esprit plane et circule entre eux concilie le contraste, il est pour ainsi dire, dans l'amour, un renoncement à l'absolu du point de vue, mais sans le supprimer (NB 3,247).

 

487. Le Seigneur sent son corps comme instrument de souffrance

En entrant en ce monde, le Seigneur sent son corps comme un instrument de souffrance. Le sens dernier de toutes les joies de ce corps est qu'il sera plus sensible à la douleur. Cette douleur dépassera toute mesure corporelle ; à partir du corps, elle est inimaginable. Elle ne s'appuiera plus que sur l'obéissance. Même ce à quoi il fait maintenant le moins attention, ce qui est le plus inconscient, sera dégagé par l'obéissance, et le oui au Père devra être dit dans la douleur, un oui là même où le corps ne suit plus depuis longtemps, ne peut plus réagir activement à ce qui lui est imposé (NB 3,252).

 

488. Le Fils va souffrir

Le Fils est engendré par l'amour du Père. Mais le Père sait de toute éternité que le Fils va souffrir jusqu'à l'abandon du Père. De toute éternité, il a donc plus d'estime pour l'amour que pour la souffrance; la souffrance sera une fonction de l'amour. Et le Père en prend sur lui la responsabilité. Il a engendré le Fils, il l'aime et il partage tout avec lui ; ainsi l'Esprit Saint ne peut procéder que du Père et du Fils tout à la fois. De leur amour toujours plus grand. Ceci est visible dans les liens qui unissent l'Esprit au Père comme au Fils, mais ces liens ne nuisent pas à la singularité des personnes, pas plus dans l'Esprit que dans le Fils. Ces liens du Fils avec le Père, de l'Esprit avec le Père et le Fils dans la singularité des personnes, nous ne pouvons les penser autrement que comme des mouvements. C'est dans ces mouvements qu'est fondée la participation des trois personnes à la naissance du monde. Mais nous ne pouvons nous représenter quelque chose de leur échange personnel qu'à partir des relations d'amour entre humains. C'est au travers des relations d'amour imparfaites entre le moi et le toi que nous prenons connaissance de l'immensité toujours plus grande de l'amour divin. Au ciel, il nous sera permis de vivre immédiatement de cette surabondance de l'amour éternel ; mais ici-bas des approches nous sont données dans l'Eglise, à partir desquelles nous pouvons croître dans l'amour divin avec nos insuffisances (NB 6,92-93).

 

489. Souffrance du Christ et souffrance de la Trinité

Non seulement l’humanité du Christ souffre, mais la Trinité aussi participe à l’abandon. C’est comme si, le vendredi saint, elle était comme détruite. Le Fils est en dépôt auprès du Père (sa divinité est cachée dans le Père, son humanité souffre, abandonnée) et l’Esprit Saint aussi est comme caché dans le Père, mis en dépôt. Le Père ne reste pas impassible, il participe à la souffrance au plus profond. C’est pour lui horrible de voir souffrir le Fils, de le laisser souffrir. Il a reçu la divinité du Fils et il la tient comme un gage. Qu’il le fasse, l’oblige ; il doit persévérer. Et de même que ce fut un cadeau pour lui de recevoir en dépôt la divinité du Fils, il offre de son côté un cadeau au Fils par le fait qu’il agit invisiblement en lui pour creuser davantage sa souffrance, son abandon. Il lui donne la force de sentir sa faiblesse à l’extrême. Il y a entre eux comme des égards réciproques qui les font se retirer davantage chacun dans la souffrance. Par amour réciproque, ils se laissent dans la solitude pour ne pas faire de mal à l’autre par la vue de leur propre souffrance. Souffrir en commun serait pour chacun un soulagement, mais chacun sait que cela aggrave la souffrance de l’autre. Et ainsi ils se retirent et se permettent réciproquement cette solitude. Il en est tellement demandé au Fils qu’il ne voit plus la rédemption. Le Père prend tellement part à la souffrance du Fils qu’il ne comprend plus pour ainsi dire comment il peut dire oui à un tel abandon. Tout cela est sans doute expliqué d’une manière humaine et pourtant c’est plus vrai que si on disait que la divinité ne peut pas souffrir et que le Père, en tant que Dieu, est indifférent à la souffrance du Fils (NB 9, n. 1471).

 

490. Le Père use de rigueur avec son Fils : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

François de Paule (+ 1507). Sa prière part toujours du même point : de la question du Seigneur sur la croix : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Elle est pour lui la preuve que dans le christianisme est nécessaire la plus grande rigueur parce que Dieu le Père use d'une telle rigueur avec le Fils qu'il permet cet abandon. Un abandon dans le sens le plus objectif bien que le Père reste présent. Le devoir de voir noir ce qui est blanc. Et dans cet ultime don du Père au Fils sur cette terre, le Père donne sa perfection à la mission du Fils… François de Paule voit toujours la présence du Père à la croix (NB 1/1, 119-120).

 

491. Le Fils se donne au Père

Le Fils, durant sa vie ici-bas, se donne lui-même au Père et il exige, en tant qu'homme (et Dieu en même temps) , le don d'eux-mêmes de ses disciples, de même que ses paroles révèlent la vie qu'il a en commun avec le Père, mais aussi sa mission telle qu'elle doit être comprise par le monde (NB 11,298-299).

 

492. Le Fils entre dans le monde : joie pour lui de servir le Père

Le Fils n'a pas dit son "Suscipe" (la prière de de saint Ignace) seulement au mont des oliviers, il l’a dit lorsqu'il est entré dans le monde. Pour lui, c'était une joie de servir le Père et, sa vie durant, il n'a cessé de servir joyeusement le Père. Il s'est laissé faire par le Père dans le détail. Quand il fut besoin de tristesse et d'angoisse, il les a assumées, mais il ne les a pas portées avant le temps. Déjà son don de lui-même au Père ne fut pas pour lui une occasion de s'appesantir sur ses états d'âme. La joie correspond à la compréhension de la valeur de l'obéissance, non pour le Fils lui-même, mais pour le Père (NB 11,256-257).

 

493. Le Fils servait le Père en mourant pour nous sur la croix

D’une prière de saint Athanase (+ 373) : Donne-moi seulement l'Esprit de confiance filiale en toi car je sais que, lorsque tu fus persécuté dans ton enfance, tu ne servais pas moins le Père que lorsque tu es mort pour nous sur la croix (NB 1/1, 397-398).

 

494. La croix : don parfait du Fils au Père

Par son incarnation, le Fils lui-même ne fait plus qu'un avec Dieu et avec le monde, son incarnation signifie un accomplissement totalement approprié à son être de Fils. Et justement sa croix sera l'accomplissement de son don parfait de lui-même au Père. Bien qu'il soit éternellement parfait, il a quand même devant les yeux la preuve inouïe de son amour pour le Père qu'il pourra donner sur la croix (NB 6,53).

 

495. Le Fils veut la volonté du Père

Le Fils se trouve comme devant le Père avec la quintessence du péché du monde. En lui, qui veut la volonté du Père, le Père rencontre le refus total des pécheurs (NB 6,230).

 

496. Le Fils devient homme selon volonté du Père et de l’Esprit

Le Fils devient homme : cela correspondait à sa volonté divine qui ne faisait qu'une avec la volonté du Père et de l'Esprit. Mais comme il veut être homme tout à fait, il doit aussi avoir une volonté humaine qui s'adapte et se soumet à la volonté divine (NB 6,153).

 

497. Pour le Fils, faire la volonté du Père, c’est aimer le Père jusqu’à la croix

Dans l'obéissance du Fils jusqu'à la croix, il faut distinguer : c'est sa volonté de faire la volonté du Père, mais le fondement et la source de sa volonté est son amour pour le Père. Il aime tant le Père que tout en lui est amour, y compris son obéissance. Si ici-bas un amoureux fait la volonté de sa bien-aimée, il sent rarement que son obéissance est un fardeau, parce que l'amour a partout le premier rang et on ne peut pas distinguer les différents motifs qui se trouvent en lui. Quand par contre, au mont des oliviers, le Seigneur demande : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne", il laisse apparaître clairement le facteur obéissance dans son amour. Sans doute son obéissance est-elle encore toujours une expression de son amour pour le Père, mais on peut la saisir ici dans sa nudité et dans ce qu'elle a de caractéristique, elle est pour ainsi dire détachée de l'amour qui l'entoure et mise en relief. Ceci est tout simplement nécessaire parce que le Fils veut montrer ce qu'est l'obéissance chrétienne en tant que telle. Il la montre ne faisant qu'un avec l'amour et insérée en lui (NB 6,251).

 

498. Le Fils va toujours faire la volonté du Père

Quand le Fils devient homme, il conclut une sorte d'accord avec le Père : il fera toujours la volonté du Père, il ne commettra pas de péché. Le Père qui, de toute éternité, lui donne de le voir, ne veut pas que cette vision soit interrompue. C'est en regardant le Père que le Fils devient homme, il devient totalement homme, car il veut savoir lui-même par expérience comment l'homme peut vivre avec les éléments de la foi, il veut savoir ce qu'est le don que Dieu Trinité offre à l’homme pour pouvoir vivre avec Dieu. De cette manière, le Fils fait l'expérience lui-même et de la foi et de la vision sans que les deux coïncident nécessairement (NB 6,188).

 

499. La volonté du Père est que le Fils fasse la connaissance de toute l’humanité

La volonté du Père est aussi que le Fils fasse la connaissance de toute l'humanité - non seulement des gens qu'il rencontre par hasard - car il portera le péché de tous et il devra ainsi faire connaissance avec chaque personne (NB 3,348).

 

500. Quand le Fils dit : "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel", toutes les volontés du Père sont incluses dans cette prière (NB 1/1, 345).

 

501. Le Fils et sa vision du Père ici-bas : comme Dieu le veut

La vision du Fils, une fois devenu homme, devient une fonction de sa tâche et donc de son obéissance. Vous pouvez me demander de ne pas voir un objet que je vois pourtant des yeux du corps. Ainsi le Fils ici-bas peut regarder sans voir. Sur la croix ce sera tout à fait clair, car autrement on ne pourrait pas expliquer l'abandon sur la croix. C'est un abandon dans l'obéissance parce que cela correspond à la volonté du Père. Toute vision du Père est écartée. D'une manière générale, ce qui se passe pour le Fils ici-bas, c'est que jamais il ne se permettra de vouloir voir Dieu par lui-même autrement ou plus que ce que Dieu veut. La prière au mont des oliviers nous donne une indication sur les possibilités infiniment variées des relations du Père au Fils et de la volonté du Fils de s'adapter à toutes (NB 6,191-192).

 

502. Le oui du Fils au Père

Le oui de Marie est inclus dans le oui du Fils au Père et à sa mission dans le monde ; ainsi tout retourne à la volonté originaire du Père d'engendrer le Fils. Aucun oui, aucune parole ne peut être irresponsable d'un point de vue chrétien, parce qu'ils sont toujours inclus dans la responsabilité que le Père assume quand il engendre le Fils et que la Mère assume plus tard quand elle dit oui à tout ce qui va venir (NB 10, n. 2109).

 

503. L’obéissance du Fils : révélation de sa relation éternelle au Père

C'est par le oui de sa mère que le Fils devient un homme obéissant. Il y a ainsi un point de départ à un double point de vue : le Fils de l'homme obéit au Père, la mère obéit au Fils, et toute nouvelle obéissance prend son point de départ dans cette double forme où le Fils sert de médiateur entre l'être humain (la mère) et Dieu (le Père). Cette obéissance est tout à la fois le principe de la rédemption et l'exemple que le Fils donne à ceux qui doivent être sauvés : ainsi, pour le Fils, l'obéissance est la formule. Car elle est d'une part la révélation de sa relation éternelle au Père sous sa forme humaine. Il a manifestement commencé son chemin d'obéissance en le mettant aussi d'emblée dans sa mère, il nous a donc appris et indiqué notre chemin par elle comme par lui-même (NB 11,22-23).

 

504. Le Fils homme et son obéissance au Père

Quand le Fils est homme, il grandit continuellement dans la « connaissance » du Père en obéissant, il y grandit également par l’expérience de la croix (NB 4,93).

 

505. L'obéissance est que le Fils aille dans le monde

L'obéissance dit oui à l'humiliation, mais on ne peut pas dire que l'humiliation soit une conséquence de l'obéissance. Les deux ne sont pas identiques. L'obéissance est un acte. L'humiliation est un état, quelque chose qui est subi. L'obéissance est que le Fils aille dans le monde. L'humiliation est qu'il remet au Père tout le déroulement de la passion. Mais dans la mesure où l'obéissance inclut un don de soi qui ne veut pas et ne peut pas se dérober, il y a dans l'obéissance une inclination à l'humiliation. Un obéissant sans cette inclination pourrait toujours encore se dire : "Je ferai tout ce qui est exigé, mais cela ne me concerne pas intérieurement" (NB 1/2, 109).

 

506. Le Fils obéit au Père

Le Père laisse le Fils aller dans le monde comme le premier homme qui sera parfait. Il lui donne l'Esprit Saint comme règle pour ainsi dire sur son chemin. Parce qu'il est le Fils et parce qu'il est parfait, le Fils ne manque pas d'obéir au Père directement. Mais cette obéissance "sans intermédiaire" ne fait toujours qu'un avec la règle de l'Esprit qui lui a été donnée. Dans la perfection de Dieu, aucune espèce de divergence n'est possible entre la règle (de l'Esprit) et la volonté de Dieu (du Père) (NB 6,407).

 

507. Le Fils devenu homme donne au Père une réponse parfaite

Le Fils aime le monde depuis toujours : il est l'œuvre du Père et son amour se reflète dans ses créatures. Le Fils voit cet amour en chaque homme, mais il doit voir aussi en chacun le pécheur qui offense le Père. Ce qui blesse le Père, le Fils doit l'enlever du monde, l'expédier hors du monde au sens propre ; le monde ne doit pas seulement refléter l'amour du Père, mais aussi lui répondre de l'intérieur. En devenant homme, le Fils se présentera au Père comme un homme divin qui donne une réponse parfaite (NB 6,474-475).

 

508. Le Fils révèle sa relation au Père comme absolument unique

Le Fils fut obéissant au Père jusqu'à la mort. Il révèle par là une relation au Père qui allait beaucoup plus loin que ce qu'on peut imaginer, qui était beaucoup plus unique, beaucoup plus radicale. On peut chercher à imaginer l'obéissance du Fils comme ayant des limites humaines, elle devient alors apparemment plus concrète, plus imitable. Mais nulle part on ne peut constater ces limites, son obéissance prend toute sa personne, toute son existence terrestre, y compris sa mort ; elle est entraînée dans l'immense, dans l'infini (NB 11,247).

 

509. Le Père laisse faire le Fils jusqu’à l’extrême

Ses biens spirituels aussi, le Fils les met en dépôt auprès du Père : il renonce à connaître l'heure. Il a offert au Père sa "mémoire", il lui a demandé de prendre ce savoir qui était le sien pour être mieux homme et plus complètement. Il s'est pour ainsi dire réduit pour être véritablement un homme. Et ce n'est pas qu'il aurait conscience que tout cela n'est qu'une plaisanterie, car il pourrait toujours retrouver sa vision du Père et son savoir divin. Sans doute le pourrait-il, de même que des légions d'anges pourraient le servir s'il le demandait au Père. Mais la possibilité de pouvoir le faire, il l'a offerte aussi au Père. Celui-ci répond à tout l'amour du Fils en l'acceptant, dans le même acte. Le Père non plus ne fait pas "comme si", il le fait avec le même sérieux que le Fils ; pour celui-ci, la kénose est si sérieuse parce que son amour pour le Père l'est aussi. Une part de la prodigalité de l'amour du Père consiste dans le fait qu'il laisse faire le Fils jusqu'à l'extrême. L'enfant qui veut jouer cache sa tête dans ses bras et il pense être invisible : "Cherche-moi !" L'adulte qui joue avec lui ne va pas aller tout droit à l'enfant, mais il ira ça et là pour ainsi dire "désespérément" et il demandera : "Où donc peut bien se trouver la petite Charlotte ?" C'est un jeu entre humains. Mais il peut servir pour montrer le sérieux absolu qui existe entre le Père et le Fils parce que c'est quelque chose qui se passe dans l'amour, ce n'est pas un mensonge. Ou bien c'est un ami qui ne peut plus guère supporter une expérience douloureuse de son ami et qui pourtant ne s'en mêle pas et n'y met pas un terme par la force, il patiente. C'est ainsi qu'une mère prendra part à toute la souffrance de son enfant mais, pour de bonnes raisons, elle n'empêche pas l'enfant de la ressentir. C'est ainsi que le Père du ciel patiente aussi pendant les souffrances de son Fils (NB 11,21-22).

 

510. Le Père se laisse conduire par le Fils

Il arrive que Dieu se laisse conduire par le Fils : le Fils a conduit le Père jusqu'au point de son incarnation, de sa croix et de son sacrifice. Humainement parlant, malgré leur omniscience, le Père et le Fils ont d'abord la liberté de se parler. Et si le Fils est alors davantage celui qui conduit, il est quand même prêt d'avance à entreprendre tout ce qui lui est demandé, "avant" même que le Père précise de quoi il s'agit. Le Père a engendré le Fils de tout temps de telle sorte qu'il puisse devenir homme. Mais cela reste pour ainsi dire un secret, "intangible", jusqu'au moment où le Fils, dans sa disponibilité, demande au Père la mission, et où le Père se laisse conduire jusqu'au point où il enverra le Fils. Cette manière qu'a le Fils de conduire le Père est incluse profondément dans la prière du Fils : "Que ta volonté soit faite". Cela veut dire seulement : "Si tu me prends totalement, tu dois savoir ce qu'est ma volonté : faire ta volonté en ce qui concerne le monde ; laisse-toi inciter à me commander. Finalement, Père, c'est de toi que j'ai ma volonté, de toi et avec toi" (NB 10, n. 2337).

 

511. Le Père envoie son Fils dans le monde. Mais l‘Esprit se tient derrière le Fils comme celui qui rend possible sa mission (NB 6,182-183).

 

512. Le Père et l’Esprit ont accompagné le Fils dans le monde (NB 9, n. 1635).

 

513. Le Père nous offre son Fils de la même manière à tout instant de notre vie

Le Père nous offre son Fils de la même manière à tout instant de notre vie, parce que tout dans le Fils tend vers le centre : le Père et Dieu Trinité ; aucune de ses paroles est moins importante qu’une autre, si bien que nous devrions aimer tout autant les deux côtés de la parole de Dieu : autorisation et interdiction, joie et souffrance, Noël et la croix (NB 4,163).

 

514. Le Fils et l'Esprit : don aimant du Père au monde (NB 1/1, 79).

 

515. Le Père voit qu’il y a dans le monde quelque chose du Fils

Si le monde s'éloigne du Père, le Père voit quand même dans le monde quelque chose du Fils et il est enclin à pardonner de sorte qu'il puisse un jour envoyer son Fils pour reprendre avec lui dans le ciel ce qui lui appartient déjà (NB 1/2, 111).

 

516. Les paroles prophétiques du Fils : il les reçoit du Père

Quand il arrivera au Fils de dire des paroles prophétiques, ce seront des prophéties du Père dans quelqu'un qui est purement humain, et ce seront des prophéties du Fils seulement dans la mesure où, selon sa mission, il les reçoit du Père et non en s'appuyant sur sa propre omniscience (NB 6,134).

 

517. Les miracles du Fils sont opérés par le Père

Quand Dieu opère aujourd'hui un miracle ici-bas, on ne peut pas dire si c'est le Père, le Fils ou l'Esprit qui l'opère. Mais tant que le Fils vit ici-bas, nous savons que ce sont le Père et l'Esprit qui opèrent les miracles du Fils (NB 6,134).

 

518. Le Père a créé aussi tel homme qui fait du mal au Fils devenu homme

Le Fils devenu homme fera toujours plus l'expérience que tel homme, son prochain, lui fait du mal, mais cela augmente son amour pour le Père ; il doit aimer d'autant plus le Père qu'il a créé aussi cet homme (NB 6,214).

 

519. Prière du Fils au Père : Ta grâce est plus grande que tout péché

Il y a quelque chose de touchant dans le fait que le Fils meurt après avoir rendu l’Esprit au Père, dans une offrande de lui-même où il inclut sa mère en la renvoyant. C’est comme s’il disait maintenant au Père : "Regarde, nous sommes tes humains. C'est ainsi que tu as voulu Adam et Ève. Ta grâce est plus grande que tout péché, que tout notre péché d'humains... Tu es tellement dans le monde qu'en regardant les hommes tu peux découvrir partout ta grâce malgré le péché et là même où les hommes se détournent de toi. Même si l’Esprit est renvoyé, la force de la rédemption est si grande en toi qu’elle appartient aussi à l’homme qui reste". Ceci aussi est une raison pour laquelle Marie est corédemptrice (NB 1/2, 184).

 

520. Le Fils devenu homme veut montrer au Père que sa création était bonne

Le Fils garde la vision constante du Père, mais avec une distance vis-à-vis du Père qui reste toujours une distance vivante intégrant les autres distances. Ensuite les variations de la vision vont jusqu'à l'absence totale de vision, très loin de ce que signifiait la vision au ciel ou au paradis. Au paradis, la vision dépendait totalement du bon vouloir du Père : il se révélait à l'heure qui lui plaisait. Au ciel, la vision est ininterrompue, elle n'est pas liée à des événements comme dans le paradis terrestre. Au Fils devenu homme est confiée aussi, à l'intérieur de sa vision "éternelle", la possibilité de la vision "paradisiaque" marquée par des événements. Par le Père, la vision est à la disposition du Fils, il peut décider de s’en servir quand il veut, mais il s'en sert selon les besoins de sa mission et non selon son amour personnel. Comme, en tant qu'homme, il veut montrer au Père que sa création était bonne, il assume aussi la possibilité paradisiaque sans vouloir être avantagé par rapport à Adam. Il ne veut pas non plus être Sauveur tout seul, mais seulement en contact permanent avec le Père ; c'est pourquoi, dans la troisième distance, il ne renonce pas totalement à la deuxième. Néanmoins la troisième distance est la mesure décisive de l'emploi de la deuxième : le renoncement, en tant qu'expiation et ascèse, a le dernier mot (NB 6,199-200).

 

521. Le Fils devenu homme veut montrer au Père ce qu’est l’homme parfait

Le Fils veut montrer au Père ce qu'est l'homme parfait qui correspond totalement à l'attente du Père. C'est ainsi qu'il s'applique à se familiariser toujours davantage à l'humain, à ne pas dire seulement au Père : "Ton humanité est redevenue bonne car je l'ai rachetée", mais aussi : "Vois comme était parfaite l'œuvre qu'au commencement tu as conçue et créée. Ne suis-je pas tel que tu avais désiré l'homme ?" C'est donc sur son humanité que l'accent est mis et non sur les privilèges d'Homme-Dieu (NB 6,156).

 

2. La décision

 

522. Le Fils s'en remet au Père et à l'Esprit pour sa décision de sauver le monde

La nuit du Christ est l'état qui relie à la résurrection l'heure où il a porté sur la croix le péché du monde et où il a sombré en lui. Les "trois jours" d'obscurité sont un mystère de non-vision, un temps où le Christ est banni de tout le passé et où il est séparé de tout ce qui va venir. Ils sont le point le plus bas, une fin, une totale désorientation, un abandon du chemin parcouru jusqu'à présent et, sans qu'ils le sachent, ils libèrent le chemin à venir. On ne peut situer ce point sur aucun plan, mais il existe ; les deux fins de la vie du Seigneur, il les relie pour en faire une unité qui n'est connue que du Père seul. C'est ici que le Père rassemble, relie, rattache les deux fins l'une à l'autre. Il le fait, rempli de respect pour son divin Fils qui a donné tout son amour et qui n'a plus son amour que dans le Père et l'Esprit, qui le gèrent pour ainsi dire maintenant de même qu'ils avaient géré sa vie humaine lorsque la Mère fut couverte de l'ombre de l'Esprit. Là déjà, dans le sein de sa mère, les deux fins furent nouées : l'existence du Fils dans le ciel et son existence sur la terre, pour former une unité dont Dieu seul peut disposer ; et le Fils, qui a part à l'échange trinitaire, s'en remet au Père et à l'Esprit pour sa décision de sauver le monde afin qu'ils le laissent devenir homme (NB 5,113-114).

 

523. Le Fils s’offre pour que Père puisse l’envoyer

Le Fils va prendre sur lui toute l’humiliation qui lui viendra des hommes afin que les ténèbres du monde deviennent la lumière de Dieu le Fils. Le Fils s'offre d'abord afin que le Père puisse l'envoyer. Le Fils doit être prêt au sacrifice avant que le Père puisse l'envoyer (NB 1/2, 108).

 

524. Le Fils demande au Père de pouvoir entreprendre la mission de sauver monde

L'Homme-Dieu regarde toujours vers le Père ; c'est en voyant le Père qu'il ressent l'effet du péché sur le cœur du Père et qu'il demande au Père de pouvoir entreprendre la mission de sauver le monde (NB 6,43).

 

525. Le Fils vient dans monde pour obéir au Père

Quand le Fils vient dans le monde en obéissant au Père, il commence une tâche qui est visible pour lui, mais dans le cadre d'une obéissance qui ne lui fait pas prendre du Père plus que ce que le Père chaque fois lui donne, l'heure reste dans le mystère du Père (NB 2,218).

 

526. Si Dieu a laissé son Fils devenir homme, il a montré aussi par là l'évidence de l'existence du moi en Dieu (NB 1/2, 95).

 

527. Le Fils accepte sa mission 

Dans l'acte où il est engendré, il n'y a pas pour le Fils de vision de l'enfer. Il n'en prend connaissance que le samedi saint. Mais l'acte d'acceptation de sa mission est en même temps l'acte de son don de lui-même au Père qui va au-delà de ce qu'il comprend (si l'on peut dire), dans une action qui n’en finit pas et dont le Père est sûr d'avance. Ce n'est que lorsque cette distance entre le Père et le Fils se fait jour (elle s'exprime quand il dit : "Non ma volonté mais la tienne") que le don de lui-même du Fils se perçoit le mieux. Cela vaut dès l'instant où le Fils accepte sa mission dans le ciel pour le destin du monde entier et sa rédemption (NB 3,274-275).

 

528. Le Fils prend la décision de devenir homme

Quand, au ciel, le Fils prit la décision de devenir homme, il n'avait pas encore fait l'expérience du temps qui passe ni de la nuit des enfers. A bien des égards son existence humaine ici-bas apparaît comme un exercice préparatoire à la grande nuit ; c'est un bref apprentissage de la nuit qui passe pour sombrer ensuite dans la nuit continuelle des enfers. La décision fut prise dans la lumière, dans l'espace de l'amour trinitaire éternel ; mais maintenant la nuit est si épaisse et si fermement encadrée que rien en elle ne pénètre de cette lumière de l'amour. L'abandon de la croix débouche dans la solitude infinie de la nuit aucune parole n'est plus possible ; rien ne nous parvient de ce qui a pu se passer entre le Père et le Fils. Ce n'est pas le silence bienheureux de la parfaite compréhension mutuelle, c'est le silence de la nuit définitive (NB 5,128-129).

 

529. Le Fils veut devenir homme

Le Fils veut devenir homme pour être ici-bas aussi le Fils du Père, comme les autres hommes sont ses enfants. Cette volonté est en rapport intime avec sa propriété de Fils et la révèle. L'Esprit collabore à l'œuvre du Père et du Fils en couvrant la Vierge de son ombre ; il est ici nettement en évidence, ce qui montre sa liberté et sa responsabilité, et cependant il reste pleinement uni au Père et au Fils. Il se substitue d'une certaine manière au Père dans ce nouvel engendrement du Fils (NB 6,82).

 

530. Dieu Trinité a décidé de laisser le Fils devenir homme

Dieu Trinité a décidé de laisser le Fils devenir homme sans nuire à l’intégrité de la Trinité. Vraiment homme, il restera vraiment Dieu, il vivra dans la vision du Père et sous la conduite de l'Esprit Saint (NB 5,174-175). (Note. Une autre version de ce passage, avec quelques variantes, se trouve dans NB 10, n. 2318.- Deux transcriptions différentes d'une même sténo ?- NB 10 aide parfois à comprendre NB 5. - Étudier un jour de près ces deux versions, fort différentes quand même, avec parfois des ajouts de HUvB peut-être qui ne se trouvent que d'un côté).

 

531. Dieu Trinité condescend à envoyer le Fils

Saint Anselme est subjugué par le fait que Dieu Trinité condescend à envoyer le Fils et que le Fils qui a été envoyé reste continuellement devant Dieu Trinité et que, dans la fidélité et l'obéissance, il fait exactement, à tout instant même le plus petit, ce que veut le Père. Le Fils, Maître et Seigneur, est aussi serviteur. Cette conscience de Jésus Christ le bouleverse profondément. Cela le touche personnellement ; en tout acte de foi et en toute prière, il devient serviteur et mandataire, ce n'est pas une grâce pour lui tout seul, mais pour les hommes ; le Christ lui révèle son mystère uniquement pour que lui, Anselme, contribue aussi à le révéler ; il est travaillé pour qu'il travaille à son tour ; il lui est permis de croire pour que les autres arrivent à la foi (NB 2,176).

 

532. Le Fils est ici-bas l'envoyé de Dieu Trinité. Avec son amour, il apporte aussi celui du Père et de l'Esprit, il le partage également à ceux qui croient en lui de sorte qu’ils sont rendus capables, par le Fils, d'aimer avec lui le Père et l'Esprit (NB 6,114).

 

533. Le plan du Père est d'envoyer son Fils sur la terre. Et son Fils se tient à sa disposition (NB 10, n. 2080).

 

534. Le Père envoie son Fils dans monde

Le Père sait que, lorsqu'il envoie son Fils dans le monde, le Fils se prodiguera de manière eucharistique. En faisant procéder l'Esprit de lui et du Fils, il esquisse dans la vie éternelle l'eucharistie du Fils. Le Père et le Fils doivent s'aimer dans la prodigalité et la fécondité. En Dieu, il n'y a pas de simples protestations d'amour, il n'y a que la substance vivante et le résultat de l'amour parce que le Fils participe à la procession de l'Esprit Saint. Mais comme en Dieu il n'y a pas de traitement de faveur accordé à une personne, l'Esprit participe au devenir et à la naissance du Fils ici-bas (NB 6,89).

 

535. Le Père envoie son Fils à l’humanité égarée

Il se produit cette chose prodigieuse que Dieu le Père, dans son amour, envoie son Fils à l'humanité égarée. Le Fils devient un homme qui ne peut décevoir le Père, qui n'interrompt pas la circulation de l'amour, que le Père reconnaît comme son Fils divin parce qu'il ne vit que dans l'amour. C'est ainsi que le Fils crée ici-bas une image, une expression, une extrapolation de la Trinité ; il vit d'une manière totalement trinitaire bien qu'il soit homme parmi les hommes, il exprime pour nous avec toute son existence ce qui est trinitaire, il le vit devant nous, il le représente, le réalise au sein de la création. Il donne toujours une solution trinitaire aux problèmes des hommes concernant la lutte contre le mal, la rédemption du monde (NB 6,98).

 

536. La rencontre entre le Fils et le Père dans la nuit du samedi saint

Ce qui s'est passé dans le silence entre le Père et le Fils en un lieu qui n'est ni le ciel ni la terre, mais un non-lieu que nous appelons les enfers, où ne pénètre aucun rayon du jour, est ce qui est le plus essentiel de tous les mystères qui nous ont été révélés de la rencontre entre le Fils et le Père. Pour le Fils, c'est en quelque sorte une vision supérieure dans laquelle toute vision est abandonnée au Père seul (NB 5,118).

 

3. Le Fils devient homme

 

537. Comprendre ce qu’est le Christ

Quand nous essayons de comprendre ce qu'est le Christ, notre effort de pensée nous dépasse toujours dans une double direction : en direction du mystère du Père d'où il vient et à qui il retourne, et en direction du mystère de la rédemption pour lequel il va à l'homme et le ramène. Les deux relations sont entrelacées de la manière la plus étroite dans le Christ, et l'Esprit Saint répand constamment sa nuée sur ces deux relations pour les montrer, pour les dilater en elles-mêmes et pour notre intelligence. Cette nuée nous empêche d'enclore le mystère dans un système où l'on pourrait scruter à fond les relations entre le divin et l'humain dans le Christ (NB 6,175).

 

538. Les innombrables mystères du Christ 

Parce que le Christ aime son épouse, l’Église, parce qu'il l'aime publiquement en montrant son amour à tous les croyants, parce qu'il est le Dieu infini qui s'est choisi son épouse pour toujours et qu'il est une personne de la Trinité divine, non seulement des possibilités immenses d'amour sont ouvertes mais aussi, en lui, des mystères innombrables qui ne peuvent être révélés en partie que comme mystères. Pour qu'on puisse les deviner, ils sont un peu dévoilés, mais leur révélation est réservée à la vie éternelle (NB 12,50).

 

539. Savoir que, dans ce Jésus de Nazareth, le ciel lui-même est devenu homme (NB 10, n. 2233).

 

540. L'éternel se révèle dans le Christ (NB 10, n.2247).

 

541. La mission du Fils pour le monde dès avant sa création

Peu importe quand on fait commencer la mission du Fils : dans la prescience de Dieu concernant le monde et son péché, ou à l'instant où Adam mange la pomme. Ce qui est impensable seulement, c'est que le monde ait jamais pu vivre détourné du Père sans que le Fils se soit offert pour la rédemption. L'Esprit par contre veut a priori souffler où est Dieu : au ciel comme échange d'amour entre le Père et le Fils, mais également là où se trouvent l’œuvre du Père et l’œuvre du Fils. "Je vous enverrai l'Esprit", dit le Fils, le même Esprit qui lors de la création planait sur les eaux et qui par là non seulement signifiait sa présence, mais montrait aussi que le monde le concerne un peu, qu'il est "adapté" au lieu où le monde se fait, pour y souffler (NB 10, n. 2167).

 

542. L’amour du Fils pour la création

Quand nous nous représentons l'amour du Fils pour le Père, pour la création, pour sa mère, il y a dans notre vie bien des éléments que nous pouvons utiliser pour mieux le comprendre (NB 11,312).

 

543. Le Fils s’exerce à son œuvre de rédemption avant même qu’Adam pèche

Du point de vue éternel du ciel, le Fils est à l’œuvre depuis toujours. Le Père s'exerce à son œuvre de création et, dans le même exercice, le Fils s'exerce déjà à son œuvre de rédemption. Avant même qu'Adam soit créé, avant même qu'il puisse pécher (NB 4,355).

 

544. Nous aurions pu rencontrer le Fils au paradis

S'il n'y avait pas eu de péché, nous aurions tous rencontré le Fils au paradis, son heure serait venue. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il serait alors devenu homme. Mais il serait quand même venu, l'heure de sa découverte aurait sonné. Nous n'aurions pas été plus pauvres si nous étions restés au paradis sans pécher. Nous ne pouvons donc pas considérer que c'est une chance d'être tombés parce que maintenant le Fils est venu à nous. Nous n'avons absolument pas le droit de le penser. Sans le péché, ce qui aurait pu être au paradis et que nous voyons en Marie aurait suffi une fois pour toutes. Car si on ne s'est pas détourné, ce qui a eu lieu une fois, c'est "une fois pour toutes" (NB 6,184).

 

545. Toutes choses ont été créées et préparées dès le début pour le Fils (NB 4,118).

 

546. Ce que le Fils a laissé au ciel quand il est devenu homme

L'homme ne pourra jamais évaluer ce que Dieu le Fils a laissé au ciel quand il est devenu homme, en quoi consistait son abaissement, à quoi il a renoncé (NB 5,74).

 

547. Le Fils a laissé sa lumière dans le ciel quand il est descendu dans l'obscurité du monde par obéissance (NB 5,260).

 

548. Le Fils franchit la distance qui sépare le temps de la terre de la durée dans le ciel

Le Père ne doit pas être inquiet parce que le Fils est devenu homme ; le Fils dit oui à sa mission et à la volonté du Père, et le Père doit pouvoir se réjouir de ce oui. Le Fils dit oui justement aussi à la nouvelle possibilité qu'il a d'être, en tant qu'homme, devant le Père ; le monde et le temps sont ainsi faits qu'ils sont propices à cette prière. Dans sa prière, le Fils franchit la distance qui sépare le temps de la terre de la durée dans le ciel. L'échange se fait immédiatement et de manière naturelle. Le Fils sait sans doute que l'homme pécheur se tient autrement que lui devant le Père, mais il sait aussi que, par son sacrifice pour la rédemption du monde, la situation de l'homme vis-à-vis du Père va changer (NB 5,110-111).

 

549. Le Christ est Dieu incarné (NB 1/1, 348).

 

550. Les racines du Fils sont dans le ciel

La réalité de Dieu qui est devenu homme : il y a tout ce que nous ne voyons pas du Seigneur parce que cela a ses racines dans le ciel ; le Père, le Fils et l'Esprit ne touchent la terre qu'en un point, sous la forme de la passion du Seigneur ; c'est le Christ qui, avec le Père, fait couler l'Esprit, et il est éternellement auprès du Père (NB 10, n. 2188).

 

551. Le Fils veut être homme aussi totalement que possible

Parce que le Fils est Dieu, il dispose toujours de toute l'éternité "avant" et "après" l'incarnation. En devenant homme, il ne renonce pas à sa divinité. Même s'il veut être homme aussi totalement que possible pour accomplir le mieux possible sa mission d'homme, il ne perdra rien de sa perfection divine de ce fait. Il gardera les deux intactes : la réalisation effective de sa décision d'incarnation, de sa décision d'entrer dans la sphère du temps et de l'état de créature, et sa nature divine éternelle en tant que Fils du Père, qui a pris cette décision et l'exécute maintenant. Dans ces deux conditions, il est la même et indivisible personnalité, et les deux l'expriment aussi bien l'une que l'autre (NB 1/2, 153).

 

552. Le Fils incarné n'est ni un pécheur ni quelque surhomme, mais Dieu (NB 3,192).

 

553. La toute-puissance du Fils est si grande qu'en tant que Dieu il peut se limiter lui-même en tant qu'homme (NB 6,174).

 

554. Le Fils a entrepris d’être homme et de souffrir

Le Fils, dans ce qui le distingue du Père et de l'Esprit, a bien entrepris de devenir homme et de souffrir. En tant que Dieu, il sera toujours aussi homme et, en tant qu'homme toujours Dieu. Son être de Dieu est pour ainsi dire inséparable des soucis terrestres de sa mission qui portent tous eux-mêmes le stigmate du ciel. Ce qui, au ciel, l'incita à s'incarner, ce fut son amour pour le Père et pour sa créature. Dans la passion, quand le Fils retourne au Père, il sait maintenant ce que c'est que d'être homme. Quand il retourne ainsi, il se produit aussitôt un échange en Dieu. Dieu le Père et Dieu l'Esprit reçoivent de Dieu le Fils ses soucis de mission spécifiquement humains. Ils reçoivent par là comme une exigence de s'engager définitivement pour l’œuvre de rédemption du Fils qui doit maintenant être accomplie. La croix n'est pas encore accomplie, et le temps éternel de Dieu doit maintenant s'adapter à l'instant temporel de la croix, le temps éternel doit rencontrer cet instant dans le temps comme avec une extrême certitude, une extrême précision, presque une certaine limitation, accueillir ce temps dans le temps éternel comme un temps qui s'écoule vraiment, un temps changeant. Quelque chose de temporel est inséré dans la durée éternelle. Cette remise du Fils comporte pour Dieu l'exigence de participer à la croix, non pour soulager le Fils, mais dans le sens d'une collaboration féconde dont le fruit, par la volonté du Fils, doit revenir à l'humanité. Par là, le Père et l'Esprit sont totalement orientés vers la croix avec ce qui leur a été confié par le Fils (NB 3,179-180).

 

555. Le Christ réel, une nature, une créature (NB 3,346).

 

556. Une expérience humaine que le Seigneur doit apprendre à connaître 

Pour le Seigneur, le temps avant la naissance est une expérience préliminaire à la croix qui est en marche sans qu'on puisse l'arrêter. Comme avant le commencement d'une guerre dont on sait qu'elle inévitable. On se sent infiniment petit dans un événement violent. C'est une expérience humaine que le Seigneur doit apprendre à connaître et qui caractérise justement aussi son temps avant la naissance. Comme un bateau au-dessus d'une cataracte : il sera bientôt happé vers le bas. Ou bien comme quelqu'un qui est hospitalisé : jusqu'à présent il était maître de son corps, maintenant il est livré à une machine qui tourne. Auparavant il en connaissait l'existence de l'extérieur; maintenant il est dedans. Ainsi, du haut du ciel le Fils connaissait ce que c'était que d'entrer dans le monde, maintenant il est dedans. Un sentiment d'impuissance corporelle l'envahit (NB 6,152).

 

557. Le temps de l'existence terrestre du Christ s'ouvre totalement sur le temps éternel (NB 1/1, 108).

 

558. Le corps du Fils : instrument de la rédemption du monde

Le Fils reçoit un corps d'obéissance qu'il tient à la disposition du Père comme l'instrument de la rédemption du monde. Mais on ne peut pas oublier qu'il possède tout autant de liberté qu'un autre homme et que, dans la liberté d'obéir, se trouve aussi la liberté de désobéir dont le Fils ne veut pas faire usage. Et justement parce qu'il refuse, c'est pour lui d'autant plus effrayant de voir combien, dans l'homme, la mauvaise volonté est proche de la bonne (NB 6,151).

 

559. Le Fils : l’ouverture vers vie éternelle

Le Fils voulait être l’ouverture vers la vie éternelle. Celui qui ne résiste pas à l'Esprit accompagne le Christ et se laisse introduire dans l'éternel. Alors des espaces et des temps lui sont ouverts qui ne sont jamais accessibles au non croyant : des espaces et des temps qui ne sont pas terrestres mais éternels . Ce qui de l'extérieur semble un lien terrestre à Jésus Christ est, vu de l'intérieur, une libération pour l'éternel (NB 6,25).

 

560. Pas facile pour le Fils d’être devenu homme

Bien que, pour le Fils, ce ne soit pas facile d'être devenu homme, il ressent un soulagement à être sur le chemin de la volonté du Père; il est décidé à rester homme et à persévérer dans sa tâche ; ce qui le soulage, c'est qu'il comprendra toutes choses comme volonté du Père, qu'il pourra regarder toutes choses de ce point de vue. En tant que Dieu, il n'avait pas de désir plus ardent que d'être homme comme le Père l'attendait de lui. Et il voit que sa mère aussi, en tant que rachetée, vit tout à fait de ce désir (NB 6,140-141).

 

561. L’expérience du Fils comme créature

Être mis au monde est pour le Fils une décision grosse de conséquences : désormais, pour l'éternité, il devra être Dieu et aussi homme. C'est également une belle décision : il apprendra à connaître aussi le Père du point de vue des hommes. Il apprendra de manière nouvelle que Dieu est infiniment grand étant donné que maintenant, comme créature aussi, il lui sera permis de lever les yeux vers lui (NB 6,149).

 

562. Le Fils voit en l'homme une recherche de Dieu qui n'a pas encore abouti, il voit en Dieu la recherche de l'homme (NB 6,94).

 

563. Le Fils se fait homme pour l’amour de ceux qui sont tombés

Pour s’incarner, le Fils emprunte l'humain à l'humanité. Il l'emprunte à Marie, mais tout autant à l'humanité tombée. S'il n'y avait eu que Marie, il n'aurait pas eu besoin de devenir homme. Il se fait homme pour l'amour de ceux qui sont tombés. Et ainsi, dans son esprit divin, il doit quelque chose de son incarnation à cette humanité tombée, il lui emprunte l'occasion concrète et la forme concrète de l'incarnation : la descente dans la souffrance. Mais pour pouvoir descendre de cette manière, il a besoin de sa mère, qu'il oppose aux pécheurs en tant que pré-rachetée (NB 1/2, 156).

 

564. En entrant dans passion, Fils se dépouille de sa divinité

La vie du Christ sur la terre, ce fut pour ainsi dire comme s'il devenait toujours plus homme bien que, naturellement, dès le début il fût homme véritablement. Il ne cessa d'aller toujours plus loin vers le monde en s'éloignant du Père, et il devint toujours plus obéissant, plus au service du Père, jusqu'à ce qu'enfin sur la croix il ne fut plus qu'un homme. Ici seulement définitivement et totalement homme, serviteur. En entrant dans la passion, il se dépouilla pour ainsi dire de sa divinité. Le Père ressuscite le Fils en lui rendant la gloire de sa divinité et c'est pour cela qu'il doit d'abord fêter au ciel la résurrection (NB 3,64).

 

4. Le Fils et l’Écriture 

 

565. Le Fils connaît les promesses de l'ancienne Alliance

Le Christ a vécu pour l'heure du Père, dont il savait seulement qu'elle viendrait sûrement et qu'elle serait effroyable, mais dont il avait abandonné totalement le moment au Père. La première annonce devrait arriver d'une manière officielle et inexorable (quoique avec bonté) pour refléter dans la vie du Fils quelque chose du caractère inexorable de la volonté du Père. Le Fils ne peut pas faire de plan à longue échéance parce que la volonté du Père le retient par l'ignorance de l'heure. Ou bien quand il envisage quelque chose, il doit avoir intérieurement la disponibilité de modifier son projet ou de l'abandonner sur tout signe du Père. D'autre part il y a les promesses de l'ancienne Alliance, le Fils les connaît, y compris ce qu'elles annoncent à l'avance de sa vie, de ses souffrances et de sa mort. Il connaît ces promesses non pas tellement au fond comme concernant ses propres possibilités futures et son destin, que comme des formes de la volonté du Père. C'est justement par ces promesses qu'il est dépouillé de sa propre disponibilité à faire cette volonté, cette disponibilité est comme dépassée par la certitude que, de toute façon, le Père fera prévaloir sa volonté (qui se trouve dans les prophéties). Le Fils ne peut donc compter sur aucune atténuation de ce qui se trouve dans les prophéties, il ne peut pas compter sur une indulgence du Père, sur une modification de ses desseins. Les prophéties contiennent la volonté inexorable du Père que le Fils devra laisser s'accomplir en lui (NB 11,257-258).

 

566. Le Fils accomplit l’Écriture

On pourrait dire que la mission du Fils est triple : vis-à-vis du Père, c'est une mission filiale, vis-à-vis de l'ancienne Alliance, c'est une mission qui la continue, qui l'achève, c'est surtout une mission christologique puisque le Christ vit ici-bas comme Dieu et comme homme. Vis-à-vis du Père, c'est l'obéissance absolue ; le Fils cherche et réalise en tout sa volonté, il la trouve et l'accomplit sans fautes en tant que Fils qui aime le Père infiniment ; en tant qu'homme ici-bas, par sa prière et son don de lui-même, il se tient intégralement à la disposition du Père qui est au ciel, il n'est gêné par aucun péché, aucune aliénation ne le sépare de lui. C'est dans cette première mission que se trouve la deuxième : l'enfant de douze ans déjà, par sa connaissance très juste de l'ancienne Alliance, plonge les scribes dans l'étonnement ; cette connaissance l'engage : par elle, il sait toujours où il doit mettre le pied, ce qu'il doit faire maintenant. L'ancienne Alliance est pour lui comme un aide-mémoire qui l'exhorte. Jusqu'à la fin il accomplira l’Écriture, il fera les signes attendus par elle, il se conduira d'après les dits des prophètes, selon l'Esprit qui habite en lui comme dans les prophètes (NB 5,63-64).

 

567. Le Verbe est pour nous l’accès à l’Écriture : ancienne et nouvelle Alliance

Dans l'ancienne Alliance, la Parole nous restait en quelque sorte extérieure ; dans la nouvelle, elle devient notre chair et nous voyons Dieu en elle. En devenant homme pour nous, la Parole nous fait saisir dans sa mère quelque chose qui nous appartient à tous, quelque chose de si humain que par elle - et ensuite plus profondément encore par l'eucharistie - nous avons Dieu au milieu de nous et en nous, dans une proximité à laquelle on ne s'attendait pas jusque là. C'est pourquoi le Verbe fait chair est pour nous l'accès à l’Écriture aussi bien de l'ancienne que de la nouvelle Alliance. La Parole est devenue Parole faite chair au point central ; toutes les autres paroles partent de là et y ramènent. Le fait que l'Esprit ait couvert la Mère de son ombre est devenu aussi le témoignage de l'engendrement du Père éternel ; si nous voulions parler de l'engendrement éternel sans l'incarnation du Fils, à vrai dire nous n'y comprendrions rien (NB 1/2, 240).

 

568. Le Fils devenu homme porte en lui la place où Adam devait se trouver

En tant que Dieu, l'Esprit Saint a depuis toujours une "expérience du monde" qui lui permet de pousser sur le bon chemin le Fils qui doit d'abord s'approprier cette expérience en tant qu'homme. Il porte pour ainsi dire en lui la place où Adam devait se trouver, ou la place d'Abel, le point idéal où la créature aurait dû persévérer en face du Père et du Fils. C'est aussi le point où se trouve Marie et où elle a le juste savoir au sujet de sa relation à Dieu et au terrestre (NB 6,391).

 

569. Le second Adam

Dieu Trinité fait devenir homme en Marie le Christ, l'Homme-Dieu, le second Adam. Dieu le Père fait surgir en elle par l'Esprit Saint (NB 2,32).

 

570. Le second Adam prend naissance sur le modèle de la création du premier

La parfaite fécondité se réalise en Marie par l'Esprit, elle devient la mère d'un être humain qui est Dieu ; l'Esprit atteint, par un seul dialogue avec elle, le maximum du concret. Assez souvent, l'Esprit peut opérer une guérison, un miracle, mais ce n'est qu'une seule fois qu'il a manifesté sa divinité en couvrant un être humain de son ombre pour engendrer : le second Adam prend naissance sur le modèle de la création du premier (NB 5,62).

 

571. Adam a choisi le mal, sa volonté propre, le second Adam a choisi la volonté du Père, l'obéissance (NB 11,366).

 

572. Le Christ : nouvel Adam

L’être humain aujourd’hui est fait pour ressembler de nouveau à l'Adam d'avant le péché, pour s'assimiler dans la nouvelle Alliance au Christ unique dans la claire décision de le suivre, comme cela se fait quand on écoute l'appel à le suivre sur la voie des conseils. L'être humain qui est sur la voie des conseils n'est ni Adam ni le Christ, il est en chemin vers le Christ en tant que nouvel Adam, et il a en même temps la forme d'Adam avant la chute (NB 2,25).

 

573. Le Fils : un homme parmi d’autres

Le Fils est Dieu, il doit accepter ce corps. Un corps déterminé. Il s'inscrira dans la mémoire des hommes comme une image particulière. Il n'est pas toute l'humanité, c'est un homme parmi d'autres, innombrables. Que Marie soit sa mère lui fait prendre goût pour ainsi dire à se limiter ainsi. En tant que telle, la semence de Dieu aurait toutes les possibilités, mais elle permet que certains traits humains du Fils soient déterminés par sa mère. Du côté de la semence de Dieu (dans laquelle l'Esprit Saint porte le Fils à sa mère) se trouve d'abord simplement la docilité obéissante du Fils vis-à-vis du Père d'entrer dans la création, dans l'humanité : il est prêt à ressembler de manière anonyme à "Adam" et aux siens. "Adam" et Marie sont ainsi ceux qui façonnent le Seigneur, en dépendance de la volonté trinitaire, pour donner au Fils un corps déterminé. Dieu en revient aux jours de la création et au paradis. Le Fils doit être le nouvel Adam, sans aucun péché, avec un corps vierge, et cette virginité du corps ne se limite pas à le garder intact, comme Adam aurait dû le faire ou n'importe quel homme après lui pouvait le faire, elle doit le garder dans un devenir créateur de par Dieu (NB 6,206-207).

 

574. Le Christ récupère l’unité qu’Adam avait avant la chute

L'unité qu'avait Adam avant la chute, le Christ la récupère pour prouver au Père que sa création est bonne et que l'être humain peut vivre sans péché au milieu des humains (NB 2,25).

 

575. Le Fils incarné reprend les prophéties et les transforme en sa vie

Le Fils incarné reprend les prophéties et les transforme en sa vie. Le Verbe s'est fait chair, ce n'est pas quelque chose qui est terminé, c'est un processus qui s'accomplit durant toute la vie du Seigneur, ce qui fait qu'on peut aussi dire que la Parole naît toujours plus de la chair. La chair du Seigneur est en contact constant avec la prophétie pour la faire devenir en elle vérité, Parole vraie, accomplie (NB 1/2, 240-241).

 

576. Le Christ est la récapitulation de toutes les prophéties qui l'annonçaient, en tant qu'il est l'unique manière de correspondre aux prophéties (NB 1/1, 157).

 

577. Le Seigneur n'a pas converti les scribes, mais il les a forcés à exécuter pour lui la prophétie. Il ne les a pas changés personnellement, mais il a modifié quelque chose à leur situation dans l'histoire (NB 6,262).

 

578. Le Fils est attesté par l’Écriture

Si le Fils n'était pas venu corporellement dans le monde, nous n'aurions aucune expérience concrète de la vérité de l'Ancien Testament et ainsi nous n'aurions pas l'intelligence de la Parole qui atteste, ni de la Parole qui est attestée. De même que le Fils devient homme dans sa mère, de même il devient Parole humaine dans l’Écriture. Qu'il soit aussi bien homme que Parole ou Dieu, cela nous est attesté par sa mère et par l’Écriture de manière à ce que nous y comprenions quelque chose. Dans l'Ancien Testament, la Parole n'est qu'entendue, dans le Nouveau elle existe corporellement : "Qui me voit voit le Père". Par son humanité, qui nous est communiquée par l’Écriture, nous nous sommes beaucoup rapprochés de la Parole (NB 1/2, 240).

 

579. Les Juifs du temps de saint Paul mesurent les paroles de Paul à l’Écriture pour décider si Jésus est réellement le Christ

Quand les Juifs du temps de saint Paul mesurent les paroles de Paul à l’Écriture pour décider si Jésus est réellement le Christ ; et que la vérification se révèle possible, ils pourraient aussi de la même manière examiner les annonces de la Mère dans les prophéties pour donner à sa vie terrestre des fondements semblables. Tout autant et plus encore que les paroles de l’Écriture, ce sont les actes et la vie des femmes qu'on trouve dans l’Écriture qui annoncent Marie. Quand le Fils embrasse d'un coup d’œil l’Écriture et les temps de l'ancienne Alliance, il découvre partout, et justement dans ce qui est voilé, dans ce qui n'est pas exprimé en paroles, cette venue de la Mère (NB 1/2, 166-167).

 

 

5. L’œuvre

(en sept sections : de A à G)

 

A

 

580. Le Fils et sa mère ont une grande mission pour le monde et l'humanité (NB 3,150).

 

581. J’ai besoin que ton Fils vienne dans le monde

Prière d’Adrienne dans une extase d’obéissance : Père, je voudrais reconnaître que j'ai besoin que ton Fils vienne dans le monde pour me délivrer de toute ma faiblesse : je n'ai pas pris suffisamment sur moi le fardeau du péché. Père, je voudrais reconnaître que je ne vis pas suffisamment dans la communion des pécheurs qu'au milieu des pécheurs, je distingue trop entre le tien et le mien, ue je ne suis pas prête à tout prendre sur moi indistinctement si bien qu'on ne puisse plus voir d'où vient le péché (NB 5,271).

 

582. Le Fils a un ministère pour le monde

Le Fils garde le ministère pour lui parce qu'il le possède en tant que Dieu. Le ministère avec lequel il vient sur terre, investi par le Père, est tellement intransmissible qu'il ne peut le donner à personne à la fin de sa mission terrestre. Il fait partie de sa rédemption et de son attachement au monde qu'il garde son ministère en tant que tout. Ce n'est pas une mission particulière qui peut être terminée un jour. S'il transmet le ministère à l’Église par Marie, ce ministère transmis doit avoir en lui son pendant, il doit donc le garder pour que l’Église l'ait, pour que le ministre de l’Église ait la certitude d'être dans le Seigneur, que le ministre soit assuré par le ministère divino-humain du Seigneur que son propre ministère est valable (NB 1/2, 191).

 

583. Le Seigneur se trouve au milieu de deux extrêmes : d'un côté se trouve l’œuvre du pur amour : la croix, de l'autre côté l’œuvre de la pure justice : l'enfer (NB 3,94).

 

584. Pourquoi le Fils est devenu homme ?

Le Père cherche son image dans ses créatures, mais celles-ci ternissent si bien le miroir que Dieu ne se reconnaît plus en elles. En coopérant à la création, le Fils connaît le dessein du Père et il le voit contrecarré par les hommes. Depuis toujours il reçoit tout l'amour du Père et son miroir le renvoie au Père sans dégradation. C'est ainsi qu'il devient homme pour offrir aux hommes sa manière de répondre à l'amour du Père (NB 6,522).

 

585. L'amour que le Père nous donne dans son Fils

L'amour que le Père nous donne dans son Fils est si grand qu'il embrasse non seulement les joies mais aussi les souffrances de l'amour. Toutes les privations, toutes les souffrances, toutes les difficultés recevront ainsi un double visage si elles sont vues dans le Seigneur : du fait qu'il nous les offre, elles sont "parole" et par là expression de l'amour, et elles doivent être reçues avec reconnaissance, elles ramènent alors à Dieu par la Parole et augmentent la joie. Parce que les dons de Dieu sont vrais et sérieux, la souffrance offerte n'est pas un jeu d'enfant, elle rapproche l'être humain du Fils souffrant et ici il n'est pas garanti qu'elle débouchera toujours sur une joie ressentie. Mais, dans le sérieux de la souffrance, l'être humain apprendra à connaître, avec une profondeur toute nouvelle, le Fils qui est homme et Parole ; c'est Dieu lui-même qui a préparé cette profondeur et elle est insondable (NB 6,23-24).

 

586. Le Fils au service du Père et du pécheur

Dans le monde, le Fils était fonction de quelque chose de vivant : du contraste entre le Père et le péché. Il se trouvait au service du Père et, par lui, au service du pécheur. Du plus grand et du plus misérable (NB 3,266).

 

587. Le Fils : le champion du Père auprès des hommes

Guillaume de Saint-Thierry (+ vers 1150). Comme lui-même, Guillaume, cherche à être le même comme priant vis-à-vis du Père et comme prochain pour les autres, de même il voit dans le Fils l'ouverture parfaite à Dieu et aux hommes, le passage parfait. Le Fils est pour lui le champion du Père auprès des hommes. Sans doute voit-il la grandeur de l'amour compatissant de Dieu ; mais son image intime du Fils est extraordinairement sobre et virile, malgré tout l'enthousiasme de son amour (NB 1/1, 72).

 

588. Le Fils, médiateur entre Dieu et le monde

Le Fils devenu homme n'est pas le représentant de la Trinité, ici-bas isolé et abandonné à lui-même. L'unité et la relation éternelles entre le Père, le Fils et l'Esprit sont maintenues par l'Esprit pour le Fils devenu homme. Si ce n'était pas le cas, il pourrait sembler que Créateur et créature, Dieu le Père et le Fils homme soient fusionnés dans le Christ dans une unité qui finalement absorberait tout en soi, Dieu et la créature. Quand le Fils est envoyé, le Père reste justement celui qui envoie, et le lieu aussi où le Fils est envoyé, le monde, subsiste en tant que tel. Sans doute le Fils sert-il de médiateur entre Dieu et le monde, mais il n'absorbe pas les deux dans son unité de médiateur. Il est certes de même nature que le Père et de même nature que l'homme ; mais ni le Père ni le prochain ne se perdent en lui. Le Fils est certes la forme intelligible sous laquelle Dieu Trinité se donne à nous, mais la forme ne supprime pas le contenu qui s'exprime, la Trinité. Le Fils peut aussi être comparé à des lunettes qui nous permettent de voir Dieu plus clairement (NB 6,176-177).

 

589. Le Fils a jeté un pont entre le ciel et la terre (NB 5,117).

 

590. Le Fils : un pont entre le ciel et la terre

La vision du Fils est d'une part une "consolation" pour le Père qui se sait vu par le Fils et, d'autre part, une nourriture pour l’Église qui est nourrie par la vision. Par cette double portée de la vision, le Fils est entièrement médiateur entre le Père et les hommes; lui-même n'utilise pas sa vision (pour se préparer à l'abandon de la croix) pour lui-même, il construit avec elle un pont entre le ciel et la terre (NB 6,190).

 

591. La plénitude que le Christ a apportée ici-bas

Le terme de vie dans la mystique est très proche du terme de vie dans le Seigneur ; on ne peut pas l'évaluer, mais elle est ainsi faite que la relation entre les deux reste perceptible. Pour l’Église, il n'y a pas de mort comme la mort du Seigneur, pas de résurrection comme la résurrection du Seigneur, pas d'Esprit comme celui qui a été envoyé à la Pentecôte ; ce qu'il y a d'exclusif dans le Christ signifie la plénitude qu'il a apportée ici-bas et qu'il a promise infailliblement à son Église. En s'incarnant, le Fils a assumé vis-à-vis du Père une tâche qui, au début, semblait n'être qu'un pur renoncement, et qui finalement a débouché sur une pure prodigalité : tout ce qu'il avait laissé lui fut rendu en surabondance parce que tout ce qui concerne sa mission, il le confie à la fécondité du Père et il lui laisse le soin d'en disposer. Le monde racheté par le Fils est le monde du Père; la mystique offerte par le Fils est la mystique du Père (NB 5,75).

 

B

 

592. Le don de soi du Fils au monde

Le don de soi du Fils au monde est service du Père et de sa glorification, et justement par là apostolat. Efficace, puisque la chair qu'il donne est vivante et efficace et qu'elle associe à son efficacité ceux qui la reçoivent. C'est un apostolat pour Adam qui a terni en lui l'image de Dieu (NB 6,533-534).

 

593. L’amour du Fils transforme le monde

L'image que le Fils a du monde est l'image de l'amour ; quand il aime l'odieuse vieille mégère, il lui donne tant d'amour que l'odieuse vieille mégère devient à ses yeux d'une beauté étincelante. Son amour transforme le monde (NB 3,331).

 

594. Le Fils aimait toutes les créatures du Père

Le Fils sur la croix. Il aimait sa mère et saint Jean et toutes les créatures du Père sur la terre et dans le ciel. Cet amour est maintenant ce qui le met à la place de l'abandon, c'est pourquoi tout ce qu'il aimait est concerné aussi par son abandon (NB 3,330).

 

595. En devenant homme le Fils aime les créatures du Père

Quand le Fils rachète les hommes - parce que, par amour pour le Père, il aime ses créatures de cette manière -, il veut certes utiliser le temps pour les y rencontrer, mais le temps ne peut pas lui suffire. En tant qu'amour authentique, son amour ne calcule pas avec la fugacité du temps, il a besoin de l'éternité pour aimer les hommes et être aimé par eux. C'est pourquoi le Fils doit maintenant rendre aussi les hommes capables d'amour dans le sens du Père. Il les a rencontrés dans le temps pour être avec eux un homme authentique ; il doit aussi les rencontrer dans la vie éternelle pour leur montrer que son amour est plus que l'amour éphémère entre humains (NB 6,103).

 

596. Le Seigneur peut voir dans les humains qu’il côtoie les créatures du Père (NB 6,213).

 

597. Le Seigneur est venu dans le monde pour tous les hommes

Le dernier prochain du Seigneur, c'est le larron sur la croix, à qui il promet le paradis. C'est pour ce prochain comme pour tous les hommes qu'il est venu en ce monde ; pour lui et pour tous, il a donné son commandement de l'amour de Dieu et du prochain (NB 3,370-371).

 

598. Le Fils aime tous les hommes

Le Fils devient homme par amour pour le Père et pour l'Esprit, et son amour ne subit de ce fait aucune interruption. Sans doute, en tant qu'homme, aime-t-il maintenant de son amour divin absolu tous les hommes qu'il rencontre, tous les hommes sont inclus dans sa mission, et cela a priori (NB 6,109).

 

599. Le Fils aime les hommes de manière inconditionnelle

Si nous pouvions vivre totalement de la grâce de l'amour trinitaire, l'amour serait en nous aussi la donnée première, et les applications individuelles seraient secondaires par rapport à elle, et incluses en elle. Malheureusement la plupart des chrétiens ne vivent pas comme ça, ils adaptent leur amour aux circonstances de leur vie au lieu de se laisser dominer par l'amour divin et de s'y ajuster. Car l’amour divin est éternel et infini et immuable, il n'est modifié par aucune des conditions de l'objet, il n'en dépend pas. Le Fils aime de la manière la plus inconditionnelle même là où il ne trouve aucun accueil, même là où on le hait : sur la croix (NB 6,109).

 

600. Le Fils fait entrer tous les hommes dans sa prière

Quand le Fils va au désert afin de prier pour sa mission future, il doit prendre pour cela un temps de sa vie et le remplir à ras bord dans le sens de sa mission de prière. Sa prière, son action, sa souffrance sont toujours présentes, totales, indivisibles, et c'est dans cette totalité qu'il fait entrer le monde, tous les hommes, tous les péchés. Il réalise, actualise à chaque instant du temps sa mission tout entière. Et c'est de ce temps si rempli qu'il tire un excédent absolu qu'il peut donner à l'aujourd'hui, au lendemain, au surlendemain et à chaque jour du temps. Cet excédent, il ne le prend pas dans les réserves divines, il l'a fait expressément en tant qu'homme. Et son excédent devient la base des excédents de grâce que l’Église peut gérer et partager (NB 6,139).

 

601. L’amour du Christ pour les hommes : norme pour l’ensemble de l’humanité

Chrétiennement, il n'y a pas d'amour personnel d'homme à homme qui ne devrait coopérer à la médiation du Christ et qui ne serait par là inclus dans l'amour divin. L'amour du Christ est ministériel, il est quelque chose de fixé comme norme pour l'ensemble de l'humanité, quelque chose qui doit continuer quand il ne sera plus visible ici-bas (NB 6,111).

 

602. Le Fils a pris en main toute l’humanité

Le Père engendre éternellement le Fils et l'Esprit émerge des deux. Le Fils a pris en main toute l'humanité, il a invité le Père à lui permettre de prendre toute l'humanité comme la nature qui lui appartient en propre (NB 5,276).

 

603. Le Fils et son amour pour l'humanité entière (NB 3,400).

 

604. Le Fils élève tout le genre humain par sa présence

Le Fils montre dans sa naissance qu'il élève tout le genre humain par sa présence, qu'il peut conduire les hommes à la sainteté. Il peut être difficile de le prouver en tout homme, mais il est simple de le montrer par la béatitude de la Mère. Avec son flair féminin, la femme du peuple découvre combien la mère est bienheureuse : bienheureuse dans son corps d'une béatitude que le Fils offrira aussi à ceux qui ont besoin de lui comme nourriture, à qui il se donne dans l'eucharistie (NB 1/2, 246).

 

605. Le Christ a aimé le monde d'un amour inépuisable, qui donc est capable d'allumer dans les cœurs des hommes un immense amour (NB 1/1, 101).

 

606. Le Fils est attaché au monde qui s’est éloigné du Père

Le Père ressemble à un homme riche qui voudrait tout donner à son fils bien-aimé, mais son fils lui a amené à la maison un tas de mendiants qu'il faut habiller et nourrir. Finalement le Père lui-même a accordé au Fils la permission de lui amener à la maison tous les pauvres qu'il ramasse un peu partout. C'est ainsi que le Père doit maintenant répartir. Il a engendré ce Fils, il lui a donné de quoi vivre, ses "principes". Le monde qu'il a créé a une ressemblance avec le Fils qu'il a engendré, et le Fils est attaché à ce monde même après qu'il s'est éloigné du Père. Les mendiants ont causé beaucoup de dommages dans la maison, et le Fils veut se charger lui-même de tout remettre en état (NB 6,268).

 

607. L’amour du Christ pour nous

Les motifs de l'amour du Christ pour nous dans le ciel se trouvent dans le Père et dans l'Esprit. Toute l'incarnation se trouve dans le cadre de ces motifs. Il devient homme pour le Père et pour l'Esprit. En devenant homme, il nous montre cet amour sous une forme qui nous est adaptée et qu'on peut comprendre. Depuis toujours, le Père nous aime, nous ses créatures, comme ses enfants, dans l'unité d'amour aussi bien sûr avec le Fils et l'Esprit. Ainsi, dès la création, nous sommes aimés de manière trinitaire, mais nous ne pouvons le comprendre que par le Fils (NB 6,110).

 

608. Prodigalité du Seigneur à notre égard

Marie de Béthanie et son onction avec le vase d'albâtre : elle prodigue ses biens terrestres pour le Seigneur. Le Seigneur, lui, prodigue aux hommes tous ses biens spirituels. Marie de Béthanie est le symbole de l'entière prodigalité du Seigneur à notre égard. (NB 1/2, 42).

 

609. Le Fils nous aime malgré toutes ses déceptions

L'amour de Dieu n'a rien de calculateur parce que, dans la Trinité, tout est pure surabondance. Le Fils incarné aussi aime de la même manière malgré toutes les déceptions qu'il connaît avec nous. Le commandement de l'amour du prochain qu'il édicte n'est pas une concession à notre faiblesse et à notre finitude ; l'amour qu'il ordonne découle immédiatement de son amour et il doit présenter, comme sa marque distinctive, la forme de la surabondance divine qui ne calcule pas (NB 6,113).

 

610. L’amour du Christ rencontre la haine du monde (NB 9, n. 1110).

 

C

 

611. Le Fils est envoyé dans un monde déchu

En tant que Fils unique du Père, il a une expérience immédiate du Père. En tant que second Adam, il vit dans une distance à Dieu propre à la créature ; le Père l'envoie en "voyage" chez les hommes et, pendant ce voyage, il a à tout moment la possibilité d'entrer en contact avec le Père. Mais en tant qu'homme dans le monde déchu, il est envoyé pour ainsi dire dans une île de cannibales où il n'y a pas de téléphone. Ce qui est difficile, c'est d'avoir une vue d'ensemble de tous ces aspects (NB 6,198).

 

612. Ce qu’il en coûte au Fils de venir à bout du monde

Le Christ offre au Père une obéissance absolue, et il s'approche de lui en tant que représentant l'humanité désobéissante et pour la défendre, afin que le Père voie en lui l’Église, l'humanité. Le Fils ne veut pas que le Père voie l'effort qui lui en coûte de venir à bout du monde. Il voudrait que le Père puisse voir dans son obéissance le reflet de l'obéissance du monde. Quand la soumission se passe dans la joie et sans problèmes et immédiatement, l'amour qui est soumis participe le plus possible à l'amour qui dirige, car il permet à l'amour qui dirige d'être ce qu'il veut être : de l'amour. Celui qui guide dans l'amour ne veut absolument pas marquer la distance, mais manifester son amour de la manière dont il est en mesure de l'exercer (NB 12,79).

 

613. Le Seigneur se dépense sans compter

William Faber (+ 1863). Il ne calcule pas ; calculer lui répugne parce qu'il a compris très tôt que le Seigneur se dépense sans compter (NB 1/1, 209-210).

 

614. Le Christ a été humilié pour nous, et tout pécheur mérite d'être humilié (NB 1/2, 112).

 

615. Le Seigneur prend sur lui d’aller pour toi en enfer

Si le Fils t’accueille dans ciel, c’est qu’il a pris sur lui d'aller pour toi en enfer. L'un des sens de la descente aux enfers, c'est l'effacement : elle rend méconnaissable la place qui t'était réservée en ce lieu (NB 4,188-189).

 

616. L’œuvre du Fils est vraiment pénible

Le Père doit s'habituer à aimer le Fils comme un homme et, plus précisément, l'aimer comme il aime les hommes déchus, les pécheurs. Du fait que le Fils prend sur lui le péché, surtout durant la passion, il acquiert l'expérience du péché, et le Père doit maintenant traiter aussi le Fils comme quelqu'un qui est chargé de l'expérience du péché. C'est pourquoi il ne peut lui présenter la résurrection que comme une "possibilité", non comme une certitude absolue, de même qu'il n'accorde aux pécheurs une vue sur la béatitude éternelle que comme une possibilité. Naturellement le Père et le Fils savent que le Fils ressuscitera, mais parce que le Père lui cache en quelque sorte son amour personnel, il lui voile aussi quelque chose de la certitude divine, pour le faire participer à la manière humaine d'être sûr. Le Père veut que le Fils atteigne la plus haute mesure de mérite. On ne doit pas pouvoir dire que l'œuvre du Fils n'a pas été suffisamment pénible parce qu'il avait toujours la vision du Père et la certitude de sa victoire, et qu'il pouvait laisser au Père la dernière responsabilité (NB 6,195).

 

617. L’obéissance du Fils va vers la croix

En assumant du Père sa mission, le Fils sait très bien que, dans son obéissance au Père, son chemin va vers la croix. Mais parce que l'Esprit réalise l'incarnation en couvrant la Mère de son ombre, le Fils sait tout aussi exactement que son obéissance va aussi à l'Esprit. Cette obéissance à l'Esprit, c'est une obéissance comme état d'âme : l’Esprit n'aidera pas seulement le Fils en tant qu'homme à chercher et à trouver la volonté du Père, il l'aidera aussi, selon l'âge du Seigneur et les situations de sa vie (qui correspondent à la volonté du Père), à avoir la juste disposition d'esprit ou le juste état d'âme. Quand l'enfant joue, quand le jeune garçon enseigne dans le temple, quand le menuisier fait son travail, sa mission est chaque fois parfaitement accomplie ; la conscience de sa mission, l'obéissance exacte au Père, n'empêchent pas le Fils de vivre totalement dans chacune des situations qui se présentent. Il connaît sa mission de souffrance, mais il joue pourtant comme un enfant avec les autres enfants, sans se faire de souci. Et quand, à Cana, à la demande de sa mère, il opère le miracle qu'il ne voulait tout d'abord pas faire, cela ne se fait pas avec une disposition d'esprit qui serait contraire à celui de la fête (NB 11,323).

 

618. L’envoi du Fils dans le monde et à la croix a lieu en même temps qu’il est engendré

Dans le ciel, le Père engendre le Fils pour lui en quelque sorte ; on peut dire que l'envoi du Fils dans le monde et à la croix a lieu en même temps qu'il est engendré, car la vie éternelle, en tant que mode de durée, ne coïncide pas avec le temps de ce monde. On peut seulement dire que le Fils - qui est Fils dans sa relation au Père - porte caché en lui, dans son être de Fils, son envoi « futur ». L'Esprit par contre entre d'emblée dans sa mission, avant que le monde soit, parce qu'il est dès le début l'échange de l'amour, le dialogue entre le Père et le Fils, la mission de l'un à l'autre. Il souffle où il veut dans la liberté du dialogue et il se laisse envoyer d'emblée dans cette liberté (NB 10, n. 2167).

 

619. Le Seigneur porte tout au long de sa vie le sang de la rédemption

Le corps du Seigneur portait constamment le sang de la rédemption en tout ce qu’il faisait : qu’il jeûnât, qu’il priât, qu’il fût suspendu en croix ou qu’il fût enfant, qu’il eût une sueur de sang, qu’il fût fatigué après avoir prêché, qu’il se détendît chez des amis, qu’il eût Jean auprès de lui. Le Seigneur n’avait pas besoin de réfléchir pour savoir s’il était à un moment précis de sa tâche : sauver le monde par son sang resterait juste, il le savait (NB 9, n. 1728).

 

620. Dans sa passion, le Fils donne plus que ce qui est exigé

Ce qui a été offert par le Fils est toujours plus grand que ce qui est strictement exigé, car il répond toujours à toute la volonté éternelle du Père, non en y répondant peu à peu, en la réduisant pour ainsi dire. Ainsi le Fils souffre plus que ce que provoque le fardeau des péchés, plus au fond que ce qu'il y a à racheter, il donne plus que ce qui est exigé (NB 3,255).

 

621. Le Seigneur nous aime tant qu’il meurt pour chacun de nous

Si le Seigneur nous aime tant qu'il meurt pour chacun de nous et que par amour pour le Père il nous rachète et complète ce qui nous manque, pour que son amour soit d'une durée parfaite et qu'il puisse être deviné par les hommes, il doit voir aussi ce que chacun de nous serait devenu sans son amour. C'est pourquoi il va en enfer, dans ce que le Père s'est réservé. Là il voit exactement le négatif de ce qu'il nous donne de positif (NB 4,184).

 

622. Le Fils porte notre péché

Origène ne cesse de chercher à esquisser des images de la Trinité. Il voit la médiation du Fils, son expiation, sa vie dans le monde comme une somme énorme de chemins de croix personnels, de purgatoires, étant donné qu'il a quitté le "ciel" du Père. Le Fils porte notre péché et il en a une parfaite intelligence parce qu'il est pur. Chacun de nous, purifié dans le purgatoire du monde, reçoit une participation à l'intelligence de son propre péché telle que l'a le Fils (NB 1/1, 391).

 

623. Le Fils, durant toute sa vie, n'a pas vu le fruit de sa rédemption (NB 10, n. 2167).

 

624. Toute la vie du Seigneur est méritoire

On ne doit pas oublier que ce n'est pas seulement la croix du Seigneur qui est méritoire devant le Père, mais aussi sa vie avant la croix en vue de la passion future, comme pré-passion. Durant sa vie, le Seigneur a pardonné à Madeleine ses péchés. Certainement pas en excluant ses souffrances sur la croix, mais de telle manière cependant qu'il a maintenant le pouvoir et la possibilité de pardonner. Cette "part" du service qui se trouve dans la vie de Jésus n'est pas oubliée, annulée à la croix, elle est en quelque sorte "retirée" de la croix (NB 1/2, 146).

 

D

 

625. Progresser dans la connaissance du Seigneur

On n'a pas le droit de garder quelque chose pour soi. Le Seigneur non plus dans sa passion ne put rien garder pour lui. Il doit tourner vers l'extérieur ce qu'il a de plus intime afin que ses disciples puissent lire ce qu'il est et ce qu'il leur offre. En la circonstance, il sait qu'ils n'ont pas du tout le désir de lire, que son Église non plus, ni ceux qui croient en lui, n'ont le goût de continuer à lire. Ils sont plus que satisfaits de ce qu'ils ont appris. Tout ce qu'il aurait à leur dire serait chaque fois un grand pas en avant. En la circonstance, ils font tout au plus un petit effort, puis deux pas en arrière, et peut-être à nouveau un petit effort. C’est terriblement déconcertant étant donné que, dans tout ce qu'on ouvre et lit, se révèle le mystère le plus profond, le plus grave. A celui qui obéit au Seigneur quand il révèle de lui quelque chose de plus, le Seigneur s'ouvre plus profondément, et celui qui est initié a la permission d'avancer tant qu'il reste tout à fait dans l'obéissance (NB 10, n. 2332).

 

626. Le Christ se donne comme les hommes peuvent le saisir dans la foi

Le Christ est Dieu. Quand il prophétise de sa voix humaine, une parole est émise que les hommes entendent certes comme parole venant de Dieu, ils pensent la saisir avec une certaine profondeur, comme les prophètes, alors que lui-même, comme Dieu, en connaît bien plus et tout ce qu'il y a de caché dans cette parole, ses ultimes mystères au sein de l'éternité, et il sait en même temps que ces mystères ultimes sont réservés à Dieu et ne peuvent être saisis par les croyants. Il doit donc adapter sa parole à sa mission humaine, il doit se résigner à ce que la foi des hommes reste grevée de faiblesse et d'hésitation, et qu'elle impose à sa parole des limites et des réductions. Son adaptation consiste à ce qu'il se donne comme les hommes peuvent le saisir dans la foi et il remet le reste à la vision du Père (NB 5,65).

 

627. Le Fils nous montre des choses qu’on ne peut voir que dans l’Esprit

Le Fils nous montre des choses qu'on ne peut voir, de manière allusive, que lorsque jaillit l'Esprit. Elles ont besoin de l'atmosphère de l'Esprit. Tout ce qu'on pense ou dit du Fils reste toujours en deçà du contenu ; ce n'est pas le temps qui rend dépassée la révélation chrétienne, c'est celle-ci qui rend dépassé chaque temps. Quand nous essayons de comprendre ce qu'est le Christ, notre effort de pensée nous dépasse toujours nous-mêmes dans une double direction : en direction du mystère du Père d'où il vient et à qui il retourne, et en direction du mystère de la rédemption pour lequel il va à l'homme et le ramène (NB 6,174-175).

 

628. Par l’humanité du Fils : un regard sur la nouveauté jaillissante de l’être de Dieu

Le Fils est habitué à une « vie de famille » céleste ; dans sa famille terrestre, Marie et Joseph doivent apprendre à transposer dans le divin ce qu’ils perçoivent de l’enfant, à voir dans les petites transformations, d’un jour terrestre à l’autre, comme un reflet de la grande nouveauté constante de la vie trinitaire. Ceux qui s’aiment sont toujours nouveaux et différents les uns pour les autres. Ainsi la foi aimante, grâce à l'humanité du Fils, est capable aussi de porter son regard sur l’être jaillissant de Dieu. Si nous pouvions vivre comme a vécu la Sainte Famille, en devenant autres chaque jour, nous serions plus mûrs pour le ciel à la mort ; nous comprendrions plus vite et d’une manière plus belle comment cette manière d’être nouveau se traduit dans la vie éternelle. La Sainte Famille a vécu cela grâce au don du Fils ; car ce don n’est pas venu dans le monde seulement pour subir une destinée humaine, mais tout autant pour nous donner par anticipation le plus possible du ciel ; il ne nous offre pas seulement sa vie terrestre, il nous offre avec elle des propriétés tout à fait éminentes de son être céleste (NB 9, n. 1938).

 

629. Nous ne connaîtrions pas Dieu s'il n'avait pas envoyé le Fils comme Sauveur. Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance. Et il l’a restauré dans le Christ (NB 2,41).

 

630. Le Fils veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde

Marie se donne totalement à Dieu, mais dans ce don est contenu son don d'elle-même aux hommes. Son double don d'elle-même à Dieu et au prochain imite, dans la mesure où c'est possible, le double don de lui-même du Fils qui, en tant que Rédempteur, veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde (NB 10, n. 2291).

 

631. Le Fils incarné nous montre la grandeur de l’amour du Père

Le Fils est dans l'amour inaltérable du Père. En tant qu'incarné, il nous montre la grandeur de l'amour de Dieu, à quel point il se penche sur nous, tout ce qu'il a inventé pour entraîner l'homme dans l'amour qui unit le Père et le Fils dans l'Esprit (NB 6,185).

 

632. Le Fils est venu dans le monde pour nous donner le goût et le sens de l'amour de Dieu

Dans le mystère de Dieu Trinité, il y a une distance entre les personnes, qui est ce qui rend possible et exprime l'amour divin absolu. Parce que le Fils et l'Esprit ne font qu'un avec le Père, ils doivent être personnellement différents et distants de lui. Le Père ne veut pas absorber en lui le Fils et l'Esprit, il veut, par amour, les laisser être eux-mêmes dans son amour. Lors de la création, Dieu a certes établi une nouvelle distance entre lui et la créature, mais en fin de compte il a voulu cette distance comme une image de la distance de l'amour intra-divin, pour faire participer la créature à l'amour éternel. C'est pourquoi quand le Fils devient homme pour enlever ce qui éloigne les pécheurs de Dieu, il prend avec lui dans le monde quelque chose de sa distance intra-divine vis-à-vis du Père et il la mêle à la distance de créature et de pécheur pour imprégner le tout comme un levain et lui donner le goût et le sens de l'amour de Dieu. L'expérience de la distance du péché est nécessairement intégrée aussi dans sa relation de Fils au Père. S'il ne savait rien du péché, il ne pourrait pas comprendre l'état du monde déchu, il ne pourrait pas s'engager pour ce qu'il doit ramener dans sa patrie (NB 6,197-198).

 

633. Le Fils devient homme pour présenter l’amour du Père et de l’Esprit

Quand il devient homme, le Fils, par son obéissance jusqu'à la croix, apporte ici-bas quelque chose de son état céleste. Dans son obéissance, ce n'est pas non plus lui qu'il veut présenter, mais l’amour du Père et de l'Esprit ; ce qui humainement le distingue le plus ne veut exprimer que la différenciation infinie de l'Être divin. Dans toutes ses paroles et dans toutes ses actions, dans toutes les manières qu'il a de se donner aux hommes, il ne représente toujours que le Père infini. Le chrétien doit toujours y songer. Il serait tout à fait vain d'imiter le Fils dans son humanité si l'on ne voyait pas en lui la représentation de Dieu. C'est pourquoi le chrétien en sa totalité, avec son corps également, doit essayer de se faire une idée des sentiments du Christ : son obéissance et son don de lui-même (NB 12,183-184).

 

634. L’amour céleste est semé par le Fils sur la terre

Celui qui prie le Seigneur, prie le vainqueur qui renverse les valeurs de tout le passé, de tout ce qui a été vécu par lui. Les jours de la création sont devenus autres, la prière des créatures vers Dieu est intégrée dans la prière du Fils au Père. Le Père a touché le Fils mort pour le réveiller, il l'attend auprès de lui dans le ciel, mais le Fils emportera avec lui ce qu'il a semé sur terre. Dans le Fils lui-même a eu lieu une nouvelle rencontre du ciel et de la terre. Ce qui était condamné à mourir est enseveli dans la terre : tout le fardeau de notre péché ; et ainsi le ciel peut recevoir ce que le Fils ramène comme moisson : l'amour céleste semé par lui sur la terre (NB 3,341).

 

635. Le Fils doit porter l’humanité au Père

Pour le Fils devenu homme, il y a entre lui et le Père non seulement son être d'homme mais aussi l'humanité dans sa totalité. Elle veut être sauvée. Elle l'accapare constamment et il s'engage totalement avec elle. Il ne se rapproche pas seulement des hommes en contractant une communion avec chacun, il doit en même temps la saisir globalement pour pouvoir la porter au Père en tant qu'humanité entière (NB 3,276).

 

636. Personne ne va au Père sans passer par le Fils

Il y a un chemin qui va de la prophétie concernant le Christ et Marie à la mystique ecclésiale, et il n'y a que l'amour qui ouvre ce passage. L'accomplissement par le Fils de ce qui a été prophétisé était en lui amour obéissant. Pour lui, cet amour est gardé vivant et divin sous ses yeux par la vision que le Père lui offre constamment. Pour lui, les deux ne font qu'un : la vision parfaite du Père dans sa prière d'adoration et l'accomplissement parfait des prophéties. Cet état parfait, du point de vue du ciel et du point de vue de la terre, est pour tous les autres le chemin. Personne ne va au Père sans passer par lui. Passer par lui, cela veut dire le suivre. Le suivre non seulement comme un disciple suit son maître dans sa manière de pensée, mais le suivre dans l'état vécu par son maître. Les apôtres répètent sans doute les paroles de la prière du Seigneur, mais ils voient surtout l'état vécu dans lequel il prie, et cet état est qu'il voit continuellement ce que le Père lui montre. Et comme le Seigneur communique tout ce qui lui est propre, il justifie, à partir de sa vision prototype, toutes les visions qui suivront, une intuition accordée dans l'adoration. Personne ne devrait essayer d'imiter les actes du Christ sans le suivre dans son état d’âme quand il priait. Personne ne devrait essayer de répondre à son commandement de l'amour sans se laisser combler par ce qui le comblait. Personne ne doit prier sans s'appuyer sur sa prière, personne ne doit croire sans vouloir croire par sa vision. Ce n'est pas là ingérence présomptueuse, c'est le Seigneur qui l'offre. Il voit le Père et il prodigue continuellement ce qu'il voit sous une forme adaptée à la foi de ceux qui le suivent. Il voit la plénitude, son temps qui passe est rempli d'éternité. Et cette plénitude est si infinie que chaque croyant peut en recevoir une part sans que cette part doive être identique à celle de n'importe quel autre homme. Au contraire, c'est toujours une part de la plénitude, mais c'est aussi une part de chemins déterminés. Tous ceux qui suivent le Seigneur reçoivent directement part à sa plénitude mais, en plus de cela, les chemins des saints dans l’Église peuvent déboucher à côté et être féconds. Car l’Église a part à toute la plénitude du Seigneur ; quand il retourne au ciel, il l'établit ici-bas comme ce qui garde un échange constant avec lui dans sa réalité céleste, et pourtant elle est édifiée sur chaque croyant et particulièrement sur les saints qui sont les colonnes de l’Église (NB 5,66-67).

 

637. Le Fils continue à agir sur la terre

L’Écriture de la nouvelle Alliance est là pour montrer que l'Esprit est toujours vivant et que le Fils vit toujours en lui. Elle est un signe que le Fils continue à agir sur terre. Quelque chose d'analogue vaut ensuite pour tout ce que l'Esprit inspire dans l’Église : les Pères de l’Église, les saints et leurs enseignements et leurs missions, etc. Tout cela est un prolongement de l’Écriture dans la mesure où l'Esprit est à l’œuvre de manière vivante. La réception de l'enseignement des saints par l’Église est un signe qu'elle reconnaît que l'Esprit est vivant (NB 1/2, 242).

 

638. Le Seigneur souffre pour son Église

Le travail de saint Martin de Tours dans l'Église est un travail d'amour, d'amour de Dieu et d'amour du prochain. Il souffre parfois de l'Église, mais d'une manière presque impersonnelle, non pour des motifs précis en quelque sorte mais tout d'abord dans la souffrance du Seigneur. Et il se doute bien toujours que le Seigneur souffre encore beaucoup plus que lui au sujet de ce qui peine Martin maintenant précisément (NB 1/1, 271-272).

 

E

 

639. Le Fils révèle à tous la grandeur de Dieu

Quand le Fils devenu homme rencontre des hommes qui le méprisent, qui le frappent, qui se moquent de lui, il se trouve en présence d'hommes qu'il porte en lui, sans les mépriser mais en supportant le mépris, sans les injurier mais en assumant les invectives. En ce qui lui advient, il reconnaît les innombrables aspects du visage humain. Il se tient en leur centre comme si tous devaient s'avancer vers lui de manière concentrique pour qu'il fasse l'expérience de leur haine en sa totalité et en toute évidence et que par là il révèle à tous la grandeur de Dieu par son attitude, son regard, sa relation au Père (NB 10, n. 2289).

 

640. Le Père se révèle dans le Fils

"Qui me voit, voit le Père". Le Père se révèle dans le Fils. Nous entendons le Père puisque le Fils est la Parole du Père. Durant toute sa vie terrestre, le Fils n'est pas seulement celui qui a été engendré du Père par l'Esprit dans la Vierge, il est continuellement celui qui révèle, celui qui fait connaître la présence du Père, il est le voyant qui voit la lumière du Père, celui qui se donne lui-même, qui vit de la nature et de la présence du Père chaque fois qu'il se prodigue (NB 5,218).

 

641. Le Fils : toute son incarnation est révélation

Le Fils : tout son corps, toute son incarnation est révélation. Il ne pourrait pas se cacher pour ainsi dire dans son eucharistie s’il ne s’était pas montré auparavant sans voile sur la croix aux hommes : à des hommes de toutes catégories, les aimants comme la mère et Jean, les femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée, mais aussi à ceux qui l’ont crucifié, les incroyants, les simples spectateurs (NB 9, n. 1735).

 

642. Le Fils : révélation du Dieu vivant

Si nous regardions le Fils isolément, si nous prenions les passages de l'évangile dont on pourrait dire éventuellement qu'il veut y parler de lui, qu'il s'y désigne lui-même, notre foi se dessécherait bientôt ; nous aurions alors écarté du Fils tout ce qui est révélation du Dieu vivant ; la vie divine ne nous serait plus ouverte, elle ne serait plus pour nous (NB 6,106).

 

643. Le Fils nous donne une idée de l’être du Fils éternel dans le Père éternel

Le Fils devenu homme vit dans l'Esprit Saint qu'il reçoit et dans la vision du Père avec lequel il parle dans la prière et dont il fait la volonté. Lui-même nous ordonne d'être parfaits comme le Père dans le ciel, en obéissant à sa parole de Fils qui nous dit de faire la volonté du Père. Il nous apprend à prier : "Notre Père…" et, dans sa propre transparence et son propre effacement qui ne veulent être rien d'autre que la Parole du Père, il nous donne continuellement une idée de l'être du Fils éternel dans le Père éternel. Il fait entrer notre devenir dans son être éternel afin qu'étant en lui, notre devenir saisisse quelque chose de l'être du Père. Si nous regardions le Fils isolément, si nous prenions les passages de l'évangile dont on pourrait dire éventuellement qu'il veut y parler de lui, qu'il s'y désigne lui-même, notre foi se dessécherait bientôt, nous aurions alors écarté du Fils tout ce qui est révélation du Dieu vivant, la vie divine ne nous serait plus ouverte, elle ne serait plus pour nous (NB 6,106).

 

644. Le Christ révèle Dieu Trinité

Le Christ est homme et il révèle le Dieu Trinité : il est Homme-Dieu. Cette unité se trouve aussi dans ses actes, même si un certain nombre d'entre eux paraissent purement humains à un incroyant, ou si nous pensons devoir les discuter de notre point de vue humain. Pour le croyant, ils sont tous l'expression de l'être trinitaire (NB 6,108).

 

645. Le Fils est la révélation offerte par le Père

"Qui me voit voit le Père". Certainement pas en ce sens que les traits du Fils sont les mêmes que ceux du Père, ou bien qu'ils seraient simplement une œuvre du Père où l'on pourrait lire l'artiste ; le Fils est la révélation offerte par le Père (révélation certes qui ne peut être "vue" que dans la foi) et le mot "Père" se trouve ici au fond pour le Dieu Trinité tout entier (NB 6,117).

 

646. Le Seigneur ne peut communiquer que très peu de choses de sa divinité

Il y a une souffrance du Seigneur, il y a en lui un déchirement du fait que les hommes ne le voient que comme un homme alors pourtant qu’il est Dieu. Ils cherchent à le comprendre en l’expliquant humainement : c’est un homme qui proclame l’enseignement du Père, qui fonde une nouvelle alliance, une nouvelle Église, qui prêche l’amour, l’amour du Père pour lui, son amour pour le Père et pour le prochain. Ils entendent tout cela sans réaliser qu’il est Dieu. Bien qu’ils ne veulent pas nier qu’il soit Fils de Dieu, bien que finalement ils admettront aussi qu’il meurt pour eux sur la croix, sa force de pénétration est partout bloquée. Il ne peut communiquer que très peu de choses de sa divinité, dans le sens d’une révélation qui serait pour eux simplement évidente. La plupart du temps, il doit se cacher derrière les mots pour révéler sa vérité. Il doit justement surtout se servir de moyens humains, ceux aussi qu’il donnera aux siens : les saints aussi feront des miracles. Au fond il réalise durant ses trois années actives ce pour quoi il peut aussi appeler des hommes. Les hommes feront des choses semblables avec son aide. Mais il y a une souffrance divine qui se fait jour du fait qu’il ne peut pas sortir de sa peau d’homme pour montrer la pure divinité. Il reste lié aux hommes dont il veut faire des chrétiens et des disciples. Il sait de plus que cet homme chrétien qu’il voudrait laisser après lui sera de plus gêné par le péché (NB 9, n. 1752).

 

647. La manière dont Fils doit se répandre dans monde

Dès l'ancienne Alliance, le Père a revendiqué une sorte de privilège, il s'est réservé une sorte de norme de justice sur la manière dont le Fils doit se répandre lui-même dans le monde (NB 6,86).

 

648. De la naissance à la croix, toute la vie du Seigneur est épiphanie, objectivement (NB 9, n. 1697).

 

649. Le Fils représente le Père dans le monde (NB 9, n. 1110).

 

650. Le Fils est la porte qui mène au Père

Si tout est créé en vue du Fils, le Fils doit recevoir ce tout dans l'obéissance au Père. Dès le début il doit se préparer à laisser venir à lui tout le créé, c'est la tâche de son obéissance ; et pour que réellement toutes choses puissent venir à lui, qui est la porte qui mène au Père, il doit être obéissant jusqu'à la mort (NB 10, n. 2198).

 

651. Pour le Fils : faire de toutes choses un royaume pour son Père

Quand il s'agit de fêter le Seigneur comme roi, il met d'abord à notre disposition ce qu'il y a de plus intime dans ses mystère : l'unité de sa souveraineté et de son humilité, de son obéissance et de sa force, de sa docilité et de son pouvoir de décision au nom du Père en tant que second Adam. Les choses ne lui sont pas confiées comme au premier Adam pour qu'il les domine, elles sont créées d'emblée pour lui, pour qu'il fasse d'elles un royaume pour son Père ; en toutes choses et en toutes ses décisions, il imprime le sceau de son propre mystère. Tout ce qu'il touche et intègre dans son domaine en tant que Christ-Roi voit son caractère se modifier ; cela reçoit ainsi sa parfaite destination, c'est conduit au but pour lequel cela a été créé à l'origine (NB 10, n. 2175).

 

652. Le Seigneur est la Parole du Père (NB 5,166).

 

653. Percevoir la Parole de Dieu quand elle se fait chair

Dieu le Fils est la Parole du Père et, dans l'éternité, il vit dans le Père. Nous percevons la Parole quand elle se fait chair. A partir de là nous pouvons faire des suppositions et dire : dans l'éternité, la Parole se tait ou elle parle selon un rythme que Dieu a pour sa Parole. Pour Dieu dans le ciel, ce rythme est parfait et adéquat ; notre rythme terrestre de parole et de silence, de prière, de méditation, de travail, de réalisation, n'est pas notre affaire mais celle de Dieu si nous lui sommes obéissants ; il nous revient de faire confiance, de croire, d'aimer, même quand quelque chose de décisif se déroule au plan de Dieu, qui nous est inaccessible. La Parole de Dieu demeure au plan de Dieu même quand elle est reçue par un pécheur, elle-même n'est jamais tiède, même quand nous la laissons devenir tiède en nous ; mais nous pouvons être si obéissants que Dieu peut reconnaître sa Parole en nous comme un sel de la terre, qu'il a déposé en elle (NB 10, n. 2160).

 

654. Le Fils est la parole audible du Père

En tant que Parole incarnée, le Fils parle du Père par sa chair. Durant ce temps, il n'y a pas de promesse, ni non plus d'accomplissement qui ne soient exécutés par lui : il est constamment la Parole accomplie, la Parole qui justement s'accomplit, la Parole audible du Père. Le Père a confié au Fils d'être sa totale ouverture pour nous, d'être tout ce qu'il veut nous dire. Le Fils meurt en tant qu'homme sur la croix ; mais, en tant que mort, il ne s'est pas séparé du fait qu'il est Parole, il est devenu la Parole muette du Père. Parce que la Parole était devenue chair et que la chair meurt, le Père se tait. Ce silence du Père est l'accueil de la mission achevée du Fils. Il n'y a maintenant rien de plus à en dire. Le Père se tait pour être un avec le Fils qui est devenu muet. Et les hommes doivent apprendre à se taire aussi dans ce silence entre la mort et la résurrection. Dans le silence est contenu la descente du Fils aux enfers. Elle s'accomplit dans ce silence de mort du Fils et dans le silence du Père qui est une réponse. C'est une marque d'égard de l'amour paternel qu'il se taise. Il ne veut pas signaler l’œuvre accomplie par le Fils ailleurs que dans la résurrection. Celle-ci est le signe. Le Père, qui fera ressusciter lui-même le Fils, attend le Fils pour parler à nouveau ; en reprenant la conversation avec lui, il recommencera aussi à parler avec nous. Ce n'est pas un silence impuissant, ni un silence qui serait dans l'embarras pour expliquer cette mort aux hommes. C'est le profond respect pour le Fils qui ici se tait ; le Père accompagne en silence sa descente aux enfers (NB 3,337).

 

655. L'homme Jésus Christ, Parole du Père

L'homme Jésus Christ, que nous aimons et auquel nous participons, est en même temps la Parole du Père ; et du fait qu'il est la Parole, il ouvre des possibilités infinies : pour lui-même vis-à-vis de Dieu et des hommes, pour nous à qui il ouvre une inconcevable richesse de points de vue qui sont tous pleins de sens pour l'amour et sont toujours un nouveau stimulant. Tout ce que contient de sens la Parole du Père éternel nous est fondamentalement offert dans cette humanité, tout l'humain que nous pensons connaître par nous-mêmes reçoit, dans le fait que le Fils est la Parole, un sens nouveau, infini (NB 6,23).

 

656. Le Seigneur dit la parole et l’Église la garde

Dans la nouvelle Alliance, le Fils voit la vérité du ciel en tant qu'homme et il l'exprime. Sa parole ici-bas est en conformité avec sa vision dans le ciel. Quelque chose de cette conformité est aussi offerte à ceux qui le suivent : la parole de la doctrine peut être en même temps une ouverture sur la vision. Le non croyant qui entend une parole de la doctrine ne peut lui attribuer qu'un sens limité. Dans le commandement de l'amour du prochain par exemple, il peut trouver bien des éléments qui le concernent, qu'il veut aussi observer, puisque sa vie et la vie des autres en sont enrichies, il peut même, par son expérience, en tirer de nouvelles lois, de nouvelles possibilités d'expériences, de nouveaux engagements pour les autres. Mais quand un croyant entend la même parole, c'est par la foi qu'elle acquiert pour lui son caractère obligatoire. Il ne comprend plus cette parole d'une manière purement naturelle, il la comprend comme une parole dite par Dieu dans le Christ, une parole qui signifie beaucoup plus que ce que la nature peut en saisir. Elle a un rapport direct avec le monde de la grâce et c'est à partir de ce monde qu'elle impose ses exigences. Le croyant peut vérifier l'application de la parole et son sens au moyen de la foi de l’Église. La foi de l’Église et la parole de Dieu s'éclairent et se complètent mutuellement, elles s'interprètent l'une par l'autre. La parole et la foi se rencontrent dans le chrétien, il devient une sorte de champ de bataille et l'objet de l'explication. S'il est choisi par Dieu pour une mission particulière dans l’Église, la parole peut se présenter de nouveau à sa foi avec une autre dimension, et cette révélation aura des conséquences voulues pour lui personnellement. Mais ceci toujours en accord avec le Seigneur qui dit la parole et avec l’Église qui la garde et la gère (NB 5,68-69).

 

657. Comprendre les paroles du Seigneur dans leur sens surnaturel

En tant que Fils du Père, le Christ s'est abaissé jusqu'à être un homme parmi nous, les hommes, mais il a la vision du Père, et donc, au beau milieu de notre monde, il porte en lui le ciel. Sa vision comprend deux éléments : le ciel et la terre. Il n'apporte pas seulement ici-bas la perfection d'un être humain, mais son existence divine. Celle-ci doit être transmise aux hommes sous la forme de la foi chrétienne qui agrandit l'homme de tous côtés et le rend capable de comprendre les paroles du Seigneur dans leur sens surnaturel. Cette compréhension de la parole n'est pas limitée parce que le Christ demeure la Parole et la parole chrétienne comprise a part, dans le Fils de Dieu, à sa divinité, c'est même en elle qu'elle a sa pleine réalité. Est vrai ce qui est réel, et Dieu est réel. Et toute réalité que l'homme saisit, de quelque manière que ce soit, a son prolongement et son centre de gravité en Dieu lui-même (NB 5,72).

 

658. Le Fils : la Parole de Dieu s'adresse aux hommes

Que, dans le Dieu éternel, il y ait une Parole est l'expression de l'amour en Dieu : la Parole est engendrée dans l'amour, il lui est répondu dans l'amour, elle sert à l'échange de l'amour trinitaire. Ce que le Fils fait au ciel en tant que Parole, il continuera à le faire sur terre, en devenant homme, d'une manière adaptée aux hommes. Maintenant c'est réellement la Parole de Dieu qui en lui s'adresse aux hommes, qui s'exprime, que nous accueillons comme Parole de Dieu et à laquelle nous répondons quand nous prions, quand nous vivons par elle et qu'il nous est permis de la rendre au ciel d'une certaine manière (NB 6,21).

 

659. Le Fils fait comprendre le Père

Qui perçoit la parole de Dieu entend avant tout ce que le Christ a dit en tant que Parole du Père. Le Fils s'est disposé pour être l'annonciateur de la volonté du Père qu'il a révélée à l'extérieur. En faisant ainsi comprendre le Père, il se présente lui-même en même temps comme l'image et la Parole du Père, et cela sous la forme d'un homme qui a choisi l'obéissance au Père comme fond de son existence. Il vit parmi nous comme quelqu'un qui accomplit parfaitement ce qui est au Père ; pour montrer la volonté du Père, il la prend en lui parfaitement et il la réalise pour le monde. Il la fait non pas superficiellement, par hasard, pour se donner lui-même en exemple quand il parle du Père, mais il la fait comme sa règle de vie. Il obéit au Père dans l'Esprit Saint, et l'Esprit Saint est sa règle parce qu'il représente la volonté du Père. Le Fils ne s'écarte de cette règle à aucun moment. Les conseils évangéliques qu'il donne aux siens, il les vit lui-même, ils deviennent vivants par lui. Il les présente de telle sorte que nous puissions les saisir. Il les vit si bien que chaque conseil devient pleinement vivant en lui et que chacun d'entre nous comprend par lui, l'homme obéissant, comment s'approcher de la volonté du Père. Le Fils se fait chemin en étant la vérité du Père, et cette vérité est la vie éternelle. De sa naissance dans la totale pauvreté, à travers sa vie de travail, caché dans la maison de Joseph, aux années de prédication, il s'adapte toujours à la volonté du Père, il accomplit toutes choses d'après elle si bien que nous trouvons représentée dans sa conduite sa règle intérieure. Tout ce qu'il nous communique comme vérité et parole du Père est porté par son ascèse divino-humaine qui ne se relâche à aucun moment et qui fait de lui sous nos yeux le parfait réceptacle de toute manifestation du Père. Tout ce qu'il nous explique, il l'explique en sa qualité de Fils ; depuis toujours il connaît toute la vérité, il l'est. Ses années humaines, il ne les prend pas comme une occasion d'annoncer cette vérité uniquement de manière accessoire et comme de l'extérieur pour ensuite être à nouveau un homme privé qui disparaît dans la masse ou prend les manières et les fautes de ses disciples ou des gens qu'il fréquente pour ne pas continuer à se faire remarquer. Il n'est pas sur le même plan qu'eux. Il s'est abaissé jusqu'à devenir homme, mais il veut être l'homme parfait qui vit dans la parole de Dieu et qui représente le Père partout où il est, qui donc ne doit jamais renoncer à un chemin pour sa prédication, pour sa théologie, pour ce qui est sa mission, mais qui prend absolument partout avec lui cette mission, sans la réduire, en sa totalité, et la révèle partout (NB 10, n. 2214).

 

660. Ce que le Christ dit, il le dit en tant que Parole du Père pour le monde

Quand celui qui écoute est atteint par la parole de Dieu, c'est par une parole qui en Dieu est action. Il perçoit la parole et il reconnaît son effet. Il ne lui est pas possible d'accueillir cette parole indépendamment de son effet comme n'importe quelle parole qui n'engage à rien ; il doit la recevoir avec tout son poids, avec ce que le Christ a fait d'elle durant toute sa vie, lui qui l'a réalisée dans sa vie par son incarnation, par sa mort sur la croix, par la rédemption de l'humanité obtenue auprès du Père. Le devoir de celui qui écoute n'est pas d'abord d'accomplir la parole ; il la reçoit à entendre comme déjà accomplie et il doit se régler d'après elle. Il ne lui est donc pas possible de percevoir quelque chose de Dieu comme accessoire et de le transmettre accessoirement comme une vérité parmi d'autres, comme une possibilité entre beaucoup d'autres. Il doit comprendre la parole dans un combat avec lui-même, dans un constant effort fait sur lui-même, il doit se faire expliquer son sens. Il doit assister à un lent dévoilement qui ne peut se faire qu'au centre de son âme, il doit le vivre, le laisser agir et l'effet provient là du Seigneur. Lors de la fondation de l’Église, le Seigneur a inséré en elle tout le poids de son être propre ; dans le même acte, il fait devenir Église la mère-épouse. L’Église fait annoncer la parole, mais en même temps elle la retient, elle confie la parole au prédicateur comme une tâche vis-à-vis de lui-même, comme une exigence de sa croissance intérieure, et elle surveille celle-ci (NB 10, n. 2214).

 

661. Le Seigneur est la Parole du Père et il parle dans l’Esprit Saint

Quand le sens trinitaire d'une parole du Seigneur n'apparaît pas clairement d'emblée, il apparaît quand même tout de suite clairement, par le contexte de ce qu'il dit, qu'il est la Parole du Père et qu'il parle dans l'Esprit Saint (NB 10 n. 2198).

 

662. Ce sont le Fils et l'Esprit qui rendent le Père visible pour nous (NB 6,403).

 

F

 

663. Le Fils transmet au monde la vie divine

La vie divine qui est cachée dans le Fils, il la transmet au monde en s'incarnant. Comment il porte en lui cette abondance des grâces sacramentelles, nous ne pouvons pas le saisir en détail ; les éléments qui conduiront plus tard à la forme ecclésiale des sacrements ne peuvent se voir que de manière fragmentaire. Déjà quand il est entré dans sa mère, il n'a pas eu besoin d'un père pour lui donner la vie : il s'est apporté lui-même comme étant la vie. Il y a en lui l'intelligence et la grâce du Père et de l'Esprit. Le temps de son séjour sur la terre se trouve au milieu de son éternité : son existence historique dans le temps est là pour nous montrer sa réalité éternelle. Nous n'étions plus sensibles à la réalité et à la vérité cachées en Dieu, sa Parole devint donc chair pour que Dieu devienne à nouveau pour nous une réalité. Le sacrement concrétise pour nous de manière toujours nouvelle la concrétisation de Dieu dans le Christ ; il est l'œuvre de son éternité, opérée dans sa temporalité, afin de nous offrir pour tous les temps quelque chose de sa vie éternelle (NB 6,497).

 

664. Dieu Trinité est totalement dans le Fils : la vie divine qui est cachée dans le Fils, il la transmet au monde en s'incarnant (NB 6,496-497).

 

665. Le Seigneur a fait descendre la vie éternelle dans notre temps

Le Fils de Dieu est devenu homme : chair, substance humaine. Il offre cette substance qui est sienne à tous les croyants dans l'eucharistie. Une substance qui nous offre d'être uni à lui pour mûrir dans la foi, dans la vie éternelle. La substance de l'homme est celle qui nous fait mûrir pour le temps. Elle est en quelque sorte recueillie, élevée, par la substance de Dieu : celle-ci nous fait mûrir pour l'éternité. C'est ainsi qu'avec la substance qu'il nous donne, le Seigneur a fait descendre la vie éternelle dans notre temps et, par cette vie éternelle, il nous a donné la patience d'attendre notre temps, d'être patient avec notre temps (NB 12,107).

 

666. Le Fils est devenu homme pour nous ouvrir la vie éternelle aujourd’hui

Le retour du Fils au Père est comme une concentration de notre temps ; il prend notre avenir avec lui dans le ciel. Les témoins de son Ascension ont expérimenté la manière dont quelqu'un qui se trouvait dans notre temps partait verticalement pour l'éternité. Il n'a pas rejeté avec mépris tout le temporel : il est mort bien sûr, mais il est aussi ressuscité, il est apparu aux siens dans le temps et il a ainsi pris ce temps avec lui. Par le fait qu'il a pris notre temps avec lui dans l'éternité de Dieu Trinité, il est en mesure d'entrer dans notre temps par une apparition. Plus quelqu'un est proche de la vie selon les conseils, plus il y est enraciné, plus son temps éphémère est concentré afin de libérer pour l'éternel le tout, l'espace inouï du toujours-maintenant. Ce n'est pas que le Fils, par son incarnation, se soit perdu dans le tout du temps éphémère pour le remplir de ce qui est impérissable. Il s'ouvre à qui veut le suivre, à qui crée en lui de l'espace pour sa grâce, il s'ouvre à chacun par la communion et les sacrements. Et plus quelqu'un crée de l'ordre en lui-même, plus le don descend profondément en lui. Dieu peut si bien le raffermir que tout en lui fait de la place pour l'unique, pour la vie éternelle aujourd'hui, dans laquelle il l'accueille. Là, toutes les possessions, toute la descendance temporelle, tout l'accomplissement de la propre volonté ont disparu parce que dépassés. Le corps et l'âme sont ouverts totalement à ce qui est l'accomplissement de la promesse du Christ (NB 10, n. 2264).

 

667. Rendre accessible aux autres la vie éternelle

Tous les efforts du Fils visent à rendre accessible aux autres sa béatitude éternelle. Et ses apôtres auront à leur tour à la transmettre à d'autres. De sorte que nous suivons le Seigneur si nous regardons toujours les autres pour leur transmettre le ciel sans regarder notre propre ciel, pour prodiguer en quelque sorte généreusement quelque chose de notre mystère personnel comme des miettes qui tombent de notre table abondante (NB 10, n. 2130).

 

668. En prenant sur lui les jours du temps, le Fils voulait nous faire le don des jours de l'éternité (NB 10, n. 2108).

 

669. Le Fils s'ouvre à qui veut le suivre, à qui crée en lui de l'espace pour sa grâce, il s'ouvre à chacun par la communion et les sacrements (NB 10, n. 2264).

 

670. Le Fils ici-bas veut nous montrer l'ampleur de la grâce de Dieu

Le Fils qui vit ici-bas n'a rien perdu de sa divinité. Mais ici-bas il vit en fonction de l'amour divin qui a décidé du salut ; il est pour lui si prioritaire de présenter cette décision qu'il ne s'attache plus à son existence céleste. Pour lui, le sens de son existence est de nous montrer l'ampleur de la grâce de Dieu Trinité qui est destinée à l'homme et qui lui est donnée. Ainsi de même qu'il "est" dans le monde, "nous" y sommes nous aussi, parce que tout ce qu'il exprime nous concerne. Nous sommes parce que nous sommes concernés dans le Fils. Les hommes que nous sommes sont ceux auxquels l'amour du Père est destiné. Le Fils vit pleinement cette vie qui est la nôtre, il est donc nous. Il nous fait voir ce que nous sommes, mais il ne joue aucun "rôle", il ne fait pas de "théâtre". Il ne joue pas, il vit. Il ne nous invite pas à jouer avec lui, mais à vivre de sa vie. C'est en tenant compte du Père, de la vie éternelle et du jugement par l'être divin que nous recevons tout ce dont nous avons besoin pour aller, dans la confiance de la foi, vers ce qui nous attend. Dans l'ancienne Alliance, je suis ce que je suis. Dans la nouvelle Alliance, je suis ce que le Seigneur est. Et le Seigneur est ce qu'il doit être selon la décision de Dieu Trinité. Il nous représente. Il s'est fait le représentant de l'image de nous-mêmes qui est ébauchée dans le ciel, il se donne à nous tel qu'il est (NB 6,185-186).

 

671. La grâce du Fils

L’homme de l’ancienne Alliance vit dans une sorte de moralité, de justice, selon la loi du Père. Il y a là aussi un ordre et une sagesse qui correspondent à l’Esprit. Mais il manque encore la grâce du Fils, le désir d’aimer, de participer, d’être racheté. Là où elle manque, l’homme devient pharisien : il pense ne pas avoir besoin du Fils (NB 9, n. 1337).

 

672. Le Fils brûle de faire couler en moi la grâce trinitaire

Dieu le Fils brûle de me donner l'absolution à moi aussi, il brûle de me faire participer à l'absolution que le Père accorde au monde, de l'étendre aussi à moi, de faire couler en moi aussi la grâce divine trinitaire. Et cela est simplement plus important que tous mes scrupules. Dieu désire qu'on se confesse - même si nos confessions sont encore imparfaites - parce qu'il désire pardonner, parce que le Fils veut nous présenter au Père, parce que cela fait la joie de son humanité d'apporter au Père un être humain de plus (NB 10, n. 2165).

 

673. Le Fils a apporté dans monde la vie divine trinitaire

Par sa venue, le Seigneur est accomplissement de la promesse. Il ferme le cercle de la promesse. Mais son accomplissement consistait dans le fait qu'il a apporté dans le monde la vie divine trinitaire, donc beaucoup plus que ce que n'importe quelle promesse pouvait concevoir. Le Fils de Dieu a été promis, c'est la deuxième personne de la Trinité qui est venue (NB 4,28).

 

674. Par le Seigneur, Dieu fait advenir dans ce monde son être trinitaire

Chrétiennement, cela n'aurait aucun sens que "moi", j'existe si je n'étais aussi dans le tout du monde et finalement dans la communion de l'amour trinitaire. Toute pensée que je gaspille pour mon moi est, chrétiennement, une pensée perdue si le sens de ce moi ne se situe pas dans la solidarité, le don de soi, le service du tout. Nous existons tous réellement en tant que nous sommes avec le Seigneur eucharistique en qui Dieu fait si bien advenir dans le monde son être trinitaire qu'il se prodigue à tous (NB 6,101).

 

675. Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité de Dieu

Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité de Dieu. "Qui me voit voit le Père" et "Personne ne va au Père sans passer par moi". Certes le divin s'est tellement approché de nous dans le Fils de l'homme que nous sommes enclins à oublier la divinité du Fils au sein de la Trinité. Maintes formes de notre prière sont presque des familiarités bien souvent, elles ne regardent pas la majesté divine infinie, elles sont un produit de notre imagination et de nos pieux désirs. Nous avons l'habitude de dire sans y penser : "Je ne suis qu'un rien dans ta main, tu es tout", ou bien "Parce que je veux tout ce que tu veux, tu veux tout ce que je veux". Ces derniers temps, dans mes lectures, je ne cessais de tomber sur ce genre de choses énervantes qui jouent avec le don de soi, qui semblent très élevées, mais en réalité tout est réduit à ma mesure. Avec cette manière de mettre le Seigneur dans tous nos projets et tous nos actes, de mettre en relation nos petits ennuis avec sa croix, nous réduisons le Seigneur à notre format humain et nous ne cessons de nous éloigner du véritable esprit du don de soi (NB 6,116).

 

676. Le Fils voulait être passage vers le Père et l'Esprit

Quand nous commençons à comprendre que la foi ne s'épuise jamais dans une reconnaissance théorique, mais qu'elle n'est viable qu'unie à l'amour agissant, alors il devient clair pour nous que les mystères trinitaires que nous confessons dans la foi doivent se répercuter dans notre amour. Un amour qui voudrait ne s'occuper que du Fils n'irait pas dans son sens, étant donné qu'il voulait être porte et non but, passage vers le Père et l'Esprit aussi bien que vers les hommes qu'il a aimés jusqu'à la mort. La communion la plus intime est la communion trinitaire en Dieu ; ce serait contraire au sens de l'amour lui-même que d'opérer ici un choix. (NB 6,112-113).

 

677. Le Fils lui-même conduit toujours au Père et à l'Esprit (NB 6,83).

 

678. Le Fils apporte au monde sa lumière

Le Père sépare la lumière des ténèbres, et c'est le premier jour et la première nuit. Et maintenant le Fils parle et il promet au Père : de même que celui-ci a séparé la lumière des ténèbres, lui, le Fils, séparera la lumière des ténèbres en apportant lui-même au monde sa lumière en tant que lumière qui a été distinguée, et il prendra les ténèbres du monde comme les ténèbres entrant en lui. C'est en séparant les ténèbres de la lumière qu'il fera la lumière, et il ne fera pas un jour et une nuit, il fera le jour éternel de la rédemption. Et il livrera à la nuit éternelle, dans les enfers, ce qui appartient à la nuit éternelle (NB 5,265).

 

679. Le Fils apponte au monde toute la lumière de Dieu

Étant donné que le Fils en devenant homme reste toute la lumière et qu'il apporte au monde toute la lumière de Dieu Trinité, c'est comme si Dieu le Père créait de ce fait des lumières pour offrir aux hommes sa propre lumière personnelle en tant que telle (NB 1/2, 223).

 

680. Le Fils a payé un prix pour conduire le monde à lumière du Père

Chaque année, il reste à Pâques, pour Adrienne, quelque chose de la fatigue des jours saints. A Pâques, c’est comme si le Fils ressuscité aussi devait se souvenir du prix payé par lui pour conduire le monde à la lumière du Père (NB 3,241).

 

681. Le Fils devenu homme place la création devant Dieu dans une nouvelle lumière

Dès avant la passion, le Fils élève la création adamique tout entière à un degré supérieur et l'établit par là dans une relation nouvelle avec le Père. Un souffle divin plus puissant la caresse de son souffle. La volonté de salut du Fils est si absolue que le premier pas déjà, l'incarnation, suffit à placer la création devant Dieu dans une nouvelle lumière (NB 6,195).

 

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682. Le Fils veut ouvrir partout des chemins vers Dieu

On ne doit jamais oublier que le Fils est totalement homme, que pour lui la divinité ne signifie jamais une facilité. Ce qu'il prend du Père et dit de lui, il ne le fait pas pour se faciliter son propre chemin, mais toujours pour aplanir le chemin des autres hommes. De sa proximité avec Dieu, de sa certitude de faire la volonté du Père, il ne tire aucun avantage, il ne veut pas de prérogatives personnelles; aucun de ceux qui le suivent ne doit pouvoir dire : il a eu de la chance, il était Dieu ! Sans doute est-il Dieu, mais ce n'est pas pour cette raison qu'il agit, prie et souffre autrement que s'il était l'un des saints. Et ceci avec des sentiments totalement eucharistiques : se communiquer aussi complètement que possible, ouvrir partout des chemins vers Dieu afin que sur ces chemins surgissent des saints véritables. Et afin aussi qu'après le temps de son incarnation et de sa passion, quand le Père regardera sa création, il puisse suivre dans ses saints les traces de son Fils (NB 6,196).

 

683. Le Fils nous révèle notre être d’homme

Dans toute son activité en tant qu'homme, le Fils, avec son être de Dieu, nous révèle notre être d'homme : ce que signifie une vie dans l'amour et la mission (NB 3,338).

 

684. Le Seigneur voudrait nous faire brûler de son feu

La flamme qui consume le Seigneur et le rend capable d'aller vers la croix, c'est son amour pour le Père et l'amour du Père pour lui. Il parle avec le Père et il parle avec le monde, il est en pleine conversation et, par cette sorte de conversation avec le Père et avec le monde, il veut montrer que son amour est infini, qu'il n'est pas lié, et que nous devrions entrer dans le mouvement de son amour. Il voudrait nous faire entrer purs dans sa pureté et brûler de son feu, et nous faire souffrir avec lui sur sa croix, aimer de son amour. Il voudrait que cet amour devienne plus fort et que ce feu en nous ne s'éteigne pas, que cette croix ne soit pas oubliée, que nous priions davantage avec lui (NB 5,273).

 

685. Le Fils veut introduire les siens dans la foi chrétienne

Pour le Fils durant sa vie terrestre, le monde du Père était pour lui aussi présent que le monde qui l'entourait ici-bas. Cependant pour introduire les siens dans la foi chrétienne, il était entré dans leur horizon humain et, dans sa mission, il avait fait des choses qui ne relevaient pas de la vision mais de la foi. Il avait prié comme s'il n'était porté que par la seule foi dont il disait aux siens qu'elle suffirait, si elle était authentique, pour transporter les montagnes (NB 6,294).

 

686. Le Fils élève tous les humains pour leur offrir de lui être attaché (NB 1/2, 245).

 

687. Le Fils  unit Dieu et l'humanité par la croix (NB 2,28).

 

688. Sur terre, le Fils ne sert pas de médiateur à la nouvelle Alliance, il est la nouvelle Alliance (NB 9, n. 1714).

 

6. Ramener le monde au Père

 

689. L’œuvre du Seigneur est de ramener les hommes à Dieu, de remplir le monde de Dieu (NB 11,363).

 

690. Jésus est venu dans le monde pour montrer au Père que sa création est bonne et la lui ramener (NB 3,192).

 

691. Le Fils devient vraie chair pour ramener le monde au Père. Quand il ressuscite, il retourne le premier au Père avec la chair rachetée (NB 12,165).

 

692. Le Fils ramène le monde dans le sein du Père par son action (NB 12,23).

 

693. Sauver monde et le ramener au Père

Le Fils veut sauver le monde et le ramener au Père. Il veut prouver par là au Père que son amour est toujours plus grand. Pour sauver le monde, la croix est nécessaire. Pour prouver au Père son plus grand amour, il faut la nuit (NB 5,91).

 

694. Le Fils est venu pour ramener le monde au Père par sa passion (NB 6,404).

 

695. Dans le Seigneur, la croix n'a pas tué la joie ; en revenant de la croix et des enfers, il reste dans la décision joyeuse de ramener au Père son monde (NB 6,356).

 

696. Pour ramener au Père ce monde comme bon, le Fils ne veut pas que le monde soit seulement attribué à sa bonté : il veut, par sa grâce, éveiller en chaque individu la possibilité du bien (NB 1/2, 216).

 

697. Le Fils a en lui la mission qu'il a reçue de Dieu Trinité de ramener les hommes à Dieu (NB 2,28).

 

698. Ramener toute l’humanité au Père

Le Fils a vécu avec les hommes de son temps, et ceux-ci étaient pour lui les représentants de toute l'humanité qu'il veut ramener à son Père. Leurs péchés sont le péché originel, ce sont les péchés quotidiens, mais ce sont en même temps tous les autres, les péchés qui ont été commis et ceux qui vont venir ; les péchés ne sont pas liés au temps, ils sont liés aux hommes (NB 3,399).

 

699. Ramener au Père le monde entier

Le miracle consistant à ramener au Père le monde entier avec lui était toujours pour lui un miracle du Père, le contraire de son incarnation, mais les deux sont un miracle immense et parfait du Père. Il les a laissés se produire en lui, il était ce qui était fait par le Père. Dans les deux cas, il a laissé au Père toute la joie du miracle. Lui, le Fils, ne voulut rien en avoir pour lui ; il lui suffisait de savoir que le Père agissait et que le tout était un miracle de joie, d'allégresse (NB 3,156).

 

700. Le Fils s'efforce de ramener les hommes au Père

Le baptême efface le péché originel et il montre par là que le Fils s'efforce de ramener les hommes au Père, là où ils étaient afin qu'ils ne mangent pas de l'arbre de la connaissance et apprennent à discerner entre le bien et le mal (NB 4,208).

 

701. La mission du Fils : ramener le monde au Père

Le contenu de la mission du Fils est de ramener le monde au Père, non par un acte de force mais par un acte d'amour, il veut se donner lui-même totalement pour pouvoir accomplir cet acte d'amour. Pour pouvoir se donner totalement, il doit prendre totalement quelque chose, une vie humaine à laquelle il donne la plénitude de sa vie divine. Il se fixe à lui-même des limites afin que ce monde qu'il veut sauver le reconnaisse, car nous ne reconnaissons que ce qui est limité. Ses limites proviennent finalement de Dieu Trinité. Le Père a choisi la forme "monde", c'était son idée, sa création ; le Fils l'assume pour ramener au Père son idée achevée. Il devient une forme humaine particulière qui, en tant que telle, est la forme voulue par Dieu au milieu des hommes, une forme qui ne cesse de naître maintenant, mais qui est tellement forme qu'on ne remarque plus son origine divine. C'est d'ici qu'il faut partir pour saisir en Dieu tout le mystère de la mission. Que le Fils devenu homme ne cesse de naître maintenant de Dieu correspond au fait qu'il ne cesse d'être engendré maintenant du Père ; c'est pour cela qu'il convient au mieux que ce soit justement le Fils qui devient homme (NB 6,207).

 

702. Le Seigneur ramène le monde au centre : le Père

Quand le Seigneur devient homme, il ne devient pas périphérie et ce n'est pas de là qu'il ramène le monde au Père, il vient du centre (le Père) et il ramène le monde au centre (le Père) ; mais parce qu'il suit ce chemin, il doit toucher la périphérie (NB 4,396).

 

703. La liberté du Fils de ramener le monde au Père

La liberté du Fils de ramener le monde au Père se trouve en face de la liberté d'Adam de se détourner de Dieu. Mais le Fils n'a qu'une liberté : l'arbre du bien dans lequel, par obéissance, il rassemble tout le mal. Adam par contre possédait toute liberté, sauf celle de l'arbre. Mais, entre temps, l'arbre est devenu l'arbre de la croix : c'est sa forme vraie, définitive, qui n'était que préfigurée dans l'arbre interdit du paradis (NB 6,261).

 

704. Le Fils a payé le prix pour pouvoir rendre le monde au Père

Quand, après la souffrance de la croix, le Fils se tient devant le Père et que le Père tire au clair en quelque sorte cette souffrance (cette expression est naturellement fausse !), quand le Fils rend compte au Père de sa souffrance (dans l'échange d'omniscience du Père et du Fils, le lieu de ce qui a été souffert est difficile à préciser, car l'abandon du Fils a été le pire de ce qu'il pouvait souffrir et que le Père pouvait lui permettre), quand donc Dieu se tient devant Dieu, le sacrifice accompli - comparé à la joie de la réunion - est en quelque sorte mis de côté. Dans cette joie, le Fils n'est pas en mesure d'évaluer ce qu'il a souffert, il n'est pas capable de dire ; « Je n'aurais pas pu en faire davantage ». Il y a quelque part quelque chose qui n'est pas réglé, mais qui ne compte pas, parce que maintenant ce n'est pas la croix qui est là, c'est le Père et le retour auprès de lui. Le Fils a payé le prix pour pouvoir rendre le monde au Père (NB 10, n. 2142).

 

705. Le désir ardent du Fils est de mettre aux pieds du Père un monde où l'on ne pèche plus

Après son retour au Père, le désir ardent du Fils ne sera plus le même. Il sera pour ainsi dire déplacé, ce sera alors le désir ardent de mettre aux pieds du Père un monde où l'on ne pèche plus, où l'on n'est plus qu'aimé. Son désir ardent ne vise plus une union plus grande avec le Père mais seulement une béatitude plus grande pour le Père, sa totale félicité (NB 6,181).

 

706. Le Fils va rechercher la terre

La sphère du ciel qui a été perdue par le péché, le Père n’en a plus de joie après la chute. Le Fils donc ne va pas seulement rechercher la terre, il va rechercher quelque chose du ciel qui était perdu, étant donné qu’à l’origine, dans le plan de Dieu, la terre faisait partie du ciel (NB 9, n. 1714).

 

707. Le Fils va sauver monde

Quand le Fils quitte sa mère. Marie reste dans la sécurité de sa maison et elle ne sait pas ce que va faire le Fils ; le Fils quitte la sécurité de sa maison et il sait ce qu’il va faire, mais il ne le sait pas en lui-même, il le sait dans l’Esprit, par l’Esprit, comme si à cet instant sa divinité était déposée dans l’Esprit. L’Esprit, en tant que Dieu, sait que le Fils va sauver le monde, il le sait totalement ; pour lui, c’est une vérité éternelle, peu importe que la croix soit du passé, du présent ou de l’avenir. Le Fils par contre doit maintenant, en tant qu’homme, commencer quelque part, à zéro (NB 9, n. 2012).

 

708. Le Père a envoyé son Fils dans le monde pour sauver le monde (NB 3,389).

 

709. Le Fils part tout seul pour sauver le monde

Pour l'Esprit, qui est Dieu, il est facile de savoir que le Fils sauve le monde. Pour l'Esprit, c'est une vérité éternelle et pour lui peu importe que le Fils l'ait déjà sauvé, qu'il le sauve maintenant ou qu'il le sauvera bientôt. Il en est autrement pour le Fils qui doit commencer sa mission quelque part, en un point qui n'est comme rien. Il pourrait lui sembler téméraire que Jean-Baptiste lui donne le signe que le temps est venu de commencer. Il n'a ni disciples ni collaborateurs. C'est tout seul qu'il doit partir pour sauver le monde, pour fonder la nouvelle Alliance. Il est difficile déjà d'être Dieu au milieu de croyants, mais il doit entrer seul dans le monde incroyant. Il voit devant lui le salut du monde (NB 5,285-286).

 

710. Le Fils va offrir sa vie pour sauver les pécheurs

La Mère sait qu'elle a devant elle tout le mal parce qu'elle met au monde ce qui est divin. Mais déjà elle sait aussi que ce Fils offrira sa vie en sacrifice pour sauver les pécheurs. Que le mal donc est présent non seulement pour avaler l'enfant, mais aussi, de plus, pour que le Fils le voie et aperçoive ainsi le sens total de son incarnation (NB 6,479).

 

711. Le Fils devenu homme est destiné à sauver le monde entier

Le Fils attend sa naissance, il attend son existence d'homme au milieu des hommes. Il l'attend avec sa mère, il a part à son inquiétude, l veut y avoir part parce qu'il ne veut écarter de lui rien de ce qui est humain et qui se trouve en dehors du péché. Il prend part en même temps à l'attente du Père et de l'Esprit qui le regardent pour ainsi dire maintenant comme on regarde un homme. La joie du Père est comparable à celle d'un père humain quand il voit la croissance de son fils dans le sein de sa mère. Il y a en lui comme un étonnement que ce petit être est son Fils, qu'il est destiné à sauver le monde entier. Tandis que le Fils voit cette joie et cet étonnement, il prend part comme homme à l'inquiétude de sa mère : "Pourvu que comme homme aussi je puisse correspondre en tout à l'attente du Père" (NB 6,131-132).

 

712. L’Homme-Dieu veut sauver le monde

Vis-à-vis du Père comme vis-à-vis de l'ancienne Alliance, le Fils reste celui qu'il est : l'Homme-Dieu qui veut sauver le monde et qui a choisi la voie de l'incarnation en sachant qu'en elle sont contenues aussi bien les promesses de l'ancienne Alliance que toutes les attentes du Père. Mais, dans sa propre promesse, il fera revivre les prophéties de l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement être reconnu en accomplissant la parole, il veut aussi montrer que l'Esprit Saint ne passe pas : ce qui était vrai dans l'ancienne Alliance le reste dans la nouvelle et pour tous les temps (NB 5,64).

 

713. Le Fils devient homme pour sauver monde

Quand le Fils devient homme pour sauver le monde, il reprend les repères de l'obéissance pour faire de l'obéissance le chemin du retour à l'amour, pour montrer à l'homme que tel est le dessein du Père. De même qu'en s'incarnant il se détache au sein de la Trinité, de même il fait ressortir l'obéissance au sein de l'amour afin que les hommes puissent reconnaître le chemin qu'il prend et le suivre (NB 5,90).

 

714. Le Fils assume la mission de sauver monde

La justice qui est propre au Seigneur, il la tient du Père et en même temps dans le Père. En tant que Dieu le Fils, il possède la même justice que Dieu le Père, conformément à sa nature. Mais quand, par amour, il assume la mission d'amour du Père de sauver le monde, cette justice subit une transformation. Elle ne s'oppose certes pas à la justice du Père, mais elle est quand même comme séparée d'elle : il montre au Père sa justice (de Fils) toujours entourée de son amour infini et quand, le samedi saint, il traverse l'enfer, il voit l'œuvre de la justice du Père, mais comme privée de sa propre justice et de son propre amour de Fils (NB 4,139).

 

715. Le but de l'incarnation : sauver l'humanité de la damnation

Le Fils traverse l'enfer pour voir dans l'obéissance ce que le Père veut lui montrer ; il a la croix derrière lui mais, sans se douter de rien, il doit en quelque sorte en voir le fruit qui ne lui sera donné et qu'il ne comprendra comme son salaire qu'à la résurrection, un salaire qui ne sera plus à séparer de la décision de l'incarnation, un salaire qui était au fond le but de l'incarnation : sauver l'humanité de la damnation (NB 4,136).

 

716. Le Fils sait que le monde du Père va pécher et il va le sauver

Le Fils offre son obéissance au Père. Il le fait dans l'humilité de l'amour. L'humiliation commence quand le Fils sait que son obéissance aura comme conséquence que tout le péché du monde sera mis sur son dos, dès l'éternité. Le Fils ne voit cela que comme acte d'amour et de confiance du Père. C'est l'amour du Fils pour le Père, du Père pour le Fils et le non amour du monde futur qui ensemble constituent l'humiliation. On peut dire que le Fils sait de toute éternité que la création du Père péchera réellement. Il le sait pour ainsi dire avant le Père. Parce que le Père lit pour ainsi dire dans les yeux du Fils humilié que l'obéissance prendra la forme de l'humiliation. Le Père voit deux choses en même temps d'une certaine manière : que le monde va pécher et que le Fils va le sauver. Et comme Dieu est encore plus libre que l'homme, Dieu le Fils doit avoir accepté sa mission avant que les hommes se soient refusés à Dieu ; dans l'acceptation de sa mission, il y a avant toute chose l'humiliation de l'obéissance soumise à l'épreuve. Le Fils est mis à l'épreuve, non seulement dans le fait que le Père permet au Fils d'aller dans le monde, mais en plus dans le fait que le Fils devra prendre sur lui l'humiliation qui arrive réellement par le péché. Le Père lui-même est humilié du fait qu'il permet de telles choses et, s'il crée l'homme, il doit aussi les permettre. Mais c'est une humiliation en Dieu à laquelle nous n'avons pas accès. Dans l'humiliation du Fils par contre, il y a un rapport très fort à la création. Nous pouvons ainsi discerner l'humiliation du Fils en Dieu, mais nous ne pouvons que deviner celle du Père. De la même manière que nous devinons qu'il y a déjà pour le Père un facteur d'humiliation dans l'engendrement du Fils, parce qu'il sait qu'il exposera le Fils à l'humiliation (NB 1/2, 104-105).

 

717. Là où le Fils pensait être le plus abandonné du Père, son abandon est utilisé pour forcer le cachot de l'abandon - l'enfer - et faire entrer le Fils, avec le monde sauvé, dans le ciel du Père (NB 3,190-191).

 

718. Le monde ne peut être sauvé que par le Christ (NB 1/1, 70).

 

719. Le Fils aurait pu sauver le monde de manière plus aisée

(A propos de la demande du Notre Père : « Que ta volonté soit faite »). La croix n'est rien d'autre que la réponse du Fils à la question du Père : "Comment ma volonté doit-elle se faire sur terre ? Comment mon monde doit-il être sauvé ?" Le Fils aurait pu s'offrir de petites facilités pour la rédemption, il aurait pu rester dans le ciel auprès du Père et sauver le monde d'une manière plus aisée. Mais il a voulu faire le maximum ; le plus difficile fut pour lui juste suffisant pour accomplir la volonté du Père (NB 1/1, 87).

 

720. Le Fils éprouvait de la joie à pouvoir retourner au Père avec le monde entier… Il va sauver le monde (NB 3,156-157).

 

721. L’homme est sauvé par le Dieu incarné

Angelus Silesius (+ 1677). Les paradoxes qu'il formule sont un essai pour prendre tellement au sérieux le Dieu incarné qu'il apparaît non seulement que l'homme est sauvé par lui mais aussi que l'homme est libéré de lui-même : un essai pour montrer l’œuvre du Christ comme accomplie en chaque homme, même s'il sait que, du point de vue de l'ici-bas, il n'en est pas ainsi. Il prend cela dans la sphère du divin qui, pour lui, a un visage plus réel que la sphère du monde dans laquelle il a à vivre pour le moment. Le paradoxe est que, pour lui, la vérité du ciel remplace celle de la terre. Il puise davantage ses pensées dans la vision du Christ que dans la foi de l'homme (NB 1/1, 182).

 

722. Jésus, c'est Dieu qui vient pour sauver l'humanité (NB 1/2, 268).

 

723. Ce que le Fils fait comme Sauveur de l'humanité est accompli en la présence du Père (NB 3,349).

 

724. Ce que le Fils avait à cœur en tant qu'homme concernait totalement le salut de l'humanité d'une manière ou d'une autre (NB 5,179).

 

725. La tâche principale du Fils est de racheter le monde (NB 6,399).

 

726. Le Fils veut racheter le monde pour le Père

Le Fils veut racheter le monde pour le Père. Cette rédemption est réalisée par sa passion dans laquelle il porte tous les péchés comme s'ils étaient ses propres péchés, et le Père reconnaît en lui tous les pécheurs. Arrivera donc l'instant où le Père verra dans le Fils la somme des outrages qui lui sont infligés à lui, le Père. C'est un processus d'amour que le Fils a imaginé par amour pour le Père et pour le monde. Il est juste alors que le Père et l'Esprit montrent à l'avance au Fils l'efficacité de la croix. Marie, sa mère, est ici dès le début un cadeau que le Père et l'Esprit font au Fils, comme si sa mère représentait dès le début une sorte de don anticipé, un acompte, en tant qu'elle est un instrument de la rédemption. Le Père et l'Esprit montrent au Fils que le chemin qu'il propose est valable en rachetant d'avance la Mère en prévision de la croix, ce qui veut dire finalement : par la croix. C'est un acte de rédemption du Fils par sa croix douloureuse, mais de telle manière que, pour son action, le Fils reçoit à l'avance la mère qui le concevra comme celle qui est sans péché. En montrant par là au Fils que la rédemption par la croix est valable, le Père lui ouvre en même temps la voie pour accomplir l'incarnation (NB 1/2, 144).

 

727. Pourquoi notre Seigneur a-t-il racheté le monde si tard alors que le Père l'avait quand même décidé depuis toujours ? (NB 7,54).

 

728. Il est venu pour racheter, pour ressusciter, pour aller au ciel (NB 4,212).

 

729. Le Fils voit devant lui la rédemption du monde comme une tâche à accomplir (NB 9, n. 2013).

 

730. Le Seigneur voit tous les hommes qui sont pour lui l’objet de la rédemption (NB 9, n. 2014).

 

731. Le Seigneur porte le péché du monde

Tant que le Seigneur était en relation avec les hommes, sa relation au Père était intacte, il l'avait de toute éternité. Dans la mesure aussi où il porte le péché du monde, sa relation au Père est sans nuage. Que les hommes l'oublient, cela va de soi d'une certaine manière ; il ne peut pas s'attendre à ce qu'ils l'accompagnent fidèlement alors qu'il porte toute leur infidélité à l'égard de Dieu et qu'ils se détournent de lui (NB 5,105).

 

732. Le Fils met en enfer tous les péchés qu'il rachète (NB 4,187).

 

733. Le Fils fait l’expérience du péché dans le feu de la souffrance

Dans le feu de la souffrance, le Fils a fait l'expérience du péché ; il peut à l'avenir s'en servir à la fois comme feu et comme amour partout où des hommes doivent être purifiés : dans la confession, dans l'eucharistie, et là également où les hommes ne peuvent plus agir eux-mêmes : dans le purgatoire. Il est le feu qu'il est venu jeter sur la terre, mais entre le ciel et la terre il s'est transformé en souffrance. Ce feu lui est donné deux fois : il le reçoit pour le jeter sur la terre, et il le récupère par sa souffrance et par sa mort pour achever en tous les hommes l'œuvre de purification. Il se transforme ou il se laisse transformer par le Père pour mener à bonne fin son unique mission de rédemption par tous ses états : incarnation, passion, mort, résurrection, jugement. C'est par ces transformations que l'amour devient souffrance : il éprouve le feu d'abord en lui-même pour pouvoir ensuite conduire les hommes de la souffrance à l'amour à travers son feu (NB 6,330).

 

734. Le Seigneur porte le péché de l’homme

Seul l'amour intéresse le Seigneur. Il n'est pas venu dans le monde pour chercher sa propre satisfaction, à aucun point de vue, même pas la satisfaction de savoir la somme de ce que finalement il a accompli dans le monde. Il est à ce sujet totalement indifférent, seule la volonté du Père l'intéresse. Il lui est ainsi en quelque sorte indifférent de savoir si l'homme qu'il aime, et dont il porte le péché, lui donne plus ou moins à porter. C'est pourquoi les hommes qu'il choisit, il ne les appelle pas parce qu'ils sont moins pécheurs (NB 10, n. 2329).

 

735. Il a porté nos péchés

Dieu est inconcevable. S'il accepte pour nous le titre de roi, c'est pour nous être plus concevable et donner à notre service davantage de dignité et de joie. Nous avons le droit de nous rappeler qu'il est devenu roi à cause de nous, que son titre de roi inclut non seulement son incarnation mais surtout toute sa passion et sa mort, que sa souveraineté ne l'a pas empêché de porter nos péchés et que, dans sa dignité royale, il condescend non seulement à accepter nos services, mais à en avoir vraiment besoin pour développer l'éclat de sa royauté dans son royaume tout entier (NB 10, n. 2277).

 

736. Sur la croix, il porte les péchés du monde

Pour instituer le mystère de la confession, le Fils s'est humilié jusqu'à se faire homme, jusqu'à se faire clouer sur la croix, dans une attitude de confession, d'aveu, d'ouverture devant Dieu ; ce n'est pas pour rien qu'il est nu sur la croix quand il porte les péchés du monde. Avec la confession, c'est donc avant tout une attitude qui est offerte à l'homme. S'il demeure dans l'attitude de confession, il reçoit du Fils comme présent une humilité qui est bénie de Dieu d'une manière para-sacramentelle. Dieu ne s'intéresse pas à ce que les siens se confessent trois fois par jour, mais il voudrait les garder dans une humilité et une obéissance qui réagissent à tout signe avec le réflexe de la "confession", c'est-à-dire avec le contraire de l'autojustification, avec la disposition à se confesser, consciente et continue ; il est peut-être difficile de prendre ceci à la lettre, mais cela peut être demandé par Dieu de manière inconditionnelle (NB 10, n. 2165).

 

737. Il a enlevé les péchés par sa passion

Le Seigneur ensevelit les péchés en enfer, il doit descendre avec eux. Il ne peut enlever le péché (par la confession) que s'il les a enlevés définitivement (par sa passion) et s'il les a ensevelis en enfer. Il doit avoir accompagné le péché là où il est définitivement séparé de l'homme. Et cela, en en faisant l'expérience. Par sa passion, les péchés ont reçu un état qui permet de les faire se dissoudre dans le fleuve de l'enfer (NB 3,224).

 

738. Le Fils a assumé les pécheurs en vue de la croix

En vue de l'heure qui vient, le Fils doit se vider de tout ce qui n'est pas pure réceptivité et indifférence. Rien ne peut être forcé, rien ne peut être accompli au mauvais moment ou au mauvais lieu. Une question ou une demande pourrait parfois être permise, mais seulement dans le cadre de l'obéissance fondamentale qui ne procède pas de son propre désir mais de l'heure fixée. C'est ainsi que le Fils se cache avant que sonne son heure, il ne peut pas se livrer maintenant comme un objet parce que le moment n'est pas venu, sinon la succession des événements jusqu'à la croix serait perturbée. Et ceci bien qu'il soit le Seigneur du temps et qu'il pourrait choisir une heure et en faire l'heure du Père, même si le Père ne la lui avait pas révélée. Mais, dans sa disponibilité totale, il garde aussi sa totale discrétion ; vis-à-vis du Père, il est dans la volonté de Dieu comme Ève avant le péché, mais aussi comme Marie dans la même volonté de Dieu. Avant tout, il est lui-même, et par là il accomplit aussi Adam. Mais avant d'assumer Adam - Ève - Marie, il a assumé les pécheurs en vue de la croix, et telle fut la raison de son incarnation. Tout cela fait partie de la disponibilité passive dans laquelle le Fils est objet pour l'accomplissement des prophéties (NB 6,169).

 

739. Volonté du Fils de porter tous les péchés

Au ciel, le Fils a eu connaissance du péché et, durant sa vie sur terre, il l'a partout rencontré. Et puis, dans la passion, il le rassemble en lui. Finalement, sur la croix, il l'a en lui totalement ; il ne le porte pas seulement par substitution comme un fardeau extérieur, il l'éprouve en lui-même. Le péché a sa vie en lui au point qu'il en éprouve toute l'horreur ; c'est l'unique moyen de le vaincre ; en éprouver l'horreur veut dire : ne pas pouvoir le porter plus longtemps. Il en a plus qu'assez et il doit pourtant encore faire davantage, il doit comme attirer à lui tous les péchés comme un glouton ; la force qu'il déploie pour attirer à lui tous les péchés est plus forte que toute la force de reniement chez les pécheurs, elle est plus forte aussi que sa propre aversion. Sa volonté de porter le péché est comme une passion pour un poison (NB 3,257).

 

740. Le Fils a en lui une force libératrice qui est capable de séparer le pécheur de son péché

Il y a une action terrestre du Fils qui l'accapare totalement. Il agit avec une force et une compétence qui s'avèrent être bonnes. Il accomplit une mission qui se déroule dans le monde, pour la réalisation de laquelle il a reçu du ciel la force ; il est si bien chargé pour ainsi dire de la vision divine qu'il peut porter toute son attention sur la terre. Il a en lui une force libératrice qui est capable de séparer le pécheur de son péché, une force qu'il reçoit exactement au point où le Père l'engendre (NB 12,45).

 

741. Racheter chacun des pécheurs

Le Fils devient homme : il adopte l'état originel de créature d'Adam ; il adopte de plus la forme de l'homme déchu et, par là, une expérience du péché, non pas du péché qu'il aurait commis. De même qu'il n'est pas nécessaire qu'un homme ait commis tous les péchés pour les comprendre, il n'est pas nécessaire que le Fils ait commis le péché, il suffit qu'il s'en charge, dans le détail comme dans leur totalité. Ce sont tous les hommes qui ont vécu depuis Adam qui l'en chargent. Il fait les deux expériences : celle de l'état de créature sans péché à l'origine et celle d'être chargé de la faute. Il assume cette expérience de la connaissance fondamentale du péché pour être en mesure de mieux racheter chacun des pécheurs. Porter leur faute n'a pour lui rien de théorique. Sa connaissance pratique se fait essentiellement par l'intermédiaire de l'Esprit Saint. L'Esprit donne au Fils devenu homme aussi bien l'expérience intérieure de la culpabilité humaine que l'expérience intérieure de l'offense faite au Père (NB 6,175-176).

 

742. Ce que le Fils porte pour le péché du monde -

La souffrance de Marie n'est pas surtout compassion avec son Fils souffrant, elle porte avec son Fils ce que porte celui-ci pour le péché du monde (NB 3,260).

 

743. Le Fils a porté fardeau du péché

A la mort du Seigneur, il fait nuit sur le monde, afin que le monde comprenne que c'est un événement, mais aussi pour montrer que l'ordre est bouleversé. Le Fils entre dans ce désordre avec le fardeau du péché qu'il a porté. Que le Seigneur emporte avec lui le fardeau sur le chemin du chaos qui est sans piste, qui n'est pas frayé, pour le décharger là où il ne peut plus jamais revenir à la surface, c'est un acte qui fait partie de la rédemption (NB 3,264).

 

744. Le Fils incarné et le péché

Dieu le Père a engendré le Fils et créé Adam ; à son engendrement du Fils, il donne une expression particulière dans l'incarnation. Entre la création d'Adam et l'engendrement du Fils incarné, il y a une zone mystérieuse dans laquelle se trouve la vérité "expérience du péché en général". Adam aurait pu choisir de ne pas pécher, alors il n'aurait pas commis le péché ni possédé une quelconque expérience du péché. Le Fils peut choisir de ne pas pécher et, bien qu'il ne commette pas de péché, posséder une expérience du péché : un a priori pour la connaissance de tous les péchés actuels et du péché originel (NB 6,179).

 

745. Le Fils prend sur lui chaque péché de chaque homme

Le Fils sait qu'en tant qu'homme il va voir le péché d'une nouvelle manière. Il le connaîtra non seulement comme le mal que l'homme commet devant Dieu, comme le tort qu'il fait à Dieu, comme l'offense que Dieu subit, mais aussi comme ce que fait son semblable. Le mal va recevoir une autre intensité, une autre importunité. Ce sera si épouvantable parce que maintenant, de la naissance à la croix, il doit comprendre le mal non seulement comme l'expiation que Dieu offre à Dieu, mais comme quelque chose d'humainement nécessaire qui, pourtant, en tant qu'acte humain reste toujours en deçà de ce qui est requis : c'est pourquoi, toute sa vie durant, il aura soif de donner encore plus, il sera poursuivi par la pensée de savoir comment un homme isolé peut prendre réellement sur lui chaque péché de chaque homme (NB 6,149-150).

 

746. Le Fils a la connaissance divine de l'offense faite à Dieu par le péché ; cette connaissance va se traduire par une incarnation dans l'humain (NB 6,178).

 

747. Le Seigneur porte les péchés

Quand le Seigneur porte les péchés des hommes, chaque péché, il s'est chargé aussi par là de toute l'angoisse du monde, sur la croix d'une manière unique et personnelle, et en même temps comme s'il l'avait déjà portée depuis la chute (c'est le toujours-plus de son angoisse). Il la porte comme l'angoisse dont l'homme a hérité en tant que pécheur et qui le tient loin de Dieu à qui il a tourné le dos (NB 6,246).

 

748. Il est mort sous le fardeau du péché

En acceptant sa mission, le Fils est tellement un tout à la fois avec le Père et avec le monde que plus il accomplit sa mission dans le monde, plus il est uni à la volonté du Père. C'est ainsi qu'en enfer une vue nouvelle de cette unité lui est ouverte : il entre tout à la fois dans l'obscurité du chaos et dans l'obscurité du Père, de même que sur la croix il est mort tout à la fois abandonné par le Père et sous le fardeau du péché(NB 3,265).

 

749. Le Seigneur a porté toute la faute et il répand son pardon

Quand Madeleine rencontre le Seigneur ressuscité le matin de Pâques et le reconnaît lentement, elle le reconnaît comme celui qui l'a libérée de son péché. Le Seigneur qui revient dans le monde après la croix et l'enfer est celui qui a porté toute la faute et qui répand maintenant le pardon sous une forme catholique : dans la confession. C'est ainsi que l'expérience personnelle de Marie devient une expérience catholique. La première, elle peut faire l'expérience qu'elle n'est plus la pécheresse isolée qui a reçu une absolution isolée, mais qu'elle participe à un événement beaucoup plus grand (NB 1/2, 261).

 

750. Le Seigneur porte sur lui toute la faute du monde. Il porte l'absolu du péché dans son don absolu de lui-même (NB 3,294-295).

 

751. Mieux porter la faute du monde

En tant qu'homme, le Fils ressent le péché d'une manière juste, c'est-à-dire comme Dieu le ressent dans son absolue pureté. De plus il possède l'innocence d'Adam avant la chute, il ressent donc aussi le péché avec la pureté humaine qui n'a pas péché. Mais il y a pour lui comme une troisième manière de ressentir le péché qui étroitement liée au temps de son existence humaine terrestre, une expérience intime du péché. Il sent et connaît le changement que le péché opère en l'homme. Il fait l'expérience de la différence entre la pureté et l’état de péché. Il sait ce que ressentent ceux qui ont péché. C'est un cadeau que le Père lui fait afin qu'il puisse mieux porter la faute du monde, afin qu'en étant totalement homme il intègre réellement en lui toute l'expérience humaine (NB 6,178).

 

752. Labsolution pour le monde entier

On peut affirmer avec certitude que la résurrection du Fils d'entre les morts signifie l'absolution pour le monde entier. En nous confessant, nous n'avons pas seulement part au mystère de la rédemption par la croix, nous avons part à toute la relation à son Père du Fils qui a porté la faute du monde (NB 5,119).

 

753. Le Fils voit venir sur lui tout le châtiment du péché

Pour que l'ancienne alliance soit dépassée, il ne suffit pas que le Fils prêche sa doctrine de l'amour et qu'il la confirme aussi par différents actes, il doit voir venir sur lui, au bout de son chemin, toute la justice de Dieu, tout le châtiment du péché. Il vit sa vie néotestamentaire en vue de cet accomplissement de l'ancienne Alliance. Il la vit, pris pour ainsi dire, dans des tenailles auxquelles il ne peut échapper, et il doit de plus exercer chaque jour son métier comme si de rien n'était (NB 11,258).

 

754. Le Fils prend sur lui châtiment de tous

Le châtiment est la réponse de la justice de Dieu au péché de l'homme. Le Fils qui devient homme prend sur lui le châtiment de tous ; il ramène dans l'ordre l'ensemble du domaine de sa souveraineté par la réconciliation avec Dieu. Le Christ, en tant que Fils du Père, vient de l'éternité pour, dans le temps, prendre nos péchés sur lui comme châtiment. C'est comme étant ce châtié qui porte les péchés que, venant du temps, il entre dans l'éternité. Il est venu de l'éternité dans le temps afin d'être châtié pour nous, le ciel nous est rouvert avec son retour (NB 3,197).

 

755. Le Fils prend sur lui le châtiment du Père qui se reflète en enfer pour le transformer en l'amour du Père qui remplit le ciel (NB 4,186).

 

756. Le ciel sait combien le Fils a souffert

Au ciel, on voit l’ensemble de ce que le Fils justement a fait pour ces péchés qui ne sont pas effacés sur la terre ; d’un autre côté ils pèsent plus lourd parce que seul le ciel sait combien le Fils a souffert et combien malgré cela le monde est encore pécheur (NB 9, n. 1865).

 

757. Le Seigneur prend sur lui la haine du monde

Le Seigneur ne peut jamais contempler de l’extérieur seulement la haine du monde. Il doit pour ainsi dire la prendre sur lui, se laisser toucher de l’intérieur. Il doit mesurer et vivre en lui-même tout l’écart qu’il y a entre l’amour et la haine (NB 9, n. 1316).

 

758. Les ténèbres du diable sont vaincues quand le Fils les a traversées

Il y a les ténèbres que crée le diable. Dieu le Père pourrait n'accorder aucune liberté au diable, s'il ne s'était pas résolu à recevoir ses ténèbres, car il n'y a rien en dehors de Dieu, tout est en lui. Et quand le Fils a traversées les ténèbres, elles ont été vaincues (NB 5, 266).

 

*

 

5. L’incarnation

 

 

 

Plan : 1. La Trinité et l’incarnation2. Le mystère3. Le réalisme4. La portée


 

1. La Trinité et l’incarnation

 

759. Incarnation et Trinité

L'Esprit ne fait que transmettre ; l'origine est la volonté du Père, le résultat le Fils incarné, il ne reste pour l'Esprit qu'une mission anonyme (NB 5,283).

 

760. L’incarnation du Fils : l’acte de création du Père est prolongée

Lorsque l'Esprit couvrit la Vierge de son ombre l'acte de création du Père dans le monde est prolongée et le résultat en est l'incarnation du Fils qui se laisse devenir homme (NB 6,80).

 

761. Le Père et l’Esprit acceptent de laisser le Fils devenir homme

De toute éternité le Père engendre le Fils, et l'Esprit procède des deux : l'ordre des processions coexiste avec l'éternité. Selon l'ordre, on peut supposer le moment où les volontés du Père et du Fils s'accordent pour faire procéder l'Esprit. Mais il y a aussi le moment où le Père et l'Esprit acceptent de laisser le Fils devenir homme (NB 6,81).

 

762. L’incarnation : une action des trois personnes divines

Si on connaît l’incarnation du Fils, il n'est pas difficile d'en déduire aussi le renoncement de l'Esprit Saint. Si on compare l'incarnation du Fils à une infirmité, l'ami ou la famille y prend sa part, ils sont concernés, ils compatissent. On renonce à bien des choses quand un membre de la famille est malade. L'incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire, elle la fait ressortir au contraire, parce qu'il y renonce pour pouvoir la faire mieux rayonner. Mais il serait absurde de penser que le Père et l'Esprit veulent garder pour eux leur gloire alors que le Fils y renonce lui-même. Il n'y a certes qu'une seule gloire divine qui est commune aux trois. Si déjà, entre humains, il y a dans l'amour une solidarité qui ressort particulièrement quand l'un souffre, il serait étrange que l'auteur des commandements de l'amour ne les observe pas lui-même. Et comment, sans renoncement, l'Esprit devrait-il couvrir la Mère de son ombre ? Le but et le résultat de son acte divin ne se trouvent pas en lui-même, mais dans le Fils. Et quand l'Esprit dépose la semence du Fils dans le sein de la Mère, son acte divin devient un acte humain (dans son résultat), bien que tout l'événement de l'incarnation reste une action divine des trois personnes divines (NB 5,283).

 

763. Père et Fils : incarnation ou non-incarnation : un choix mûri

Le Père et le Fils ont tous deux fait un choix "mûri" : incarnation - non-incarnation. C'est une alternative : ou bien, ou bien. On ne peut pas dire naturellement que le Père soit par là défavorisé, qu'il aura moins d'expérience que le Fils (NB 3,189-190).

 

764. Dans l’éternité, le « temps » de la décision de l’incarnation

Dans l’éternité, il y a l’espace entre la décision de l'incarnation et sa réalisation ; cet espace n'est pas imaginable parce qu'il se trouve dans le domaine de l'éternité. Et pourtant il existe. Il appartient déjà quelque part à la passion car il est dirigé vers elle. C'est le "temps" où la décision de souffrir a été prise et le temps où on attend que le Père dise : "Maintenant", c'est le temps de l'incarnation (NB 3,197).,

 

765. Le Père et le Fils décident l’incarnation

Le Père et le Fils décident l'incarnation et la passion. Le Père et le Fils sont ensemble dans leur lumière et ils contemplent ensemble l'ombre du monde qui se trouve en dehors de leur lumière. Le Fils voit cette ombre comme une humiliation du Père et il ne veut pas supporter plus longtemps que le Père soit ainsi humilié. Dans sa lumière personnelle, il prend la décision de faire entrer cette ombre dans sa lumière, de se jeter sur cette ombre et de la couvrir de sa propre lumière. Non pas de l'éclairer de telle sorte que cette ombre disparaisse simplement dans sa lumière, mais de la couvrir pour ainsi dire de telle sorte que sa lumière plus grande se livre à la grande ombre et lutte contre elle jusqu'à ce que toute l'ombre soit entrée dans sa lumière, jusqu'à ce que sa lumière ait neutralisé l'ombre et qu'il reste toujours encore suffisamment de lumière pour que le Père puisse regarder le monde sans voir le Fils, mais voie quand même le monde dans la lumière du Fils (NB 1/2, 106).

 

766. Dieu le Père, avec le Fils et l'Esprit, décident l 'incarnation

Grignion de Montfort (+ 1716). Sa mission est très proche du point où le Fils devient homme. Il a le mystère de l'incarnation comme mystère de sa mission. Non là où Dieu le Père, avec le Fils et l'Esprit, décide l'incarnation, mais là où est annoncé à la Mère qu'elle va recevoir la semence de Dieu afin que le Fils devienne homme. C'est à partir de ce mystère que ne cesse de grandir son amour de la Mère ; il voit l'humiliation du Fils qui confie son corps en devenir au corps humain de sa mère, qui donne à son corps à elle pouvoir sur son corps à lui, se laisse former par elle, grandit en elle, reçoit de sa substance humaine tout ce dont a besoin un corps humain. Pour Grignion, c'est de cette obéissance corporelle du Fils à sa mère que résulte notre obéissance spirituelle vis-à-vis d'elle. Si le Seigneur est devenu quelqu'un comme nous le sommes tous, nous avons à nous tenir vis-à-vis de la Mère dans une obéissance qui se soumet à la sienne, nous devons obéir à la Mère (NB 1/1, 308).

 

767. Le Fils s’est choisi Marie pour mère

Dieu le Père et Dieu le Fils ont décidé que le Fils s’incarne et qu’il se choisisse Marie pour mère. Il l'a élue non seulement en raison de ses qualités de femme en général, mais aussi parce qu'elle est cette personne avec ces qualités données. Il se met dans la dépendance de son corps, mais aussi de tout son être, de sa vie, de son milieu. Il la choisit parce qu'elle lui promet d'être sa mère. En tant qu'homme, il sera le fils de cette mère. Corporellement et spirituellement, il sera relié à elle comme les enfants des hommes le sont à leurs parents (NB 1/2, 150-151).

 

768. L'obéissance du Fils au Père lors de son incarnation

L'obéissance du Fils lors de son incarnation ne fait qu'un avec l'obéissance de la Mère qui dit oui à l'ange. Les deux obéissances se conditionnent mutuellement, l'obéissance du Fils et l'obéissance de la Mère s'accordent l'une avec l'autre pour le don de soi commun et permanent à Dieu le Père (NB 1/2, 142).

 

769. Le Fils devient homme par obéissance (NB 10, n. 2127).

 

770. Le oui à l’incarnation et à la croix

Alors qu’un homme peut s’arrêter sur la voie en pente de la tentation et mettre fin au péché, il n’y avait pour l’Homme-Dieu aucune halte sur la voie de la croix après son oui d’autrefois à l’incarnation. Il fut placé en tant qu’homme sur cette voie qui le livrait à la honte ultime qui fut la sienne. Sur la croix, la honte des autres n’existe pas. Le Seigneur porte tout mon péché et toute ma honte, absolument et jusqu’à la dernière goutte, et il n’est pas prévu que la même chose soit soufferte deux fois. Jusqu’à la mort, le Fils entre de plus en plus dans la nature et dans les effets du péché (NB 4,93).

 

771. Solidarité du Fils et de l’Esprit lors de l’incarnation

Certes l’Esprit ne s’est pas incarné, mais il est un bout du chemin qui mène à l’incarnation du Fils. Supposons deux sportifs qualifiés dans une épreuve de fond ; l’un se sent mal, l’autre fait de ses bras un siège et le porte, il renonce à sa qualité de sportif et il se fait garde-malade parce que l’autre, son ami, n’exerce plus son sport, c’est un malade qui veut rentrer chez lui ; celui qui est en bonne santé oublie son but qui était de vouloir gagner le prix de cette course. Il en est de même pour la solidarité de l’Esprit avec le Fils. Si l’on connaît l’incarnation du Fils, il n’est pas difficile d’en déduire le renoncement de l’Esprit. Si l’on peut comparer l’incarnation du Fils à une infirmité, la “famille” le soutient en quelque sorte : “Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui”. Un frère en bonne santé renonce à beaucoup de choses si son frère est malade surtout s’il peut, par ce renoncement, l’aider quelque peu (NB 9, n. 2011).

 

772. L'incarnation est joie énorme en Dieu, gratitude (NB 12,75).

 

2. Le mystère

 

773. Qu’est-ce que l’incarnation ?

L'incarnation : Dieu prend chair humaine mais il garde toutes ses propriétés divines, sans rien en perdre et en en perdant quelque chose tout à la fois. Il reste le Dieu qu'il était au ciel, mais il se produit une sorte de transposition dans l'homme avec toutes les vertus et propriétés dont Dieu voulait pourvoir l'homme. Ça paraît stupide : le Fils devient une sorte d'homme idéal. Et dans son développement, il ne s'éloigne pas de cette image idéale de l'homme que possède Dieu le Père. Tandis que nous, une fois que nous existons, nous n'avons rien de plus pressé à faire que de nous éloigner rapidement et radicalement de cette image originale qui est en Dieu (NB 4,434).

 

774. L’infini de l’incarnation

L'amour trinitaire a fait devenir homme la Parole qui était au commencement ; c'est ce qu'il y a d'infini dans l'incarnation. Dieu le Père met tout à notre disposition : son Fils, son Esprit, la prière. Et nous mettons à sa disposition notre péché : quelle horreur ! (NB 3,321).

 

775. Le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous, les hommes (NB 2,162).

 

776. Mystère que Dieu soit devenu homme

Que Dieu soit devenu homme, c’est le mystère. Celui qui est devenu homme ne cesse pas d'être Dieu et il doit l'être aussi pour sa mère humaine. Elle met au monde un Fils, mais il est déjà Dieu dans la promesse et lors de l'annonciation. Il est essentiel que sa mère le sache, que lors de la naissance de l'enfant aussi elle ne doute à aucun moment qu'elle a mis Dieu au monde (NB 6,479).

 

777. Vaste mystère de l'incarnation (NB 2,140).

 

778. Les mystères du Seigneur sont concentrés dans son incarnation

Pour un homme qui dit le chapelet, les mystères de Marie sont toujours médités aussi en tant que mystères du Seigneur et, plus précisément, tels qu'ils sont concentrés dans son incarnation (NB 11,36).

 

779. Le miracle de l’incarnation

Pour le miracle de l'incarnation du Fils, il est très difficile de dire qui a opéré le miracle. Le Père certainement. Le Fils coopérait, mais seulement en se mettant totalement à la disposition du Père, si bien que le Père put pour ainsi dire le remettre à sa mère, caché dans la semence. Celui qui à proprement parler était à l’œuvre, c'était l'Esprit Saint. Et la mère coopère en laissant faire (NB 5,227).

 

780. Dieu s’adapte à un corps humain

Le Christ est Dieu, il est devenu homme de la semence de Dieu, et il faut le miracle de l'incarnation pour que lui, qui est un esprit divin, puisse s'adapter à un corps humain (NB 12,100).

 

781. L’incarnation : le Fils aussi a mis de côté à certains moments sa mesure divine pour n’avoir aucun privilège par rapport aux autres hommes et être limité à la mesure humaine (NB 9, n. 1898).

 

782. L’incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire

L’incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire, au contraire elle l’augmente, mais par un don de lui-même, par un renoncement à sa gloire. Il serait tout à fait faux de penser que, durant le temps où il se donne lui-même, le Père et l’Esprit devraient tenir d’autant plus à leur gloire. Car dans le don que le Fils fait de lui-même, il s’agit de Dieu tout entier, il s’agit d’une action et d’une attitude de Dieu tout entier. Et si Dieu met dans le cœur des hommes le commandement de la solidarité - surtout quand un membre souffre -, il serait très étrange que l’auteur de ce commandement déclarait que pour lui-même ce commandement est inutile (NB 9, n. 2011).

 

783. Difficile de se représenter l’incarnation

S'il est déjà difficile de se représenter la Trinité en Dieu lui-même, comme mouvement des personnes les unes vers les autres et les unes dans les autres, elle est encore plus difficilement représentable dans l'incarnation, et à plus forte raison dans l'eucharistie. Il se produit ici quelque chose de totalement atterrant : le Fils devient une chose dans l'hostie. Déjà l'incarnation est incompréhensible : que Dieu le Fils soit maintenant sur terre totalement et qu'il se laisse donner une vie du Père, de l'Esprit et de la Mère, ce qui le fait disparaître pour ainsi dire dans l'Esprit et dans sa mère pour naître des deux. Quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre, le Fils est dans l'Esprit comme la semence de Dieu ; disposant librement de lui-même, il disparaît totalement pour se mettre à la disposition de cet homme particulier, cette image de Dieu (NB 1/2, 242-243).

 

784. Il n'est pas facile de se représenter que Dieu est devenu totalement homme

Il n'est pas facile de se représenter que Dieu est devenu totalement homme, mais il est encore plus difficile de se rappeler toujours que cet homme est le Fils du Père, la deuxième personne de la Trinité, que celui donc qui veut le suivre regarde comme dans un entonnoir qui s'ouvre sur l'infini. Il peut promettre joyeusement au Fils de le suivre, mais il voit aussi qu'il y a encore bien plus de mystère. S'il veut le suivre de manière authentique, il ne peut pas en rester à ce qui est pour lui intelligible, ni seulement vivre pour ce qu'il a compris, il doit suivre le Christ tout entier. Il lui est permis de montrer une préférence pour certains mystères, ceux par exemple par lesquels il a perçu l'appel. Mais le Seigneur se tourne vers chacun avec le visage qui correspond à ses capacités ; personne ne doit s'effrayer de ce que le Seigneur est si riche, chacun doit au contraire se tenir ouvert à tout avec un profond respect (NB 6,491).

 

3. Le réalisme

 

785. L’incarnation : un renoncement pour la Trinité

On peut sans doute dire que Dieu, dans sa Trinité, « souffrait » du péché du monde dès avant l’incarnation à l’intérieur de l’unité indivise de son amour ; un peu comme dans une « famille en deuil » chaque membre tient compte affectueusement du deuil des autres. L’incarnation du Fils signifie alors, à l’intérieur de l’amour trinitaire, un premier renoncement qui s’exprime justement dans l’humanité du Fils (et donc dans le fait de n’être pas Dieu), dans sa souffrance sur la croix et son abandon par Dieu, un renoncement auquel le Père et le Fils sont absolument intéressés à leur manière (NB 4,92).

 

786. Incarnation : le Fils quitte le ciel

En s'incarnant, le Fils vient de la vie divine, il quitte le ciel et reste pourtant Dieu ici-bas. Sa vie éternelle en tant que telle, rien de mal ne peut la toucher. Mais quand il subit la mort humaine, il s'engage si profondément dans le mal qu'il endure même la mort du méchant. Il finit comme peut finir l'homme le plus méchant et ceci par la force du mal ici-bas. Sa dernière souffrance est une souffrance sous le poids démesuré du mal dont fait partie aussi l'expérience d'être abandonné par Dieu. De ce point de vue, il endure la mort du méchant (NB 5,76).

 

787. La kénose de l’incarnation 

Depuis l'éternité le Fils est immuable, mais il est capable aussi de la kénose de l'incarnation, il a éternellement la possibilité de prendre également la forme du crucifié (NB 1/2, 243).

 

788. Dans l'incarnation, le Fils s'est abaissé, "amoindri" , il a choisi une forme de communication liée à l’être de l’homme (NB 6,416).

 

789. L’Esprit, porteur de la semence du Père

De même que le Fils sur la croix renonce à savoir qu'il est Dieu et qu'il ne souffre que comme un homme, il y a de même chez le porteur de la semence du Père, l'Esprit Saint, un renoncement correspondant quand, sur mission du Père, il ne veut plus se sentir que comme porteur de la semence et qu'il s'abaisse au rôle de féconder la Mère, non seulement jusqu'à devenir homme comme le Fils dans son incarnation et son humanité, mais jusqu'à n'être que le spermatozoïde d'un homme, et ceci bien que l'Esprit soit Dieu et qu'il porte Dieu sur mission de Dieu. Il abandonne donc totalement sa divinité pour remplir sa mission divine afin que la glorification du Père par le Fils soit parfaite et qu'ainsi la Mère également participe à la rédemption du monde par le Fils. Il est comme réduit à n'être qu'une fonction, ce qui inclut qu'il renonce à son être propre jusqu'à l'ignorer. L'Esprit d'amour n'est plus que le porteur de l'amour, il en est tellement le pur porteur qu'il n'est comme pas touché par ce qu'il porte, il l'insère dans la Mère comme un tout venant de Dieu le Père. Comme si rien n'en adhérait à lui, comme s'il ne pouvait rien détourner de cet amour pour le faire entrer dans son être propre, et comme s'il ne voulait rien non plus y ajouter de propre, pour le laisser tel que le veut celui qui a donné l'ordre, le Père… L'Esprit ne s'est pas incarné, mais il assume pourtant une partie du chemin qui mène à l'incarnation… Dans l'événement de l'incarnation, il y a une solidarité de l'Esprit avec le Fils (NB 5,281-282).

 

790. La semence de Dieu devient chair en Marie

La semence de Dieu est déposée en Marie pour que naisse d'elle l’Époux de l’Église. Quelque chose qui était Dieu devient chair en Marie. Et elle doit mettre à la disposition de l'incarnation tout son corps, l'extérieur et l'intérieur, pour que puisse se réaliser cet événement (NB 12,162).

 

791. L'Esprit réalise l'incarnation en couvrant la Mère de son ombre (NB 11,323).

 

792. Lorsque l'Esprit couvrit la Vierge de son ombre, l'acte de création du Père dans le monde est prolongée, et le résultat en est l'incarnation du Fils qui se laisse devenir homme (NB 6,81).

 

793. Le Fils devient homme dans le sein de sa mère sans que soit lésée l'intégrité de la Trinité ; il vivra dans la vision du Père sous la conduite de l'Esprit (NB 10, n. 2318).

 

794. L'incarnation n'est pas une idée, Dieu est véritablement devenu chair sensible (NB 11,56).

 

795. Le Père et l’Esprit devant le Fils qui vient de naître au monde

Réflexions d’Adrienne, encore protestante, à Noël 1932 : Pour Dieu le Père et l'Esprit Saint, ce doit avoir été quelque chose de singulier de voir devant eux le Fils éternel devenu un enfant. L'Esprit dit au Père : « Tu vois maintenant, j'ai accompli ce que tu m'avais demandé de faire ». Le Père est heureux, mais il a aussi... des scrupules ; c'est quand même une exigence pour le Fils, toute cette aventure, et donc de manière indirecte pour le Père aussi et pour l'Esprit (NB 7,284).

 

796. C’est un vrai travail pour Dieu de devenir homme

C’est un vrai travail pour Dieu de se faire entendre sur la terre, et plus encore de devenir homme. Notre endurcissement et notre manque d’intelligence sont si grands qu’il doit comme s’ouvrir un passage de force : avec les voix et les visions des prophètes, etc. Il faut beaucoup d’efforts à Dieu pour qu’il en arrive au point d’oser venir dans le monde. Et plus tard les saints sont chargés de réaliser son œuvre (NB 9, n. 1880).

 

797. Lincarnation : Jésus n’a pas été là tout de suite comme un homme fait

Quand le Fils s'est incarné, il n'a pas été là tout de suite comme un homme fait, il a suivi un chemin. Il fut d'abord là dans les promesses, puis dans le sein de sa mère ; il connut ensuite sa croissance ici-bas, il est allé vers la croix et, par sa mort, jusqu'à l'ascension. Tout le chemin est un chemin logique, bien que cette logique, Dieu seul la connaisse totalement, il nous en montre quelque chose selon qu'il lui semble bon (NB 5,193-194).

 

798. Dieu s'est créé un corps pour être homme avec nous (NB 10, n. 2055).

 

799. La Parole de Dieu devient un homme parmi nous

La Parole de Dieu devient un homme parmi nous. Elle est donc capable d'être sur terre comme l'un de nous. Nous comprenons que toute parole en Dieu peut faire tout ce que Dieu lui donne. La parole dans la confession, la parole dans la prédication, la parole de la consécration, toute parole de la prière, aucune ne sera jamais privée de la force et du sens qui furent donnés à la Parole incarnée et qui participent à la vie éternelle. Par conséquent, quand nous vivons en croyants, nous participons à la vie divine par la Parole. Par nous-mêmes nous sommes sans force et incapables ; mais en répondant, nous sommes tellement dans la Parole que la force de la Parole suffit pour assumer notre faiblesse stérile et en faire la faiblesse féconde de ceux qui aiment (NB 6,22).

 

800. Mille relations avec les autres hommes

Le Fils était d’abord purement Dieu, pur infini. Puis il devint homme, il contracta mille relations avec les autres hommes, il connut mille états changeants et passagers, des efforts et de l'effervescence, il vécut une destinée qui suivait son cours, dans quelque chose d'immense qui était toujours ouvert sur l'infini du Père (NB 3,79).

 

801. L'obéissance divine illimitée du Fils n'est pas réduite par l'incarnation 

Le Père envoie son Fils ; d'une part celui-ci est doté de la liberté divine qui lui est propre, d'autre part il est placé dans les limites humaines, mais il est toujours en même temps Dieu et homme, libre et lié, aimant et obéissant, et ceci toujours aussi bien comme Dieu que comme homme : l'obéissance divine illimitée du Fils n'est pas réduite par l'incarnation, il vit dans l'amour et l'obéissance tout comme nous devrions vivre dans la foi, c'est-à-dire sans limites (NB 11,312).

 

802. Le pèlerinage terrestre du Seigneur est une constante incarnation (NB 3,65).

 

803. Le Christ a reçu son corps avec son orientation vers la croix. Toutes les fonctions de ce corps sont orientés vers sa mort. Et ceci en vertu de la volonté du Père (NB 12,183).

 

4. La portée

 

804. L’incarnation comme possibilité de nous faire une idée de Dieu

Le Fils est venu dans le monde pour se laisser interpréter ; l'incarnation est précieuse comme possibilité d'interpréter Dieu ; son sens est de nous donner une occasion de nous faire une idée de Dieu (NB 11,237).

 

805. L'ordre intra-divin ne nous est compréhensible que par l'incarnation du Fils (NB 12,156).

 

806. Par l’incarnation se différencient pour nous le Fils et l’Esprit

On peut exprimer des généralités sur Dieu Trinité : le Père est la vérité, le Fils est la vérité, l'Esprit est la vérité. Tout semble alors déboucher sur l'uniformité, on ne perçoit pas dans quelle mesure justement le Père est la vérité, etc. Ce n'est que par l'incarnation que se différencient pour nous le Fils et l'Esprit, et le Père alors se détache aussi d'eux (NB 5,151).

 

807. L'incarnation du Fils est pour nous la distinction des personnes de la Trinité (NB 6,97).

 

808. L’incarnation nous révèle la Trinité

L'incarnation du Fils est pour nous la distinction des personnes de la Trinité et ensuite la distinction de nos personnes pour la Trinité. Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir d'ici que rétrospectivement nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils (et ensuite de l’Église et de l’Écriture sainte, qui elle aussi est un don de la Parole de Dieu), de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

809. La mission est donnée au Fils de sauver le monde par l'incarnation (NB 2,140).

 

810. L’incarnation pour le Fils : sauver le monde et l'apporter au Père

L’incarnation est conditionnée par le péché d'Adam, mais elle reste au fond un mystère entre le Père et le Fils parce que le Fils a le désir de se donner au Père dans une obéissance aveugle - jusqu'à la croix et à l'enfer - et le Père avait depuis toujours le désir de montrer au Fils que le don aveugle qu'il fait de lui-même à la volonté du Père lui apporterait justement ce qu'au fond depuis toujours il aurait le plus aimé faire : sauver le monde et l'apporter au Père, montrer et communiquer au monde l'amour du Père (NB 3,190).

 

811. Le Fils rassemble en lui toute la doctrine de l’ancienne Alliance

En s'incarnant, le Christ ne devient pas un homme quelconque, mais l'homme que le Père attend depuis la chute, l'homme qui fait la volonté du Père, et cela, non seulement d'une manière verticale à partir du ciel, mais aussi d'une manière horizontale ici-bas : dans le temps où il est né, à l'issue de l'ancienne Alliance. Il unit en lui les deux : son entente éternelle avec la volonté du Père dans le ciel et son entente dans l'instant présent qui rassemble en lui toute la doctrine de l'ancienne Alliance avec toutes les prophéties. Lui-même est annoncé à l'avance par l'Esprit Saint des prophètes. Les prédictions que les prophètes ont émises à son sujet, il les accomplira de telle sorte que les croyants reconnaîtront que la manière dont il les accomplit leur correspond totalement, qu'il les réalise pleinement (NB 5,63).

 

812. L’incarnation : pas du passé, elle demeure toujours efficace

Quand le Fils devient homme, nous savons très peu de chose sur sa vie éternelle "d’autrefois". Mais il ne cesse de devenir homme maintenant dans le temps et cette constante actualité subsiste pour la foi qui est exigée de nous : son incarnation ne se trouve pas derrière nous comme du passé, tout en elle demeure efficace (NB 11,296).

 

813. L’incarnation de Dieu : pour allumer l’amour

L'acte sexuel peut permettre de voir clairement ce qu'est l'incarnation de Dieu : il vient pour éveiller la joie, pour allumer l'amour qu'il veut reprendre avec lui dans le ciel, pour étendre d'en haut un voile qui non seulement recouvre ce qu'il y a d'impur dans le monde, mais le recouvre en le purifiant, qui accomplit toute l’œuvre de la confession et en même temps se change tout de suite en communion, qui rend capable de se présenter devant la vérité de Dieu (NB 12,102).

 

814. L'incarnation du Fils est comme un pont sur lequel nous pouvons faire passer notre existence humaine dans son existence divine pour avoir part à la joie parfaite de l'adoration divine (NB 12,141).

 

815. Sens de l’incarnation : l’accueil définitif de Dieu

L'incarnation de Dieu : en fin de compte le monde a été créé pour le Fils ; les choses ont d'abord été créées pour l'homme, mais les choses et l'homme pour qui elles sont faites existent en vue d'un sommet qui sera l'accueil définitif de Dieu : le Fils qui se fait homme (NB 6,50).

 

816. C'est par l'incarnation que le monde reçoit pour nous son sens

Par la prière, nous avons accès au ciel, car les paroles du Seigneur ne sont pas à comprendre autrement que comme une conversation avec lui, qui par lui va au Père et devient dans l'Esprit Saint un échange vivant. Si nous pouvons dire du ciel qu'il n'est accessible que par la prière, cela vaut au même titre de la terre. Le monde ne nous est compréhensible que par la prière. Il n'est pas dit par là que nous pouvons saisir son sens total, que nous pouvons avoir une vue d'ensemble de tout ce dont nous pouvons faire l'expérience. Cela veut dire seulement que le monde comme le ciel appartient à la vie chrétienne et que celle-ci se nourrit de la vie de Dieu, une vie qui est si grande que nous ne venons à bout d'elle ni par la raison ni par la foi. Mais parce que le ciel et la terre sont compris en Dieu, ils ont en lui leur sens, c'est pourquoi ils ne nous sont compréhensibles dans la foi que dans la mesure où Dieu nous l'inspire. Ils font partie du mystère révélé de Dieu, et le lieu pour les comprendre se trouve là exactement où la deuxième personne de Dieu devient homme. C'est par l'incarnation que le monde reçoit pour nous son sens, c'est par l'incarnation que le ciel nous est rendu plus proche. Quand le Christ parle du Père, quand il décrit le ciel, il emploie des mots comme les hommes les emploient ; son incarnation lui permet cela. Mais la même incarnation qui nous rend compréhensible le céleste ne fait pas tomber sa divinité dans l'oubli ; on peut la deviner en lui et derrière lui ; elle vit tellement en lui que toutes ses paroles et tous ses propos en sont remplis, et derrière lui s'ouvre le chemin vers le Père, s'ouvre le ciel que le Fils nous rend accessible. Les notions que nous offre le monde : espace, temps, instant, sont des notions étroites qui, toutes, sont enrichies dans le ciel et reçoivent là leur pleine signification. Elles sont dilatées à l'infini et en même temps mises en sûreté infiniment dans le céleste, dans l’éternel présent du ciel en tant qu'opposé à l'éphémère de nos minutes, de nos années, de nos millénaires, dans l'ici éternel qui est l'espace de Dieu et dans lequel notre espace est mis en sûreté (NB 10, n. 2274).

 

 

*

6. La rédemption

 

 

Plan : 1. La Trinité et la rédemption2. Le mystère de la rédemption3. Péché du monde et rédemption - Rédemption et passion - 5. Corédemption6. Rédemption et résurrection7. Rédemption et enfer

 

1. La Trinité et la rédemption

 

817. La rédemption du monde était la décision de Dieu Trinité de toute éternité (NB 10, n. 2290).

 

818. Le Fils devient homme avant tout pour expier l'offense faite au Père et à l'Esprit

Avant l'incarnation, chaque personne divine éprouve ce qu'il y a d'offensant dans le péché, avant tout dans les autres (personnes) ; le Fils devient homme avant tout pour expier l'offense faite au Père et à l'Esprit. En tant qu'homme, il montrera au Père qu'un homme peut être bon, que le mal ne provient donc pas du Créateur, et il détournera du Père les traits du péché en les dirigeant sur lui à la croix. Alors, pour ainsi dire, le Père n'aura plus de compte à régler qu'avec le péché déjà expié. Dieu étant infini, il peut certes se sentir offensé de manière infinie par le péché, mais il peut aussi s'élever au-dessus du péché en vertu de son invulnérabilité, lui déclarer la guerre où nécessairement le péché aura le dessous. Quand Dieu devient homme, il peut aussi, à cause de cette offense illimitée, souffrir en quelque sorte de manière illimitée et être vaincu : offense illimitée parce qu'il demeure Dieu, souffrir parce qu'il est homme. Ce pouvoir unique du Christ fait de lui le Médiateur, le centre de liaison entre Dieu Trinité et toute l'humanité. Ce ministère de Médiateur, le chrétien, comme chaque homme, en est le bénéficiaire; il doit y coopérer s'il comprend l'amour comme le Seigneur le fait dans le premier commandement (NB 6,110-111).

 

819. L’œuvre de la rédemption a été planifiée dans le ciel

L’œuvre de la rédemption a été planifiée dans le ciel et c'est de là qu'elle a été apportée sur la terre ; il n'y a pas que le corps du Fils qui appartient à ce plan céleste, il y a aussi le corps de sa mère, qui a été rachetée à l'avance pour cette œuvre. Les deux ont causé la rencontre salvatrice du ciel avec la terre. Les autres corps sont indissolublement amalgamés avec le monde marqué par le péché originel ; le monde garde un droit sur eux, il serait injustement spolié si on les lui retirait. Sur terre, l'ensevelissement des morts est la réponse à leur réception sur terre. Marie par contre porte en elle les signes de la rédemption avant de recevoir les signes de son humanité terrestre. Elle est totalement prédestinée, choisie, promise, rachetée à l'avance pour l’œuvre de la rédemption. Il en fut décidé ainsi de toute éternité dans la Providence de Dieu (NB 10, n. 2276).

 

820. Le Fils rachète les hommes : l’amour trinitaire

Dans l'amour du Fils pour les hommes, dans son sacrifice d'amour sur la croix, par lequel il rachète tous les hommes parce qu'il les aime, il y a toujours un renvoi à l'amour trinitaire tout entier (NB 12,37-38).

 

821. Par l’obéissance du Fils jusqu’à la mort, Dieu veut sauver le monde

En devenant homme, le Fils ne prend pas le mal en lui ; il s'y oppose, il le combat et le vainc. Ce n'est pas une victoire qui serait faite d'un certain nombre de tout petits succès, elle consiste en un acte global : l'obéissance jusqu'à la mort. C'est par cet acte global que Dieu veut sauver le monde et donner à l'homme un nouveau point de départ (NB 11,22).

 

822. Le Père offre au Fils la rédemption du monde

Le Père offre au Fils la rédemption du monde, et le Fils la réalise. Les deux ne font qu’un dans leur volonté de rédemption, mais ce n’est pas une simple identité de volonté dans la mesure où le Fils a une volonté humaine et l’assume. Par conséquent on peut distinguer un peu plus. Le Fils rachète sa mère sur la croix, et il le fait en la repoussant. A ce moment-là, il la considère, en ce qui concerne la rédemption, comme quelqu’un qui n’est pas racheté. Afin qu’elle puisse devenir médiatrice de toutes les grâces, afin qu’elle devienne corédemptrice, il doit la rendre anonyme, la replacer dans la masse de ceux qui doivent être sauvés, dans le monde. Immaculée, elle l’est en raison d’un mérite anticipé du Fils, que le Père reconnaît et qu’il considère comme déjà réalisé. Mais, à la croix, elle n’est pas rachetée comme quelqu’un qui n’a pas péché ; elle doit perdre là son visage de non pécheresse afin que la rédemption opère en elle comme dans les autres avec le plus de la faveur de la corédemption parce que, comme le Fils, elle "prend sur elle le péché" (NB 1/2, 181).

 

823. C’est à contrecœur que le Père abandonne le Fils

C'est à contrecœur que le Père abandonne le Fils, mais l’Église reçoit ainsi révélation par Dieu de l'esprit d'obéissance trinitaire, obéissance dont l'absolu se révèle comme inexorable étant donné qu'il s'agit de la rédemption du monde (NB 11,317).

 

824. Si cela n'avait pas été la volonté du Fils de mourir abandonné sur la croix, il n'y aurait eu finalement ni croix ni rédemption (NB 11,231).

 

825. Le Fils rachète la création du Père

Le monde aurait été perdu si le Fils n'avait pas pris chair. Il revêt notre chair, devient Fils de l'homme, Dieu et créature en même temps. Dans un mouvement inverse, quand l’œuvre du Fils ici-bas est achevée, nous reprenons de notre corps ce qui relève de la création pour pouvoir, avec le Fils, montrer au Père dans le ciel que sa création était bonne ; les corps créés par lui étaient bons, eux aussi. C'est comme un parachèvement de l’œuvre de rédemption du Fils. Nous reprenons nos corps dans un acte de consentement à la volonté du Fils qui rachète la création du Père. Ce n'est possible qu'au dernier jour quand la création tout entière sera rachetée (NB 12,249).

 

826. Il y a un parallélisme entre création et rédemption (NB 4,356).

 

827. La rédemption est un bien plus grand que celui de la création (NB 3,250).

 

828. Le Père, le Fils et l’Esprit dans l’œuvre de la création et de la rédemption

L'Esprit Saint est la tension dans le travail du Père et du Fils. En tout cas, que la rédemption ait commencé avant même que la création soit achevée, c'est déjà très curieux. Et que la création dure encore toujours dans un perpétuel maintenant alors que nous vivons quand même dans le monde le plus pécheur qui soit est également très curieux. Et pourtant il doit y avoir la possibilité pour le Père d'engendrer et pour le Fils d'accueillir, la possibilité pour le Père de lancer et pour le Fils de recevoir, la possibilité pour le Père de perdre et pour le Fils de trouver, pour le Père de dilapider et pour le Fils de recueillir : et cela ne se fait que dans l'Esprit Saint, l'Esprit créant la tension et en même temps la solution à l'intérieur de la tension (NB 4,356).

 

829. Le Fils sauve le monde en union avec le Père

Le Père crée l'être humain, celui-ci pèche ; le Fils devient un être humain qui, extérieurement, ne se distingue pas des pécheurs. Devant le Père, il se tient comme quelqu'un qui porte la faute de l'humanité entière. Naturellement, Adam avant la chute n'était pas Dieu (comme le Fils l'était avant l'incarnation), mais ce n'est que le péché qui a transformé la distance en aliénation, en la volonté d'être autrement. Dans le Fils, qui veut faire la volonté du Père, tout le non-vouloir des hommes devient visible ; dans le Fils, le Père reconnaît en même temps la séparation et l'unité. Quand le Fils sauve le monde, c'est en union avec le Père, mais aussi dans une union nouvelle avec les hommes ; pendant la rédemption, c'est comme si le Fils portait en lui tous les hommes, comme s'il était un individu dans la foule innombrable (NB 10, n. 2289).

 

830. Le but est la rédemption du monde (NB 4,402).

 

831. L’œuvre de la rédemption est l’œuvre la plus personnelle du Fils, mais il y fait participer le Père, il fait couler son sang dans le mystère le plus intime de la Trinité (NB 4,30).

 

832. La fête du Christ-Roi. C’est une fête très sérieuse, presque sombre, plus précisément la fête de l’acquiescement du Christ à toute l’œuvre de la rédemption (NB 8, n. 215).

 

833. Le Père n’a rien fait exister qui ne pût être racheté (NB 4,31).

 

834. La rédemption de l'humanité est obtenue par le Fils auprès du Père (NB 10, n. 2214).

 

835. La mission du Fils de racheter monde : pure exigence du Père

Devant le Fils se trouve l'exigence inexorable du Père. La mission de racheter le monde ne lui paraît maintenant en aucune manière comme étant sa propre pensée, mais comme étant la pure exigence du Père (NB 3,243).

 

836. Le Père sait que le Fils opérera la rédemption

Quand, au ciel, le Fils assume sa mission de Rédempteur, il a la connaissance du péché. On ne peut pas dire que Dieu ne sait pas comment il se sentira quand il sera homme. Mais quand le Père est occupé à engendrer le Fils, il est aussi d'une certaine manière occupé à couvrir l'enfer. Le Père sait que le Fils opérera la rédemption. Il sait donc que le péché a un caractère provisoire. En engendrant le Fils, il engendre en lui la mission, et celle-ci contre l'enfer (NB 3,274).

 

 

837. Le Fils a commencé son œuvre de rédemption longtemps avant qu'apparut sa mère (NB 1/2, 147).

 

838. L’affaire intra-divine de la rédemption du monde

Ce n'est pas seulement le Fils qui meurt sur la croix, ce n'est pas seulement l'affaire intra-divine de la rédemption du monde, c'est aussi la volonté positive de Dieu que la Mère dise oui à ce qui est incompréhensible sans souffrir elle-même de préjudice. Dans l'incompréhensible auquel elle se livre, l'Esprit est à l’œuvre, il façonne son esprit selon la volonté de Dieu (NB 1/2, 204-205).

 

839. Dieu prépare la rédemption par des signes avant-coureurs

Dieu prépare la rédemption non seulement par des mots qui descendent du ciel, mais tout autant par les actes d'hommes qui sont sur la terre. Il y a des signes avant-coureurs, des préparations, qui aboutiront aux signes définitifs. Des événements petits, ébauchés, qui ne proviennent pas des trouvailles des hommes ou de leur vertu, mais qui portent la signature de Dieu et révèlent ses plans et ses chemins. Sarah est un signe de ce genre, un signe de la rédemption future et par là une rupture dans la création et dans la nature issues de la chute. Elle porte la nature pécheresse, mais diminuée pour quelque chose qui lui arrive par la rédemption, plus exactement par Marie. Et cette correction n'est pas seulement le rétablissement de la création originelle. Le Christ n'est pas seulement Adam retrouvé ; il est Dieu. Marie n'est pas seulement la réintégration d'Ève, elle est la Mère de Dieu. De ce plus en fait de grâce qui se trouve à la disposition de Marie, il y a des signes avant-coureurs dans l'ancienne Alliance, comme des traits d'union entre le monde déchu et la rédemption (NB 1/2, 168-169).

 

2. Le mystère de la rédemption

 

840. Mystère de la rédemption de tous les hommes par la croix, mystère de la rédemption de l'humanité (NB 2,110).

 

841. L’éternité et la rédemption sont des choses réellement infinies. Elles sont le miroir de la grandeur de Dieu. Elles sont au fond une promesse énorme (NB 4,89).

 

842. Le Fils livre son être d’homme pour la rédemption du monde

Le rite de la circoncision veut dire au fond, pour l'âme et pour le corps, une appartenance à Dieu, une exclusivité pour Dieu. Le Fils est circoncis : il livre son être d'homme pour l’œuvre du Père, pour la rédemption du monde (NB 12,237-238).

 

843. Le chantier de la rédemption du Fils

Le Christ et Marie étaient ici-bas deux êtres humains dont l'histoire était faite de rencontres toujours nouvelles, leur nature humaine était en constant devenir ; c'est pourquoi chacune de leurs rencontres était importante, elle contenait aussi un sens qui ne se limitait pas à leurs personnes, ce sens se trouvait dans les missions des deux. Un sens qui n'est pas vécu à la hâte une seule fois seulement, mais qui s'intègre dans le chantier de la rédemption du Fils (NB 6,476).

 

844. Le Christ, en tant qu'homme, a parfaitement rempli son ministère de Rédempteur (NB 6,421).

 

845. Le Christ aurait pu nous sauver d’une autre manière

Le Christ étant Dieu, il aurait pu peut-être aussi nous sauver d'une autre manière : par exemple, en raison de sa grâce et de notre pénitence, il nous aurait donné, après sa mort, des corps transfigurés. Mais il a voulu que sa grâce opère dans notre corporéité dès notre vie mortelle, il a voulu commencer avec son corps là où nous commençons avec nos corps (NB 12,92-93).

 

846. La rédemption : caractère démesuré de ce que le Fils a fait

La rédemption par le Christ apporte à l'homme quelque chose de totalement nouveau. Le Père se laisse vaincre par l'amour du Fils, par l'inouï, ce qui veut dire ici : il a racheté le monde sur la croix. Le caractère démesuré de ce que le Fils a fait et son accueil par le Père, ce débordement de l'amour réciproque dans l'Esprit Saint, est d'une telle plénitude que toute prière en est portée et soulevée, reçoit son sens ultime et apporte constamment à celui qui prie de nouvelles expériences qui, malgré leur éternité, ne cessent d'être uniques (NB 6,77).

 

847. L’existence chrétienne : le retour au Père de la créature, le salut du monde

Ce que l'homme croyant rend au Seigneur va toujours au Père par le Fils. Il y a pour ainsi dire pour le Seigneur une manière de se cacher dans l'acte de l'existence chrétienne ; elle ne veut rien dire d'autre au fond que le retour au Père de la créature, le salut du monde, le fruit de la croix, la libération de l'Esprit  (NB 11,26).

 

848. Dieu sauve le monde

Pour sauver le monde, Dieu a envoyé son Fils et il lui a associé des hommes ; d'abord les apôtres puis, parce que l'eucharistie fait durer toutes choses, d'autres hommes qui sont saints (NB 2,116).

 

849. Le Père n’a pas envoyé son Fils dans monde pour juger mais pour racheter

La descente du Fils aux enfers, c'est le Père qui livre son secret. Le Père accordera au Fils - et cela en étant lui-même absent - de connaître le mystère de ses ténèbres qu'il s'était réservé depuis toujours. C'est le mystère du Père qu'il a gardé pour lui jusqu'alors parce qu'il n'avait remis au Fils que la rédemption, la miséricorde, l'amour, la lumière, la vie. Il ne l'a pas envoyé pour juger mais pour racheter (NB 3,91).

 

850. Racheter les pécheurs en vérité

Pour racheter les pécheurs en vérité, le Fils veut faire l'expérience de l'existence humaine tout entière et se laisser tracer sa vie par le Père comme n'importe quel autre croyant. Il aurait pu aussi s'approprier son existence humaine successivement, selon les besoins de la situation, et pouvoir la porter entre deux comme un vêtement auquel on ne fait pas attention. Cela non plus, il ne le veut pas ; il veut apprendre à connaître toute la distance, la rigueur, les limites de la nature humaine déchue (NB 6,144).

 

851. Le Christ nous a rachetés

C'est par la passion, finalement aussi par la descente en enfer, que nos relations avec le Christ connaissent leur plus grande transformation, car c'est à partir de ce moment-là - étant donné qu'il vient de nous racheter - que nous avons droit à sa grâce ; nous pouvons prier avec la certitude de l'obtenir. Elle ne dépend plus de lui seulement, il ne la distribue plus seulement en quelque sorte à son gré ou au hasard, il la donne sans mesure à tous ceux qui désirent la posséder et qui la demandent avec foi. La grâce est devenue désormais accessible à chacun (NB 3,66-67).

 

852. Le Fils a racheté le monde

Le mal en soi, ce qui est pécheur en soi, a un lieu qui n'est plus la terre parce que le Fils a racheté le monde ; ce lieu, c’est l’enfer (NB 3,291).

 

853. La rédemption de l’humanité : le Fils dirige sur lui la colère de Dieu

Le Fils se laisse consumer par son zèle pour la maison de son Père (Les vendeurs chassés du temple). Il se met tout entier au service de la colère du Père : c'est en raison de cette colère qu'il a déjà abandonné sa vie dans le ciel, pour la même raison il laissera aussi sa vie terrestre. La vague isolée de colère qui fit rage dans le temple se transformera sur le chemin de la croix en un véritable déferlement de vagues. Mais alors le Fils dirigera totalement sur lui-même le fouet de la colère éternelle. Dans sa colère au temple, la passion est déjà commencée, la colère du Seigneur a déjà alors la teinte de la passion. Parce que le Fils dans sa passion a dirigé sur lui absolument toute la colère de Dieu, après la résurrection et dans le temps de l’Église, la colère de Dieu sur le péché, qui continue d'exister, est comme mise entre parenthèses dans la rédemption de l'humanité. Non que la colère de Dieu n'ait simplement plus cours, mais elle brûle au sein du feu de l'amour : quand un chrétien commet un péché, cette colère brûle extérieurement même si à l'arrière-plan se trouve la grâce (NB 6,314).

 

854. Jésus devant son action décisive : pur laisser faire

Jésus devant sa passion imminente. Il ne peut plus se réjouir de la mission dont il s'était réjoui depuis les temps les plus reculés, il ne lui est plus permis de le faire. A présent, il n'est plus l'homme pur et simple qui réfléchit, ni le Dieu qui domine la situation, il est le rédempteur au début de son action décisive : le commencement du pur laisser faire, le commencement d'une action aussi douloureuse que peut l'être une action. Douleurs et impossibilité d'en sortir le dominent entièrement parce que l'obéissance au Père l'exige, parce que l'obéissance jusqu'à la mort passe par ce chemin invisible et sans issue (NB 3,398).

 

855. Le Fils ne saisit pas la rédemption qui est opérée

Le Seigneur à vrai dire ne saisit pas la rédemption qui est opérée, il voit seulement que l'heure est venue. Plus s'accroissent manifestement les railleries, les douleurs, l'abandon, plus il rend son Esprit au Père dans un acte de complète dépossession de lui-même. Comme s'il devait ne plus être qu'homme afin de montrer au Père qu'il veut honorer pleinement sur la croix son cadeau, son humanité. L'Esprit, il le rend si totalement qu'il s'exclame ensuite : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Ceci pour prouver jusqu'au bout son humanité et pour prouver sa souffrance totale, naturellement aussi son amour total ; mais de celui-ci, il ne sait rien à ce moment-là, il y renonce pour éprouver l'intégralité de la souffrance. Et le Père le prend au sérieux, il recueille en lui l'Esprit qui lui est rendu, il ne laisse pas voir à celui qui meurt le signe spécifique de la rédemption du monde. Il voile son visage ; mais qu'il le cache permet au Fils d'atteindre son but. Le Fils ne peut plus agir qu'en laissant faire et il ne saisit pas le sens de son action. Quand le Père est voilé, tout ce qui a un rapport avec son action est voilé pour lui. Que Dieu soit voilé, ce n'est pas seulement un brouillard, une absence de visibilité, c'est une déception sans nom. Tout ce qui lui est personnel ne peut par là qu'apparaître comme faux. La croix était une erreur. Le Fils s'est laissé conduire jusque là, et rien n'est plus visible de ce qui l'engageait à la confiance (NB 3,401-402).

 

856. Une autre manière de racheter les hommes

Il y aurait eu la possibilité de racheter les hommes de telle manière que sur terre déjà ils auraient été réellement sauvés, ils auraient vécu totalement dans le Seigneur si bien que le passage de la terre au ciel n'aurait plus été qu'un dernier pas facile. Mais on n'aurait pu leur donner cela que s'ils avaient été plus forts que l'enfer, que s'ils avaient aidé à vaincre l'enfer. Ils auraient haï le péché et ils l'auraient évité en ayant conscience d'avoir été rachetés, dans l'amour ; plus ils auraient aimé, plus ils auraient haï le péché. Cela aurait été un combat dans l'amour ; le Seigneur aurait triomphé du diable en moi, le ciel aurait triomphé de l'enfer, alors j'aurais aussi été le théâtre d'un combat, mais j'aurais su que toute victoire appartient à Dieu et que, dans la grâce, il m'est permis d'y participer (NB 4,17).

 

857. Participer à la rédemption

On est sauvé après la mort, après le purgatoire. Mais il y a déjà cette possibilité sur terre. Elle signifie une participation immédiate à la rédemption. Quelqu'un de ce genre ne commettra plus de péché. Sans doute fera-t-il encore des fautes, mais ses fautes ne feront pas obstacle au fait qu'il est sauvé (NB 4,25).

 

858. Le Seigneur non seulement rachète l'homme, mais il remplace l’œuvre pécheresse de l’homme par sa propre œuvre de grâce, avec la délicatesse et le tact qui lui sont propres (NB 4,138).

 

859. La grâce de la rédemption dépasse de beaucoup ce que pourrait exiger la justice de Dieu

Si le Seigneur a souffert sur la croix, ce n'est pas seulement autant que la somme des absolutions données dans l’Église le requiert, mais bien plus. La grâce de la rédemption dépasse de beaucoup ce que pourrait exiger la justice de Dieu, et cela aussi bien parce que le Fils a jeté dans la passion son amour infini du Père que parce que le Père a tout offert au Fils. La grâce se surpasse elle-même à l'infini (NB 4,300).

 

860. Le Christ rachète sa mère, l’Église et le monde

Le Christ rachète sa mère, l’Église et le monde. L’Église et le monde sont rachetés, mais le monde l'est aussi par l’Église. Parce que le monde est tombé, l’Église aussi serait livrée à l'apostasie si, dès sa naissance, elle n'avait été rachetée par le Christ et gardée de la chute. Pour opérer cette rédemption de l’Église, le Fils se sert de la prérédemption qui fut accordée à Marie. La prérédemption de Marie est la dot qu'elle apporte avec elle dans l’Église et qui fait que celle-ci, dès son origine, est sauvée. Le Seigneur sauve ainsi son Église non seulement d'une manière directe, mais aussi par l'entremise de Marie à qui il a offert la prérédemption : il l'a offerte à elle et, par elle, à l’Église (NB 6,481-482).

 

861. Le Fils obtient toute la rédemption jusqu'à Adam et Ève dans le passé

Marie est rachetée depuis toujours. C'est pourquoi son oui est ce qu'il y a de plus connu, de plus fondamental qui soit. En raison du fait qu'elle est rachetée à l'avance, le Fils a la possibilité de disposer d'elle depuis toujours, de façonner ce qu'il veut avec elle et avec son oui avant même qu'elle soit née. Elle qui s'est livrée à lui définitivement, il peut la transmettre à titre de prêt à qui il veut afin que dès maintenant quelque chose de sa rédemption et de l'idée qu'il se fait de sa mère et de sa réalité devienne vivant et se réalise. C'est plus qu'une simple préfiguration parce que Marie, en toute réalité, est déjà sauvée, parce qu'il y a un acte concret et positif qui fonde son être, lequel à son tour contribue à fonder aussi sur la terre l'être du Fils qui obtient toute la rédemption jusqu'à Adam et Ève dans le passé. On peut parler de préfiguration dans la mesure où elle sera en même temps l'épouse du Christ, l’Église future (NB 1/2, 166).

 

862. Tous les hommes doivent être sauvés : ils sont innombrables

Jésus sur la croix. Tous les hommes à venir doivent aussi être sauvés comme ceux qui ont été, car il souffre bien une fois pour toutes. Ceux qui sont à sauver sont innombrables : tous les temps, tous les pays (NB 3,285).

 

3. Péché du monde et rédemption

 

863. Le Seigneur veut emporter tout le péché du monde

Le Seigneur ne veut pas emporter une quantité déterminée de péché mais tout le péché du monde. Même le péché séparé du pécheur, il ne veut pas le mesurer en tant que tel, c'est l'homme qu'il connaît qu'il veut sauver (NB 10, n. 2329).

 

864. Le sang du péché et le sang de la croix

Le sang du péché est un sang qui coagule, qui est stagnant et se corrompt. Mais le sang vivant de la rédemption reste liquide, il coule continuellement et, quand il rencontre le sang du péché, il a la force lui donner de couler également et de l'employer pour ses desseins. En se liquéfiant, il coule dans le sang rédempteur et l'accroît. Le sang du péché sent mauvais comme des cadavres qui se décomposent, le sang de la rédemption a l'odeur agréable de la rédemption sur la croix (NB 12,240).

 

865. Le Fils porte tout le péché du monde

Dans l'angoisse au mont des oliviers, il y a deux missions qui toutes deux sont complètes à leur manière, celle du Fils et celle de sa mère. La mission de sa mère, le Fils la porte déjà en rachetant sa mère à l'avance. Sur cette rédemption, à vrai dire nous ne savons rien. Elle est déjà accomplie quand le Fils arrive dans le monde. C'est une affaire de Dieu Trinité dans laquelle, du côté humain, seule la Mère est concernée, elle qui est déjà sur cette terre quand le Fils devient homme. Il vient dans le monde en portant toute sa mission et, sur la croix, il paie pour elle le prix tout entier : il porte tout le péché du monde. La conception immaculée de la Mère, il l'a préparée dans le secret en tant que Dieu mais, dans sa passion, il doit encore payer le prix de la mission terrestre de sa mère comme il paie le prix de la sienne. La croix est tellement réservée à sa propre mission et au péché du monde que l'autre affaire, qui n'est pas le prix du péché, n'a pas là sa place véritable ; c'est au mont des oliviers, dans l'angoisse, que le Fils paie le prix de la mission de sa mère. Il y a un rapport entre la prérédemption de Marie au ciel et sa prise en charge au mont des oliviers ; à partir du mont des oliviers, où elle est totalement prise en charge, elle prend elle-même toujours plus de part à la rédemption jusqu'à la croix, et finalement sa participation permet pour ainsi dire au Fils de régler toute la dette (NB 1/2, 175).

 

866. Le Fils porte sur lui la faute de tous

Le Fils porte sur lui la nuit du péché, la faute de tous et l'abandon du pécheur par Dieu, comme Adam fut rejeté de la présence de Dieu. Et comme il porte réellement ce péché dans la nuit, il triomphe du monde en le portant, en étendant sur le monde la nuit de sa passion, de même qu'à sa mort la nuit est tombée sur le pays (NB 3,207).

 

867. Le péché dont le Christ se charge est si grand

Quand le Christ - qui est Dieu, c'est-à-dire la vérité - regarde le péché des hommes en vue de la passion qui approche, il en est touché si intimement qu'il commence à apprendre à le connaître et à le porter intérieurement sans faire de distinction entre lui et les pécheurs. Il le reçoit au plus intime de sa conscience et l'y enferme. Une fois qu'il l'a reçu, il ne peut plus s'en défaire, ni non plus faire que ça n'a pas été fait. Il ne peut ni s'en désolidariser, ni le purifier ; au contraire, il est contraint à la croix, contraint à subir, à éprouver, à sonder partout son horreur et son poids. Il ne peut le faire en tant que Dieu, qui connaît toujours le temps limité dans lequel cela se fait, mais seulement en tant qu'homme qui se trouve devant la rédemption à opérer comme quelque chose dont il ne peut pas venir à bout. Le péché dont il se charge est si grand qu'il ne laisse en lui aucun espace libre, ni aucune possibilité de repentir. Il ne l'a pas d'une manière qui donnerait l'occasion d'une conversion. Il l'a comme détaché de tout ce qui pourrait dégager à nouveau un chemin vers Dieu. Il l'a pour l'avoir. Il l'a dans le but de le subir tel qu'il l'a : sans allègement, sans adoucissement, sans pouvoir le répartir ni s'en débarrasser petit à petit (NB 6,238).

 

868. Nous sommes des sauvés dans un monde pécheur (NB 10, n. 2185).

 

869. Le Seigneur a pris sur lui tous nos péchés

Le Seigneur n'a pas oublié un seul péché, il les a tous pris sur lui jusqu'à sa mort finalement pour l'amour de tous. La porte du ciel est étroite, si étroite d'une certaine manière qu'il n'y en a toujours qu'un seul qui y passe. La porte de l'enfer est très large (NB 3,121-122).

 

870. La grâce de la rédemption expie aussi les péchés possibles

La grâce de la rédemption agit aussi de telle sorte qu'elle empêche l'homme de pécher en expiant aussi ses péchés possibles, ceux qu'il n'a pas commis. Dans le purgatoire, l'homme reconnaît également cette distance (NB 4,15).

 

4. Rédemption et passion

 

871. Parce que Marie ressent ce que son Fils a ressenti, elle est associée au but de sa souffrance : la rédemption du monde (NB 1/2, 206).

 

872. Le fruit de la croix : la rédemption du monde (NB 1/1, 117).

 

873. Le Père a vu l’œuvre de la rédemption du Fils sur la croix (NB 2,113).

 

874. La rédemption du monde et la croix

Les relations qu'au cours de sa vie terrestre Dieu devenu homme entretient avec les pécheurs reste pour ceux-ci un mystère impénétrable. Quel effet doivent avoir ces relations sur les événements de la rédemption du monde ? Qu'au ciel Dieu ait des relations avec Dieu, la foi peut le comprendre : de la même manière, entre deux hommes qui vivent ensemble, il y a des points communs dans leur manière de vivre. Mais que gagne Dieu à avoir des relations avec les hommes ? Il peut enseigner les hommes et leur donner des directives, leur montrer comment ils peuvent vaincre leurs défauts ; mais qu'en est-il pour lui-même ? On doit sans doute dire que, par ces relations avec les pécheurs, il se prépare à la croix. Ce premier contact du Tout-Pur avec le péché lui permettra de reconnaître les péchés qui l'assailliront sur la croix. Pour le moment, il les porte sous une forme qui est possible pour un vivant ; sur la croix, la forme sera insupportable pour le vivant et elle causera sa mort (NB 5,130-131).

 

875. Par souffrance sur la croix, le Fils a la clef de la rédemption

Il y a une prévenance réciproque de la part du Père et de la part du Fils. La prévenance du Fils consiste en ce qu'il a déposé sa rédemption auprès du Père pour être initié au mystère du Père. Par sa souffrance sur la croix, il a en main la clef de la rédemption ; en soi, il pourrait absoudre toutes les âmes tout de suite et tout simplement les conduire au ciel. Mais cela se ferait sans tenir compte du Père, cela ne se ferait donc pas dans l'unité de l'amour du Père ni à l'intérieur de sa mission. C'est pourquoi il doit se porter à la rencontre de la justice du Père. Le Père vient à la rencontre du Fils en ne lui montrant pas en premier lieu l'enfer nu, mais la synthèse de l'enfer et de la croix, donc l'effet de l'amour du Fils à l'intérieur de la pure justice. Avant la croix, il n'y avait que l'enfer définitif. Il n'y a de purgatoire que par l'acte rédempteur du Fils. Et le Père montre au Fils qu'il n'est pas sans être influencé par la rédemption, même si cette rédemption demeure provisoirement déposée auprès de lui, le Père (NB 3,94-95).

 

876. Le Seigneur sur la croix a fait l’expérience de chaque péché en l'expiant

Sur la croix, le Seigneur a fait l’expérience de chaque péché en l'expiant, et il a fait de sa croix un centre de rassemblement auquel il est donné aux hommes de participer en le suivant, par l’obéissance et le renoncement, sous les formes du sacrifice dont on peut comprendre dans la foi le rapport à la rédemption (NB 2,60).

 

877. On devrait comprendre combien la rédemption sur la croix et l'absolution sont proches l'une de l'autre (NB 4,285).

 

878. Le salut du monde par la souffrance du Fils sur la croix

Le Fils a dit : "Père, que ta volonté soit faite, non la mienne", et le Père se souvient que la volonté du Fils et sa volonté ne faisaient qu'une volonté, et que cette volonté aspirait au salut de l'humanité et voulait le réaliser. Maintenant, ensemble, ils opèrent le salut du monde dans la souffrance : le Fils sur la croix dans l'abandon, le Père dans le ciel avec l'Esprit Saint du Fils dans les mains. Il voit le Fils avec les yeux de la lumière, il le voit souffrir et mourir, il le voit au bout de ses forces, livré jusqu'à l'extrême, nu, marqué des stigmates et des traces des coups (NB 5,259).

 

879. Le Fils veut racheter le monde par sa passion

Avant la passion, il y a une prise en charge de la volonté de souffrance du Fils par le Père : il doit maintenant tenir ferme cette volonté vis-à-vis du Fils. Naturellement, c'est aussi sa volonté de Père qu'il présentera maintenant au Fils sa "fonction" de justice. Et le Fils exige du Père qu'il maintienne cette exigence vis-à-vis de lui, le Fils. Le Fils veut racheter le monde par sa passion, mais cette volonté deviendra pour lui exactement actuelle quand la volonté du Père en lui exigera au-delà de tout ce qu'il peut vouloir lui-même ; il peut dire et il doit dire : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne", quand son obéissance ne sera plus son propre don de lui-même, mais sa réponse au Père qui a pris les choses en main (NB 6,267).

 

880. Le Fils a racheté le monde par sa passion

Le Fils a racheté le monde par sa passion, mais sa passion avait d'abord été permise par Dieu Trinité ; le Fils avait certes porté en tant qu'homme tout le fardeau des souffrances, mais il n'avait pas percé à jour le mystère ultime du Père, l'enfer : ce chaos d'avant la création du monde, que les hommes ne connaissaient pas, mais que maintenant ils étaient en mesure de faire émerger à nouveau par leurs péchés. Ou mieux : le chaos de l'enfer, qui est un chaos de péché, est comme un reflet du chaos au commencement de la création (NB 3,175).

 

881. Le but de la nuit du Fils est qu'advienne la rédemption du monde, que l’Église reçoive son caractère et que la mystique chrétienne, c'est-à-dire le contact personnel d'un croyant avec le mystère de la rédemption, se fasse par le Fils pour l’Église (NB 5,115).

 

882. La vie du Christ devait forcément le conduire à la mort pour la rédemption du monde (NB 5,117).

 

883. Nous sommes rachetés par la vie et la mort du Fils

Quelque chose du Père se trouve dans le fait que nous accueillons le Fils en nous et que nous nous savons rachetés et sauvés par sa vie et par sa mort, car cela signifie l'achèvement de la mission que le Père a confiée au Fils. Si nous refusions la foi, non seulement nous augmenterions le poids de la croix, mais nous renierions aussi le Père qui voit l'achèvement de l'œuvre de la rédemption. Notre accueil du Fils se réalise par le Père qui l'envoie ; quand nous tâchons d'aimer le Fils et de prendre part à son œuvre, qui veut dire la glorification du Père, notre contribution à cette glorification est une œuvre du Père (NB 6,114).

 

884. Pour accomplir la rédemption, le Fils doit être seul

Sur la croix, le Fils rend l'Esprit au Père, non seulement parce que, dans son obéissance, le Fils veut faire l'expérience du parfait abandon, mais parce que, pour accomplir la rédemption, il doit être seul (NB 6,512).

 

885. Solitude rédemptrice du Seigneur (NB 6,529).

 

886. C'est pendant que le Fils est mort que le Père opère la rédemption du monde

Dans la nuit du samedi saint, le Fils se remet au Père et à l'Esprit par la mort dans l'attente d'une résurrection ; il y a une "disparition" du Fils dans le Père. Ce n'est pas seulement un oubli de lui-même (ce l'était déjà sur la croix), ce n'est pas seulement savoir qu'il est oublié par le Père ("Pourquoi m'as-tu abandonné ?"), c'est quelque chose qui est encore au-delà de l'oubli : une ultime obéissance qui a décidé une fois pour toutes de se donner et qui est si illimitée que seuls le Père et l'Esprit disposent encore de cette volonté du Fils. Cette obéissance est en eux quelque chose qui n'est plus du tout accessible au Fils lui-même : en tant que mort, il n'a plus la force de dire oui à son obéissance, il l'a remise comme la quintessence de lui-même entre les mains du Père qui la fait renaître maintenant. Non seulement le Père engendre à nouveau le monde en tant que monde sauvé par le Fils mais, avec ce monde, il engendre aussi à nouveau le Fils. Dans la nuit du samedi saint, le Père crée le monde pour la deuxième fois, et le Fils y est entré si profondément qu'il est devenu comme une partie de ce monde terrestre, non plus avec l'Esprit qui plane sur les eaux et qui est témoin de la création, mais comme une partie passive du monde à recréer. Ce n'est pas le Fils maintenant, en tant que mandaté, qui sauve le monde, il a tellement mêlé la substance du monde à sa mort que le Père peut recréer ce qui n'est pas séparé. Et c'est dans l'étonnement que le Fils ressuscitera, en s'étonnant de l'œuvre du Père : il la lui a tellement abandonnée qu'il n'en avait pas une vue d'ensemble. C'est pendant qu'il est mort, que le Père opère la rédemption du monde dans sa résurrection, comme aussi sa résurrection dans la rédemption du monde. On ne voit guère le passage qui va des tourments qu'il a endurés sur la croix à la joie qui est la sienne à sa résurrection. Et pourtant il y a là un passage : le chemin dans la nuit pendant laquelle il s'est remis entre les mains du Père avec le monde et même aussi avec l’enfer (NB 5,114-115).

 

5. Corédemption

 

887. Corédemption

Par pure peur du panthéisme, on ne peut pas nier le fait que Dieu soit dans le monde. Par pure peur que la corédemption porte ombrage à l’œuvre du Christ, on ne peut pas non plus nier l’existence de ceux qui ont été invités à la croix. Et moins encore l'existence de la grâce de la corédemption donnée par Dieu (NB 3,242).

 

888. Le oui corédempteur de Marie à la croix 

On ne peut sûrement pas dire que tout le monde donne un oui (corédempteur) à la croix dans un sens ou dans un autre, du moins pas en ce monde. Mais le Seigneur s'en va et il accomplit son œuvre sans interroger les hommes un à un. Et pourtant sa mère a donné un oui qui (par substitution) signifiait l'accord de l'humanité dans son ensemble (NB 3,202).

 

889. Aider à racheter le péché

La soif sur la croix est celle qui est soufferte par le Fils, et quand un pécheur la ressent aussi, c'est lié au désir d'aider à racheter le péché ; elle porte les traits personnels que le Seigneur lui a donnés : la foi, l'amour, l'espérance et le désir que le monde se convertisse (NB 3,195).

 

890. Nous devons prier pour la rédemption du monde (NB 4,82).

 

891. L’obéissance ecclésiale et la rédemption du monde

Le croyant sait que Dieu apprécie son obéissance ecclésiale et qu'il peut l'utiliser pour les buts de la rédemption du monde (NB 5,90).

 

892. Nul ne peut dire oui au Seigneur et le suivre sans avoir part intimement au mystère de la rédemption (NB 10, n. 2141).

 

893. La rédemption n'enlève pas le péché du monde, chacun doit faire ses preuves

Le Fils donne à ses disciples son corps qui n'a pas encore souffert, il donne son corps intact aux disciples qui doivent être conduits dans ce qui est intact. Il confie à tous les croyants (qui sont en même temps pécheurs) son corps intact qui donnera à leur corps d'être intact. Puis le Fils souffre en son corps qui est torturé jusqu'à la mort et il retourne au Père, mais il ne peut pas dire au Père : "Tu vois, Père, comment ils m'ont torturé jusqu'à la mort", car auparavant il a déjà mis son corps dans les corps blessés des disciples. Après leur communion, les disciples pécheront même plus gravement qu'avant : Judas, Pierre ! Et après la croix : Thomas ! Car la rédemption n'enlève pas le péché du monde; chacun doit faire ses preuves dans la tentation (NB 6,527-528).

 

894. La confession est un cadeau de la rédemption (NB 11,419).

 

6. Rédemption et résurrection

 

895. Rédemption et résurrection ne font qu’un

L'Esprit qui a apporté le Fils aux hommes comme semence du Père roule la pierre qui était devant l'entrée du tombeau d'où sort le Fils ressuscité, car rédemption et résurrection ne font qu'un (NB 3,175).

 

896. Ce que veut le Seigneur : ressusciter avec ceux qu’il a sauvés

Dans l'absolution sacramentelle de l’Église se trouve le grand pardon du Seigneur qui pardonne aux pécheurs de l'avoir poussé dans la nuit des enfers ; un pardon très conscient parce que seul le Seigneur connaît toute l'étendue et tout le poids du péché. Que le pécheur reçoive si facilement le pardon pour ce qu'il a causé d'horrible lui reste inconcevable ; il reconnaît seulement que l'amour du Seigneur est plus fort que tout, que ce que veut le Seigneur, c'est seulement de ressusciter avec ceux qu'il a sauvés et d'aller avec eux vers le Père, que la grâce de la rédemption est offerte aux pécheurs gratuitement (NB 5,130).

 

897. L’Ascension : le retour au Père avec la rédemption

L’Ascension. Certes la croix du Seigneur signifiait bien déjà la rédemption mais, en montant au ciel, il rapporte définitivement au Père son œuvre terrestre. L’Ascension comme pendant de Noël : ici l’arrivée, en provenance du Père, pour la rédemption ; là, le retour au Père avec la rédemption (NB 9, n. 1799).

 

7. Rédemption et enfer

 

898. Le Seigneur va en enfer chargé de tout le péché du monde (NB 3,122).

 

899. Le Fils a pris le péché avec lui en enfer

Pâques. Quand Dieu le Père fait ressusciter le Fils, il va chercher pour ainsi dire la Parole dans le silence. Le sens de la mort du Christ apparaît là une fois encore dans une lumière nouvelle. Il est mort et il est passé dans les enfers pour s'assurer que le péché est mort définitivement, qu'il est enseveli avec lui et qu'il ne peut plus y avoir de terme à sa mort. Il a pris le péché avec lui en enfer, le péché en tant que mort, dépouillé de sa vie, détaché de ceux qui le portaient autrefois. Et parce que ceci est pour les hommes la délivrance de leur péché, il entre dans la résurrection. Dès ce moment-là, il est totalement celui qui a opéré la rédemption, qui se révélera aux siens en tant que tel, sous une forme nouvelle, libre de tout ce qu'il a porté. Il l'a endurée jusqu'au bout (NB 3,340).

 

900. Le Fils a sauvé le monde de l'enfer (NB 3,175).

 

901. La force de la croix : le vieil enfer est fracturé

L'enfer est vaincu par la croix... L'enfer est transformé par la croix ; là où était la damnation, la grâce maintenant pénètre ; là où était le jugement définitif, pénètre la rédemption, là où n'existait aucune sorte d'espérance, pénètre la promesse. Dans cette représentation antique, le tremblement de terre serait la force de la croix qui se fraie un accès à l'enfer. Cette force ouvre et ferme tout à la fois : le vieil enfer est fracturé et l’œuvre de la rédemption du Fils en est reconstruite et posée (NB 3,208).

 

902. C'est par la descente du Seigneur aux enfers que la rédemption est achevée (NB 4,15).

 

903. Lœuvre de rédemption du Fils ne serait pas complète sans son passage à travers l’enfer, à travers ce qui n’est pas racheté (NB 4,133).

 

904. Le Fils voit en enfer l’œuvre accomplie

Le Fils a accompli l’œuvre du Père, et la descente aux enfers à la fin lui fait voir l’œuvre accomplie. Il voit de l'intérieur ce qu'il a fait, sans deviner comment d'une certaine manière. Il a fait tomber sur lui le péché et il est mort sous son poids mais, tant qu'il était vivant, il ne pouvait pas mesurer la dimension exceptionnelle du fardeau. Une fois mort, il la mesure (NB 3,175).

 

905. Dans sa vision de l’enfer, le Fils comprend à quel point le monde était perdu

Sur la croix, le Fils a fait plus qu'il n'était humainement possible ; cela, il ne pouvait pas le mesurer en tant qu'homme, il ne le voulait pas non plus et il ne voulait pas faire appel à sa divinité pour le lui montrer. Ce n'est que dans l'objectivité de la vision de l'enfer qu'il le mesure ; ainsi cette objectivité est plus divine qu'humaine. Ce n'est que dans la confrontation de ce qu'il a souffert et de ce qu'il voit qu'il comprend à quel point le monde était perdu (NB 3,175-176).

 

906. Par la croix et l’enfer, Dieu peut se promener toujours plus librement dans sa création

Chaque pas que le Fils fait en enfer réduit le domaine du diable. Chaque pas raccourcit la chaîne. Comme si le diable avait tout d'abord été lié à une chaîne si longue qu'il ne la sentait pas et qu'il pensait pouvoir se promener librement. Maintenant, par la croix et l'enfer, la chaîne ne cesse de se réduire. Le serpent est lié et, à l'inverse, Dieu peut se promener toujours plus librement dans sa création comme autrefois au paradis (NB 3,234).

 

907. LEsprit n’inspire rien aux évangélistes au sujet de la descente aux enfers

Ce qui est curieux certainement, c'est que l'Esprit Saint n'inspire aux évangélistes au sujet de la descente aux enfers rien de plus que le fait qu'elle ait eu lieu. Comme si l'Esprit s'en tenait strictement au fait qu'il a été rendu au Père par le Fils sur la croix ; comme s'il ne disait rien, conformément à sa mission, comme s'il ne voyait et n'entendait pas, comme si le Seigneur aussi se taisait pour le moment, quand les évangélistes mettaient par écrit leurs évangiles. C'est un silence dans le silence du Père. Silence du Fils, silence de l'Esprit, il n'y a aucun mot à ce sujet ; le Fils, qui dès le début était la Parole, est maintenant une Parole silencieuse et discrète (NB 3,287).

 

908. Le Fils partage au monde sauvé le trésor de son passage dans les enfers

Le passage du Fils dans les enfers ressemble en fait aux tâtonnements d'un aveugle dans une région qui lui est inconnue, au milieu de dangers et de menaces ; il est tout à fait incapable de s'en tirer, le Père ne le soulage pas, mais il reçoit sans doute cette impuissance du Fils comme la chose la plus précieuse, comme un trésor tel qu'il ne veut pas le garder pour lui dans le ciel : il le rend au Fils quand il le ressuscite pour qu'il le partage au monde sauvé. La grâce de cette nuit se répand ainsi dans l’Église, dans le ministère et dans ses effets, dans les sacrements aussi bien que dans la mystique (NB 5,129-130).

 

909. L'enfer fait partie de la croix comme son image opposée. La croix et l'enfer sont comme une unique pièce de monnaie avec deux faces, inséparables (NB 4,232).

 

910. Les ténèbres des enfers et l’achèvement de l’œuvre rédemptrice

Toutes les paroles dites par le Seigneur après sa résurrection ont un sens qui est marqué aussi par la nuit du samedi saint. Les mots par lesquels le Fils préparait les hommes à la croix leur semblèrent plus compréhensibles que ceux qui furent dits par lui après la croix parce que ceux-ci sont imprégnés de l'expérience de l'abandon et parce que le Fils a connu, dans les ténèbres des enfers, des choses qu'aucun homme n'a jamais connues et qui servent surtout à l’achèvement de son œuvre rédemptrice (NB 5,141-142).

 

911. Après avoir racheté le monde, le Fils va dans l'obscur du Père (l’enfer) et il découvre là d'où provient au fond la possibilité du péché (NB 6,87).

 

912. Le Fils est seul à accomplir sur la croix l'œuvre de la rédemption. Le Père, en lui montrant l'enfer, découvre au Fils ce qu'a accompli la croix (NB 6,296).

 

913. La mort du Fils est une entrée dans les enfers

Le Fils est mort en emportant avec lui toute l'impureté ; il va avec elle en enfer, un enfer qui n'était pas prévu dans le carré originel de la création, mais que le Créateur dut construire pour tenir compte en quelque sorte de notre production d'immondices. La mort du Fils ne signifie pas du tout encore la fin. Sa mort est une entrée dans les enfers. C'est aussi le signe qu'il a si bien assumé notre temps qu'après le jour de sa mort commence un jour nouveau. Pas seulement le jour de Pâques mais, auparavant, le samedi saint. Après Pâques aussi il y a encore des jours. C'est pourquoi nous pouvons suivre le Fils partout dans les jours de la rédemption : le vendredi saint, le samedi saint, le jour de Pâques et tous les jours du monde qui vont suivre et qui sont nos jours ordinaires (NB 12,71).

 

*

 

7. La croix

 

Plan : 1. La croix et la Trinité2. La souffrance3. Sur la croix4. L’abandon5. La remise de l’Esprit6. La mort7. Le rachat 8. Le péché et le pécheur 9. La croix et la vie - 10. La croix et l’Église

1. La croix et la Trinité

914. Le sacrifice du Fils pour le monde révèle l’amour de Dieu Trinité

Durant les trois jours de sa passion et de sa mort, le Seigneur a enduré pour nous la confession, il nous l'a donnée dans cette situation-clef, dans sa clarté, mais entourée du mystère de son origine : le mystère de son sacrifice pour le monde dans lequel tout l'amour de Dieu Trinité se révèle - et se cache (NB 6,28).

 

915. La croix et la Trinité

Dans la solitude de la croix aussi, le Fils ne fait qu'un avec le Père et avec l'Esprit. En toute action de Dieu, par exemple à la Pentecôte, les trois personnes agissent ensemble (NB 12,71).

 

916. La croix : œuvre trinitaire

Durant le temps de la passion, la communauté trinitaire ne pouvait pas être visible mais, dans la joie de Pâques, le Père et l’Esprit permettent que le Fils contemple sa croix comme une œuvre trinitaire commune. Une nouvelle forme d’unité est créée entre le Père, le Fils et l’Esprit. Finalement peu importe laquelle des trois personnes a souffert, le Fils rétablit l’unité, et le Père et l’Esprit le laissent faire (NB 9, n. 1972).

 

917. Le Fils est d'abord celui que le Père laisse partir dans le tourbillon qui mène à la croix et à l'enfer (NB 12,73).

 

918. La volonté du Père et la volonté du Fils

Au mont des oliviers, le Fils se trouve devant la volonté du Père qui lui paraît absolue, inaccessible, étrangère. Il la regarde avec étonnement, il la regarde presque fixement, comme s'il ne pouvait plus la mettre en harmonie avec ce qui lui avait paru durant toute sa vie être la volonté du Père. C'est maintenant un oui énorme, démesuré et, en comparaison, le sien n'est qu'un minuscule oui d'homme, à peine formulé - "Non pas ma volonté, mais la tienne" - pour laisser entrer le oui divin. Auparavant, entre la volonté du Père et la volonté obéissante du Fils, il n'y avait aucune tension ; il y avait la vision qui montrait toujours la volonté du Père comme étant ce qui était le plus digne d'efforts et la faisait aussi embrasser. Maintenant la volonté du Père est comme à côté du Fils, autour de lui, non plus en lui au fond ; en lui, il n'y a que son oui humain donné au Père (NB 3,254).

 

919. Quand le Seigneur va à la croix, celle-ci n’est pas pour lui un complément de son passé, il abandonne tout ce qu’il a à la volonté plus grande du Père (NB 9, n. 1855).

 

920. L’Agneau de Dieu n’ouvre pas la bouche

Le Fils va vers la croix comme l'agneau de Dieu qui n'ouvre pas la bouche, n'émet aucune prétention, même pas celle de comprendre. Le Fils n'argumente pas : "Il serait certainement mieux d’œuvrer ici-bas encore quelques années, j'ai à peine commencé, il y aurait encore tant d'atouts à gagner pour le Père et pour son royaume". Finalement il sacrifie à la seule obéissance tous ses atouts et toutes les vertus qu'il pourrait encore déployer au service du Père. Cela fait partie essentiellement de la croix, plus essentiellement que toutes ses souffrances physiques (NB 11,290).

 

921. L’obéissance du Fils au Père atteint son sommet dans l'obéissance de la croix (NB 11,270).

 

922. Finalement le Père aussi obéit au Fils en le laissant aller à la croix (NB 11,236).

 

923. La croix : c’est comme si le Père disait au Fils : « Que ta volonté soit faite »

Le Père laisse au Fils sa volonté propre qui, en son fond ultime, coïncide avec la volonté de mission du Père. Comme si, à la croix, il y avait une sorte d'inversion de la demande : "Que ta volonté soit faite, non la mienne" (NB 3,180).

 

924. Le Fils voit la croix comme la joie du Père

Supposons que je t'achète quelque chose qui dépasse totalement mes moyens, me condamne à la pauvreté et que je voie la joie que tu en retires, il ne me vient pas à la pensée que j'ai fait le pire, mais qu'il est beau que tu sois heureux. C'est ainsi qu'à présent le Fils voit la croix : comme la joie du Père (NB 10, n. 2142).

 

925. La croix pour glorifier le Père

Le Fils est allé à la croix tel qu'il était, il souffrit et il mourut avec ce qu'il avait ; démuni certes de toute aide, mais avec sa nature de Fils ; ses paroles étaient des paroles du Fils, elles correspondaient à sa personnalité, à sa mission de glorifier le Père (NB 3,187).

 

926. Le Fils en croix : sa compassion pour le Père

Le Fils est sur la croix. Le Père aussi est contraint. Il y a une compassion du Fils pour le Père qui maintenant ne peut pas faire autrement. Le Père assume donc aussi en quelque sorte les lois du monde pour recevoir l'obéissance du Fils. Le Fils est tout au bout de ses forces ; ça n'ira plus encore qu'un tout petit peu - dit l'angoisse -, puis quelque chose est requis qui ne peut plus aller (NB 6,272).

 

927. A la croix, le Fils n’est pas déçu par le Père

On ne peut certes pas dire qu’à la croix le Fils est déçu par le Père ; tout a toujours été décidé ainsi. Mais il y a une déception au sujet de Pierre. Même si le Seigneur ne le dit pas, il se sent rejeté par Pierre, et à vrai dire d’autant plus que Pierre assure solennellement qu’il n’en est pas question. Ses affirmations solennelles approfondissent la faille, elles rendent le reniement encore plus sinistre. Car lorsque le Seigneur lui annonce qu’il va renier, Pierre pourrait au moins s’incliner dans une sorte d’humilité, se tenir tranquille, au lieu de s’opposer au Seigneur avec son “Impossible!” obstiné. Il renverse l’assurance du Seigneur avec sa propre assurance aveugle (NB 9, n. 1951).

 

928. Le Père doit participer à l’impuissance du Fils

Il serait facile pour le Père d'étendre autour de la croix sa main protectrice ; elle est assez grande et assez puissante pour la dominer tout entière. Mais justement il ne lui est pas permis de le faire, car il doit participer à l'impuissance du Fils. Comme si cette impuissance ouvrait au Père une nouvelle possibilité : ne pas pouvoir, bien qu'il en ait le pouvoir. Quelque chose comme assumer une impuissance volontaire. Non seulement le Père n'a pas le droit d'envelopper la croix de manière à l'enlever au Fils, mais il doit prendre part à la mise en croix du Fils (NB 3,180).

 

929. L’intérieur de la passion se joue entre le Père et le Fils

Plus le Père voit la souffrance du Fils, plus le Fils souffre et renonce, plus il est dépouillé et nu. Cette vue du Père libère le Fils de tout ce qu'il pouvait apporter activement en fait d'attitude, de possibilité de porter et d'obligation de porter afin de le laisser libre pour une exigence démesurée de souffrance. Il est la souffrance incarnée, non tellement comme nous le voyons, mais comme le Père le voit, dans toute la profusion des possibilités de souffrance. Tout ce qu'on pourrait en dire n'atteint pas la réalité. Bien des scènes de la passion - le portement de croix physique, ou le baiser de Judas, la trahison de Pierre, etc. - semblent presque n'être là que pour nous, pour donner à nos idées un contenu et une direction, pour nous donner des signes extérieurs et des images de la passion. L'intérieur, qui se joue entre le Père et le Fils, dépasse tous ces signes et saisit le monde comme un tout. L'expérience de l'agonie qui est faite ici s'étend sur la totalité du temps. Le mourant sera devant sa mort si plein de la mort qu'il ne peut plus guère prendre connaissance de la manière dont cette mort se déroule dans la vision du Père. Et pourtant il est nécessaire que le Père regarde et que le Fils se laisse regarder dans une ultime nudité, dans l'abandon, une fatigue démesurée, une lassitude infinie (NB 3,362).

 

930. La gestion de la passion se trouve entre les mains du Père

Dieu le Fils sait qu'il sera cloué sur la croix ; le Fils, en tant qu'homme, pressent et sait (les deux choses sont mêlées) que l'heure du Père est là. Mais pressentir et savoir ne se concrétisent pas dans une expérience anticipée de la passion. Si le Fils imaginait à l'avance le détail des souffrances, cela entraînerait en quelque sorte aussi pour lui le moyen de s'en défendre. Il ne le fait pas parce qu'il veut souffrir d'une manière purement humaine : il ne sait pas à l'avance, l'entrée dans la passion qu'il doit subir a lieu sans transition. Ce n'est pas lui, c'est le Père qui détient le pouvoir. Certes, c'est par les hommes qu'il est frappé et mis à mort, mais la gestion de la passion - sa mesure et son déroulement - se trouve entre les mains du Père. Par sa prière, ses veilles, son jeûne, le Fils se prépare à la passion, mais pas à une passion précise. Il fait partie de sa contemplation avant sa passion qu'elle laisse tout ouvert et s'en remet pour tout au Père (NB 6,222).

 

931. Le Père doit pouvoir gérer librement la croix. Le Fils doit oublier qu'il est Dieu qui dispose de tout, dans une obéissance qui non seulement est aveugle, mais qui inclut aussi une sorte d'étonnement et le sentiment d'être pris à l'improviste par le rôle du Père (NB 6,223).

 

932. La passion viendra quand, comment et où le Père en décidera

Que le Fils ne puisse pas imaginer la croix rend la passion nettement plus difficile. Car s'il pouvait l'imaginer, il pourrait aussi se représenter Pâques. Il n'y aurait plus alors de limite pour imaginer, mais la passion serait alors limitée et c'en serait fait de l'indifférence du Fils. Ce qui est décisif, c'est que la passion viendra quand, comment et où le Père en décidera. Ce qu'il veut, c'est ce que je préfère. Dans cette attente du Fils, il ne peut y avoir de sa part aucune impassibilité, mais une pleine vigilance pour tout ce qui est exigé. Le Père a souffert un outrage infini, donc le Fils doit préférer détourner cet outrage du Père et le prendre sur lui. Mais l'indifférence ne se trouve pas seulement dans le fait qu'il est prêt, qu'il s'offre, mais aussi dans le fait qu'il ne se permet rien lui-même ; en s'offrant il respecte le mystère du Père sans poser de questions (NB 6,224).

 

933. La croix dans l’obéissance au Père

Le Fils a tout remis au Père, non seulement sa vie terrestre, mais aussi la disposition de son esprit. Il ne veut pas porter la croix en disposant de lui-même comme Dieu, c'est comme s'il ne pouvait se débarrasser lui-même de cette divinité, il ne le peut que dans l'obéissance au Père qui peut intervenir en tout. Le moment de la rédemption est par là comme mis hors de la parenthèse et remis au Père (NB 3,157).

 

934. Notre Père sur la croix : « Que ta volonté soit faite »

« Que ta volonté soit faite ». Le Fils résume tout en ce centre. Le Père ne doit pas penser qu'il a encore sur la croix un quelconque désir, sauf un seul : sur la croix terrestre accomplir la volonté du Père comme il l'accomplit dans le ciel (NB 3,159).

 

935. La croix : l’arbre créé par le Père

Quand le Fils est fixé sur la croix, il est séparé de tout ce qui était, il appartient désormais à quelque chose de nouveau : à la mort sur la croix. La croix elle-même est l'appartenance, l'élément, le concret, le monde nouveau. Un monde que les hommes ont confectionné avec le bois du Père, avec l'arbre créé par le Père. Il y avait l'appartenance du Fils au métier du bois, c'était pour lui son activité quotidienne, la matière que le Père lui donnait à travailler pour les besoins des hommes (NB 3,329-330).

 

936. Le Fils dépouillé entre le Père et l’Esprit

Le Fils se trouve pour ainsi dire dépouillé entre le Père et l'Esprit, il laisse passer en lui la volonté du Père et de l'Esprit pour qu'il devienne ce qu'il est : l'obéissance incarnée. Le Fils connaît une passivité dans laquelle il est modelé comme une chose. Il est livré afin que le dessein du Père s'accomplisse purement en lui. Il n'essaie pas de voir, il ne veut pas savoir à l'avance comment il se sentira dans le corps qu'il aura, il apprend dès maintenant l'abandon le plus extrême, la passivité de la croix (NB 12,53-54).

 

937. Le Fils porte la croix, accompagné du Père et de l'Esprit (NB 2,192).

 

938. Le Père et l’Esprit obéissent au Fils sur la croix

En se laissant crucifier, le Fils accomplit d’abord une obéissance toute simple, physique : il met ses membres là où le Père veut qu’ils soient. Suit alors son obéissance absolue : quand il rend aussi au Père son Esprit, il se dépouille lui-même de tout ce qui lui appartient. Il rend librement l’Esprit. Ses mains et ses pieds, il ne peut plus les rendre qu’en l’absence de liberté parce qu’ils sont déjà cloués, déjà pris. Il n’a plus la possibilité de fuir parce que le Père et l’Esprit lui obéissent sur la croix. S’ils ne lui obéissaient pas, ils lui auraient épargné la croix par compassion, ou bien ils auraient fourni un remplacement comme pour Isaac. Cela fait partie de leur obéissance que, jusqu’au bout, ils considèrent comme Dieu le Fils dont la souffrance doit être infinie (NB 9, n. 1636).

 

939. La croix du Père et la croix de l’Esprit

Le seul côté que nous voyons de Dieu Trinité, c'est le Seigneur, et ainsi nous ne voyons la croix du Père et la croix de l'Esprit que dans la croix du Seigneur (NB 4,418).

 

940. A la croix, le Père obéissait au Fils en le laissant souffrir jusqu’à la fin. Et l’Esprit Saint de même (NB 4,96-97).

 

941. Le Fils marche vers la croix dès sa naissance

Le Fils doit avancer sa décision d’aller à la croix au moment de sa naissance. En venant en ce monde, en devenant homme visiblement, il n’a pas le droit d’oublier qu’il sera visible par les hommes sur la croix quand il quittera le monde. Il vient et il va vers la croix. Il doit vivre constamment avec la pleine connaissance de la croix et pourtant en l’oubliant totalement (NB 4,98).

 

942. Le plus dur pour le Fils à sa naissance, c'est son attente inconditionnelle de la croix (NB 6,137).

 

943. La vie du Seigneur se déroule d’emblée en direction de la croix

Le Seigneur embrasse la croix à sa naissance dans une prise de possession spirituelle, il la projette même dans sa vie dès avant sa naissance afin que sa vie se déroule d’emblée en direction de la croix. Comment peut-il alors oublier la croix ? Il doit justement donner à chaque événement de sa vie le poids qui lui revient, il doit vivre réellement en tant qu’homme avec des moments temporels. S’il n’avait pas la possibilité d’écarter la croix de sa conscience, il n’aurait pas vécu autre chose que la croix pendant trente-trois ans (NB 4,99-100).

 

944. Le Fils devenu homme sait qu'il vivra toujours en vue de l'heure

En tant que Dieu, il sait naturellement que, dans l'éternité, il a décidé de souffrir, au-delà de ses forces absolument. Il s'est rendu la chose plus difficile par le fait qu'il doit rencontrer les premiers pécheurs en venant de l'espace protégé de la sainte famille. Il sera d'autant plus sans défense quand le péché l'atteindra. Il l'atteindra avec son entourage : sa mère et son père nourricier. Maintenant aussi il doit à nouveau décider la croix. Il a reçu une chair et une âme qui habite dans la chair. Il a reçu tout ce qu'un humain reçoit et il doit voir maintenant que sa décision en tant qu'homme ne soit pas en retrait de sa décision divine. Il sait maintenant ce qu'est l'existence humaine. Il perçoit que les souffrances peuvent l'atteindre dans cet espace. C'est absolument réel. Certes la décision divine était également réelle. Mais c'était une réalité éternelle contenue dans la vie éternelle. L'éternité d'autrefois (la même que l'actuelle et la future) savait que la passion arriverait. Mais maintenant apparaît un avenir temporel. Et le Fils ne doit pas attendre la croix comme un mal inévitable dont quelques années encore le séparent et dont pour le moment il n'a pas besoin de se soucier. Il doit au contraire apprendre en tant qu'homme ce qu'il fait comme Dieu : regarder la croix immédiatement, avec toutes les conséquences qu'implique ce regard. Rien ne peut être écarté, rien ne peut être estompé, tout le vécu doit être en lui plénier, comme une première fois, unique. Il sait que le Père vit le tout dans une plénitude divinement parfaite et qu'il attend que le Fils lui offre son cadeau, son don de lui-même avec la même plénitude. Ne fléchir nulle part, ne pas remettre à plus tard. Et le Fils sait bien maintenant qu'il vivra toujours en vue de l'heure, qu'il l'attendra à tout moment sans se situer vis-à-vis de l'heure du Père. Il ne cessera d'apprendre l'imminence de l'heure qui doit venir. Bien qu'il doive aussi apprendre à vivre toujours dans le présent pour transmettre aux siens cette "existence dans l'instant", il doit également compter avec les années, les jours, les heures, comme un humain doit le faire. La division du temps est un don de Dieu aux hommes, le Fils doit y avoir part comme à toute grâce que Dieu destine aux hommes (NB 6,137-138).

 

945. L’Esprit prépare le Fils à sa passion

Le Fils qui, durant toute sa vie, se prépare par ses prières et ses sacrifices à la passion totale qui arrive, sait vaguement qu'il est destiné au sacrifice pour le monde, même s'il ne veut pas en savoir le détail. Mais en priant avec l'Esprit et dans l'Esprit, il voit croître l'exigence. Au désert, il a vaincu la tentation, il s'est offert totalement au Père, mais il ne peut en tirer aucun apaisement, aucun soulagement, parce que l'Esprit le tient ouvert pour une exigence plus grande. En tant que Dieu, le Fils sait de quoi il s'agit. Mais, au Fils devenu homme, l'Esprit a la mission de lui présenter l'ensemble de manière neuve, c'est pourquoi il doit le préparer à une démesure. Non que le Christ limiterait son sacrifice et y opposerait des résistances, mais l'Esprit lui montre constamment que davantage est requis. Le même Esprit qui semblait avoir testé au ciel ce qui était possible, est vu ici-bas comme s'il dépassait sa propre mesure (NB 6,408-409).

 

946. La croix : but de la vie du Fils

A douze ans, quand il discute dans le temple, le Fils donne des signes précurseurs de sa future maturité. Sa mère avait mis le petit enfant à sa juste place ; c'est à partir de là qu'il a pu apprendre à marcher physiquement comme spirituellement. Quand le Père le met maintenant dans le temple, c'est aussi la juste place à partir de laquelle le Fils peut croître vers la maturité de sa mission ; mais c'est encore loin de son lieu et de son enseignement définitifs. Ce n'est que le point de départ d'un chemin qui le conduira jusqu'à la croix. Il est depuis toujours dans une juste relation à la croix comme au but de sa vie. Mais cette juste relation est elle-même une relation vivante qui évolue, sinon ses trente années de contemplation et ses trois années d'action auraient été du temps perdu qu'il aurait aussi bien pu passer dans le ciel (NB 6,217-218).

 

947. Toute la vie du Seigneur va vers la croix (NB 3,200).

 

948. Toute la vie du Fils est une marche vers la croix

Toute sa vie durant, le Fils connaît d'avance la croix ; c'est une attente, mais sans anticipation. Il a sa pré-connaissance céleste d'où provient son humanité ; il sait que tout son être d'homme vise la croix, qu'il n'y a pas de retour. Quand ensuite elle arrive, c'est quand même tout autre chose. Car il n'a jamais voulu se préparer à quelque chose pour laisser au Père toute liberté. Son existence vise la croix. Mais son vécu et ses expériences ne se laissent pas marquer par cela pour ne rien anticiper (NB 3,211).

 

949. Le Seigneur va au désert pour se préparer à la croix

Bien que le Seigneur n'ait rien de coupable à purifier, il se met, en allant au désert, dans un état de plus grand don de lui-même, il affaiblit volontairement ses forces physiques simplement afin d'être plus préparé pour la croix (NB 6,140).

 

950. Quand le Seigneur vivait sur terre et qu'il allait vers la croix, ce fut progressivement toujours plus dur et plus ténébreux (NB 4,18).

 

951. La croix fut embrassée devant Dieu par un libre choix de Dieu (NB 2,60).

 

952. La croix a été décidée depuis l'éternité pour porter du fruit dans le toujours de l'éternité future. Mais l'éternité passée et l'éternité future se rencontrent dans la croix (NB 3,284).

 

953. Le Fils a la volonté de souffrir

L'Esprit porte au Père tout ce qui appartient au Fils, il porte au Père la volonté que le Fils a de souffrir ; venant du Fils qui exhale l'Esprit sur la croix, l’Esprit revient au Père avec toute la souffrance du Fils. Le Père reçoit cette souffrance et voit les richesses qui s'y trouvent, et l'Esprit unit l'esprit de souffrance du Fils à la lumière du Père pour faire rayonner l'espérance du Père sur le monde, sur l’Église, sur sa mère. Le Père, le Fils et l'Esprit ne font qu'un. Ils n'ont pas été séparés par la solitude et l'abandon du Fils ; dans la souffrance aussi ils ne faisaient qu'un : ils étaient l'amour qui s'offre (NB 5,260).

 

954. Le Fils a accepté la croix comme Dieu

Au mont des oliviers, le Fils voit les disciples endormis comme une image de l’Église qui a glissé. C'est en tant que troublé qu'il porte notre dérapage. Tout d'un coup il ne sait plus très bien ce que tout cela veut dire. Jusqu'à présent le Fils n'a connu l'angoisse que sous la protection du Père. Comme de nager à sec. Maintenant il est jeté à la mer. Il voit les vagues toujours plus exclusivement avec les yeux du Fils de l'homme, et toujours moins avec ceux du Fils de Dieu. Pour se faire comprendre des hommes, il s’est toujours plus rapproché de la parole des hommes ; lui-même avait certes bien compris la vraie parole, mais il l'avait toujours inclinée davantage vers les hommes. Maintenant tout est bouleversé. Il est dans l'eau et il voit venir la tempête, il a une véritable angoisse. C'est tout autre chose de voir monter la tempête et de dire oui à la croix à partir de la rive du ciel que de faire la volonté du Père quand on est lié à un corps. Il avait accepté la croix comme Dieu, car on doit bien sûr être Dieu pour dire un tel oui au Père (NB 3,155-156).

 

955. La croix : symbole de l’amour du Seigneur pour le Père et pour le monde

L'amour brûlant du Seigneur atteint son sommet sur la croix. La croix devient le symbole de son amour pour le Père et de son amour pour le monde. La flamme qui le consume tellement qu'il devient capable d'aller vers cette croix, c'est son amour pour le Père et l'amour du Père pour lui (NB 5,273).

 

956. Le caractère mystérieux de la croix

Le Seigneur n'a pas morcelé sa croix, il ne l'a pas goûtée à l'avance, il ne s'est pas familiarisé avec elle petit à petit au cours de sa vie pour atténuer le choc de l'heure. Le caractère mystérieux de la croix, le Seigneur l'a remis totalement entre les mains du Père (NB 2,125).

 

957. La tragédie de la croix - La catastrophe de la croix (NB 3,406).

 

958. Dans la croix du Fils est rassemblé tout ce qu'il n'avait pas encore expérimenté humainement jusqu'alors. Ainsi la soif et l'excès de douleurs et l'abandon infini. Il a tout donné déjà depuis toujours, mais il n'a pas su dans le détail le contenu qu'aurait son don (NB 3,407).

 

958. La croix qui s’élève vers le ciel ouvre une brèche dans le ciel

« Que ton règne vienne » : dit sur la croix comme un cri de détresse. Sans avoir conscience que le règne justement vient par le fait que lui-même s'en va et qu'il s'en va dans une angoisse qui l'aliène totalement. Comme s'il devait faire tomber d'en haut sur la croix le royaume des cieux parce qu'il ne voit pas que la croix s'élève vers le ciel et ouvre une brèche dans le ciel, brise les portes avec violence, établit le passage de la vie d'aujourd'hui à la vie éternelle (NB 3,158).

 

959. Sur la croix, le Seigneur porte monde entier

Lorsque le Seigneur est suspendu à la croix, sur laquelle il porte le monde entier, il fait l’incommensurable et aucun homme ne peut mesurer l’incommensurable (NB 4,113).

 

960. Ce qui se cache en profondeur derrière les trois jours saints

Les "trois jours" de la passion (les souffrances, la mort et la résurrection) sont compréhensibles ; ce qui est incompréhensible, c'est ce qui se cache en profondeur là-derrière. Après la résurrection, la doctrine chrétienne est chargée de cet incompréhensible et elle en est comme obscurcie, et pourtant elle en est aussi éclairée parce que l'amour a acquis des dimensions nouvelles : la médiation du Fils pour les hommes est devenue accessible et de suivre le Christ fait partie maintenant d'une plénitude qu'une vie n'arrive pas à épuiser (NB 5,142).

 

961. Ampleur de la passion du Christ

En partant de Job, on doit porter son regard sur la parole du mont des oliviers et sur le cri d'abandon sur la croix pour avoir une idée de l'ampleur de la passion du Christ. Il y a dans la nouvelle Alliance des accomplissements qui sont pour ainsi dire tracés à l'avance dans des promesses négatives et auxquels le Seigneur se réfère - ainsi pour Job - pour les inverser et les rendre compréhensibles et accessibles pour notre foi (NB 5,56-57).

 

962. Par la croix a été rendu possible le partage eucharistique du corps ; promis avant la croix, il fut accompli par la croix (NB 4,226).

 

963. La croix est l’essence de toute l’histoire du salut aussi bien que le résumé de tout son déroulement (NB 8, n. 966).

 

964. Conversion possible grâce à la croix

Le jugement de Dieu est inévitable : comme expulsion du paradis ou comme confession. L’expulsion est une punition qui permet aux pécheurs de continuer à vivre pour une conversion possible. Cette conversion provient de la croix (NB 9, n. 1778).

 

965. La croix n'est rien d'autre que la réponse du Fils à la question du Père : « Comment ma volonté doit-elle se faire sur terre? Comment mon monde doit-il être sauvé ? » (NB 1/1, 87).

 

966. Le Crucifié porte tout en lui : toute l'humanité depuis les origines

La croix est composée pour ainsi dire d'innombrables feuilles, ou de plans, ou de tranches, qui traversent le Fils, qui lui traversent le cœur et qui sont devenus pour lui une souffrance vivante. Tout ce qui fut : les événements, les rencontres, l'enseignement du Père exposé de manière vivante, toute l'ancienne Alliance, tout le temps de l'humanité depuis les origines, la création du Père, la décision céleste en faveur du monde et de sa rédemption, tout est comme la préhistoire du présent, tout se rencontre ici, sur la croix. De même qu'un homme ordinaire porte sa vie d'enfant dans sa mémoire, de même le Crucifié porte tout en lui jusqu'à sa vie éternelle avant l'incarnation (NB 6,263).

 

967. La croix est l'invention d'une super-intelligence (NB 4,211).

 

2. La souffrance

 

968. La croix du Seigneur : une souffrance imposée

Le Seigneur entre dans son ultime souffrance comme un humilié. Il porte sa croix non comme un fardeau qu'il a pris lui-même, qu'il a choisi selon ses forces. Il la porte comme quelqu'un qui s'est sacrifié, qui s'est donné, un humilié. Sur son chemin de croix, il nous montre que sa souffrance est une souffrance imposée comme l'est aussi à sa suite notre souffrance, qui finalement est aussi sa souffrance, elle ne nous est que prêtée, elle ne nous est pas remise pour être la nôtre. Le Seigneur n'entre pas dans la souffrance avec des sentiments élevés, avec le sentiment que finalement il sera vainqueur, il va à la croix comme un vaincu. Nous n'avons pas le droit de chercher à éviter la croix du Seigneur, même pas avec la conscience que le Père l'a ressuscité. Aussi longtemps que Dieu le veut, nous avons à porter la croix de la manière dont le Fils l'a portée : dans l'humiliation (NB 1/2, 103).

 

969. Les douleurs

Les douleurs dues à la couronne d'épines autour de la tête, les souffrances du dos pour qui la croix n'est pas un soutien, les douleurs causées par les clous qui arrachent la chair, ces douleurs avec toutes les autres donnent pour résultat le sentiment physique de la distance infinie existant entre ce que Dieu voulait avec la création d'Adam et ce qu'Adam est devenu. Dans la défaillance du corps tout entier apparaît la puissance du corps tel que Dieu l'a créé ; c'est dans la détresse qu'apparaît la gloire de l'homme telle qu'elle aurait dû être, une gloire qui inclut aussi le corps. Le Fils fait ici moins l'expérience de la descente allant de Dieu à l'homme que la montée de l'homme jusqu'au véritable Adam, mais il fait cette expérience à l'occasion de son humiliation jusqu'à la mort, de même qu'un homme à qui tout a été volé remarque alors seulement combien il était riche auparavant (NB 3,283).

 

970. Une paix que le Seigneur doit avoir connue sur la croix dans sa plus grande souffrance (NB 11,266).

 

971. La souffrance du Fils sur la croix : lumière pour l’humanité

Le Fils sur la croix renonce à toute lumière émanant de lui, il ne garde pour lui que la souffrance. Il ne voit pas que sa souffrance devient lumière pour l'humanité. L'Esprit Saint, qui est dans les mains du Père, ne fait qu'un avec l'Esprit du Fils qu'il a reçu en lui comme autrefois quand il porta le Fils dans le sein de sa mère. L'Esprit porte au Père tout ce qui appartient au Fils, il porte au Père la volonté que le Fils a de souffrir ; quand Fils exhale l'Esprit sur la croix, l’Esprit revient au Père avec toute la souffrance du Fils. Le Père reçoit cette souffrance et voit les richesses qui s'y trouvent, et l'Esprit unit l'Esprit de souffrance du Fils à la lumière du Père pour faire rayonner l'espérance du Père sur le monde, sur l’Église (NB 5,260).

 

972. La souffrance du Seigneur sur la croix : expression de l’amour intra-divin

Dès que nous comprenons l'une ou l'autre chose de la souffrance du Seigneur, celle-ci est plus à même déjà de nous servir de critère de l'amour, car sa souffrance est l'expression d'un amour qui vient de Dieu. Ainsi il est clair pour nous qu'il doit avoir souffert infiniment plus que nous ne pouvons l'imaginer. Quand la foi se fortifie en nous, nous comprenons aussi la souffrance autrement, non plus superficiellement mais en son centre ; en souffrant nous-mêmes ou en regardant la souffrance du Seigneur, nous apprenons que la souffrance sur la croix est l'expression de l'amour intra-divin. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour pouvoir se révéler, l'amour souffre (NB 6,329).

 

973. Angoisse du Fils devant la souffrance

Angoisse face à ce qui vient dans une lumière étrangement trinitaire. Le Fils a de l'angoisse pour le Père, angoisse de ne pas pouvoir satisfaire le Père, angoisse de lui rendre une mission non accomplie. Il a de l'angoisse devant l'Esprit qu'il porte et qui est en même temps auprès du Père et qui, en tant qu'amour, continue à servir de médiateur entre le Père au ciel et le Fils sur la terre. Il a aussi de l'angoisse pour lui comme par exemple nous avons de l'angoisse dans notre conscience quand nous avons entrepris quelque chose dont nous ne pouvons pas venir à bout. Lui, il a entrepris de porter la croix pour le monde entier avec le corps d'un homme ordinaire. Toute cette angoisse se trouve à une sorte de niveau divin et malgré cela elle est liée humainement et physiquement : elle est l'angoisse de chaque homme qu'il prend en lui (NB 3,156).

 

974. L'effroi devant la passion qui arrive

J'ai su un jour que le Seigneur connaissait la résurrection jusqu'au moment de partir pour la croix. Mais le concept de résurrection change pour lui ; avant l'incarnation, à Nazareth et dans sa vie publique, résurrection voulait dire pour lui retour au Père… Plus s'approche la passion, plus s'éloigne la résurrection. Elle appartient au Père inviolablement ; le Fils devient lui-même comme étranger vis-à-vis d'elle. Auparavant il éprouvait de la joie du fait que ce miracle du Père devait se produire pour lui : pouvoir retourner au Père avec le monde entier. Il y voyait sa participation. Il ajouterait son propre miracle au miracle du Père. Maintenant le tout devient l'affaire exclusive du Père. Il lui est devenu comme indifférent que ce soit lui justement qui va ressusciter, que ce soit lui justement qui va sauver le monde. L'effroi devant la passion qui arrive voile tout ce qu'il y a de commun entre lui et le Père. En même temps que se voile la vue du Père, se voile aussi la vue de la résurrection (NB 3,156-157).

 

975. La croix : nuit du Fils 

Le Fils est devenu homme par suite d'une décision éternelle, c'est comme si, dans son obéissance de la nuit sur la croix, il portait non seulement la nuit humaine, le fait que le Père l'a abandonné, mais aussi la nuit divine, le fait d'être éloigné divinement de Dieu le Père, mais ceci inclus dans le fait qu'il sait de manière immuable que le Père est là. Et s'il veut mourir sur la croix comme homme seulement, dans une expérience totalement humaine, c'est comme s'il voulait connaître lui-même la nuit d'un homme qui n'est pas Dieu (NB 1/2, 273).

 

976. Le monde de la rédemption à partir du chaos de la nuit de la croix

La nuit de la croix. C’est comme si le Père devait refaire un monde de la rédemption à partir du chaos, et comme s'il ne le pouvait que parce que le Fils lui fournit pour cela les pierres à bâtir ; dans sa nuit, le Fils ne se doute pas qu'il prépare lui-même ces pierres à bâtir. Ce n'est que lorsqu'il ne se doute vraiment plus de rien que les pierres à bâtir sont là et le Père pourra les utiliser pour la nouvelle construction. L'adaptation de la volonté du Fils à la volonté du Père est parfaitement objectivée et il n'est pas donné au Fils d'y comprendre quelque chose. Pour le mystique chrétien qui accompagne le Fils, c'est de cette nuit du Fils qu'est faite la "nuit de la foi" telle que Jean de la croix par exemple en fait l'expérience : n'y rien comprendre, avoir l'impression de se trouver dans une région retirée, voir sa volonté totalement adaptée à une volonté qui n'est pas reconnue, qui n'est pas évidente (NB 5,91-92).

 

977. La nuit du Fils

La nuit du Fils : c'est le mystère le plus profond qui existe entre le Père et le Fils, mais il est encadré par deux actes très nets du Père et par deux actes très nets d'abandon du Fils. Le Père laisse son Fils mourir et il se cache, et le Père ressort de l'ombre pour ressusciter le Fils. Le Fils supporte ces deux actes du Père dans le même état d'abandon, et son état d'obéissance n'est pas différent, qu'il supporte la mort ou qu'il fasse l'expérience de la résurrection. Si l'on considère cet abandon du point de vue de l'acte du Père, le Père protège le Fils et il donne à son abandon une direction. Le Fils est entre les mains du Père, sous sa direction. Cette direction n'est visible pour nous qu'à la croix et à la résurrection. Mais le Père est là aussi dans la nuit des enfers , sa présence est alors si proche qu'elle n'est plus perçue par le Fils et qu'il n'en a connaissance, d'une manière nouvelle, qu'à la résurrection. Quand le Fils a commencé sa propre nuit par sa prière au mont des oliviers, où il a promis de laisser se faire la volonté du Père et d'être totalement à sa disposition, il l'a fait en public d'une certaine manière, en invitant trois de ses disciples (qui s'endormirent à vrai dire) à participer par leur présence et leur prière à son dialogue avec le Père et à être témoins de ce qu'ils pouvaient saisir (NB 5,123-124).

 

978. La croix est infinie en tant que souffrance

Le Fils est étendu sur la croix horizontalement et verticalement : ses bras s'étendent sur le monde entier, la poutre transversale est prolongée à l'infini tandis que la poutre verticale avec le corps se prolonge jusqu'au ciel, vers le Père. Les deux lignes se rencontrent en un point infini qui est en même temps désigné par le corps du Seigneur ; la croix est infinie en tant que souffrance et pourtant elle n'est pas à séparer d'une souffrance du Christ dans sa finitude temporelle (NB 4,220).

 

979. Dans chaque soufflet qui est donné au Seigneur peut se trouver toute la haine du monde (NB 6,259).

 

3. Sur la croix

 

980. Le Fils sur la croix : divinité et humanité

Le Fils est Dieu et homme. Dans son existence terrestre, il y a des instants où il laisse sa divinité être ombragée par son humanité. Cependant il n'est jamais homme de telle sorte qu'on ne puisse reconnaître et deviner sa divinité à l'arrière-plan. Sur la croix, il veut se cacher totalement à lui-même sa divinité pour souffrir comme un homme pur et simple et se sentir abandonné par le Père (NB 1/2, 187).

 

981. Le Fils de l’homme : homme jusqu’au bout

Le Seigneur est attaché à la croix. Les limites qu'exige la vie humaine, il y reste fidèle jusqu'à la fin ; la défaillance et l'indifférence de son prochain, il les supporte comme un homme qui fait la volonté du Père. Lui, le Fils de l'homme, ne veut pas trahir sa promesse d'être homme jusqu'au bout (NB 3,406).

 

982. Le Fils suspendu à la croix

Job est conduit sur une voie de total dépouillement, de vide, de nudité devant Dieu. Mais l'ultime nudité devant Dieu sera atteinte quand le Fils sera suspendu à la croix (NB 5,54).

 

983. Le Fils sur la croix

Camille de Lellis (+ 1614) a une représentation vivante du fait que le Fils sur la croix est avec le Père et avec l'Esprit et toute l'humanité souffrante (NB 1/1, 301).

 

984. Le Seigneur en croix

Jean de Dieu (+ 1550) voit le Seigneur en croix comme le malheureux, l'incompris, l'abandonné (NB 1/1, 299).

 

985. Comprendre la croix

Peut-être que le Fils de l’homme en tant qu’homme n’a pleinement compris la croix que lorsqu’il fut sur le point de mourir, absolument au bout de ses forces (NB 8, le 1.1.44).

 

986. La voie divine de l’amour : la croix et la création

La voie divine de l'amour se révèle sur la croix d'une manière définitive, mais elle fut déjà empruntée lors de la création (NB 5,77).

 

987. L'amour de Dieu sur la croix s'est fait connaître comme un amour qui se répand jusqu'à la folie (NB 6,444).

 

988. La croix, par amour pour le Père

Sur la croix, le Fils souffre par amour pour le Père. A la croix, le Père reçoit la preuve de l'amour du Fils pour lui et pour les hommes. Il ressent cette preuve avec une évidence insurpassable. Car la souffrance est objective, aussi objective que l'amour du Fils pour le Père et pour les hommes. L'Esprit que le Fils renvoie au Père est le témoin de cette objectivité et il rapporte objectivement au Père, sans y rien changer, son témoignage de la souffrance et de la mort du Fils (NB 6,296).

 

989. Croix : sommet du don du Fils

Sur tout le chemin terrestre du Fils, son obéissance au Père est continuellement visible. Le sommet du don de lui-même apparaît sur la croix où le Fils se donne jusqu'à la mort (NB 2,217).

 

990. Humiliation du Fils sur la croix

Quand on a pu contempler un beau mystère du ciel, il est d'autant plus horrible de voir sur terre l'humiliation du Fils. Quand on a pu deviner la grandeur de Dieu, il est d'autant plus affreux de voir sur la croix à quoi il a été réduit. L'amour de Dieu comme tel est déshonoré, humilié (NB 10, n. 2060).

 

991. La croix : une humiliation imposée au Seigneur

Sur la croix, le Seigneur connaît une humiliation, une honte, qui est imposée. Déjà il ne s'est pas infligé à lui-même la flagellation et les moqueries ; une pénitence active n'aurait jamais pu suffire à sa soif de porter le péché du monde. La souffrance lui est imposée. Sur la croix, il est cloué et il ne peut plus bouger, et il est totalement dévêtu. A vrai dire ce n'est pas la honte de la nudité qui est humiliante, c'est le fait que toute sa corporéité est livrée sans aucun contrôle personnel possible (NB 11,304-305).

 

992. La croix : le Seigneur doit dire oui à ces ténèbres

Je pensais au Seigneur sur la croix, au début ; il est très humilié, il a mal partout, tout s'embrouille, afin qu'ensuite il puisse vraiment tout remettre à l'Esprit et au Père. A la fin, il doit même souffrir le tout sans l'Esprit ; ce qu'on s'était imaginé raisonnablement, en tant qu'homme disons, il doit l'abandonner. Il doit faire l'expérience des obstacles. A côté de cela, il doit vivre le plan de salut qui embrasse le monde entier. Qu'a-t-il fait vraiment ? Que peut-il donc encore faire dans les dernières minutes qui lui restent ? N'aurait-il quand même pas mieux fait de descendre de la croix ? Ou bien, avant cela, au mont des oliviers, avant que n'approche le malheur, n'aurait-il pas mieux fait de disparaître sans bruit et de recommencer en un autre coin du monde, avec plus de succès peut-être ? Il sait qu'il n'y avait pas de chemin dans tout cela, que le chemin devait bien plutôt le conduire justement ici, là où il n'y a plus de chemin, là où tout droit à disposer de lui-même lui est retiré et où il doit dire oui à ces ténèbres (NB 10, n. 2192).

 

993. La croix : exigence démesurée

L'exigence démesurée qu'a connue le Seigneur sur la croix. Dans sa vie humaine de tous les jours, il a souvent rencontré de grands pécheurs. Mais sur la croix, les mêmes pécheurs viennent à lui comme sous des formes tout autres (les vraies formes !), elles lui en demandent maintenant tout à fait trop, et il ne peut pas les écarter. Il endure apparemment une croix ordinaire, quotidienne, comme des milliers d'autres, mais dans cette croix se trouve cachée une souffrance tout à fait unique qu'il endure sans se révolter. Auparavant, dans sa vie, il ne mettait jamais non plus de limites au Père, il avait une certaine expérience de ce que le Père a l'habitude de demander. C'est avec ces notions qu'il est allé à la passion. Mais, sur la croix, il en fut tout autrement, infiniment plus (NB 11,265-266).

 

994. Le Fils sur la croix rendra tellement tout au Père qu’il ne verra plus le but de la croix, il ne verra plus que ce qu’elle a d’épouvantablement lourd (NB 9, n. 1992).

 

995. La passion comme une symphonie

Comme dans une symphonie ou un concerto pour piano. Le premier mouvement commence avec les instruments à cordes, puis on remarque : mais oui, les deux flûtes aussi étaient déjà là dès le début, rien de plus. Ou quand même ? Les trompettes aussi ? Oui, elles aussi étaient déjà là, très discrètement, et le piano aussi jouait déjà pour accompagner... Tout était déjà là depuis toujours, mais chaque instrument ne s'est fait entendre en soliste qu'au cours du morceau. Dans les souffrances, il y a aussi une présence du même genre depuis toujours. Aucune ne fait défaut ni ne disparaît, mais c'est tantôt l'une tantôt l'autre qui est la plus forte. Au mont des oliviers, cela commence peu à peu, sur la croix c'est le plein orchestre (NB 3,182).

 

996. La croix, comme une bombe

Dans le temps qui précède la passion, le Christ a deux choses sous les yeux : le monde tel qu'il le voit comme Homme-Dieu, et le monde tel qu'il le voit comme Dieu dans le ciel. Il possède la vision du Père de telle manière que, si cela ne dépendait que de lui, il pourrait en faire usage à tout instant. Mais il doit avant tout tenir compte de sa mission. Se pose alors de façon aiguë la question : de quel côté l'action serait-elle la plus forte ? Il voit très précisément que sa mort est devenue inéluctable, qu'il n'avancera plus avec les hommes s'il ne meurt pas pour eux. Il reconnaît la nécessité de cette mort contre laquelle sa nature se hérisse. Son activité d'homme à homme ne pouvait être qu'un travail préparatoire ; la croix tombera sur ce travail comme une bombe. Ce n'est que si elle éclate que les rachetés pourront collaborer à son œuvre (NB 6,241).

 

997. Le Fils sur la croix : tous ses organes sont requis

Le Fils sur la croix : chaque endroit de son corps s'annonce par la douleur subie. Tous les organes sont requis, ils arrivent à la conscience, tantôt cet endroit dans le dos, tantôt cet endroit de la jambe ; par la croix, ressort dans tout le corps la contradiction entre ce que Dieu voulait en créant le corps et ce que l'homme en a fait. Quand le Fils, en ses bonnes périodes, faisait répondre son corps au Père, il le remerciait de tout son corps, il le louait avec tous ses organes, de manière aussi variée qu'il était possible (NB 3,255).

 

998. Angoisse mortelle du Seigneur sur la croix

Quand on a vraiment de l'angoisse pour quelqu'un, le Seigneur nous donne quelque chose de son angoisse mortelle sur la croix, quelque chose de l'angoisse de la rédemption (NB 10, n. 2138).

 

999. Le Fils sur la croix ne voit pas que sa souffrance devient lumière pour l'humanité (NB 5,260).

 

1000. Sur la croix, le Fils n'a pas le droit de ressentir l'amour. Qu'il aille vers le Père est pour lui voilé. Pour les apôtres, le sens de la croix est caché, même si le Seigneur l'a prédite (NB 3,326-327).

 

1001. Le sentiment que la croix a été une erreur

Le Seigneur a connu l'angoisse en ayant la perspective de la croix, comme devant un passage vers la mort. S'il l'avait voulu, il aurait pu savoir que sa résurrection suivrait sa mort. Mais maintenant c'est comme si tout avait été poussé sur une autre voie, sur une mauvaise voie. Il est sur une ligne qui ne conduit nulle part. Il n'y a pas d'issue. Il a maintenant l'angoisse d'être égaré. C'est l'angoisse à l'état pur, rien ne correspond. Ce qui est n'est pas ce qui devrait être, mais on ne lui pose plus aucune question. Si on l'interrogeait, on pourrait apprendre que tout est faux. Il est comme quelqu'un qui n'est pas opéré au bon endroit : il a des souffrances atroces, mais pour rien (NB 3,217).

 

1002. L’œuvre de la croix finalement est l’œuvre du Père qui prend au Fils sa vie et sa vue ; et quand le Père n'est plus vu, tout doit paraître absurde (NB 3,368).

 

1003. La passion : une souffrance tout à fait inutile

Seuls le Père et l'Esprit savent ce qui se passe dans le Fils durant la passion ; dans ce qui se passe - "Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse" - la volonté du Fils se ramène à celle du Père, disparaît si bien en elle que de la sorte la fécondité du sacrifice, la grâce même du sacrifice semble se perdre. Il n'y a plus aucune visibilité. La croix pour le Fils, c’est une souffrance jusqu'à la mort, tout à fait inutile. Cette expérience de l'inutilité commence déjà au mont des oliviers, où sa propre façon de voir se perd dans la volonté du Père, où ses propres limites disparaissent dans ce que le Père a d'inconcevable. On peut faire un saut qui n'arrivera nulle part. On donne le meilleur de ce qu'on a, sa propre substance et on ne voit pas à quoi elle aboutit. On reste dépouillé, interrogateur, perplexe, aveugle, avec le sentiment d'être devenu inapte finalement. On est même si dépouillé qu'il serait absurde d'exiger de quelqu'un un autre sacrifice. La solitude a maintenant pris une forme qui exclut toute communion. La fécondité en est écartée. Il n'y a là plus rien de logique qui offrirait une ébauche pour autre chose. Ce qui est déterminant, c'est que cette souffrance n'ouvre aucun avenir. Elle est essentiellement si vaine qu'elle ne peut rien contenir, qu'on ne peut rien en tirer. Si quelqu'un me dit : "Votre souffrance est féconde", c'est un pont qui est en quelque sorte jeté, pour le Seigneur il n'en est pas question du tout maintenant. Il a sa passion devant lui comme un "alpha privatif" (NB 6,243).

 

1004. Inutilité de la croix

Le Fils éprouvera jusqu'à la dernière goutte ce que cela veut dire que cela ne sert à rien et que cela ne servira à rien. Après comme avant, le monde aura exactement la même apparence. Ici le Père voile même la volonté divine et l'obéissance divine et la perfection de l’œuvre du salut ; le Fils ne doit pas regarder maintenant dans cette direction. Que cette expérience de l'inutilité fasse partie du salut du monde, il n'a pas le droit de le voir maintenant. Qu'il y ait encore une espérance, que les hommes le regarderont, que de nouvelles semailles lèveront, est caché par la passion (NB 3,373).

 

1005. Le sacrifice de la croix était une perte totale. Le Christ ne mesure rien, il jette simplement tout, corps et âme, pour le Père et pour le monde (NB 9, n. 2025).

 

1006. La croix : la pensée de laisser sa mission inachevée

Le Seigneur sait qu'il va monter sur la croix. Il commence à réfléchir à ce qu'il pourrait faire avec ses membres au service du Père s'il n'était pas cloué sur la croix. Il pourrait étendre les bras pour recevoir les enfants, les embrasser et les bénir pour les mettre en confiance. Avec ses pieds, il pourrait passer par beaucoup de lieux pour parler du Père. Il pourrait offrir sa poitrine et son cœur à beaucoup pour qu'ils s'y reposent et y reprennent des forces, comme Jean. Sa bouche et sa langue seraient assez puissantes pour exposer la parole du Père, tout son corps serait prêt à assumer et à exécuter toutes les missions du Père. Il a à peine commencé. Est-ce que le Père n'a pas voulu qu'il rassemble tout pour lui ramener la totalité du fruit ? Et voilà que la croix menace de tout ruiner. La pensée de laisser sa mission inachevée l'effraie (NB 6,244).

 

1007. La croix : une fin précipitée

C'est avec un pressentiment presque physique que le Seigneur sait ce que veut dire se séparer de son corps. Il est tellement devenu chair que la pensée de devoir mourir en pleine maturité touche le Seigneur aussi durement dans sa chair que dans son esprit. Au beau milieu de sa tâche, il doit partir, la croix sera une fin précipitée. Humainement, il aurait aimé préparer plus soigneusement cette dernière tâche, il aurait souhaité plus de temps pour rassembler ses disciples, mieux les instruire, il aurait aimé fonder plus profondément son Église, approfondir son enseignement. C'est ainsi qu'une certaine déception s'insinue en lui, une inquiétude même : bientôt, en tant qu'homme, j'arriverai devant mon Père, Dieu, avec une tâche que j'aurais voulu avoir accomplie autrement, j'aurais voulu qu'elle soit plus grande. Il ne peut s'empêcher de comparer le petit territoire où il a commencé sa mission avec le vaste monde dans lequel elle devrait s'étendre (NB 6,227-228).

 

1008. Le Seigneur sur la croix: il ne peut plus communiquer, il aurait "encore beaucoup à dire", mais il n'en a plus la force. C'est terrible de voir cela et de souffrir avec lui (NB 10, n. 2112).

 

1009. Le Seigneur sur la croix regarde la masse immense de ceux qui n’ont pas la foi

Sainte Gertrude d'Helfta prend souvent comme point de départ de sa méditation la scène d'adieux à Nazareth : comment la mère doit laisser partir son Fils vers l'inconnu. Sainte Gertrude part encore de ses derniers instants sur la croix, où le Seigneur souffrant regarde ses quelques fidèles et derrière eux, en esprit, la masse immense de ceux qui n'ont pas la foi, des infidèles (NB 1/1, 446).

 

1010. Sur la croix, le Fils est totalement vidé ; c’est la kénose de la croix (NB 5,236).

 

1011. Sur la croix, le Fils rend le monde au Père

La kénose : le Fils abandonne ses propriétés divines pour s'approcher toujours plus des hommes, pour être devant le Père l'unique homme qui l'aime. Le Père doit en avoir au moins un et c'est en étant cet unique que, sur la croix, il rend le monde au Père. C'est presque comme une pièce de théâtre : un homme aurait perdu sa mère, et son ami se proposerait de la remplacer pour lui par tous les moyens : il fait tout ce qu'elle ferait, il parle comme elle aurait parlé... C'est ainsi que le Fils, en devenant homme, "remplace" l'homme perdu. Son obéissance jusqu'à la mort, son empressement à tout faire pour l'amour du Père, sont sans limites et le conduisent à prendre sur lui tout ce qui déplaît au Père en renonçant à tout ce qui lui est propre (NB 11,20).

 

1012. La kénose du Fils pour s’approcher des pécheurs

La kénose du Fils est faite d'un abandon de ses facultés divines pour s'approcher toujours plus des hommes pécheurs : devenir d'abord l'homme qui n'a pas perdu la connaissance de Dieu, c'est un stade de la kénose. Sur la croix, il rend au Père sa création sous la forme d'un juste : l'Adam intact. Il joue pour ainsi dire le rôle de cet Adam que le Père aurait voulu avoir ; il lui donne cet amour que Dieu avait espéré recevoir de la part de sa création (NB 1/2, 243).

 

1013. L’amour du Crucifié pour nous

Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir d'ici que rétrospectivement nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils (et ensuite sans l’Église et sans l’Écriture sainte, qui elle aussi est un don de la Parole de Dieu), de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

1014. La croix : don de lui-même du Seigneur à l’Eglise

Sur la croix, le Seigneur n'exige plus rien. Ses trois années publiques étaient certainement exigence dans le don de soi. Mais sur la croix le Fils n'est plus que don de lui-même ; la dernière goutte qui s'écoule de lui est comme un don de lui-même anonyme à l’Église (NB 12,231).

 

1015. Le Fils sur la croix : l’Église est cachée en lui 

L'Incarnation fut la concrétisation de tous les plans de Dieu dans le seul corps du Christ qui est maintenant suspendu à la croix, toute l’Église est cachée en lui ; et les deux, le Seigneur et son Église, dans l'unique corps crucifié, on ne peut pas les séparer (NB 6,245).

 

1016. Sur la croix, le Fils offre sa vie à l'humanité (NB 6,482).

 

1017. Par amour pour l’humanité, le Fils renonce à tout sur la croix

Quand le Fils, durant sa passion, dépose auprès du Père tout ce qui peut le réconforter, cela se trouve alors réellement auprès du Père. Ce qui est déposé n'a pas une existence isolée, indépendante, cela fait partie de l'ensemble de sa mission comme un aspect qui, maintenant justement, pour que la mission soit complète, doit être incompréhensible. En tant que dépôt, cela appartient aussi au Père et se trouve à sa disposition, et le Père a le droit de le changer. Ce qui est déposé n'est pas un dépôt figé, cela doit occuper une fonction dans l'ensemble de la mission. Cela profitera à l'humanité parce que, par amour pour elle, le Fils renonce à tout sur la croix. Ce sont les "talents" que le Père lui a donnés comme au bon serviteur et qui doivent rapporter. Ils portent du fruit pour le Père bien que, sur la croix, le Fils ne sache pas ce qu'ils deviennent, car il les a donnés sans conditions. Il ne les a pas déposés pour en disposer quand même encore plus tard (NB 6,47).

 

1018. Sur la croix, le Père peut soutirer du Fils tout ce dont il a besoin pour le monde entier

Durant sa vie, le Fils était lié aux lois de la finitude : il ne s'adressait qu'aux hommes de son temps qui vivaient dans les limites de son peuple. Sur la croix, ces limites sont supprimées : dans sa "fonction", le Père peut soutirer tout ce dont il a besoin pour le monde entier (NB 6, 273).

 

1019. Fécondité du corps du Christ sur la croix

Le corps du Christ n'est jamais plus fécond que dans le don qu'il fait de lui-même sur la croix ; seul ce don de lui-même lui permet de se prodiguer dans l'eucharistie : "Prenez ma chair qui est livrée pour vous" ; seul ce don de lui-même conduit à ce que le Père le réveille d'entre les morts et engage ainsi la résurrection générale des corps humains morts (NB 12,167).

 

1020. Fécondité du Fils sur la croix

Quand l'Esprit porte la semence, c'est lui qui gère la fécondité de Dieu. Il ne peut pour ainsi dire rendre la fécondité du Père au Fils que lorsque celui-ci a l'âge de porter du fruit. Bien sûr, si l'on regarde le fruit global de l'incarnation, le temps de l'enfance aussi est fécond. Mais la fécondité pleinement déployée, le Fils ne l'obtient que sur la croix. C'est pourquoi c'est à cet instant qu'il rend l'Esprit au Père ; jusqu'alors c'est l'Esprit qui portait et gérait la fécondité. Quand plus tard le Fils le donnera à l’Église, il y a une sorte d'inversion : c'est lui maintenant qui envoie l'Esprit et qui lui communique quelque chose de sa fécondité pour qu'il la partage à l’Église. C'est comme une reconnaissance du Fils vis-à-vis de l'Esprit : l'Esprit avait gardé ici-bas sa fécondité, il la lui rend maintenant qu'il est en pleine possession de sa propre fécondité, et il la lui donne pour remplir sa mission dans l’Église (NB 6,407).

 

1021. Fécondité de la croix

Ce qui est pécheur est non seulement compensé par la grâce de la rédemption, il est introduit dans la fécondité de la croix (NB 12,240).

 

1022. Déjà pour la femme qui perdait du sang, une force était sortie de lui, mais c'est sur la croix que toute sa force sortira (NB 3,200).

 

1023. "Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Sur la croix, le Seigneur donne lui-même l'absolution avant même l'institution de la confession (NB 4,285).

 

4. L’abandon

 

1024. Pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tu étais la vie du Père, mais quand tu demandas au Père pourquoi il t'avait abandonné, tu lui as donné la permission de t'abandonner, tu t'es livré vraiment entre ses mains. Tu es sorti de cette communion pour aller dans l'abandon de la croix, et cet abandon avait connaissance malgré tout de cette communion perdue avec le Père (NB 4,141).

 

1025. La question cruciale sur la croix

La question cruciale sur la croix condense tout : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Tant que le Seigneur était en relation avec les hommes, sa relation au Père était intacte, il l'avait de toute éternité. Dans la mesure aussi où il porte le péché du monde, sa relation au Père est sans nuage. Que les hommes l'oublient, cela va de soi d'une certaine manière ; il ne peut pas s'attendre à ce qu'ils l'accompagnent fidèlement alors qu'il porte toute leur infidélité à l'égard de Dieu et qu'ils se détournent de lui. Ce qui est totalement incompréhensible, c'est seulement qu'il ne voit plus le Père, c'est que le Père profite du fait qu'il a été abandonné par les hommes pour disparaître également. Ici le Fils ne peut plus qu'interroger. Toutes les autres paroles du Fils en croix sont des phrases positives : prières, constatations, consignes, promesses. Même aussi quand il remet son Esprit entre les mains du Père. D'une certaine manière, tout cela est assumé. Mais ce qui ne peut être assumé, ce qui ne peut être exprimé que par une question, c'est qu'il est abandonné par le Père… Si le Père répondait, c'est la souffrance la plus dure qui serait enlevée, le Père serait accessible, la question serait inutile. Pour qu'apparaisse la souffrance la plus profonde, insurpassable, la question est nécessaire. Déjà en tant qu'humaine, la souffrance de la croix est incompréhensible, mais si c'est le Fils divin qui est abandonné par le Père divin, elle est absolument infinie. Ainsi il est clair que seul l'Esprit Saint peut être témoin de ce qui se passe en vérité, lui qui est prêt à en rendre témoignage (NB 5,105-106).

 

1026. Le Père ne réagit pas à l’appel du Fils

Le Seigneur sur la croix essaie de prier : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Dieu ne répond plus à Dieu. Le Père entend l'appel du Fils, mais il ne réagit pas. Ce silence du Père doit engager le Fils dans un isolement extrême ; il doit goûter la dernière goutte du calice qui est beaucoup plus amère que tout le reste. La soif sur la croix, les douleurs, le mépris du monde, l'abandon par les disciples : tout cela n'est presque rien comparé avec l'absence de réponse du Père. Tout cela serait supportable si le Père l'encourageait et était là. Auparavant, le Fils connaissait toujours cet encouragement du Père. Maintenant, définitivement, il n'a pas le droit de le savoir. C'est bien pire que la mort d'un amour. L'existence du Père est sans doute supposée dans la question de l'abandon. Ce que fait le Père est pire qu'une absence, pire que le fait qu'il soit perdu : c'est l'acte voulu de laisser tomber (NB 3,407-408).

 

1027. Sur la croix, personne n’est là pour recevoir la prière du Fils

"Pourquoi m'as-tu abandonné" veut dire aussi que le Seigneur ne voit absolument plus qu'il fait la volonté du Père. Il pensait que le Père permettrait aussi la croix, mais il voit maintenant qu'il n'y a plus de rapport entre sa croix et le Père. Que les hommes l'ont abandonné, il le savait déjà au début de la passion. Mais le présent est ce qui est le plus amer : les paroles sont dites tout à fait dans le vide, il n'y a là personne pour les recevoir (NB 3,377).

 

1028. L’abandon par le Père

Pour le Fils, ce ne serait rien de se laisser crucifier et de prendre sur soi le péché du monde si on compare cela avec son abandon par le Père et cette nécessité de le chercher là où il ne peut être trouvé. Mais c’est justement là qu’on reconnaît la grandeur de l’amour divin : que, dans la souffrance du Fils, l’abandon par le Père dépasse à l’infini la somme des péchés du monde. Il semble insensé qu’on doive prendre comme mesure quelque chose de négatif, mais c’est ainsi (NB 9, n. 1764).

 

1029. Sur la croix, ce fut le sentiment de l’abandon, de l’extrême éloignement du Père (NB 4,95).

 

1030. Le Seigneur porte le péché du monde : le Père l’abandonne

Élie a connu une vision de Dieu brouillée par les péchés des hommes. Le Seigneur, dans l'attente de la passion, doit assumer aussi une vison brouillée de Dieu pour pouvoir porter en sa totalité le poids du péché du monde. Il n'assume pas seulement le péché en tant que tel, mais de plus le fait déconcertant que le Père l'abandonne, ce qui se traduit pour le Fils dans le fait que le Père disparaît (NB 6,553).

 

1021. Le Fils sur la croix : le Père l'abandonne pour qu'il apprenne ce que cela veut dire être laissé seul dans la souffrance (NB 3,86).

 

1022. Le Père s’est voilé

Pour le Crucifié, si le temps n'était pas totalement supprimé, il pourrait savoir d'une certaine manière : autrefois j'avais décidé cela avec le Père, et maintenant l'heure a commencé, et l'heure durera jusqu'à ma mort, puis je ressusciterai et le monde sera sauvé. Mais le toujours- maintenant de l'éternité qui signifie dans l'éternité beauté et grâce n'est plus sur la croix qu'implacabilité, il est vécu comme le fait d’une impuissance et il prive le Crucifié de toute distinction de temps : ce n'est pas l'expérience que le Père l'a abandonné maintenant pour la durée de l'heure, mais l'expérience que le Père l'a abandonné maintenant pour la durée future comme pour la durée passée. Cette imbrication des temps est nécessaire pour qu'il ne trouve plus le Père. Il y a dans cette mort une totale destruction du temps, une destruction de ce qu'on donne à entendre dans notre temps par le fait que les ténèbres font irruption au milieu du jour, la nuit empiète sur les droits du jour. Mais ce qui se passe dans l'esprit du Fils est beaucoup plus effrayant et beaucoup plus chaotique parce que ce ne sont pas le jour et la nuit qui sont confondus, mais ce sont les éternités qui s'entrechoquent ; elles ne se heurtent pas sur un point, mais toujours sur une éternité. Le ciel et la terre aussi se heurtent, le ciel tombe sur la terre et la terre est engloutie par le ciel. La distinction est supprimée, et la raison en est que le Fils éternel du Père ne s'éprouve plus comme l'image du Père parce que le Père s'est voilé (NB 3,285).

 

1023. Le Fils est abandonné par le Père sous le poids du péché du monde (NB 3,227).

 

1024. Sur la croix, c'était l'angoisse d'être abandonné du Père (NB 3,230).

 

1025. La croix : Dieu abandonné par Dieu

Le Seigneur chez Pilate et lors du portement de croix : comme un homme au milieu des hommes, comme Dieu au milieu des hommes, un homme abandonné par les hommes, Dieu abandonné par les hommes. Sur la croix elle-même, ce fut une intensification jusqu'au moment où réellement Dieu fut abandonné par Dieu. La fin de la croix fut un tel abandon que, par pure douleur, on ne peut plus y vivre. Tout autour il n'y a que le non qui se fait entendre. Le Seigneur meurt parce que simplement il n'entend pas ou simplement à cause du silence qui dit non, parce qu'il semble que cela n'a absolument aucun sens ni aucune valeur de continuer à vivre. C'est dans cette douleur que réside la mort (NB 3,394).

 

1026. La mission du Fils lui est voilée

De porter tous les péchés lui donnera une parfaite connaissance de ce que les hommes ont fait ; la parfaite connaissance de ce que lui fait, en portant, lui reste voilé sur la croix. Car ce qu'il fait comme Sauveur de l'humanité est tellement accompli en la présence du Père que lorsqu'il pousse le cri où il se dit abandonné de Dieu, sa mission aussi est voilée. Ce renoncement à sentir sa mission (en tant que prise en charge de chaque péché) est inclus dans le fait qu'il a fait passer la volonté du Père avant la sienne. Au mont des oliviers, il le sait, parce que là, sa vision du Père n'est pas encore totalement masquée ; il voit que la volonté divine s'oppose à sa volonté humaine, et il le sait depuis toujours parce que, depuis toujours, il a accepté cette forme de vie et mort (NB 3,349).

 

1027. Le Père est comme un étranger

Tant qu'il était sur le chemin de la croix et n'était que livré, sans doute restait-il le Fils pour le Père, comme toujours ; mais pour lui, le Père était devenu un étranger afin que la mesure de l'abandon soit totale ; pour lui-même il était devenu d'une certaine manière un homme pur et simple. Un retour était donc nécessaire, mais il ne pouvait être obtenu que si le Fils voyait dans sa totalité ce qui le séparait de l'homme : le péché. C'est en voyant la totalité du péché (détaché du pécheur, en enfer) que sa glorification aussi fut rendue parfaite (NB 3,66).

 

1028. Le Père est caché

Le poids de la croix à porter est trop lourd. Le Fils connaît le poids du bois ; comme menuisier, il a manié le bois et il l'a travaillé d'après les mesures que d'autres précisaient eux-mêmes pour leur commande. Maintenant il le porte selon ses mesures à lui, sur mission du Père. Ce qui lui était confié à cause de sa profession lui est devenu totalement étranger en sa nouvelle utilisation. Le quotidien est étranger. Le travail est loin et il n'est plus compréhensible. Il ne reste que le matériau, mais il est devenu maintenant inexorable, on n'en est plus maître, il est même menaçant, dans une inversion des rapports. Pierre l'a renié, les disciples se sont enfuis ; tout ce qui, dans son existence, ressemblait à un foyer est à présent abandon, menace, péché. Même la matière participe à cette transformation. Le Père est caché, le ciel si éloigné qu'il n'y a plus moyen de croire à sa vérité (NB 3,401).

 

1029. Le Père est voilé

Les enfants jouent tranquillement quand ils savent que leur mère est dans la pièce à côté. Le Fils, en tant que Dieu, a toujours su que le Père était là, tout à côté pour ainsi dire ; à tout moment il était possible de le joindre et de vérifier. Sur la croix, cette conscience prend fin ; le Père est voilé. Le Fils doit maintenant lutter en lui-même contre cette possibilité divine de rejoindre le Père et de s'assurer. Cette possibilité est si bien surmontée qu'il n'y a plus là que l'homme crucifié (NB 3,283).

 

1030. "Qui me voit, voit le Père" : c'est valable justement aussi sur la croix quand le Fils ne voit plus le Père (NB 5,213).

 

1031. Le Fils ne saisit plus la présence du Père

Après la chute, la relation des hommes aux dons de Dieu est perturbée : ils ne veulent plus comprendre leur situation de maîtrise du monde comme un service et une voie pour entrer en relation avec Dieu. Lors de la passion du Fils, la création en arrive à un abandon total. Il n'est plus question ici de maîtriser et de comprendre, il ne s'agit plus que de se plier à une volonté qui signifie mort sur la croix. Cela va si loin que le Fils rend son Esprit entre les mains du Père et qu'il ne saisit plus la présence du Père. Cela va encore plus loin : pendant "trois jours", il est dans la nuit de l'enfer, dans l'état du mort, comme s'il devait s'habituer à ne plus rien avoir à dire et à laisser faire, dans une indifférence absolue, tout ce que le Père a en vue pour lui. Plus de conversation, plus d'échanges, seulement laisser faire. Auparavant déjà il était exercé à ce laisser-faire puisqu'il faisait toujours la volonté du Père et qu'il ne voulait rien savoir d'autre qu'elle. Pourtant ce laisser-faire ne pouvait pas être réellement exercé parce que le véritable laisser-faire s'accomplit dans la mort et que cet abandon n'est pas compatible avec la vie. Le Père doit tenir en mains le cadavre du Fils pour accomplir en lui sa dernière volonté. Ce laisser-faire va donc au-delà de tout ce qu'on peut ressentir comme impossible durant la vie (NB 5,116-117).

 

5. La remise de l’Esprit

 

1032. "En tes mains je remets mon Esprit" est le centre de la croix (NB 2,31).

 

1033. Le Fils remet l’Esprit entre les mains du Père

L'Esprit se retrouve auprès du Père. Avec le Père, il doit regarder la fin solitaire du Fils sur la terre, voir du haut du ciel l’œuvre du Père glorifiée par le Fils. Il a accompagné le Fils jusqu'à la passion ; il conduit maintenant le Père jusqu'à l’œuvre de la rédemption en lui apportant ce qu'il a vécu dans le Fils. Le Fils glorifie maintenant le Père sur la croix en se privant lui-même de l'Esprit, et cette glorification, l'Esprit l'apporte aussi au Père quand il lui est remis entre les mains (NB 1/2, 184).

 

1034. Les mains du Père reçoivent l’Esprit

Sur la croix, le Fils remet son Esprit entre les mains du Père, il parle le langage du corps. Il formule des mots physiques, il est le Verbe fait chair, il parle cette langue humaine si clairement que les personnes présentes l'entendent et le comprennent. Et s'il parle des "mains" du Père, il unit le Père au fait qu'il possède lui-même un corps ; Adam comme le Christ, les deux se comportent vis-à-vis de Dieu avec leur corps. C'est aussi comme un pendant de l'incarnation. Ici, le Fils a reçu son corps du Père, sur la croix il le lui rend ; et il fait alors presque comme si le Père lui-même avait un corps dans lequel le Fils peut déposer son Esprit. Ces mains du Père sont intactes, ce sont des mains qui n'ont pas souffert et qui par là sont capables de garder l'Esprit éternellement, de le recueillir, de l'abriter. On peut se confier à ces mains (NB 3,183).

 

1035. La remise de l’Esprit

On ne peut pas se représenter de manière satisfaisante la remise de son Esprit au Père sur la croix. Elle n'est pas seulement une remise renouvelée de sa volonté au Père, causée par la passion, ou l'acte qui achèverait sa mission terrestre, mais le renoncement aussi à son sens divin, c'est-à-dire à son sens filial, au sens de sa mission, et donc aussi à son sens humain : à sa volonté de sauver le monde (NB 6,293-294).

 

1036. Le Fils se dessaisit de l’Esprit-Dieu

Avec la remise de l'Esprit, le Fils ne cesse pas d'être Dieu. Mais il se dessaisit du "troisième" Dieu, de l'Esprit-Dieu, qui était en lui. Et son propre être de Dieu a pour lui maintenant aussi peu d'importance que la présence de ses amis au pied de la croix. Au baptême, l'Esprit était descendu sur lui pour une compréhension précise de sa tâche apostolique et aussi pour le début de sa passion. Cette période est terminée. Il souffre jusqu'à la fin sans rien comprendre (NB 3,220).

 

1037. Traverser sans l'Esprit l'extrême abandon sur la croix

Sur la croix, il n'a certes pas perdu l'Esprit, mais il l'a rendu. Ce n'était pas un acte de faiblesse mais de force. Un acte pour être tout à fait pauvre et dépouillé devant le Père. Car il sait bien qu'en renvoyant l'Esprit au Père, le Père n'en sera pas plus riche. C'est de la force que de vouloir traverser sans l'Esprit l'extrême abandon sur la croix (NB 10, n. 2197).

 

1038. Sur la croix, l’Esprit sera rendu au Père par le Fils et le Fils le donnera ensuite au monde à la Pentecôte (NB 5,264).

 

1039. Le Fils dépouillé de tout, et même de son Esprit

Sur la croix, il a rendu au Père l'Esprit, son Esprit, l'Esprit Saint. Il est mort en en étant dépouillé, sans rien garder du Père, il devait déjà être privé de tout le reste pour rendre encore son Esprit ; la mort ne l'a pas frappé à un moment où il ne s'y était pas encore préparé activement ; elle ne le trouva pas possédant encore quelque chose, elle vint comme la conclusion interne de la passion, quand le Fils fut dépouillé de tout, jusqu'au plus intime, et même de son Esprit. Quand il ressuscite, le Père, avec sa présence, lui rend aussi l'Esprit, il lui rend aussi la présence des hommes et celle de sa mission qui est devenue maintenant accomplissement pur et parfait de toutes les promesses du Père (NB 5,143).

 

1040. Le Seigneur en croix a rendu son Esprit au Père. Il se prive de ce qui était indispensable à sa vie. Il fait par là un pas de plus vers la mort. Il ne lui reste que la mort qui l'attend et à laquelle succèdent les enfers (NB 3,368).

 

6. La mort

 

1041. Les trois morts du Fils

Le Seigneur meurt sur la croix. Il meurt pour ainsi dire trois fois. Il meurt d’abord au monde, il meurt dans sa souffrance par le monde et pour le monde, il souffre du monde et à cause du monde. C’est la mort la plus superficielle. Il aurait pu pour ainsi dire s’isoler en lui-même dans cette mort. Mais il meurt aussi la deuxième mort en mourant à lui-même. Il a accompli sa mission alors qu’elle lui a échappé. Il a fait banqueroute, il n’a plus d’appui en lui, il est chassé de son moi le plus intime et il meurt à lui-même. On pourrait penser qu’il pourrait pour ainsi dire se retirer de son humanité dans sa divinité et s’y “donner du bon temps” pendant que seule l’humanité souffrirait. Mais il n’en est pas ainsi ; il meurt finalement aussi au Père, il meurt comme Dieu, en Dieu et pour Dieu. Ce n’est qu’ainsi que toute sa souffrance est accomplie et que rien ne lui échappe. La troisième mort est de loin la plus profonde et la plus horrible (NB 8, n. 825).

 

1042. Mourir dans l’obéissance

Le Seigneur sur la croix sait qu'il est Dieu et pourtant il souffre. Il sait en même temps que ce n'est pas une occupation maintenant de se savoir Dieu. Tout est une question d'obéissance. Le Père a laissé le Fils s'incarner dans l'obéissance pour qu'il puisse mourir sur la croix. Il est fonction. Et pourtant il n'en est pas moins Dieu… Le Seigneur sur la croix : sa divinité est mise en marge par obéissance ; pour lui maintenant, c'est sans importance. Une telle expérience est à comprendre exclusivement par l'obéissance… Si le Seigneur disait : Tonnerre ! Je suis quand même Dieu en fin de compte ! Il serait en dehors de la croix. Mais il serait aussi en dehors de sa divinité parce qu'il ne serait plus dans l'obéissance. C'est justement son obéissance sur la croix qui est la marque distinctive absolue de sa divinité sur la croix… L'obéissance du Fils sur la croix était divine et divinement parfaite (NB 3,214-215).

 

1043. Dieu se vide lui-même

Sur la croix, le Père abandonne cet homme religieux (qui faisait des miracles). C'est à cet instant que devient visible la divinité du Fils, à l'instant où il meurt en tant qu'homme dans l'abandon. Et nous devons nous taire avec lui sur la croix et être abandonnés et être jetés dans la nuit pour comprendre à l'avenir, en jetant un regard en arrière à partir de la croix, sa lumière et sa présence telles qu'elles voulaient être entendues. Il n'était pas un surhomme, mais Dieu. Pas une puissance humaine extrême, mais la manière suprême pour Dieu de se vider lui-même. Ainsi, c'est le rien parfait qui est décisif et non le tout. Le tout serait certes fort compréhensible, mais seulement jusqu'à la croix. A partir de la croix, il n'y a plus que le rien qui est la clef de la compréhension. C'est par le silence que la parole reçoit un contenu qui est digne d'elle. C'est par la nuit que le jour s'éclaire (NB 3,209).

 

1044. Le Fils meurt de la mort du méchant

Le Père, qui a créé la vie, voit son Fils bien-aimé mourir, à la suite d'Adam, de la mort du méchant. Mais dans cette mort, le Père ne voit plus rien de mauvais. Du début à la fin, son chemin est le chemin direct et continu de l'amour de Dieu, un amour qui reconnaît la réalité du mal et s'explique avec lui de cette manière. La "mort du méchant" dont meurt le Fils est l'expression de son amour pour Dieu (NB 5,76).

 

1045. Quand le Fils est abandonné par le Père et qu’il meurt dans une mort d'abandon, la nuit de son âme s'étend comme des ténèbres sur la création (NB 3,208).

 

1046. Une mort inimaginable

La mort du Fils sur la croix est la mort la plus inimaginable parce qu'elle inclut en elle toutes les morts. Elle a lieu certes en un lieu donné et à une heure précise, et cependant en même temps cette heure n'existe pas parce qu'elle efface toute autre chose (NB 1/2, 205).

 

1047. Une mort incomparable

D’innombrables hommes ont été crucifiés, mais aucune mort sur la croix n’est comparable à la sienne parce qu’aucun homme ne possédait la faculté d’endurer quelque chose qui approchait spirituellement la souffrance du Seigneur (NB 9, n. 1660).

 

1048. Sur la croix, le Fils meurt pour tous (NB 10, n. 2156).

 

1049. Le Fils est assassiné par les pécheurs

La mort du Fils sur la croix ne devrait-elle pas causer la destruction de ce que le Père a créé ?Ce n'est qu'à partir de cette mort du Fils sur la croix que nous voyons ses répercussions dans le monde : il se met à trembler jusqu'en ses fondations. L'autre côté, nous ne le voyons pas : ses répercussions en Dieu Trinité. Ou mieux : nous reconnaissons indirectement la présence de ces répercussions au fait que la nuit de la croix s'étend comme une nuit visible sur la création au lieu de détruire la création. En soi, le monde devrait être détruit étant donné que Dieu le Fils a été assassiné par les pécheurs dans le monde créé par le Père. Ce que Dieu subit ici supprimerait en soi ce que Dieu a créé autrefois. Mais un équilibre est conservé, qui renvoie au mystère invisible de la Trinité. Justement, c'est en étant secoué jusqu'en ses fondations, en se fendant, en étant menacé, que le monde est également assis à nouveau sur ses bases et stabilisé (NB 3,207).

 

1050. Une mort à la place des pécheurs

Il y a deux périodes dans la vie du Seigneur dont on sait peu de choses : son enfance et le "temps" après sa résurrection. Entre deux, il y a le temps du bois. Il en a fait la connaissance dans l'atelier de Joseph, et il meurt sur le bois. Ce bois de sa vie est une parabole du châtiment que Dieu a infligé à l'homme : les hommes doivent se donner beaucoup de mal. Lui-même s'échine comme un pécheur pour finalement mourir sur le bois à la place des pécheurs. Dans son travail comme dans sa mort, le bois est une parabole d'Adam qui a chuté ; sur la croix, il embrasse totalement le bois, les bras étendus, il porte toute le châtiment. Cependant, auparavant déjà, dans son travail, il accomplissait l'expiation sans se distinguer des autres travailleurs. Mais les autres ne compensaient pas par leur expiation leur aliénation (qui ne cesse de se produire) ; même l'expiation de la mort naturelle ne suffit pas pour compenser le péché. Et ainsi, sur le bois de la croix, le Fils prend sur lui la pleine mesure de l'expiation (NB 3,282).

 

1051. Lexpiation

Job ne participe pas au péché du monde dans le sens où il contribuerait à le porter ou qu'il aurait une conscience commune de la faute ; il peut ainsi se quereller avec Dieu, étaler devant lui sa pureté et rester au plus intime de lui-même hostile à la pensée de l'expiation parce qu'elle doit lui sembler vide de sens. Cette absence de sens persiste jusqu'à la mort du Seigneur sur la croix : c'est là qu'elle reçoit finalement un sens (NB 5,55).

 

1052. Si on regarde la mort du Seigneur, on voit que le monde en est coupable (NB 3,411).

 

1053. Les effets de la mort

Les enfants innocents sont massacrés afin que le message chrétien ne parvienne pas au monde. Et pourtant l'enfant que cela concerne n'est pas atteint, ce sont les autres qui le sont. Ni eux-mêmes en tant que victimes, ni leurs parents ne savent de quoi il s'agit ; les enfants sont trop petits, les parents ne voient que l'acte de vengeance du roi. A la question de savoir pourquoi le Seigneur permet cela, il n'est pas facile de répondre ; elle ne peut recevoir de réponse finalement que de la croix. C'est pour tous, également pour ces enfants, que le Seigneur subit la mort, et sa mort a des effets dans le temps qui le précède et dans le temps qui le suit (NB 10, n. 2156).

 

7. Le rachat

 

1054. Le monde est racheté sur la croix

Quand, le jour de Pâques, le Christ institue la confession et exige la confession des péchés, on ne voit pas tout d'abord le rapport de cette exigence avec la croix ; car si c'est sur la croix que le monde est racheté, il est racheté. Et de plus, si c'est en mourant qu'il a racheté le monde, mais que sa mort l'a conduit à la résurrection et qu'il a été abandonné jusque là au Père comme un mort dans l'obscurité du tombeau et des enfers, c'est un mystère pour lequel nous n'avons ni image ni mot (NB 5,118-119).

 

1055. L’attente du Père : le rachat du monde

Le Fils est obéissant jusqu'à la mort ; l'obéissance qu'il prête apparaît toujours comme une réponse à l'exigence du Père. Sur la croix, le Fils s'écrie : "J'ai soif". Dans cette expression d'un fait se trouve incluse une demande, une attente : une attente du Fils qui nous concerne nous, les hommes, une attente du Père vis-à-vis du Fils : racheter le monde (NB 11,314).

 

1056. Sur la croix, le Fils rachète

La défection de l'homme constitue pour l'Esprit une offense particulière. Adam a abandonné l'Esprit Saint de l'origine. On comprend mieux de la sorte le rôle de l'Esprit Saint dans la rédemption. Il est descendu sur le Fils lors de son baptême ; sur la croix, le Fils le remet avec son esprit humain entre les mains du Père pour faire l'expérience de l'ultime exigence démesurée. Il le rend donc comme étant celui qui mesure, comme étant celui qui sert de mesure. Le Fils a vécu pour glorifier le Père, pour réparer l'offense du péché dont il devait chaque fois mesurer la grandeur. Il en était capable non en la mesurant à lui-même - car il ne voulait pas se faire lui-même la mesure de l'offense faite au Père -, mais en prenant pour cela l'Esprit qui habitait en lui. Sur la croix, où il prend sur lui toute l'offense concevable - et cette prise en charge dépasse ses possibilités humaines de non pécheur -, où donc il porte une démesure et rachète dans un toujours-plus, il abandonne sa mesure, non pour arriver à la conclusion que cela suffit maintenant, mais pour laisser au Père toute possibilité de charger sur lui ce qui est sans mesure (NB 6,397).

 

1057. Le Fils rachète l’humanité

Le Fils, qui rachète l’humanité par sa mort sur la croix, ne s’accorde pas le moindre soulagement dans sa passion ; il veut que rien de divin ne l'empêche de connaître la plénitude de sa souffrance humaine et de sa mort. L’Esprit de Dieu qui était en lui, qui avec lui possédait la vision du Père et en jouissait et, en un certain sens, la lui procurait, cet Esprit, il le rend maintenant entre les mains du Père. Bien qu’il ait vécu avec l’Esprit en vue de la croix et de la mort, ce n’est pas l’affaire de l’Esprit de souffrir et de mourir (NB 1/2, 183).

 

1058. La rédemption du monde

Quand le Fils engendre sur la croix la rédemption du monde, il ressent dans l'abandon de Dieu quelque chose de l'abandon de la femme à la naissance. Au moment de l'inévitable, la femme sort de la communion. C'est un aspect de l'abandon du Fils sur la croix, et Marie imite ici son Fils quand elle le met au monde. Quand elle dit à l'ange : "Je ne connais pas d'homme", elle prend sa part pour porter sur elle le péché du monde. Elle comprend le rapport entre le châtiment d'Ève et sa "connaissance de l'homme", et ce qu'elle sait, elle apprendra aussi à le connaître par l'expérience. Comment autrement pourrait-elle être la consolatrice de toute souffrance ? Elle ne l'est pas seulement en participant à l’œuvre de son Fils, elle l'est aussi par sa propre expérience féminine. Ce n'est pas pour rien qu'elle est la seconde Ève (NB 12,213).

 

1059. La souffrance rédemptrice

(D’une prière de saint Ignace de Loyola) : Dieu Trinité, tu permets que notre Seigneur, portant sa croix, qui doit déboucher sur la rédemption du monde, s'effondre presque par pure fatigue. Et qu'en outre il ne sait plus s'il s'approche de son but et que la souffrance rédemptrice avance (NB 1/1, 471).

 

1060. Jésus est suspendu à la croix, il souffre jusqu'à la mort pour opérer notre rédemption (NB 2,62).

 

1061. Opérer divinement la rédemption du monde

Ce qu'a signifié pour le Fils de devenir homme en vue de la croix et de prendre sur lui cette croix en présence du Père et de l'Esprit, uni à eux dans la plus stricte obéissance : cela veut dire que le Christ sur la croix doit répondre aux plus hautes attentes du Père, qu'il doit donc subir la croix avec ses démesures divines toujours plus grandes afin que toute la Trinité de Dieu puisse opérer divinement la rédemption du monde (NB 2,126-127).

 

1062. Sauver l’humanité pécheresse

Au mont des oliviers, le Fils montre qu'il peut être très difficile d'être obéissant ; dans son cri d'abandon sur la croix, il prouve que son obéissance est totale, que Dieu peut aussi l'envoyer dans l'abandon où l'amour ne lui adoucit plus rien et ne le couvre plus. Le Père a justement besoin de cette obéissance nue du Fils pour que le Fils puisse remplir sa mission de sauver l'humanité pécheresse (NB 11,252).

 

1063. Quand le Christ devient homme, c'est pour sauver le monde sur la croix (NB 2,166).

 

1064. Dans sa passion, le Fils a le sentiment qu'on exige trop de lui. Ce n'est qu'à ce prix qu'il sauve le monde. Le sauver veut dire prendre sur lui la croix, rendre l'Esprit, mourir (NB 10, n. 2207).

 

1065. Le Père va sauver le monde

Quand le Fils, sur son âne, voit la souffrance qui vient, il se réjouit de pouvoir rendre ce corps au Père dans la mort et de ce que le Père, en raison de ce sacrifice, sauvera le monde. Maintenant déjà il se sent comme nu sur la croix, une nudité dans laquelle Dieu a créé l'homme, la nudité du corps parfait, auquel tous pourront avoir part et qu'il offre à tous telle qu'elle est sans rien se réserver (NB 3,252).

 

1066. L’œuvre de la rédemption

A présent qu'il se trouve à l'ombre de la croix qui vient, il dit : Que ta volonté soit faite ! Mais l'angoisse et l'oppression, le sentiment de ne pas pouvoir faire face sont à peine supportables. Il veut et pourtant il ne peut pas. Quand il regarde son prochain, il sait que celui-ci pourrait, mais qu'il ne le veut pas. Lui, le Seigneur, ne ferme rien, il appelle maintenant son prochain de manière particulièrement pressante à collaborer à l’œuvre de la rédemption. Malgré cela, il sait que le péché s'y oppose, que même après avoir accompli son œuvre il laissera une humanité qui continuera à pécher, qui continuera donc aussi à le charger, bien qu'il veuille tous les ramener au Père en leur pardonnant (NB 3,399).

 

1067. Rompre la tradition du péché originel

Le Seigneur avant la passion. Conscience que les hommes n’aiment pas Dieu ; l’incarnation lui apparaît tout à coup comme quelque chose d’abstrait. Il avait pensé pouvoir devenir homme et conduire à Dieu le monde et tout homme, mais cela s’avère impossible parce que personne ne le veut. L’incarnation lui paraît dénuée de sens parce qu’il ne pouvait quand même pas prendre cette chair avec cette aversion envers le Père, parce qu’il devait pourtant rompre la tradition du péché originel qu’il aurait dû porter de toute façon pour ramener l’homme à Dieu. Et le caractère étranger des hommes autour de lui lui semble maintenant comme quelque chose qu’il ne pouvait pas vaincre en raison de sa propre incapacité. Il peut périr par cette division d’avec le monde, elle peut être prise par lui et soufferte par lui sur la croix, l’union avec le monde ne se réalise que dans la mort accomplie (NB 9, n. 1774).

 

1068. Porter tout le fardeau du péché

Quand le Christ vient et qu'il porte toute la faute sur la croix, il n'est plus question de mesurer en pure justice ; toutes les mesures disparaissent en lui, car lui, l'innocent, il porte tout le fardeau du péché et le poids entier du châtiment correspondant. Il veut ramener au Père chaque pécheur et effacer par la démesure de son sacrifice les limites qui séparent les pécheurs les uns des autres. Il met la démesure de sa grâce là où aurait eu sa place l'exacte mesure de la justice : la grâce l'emporte sur le châtiment... La surabondance de la grâce rend impossible toute mesure (NB 6,502-503).

 

1069. Cette souffrance rachète réellement le monde

Enfant, le Fils a une image enfantine du monde, la confiance des petits, des purs, de ceux qui n'ont pas encore connu de désillusions. Ses premières désillusions ressemblent plutôt à des malheurs, à des accidents. Le Fils connaît le péché en tant que Dieu ; quand il est enfant, garçon, adolescent, il ne doit apprendre à le connaître que pour pouvoir assumer d'expérience sur la croix la somme du péché du monde, car c'est comme homme qu'il doit souffrir et non comme Dieu. Il a lancé le commandement de l'amour pas seulement pour les autres, mais d'abord pour lui. Une chose est d'aller dans le monde en tant que Dieu pour ramener au Père les hommes qu'ils aiment, autre chose en tant qu'homme (qui est certes Dieu) d'apprendre à aimer les hommes bien qu'ils lui fassent sentir de plus en plus leur état de pécheurs. Il laisse de côté son savoir divin pour les rencontrer d'abord avec une confiance d'enfant, et après, il est déçu dans sa confiance, il devient la victime des méchants. Il s'opère en lui une transformation : quand s'accroît sa désillusion, sa confiance s'adresse toujours plus directement à Dieu, il aime les hommes en Dieu, il les regarde du point de vue de Dieu, sinon il ne pourrait pas assumer la croix en toute confiance. Il la reçoit avec la confiance dans le Père que cette souffrance rachète réellement le monde. Sa confiance en Dieu compense infiniment sa méfiance à l'égard des pécheurs que lui a apportée la connaissance du monde (NB 6,213-214).

 

1070. Les âmes sont recréées

La croix du Fils donne au Père la possibilité, dans son acte créateur, d'établir dans la foi les hommes qui se mettent totalement à sa disposition. Il s'agit de l'ordre de la création, de la distribution des grâces surnaturelles, mais le tout comme par un retour en arrière, comme en partant du point de la création originelle. Mais maintenant ce ne sont pas les plantes, les animaux, les hommes qui sont créés, ce sont les âmes qui sont recréées (NB 5,154-155).

 

1071. Le Seigneur donne à tous la grâce du pardon

Au pied de la croix, Madeleine a en quelque sorte confessé sa culpabilité. Le Seigneur a reçu sa confession comme la confession de tous et il a donné à tous la grâce du pardon… Par la croix, il a apporté aux siens le mystère de la vie nouvelle sans tache : l'immense mystère du Seigneur, de sa résurrection et de son Église (NB 1/2, 261).

 

1072. Maintenant que, sur la croix, le Seigneur a pardonné au monde, toute la grandeur de son pardon apparaît aussi dans le fait qu'il peut y faire participer l’Église par le ministère (NB 1/2, 189).

 

1073. La croix : pour tous

Les tombeaux sont ouverts le vendredi saint parce que ce qu'a fait le Seigneur sur la croix a été fait pour tous. Mais personne ne peut ressusciter avant lui. Tant que lui-même se trouve au tombeau, c'est pour tous les autres un temps d'attente (NB 3,177-178).

 

8. Le péché et le pécheur

 

1074. Le Seigneur a porté tous nos péchés

Sur la croix, le Seigneur porte tous nos péchés, non seulement moralement, mais physiquement. On peut sans doute dire que sa souffrance s'accroît spirituellement autant que physiquement jusqu'à n'être plus supportable et que la mort s'ensuive. Il y a aussi une fin de son existence humaine ici-bas qui concerne avant tout son esprit, qui passe à l'état humain de mort. Il ne voit plus rien de l'avenir maintenant, il n'a plus de plan ; tout est passé aux mains du Père. Mais justement ce pur abandon est plus que jamais l'esprit du Fils qui attend avec son corps que le Père le ressuscite. Il est sûr que le Seigneur a subi toute la mort humaine ; son humanité fait partie de sa mission rédemptrice. Que le Fils ressuscite n'est pas important pour le Fils seulement, mais aussi pour nous. Le Père nous rend le Fils comme celui qui a souffert la croix pour nous, qui est mort et qui est passé par l’enfer. Le plan du Fils de nous porter jusque dans la mort et le plan du Père de reprendre le Fils auprès de lui sont, dans l’Esprit Saint, un plan unique : la rédemption du monde pécheur. Ce n'est pas un retour à l'état d'Adam, c'est le passage à un état nouveau qui est apparu quand le Fils mort est touché par le Père. La mission qu'il a portée dans sa vie et dans sa mort prend une forme nouvelle : elle devient la source de toute la rédemption, elle devient pour l'homme une garantie totale ; dorénavant, la divino-humanité tout entière du Seigneur fait jaillir toute vie pour le monde et pour l'humanité (NB 5,137-138).

 

1075. Le Fils et notre péché

Que l'angoisse de l’homme soit avant tout motivée par la mort, c'est évident à la croix. Car à la croix, ce ne sont ni la nuit ni les animaux sauvages qui sont à l'œuvre, c'est uniquement Dieu et le péché avec la mort. Entre Dieu et le péché est suspendu le Fils de l'homme qui, devant Dieu, porte dans son angoisse tout le péché qui le remplit d'angoisse parce que Dieu se détourne du coupable et l'abandonne. C'est justement le fait d'être abandonné par Dieu qui est sa mort. Et plus approche la mort, plus le Fils est abandonné par le Père, dans l'angoisse. Dans cette angoisse, il n'a rien pour se protéger d'elle. L'angoisse de la mort est qu'il a perdu le Père à l'instant même où il sait qu'il meurt sous le poids du péché (NB 6,247).

 

1076. L'obéissance d'Adam avant le péché et l'obéissance du Christ qui, sur la croix, porte en lui tout le péché, embrassent toutes les possibilités d'obéissance et de désobéissance (NB 6,549-550).

 

1077. Sur la croix, le Fils "devient péché", il prend sur lui tous les péchés du monde (NB 12,139).

 

1078. Sur la croix, le corps du Christ se révèle capable de porter le péché du monde (NB 12,172).

 

1079. Le Fils sur la croix a porté le péché du monde sans faire de distinction entre les pécheurs (NB 11,291).

 

1080. Sur la croix, le Fils portera dans son abandon tout ce qui porte le nom de péché (NB 11,323).

 

1081. Le Fils porte le pécheur avec son péché

Sur la croix, le Fils porte tous les péchés ; il les révèle et il s'offre pour eux en sacrifice. C'est une confession inouïe de toute l'humanité, le Fils fait sa confession à sa place. Ce qu'il dit, même si c'est une confession muette parce qu'il ne l'exprime pas en mots, il la manifeste par son corps. Il souffre pour tout ce qui s'appelle péché, physiquement et en même temps personnellement, dans le sens où, d'une manière donnée, il porte aussi le pécheur avec son péché, il voit à travers le péché commis la personnalité du pécheur. C'est une confession par la souffrance ; le terme de contrition n'a de place ici que pour autant que cela lui fait mal que ce péché offense le Père. Il voudrait tout faire pour qu'il n'ait pas été commis, il fait tout aussi de fait en accomplissant son sacrifice (NB 10, n. 2195).

 

1082. Le fleuve du péché ne peut être arrêté que par la grâce du Seigneur crucifié (NB 9, n. 1778).

 

1083. A chaque péché qui est sur sa route avant la passion, le Fils expérimente par anticipation quelque chose de sa mort sur la croix (NB 9, n. 1749).

 

1084. La souffrance du Seigneur : le péché du monde le torture d’une manière si pressante (NB 9, n. 1263).

 

1085. Le Seigneur porte tout notre péché

Par sa croix, le Seigneur reçoit la possibilité d'instituer la confession aussi bien que le purgatoire. Il porte tout notre péché, il en fait l'expérience d'une manière qu'il n'avait pas connue auparavant. Il voit maintenant d'expérience à quelle profondeur le péché est en nous et à quel point il faut qu'interviennent ses mesures qui sont toujours à vrai dire des mesures d'amour, mais qui doivent néanmoins être radicales. Il nous sauve non en nous laissant être des spectateurs indifférents, mais en nous faisant participer par son amour à l'amour éternel (NB 6,356).

 

1086. Dieu vient dans le monde afin de souffrir pour nous

Quand Dieu arrive dans le monde afin de souffrir pour nous, il apporte avec lui les mesures de l'éternité : il se met à la disposition de la croix avec la puissance de l'amour éternel et il éprouve en tant qu'homme une souffrance démesurée qui correspond à sa divinité et à son amour divin. Ce n'est pas le motif de la croix, le péché, qui détermine la mesure de la souffrance, c'est la volonté de Dieu de nous sauver pour que nous allions vers son amour infini (NB 6,330).

 

1087. Le péché de l’humanité

Le Fils est suspendu au centre de la croix avec ses deux poutres. Verticalement, il y a son amour pour le Père et, horizontalement, il y a tout le problème du péché de l'humanité qui ne peut être enlevé que s'il rencontre le point de l'amour réciproque du Père et du Fils (NB 6,262).

 

1088. Les péchés enfoncés dans le corps du Seigneur par la flagellation

L'obéissance corporelle du Seigneur devient un élément essentiel dans sa passion. Lors de la flagellation par exemple, son corps accepte les coups comme sans choisir. Presque comme si les péchés devaient d'abord être enfoncés dans le corps du Seigneur avant qu'il puisse les recevoir dans son esprit. C'est aussi une préparation du corps du Seigneur à l'ultime obéissance de la croix où le corps doit tout supporter intégralement avec une perfection qui lui est accordée par la grâce (NB 6,249).

 

1089. Porter tous les péchés du monde sur la croix, le Seigneur continue à le faire en accueillant tout ce qui a dit non (NB 4,210).

 

1090. Il porte tous nos péchés sur la croix (NB 4,179).

 

1091. Le péché du monde

La confession du Fils n'est pas terminée par le fait qu'il porte le péché du monde et qu'il en meure, qu'il doive faire sur la croix une confession si inouïe qu'aucun corps humain n'est capable de la supporter ; elle continue dans le fait qu'après cette confession et après sa mort il attend là où le Père lui enjoint d'attendre et ce n'est qu'après avoir souffert passivement la nuit tout entière qu'il laisse se produire pour lui la résurrection. La terrible confession des péchés l'a fait mourir. C'est le don parfait du Fils à son Église (NB 5,111-112).

 

1092. Souffrances du Fils pour le monde pécheur

Le Père a engendré le Fils et l'a mis en face de lui, comme il a créé Adam et l'a mis en face de lui. Dans le Fils crucifié, le Père rencontre de nouveau Adam et, en lui, tous les pécheurs. Le Père est avec le Fils parce que le Fils fait sa volonté, mais il est aussi avec les pécheurs parce qu'ils sont ses créatures et parce que, même malgré leur conduite mauvaise, il veut réaliser son dessein de les sauver et de les ramener au bercail. Mais ses créatures déchues, il ne les ramène pas seulement à leur point de départ, il les unit à lui plus profondément en son Fils. Dans le second Adam qui retourne au Père, est contenu le premier (car le Christ est un homme véritable et il porte le péché du monde entier). Tandis qu'en revenant au Père le Fils s'intègre à l'acte éternel du Père qui engendre, l'Adam sauvé revient à l'acte de création du Père ; le Fils rend pour ainsi dire au Père la joie de l'acte de création : vue de la croix, la création est saine, très bonne. Ainsi les souffrances du Fils pour le monde pécheur deviennent les douleurs d'un enfantement grâce auxquelles il rend l'enfant - le monde - saint et sauf au Père qui engendre. Et si la croix est unique dans le temps, l'attitude du Fils en croix ne passe pas, si bien que les effets de la croix peuvent s'étendre à tous les temps de la création. Dans la croix unique, la création est guérie petit à petit (NB 6,260-261).

 

1093. Sur la croix, le Seigneur a pris l'enfer sur lui en prenant en lui tous les pécheurs, il a fait sortir le péché par l'opération de sa passion. C'est sa manière de devenir tout pour tous (NB 4,208).

 

1094. Il meurt par le péché du monde

Si le Fils n’avait pas dû montrer aux hommes toute la puissance de Dieu, il aurait pu choisir une mort naturelle. S’il était mort d’une maladie et s’il était ensuite ressuscité, on aurait encore pu jouer avec toutes sortes de problèmes médicaux ou croire aussi à un miracle comme lors de la résurrection de Lazare. Mais quand il meurt sur la croix, il meurt par le péché du monde ; et la puissance de Dieu - de Dieu Trinité - qui le libère des liens de la mort et le fait ressusciter est de loin plus évidente (NB 4,127).

 

1095. La croix est ce que le Seigneur a assumé pour ôter le péché du monde. Elle est donc le contraire du péché. Elle est le signe de la pureté du Seigneur. Il a souffert pour nous sur la croix, il l’a vécue à cause de moi (NB 4,107).

 

1096. La croix : un feu qui consume le péché du monde

A la croix, Marie est placée au beau milieu du feu qui consume le péché du monde. Elle l’éprouve dans son âme et elle le voit – concrétisé autrement pour ainsi dire - dans son Fils mourant. Elle est introduite dans ce feu dans lequel, plus tard, le Fils introduira aussi les autres, les pécheurs. A la différence de tous ceux qui, plus tard, passeront dans le feu purifiant, elle n'a commis aucun péché et elle souffre absolument en même temps que le Seigneur. C’est en elle que pour la première fois l’effet du feu de la rédemption est testé par le Fils qui, souffrant lui-même, se trouve placé face à ce qui se passe en elle sans y participer apparemment. Mais parce qu'elle est sans péché et que le feu qui brûle en elle a cependant la force d'un feu purificateur, dès le début il brûle en elle pour les autres. De cette force, elle ne voit rien maintenant ; elle ne la verra que lorsque le Fils sera visible pour elle : à Pâques (NB 1/2, 178).

 

1097. Il a pris sur lui le péché du monde

Le Fils a voulu être un homme authentique qui ne cesse de recevoir du Père son destin sans vouloir l’explorer à l’avance ; ce n’est que lorsque sa mission l’exigeait que quelque chose de son avenir lui devenait conscient à l’avance par son savoir humano-divin. Il voulait et devait aussi croître comme un homme pur et simple dans son humanité et dans sa tâche, il dut faire lentement connaissance du péché du monde par l’expérience, pour finalement le prendre sur lui et le supporter sur la croix dans une expérience globale aussi bien humaine qu’humano-divine. En jetant un regard rétrospectif sur sa vie à partir de la croix, sa vie lui semble depuis toujours se diriger vers la croix : c’est quand il porte le péché que se dégagent le sens et l’unité de son humanité, et même – en jetant un regard en arrière dans l’éternité – le sens et l’unité de son incarnation. Un oui à la croix était inclus dans l’incarnation (NB 4,91).

 

1098. Le Seigneur veut porter sur la croix tous les péchés et aider tous ceux qui se laissent aider (NB 4,99).

 

1099. Sur la croix, le Seigneur porte mon péché dans la douleur

Sur la croix, le Seigneur se fraie un chemin jusqu’à moi en portant mon péché dans la douleur. Il me fraie un chemin vers lui quand je peux porter mon péché dans sa douleur, et alors je peux aussi trouver ma joie d’être racheté dans la joie de sa rédemption. C’est ainsi que le chrétien arrive à l’amour : de la souffrance et de la joie du Seigneur, il arrive à sa propre souffrance et à sa propre joie et de là aux autres (NB 4,71-72).

 

1100. Enseveli sous le péché

Quand on voit le Seigneur souffrir, il paraît invraisemblable qu'il ira jusqu'à la croix. Il semble être enseveli directement sous le choc du péché (NB 3,375).

 

1101. Sur la croix, tout le péché atteint le Fils

L'homme pèche, entraîne le monde dans son non. Sur la croix, le Sauveur rassemble tout le non en lui pour en faire un trait opposé. Il atteint tout le péché, tout le péché l'atteint. Le péché a pris son origine dans l'homme, maintenant le Fils prend le péché en lui. Partant de la plénitude de la vie, il va avec lui dans la mort. Ainsi, en tant que second Adam, il fait l'expérience du premier dans une direction opposée (NB 3,363).

 

1102. Le Fils rassemble le péché de tous sur la croix

Sur la croix, à un certain moment, c'est comme si un léger doute s'insinuait dans le Seigneur sur le sens de son humanité : sa mission lui paraît équivoque, l'exigence démesurée. Quand il rencontrait des gens, ce n’était toujours que très peu. Même quand une foule se trouvait devant lui, c’était en quelque sorte calculable et compréhensible. Mais le péché de tous ? N'y a-t-il pas d'emblée dans la pensée de souffrir pour tous quelque chose de vain ? Est-ce qu'il ne va pas s'avérer tout de suite que les forces de l'individu sont épuisées ? Que faire, étant donné que le Père et l'Esprit qui l'ont envoyé dans le monde avec une telle mission demeurent eux-mêmes dans la sécurité du ciel ? Et pourtant, est-ce que ce ciel peut être dans la sécurité quand le péché fait des ravages dans le monde ? (NB 3,294).

 

1103. Sur la croix, le Fils a fait subjectivement l'expérience des péchés, il en a éprouvé la violence et l'infinité, ce qui assurément dépasse de loin l'entendement d'un homme pur et simple (NB 3,292).

 

1104. La somme énorme des péchés du monde entre dans son corps

Quand le Fils est cloué sur la croix, avec les clous c'est toute la somme énorme du péché du monde qui entre dans son corps par les plaies. Dans ce qu'il a de plus intime. Par là aussi il ressent son corps d'une manière nouvelle : il éprouve les possibilités qui sont contenues dans un corps humain. Son corps est comme submergé, comme écrasé par le péché. Il le sent comme il ne l'a encore jamais senti. Il doit se retrouver en lui de manière nouvelle, et ce n'est plus totalement possible car c'est en même temps un corps qui est sous le fardeau étranger du péché et un corps humain souffrant. Dans son corps, il y a quelque chose qui dépasse le corporel et qui empêche aussi que la souffrance suive une progression et un cours naturels. Une douleur naturelle, comme un mal de dent, on y remédie en arrachant la dent ; la douleur du creux entre les dents n'est plus la même, la première douleur est passée. Sur la croix, rien n'est passé, ce qui a déjà été souffert revient. Les douleurs sont certes distinctes et se succèdent les unes aux autres, mais chaque douleur prépare seulement son retour sous une forme intensifiée parce que les douleurs s'additionnent réciproquement sans écoulement temporel. Les péchés ne sont pas "liquidés" les uns après les autres, le tout pénètre toujours à nouveau comme un tout dans le corps du crucifié (NB 3,254-255).

 

1105. Le péché du pécheur passe au Seigneur

Sur la croix, le Fils prend sur lui le péché ; en étant porté par le Fils, le péché subit une transformation qui conduit à la rédemption. Quand le péché du pécheur passe au Seigneur, le pécheur contracte avec lui une relation intime, lui aussi subit une transformation par le fait que le Seigneur porte son péché (NB 3,188-189).

 

1106. La croix : exigence démesurée pour le péché du monde

Sur la croix, le Fils pouvait encore appeler Dieu son Père, auprès de qui il avait tout déposé, même s'il ne le voyait plus, car sur la croix il se possédait encore lui-même comme étant le Fils. Ce qui ne veut pas dire que sur la croix il n'ait pas été totalement abandonné ou qu'il aurait joui d'une solitude satisfaite d'elle-même. La passion sur la croix était une passion de solitude qui avait mis le toi en dépôt, qui avait renoncé au toi par amour. C'était une soif d'amour qui était de ce monde. En enfer, la soif n'est plus de ce monde, elle est du monde d'en bas, elle a une infinité et une éternité négatives. Sur la croix, le Seigneur voyait encore chacun des hommes vivants pour qui il souffrait même s'ils étaient immensément nombreux. Même si, sur la croix, l’exigence était tout à fait démesurée, il avait pourtant conscience de s'être prodigué pour le péché du monde. On pouvait toujours encore prendre quelque chose au Fils, il avait donc toujours encore quelque chose à donner. En enfer par contre, il n'y a plus ni Dieu ni d'homme pour recevoir quelque chose. Sur la croix, le Seigneur est mort pour communiquer la vie. En enfer, il n'y a plus de vie, tout est mort et rejeté. Sur la croix, la souffrance avait encore au moins le visage du sacrifice, et donc de l'amour (même si c'était un amour déjà disparu), la recherche du Père se faisait dans une sorte d'amour productif. En enfer, aucun amour n'est plus possible, parce qu'il n'y a plus la moindre chose digne d'être aimée (NB 3,104-105).

 

1107. Un corps fait pour porter le péché du monde

Durant la vie du Seigneur, son corps était certainement caractérisé : il était le corps du Christ non celui d'un autre, et quand les hommes voulurent outrager le Christ, ils le firent là où était son corps, son corps qui voyait, entendait, ressentait. A partir de la flagellation et des moqueries, ce corps devint toujours plus ce qu'on pouvait mépriser, blesser, torturer. Et pour qu'il puisse le rendre au Père, toute l'histoire des souffrances du monde doit s'y graver. Il subira jusqu'à la mort la pleine mesure des souffrances et tout ce qu'on peut imaginer de démesure dans l'exigence, membre après membre, afin qu'il restitue au Père, avec la mission achevée, le corps que le Père lui avait donné pour porter le péché du monde. Plus il souffre, plus grandit le cadeau qu'il prépare pour le Père avec son corps (NB 3,181-182).

 

1108. Écrasé par le péché

Le crucifié voit l’œuvre qui n'est pas accomplie : tous ceux qui sont loin de se convertir. La faiblesse des apôtres. Les gens qui avaient entendu sa prédication et on n'en voyait plus aucun. Les pharisiens endurcis, tous ceux pour qui il a fait des miracles et qui ne sont pas tous devenus témoins pour autant. Il est toujours plus écrasé par le péché au fur et à mesure qu'il rend au Père sa force, sa divinité. Il ne se prononce pas sur le point de savoir s'il a bien ou mal agi. Il ne juge pas. Sur la croix, le péché du monde ne cesse de fondre toujours plus sur lui, sur son corps nu. Son corps en fait l'expérience; il n'aurait pas tenu pour possible en quelque sorte qu'il y avait aussi ceci et cela. Non seulement les péchés du corps, mais toutes les sortes de péchés. En tant que Dieu, il voyait bien sûr du ciel chaque péché. Mais ce sentiment physique, expérimenté par le corps nu, est nouveau. Des hommes purs, quand ils sont avec des pécheurs, expérimentent parfois quelque chose de ce genre et cela fait partie de ce qui est le plus répugnant : on préférerait vomir. Le Seigneur sur la croix est cloué ; il ne peut pas s'éloigner. Il faut que tout soit exactement exécuté (NB 3,160).

 

1109. Le Fils fait l'expérience du poids du péché en étant écrasé par lui sur la croix (NB 3,282).

 

1110. La mort du Fils est un écrasement sous le poids du péché (NB 1/2, 204).

 

1111. Sur la croix, le Fils a pris le péché en lui (NB 3,105).

 

1112. Tant que le Fils est suspendu à la croix, tous jettent sur lui leurs péchés. Durant sa vie, il en avait déjà ramassé une belle collection. Maintenant, sur la croix, ils lui jettent volontiers tous les autres (NB 3,122).

 

1113. Le Seigneur perçoit chaque péché qu'il porte sur la croix (NB 3,124).

 

1114. La croix est inévitable à cause du péché. Il n'y a rien de triomphant en elle. Cela doit être simple. Comme une opération très sérieuse qui est en vue. On cède aux instances des médecins et, sur le moment, on ne pense qu'à ceci : après, je serai guérie. On accepte les raisons de ceux qui poussent à l'opération parce qu'on les aime (NB 3,152).

 

1115. Le Fils ne savait pas que le péché pouvait avoir ce goût-là

Quand le Fils est réellement condamné à la croix, tout se passe brusquement. C'est pourquoi il n'existe aucune relation préparatoire entre la souffrance et lui, entre le péché et lui. Il n'a pas su que le péché pourrait avoir ce goût-là. Il lui fait beaucoup trop mal pour qu'il puisse y réagir avec ses forces actives. Le rapport entre la souffrance physique et le péché qui se manifeste dans cette souffrance n'était pas une expérience prévisible (NB 3,211-212).

 

1116. Le Fils sur la croix a rassemblé en lui tout le chaos du péché

Le Fils souffrant rassemble en lui tout le chaos du péché. On ne peut entrer en enfer que si on apporte l'enfer avec soi. Le Seigneur l'apporte en venant de la croix où il a rassemblé en lui tout le désordre chaotique du péché (NB 3,260).

 

1117. Sur la croix, il rassemble sur lui les péchés (NB 3,275).

 

1118. Le Fils a pris sur lui tous les péchés

Sur la croix, le Fils n'a pas seulement pris sur lui le péché des personnes présentes autour de lui, mais aussi celui du monde entier : de tous ceux qui étaient présents et de tous ceux qui allaient venir. Le péché de ceux qui étaient présents, en tant que séparé des pécheurs, ne pouvait être trouvé ailleurs que dans le royaume des péchés morts : l’enfer. Là il y a non seulement les péchés des vivants mais aussi ceux de tous ceux qui allaient venir : tous les péchés durant le temps tout entier (NB 3,278).

 

1119. Par la croix, les péchés doivent être effacés devant Dieu

La relation du Fils au Père inclut la relation du pécheur à Dieu. Sur la croix, les péchés doivent être effacés devant Dieu. Mais tous les croyants aussi, avec leurs peurs et leurs difficultés, sont inclus dans l'œuvre de la rédemption (NB 6,268).

 

1120. Le Fils porte tout le fardeau du monde, il en meurt et il ouvre par là aux pécheurs le chemin de la confession. Le chemin de l'humiliation que parcourt le pénitent a été parcouru par le Fils dans la solitude de la croix (NB 10, n. 2315).

 

1121. Pour l'homme en tant que coupable, Dieu lui-même a souffert la croix (NB 2,61).

 

1122. Il souffre pour tous les pécheurs

L’obéissance du Fils va jusqu'à l'extrême limite : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne". C'est ainsi qu'il accède à la croix ; il souffre pour tous les pécheurs, il prodigue à tous la grâce de sa souffrance : tel est le fruit de son obéissance lors de sa décision au mont des oliviers (NB 11,23).

 

1123. Sur la croix, les pécheurs sont dans le Fils

La chair du Fils qui va mourir sur la croix est capable de porter toutes les souffrances et tous les outrages. Comme un homme les subit, mais toujours avec l'intensification inconcevable qui s'exerce sur lui par la présence en lui de tous les méchants. Dieu voit cela et, dès à présent, il peut regarder les pécheurs autrement, non plus avec colère du fait qu'ils sont le contraire de ce qui est dans le Fils, mais le Fils les porte en lui, c'est dans le Fils que se trouve leur rédemption. Il s'est produit une translation inconcevable : les pécheurs sont dans le Fils, c'est pourquoi le Fils est dans les pécheurs. Et le Père ne peut pas être irrité contre lui (NB 6,231).

 

1124. Le Père n'a plus besoin de regarder les pécheurs avec colère

La chair qui finalement va mourir sur la croix est capable de porter toutes les souffrances et tout l'opprobre, mais toujours dans la multiplication inimaginable qui est opérée par l'existence de tous ces pécheurs. Le Père voit dans ces hommes son Fils, il voit désormais tous les hommes en lui, c'est pourquoi il n'a plus besoin de regarder les pécheurs avec colère parce qu'il voit en eux le contraire de ce qu'est son Fils. Ce contraire est maintenant dans le Fils lui-même ; que cela soit est l’œuvre d'amour du Fils, mais le Fils ne fait que ce que l'amour du Père lui a dit de faire (NB 10, n. 2289).

 

1125. Sur la croix, le Seigneur fait la confession de toute l'humanité et la souffre (NB 1/2, 273).

 

1126. Le Seigneur s'est confessé pour tous sur la croix (NB 10, n. 2335).

 

1127. La croix est la grande confession publique, au fond l’unique confession publique, catholique, tout à fait vraie ; le Fils la fait (NB 9, n. 2034).

 

1128. Sur la croix le Christ confesse devant le Père le péché de toute l'humanité

Le péché fut lancé dans le monde par les premiers humains ; il n'est pas resté leur secret personnel, il n'était pas lié à eux; maintenant le second Adam rattrape le péché qui a été lâché pour le lier. Ce n'est que lorsque Dieu demanda des explications à Adam que celui-ci apprit en vérité ce qu'il avait fait ; le Fils de Dieu connaît tout le péché, il a appris à le connaître dans ses semblables, il va chercher les péchés qu'il connaît ainsi, il les prend en lui et, quand il fait cela, ils deviennent ses péchés. Il ne les porte pas à la distance de Dieu ou d'un homme pur mais dans l'immédiateté du pécheur qui apprend vraiment dans la confession ce qu'est le péché. Le Christ confesse sur la croix devant le Père le péché de toute l'humanité : la prodigieuse réalité du péché du monde, le péché commis et celui qui le sera, avec son visage effrayant et menaçant qu'il ne peut plus supporter et à cause duquel il meurt dans la nudité et l'inutilité de la croix. Les grimaces du péché ne sont pas des démons ni des figures étranges inventées par l'imagination, elles montrent toutes ensemble les traits des pécheurs véritables. C'est la réalité de l'homme qui fait mourir Dieu incarné. Il ne peut y avoir pour lui d'autre arrangement avec le péché que celui de se donner lui-même, de laisser sa vie se répandre sous le poids de sa réalité épouvantable (NB 3,363).

 

1129. Par la confession du Fils sur la croix, le Père reçoit monde pécheur

Le Père, que le péché a offensé, entend la confession du Fils (sur la croix), il reçoit par lui ce monde pécheur, lui qui n'a pas de corps capable de souffrir et qui est cependant atteint au ciel par le péché. En raison de la croix du Fils, le Père est depuis l'éternité celui qui remet le péché (NB 10, n. 2195).

 

9. La croix et la vie

 

1130. Une eau sort de la plaie du Crucifié pour s'étendre sur toute la création

Méditation de l'eau sortant de la plaie du côté du Seigneur. La matière n'était pas choisie par moi ; j'avais lu seulement quelque chose qui traitait de l'eau et de la plaie (l'occasion était tout à fait superficielle). D'abord ce fut la création et la mer infinie. Puis l'infini de l'eau apparut comme comprimé dans cette goutte d'eau sortant de la plaie du Crucifié pour s'étendre à nouveau à partir de là d'une manière sacramentelle sur tout, sur toute la création (NB 10, n. 2187).

 

1131. Sur la croix, le Seigneur fonde un ordre qui n'apparaît qu'à la résurrection

Le Seigneur sur la croix fonde un ordre qui n'apparaît qu'à la résurrection. Si un homme avait été présent lors de la création du monde, il n'aurait pas estimé possible que Dieu pût créer un ordre à partir du chaos. L'humanité souffrante croit tout aussi peu que le Seigneur sur la croix est capable de créer un ordre du salut. Elle est comme le Thomas incrédule qui doit toucher la plaie de son doigt pour croire. Nous devons donc être déjà sauvés pour croire à la possibilité du salut par la passion du Seigneur (NB 3,306).

 

1132. La croix et la résurrection

Il serait vain de demander si ce que la croix a eu de cruel avait pour le Seigneur plus de poids que la joie de la résurrection : les deux sont inséparables dans sa mission. Sans doute peut-il – lui, et également celui qui le suit – pour un certain temps vivre l'un des aspects comme détaché de l'autre, mais les deux phases vont ensemble comme les temps de l'année liturgique qui sont les uns vis-à-vis des autres dans un équilibre caché. Tous les mystères sont vécus par le Seigneur en plénitude et ils ont leur unité dans sa parfaite obéissance au Père : à chaque instant, il vit totalement ce qui est à vivre, dans le mélange, mieux : dans la pureté, que le Père lui accorde (NB 5,139).

 

1133. Le Christ crée une vie à partir de la croix

Quand le Christ se sacrifie sur la croix, c'est pour que son don soit reçu à profusion et offert aussi à d'autres. Il crée une vie à partir de la croix comme il avait créé une vie par sa naissance. C'est une nouvelle création qui est insérée dans le circuit du monde créé et qui débouche sur la vie éternelle (NB 5,73).

 

1134. La fin de la croix, c'est le commencement de la vie éternelle (NB 4,315).

 

1135. Dieu nous rend sa lumière par la mort de son Fils

Quand, à la fin de la passion, le Fils meurt, que toute la lumière se brise et qu'elle est comme traversée par les ténèbres, c'est alors que devient visible le prix par lequel Dieu nous rend sa lumière. L'extinction de la lumière terrestre pour lui, mais aussi par lui, est un signe : pour tous ceux qui sont complices de sa mort, la lumière s'éteint en prenant la qualité de son absence. Il se creuse un abîme de ténèbres entre la lumière qui a existé jusqu'à présent et la nouvelle qui proviendra de la grâce de la résurrection. Tous doivent se rendre compte que la mort du Fils touche tout dans la création, également la lumière qui dépendait apparemment du soleil matériel (NB 6,234-235).

 

10. La croix et l’Eglise

 

1136. Après sa mort, le Fils demeure la Parole du Père pour tous les siècles

Après avoir tout accompli, le Fils reste la Parole. Il ne s'éloigne pas de ce qui est rapporté de lui. Une preuve en est l'Apocalypse. Elle montre que tout son être demeure vivant ; non qu'il devrait redevenir homme pour accomplir à nouveau. Et pourtant s'il y a dans l'Apocalypse tant d'éléments de l'Ancien Testament, ceci montre que l'accomplissement est toujours compris en devenir. Même après avoir dit "C'est accompli !", le Fils demeure la Parole du Père, il reste ce qu'il était : présence de cette Parole qui ne perd rien de son actualité à travers les siècles (NB 1/2, 241).

 

1137. Le catholicisme ne peut rester vivant que s’il retourne à la croix et s’il voit ce qui se passe autour de la croix… Le Seigneur place les chrétiens devant la croix (NB 4,114).

 

1138. Le Seigneur désire que le mystère de son abandon ne cesse d'être présent dans son Église

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix ; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est si profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire qu'il ne cesse d'être présent dans son Église. Ce mystère est la pierre angulaire de la rédemption et, en se le rappelant, l’Église sait que la rédemption reste vivante (NB 5,106-107).

 

1139. On devrait montrer beaucoup plus clairement aux chrétiens qu'en tant que tels, ils sont appelés à porter quelque chose de la croix du Seigneur (NB 11,377).

 

1140. Faire l’expérience de la grâce de la croix

Avant la croix, c’est comme si Pierre ne pouvait se résoudre à un oui total. Après, quand il aura fait l'expérience de la grâce de la croix, ce sera différent (NB 1/1, 321).

 

1141. On peut sans doute avoir la croix dans sa vie, mais jamais toute la croix du Seigneur et jamais comme sens dernier (NB 2,33).

 

1142. L'être humain a besoin de la croix pour vivre en la compagnie de Dieu (NB 2,60).

 

1143. Chaque chrétien doit porter sa croix

Le Seigneur porte sa croix unique comme Dieu seul peut la porter même s'il l'a portée en tant qu'homme. Il va de soi qu'on ne peut pas la porter mieux. C'est pourquoi chaque chrétien doit porter sa croix dans l'esprit du Seigneur (NB 10, n. 2328).

 

1144. Comment le Seigneur pourrait-il donner aux hommes sur terre d'avoir part à sa croix si lui-même n'avait plus rien à faire avec elle ? (NB 1/1, 495).

 

1145. Nos petits renoncements et la croix

Nous nous garderons de faire toute une histoire de nos petits renoncements et de les mettre en rapport direct avec la souffrance du Seigneur sur la croix. Ils sont plutôt un signe, un symbole, de notre amour pour le Seigneur (NB 11,412).

 

1146. L'effet le plus déterminant de la souffrance de la croix est qu'elle obtient pour l'homme la grâce de souffrir avec le Seigneur dans son sens et, par là, de se libérer de son constant repli sur soi pour apprendre, en souffrant, à regarder Dieu et ses désirs (NB 6,267).

 

1147. Nous l'avons cloué sur la croix et nous n'avons jamais réellement fini de le faire (NB 12,104).

 

1148. Le monde ne veut rien savoir du sacrifice du Seigneur (NB 10, n. 2059).

 

 

*

 

8. La résurrection

 

Plan : 1. L’attente2. L’instant3. La joie du Père4. La joie du Fils5. La nouvelle création6. Les quarante jours7. L’Ascension8. Notre résurrection

1. L’attente

1149. Dans la nuit des enfers, le Fils attend la résurrection du Père sans l'anticiper (NB 5,147).

 

1150. L’enfer, un mystère préalable à la résurrection (NB 3,240).

 

1151. La Parole du Père est morte (sur la croix), elle a pourtant toute sa force parce que le silence du Fils dans le Père fait mûrir la résurrection (NB 5,119).

 

1152. Le Seigneur ne ressuscite pas de la croix mais de l'enfer du samedi saint (NB 3,275).

 

1153. Le Fils ne peut pas prévoir l'heure de la résurrection, ni la faire venir (NB 5,148).

 

1154. Il est terriblement effrayant que nous ne puissions pas simplement voir déjà Pâques dans le vendredi saint parce que l'événement du passage de l'abandon (sur la croix) à la résurrection appartient au Seigneur seul (NB 3,307).

 

1155. La mort du Seigneur : une semence qui aboutit au fruit de la résurrection

La mort du Seigneur est la fin de sa passion. Elle est une fin où le Seigneur entre pour nous tous, une fin qu'il assume jusqu'au bout sur la croix pour en faire sortir la résurrection dans l'obéissance. Sa mort est une semence qui aboutit au fruit de la résurrection (NB 6,290).

 

1156. La mort sera vaincue à Pâques quand le Fils ressuscitera

Quand la mort a séparé le Fils du fardeau du péché, il n'en résulte pour lui aucun sentiment de libération. Aussitôt c'est pour lui une nouvelle forme de rencontre avec le péché. La mort sera vaincue à Pâques quand il ressuscitera. La mort est sans doute un événement décisif, mais le chemin conduit en enfer. Il conduit en même temps à la récompense, mais pour le moment celle-ci est cachée dans l'obscurité du Père (NB 3,226).

 

2. L’instant

 

1157. La résurrection : ce qui s’est passé dans le secret

Ceux qui aiment le Fils, ceux qui sont présents quand il meurt sur la croix et qui apprennent sa résurrection, ne remarquent pas tout d'abord ce qui s'est passé dans le secret. Pour eux, il est Jésus qu'ils connaissent et qu’ils aiment ; mais qu'il soit le Ressuscité, l’Éternel, et celui qui les entraîne avec lui dans la vie éternelle, cela ne leur est communiqué que par lui. Si déjà toute rencontre avec lui dans le temps terrestre apportait quelque chose de plus grand, d'inespéré, d'incalculable, combien plus leur apporte la rencontre avec le Seigneur devenu éternel. Leur amour pour lui leur permet de l'accompagner. C'est comme quand on rencontre un ami au cours d'une promenade et que, par amour pour lui, on change de direction et qu'on l'accompagne là où il allait ; de même aussi en rencontrant le Ressuscité nous changeons l'orientation de notre temps et nous allons avec lui vers la vie éternelle sans savoir exactement à l'avance ce qu'est cette vie éternelle (NB 6,69-70).

 

1158. La résurrection : aussi soudaine que l’irruption de la grâce

Rien ne pourrait être plus opposé à la pensée de la réanimation d'un mort par des moyens médicaux humains que la résurrection du Seigneur. Il n'y a aucune sorte de signes précurseurs, aucune sorte de transition. Pas de tressaillement des membres qui retrouveraient la vie "peu à peu". Il n'est pas question non plus de se réhabituer à la vie, d'ouvrir les yeux, de remuer les doigts, de respirer. Rien qui autoriserait l'espérance que le cadavre reviendrait à la vie. Tout est aussi soudain que l'irruption de la grâce. En un clin d’œil tout est là, Dieu tout entier et la joie tout entière et toute la vérité, et l'amour est l'essence de tout. C'est la même chose maintenant de parler de vie ou d'amour ou de résurrection. Tout possède la soudaineté de Dieu, elle saisit tout et emporte tout avec elle. Tout le mouvement qui était endormi dans la mort est tout d'un coup présent avec la plénitude de la force la plus juvénile. Toute la faiblesse et toute l'odeur de renfermé et toute la fatigue, tout le désarroi et tous les tourments ont disparu si totalement qu'il ne reste même plus une question à leur sujet ; c’est disparu avant qu'on le remarque. Toutes les peines sont comme un échafaudage qui tombe et disparaît de lui-même quand l'édifice est achevé (NB 3,310-311).

 

1159. L’instant de la résurrection

La résurrection se passe en un rien de temps, aussi instantanément que son contraire, l'incarnation ; autrefois, le Père le fit devenir sa semence, maintenant il le fait redevenir son Fils vivant. Le Fils de l'homme entre dans la naissance trinitaire. Le Père engendre éternellement le Fils. Mais dans cette éternité, il y a le moment où le Fils devient homme et le moment où il ressuscite d'entre les morts… Il devient sans doute celui qu'il était toujours, mais comme celui qui a fait l'expérience de la résurrection d'entre les morts (NB 3,175-177).

 

1160. Le Fils se sent mourir, il ne se sent pas ressusciter

De même que la passion du Seigneur en tant que passion consiste en un abandon voulu de toutes ses forces et qu'elle équivaut à l'action la plus grande, de même la résurrection consiste en un abandon qui remet totalement au Père toutes ses forces et toutes ses possibilités ; le Fils se sent mourir, mais il ne se sent pas ressusciter ; c'est lui-même qui souffre jusqu'à la mort, mais il est engendré à la joie de la résurrection (NB 5,120).

 

1161. On ne peut pas saisir ce qui s'est passé à la mort de Jésus lui-même, pas plus qu'on ne peut saisir ce qui s'est passé à sa résurrection (NB 5,140).

 

1162. L'immense mystère du Seigneur, de sa résurrection et de son Église

Quand Madeleine quitte le tombeau et rencontre les autres, elle sait que les autres ont part à son mystère, elle sait que ce mystère n'a fait que passer par elle et qu'il la déborde de partout : c'est le mystère du Seigneur et de sa gloire qu'il partage avec le Père, le mystère de la vie nouvelle sans tache, qu'il a apportée aux siens par la croix, c'est la communion après une confession préparatoire. Elle va désormais dans le monde comme une initiée, mais une initiée qui s'est oubliée elle-même dans l'immense mystère du Seigneur, de sa résurrection et de son Église (NB 1/2,261).

 

1163. La résurrection : pure surprise pour le Fils

Dans sa mort, le Fils a tout remis au Père. Que cela se passe dans la nuit facilite au Père son action, car la mission a atteint son sommet quand le Fils, dans sa nuit, ne peut plus suivre ce que le Père entreprend avec lui. C'est dans cet extrême qu'arrive la résurrection, et elle arrive de telle manière qu'elle est une pure surprise. Elle n'est pas ce que le Fils attend, parce que le Fils s'est dépouillé de toute attente. Tout était tellement sans issue que n'est perceptible ni un soupir de soulagement : "Enfin !", ni la pensée : "C'est bien ce que j'avais imaginé !" Le Fils était dans un état d'obéissance divine où le meilleur état est celui qui porte la marque du Père et où l'obéissant se garde d'exprimer quelque chose de son état afin que le Père ne change rien à ce qu'il avait projeté (NB 5,112).

 

1164. A la résurrection, le Fils sera à nouveau dans sa forme divine. C'est comme s'il s'était défait de cette forme pour la croix et pour l'enfer afin de souffrir simplement comme un homme (NB 4,200-201).

 

1165. Le corps de résurrection du Fils est un corps avec ses cicatrices. Son premier corps était destiné à la croix, son nouveau corps vient de la croix (NB 3,177).

 

1166. C’est comme si la résurrection du Fils n'était rien d'autre qu'une partie de son service des hommes (NB 3,151).

 

3. La joie du Père

 

1167. Dieu le Père a ressuscité son Fils de l'enfer (NB 10, n. 2208).

 

1168. L’amour du Père pour le Fils : il le ressuscite

L'amour du Père pour le Fils devient visible par exemple quand il introduit le Fils dans le mystère paternel de l'enfer, mais aussi en ressuscitant le Fils : dans ce cadeau du Père au Fils, avec toute la joie il y a aussi quelque chose comme un renoncement, quand il permet au Fils - qui fait le sommet de ce qu'on peut atteindre - de continuer comme Ressuscité son œuvre de rachat du monde (NB 6,109-110).

 

1169. La joie du Père à Pâques

A Pâques, la joie du Père consiste dans le retour du Fils, et cette joie est la même qu'à l'Ascension. Pour le Père, c'est la même chose que le Fils revienne sur terre ou au ciel (NB 10, n. 2141).

 

1170. La joie du Père pour le monde qui revient à lui

La résurrection du Fils, la résurrection du monde du Père, en marche vers le Père, la joie du Père pour le monde qui revient à lui (NB 3,311).

 

1171. La résurrection du Fils : comme la main du Père sur l’épaule du Fils

La vie de la lumière qui attend le Fils, c'est la résurrection. Comme si tout d'un coup la main du Père se posait sur l'épaule du Fils de telle sorte qu'il la sente et que dans la joie qu'il en éprouve il ne perçoit pas qu'il est conduit par elle. Tout ce qui se passe d'autre est secondaire, il n'y a que la main du Père qui est importante. Cette main, c'est la lumière (NB 3,240-241).

 

1172. (Réflexion d’Adrienne, encore protestante, en 1932). Pour le Père éternel, la naissance de son Fils dure au fond de Noël à la résurrection, car celle-ci, c'est quand même le moment où on lui met l'enfant dans les bras (NB 7,285).

 

1173. Le Père retrouve le Fils à la résurrection

Le Père qui retrouve le Fils est le même qui a créé Adam au paradis. Avec le Fils qu'il accueille à nouveau, il reçoit aussi la terre qui, par le Fils et dans le Fils, devient sans péché parce qu'il lui offre la grâce de son être et de son eucharistie. Il lui donne l'eucharistie afin qu'il y ait en elle quelque chose de pur, et il prend sur lui le péché, dans une sorte de don en retour. Nous lui offrons notre péché, il nous offre son eucharistie (NB 6,184).

 

4. La joie du Fils

 

1174. Le Fils a été touché puissamment par le Père lors de la résurrection

Le Fils a été touché puissamment par le Père lors de la résurrection et la résurrection s'achève par l'envoi de l'Esprit Saint. L'Esprit qui descend sur l’Église, confirme le croyant et l'élève au-dessus de son état antérieur, est le même qui fut le témoin de la résurrection, celui-là même qui a opéré le parfait échange d'amour entre le Père et le Fils dans l'événement de la résurrection. Il a accueilli l'ultime obéissance du Fils comme abandon, également le fait qu'il s'est laissé ressusciter, et il l'a conduit au Père pour donner au Fils la grâce d'être ressuscité par le Père (NB 5,144).

 

1175. Résurrection : la joie du Fils qui retourne au Père avec l’humanité sauvée

La joie du Fils à la résurrection n'a plus de tâche, tout est sûr et bon, et cette bonté de la rédemption se rattache immédiatement à la bonté de la création : Dieu vit que cela était bon. Mais la bonté actuelle est celle de la joie qui a pardonné : la joie en Dieu Trinité. La joie de Dieu à la création se répandait dans les choses créées. La joie de la résurrection est la joie de Dieu pour ce qui revient à Dieu à partir de la création, elle est la joie de l'homme à qui tout a été pardonné. Le Fils apporte avec lui toute l'humanité sauvée, et la joie du Fils retourne au Père qui lui a permis l’œuvre tout entière (NB 10, n. 2283).

 

1176. La résurrection : le Fils apporte au Père un monde sauvé

Le Fils ressuscité revient auprès du Père ; en s'apportant lui-même, il apporte au Père le monde sauvé, il présente au Créateur le monde recréé, qui porte désormais l'empreinte du Fils. Quand le Fils rapporte au Père le don de la terre dans la joie de l'Ascension, il nous laisse pourtant sur terre ses dons : l'Église terrestre dans laquelle il vit désormais en tant qu'habitant du ciel (NB 10, n. 2284).

 

5. La nouvelle création

 

1177. Pâques : allégresse du monde racheté

Semaine de Pâques. Allégresse de la création, allégresse de la nouvelle création, du monde racheté. Quand je regarde maintenant des fleurs ou quelque autre chose de beau, cela fait partie du monde racheté, et la joie qu'on puisse vivre parmi ces choses et les ramener à Dieu en pensée, et que là est leur sens : cette joie est grande (NB 3,311).

 

1178. La résurrection, nouvelle création

Le Père, le Fils et l'Esprit retrouvent dans cette nouvelle création le "très bon" de la création primitive. La résurrection rend tout bon parce qu'elle apporte la fin en assumant tout le mauvais pour l'anéantir et ramener les créatures à Dieu (NB 3,396).

 

6. Les quarante jours

 

1179. Le Ressuscité entre dans notre monde comme il le veut

Le Ressuscité arrive les portes fermées. Nous voyons que son espace est devenu autre. Jusqu'à présent on savait seulement que le tombeau était ouvert, qu'on le rencontrait ça et là. Maintenant on remarque que son corps, son lieu, ses déplacements ne sont plus soumis aux lois de notre monde, et pas davantage son temps : non seulement son temps est devenu autre, mais lui, il a changé de condition par rapport à notre temps. Auparavant nous aurions pu fermer nos portes pour nous protéger de lui, maintenant nous ne le pouvons plus, il entre dans notre espace, il fait irruption dans notre temps avec son temps à lui. Dieu a maintenant libre accès à notre existence; il n'y a plus de souci à avoir : notre fin lui appartient (NB 6,70).

 

1180. L'atmosphère de la résurrection est incroyablement tendre

Quand le Fils en tant que Ressuscité apparaît aux siens, comme expression de l'amour divin trinitaire, il s'en remet aussi à l'Esprit, en tant qu'il l'Esprit d'amour, pour souffler où il veut. Cela donne aux apparitions du Seigneur leur transparence et à sa parole l'ampleur de la vie nouvelle qui fait transparaître partout l'Esprit. Pour ceux qui voient le Seigneur et en font l'expérience, une atmosphère nouvelle les entoure : il est maintenant spirituellement dans l'Esprit Saint. Le Seigneur aussi bien que celui qui le voit laissent à l'Esprit ce que leur rencontre a de spirituel, il est le paysage, l'atmosphère dans laquelle elle se déroule, davantage même, il est l'accomplissement lui-même. Quand le Seigneur dit une fois encore à Pierre : "Suis-moi", c'est dans l'atmosphère de l'Esprit qu'il attire le disciple. Avec une force presque sensible qui se communique aussi dans l'Esprit à l'intelligence de Pierre de sorte que toute résistance est vaincue par la volonté agissante du Seigneur. L'atmosphère de la résurrection est incroyablement tendre, elle n'a rien d'écrasant. Le Seigneur demande à Pierre : "M'aimes-tu ?", il ne demande pas : "Pourquoi m'as-tu trahi ?" (NB 6,300).

 

1181. Le cadeau que fait le Seigneur à ses disciples en se montrant

Pendant les quarante jours qui ont suivi la résurrection, les apôtres ont la faculté de voir. Elle ne leur est pas consciente en tant que telle, surclassée qu'elle est par le cadeau que leur fait le Seigneur en se montrant à eux. De voir le Fils est pour eux une participation à la nouvelle manière dont il voit le Père. Mais, dans cette vision du Seigneur, il n'y a pourtant pas une sainteté de peu de valeur pour les apôtres, pour ces saints des premiers temps, c'est une sainteté qui leur est donnée par le Seigneur de manière si originaire parce qu'ils ont vécu avec lui. Ce qui est dit et fait entre le Seigneur et eux a une justesse qui continue de manière nouvelle celle qu'ils avaient dans leurs relations terrestres (NB 6,301).

 

1182. Les apparitions aux apôtres : fondement de la mystique future

Les apôtres ont d'abord fait l'expérience du Seigneur comme ami - ce qui n'effaçait pas le fait qu'il était le Seigneur et le Maître -, surtout Jean. Les apparitions du Seigneur pendant les quarante jours sont une pure continuation de leurs relations de foi aimante. Le Seigneur a promulgué le commandement de l'amour, les apôtres l'ont entendu, les évangélistes l'ont mis par écrit, il peut être consulté par tous ceux qui viendront après, sans problème, parce que la force des paroles du Seigneur ne faiblit pas. Si un croyant a une apparition, il peut s'inquiéter et se demander si et comment cela se rattache à l’Évangile. Mais s'il se rappelle alors que le Seigneur est apparu aux apôtres, il reconnaît dans ce fait un fondement de la mystique future ; pour les voyants, cela peut les rassurer parce que les apparitions des quarante jours constituent un pont solide entre l’évangile et l’Église. Les voyants des temps ultérieurs se trouvent dans la tradition apostolique qui est aussi garantie que le texte de l’Écriture Sainte. L'apparition aux disciples d'Emmaüs montre aussi à quel point le Seigneur répond aux disciples. Là aussi il crée une transition vers la mystique ultérieure (NB 6,302).

 

1183. Les quarante jours

Vus par nous, les quarante jours après la résurrection ne sont guère compréhensibles. Cette pause entre la mort et la résurrection d'une part, et le retour au Père de l'autre. Nous devons prendre au sérieux la mort de Jésus, écouter aussi et méditer ses dernières paroles. Et puis son ensevelissement. Il y a alors cet état intermédiaire après la résurrection : il est là et il n'est pas reconnu tout d'abord par les siens. Il leur est très proche, mais ils ne vivent pas dans son monde. Cet état intermédiaire est important pour l’Église à venir, certains traits de cette proximité et de cette distance simultanées subsisteront en elle (NB 10, n. 2355).

 

7. L’Ascension

 

1184. L'Ascension est en quelque sorte en trois parties : le Fils va de la terre au ciel, il est pris par l'Esprit, il arrive devant le Père (NB 10, n. 2116).

 

1185. La grande joie du revoir

Ascension. Le retour du Fils au Père signifie la joie. Aux jours de la passion, quand l'amour du Père pour le Fils était voilé, son amour n'a certes subi par là aucun dommage. Mais il ne pouvait plus être saisi ni goûté en plénitude. Dans les jours de joie par contre que le Fils a passés sur terre, il voyait l'amour du Père. Maintenant qu'il retourne au Père, cet amour rayonne d'un éclat nouveau, divin, rien ne reste voilé ou sombre ou obscur. Ce qui règne, c'est la plus grande joie du revoir : Dieu est de nouveau en Dieu, le Fils dans le Père et dans l'Esprit, rien ne peut troubler le revoir. Il ne serait donc pas juste de décrire les temps de l'angoisse du Fils comme des temps où ses relations avec le Père auraient été troublées. L'angoisse aussi était un acte d'amour, d'abnégation, de renoncement, aussi grand qu'un renoncement peut l'être. Mais maintenant il n'y a plus à renoncer à quoi que ce soit. Tout est entièrement transparent. Dieu Trinité célèbre la fête de la parfaite réunion dans le ciel. Et peut-être que la parabole du fils perdu n'est pas très loin. Le Fils était « perdu », il a pris sur lui le péché du monde comme le sien propre, il n'a connu et toléré aucune distinction ; et maintenant, après qu'il est mort dans la disette de la croix, après qu'il est ressuscité et qu'il est resté quarante jours auprès des siens, il revient avec le plus grand don que le Père pouvait attendre de lui. Le don qu'il apporte ne fait qu'un avec son retour : en l'embrassant, lui, le Fils perdu, le Père reçoit tout ce que le Fils lui rapporte (NB 10, n. 2284).

 

1186. Le Fils apporte au Père le monde sauvé

La joie au ciel le jour de l’Ascension ne peut pas s'exprimer, mais elle est partout, elle nous appartient aussi, à nous les créatures du Père auxquelles il communique sa joie. Une joie qui est déversée du ciel sur le monde. Elle est vivante, elle brûle et elle pousse à la décision. Aussi problématique que soit le monde, il n'est pourtant pas quelque chose qui a échoué, parce que le Fils l’apporte au ciel. Il est l’œuvre tout à fait bonne du Père, que le Rédempteur ramène au Père. C'est comme si chaque cœur qui a jamais battu en ce monde devait apporter au ciel de la joie (NB 10, n. 2296).

 

1187. Ascension : le Seigneur monte au ciel et il nous prend avec lui

L'Ascension, c'est ce que nous comprenons le moins. Car au fond le Seigneur nous emmène avec lui. C'est pourquoi nous devrions être des chrétiens rayonnants: parce que nous sommes "montés avec lui" et, en tant que tels, nous devrions comprendre ce que veut dire vraiment être chrétien. Mais nous sommes misérables, faibles et aveugles pour ce qui nous arrive. Et même si nous savons d'avance que la fête de l'Ascension arrive, son mystère est peut-être le dernier auquel nous croyons sérieusement. Néanmoins le Seigneur monte au ciel et il nous prend avec lui, c'est dans sa grâce qu'il accomplit le tout : pour lui et pour l’Église (NB 10, n. 2355).

 

8. Notre résurrection

 

1188. Le baptême et la résurrection

Le Seigneur fête aussi sa résurrection dans le baptême chrétien : il y accorde aux siens de le rencontrer pour la première fois, il les baptise en lui. Si le baptisé est un petit enfant, ce sont les parrain et marraine qui assument la conscience de cette configuration au Seigneur quand l'enfant est marqué du signe indélébile. Marie-Madeleine aussi rencontre d'abord le Seigneur ressuscité sans le savoir. La rencontre du baptême marque pour l'enfant le commencement d'une prière qui deviendra consciente plus tard, il priera en vertu de son baptême sans pouvoir apprécier le trésor qui lui fut alors offert. Il recherchera celui qui habite en lui, il interrogera sa présence mystérieuse, il s'entretiendra avec elle, mais il ne pourra pas se la représenter (NB 5,139).

 

1189. Dans la résurrection du Fils, notre résurrection est comprise depuis toujours

Pour Adam comme pour le Christ, le corps n'est pas du tout un empêchement pour s'approcher de Dieu. Le Christ, en tant que second Adam, peut voir Dieu avec son corps humain comme il plaît à Dieu ; il ne connaît aucune sorte d'empêchement provenant du péché originel, ni du péché en général. Le Père a recréé pour lui cet état afin que le Fils lui prouve qu'on peut vivre avec le corps créé par Dieu. C'est avec ce corps qu'il meurt sur la croix pour tous les pécheurs. Non pour amener notre fin, mais pour nous transmettre la vie : dans la résurrection de son corps, notre résurrection est comprise depuis toujours (NB 12,170-171).

 

1190. Nous sommes promis à la résurrection

Le Fils qui donne sa vie pour le monde reçoit une onction à Béthanie. Avant cela déjà il était celui qui devait être oint : son onction est un accomplissement. Accomplissement pour la mission de sa mort. L'onction le libère pour la mort, pour la fin de sa mission et pour la remise au Père de sa mission. Elle est comme un résumé de son existence jusqu'alors qui avait un sens pour ce qui allait venir ; l'ensemble de son œuvre était une action qui préparait sa mort sur la croix ; ce n'est que par la croix que nous pouvons comprendre l'incarnation. C'est dans l'ultime abandon que le Fils apprend à quel point le Père est proche : si proche qu'il l'abandonne même, maintenant à l'heure la plus amère, afin que la plus grande proximité, telle qu'elle était au ciel, puisse être rétablie. L'onction est pour le Fils un signal : c'est maintenant qu'arrive le jugement. Le jugement a pour lui la forme de la mort sur la croix : il devra porter le péché du monde comme une exigence tout simplement démesurée. Pour nous, c'est la rédemption. C'est pourquoi quand le Seigneur nous offre son onction en vue de la mort (l’onction des malades) comme un sacrement chrétien, c'est pour nous le signal de notre rédemption. Pour lui, cette onction le libère pour la nuit de la croix ; pour nous, elle nous libère pour la lumière de la résurrection. Il y a l'unité des deux effets de l'onction : il va subir le jugement, nous sommes promis à la résurrection (NB 6,543-544).

 

1191. La mort reçoit son sens par la résurrection du Seigneur

Toute mort, la mort de l'âme comme celle du corps, reçoit son sens par la résurrection du Seigneur en nous. Toute mort est une fin afin que le Seigneur puisse commencer. Si un mourant estimait que sa mort consistait seulement à aller vers sa fin et que l'œuvre du Seigneur commencerait au-delà, il penserait n'avoir rien d'autre à faire en mourant que de mourir justement : il aurait alors méconnu le sens des derniers sacrements, mais aussi le sens de toute sa vie, qui est toujours la fin de quelque chose qui nous appartient pour déboucher dans la résurrection du Seigneur. Nous mourons dans le Seigneur, pour aller vers le Seigneur. Et ceci en sachant qu'étant Celui qui vient, il est là depuis toujours. C'est pourquoi la prière du mourant, la prière aussi de ceux qui l'entourent, de ceux qui accompagnent sa mort, est si importante (NB 6,282).

 

1192. Corporéité de la résurrection

Par la résurrection du Christ, nous est attribuée une corporéité qui est autre que celle d'Adam, autre aussi que la première corporéité du Christ ou que notre corps pécheur : une corporéité auquel le péché n'a plus accès. Une corporéité en provenance de la sphère de l'éternité divine, et donc incorruptible. Il y a sans doute une parenté avec la corporéité paradisiaque, mais Adam fut chassé du paradis, nous par contre, par la mort corporelle du Christ, nous sommes devenus capables de cette corporéité à laquelle le péché n'a plus accès. Ici ce n'est plus le Christ qui prend notre corps, mais nous le sien. Cette possibilité, c'est sa croix qui nous l'a obtenue (NB 12,171).

 

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9. L’Esprit Saint

 

 

 

Plan : 1. La communion dans la Trinité2. L’Esprit et l’Église 3. S’ouvrir à l’Esprit4. Les manières d’agir de l’Esprit - 5. Prier l’Esprit Saint6. Le refus

1. La communion dans la Trinité

1193. Après Pâques, l'Esprit Saint est envoyé par le Fils, mais c'est l'Esprit qui, au temps de l'Avent, apporte au monde le Fils du Père (NB 6,404).

 

1194. L'Esprit, tout comme le Fils, est envoyé par le Père pour sauver le monde. Le Fils juge chaque péché d'après l'offense faite au Père (NB 6,404).


 

1195. L'Esprit, qui a fait prendre chair au Fils, conduit le Fils à la croix corporellement pour le faire ressusciter corporellement (NB 12,165).

 

1196. Le Père remet à l’Esprit l’œuvre de l’incarnation

Quand le Père envoie son Fils dans le monde, il remet l’œuvre de l'incarnation à l'Esprit Saint. Celui-ci commence dans le sein de la Vierge l’œuvre de l'incarnation de Dieu que le Fils accomplira et achèvera sur la croix. L'Esprit sort ainsi de la latence dans laquelle, dans l'ancienne Alliance, il était resté dans la loi du Père et dans la voix du Fils. Il participait aux deux, mais dans l'ombre. Dans l'ancienne Alliance, les hommes étaient attachés à la Loi comme à une règle qui ne permettait pas de relation immédiate à l'Esprit. Ils n'étaient pas encore mûrs pour l'Esprit ; la maturité ne se manifeste que lorsque l'Esprit dépose la semence de Dieu dans le sein de la Mère (NB 12,181).

1197. L'humilité de l'Esprit Saint : il se laisse envoyer sans apparaître visiblement (NB 11,37).

 

1198. Méditer l’Évangile dans l'Esprit

Nous pouvons méditer la vie du Seigneur selon les indications du livre des Exercices ; il s'ensuit alors une sorte de dialogue entre l’Écriture et nous ; dans l’Écriture, il y a un événement concret qui se présente – le Seigneur marche avec deux apôtres sur un chemin qui conduit à une ville - , je me familiarise avec la scène : il est Dieu incarné, les apôtres en tant que disciples (je devrais en être un aussi) expriment leurs opinions, que je connais dans une certaine mesure par l’Écriture, je peux aussi imaginer le cadre, le paysage, les vêtements, l'heure du jour, le temps. Tout cela sera limité d'une part par le texte, d'autre part par mes dispositions, mes intérêts. Je peux donner un peu plus d'ampleur à la scène et aux paroles précises que le Seigneur dit à ce moment-là en les plaçant dans l'ensemble de son enseignement, dans l’Église en devenir, qui me les a apportées dans une tradition séculaire. Mais quand je réfléchis, dans ce tableau aussi, l'Esprit Saint est présent, l’Esprit accompagne toujours le Fils ; le Fils de l'homme qui parle et agit est Dieu, il fait la volonté du Père, la Trinité vivante a donc coopéré à réaliser ce tableau - ce tableau d'autrefois qui nous est apporté et présenté aujourd'hui par le souffle et l’inspiration de l'Esprit -, je prends soudain conscience que ce tableau a des dimensions inconnues et que chacun de ses aspects doit être médité sous le souffle de l’Esprit. Les vides qui restent béants dans la parole figée de l’Écriture, plus encore les vides ouverts par ma compréhension limitée, sont franchis par l'Esprit qui était toujours inséparable de la parole du Fils et de toutes les circonstances de sa vie ; l'Esprit souffle aussi de toute sa force dans ma foi, dans ma mission, dans ses exigences à mon égard, maintenant justement quelque chose dont on a besoin pour un autre : pour une autre personne (que je connais ou non), pour l’Église dans son ensemble, pour le royaume de Dieu. Soufflant où il veut, l'Esprit se saisit aussi bien de la parole de l’Écriture que de ce qu'il y a de plus personnel dans le Seigneur, il se saisit aussi bien de l'âme du croyant que de la vie de l’Église. Tout ce qui a une réalité, même si ce n'est que du futur, est inclus dans ce souffle ; et ainsi celui qui médite comprend tout d'un coup que tout acte de prière et tout objet de méditation dans l'Esprit peut faire l'expérience d'une dilatation infinie dans des dimensions que seul connaît l'Esprit et dans lesquelles on doit se laisser conduire par lui (NB 11,27-28).


 

1199. L’Esprit créateur

Quand le Père et le Fils font procéder l'Esprit et que le Fils l'envoie, quand donc l'Esprit divin, qui était aussi l'Esprit créateur lors de la création du monde, vient à nous, ce n'est pas une image, un symbole de Dieu qui vient dans notre esprit, mais l'Esprit de Dieu lui-même (NB 10, n. 2147).


 

1200. L'Esprit est envoyé par le Fils et par le Père comme porteur de toutes les missions chrétiennes (NB 10, n. 2127).


 

1201. Le Seigneur devenu homme nous a fait le don de son Esprit

Avant même que se soit produit en nous l'abandon du péché, l'amour de l'Esprit était en nous. L'amour divin parfait, pur, c'est lui qui nous a saisis, ce n'est pas nous qui l'avons saisi. Nous ne pouvons pas accéder à cet infini par des définitions limitées, nous ne pouvons qu'en être surpris et bouleversé. Nous ne pouvons pas nous assimiler trait pour trait l'Esprit que nous avons saisi, mais nous devons tellement nous livrer sans calcul à l'amour qu'il nous atteigne en tout endroit de notre être et que nous ayons part à la nature de cet amour éternel qui commença à devenir visible dans la création et dans l'ancienne Alliance pour devenir pleinement objet d'expérience dans le Seigneur devenu homme, qui finalement nous a fait don de son Esprit (NB 10, n. 2147).

1202. L'Esprit est seul capable d'expliquer le sens du Christ

Le Fils devient homme par obéissance ; nous, en tant que créatures, en tant qu'êtres corporels avec de multiples sens de perception, nous avons beaucoup de possibilités de l'interpréter. Les uns ont vécu avec lui, d'autres comprennent sa parole, d'autres observent qu'il suit son Père comme un homme en suit un autre. Dans la mesure où nous devenons chrétiens, les différents chemins se rejoignent et nous pressentons quelque chose de son mystère central. Celui qui crée cet accès au Fils, c'est l'Esprit qui est seul capable d'expliquer le sens du Christ (NB 10, n. 2127).


 

1203. L’Esprit entreprend en nous la révélation de toute la Trinité

Nous devons laisser l'Esprit être en nous ce qu'il est. L'Esprit en nous entreprend en quelque sorte la révélation de toute la Trinité : le Père (dont il procède) demeure à l'arrière-plan, mais l'Esprit est pour nous le porteur de la parole du Fils, qui devient pour nous saisissable quand elle est portée par l'Esprit et insaisissable quand nous l'abordons avec notre propre esprit. Il ne suffit pas que j'aie tous les éléments d'un devoir de mathématiques, il faut de plus une concentration pour que surgisse la solution. L'Esprit est cette concentration ; dans les mathématiques, un instinct naturel peut suffire, mais nous n'avons pas d'instinct naturel pour la révélation surnaturelle de Dieu dans le Christ (NB 10, n. 2054).


 

1204. Chacune des paroles du Seigneur est portée par l’Esprit

Il y a un accès possible à la Trinité à partir de l'une ou l'autre donnée de la révélation biblique ; nous reconnaissons que chacune des paroles du Seigneur est portée par l'Esprit, nous faisons l'expérience dans l'Esprit du contenu de la parole et, à partir de là, nous apprenons à connaître le mystère de la Trinité (NB 10, n. 2054).


 

1205. Quand l’Esprit couvre la Mère

Comment l’Esprit devrait-il couvrir la Mère de son ombre sans renoncement ? Quand l’Esprit couvre la Mère, cela peut se comparer à l’œuvre procréatrice de l’homme sans que nous ayons à penser cette comparaison d’une manière anthropomorphique en quelque sorte. Mais le don de soi, la faiblesse en font intimement partie. Quand le Fils a accepté une vie humaine, l’Esprit a accepté un acte humain ; la vie humaine du Fils fut le fruit d’une vie divine, et l’acte humain de l’Esprit le fruit d’un acte divin ; l’incarnation de Dieu fut le résultat de cet acte en tant qu’action totalement divine (NB 9, n. 2011).


 

1206. Par l’Esprit, connaître le Père

Par l’Esprit du Fils nous apprenons à connaître le Père et nous devenons plus aptes à le voir. Plus quelqu’un a cet Esprit du Fils, qui est l’Esprit d’amour, plus il est capable de décrire et de montrer le visage intérieur du Père tel que le Fils le voit (NB 9, n. 1913).


 

1207. L’Esprit nous mène au Père et au Fils

Celui qui a reçu l’Esprit commence par l’adorer. Avant que l’Esprit ait commencé à agir en nous, il nous est étranger et nous ne le cherchons pas, ni en nous ni en dehors de nous. Mais parce que l’Esprit est l’amour, sa caractéristique est de transformer notre adoration de l’Esprit en adoration du Père et du Fils. Un signe en est qu’il ne reçoit jamais un symbole digne de lui : il apparaît comme flamme, langue, vent, colombe, dans des paraboles qui, en disparaissant, montrent peu de choses en comparaison de sa nature. Tout autre chose que lorsque le Fils paraît. Le Fils est l’enfant du Père et sa visibilité. L’Esprit est, dans sa manière d’apparaître, comme l’humilité de Dieu : il nous mène, au-delà de lui-même, au Père et au Fils (NB 9, n. 1566).


 

1208. L’Esprit ouvre sur le Christ et sur Dieu

La multiplication des règles (des ordres religieux) est une nouvelle proposition de l'Esprit Saint qui ouvre beaucoup de portes, qui parle en beaucoup de langues, afin que chacun ait l'occasion de trouver un chemin pour suivre totalement le Christ, pour aimer parfaitement Dieu et le prochain (NB 6,560).


 

1209. L'Esprit aime ouvrir de manière nouvelle les nombreuses possibilités d'accès à Dieu qui se trouvaient dans la création à l'origine (NB 6,552).

 

1210. L'Esprit Saint veut nous conduire au Père

L'Esprit Saint se donne du mal pour s'adapter aux conditions du monde pécheur. Un mal qui n'est pas sans ressemblance avec le mal que le Fils de l'homme se donne sur la croix. C'est un travail, une besogne de l'Esprit divin, car il doit chaque fois comprimer toute la vérité divine sous une forme étroite. Quand l'Esprit tombe sur quelqu'un dont la volonté est limitée, il doit accepter ces limites pour montrer à la personne concernée toute la vérité de Dieu et l'y introduire. Il ne peut ni abandonner la totalité de la vérité ni laisser la personne avec ses lacunes. Il doit montrer le tout de telle manière que l'homme limité y acquiesce un jour. Le pécheur est comme un élève aux capacités restreintes à qui le professeur doit à tout prix faire passer l'examen ; il doit s'adapter à ses connaissances, en chacune des matières, étant donné qu'on ne peut pas adapter l'examen. Dans l'œuvre de la rédemption, c'est ce à quoi l'Esprit Saint consacre toutes ses forces. Cependant tout se passe avec la plus grande douceur, de même qu'un professeur ne peut pas reprocher chaque jour à son élève sa sottise et ses insuffisances. L'Esprit nous a pris à son école et il a la patience de nous conduire jusqu'au Père (NB 6,561).


 

1211. Le but de l’Esprit : faire participer les croyants au dialogue de Dieu

En tant qu'Esprit du Créateur, l’Esprit était là au commencement du monde et il connaît toutes les dispositions que Dieu a mises dans les hommes à l'origine. Mais il se tient aussi, rempli de vénération, à côté du Fils, il n'oublie aucune des paroles et aucun des actes du Fils qui ouvrent aux hommes de nouveaux accès à la vie trinitaire. C'est qu'il est aussi l'Esprit de l'inspiration, il garde pour tous les temps ces paroles et ces actes, et il ne cesse de les rendre à nouveau féconds pour l’Église et pour les croyants afin qu'ils participent au dialogue de Dieu. Il semble tout d'abord être là comme un étranger, dont la tâche serait de percevoir avec une particulière attention les chances reçues par l'homme lors de la création et lors de la rédemption afin de les exploiter par la suite. Lors de l'exploitation, il est toujours plus concerné lui-même, pour le lieu justement où se déroulent le dialogue et l'échange (NB 6,547-548).


 

1212. L'amour que le Père allume dans sa créature continue à brûler grâce à la présence de l'Esprit Saint (NB 6,464-465).


 

1213. L’Esprit connaît le dessein originel de Dieu

L'Esprit qui était présent à la création connaît dès le début le dessein originel de Dieu qui n'a été changé ni par le mal ni par le bien que les hommes ont fait par la suite. Pour réaliser le projet originel, le Fils devait rassembler en lui tout le bon et tout le mal du monde et mourir sur la croix en tant qu'homme, nu et abandonné par Dieu. Cette tension extrême entre le "très bon" dont le Père parle lors de la création et la descente du Fils dans les ténèbres, l'Esprit l'enregistre comme l'unique réalité perpétuelle. Le fait qu'il ne cesse de l'introduire dans toutes les actualités passagères du temps du monde et d'en faire une nouvelle "règle", montre qu'il est toujours vivant. Entre le jour de la création, qui était un jour dans le ciel et sur la terre, et le jour de la croix, qui était un jour sur la terre et qui rend possible à nouveau des jours dans le ciel, il y a la tension de l'existence terrestre : vie terrestre et vie céleste, temps et éternité (NB 6,549).


 

1214. L’Esprit est l’amour qui unit le Père et le Fils

Au ciel, il y a l'Esprit éternel qui unit le Père éternel au Fils éternel. Entre eux, il est l'amour qui non seulement joue pour eux le rôle de lien, mais il procède des deux. C'est en partant de là qu'on peut se faire peut-être la meilleure image de la vie éternelle, parce que l'Esprit tourne entre le Père et le Fils et, du fait qu'en tournant il va et vient en même temps, il montre aussi qu'il n'a ni commencement ni fin. On ne peut pas l'empêcher de se répandre. Et dans le fait qu'il se répand, on peut distinguer deux aspects : l'être de l'Esprit en tant que lien qui tourne entre le Père et le Fils, et l'être de l'Esprit dans l'acte de sa sortie et de son retour. L'Esprit est donc être et devenir, il reste et il part, il demeure et il est acte qui ne cesse d'être posé. Ainsi en est-il de l'Esprit dans la vie éternelle (NB 6,441).


 

1215. L’Esprit nous montre le chemin vers le Fils

Pour la foi, il y a deux étapes par l'Esprit. L'Esprit nous saisit - Dieu nous trouve avant que nous le cherchions - et nous montre le chemin vers le Fils de la même manière qu'il a pris le Fils avec lui sur le chemin du monde jusqu'à Marie. Ou bien nous avons appris à connaître le Seigneur et nous nous sommes efforcés de nous donner à lui ; l'Esprit nous conduit alors à une meilleure compréhension de ce qu'est la foi, de ce qu'est Dieu Trinité et à une meilleure manière de nous donner à lui. Sans l'Esprit, nous en serions restés à attribuer au Fils le format de notre humanité, mais au niveau de la perfection. Ces limites que nous avions mises, l'Esprit les fait sauter non seulement pour amener notre foi au niveau du Fils qui nous dépasse toujours, mais aussi pour l'amener à la connaissance et à l'amour tels que l'Esprit lui-même les possède (NB 6,434).


 

1216. L’Esprit Saint veut nous rapprocher du Père et du Fils dans l'acte de l'amour et une totale disponibilité (NB 6,432).


 

1217. Le Fils offre surtout aux saints son obéissance, sa souffrance ; l'Esprit leur offre les manières de penser du Fils, la disponibilité (NB 6,393).

 

1218. L’Esprit apporte à la Mère la semence du Père, il apporte le Fils au monde (NB 6,394).

 

1219. L'Esprit a rendu possible l'incarnation, c'est lui qui a fait que la semence du Père devienne homme dans le sein de la Mère (NB 6,527).

 

1220. L’Esprit, porteur de la semence du Père

Comme le Fils sur la croix renonce à se connaître comme Dieu pour ne plus souffrir que comme un homme, il y a dans le porteur de la semence du Père, dans l’Esprit, un renoncement à sa qualité de Dieu, comme s’il n’était plus que le porteur du Fils sur mission du Père et comme s’il s’abaissait, dans ce rôle de fécondation de la Mère, non seulement jusqu’à devenir homme comme le Fils dans son incarnation et son humanité, mais jusqu’à devenir “spermatozoïde” humain, bien qu’il soit Dieu qui porte Dieu sur mission de Dieu. Ainsi, dans le cadre d’une mission divine, il renonce à son être de Dieu afin que la glorification du Père par le Fils soit parfaite et que, par là, la Mère ait part à la rédemption du monde par le Fils (NB 9, n. 2011).

 

1221. La liberté de l'Esprit est visible aussi dans le fait que c'est lui qui apporte le Fils ici-bas (NB 6,394).


 

1222. La Trinité vit en chaque baptisé, l'Esprit le ramène au Père par le Fils. Et comme le Père a en lui le Fils et l'Esprit, de même le pécheur converti est visité par le Fils et l'Esprit (NB 6,94).

 

1223. L'Esprit est pour le Fils l'exigence d'assumer la mission de conduire l'homme au Père (NB 6,94).

 

1224. L’Esprit conduit tout le monde au Seigneur

Les œuvres de l'Esprit sont immenses. Dans une communauté, dans une ville, etc., des milliers de vie se côtoient, partout il y a des approches, à des niveaux très divers, partout on peut reconnaître quelque chose de l'Esprit et pourtant on ne peut le fixer nulle part ; dans un ordre qui nous semble un pur désordre, il conduit tout le monde au Seigneur. Tous ceux qui ont reçu en eux une semence de Dieu sont touchés par l'Esprit des manières les plus variées, ils sont en chemin vers l'amour trinitaire. Bien que nous soyons chair, malgré notre esprit rebelle, nous avons reçu l'Esprit qui conduit à l'unité. Toutes les langues que nous ne comprenons pas nous deviennent compréhensibles dans l'Esprit. Nous ne comprenons rien tant que nous ne voyons l'autre que comme un étranger ; Dieu par contre, par l'Esprit Saint, voit en nous les frères de son Fils. Par le Fils et l'Esprit, le monde est en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu. En mettant en relation réciproque sa vie trinitaire et le monde, Dieu a créé un "perpetuum mobile" qui ne s'arrêtera jamais (NB 6,93).


 

1225. L'Esprit n'est pas "né" du Fils, il n'est pas la "parole" du Fils au Père comme le Fils est la Parole du Père (NB 6,89).


 

1226. L’Esprit doit être prodigué dans l’humanité

Il pourrait paraître étrange que le Père envoie le Fils et l'Esprit dans la même œuvre. Une raison en est que l'Esprit doit être prodigué dans l'humanité afin que le Christ homme reconnaisse le Père dans son prochain : dans la forme de l'Esprit sortant du Père (NB 6,85).


 

1227. L'Esprit du Fils nous met toujours sur le chemin du Père (NB 5,79-80).


 

1228. L'homme naturel a des mesures précises, sa taille, etc. Mais quand Dieu nous livre quelque chose de son Esprit, notre système de mesure se brouille (NB 5,229).


 

1229. Le Seigneur promet l’Esprit Saint

Parce que le chrétien nest pas capable de tout comprendre tout seul, le Seigneur promet l'Esprit Saint. Quand il descend sur les disciples, ils le ressentent comme un tourbillon qui transforme tout, qui les dote jusque dans leur corps de nouvelles capacités de foi. Sa force explosive les ouvre non seulement vers l'extérieur pour l'apostolat, mais également vers l'intérieur, il descend jusqu'au fondement du mystère du baptême pour s'y enfoncer lui-même. Le caractère incompréhensible du fait sacramentel d'être mort et ressuscité avec le Seigneur est si bien transformé par l'Esprit – par le sacrement de la confirmation – qu'il devient désormais le bien personnel du croyant (NB 5,142-143).


 

1230. L'Esprit Saint est comme un médiateur entre le Père et le Fils de l'homme, entre le Père et le croyant, entre le ciel et la terre (NB 4,156).


 

1231. L'Esprit, qui porte la semence du Père dans le sein de la Mère, accompagne durant toute sa vie la Mère qui a été rachetée à l'avance (NB 1/2, 145).


 

1232. Le Père et le Fils ont tous deux confié à l'Esprit le soin de montrer le juste chemin à Ève aussi bien qu'à Marie. Mais pendant que l'Esprit parle, Ève commence déjà à ne plus écouter tandis que Marie l'écoute attentivement et veut se familiariser avec sa parole (NB 1/2, 162).

 

1233. L’Esprit est à la disposition du Père pour porter sa semence sur la terre (NB 1/2, 106).

 

1234. L’Esprit ne fait qu'indiquer au Fils devenu homme la grandeur du péché de l'humanité, la profondeur de l'offense faite au Père (NB 6,409).

 

1235. L’Esprit introduit le Fils à la souffrance

Pour le Fils, l'Esprit est la mesure non de la quantité et de la durée des souffrances, mais de ce qui serait objectivement à faire pour le péché du point de vue du monde. Quand le Fils regarde la grandeur de l'offense faite au Père, il est prêt en toute liberté à supporter jusqu'au bout les souffrances que le Père a fixées. En regardant le Père, il ne cesse de s'engager dans une nouvelle souffrance. Il persévère dans une disponibilité toujours plus grande étant donné qu'on ne lui montre pas la limite supérieure de ce qu'il doit atteindre. Le Fils comme l'Esprit accomplissent maintenant, dans la souffrance, leur mission sans mesure. C'est le Père qui doit mesurer et fixer. Le Fils reste ouvert à la souffrance, l'Esprit également en l'introduisant à la souffrance (NB 6,409-410).

 

1236. Le Fils mourant remet l’Esprit au Père

Le Fils mourant remet l'Esprit entre les mains du Père. L'Esprit ne retourne pas au Père de son propre mouvement, il est remis. C'est un dernier consentement du Fils à la croix que le Père lui a donnée. Il fait partie de la mission du Fils et de l'Esprit qu'ils se séparent à la croix. Comme si le Fils devait provoquer lui-même son ultime abandon. Le Père et l'Esprit ne parlent plus, c'est le Fils seul qui dit : "Je rends". Ce n'est ni de la théorie, ni de la contemplation, c'est un acte. "Entre tes mains" veut dire : à toi qui m'as donné ma mission. La mission de l'Esprit pour accompagner le Fils est terminée, et le Fils ne le renvoie pas n'importe où, mais entre les mains du Père ; par cet envoi, il prend un ultime soin de l'Esprit. En retournant au Père, c'est l'Esprit qui obéit au Fils. Tant que le Fils avait auprès de lui l'Esprit comme règle, il obéissait à l'Esprit. Maintenant c'est l'Esprit qui obéit au Fils en retournant au Père dans une obéissance qui leur est commune. Le Fils commence ainsi à envoyer l'Esprit, ce qu'il achèvera après Pâques : il l'envoie d'abord au Père, il l’enverra par la suite à l’Église et au monde (NB 6,410-411).

 

1237. Le Père nous envoie l’Esprit pour nous aider à aimer le Fils

Par l'Esprit qui lui est donné, l'homme pécheur reçoit une impulsion pour se détourner du péché. C'est l'Esprit qui découvre le péché dans le pécheur, lui donne un nom, l'éclaire. L'Esprit que le Père nous envoie à nous pécheurs crée une sorte de facilité pour commencer à aimer le Fils (NB 6,85).

 

1238. L’Esprit est dans l’homme le représentant du Père

L'Esprit couvre la Mère de son ombre et fait que le Fils devienne homme ; comme porteur de la semence, il est le représentant du Père. Il est également le représentant du Père dans le Fils qui agit : en tant que rappel, conduite, soutien, consolation. Il l'est également dans le prochain du Fils en devenant en eux à sa place l'image et le représentant du Père. Nulle part l'Esprit n'agit seul, mais il accomplit la mission du Père pour rendre possible la mission du Fils à tout point de vue (NB 6,85).

 

1239. L’Esprit attire après lui le Père et le Fils

Pour l'incarnation, l'Esprit est le porteur de la semence du Père. Il reçoit ainsi la propriété générale d'être dans le monde la semence de Dieu, de rendre Dieu présent. Humainement parlant, c'est pour ainsi dire une manière de rattraper le "désavantage" d'être en Dieu celui qui vient en dernier. Dieu est toujours majeur, bien sûr, et pourtant il peut nous sembler que l'Esprit reçoit, à l'occasion de l'incarnation du Fils, une nouvelle forme de majorité divine. C'est-à-dire qu'il peut désormais venir en n'importe quel lieu du monde comme une semence de Dieu, comme une prémisse de Dieu. Il est souvent comme une semence qui tombe d'abord sur un sol pierreux, qui ne peut pas lever, à laquelle on ne fait pas attention. Personne ne sait qu'en cet endroit, derrière ce mot ou cet acte est cachée une semence de Dieu. Un jour arrive quelqu'un qui remue un peu le sol, qui arrose ce qui était sec, et maintenant, sans changer de place, la semence peut lever et pousser. Maintenant la vie trinitaire s'éveille aussi là, l'Esprit semble attirer derrière lui le Père et le Fils. Il apparaît comme celui qui engendre et celui qui rend visible le mystère, comme autrefois il a apporté le Fils à Marie et l'a rendu visible. En rendant visibles le Père et le Fils de manière nouvelle, il se fait connaître lui-même comme Esprit divin. Durant sa vie, le Fils s'est employé à glorifier le Père jusqu'à l'instant où il a dit : "Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils" ; il scellait par là le fondement de la nouvelle Alliance : la glorification réciproque du Père et du Fils ; de même quand l'Esprit est éveillé le premier, il attire après lui le Père et le Fils ; en renvoyant aux deux, il est rendu visible par les deux (NB 6,425-426).

 

1240. En envoyant l'Esprit au Fils et au pécheur, le Père donne à ce dernier la possibilité de recevoir le Fils afin que sa prodigalité ne soit pas simplement vaine (NB 6,86).

 

1241. Dieu m'envoie son Esprit pour que je l'aime en retour

Que fait un fiancé qui aime sa fiancée plus qu'elle ne l'aime ? Il peut lui donner de son amour à lui afin qu'elle l'aime en retour avec son amour à lui. Il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d'elle en retour. Dieu peut faire de même : il m'envoie son Esprit et je l'aime en retour avec cet Esprit. C'est ainsi que fait le Seigneur avec son Église (NB 4,423).

 

1242. La tâche principale de l’Esprit : être envoyé

La tâche principale de l'Esprit est d'être là pour être envoyé. Il est impensable que l'Esprit ne soit plus envoyé. Le Père qui envoie le Fils est unique ; mais quand l'Esprit est envoyé, il y en a deux qui l'envoient, si bien qu'il est impossible de se représenter un point de repos pour l'Esprit qui est envoyé, parce que le lieu d'où il sort est le mouvement entre le Père et le Fils eux-mêmes. Le Père et le Fils l'envoient de la même manière et en même temps, en un mouvement unique, dans lequel on ne peut distinguer la part de chacun, ils l'envoient dans la communauté toujours naissante de l'envoi (NB 6,395).

 

1243. Le Fils envoie l’Esprit

Dans la nouvelle Alliance, le Fils devient porteur de l'Esprit et l'envoie, mais l'Esprit prend des formes concrètes : la colombe lors du baptême, les langues de feu à la Pentecôte. Celles-ci sont surtout là pour montrer sa suprême réalité et sa suprême efficacité afin qu'on ne confonde pas le Fils et l'Esprit, ou qu'on ne les mette pas au même niveau, alors qu'en réalité chacun des deux suppose l'autre et le remplace à l'occasion. Les deux sont intimement associés, mais les personnes et leurs modes d'action restent distincts (NB 6,441).

 

1244. Le Fils envoie l'Esprit sur le monde (NB 10, n. 2183).

 

1245. Le Fils communique l’Esprit

Il est pour ainsi dire exigé de Dieu beaucoup plus d'amour s'il s'agit de racheter sur la croix le monde pécheur que de répandre son Esprit dans un monde qui n'aurait pas péché. Bien que l'Esprit soit l'amour, on peut comprendre qu'il y ait une augmentation d'amour dans le fait que le Père se laisse retirer du cœur son Fils unique et bien-aimé, dans le fait que, pour sauver le monde, ne soit pas seulement requis l'envoi de l'Esprit mais aussi celui du Fils. Ce qui se passe maintenant, c'est que non seulement l'Esprit introduit l'œuvre du Fils, l'accompagne constamment et l'achève, mais que le Fils aussi communique l'Esprit, l'envoie et l'intègre à l’Église de bien des manières. Le Fils a dû faire son œuvre de rédemption pour que l'Esprit trouve sa place dans la nouvelle Alliance. Cette place, l'Esprit l'a trouvée, il a reçu le rôle qu'il aurait dû jouer dans un monde sans péché, qu'il joue maintenant aussi dans le monde sauvé du péché, il achève ainsi l'œuvre de la création du Père (NB 6,399-400).

 

1246. L’Esprit Saint : don du Père aux hommes

S'il n'y avait pas eu de péché, l’Esprit Saint aurait été le don permanent du Père aux hommes. Dans son Esprit, Dieu aurait gardé près de lui sa création et en elle chaque homme. Pour les hommes, l'Esprit aurait été ce qui en Dieu était le plus compréhensible. Comme Adam et Ève au paradis, ils auraient sans cesse entendu Dieu grâce à l'entremise de l'Esprit, ce qui aujourd'hui caractérise surtout les saints ; leur marque distinctive aurait été d'être des récepteurs de l'Esprit (NB 6,393).

 

1247. L’Esprit provient d’une source qui est Dieu

Parler du Fils ne nous est pas difficile parce que nous l'avons vu en tant qu'incarné et que nous connaissons ses paroles et son amour. Mais que peut-on dire de l'Esprit ? Nous pouvons tenter une comparaison : nous, les hommes, nous sommes corps, âme et esprit, et nous voyons en quelque sorte notre esprit comme issu de notre existence corps et âme. Il s'avère que l'Esprit Saint aussi est quelqu'un qui ne cesse de procéder, qu'il provient d'une source qui est Dieu. Sans un corps animé par une âme, nous n'aurions pas un esprit dans le monde ; l'Esprit divin non plus n'existerait pas sans sa source, même s'il n'y a entre les deux relations qu'une vague ressemblance. Il y a comme un jeu entre notre corps doté d'une âme et notre esprit. Peut-être que le Père aussi joue un peu avec le Fils et l'Esprit Saint. Avec le Fils, en le prenant si bien au sérieux que, sur la croix, il se dérobe à sa vue. Et avec l'Esprit (qui est liberté) aussi, de telle manière qu'il le fait sortir sans cesse de lui, comme s'il le tenait par là dans une dépendance. Le jeu consiste justement dans le fait que cette dépendance est pour l'Esprit parfaite liberté (NB 6,428-429).

 

1248. Après le séjour du Fils sur la terre, l’Esprit est devenu pour nous beaucoup moins abstrait qu’auparavant. Surtout parce que nous pouvons observer dans le Fils les effets de l’Esprit (NB 4,171-172).


 

2. L’Esprit et l’Église


 

1249. L’Esprit souffle à travers toute l’Église

Quand l'Esprit Saint se présente et se montre sous l'une ou l'autre forme, il y a dans la rencontre avec lui le fait qu'on est élevé en lui, et cela ne semble pas tout d'abord changer la qualité de la prière. L'Esprit est là, celui qui prie aussi ; celui qui prie sait que l'Esprit viendra à la Pentecôte, qu'il est toujours déjà en train de venir, et que cette venue signifie un mouvement de Dieu qui doit être continué dans l'Église et dans le monde. L'Esprit illumine ceux qui prient afin qu'ils rayonnent eux-mêmes l'Esprit. Pour beaucoup, ceci est difficile parce qu'ils sont tellement liés: à eux-mêmes, à leur milieu, à leurs expériences, ils ne sont pas habitués à réduire leur liberté, et même parfois à y renoncer totalement. Ils n'ont aucun usage de la grande liberté du chrétien dans l'Esprit Saint et ainsi leur manque de liberté ne leur permet pas de recevoir dignement l'Esprit. Pourtant il souffle à travers toute l'Église et il veut se communiquer à la Pentecôte de manière plus éclatante que d'habitude et descendre sur chacun (NB 10, n. 2285).


 

1250. Le Seigneur a l’Esprit Saint pour règle et il transmet ensuite cet Esprit à l’Église (NB 9, n. 1900).


 

1251. L’Esprit est un Esprit d’amour qui unit le Christ et l’Eglise

Le Fils devient homme par l'Esprit Saint quand l'Esprit descendit verticalement sur la Mère pour la couvrir de son ombre. Depuis lors, par le baptême et la confirmation, cette descente verticale de l'Esprit divin sur les humains est toujours possible. C'est un autre processus que lors de la création. C'est un acte particulier, indépendant, pour qu'on reçoive le don de l'Esprit. Si le croyant reçoit cet Esprit dans l'humilité, l'Esprit lui donne la possibilité d'accomplir les actes de l'Esprit. Mais parce que le Christ a donné cet Esprit à l’Église et qu'il est un Esprit d'amour, il unit constamment l’Époux et l’épouse (NB 6,437-438).


 

1252. En tout véritable croyant l'Esprit Saint joue un rôle primordial (NB 3,219).


 

1253. Le Seigneur répandra l’Esprit à la Pentecôte sur toute l’Église (NB 1/2, 171).

 

1254. L'Esprit entre dans l’Église en tant qu'Esprit de l'épouse (NB 2,30).

 

1255. L'Esprit est communiqué à l'Eglise à Pâques (NB 6,84).


 

3. S’ouvrir à l’Esprit

1256. Être donné à l’Esprit

Si nous sommes donnés à l'Esprit, nous devons aussi le laisser gouverner spirituellement notre chair et ne pas imaginer que nous pourrions nous donner spirituellement tout en mettant mille réserves et clauses en ce qui concerne notre corporéité (NB 12,182).

1257. Transparence à l’Esprit

La transparence à l'Esprit peut être comme un dépaysement : je ne sais plus qui je suis, tu ne sais plus qui tu es, mais ensemble nous sommes quelque chose qui fait partie de la joie de Dieu. Cette joie n'a rien de dangereux, elle n'a rien d'arrogant, elle est offerte par Dieu et façonnée par lui (NB 12,102).


 

1258. Ne pas étouffer l’Esprit

Je sais exactement que mes actes sont marqués par l'Esprit si je suis dans la main de Dieu. Je dois faire attention avant tout à ce qui en moi est de Dieu. Je n'ai pas le droit d'étouffer un mouvement dont je sais qu'il provient de l'Esprit de Dieu (NB 11,39).

 

1259. Rester dans l’unité de l’Esprit

Dans la prière de saint Ignace : « Donne-moi ton amour et ta grâce, cela me suffit ». Sans la grâce et l'amour, je ne peux pas vivre pour toi. Ce n'est qu'avec ton amour et ta grâce que je peux rester dans la prière. La grâce et l'amour sont l'expression de ce que Dieu Trinité peut donner à l'homme pour qu'il reste fidèle dans sa prière et pour que celle-ci ne devienne pas une production devant Dieu, quelque chose qui repousse Dieu toujours plus loin, mais quelque chose qui demeure uni à l'Esprit Saint. Rester ainsi dans l'unité de l'Esprit est toute la richesse de l'homme, et la prière est la preuve que l'Esprit de Dieu habite en lui (NB 11,39).

 

1260. Chaque épisode de la vie d'un envoyé devrait déboucher sur une remise de lui-même à la direction de l'Esprit (NB 11,262).

 

1261. L’obéissance à l’Esprit Saint

Quand nous qui sommes croyants, nous essayons de tirer le meilleur parti de l'instant présent, de vivre dans une joie qui semble parfois irréfléchie, nous pouvons et devons aussi le faire dans une obéissance à l'Esprit Saint. Ceci exige alors que nous soyons prêts à laisser tout de suite changer notre état d'âme si c'est nécessaire, que nous ne dédaignions certes pas l'instant présent parce qu'il est un beau cadeau de Dieu, mais que notre disponibilité ne soit pas réduite par la joie (NB 11,324).


 

1262. Docilité à l’Esprit

Le renoncement à se posséder soi-même totalement expose toujours l'homme au libre souffle de l'Esprit. La pauvreté est le renoncement à ce qui a été ; la virginité est le renoncement à ce qui a été rêvé ; l'obéissance est le renoncement toujours nouveau à tout, et elle est de ce fait l'imploration d'un souffle permanent de l'Esprit qui vide tellement l'âme qu'il n'y a plus de place en elle que pour la docilité à l'Esprit (NB 11,25).

 

1263. L’Esprit garde toujours pour l’homme son caractère imprévisible

Celui qui s'offre à l'Esprit de Dieu, le fait dans une certaine incertitude. L'Esprit garde toujours pour l'homme son caractère imprévisible et il présente aussi cette caractéristique pour l'homme qui s'est livré à lui. Cela provient du fait que l'Esprit procède éternellement du Père et du Fils ; c'est pourquoi, dès l’origine, il est caractérisé comme celui qui s'adapte au dessein du Père et aux vues du Fils bien qu'il soit Dieu et, qu'en tant que Dieu, il sache toujours ce qu'il fait. Il le sait, mais il le fait en s'adaptant (NB 11,26).


 

1264. Une vraie rencontre de l’Esprit

Là où il y a une vraie rencontre de l'Esprit, il y a une conversion, il y a une orientation vers Dieu Trinité, qui est portée et produite par l'Esprit. Celui qui prie posséderait alors la possibilité d'expérimenter d'innombrables choses dont il n'avait jusque là aucune idée, mais la possibilité aussi de faire beaucoup de choses et de rayonner ce qu'il vient de recevoir de l'Esprit ; ce serait un nouvel amour, une nouvelle vie (NB 10, n. 2285).

 

1265. Aimer l’Esprit Saint

La meilleure manière d’aimer l'Esprit Saint, c'est de lui obéir. Plus on lui obéit, plus on ressent son amour. Mais il y a aussi ceci : il prélève dans son action la réponse de mon amour pour lui. Il ne nous aimerait pas tant si on ne l'aimait pas lui-même aussi ; ceci est visible dans les manifestations de l'amour. Si on veut le recevoir comme il se donne lui-même, notre réponse à son amour n'a pas le droit de le fixer sur ce qu'il a en vue. On doit pour ainsi dire lui donner la permission de présumer notre réponse telle qu'il en a besoin et de la fixer lui-même. On devient alors toujours plus sensible pour les cas où, malgré tout l'amour qu'on a, on se permet encore de décider soi-même, on apprend toujours mieux à connaître les organes de l'âme avec lesquels on doit répondre, comment on fait pour n'être que réceptif également dans l'amour le plus fort, si bien qu'on ne se gouverne plus soi-même, lui seul le fait. Même si ce qui nous est propre et qu'on voudrait donner n'est pas visible alors, le plus grand cadeau est pourtant de savoir que cela devient invisible sous sa direction. Plus on aime, plus on est aimé de lui, infiniment, parce que son amour est infini et que le point où l'on pense ressentir cet amour n'est plus un point mais il est tout. Il peut faire de nous ce qu'il veut. Il tient l'âme quand elle sait qu'elle aime, mais aussi quand elle ne le sait pas, et il l'aime, elle et tous les autres, même quand personne ne le sait plus. Sa lumière luit quand notre lumière est obscure (NB 10, n. 2316).


 

1266. Vivre dans l'ouverture à Dieu afin qu'on puisse entendre l'Esprit (NB 10, n. 2149).


 

1267. Entrer dans la sphère de l’Esprit Saint

En 1950, Adrienne dit un jour au P. Balthasar : Quand je suis venue à vous afin de recevoir un enseignement pour convertis, j'ai appris beaucoup de choses sur la vérité chrétienne. Mais je fus aussi tenue dans une obéissance « à courte bride ». Des choses furent données et durent être faites. Une mère ordonne à son enfant : va me chercher la corbeille à ouvrage dans la pièce à côté. L'enfant le fait, l'obéissance semble alors terminée. Mais l'enfant reste à portée de voix et il peut à nouveau être envoyé ailleurs par sa mère. Ce fait de « rester à portée de voix » me fit, durant l'enseignement, la plus grande impression. On était quitte avec aucun acte. On pouvait toujours être appelé. Tout cela devait s'intégrer à toute ma conception de la vie et à mon quotidien. Des tournants, des mises au point, des extensions étaient à opérer, et cela sans en voir la fin. Tout était inséré dans le mouvement, dans la montée vers le domaine catholique. C'est cette montée que les apôtres vivaient dans leur quotidien après s'être mis à suivre le Seigneur. Elle est le signe qu'ils étaient entrés dans la sphère de l'Esprit Saint (NB 10, n. 2127).


 

1268. Une personne se présente au Seigneur, s'ouvre dans l'Esprit Saint (NB 10, n. 2104).


 

1269. L’Esprit se tient disponible pour chaque croyant

L'Esprit se tient disponible pour chaque croyant, il est prêt à lui donner plus que ce que le croyant tient pour possible. Et à vrai dire toujours plus. Quelqu'un pense : cette ville, je peux bien la visiter tout seul, j'ai un plan. Mais il décide finalement de prendre un guide, et celui-ci lui dit dès le début un tas de choses qu'il n'aurait pas remarquées lui-même. Et par ce qu'il dit, on est encouragé à lui poser davantage de questions. C'est la caractéristique de l'Esprit de s'engager davantage si on l'interroge davantage. Nous devrions être beaucoup plus éveillés pour les questions, car toutes les réponses sont prêtes dans l'Esprit. Il y a surtout la possibilité d'éveiller dans l'Esprit Saint les questions qui sommeillent en nous. Dans le peuple croyant, la plupart des gens n'ont plus guère aujourd'hui de vraies questions, du moins des questions qui concernent la foi. On possède sa foi casée quelque part et on est content. Si on l'explorait, la plus grande partie en serait peut-être de la superstition. Les occasions qu'offre l'Esprit, on les laisse filer sans les utiliser (NB 10, n. 2050).


 

1270. Possibilité pour tous de dire oui à l’Esprit

Le oui de la Mère va à l'Esprit par l'ange et il ouvre pour nous tous la possibilité de dire oui à l'Esprit afin que l'Esprit porte en nous le Fils et le Fils l'Esprit. Le oui est l'acquiescement à ce mystère en Dieu qui les fait se porter l'un l'autre ; l'acquiescement le plus profond se trouve naturellement en Dieu lui-même mais, par Marie, l'homme reçoit dans la grâce la possibilité d'y avoir part (NB 10, n. 2054).


 

1271. Le chrétien qui se livre à l’action de l’Esprit (NB 9, n. 2011).


 

1272. Quand l’Esprit souffle vraiment

Il y a l’instant où les apôtres reçoivent l’Esprit et en sont ivres et parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles qui cependant sont comprises. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Chacun peut se sentir interpellé et peut collaborer, chacun peut correspondre. Quand l’Esprit souffle vraiment, personne ne peut dire : “Moi, il ne m’a pas atteint” ; ou : “Je n’ai rien compris, c’était pour moi irréalisable”. Chacun doit comprendre. Il m’a été dit quelque chose vis-à-vis de quoi je pourrai vraiment prendre position, que je pourrai exécuter d’une manière ou d’une autre (NB 9, n. 1988).

1273. L’Esprit peut inquiéter longtemps quelqu’un avant qu’il comprenne et fasse ce que veut l’Esprit (NB 9, n. 1554).

 

1274. Ce que veut l’Esprit

Si on a perçu un jour comme venant de l'Esprit une parole intérieure, on essaiera d'adopter l'attitude qui correspond à l'Esprit. Mon moi devient secondaire, car il ne s'agit pas de moi mais de ce que veut l'Esprit. J'ai compris ce qu'il voulait dire, où il voulait intervenir ; désormais j'orienterai mon esprit de telle sorte que la rencontre avec l'Esprit soit possible (NB 10, n. 2148).


 

1275. L’homme ne saisit jamais totalement l’Esprit

Quand l’Esprit descend sur l’homme, il ne se fait pas un assemblage d’Esprit et d’homme, car d’un côté l’homme ne saisit jamais totalement l’Esprit : il le reçoit selon ses capacités , mais d’un autre côté, l’Esprit saisit l’homme totalement. La descente toujours nouvelle de l’Esprit Saint se fait en fonction de ce que le croyant apporte à l’Esprit Saint. De même qu’un chercheur remonte aux recherches antérieures dans le même domaine, de même l’Esprit se répand non sans tenir compte de ce qui est arrivé par lui dans l’Église. L’Esprit de science descend sur ce qui, dans l’Église, vit de l’Esprit de science (NB 9, n. 1562).

 

1276. Tout ce qui provient de l’Esprit est inépuisable (NB 9, n. 1562).


 

1277. Reçois mon intelligence(Prière de saint Ignace) : laisser faire Dieu en soi sans contrôle, renoncement à son propre esprit qui laisse à l’Esprit toute liberté (NB 9, n. 1273).


 

1278. Pour saint Irénée, il y a sept attitudes fondamentales de l’homme pour correspondre à l’Esprit Saint : vœu, obéissance, chasteté, modération, fidélité-discipline, tradition, foi (NB 9, n. 1401).


 

1279. Différentes manières de posséder l’Esprit

Le rapport avec l’Esprit Saint est différent de celui qu’on a avec les deux autres personnes : on peut appartenir totalement au Père, on peut posséder totalement le Christ, lui appartenir totalement. Mais pour cela même, pendant longtemps encore on ne doit pas posséder l’Esprit Saint. L’Esprit est en quelque sorte l’ultime, l’accomplissement. Il est également essentiellement différent en tout. Par exemple, Saint Ignace et saint François ne le possèdent pas du tout de la même façon. Les leaders et les champions le possèdent d’une manière particulière. Un cantonnier par exemple n’en a guère besoin comme un prêtre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas être un très brave homme qui ira tout de suite au ciel. L’Esprit Saint est étroitement lié au ministère et à la mission de chacun et, suivant la fonction des uns et des autres, chacun possède l’Esprit d’une manière ou d’une autre (NB 8, n. 454).


 

1280. Ce que l’Esprit prévoit pour nous

Celui qui, pour la première fois, découvre la différence entre son (bon) vouloir et la volonté de Dieu, dira peut-être bientôt à Dieu : "Je veux tout ce que tu veux". Il imagine alors que Dieu exigera sans doute de lui un peu plus que ce que lui-même aurait exigé. Depuis longtemps peut-être, Dieu a déjà indiqué lui-même une direction précise où pourrait se trouver sa volonté. Mais quand cela devient sérieux, le point où il intervient se trouve tout à fait ailleurs. Ce n'est qu'alors que l'homme voit que cette direction qui semblait bien déterminée n'était pas si déterminée que ça. Il le voit en jetant un regard en arrière sur une ligne de rupture que Dieu a soudain franchie. La rupture s'est produite quand il a arraché à l'homme son accord et qu'il a commencé à opérer avec lui comme il l'entend. Il agit et l'homme n'a plus à donner son avis. Il a été préparé, façonné, accompagné, un certain temps. Puis tout d'un coup il est dépassé. Un calcul de hautes mathématiques est effectué dont il n'est pas supposé que l'homme le suive. Il reste dans l'incertitude. Également pour ce qui est du temps, car cela peut sembler durer sans fin. Notre offre maximale n'est toujours qu'un petit bout de ce que l'Esprit prévoit pour nous (NB 6,446-447).


 

1281. Faire ce que je veux ou faire ce que veut l’Esprit

Il n'y a que deux possibilités : ou bien je fais ce que moi, je veux (en accord avec l'Esprit ou contre lui), ou bien je fais ce que l'Esprit veut (en accord avec moi ou contre moi). Il n'y a là ni milieu ni compromis. A l'occasion, je peux vouloir le bien, car je ne suis pas si mauvais que je ne veuille que le mal. Naturellement avec la grâce. Mais ce peut être un jeu de l'Esprit de me laisser d'abord faire le bien que je veux, ce qui me correspond, ce qui correspond à mes talents, à ma personnalité, à mon orientation. Certes dans le cadre de ce qui est chrétien. Mais cette volonté qui est la mienne peut être ensuite soumise par l'Esprit à un examen (NB 6,445).


 

1282. Être disponible à l’Esprit

Si nous sommes unis à Dieu dans l'amour et si nous reconnaissons l'Esprit d'amour dans l'Esprit Saint qui nous est donné, il va de soi que cet Esprit doit agir en nous selon ce qu'il est dans le ciel. Pour que cet Esprit demeure en nous, nous n'avons pas le droit de le dépouiller de ses qualités pour mettre les nôtres à leur place. Nous devons lui être si bien disponibles que, malgré nos défaillances, il puisse agir par nous d'une manière tant soit peu reconnaissable. Il doit rester l'Esprit d'amour (NB 6,443).

 

1283. L’Esprit Saint est toujours accessible aux croyants

L’Esprit Saint est disponible, il est constamment accessible aux croyants par l’Église et par sa relation au Seigneur. Et ce qui vaut pour l’Église dans son ensemble vaut aussi pour chaque membre pris isolément : en tant que grâce sanctifiante, l'Esprit demeure, il est horizontal en nous et il ne cesse de l'être d'une manière active et toujours nouvelle pour toute la conduite chrétienne, également pour chaque réception des sacrements (NB 6,438).


 

1284. Nous n'avons pas le droit de penser que l'Esprit nous guide si nos chemins ne sont pas tracés dans l’Écriture (NB 6,435).


 

1285. Notre esprit doit être réceptif et noter où et quand l'Esprit a agi ; nous devons acquérir avec lui une certaine familiarité (NB 6,435).


 

1286. Donner toujours plus d’importance à l’Esprit

Si l'Esprit se tient clairement tout près de moi, je lui donne toujours plus d'importance afin qu'il règle tout entre lui et moi. C'est un processus qui aboutit à ce que, vide de moi-même, je laisse au Christ toute la place pour vivre en moi (NB 6,425).


 

1287. L’Esprit sait

L'Esprit sait où l'être humain doit regarder et où il doit aller pour être en Dieu et pour faire comme il faut le pas suivant avec Dieu. Un savoir qui ne requiert pas un ravissement, qui ne requiert pas d'être dans l'Esprit, mais qui est simplement humain et qui est pourtant en même temps influencé par Dieu. Cela se trouve au point de rencontre de la nature et de la surnature, et cela donne à l'être humain de voir clairement comment il doit se conduire dans la grâce (NB 6,391-392).


 

1288. Comprendre l’Esprit

La compréhension de l'Esprit n'est possible que dans l'amour du Fils : cet amour est le miroir dans lequel on comprend ce qui est juste et ce qui est mauvais. Le manque de compréhension est dans le domaine chrétien un manque d'amour parce que le Fils et l'Esprit se rencontrent sans arrêt dans le chrétien pour engendrer et féconder, de même que sans arrêt ils sortent du Père (NB 6,94).

 

1289. Comprendre le Fils et comprendre l’Esprit

Le Fils est devenu compréhensible pour nous par l'incarnation et, de la sorte, le Père l'est devenu aussi d'une certaine manière, en tant qu'il est le Père de celui qui s'est incarné. L'Esprit Saint ne devient pas évident pour nous parce qu'en partant de ce qu'il fait, il ne nous est pas permis de nous faire de lui une idée claire et nette. Le boulanger n'est pas seulement celui qui fait le pain ou le prêtre seulement celui qui donne la communion, de même l'Esprit n'est pas seulement celui qui couvre Marie de son ombre, qui descend sous la forme d'une colombe lors du baptême de Jésus ou qui a les sept dons, etc. Nous nous approchons peut-être davantage de lui si nous partons de la propriété qui est la sienne d'être semence : aussi bien quand il se dévoile expressément avec la force de la semence que là où il personnifie en tant que semence l'unité du Père et du Fils si bien qu'il n'apparaît qu'uni à eux et qu'il n'est plus représentable isolément (NB 6,431).


 

1290. Être conduit par l’Esprit

Par le baptême, l'homme devient capable de percevoir l'Esprit. Mais pour qu'il soit aussi conduit par l'Esprit, deux choses sont nécessaires. La première est qu'il désire ardemment l'Esprit, qu'il le veuille réellement. La deuxième, qu'il cherche à le connaître. Dès le baptême, les germes de ces deux efforts sont déjà semés. Plus tard, en toute rencontre de l'Esprit, un nouveau germe sera implanté ; l'homme est comme un champ qui a besoin de beaucoup de grains pour que les semences poussent (NB 6,434).

 

1291. Se laisser conduire par l’Esprit

Parce que la conduite de l'Esprit le donne toujours lui-même - il est celui qui souffle, qui ne cesse de procéder, qui ne s'arrête jamais, qui est dynamique -, cette conduite donne beaucoup de prière. Il ne s'agit pas tellement de nos intentions de prière ni de la sorte de prière que nous pratiquons. Ce doit être une prière de la plus grande proximité possible avec Dieu. Une prière qui laisse faire, qui se tient ouverte, si bien que l'Esprit peut y souffler partout. Une prière qui s'offre, une prière de disponibilité qui est presque sans objet. Ou bien une prière tournée vers le Fils (NB 6,436-437).

 

1292. L'Esprit se sert de ma vie, peu importe ce qu'elle est, pour me conduire là où il veut (NB 6,437).


 

1293. Il y a en l'homme quelque chose d'obscur qui s'intéresse au péché. Par le baptême quelque chose entre en lui qui s'intéresse au contraire du péché et ceci provient de l'Esprit (NB 6,84).


 

1294. Laisser opérer en soi l’Esprit de Dieu

Il est très difficile de laisser opérer en soi l'Esprit de Dieu, sans avoir voix au chapitre, sans réagir personnellement, sans exprimer ni désir ni préférence. Il faut qu'il y ait dans son propre esprit un don de soi absolu parce que maintenant, dans l'union intime entre l'Esprit de Dieu et celui de l'homme, toute l'action se trouve du côté de l'Esprit de Dieu (NB 5,284).


 

1295. Garder l’Esprit vivant

Que doit-on faire pour garder l'Esprit vivant ? Tout ramener à l'instant où le Seigneur offre son Esprit à l’Église. Considérer de manière neuve la vitalité de l'Esprit, aimer cette vitalité, s'y prêter. La foi, l'amour, l'espérance, tels que saint Paul les décrit, sont bien une inspiration directe de l'Esprit Saint, ils n'ont rien à faire avec mon amour calculateur, ma foi calculatrice, mon espérance calculatrice. Le calcul arrive toujours après coup quand on renie l'Esprit (NB 4,424).


 

1296. Accueillir l’Esprit en tant que compagnon de vie

Saint Basile accueille l’Esprit, et à vrai dire pas pour un instant seulement, il l'accueille en tant que compagnon de sa vie, qui ne cesse pas de lui confier des mystères que lui, Basile, doit mettre en lumière de sorte que cela devienne sa propre mission. Quoi qu'il écrive et prêche, et aussi toutes ses relations avec les hommes, particulièrement avec ceux qui lui sont confiés , tout est pénétré de cette responsabilité de l'Esprit (NB 2,63).

 

1297. Se laisser conduire par l’Esprit

La mission de saint Benoît Labre est de se laisser conduire par l'Esprit, qui porte et représente le mystère de Dieu, de telle manière que le mystère reste continuellement dans l'Esprit. Il est attiré à la fois par l'Esprit et par le mystère (NB 2,72).

 

1298. Serviteur de l’Esprit

Saint Antoine le Grand sait que seul l'Esprit rend possible de donner à l'incarnation de Dieu et à l'imitation du Christ un sens fécond pour les hommes. Quand il se retire pour prier et qu'il veut vivre totalement pour la prière, c'est pour servir dans la mesure du possible cet Esprit en tant qu'homme, avec l'aide de Celui qui est devenu homme. Sa contemplation se laisse totalement guider par l'Esprit ; dans sa solitude, il devient serviteur de l'Esprit (NB 2,179).

 

1299. La pensée de saint Anselme était osée, mais il s’est laissé envoyer dans l’obéissance là où l’Esprit le guidait (NB 5,161).

 

1300. Se laisser façonner par l’Esprit

Comme une jeune fille se donne à son bien-aimé comme il le désire et laisse façonner par lui toute la forme de l'amour, c'est ainsi que l'Esprit fait avec Marie ce qu'il veut, ce qu'il doit (NB 1/2, 271).

 

1301. Écouter ce que l'Esprit Saint a à dire (NB 2,168).

 

1302. Marie de l’Incarnation : dans l'Esprit, elle est en route vers l'Esprit, à la recherche de l'Esprit (NB 2,102).

 

1303. La prudence des saints est une obéissance à l'Esprit, elle juge bon ce qui plaît à l’Esprit (NB 2,210).

 

1304. Recevoir l’Esprit pour savoir de quoi il s’agit

La rencontre après Pâques désarçonne Thomas l’apôtre. Peu après il recevra l'Esprit Saint et il deviendra un saint. Dans son incrédulité première, il représente beaucoup d'hommes, beaucoup de chrétiens, beaucoup de religieux : des hommes qui pensent avoir pris la grande décision et qui ne savent pourtant pas encore de quoi il s'agit (NB 1/1, 339).

 

1305. Condition pour recevoir l’Esprit Saint

La confession est pour ainsi dire la condition pour recevoir l'Esprit Saint. Toute confession, même pour les saints, est en quelque sorte orientée vers la venue de l'Esprit Saint, vers son retour, vers une nouvelle venue de l'Esprit Saint (NB 4,343).

 

1306. Recevoir l’Esprit

On ne peut recevoir l'Esprit que si on est naturel, les chichis autour des problèmes du corps rendent guindés. Si l'Esprit me requiert et veut se servir de moi, il me prendra tel que je suis et il fera de moi ce qu'il voudra (NB 12,182).

 

1307. Recevoir l’Esprit pour être accompagné par Dieu

Naturellement le Fils devenu homme n'a aucune sorte d'inclination au péché, c'est pourquoi il éprouve ce que peut éprouver de l'Esprit Saint un homme sans péché. Il reçoit par la pureté de l'Esprit une opposition encore plus forte au péché. Mais il a reçu l'Esprit avant tout pour être accompagné par Dieu (NB 6,85).

 

1308. Recevoir et comprendre l’Esprit

Les saints ne peuvent pas recevoir l'Esprit sans le comprendre. Ils sont éveillés et ils doivent le rencontrer les yeux dans les yeux, car l'Esprit se tient tout près d'eux. S'il était simplement en eux, ils devraient, pour voir l'Esprit, se regarder eux-mêmes, prendre leur expérience comme critère. Qu'il soit tout près ne veut pas dire un éloignement, au contraire, cela veut dire une libération, si bien que l'Esprit n'est pas déformé, contaminé par le moi, mais qu'il est visible en sa pureté. Plus un chrétien est saint, plus l'Esprit reste pur en lui, et plus nettement il peut le voir, le décrire, le transmettre, tandis que le tiède fabrique un mélange confus d'Esprit et de moi. Le mélange est signe de tiédeur (NB 6,425).

 

1309. Saint Basile se tient à la disposition de l’Esprit (NB 2,62).

 

1310. On doit mettre ses propres dons à la disposition de l'Esprit pour qu'il les comble : faire de ses aptitudes humaines un instrument divin (NB 2,106).

 

1311. Ce qui est apostolique, le zèle, se met à la disposition de l'Esprit (NB 2,132).

 

1312. Être saisi par l’Esprit

Charles Borromée doit se tenir à la disposition de l'Esprit pour apprendre le mystère (de Dieu. L'apprendre non comme ce qu'on ne peut pas apprendre, comme l'incompréhensible, mais comme ce en quoi on vit et qui alors se révèle aussi autant qu'il lui plaît et garde en réserve ce qu'il veut. L’Esprit tient Charles dans une si stricte obéissance que celle-ci aussi lui permet de mieux comprendre l'Esprit par lequel il a été saisi. C'est par l'Esprit qu'il répond à l'appel du Seigneur, c'est dans l'Esprit qu'il le suit. Dans le chemin qui est prescrit pour tout le monde, il doit chaque fois suivre encore un chemin particulier, prêter obéissance courageusement avec l'aide de l'Esprit Saint (NB 2,147).

 

1313. Le prophète Daniel n'offre jamais de résistance à l'Esprit ; ce qui vit en lui de l'Esprit, il le tient continuellement à la disposition de l'Esprit Saint (NB 2,148).

 

1314. Il est requis de l’homme qu’il se mette sérieusement à la disposition de l'Esprit (NB 12, 182).

 

1315.La disponibilité qu'on peut offrir, c'est la volonté de se laisser ouvrir par l'Esprit à sa guise (NB 6,121).

 

1316. Pour les apôtres, la réception de l'Esprit à la Pentecôte les rend ouverts et dociles pour une nouvelle réception de l'Esprit (NB 1/2, 51).

 

1317. L’esprit humain créé est ouvert à l’Esprit divin

Dieu n'a pas seulement doté l'être humain de la différence sexuelle qui se répercute dans tout l'être corporel et spirituel de l'homme et de la femme, il y a mis aussi beaucoup de points de départ pour ouvrir l'esprit humain à l'Esprit divin (NB 12,15).


 

1318. Laisser le champ libre à l’exigence de l’Esprit

Les prophètes sont prêts à reléguer au second plan leurs vues et leurs habitudes anciennes par amour pour la voix, afin de laisser le champ libre à l'exigence de l'Esprit. L'Esprit exige du prophète qu'il soumette son esprit, qu'il se donne à lui-même peu d'importance afin de permettre à Dieu d'être important, et ceci surtout dans une subordination des sens (NB 5,61).


 

1319. Ne pas être un obstacle pour l’Esprit Saint

Saint Fidèle de Sigmaringen (+ 1622) n'est pas particulièrement doué pour la parole, mais il se donne beaucoup de mal ; il est si convaincu que l'Esprit Saint doit parler par lui - dans la confession comme dans la prédication -, qu'il fait constamment aussi déboucher sa prière dans une double demande : qu'il ne soit pas un obstacle pour l'Esprit Saint et que l'Esprit Saint opère lui-même dans les personnes (NB 1/1, 166).


 

4. Les manières d’agir de l’Esprit


 

1320. L’Esprit, porteur de la semence de Dieu dans le monde

Les religieux et ceux qui sont vierges sont introduits dans ce cycle intra-divin ouvert sur le monde parce qu'ils se laissent insérer totalement dans l'action de l'Esprit en tant que porteur de la semence de Dieu dans le monde (NB 12,114-115).


 

1321. L'Esprit Saint est implanté par Dieu dans les âmes (NB 12,120).


 

1322. Les foules sont saisies par l’Esprit Saint à la Pentecôte

L'apparition de Fatima est véritable. Y compris le miracle du dimanche. C'est un miracle de communauté qui devait toucher une foule en tant que telle. Il n'en est pas né de nouvelles missions pour des personnes, ce sont les masses en tant que telles qui devaient être amenées à prier. Ce miracle a augmenté le trésor de prière de l’Église. Car les masses ne priaient pas seulement personnellement, chacun pour soi, elles priaient dans un sens ecclésial, saisies par l'Esprit Saint comme à la Pentecôte (NB 11,435).


 

1323. La fonction de l’Esprit est de nous sanctifier, de nous faire revenir du péché (NB 12,98).


 

1324. Nos projets, c'est l'Esprit finalement qui doit en décider en maître

Quand nous nous offrons à Dieu, c'est la plupart du temps à partir d'un aujourd'hui que nous comprenons plus ou moins en vue d'un avenir qui nous est scellé. Nous demandons à Dieu qu'il complète et mène à bonne fin un plan qui peut être purement humain, mais aussi un plan dans la foi, que nous voudrions réaliser au mieux sous la forme que nous avons projetée. Mais nous devrions apprendre à nous offrir sans avoir aucune idée de la manière dont notre offre sera reçue. Tant que nous faisons des plans, il est inévitable que nous comptions bien les réaliser, notre moi garde une prépondérance par rapport à l'Esprit. Notre mission peut être de fonder un ordre, de bâtir une maison, de suivre une vocation, le sacerdoce par exemple ; mais la manière de la réaliser, c'est l'Esprit qui doit en décider en maître. Et bien qu'il nous faille nécessairement aussi faire des plans à ce sujet, notre planification doit être aussi souple que l'est l'Esprit lui-même pour les plans du Père et du Fils quand il procède d'eux. Et pour un humain, c'est ce qui est le plus difficile (NB 11,26-27).


 

1325. L’Esprit donne sens à notre existence sur terre

Quand nous avons fait quelque chose dans l'Esprit, nous pensons facilement avoir une vue d'ensemble ; mais si l'on est entièrement donné dans l'obéissance - qui est joyeuse aussi -, on voit alors l'infini qui reste au-delà, on voit justement ce qui est le plus magnifique, parce que tout contact avec l'Esprit d'amour découvre des mondes infinis d'amour. Il en est alors comme si la sensibilité de l'homme à l'amour n'existait que pour faire apparaître un instant quelque chose qui est infiniment plus grand que ce que le sens créé de l'amour peut saisir. Et l'Esprit Saint, que nous sommes habitués à voir en opposition au Père et au Fils ou comme complément des deux, est alors soudain le tout : celui qui donne sens à notre existence sur terre (NB 10, n. 2316).

 

1326. La joie dans l’Esprit

L'amour vient toujours pour donner du nouveau. On ne peut pas fixer des temps. Si sa puissance suréminente n'avait tout d'abord que le visage de la rigueur et de l'exigence et nous arrachait pour ainsi dire la confiance, elle sait arriver à ses fins et remplir toutes choses de telle sorte qu'on répond totalement, non parce qu'on donne, mais parce qu'il nous est donné. Il s'est produit une inversion ; auparavant on croyait que la joie la plus haute consistait à donner. "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir". Mais ce que donne l'Esprit est tellement l'absolu qu'il y a plus de bonheur à recevoir qu'à donner. Notre être humain propre devient totalement sans importance en présence de la joie dans l'Esprit causée par la joie de l'Esprit (NB 10, n. 2316).

 

1327. L’Esprit doit souffler pour donner à l’homme les vraies mesures de Dieu

Le souffle de l'Esprit "où il veut" semble souvent à l'homme se faire au hasard. L'homme est habitué non seulement à mesurer les choses de ce monde avec ses propres mesures, mais à accueillir même les choses de Dieu dans son expérience chrétienne selon ce que lui-même attend. Ce qui pourrait se passer en lui par la grâce de l'Esprit est d'emblée psychologiquement canalisé et réduit. Si le souffle de l'Esprit ne correspond pas à son attente, il dit qu'il ne comprend pas Dieu. C'est qu'il a cessé depuis longtemps déjà de marcher avec lui. Si toute une pastorale, ou peut-être même toute une théologie, est bâtie sur une telle attitude, la différence entre le Dieu qui est et celui que l'homme imagine ne fait que s'accroître, l'écart devient toujours plus tragique. Ce n'est pas seulement de la largeur, de la longueur et de la profondeur de la vérité qu'il s'agit, c'est sa nature même qui est changée. Le "Dieu" qui finalement est projeté sur le mur n'est plus qu'une image que l'homme a ébauchée d'après sa propre nature. Dieu est devenu "image et ressemblance" de l'homme. Et alors, pour remettre les choses en ordre, l'Esprit doit souffler dans l'homme qui est encore en train de mûrir avant même que ses propres possibilités l'aient rendu incapable de Dieu. Ou bien l'Esprit doit l'atteindre de manière à faire s'écrouler sa construction. Il n'est peut-être personne que le souffle de l'Esprit n'ait conduit aussi clairement qu'Ignace de Loyola : tout lui fut arraché, il a reconnu soudainement que son image de Dieu était fausse et que sa propre vie était déplorable. C'est dans son nouveau départ qu'il fait l'expérience du souffle de l'Esprit (NB 11,24-25).


 

1328. Il y a une compréhension que m’offre l’Esprit

Si nous étions plus vivants dans la prière, nous pourrions recevoir infiniment plus, comprendre aussi infiniment plus et être infiniment plus que nous ne le sommes. En tant que mus par l'Esprit, nous serions des hommes libres. Mais il y a une décision qui traverse tout cela : entre la compréhension ordinaire que j'ai de moi-même, à laquelle je ne veux pas renoncer, et la compréhension que m'offre l'Esprit. En général il n'est pas dans sa manière de s'imposer. Il en reste plutôt à l'offre. Il ressemble à une mère qui a apporté quelque chose pour son enfant ; pour une raison ou pour une autre, l'enfant n'est pas en situation justement de recevoir le cadeau ; pour le moment, la mère met le cadeau dans l'armoire, elle sait que l'heure opportune viendra. L'Esprit aussi, malgré son omniscience, espère que l'heure de la remise du don viendra. Mais pour le moment nous préférons ne rien savoir de cette heure (NB 10, n. 2285).


 

1329. Toute joie du chrétien porte désormais la caractéristique suivante : du fait qu'il a été pris par l'Esprit, il a la possibilité de donner le Fils (NB 10, n. 2157).

 

1330. L’Esprit touche ceux pour lesquels il est venu (NB 10, n. 2183).

 

1331. Les vertus vivent par l’Esprit

La foi, l'amour et l'espérance vivent par l’Esprit et se nourrissent de lui, pour s'accomplir au fond ; leur vie propre n'est pas à séparer de la vie de l'Esprit en Dieu. Une espérance qui ne serait pas animée par l'Esprit ne serait pas chrétienne. Elle serait une confiance simplement humaine qui serait comblée ou non selon le hasard (NB 10, n. 2219).

 

1332. En chaque mission, l'Esprit agit (NB 10, n. 2219).


 

1333. L’Esprit complète ce que l’être humain est en mesure d’offrir

L'Esprit accepte le peu que l'être humain est en mesure d'offrir pour qu'il le complète ensuite. La conduite de l'Esprit peut aussi être telle qu'elle mène à quelque chose de plus grand, et je ne veux pas distinguer si c'est le sien ou le mien. Sans doute le sien en moi et avec moi (NB 10, n. 2128).


 

1334. L’Esprit ne cesse de visiter le monde

Ce qui est de ce monde est encadré par deux événements : l'instant où l'Esprit a couvert la Mère de son ombre et celui où le Fils est repris par l'Esprit (lors de l’Ascension). Entre ces deux événements se trouve l'événement-monde. Le monde appartient à l'Esprit et l'Esprit ne cesse de visiter son monde. Le monde n'est pas quelque chose qui est largué par le ciel comme quelque chose de complet, il est quelque chose qui a à se compléter pour le ciel. C'est l'Esprit qui fait que la tendance du monde à la convexité soit transformée par la grâce en concavité pour Dieu. Ainsi le monde demeure maintenant constamment dans l'acte, provenant du Père, d'être conçu et vivifié par l'Esprit et le Fils, parce que l'Esprit et le Fils ont attaché indissolublement le monde au ciel du Père. L'Esprit de la Pentecôte tombe toujours sur un monde tourné vers Dieu (NB 10, n. 2116).

 

1335. L’Esprit est à l’œuvre dans le monde

Le Père, personne ne l'a jamais vu ; le Fils est visible en tant qu'homme, en tant que Ressuscité, en tant qu'apparaissant, visible à côté de son invisibilité. L'Esprit Saint n'est ni invisible comme le Père, ni visible comme le Fils. Il peut ou bien n'être qu'invisible ou bien prendre une sorte de visibilité indirecte, quand il comble le monde et les hommes. Mais il n'est ni colombe, ni langue de feu, etc. Il dresse des signaux de lui-même : Attention! L'Esprit est à l’œuvre ! (NB 10, n. 2117).

 

1336. Le saint est quelqu’un qui a été rempli par l’Esprit Saint

Le Seigneur appelle quelqu'un, Jean par exemple ou la petite Thérèse ; mais c'est la descente de l'Esprit Saint qui le rend apte au service, qui le rend saint. Il lui laisse sa personnalité qu'il a de par la création, mais il l'élève pour en faire une personnalité sainte. Si on cherche à déterminer et à vénérer chez un saint l'une ou l'autre qualité humaine particulière, on le rabaisse, car sa sainteté se trouve avant tout dans le fait qu'il a été rempli par l'Esprit Saint et qu'il lui appartient. C'est l'Esprit qui s'empare des forces du saint. Par l'Esprit Saint, elles dirigent elles-mêmes quelque chose sur une voie déterminée ; le fait qu'il "souffle où il veut" s'exprime dans le caractère d'ensemble, mais elles ont la possibilité de le diriger sur un point précis. Qu'un saint soit possédé par l'Esprit, on le remarque particulièrement à sa patience, mais cette qualité ne sort pas de l'unité qu'elle forme avec les autres qualités conditionnées par l'Esprit. Si le culte spirituel d'un saint régresse et se conjugue avec de la superstition (comme pour Antoine), c'est notre péché qui en est responsable : notre foi perd la faculté de sentir l'Esprit dans le tableau d'ensemble du saint. Si je sélectionne la qualité qui me manque pour la retrouver et la vénérer dans le saint, c'est moi que je prends pour mesure et non plus l'Esprit (NB 10, n. 2117).

 

1337. L'Esprit choisit des signes de peu d'importance (comme la colombe, la langue de feu) pour souligner que la supériorité de son action se trouve dans l'invisible. Il nous incite par là à toujours chercher dans tous ses signes la grandeur et la totalité (NB 10, n. 2117).


 

1338. L’Esprit aplanit les voies

Le Christ est le Fils du Père et il fait de nous les fils du Père en devenant notre frère ; ce processus se réalise du fait de sa condition de Fils. C'est l'Esprit Saint qui opère et aplanit les voies. Sa relation est tout d'abord imperceptible en tant que telle pour que l'autre relation soit d'autant plus saisissable. Il ne cesse de disparaître et d'apparaître tout à la fois pour éclairer de ces deux manières la relation entre le Père et le Fils (NB 10, n. 2125).


 

1339. Affinité de l'Esprit Saint avec l'eau : fluidité, incompréhensibilité, transparence, lumière (NB 10, n. 2068).


 

1340. L’Esprit est le maître qui enseigne à Marie ce qui pour elle est très difficile dans les paroles du Fils ; il l’introduit au langage nouveau qu’elle doit connaître (NB 9, n. 2017).


 

1341. L’Esprit descend pour donner la connaissance et l’amour des choses de Dieu

L’esprit humain tourne autour de beaucoup de questions divines sans avancer. A peu près comme un Robinson qui ne peut pas se représenter ce qu’est l’amour, qui ne comprend pas non plus la sentence : "Aimez-vous les uns les autres" ; il peut tout au plus échafauder sans cesse de nouvelles théories sur le sujet ; mais si, un jour, il rencontrait vraiment le prochain, il apprendrait alors ce que peut être l’amour. Il y a quelque chose de semblable avec la descente de l’Esprit pour la connaissance et l’amour des choses de Dieu (NB 9, n. 1563).


 

1342. Chemin des possibilités pour l’Esprit Saint de se saisir d’une âme

Quelque part (peut-être dans des écrits perdus) saint Irénée doit avoir décrit le chemin du choix définitif, le chemin d’une connaissance croissante, le chemin des exigences croissantes de Dieu et des manières de lui correspondre, le chemin des possibilités pour l’Esprit Saint de se saisir d’une âme (NB 9, n. 1402).

 

1343. Des actes de l’Esprit qui emportent la personne

Il y a des actes de l’Esprit qui, pendant qu’ils se produisent, emportent si fort la personne qu’elle est incapable de faire autre chose, elle ne peut que les vivre ; ce n’est qu’après qu’ils deviennent en elle parole, message (NB 9, n. 1554).


 

1344. Les âmes sont remplies de l’Esprit Saint

Pâques 1944. Adrienne comprend ce que veut dire être racheté : comment les âmes sont remises au Père par le Fils et comment dans cette remise elles sont remplies de l’Esprit Saint. La remise au Père se passe justement dans l’Esprit Saint et nous saisissons le mieux celui-ci dans la direction qui va du Fils au Père (NB 8, n. 1084).


 

1345. L'Esprit de Dieu veut se saisir des profondeurs. Il n'est plus permis d'avoir dans l'âme quelque chose de "purement naturel" (NB 8, n. 90).


 

1346. Les vierges sages sont poussées par l’Esprit

Au moment de la communion, la rencontre avec le Fils prend une certaine forme, on est en présence l'un de l'autre. Parce que l'Esprit n'est pas devenu homme, notre rencontre avec lui n'a pas une forme qu'on peut retenir. L'amour du Fils est tel que nous devons rencontrer cet amour et, à partir de cet amour, rencontrer sa personne. Avec l'Esprit, la fin de la rencontre redevient un mouvement. Les vierges qui vont à la rencontre de l'époux avec leurs lampes connaissent l'époux ; les vierges sages sont poussées par l'Esprit, mais sans le connaître de telle sorte qu'elles pourraient décrire sa présence ; après avoir rencontré l'époux, elles sont poussées avec lui jusque dans la salle céleste des noces (NB 6,465).

 

1347. L’Esprit ne cesse de répandre sa clarté

Depuis que l'Esprit a plané sur les eaux lors de la création, il est prêt à intervenir en tout acte créateur. C'est dans toute l’Écriture qu'on peut suivre cette disposition de l'Esprit, sa présence agissante ne cesse de répandre sa clarté, et toujours en contact et en communion avec l'action du Fils (NB 6,512-513).


 

1348. Le souffle de l’Esprit traverse toute l’histoire de la révélation

L'inspiration des hagiographes n'est qu'une manière pour l'Esprit - dont le souffle traverse l'ensemble de l'histoire de la révélation - de prendre des hommes à son service. Abraham obéit dans l'Esprit Saint, Bernadette témoigne dans l'Esprit Saint de ce qu'elle a vu. En étant conduits par l'Esprit d'une manière singulière, tous sont sûrs de leur chemin et de leur conduite (NB 6,458).


 

1349. Une conversion : arrive un jour l'instant où le moi tout entier est pris par l'Esprit et remis à l’Église (NB 6,447).

 

1350. Être conduit par l’Esprit

La seule chose importante, c’est que l'Esprit de Dieu puisse en venir en l'homme à son affaire. Mais cette affaire finalement, c'est toujours l'amour. Dieu a besoin, pour le monde, de l'amour du Fils sur la croix. Il a besoin de l'amour de celui qui est conduit par l'Esprit, il en a besoin pour celui qui est conduit, mais tout autant pour le monde (NB 6,449).

 

1351. L’Esprit ne veut faire qu’un avec l’homme

L'Esprit ne veut pas détruire les hommes que le Père a créés, il veut les conduire à la perfection de l'amour. Mais l'homme créé a ses lois limitées ; bien des propositions qu'on lui fait, il les accepte, d'autres il les rejette parce qu'elles lui sont trop pénibles, etc. ; l'essentiel de ces lois, il l'appelle sa "personnalité". Mais l'Esprit est infiniment plus grand et, dans son vaste espace, il ne veut faire qu'un avec l'homme. L’Esprit doit donc le conduire au-delà de ses limites. Il y a des instants où l'Esprit seul décide et d'autres où il fait participer l'esprit humain à ce qui est décidé. Mais la mesure où l'homme est associé à la décision relève du jugement de l'Esprit (NB 6,449).

 

1352. L’amour de l’Esprit pour nous

Je sais par la foi que tout ce qui dans l'Esprit est ministériel se trouve au service de l'amour, et même de l'amour pur. Cet amour, ses joies, sa jouissance, je les ai totalement abandonnés à l'Esprit, moi-même, je ne suis qu'à son service. L'amour de l'Esprit est l'unique chose qui est sûre et constante ; je ne vais vers lui que sur son ordre. Mon amour pour l'Esprit, notre amour réciproque ne sont qu'une fonction de l'amour de l'Esprit pour nous (NB 6,451).

 

1353. On ne peut jamais immobiliser l’Esprit

L'Esprit souffle où il veut, on ne peut pas l’immobiliser dans une forme ; on peut le reconnaître sans doute par la suite à son action, mais on ne peut jamais l'immobiliser d'avance. Sa liberté de transmettre la grâce qui lui plaît, d'émettre une exigence qu'il tient pour nécessaire, n'est pas arbitraire et ne dépend pas de son humeur. Elle ne fait qu'un avec sa sagesse divine que nous ne voyons jamais à l'avance. Nous sommes à l'école de cette sagesse si nous obéissons au maître d'heure en heure. L'Esprit peut certes procéder avec certaines âmes de manière à ce qu'elles voient quelque chose de la direction dans laquelle il les conduit. Mais il y a aussi les autres pour lesquelles aucune systématique n'est visible (NB 6,452-453).

 

1354. L’Esprit souffle où il veut

Mechtilde de Magdebourg est simple comme un enfant. Les grandes visions qui lui sont données, la dépassent de beaucoup. Elle peut quand même les décrire : preuve que l'Esprit souffle où il veut. Il n'est pas nécessaire d'être aussi douée qu'Hildegarde pour être témoin de grandes choses. Cela lui est donné (NB 1/2, 133).

 

1355. L'Esprit souffle où il veut, il exige ce qu'il veut, il agit comme il veut (NB 2,74).

 

1356. L’Esprit souffle où il veut : comme le veulent le Père et le Fils

L’Esprit souffle où il veut, et sa volonté est l'expression de ce que veulent le Père et le Fils. Non pas qu'il convoiterait d'avoir la liberté du Père et du Fils, mais il ne veut pas avoir d'autre liberté que d'être là pour la liberté du Père et du Fils. C'est en cela que réside sa béatitude. Saint Ignace montre cette forme de la liberté de l'Esprit comme quelque chose à quoi nous devrions tendre. En quelque sorte comme si l'Esprit avait assumé entre le Père et le Fils l'attitude idéale du monde et de l'humanité sauvés, comme s'il se l'était appropriée pour représenter maintenant l'humanité devant Dieu. Quand l'intelligence de l'homme est une intelligence dans la foi, elle est représentée par l'Esprit devant Dieu (NB 11,38).

 

1357. L’Esprit souffle où il veut, il nous place où cela lui plaît (NB 9, n. 2006).

 

1358. Pour chaque croyant, toutes les possibilités d'être conduit par l'Esprit

L'Esprit qui souffle où il veut, a conduit le Fils à la croix et Pierre là où il ne voulait pas aller : le Seigneur exactement là où il voulait aller et Pierre exactement là où il ne voulait pas aller. Entre ce que voulait le Seigneur et ce que Pierre ne voulait pas, il y a pour chaque croyant toutes les possibilités d'être conduit par l'Esprit (NB 11,27).

 

1359. Laisser à l’Esprit la liberté de souffler là où il veut

Nous oublions souvent que c'est l'amour de Dieu qui est le centre et que nous devrions rester ouverts à l'Esprit Saint. Dieu devrait garder la possibilité d'agir là aussi où notre esprit planificateur n'a plus accès. Nous devrions laisser à l'Esprit la liberté de souffler où il veut, sur nous et sur nos œuvres, même s'il commence par notre foi et notre action. Il peut certes être pénible pour un érudit de ne pouvoir mener jusqu'à son terme une œuvre commencée, de ne pas avoir le droit d'exprimer jusqu'au dernier mot ce qu'il a expérimenté et qui lui semble neuf. Mais si Dieu a compté ses jours et qu'il sait jusqu'où il ira avec son ardeur et son obéissance, il fera lever la semence chez quelqu'un qui viendra plus tard. En tout cas, il lui laissera continuer son œuvre aussi loin que nécessaire pour faire paraître les traces de Dieu qui devaient être visibles (NB 10, n. 2230).


 

1360. Le travail de l’Esprit

La volonté de l'Esprit - dans une unité indissoluble d'amour et de rigueur - prend en charge ma volonté qui résiste pour la conduire là où elle veut aller aussi bien que là où elle ne veut pas aller. L'Esprit prend au sérieux ma volonté d'être chrétien et passe par-dessus ma propre résistance qui se rebelle contre cette volonté. Il ne fait pas la sourde oreille à mon refus pour l'abattre mais pour le transformer. Il peut alors me montrer tout d'un coup mon refus, puis ma volonté vaincue au sein de sa volonté victorieuse. Comme si ma résistance n'avait été qu'un point de départ pour le travail de l'Esprit, un témoignage de la force victorieuse de la grâce (NB 6,444-445).


 

1361. L’atmosphère d’amour de l’Esprit

Quand le Fils envoie l'Esprit, il l'envoie depuis l'éternité de Dieu Trinité comme Esprit d'amour. Il l'envoie dans un acte d'amour, mais celui qui est envoyé est en lui-même amour ; celui qui envoie et celui qui est envoyé sont un dans l'amour trinitaire. L'existence où l'Esprit entre comme envoyé reçoit la réalité de l'amour éternel. Là même où nous ne voyons pas l'Esprit, où nous ne pouvons pas le saisir, il est malgré tout l'amour ; par cette mission, nous sommes plongés dans l'atmosphère d'amour de l'Esprit. Nous pouvons alors essayer d'aimer cet amour invisible, de considérer notre existence visible comme insérée en lui, de comprendre notre existence comme enchâssée dans sa réalité englobante et non de comprendre l'Esprit comme une "propriété" complémentaire de notre existence. Par l'expérience de notre condition de pécheur nous pensons savoir surtout ce que c'est que de ne pas aimer ; par analogie, nous voyons l'existence dans l'Esprit comme le négatif d'un négatif : comme la volonté de ne pas pécher (NB 10, n. 2147).


 

1362. On ne doit pas penser qu'on ne peut s'adresser à l'Esprit que lorsqu'il s'agit de "hautes mathématiques" ; il aide également à assumer le quotidien dans un sens chrétien (NB 6,436).

 

1363. L’Esprit cherche constamment à travailler l’homme

Le Père a créé l'homme à son image, et l'Esprit cherche constamment à travailler cette image, à se refléter dans l'homme et à s'y retrouver. Entre l'Esprit qui est Dieu et l'esprit qui est en l'homme, il y a entre les deux la possibilité de contrôler le reflet à ses effets immédiats. L'Esprit devient ici l'Esprit de discernement (NB 6,437).


 

1364. Quand l’Esprit de Dieu se communique à nous

L'Esprit Saint en Dieu participe totalement, bien sûr, à l'omniscience de Dieu. Devant le monde, il personnifie le savoir de Dieu, la connaissance de Dieu et l'amour dans une unité indissoluble parce que, en Dieu, l'amour n'est jamais sans la connaissance, ni la connaissance sans l'amour. Quand cet Esprit se communique à nous d'une certaine manière, cette forme de connaissance et d'amour reçoit pour nous la forme de la foi si bien que, par lui, nous apprenons à croire ce qu'il connaît et aime. Pour nous, cela signifie avant tout que nous nous laissions prendre par l'Esprit ; tout ce que nous connaissons et aimons, nous le mettons à la disposition de l'Esprit de telle sorte que nous le retrouvions dans la foi sous une forme qui correspond à sa connaissance et à son amour. Si nous faisons cela sérieusement, nous n'en serions plus à tâtonner longtemps dans notre foi, ni à chercher le véritable amour, mais nous nous soumettrions à l'Esprit dans une sorte de prière habituelle et d'offre globale pour nous laisser illuminer et transformer par ce qui lui appartient. Notre foi resterait la foi bien sûr, parce qu'elle ne saisit jamais totalement le divin, mais elle serait en tout point une foi authentique parce que, en raison de sa soumission, elle aurait été remise à la vérité de l'Esprit. D'une étape de la foi à l'autre, nous saurions que nous sommes dans la vérité parce que l'Esprit témoigne de lui-même et que, par cette soumission, nous ne nous éloignons en rien de ce que le Seigneur révèle à son épouse, l’Église, et de ce qu'il signifie pour elle (NB 6,432-433).


 

1365. L’Esprit oriente la vie du chrétien

La conscience chrétienne est toujours aussi en moi l'Esprit qui oriente. Quelque chose qui a en moi la faculté de juger, je l'ai remis à l'Esprit Saint. Par le baptême et la confirmation surtout l'Esprit s'est emparé de ma direction intérieure. Dans le don de Dieu qui nous est fait, l'Esprit est ce qui est le plus vivant comme il l'est aussi en Dieu. Il l'est parce qu'il s'occupe de cette direction vivante. On peut s'habituer à ne plus regarder l'Esprit d'une manière tout à fait pure, on descend, et le signe en est qu'on trouve à redire à de plus en plus de choses : "Pourquoi ?" On ne cesse alors de réduire toujours plus la part de l'Esprit jusqu'à ce qu'on ait faussé en soi l'instrument d'orientation (NB 6,413).


 

1366. Le rôle de l’Esprit chez les hommes

Le rôle de l'Esprit chez les hommes est varié pour la raison aussi que tous ne lui demandent pas également autant. Il y a des saints chez qui l'Esprit développe surtout l'amour pour le Fils (la petite Thérèse), d'autres à qui il inspire des points de vue et des œuvres spirituels (Ignace). Il y a l'intelligence qui refuse absolument l'Esprit. Une intelligence tout aussi grande peut s'ouvrir à lui et lui laisser tout l'espace. La disposition naturelle, au cas où elle s'ouvre, est toujours le point de départ de l'action de l'Esprit (NB 6,93).


 

1367. L’Esprit Saint scelle l'accueil du monde dans la vie trinitaire éternelle ou de la vie trinitaire dans le monde. Il se prodigue dans le baptême comme le Fils dans l'eucharistie (NB 6,89).


 

1368. L’impulsion de l’Esprit

Le pécheur abandonnera son péché quand l'impulsion de l'Esprit sera en lui plus puissante que l'impulsion du péché. Une impulsion à l'amour est nécessaire en l'homme si la force de l'amour divin dans le Fils doit pouvoir l'emporter sur celle du péché. Tout péché est contre l'amour ; quand l'homme s'en aperçoit et qu'en même temps il veut l'amour, il peut être libéré du mal. C'est l'Esprit qui crée en lui cette impulsion (NB 6,85-86).

 

1369. En sortant du péché, intégré au mouvement de l'Esprit Saint, l’homme peut s'efforcer de sortir de l'obscur pour atteindre la clarté de la connaissance dans l'Esprit (NB 6,86).

 

1370. L'Esprit communique aux cœurs une connaissance croissante du Fils (NB 6,89).

 

1371. Nous comprenons ce que, par son Esprit, Dieu nous donne à comprendre ; mais l'Esprit ne nous donne l'intelligence que si nous l'en prions. Sa grâce comble quelque chose qui est commencé, elle éclaire ce qui est déjà confusément présent (NB 6,429).

 

1372. L'Esprit est pour l'homme une force qui le libère de l'obscur du péché (NB 6,87).


 

1373. Les chrétiens sont travaillés par l'Esprit (NB 5,283).

 

1374. L’Esprit donne une certitude

Le rôle de l'Esprit Saint est triple : il confirme dans le ciel, il confirme le voyant individuel, il confirme l’Église. Il fait comprendre les desseins qui étaient liés à l'image. Si par exemple, à Lourdes, dès la première apparition, Marie a déjà sa pleine réalité – Bernadette a vu la dame, elle a parlé avec elle, elle a entendu sa voix, la dame s'est présentée - , Bernadette ne sait pas tout d'abord à quoi cela peut être utile, quelle est la signification de l'ensemble. Elle répète le nom qui est pour elle incompréhensible, mais elle ne sait pas – à part la joie qui lui est donnée – la portée de l'apparition, ni ce qu'elle doit en faire. Quand elle raconte ce qu'elle a vu, c'est en vertu d'une mission qui n'est pas claire du tout pour elle. Quand la source jaillit, les témoins aussi se trouvent devant un prodige dont il ne connaissent pas encore la fécondité. L'Esprit Saint connaît le pourquoi et le développement futur, et il en rend compte à Dieu en quelque sorte de la même manière qu'il a rendu compte au Père du dialogue de l'ange avec Marie et qu'il l'a couverte de son ombre. A ceux qui assistent au prodige de Lourdes, il donne une certitude qui est fondée en grande partie sur sa propre certitude. Quand arrivent des miracles de guérison, ceux qui sont guéris savent - et l’Église le sait avec eux - que ces miracles sont comme des paraboles du miracle d'une foi renouvelée : pour ceux qui sont présents, pour leurs proches et, par leurs effets, dans toute l’Église. C'est l'Esprit Saint qui distribue et gère l'ensemble (NB 5,177).


 

1375. L’Esprit a touché l’apôtre

"Toi, suis-moi" : l'apôtre suit l'appel parce que l'Esprit l'a touché, l'a rendu attentif à la venue du Seigneur. Pour le Seigneur qui appelle, il y a dans son action, à côté de son obéissance au Père, la reconnaissance de l'action de l'Esprit dans l'appel lui-même. "Toi, suis-moi" : le Fils dit cela au bon moment, quand l'autre a été préparé par l'Esprit ; l'appel devient audible pour l'apôtre parce que la voix de l'Esprit a pris forme en lui (NB 4,158).

 

1376. Nous ne faisons qu'un avec l'Esprit de Dieu quand nous recevons les sacrements (NB 4,162).

 

1377. L'Esprit est une grâce offerte gratuitement, mais l'homme doit aussi se décider pour lui dans son esprit et s'offrir à lui. Il doit oser sortir de lui et aller vers l'Esprit à tâtons (NB 4,163).


 

1378. Saint Benoît est fortement dirigé par l'esprit paulinien et par l'Esprit Saint (NB 2,66).

 

1379. Un homme d’Église du XXe siècle (sans doute) : il est tellement saisi par l'Esprit qu'il se laisse comme séduire par lui (NB 2,68).

 

1380. Pseudo-Denys l'Aréopagite. Il doit rester tellement quelqu'un qui a été saisi par l'Esprit que les tours et les détours qu'il prend pour dire ce qu’il a à dire sont sans importance (NB 2,150-151).

 

1381. Être dans l'Esprit (NB 2,168).

 

1382. Je ne peux pas mourir en chrétien sans que le Seigneur ne m'assiste de son Esprit Saint (NB 3,183).

 

1383. L'Esprit Saint dilate les aptitudes, les fortifie, ouvre de nouvelles façons de voir (NB 2,80).

 

1384. L’Esprit visite les hommes sur la terre

Le Fils et l'Esprit visiteront les hommes sur terre, le Fils en s'incarnant, l'Esprit en vivant dans les hommes, en habitant en eux et en leur faisant connaître ce qui est divin, mais ils le mépriseront et le repousseront. L'angoisse de l'Esprit sera qu'en chaque croyant il aura part à l'angoisse de la croix du Fils, à son angoisse chaque fois qu'il rencontrera le péché. Mais l'Esprit connaîtra aussi sa propre angoisse. Pour la raison qu'il est invisible dans les hommes, il sera méconnu et tourné en dérision. Il saura qu'il s'agit d'un ultime combat en chaque créature de Dieu ; il ne lui est pas possible de retourner seul au Père, mais seulement s'il réussit à faire de l'homme rebelle un homme de bonne volonté. De même que le Fils connaît une unique grande angoisse qui résulte de la somme de tous les péchés et qu'il les traduira alors seulement dans la mesure divine, ainsi l'Esprit connaît un nombre infini d'angoisses particulières (NB 1/2, 221).

 

1385. François Xavier est accompagné par l'Esprit de telle sorte que ce qu'il fait est vrai et juste et voulu ainsi par Dieu. Dans toutes ses difficultés, il est si bien accompagné par l'Esprit qu'il peut le regarder pour être dirigé en toute sécurité dans la foi et accomplir sa juste tâche (NB 2,95).

 

1386. Saint Ignace a vécu et agi sous l'influence de l'Esprit Saint (NB 2,187).


 

1387. L’Esprit Saint est à notre disposition

Si Dieu met l'Esprit Saint à votre disposition et vous donne des missions de pensée comme celle de saint Augustin, vous devez vous astreindre au travail le plus sérieux. Dieu a droit à ce que le travail soit exécuté consciencieusement même s'il est "trop élevé" pour le commun des hommes (NB 1/2, 55-56).

 

1388. L'Esprit Saint veut, par elle (Élisabeth de la Trinité), laisser dans le monde des traces qui rendent plus évidente son action dans les croyants et en ceux qui se donnent à lui (NB 2,137).

 

1389. L'Esprit éveille, révèle, exige, accompagne

L'Esprit éveille, révèle, exige et accompagne. Lacordaire, en tant qu'homme, doit suivre cet Esprit. Il doit prêter obéissance à l'Esprit de telle sorte que les hommes puissent sentir quelque chose de l'Esprit. C'est pour lui une obéissance de chaque instant, étant donné que son être, aussi bien dans son travail spirituel que dans sa prédication et ses conférences, doit chaque fois être poussé par l'Esprit : non que l'Esprit l'inspirerait au cours de sa prédication mais, quand il se prépare, il faut qu'il cherche l'Esprit, en fasse l'expérience, et il lui est ensuite permis de communiquer aux hommes ce qu'il a vu et expérimenté. C'est aussi une mission très exigeante étant donné que jamais il n'est lâché par l'Esprit ; sa détente par exemple ne sera jamais quelque chose d'anodin, dans ses conversations il n'a jamais le droit de parler pour ne rien dire, tout doit être continuellement devant l'Esprit, être redressé par lui, même quand il n'en peut presque plus (NB 2,151).

 

1390. Racine (+ 1699). Dieu lui inspire par l'Esprit Saint des choses qui doivent absolument entrer dans son œuvre de sorte qu'après coup il ne reconnaît plus guère comme sien ce qu'il a écrit (NB 1/1, 185).

 

1391. Les inspirations de l’Esprit

Dans la conscience, l'Esprit oriente de concert avec l'homme. Je dois être docile et disponible si je veux entendre l'Esprit. L'Esprit oriente sans doute, mais avec moi, en incluant le don que je fais de moi-même. Je consens à lui être associé et il réalise cette association dans son orientation. Les "inspirations" de l'Esprit aussi ont lieu dans ce genre d'association, dans une union de "mérite et de grâce". Mon mérite vis-à-vis de l'Esprit est ma disponibilité. Il y a sans doute des inspirations qui arrivent à l'improviste comme la voix à l'entrée de Damas. Mais d'habitude, il y a une courtoisie de l'Esprit. il ne hurle pas à mes oreilles, il parle si je suis à l'écoute. Naturellement l'Esprit demande toujours plus parce que, dans ses inspirations aussi, il est le Dieu toujours plus grand. C'est par suite du péché originel que l'homme ne lui correspond pas totalement. Celui qui ne commet pas de péché (comme un Louis de Gonzague) a l'oreille fine pour entendre la voix de l'Esprit ; mais lui aussi a l'impression que l'exigence le dépasse. Pour Marie, qui n'a pas le péché originel, elle n'a ni l'impression qu'elle correspond ni qu'elle ne correspond pas. "Voici la servante" ne s'oppose pas à "Ils me diront bienheureuse" : elle comprend les deux paroles dans l'Esprit (NB 6,413).

 

1392. L’Esprit inspirateur de l’Écriture

L’Esprit, en tant que gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture, sait pour chaque époque de l’Église et du monde créé ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu, il inspire en même temps un nouvel accès visible à la vie trinitaire sous la forme d'une règle nouvelle. A vrai dire, il n'y a pas tellement de différence entre ce qui est vraiment actuel aujourd'hui et ce qui l'était au temps du Christ; il ne s'agit pas de la culture moderne ; il y a le fait que le Rédempteur est venu et que nous vivons dans la tension entre notre péché et son œuvre de rédemption (NB 6,549).

 

1393. Les inspirations de l’Esprit pour saint Paul

Le Christ et Paul, les évangiles et les lettres de saint Paul : tout cela, c'est la révélation. Cela a la valeur d'une révélation directe. Autour de cette révélation de l’Écriture, l’Église construit ensuite une maison. En réfléchissant, en recevant aussi les inspirations de l'Esprit Saint, Paul dut s'expliquer à lui-même bien des choses qui pour la Mère et aussi pour Jean allaient encore de soi. Maintenant l’Église doit trouver un nouvel achèvement de la maison. Cela ne veut pas dire inventer. Il n'y a rien de faux dans ce qu'elle fait. Dans les évangiles et les lettres, il y a suffisamment de pierres à bâtir pour que la maison de l’Église puisse être présentée comme à peu près achevée. C’est comme si Paul avait ajouté une construction à l'évangile, les Pères de l’Église à Paul, etc. (NB 4,392-393).

 

1394. Les éclairs de l’inspiration de l’Esprit

Quand, lors de la création, l'Esprit plane sur les eaux, il se tient déjà disponible pour tout ce qui est création. Quand il souffle où il veut, cette disponibilité, on peut en quelque sorte la suivre à travers l’Écriture : il y a toujours les éclairs de son inspiration et de son activité et de sa présence, qui à chaque fois se produisent en communion avec la première et la deuxième personnes divines. Il ne cesse d'arriver quelque chose à partir de quoi l'homme peut faire l'expérience de la conversion, de la disponibilité, de la vitalité de sa foi. C'est une vie supérieure, divine, qui se communique sous cette forme (NB 10, n. 2315).

 

1395. L’œuvre que l’Esprit m’avait inspiré d’entreprendre

D’une prière de saint Benoît (+ 543) : Père, l’œuvre que ton Esprit m'avait inspiré d'entreprendre est commencée. Tu vois les difficultés que je rencontre bien que je me donne du mal. Et je sais que cela dépend beaucoup de moi : je n'ai pas assez d'amour, et mes éternelles hésitations et mon désir éternel de mieux faire sont toujours plus difficiles à supporter par ceux qui me sont confiés (NB 1/1, 413).

 

1396. L’Esprit, inspirateur de l’amour

Si à l'origine l'Esprit semblait être là comme un "observateur" du dialogue entre le Père et le Fils pour se trouver par la suite toujours davantage au centre du dialogue, cela voulait dire que, vu ainsi, l'Esprit devenait toujours davantage qu'un Esprit purement objectif qui suit la règle, il devenait un Esprit subjectif, un Esprit qui souffle. En soufflant où il veut, il déploie toute sa liberté et toute son apparente fantaisie comme étant l'atmosphère du dialogue et la matière de dialogue dans l'échange infini d'amour : tel est le vrai contenu de la règle. Celle-ci n'est un début que pour nous qui devons être éduqués ; en Dieu, l'objectivité de l'Esprit et sa qualité de témoin coïncident avec sa fonction d'inspirateur de l'amour (NB 6,550).

 

1397. Notre participation au péché originel et notre condition de pécheurs opposent des obstacles plus ou moins grands à la connaissance de l'Esprit et de son inspiration (NB 6,199).

 

1398. Une parole inspirée par l’Esprit

Celui qui a une parole inspirée l'exprime à l'instant où elle lui est donnée à dire. Mais elle peut être une parole de l'Esprit Saint qui a été dite dans l'éternité avant les temps préhistoriques et qui a été gardée là, prête d'une certaine manière, pour l'instant temporel présent (NB 6,171).

 

1399. L’Esprit parle

L'Esprit parle en Marie. L'Esprit par l'ange. Elle le voit et entend sa voix. Elle reconnaît les conséquences concrètes de ce que l'Esprit lui a dit. Il en résulte d'abord un engagement spirituel : « Qu'il me soit fait selon ta parole ». Son esprit, son intelligence, tout son être se conforment à l'Esprit Saint (NB 5,61).

 

1400. D’une prière de saint Augustin : « Fais que j'aie toujours davantage part à la vie de ton Fils et permets que ce soit vraiment ton Esprit qui parle par moi » (NB 1/1, 408).

 

1401. Quand Pierre ouvre la bouche, l’Esprit parle en lui

Pierre est toujours "en Esprit". Il dit toujours des choses qui le dépassent. Quand il ouvre la bouche, l'Esprit parle en lui. Il est sans doute réfléchi quand il parle aux Juifs, mais c'est l'Esprit qui réfléchit en lui. Pierre est honnête, il a compris exactement sa défaillance, il est terriblement prévenu. C'est pour cela qu'il est si ouvert à la grâce, et la grâce, c'est l'Esprit Saint (NB 1/2, 50).

 

1402. L’Esprit parle et on n’est pas capable de comprendre

Il peut se faire que l'Esprit ait parlé et qu'à ce moment-là je n'étais pas capable de comprendre totalement ce qu'il a dit. Comprendre veut toujours dire aussi traduire. Si une traduction n'a pas lieu par ma faute, parce que actuellement je ne veux pas, l'Esprit ne va pas répéter la même révélation. Je ne peux pas dire à Dieu : "Écoute, ce que tu as dit tout à l'heure est peut-être quand même plus intelligent que je ne l'avais pensé tout d'abord, répète-le encore une fois, je t'en prie" (NB 5,243).

 

1403. Les paroles de l’Esprit sont si grandes qu’on ne peut pas les enregistrer

Il peut se faire que les paroles de l'Esprit sont si grandes que je ne suis pas en mesure de les enregistrer convenablement malgré toute ma bonne volonté. Je ne trouve pas de forme pour les rendre. Je suis incertaine, les pierres qui me sont présentées paraissent trop grosses pour être insérées dans la mosaïque actuelle. Il m'est permis alors de demander qu'on me renseigne. Je pourrais demander que la révélation soit développée (une prière qui demande la juste explication de la révélation), mais ce serait le cas le plus rare. Il serait plus normal qu'on essaie d'insérer ce qu'on a compris, ou qu'on sache dans une certaine mesure que ce doit être juste. On fera alors comme l'enfant qui regarde son maître pour voir si ce qu'on dit est encore toujours juste. Pour cela, on doit bien sûr persévérer totalement et imperturbablement dans la prière et y traduire petit à petit. La certitude qu'on traduit correctement est toujours une certitude de prière (NB 5,243).

 

1404. Il y a des paroles intérieures de l’Esprit Saint, fortes et sûres (NB 9, n. 1484).


 

1405. Marie de Jésus (+ 1916), carmélite, prieure du carmel de Dijon. Pour les décisions simples, elle se réfère à l'exigence originelle de Dieu par rapport au monde, à la demande de rédemption adressée au Fils par le Père, à ce que l’Esprit demande au croyant (NB 1/1, 231).


 

1406. Les apôtres seront comme enivrés de l'Esprit et possédés par l'Esprit (NB 1/2, 33).

 

1407. Quand l’Esprit prend possession d’un homme

L'Esprit Saint est opposé au péché d'une manière élémentaire ; naturellement le péché est insupportable pour tout l'être de Dieu, mais il est quand même dressé de manière particulière contre l'Esprit ; de même quand l'Esprit prend possession d'un homme, il lui fait comprendre avant tout l'aversion de Dieu pour le péché (NB 3,225).


 

1408. Simon le zélote. A la Pentecôte, la grâce de l'Esprit lui donne la paix (NB 1/1, 340).


 

1409. L'Esprit qui procède du Père et du Fils et anime leurs relations, veut aussi façonner notre relation au Fils ; il nous ouvre l'amour du Fils, nous le révèle, nous l’explique (NB 6,25).

 

1410. Le destin de Newman apparaît très rayonnant pour la postérité en tant que force de conversion, en tant qu'assurance tranquille que l'Esprit dirige. L’Esprit est présent, en tant que dévoilement des mystères de l’Église, de la grâce, de l'Esprit, de Dieu Trinité (NB 2,152-153).

 

5. Prier l’Esprit Saint


 

1411. Demander à l’Esprit de façonner ma volonté

Dans la prière de saint Ignace : "Prends ma mémoire, mon intelligence, toute ma volonté ». Demander à l'Esprit de prendre ma volonté, cela veut dire y renoncer déjà fondamentalement. Car cette réception de la volonté qui est en moi est déjà en moi une demande de l'Esprit. D'un point de vue humain, c'est une demande pleine de gratitude et de perspicacité que l'Esprit soit l'unique "lieu" où peut être ma volonté au fond. Naturellement, cela ne veut pas dire qu'est enlevée à l'homme sa force de volonté pour qu'elle passe dans l'Esprit ou qu'elle soit remplacée par l'Esprit (sinon l'homme ne serait plus un homme), mais ma volonté est de faire la volonté de Dieu, qu'elle soit façonnée par l'Esprit Saint de telle manière que sa volonté se fasse dans ma volonté. L'Esprit n'est pas en mesure de purifier la volonté de l'homme à l'extérieur de l'homme. A l'intérieur de l'homme, cette purification est douloureuse et elle doit l'être : je dois aussi vouloir que l'Esprit accomplisse en moi ce que je "ne veux pas" (NB 11,38).


 

1412. Prier l’Esprit Saint

Quand nous nous adressons à l’Esprit Saint, nous sommes marqués par l'Esprit. Il peut alors être comme un soufflet qui pousse nos flammes dans une certaine direction et lui-même alors devient également une flamme (NB 6,429).

 

1413. Nous ne pouvons pas prier sans l’Esprit Saint

C'est surtout dans la prière que l’Esprit Saint se dévoile isolément. Nous savons que nous ne pouvons pas prier sans lui. Si nous sommes vrais et si nous prions vraiment, il nous donne la matière de notre prière : tout à la fois les mots et les sentiments et l'attitude. Il nous forme lui-même tout comme il a formé la personnalité du Fils lors de l'incarnation. C'est lui qui, dans la prière, nous présente au Père et au Fils, qui transforme si bien notre esprit qu'il reçoit les traits que le Fils veut lui donner pour que le Père reconnaisse en nous le Fils (NB 6,431).

 

1414. « Donne-moi ton Esprit »

Adrienne, adolescente, a un jour emmené son petit frère Willy dans une église catholique (l’église du Saint-Esprit) et là elle a prié comme ceci (elle l’a raconté plus tard au P. Balthasar) : « Mon Dieu, donne-moi ton Esprit. Donne-m'en beaucoup, beaucoup, tellement que je puisse le donner à tous ceux qui en ont besoin. Donne-nous à tous la vérité de ton Esprit Saint » (NB 7,66-67).

 

1415. Prier davantage l’Esprit

On devrait prier davantage l'Esprit Saint. On peut lire un livre religieux avec une totale indifférence et on ne sait plus guère ensuite ce qu'on a lu. On n'a pas prié l'Esprit pour qu'il nous donne l'ouverture. Et pourtant l'Esprit est toujours là et prêt à montrer, il suffirait de prier et de frapper, de s'ouvrir à l'Esprit comme au guide qui connaît mieux que nous les rues de la ville et qui peut nous conduire en des lieux inattendus, à l'une ou l'autre perspective imprévue. Il y a un arrière-fond de l'âme qui ne peut être touché que par l'Esprit, il est prêt à le faire, c'est une propriété particulière de l'Esprit qui fait partie de sa personne (NB 10, n. 2050).


 

1416. L'Esprit est surtout dans l'homme un Esprit de prière. C'est de là qu'il jaillit, qu'il crée l'échange et l'équilibre, qu'il offre la certitude sereine, le oui constant ; cela prend naissance dans la paix de la prière, dans l'isolement et la solitude (NB 10, n. 2219).


 

1417. D’une prière de saint Grégoire le Grand (+ 604) : « Père, je te demande d'avoir dès maintenant tellement part à ton Esprit que j'accomplisse en tous points ta volonté » (NB 1/1, 417).

 

1418. D’une prière de saint Ignace : « Donne-moi, je t'en prie, l'Esprit pour que je comprenne ce que tu désires, donne ton Esprit à ceux qui viennent » (NB 1/1, 466).

 

1419. « Père, répands ton Esprit »

D’une prière de saint Athanase (+ 373) : «  Père, de même que tu as donné l'Esprit Saint à ton Fils lors de son incarnation pour que la Parole qui était en toi devienne homme pour demeurer parmi nous et nous montrer ta volonté, de même je te le demande, donne-moi ton Esprit pour que le récalcitrant que je suis devienne le serviteur dont tu as besoin pour ton Église. Donne-moi ton Esprit d’inspiration, donne-le moi de telle sorte qu'il fasse de l'instrument inutile que je suis un instrument utilisable, qu'il retire l'habitude que j'ai de me diriger moi-même pour me remettre toujours plus entre tes mains. Mais donne-moi ton Esprit de telle sorte qu'il ne profite pas qu'à moi-même, communique-le aussi à mes paroles, à mes écrits, à mes desseins, offre-le aussi à ceux qui ont à faire avec mon œuvre, qui se laissent fortifier par cette œuvre, qui doit être ton œuvre, et donne-le aussi particulièrement à ceux qui, par l’œuvre, doivent être détournés de leur hérésie. Père, répands ton Esprit, donne-le à ton Église tout entière, donne-le à chaque croyant et à ceux également qui ne croient pas encore mais qui, par ta grâce, par la grâce de ton Fils, peuvent devenir des croyants (NB 1/1, 396-397).


 

6. Le refus


 

1420. Les chrétiens qui ont peur d’entrer en contact avec l’Esprit -

Il y a des chrétiens qui acquièrent certaines vérités et certaines attitudes chrétiennes avec la volonté de ne pas faire un pas de plus. Et surtout de ne jamais entrer en contact avec l’Esprit Saint (NB 9, n. 1987).


 

1421. Notre condition de pécheurs éprouve le besoin effrayant d'éteindre partout l'Esprit

Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans le sens et dans la plénitude de l'Esprit, et quand nous répétons ses paroles - le Notre Père par exemple - nous les disons parfois dans l'Esprit, mais très souvent seulement selon la lettre : nous réduisons tout un édifice à un seul point. De là découle la nécessité absolue de la méditation dans la prière et dans toutes nos relations avec la Parole de l'Écriture sainte : elle ne peut être comprise dans la foi qu'avec sa dimension d'inspiration. Cela requiert un effort parce que notre condition de pécheurs éprouve le besoin effrayant d'éteindre partout l'Esprit (NB 6,551).


 

1422. Les traces de l’Esprit en l’homme pécheur

En même temps que le Père donnait à Adam d'être à son image, il lui donna aussi de son Esprit Saint. En commettant le péché, Adam faussa l'image de Dieu et aussi l'Esprit que Dieu lui avait donné. Au paradis, cet Esprit était une "disposition" qu'Adam aurait dû développer en direction de Dieu, mais qu'il pouvait ternir jusqu'à la limite de la destruction. Même après le péché, la vie resta certes une vie humaine, plus qu'animale, elle ne cessait de porter des traces de l'Esprit, des traces d'orientation vers la vie divine, des traces de l'image de Dieu, mais elle n'avait plus en elle l'Esprit Saint de Dieu (NB 6,437).


 

1423. Le péché produit dans pécheur un éloignement de l’Esprit

Pour le Fils devenu homme, qui fait connaissance avec le monde pécheur, l'Esprit est la norme de la juste conduite. Le Fils peut juger des dimensions du péché à l'éloignement de l'Esprit qu'il produit dans le pécheur (NB 6,403).


 

1424. Vouloir être plus malin que l’Esprit

Dans l’Église d'aujourd'hui l'image de l'Esprit est beaucoup plus brouillée que celle de l'hostie. Celle-ci l'est indirectement par l'Esprit. Chacun se rétrécit et se refuse. Chacun veut être plus malin que l'Esprit. Et par ce refus de l'Esprit, tous les sacrements sont diminués. On le reconnaît peut-être de la manière la plus immédiate pour l'eucharistie parce que le Seigneur et l'Esprit forment ici pour notre intelligence une unité compréhensible, car ce n'est que dans l'Esprit de Dieu que j'affirme que ce pain est la chair du Christ. Et cet Esprit de Dieu, le Fils l'a insufflé dans l’Église hiérarchique et je dois me tenir à lui dans la foi (NB 4,424).

 

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10. L’Écriture

 

 

Plan : 1. Les deux Alliances2. L’Ancien Testament 3. Le Nouveau Testament

 

1. Les deux Alliances

 

1425. Une vie spirituelle en dehors de la révélation biblique

Saint Ignace avant sa conversion. Son service de chevalier, il le comprenait comme un service à coloration religieuse en quelque sorte. Quand il se convertit, bien des scories au début lui restèrent de son passé, et il sera alors son propre maître des novices pour s'en libérer. Tout ce qui pour lui avait une allure spirituelle se trouvait en fait en dehors de la révélation biblique. Ce n'est que lorsqu’il fut au lit et malade qu'il apprit à connaître plus à fond la vie des saints et à tenir compte de l'exigence du Seigneur (NB 11,49).

 

1426. Le souffle de l’Esprit traverse toutes les époques de la révélation

Il y a un souffle de l'Esprit Saint qui demeure pour l'essentiel inchangé à travers toutes les époques de la révélation. On le reconnaît toujours là où quelqu'un sort de sa voie et cherche à obéir directement. Ce qu'il fait est humainement incompréhensible mais, par Dieu, il est conscient d'une mission qui vient de Dieu. Abraham quitte son pays et, en offrant son fils en sacrifice, il anticipe le geste de Dieu qui viendra plus tard; Moïse cherche à entendre et à obéir : contre toute raison humaine, il conduit son peuple à travers le désert ; les prophètes disent des paroles contraires à toute sagesse ; les apôtres abandonnent leur métier et jouent tout sur l'unique carte du Seigneur ; une Jeanne d'Arc obéit à ses voix et fait ce qu'aucune jeune fille ne ferait ; une Bernadette, qui ne sait ni lire ni écrire, cesse de parler comme les autres enfants et ne dit plus que la seule chose qui est sa mission ; le curé d'Ars au confessionnal entend même les choses qu'on ne lui dit pas et il ose se prononcer à leur sujet. C'est toujours une obéissance au-delà de ce que chacun peut comprendre par lui-même. C'est cela l'unité de l'inspiration (NB 6,453).

 

1427. L’Écriture suppose que nous avons du bon sens (NB 5,187).

 

1428. La foi est fixée par l’Écriture (NB 5,137).

 

1429. Il y a un agir du Seigneur dans la parole de l’Écriture Sainte (NB 10, n. 2131).

 

1430. L’Écriture nous enseigne les choses de la foi (NB 11,93).

 

1431. Arriver à l'écoute réelle de la parole de Dieu (NB 11,401).

 

1432. Ici-bas nous entendons la parole de Dieu dans l'Eglise à un moment donné, nous la lisons dans l’Écriture (NB 2,204).

 

1433. Dieu se communique aux hommes par l’Écriture

L’Écriture est un mystère d'amour parce qu'elle est un moyen que Dieu prend pour se communiquer à nous et se rapprocher de nous. C'est justement du fait que l'inspiration ne soit pas terminée que Dieu est toujours occupé à nous racheter. L'essentiel est dit, et pourtant le dernier mot n'est pas livré. Tant que des hommes sont créés par le Père, l’Écriture reste un accès à lui. Elle doit être vivante pour chacun et elle contient pour chacun personnellement ce qui est important pour lui et pour son chemin vers Dieu. Et ce chemin se trouve toujours dans le Fils. ; ce n'est pas seulement le chemin universel de la chrétienté qui est tracé dans l’Écriture, il est tenu compte de chacun en particulier, y compris de ceux qui ne sont pas encore nés (NB 1/2, 241-242).

 

1434. Les mots de l’Écriture dépassent l’intelligence de ceux qui les mettaient par écrit

Luis de Leon (+ 1591). Tout d'un coup, avec la rapidité d'une inspiration, il s'aperçoit que les mots ont une plénitude de sens qu'ils avaient déjà dans l’Écriture et qui dépassait l'intelligence de ceux qui les mettaient par écrit, une plénitude de sens dans l’Église, qui y fut déposée par l'Esprit lui-même et qui n'est pas d'origine humaine. Les mots signifient toujours plus qu'on ne le pense ; ils signifient même tellement que toute la foi est contenue en chaque mot : la foi de l’Église, la foi des autres chrétiens, mais tout autant sa propre foi (NB 1/1, 141).

 

1435. L’Écriture : des profondeurs toujours nouvelles

Si nous attendons quelque chose de la foi en tant que croyants, nous sommes renvoyés à la parole de l’Écriture. Si nous la méditons réellement, elle s'ouvre à nous comme quelque chose que nous avons le droit de posséder ; nous trouvons toujours en elle des profondeurs, des vérités, des beautés nouvelles et des vérités objectives que nous pouvons de plus contempler avec les yeux de l'amour (NB 1/2, 239).

 

1436. Comprendre l’Écriture

Saint Athanase est le don de lui-même de celui qui a dit oui pour se laisser conduire ensuite sur les chemins que Dieu seul détermine. C'est un don de lui-même apostolique. Il porte le Christ comme le Seigneur, il est le gardien et le détenteur de son mystère, il doit toujours le présenter de telle sorte qu'on le voie, qu'on comprenne par lui l’Écriture, qu'on saisisse la doctrine, qu'on s'attache à l’Église et qu'on soit davantage pénétré de sa nécessité (NB 2, 158-159).

 

1437. Le Seigneur est vivant dans l’Écriture

Tous ceux qui croient au Seigneur et l'aiment, le tiennent dans l’Écriture pour aussi vivant qu’il l’était dans les bras de sa mère, et qui, dans l'amour, peuvent apprendre de la contemplation de la Mère à le contempler comme Marie le faisait dans l'amour. Si on met au centre ce vécu de la Mère avec l'enfant sur son sein, on peut à partir de là contempler toute la vie du Seigneur, mais aussi jeter un regard en arrière sur la promesse, sur l'Ancien Testament et même pénétrer la création (NB 1/2, 239).

 

1438. L’Écriture : Ancien et Nouveau Testament

Thomas More (+ 1535) étudie l’Écriture. L'Ancien et le Nouveau Testament. Il le fait presque toujours en relation avec sa fonction pour puiser dans la Bible les enseignements et les directives dont il a besoin. Il cherche là l'image idéale de ce qu'il devrait être. Il étudie minutieusement la justice dans l'Ancien Testament et la fait déboucher sur la justice du Nouveau Testament. Il doit savoir d'office où se trouve la vraie justice. Il est conscient qu'une religion de la pure justice est dépassée, mais également que le Nouveau Testament est édifié sur la base de l'Ancien. Il commence ainsi par assimiler l'Ancien et ensuite à le traduire dans le domaine chrétien (NB 1/1, 461).

 

1439. L’inspiration demeure dans l’Écriture

L'inspiration demeure dans l’Écriture. Elle est aujourd'hui aussi vivante qu'autrefois lorsqu'elle fut composée. Elle n'est pas du passé. L'Esprit l’a inspirée, en ce sens elle est terminée, mais l’Esprit l’inspire constamment, en ce sens elle n'est pas terminée, elle est éternellement et continuellement en train de s'accomplir. En s'incarnant, le Fils l'a justement aussi montré. Il est inspiration. Il ne parle pas sans l'Esprit Saint. Il n'est pas la Parole terminée du Père, mais il s'ouvre à l'action de l'Esprit dans la mesure où il est la Parole du Père. On reconnaît en elle le Fils du Père, mais le Fils inspiré par l'Esprit de sorte que, par son incarnation, on apprend à connaître la nature de l'inspiration, dans la mesure où il procède du Père et qu'il est donné par l'Esprit (NB 1/2, 241).

 

1440. Dans l’Écriture : une richesse de vie

En chaque siècle est requise une explication avec l’Écriture et par cette explication surgit toujours quelque chose qui correspond à chaque époque et à sa justesse. C'est de cette justesse que se forme à nouveau pour l'époque suivante et pour celle qui suivra encore la condition de la justesse. L’Écriture a en elle une telle richesse de vie que, lorsqu'elle fut mise par écrit, elle ne fut achevée que dans ses bases non dans ses possibilités de déploiement (NB 10, n. 2310).

 

1441. L’Écriture et la tradition

Tout ce que dit la tradition, on peut le ramener à sa base qui est la Bible. Le point de développement n'a pas besoin de pouvoir être démontré selon la lettre. Si étaient visibles tous les documents qui ont été composés légitimement au cours des siècles à partir du texte, il serait clair que tout remonte à l’Écriture. Il n'y a ici aucune différence entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Dans l'Ancien Testament aussi il y a de la tradition qu'on ne peut ramener à un texte unique ; mais, à l'intérieur de sa tradition elle-même, existe la même suite d'un développement légitime. Dans la tradition du Nouveau Testament également il y a un jeu semblable à celui qui existe entre l'Ancien et le Nouveau Testament. La tradition principale est certes l'interprétation du Nouveau Testament ; mais sa relation à l'Ancien Testament ne peut jamais en être oubliée pour autant, dans la mesure où le Nouveau Testament était déjà autrefois l'interprétation de l'Ancien (on comprit par exemple les prophètes à la lumière de la révélation du Christ) ; et la tradition ultérieure doit revenir sans cesse à cette interprétation et, par là au fond, à la relation du Nouveau Testament à l'Ancien (NB 10, n. 2310).

 

1442. Toute l’Écriture est témoignage

Philippe demande au Seigneur : "Montre-nous le Père !" A chaque mot de l’Écriture Sainte, nous pourrions nous écrier : "Montre-nous le Père !" Il vaut mieux exprimer ce cri et recevoir ensuite la réprimande du Fils que de ne rien dire du tout. Beaucoup se sont tellement habitués à la lecture de l’Écriture qu'ils n'y voient plus ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit. Et pourtant l’Écriture tout entière est un témoignage dans un double sens : en elle est consigné ce qui est ; mais ce qui est, est attesté, confirmé par l'attitude intérieure du lecteur. Si nous essayions de lire l’Écriture en la confirmant par notre attitude intérieure, nous verrions constamment le Père, le Fils et l'Esprit ainsi qu'ils se révèlent toujours dans la parole de Dieu. "Qui me voit voit le Père". Nous nous contenterions certes d'écouter le Fils et de le voir, mais nous nous ouvririons à sa parole de telle sorte qu'elle soit compréhensible pour ce qu'elle est en vérité : la Parole du Père qui le révèle dans l'Esprit Saint. Quand nous pensons avoir compris quelque chose dans l’Écriture et que cela ne débouche pas sur la Trinité de Dieu, nous pouvons être sûrs que nous ne l'avons pas saisie de manière vivante. Nous ne comprendrons peut-être jamais à quel point l’Écriture est vivante ; le fait que nous "soyons morts" nous empêche de voir qu'elle est suprêmement vivante (NB 10, n. 2319).

 

1443. Au chrétien, Dieu offre la plénitude de l’Écriture

Dieu a fait don à l'homme de la foi qui embrasse tout ce qui est à Dieu. Par elle, Dieu est en relation avec l'homme et il fait de lui un chrétien. Au chrétien, Dieu offre la plénitude de l’Écriture, la vie de son Fils, son Esprit Saint. Mais, en tant que croyant, le chrétien doit en même temps gérer ce qu'il a expérimenté et appris humainement en vue de ce qui est à attendre, car cette sphère n'a pas le droit de se fermer sur elle-même, elle est une fonction de l'homme qui est ouvert à Dieu. En beaucoup de points il se fait que le croyant se heurte à une sphère de mystère qui appartient à Dieu, et la réponse de Dieu peut être tout autre que celle qui était attendue. Il ne se laisse pas capturer, on ne le maîtrise pas rationnellement. Dans une surabondance qui recèle les plus grandes surprises, il fait don à l'homme des mystères de son amour. C'est ainsi qu'il y a ici des surprises qui correspondent exactement aux miracles du Fils sur la terre ou aussi aux miracles de l'ancienne Alliance. L'inattendu arrive sous la forme du parfait, de ce qui est rationnellement inattendu parce que, dans la foi, la physionomie de l'espérance ne peut jamais être arrêtée (NB 10, n. 2210).

 

1444. Jean et Marie expliquent l’Écriture à Grégoire le thaumaturge

Grégoire le thaumaturge (+ vers 270). Jean, en partie aussi avec Marie, lui explique l’Écriture si bien qu'il la comprend mieux et qu'il peut utiliser ce qu'il a compris surtout comme fondement de sa prière (NB 1/1, 45).

 

2. L’Ancien Testament

 

1445. L'unité des Testaments que crée le Seigneur (NB 1/1, 76).

 

1446. A la fin de l’ancienne Alliance, Dieu envoie son Fils dans le monde

Dans l'ancienne Alliance, Dieu en revient à l'état de Dieu Trinité avant la création et il en révélera quelque chose à l'homme justement parce que l'homme n'y a aucun droit et qu'il n'est pas en mesure de mettre de proportion entre ces choses et sa propre raison. Chaque "pourquoi" de l'homme est passé par le simple "pour ça" de Dieu. Sans doute dans l'ancienne Alliance l'homme est-il en mesure d'essayer de faire de Dieu le partenaire de l'Alliance, de lui assigner un espace et un lieu pour ses révélations, il est en mesure par là, d'une certaine manière, de "contraindre" ce partenaire à se mettre si bien au niveau de l'homme qu'il puisse être capté dans des mots et des concepts humains. Mais Dieu ne se laisse "contraindre" qu'autant qu'il lui plaît ; à la fin de l'ancienne Alliance, il enverra son Fils comme homme dans le monde et ainsi, au lieu que l'homme mette apparemment Dieu à son niveau, ce sera tout le contraire : ce sera, de la part de Dieu, un acte de sa grâce la plus libre (NB 5,43).

 

1447. Les prophètes : on leur en demande trop

Les prophètes, qui ont l'impression qu'on leur en demande trop, appartiennent à l'ancienne Alliance où il y avait encore une certaine mesure. Jusqu'où Isaïe ou Jérémie auraient-ils pu accepter de supporter ? Ce qui se serait passé au-delà aurait simplement été trop. Dans le Nouveau Testament, il n'y a plus cette sorte de limitation (NB 10, n. 2144).

 

1448. La promesse du Père dans lAncien Testament s’accomplit quand il donne son Fils

Si le Seigneur se donne à nous corporellement, ce don de lui-même est pour lui aussi une expérience corporelle. Son corps est un corps au service du Père, un corps de sacrifice, mais aussi un corps qui accomplit ; l'accomplissement s'appuie sur la promesse que le Père a émise dans l'Ancien Testament et qu'il accomplit en donnant son Fils. Ce qui est donné, c'est le sacrifice d'une vie terrestre qui est incluse dans la vie éternelle du Père, mais qui la contient elle aussi parce que le Fils fait la volonté du Père et qu'il a en lui cette volonté. Vis-à-vis de cette volonté, le Fils est le réceptacle, tout comme, vis-à-vis de la promesse, il est le contenu (NB 6,536).

 

1449. L’Ancien Testament est dilaté par le Fils

Pour nous approcher du Père dans la foi, nous devons partir de la parole de Dieu : parole de l'Ancien Testament qui parvient à son sommet dans le Fils. De même que nous devons considérer les paroles de l'Ancien Testament comme agrandies, dilatées, dépassées par le Fils, de même toutes les paroles humaines du Fils sont ouvertes sur l'infiniment plus grand de Dieu. Le Fils renvoie au Père. Nous avons les concepts humains de paternité et de filiation, mais nous ne pouvons les employer que comme des indices du mystère de Dieu. Le Fils lui-même désire cette application, il veut nous mettre sur le chemin du Père. Ses paroles (ses actes, et ses miracles, et sa passion, et sa résurrection, il faut les comprendre aussi comme des paroles et des affirmations) ont toute leur valeur en tant qu'orientées vers le Père. Si, en suivant ses paroles, nous empruntons le chemin qu'il est, nous sommes sur le bon chemin. Quand et comment nous atteindrons le but, et ce que nous allons rencontrer en cours de route nous demeure caché. Il ne sert à rien de poser des questions, chaque jour nous le montrera (NB 6,79).

 

1450. Le message de l’ange à Marie récapitule toutes les promesse de l‘Ancien Testament

L'ange qui vient à Marie lui apporte un message unique. Ce message vient de Dieu et il est une grâce qui provient de l'éternité. Il est aussi la récapitulation de toutes les promesses de Dieu dans l'ancienne Alliance, promesses qui concernent la Mère et la venue du Fils. Les prophètes étaient des hommes qui se distinguaient par leur foi, une foi dans laquelle ils pouvaient recevoir les prophéties. Cette réception était une grâce de Dieu qui pouvait prendre effet en eux parce qu'ils vivaient dans la foi par la grâce. Mais les prophètes étaient des hommes. Des hommes de l'ancienne Alliance, dotés de la grâce, avec leur caractère et leur personnalité, et ainsi le message qu'ils avaient à transmettre devait avoir aussi quelque chose de leur caractère personnel. Ce facteur personnel n'obscurcissait pas, ni ne déformait le message, Dieu se servait de ce facteur pour se faire comprendre aux hommes par des hommes (NB 1/2, 164).

 

1451. La mystique de l’ancienne Alliance est en marche vers l’apparition du Seigneur

Si la mystique de l’ancienne Alliance, sous toutes ses formes, est en marche vers l'apparition du Seigneur dans la chair, cette mystique s'interrompt avec l'arrivée du Seigneur qui la réalise ; il donne d'abord aux visions des prophètes et à leurs rencontres avec Dieu une forme terrestre en étant là maintenant : Dieu avec nous. C'est à cela que les croyants reconnaissent l'accomplissement : il est lui-même l'accomplissement. Il accomplit soigneusement tout ce qui fut dit de lui à l'avance. Ceux qui le rencontrent ne voient pas seulement en lui Dieu incarné qui, descendant du ciel, est entré en communion avec les hommes, ils voient également en lui l'accomplissement de toutes les paroles historiques de l'ancienne Alliance, la Parole du Père devenue vivante pour eux. Ainsi toute parole dite par le Christ a un visage et une forme ; elle n'est pas destinée à être livrée à n'importe quel développement par ce qui viendra plus tard, elle reste cette parole incarnée. C'est pourquoi, même exprimée, elle ne fait toujours qu'un avec le Seigneur et elle doit toujours revenir à lui pour rester vraie. Elle doit donc suivre un chemin qui est semblable au chemin du Fils qui sort du Père et retourne à lui. Et pourtant la parole suit un très long chemin, elle décrit un grand cercle parce que celui-ci inclut toute la doctrine chrétienne, l’Église à venir, tous les temps futurs et, en même temps, elle n'oublie ni la création ni l'ancienne Alliance qui sont maintenant accomplies (NB 5,134).

 

1452. Les miracles de l’ancienne Alliance : des préparations pour la venue du Fils

Les saints de la nouvelle Alliance se distinguent de ceux de l'ancienne : les miracles de l'ancienne Alliance étaient quelque chose de tout autre que ceux de la nouvelle. C'était des miracles qui étaient opérés dans le cadre de la promesse, la promesse faisait pour ainsi dire des emprunts à l'accomplissement. Les miracles faisaient partie des préparations faites par le Père pour la venue du Fils. Il fallait que quelques humains aient fait par avance les œuvres de Dieu afin que le Fils, également de ce point de vue, trouve à son arrivée non seulement des pécheurs à sauver mais aussi des frères, des gens impliqués. Cependant ce n'est que l'ouverture de la zone d'action du Père par le Fils qui crée cette communion des saints dans laquelle il ne peut jamais manquer de collaborateurs au Fils. Dans l'ancienne Alliance, il n'est pas dit que Dieu trouve des justes ici-bas quand il en cherche, dans la nouvelle Alliance, il en trouvera toujours (NB 5,225-226).

 

1453. L’image du Père devient vivante pour nous dans l’Ancien Testament et dans les paroles du Fils

Pour nous, l'image du Père devient vivante surtout dans l'Ancien Testament ou par les paroles du Fils. Le Fils, nous le voyons d'abord comme celui qui est devenu homme, dans toutes les situations de sa vie et de sa mort, partout où il apparaît comme Homme-Dieu. Mais cette rencontre justement, c'est l'Esprit Saint qui nous la ménage ; nous devons être animés par lui pour saisir au moins quelque chose de ce que Dieu peut être comme homme et l'homme comme Dieu. Nous remarquons aussi alors à quel point nous avons besoin de lui pour pressentir quelque chose du Père et finalement aussi pour que l'Esprit lui-même devienne pour nous une réalité. Ce n'est que par lui que nous arrivons à lui (NB 6,464).

 

1454. L’obéissance à Dieu dans l’ancienne Alliance et le Fils

Dans l'ancienne Alliance, on peut encore se quereller avec Dieu. Moïse refuse d'accepter sa mission, Jérémie se plaint, Job discute. Le dialogue de foi entre Dieu et l'homme n'est pas pour autant interrompu. Dieu peut vaincre et pourtant il manque encore la véritable clef pour que sa victoire soit absolue. Seul le Dieu incarné représente toute l'obéissance. Nous pouvons nous faire certaines idées de la manière dont le Fils éternel obéit au Père, mais cela reste enfermé dans la sphère divine où l'unité de nature exclut tout désaccord, toute divergence d'opinions, pour cette raison aussi que le mal n'a là aucune place (NB 11,22).

 

1455. Le salut du monde qu’apporte le Fils part de l’ancienne Alliance

La circoncision de Jésus témoigne que le Fils se place vraiment sous la loi de l'ancienne Alliance ; il montre aux hommes et au Père qu'il tient à cette Alliance, qu'il l'intègre dans son œuvre future, que le salut du monde qu'il apporte part de l'ancienne Alliance pour entrer dans la nouvelle et éternelle Alliance (NB 10, n. 2158).

 

1456. Le Fils devenu homme accueille l’ancienne Alliance dans sa vie

Le Fils ne veut être rien d'autre qu'un humain parmi les humains et il accepte devant Dieu les lois humaines qui ont été édictées en toute justice et avec discernement ; la nouveauté qu'il apporte ne veut pas rompre avec ce qui existe légalement en fait de foi et de tradition, il se soumet en tout jusqu'à ce qu'il arrive à l'âge où il pourra accomplir lui-même normalement sa mission. Le tout est ainsi une preuve également qu'il peut temporiser, attendre le moment convenable, user de patience tout comme le Père use de patience avec le monde. Le Fils rend honneur, en son humanité, à la longue patience du Père en laissant se développer l'humain et en ne se précipitant pas tout de suite dans l'action, en accueillant au contraire l'action de l'ancienne Alliance pour la vérifier et la laisser mûrir en lui afin que ce qui est nouveau se fasse par elle et avec elle (NB 10, n. 2158).

 

1457. Le Fils accomplit tout ce qui était promis dans l’ancienne Alliance

Le peuple de l’ancienne Alliance déjà se trouvait vis-à-vis de Dieu dans une obéissance dont la nouvelle Alliance dévoilera les dernières conséquences. La nouvelle Alliance, pour montrer son immensité, s'adapte aux limites de l'ancienne. Car le Fils doit montrer aux Juifs, par l'intérieur, qu'il est celui qui était promis. Et le Juif doit comprendre deux choses : que ce qui est ancien est dépassé, parce que l'accomplissement arrive, et que la réalisation correspond bien à la promesse. C'est pourquoi le Fils se laisse circoncire dans le même esprit qui lui fait réaliser scrupuleusement les promesses de l'ancienne Alliance. Il est témoin d'un Esprit unique et indivisible, l'Esprit de Dieu Trinité, en accomplissant les promesses aussi bien qu'en les dépassant (NB 10, n. 2158).

 

1458. Le Seigneur a été annoncé dans les prophéties de l’ancienne Alliance

Avant les évangiles, nous ne connaissions le Seigneur que par les prophéties. Après son Ascension, il se fait connaître à nouveau par une série de prophéties, précisément dans l’Apocalypse. On n’aurait pas à supprimer beaucoup de choses dans ce livre pour en faire un livre vétéro-testamentaire. Toujours est-il que le Seigneur paraît, parle et se manifeste au voyant de l’Apocalypse comme le même que celui qui a vécu sur terre. Mais aussi comme celui qui a été annoncé dans les prophéties de l’ancienne alliance (NB 9, n. 1340).

 

1459. Le Fils souhaite être formé et utilisé par le Père à la manière des prophètes

En tant qu'homme, le Fils savait que le Père avait aimé et formé les prophètes avant lui, et il avait aussi le souhait d'être formé et utilisé par le Père à la manière des prophètes. Le Fils remonte jusqu'à Abraham, jusqu'à Adam et il n'oublie pas les degrés intermédiaires. Il voudrait être pour le Père toute beauté et pureté (NB 10, n. 2058).

 

1460. Toutes les prophéties de l’Ancien Testament concernant la venue du Fils doivent s’accomplir

Toutes les prophéties qui se rapportent à la venue du Fils doivent s'accomplir. Mais leur contenu est très varié parce que certaines de ces prophéties sont accomplies pour le Fils, d'autres par lui. Là il est objet, ici sujet. Là où il doit être objet, il doit chaque fois, en vue de l'heure qui vient, se vider de tout ce qui n'est pas pure réceptivité et indifférence. Rien ne peut être forcé, rien ne peut être accompli au mauvais moment ou au mauvais lieu ; même là où le Fils est objet, il doit réfléchir au moment et choisir les événements de telle sorte que la prophétie reçoive son sens plénier (NB 6,169).

 

1461. Chaque prophétie appartient au caractère unique du Fils

Pour une part importante, les actes que pose le Fils sont fixés par les prophéties (Cf. Lc 4,18s). Mais ils doivent se trouver en harmonie avec toute son existence, s'insérer dans sa mission et avoir leur actualité. Il ne peut pas tirer des prophéties quelque chose de désuet en quelque sorte et le rafraîchir un peu. C'est justement par son accomplissement que la prophétie reçoit sa pleine vigueur et elle est toujours inséparable de son existence et de sa tâche, elle en est une partie vivante et intégrante. Ce qu'il reprend entre sans sutures dans son tout, les coutures n'apparaissent pas. La vie du Seigneur n'est pas une collection de fragments ou de pièces hétérogènes, chaque prophétie appartient au caractère unique du Fils, dans l'éternité comme dans le temps (NB 6,170).

 

1462. Les prophéties ne s’insèrent pas dans la vie du Fils comme des éléments étrangers

Les prophéties ne s'insèrent jamais comme des éléments étrangers dans l'image de la vie du Fils - aussi bien dans leur disposition qu'en réalité -, elles sont toujours prises comme une partie intégrante. On peut prendre n'importe quelle tranche de la vie du Christ, il est toujours évident qu'il est le Fils de Dieu. Toutes les sutures - là où il y en a - sont totalement justes. Ce qui ne veut pas dire qu'elles s'intègrent toujours d'une manière parfaitement claire. Pour le Fils lui-même, bien des éléments seront difficiles à intégrer, surtout la croix. Mais il dispose tout de telle manière que le Père voit partout l'accomplissement de la parole prophétique de l’ancienne Alliance et que nous reconnaissons la justesse et la vérité et la transparence de sa mission (NB 6,170).

 

1463. Le Christ assume constamment les prophéties

Le Seigneur rend vivantes les prophéties ; elle ont part à son existence de Christ. Lui-même, du fait qu'il est vivant, est la preuve que les prophéties étaient justes. Mais pas seulement cela : lui-même est vivifié par les prophéties. De même qu'il voit sans cesse le Père, il assume constamment les prophéties, un sceau divin est constamment imprimé sur sa vision terrestre et sur la réalisation des prophéties. On fait souvent remarquer que sa vision du Père est une preuve de la divinité du Christ. La preuve principale même. Mais qu'il assume les prophéties n'est pas moins une preuve de sa divinité, et pas seulement en ce sens que nous en recevions, en tant que spectateurs, la preuve de la justesse de sa prétention divine mais, dans le sens objectif, que sa vie est constamment balayée par le souffle divin des prophéties. A la lettre, Il est inspiré. L'Esprit de prophétie lui insuffle constamment la vie divine et le sens divin de sa vie, et le Fils l'aspire pour ainsi dire. La prophétie est comme la nourriture spirituelle de son esprit divin vivant ici-bas, parallèlement à sa vision céleste du Père ici-bas (NB 6,171).

 

1464. Le Fis accomplit les prophéties

Le Christ accomplit dans le temps les prophéties passées au moment où sa disponibilité constante y est poussée par la volonté de Dieu. Entre l'accomplissement de la prophétie et la vie du Seigneur il ne peut pas y avoir plus de contradiction qu'entre la prédiction du prophète et sa vie. La vie du Seigneur garantit et prouve que la prédiction trouve son dernier accomplissement dans son existence, contribue à l'unité de sa vie, donne son sens plénier à sa mission vis-à-vis du Père comme vis-à-vis de nous, et sa mission reçoit par là, de manière nouvelle, le sceau de sa divinité. D'accueillir les prophéties de telle manière et pas autrement, et de les accomplir de telle manière et pas autrement, le Seigneur tire pour nous l'obligation d'accueillir l'inspiration de telle manière et pas autrement, et de l'exprimer dans l'unité de notre vie. Toute inspiration qui vient de Dieu oblige à une réponse adéquate dans notre vie (NB 6,172).

 

1465. Les prophéties de l'ancienne Alliance sont une sorte d'héritage qu'assume le Fils

Les prophéties de l'ancienne Alliance sont une sorte d'héritage qu'assume le Fils ; le Père et l'Esprit le lui ont attribué et il doit le façonner lui-même. Nous, les humains, nous possédons de même un héritage à la fois inconnu et connu. On connaît certaines caractéristiques de la famille, on doit peut-être se défendre contre bien des autres. Souvent, ce qui est transmis en héritage, c'est un privilège, des talents particuliers. Le Fils hérite de l'ancienne Alliance. Pour lui aussi il y a des choses qu'il ne connaît pas ou auxquelles il ne prête pas attention, auxquelles il se soumet simplement parce qu'elles lui appartiennent par la volonté du Père et parce que le Père les a préparées pour lui depuis toujours de manière discrète. Ce sont des prophéties qui ne sont pas formulées expressément pour ainsi dire. "S'il est possible que ce calice passe" : dans une parole comme celle-là, il y a beaucoup de choses qui viennent de loin et on ne peut pas remonter exactement jusqu'à leur origine. La volonté du Père et les inspirations de l'Esprit constituent cet héritage auquel le Fils donne forme dans son existence terrestre en tant que Parole définitive et incarnée. Bien des choses dans sa vie demeurent en suspens parce qu'elles ne sont pas encore mûres pour un point précis du temps. Le Christ doit ainsi laisser bien des choses ouvertes dans son existence jusqu'à ce que la volonté du Père se manifeste clairement. Jusque-là, la décision reste cachée en Dieu. Une fois qu'elle est communiquée, il l'assume, la semence va fleurir. C'est très clair par exemple pour les miracles qui n'ont lieu chaque fois que dans la situation donnée par le Père ; alors aussi la force du Père est à sa disposition. Les prophéties que le Fils connaît, on peut les comparer à l'héritage connu qui doit être travaillé ; cependant le quand et le comment peuvent être cachés et ne sont révélés que dans une situation précise (NB 6,173).

 

1466. Le Fils est plus que les prophéties

Le Fils accomplit les prophéties de l'Ancien Testament, mais ces prophéties sont l’œuvre du Père. Cependant le Fils est plus que les prophéties parce qu'il révèle toujours le Père vivant, qu'il remplit la lettre de l'esprit du Père en y introduisant l'Esprit Saint de manière si vivante que toutes les attentes sont dépassées. En se révélant lui-même, le Fils révèle continuellement le Père ; cela signifie une extension de la révélation dans le sens du Père, une élévation à la énième puissance du toujours plus de son être ; car le croyant expérimente en Dieu le Fils toujours plus qu'il ne l'espérait, parce que Dieu est toujours plus que ce que l'homme croit et sait, mais ce plus ne se trouve pas seulement dans la révélation de la distance entre Dieu et l'homme : il ne cesse de s'accroître parce que le Fils ne fait pas que se révéler lui-même, il révèle aussi le Père (NB 5,218).

 

1467. Du point de vue néotestamentaire, les prophéties n’ont de sens que dans la mesure où elles sont déjà accomplies dans le Seigneur. ”L’heure vient et elle est déjà là” (NB 9, n. 1565).

 

1468. Le Fils était contenu dans la prophétie

Dans l'Ancien Testament, le Fils était contenu dans la prophétie. Les voix qu'entendaient les prophètes étaient celles du Fils et de l'Esprit. L'Esprit était porteur du Verbe du Père et le Verbe était Dieu, le Seigneur. D'une certaine manière, l'Esprit est pour la dernière fois porteur du Fils quand il couvre la Mère de son ombre. Il réalise alors la prophétie. Il se réalise et il réalise le Fils comme aussi le Fils le réalise. La double façon de voir la vérité divine telle qu'elle était contenue dans la voix divine s'adressant aux prophètes trouve maintenant sa dernière concrétisation : quand le Fils s'incarne et quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre, deux aspects qui ne sont toujours qu'un seul acte comme lorsque la voix s'adressait aux prophètes (NB 6,440).

 

1469. Les prophètes et Marie

Quand l'ange apparaît à Marie et que la récapitulation de tous les messages et de toutes les prophéties précédents est contenue dans son message divin, il y a aussi en elle la foi des prophètes et tout ce que ceux-ci, avec leur foi, avaient mis de personnel dans la transmission du message. La somme des missions accomplies. C'est en s'engageant eux-mêmes que les prophètes avaient annoncé aux hommes la parole de Dieu, mais parce qu'ils le faisaient dans l'obéissance, ils n'ont cessé aussi de restituer et de soumettre la parole à Dieu et aux anges qui étaient témoins qu'ils avaient saisis et transmis correctement la parole. Quand Marie reçoit le message récapitulé et la parole de Dieu tout entière, sa réception contient toutes les réceptions de tous les messages de l'ancienne Alliance. Dans la parole de l'ange elle discerne le mot de passe de l'ancienne Alliance. Dans la parole qui lui est adressée elle entend la parole qui a été adressée à Abraham et à tous ses descendants. Dans son message, l'ange doit pour ainsi dire tenir compte de deux choses : que Marie est là, apte à recevoir et prête à recevoir, mais aussi que la somme des prophéties, telle que Dieu l'avait prévue, est atteinte, cette somme qui est présupposée afin que la prédiction puisse être donnée à Marie. Comme un embryon qui devrait être conçu en temps voulu si la naissance doit arriver ce jour. Et c'est pourquoi l'Esprit Saint a pu arrêter aussi sa date parce que les prophètes ont rempli correctement leurs missions. C'est par la foi des hommes que la plénitude des temps est conditionnée bien que Dieu, dans sa liberté et dans sa pure grâce, l'ait arrêtée de toute éternité, mais il ne le fait pas sans tenir compte de tous ceux qui, durant le temps de la promesse, devaient croire et obéir. Justement parce qu'il s'agissait d'une incarnation de Dieu, Dieu voulait inclure dès le début la foi humaine dans l'œuvre de rédemption du Fils, par-dessus tout la foi de sa Mère, mais une foi qui incluait clairement aussi dans son oui le oui à l'Esprit Saint de tous les prophètes de l'ancienne Alliance, récapitulé par l'ange qui interroge Marie. Dans la question de l'ange, il y a, du point de vue du ciel, la question de la Trinité à Marie et, d'un point de vue terrestre et messianique, il y a la question que les prophètes lui posent (NB 1/2, 164-165).

 

1470. L’inspiration chez les prophètes et dans le Nouveau Testament

L'obéissance (à l’Esprit) est toujours un acte simple et, en même temps, elle est ce qui est le plus différencié parce que l'esprit tout entier du prophète ou de l'écrivain, leur esprit personnel, libre et raisonnable doit s'engager de manière responsable dans cette obéissance. Un évangéliste par exemple doit écrire "son" évangile et pour cela utiliser de manière critique tout ce qu'il a appris du Seigneur lui-même ou des apôtres ou par la tradition ; mais il doit en même temps ouvrir à l'Esprit Saint toutes ses facultés qui sont restreintes et limitées, car "son évangile" doit devenir "l’Évangile", il doit contenir tout l'enseignement de Dieu fait homme, donc beaucoup plus que ce qu'un homme peut comprendre avec toutes ses connaissances et toutes ses études (NB 6,454).

 

1471. Les visions des prophètes et les visions de Jean

Ce n'est pas par hasard qu'il fut donné à Isaïe, à Ézéchiel, à Daniel et à Jean de voir des tableaux semblables ; le Seigneur a ouvert aux prophètes avant l'heure les trésors de sa vision, et plus tard à Jean, si bien que celui-ci, en ayant part à la vision du Seigneur, pouvait en même temps conclure les visions de l'ancienne Alliance. Mais ce n'est jamais la vision tout entière du Fils qui est ouverte, ce sont tout au plus des aspects qui peuvent s'en dévoiler à certains croyants pour soutenir la foi de l’Église selon que Dieu le juge bon (NB 5,69).

 

1472. Le Christ reprend toute la substance de l’Ancien Testament et en fait le Nouveau

Le Christ reprend tout la substance de l’Ancien Testament et en fait le Nouveau Testament. Les visions de l’Apocalypse, qui répondent aux visions de Daniel, sont une manière de sceller cette transmission, comme également tout saint Jean répond à Daniel et le Nouveau Testament à l’Ancien, comme la foi néotestamentaire répond à la foi vétérotestamentaire. Comme l’amour du Fils dans le Nouveau Testament répond à l’amour du Père dans l’Ancien (NB 1/2, 31).

 

1473. Ancien et Nouveau Testament 

Le Tintoret (+ 1594). En chaque événement de l'Ancien et du Nouveau Testament il rencontre l'absolue puissance de Dieu ; lui donner son expression claire, qui serait digne d'elle et ferait pressentir des arrière-plans mystérieux : il considère cela comme sa tâche. Le tableau esquissé facilement et sans problème ne signifie rien pour lui, il doit avoir en lui du caractère et de l'originalité, il doit montrer que des questions sont ici soulevées et rendre visible à chaque fois la présence de Dieu dans un milieu rayonnant, dans une lumière particulière (NB 1/1, 137).

 

1474. L'ancienne Alliance est accueillie dans la nouvelle (NB 2,31).

 

1475. L’ancienne Alliance annonce la nouvelle

Les prophéties de l'ancienne Alliance renvoient par avance à Marie, mais aussi à toute son ascendance, aux connexions des générations. Elle n'est pas la Vierge isolée qui va enfanter, elle a sa place dans une famille, dans un peuple. Matthieu commence par l'arbre généalogique du Seigneur et il donne ainsi une réponse exacte à tout le chemin de l'ancienne Alliance qui, dans ses prophéties, conjecturait son chemin sur Marie (NB 2,31).

 

1476. Les deux alliances forment une unité parfaite (NB 3,93).

 

1477. Par la venue du Fils, la nouvelle Alliance est plus mûre, plus sauvée que l'ancienne Alliance. Le Fils ne rapporte rien à lui, il est venu pour être au service de tous (NB 3,193).

 

1478. Il y a dans l'ancienne Alliance une conscience de tribu, qui est porteuse du mystère de Dieu et qui se dirige vers la révélation future du Christ ; dans la nouvelle Alliance, prévaut une conscience personnelle puisque le Christ est apparu comme l'unique Homme-Dieu (NB 2,178).

 

1479. Les visionnaires de l'ancienne et de la nouvelle Alliance sont des témoins qui regardent l'événement du Christ (NB 5,57).

 

1480. Comprendre la nouvelle Alliance grâce à l’ancienne

La confiance renforcée qui est donnée à Dieu le Père dans l'ancienne Alliance facilitera, dans la nouvelle Alliance, la venue du Fils comme Messie étant donné que les croyants comprendront mieux ce qui est nouveau en se référant à l'ancienne Alliance. Pour être en mesure de donner à l’Église le développement nécessaire, ils pourront aussi se référer à la mystique qui existait déjà. L'ensemble de la révélation vétérotestamentaire demeure certes le fondement de la nouvelle, mais cette révélation, vue dans son ensemble, s'adresse à l'humanité en tant que telle, elle ne tient pas spécialement compte de la personne. Dans la mystique par contre Dieu semble s'adresser beaucoup plus expressément aux personnes qui, en tant que telles, annoncent à l'avance la personne du Messie (NB 5,52-53).

 

1481. Le mystique de l’ancienne Alliance et le mystique de la nouvelle Alliance

Dans ses expériences de Dieu, le mystique de l'ancienne Alliance a souvent dû se contenter de choses plus tape-à-l’œil, plus frappantes, que le mystique de la nouvelle Alliance. Celui-ci peut toujours s'appuyer sur le Christ qui concentre en lui toutes les expériences de Dieu faites ici-bas avant lui et la somme de toutes les expériences chrétiennes qui suivront. Il constitue une Église vivante à partir de sa propre vie ; en tant qu'organisme bien établi, elle est au service de toutes les expériences chrétiennes à venir. Ce cadre manquait à l'ancienne Alliance. Ce n'est pas que, dans la nouvelle alliance, Dieu le Père se soumettrait au règlement de l’Église ; ce qui se passe au contraire, c'est que, répondant à l'obéissance du Fils, il s'adapte au Fils et donne ainsi aux expériences mystiques la possibilité d'être réellement contrôlées par l’Église ; il les replace sans doute chaque fois dans l'ensemble de l’Église afin qu'elle soit affermie, mais par l'approbation qu'elle donne, elle confère également de la force aux expériences des personnes. La mystique contribuera à soutenir l’Église comme des poutres solides ; mais ces poutres elles-mêmes reçoivent leur solidité du fait qu'elles sont incorporées dans l’Église. Il y a entre elles une interaction. Cette interaction est beaucoup moins visible dans l'ancienne Alliance. Et parce qu'elle n'existe pas sous cette forme dans l'ancienne Alliance - du moins pas sous une forme aussi achevée -, ce qui tape à l’œil y est beaucoup plus marqué aussi bien dans la nature que dans la surnature (NB 5,53).

 

1482. Dans l’ancienne Alliance, le mystique a un rôle de leader - Dans la nouvelle Alliance, tensions possibles entre le mystique et l’Église

Dans l’Église, Vianney est un prêtre parmi d'autres ; de son vivant, bien des gens le vénèrent, mais officiellement l’Église ne fait rien pour lui, les autorités le tolèrent plutôt. L’Église a justement sa propre vie qui, même quand elle semble morte, est incomparablement plus forte que l'expérience mystique d'un individu. Dans l'ancienne Alliance par contre, un mystique comme Élie a un rôle de leader ; il se détache du petit peuple. Dans l’Église, le mystique ne doit guère s'attendre qu'à une solitude spirituelle ; à vue humaine, il disparaît dans l’Église. Pour la bonne raison aussi que la tâche du mystique est devenue autre. Dans l'ancienne Alliance, la connaissance de Dieu authentique et profonde était rare, isolée. Dans la nouvelle Alliance, ce n'est pas seulement le mystique qui voit Dieu dans le Fils incarné, c'est l’Église en tant que telle. Son savoir est sûr même si humainement elle peut encore beaucoup se tromper dans le détail. C'est pourquoi, dans la nouvelle Alliance, il peut y avoir des tensions aussi grandes entre le ministère ecclésial et la mystique, alors que dans l'ancienne Alliance aucun ministère ne pouvait "corriger" un mystique (NB 5,53-54).

 

1483. Relation essentielle de l’ancienne Alliance avec la nouvelle

Lors de la transfiguration de Jésus sur le mont Thabor, Moïse et Élie apparurent nettement reconnaissables ; la vision rendit ainsi évidente la relation essentielle de l'ancienne Alliance avec la nouvelle, de la promesse avec son accomplissement. Le Seigneur n'est pas seulement celui qui accomplit les prophéties, il est aussi celui à qui les prophètes sont présents. Cela ne le fait pas sortir de son rôle messianique, il n'est pas bouleversé par l'apparition des prophètes, au contraire il les accueille dans sa sphère et dans sa conversation. Il est dans son monde qui lui est naturel (NB 5,83-84).

 

1484. La grâce de la nouvelle Alliance dépasse toutes les attentes de l’ancienne Alliance

La grâce de la nouvelle Alliance dépasse fondamentalement toutes les attentes de l'ancienne Alliance, toutes les perspectives contenues dans les prophéties. Ce n'est qu'en regardant en arrière, en partant de la vie du Seigneur, que nous pouvons vérifier que quelque chose s'est accompli dans le prolongement d'une attente. Mais le mode de la réalisation, on ne pouvait absolument pas le prévoir à partir de l'ancienne Alliance (NB 6,453).

 

1485. L’inspiration dans l’ancienne Alliance et dans la nouvelle Alliance 

Les prophètes de l'ancienne Alliance étaient inspirés d'une manière plus "verticale". La nature de l'inspiration s'est transformée par l'incarnation du Christ : elle est devenue plus "horizontale", plus au ras du sol, mais elle n'en est pas moins puissante et pénétrante. Dans l'ancienne Alliance, elle ressemblait davantage à des éclairs qui traversaient tout à partir d'en haut ; depuis que le Fils en tant qu'homme nous a donné pour Dieu des images et des paraboles, l'inspiration chrétienne ressemble davantage à un feu qu'on peut regarder. Le Père et l'Esprit s'adaptent pour ainsi dire aux lois du Fils incarné (NB 6,461).

 

1486. Toutes les paroles de l’Écriture et l'amour englobant de Dieu

Toutes les paroles de l’Écriture, des prophètes, des livres de la sagesse, du Seigneur, ont toujours leur sens dans le cadre de l'amour englobant de Dieu : l'amour peut à tout moment rendre actuelle chacune de ces paroles. Mais justement cette liberté de l'amour fait aussi que ce ne sont pas toutes les paroles qui possèdent simultanément cette même actualité. Qui se laisse conduire par l'amour expérimente chaque fois l'aspect de l'amour qui est actuel pour lui maintenant ( NB 12,39).

 

1487. Un prophète, après avoir reçu l'inspiration, ne va pas demander à Dieu : "Qu'est-ce que tu as à me dire maintenant ?" (NB 12,130).

 

1488. La manière dont Dieu utilise les prophètes

La manière dont Siméon prophétise. Il n'est pas utilisé par Dieu comme l'un des anciens prophètes, qui avaient souvent à transmettre des paroles dont ils ne comprenaient pas totalement eux-mêmes la portée. La prophétie de Siméon au contraire est le fruit de ce qu'il comprend, de sa contemplation de la Mère et de son enfant. Si l'on voulait ranger les prophètes sur une échelle et commencer tout en haut par ceux qui sont utilisés tout à fait inconsciemment, Siméon se trouverait tout en bas. Ce qu'il dit est totalement dépourvu de ce qu'il y a d'inconstant, d'abrupt, d'obscur dans bien des prophéties d'autrefois. La sienne est le résultat de sa foi, de son amour : c'est ici que lui apparaît la mission qu'il accomplit : dire à Marie les paroles qu'il doit lui dire (NB 11,396-397).

 

1489. Les promesses de l'ancienne Alliance et la voix prophétique de Dieu (NB 10, n. 2286).

 

1490. Les prophètes ne savaient pas ce qu’ils disaient et ils le savaient

Les prophètes et les paroles qu'ils ont dites. On pense à la joie qu'ils eurent d'entendre la parole et comment d'une certaine manière ils ne savaient pas ce qu'ils disaient, ils le savaient quand même, et ils s'en étonnaient ; et la parole continuait son chemin à partir d'eux (NB 10, n. 2294).

 

1491. Les missions des prophètes

Dieu crée les missions des prophètes, il regarde le Fils. Le destin du Fils jusqu'à la croix lui est alors présent par avance. L'envoi en mission des prophètes par le Père est comme un aspect de sa présence auprès du Fils durant sa vie terrestre. Quand le Fils est revenu au ciel, Dieu Trinité forme les missions à partir de la démesure de ce que le Fils a accompli. Si ce sont des missions de souffrance, de non-compréhension et d'angoisse, elles sont formées à partir de la surabondance de la passion du Fils qui, dans son amour pour le Père mais aussi dans l'expérience qu'il avait de la lourdeur du poids du péché sur la terre, intensifia toujours plus son don de lui-même. S'il avait mesuré et s'il s'était acquitté de la souffrance selon ses constatations - "ça suffit comme ça", "cela correspond exactement à ce que le Père attend de moi", "c'est le poids plénier de ce que j'ai à fournir comme contrepoids du péché" - tout aurait atteint en lui son achèvement. Il aurait alors été un homme qui aurait oublié et exclu le divin qui se trouve dans la démesure et dans le fait de ne pas vouloir mesurer. Mais, parce qu'il est Dieu, il donne davantage. C'est justement de ce plus qu'il veut former les siens pour le Père et aussi pour le prochain. Ainsi le profit et le fruit de la vision sont retirés à l'envoyé. Par la tradition et l'enseignement de l’Église, il peut savoir que son action et son sacrifice sont en quelque sorte utilisés, mais ce savoir ne fait pas partie de ses connaissances personnelles, car il ne cesse de se transformer aussitôt en une offre de service. Il doit sans cesse faire le pas qui le conduit à s'offrir à la démesure. C'est ce qui est demandé de lui dans toutes sortes de souffrances ; il ne lui est pas demandé de mesurer une certaine quantité d'angoisse ou de douleur, car cela contredirait directement la volonté du Fils. Les prophètes, qui ont l'impression qu'on leur en demande trop, appartiennent à l'ancienne Alliance où il y avait encore une certaine mesure. Jusqu'où Isaïe ou Jérémie auraient-ils pu accepter de supporter ? Ce qui se serait passé au-delà aurait simplement été trop. Dans le Nouveau Testament, il n'y a plus cette sorte de limitation. Ce qui se comprend comme ceci : quand on dit : "Jusque là", c'est toujours une initiation à plus (NB 10, n. 2144).

 

1492. Le prophète devait être rempli de l'Esprit pour comprendre la voix de l'Esprit

Dans la voix que les prophètes ont perçue, l'Esprit ne pouvait être saisi que par l'Esprit lui-même. Le prophète devait déjà être rempli de l'Esprit pour comprendre la voix de l'Esprit. L'Esprit des prophètes était ce qui lui permettait de se rendre présent en eux. Dans l'ancienne Alliance, sa présence se limitait à ceux en qui il était ; c'est en eux qu'il agissait (NB 6,441).

 

1493. Quand un prophète entend la voix de Dieu

Les prophètes obéissent à la Loi, cela va de soi pour les Juifs. La Loi détermine leur vie de croyants en famille, dans leur tribu et dans leur peuple, elle les oblige strictement et totalement, comme tous les autres Juifs. Mais quand un prophète entend la voix de Dieu et reçoit une mission, son devoir d'obéissance reçoit un tout autre visage. Son obéissance devient personnelle, elle est difficile à faire comprendre aux autres, étant donné qu'elle l'oblige d'abord lui-même. Il peut la reconnaître tout de suite ou rester longtemps incertain ou se défendre avec entêtement jusqu'au moment où il se soumet. L'obéissance du prophète le dépasse toujours lui-même : "Dis à mon peuple : ainsi parle le Seigneur !" La mission requiert de transmettre, d'être un instrument, elle a déjà implicitement une forme ecclésiale dans le fait que constamment elle dépasse ce que la vie vétérotestamentaire dans la Loi semble requérir. Que le Dieu juste puisse trop en demander est, pour chaque prophète, presque incompréhensible et souvent insupportable. Car en tant que Juif croyant, il essaie au moins, dans sa fidélité personnelle à la Loi, dans ses obligations de prière et dans ses obligations rituelles, d'observer la juste mesure entre Dieu et l'homme, entre l'exigence et la pratique. Il sait certes que Dieu est infiniment plus grand et plus puissant que lui, qu'il voit beaucoup plus loin ; mais le pacte d'alliance, il semble pourtant d'une certaine manière qu'on peut en faire le tour, justement parce que Dieu n'est pas devenu homme, il apparaît comme le partenaire qui doit, tout comme l'homme, s'en tenir aux clauses du contrat, et qu'on aurait pour ainsi dire le droit de l'avertir au cas où il semblerait oublier une clause (NB 6,167).

 

1494. Le prophète : comme un partenaire de Dieu

Dans l'ancienne Alliance, Dieu apparaît comme un partenaire qui se trouve en vis-à-vis, il concède que le prophète se comprenne aussi comme un partenaire et discute avec Dieu. Des explosions de rébellion, une conduite hésitante, même la désobéissance restent souvent impunies, pour mettre finalement en évidence la plénitude de la grâce qui sera offerte aux chrétiens. Le véritable héritier de l'exigence démesurée des prophètes sera le Fils sur la croix et il distribuera aux siens quelque chose de son exigence démesurée, ce qui lui semble bon, mais de telle sorte qu'y soit toujours visible une grâce plus grande (NB 6,168).

 

1495. Les prophètes saisissent la voix de Dieu

En plus des menaces de Dieu, les prophètes doivent transmettre ses promesses. Il y a ainsi dans leurs paroles quelque chose de la parole éternelle elle-même. Ce quelque chose est le fondement qui façonne leur obéissance de manière neuve. Ils saisissent la voix de Dieu de bonne grâce ou à contrecœur, ils sont centrés sur cette voix qui se fait entendre de telle manière et pas autrement, et donc dans une forme d'obéissance qui annonce celle du Fils (NB 6,168).

 

1496. La prophétie du prophète dépasse la Loi

Le dépassement de la Loi se trouve pour une part dans le contenu de la prophétie ; quand il ne se trouve pas dans le contenu, c'est dans la forme qu'il se trouve, c'est-à-dire dans le jeu que Dieu joue avec le prophète qui se sent et se sait transporté dans un monde qui ne peut être cautionné par sa seule foi vétérotestamentaire, dont les miracles font si bien sauter les limites de sa foi que sa réponse d'obéissance résulte du dépassement, elle est pour ainsi dire forcée. Finalement ce n'est pas sa propre obéissance qui décide mais une obéissance qui lui est prêtée par le Fils qui, par avance, prend le prophète à sa suite, triomphe de sa faiblesse dans la perfection de l'obéissance filiale (NB 6,168).

 

1497. Aucun prophète ne peut jamais décrire ce qu'il voit de manière exhaustive

Supposons quelqu'un qui n'aurait encore jamais vu un cheval, on ne pourra pas lui transmettre une vision convenable de l'animal. On pourrait lui en faire comprendre certains aspects, par exemple sa manière de sauter ou de hennir. C'est de la même manière que le Seigneur communique des aspects de l'ensemble de sa vision. C'est pourquoi chez les mystiques le terme "comme" est indispensable. J'ai vu "comme un feu", etc. C'est le signe de la distance entre la vision du prophète ou du mystique et la vision du Seigneur. C'est aussi le signe de la distance entre cette vision qui est transmise et l'idée que s'en font les croyants. Mais le plus important, c'est le premier point. Aucun prophète ne peut jamais décrire ce qu'il voit de manière exhaustive parce qu'il est conscient que ce qu'il peut comprendre n'est pas à la hauteur de la totalité de la vision, parce qu'il voit quelque chose qui est davantage que ce qui s'exprime dans la vision. Celui qui voit quelque chose de céleste sait en même temps qu'il n'en voit qu'un détail, qu'au fond il faudrait le ciel tout entier pour donner sa pleine réalité à ce qui est vu (NB 5,69-70).

 

1498. Le Fils s’est dispersé dans les prophéties de l’ancienne Alliance

Dans l'œuvre de la rédemption, le facteur temps est comme suspendu. Le Fils a comme dispersé sa mère à travers les âges pour pouvoir la rassembler à nouveau dans son être réel. Tout comme lui-même s'est dispersé dans les prophéties de l'ancienne Alliance pour se rassembler à nouveau à partir de là dans son être d'homme. Marie est présente depuis toujours dans le plan du Père et du Fils, elle est humainement visible depuis la chute d'Ève (NB 1/2, 167).

 

1499. Le prophète est transporté par sa prophétie au-delà des siècles

La justice de l'ancienne Alliance pressent en elle la grâce de la nouvelle, non comme une grâce lointaine, absente, à recevoir bien plus tard seulement : l'ébauche de la grâce future s'esquisse déjà au présent. C'est sans doute une prophétie, mais les choses qui viennent - du fait qu'elles viennent - ont déjà la puissance de ce qui existe. Le prophète vit dès maintenant de ce qu'il prophétise. Sa prophétie le transporte au-delà des siècles bien qu'il meure en son temps. Sarah, la stérile, qui par son enfantement est arrachée au cours naturel de la vie, est dès maintenant un signe de l'enfantement surnaturel de Marie. Ce n'est pas l'Esprit Saint qui la couvre de son ombre, c'est la force de la prophétie qui la fait devenir mère, une force de l'obéissance qui provient de la force du oui de Marie. Elle se laisse faire, alors qu'au fond, du point de vue de la nature, il n'y avait plus moyen qu'on dispose d'elle, c'est un consentement surnaturel. Avec Sarah, avec Anne, des chemins de vie sont ouverts qui seront continués avec Élisabeth, qui s'achèveront avec Marie, des chemins qui, à cause de Marie, ont déjà été empruntés (NB 1/2, 168).

 

1500. L’Esprit inspire les disciples ou les prophètes pour qu'ils mettent par écrit ce qu'ils ont vécu avec Dieu et avec le Seigneur (NB 1/2, 239-240).

 

1501. Les prophètes entendent la voix de Dieu

Pour bien des prophètes, la parole de mission retentit soudainement ; ils l'entendent avec leurs sens humains, comme une voix humaine, et c'est la voix de Dieu, de l'Esprit. C'est de la même manière aussi qu’Élie entend. Mais il y a de plus une voix qu'il ne peut saisir comme une voix de ce monde, qui le pousse dans la solitude. Non dans la solitude physique du désert maintenant, mais dans une solitude spirituelle : la voix l'a entraîné dans une région où est Dieu et non les hommes. Une vocation divine et non une vocation humaine. Dans cet espace où l'on entend la voix et où on lui obéit, Élie doit faire l'expérience d'un vide de l'esprit. Pour lui qui est doté de sens, la perception sensible, humaine, doit s'effacer, disparaître, pour que seule s'esquisse la possibilité de percevoir Dieu. Cela signifie pour lui un changement total : il doit saisir que la foi doit prendre une place précise et déterminée non à côté de sa raison et de ses autres dons spirituels, il doit comprendre que la foi revendique en lui la priorité absolue et que, par la foi, il a été transporté dans le monde de la voix de Dieu. Pour ce faire, il doit apporter sa contribution. Il doit détrôner ses sens. Il ne s'agit ni d'un enthousiasme ni d'une idée, mais d'une réalité, et à vrai dire une réalité telle qu'elle doit produire en lui un effet. Sa contribution est qu'il y aille réellement, qu'il transmette le message, qu'il accomplisse ses missions (NB 5,58).

 

1502. Certitude et doute du prophète

Le prophète ne doit pas se méprendre. La première fois, il entend comme une voix humaine, il n’y a pas de doute possible, il a entendu. Quand il est au milieu des hommes, il perd son assurance. Les hommes n'en veulent rien savoir, il se dit alors en lui-même : pourquoi vouloir autre chose que les autres ? Pourquoi entrer dans cette solitude effrayante ? Élie pense aux erreurs qu'il a commises durant sa vie. Que de fois il a pensé devoir faire quelque chose et il s'est trompé. La fréquentation des hommes lui a appris à se méfier de lui-même. Pour la voix, il devrait au fond être encore plus méfiant : il n'a fait qu'entendre et il n'a rien vu. Il pourrait quand même se faire que Dieu s'adresse à lui. Il y a des confirmations ; des choses se passent dont il avait entendu parler auparavant. Ou bien l'appel se répète, se fait plus fort, et l'Esprit l'y pousse tellement qu'il doit tenir compte davantage de l'Esprit que des hommes. La voix l'oblige à se mettre totalement au service de l'Esprit si bien que ses hésitations et ses questions se font toujours plus faibles. Le poids du surnaturel s'accroît si bien que tout ce qui est naturel en devient une fonction (NB 5,59).

 

1503. Priorité absolue de la voix de Dieu pour le prophète

Pour le prophète, la voix de Dieu ne peut être remplacée par rien d’autre dans le domaine de la voix humaine. Il s'agit pour lui de rester ouvert, et cette exigence est pour le prophète des plus concrètes. Car elle veut que sa propre voix soit subordonnée à l'ordre de la voix de Dieu qui possède l'absolue priorité pour se faire entendre et être perçue (NB 5,60).

 

1504. Il y a quelque chose de concret qui se produit par l'Esprit chez les prophètes : un don d'eux-mêmes des prophètes à l'Esprit (NB 5,61).

 

1505. Le prophète qui reconnaît la priorité de la voix de Dieu fait un acte d'obéissance et se soumet à l'Esprit de son plein gré en se portant à sa rencontre (NB 5,62).

 

1506. Les prophètes entendaient la voix de Dieu

Les prophètes entendaient la voix de Dieu de telle sorte qu'ils comprenaient, dans un domaine déterminé, de quoi il s'agissait, et ils pouvaient aussi l'exprimer. Ce qu'ils disent laisse entendre leur étonnement d'avoir été choisis pour entendre et transmettre ; même quand ils étaient convaincus qu'une parole leur avait bien été adressée, elle n'avait cependant jamais cessé de les surprendre eux-mêmes. L'abîme qui sépare la parole des hommes de la parole des prophètes était franchi par leur foi ; ils percevaient la voix dans leur nature humaine, y réfléchissaient et, la recevant dans la foi, ils pensaient la comprendre à fond. Mais il y avait en elle des dimensions entières qui n'appartenaient qu'à Dieu et qui leur restaient inaccessibles. Pour les prophètes, leur prédiction recevait sa confirmation et toute sa portée quand elle se réalisait, quand les événements lui étaient conformes (NB 5,65).

 

1507. Chaque prophétie est l’esquisse de quelque chose de plus ample

Dans l'ancienne Alliance, pour toute extension de la foi, Dieu intervient lui-même par une révélation nouvelle. En revenant avec les tables de la Loi, Moïse apporte la volonté de Dieu comme il l'a apprise, avec des précisions et des dimensions nouvelles. L'homme a davantage part à Dieu et on exige davantage de lui. Toute nouvelle sentence prophétique du Seigneur également dit quelque chose d'essentiel, quelque chose qu'Israël connaissait déjà jusqu'à un certain point, mais à partir de là elle exprime et exige quelque chose de nouveau. Quelque chose de nouveau aussi en rapport certainement avec le fait que le peuple s'empêtre de plus en plus dans le péché. En chaque prophétie, il y a des esquisses de quelque chose de plus ample ; tout accroissement est une continuation du passé et fournit ainsi un nouvel aperçu sur la vérité du ciel (NB 5,67-68).

 

1508. Les visions des prophètes

Daniel voit ce que peut voir un prophète de l’Ancien Testament. Dans ses visions, il voit des choses qui s’accordent avec son époque ; les animaux qu’il voit et les nombres qu’il voit sont des animaux et des nombres de son monde. Les animaux sont certes plus extraordinaires que les animaux qu’il connaît d’expérience, mais il peut se les représenter humainement (NB 1/2, 31).

 

1509. Les prophètes : un cri vers la rédemption

Dans les prophètes, c'est toute l'humanité non sauvée qui se manifeste, son cri vers la rédemption. Et ainsi Marie dit oui pour tous. Elle enfantera le Fils qui accomplira toute prophétie. C'est justement pour ce oui de Marie que l'Esprit lançait les prophéties et pour ce oui que les prophètes osaient leur mission. Les prophètes représentent ici tous les hommes qui ont reçu le Seigneur dans la foi (NB 1/2, 165).

 

1510. Les prophètes de l’ancienne Alliance n’aiment pas s’humilier

Les prophètes n'aiment pas s'humilier parce que, conformément à l'ancienne alliance, ils ont une certaine opinion d'eux-mêmes, également de leur obéissance et de leur foi. Chez Daniel, c'est un peu différent. Il a une certaine volonté d'être humilié. Plus il se croit petit, plus Dieu est grand. Il aime que Dieu le fasse petit, d'une étrange manière, afin aussi que son obéissance ne soit rien d'important aux yeux de Dieu. Il est en cela un précurseur de Jean qui ne veut pas non plus que son obéissance ait de l'importance devant Dieu. L’obéissance de l'ancienne alliance ne connaît pas l'humilité de Celui qui s'est incarné. Pour Ézéchiel, les humiliations exigées sont très pénibles. Il les subit. Daniel les aime. Le Christ les aime et les subit. Daniel les aime parce que Dieu lui inspire de les aimer, parce que Dieu le Père se réjouit de faire ce cadeau à son Fils, de lui offrir un Jean qui était déjà présent en Daniel. Quand Ézéchiel doit se tenir couché sur un côté pendant un temps plus ou moins long, que sa nourriture doit être comme ci et comme ça, tout cela lui est horrible. Daniel prend tout de la main de Dieu et l'aime (NB 1/2, 113-114).

 

1511. Force prophétique de l’Ancien Testament

Jean-Baptiste vient avec la force d’Élie : en unissant la force prophétique de l'Ancien Testament à l'Esprit Saint du Nouveau Testament (dans la rencontre d’Élisabeth avec Marie), il devient le point d'union des deux Testaments. En ce sens, il dirige d'une manière tout à fait unique les cœurs des pères vers les enfants (Lc 1,17), les cœurs de l'Ancien Testament vers les enfants du Nouveau qui seront issus aussi des païens. Pour les chrétiens d'origine païenne, l'Ancien Testament existera en même temps comme leur propre passé et leur propre tradition. Pour eux également vaut ceci : avant de devenir chrétiens, ils étaient Juifs en un certain sens bien qu'ils ne le fussent pas selon la chair. Il n'est possible à aucun chrétien de n'accepter que le Nouveau Testament, il doit assumer aussi sa préhistoire. Mais les Juifs, qui rejettent le Nouveau Testament, ont perdu par là le droit à l'Ancien Testament, bien que Dieu finalement les rattrapera par sa grâce (NB 1/2, 33-34).

 

1512. Abraham et Isaac - Dieu veut mettre son Fils à la place d'Isaac

Abraham a conduit son Fils sur la montagne et a tout préparé pour le sacrifice, et pourtant le sacrifice demeure non accompli dans une ultime obéissance parce que Dieu se réserve pour lui-même l'accomplissement, parce qu'il veut mettre son Fils à la place d'Isaac pour remplacer la foi des juifs par la foi des chrétiens, pour mettre la rédemption en tant que vie du Fils au-dessous de la vie des hommes. Le Fils connaît Abraham et Isaac, il est au courant du sacrifice qu'il offre au Père et il l'offre au Père comme Abraham et Isaac ne pouvaient pas l'offrir à Dieu parce celui qui n'est qu'un homme ne pouvait aussi être placé par Dieu que dans une obéissance humaine tandis que l'obéissance de l'Homme-Dieu contient toujours le principe supérieur du plus qui en fait tout à la fois une totalité et quelque chose d'inexplicable (NB 3,329).

 

1513. Le mystère d'Abraham va vers la croix (NB 2,178).

 

1514. Ézéchiel reçoit une vision

Ézéchiel a reçu la grande vision des êtres vivants auprès du trône de Dieu. Il les décrit ensuite dans une inspiration qui arrive après coup. A l'origine, il a vu différents aspects qui ne se sont assemblés que peu à peu pour donner un tableau d'ensemble. Il lui faut du temps pour recueillir en lui le tout. Jean voit et saisit l'Apocalypse dans une suite rapide. Ézéchiel regarde, et la compréhension de ce qu'il a vu lui arrive très lentement. Il regarde des tableaux prophétiques, il est initié à des choses qui ne sont pas encore réalisées. Il ne peut pas voir leur ampleur, tout reste en suspens. Entre lui et l'Apocalypse, il y a la vision du Thabor et la vision du Seigneur ressuscité (NB 5,57).

 

1515. A Job, Dieu accorde déjà quelque chose de la grâce de la nouvelle Alliance

Dieu parle avec Job. A la fin, Dieu fait son éloge. A cause du Fils. Job doit être pour le Fils un encouragement à venir dans le monde. Avec Job, Dieu le Père n'accorde plus seulement la justice de l'ancienne alliance mais quelque chose déjà de la grâce de la nouvelle. Il montre au Fils que son sacrifice lui est agréable en donnant par avance à Job de goûter déjà aux fruits de ce sacrifice. Le Père a entendu parler Job dans la grâce du Fils. Job a une position privilégiée. Les amis de Job, Dieu les entend parler dans l'ancienne alliance ; Job, dans la nouvelle alliance. Job apprend à aimer l’humiliation parce qu'il apprend à aimer la grâce de la nouvelle Alliance. Les amis de Job sont blâmés par Dieu parce qu'il n'ont pas fait comme Job le pas vers la nouvelle alliance, parce qu'ils ne veulent pas voir que quelque chose de nouveau se prépare, et parce qu'ils ne se doutent pas de l'activité du diable (NB 1/2, 114-115).

 

1516. Dieu prend Job dans une conversation où chaque partenaire peut dire ce qu’il a à dire

Dieu procède avec Job autrement qu'avec les croyants de la nouvelle Alliance. Il lui permet de se quereller avec lui et il lui donne finalement raison sur certains points. Il élève Job dans une sphère qui jusqu'alors était refusée et pour laquelle il n'y a pas de directive générale. Il le prend dans une conversation comme entre partenaires dans laquelle chaque partie peut dire ce qu'elle a à dire ; Job peut et doit donc se présenter devant Dieu comme devant un égal, il peut dire oui ou non, se révolter et finalement se soumettre. Tout cela, il peut le faire légitimement : ne pas comprendre, ne pas vouloir continuer, se sentir trompé, etc. Car Dieu le laisse souffrir à une époque où on ne voit pas encore qu'on peut souffrir avec le Fils parce que sa passion ici-bas n'a pas encore été accomplie (NB 5,54-55).

 

1517. Job : un combat mystique avec Dieu

Le procès de Job avec Dieu n'est au fond rien d'autre qu'un combat mystique avec Dieu. Il lutte avec un Dieu qui se présente à lui dans l'expérience mystique. Quand les premiers coups l'atteignent, c'est un homme touché par le destin. Quand l'accumulation des catastrophes exclut toujours plus clairement le destin ordinaire, il arrive dans la zone d'expérience de la mystique : il est introduit dans la solitude et l'abandon, même ses meilleurs amis ne le suivent plus, ils ne comprennent ni ce qui lui est arrivé, ni le dessein de Dieu sur lui (NB 5,56).

 

1518. Quand Dieu soumet un homme à l'épreuve, c'est pour le faire grandir

Job est un homme pieux qui cherche à faire la volonté de Dieu et qui, dans la volonté qu'il a de se donner à Dieu, est capable de faire davantage que ce qui a été exigé de lui jusqu'à présent. Quand Dieu soumet un homme à l'épreuve, c'est pour le faire grandir ; l'exigence de Dieu à l’égard de Job a pour but de le faire grandir (NB 5,54).

 

1519. Les formes de possessions de l’Esprit dans l’ancienne Alliance et dans l’Eglise

Le Fils donne aux siens l'Esprit de prophétie : les formes de possession de l'Esprit au temps des prophètes continueront d'exister au temps de l’Église. Mais elles sont maintenant plus élevées, plus accomplies, infiniment variées et substantielles, parce que, dans ce qui est prophétique, le Fils ne veut pas seulement léguer l'esprit de foi vivant de l'ancienne Alliance mais, dans l'obéissance au Père, il doit aussi se présenter lui-même. Il a si bien assumé tout ce qui est de l'Ancien Testament que celui-ci reçoit toute la plénitude de sa force. En lui, il devient nouveau. Il garde le sens qu'il avait, mais il devient totalement nouveau dans son effet ; par exemple, tout ce qu'il y a de périphérique et d'hésitant dans la parole des prophètes disparaît ; ils n'arrivèrent jamais à quelque chose de parfaitement achevé, ce n'est qu'en luttant plus ou moins qu'ils accédaient à la parole ; la parole du Christ résonne comme une parole de plénitude, et son effet doit être celui de la plénitude. Il assume aussi bien ce qui vient du Père que ce qui vient de l'ancienne Alliance, et toujours aussi ce qui vient du Père par les prophètes, il reçoit chaque fois ce qu'il a assumé en son sens plein (NB 5,64).

 

1520. La mystique de l'ancienne Alliance ressemble à des éclairs et à des coups de tonnerre, celle de la nouvelle à la pluie bienfaisante qui arrive ensuite (NB 5,51).

 

1521. Dans l'ancienne Alliance, Dieu peut révéler à des voyants sa nature d'avant le monde

Au beau milieu de l'ancienne Alliance, Dieu peut déjà révéler à des voyants sa nature d'avant le monde, il peut le faire d'une manière si vivante et si mouvementée que le voyant expérimente quelque chose de l'être inépuisable de Dieu lui-même tel qu'il était avant même qu'Adam soit et avant même que Dieu envoie son Fils ici-bas, quelque chose qui n'a ni espace ni temps, quelque chose qui est au-dessus de toute la création. Non que soient supprimés l'espace étroit et le temps limité dans lesquels le voyant a vécu, mais c'est au-delà des conditions limitées d'existence de la créature qu'apparaît l'infini absolu de Dieu (NB 5,43-44).

 

1522. L’ancienne Alliance : Dieu renoue des liens avec les hommes

Dans l'ancienne Alliance, Dieu renoue des liens avec les hommes, et d'abord par la foi. Celle-ci enfonce la grâce originelle comme un coin dans la vie des pécheurs. Il ne s'agit plus seulement comme pour Adam de savoir ce que Dieu veut ; parce que l'homme a chuté et qu'il a fui devant Dieu, la foi est devenue pour lui historique ; elle comprend maintenant des éléments qui concernent toute la vie humaine, le passé, le présent et l'avenir ; le péché, le châtiment, l'espérance, la grâce sont les choses qui déterminent l'ensemble de son existence (NB 5,48).

 

1523. L’ancienne Alliance : Dieu se sert de croyants comme instruments de sa révélation

A côté de la relation commune de Dieu aux humains, il y a aussi dans l'ancienne Alliance une relation particulière. Dieu peut se saisir de croyants en particulier pour se servir d'eux comme d’instruments de sa révélation. Il peut leur faire connaître soudainement des choses d'une manière si pressante et si actuelle qu'elles dépassent la foi ordinaire. Des choses qui ne correspondent pas à ce que la foi attend habituellement, des choses qui montrent au croyant en le bouleversant que Dieu établit pour lui d'autres normes. Le prophète est, lui aussi, lié à la loi de Dieu ; mais il est introduit au-delà, dans une sphère qui a un caractère mystique. Dieu agit ici de manière absolument unique, il s'ouvre des chemins qui ne sont pas praticables habituellement. Ce n'est que par sa foi que le peuple a accès à ces révélations de Dieu ; la foi est la clef de la mystique des prophètes et des voyants. Les croyants ne participent pas à l'expérience mystique, mais ils comprennent la signification de la mystique pour leur foi : elle n'est aucunement en contradiction avec la foi, elle lui apporte au contraire une nouvelle vitalité en provenance d'une source inaccessible (NB 5,48-49).

 

1524. Irruptions fulgurantes de Dieu dans l’ancienne Alliance

Pour les hommes de l'ancienne Alliance, il est important qu'en présence de ces irruptions fulgurantes de Dieu, ils éprouvent toute leur foi comme quelque chose de provisoire et d'inchoatif. Ils doivent toujours s'attendre à ce que Dieu peut, d'en haut, forcer à nouveau les limites de leur foi dont ils peuvent avoir en quelque sorte une vue d'ensemble. Même la sphère des prescriptions de la Loi, strictes et explicites, reste dans son ensemble un monde de pressentiment et de provisoire. Pas seulement parce que l'ancienne Alliance doit rester ouverte à la nouvelle qui va venir, mais parce que, de toute évidence, aucune lettre ni aucune Loi n'est capable de saisir le Dieu vivant tel qu'il est en lui-même. La lettre et la Loi de l'ancienne Alliance sont davantage le signe que Dieu a saisi l'homme plutôt que la garantie que l'homme est arrivé à des relations définitives avec Dieu (NB 5,50).

 

1525. Dans l’ancienne Alliance, des rencontres avec le monde divin

Quand, dans l'ancienne Alliance, les prophètes entendent des voix ou qu'il leur est donné de voir des images, quand Élie est nourri au désert ou quand, dans un duel, un homme de guerre reçoit une force extraordinaire, les rencontres de ce genre avec le monde divin ne sont toujours qu'inchoatives. Elles restent le signe de la distance entre Dieu et l'homme, elles augmentent la crainte d'un Dieu vivant et terrifiant, même si c'est l'expérience d'une victoire, d'un bonheur ou d'un amour. Le monde de Dieu apparaît comme un monde prodigieux, les expériences qui en sont faites sont ponctuelles et elles ne peuvent absolument pas former un tout. Elles sont certes comptées comme expériences mystiques dans lesquelles s'est manifestée la force de Dieu, quelque chose est arrivé qui a forcé les limites du monde de l'homme, mais l'image du monde divin ne devient pas un tout avec tous ces fragments. Toute rencontre avec le surnaturel se passe en un lieu nouveau et imprévu ; le contraste est souligné entre la puissance de Dieu et l'impuissance de l'homme même quand, pour un instant, l'impuissance de l'homme est si bien utilisée par la puissance divine qu'elle paraît puissante (NB 5,50-51).

 

1526. Dans l'ancienne Alliance, on offrait un agneau innocent comme ce qu'il y avait de mieux pour sauver le pécheur non complètement endurci. C'était une démonstration de bonne volonté. Dans le sang du Seigneur que nous offrons est accompli ce qui, chez Moïse, n'était que symbole (NB 4,53).

 

1527. Dans l’ancienne Alliance, la justice du Père n’a pas encore été révélée comme amour

Job ne peut pas accuser Dieu d'injustice et pourtant la justice du Père n'a pas encore été révélée comme amour, comme dans la nouvelle Alliance. Il serait grand temps que le Fils vienne, car on voit exactement chez Job que cela dépasse toutes les forces de l'homme de reconnaître Dieu comme juste quand il retire tout à un homme qui n'a pas conscience d'une faute particulière et quand Dieu ne s’est pas révélé comme amour (NB 4,139).

 

1528. L'ancienne Alliance ne connaît pas la croix. Mais comme précurseur de la croix, elle connaît le combat contre le mal au nom du Dieu juste. C'est une collaboration aux côtés de Dieu pour aider celui qui est bon et juste à obtenir justice au nom du Créateur (NB 2,167).

 

1529. L’ancienne Alliance connaît le sens du péché, du châtiment, de l'expiation ; le juste se tient devant Dieu infini dans une crainte respectueuse. Les justes sont des fanaux qui ont à montrer aux pécheurs le sens de la justice (NB 2,213).

 

1530. Les visions de l'Ancien Testament se dirigent vers la résurrection

Celui qui peut voir le corps ressuscité du Seigneur - autrefois durant les quarante jours ou plus tard comme Paul et d'autres voyants - fait l'expérience de sa parfaite corporéité. Il serait faux de le considérer comme un simple "corps de vision". Mais d'autre part, la possibilité elle-même de la vision a un rapport étroit avec la corporéité transfigurée. Le Seigneur offre à l'esprit du voyant quelque chose qui, sur un autre plan, correspond à l'état de sa corporéité. La résurrection des corps augmente les possibilités de l'esprit. Et les deux augmentations sont intérieurement en relation, elles se complètent mutuellement et se conditionnent l'une l'autre. La vision vraiment chrétienne d'un visionnaire est fonction de la résurrection du Christ. Les visions de l'Ancien Testament se dirigent vers la résurrection (NB 3,281).

 

1531. Dans l’Ancien Testament, toutes les tentatives faites par Dieu pour aplanir les chemins de son Fils

Jean-Baptiste dirige le regard vers le Dieu de la justice d'alliance, il montre aux Juifs le chemin qu'ont parcouru les pères du peuple. Mais il voit déjà ce Dieu avec des yeux qui sont touchés par la grâce du Seigneur et de sa Mère. Il recueille toute la tradition d'Israël, toute la préhistoire de la foi, toutes les tentatives faites par Dieu pour aplanir les chemins de son Fils : tout cela, il le remet au Seigneur. Jean ne rachète pas le monde. Mais, comme l'ange l'annonce, il doit conduire au Seigneur un peuple préparé. Et comme pour les prophètes et plus tard pour le Seigneur, toute cette préparation a comme effet la résistance de l'incrédulité (NB 1/2, 34).

 

1532. L’obéissance juive dans l’Ancien Testament

Dans l'ancienne Alliance, le caractère du péché originel est beaucoup moins apparent que dans la nouvelle. Le Juif sait bien sûr que Dieu peut punir un péché sur des générations, mais parce qu'il ne connaît pas celui qui est sans péché et qui porte tout le péché, il ne connaît pas vraiment la connexion générale des péchés depuis Adam L'obéissance juive demeure ainsi toujours conditionnée d'une certaine manière par le caractère bilatéral du contrat d'alliance, qui est connu comme tel et dont les exigences sont claires (NB 6,167-168).

 

 

3. Le Nouveau Testament

 

1533. L’évangéliste : un instrument

Marc est heureux d'être arrivé au bout de son évangile, d'en avoir fini, et il voit que dans le peu qu'il a fait il y a bien plus qu'il se l'était imaginé. Il constate qu'on peut "méditer" son évangile, qu'en chaque détail c'est l'ensemble qui apparaît. L'inspiration ne lui procure peut-être pas la même joie qu'aux autres, il repousse le livre, il en est presque gêné, comme s'il y avait méprise ; il n'arrive pas à être totalement heureux d'avoir servi d'instrument (NB 6,457).

 

1534. L’inspiration pour les évangélistes

En présence de leur œuvre achevée, les évangélistes ont une sorte d'intelligence personnelle de l'incarnation. En rédigeant leur évangile, ils ont vécu quelque chose de parallèle à l'incarnation du Verbe : l'Esprit qui devient parole. L'Esprit Saint s'est servi de leurs idées et de leurs mots pour en façonner une image de Dieu dans ce qu'ils ont écrit. Ils ont conscience qu'avec ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas, ils sont intégrés dans une certaine réalisation de Dieu ici-bas. Le souffle de l'Esprit en eux a eu suffisamment de force créatrice pour être présenté d'une manière valable. Dans ce but, l'Esprit a réalisé une unité inséparable entre lui et leur esprit humain. Et cette unité s'est faite là où déjà il y avait l'Esprit du Christ, la foi, la vie surnaturelle qu'ils avaient reçue du Seigneur (NB 6,458).

 

1535. Les évangiles et les intentions de l’Esprit Saint

Dans les différents évangiles, les événements sont éclairés de manière très différente ; les déplacements de point de vue empêchent que tout puisse être ramené à un dénominateur commun. En fin de compte, ces déplacements ne doivent pas être imputés aux caractères différents des auteurs humains, mais aux intentions de l'Esprit Saint. Dans le même fait, il peut avoir "remarqué" deux points de vue auxquels il donne deux "visages" lors de l'inspiration ; c'est à nous, qui arrivons après et qui méditons, qu'il reviendrait de découvrir, dans ces déplacements, la richesse de l'événement (NB 6,458).

 

1536. L’inspiration de l’Esprit Saint pour un évangéliste

Un évangéliste écrit sous l'inspiration. Il a son plan, il suit un fil conducteur, il a sous les yeux une certaine image du Seigneur, il met en ordre tout ce qu'il a appris par lui ou sur lui. Il a une forme et il a les matériaux. Que des deux il en sorte quelque chose de valable, c'est l'Esprit Saint qui l'obtient. Il en est de même pour un écrivain qui veut écrire une nouvelle : il a ébauché le fond, il a esquissé bien des scènes ; avec ce qu'il a sous la main, il lui suffirait de quelques minutes pour en faire un récit. Pour produire le récit réel, il lui faut compléter et travailler. Ici l'hagiographe est conduit par l'Esprit. Si, par la suite, il relit ce qu'il a écrit, il reconnaîtra certes son plan, c'est donc bien ce qu'il avait l'intention de faire ; dans son travail d'écriture, il savait sans doute ce qu'il écrivait, mais il est étonné quand même parce qu'il y a dans l'œuvre achevée beaucoup plus que ce qu'il aurait pu faire lui-même (NB 6,454).

 

1537. Pendant que les évangélistes écrivent, l'Esprit les inspire

Supposons qu'un étudiant prenne des notes lors d'un cours compliqué de philosophie ; certaines phrases le frappent comme très importantes, lui semble-t-il, mais il ne voit pas bien l'ensemble, les prémisses qui ont conduit à cette formule concentrée ne sont pas claires pour lui. S'il devait expliquer à un autre étudiant l'ensemble du cours, il ne pourrait balbutier que quelques mots, et l'autre n'arriverait pas vraiment à comprendre. S'il était doué, il pourrait rapidement détromper celui qui lui donne un résumé du cours et lui montrer que son savoir ne tient pas ; s'il en est incapable, l'exposé qu'on lui fait ne lui apprendra rien. Ce que les évangélistes auraient pu fournir par leurs propres forces aurait été quelque chose comme ce genre de notes médiocres. Mais pendant qu'ils écrivent, l'Esprit les inspire (NB 6,454-455).

 

1538. L'évangéliste est beaucoup plus éveillé quand il écrit que lorsqu'il faisait son plan

La différence entre l'inspiration naturelle et l'inspiration surnaturelle. En relisant sa nouvelle, un écrivain peut être étonné d'avoir si bien réussi son affaire. L'hagiographe reconnaît par contre non ce qui lui est venu à l'esprit, mais ce qu'il a entendu et les obstacles qui ont dû être écartés en lui pour qu'il lui fût possible d'entendre ; car il a l'expérience de ses limites personnelles ou de la peur ou de ce qui lui manque en don de lui-même : tout cela d'habitude l'empêchait de recevoir complètement le sens de la parole du Seigneur. Il a l'impression d'être comme quelqu'un qui est très fatigué et à qui on raconte quelque chose qui exige la plus grande attention : il ne peut comprendre que vaguement, ça n'entre pas pleinement dans le champ de sa conscience. Peut-être en comprend-il davantage le jour suivant quand il s'est bien reposé. De même l'évangéliste est beaucoup plus éveillé quand il écrit que lorsqu'il faisait son plan et rassemblait des matériaux. Avant, il comprenait ce qu'un homme comprend ; après, il saisit que, dans ce qu'il a écrit, il y a beaucoup plus qu'il ne le pensait. Il comprend ainsi comment un saint conçoit les vérités de la foi : non pas avec l'esprit brouillé et distrait comme le font les pécheurs, mais à peu près comme la vérité veut être comprise. De même que le saint comprend toujours de manière personnelle et existentielle, de même l'inspiration aussi est toujours adaptée à chaque écrivain. Elle est tout autant personnelle que valable pour toute l’Église. Quand un évangéliste relit son œuvre, il voit que c'est non seulement l’Église dans son ensemble qui a reçu un cadeau, mais aussi lui-même : il a reçu le message du Seigneur d'une autre manière (NB 6,455).

 

1539. Les évangélistes et l’état d’inspiration

L'état d'inspiration n'est pas psychologique, on ne peut pas le comparer à une ivresse par exemple, à une euphorie, comme elle peut envahir un poète. Il est dans son ensemble un état plus que personnel, un état ecclésial. Cependant les personnalités des écrivains ne sont pas nivelées, elles ont le droit et le devoir d'apporter du leur dans l'unité plus haute de l'Esprit. L'inspiration est ce qu'il y a de plus objectif dans tout ce qui existe : la représentation absolument valable de la vérité absolument valable du Seigneur, de son enseignement en paroles et en actes. Et ceci par l'Esprit Saint qui fait voir partout le plus qui y est inclus et qui n'aurait pas été saisissable d'une manière purement humaine (NB 6,455-456).

 

1540. L’Esprit donne sa dimension divine à l’évangile de l’évangéliste

Luc connaît la plus grande objectivité. Ce qu'il voulait décrire objectivement et précisément lui semble être devenu par l'inspiration encore plus réel et plus concret. Comme si l'Esprit s'était justement inséré dans sa préférence pour le concret et lui avait donné une dimension divine. Ce qui était auparavant sa préférence semble maintenant indépendant de lui et la caractéristique du royaume du Christ ici-bas : il est absolument concret et différenciable (NB 6,457).

 

1541. Un exemple d’inspiration chez saint Luc : l’histoire de Zachée

Luc se souvient de l'événement : l'homme dans l'arbre, l'appel de Jésus, le murmure de la foule parce qu'il prend un repas chez un pécheur, et Luc sait quelque chose de la conversion de ce pécheur. Mais tout ce qu'il sait se trouve dans le cadre de ce qu'il sait par ailleurs, dans le cadre de l'opinion qu'il se fait de l'action terrestre du Seigneur; c'est un événement parmi d'autres. Il ne sait pas très bien ce qui s'est passé avant (cet homme a vraiment désiré rencontrer le Seigneur, la grâce qui le travaillait depuis longtemps lui a donné l'envie de le voir), il ne comprend pas non plus la portée de l'événement. Quand, après coup, il relit ce qu'il a écrit, il voit tout d'un coup que le cadre dans lequel se situe l'événement est bien plus vaste et, grâce à cet épisode, il voit aussi les milliers de personnes qui se convertissent quand le Seigneur passe chez eux. Cette histoire particulière qui, dans son cadre, ne semblait pas avoir une importance particulière est située par l'inspiration dans une nouvelle lumière, elle est devenue porte et chemin et ouverture. Zachée prend place parmi la multitude de ceux qui sont sauvés, grâce à lui ils deviennent tous visibles. On voit de plus ce que fait le Seigneur et la contribution de Zachée, on pénètre le jeu de la grâce et du mérite. C'est cela que l'inspiration a opéré : ce qui se trouvait dans le cadre personnel de Luc se trouve maintenant dans le cadre de l’Église. L'événement unique vécu par ceux qui étaient présents alors devient, quand l'évangile est mis par écrit, quelque chose d'exemplaire, toujours valable pour une multitude de pécheurs qui s'orientent vers le Seigneur et le rencontrent (NB 6,456).

 

1542. L’inspiration chez Jean

En relisant son évangile (pour l'Apocalypse, c'est différent), Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel reçoit un caractère ecclésial, il est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon (NB 6,457).

 

1543. L’inspiration pour saint Jean : sur la poitrine de Jésus

Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur en quelque sorte. Il reçoit dans l'amour direct ce que le Seigneur lui communique aussi sans paroles. Quand l'amoureux appuie sa tête sur la poitrine de l'être qu'il aime, il ne sent pas seulement un amour qu'il a déjà connu, une profusion de sentiments et d'idées nouveaux le submerge, et peut-être devine-t-il et sent-il les sentiments les plus intimes de l'être aimé. Quand Jean pose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la pensée de la grandeur du Père ; quelque chose en déborde sur Jean, il en est inspiré. Il voit quelque chose qui doit absolument être juste parce que c'est justement l'amour du Seigneur qui le lui donne maintenant. Cela ne change rien à l'affaire qu'il mette son évangile par écrit beaucoup plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité et Jean pense toujours à la grandeur du Père, cinquante ans plus tard encore. Chez Jean justement, la plénitude de l'instant de l'inspiration est si grand qu'elle déborde sur tous les temps et qu'il peut toujours remonter à son origine : il "a vu et entendu et touché le Verbe de vie". Ce qui finalement est mis par écrit est une petite partie de ce qui lui a été inspiré. "Tous les livres du monde ne le contiendraient pas". Sur la poitrine du Seigneur, Jean se consacre à l'amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n'accapare pas, il ne cherche pas à saisir l'inspiration. Il prend ce qui lui est donné, il se laisse submerger par l'amour, et l'amour peut prendre la forme de l'inspiration. Jean a ici quelque chose de féminin : c'est du Seigneur qu'il attend d'être totalement comblé sans jamais revendiquer quelque chose (NB 6,459-460).

 

1544. Les auteurs du Nouveau Testament écrivent sur mission de l’inspiration

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles ; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur mission de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle (NB 10, n. 2242).

 

1545. L’Évangile : l’endroit où le ciel touche la terre

Dans la vie du Seigneur, il s'agit toujours du grand ensemble, mais l'endroit où le ciel touche la terre en tel moment précis paraît insignifiant et secondaire. Une femme malade touche la frange du vêtement de Jésus et une force sort de lui. Une foule a faim et il la nourrit miraculeusement de pain et de poisson pour que les gens ne meurent pas dans le désert, ou simplement pour qu'ils aient la force d'écouter et d'accueillir sa parole. Et c'est pourtant dans ce secondaire que se révèle en même temps la grandeur de sa puissance. Il y a toutes ces rencontres apparemment fortuites avec des gens qui attrapent quelque chose de lui – une guérison, une parole de pardon – par quoi la vérité de Dieu entre dans leur vie. C'est par un petit coin qu'il commence et qu'il communique toute la grande joie de Dieu (NB 12,136-137).

 

1546. L’évangile peut apaiser la soif de Dieu

L'enfer est ici le contraire de l'évangile : il est message fermé. Pour l'évangile, si quelqu'un a soif, il reçoit à boire. Et s'il n'a pas encore soif, l'évangile lui indique au moins qu'il y a en l'homme une source scellée de soif de Dieu et que l'évangile peut l'apaiser (NB 4,49).

 

1547. Nous devons chercher le Seigneur. Et pour le chercher d'une manière vivante aujourd'hui, nous avons l'évangile (NB 4,407-408).

 

1548. On ne peut pas chercher le Seigneur uniquement chez les saints, on doit toujours aussi prendre l'évangile (NB 4,408).

 

1549. Au cours des siècles, la force de la parole du Fils ne diminue pas ; la parole de l'évangile a aujourd'hui la même vitalité qu'autrefois la parole exprimée par le Christ sur la terre (NB 1/1, 59).

 

1550. L'évangile participe à la vérité toujours plus grande de Dieu, il fait apparaître son absolu dans notre relativité (NB 1/1, 333).

 

1551. L’Évangile : un enseignement vivant qui a part à l’Esprit

L’Évangile n'est pas seulement un récit de faits, il est en même temps l'enseignement vivant. Il a part à l'Esprit Saint. Le Seigneur comme l'Esprit parlent ici. La parole que le Seigneur a dite parle, mais comme l'Esprit (dans l’Église) l'a entendue et reçue (NB 1/2, 242).

 

1552. L’évangile entre la prophétie et l’Apocalypse

L’évangile nous offre une première plénitude, mais telle que nous n’avons pas le droit d’en être rassasiés. Il y a aussi bien sûr les Juifs et leur destin, et nous devons porter avec eux, nous devons rester des gens qui attendent. Non parce que le Christ ne serait pas venu, mais parce que tous ne l’ont toujours pas encore vraiment atteint. Par l’Apocalypse, lui qui est venu devient en chacun de nous celui qui est promis, celui qui est en train de venir. Presque comme dans une grossesse. L’enfant est déjà là et il doit encore venir. Il a en lui ce plus de pouvoir être les deux en même temps. Ainsi il est impossible de détacher l’évangile du double cadre de la prophétie et de l’Apocalypse, le cadre qui relie la fin au commencement (NB 9, n. 1340).

 

1553. L’enfant de Noël entre l’Annonce à Marie et l’Épiphanie

L'enfant de Noël n'est pas seulement un être humain parmi nous, il est en même temps l'enfant qui est adoré en tant que Dieu, vers qui cheminent les rois. Leur adoration est comme le pendant du oui adorant de la Mère à l'ange et comme un premier effet de ce oui : il s'avère maintenant que des hommes, venant de l'extérieur, sont capables, sous la conduite du Père, de reconnaître comme Dieu l'enfant qui s'est incarné par le oui de Marie. Il y a les deux points : l'Annonce à Marie et l’Épiphanie ; et entre deux se trouve l’œuvre de Dieu Trinité. Marie représente ici la confiance en Dieu et l’œuvre en elle de la grâce, les rois représentent la reconnaissance de l’œuvre de Dieu et la compréhension de la grâce. Ils voient le résultat et la portée de ce que Dieu a opéré avec l'accord de la Mère (NB 10, n. 2055).

 

1554. L’incarnation : mouvement du ciel vers la terre

L'incarnation est un mouvement du ciel vers la terre ; Marie est le lieu où ce mouvement s'arrête un instant, l'auberge accueillante où le Fils passe ses années cachées. Les rois qui viennent l'adorer sont le début d'un mouvement opposé, du monde vers le Seigneur et, par lui, vers le Père, qui ne cesse de s'étendre. Les rois sont ainsi, pour le Fils, la preuve que ça a réussi pour Dieu de se rendre visible dans un homme. C'est une première reconnaissance, autre que celle de la Mère : celle-ci avait été interrogée par l'ange et avait laissé faire ; à partir de là, sa foi n'a cessé de devenir plus parfaite. Les rois par contre sont actifs dans le sens où ils se mettent en route vers le Seigneur pour un moment de contemplation adorante, après quoi ils reprennent leur route, mais désormais conscients de la présence divine sur la terre. Ils adorent selon ce qu'ils ont compris, mais éclairés par le mystère de l'étoile et celui de la présence du Seigneur. Les éléments de leur prière leur sont donnés de l'extérieur et ils sont guidés par eux. Ils ont prêté attention au signe venant du ciel, ils se sont confiés à sa direction, ils ont fait le voyage, atteint le but (NB 10, n. 2159).

 

1555. Le Fils est toujours là pour le monde à sauver

Nous avons le droit d'entrer dans le mystère de l’abandon du Fils sur la croix. Quand, dans l’Évangile, il se retire pour prier seul ou quand il va avec ses disciples se reposer dans un endroit désert, dans tous les cas il est toujours là pour ses disciples, pour le monde à sauver (NB 12,122).

 

1556. Les hommes ne peuvent pas donner aux paroles du Fils leur plénitude divine

Ici-bas le Fils ne parlera pas autrement qu'en conversation avec Dieu et pour le glorifier. Chaque parole qu'il exprime tire toute sa substance de la Parole qu'il est ; elle est remplie de l'absolue vérité de Dieu. Il comprendra ses paroles comme il les dit, il les remplira comme il les connaît. Les hommes les saisiront et les rediront, sans les changer apparemment, comme ils les ont apprises de lui, ils ne peuvent pas leur donner leur plénitude divine, ni les comprendre comme il les comprend (NB 6,157).

 

1557. La prudence dont doit faire preuve le Fils pour parler aux hommes

Une angoisse saisit le Fils : par l'usage des mots humains, il pourrait encore agrandir la distance qui sépare le monde de Dieu. Il devra commencer à parler très prudemment, très doucement, pour ne pas découvrir d'emblée le malentendu flagrant. C'est surtout là où les hommes sont disposés à faire ce qu'il attend qu'il doit être prudent ; il doit employer des mots plus petits en quelque sorte pour ne pas effrayer les hommes de bonne volonté qu'il veut faire entrer dans sa manière de parler et de penser, pour ne pas les mettre tout de suite en présence de la distance tout entière. Dans une conversation, il faut bien que les deux adaptent quelque peu réciproquement leurs idées pour qu'ils comprennent à peu près la même chose. Quand le Fils appelle quelqu'un : "Toi, suis-moi", c'est un mot atténué ; il est question de marcher derrière lui. Ce n'est que peu à peu que le mot révélera tout ce qu'il contient. Il doit parler prudemment aussi parce qu'il doit mettre, dans les mots qui vont rester, le plus possible de la vérité qu'il connaît. Quand les hommes les emploieront plus tard, on devra sentir qu'ils sont sortis un jour de sa bouche ; on ne doit pas pouvoir les utiliser dans des phrases vides. Les hommes doivent pouvoir se souvenir que lui et lui seul connaît exactement leur contenu, et cela doit les amener à grandir dans la Parole. Quand quelqu'un essaie de parler une langue étrangère et qu'il souligne ses mots avec des gestes, on devinera ce qu'il veut dire même si les mots demeurent incompréhensibles. C'est ainsi qu'on peut lire dans l'attitude du Fils combien de prix a pour lui ce qu'il dit, et cela doit amener ses auditeurs à les comprendre dans son sens (NB 6,157).

 

1558. Le Fils apprend la langue des hommes

Pour apprendre un petit enfant à parler, on commence par des mots très simples. D'autres mots que l'enfant emploie, il les a simplement pris à ses parents sans en comprendre le sens. Sa mère veillera à ce que l'enfant ne dise pas ensuite des syllabes dépourvues de signification, mais qu'il emploie les mots dans leur juste sens. Le Fils apprend la langue des hommes pour leur montrer ce que signifie au fond leur langue. Ce que signifient les mots en vérité, c'est-à-dire quelle vérité ils ont en Dieu. Il y avait certes déjà la langue de l'ancienne Alliance, mais le Fils lui donne un sens plus plein. Un enfant peut ainsi apprendre comment se dit "amour" en russe, et il peut décliner le mot. Mais il ne sait pas encore ce qu'est l'amour en vérité : il ne l'apprendra que plus tard, longtemps après avoir connu le mot. C'est ainsi que les notions de l'ancienne Alliance reçoivent dans la nouvelle leur sens plus profond (NB 6,158).

 

1559. Comment le Fils doit s'y prendre pour que les hommes se sentent interpellés

Le Fils, parce qu'il est à la fois homme et Dieu, dispose des moyens les plus variés pour entrer en relation avec les hommes. La question est seulement de savoir si ces moyens conviennent pour des hommes qui ont abusé, pour le péché, de tous leurs moyens d'expression. Comment s'y prendre pour qu'il se sentent interpellés ? Les moyens de la pureté feront difficilement l'affaire. Ne devrait-on pas suborner ou corrompre un peu les hommes pour qu'ils écoutent ? Est-ce que les objectifs du Fils les intéresseront ? Par exemple agir pour la plus grande gloire du Père ? Quelqu'un d'impur, on ne peut pas le toucher avec un but de ce genre à moins qu'on lui montre des avantages personnels, qu'on se montre arrangeant avec ses desseins qui sont sans amour. Le Fils n'a pas d'autres possibilités que celles qui sont dans sa pureté en tant que Dieu et homme. Montrer le Père, éveiller de l'intérêt pour Dieu. Et le seul intérêt ne suffit pas, l'homme doit l'accompagner un bout de chemin. C'est beaucoup plus difficile à obtenir. L'acte extérieur ne suffit pas non plus, il faut participer à la vie intérieure du Fils. L'homme doit consentir à offrir en lui un espace pour la mission du Fils (NB 6,158).

 

1560. Quand le Seigneur appela les douze disciples, tous le suivirent. Quand aujourd'hui quelqu'un reçoit sa lumière, elle lui semble aussi claire qu'autrefois (NB 11,361).

 

1561. Le Fils invite les croyants à rester comme des enfants devant le Père

Le Fils invitera les croyants à rester comme des enfants devant le Père. Ils ne doivent pas constamment se poser des questions et souligner leur indignité, mais recevoir simplement et comme des enfants la conscience d'être des enfants de Dieu et y persévérer. Ils doivent se mouvoir avec naturel dans le monde de Dieu et ne pas mettre constamment des limites dans leur prière, parler de leur impuissance, de leur inclination au péché ou d'y penser. Même s'ils gardent quelque part le sentiment de leur tendance au péché et donc de leur indignité, il leur est quand même permis de recevoir avec gratitude le don de leur dignité d'enfant devant Dieu. La dignité l'emporte ; la pureté de la conversation avec Dieu, la force de la prière, peut-être aussi la force de la nuit et de la souffrance dans la prière peuvent être si prégnants que cela devient clairement une participation à la destinée de Jésus enfant. Même l'impuissance de celui qui est suspendu à la croix, son cri d'abandon ne laissent à aucun moment s'éveiller la pensée de l'indignité. Il meurt dans la dignité de celui qui appartient au Père, il souffre comme un homme qui porte tout au Père comme un enfant, sans trier constamment ce qui est à lui et ce qu'il doit donner, ce qu'il veut prendre sur lui et ce qu'il ne veut pas prendre ; il rapporte la totalité de son être à la totalité du Père. Quand un chrétien prie, il implore avec la dignité du mendiant qui n'a rien et qui a besoin de beaucoup, avec la dignité de l'enfant à qui il n'est pas donné de rendre quelque chose pour ce qu'il doit recevoir. Quand il adore, c'est avec la dignité de celui qui sait, et il ne pourrait pas le savoir si la grâce ne s'était pas si bien révélée à lui que par elle tous les écarts coupables et toutes les fautes sont dépassés (NB 6,165).

 

1562. Le Fils se retire pour prier pour ensuite aller vers les hommes

"Suis-moi". Le Seigneur ne dit pas où, ni de quelle manière, si bien que tout reste possible : le suivre partout et de toute manière. Par monts et par vaux, auprès des amis et des ennemis, dans la prière et l'échec, au mont des oliviers et sur la croix. Ce qui fait la vie du Seigneur est offert à celui qui le suit. Le Seigneur montre qu'il puise de la force pour sa vie dans son dialogue avec le Père, qu'il se retire pour prier pour ensuite aller vers les hommes (NB 6,551).

 

1563. Le Notre Père que le Fils a donné au monde est quelque chose qui lui tient à cœur : que le monde puisse prier comme lui-même a prié et pour que la volonté du Père soit faite sur la terre (NB 1/1, 37).

 

1564. Accomplir volonté du Père comme le Fils

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Ton Fils nous a montré cette volonté au mont des oliviers quand il a dit en tremblant : "Non comme je veux, Père, mais comme tu veux". Les hommes devraient accomplir sur terre cette volonté comme le Fils l'accomplit par son passage à travers l'enfer. Nous demandons au Père, au Fils et à l'Esprit Saint de bien vouloir insérer notre volonté humaine dans l'unité de leur volonté. Au jardin, le Fils a montré cette volonté divine quand il a dit : "Non comme je veux" ; il a frappé la formule et l'a assumée dans sa volonté humaine si bien que par sa grâce il ne serait plus difficile pour nous de mettre notre volonté dans la sienne ; nous savons qu'à l'instant où nous essayons de mettre notre volonté faiblement ébauchée dans la forte volonté du Père, le Fils la façonnerait parce que lui, le Fils, a fait s'ouvrir déjà sa volonté dans celle du Père (NB 3,127).

 

1565. Après "trois jours" dans les enfers, le Fils, chargé de nouveaux mystères, est revenu à ses disciples avec des paroles qui ébranlèrent le monde (NB 5,124).

 

1566. Le Père n’opère de miracles que là où se trouve le Fils

Les miracles divins ne sont limités ni à un lieu, ni à une époque, mais le Dieu incarné lie ses miracles à sa présence humaine. Les miracles du Père, le Fils les laisse se produire par lui. Tant que le Fils est ici-bas, le Père n'opérera de miracles nulle part ailleurs que là où se trouve le Fils. C'est nouveau. Dans l'ancienne Alliance, les miracles se produisaient n'importe où dans le pays des Juifs, ils n'étaient liés qu'à la foi en Dieu. Maintenant ils ne proviennent que du Messie qui est issu de ce peuple. Ceux qui doutent, ceux qui cherchent, ne peuvent les attendre que là où est le Fils. Mais le Fils aussi est dans la foi : c'est en son nom que les apôtres opèrent des guérisons et chassent les esprits mauvais. De sorte que cela va déjà plus loin que la présence physique du Seigneur. Le premier miracle qu'il opère - à titre d'essai pour ainsi dire -, il l'opère par amour pour sa Mère : lors de sa rencontre avec Élisabeth. Là on ne peut guère dire qui opère le miracle. Dieu, naturellement, mais est-ce Dieu dans la Mère comme signe de la vérité du Fils, ou Dieu dans le Fils pour sa Mère ? Ce premier miracle remplit déjà deux conditions essentielles des futurs miracles du Fils : la présence physique du Fils et la foi de sa Mère en lui, c'est pourquoi c'est peut être un miracle de sa présence aussi bien qu'un miracle de la foi de Marie. Les deux interprétations du miracle lors de la rencontre des femmes portent la marque des temps nouveaux : le lien au Fils. Personne n'est choisi pour opérer des miracles en croyant au Père mais sans croire au Fils (NB 6,225).

 

1567. Les miracles du Fils pour la rencontre de l’homme avec le ciel

Une fois pour toutes, le Fils est qui il est : le Fils du Père, il est devenu homme et, par son être, il renvoie à l'amour du Père. Le miracle majeur qu'il nous apporte est celui de l'amour et de la foi : par sa venue, l'amour et la foi peuvent devenir des miracles manifestes pour la rencontre de l'homme avec le ciel. Ses miracles matériels ne sont ainsi que des coups d’œil rapides dans le ciel, peut-être pour que nous puissions voir quelque chose plus facilement. Ou bien aussi pour que ceux qui viendront après, ceux qui cherchent, ceux qui doutent, ne cessent d'être confrontés à l'absolu de Dieu (NB 6,227).

 

1568. Les miracles du Seigneur : expressions de sa vie mystique

Les miracles du Seigneur qui sont reconnus comme tels par les hommes parce qu'ils ne peuvent pas être ramenés à un art humain, sont les expressions les plus hautes de la vie mystique du Seigneur. Ils sont liés à sa présence ; mais on ne peut pas suivre le chemin qui va de sa personne à son acte. Il ne l'interprète pas non plus lui-même, il laisse aux siens le soin d'interpréter. Il les pose comme des faits qui, en tant que tels, sont totalement liés à sa présence (NB 5,217).

 

1569. Les miracles du Christ : des lumières qui éclairent sa divinité

Les miracles témoignent pour le Fils ; ils sont comme des lumières qui éclairent sa divinité et la font sortir de l'ombre pour les hommes. Pour la résurrection, c'est encore autre chose. Tant que le Fils est dans sa mission terrestre, il témoigne du Père et de l'Esprit. Dans la résurrection, il témoigne en même temps de lui-même. Comme un artiste qui signe son tableau, comme un acteur qui, après la pièce, se présente devant le rideau. Le Fils peut le faire à la fin, après qu'il a livré tout ce qu'il avait : il a déposé sa divinité dans les souffrances, il a rendu l'Esprit au Père, il s'est défait de son humanité dans la mort. En ressuscitant, il montre que tout cela était une œuvre de Dieu, qu'il l'a fait en tant que Dieu infini qui est en même temps l'homme accompli. Dans la résurrection, le Père et l'Esprit ne sont pas seulement actifs mais, comme le Fils, ils reçoivent aussi : ils reçoivent dans leur sein comme une communion l'Homme-Dieu accompli : c'est le don de soi eucharistique du Fils incarné à la divinité. Il apporte sa chair et son sang dans l'échange trinitaire. Parce que le Fils s'est défait de tout et qu'à la fin il n'a plus rien, il peut donner son tout à tous : au monde comme à Dieu lui-même (NB 6,95).

 

1570. Pierre au Thabor entend la voix qui vient du ciel (NB 1/2, 46).

 

1571. Au Thabor, les disciples perçoivent la voix du Père

Au Thabor, les trois disciples qui perçoivent la voix du Père parlant du Fils assistent à une révélation de Dieu Trinité, car pour que la voix sorte de la splendeur, l'Esprit doit être là. C'est toujours l'Esprit qui ménage l'échange entre le Père et le Fils. Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième. Les disciples au milieu desquels se trouve le Seigneur pressentent quelque chose de sa divinité, mais les signes et la révélation de cette divinité sont donnés par le Père et l'Esprit. Au Jourdain, c'est surtout l'Esprit qui le confirme, l'Esprit qui est descendu visiblement ; au Thabor, c'est surtout la voix du Père. Le Fils ne veut jamais révéler aux hommes sa divinité indépendamment de la Trinité (NB 6,94).

 

1572. Thabor : manifestation du Père et de l’Esprit pour révéler divinité du Fils

Pour les disciples au Thabor, les manifestations du Père et de l'Esprit ne font sans doute d'abord qu'augmenter la gloire du Fils, elles ont lieu pour révéler sa divinité. Mais cette divinité justement est manifestée d'une manière objective par la divinité du Père et de l'Esprit. Par analogie, Dieu Trinité se sert d'un saint pour se révéler ici-bas de manière plus évidente. Et l'analogie est une analogie tout intérieure parce que le Fils de Dieu est le saint par excellence. Deux aspects sont ainsi mis par lui en lumière : d'une part le Père et l'Esprit se révèlent dans le Fils pour manifester sa nature divine, d'autre part en se servant de l'humanité du Fils, Dieu Trinité manifeste (avec le Fils en lui) comment il peut se révéler dans la sainteté d'un homme saint (NB 6,94-95).

 

1573. L’expérience des trois apôtres sur le Thabor : tout un chemin mystique

Le Seigneur qui, sur le Thabor, apparaît transfiguré à ses disciples, est dans son propre royaume, le royaume qui lui appartient, c'est là aussi qu'il rencontre Moïse et Élie ; et comme il est dans son royaume, il apparaît à ses apôtres transfiguré. Ceux-ci voient la différence entre son apparence habituelle et son apparence à cet instant-là, mais ils voient aussi que, sous ces deux apparences, il est le même Seigneur. C'est tout un chemin mystique qui est ramassé dans ce double regard sur le Seigneur (NB 5,82).

 

1574. Le Fils et l’Esprit lors de la transfiguration

Dans le tableau de la transfiguration du Seigneur, l'Esprit apparut comme une lumière en mouvement, un drapeau flottant au vent. Le Fils, on peut le comparer à une statue, a une polarité plus calme que l'Esprit, il est plus tranquille, plus saisissable, plus immergé dans le temps. Dans l'incarnation, le Fils s'est abaissé, "amoindri", il a choisi une forme de communication liée à l’être de l’homme et il a par là renoncé aussi à certaines formes d'expression - il y a renoncé à la fois pour lui et pour son Église - que l'Esprit est toujours libre de prendre et de distribuer, car l'Esprit ne s'est pas incarné (NB 6,416).

 

1575. La transfiguration : le ciel se penche vers la terre

Transfiguration. Le Seigneur, qui ressemble d'habitude à un homme ordinaire, les disciples le voient sous sa forme de Dieu ; ils peuvent ainsi croire plus facilement qu'il est réellement le Fils du Père. Ils ont accès à une forme du Seigneur qu'ils ne connaissaient pas et qui existe, qui est dans la foi, du moins pour leurs yeux ; ils pourraient décrire eux-mêmes quelque chose de la différence entre les deux modes d'apparence. Vis-à-vis d'un non-croyant, qui ne douterait pas de leur véracité, ils pourraient le faire de telle manière qu'il saisisse quelque chose de l'excellence du Seigneur. Pour les disciples, le Seigneur n'est pas seulement le Fils de Dieu en soi, il incarne la forme de leur foi, leur foi est enrichie et augmentée ; de nouveaux aperçus s'ouvrent à elle, les limites de l'existence terrestre du Seigneur, et même les limites du monde au fond, sont repoussées, font voir des dimensions jusqu'alors inconnues dans lesquelles le ciel se penche vers la terre et lui donne part à ce qui est céleste. Désormais, les relations des disciples avec le Seigneur auront une dimension nouvelle, elles seront mystiques d'une certaine manière. L'événement unique, mystique, dont ils ont fait l'expérience, ne doit plus les laisser en paix par la suite (NB 5,83-85).

 

1576. Le Thabor : pour les apôtres, le ciel est présent ici-bas

Les apôtres au Thabor se rendent compte qu'il y a un abîme entre ce qu'ils voient et ce qu'ils comprennent. Ils ne veulent pas admettre que l'apparition n'a qu'un temps, ils voudraient construire des huttes, rester dans le même état. Ce n'est pas qu'ils se révoltent contre le passé, c'est simplement qu'ils ne comprennent pas. Pour eux, Moïse et Élie sont si présents qu'ils pensent à leur trouver un abri et ils sont tout prêts à s'en occuper. Ils veulent y mettre du leur pour que les prophètes trouvent ici-bas des pénates. Comme le Seigneur qui est là n'est pas seul à apparaître transfiguré, mais que les prophètes sont là avec lui, il leur semble évident qu'ils doivent ébaucher une image valable du ciel qui est justement présent maintenant ici-bas, pour se donner et donner à son enseignement et à l'éternité de Dieu Trinité une forme apte à faire éclater la forme de foi de l'ancienne Alliance. L'infini du royaume du Père doit déborder les limites du royaume terrestre. L'intelligence des apôtres n'est pas à la hauteur de leur vision. Leur foi a été si dilatée et si fécondée que leur raison ne suit pas, ils cherchent donc, avec leur raison limitée, à donner un certain contenu à leur foi, à établir un accord qui n'est pas possible parce que l'accord ne se trouve que dans le Seigneur. Pour lui, cette réalité est ce qui est habituel ; pour eux, c'est du nouveau, quelque chose d’excessif, mais qu'eux-mêmes, en tant que représentants de l’Église naissante, voudraient tout de suite insérer dans ce qui leur est connu. Pour leur foi, il n'est peut-être pas agréable d'être mise en présence de dimensions si inattendues. Ils sont pour l'ordre. Peut-être aussi que les prophètes, s'ils avaient une maison ici-bas, pourraient mieux se laisser ranger. Il n'y aurait plus sans cesse ces surprises qui sont à attendre du Seigneur. Les apôtres représentent très bien ici un certaine figure moyenne de l’Église qui préférerait avoir le droit, après tous les bouleversements, de revenir à la régularité et à la vue d'ensemble de ses tâches d'avant (NB 5,84).

 

1577. Le Thabor : pour un petit aperçu du domaine de la puissance du Seigneur

L'essentiel sur le Thabor, c'est la transfiguration du Seigneur lui-même. Les prophètes ne constituent que l'arrière-plan, ils ne sont qu'un petit aperçu du domaine de la puissance du Seigneur et, dans sa transfiguration, il s'élève bien au-dessus de ce domaine. Lui qui est venu du ciel sur la terre, il élève maintenant les croyants de la terre au ciel par sa splendeur. L'événement unique, mystique, dont ils font ici l'expérience, ne doit plus les laisser en paix par la suite (NB 5,85).


 

1578. La transfiguration : un nouveau regard sur le Fils

Lors de la transfiguration sur le Thabor, les disciples ont tout d'un coup un nouveau regard sur ce qu'est le Fils en réalité. Il est transfiguré sous leurs yeux, il est élevé au-dessus de son apparence humaine ordinaire. Ils le voient plus spirituellement que physiquement, sous une forme d'existence qui fait partie du domaine du visionnaire. Comme s'ils avaient reçu la faculté de l'accompagner quelques pas de plus en direction de sa contemplation du Père. Le Fils lui-même est homme avec toutes les possibilités de son être humain particulier et sa vision du Père dans l'état de transfiguration en fait aussi partie. La vision du Père, qu'il a toujours depuis l'incarnation, fait beaucoup plus partie de la transfiguration de son humanité que de son être divin. Sur la croix, il n'aura plus cette vision (ou bien il n'aura plus que la vision de l'absence du Père) pour n'être plus, dans son expérience, qu'un homme qui souffre purement et simplement. La transfiguration du Seigneur dépend de ses occupations : quand il est dans la contemplation du Père, il est plus transfiguré que lorsqu'il est dans l'action. Cette différence ne porte pas préjudice au fait que le Fils voit toujours le Père. Mais sa vision habituelle n'est pas la même que son orientation en acte vers la vision du Père quand il se consacre totalement à la contemplation. L'action est un autre état bien que celui-ci ne puisse absolument pas être qualifié d'éloignement. La relation du Père à lui est toujours la même. Sa relation au Père est immuable en son essence, mais différente en ses expressions. Une de ces formes d'expression pour nous est sa transfiguration quand il est en contemplation. En lui-même, il est toujours transfiguré ou, pour mieux dire, il a toujours la possibilité d'être transfiguré, car il n'est pas transfiguré pour lui mais pour les autres. Quand les hommes le voient transfiguré, c'est comme s'ils voyaient au-delà de son humanité, en direction de sa divinité qui commence au-delà de ce qui n'est plus visible (NB 5,86-87).

 

1579. Le Seigneur souffre pour tous

Le Seigneur dit au larron : « Vraiment, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis ». Il ne lui dit pas : « C'est pour toi que je suis sur la croix et que je supporte telle et telle souffrance ». Il souffre pour tous, tellement pour tous que ceux-là aussi qui semblent destinés à l'enfer ne sont pas exclus de sa souffrance (NB 10, n. 2227).

 

1580. Les rencontres du Seigneur avec ses disciples dans la joie de la résurrection

Quand le Seigneur réapparaît et mange avec ses disciples, quand il institue la confession, organise tout dans l’Église de manière neuve, quand il participe par là à la manière de vivre de ses disciples, les instruisant mais pourtant comme l'un d'entre eux, il opère tout cela dans la joie de la résurrection (NB 10, n. 2141).

 

1581. L’Ascension. Le Seigneur est retourné dans le mystère de la vie trinitaire dont il nous a montré sur terre un reflet, il s'est retiré à nouveau dans le ciel dans son prolongement infini (NB 10, n. 2184).

 

1582. Le Seigneur va envoyer l’Esprit Saint que nous ne pouvons pas imaginer

Le Seigneur va aller au ciel, il va quitter ses disciples, il va envoyer l'Esprit promis : tout cela semble bien étrange. Lui qui a comblé tant de nos désirs, qui nous a accordé sa proximité comme le plus grand des cadeaux, il va nous quitter. Et comme il connaît nos lacunes et notre peu de courage, il va nous envoyer l'Esprit Saint que nous ne pouvons pas imaginer. Il l'a en quelque sorte rendu au Père comme son propre Esprit et maintenant il va demander qu'il lui soit rendu afin qu'il nous transforme d'une manière qui ne sera pas la manière du Fils : il ne va pas prendre chair pour engager avec nous des entretiens (NB 10, n. 2184).

 

1583. Entre l’Ascension et la Pentecôte, il y a une attente dans la prière que le Seigneur impose à ses disciples et à nous. Mais qui dans l’Église saisit ce que signifie cette descente de l'Esprit Saint ? Après la Pentecôte, nous sommes aussi tièdes et aussi paresseux que nous l'étions auparavant (NB 10, n. 2355).

 

1584. Lors de la première Pentecôte, ceux qui se sont rassemblés pour attendre l'Esprit et le recevoir l'ont fait instruits par l'Esprit (NB 10, n. 2197).

 

1585. La descente de l’Esprit sur les apôtres

La descente de l’Esprit sur les apôtres à la Pentecôte. Ils n’étaient certainement pas sans défauts, mais la fidélité qu’ils gardaient malgré tout au Seigneur les rend capables de recevoir l’Esprit à la Pentecôte. Leur carrière jusque là était d’une certaine manière un mérite fondé sur la grâce de l’appel ; maintenant la grâce de l’Esprit Saint entre en eux et en fait des saints. La langue de feu descend sur eux et prend possession d’eux ; elle trouve là à son arrivée comme un sol préparé, pour tout transformer (NB 9, n. 1800).

 

1586. La Pentecôte : rencontre mystique des apôtres avec l’Esprit Saint

La rencontre de l'Esprit Saint avec les apôtres le jour de la Pentecôte ne peut être comprise autrement que comme une rencontre mystique. Ils sont ivres, hors d'eux-mêmes, en extase. Quand Dieu crée un homme, on peut d'une certaine manière prévoir à quoi ressemblera le résultat : il présentera les caractéristiques de tout homme. Quand l'Esprit du Créateur rencontre le croyant, on ne peut pas prévoir ce qui en sortira. Pour la saine raison humaine, la Pentecôte est un spectacle de désordre, d'aliénation, de trouble dans l'homme : ce n'est pas l'homme lui-même qui le provoque et rien de naturel ne peut le causer, il est un signe d'une invasion du divin, le signe que l'Esprit de Dieu souffle en l'homme où il veut et qu'il transforme tout ce qui est habituel. Les limites de l'esprit humain sont supprimées, les disciples parlent des langues qu'ils n'ont jamais apprises, ils parlent même plusieurs langues en même temps sans les avoir étudiées. C'est ici, dans l'accès à quelque chose d'inaccessible, dans ce qu'il est impossible d'obtenir même si on le voulait, que se trouve un point essentiel de la mystique. Ce dépassement des limites sans qu'on l'ait voulu soi-même et sans s'y être exercé caractérise tout le domaine de la mystique. La manière dont Dieu conduit alors peut rendre inutile tout degré apparemment nécessaire, le rend de fait réellement inutile. Les apôtres sont des croyants qui tout d'un coup, d'un ciel serein, reçoivent un cadeau qui les comble, dont Dieu seul est l'origine. Ils ne reçoivent pas ce don selon leurs mérites ou leurs efforts, mais sans conditions. Ce n'est pas non plus leur personnalité propre qui fait l'expérience d'un complément ou d'une surélévation, tout l'accent est mis sur l'intervention de Dieu. L'unique condition pour recevoir la confirmation est la foi du baptisé. C'est à celle-ci que se joint l'Esprit Saint. La transformation qui se produit dans l'apôtre n'est pas seulement perceptible pour lui, il la remarque aussi chez les autres, et il reconnaît que leur transformation est causée par l'Esprit (NB 5,144-145).

 

1587. Des êtres saisis par l’Esprit

Les Corinthiens étaient certes d’une certaine manière saisis par l’Esprit, mais pour ainsi dire trop saisis. L’Esprit n’avait pas fait d’eux des saints comme il l’avait fait pour les apôtres. Ils avaient trop ajouté du leur, ils sont un bon exemple de saints qui tournent mal (NB 9, n. 1564).

 

1588. L’Esprit donne de parler en langues et inonde d’amour

Pour les apôtres, le parler en langues vint d’une manière tout à fait inattendue, ils se sentirent inondés par l’amour. Ils étaient contents du don reçu et ils ne firent rien pour l’accroître. Ils avaient l’ingénuité de ne pas s’en mêler. A Corinthe, il y a déjà un peu de curiosité et le souci de se "laisser gagner". C’est vraiment l’Esprit, mais légèrement mal employé ; ils sont aussi sans aucune direction et ils ne savent pas où est la mesure (NB 9, n. 1564).

 

1589. De nouvelles révélations après le départ de Jésus ?

Au cénacle, les apôtres sont institués comme prêtres, mais ils se sentent si bien institués qu'ils ne supportent plus que leur arrivent de nouvelles révélations. Pour cela, il faut l'amour de Jean (NB 11,389).

 

1590. Personne ne doit dire que l'évangile lui suffit, qu'il n'a pas besoin de l'Apocalypse. Il serait comme quelqu'un qui recevrait une ferme, mais ne voudrait jouir que du jardin et de la maison. Lentement il découvre que le jardin ne peut pas prospérer sans engrais. On doit consentir aussi à labourer les champs pour pouvoir maintenir le tout en bon état (NB 4,381).

 

1591. Dans l’Apocalypse, Jean voit des images semblables à celles qu’avaient vues les prophètes de l’ancienne Alliance

L'Esprit Saint montre à l'apôtre Jean des images qui étaient en partie identiques ou semblables à celles qu'avaient vues les prophètes qui l’avaient précédé dans l'ancienne Alliance. Dieu peut certes combiner quelque chose de nouveau et il n'utilisera guère deux fois la même image dans les mêmes buts. Mais, pour renforcer la certitude d'un voyant, il peut très bien tout à coup faire renaître tout à fait en relief, dans un but déterminé par lui, une image dont le voyant s'imaginait qu'elle avait disparu depuis longtemps et ne vivait plus que dans sa mémoire (NB 5,177).

 

1592. Quelques passages des lettres de l’Apocalypse furent écrits directement sous l’influence de l’Esprit (NB 9, n. 1554).

 

1593. Les visions du disciple bien-aimé après la résurrection

Après l'Ascension, les visions du disciple bien-aimé reçoivent une plénitude qui présuppose l'incarnation de Dieu. Leur plénitude se développe à partir du Fils incarné qui, durant sa vie terrestre, portait en lui cette plénitude, et il l'offre à l’Église après la résurrection et après la Pentecôte (NB 5,57).

 

1594. Marie : le grand signe dans le ciel

Bien que la Mère soit le "grand signe dans le ciel", maintenant elle n'est plus ni au ciel ni sur la terre. Elle n'est pas loin de la création, de la Genèse ; elle n'est pas loin du premier péché, elle le ressent totalement, elle ressent son énormité, son sens de rupture qui divise tout. Elle fait l'expérience de la chute d'Adam (NB 10, n. 2336).

 

1595. Jean-Baptiste vit dans l’Esprit

Parce que Jean-Baptiste vit dans l’Esprit, le Fils en tant qu’homme sait que Jean agit d’une manière juste, il n’y a rien à dire à cela. Et pourtant il y a tout à dire à cela parce que le baptême de Jean n’est pas le commencement du Fils (NB 9, n. 2012).

 

1596. L’obéissance des apôtres au Christ : ouverture à l’Esprit Saint

En suivant le Christ, les apôtres se sont engagés dans le domaine de l'Esprit Saint, ils vivent déjà dans la mission ; leur mission future dans le monde reposera toujours sur le fait qu'ils suivent le Christ : ils sont ceux qui étaient là parce que, dans l'obéissance, ils ont lâché ce qui leur était propre. Cette obéissance était une ouverture à l'Esprit qui, en partant de là, peut donner à leur vie la forme de la mission (NB 10, n. 2127).

 

1597. Pierre : le rocher sur lequel le Seigneur veut fonder son Église

Pierre doit fonder la tradition ; pour cela il doit déjà ressentir comme tradition le nouveau qui lui est donné, ce que le Seigneur lui dit. Il doit le considérer comme ce qui a été fondé par le Seigneur. Quand il est question du rocher sur lequel le Seigneur veut fonder son Église, Pierre sait qu'en même temps il pose les bases et qu'il continue. Il pose les bases en tant qu'il est le chef de la hiérarchie, il continue parce que le Seigneur est la tête de l’Église et que lui-même avec sa Mère constituent déjà l’Église… Le Seigneur ne recule devant aucun moyen pour le modeler comme rocher de son Église dans la sainteté qu'il exige (NB 2,123-124).


 

1598. La grâce du Seigneur remplit le filet de Pierre

Pierre était sans aucun doute fatigué d'avoir jeté le filet toute une nuit en vain. Et tout d'un coup il y eut la surprise de la grande prise de poissons, justement à l'heure de la plus grande fatigue. Ce n'est ni le seul zèle de Pierre qui remplit le filet, ni la seule valeur du filet, mais la grâce du Seigneur (NB 10, n. 2139).

 

1599. Jean l’apôtre perçoit comment les hommes peuvent être confiés les uns aux autres pour qu'ils aiment davantage l'amour de Dieu, croissent en lui, accomplissent en lui la volonté du Père (NB 1/1, 257).


 

1600. Judas

Le Seigneur avec ses disciples au cénacle. La présence de Judas ne trouble pas la prière du Seigneur. Pour lui, Judas est en quelque sorte le représentant de l'humanité pour l'amour de laquelle il est venu dans le monde (NB 5,88).

 

1601. Madeleine : le symbole du pécheur

Madeleine est le symbole du pécheur dont le Seigneur a pitié. Au pied de la croix où il lui est permis de l'accompagner, elle est là comme l'emblème des rachetés. Comme celle qui a été saisie par l'amour pour être sauvée (NB 2,138).

 

1602. Étienne voit le ciel ouvert

Étienne regarde ce qu'il y a dans le ciel et il voit ce qui est infiniment sublime, son exclamation en témoigne. Il ne prête pas attention au fait que quelque chose se passe pour lui, qu'il vit une expérience, que se dilatent ses connaissances jusque là limitées, c'est pourquoi il ne dit rien ni de lui-même ni de son expérience ; il voit ce qui est autre, ce qui est nouveau. Il indique par là son chemin à la mystique future : ne pas parler de soi, mais de ce qu'il y a de nouveau en Dieu et qui doit être transmis. Étienne doit montrer que le ciel est infiniment grand et ouvert afin que les chrétiens n'aient pas la tentation de le présenter selon leurs propres mesures et rempli de leurs banalités derrière lesquelles disparaîtraient l'infini et l'éternité de Dieu (NB 5,36).

 

1603. La parole d’Étienne qui voit le ciel ouvert peut toucher les non-croyants comme les croyants

L'exclamation d’Étienne (qui a vu le ciel ouvert) s'adresse aux croyants et aux non croyants. Les non croyants qui le lapident sont condamnés par là à une sorte d'impuissance. En l'entendant, ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent rien lui faire parce que son monde, qui leur paraît si méprisable, leur échappe. Il montre par là sa réalité. Étienne ne se trouve pas dans leur monde mais dans la vision qu'il proclame. Les croyants qui entendent ses paroles connaissent la vérité de ce monde qu'il voit, même si eux-mêmes, qui ne sont pas destinés au martyre, ne le voient pas. La parole d’Étienne peut si bien les toucher qu'ils comprennent soudain à quel point ils sont indignes de voir le ciel ouvert en étant sur cette terre, combien aussi leur foi a besoin d'être fortifiée et qu'elle devrait prendre connaissance de choses beaucoup plus grandes. Ce n'est pas seulement leur espérance dans la vie éternelle à venir qui est fortifiée, c'est ici et maintenant que leur foi est dilatée, l'exclamation du témoin les oblige à vivre autrement. Cette exclamation fait d'eux des êtres qui ont été arrachés, déracinés, qui ont part à la foi de celui qui meurt pour le Christ. Ils n'ont pas le droit d'oublier ce qu'ils ont vécu, ils ne sont pas non plus en mesure de le faire, car c'est à eux avant tout que l'expérience mystique était destinée. Quelques-uns reçoivent cette faveur pour que l’Église tout entière soit encouragée (NB 5,37).

 

1604. Lors de sa conversion sur le chemin de Damas, Paul a été frappé par la grâce comme par la foudre (NB 10, n. 2265).

 

1605. Les révélations à saint Paul

Paul a certes l'avantage d'être apôtre et ses révélations sont d'un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l’Église. Cependant le mystère qui lui est montré n'est pas épuisé par ce que Paul en dit ; plus tard Dieu peut à nouveau en rendre visibles d'autres parties, non plus certes avec l'autorité de l'apôtre, si bien que l’Église aura compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire pour l'apôtre (NB 10, n. 2087).

 

1606. Mystique et révélation chez Paul

Pour Paul, il y a en premier lieu sa vie avant sa conversion que plus tard il se reprochera lui-même tellement car, dans l'ignorance de la vérité et dans son zèle pour l'ancienne Alliance, il a persécuté les chrétiens. Il y a "l'homme naturel" avec un enseignement qui lui a été transmis, même si c'est un enseignement dépassé, auquel il est attaché et qu'il défend jusqu'à la fin : sa propre raison ne voit pas de motifs raisonnables pour admettre la vérité du Christ. Puis en second lieu arrive sa conversion, qui est un événement mystique, mais qui a aussi des côtés naturels : il tombe par terre, il devient aveugle, etc. La voix et la lumière semblent aussi en quelque sorte être des choses naturelles puisqu'elles touchent quelqu'un qui ne croit pas au Christ. Quand il se met à poser la question : "Que veux-tu que je fasse ?", ce qui a existé jusqu'à présent est dépassé, Paul se tient ouvert, non en premier lieu à l'expérience mystique, mais à la vérité de l'enseignement : "Je suis celui celui que tu combats". La lutte entre le Christ et Paul se termine, le Christ a vaincu en se faisant reconnaître avec sa force et Paul s'incline. Dès que Paul a reconnu le Christ, tout de suite commence sa mission. Dans cette expérience mystique qu'il vient de connaître, il reçoit la doctrine, de manière globale. Quelques rares expériences mystiques suivront encore. Mais déjà l'enseignement donné par Ananie n'est pas mystique. Tout ce dont Paul fait l'expérience de manière mystique doit aussitôt chercher le contact avec ce que la révélation chrétienne ordinaire va opérer ou montrer par lui (NB 5,33-34).

 

1607. Le troisième ciel montré à Paul

Le "troisième ciel" montre à Paul des choses qui lui sont tout à fait réservées si bien qu'il ne lui est pas permis d'en parler, mais elles sont, dans le ciel, des confirmations de sa mission ; le mystère qu'il doit annoncer s'en trouve fondé plus profondément. Quelque chose du mystère entre Jésus et Paul passera plus tard dans l’Église quand bien des choses qui sont connues et définies dans des assemblées, des commissions et des spécialistes expérimentés, ne seront pas accessibles à tout le monde de la même manière. De plus le service de Paul ne peut jamais devenir impersonnel. Il ne doit pas connaître le Christ seulement comme l'essence d'un "enseignement", c'est pourquoi Dieu ne cesse d'y jeter des éclairs personnellement. Parfois Paul reçoit pour ainsi dire un "appel téléphonique" du ciel qui lui donne des indications supplémentaires. Naturellement Paul est aussi "un mystique" dans l’Église; sa relation mystique au Seigneur se répétera plus tard dans l’Église pour d'autres chrétiens (NB 5,34).

 

1608. Paul et le troisième ciel

Pour Paul, son ravissement et son accueil par Dieu se réalisent dans le cadre d’un combat même si, subjectivement, lui-même ne lutte pas, ne prétend à rien et même s'il ne lui est pas permis de désirer cette forme particulière de connaissance. Il voit, il entend, il voit aussi les paroles, il les comprend et il sait que ce ne sont pas des paroles d'homme. Elles sont transférées pour lui dans la sphère de ce qu'il peut saisir, de ce qu'il peut connaître, mais elles comportent une limite. Dieu, qui ravit les siens des manières les plus diverses, ne donne pas à Paul de comprendre le mode de son propre ravissement. Paul sait qu'il s'est passé quelque chose et il sait ce qu'il a appris. Mais il a perçu aussi la limite sur le chemin qui va vers Dieu. Il reconnaît en cette limite un état qui est propre au "troisième ciel", qui le caractérise peut-être parfaitement. Sa vision est pour lui le souvenir d'un certain degré qu'il a en quelque sorte atteint, d'une ouverture qui lui a été accessible, mais qui ne livre pas son dernier secret. C'est au fond la vision d'un château fort imprenable. Il est tout à fait conscient que l'état, la vision, le château fort sont des réalités. Ce ne sont pas du tout des fantômes, ni des produits de ses rêveries ou de son imagination, qui se présentent et qui en même temps se dérobent ; ce sont des réalités de Dieu, que Dieu montre, pas plus. Dieu ravit Paul rapidement pour lui faire voir quelque chose de précis : le ciel, afin qu'il ait la certitude de sa réalité mais aussi de ses propres limites (NB 5,32-33).

 

1609. Paul sait qu’il doit faire comprendre à la communauté que les “prophéties” et le “parler en langues” sont nécessaires, particulièrement la prophétie, l’annonce de la vérité devant la communauté (NB 8, n. 1051).

 

1610. Nouvelle Alliance : le Fils a la vaste mission de la rédemption

La mission apostolique des chrétiens en général provient certainement de la Trinité tout entière. Dans l'ancienne Alliance, le Père se trouvait au premier plan tandis que le Fils et l'Esprit se trouvaient pour ainsi dire derrière lui ; dans la nouvelle Alliance, au premier plan se trouve le Fils qui a la vaste mission de la rédemption et qui lance de nouvelles missions dans le domaine des siens. Mais il envoie de telle manière que le Père envoie l'Esprit Saint au chrétien. Pour le Fils, le fait que le Père envoie l'Esprit sur l’Église est le signe du suprême accord du Père et de la communication ultime qu'il fait de lui-même (NB 6,395).

 

1611. Dans la nouvelle Alliance, le Fils se livre pour nous ; nous ne pouvons nous tenir autrement que comme des pécheurs devant sa sainteté (NB 5,56).

 

1612. La nouvelle Alliance : par le Fils, le monde de Dieu est presque un monde connu

Dans la nouvelle Alliance, la révélation de Dieu a progressé par le Fils d'une manière inouïe. Maintenant le monde de Dieu est presque un monde connu dans lequel on ne cesse de pénétrer plus profondément. Chaque expérience mystique apparaît comme un accroissement qui s'harmonise avec l'image du ciel telle que le Fils nous l'a offerte. Ce qui est connu apparaît constamment agrandi et enrichi de manière inattendue, mais chaque fois de telle manière que ce qui est nouveau s'intègre parfaitement dans le cadre de la foi. Il devient ainsi clair que, dans sa mission, dans le don qu'il a fait de lui-même, le Fils a donné à l'amour une telle prépondérance que non seulement toute sa révélation ici-bas, mais aussi tout ce qu'il envoie du ciel à son Église en fait d'expérience mystique, ne peut toujours être qu'un surpassement du même amour trinitaire et peut être ainsi pour l'homme un profond apaisement. Le mystique prend conscience que ses expériences s'intègrent dans l’œuvre de la rédemption (NB 5,51).

 

1613. Dans la nouvelle Alliance, l'amour est plus grand que la loi (NB 4,403).

 

1614. Dans la nouvelle Alliance, Dieu s'ouvre pour révéler en lui le Fils et l'Esprit (NB 2,215).

 

1615. Dans le nouvelle Alliance, tendance à oublier le Père à cause du Fils

Dans la nouvelle Alliance, il y a une tendance à oublier un peu le Père à cause du Fils qui pourtant ne voudrait être que passage pour aller au Père. Chez les saints aussi, il y a souvent quelque chose qui provient de cette tendance ecclésiale (NB 5,159).

 

1616. Pour les croyants de la nouvelle Alliance dont la foi est profonde, l'incompréhensible du Père est encore plus dévoilé qu'autrefois (NB 5,160).

 

1617Le Nouveau Testament, livre de l’amour

En tant que Dieu dans le ciel, le Fils saisissait d'un seul coup d'œil l'ensemble des relations d'amour entre Dieu et sa créature. Devenu homme, il doit apprendre à aimer son prochain sans avoir de vue d'ensemble. Lui manifester d'une certaine manière un amour humain naïf qui est prêt à se développer, à se laisser former par des expériences successives, et qui sera déçu comme aucun autre amour humain jusque là. Il doit être spontané et parfait, pas seulement divin cependant, mais totalement humain. Et pourtant il est condamné dès le départ au plus grand fiasco. Cela, le Fils le sait en tant que Dieu, il le pressent en tant qu'homme, mais il ne lui est pas permis pour autant de se laisser dégoûter de l'amour. Et même par chaque déception et par chaque rejet il doit apprendre à aimer malgré tout, et seulement alors comme il faut, non seulement dans le cœur, mais aussi en acte, si bien que plus tard les croyants pourront se référer à son attitude comme à l'amour le plus évident. Nous devons le recevoir non seulement parce qu'il nous concerne nous aussi, mais parce qu'il fait partie de son enseignement, et c'est pourquoi il est manifesté objectivement et on peut le constater pas à pas dans l'évangile comme n'importe quelle vérité objective. On peut ouvrir les évangiles où on veut, partout apparaissent de nouveaux aspects de l'amour du Seigneur : de son amour humain, chrétien, divin. Le Nouveau Testament est "le livre de l'amour", qui verset après verset ne présente et n'expose rien d'autre (NB 6,142-143).

 

 

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11. L’Église

 

Plan : 1. La mère de Jésus 2. Dieu et l’Eglise 3. La mission de l’Église 4. Les sacrements5. Les saints et les mystiques6. L’être chrétien

 

1. La mère de Jésus

 

Plan : Marie et la création - Eve et Marie, Adam et Marie - Marie dans l’ancienne et dans la nouvelle Alliance - La Servante du Seigneur - La MèreJoseph - Marie et la rédemption - Marie et l’Église - Reine du ciel - Marie et la Trinité

 

Marie et la création

 

1618. Marie a sa place dans le processus de la création du monde -

Marie, qui a été rachetée à l'avance parce qu'elle est dans le plan de Dieu, est déjà active dans le processus de la création. Elle représente une rencontre unique de la création et de la prérédemption. Quand, avec Marie et sa prérédemption, Dieu le Père commence, la réalisation de son plan est pour ainsi dire déjà là aussi avec elle. Ce qui est absolument sûr, c'est qu'à l'avenir elle fera partie du ciel, que sa place y est déjà assurée lors de la création du ciel. Elle n'est pas rachetée à l'avance uniquement par la pensée et par l'idée, mais effectivement et réellement. C'est un fait avec des conséquences réelles. Dans la vie éternelle, il y a des choses de ce genre, des plus concrètes. C'est ainsi que quelque chose d'elle est déjà là à la création du monde ; ses qualités ne sont pas là sans appartenir à quelqu'un, elles sont les siennes dès le début. Elle a sa place dans le processus de la création du monde, et cela en sa qualité de corédemptrice. L'idée de "corédemption" est "plus ancienne" que celle de prérédemption, celle-ci est une conséquence de la première, un moyen en vue d'un but (NB 1/2, 145).

 

1619. Il y a en Marie l'idée de l'être humain parfait que Dieu avait en vue lors de la création du premier homme si bien que Marie, au fond, n'est pas la deuxième Ève mais la première, celle qui n'est pas tombée, celle qui voit comment tombe la deuxième Ève (NB 1/2, 146).

 

1620. Marie : la créature parfaite et achevée (NB 9, n. 2023).

 

1621. Marie est la véritable créature telle qu'elle sort des mains du Créateur et telle qu'elle retourne à Dieu sans s'éloigner de lui (NB 1/2, 151).

 

1622. Par Marie, le Père prend soin définitivement de sa création

Marie se trouve au centre en tant que médiatrice de toutes les grâces pour les hommes, mais aussi de la visibilité de Dieu et de l'évidence de sa Trinité dans l'unité. Marie est l'être humain à qui Dieu Trinité donne la mission - fondamentale - qui ouvre la nouvelle Alliance et permet aux croyants, dans cette Alliance, de porter un regard sur la vie trinitaire. Par elle, ce n'est pas seulement le Fils qui est né en tant qu'homme, c'est aussi Dieu le Père qui prend soin définitivement de sa création pour l'introduire par l'Esprit dans la vie trinitaire manifestée (NB 2,22-23).

 

1623. Marie : l'être humain que le Père avait en vue lors de la création

Le Fils se choisit comme Mère l'être humain qui appartient totalement à Dieu, dans lequel il n'y a rien qui serait dirigé contre le Père. Dans le choix de Marie, se trouvent les plus grands égards pour le Père : le Fils veut lui montrer que l'être humain que le Père avait en vue lors de la création existe réellement (NB 1/2, 152).

 

1624. Marie est depuis toujours dans le plan de Dieu

Avec Marie, Dieu a choisi l'être humain qui peut porter Dieu. Avec cela, il l'a tellement unie à ses mystères qu'elle participe depuis toujours aux mystères de son être trinitaire, qu'elle a été conçue et créée à partir d'eux et pour eux. La grâce qu'elle reçoit lui est certes donnée à un moment du temps. Mais c'est une grâce qui était présente depuis toujours, qui ne faisait que réfléchir sur terre dans le temps ce que Marie était depuis toujours au ciel dans le plan de Dieu (NB 1/2, 156).

 

1625. Marie, totalement créature

Le Fils reste Dieu bien qu'il se soit abaissé à devenir homme; Marie reste totalement créature malgré la grâce de la pré-rédemption qui l'a exaltée ; mais elle est une créature qui suit le Fils de la manière la plus stricte comme il l'avait prévu dans ses desseins (NB 5,21).

 

1626. Marie se trouve en dehors de la loi du péché originel

La Mère se trouve en dehors de la loi du péché originel non seulement à cause de son Fils, afin qu'il ait une Mère totalement pure, mais aussi à cause des hommes et à cause du Père, afin que l'expérience de la nouvelle doctrine puisse être opérée sur un objet tout à fait pur. C'est très important ! C'est extrêmement important ! (NB 4,404).

 

1627. Marie la première créature humaine qui, par l'incarnation du Fils, parvient à son parfait accomplissement (NB 1/2, 246).

 

Eve et Marie – Adam et Marie

 

1628. Eve et Marie : liberté de pécher et lberté de ne pas pécher

Ève avait été créée à partir d’Adam, Marie est créée pour le second Adam qui deviendra homme par elle. Si Ève, qui était issue d’Adam, possédait la liberté de pécher, la liberté de Marie, qui va vers le second Adam, est celle de ne pas pécher. Ève, qui est issue d’Adam, a en quelque sorte la lumière dans le dos, Marie l’a devant elle et elle marche dans cette lumière (NB 9, n. 2033).

 

1629. Marie, image d'Ève telle qu'elle aurait dû être : sans péché

Dans l'incarnation, le ciel et la terre se rencontrent. Le Fils a besoin pour cela d'une aide humaine, sa Mère. Dieu le dépose dans son sein et elle devient un symbole de l'humanité qui accueille le Fils, et en même temps le symbole de l'humanité qui est adoptée par le Fils. Elle est l’être humain qui est disposé à apporter sa contribution à l'incarnation de Dieu et qui reconnaît ici-bas le Fils comme Dieu. De plus, elle n'est pas seulement la Mère prédestinée du Seigneur, elle est aussi l'image d'Ève telle qu'elle aurait dû être : sans péché. Également l'image d'Ève qui doit son existence à la personne d'Adam selon un dessein de Dieu. Adam existait avant qu'Ève ne soit, et elle est issue de lui. Physiquement, Marie était là avant la venue du Fils mais, par lui, elle devient la nouvelle Ève telle que Dieu la veut. Son âme pure, sa conception immaculée proviennent du Fils. Quelque chose d'elle se fait par le Fils comme Ève est faite à partir d'Adam (NB 6,183).

 

1630. Eve et Marie – La mère des vivants

Marie commence précisément là où Ève termine. Elle prend en quelque sorte la mission d'Ève de devenir la mère des vivants là où Ève la laisse tomber. Elle reprend cette mission en se livrant tout de suite à Dieu. Dans sa rencontre avec l'ange, tout en elle devient actuel ; l'ange se tient pour elle à la place du commandement de Dieu à Ève. Elle reçoit le commandement et elle y saisit sa mission en faisant aussitôt sienne la volonté de Dieu dans l'ange, en façonnant sa mission pour Dieu, avec la grâce que Dieu lui a donnée, à partir de la parole de l'ange et de son être personnel. Qu'elle en soit capable et avec une telle infaillibilité repose sur le fait que le Fils, qui l'avait prédestinée à être sa mère, l'a élue tout particulièrement. Prédestinée, comme Ève était prédestinée par Dieu à être la mère des vivants. Le Père et le Fils ont tous deux confié à l'Esprit le soin de montrer le juste chemin à Ève aussi bien qu'à Marie. Mais pendant que l'Esprit parle, Ève commence déjà à ne plus écouter tandis que Marie l'écoute attentivement et veut se familiariser avec sa parole. Ève perçoit sa mission - une mission qui n'est certainement pas nettement esquissée - d'une manière vague seulement et elle la transmet au genre humain sous la forme d'abord d'une décision de pécher, puis du péché accompli, finalement du péché à expier, sans se soucier de sa responsabilité vis-à-vis de Dieu et d'Adam et de sa descendance. Marie par contre perçoit sa mission avec toute la netteté de la parole que l'ange lui a dite, elle y ajoute du sien et renvoie le tout à Dieu. Les contours plus nets de sa mission sont occasionnés par le péché ; si l’homme n’était pas devenu étranger à Dieu, Dieu n'aurait pas eu besoin de parler avec autant de précision. Mais d'autre part la nouvelle mission, qui vient de Dieu, c'est le Fils lui-même qui vient dans le monde pour le sauver et qui apporte de cette manière avec lui sa propre loi, qui est d'être engendré du Père sans s'éloigner de lui ni se couper de lui. Avec cette grâce plus profonde et pour ainsi dire plus divine, il veille à ce que sa mère soit rachetée à l'avance comme première contre-mesure opposée au péché. Elle aussi cependant est sauvée et elle a son libre arbitre. Par ces deux moyens elle est capable d'entendre parfaitement la parole de l'ange, et même plus, elle est capable de donner à la voix de l'ange tout son poids et toute sa force tandis qu'elle se fait elle-même si légère que sa réponse est comme sans importance. Elle annule de la sorte "l'accent personnel" et le "poids personnel" avec lesquels Ève avait opposé une parole nouvelle à la parole de Dieu. Marie ne veut rien, si ce n'est que la parole de Dieu se réalise. Sa mission ne consiste au fond qu'à se donner totalement à cette voix en jetant tout - son libre arbitre et elle-même - dans sa réponse : "Selon ta parole" (NB 1/2, 162-163).

 

1631. Marie continue la tâche d’ Ève  : conduire les hommes à Dieu

Marie continue la tâche d'Ève : Ève aurait dû conduire à Dieu les hommes qui n'avaient pas eu comme Adam le contact direct avec le Père créateur. C'est en naissant que les enfants auraient reçu ce contact par les parents (NB 6,183).

 

1632. Ève et Marie

Si Ève devint désobéissante de son propre gré, Marie est introduite dans la liberté d'obéissance de son Fils. C'est le Fils qui agit, Marie ne fait que consentir. Si le Fils est obéissant au Père jusque dans la mort, il jette activement dans la rédemption l'acte de son obéissance. Quand Marie donne son consentement en obéissant, elle le fait dans la mesure où le Fils l'entraîne dans son obéissance, dans un laisser faire qui laisse au Fils toute l'action, dans la passivité de la corédemption. Ainsi la mort du Fils, en tant que drame, on peut la reconnaître aussi extérieurement comme action tandis que la souffrance de la Mère demeure voilée, parce qu'elle a sa manière d'obéir : dans la corédemption aussi elle laisse faire. De même qu'elle laisse agir le Fils, de même elle laisse se faire par elle ce qui dépasse de beaucoup ses possibilités humaines et sans percevoir ce qui se passe. C'est par le même laisser faire, et justement le laisser faire de la croix dont le fruit apparaissait déjà dans l'ancienne Alliance - que quelque chose de la substance de la Mère est passé dans l'ancienne Alliance. Une fois de plus on doit abandonner toutes les considérations de temps (NB 1/2, 169-170).

 

1633. Marie et Adam

En soi, Marie aurait pu pécher (comme Adam). Elle se trouve entre Adam qui a péché et le Christ qui ne peut pas pécher. Ce qui les unit, tous les trois, c'est une certaine relation au péché. C'est à cause des péchés de tous les enfants d'Adam que le Fils est devenu homme : pour montrer au Père que la création est bonne, qu'on peut vivre sans péché dans la nature d'Adam. Adam a souillé par le péché la distance entre lui et Dieu, le Christ la purifie par la rédemption en y vivant l'amour trinitaire. De même que la distance entre Dieu et la créature devient par Adam un éloignement de Dieu, la même distance devient par le Christ une proximité de Dieu. L'expérience du péché qu'il trouve là reçoit le sens d'une expérience de l'amour : elle est traduite dans le Fils, par son obéissance, en une possibilité d'être au plus près de Dieu, également dans l'expérience de l'éloignement de Dieu. Mais cette expérience, Marie la transmet au Fils : elle se trouve à l'endroit où se trouvait Adam, mais là où Adam s'est détourné, elle est restée tournée. De même que le Fils expérimente en Adam la possibilité du péché, de même il expérimente en Marie la possibilité de ne pas pécher. Il y a un instant où la situation d'Adam et de Marie est la même : l'instant avant qu'Adam prenne la pomme et l'instant avant que Marie donne son oui à l'ange (NB 6,180).

 

1634. Adam et Eve – Le Christ et Marie

Adam et Ève forment un couple, mais Ève vient après Adam. Pourtant elle lui est égale et elle commet avec lui le péché. Le Christ et Marie aussi forment un couple ; mais Marie vient au monde avant son Fils et elle n'est pas son égal dans la mesure où il est Dieu de toute éternité. Elle ne pense pas non plus à une égalité de droits, elle pense seulement au service. Quand le Fils l'élève de telle sorte que les deux forment malgré tout un couple, tout comme le Christ en tant qu’Époux et l’Église en tant qu'épouse sont un couple, la Mère laisse faire parce qu'elle sait que tout ce qu'il fait est bien fait, et qu'il n'y a là aucune corruption parce que jamais un péché ne viendra de lui. Cette certitude lui donne une prière qui est de totale gratitude. Il n'y a là aucune corruption parce que jamais un péché ne viendra de lui. Cette gratitude ne la concerne pas seulement elle-même dans sa relation au Seigneur, elle embrasse tous les temps jusqu'à leur début et elle n'oublie pas Adam et Ève. Malgré tout le mystère qui l'entoure et qui se passe en elle, Marie n'oublie pas qu'elle est une seconde Ève, une créature nouvelle à qui Dieu montre la force de sa grâce. Dieu la porte dans sa grâce autrement qu'il a porté Ève parce que le Fils veut accomplir avec elle le sacrifice de sa vie parmi nous et de sa mort pour les hommes. Elle est une partie de son plan de rédemption. Il l'a rachetée à l'avance, il l'a choisie, il l'a marquée, mais il lui a laissé sa liberté et sa connaissance féminine ; elle reste elle-même bien que la grâce l'inonde tellement qu'elle devient la Mère de Dieu incarné et son accompagnatrice et finalement son épouse, c'est-à-dire l’Église (NB 1/2, 184-185).

 

1635. Adam et Ève, le Christ et Marie, créés par Dieu pour être ensemble

Adam et Ève, le Christ et Marie, créés par Dieu pour être ensemble. On ne pourrait pas écrire une histoire d'Adam et oublier Ève, ou une histoire de Marie et ne pas tenir compte du Seigneur. Ils sont ordonnés intimement l'un à l'autre (NB 4,400).

 

1636. Adam et Eve – Le Christ et Marie

C'est sur l'arrière-plan des relations d'Adam et d'Ève qu'apparaissent les relations nouvelles du Christ et de Marie. Elles sont prévues dès le début, mais elles ne se manifestent qu'à partir de l'instant de la chute. Le Fils de Dieu s'approche de Marie et devient son Adam dans une relation spirituelle d’Époux à épouse. Ces relations n'apparaissent qu'après que Marie, comme mère, a mis au monde le Fils, après qu'il a agi en elle, après qu'il l'a rachetée à l'avance, ce qu'il était en mesure de faire parce que le péché originel était déjà dans le monde, et il le pouvait d'autant plus que non seulement il la guidait (comme l'Esprit guidait les premiers parents), mais qu'il habitait en elle corporellement. Aussi étrange que puisse paraître la comparaison : le Christ est d'abord l'Abel de Marie pour ensuite, en grandissant et en devenant indépendant, devenir son Adam. Mais un Abel sans péché originel, de même que sa Mère aussi est sans tache et rachetée à l'avance. Un Abel qui grandit dans sa justice personnelle, pour être vaincu sur la croix par le monde de Caïn. Le Fils, qui devient homme et qui apporte avec lui les expériences que Dieu le Père fait avec le monde pécheur, sait aussi par quelles mesures il doit éviter et effacer les fautes des premiers parents : il n'est pas permis à Marie, la seconde Ève, de se montrer, comme à l'origine, indifférente pour pécher ou ne pas pécher ; elle doit être rachetée à l'avance. Et lui-même doit déjà être issu de cette décision pour la grâce, il doit donc, en expiant pour le péché, "mériter" la "grâce" de pouvoir venir de cette manière. La grâce alors est reportée aux premières origines de la nouvelle nature humaine et c'est à partir de la relation Christ - Marie que la relation Adam - Ève peut être rachetée et être incluse dans la relation dernière (NB 1/2, 160-161).

 

1637. Marie retourne en quelque sorte à l'Adam du paradis. Elle attend que Dieu (dans l'ange) se promène dans son jardin (à elle). Elle ne s'impose pas (NB 6,199).

 

1638. Marie a porté le second Adam que le Créateur et l'Esprit lui ont remis ; elle l'a porté en un sens humain et divin : le Fils a apporté en elle la divinité, ce à quoi le Père et l'Esprit l'avait préparée (NB 10, n. 2276).

 

1639. Marie : épouse du nouvel Adam

Le mystère de la conception immaculée est tellement lié à tous les autres mystères de Marie qu'il s'intègre indissolublement à son image d'ensemble telle qu'elle se présente aux yeux de l’Église, telle aussi qu'elle provient de l'unité indécomposable de Dieu et tend à y retourner. Quel que soit celui de ses mystères que nous abordons, chacun d'eux est une clef pour tous les autres. Si nous contemplons Marie dans sa vie terrestre, elle est certainement élue d'abord pour donner naissance au Fils éternel. Mais ensuite elle est aussitôt également la deuxième Ève, l'épouse du nouvel Adam. Et comme celle-ci, elle est vierge, une simple vierge qui a vécu sur terre et qui était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l'accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l'amour de Dieu sans ombre aucune. Elle était ainsi la manifestation visible de l'amour de Dieu pour sa créature comme de l'amour de la créature pour Dieu. Un foyer d'amour (NB 10, n. 2154).

 

1640. Marie n'a jamais quitté le paradis (NB 1/2, 186).

 

Marie dans l’ancienne et dans la nouvelle Alliance

 

1641. Préfigurations de Marie dans l’ancienne Alliance

Les préfigurations de la Mère dans la promesse sont concrètes dans les femmes de l'ancienne Alliance. Elles le sont parce que la femme justement est concrète, et ceci est lié d'autre part au fait que la femme est plus voilée que l'homme, c'est par la femme que l'homme doit apprendre le concret de leurs relations mutuelles. Les hommes de l'ancienne Alliance sont davantage préfigurations dans le savoir et dans l'annonce, tandis que c'est dans leur être que les femmes sont des préfigurations de Marie (NB 1/2, 170).

 

1642. Le marial est souvent tout à fait présent dans l'ancienne Alliance

Parce que dans la vie terrestre de Marie bien des choses se déroulent d'une manière tout à fait cachée - des choses qui sont presque imperceptibles et qui pourtant font partie de l'essentiel - le marial est souvent aussi tout à fait présent dans l'ancienne Alliance comme dans la nouvelle bien qu'il n'y ait guère de mots pour le saisir. Les pieuses femmes de l'ancienne Alliance, les saintes femmes de l’Église ont vécu et éprouvé dans leur vie des choses que le Fils leur offrait pour vivre à l'avance en elles la joie qu'il aurait en sa Mère ou pour distribuer ses qualités à celles qui viendraient après (NB 1/2,167).

 

1643. Marie ne devine pas à quel point elle accomplit l'ancienne Alliance (NB 1/2, 170).

 

1644. Marie : de l’ancienne à la nouvelle Alliance

Marie est le véritable trait d'union entre le monde déchu et la rédemption, elle aide à faire l'harmonie. Elle est dans une telle harmonie avec la création corrigée que la rédemption a besoin d'elle comme corédemptrice. Comme la rédemption engendre la véritable créature, le fait qu'elle soit elle aussi rachetée ne doit pas être séparé du fait qu'elle contribue aussi à la création. Certes Marie n'est pas là au jour de la première création. Mais il lui est donné de contribuer à la création quand il s'agit de corriger la création, quand il s'agit de relever Ève. Pour en être capable, elle est née sans le péché originel, dans la grâce qu'Adam et Ève possédaient avant leur chute, dans la grâce aussi que possède le Fils comme rédempteur et à laquelle il donne à sa Mère de participer. Pour la faire devenir réellement corédemptrice, le Fils doit disséminer déjà son être dans l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement pouvoir remonter à Adam en lui, mais pouvoir remonter aussi à Ève en Marie. Ce n'est pas seulement l'homme qui doit être sauveur et sauvé, mais aussi la femme qui a été sauvée originellement et qui pour cette raison est corédemptrice. De même qu'Adam et Ève ont péché ensemble, ainsi le Fils et la Mère, sur un autre plan, doivent sauver ensemble ; ils placent l'œuvre de la rédemption là où s'est produite la chute. Ève a entraîné Adam dans le péché, le Christ entraîne Marie dans la rédemption (NB 1/2, 169).

 

1645. Marie a d’abord l’Esprit de l’ancienne Alliance, puis celui de la nouvelle Alliance

La Mère a l'Esprit qui lui fait voir l'ange si bien qu'elle peut le laisser faire pour recevoir ainsi l'Esprit Saint tout entier. Tout d'abord elle a pour ainsi dire l'Esprit de l'ancienne Alliance sous la forme de la foi en Dieu et en sa promesse ; en raison de sa disponibilité, elle peut recevoir l'Esprit de la nouvelle Alliance. La nouvelle Alliance est fondée en elle comme par la suite elle sera fondée dans l’Église. Le Seigneur prépare sa Mère de la même manière que plus tard il établira son Église. Il trouvera des hommes qui seront prêts dans la foi à recevoir l'Esprit comme il l'envoie. La Mère y était prête dès l'origine ; le Fils envoie donc d'abord dans sa Mère l'Esprit qui le porte lui-même. Il l'envoie puisque, dans la Trinité, il ne fait qu'un avec le Père qui envoie, même si, pour accomplir sa mission, il est porté par l'Esprit dans le sein de Marie (NB 6,422).

 

1646. Marie, passage de l’Ancien Testament au Nouveau

Marie qui, tout enfant, possédait une foi héritée de ses parents, doit tenir son corps prêt pour que la nouvelle doctrine se développe. Au cours de sa grossesse, elle se "convertit" de l'Ancien au Nouveau Testament. Il y a des lignes de la promesse qu'elle peut suivre, des vérités qu'elle comprend ; bien des fois elle pourrait formuler un élément de la nouvelle doctrine qui remplacerait ou élargirait l'ancienne de telle sorte que plus tard il pourrait être agréé par le Fils ou par l’Église. D'autres vérités restent floues, mais Marie reste dans une attente qui est pleine de disponibilité vivante, qui ne se raidit sur rien, qui ne veut pas façonner elle-même ce qui pour le moment est encore caché dans le Fils et qu'il façonnera lui-même. Dès que cela arrivera, elle l'accueillera (NB 6,148).

 

1647. En Marie, passage de la foi vétérotestamentaire à la foi néotestamentaire

Marie est porteuse du Fils, porteuse de tout ce que veut le Fils, de tout ce qu'il dit, de chacune de ses impulsions. Elle n'offre donc pas seulement son corps mais aussi son âme : son corps par la foi, mais son esprit également par la foi à ce qui est devenu vivant en elle, par sa foi vétérotestamentaire qui était suffisamment authentique et vivante pour devenir, quand le Fils se rend présent, une foi néotestamentaire qui adhère à la vérité du Seigneur. Le passage de l'Ancien au Nouveau Testament s'opère par l'habitation en elle du Fils (NB 6,126-127).

 

1648. Marie est révélée d'une manière particulière dans l'ancienne et dans la nouvelle Alliance, dans la promesse et dans l’Église (NB 1/2, 166).

 

1649. Marie est dévoilée dans l’ancienne Alliance et dans l’Eglise

Marie, en tant que femme, est ce qui est concret - et elle l'est à travers toute l'histoire -, elle est voilée en tant que femme durant sa vie terrestre, mais en revanche elle est dévoilée dans l'ancienne Alliance et dans l’Église. Elle est dévoilée là par le Fils. Le Fils la montre à l'humanité. Il le fait sans lui poser de question tant il s'attend à son consentement (NB 1/2, 172).

 

1650. Nouvelle Alliance : Marie incarne ce à quoi aspire tout croyant

Les femmes de l'ancienne Alliance qui vivaient dans l'ombre du marial avaient certes la possibilité de se réconforter dans la promesse; mais elles n'avaient pas la possibilité de se douter qu'elles avaient part au destin de la future Mère de Dieu. Dans la nouvelle Alliance, naît chez ceux qui se nourrissent de la vie de la Mère une obligation de s'approcher d'elle, de comprendre qu'elle incarne ce à quoi aspire tout croyant, de percevoir en elle la totalité de ce que Dieu donne à ceux qui croient en lui, afin qu'ils cherchent à le réaliser. Tous les saints de la nouvelle Alliance, qui ont part à la vie mariale - et lequel d'entre eux n'y aurait pas part? -, ont vis-à-vis de la Mère une authentique obligation. Ce qu'ils ont reçu n'est pas quelque chose de clos sur lui-même, c'est quelque chose d'ouvert sur la Mère, quelque chose qui par lui-même incite à croître et à se développer en union avec elle (NB 1/2, 174-175).

 

La Servante du Seigneur

 

1651. Dieu veut que Marie vive en ce monde au milieu des hommes (NB 1/2, 39).

 

1652. Marie et l’ange

Marie doit sortir de la joie que lui a donnée l'apparition de l'ange et réfléchir un instant tout à fait objectivement: Comment est-ce possible puisque je ne connais pas d'homme ? Marie, doit se retirer dans le domaine humainement objectif pour, à partir de là, pénétrer à nouveau dans le monde de Dieu (NB 10, n. 2136).

 

1653. Conversation avec l’ange

La conversation de l'ange avec Marie est aussi comme une reprise de la conversation de Dieu avec Ève. La conversation du Père avec Marie (par l'intermédiaire de l'ange) concerne le second Adam (NB 10, n. 2109).

 

1654. Marie ne doute pas que la grâce de Dieu lui a envoyé l’ange

Il n'y a chez Marie aucun sentiment de culpabilité, seulement un sens croissant de la distance entre Dieu et l'homme. Elle ne doute aucunement que la grâce de Dieu lui a envoyé l'ange, que du côté de Dieu tout était grâce. Mais elle sait pareillement qu'est exigé d’elle le don total d'elle-même. Mais qui peut dire de lui-même qu'il correspond parfaitement à Dieu ? (NB 6,130).

 

1655. Par son oui, Marie est intégrée dans le plan de l'incarnation de Dieu, qui est le fondement de l'ancienne comme de la nouvelle Alliance (NB 2,32).

 

1656. Pour Marie, son oui exceptionnel et sa maternité exceptionnelle suffisent. Pour nous pécheurs, cela ne suffit pas. C'est ainsi que l'eucharistie nous est offerte par Dieu avec sa réception en nombre infini (NB 6,183-184).

 

1657. Devant Dieu, la Mère est faible, et Dieu lui donne de sa force : il remplit sa prière et lui inspire ce qui est bien (NB 4,391).

 

1658. Marie : s’est laissé façonner par Dieu

Marie vivait dans l'espace de la promesse, elle reçoit la parole de Dieu par l'ange et elle donne le Fils parce que l'Esprit l'a couverte de son ombre ; par son don d'elle-même, elle a fait d'elle un réceptacle pour l'accomplissement de la promesse. Non qu'elle se serait choisie elle-même, elle s'est faite obéissante jusqu'à mettre le Fils au monde. Le Fils voit en elle ce qu'un être humain de son temps, dans ses relations à Dieu et aux autres, peut faire des prophéties : se laisser façonner par Dieu de telle manière que se fasse par lui la pure volonté de Dieu. En tant que Mère du Fils, Marie comprend que l'existence humaine de son Fils provient d'une profondeur divine mystérieuse, elle comprend qu'il est le Fils du Père et que, par l'Esprit Saint, il est devenu son Fils ; mais, à elle aussi, ses profondeurs divines restent voilées. Elle est comme le plus haut sommet de l'intelligence prophétique dans son passage à la doctrine chrétienne sans franchir les limites de l'existence humaine. La foi la rend capable de vivre en parfaite harmonie avec le Fils de Dieu sans que les mystères du ciel et de la vie éternelle dans la vision du Père aient dû se dévoiler à elle avant le temps. Elle est ainsi pour le Fils le modèle de l'être humain parfait qui s'acquitte convenablement de sa mission à tous points de vue et accueille la promesse et son accomplissement avec le naturel d'une foi toute disponible. Si bien que le Fils, en tant qu'homme, peut, dans ses conversations avec ses amis, lors des fêtes, dans ses relations avec ses disciples, mener une existence totalement humaine sans l'interrompre constamment par des coups d'œil sur sa vision du Père. Il connaît la mesure de l'existence humaine et la démesure de la grâce qu'il porte, et cette grâce est aussi celle dans laquelle Marie vit dans la foi (NB 5,65-66).

 

1659. Dans la Servante du Seigneur subsiste aussi l'être humain tel que Dieu l'a créé et tel que, selon sa volonté, il doit être et rester (NB 1/2, 150).

 

1660. Marie est l'être humain vers lequel le Dieu Trinité s'est penché de manière unique (NB 2,29).

 

1661. Marie est l'être humain achevé qui a en lui tout l'espace que Dieu revendique (NB 1/2, 151).

 

1662. En Marie, nous avons l'exemple du don de soi total

En Marie, nous avons l'exemple du don de soi total et de l'acceptation totale. Chacune de ses paroles est dite ainsi dans la parole éternelle et chacun de ses silences participe au silence de Dieu. Cette unité indivisible, c'est aussi la foi telle que Dieu la donne au monde par le Fils et telle qu'elle est reçue comme un tout dans le oui de la Mère et transmise à Dieu et au monde. Le oui est une réponse à la parole, il a la forme de la parole : infini qui renferme toute la vérité de Dieu (NB 10, n. 2109).

 

1663. L’Esprit prend possession de l’âme de Marie

Dieu veut l’âme du mystique tout entière. "Toi, suis-moi !" Sans conditions dès le premier instant. Le meilleur exemple est le oui de Marie auquel il est répondu par le fait que l'Esprit Saint prend possession d'elle totalement, en un rien de temps éternel, sans égard pour les lois humaines. Cette totalité produit alors des fruits selon les besoins de Dieu, et non selon les besoins de Marie (NB 5,26).

 

1664. La première que l'Esprit forme, c'est la Mère, parce que son âme est toute obéissante, qu'elle n'offre aucune résistance à la grâce (NB 5,283).

 

1665. La Mère qui se tient ouverte à l'Esprit, le fait dans la joie (NB 6,120).

 

1666. L'Esprit souffle où il veut et en Marie pour la naissance du Fils

L'Esprit souffle où il veut, il doit toujours être reconnu comme Esprit concret et agissant. S'il opérait déjà chez les prophètes, c'était en vue de l'unique parole de Marie. Elle est encouragée à dire un oui unique : requis et reçu par l'Esprit, ce oui détermine l'Esprit à la couvrir de son ombre, il rend possible la venue du Sauveur, il ouvre la deuxième création. La création du monde par le Créateur à partir de rien fut le modèle de la création d'un homme par l'Esprit à partir de la parole de l'ange et de celle de Marie. En se servant d'un être humain créé - Marie - comme réceptacle pour l'enfant, l'Esprit répond au Père qui crée ; il y a correspondance entre le caractère concret de la première création et le caractère concret de la création par l'Esprit (NB 5,62).

 

1667. L’Esprit couvre Marie de son ombre

La grossesse de Marie ressemble à un catéchuménat. Elle est une transformation par la foi de tout son mode de penser et de vivre, une initiation à la mentalité du Fils. C'est par sa propre expérience qu'elle apprend les dogmes : le Père envoie le Fils, l'Esprit la couvre de son ombre, le Fils devient homme pour sauver le monde (NB 6,147).

 

1668. L’Esprit : éducateur de Marie

Marie possédait dans l’Esprit Saint une sorte d’éducateur et de règle d’après lesquels elle avait à se diriger. Comme si l’Esprit Saint lui-même avait assumé auprès d’elle le rôle de l’ange gardien. Tout se passait simplement et comme allant de soi. L’Esprit était en elle comme d’habitude un éducateur est à côté de l’enfant. C’était l’éducation à une tâche, mais avec une connaissance de soi-même et de la vie qui était tout à la fois précise et sans emphase (NB 9, n. 1981).

 

1669. Marie n’oppose aucune sorte d’obstacle à l’Esprit (NB 9, n. 2011).

 

1670. Marie se laisse façonner par l’Esprit

Quand Marie accueille le Fils en elle, elle est une personne humaine ordinaire, en paix avec Dieu le Père et avec le Fils, prête à se laisser façonner par l'Esprit et à s'adapter à toute exigence (NB 1/2, 188).

 

1671. Le oui de la Mère ouvre à l'infini sa disponibilité ; sous l'inspiration de l'Esprit, elle fera chaque fois ce qui lui est demandé (NB 10, n. 2189).

 

1672. Marie : ses relations avec Dieu, sa prière, avec la plénitude et les pensées qui y vivent, lui sont inspirées par l'Esprit (NB 1/2, 270).

 

1673. L'Esprit s'empara de Marie comme il voulait s'en emparer (NB 1/2, 270).

 

1674. Marie dit des choses qui appartiennent à l’Esprit

Marie est si remplie de l'Esprit qu'elle peut dire des choses qui dépassent absolument sa personne, par une mission qui provient de la vue d'ensemble de l'Esprit. Marie est insérée par son oui dans une responsabilité supérieure qui se trouve dans l'Esprit si bien qu'elle dit des choses qui appartiennent à l'Esprit (NB 6,194).

 

La Mère

 

1675. Le Fils a choisi sa mère

La maternité de Marie apparaît comme le fruit de la prière du Fils. D'une manière particulière, il a choisi la Mère, il l'a rachetée, il l'a préparée jusqu'au moment où il s'incarne en elle. Pendant qu'il était ainsi vivant en elle - au milieu de la grossesse peut-être -, elle a senti les mouvements de l'enfant, elle a fait l'expérience qu'elle était en communion de vie avec lui, et dès ce moment-là sa prière aussi a grandi avec celle de l'enfant et l'a toujours accompagnée. Certes la prière de la Mère était toujours contenue dans celle du Fils - avant même qu'elle fût et qu'elle pût prier -, mais lors de l'incarnation, quand la prière du Fils aussi se fit petite et enfantine, la prière du Fils fut portée et accompagnée par celle de la Mère (NB 1/2, 199).

 

1676. Le mystère de l’incarnation et le privilège de Marie conçue de manière immaculée

Marie est conçue de manière immaculée : nous reconnaissons là un privilège qui la rend digne de concevoir par l'Esprit Saint le Fils du Père. Mais plus nous cherchons à comprendre ce privilège, plus nous reconnaissons qu'il est un aspect partiel d'un mystère beaucoup plus grand : l'incarnation du Fils, le salut du monde, la réalisation sur terre de la volonté du Père, le fait que le Fils est sorti du Père et retourne à lui. Cela vaut pour chaque mystère, qu'on le médite comme on veut, il conduit au tout, il sert à comprendre Dieu et sa création (NB 10, n. 2154).

 

1677. Quand l'Esprit a couvert la Mère de son ombre, elle l'a reçu pour donner au monde le Sauveur (NB 1/2, 192).

 

1678. Marie conçoit Dieu

Marie conçoit Dieu en elle ; elle le conçoit corporellement parce qu'elle le conçoit spirituellement de manière parfaite et parce que, dans cette conception corporelle, ce qui est visé, c'est une sorte de réaction contre l'éloignement d'Adam, une nouvelle création de l'unité humaine, un développement concret de ce qui avait été pensé en esprit, une démonstration de ce qu'Adam et Ève avaient compris de travers. La place de Dieu le Père en l'homme est représentée corporellement par le Fils dans la Mère (NB 1/2, 154).

 

1679. Marie a dû porter et enfanter humainement le Fils incarné

Même si Marie fut couverte par l'Esprit de son ombre, elle a dû porter et enfanter humainement le Fils incarné en tant qu'être humain. Elle a dû sentir son poids dans son corps et, après sa naissance, dans ses bras. Il y a donc un point où elle a été aussi charnelle qu'Ève (NB 1/2, 171).

 

1680. Marie : est-ce réellement Dieu qui vit en moi ?

Marie sent pour la première fois que l'enfant bouge en elle. Cette expérience est nouvelle pour elle, tout aussi nouvelle et étrange que pour toute femme lors de la première grossesse. Pour toute jeune mère, il y a ce "Ah! C'est comme ça !" Pour Marie, la question peut se poser : "Y a-t-il une différence entre mon expérience et celle d'une autre femme? Est-ce réellement Dieu qui vit en moi ?" C'est comme une légère angoisse. Elle sait par les prophéties qu'une femme juive quelconque va mettre au monde le Messie. Une femme quelconque, pourquoi ce devrait justement être elle ? Est-ce qu'elle n'a fait que s'imaginer tout cela ? L'évidence maintenant de sa grossesse semble se trouver sur un tout autre plan que l'évidence autrefois de l'ange et de son oui. Est-ce que les deux événements ont réellement un rapport patent ? Est-ce que les deux plans se rencontrent ? En elle ? Et si oui, est-ce qu'elle est à la hauteur de ce qui s'est passé autrefois ? Est-elle encore la même sur ce plan "par trop humain"? (NB 6,128-129).

 

1681. Marie sait que son enfant sera un garçon

Pas plus que n'importe quelle autre femme Marie ne peut s'imaginer son Fils. Elle sait seulement - ce qu'une autre femme ne sait pas - que ce sera un garçon. Son attente ne va pas plus loin. Mais d'un autre point de vue, elle est beaucoup plus illimitée parce que l'enfant sera Dieu. Elle connaît quelque chose de Dieu dans la foi, dans la prière, de la manière la plus concrète sans doute par sa rencontre avec l'ange. Mais si son Fils sera Dieu, il viendra avec des desseins précis, il va sauver les hommes et elle devra s'adapter à ces desseins. Pour les premières années, il attend d'elle qu'elle soit mère. Comme toute mère avec son enfant, elle devra d'abord remplacer pour lui le monde. Le monde qu'elle aura à lui offrir doit être en contraste avec l'autre monde qui viendra après, le monde qu'il doit racheter (NB 6,130-131).

 

1682. Enfantement du Fils par Marie 

Marie était déjà corédemptrice quand elle a mis son Fils au monde. Son enfantement était un acte consacré au Fils pour qu’il accomplisse sa mission, un acte qui contenait comme sens sa mission tout à la fois divine et humaine. Ce sens, Marie ne le perd pas. Elle reste la Mère, qu’il soit présent en elle, qu’il sorte d’elle ou qu’il soit suspendu à la croix devant elle (NB 1/2, 180).

 

1683. Quand le Fils de Dieu arriva dans le monde, il fut livré totalement à sa Mère, parce qu'un être humain peut être confié à un être humain (NB 11,252).

 

1684. Marie a mis Dieu au monde en tant qu'homme (NB 6,479).

 

1685. Pour Marie, les prophéties ne s’accompliraient pas si Jésus écoutait ses frères

Marie avec les frères de Jésus. Elle va trouver son Fils avec eux. Ils pensent qu’il est hors de sens. Marie sait quelque part que ce n’est pas possible, car elle sait qui il est. D’autre part, elle connaît les frères : ils personnifient en quelque sorte la raison. Mais il est terriblement difficile pour elle de choisir entre le raisonnable et le surnaturel, même si on sait la vérité. Au fond elle craint qu’il pourrait se laisser retenir par les frères, prêter l’oreille aux arguments naturels. Elle est tellement dans l’Esprit qu’elle sait que si son Fils revenait avec eux, il gâcherait quelque chose d’important de sa mission, les prophéties ne s’accompliraient pas. S’il vacillait, ne serait-ce qu’un instant, les frères pourraient l’emporter et gérer sa mission à sa place. Bien qu’elle espère qu’il ne reviendra pas à la maison avec eux, c’est quand même aussi terrible qu’il ne revienne pas (NB 9, n. 2018).

 

Joseph

 

1687. Marie et Joseph n’ont pas eu la curiosité d’Adam et Eve

Quand Marie a dit oui à Joseph, si elle lui avait demandé : "Comment sera notre mariage ?", et si Joseph avait dû lui donner une réponse tout à fait sincère, il aurait dû au fond demander lui-même à Dieu : "Comment sera mon mariage avec Marie ?" Mais lui, qui nourrit des espérances masculines, n'a pas posé à Dieu cette question ; pour le moment, quelque chose reste ouvert entre Dieu et lui. Joseph n'a pas répondu à la question que Marie ne lui a pas posée. Il n'aurait pas non plus été en mesure de lui répondre par lui-même sans empiéter sur les droits de Dieu. L'un et l'autre doivent laisser la question en suspens pour rester dans la pleine vérité de Dieu parce qu'il s'agit d'un mystère. Parce que l'un et l'autre ignorent l'existence de ce mystère, ils n'en tiennent pas compte, ils ne cherchent pas à scruter ce que Dieu s'est réservé, ils n'ont pas la curiosité d'Adam et Ève, ils laissent faire Dieu (NB 6,128).

 

1688. Marie et Joseph

Joseph vit avec Marie sans s'approcher d'elle parce que Dieu ne l'a pas voulu. Il n'est pas question de sexuel entre eux. De la part de Marie certes pas, bien qu'elle sache ce que c'est qu'un homme et bien qu'elle aime Joseph ; mais la volonté de correspondre à Dieu la remplit si totalement qu'il ne reste en elle aucun espace pour un désir qui ne soit pas inspiré par Dieu. Pour elle, la continence n'est pas un sacrifice. Et en son enfant, elle a déjà tous les enfants : ainsi elle ne connaît pas le désir d'en avoir un deuxième ou un dixième (NB 4,362).

 

1689. Joseph : la grâce lui donne de comprendre quelque chose

Joseph, l'homme juste, est placé dans une situation qui d'abord l'effraie ; il ne comprend pas. Puis la grâce lui donne de comprendre quelque chose, mais pas tout. L'ange lui donne la certitude que ce qui se passe est juste, et il sait désormais : c'est ma route et ma route vient de Dieu. Mais il ne comprendra jamais totalement ce qui s'est passé dans la Vierge Marie. Quand il s'efforce de l'aider et d'être un père pour l'enfant, il demeure toujours conscient qu'il n'est qu'un remplaçant. Sa compréhension ne va pas plus loin. Il prie toujours plus que Dieu lui montre les chemins qu'il doit suivre, non qu'il lui donne de comprendre parfaitement (NB 1/1, 35).

 

Marie et la rédemption

 

1690. Marie et les pécheurs qui doivent être rachetés

La première personne que rencontre le Fils dans son attente, c'est sa Mère. Quand il ressent sa pureté et sa bonté, et qu'il expérimente en elle l'image idéale de la femme, il lui est difficile de voir derrière elle les autres humains, les pécheurs qui doivent être rachetés (NB 6,136).

 

1691. Marie est sauvée par la croix et en même temps elle en vient ; elle a été créée pour le Fils en vue de la croix et elle marche vers elle avec lui (NB 9, n . 2033).

 

1692. Dès que le Fils porte les pécheurs, il est exclu que la Mère ne porte pas avec lui (NB 9, n. 2034).

 

1693. La Mère et le péché du monde

La croix ouvre en la Mère bien des choses qui auparavant n'étaient pas ouvertes parce que le Fils ne voulait pas que la relation de la Mère au péché du monde soit réalisée autrement que par sa croix. Ainsi la croix est également un lien de plus par lequel le Fils lui est uni. Il souffre, et que la Mère souffre avec lui est la réponse qu'elle donne au péché du monde. Qu'elle souffre avec lui n'est aucunement une usurpation de ce que le Fils doit souffrir ; la distance qui le sépare de lui et la vénération qu'elle a pour lui sont beaucoup trop grandes pour cela. Qu'elle souffre avec lui est un cadeau du Fils, qui lui donne aussi par là une compréhension beaucoup plus grande (NB 6,517).

 

1694. Ce que le Fils fait des souffrances humaines de sa mère

Si, au pied de la croix, on demandait à la Mère ce qu'elle fait pour aider son Fils, elle répondrait peut-être : essayer de donner tout ce dont il a besoin, lui offrir toute la force de la foi, ne pas être pour lui un obstacle, aller où il veut que je sois. Mais ce qu'elle sait n'épuise pas, loin de là, ce que le Fils en fait : de ses souffrances humaines de mère il fait une substance qui produit un effet dans l'œuvre de la rédemption. Ainsi elle ne devine pas non plus à quel point elle accomplit l'ancienne Alliance (NB 1/2, 170).

 

1695. Au pied de la croix, Marie comprend ce qu'est le péché en vérité : quelque chose qui se révolte contre l'amour trinitaire de Dieu (NB 6,517).

 

1696. Le Fils n'a pas besoin de souffrir pour sa Mère, qui n'a pas péché ; de son côté, elle n'a pas besoin de passer par le purgatoire (NB 3,198).

 

1697. Marie et le péché originel

La Mère de Dieu a été rachetée du péché originel avant même de venir au monde, elle n'a jamais connu le péché originel. Théoriquement elle a la possibilité de tomber dans l'un ou l'autre péché, mais elle ne l'utilise pas. Si elle n'en avait pas la possibilité, sa vie ne serait pas une vie dans le monde. Mais si elle ne tombe pas, c’est tout autant par la grâce du Fils que par son oui continuel qui est sa participation. Ce oui est son acte, sa contribution. Le Seigneur l'a rachetée afin qu'elle puisse poser cet acte par amour de cet acte. Par la force de son oui, elle comprend le péché. Elle voit sa turpitude, elle voit sa malédiction, mais elle n'en est quand même pas touchée au plus profond d'elle-même parce que là elle est rachetée et qu'elle ne peut pas être touchée. Avant le baptême, elle n'a jamais eu de contact avec le péché originel (NB 4,279-280).

 

1698. Marie a sa solitude particulière si elle est rachetée à l'avance, si elle n'a absolument aucune part personnelle au péché du monde (NB 3,323).

 

1699. Avant que Marie ait le Fils en elle, le Fils a en lui sa Mère. C'est en partant d'elle qu'il a réalisé sa rédemption (NB 2,28).

 

1700. Marie est la jonction entre Dieu et le Christ : elle rend possible la rédemption par son oui et sa maternité (NB 8, n. 491).

 

1701. Marie est insérée par son Fils dans l’œuvre de la rédemption

Pour le Fils, il sera difficile d'emmener sa mère, l'innocente, dans sa passion, il sera beaucoup plus difficile d'exiger de sa pureté qu'elle soit insérée dans l'œuvre de la rédemption. Il sera beaucoup plus difficile d'associer à tout cela un être immaculé plutôt qu'une convertie, une convertie qui a tant à expier pour elle-même et qui porterait volontiers quelque chose de la faute commune à tous. Sacrifier la Mère : on est ici tout proche du massacre des saints innocents (NB 1/2, 152).

 

1702. Pour Marie, la participation à la mort de son Fils ne fut pas du tout une participation au péché, ni au péché actuel ni au péché originel, ce fut uniquement une participation à la rédemption (NB 6,292).

 

1703. Marie avait sa place au cœur de la décision du Fils de racheter le monde pour y coopérer, sans quoi ce plan décidé ne pouvait être exécuté (NB 1/2, 147).

 

1704. Marie ouvre la voie au Rédempteur

Le Fils a choisi sa mère ; avec son oui, elle ne fait qu'ouvrir la digue pour ainsi dire, sans savoir ce qu'elle fait jusqu'à un certain point. Elle sait seulement qu'elle ouvre la voie au Rédempteur, elle est prête à faire tout ce qu'il demande (NB 1/2, 149).

 

1705. La corédemption de Marie

La mise en évidence de la corédemption de Marie à la croix. La corédemption existait dans le Fils depuis toujours, elle était imbriquée dans son œuvre, inséparable de lui ; maintenant à proprement parler Marie porte aussi quand le Fils porte la croix, de même qu'il a toujours porté son oui à elle dans le sien. Le Fils porte donc sur la croix la corédemption par la Mère, tandis que la Mère, au pied de la croix, participe à la passion du Fils, comme il la lui offre, sans qu’on puisse jamais séparer ce qui est sa quote-part à elle dans le total de la passion. La totalité appartient au Fils, il l'a recueillie et il la porte, et la Mère souffre avec lui sans limiter sa souffrance à elle en échange de la sienne. Le Fils subit sans doute le péché mais, d'autre part il subit la rédemption du monde par son don de lui-même et par le don que la Mère fait d'elle-même, inclus dans son don à lui. Dans la souffrance de la Mère, il y a ce que le Fils lui donne à souffrir ; il peut y avoir là quelque chose qui appartient spécialement à la Mère, qui lui est réservé, mais cela ne se laisse pas saisir et on ne peut le séparer de l'ensemble. Quand un pécheur se convertit, Saul par exemple, et qu'il participe ensuite à la passion du Seigneur, on ne peut pas non plus déterminer avec précision ce qui là-dedans est souffrance pour quelque chose dont il est lui-même la cause et ce qui en plus est participation à la passion du Seigneur. Il collabore simplement à l'expiation des pécheurs, dont il fait partie. On ne peut pas dire non plus combien Marie souffre pour l'œuvre de rédemption du Seigneur et combien elle souffre pour sa propre corédemption (NB 1/2, 148).

 

Marie et l’Église


 

1706. Marie, cellule primitive de l’Eglise

Dieu, qui est devenu homme, veut d'abord être compris humainement par sa Mère. Il voit de quelle manière elle comprend. En elle, à ses réactions, à sa foi, il perçoit comment les humains saisissent la nouvelle vérité. Elle est pour lui dès maintenant la cellule primitive de l’Église, et avec elle il crée l'ordre de la vérité (NB 4,403).

 

1707. Marie, le don de soi parfait et le don de soi parfait dans l’Eglise

La Mère de Dieu est pur don d'elle-même. Elle ne s'est servi de son corps que pour être don d'elle-même, afin que le Fils expérimente dans son Église le don de soi parfait et afin que tous les saints deviennent saints par elle. Elle ne connaît pas de degrés dans le don de soi, pas de limites, pas de repos dans le don d'elle-même, ni la nuit, ni le jour, ni dans la tranquillité, ni dans l'espace. Elle est de plus en plus entraînée au centre de Dieu avec toutes les fibres de son corps. Là où le souffle de l'Esprit va dans tous les sens - toujours exactement là où il veut, et pourtant justement partout -, elle peut offrir dans toutes les directions son sein qui, par l'Esprit, est rempli du lait du Fils. De ce centre de Dieu, elle peut allaiter tous ceux qui ont soif (NB 5,267).

 

1708. Marie, mère spirituelle de toute l’Église

Jusqu'à l'apparition de l’ange, la disponibilité de Marie était comme tenue dans un cadre : dans la foi, elle voulait accomplir la volonté de Dieu, elle ne s'attendait certainement pas à ce que ce soit elle justement qui soit choisie pour être la Mère du Messie, ou même que par sa maternité corporelle elle dût devenir la mère spirituelle de toute l’Église (NB 2,217).

 

1709. Marie préfigure l’Église (NB 4, 110).

 

1710. Tant que le Seigneur est avec sa Mère, l’Église est préfigurée en elle (NB 9, n. 2029).

 

1711. La Mère du Fils enfante l’Église à la croix avec le Fils (NB 1/2, 191).

 

1712. Adrienne dit combien il est étrange que Marie soit toujours là où quelque chose se passe dans l’Église, où quelque chose de neuf est fondé (NB 9, n. 1304).

 

1713. Marie fait couler sa grâce dans le monde

Marie fait constamment couler sa grâce. Dans le ciel bien sûr, mais aussi dans le monde. Seulement le monde pourrait en avoir une part bien plus grande s’il l’accueillait (NB 9, n. 1915).

 

Reine du ciel

 

1714. Marie : mûre pour l’éternité

Quand le Seigneur monte au ciel corporellement et quand il prend là aussi la Mère avec son corps, telle qu'elle était sur terre, cela montre que la Mère, en suivant les conseils du Fils, lui a été totalement conformée, que son oui se laisse résoudre en obéissance, pauvreté et virginité. Le vœu de Marie, son union parfaite au Fils incarné, fait devenir éternel son être humain concret tout entier, une vie qui était certes un mystère dès la conception immaculée, mais une vie aussi qu'elle fait entrer dans le oui de toute sa vie, un oui auquel elle s'est identifiée, si bien que non seulement une idée domine toute sa vie, mais que sa vie tout entière est mûre pour l'éternité (NB 10, n. 2357).

 

1715. Marie dans le ciel : prémices de la création rachetée

Le Fils accueille sa Mère dans le ciel non seulement en tant qu'elle est incorruptible parce qu'il n'y avait en elle rien d'impur, mais aussi en tant qu’Église qui, telle qu'elle est, peut être éternisée. Son assomption corporelle, c'est-à-dire son assomption sans nouvelle transformation, est la preuve qu'elle doit rester telle qu'elle était et ceci est à nouveau un signe qu'elle était le lieu du Seigneur, c'est-à-dire l’Église. D'emblée, le Fils veut savoir en sécurité dans le ciel les prémices de la création rachetée et, comme premier fruit, il veut avoir auprès de lui la Mère-Église qui peut apparaître devant le Père sans être transformée, de même que le Père l'a reconnu lui-même comme son Fils éternel lors de son ascension dans sa forme humaine inchangée et l'a fait asseoir à sa droite. La relation créée ici-bas entre l’Époux et l’épouse est si parfaite qu'elle peut être continuée tout de suite dans le ciel. Le titre d’Église revient à Marie comme le titre de Dieu revient au Fils de l'homme. Le Fils reconnaît continuellement en Marie la volonté du Père accomplie comme le Père voit continuellement dans le Fils l'œuvre de la rédemption (NB 6,475-476).

 

1716. L’assomption corporelle de Marie dans le ciel

Si, par l'assomption corporelle de Marie dans le ciel, n'avait pas été créé le pendant complémentaire de l'ascension corporelle du Fils, l'enseignement du Fils serait resté une idée. Pour peu de temps - environ trente-trois ans - il aurait donné à cette idée un caractère concret qui aurait cependant été totalement limité et conditionné par le temps. Par l'assomption corporelle de Marie, telle qu'elle est, dans le ciel, le Fils dépasse tous les intervalles de temps : non seulement il ouvre l'ère chrétienne, mais il lui donne sa consistance dans le ciel, qui ne cesse de nous rappeler ici-bas la consistance et le caractère concret de l’Église, si bien que nous ne sommes pas payés d'idées avec une foi qui resterait insaisissable, mais par le don du Seigneur nous recevons un lieu, un espace vital, une réalité qui, pour toute la vie, sont pour nous tout aussi réels que notre existence ici et maintenant, aussi réels que notre corps et que notre intérêt pour la foi chrétienne. L’Église est non moins concrète que je le suis moi-même (NB 6,477-478).

 

1717. Marie, reine du ciel

Marie meurt, elle est emportée au ciel et, dans la vision de Dieu, son propre aspect a pris une forme toute nouvelle. Elle, qui était la servante du Seigneur, est maintenant devenue la reine du ciel. Elle doit se comporter d'une manière aussi obéissante et aussi naturelle comme reine que comme servante, car le Seigneur a fait d'elle les deux. Et peut-être s'est-elle faite elle-même plus servante qu'elle ne pouvait se faire reine par obéissance. Sa part personnelle est peut-être beaucoup plus forte dans la servante que dans la reine. Mais cela n'a pas d'importance, elle sera pleinement les deux. Pour la mère, la servante était comme un but, tandis que pour le Fils elle n'était que comme un épisode : pour lui, la reine était le but, et ainsi la servante a dû faire preuve de son obéissance la plus grande pour se laisser faire reine (NB 1/2, 173).

 

1718. Quand Marie se montre, elle ne laisse pas le ciel fermé derrière elle. Même si elle est seule à se montrer, on voit en elle ce qu'est le ciel tout entier (NB 12,121).

 

Marie et la Trinité

 

1719. Marie en bonne intelligence avec Dieu Trinité

Marie demeure dans son oui tous les jours de sa grossesse ; elle reçoit toujours une confirmation de son oui, elle grandit dans le oui de son Fils, au fond aussi dans le oui de la création et dans la bonne intelligence avec Dieu Trinité (NB 11,30).

 

1720. Marie et la Trinité

Adrienne a eu une vision de Marie dans sa relation à la Trinité. Elle dit : “Marie avait la Trinité pour ainsi dire comme arrière-plan, elle l’avait aussi en elle d’une manière particulière. Aucun être n’a une relation aussi étroite qu’elle à la Trinité. Elle est pour nous, de manière précise, le chemin et la représentation de la Trinité. Sans elle, le dogme des trois personnes en une nature serait quelque chose de totalement abstrait, de purement conceptuel, avec quoi on ne peut rien faire. Beaucoup de catholiques, littéralement, ne peuvent de fait rien en faire de correct. C’est Marie qui nous montre que l’unité des personnes est réellement l’amour. Quelque chose de chaud, de concret, de proche. Non pas comme si Marie elle-même appartenait en quelque sorte à la Trinité, mais elle est tellement la fille du Père, la Mère du Fils, le réceptacle de l’Esprit qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes. Il est donc facile de comprendre que c’est seulement dans l’Église, qui connaît Marie, qu’une conscience vivante de ce dogme est possible (NB 8, n. 969).

 

2. Dieu et l’Église

 

Plan : Dieu et l’Eglise - Le Fils et l’Église L’Esprit et l’Église

 

Dieu et l’Eglise

 

1721. Le dessein de Dieu sur l’Eglise

L’Église a part au Fils grâce à son attente virginale qui laisse tout ouvert et qui remet tout au Fils. Le Fils la comble et il façonne en même temps l'attente qu'elle avait. Mais il exige d'elle une obéissance qui lui laisse totalement la liberté d’être le mystère d'être tel qu'il est. Il ne peut pas se laisser imposer de règles par l’Église ; elle peut seulement chercher à rendre compréhensible les règles qu'il lui donne en se soumettant de telle manière qu'elles deviennent par elle utiles et fécondes. Elles le sont en lui de manière primaire et essentielle, mais elles peuvent aussi le devenir en elle à la mesure de son obéissance. Si l’Église avait reçu d'une manière ou d'une autre une parole de Dieu qui n'amènerait pas une fécondité immédiate, c'est que le dessein de Dieu aurait été mal compris (NB 5,22-23).

 

1722. Dans une vision céleste, saint Pierre Claver (+ 1654) apprend comment Dieu s'est imaginé l’Église (NB 1/1, 168).

 

1723. L’action de Dieu

Le moi terrestre doit renoncer à s'évaluer naturellement lui-même. Dans la main de Dieu, on n'est plus qu'un torchon et moins encore. On peut le tordre, le jeter, l’étendre. Mais on saisit par là qu'on peut aussi aider Dieu et l’Église en n'offrant pas de résistance. Il n'est pas facile pour Dieu et pour l’Église de vaincre la résistance perpétuelle des pécheurs et leur manie de vouloir toujours avoir raison. On voudrait leur faciliter le travail. On sait aussi que cette mission ne peut consister qu'à laisser l'action de Dieu et sa manière de penser l'emporter sur tout ce qu'on a de propre (NB 11,303).


 

1724. Dieu Trinité agit dans l’Église

Ce n'est que dans l'obéissance que tout souffle de l'Esprit peut être compris comme amour. Sans cette obéissance, l’Église s'en remettrait à ses sentiments, elle prendrait l'un pour de l'amour, l'autre pour quelque chose d'autre. Mais si elle sait que Dieu Trinité agit en elle, elle doit se placer elle-même à un point de vue d'éternité et là, en Dieu, toute expression de la vie trinitaire est amour (NB 6,495).


 

1725. Avec Jean-Baptiste, la nouveauté de Dieu est en route 

Un jour sont donnés à Jean-Baptiste, de l'intérieur, par Dieu lui-même, mission et certitude. Il commence tout de suite. Auparavant il n'y avait eu aucune espèce de progrès ; c'était un pur état d'attente. Puis tout d'un coup le saut dans la certitude que la nouveauté de Dieu est en route. Intérieurement Jean fait partie du Nouveau Testament, il apprend alors aussi qui est celui qui doit accomplir l'attente. Possédant en lui la nouveauté, il doit préparer la voie au Seigneur. Il est en quelque sorte le lieu où doivent se rencontrer la nouveauté qui commence et la mission du Seigneur. Il doit préparer la synagogue de telle sorte qu'elle puisse devenir l’Église, et cela il le peut parce que la synagogue est devenue en lui l’Église (NB 1/2, 36).


 

1726. La nouvelle Alliance, l’Église (NB 1/2, 172).

 

1727. La création du monde et l’Église

Le Père voulait faire que le monde entier devienne son Église. Lors de la création du monde, le monde dans sa totalité aurait au fond dû être l’Église. Mais les premiers hommes tombèrent dans le péché. Quand l’Église apparaît comme monde nouveau, elle doit garder en elle le souvenir de ce qu'elle aurait dû être, le souvenir de sa défaillance (NB 1/2, 110-111).

1728. Dans l’Église, proximité réelle du divin dans la distance

Dieu a créé l’Église avec l'objectivité et la distance patentes de toutes ses institutions ; dans cet ensemble, il y a aussi les lieux de pèlerinage qui d'une part s'opposent à l'impression qu'on peut tout avoir partout et qui d'autre part favorisent aussi l'impression de la proximité réelle du divin dans la distance (NB 11,33).


 

1729. Dieu Trinité fonde l’Église du Seigneur

Dieu, en sa Trinité, jouit de la communion la plus sainte et de l'échange le plus intime de l'amour. C'est dans cette joie que Dieu fonde l’Église du Seigneur. Elle est l'expression de l'invitation faite aux hommes par le Fils incarné à entrer en communion avec le Père et l'Esprit Saint qui est la sienne (NB 1/2, 15).


 

1730. Saint François Jérôme s.j. (+ 1716) sait que Dieu Trinité voudrait faire de l’Église une communion des saints, que tous devraient revenir à Dieu (NB 1/1, 186).


 

1731. L’Église est donnée par Dieu à la terre comme antichambre du ciel

Le Fils parle en tant que représentant de Dieu Trinité auprès des hommes à qui le Père, lors de la création, a offert l'aptitude de recevoir la foi, à accueillir et à garder sa parole, et aussi l'aptitude à la transmettre aux hommes et à la rendre à Dieu en conversant avec lui. Tout d'un coup surgit sur terre cet espace qui s'appelle l'Église, qui est comme l'antichambre du ciel, qui possède une structure que Dieu a donnée pour la terre, mais en relation bien planifiée avec la structure du ciel, son habitation dans l'éternité. L'incarnation, la parole devenue chair, la transsubstantiation eucharistique toujours nouvelle nous donnent ce dont nous avons besoin pour aspirer à l'éternité, pour pressentir ce qu'elle est, pour comprendre que Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle mais qu'il nous invite chez lui. Cette participation à Dieu a déjà commencé par l'incarnation, si bien que le ciel et la terre sont comme les interlocuteurs d'une conversation qui se déroule dans l'intimité. Dieu parle à la terre, la terre répond ; la parole et la réponse ont leur centre dans l'incarnation du Fils. Ce n'est plus une conversation entre le haut et le bas parce que Dieu, dans le Christ, occupe le centre et réunit le tout (NB 10, n. 2274).


 

1732. Père, tu regardes ton Église avec bienveillance

D’une prière de saint Grégoire le Grand : Père, tu m'as si souvent donné des preuves de ta grâce, tu m'as si bien accompagné jusqu'à aujourd'hui à travers toutes les difficultés, que je vois par là combien tu regardes ton Église avec bienveillance (NB 1/1,420).

 

1733. Dieu Trinité confie à l’Église des mystères qui doivent rester mystères

Si Dieu Trinité est seul témoin de la résurrection du Fils, et si Marie qui est pourtant si proche du Fils est placée devant le fait accompli et qu'auparavant elle n'en croyait et n'en savait quelque chose qu'en raison de la promesse, Dieu montre par là qu'il confie à Marie comme à l’Église des mystères qui doivent rester tels (NB 10, n. 2281).


 

1734. Dans l’Église, l’ordre divin des trois personnes est apparu

Dans l’ancienne Alliance, qui était un premier degré de l’Église, beaucoup de choses étaient encore changeables qui ne le sont plus dans la nouvelle Alliance parce que maintenant l’ordre divin des trois personnes est apparu : Père-Fils-Esprit, et l’Esprit procédant toujours du Père et du Fils : Filioque. Les structures solides de l’Église sont déterminées par cela. Le Père comme fondement de tout, le Fils comme sortant de lui, et les deux envoient l’Esprit (NB 9, n. 1715).

1735. L’Église est réceptacle de la vie trinitaire (NB 10, n. 2096).

1736. L’enseignement de l’Église est la sagesse du Père, donnée par le Fils dans l’Esprit Saint. C’est peut-être ce qui en elle est resté de moins écorché. La nature du Père et aussi son image essentielle dans l’Église ne sont pas touchées par nos déformations (NB 9, n. 1696).


 

1737. L’Église est vraie dans la mesure où elle accueille la vérité de Dieu

Tout ce que Dieu fait vit de son sens, de sa vérité, de son être. Ce qu'il fait, il l'est. L’Église est vraie dans la mesure où elle accueille sa vérité. Moins elle s'occupe d'elle-même, plus elle est perméable à l'action et au sens de Dieu, plus elle devient le miroir de Dieu. Elle n'a pas besoin de se faire une image d'elle-même ; en tant que miroir, elle doit seulement rendre aussi purement que possible l'image de Dieu. Cela lui est possible par le ministère qui est implanté en elle. Le ministère, en tant que tel, est désintéressé, il est pure représentation (NB 6,494).

 

1738. Dans l’Église, tout appartient à Dieu

Le bonheur de la communion des saints (dans l’Eglise) consiste essentiellement dans le fait que rien ne peut être contrôlé et qu'aucun saint non plus ne désire un contrôle. Tout appartient à Dieu, et l'un des plus grands dons de Dieu à son Église, c'est l'anonymat du don et de la réception. Non seulement le don va de soi mais aussi la réception (NB 1/2, 16).

 

1739. L’Église et Dieu forment une unité

Pour Tertullien (+ 220), à maints égards, l'Église et Dieu forment une unité, l'Église est mariée avec Dieu, Dieu est si occupé par son Église qu'on ne peut plus séparer les deux, si on veut avoir l'un on doit aussi prendre l'autre (NB 1/1, 265).

 

1740. L’ Église : le lieu où Dieu demeure dans le monde

L’Église est le lieu où, par Jésus Christ, Dieu demeure dans le monde : aussi bien dans la communauté que dans l'individu. La plénitude de l’Église serait que toutes les créatures se tiennent devant Dieu, et lui-même donnerait forme, proximité et ordre à cette manière de se tenir devant lui (NB 6,466).

 

1741. Là où est l’Église, c’est là que Dieu est le plus (NB 1/2, 259).

 

1742. L’Église est le lieu où Dieu habite particulièrement dans le monde (NB 5,151).

 

1743. Dieu se laisse trouver en ce centre qu’est l’Eglise

Il y a un chemin de prière. Par exemple, je dis un Notre Père tout haut, je le dis en Église, d'une manière impersonnelle, par devoir, comme la prière que le Seigneur a donnée à chaque chrétien, je suis auprès de Dieu avec tous les saints et tous les croyants, je le dis avec une application qui fait partie de la nature de toute prière faite avec foi, je fais ce qui est requis dans l’Église. Puis la prière commence à grandir de telle sorte que je comprends précisément qu'elle grandit par Dieu. J'ai été placée dans ce centre par l’Église, et Dieu se laisse trouver dans ce centre. Il me parle à partir de ce centre. Et c'est à partir de ce centre que je peux arriver à la plénitude et à la perfection de la prière (NB 5,231).

 

Le Fils et l’Eglise

 

1744. Le Christ et l’Église

Le Père se conduit de manière virile ; le Fils de manière féminine et de manière virile ; l’Église, de manière féminine. En un certain sens, Adam aussi était "féminin", quand il "enfanta" Ève, pour redevenir viril aussitôt après la "naissance". Il fut créé viril, puis vint l'intermède - Ève prise de son côté - puis il réapparut viril . Ainsi l’Église naît quand le Fils est "féminin" (NB 4,429).

 

1745. La fécondité qui naît de l'union du Christ et de l’Église n'est jamais fermée sur elle-même, cette fécondité a en vue le salut du monde entier (NB 12,168).

 

1746. Le Seigneur ne fait qu’un avec l’Église 

Le Seigneur n'est pas isolé de l’Église, ce qui est actif en face de ce qui est passif : l’Église et le Seigneur envoient et accueillent ensemble. Ne pas avoir peur donc de voir le Seigneur ne faire qu'un avec l’Église, un aussi dans la souffrance, un avec une Église imparfaite (NB 12,132).


 

1747. Le Christ ne peut être sans l’Église

L’Église est "la plénitude du Christ" : on comprend qu'il ne peut être sans elle, qu'il a dû fonder l’Église avec la première parole qu'il a dite ici-bas. La Sainte Famille déjà était l’Église parce que toute l'existence du Fils ici-bas ne peut se dérouler que dans l'échange. Toute parole du Fils ici-bas est une prière au Père, mais tout autant une semence dans l’Église ; elle doit être reçue par un champ pour ce qu'elle est : une parole qui vient de Dieu (NB 12,99).


 

1748. Ceci devrait toujours être la marque distinctive de l’Église : être attachée au Fils et totalement ouverte au Père. Pour que cela règne dans l’Église, cela doit régner en chaque personne (NB 6,162).


 

1749. L’Église, patrie du Seigneur

Si Marie n'avait pas été reçue corporellement dans le ciel, ce qui est incarné aujourd'hui dans l’Église, ce serait uniquement l'eucharistie. Celle-ci serait alors déracinée pour ainsi dire ; elle n'aurait pas d'espace pour être. Elle serait comme quelqu'un qui ne trouverait pas de foyer, qu'on rencontrerait un peu par hasard et disparaîtrait ensuite, dont on ne pourrait pas savoir où et quand on le rencontrerait encore. L'espace de l’Église et le tabernacle seraient plutôt une cellule de prison pour le Seigneur, mais non un chez-soi. On devrait alors parler réellement du "prisonnier du tabernacle", auquel on rend "visite" de temps en temps ; on ne comprendrait justement rien à l’Église en tant que patrie du Seigneur (NB 6,478).


 

1750. Le Seigneur habite dans la maison de l’Église

Épiphanie. Le chrétien qui prie a conscience de la présence du Seigneur, il doit la chercher pour en jouir, il doit se laisser conduire jusqu'à la forme du Seigneur pour trouver la sienne propre. L'étoile et l'étable et la crèche indiquent l’Église par avance. Le Seigneur habite dans la maison de l’Église, mais la manière d'être conduit à sa demeure ne cesse de se réaliser d'une manière nouvelle. Même pour ceux qui, depuis longtemps, croient, sont convertis et prient, l’Église ne cesse de redevenir une étoile qui conduit de manière nouvelle au lieu où se trouve le Seigneur. Sans cesse on doit faire attention au signe dans le ciel, se mettre en mouvement, pour arriver à l'adoration. La présence du Seigneur, si concrète soit-elle sous sa forme eucharistique, ne cesse jamais d'être un mystère (NB 10, n. 2159).


 

1751. Le Seigneur est présent dans son Église

Là où deux ou trois sont réunis, le Seigneur est au milieu d'eux : il est présent pour l’Église dans l'eucharistie, mais également dans la communauté des croyants. L'attitude de foi vivante d'un chrétien peut faire une impression déterminante sur un croyant dont la foi est faible : ce que lui-même n'atteint pas, il le voit réalisé dans ce chrétien, et cette réalisation le conforte dans sa recherche, lui fait imiter son exemple (NB 5,211).

 

1752. Présence du Seigneur au centre de l’Église

En raison de la présence du Seigneur au centre de l’Eglise, elle porte absolument en elle le caractère de la sainteté. Il la lui offre, il reste en elle, se révèle en elle afin aussi que sa sainteté à elle ressorte clairement. Il se sent chez lui dans l’Église, en elle il rencontre les siens. Et il voudrait que les croyants également se sentent ici chez eux et l'y rencontrent et aient part à l'infiniment grand qu'il leur propose, même s'ils ne comprendront jamais totalement cet infiniment grand et même si cet infiniment grand a pour eux un certain caractère insolite du fait de leur état de pécheurs. (NB 1/2, 15).

 

1753. Après l’Ascension, le Fils prolonge sa présence dans le temps de l’Église

Tant que le Fils vit ici-bas, les disciples n'ont pas besoin d'image parce que lui-même porte en lui l'image, la vision du Père. Il n'a pas l'intention de laisser le monde s'appauvrir par sa mort et son Ascension. Dans le temps de l’Église, il veut prolonger sa présence avec tout ce qu'elle inclut. Il sait aussi combien tièdes sont les hommes et combien l’Église peut être contaminée par cette tiédeur : beaucoup de ce qui est encore vie aujourd'hui peut demain être à nouveau lettre morte, dépourvu de vie divine. C'est ainsi qu'il s'offre à son Église non seulement dans le sacrement et dans la parole de l’Écriture, mais aussi dans la mystique chrétienne : comme un avertissement, comme un signe, comme un don qui provient du fait qu'il a reposé nu, mort, sans image, entre les mains du Père, du fait qu'il a été totalement vidé de lui-même. C'est à ce vide total que le Père a offert la vie la plus haute, la vie de la résurrection. Aux croyants qu'il choisit, le Fils offre des images et des signes sensibles de sa présence (NB 5,121).

 

1754. Le Christ demeure dans l’Église

Les hommes ont toujours édifié des temples pour Dieu afin d'être en communion avec lui. Le vrai temple, c'est l'homme Jésus Christ en qui Dieu habite en personne, et le Christ à son tour demeure dans l’Église. Il ne demeure pas seulement dans les communautés visibles qu'on appelle églises, mais aussi dans tous les cœurs qui font partie de la communion des saints et qui portent le Seigneur partout pour l'offrir au monde. Les chrétiens qui font cela ne sont jamais isolés, ils sont les membres de la communion du Fils qui est l'un de la communion de Dieu (NB 1/2, 16).

 

1755. Le Fils habite dans l’Église

Marie a une certaine connaissance de l’Église. Parce qu'elle doit se donner elle-même, elle voit ce qu'est pour l’Église son don d'elle-même et, parce que le Seigneur la prend, elle, elle saisit que le Seigneur prend l’Église. Dans l’Église, elle voit l'Esprit de son Fils qui a habité en elle. Parfois elle ressent pour ainsi dire de tout son corps le corps de l’Église parce que le Fils habite dans l’Église et qu’il a habité en elle, la Mère. Elle veut tout ce que Dieu veut parce qu'elle voudrait que l’Église veuille tout ce que Dieu veut. Quand elle remarque des résistances, elle demande au Fils de bien vouloir la prendre pour vaincre les résistances. (NB 5,269).

 

1756. Le Fils n’aime qu’une épouse : l’Église. Tout le reste est inclus dans cette exclusivité ; dans l’Église et par elle, le Seigneur aime tous les hommes (NB 9, n. 2028).

 

1757. L’Église n'a pas sa vérité en elle-même mais dans le Seigneur et dans l'Esprit qu'il lui a donné. C'est pourquoi aussi l’Église ici-bas n'a sa vérité que là où elle s'ouvre sur le ciel et cela n'est visible que pour celui qui contemple cette ouverture dans la foi ( NB 6,417).


 

1758. La nouvelle Alliance entre le Christ et l’Église (NB 12,129).

 

1759. Le Christ veut être un corps avec son Église

Le Christ veut être un corps avec son Église. Il est en mesure de le faire comme lui le veut. Ce n'est pas l'affaire de l’Église de décider de la manière dont cela doit se passer. Son affaire, c'est de se tenir à la disposition du Seigneur et de rester éveillée pour recevoir de lui toute suggestion sans s'engager en rien à l'avance à son encontre. L’Église n'est jamais tout à fait consciente de ses propres possibilités (NB 12,129).


 

1760. L’Église est associée au Fils

Dieu le Père a envoyé dans le monde son Fils comme semence de Dieu et, pour montrer sa fécondité, il lui a associé l’Église. "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez". Certes même l’Église peut refuser de recevoir la semence du Seigneur, celle-ci alors retourne au Père de manière mystérieuse. L’Église ne peut jamais récolter que ce que le Seigneur a semé en elle, mais elle ne pourra jamais prétendre qu'elle a manqué un jour de la substance du Seigneur. Elle en a toujours assez, elle doit seulement reconnaître ce qui lui a été offert. Elle ne semble stérile que là où elle se refuse. On peut même dire qu'il n'y a pas d'endroits stériles dans l’Église. Aucun curé ne peut dire : "Avec cette paroisse, il n'y a rien à faire". La preuve du contraire, c'est le curé d'Ars. La semence de Dieu lui est confiée, c'est pourquoi il ne peut pas qualifier sa paroisse de stérile (NB 12,134).


 

1761. L’Église ne doit pas avoir d'autre centre que le Seigneur (NB 12,25).

 

1762. Derrière le ministère du Christ, en tant que tête de l’Église, se trouve son don de lui-même sur la croix, dans l'eucharistie et dans la résurrection (NB 12,168).

 

1763. Le Christ veut l’Eglise

Le Christ est homme et Dieu. Il veut la volonté du Père. Il veut qu'on vénère sa Mère telle qu'elle est et il veut qu'elle reste ce qu'elle est. Il veut l’Église, une Église qui a une forme visible, qui correspond à son désir d’Époux (NB 6,475).

 

1764. La mort du Seigneur sur la croix et l’Eglise

La semence du Christ qui est confiée à l’Église, l’ Église la fait se lever. La semence est vivante dans l’Église parce qu'il a mis en elle sa substance vivante. Le sérieux de l'événement est scellé par sa mort. Dans l'eucharistie, le Seigneur est lui-même ce pain qui auparavant était déjà du pain et qui devient son corps parce qu'il l'assume. Quand le Seigneur meurt sur la croix, l’Église est déjà "quelque chose", une poignée hommes ; le Seigneur livre sa propre substance qui fait de l’Église l’Église du Seigneur (NB 6,298).

 

1765. L’Église naît du côté du Seigneur qui meurt

La plaie du côté du Seigneur et la côte d'Adam. La première Ève reste pour toujours le symbole de l’Église qui refuse. Au lieu de devenir la mère de tous les pécheurs, Ève aurait dû devenir la mère de tous les croyants. L’Église ne peut pas se désolidariser d' Ève ; elle doit porter la honte de rassembler en elle tous les pécheurs. C'est ainsi que se fait la relation entre le sommeil d'Adam et la mort du Seigneur : Ève est façonnée à partir de la côte d'Adam qui se repose tandis que l’Église est façonnée à partir du côté du Seigneur qui s'épuise jusqu'au bout. Ce n'est que lorsque le Seigneur meurt tout à fait que l’Église peut accéder à la vie ; pour l'éveiller à cette vie, il a fallu que s'épanche la substance vivante (NB 12,231-232).

 

1766. L’Église sort de la plaie du côté du Christ en croix

Vision d’Adrienne en 1943. Elle voit le Christ et l’Église. Le Seigneur lui montre comment l’Eglise sort de la plaie de son côté et comment ils saignent ensemble. Il saigne par elle, elle saigne en lui. Par son saignement à elle, elle peut à chaque instant fermer sa plaie à lui. Chaque martyr ferme la plaie du Seigneur (NB 8, n. 873).


 

1767. Rien ne vieillit dans l’Église étant donné qu'elle ne cesse de naître de la rédemption. Ce qu'il y a d'essentiel dans l’Église devrait rester dans l'état de devenir actuel (NB 1/2, 198).

 

1768. L’Église est issue du Christ

Comme Dieu fait surgir la dualité Adam-Ève de l'unité d'Adam, ainsi la dualité Christ-Église provient de l'unité du Fils incarné. Et même cette unité Christ-Église est la justification dernière de l'unité conjugale Adam-Ève. Que l’Église soit issue du Christ est un fruit de l'obéissance absolue du Christ (NB 1/2, 267).

 

1769. L'Église est issue du Christ et il agit en elle (NB 10, n. 2255).

 

1770. Le Christ n'engendre rien d'autre que l’Église en s'offrant à elle une fois pour toutes (NB 12,21).

 

1771. L’Église a été créée par le Christ, par son propre amour, pour que l’Eglise donne une réponse d'amour à l'amour du Christ (NB 12,80-81).

 

1772. Le Seigneur a créé le miracle qu'est l’Église (NB 10, n. 2208).

 

1773. L'Église est créée par le Fils à l'origine sans que la question lui soit posée, mais dès qu'elle est là, elle doit dire oui à sa relation au Seigneur (NB 12,21).


 

1774. Le Seigneur, avec l’Esprit en lui, crée l’Eglise et règle par l’Esprit la relation de l’Eglise à lui (NB 9, n. 1935).


 

1775. Le Fils crée Église pour donner à tout croyant un accès à la vie éternelle

En fondant l’Église, le Fils crée une institution qui a la faculté de procurer à tout croyant un nouvel accès à la vie éternelle. Lui-même garde en main cette institution d'une manière dont on ne peut pas se faire une idée, mais il la remet néanmoins aussi aux hommes. Ainsi même si elle est pure, l’Église portera des traits humains - ce doit être un signe qu'elle est bien vivante au milieu des hommes -, elle reflétera en même temps quelque chose du visage du Christ et quelque chose du visage de l'humanité qui lui prête son concours. Ce visage humain de l’Église reçoit lui-même le sceau du ciel grâce à l'envoi de l'Esprit le jour de la Pentecôte (NB 5,73-74).

 

1776. Le Christ institue l’Église

Quand le Christ arrive, à la place du monde, il institue l’Église et, par elle, il introduit dans le monde le jeu des forces : Père - Fils - Esprit - Église. Sur la croix, il a vaincu le mal du monde en son fondement et d'une manière universelle, il a ainsi la possibilité d'inclure tous les hommes dans sa relation d'amour avec l’Église : les croyants et ceux qui ne connaissent rien de lui, également ceux qui le combattent, tous sont inclus d'emblée. A aucun moment, le Fils n'accueille l’Église (et par elle, le monde) dans une relation exclusive avec lui, il l'accueille tout de suite dans la pluralité de ses relations avec le Père et avec l'Esprit. A la Pentecôte, il envoie l'Esprit sur l’Église afin que l’Église (et en elle, le monde) soit désormais aux yeux du Père à l'intérieur de la relation d'amour du Fils et de l'Esprit, de l'Esprit et du Fils. Le Père n'a plus besoin maintenant de voir son monde "extra muros", il est inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit et il participe à l'amour trinitaire. Ce n'est pas seulement le monde comme un tout qui y participe, c'est chaque être humain individuellement, de sorte que se font jour une infinité de facettes de l'amour et que chaque acte d'amour est recueilli dans le trésor d'amour du Père. C'est ainsi qu'on comprend aussi que l’Église peut tout recueillir dans son trésor et qu'elle crée partout des concepts qui, s'ils sont compris correctement, peuvent servir à découvrir partout et à l'infini l'amour prévoyant du Père ; par tout ce que l’Église crée de neuf, par toute parole qui est formulée dans l'amour, l'amour du Père veut renforcer la relation d'amour que l’Église a pour le monde. On comprend aussi comment la croix remporte la victoire sur le péché, non seulement comme la plupart du temps nous la voyons - comme l'antidote aux différents péchés, mais de telle sorte qu'elle triomphe de la totalité du péché (et aussi du péché originel) et transforme le monde et l'établit en Dieu encore plus profondément que le péché pouvait l'en détourner (N 6,91-92).


 

1777. Le Fils a besoin de Marie pour bâtir son Église

Quand le Fils institue l’Église et que sa Mère alors devient son épouse, il va de soi qu'il prend alors Marie tout entière pour épouse, telle qu'elle est : avec son don d'elle-même dont il a été disposé pour le mystère de l'incarnation, mais aussi avec tout ce qui n'a pas encore été utilisé. Il en a besoin pour bâtir son Église ; c'est parce qu'il en est ainsi que l’Église peut réellement attendre chaque année la naissance du Fils qui s'accomplit maintenant dans l'épouse devenue Église, elle peut célébrer chaque année les fêtes de Marie, répéter chaque jour les mots de Marie, saluer chaque jour Marie comme celle qui est bénie parce que toute son existence est entrée totalement dans l’Église (NB 5,24).

 

1778. Le Fils se constitue une Église qui lui est adaptée

Le Fils se constitue une Église qui lui est adaptée, mais sans qu'elle ait part à l'abaissement qu'il a assumé en s'incarnant (car l’Église n'est pas Dieu), mais en la faisant participer à son exaltation et en la rendant ainsi capable de recevoir ses grâces. Nous pouvons nous faire une idée de la relation de l’Église au Seigneur en regardant la relation de Marie au Fils. Le Fils reste Dieu bien qu'il se soit abaissé à devenir homme; Marie reste totalement créature malgré la grâce de la pré-rédemption qui l'a exaltée, mais elle est une créature qui suit le Fils de la manière la plus stricte comme il l'avait prévu dans ses desseins (NB 5,20-21).

 

1779. La mission du Seigneur est de constituer une Église avec ses disciples

Le Seigneur essaie de former une Église avec ses disciples. Le soir, ils sont tous fatigués, rassemblés autour de la table. Et malgré la fatigue, l'union doit se faire, car la mission du Seigneur est de constituer une Église. C'est au beau milieu de cette fatigue qu'il éveille et fortifie la foi dans les âmes de ses disciples. Son âme s'épanche dans leurs âmes, ils saisissent quelque chose du don de soi et ils sentent en eux sa force. La volonté les saisit de lui appartenir et de le servir. Une force sort de lui comme lors des miracles. C'est comme s'il prodiguait aussi sa fatigue, il doit être de plus en plus fatigué pour qu'ils deviennent plus vigoureux. Ils le vident de toute sa force. Puis le Seigneur s'en va dans la solitude pour lever les yeux vers le Père. Et le Père prend en main, l'un avec l'autre, le Fils et l’Église à peine commencée, il les associe dans une union qui ressemble à celle de l'époux et de l'épouse. Le Fils connaît une joie comparable à la joie de l'homme qui sait qu'il est devenu fécond et qu'il a déposé un enfant dans le sein de sa femme. Le Fils connaît cette fécondité parce que le Père la lui a promise : tu es fécond, ton Église est féconde. Elle est elle-même l’œuvre de ta fécondité. Le Père bénit la joie du Fils et la joie de l’Église et la joie de leur unité, et il commence aussitôt à attirer à lui, dans son unité, toute cette fécondité commune du Fils et de l’Église (NB 5,268).


 

1780. Le Seigneur fonde son Église

Le Seigneur fonde son Église avec les hommes de son milieu, qui le suivent comme par hasard. Mais cette Église recèle en elle les exigences de Dieu Trinité, exigences qui sont réalisables dans la grâce, qui ne sont au fond qu'une suite de la grâce déjà accordée (NB 10, n. 2265).


 

1781. L’Église est fondée par le Christ

Depuis que l’Église a été fondée par le Christ, elle revendique la mystique pour elle, comme si celle-ci était absolument une expression de la relation entre le Christ-Époux et l’Église-épouse, qui est le modèle de la relation entre l'âme ecclésiale et le Seigneur. Vue de la sorte, la mystique est pour le chrétien une manière d'être comblé, une réponse de la grâce du Seigneur au don total de soi. L’Église est requise pour qu'au fond la mystique soit possible ; sous quelque forme que ce soit, l’Époux doit se trouver devant son épouse pour donner forme à ses secrets mystiques (NB 5,51-52).

 

1782. Le Fils a fondé l’Église pour glorifier le Père

D’une prière de saint Thomas More (+ 1535) : Père, tu nous as donné ton Fils, tu nous l'as donné à nous, pécheurs, pour que, de nous pécheurs, il fasse tes enfants. Il a fondé l'Église pour te glorifier. Il n'y a pour nous qu'une manière de te glorifier : la fidélité dans l'Église fondée par ton Fils (NB 1/1, 462-463).

 

1783. Lors de la fondation de l’Église, le Seigneur a inséré en elle tout le poids de son être propre (NB 10, n.2214).


 

1784. L’Église, œuvre du Seigneur

L'Église est pour saint Étienne l'héritage visible que le Seigneur a laissé pour les hommes sur cette terre. Elle est pour lui l’œuvre du Seigneur, l'expression du Seigneur parmi les hommes, mais aussi le don des hommes à l’Époux (NB 1/1, 260).


 

1785. L’unité du Christ et de l’Église

Le Fils qui meurt sur la croix et présente au Père son sacrifice offre tout ce qu'il a. Pour ne pas garder la dernière chose qui lui reste ici-bas, il confie son cadavre aux hommes, à l’Église. Quand, à sa résurrection, il réapparaît, à qui appartient alors la vie qu'il recouvre ? Pas seulement au Père qui la lui rend toute neuve, mais au fond aussi à l’Église, à nous tous. L'unité physique du Christ et de l’Église commence lors des "trois jours" : entre la remise de son cadavre le samedi saint et sa réapparition à Pâques. Le Seigneur a partagé sa substance divino-humaine entre le ciel et la terre. Ce qu'il en remet à l’Église lui appartient certes, mais cela appartient maintenant aussi à l’Église. L’Église commence ici. Sans cette union et ce partage, il y aurait présomption pour l’Église à vouloir être quelque chose (NB 6,298).

 

1786. Présence du Fils dans l’Église

L’Ascension : le Fils sait qu'il doit se retirer pour demeurer tout proche, pour obtenir cette présence dans l’Église que le Père lui a promise et qui aura une autre forme que le fait d'être un homme parmi les autres (NB 6,304).


 

1787. Le Seigneur ne choisit pas l’Église pour épouse - et nous en elle - pour la condamner à mort, il la choisit pour la vie. Elle doit seulement mourir à elle-même pour obtenir en lui la vie (NB 6,282).


 

1788. L’Église est ce que le Seigneur a laissé aux hommes en héritage (NB 1/1, 260).

 

1789. Le Seigneur a besoin d'une Église pour répandre sa grâce

Le Seigneur a besoin d'une Église dans laquelle il peut répandre sa grâce. Elle ne doit faire totalement qu'un avec lui, c'est pourquoi les chrétiens ne doivent faire qu'un entre eux. L'unité réside dans le fait que le Seigneur attire à lui son épouse, et les chrétiens en font partie dans la mesure où ils se laissent attirer vers le Seigneur dans l'unité de l’Église (NB 6,277).

 

1790. Le Christ remet sa parole à l’Eglise

Le Christ remet à l’Église sa semence - la parole - pour que cette semence lève en elle. Ce faisant, il rend l’Église, en tant qu'épouse, coresponsable de sa propre action en tant qu’Époux. L’Église à son tour partage le mystère à tous ceux qui lui appartiennent, et elle crée ainsi la communion des saints. La semence de la parole lève en elle comme grâce du Seigneur pour tous (NB 12,154).

 

1791. Tout ce que le Seigneur sème doit mûrir dans l’Eglise

Le Seigneur peut avoir aujourd'hui en vue quelque chose de nouveau pour son Église, on ne peut pas être conservateur vis-à-vis de lui. Tout ce que le Seigneur sème doit mûrir dans l’Église. Si elle le laisse vraiment mûrir, c'est une preuve de confiance qui permet au Seigneur d'aller plus loin avec elle (NB 12,26).

 

1792. Peu importe que quelque chose soit dit par le Seigneur ou par l’Église ; dans le même Esprit Saint, l’Évangile peut être la parole de l'un comme de l'autre. Dans le baiser des époux, le goût de l'un passe dans l'autre, c'est ainsi que la parole de l’Église peut avoir le goût de la parole du Seigneur (NB 12,98-99).

 

1793. La révélation du Christ et l’Église

L’Église assume de manière contemplative la révélation du Christ, et la communauté de tous les croyants, la communion des saints, se livre à cette contemplation. La parole, qui est une action, est livrée pour qu'elle soit féconde dans le monde. La Parole qui, depuis toujours, était le Fils de Dieu se révèle comme étant une action du fait que le Fils devient homme (NB 12,154).


 

1794. En tout ce que le Seigneur communique de lui à son Église, il ne retient aucunement son amour : en tous ses dons, il se livre sans réserve à l’Église (NB 12,167).


 

1795. Le Christ se présente à l’Église avec ses années d’humiliation

On pourrait imaginer que le Christ se soit fait une Église à laquelle il ne se serait montré que dans sa gloire, sur son trône céleste, et qu'il aurait supprimé ses années d'humiliation, mais justement il ne l'a pas voulu. Lui-même fut ici-bas le Fils humilié du Père, il a poussé si loin l'obéissance que finalement il a crié au Père : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et il proclame en même temps : "Qui me voit voit le Père". En cela il ne se laisse pas égarer par les hommes ; à Philippe, il ne se montre pas soumis au Père, il se montre son égal, avec sa puissance. Dans son impuissance humaine, il n'oublie pas qu'il est le Maître et qu'il peut représenter le Père, et son retour au Père aussi est un acte de puissance (NB 12,44).


 

1796. Le Fils qui est devenu homme est vivant, il ne peut s’exprimer que par une Église vivante. Tous les vrais saints sont l’expression de l’incarnation de Dieu (NB 9, n. 1794).

 

1797. Le Seigneur a besoin de nos œuvres

Le Fils qui donnera tout son sang pour l’Église ne s'en sort pas sans le sang de l’Église. Il en a besoin, il en dépend. De même que les chrétiens doivent avoir une foi agissante (les "mérites") pour faire l'expérience dans leur vie de la grâce de la foi, pour la saisir, de même le Seigneur a besoin de nos œuvres pour donner à son œuvre son plein achèvement (NB 12,234).


 

1798. Le Seigneur agit dans son Église comme il veut (NB 6,495).


 

1799. Le Christ façonne le visage de l’Eglise

C'est de sa substance que le Christ façonne le visage de l’Église, l’Église dans sa totalité et, en elle, chacun des croyants. L’Église est certes composée d'une communauté d'individus, mais leur façonnage doit se faire plus par le Seigneur que par la communauté. La communauté est vivante parce qu'elle a été façonnée par le Seigneur (NB 12,93-94).


 

1800. Le Fils crée à sa manière, il mène à son terme l’œuvre du Père, il connaît la joie de façonner son Église et de la gouverner (NB 12,39).


 

1801. Le Seigneur grave son visage dans l’Eglise

L’Église doit se laisser façonner et pétrir le visage par le Seigneur. Ce n'est pas par hasard que l'homme ne voit pas son propre visage. L’Église n'a pas besoin de se contempler dans un miroir, son unique miroir est le Seigneur qui se reflète en elle, qui grave en elle son visage. Comment il le fait ne la regarde pas, elle doit seulement laisser les choses se faire dans l'amour. Peu importe à quoi elle ressemble si seulement son apparence est telle que lui le veut (NB 12,95).


 

1802. Le Christ demande à l’Église de se donner

Le Christ, durant sa vie, a demandé à l’Église de se donner, de le suivre. Mais au moment décisif, sur la croix, il n'est plus que pur don de lui-même, il est vidé. L’Église n'a rien à exiger du Seigneur. Dans son don d'elle-même, elle peut tout au plus assumer les exigences du Seigneur pour les faire connaître aux hommes. Elle même n'a pas d'exigences personnelles (NB 12,65-66).


 

1803. L’Église est amenée par le Seigneur à être sans voiles (NB 12,12).


 

1804. Le Fils ne doit pas seulement concevoir et édifier son Église en tant que Dieu, mais aussi en tant qu'homme (NB 6,484).


 

1805. Quand l’Eglise est venue au Seigneur, elle était inutilisable ; quand, par lui, elle est devenue utilisable, il peut l'employer comme il le veut (NB 12,94).


 

1806. Quand il s'agit de son amour pour l'Église qui est son épouse, le Seigneur ne peut pas toujours se contenter de ménager (NB 12,95).


 

1807. L’amour règne entre le Christ et l’Église

Dans la relation entre le Christ et l’Église, on peut sans doute présenter le Christ comme l'Homme-Dieu qui dirige et l’Église comme son épouse qui est dirigée, mais l'amour qui règne entre les deux, on ne peut le décrire que dans leur relation mutuelle. On ne peut se faire une idée ni du Seigneur ni de l’Église sans penser aussi à cet amour qui existe réellement (NB 12,96).


 

1808. Le Seigneur rappelle sans cesse à l’Église sa propre faiblesse

C'est le Seigneur qui dirige l’Église. Mais il y a les fêtes. L'Église alors ne se réjouit pas seulement du Seigneur, elle peut aussi se réjouir pour elle-même et de ce qu'elle est. Car ici le Seigneur ne garde pas seulement la distance, il la transforme de telle sorte qu'au jour de la fête, comme en toute communion, il habite en nous comme s'il était toujours l'un de nous. Il rappelle constamment à l’Église sa propre faiblesse au temps de la passion, sa faiblesse sur la croix et dans la mort. Il fait entrer l’Église dans ce temps, une Église qui lui est soumise, qui doit faire ce qu'il fait dans sa propre soumission : souffrir (NB 12,44).

 

1809. L’Église est toujours dirigée par le Seigneur

Le Christ peut exiger que son Église se serve de son bon sens et tire ses conclusions, mais jamais jusqu'au point où elle se sentirait indépendante de lui. Même dans ses actes les plus minimes, elle doit sentir qu'elle est dirigée par le Seigneur (NB 12,38).


 

1810. L’Église devant le Christ : c’est lui qui décide

L’Église en tant qu’épouse n'a pas le droit d'imposer à l’Époux la manière dont il doit s'y prendre avec elle. Si intime que puisse être leur relation, il n'est pas permis qu'elle devienne telle que l’Époux soit modelé par l’épouse. Les droits qui sont accordés à l’épouse ne peuvent pas toucher au pouvoir de l’Époux : c'est lui qui décide. Il a le droit d'être devant Dieu le Père tel que le Père le veut sans que l’épouse intervienne. Il doit dépendre directement de Dieu (NB 6,276).

 

1811. Le Seigneur a vis-à-vis de l’Eglise tous les droits divins et humains

Le Seigneur a vis-à-vis de l’Eglise tous les droits divins et humains. Il peut l'aimer comme l'Epoux son épouse, il peut l'humilier, il peut exiger d'elle l'obéissance absolue. Ces trois choses peuvent apparaître séparément ou bien aussi se présenter ensemble soudainement. Le Seigneur sait que son Église est pleine de défauts et qu'elle a besoin tout autant d'amour que de pénitence et d'obéissance ; c'est pourquoi il la traite comme un instrument sur lequel il joue comme bon lui semble, dans le sens où il offre à l’Église, selon son jugement, ce dont elle a justement le plus besoin. Mais l’Église doit savoir que tout ce que le Seigneur lui impose est l'expression de son amour absolu. Elle ne doit rien choisir elle-même, elle doit lui offrir une disponibilité sans mélange. L'amour a une base d'obéissance : toujours se conduire et se diriger comme le Seigneur le veut. Le Seigneur peut vouloir exercer à fond cette base de l'obéissance. L’Église peut alors avoir l'impression qu'elle est totalement réduite à un corps auquel on fait faire de l'exercice, dont on attend seulement qu'il prenne telle ou telle posture (NB 6,468).

 

1812. Le Seigneur montre à l’Église ce qu’il peut soutirer d’elle

Du fait qu'elle est l’épouse, l’Église est attachée, d'une manière qui ressemble à la manière dont le Crucifié est fixé par les clous. Elle aussi doit apprendre à connaître l'impression d'une totale impuissance. Toute envie de critiquer le Seigneur qui la tient clouée lui passe alors, et toute question pour savoir pourquoi il doit en être ainsi disparaît. Au-delà de sa volonté de se découvrir, elle est mise à nu et tout lui est soutiré. Ce n'est pas l’Église qui montre au Seigneur ce qu'elle a ou ce qu'elle n'a pas, c'est le Seigneur qui montre à l’Église ce qu'il peut soutirer d'elle. Ce qui est mis au jour est pour elle humiliation extrême. Ce n'est qu'ainsi qu'elle est mise totalement en contact avec la terre sur laquelle elle se trouve ; tous les murs de séparation qu'elle a imaginés s'écroulent, elle marche pieds nus sur un sol dur et pierreux. Elle n'apprend que sur le tard à quel point l’Époux dispose d'elle. Au début, elle pense toujours qu'elle pourrait, au moins en partie, comprendre et faire ce qu'on attend d'elle. Mais justement il s'agit du tout, l’Époux ne se laisse pas induire en erreur. C'est toute une affaire qui est requise. Le Fils transmet aux siens la volonté totale du Père telle que lui-même l'a comprise et exécutée. Il n'a pas le droit de trahir le Père en accommodant et en ramollissant sa volonté. Pour l’Église, à l'instant de l'exigence, il n'est pas question de vouloir tout savoir mieux que les autres. L’Église est "systématiquement" examinée et scrutée par le Seigneur, mais selon un plan dont elle ne voit pas l'ensemble. L'inexorable marche en avant lui donne, il est vrai, l'impression qu'il y a un système dans la procédure. Il y a là pour l’Église une espérance. Qu'elle soit examinée peut avoir un sens, conduire quelque part. Il ne reste à l’Église rien d'autre à faire que de se soumettre. Elle ressent très fort que tous ses droits lui sont donnés par le Seigneur : "Ici tu as un droit, et ici tu n'en as pas" (NB 6, 278-279).

 

1813. Le Christ peut reprendre et corriger son Église ; il ne vise pas son Église personnellement, il vise les pécheurs en elle, et son Église comme le lieu où séjournent les pécheurs (NB 9, n. 2025).

 

1814. L’éducation de l’Église par le Seigneur

Toute l'éducation de l’Église par le Seigneur qui l'éprouve doit la conduire au-delà de son entêtement. Ni dans la contemplation, ni dans la confession, elle ne doit plus présenter et imposer ses propres désirs et ses propres projets. Elle doit se remettre entre les mains du Seigneur et se laisser transformer. Le Seigneur pourrait en avoir un jour assez d'être payé en monnaie de singe. De temps en temps, des explications brutales sont nécessaires pour que l’épouse se rende compte de ce que les paroles du Seigneur veulent vraiment dire et qu'on n'est pas en mesure de parlementer avec le Seigneur, car les droits du Seigneur sont des droits divins, intouchables (NB 6,280).

 

1815. Le Seigneur peut exiger de l’Église une pénitence douloureuse

L’épouse doit être longtemps humiliée - jusqu'à se sentir la "prostituée" qu'elle était dans l'Ancien Testament - afin qu'elle se souvienne à nouveau que son origine relève du seul bon plaisir du Seigneur. Sinon elle s'installe aussitôt à nouveau dans l'attitude de celle qui sait tout, qui ne veut recevoir du Seigneur aucune directive. Pour recevoir l'encouragement du Seigneur après la confession, tel qu'il est pensé dans l'amour, l’Église doit être passée par l'humiliation. Ce n'est qu'alors qu'elle comprend la miséricorde qui lui est de nouveau accordée. Mais alors, avec quelle rapidité elle se croit rétablie dans ses anciens "droits" ! Elle est comme un enfant qui exulte de ce que la "punition" soit passée. Il peut alors se faire que le Seigneur exige justement pour l'absolution une nouvelle pénitence douloureuse et qu'il traite l’Église comme un petit enfant qui doit se dévêtir pour recevoir les verges. Jamais ne peut apparaître le sentiment que nous aurions fait assez pénitence, que nous aurions droit à un bon moment de tranquillité. C'est justement ce sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait qui doit nous être retiré jusqu'à ce que nous renoncions à tout calcul, c'est justement quand nous pensons voir que les choses avancent qu'elles peuvent se reproduire un certain nombre de fois jusqu'à nous donner le vertige. Quand alors la grâce du Seigneur redevient visible dans l’Église, elle doit savoir qu'elle vit elle-même totalement de cette grâce ; ce qu'elle partage ne lui appartient pas, elle ne fait que transmettre ce qu'elle a elle-même reçu. Le prêtre aussi justement qui exerce un ministère dans l’Église doit savoir cela : il ne possède pas le ministère, c'est le ministère qui le possède, et il ne peut que l'exercer que s'il rend constamment tout pouvoir au Seigneur (NB 6,281).

 

1816. Le Fils exerce le rôle du ministère vis-à-vis de l’Église

Le Fils assume vis-à-vis de l’Église le rôle du ministère que le Père exerce vis-à-vis de lui à la croix. Seulement dans le Fils il n'y a pas de résistances à vaincre quand le Père le conduit, au-delà de sa volonté humaine, dans le pur abandon ; l’Église sent ses résistances quand lui est retirée toute libre disposition d'elle-même. De la sorte, elle voit moins encore si elle correspond à ce que le Seigneur attend d'elle ; le rapport entre ce qui est exigé d'elle et ce qu'elle fait, elle ne peut en aucune manière le vérifier (NB 6,278).

 

1817. L’obéissance de l’Église au Seigneur

Ce qui est fixé par le Seigneur dans sa relation à l’Église, c'est avant tout le ministère. Il lui est impossible d'y toucher et elle n'en a pas le droit. Cela veut dire qu'on la fait entrer dans l'obéissance même que le Seigneur a pratiquée. Elle doit donc être mise à nu et humiliée comme le Fils sur la croix. Devant le Fils, elle ne peut pas prétendre à une intimité qui ne lui serait pas totalement abandonnée (NB 6,277).

 

1818. Le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère la manière de se tenir à sa disposition, sa docilité (NB 4,404).

 

1819. Complexité des relations du Seigneur avec son Église

On devrait apprendre à comprendre combien est complexe et riche en contrastes la relation du Seigneur à son Église. Les coups normaux qu'elle continuera à recevoir ne l'inquiéteront alors pas trop. Ils doivent lui rappeler qu'elle a appris à faire l'expérience du repentir de manière neuve, elle connaîtra plus à fond le sens de la passion du Seigneur. Il s'est laissé flageller pour introduire dans l’Église la confession de la faute (NB 6,280).


 

1820. Le Fils donne à l’Église son orientation vers le Père

Lors de la création, le Père a donné aux hommes une sorte de boussole : la conscience qui, s'ils sont honnêtes, peut leur indiquer, même dans le brouillard de l'état de péché, ce qui est objectif et ce qui est subjectif. Le Fils, quant à lui, apporte avec lui dans son humanité le fait qu'il est purement orienté vers le Père, il "croit" au Père d'une manière claire et objective, et cette foi est en même temps en lui le parachèvement de la conscience humaine. En vertu de cette "foi" objective, il peut, sans remonter à sa vision divine du Père, rester dans la parfaite vérité divine. En donnant à l’Église son orientation vers le Père, le Fils lui donne la foi chrétienne comme la pure conscience chrétienne. Les chrétiens pourtant, dans la mesure où ils sont pécheurs, ne cessent de mêler à cette conscience de la foi des points de vue humains. Et comme le Christ, en devenant homme, a renoncé à sa gloire et qu'il est devenu un homme tellement discret que, pour beaucoup, on ne pouvait plus le distinguer des autres hommes qui sont pécheurs, il a voulu donner à son épouse, l’Église, quelque chose de cette discrétion. Bien des aspects de la nature de l’Église et de son apparence extérieure restent ici-bas indécis ; les pécheurs en elle obscurcissent sa pureté intérieure et la font apparaître comme une "prostituée" (NB 6,417).


 

1821. L’Église : l’institution où le Christ a mis le mystère de Dieu Trinité

L’Église est une institution publique dans laquelle le Christ a mis le mystère de Dieu Trinité avant tout sous la forme de la prédication et des sacrements ; mais l’Église était déjà formée dans le Christ avant même qu'il ait dit sa parole et institué les sacrements. Pour la mystique, on pourrait presque dire le contraire : l'événement qui se produit ici provient de ce qui en Dieu est hors du temps et de l'espace, et est montré à l'homme, qui doit recevoir cette faveur, comme s'il n'était pas pris en considération. Pour la recevoir, il devra faire abstraction de tout son être et de tout son avoir et de tout son moi. Il ne serait pas juste non plus de penser que, pour la recevoir, le mystique devrait être tout esprit. On pourrait plutôt dire que lorsqu'il la reçoit il devient l'image que, de lui-même, Dieu voulait se créer pour lui en créant l'homme (et le reste du monde par amour pour l'homme). Cette image existe donc avant le monde ; cela nous devient plus évident quand nous pensons au Christ dont nous savons que tout le reste - y compris Adam - a été créé pour lui. Le Christ se présente comme garant et il se livre afin qu'Adam - et en Adam les hommes, et par les hommes le monde - puisse être créé et sauvé (NB 5,45-46).


 

1822. L’Église est engagée dans l’activité du Fils

L'Église (en tant que femme) est engagée dans l'activité du Fils : elle reçoit sa semence qu'elle doit porter jusqu'à son terme, elle reçoit sa parole qu'elle doit transmettre, tandis que le Fils (par son Ascension) se retire dans une sorte de passivité. "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie". Le Christ aussi s'est dépassé dans son don de lui-même à l’Église et au monde. Il ne s'est pas seulement donné lui-même, il s'est "vendu" (dans l'eucharistie) aux mains de l’Église, aux mains des pécheurs si bien que, tout en retournant au Père, il ne peut plus se retirer du monde. L’Église devient active à partir du moment où, par l'acte du Christ, elle est faite Église. Le ministère est alors en quelque sorte ce qui est né de l’Église, ce qui a la faculté de ramener au Christ, comme le Christ retourne au Père (NB 12,69).


 

1823. Le Fils fait participer l’Eglise à sa filiation, dans l’amour

La vision de l'Apocalypse est en grande partie une vision de la puissance du Fils. Mais du Père on doit dire : il admet la puissance du Fils, elle lui est chère, il se tient à côté d'elle. Il n'insiste pas pour avoir un Fils qui lui soit toujours soumis. Même si le Fils fait toujours la volonté du Père, le Père ne révèle pas seulement sa propre puissance en élevant le Fils à sa droite, il révèle tout autant la puissance du Fils. Le Père qui engendre éternellement le Fils, engendre aussi le Fils qui siège tout-puissant à sa droite. C'est ainsi que le Fils peut prendre avec lui l’Église dans son impuissance, dans sa passion, mais aussi la faire participer à sa filiation, dans l'amour (NB 11,44-45).


 

1824. L’Église doit être prête à recevoir la semence de Dieu dans le monde : le Fils

Le Fils a été clairement envoyé dans le monde comme semence de Dieu, mais vient alors comme une minute d'hésitation : va-t-il trouver un réceptacle pour le recevoir ? ("Il est venu dans le monde et les siens ne l'ont pas reçu") L'Esprit se trouve dans la Parole-semence, mais d'une manière diffuse pour ainsi dire, il ne peut devenir clair que si l’Église reçoit l'Esprit de la mission et si elle devient ainsi prête à recevoir la semence de Dieu (NB 12,135).


 

1825. Le Christ n’a pas voulu remplir l’Église de sa sainteté une fois pour toutes, il veut l'éveiller peu à peu à un amour total et résolu (NB 12,93).


 

1826. L’Église est portée par le Fils, l’Église vit du Fils. Si l’Église doit être forte pour le monde et pour les chrétiens, c'est d'une force qui lui est donnée sans cesse par le Fils (NB 4,429).

 

1827. L’Église doit avoir une obéissance où elle se livre elle-même

De ce que le Seigneur opère en elle, l’Église ne doit pas vouloir en savoir plus que ce que le Seigneur veut lui-même. Elle doit avoir une obéissance où elle se livre elle-même. Nombre de mystères en elle n'appartiennent qu'au Seigneur, par exemple bien des choses qui concernent les saints. Aucune discrétion n'est plus grande que celle du Seigneur, et il voudrait que son Église aussi soit discrète. Un mystère du Seigneur que celui-ci ne veut pas lui livrer, l’Église ne devrait pas non plus vouloir l'élucider, le déchiffrer, le dévoiler, quand elle pourrait reconstituer son existence à partir de ses effets. Elle ne doit pas en reconstruire les raisons, même pas lorsqu'elles sont "évidentes" pour sa raison terrestre, même lorsqu'elles semblent pouvoir être déduites tout à fait "logiquement". Elle doit préférer sacrifier son évidence et sa logique à l'amour. Mais cela, elle ne le peut qu'à condition qu'elle vit de l'acte marial du parfait abandon (NB 6,467).


 

1828. Le Christ opère aujourd’hui dans l’Église la volonté du Père et le souffle de l’Esprit

Ce que le Christ opère aujourd'hui dans son Église, c'est la volonté du Père, c'est aussi le souffle de l'Esprit ; c'est donc toujours l'expression et la manifestation de l'amour trinitaire. Dans l’action du Fils, l’Eglise doit toujours voir au-delà la volonté incompréhensible du Père et l'objectivation de l'amour divin dans l'Esprit Saint. Ceci lui permet de voir l'amour en chacune de ses formes, également celle de la justice, du châtiment et de la pénitence. L'amour n'a pas besoin d'être ressenti directement comme tel pour pouvoir être cru et même expérimenté comme amour. Mais ceci requiert aussi une objectivation de l'amour ecclésial en tant qu'obéissance (NB 6,495).


 

1829. Quand le Seigneur châtie son Église, c’est lui qui a la mesure, non l’Église (NB 9, n. 1957).


 

1830. L’Église peut humilier son Seigneur si elle ne gère pas comme il faut ce qui lui a été confié ; elle peut le remettre dans la situation de la croix (NB 12,225).


 

1831. Le Seigneur s'unit à son Église. Il l'aime et il l'humilie, il l'attire totalement en lui et se déploie totalement en elle. Il se donne à elle et elle lui répond. Le Seigneur est le Fils du Père et le Maître de tous les temps (NB 5,257).

 

1832. Les humiliations de l’Eglise

Il n'y a pas de contradiction au fait que le Seigneur humilie son Église justement quand il la remplit totalement de sa joie. Là où l’Église est totalement livrée et pure et totalement prise par le Seigneur, elle devient assez forte pour accepter les humiliations les plus profondes et pour voir en elles le couronnement de son amour pour le Seigneur (NB 1/2, 104).

 

1833. L’humiliation de l’Église par le Seigneur

L’Église devrait en arriver à ce que ses enfants – du moins par moments - puissent faire l'expérience de l'humiliation de l’Église par le Seigneur et de leurs propres humiliations par l’Église comme une joie authentique parce que tout cela, ce sont des mystères d'amour : amour trinitaire, amour entre le Fils incarné et l’Église dans lequel sont entraînés tous ses membres (NB 11,306).

 

1834. L’Église aime le Seigneur et elle est en même temps aimée et humiliée par lui. Ce n'est que par l'humiliation qu'elle peut être glorifiée par le Seigneur (NB 1/2, 110).

 

1835. Le Fils exige tout de l’Église

Parce que le Père exige tout de l'unité du Fils et de l’Église, de même le Fils exige tout de l’Église. Tout ce qu'il ne cesse lui-même de lui donner, il ne cesse de demander qu'on le lui rende afin que le Père puisse demander davantage et que l'unité devienne toujours plus profonde (NB 5,269).


 

1836. L’Église, en Pierre, doit être sauvée par la propre main du Seigneur (NB 5,79).

 

1837. L’Église doit se laisser rattraper par le Seigneur

L’Église sera toujours remplie de force quand elle se laissera rattraper par le Seigneur, au moment où elle reconnaîtra sa propre impuissance et qu'elle commencera à sombrer parce que la tempête sera trop forte et qu'elle ne verra plus d'issue (NB 5,79).

 

1838. Le Seigneur ne laisse pas tomber cette Église stérile

Le Fils peut aussi montrer à l’Église les obstacles qu'elle lui oppose si réellement elle veut arriver un jour à la source de sa fécondité. Si elle le repousse, elle supportera encore moins ses enfants qui auront besoin de ses sources comme nourriture. Le Seigneur humilie son Église parce que ce n'est que dans l'humilité qu'elle peut nourrir ses enfants dans le sens du Seigneur. Il ne la laisse pas tomber, c'est justement en l'humiliant qu'il lui montre qu'il se soucie d'elle constamment. Les apôtres dorment au mont des oliviers quand le Seigneur aurait besoin de leur aide, ils le renient quand il devrait pouvoir compter sur leur témoignage. Mais il ne laisse pas tomber cette Église stérile, il l'emmène avec lui plus loin vers la croix (NB 6,277).


 

1839. Faiblesse indéracinable de l’Église

Pierre avec le Seigneur après la résurrection : "M'aimes-tu plus que ceux-ci ?" Pierre est bouleversé, embarrassé. Sa propre faiblesse est le symbole de la faiblesse humaine indéracinable de l’Église ; il n'aurait peut-être pas été du tout en mesure d'assumer le ministère s'il n'avait pas renié trois fois. On a commis un péché en soi impardonnable, mais on s'est ensuite converti et on est devenu un autre. Pierre voit le rapport entre son reniement et le ministère. Il s'indigne de tout non dans l’Église, il y reconnaît son propre non, et il a néanmoins l'assurance de pouvoir accomplir son ministère. Dans le ministère, il ne peut pas se permettre de rester dans son non. Il doit se consacrer à sa tâche (NB 12,251).


 

1840. Le Seigneur peut placer son Église dans un état de faiblesse

Quand le Seigneur exerce sa seigneurie pour placer l’Église dans un état de faiblesse, elle ne doit pas faire l'héroïque qui est toujours en mesure de continuer. Le Seigneur changera son état quand il le jugera bon (NB 12, 40-41).


 

1841. L’erreur de l’Église

La grande et fatale erreur de l’Église aujourd'hui est de penser qu'on peut enfermer l'Esprit Saint et pour ainsi dire l'emprisonner. Tous les chrétiens sont fécondés un jour ou l'autre par l'Esprit Saint, mais il ne leur est pas permis de se replier sur ce fruit. L'Esprit a des modes de fécondation que nous ne connaissons pas. Ce qui est sûr, c'est que ses fruits mûrissent pour la vie éternelle, c'est pourquoi ici-bas on ne peut jamais les connaître définitivement (NB 6,162).

 

1842. L’Église, dans ses définitions et ses autres instructions, part beaucoup trop d'elle-même au lieu de partir du Seigneur. Marie est toujours partie du Fils (NB 6,148-149).


 

1843. Dieu et les pécheurs coexistent dans l'institution de l’Église ; ils coexistent à distance dans la mesure où l'homme est pécheur, et pourtant ils sont unis dans la mesure où l'homme a la foi et se reconnaît d’Église ( NB 6,466).

 

1844. L’Église des pécheurs

Il y a l’Église des pécheurs. Ceux-ci se ferment, ils se réservent leurs heures, ils portent des vêtements épais pour ne pas se trouver nus devant Dieu, ils ne donnent rien, ils veulent tout pour eux. L'infidèle se garde lui-même, remet au lendemain le don de lui-même (NB 5,267).

 

1845. C’est dans l’amour que l’Eglise porte la honte des pécheurs qui sont en elle

L’Église ne peut pas se présenter elle-même au Seigneur comme irréprochable. Elle est l’épouse et elle est en même temps la pénitente. Tout les fautes que commettent les enfants de l’Église retombe sur elle. La sainte Église ne doit pas et ne peut pas se croire sainte. C'est dans l'amour qu'elle porte la honte des pécheurs qui sont elle. L’Église doit expier pour tous ceux qui l'ont abandonnée, pour tous ceux qui se sont dévoyés, tous les tièdes. Elle est humiliée par tous. Les pécheurs connaissent leur propre honte, c'est pourquoi ils sont à même de signaler et de dévoiler ce qu'il y a de plus honteux dans l’Église (NB 6,506-507).

 

1846. L’Église doit souffrir en elle les pécheurs

Le Seigneur sait que l’Église a passé des compromis avec les pécheurs. La même Église est Marie et Pierre qui renie, Pierre qui tout au long des siècles ne cesse de passer des compromis avec le monde. L’Église ne se prostitue pas elle-même de son propre gré. Elle est prostituée par les pécheurs qu'elle doit souffrir en elle (NB 6,508).

 

1847. L’Église devrait voir ses insuffisances

L’Église a conscience de devoir être absolument purifiée, et cela dans l'humiliation. Elle ressent douloureusement surtout ceux qui ne se confessent pas : ceux-ci doivent d'une manière ou d'une autre être inclus dans sa purification. En tant qu’Église visible, elle n'a pas la possibilité de les atteindre, mais elle sent qu'étroitement unie au Seigneur elle pourrait avoir part aussi à ce qu'il opère pour tous les hommes. Il y a donc dans l’Église ceux qui se confessent correctement et qui peuvent nourrir l’Église du lait de leur sein. Les autres se trouvent pour ainsi dire derrière son dos, elle ne peut les atteindre. En tant qu’Église terrestre, elle pourrait penser d'une manière un peu tranchante : "Celui qui ne veut pas reste exclu". Mais elle ferait mieux de voir ses insuffisances et de les montrer au Seigneur dans une confession qui justement inclurait qu'elle n'atteint pas ceux qui sont loin. La confession des saints devrait montrer à cette Église qui ne veut pas se confesser quelle attitude elle devrait prendre (NB 6,508).


 

1848. L’Église devrait désirer être purifiée

Si le pécheur individuel n'a pas le désir d'être purifié ou ne l'exprime pas, l’Église au moins devrait le demander. Elle devrait surtout avoir le désir de correspondre au Seigneur et de vouloir tout supporter pour mieux devenir ce qu'il veut qu'elle soit (NB 6,510).

 

1849. L’Église doit avoir un désir permanent de purification

Dans la mesure où l’Église existe par le Seigneur, le droit et le devoir lui sont accordés d'appeler le Seigneur aussi souvent qu'elle en a besoin. Elle doit avoir un désir permanent de purification pour être plus proche du Seigneur. Mais la mesure dernière de la pénitence, c'est le Seigneur qui la fixe, comme il le montra à Pierre, quand celui-ci voulut être lavé tout entier, pas seulement les pieds. Vouloir dépasser la mesure du Seigneur serait blâmable (NB 6,510-511).

 

1850. Angoisse d’Adrienne dans une vision : “Comment se fait-il que le diable a un tel pouvoir dans l’Église ? Est-ce que le Seigneur n’est pas là pour le renverser ?" (NB 8, n. 751).


 

1851. L’Église doit être toujours dans l’attente d’une visite du Seigneur

L’Église doit toujours être dans l'attente et, plus précisément, dans l'attente de quelque chose de plus grand que ce qu'elle connaît déjà. Si le Seigneur ne faisait que confirmer ce qui se trouve déjà dans l’Église, il serait fort douteux qu'il l'ait vraiment visitée. Pour le moment, il ne la visite plus sous une forme humaine visible ; mais, à sa place, il pourrait un jour envoyer un grand saint ; si celui-ci était incapable de vivifier l’Église dans le sens du Seigneur, on pourrait douter qu'il fût un grand saint. Quand l’Église discerne un saint – un saint qui est envoyé expressément par le Seigneur - et même le reconnaît, elle a aussi le devoir de faire attention à ce qu'il a à lui dire de fécondant de la part du Seigneur (NB 12,198).

 

1852. L’ Église est toujours accompagnée par son Époux

Quand arrive pour l’Eglise l'heure de l'action, de l'apostolat ou du témoignage, elle se sent poussée en quelque sorte par son Époux à faire ce qui est difficile, et en même temps elle se sent abandonnée par lui qui est retourné au ciel. Connaît-il réellement la situation où elle se trouve aujourd’hui ? Il l'a mise dans cette situation, et elle doit s'en sortir elle-même avec la puissance qu’elle a. En elle, qui est remplie de pécheurs, peut se faire jour une amertume. Est-ce que l’Époux ne l'a pas trop chargée ? Elle doit se rappeler que c'est une pure grâce pour elle de pouvoir porter dans le monde le fruit de Dieu, qu'elle est tout le temps accompagnée par son Époux et qu'elle doit se tourner à nouveau vers lui avec confiance comme un enfant (NB 12,207).


 

1853. L’Église-épouse et le Christ-Époux

L’Église en tant qu'épouse ne peut donner au monde que le fruit de son Époux. Qu'elle communique au monde sa parole, ses sacrements ou quoi que ce soit d'autre, c'est toujours ce qui est à l’Époux. Chaque fois que l’Église a donné ce qu'elle avait à donner, elle est à nouveau libre et disponible pour lui. Mais parce qu'elle donne ce qu'elle a à une humanité pécheresse et qu'elle-même est pleine de pécheurs, et parce que le Christ a pris la forme de la chair pécheresse, il s'ensuit que l'action de l'Eglise se fait essentiellement dans la souffrance et l'humiliation. Si l'humanité n'était pas tombée, le Seigneur n'aurait pas eu besoin de venir comme Sauveur pour se façonner une Église qui lui soit adaptée. Maintenant il a institué son Église et, en elle, ses sacrements comme canaux de sa grâce pour l'humanité, tout comme la femme enceinte canalise la semence de son mari et la porte à sa pleine fécondité. Tout dans la relation Christ-Église porte le sceau de l'humilité ; ce n'est qu'au ciel qu'il en sera autrement (NB 12,215).

 

1854. Le Christ, Époux de l’Église

La relation Christ-Église. L’Église, qui est composée de pécheurs, n'aime pas aller jusqu’au bout. Elle aime être éclectique, mais le Christ-Époux ne peut pas le tolérer. Il exige tout de son Église, mais il l'accompagne aussi en tout, il ne limite jamais sa fécondité à un certain nombre. Il maintient ses exigences même si l’Église a bien du mal à les réaliser. Dans leur relation, joue également la dialectique entre puissance active et puissance passive ; il est suprêmement actif, elle peut porter ses enfants jusqu'à leur terme pour le Seigneur et les mettre au monde, toujours avec sa force à lui, mais non sans sa coopération à elle (NB 12,189-190).

 

1855. Le Christ, l’Époux s'est "acquis" son épouse, l’Église, par la croix (NB 12,167).

 

1856. L’Église doit vouloir ce que veut son Époux

Le don d'elle-même de l’Église en tant qu’épouse est parfait quand elle ne résiste plus, quand elle veut ce que veut son Époux. Cependant cela ne suffit pas. L’Église doit aussi se réjouir de ce que veut le Seigneur (NB 12,129-130).

 

1857. L’Église en tant qu'épouse doit toujours prêter attention à la parole et à la question de son Époux, le Christ. Un relâchement dans cette attention, une volonté de s'en dégager et de suivre ses propres chemins signifie se rendre étranger à l'amour, c'est s'engager dans le péché (NB 12,78).

 

1858. L’Église, en tant qu'épouse du Seigneur, n'a pas seulement à faire l'effort de faire que le monde, en tant que sauvé, ne fasse qu’un avec le Seigneur, elle a aussi à assurer et à rétablir sa propre unité contre les forces de désagrégation (NB 10, n. 2292).

 

1859. L’Église, dans la main de Dieu

Si l’Église n'était pas tellement dans la main de Dieu, Dieu aurait peut-être inventé d'autres formes, plus claires, d'action commune. Mais parce qu'elle est l'épouse du Christ, ce qui est miraculeux arrive en elle et est lié à elle. C'est son privilège. Il y a peut-être aussi des gens qui doivent donner leur force, leurs biens, le sens de leur vie, à la manière de Job pour laisser Dieu opérer par là quelque chose qu'ils ne verront jamais, quelque chose dont ils ne recevront jamais une preuve évidente. Ce qui est imposé de fatigue et de diminution des forces peut prendre toutes les formes imaginables comme si Dieu, dès la création, avait mis dans les hommes tant de possibilités qu'il n'est jamais embarrassé pour faire jouer l'une ou l'autre, ou en sortir une qui ne semble pas encore avoir été utilisée (NB 10, n. 2208).

 

1860. L’Église est l’épouse du Seigneur ; sa fécondité, c'est nous, les croyants (NB 10, n. 2125).

 

1861. Le Fils, Époux de l’Église

Dans sa relation à l’Église, le Fils devient Époux. Par l’Église il introduit chaque croyant dans les "noces spirituelles". C'est pourquoi chacun de ceux qui sont saisis plus intimement par cette vérité, par le moyen d'une grâce mystique ou d'une autre manière, doit s'effacer comme le Fils s'efface devant le Père et comme l’Église devrait s'effacer devant son Seigneur. Le centre se trouve toujours dans le trinitaire et dans l’Église, le regard doit rester fixé totalement sur l'amour du Père pour le Fils, sur l'amour et la volonté du Fils vis-à-vis de l’Église (NB 10, n. 2039).

 

1862. L’Église doit être l’épouse sans tache du Seigneur

Pour autant qu'elle doit être l'épouse sans tache du Seigneur, l’Église doit se sentir profondément humiliée à jamais en raison de sa faute. Le Seigneur lui met sous les yeux à quel point elle doit être immaculée ; elle est comme une Madeleine qui a toute sa pureté dans le Seigneur, mais si elle détourne les yeux du Seigneur et qu'elle se voie dans sa nudité, elle est couverte de péchés, elle ne cesse de s'éloigner du Seigneur. Elle ne veut pas, n'entend pas, fait la sourde oreille, elle reste muette alors qu'il exige une réponse, elle est aveugle alors qu'il requiert qu'elle regarde, désobéissante alors qu'il attend la pure obéissance. Elle se sent épouse quand elle doit être servante, et elle joue la servante quand le Seigneur veut en faire son épouse. Le Seigneur s'occupe d'elle constamment, il réduit sans cesse la distance et elle ne cesse de la recréer. Il agit de telle manière qu'il ne cesse de l'humilier. Elle doit sans cesse apprendre à voir la distance qui existe entre ce qu'elle est en elle-même et ce qu'elle est en lui. L'amour du Seigneur exige de lui-même de ne pas la priver de voir cela. Elle veut sans cesse lui échapper et il doit lui montrer chaque fois comment elle se détourne de lui. Il doit lui montrer les liens de l'amour par lesquels il essaie de la garder auprès de lui (NB 1/2, 112).

 

1863. L’Église, unique épouse du Christ

Hippolyte de Rome (+ 235). De temps en temps il voit l’Église absolument comme l'amie de Dieu, le chemin qui mène à Dieu. Puis à nouveau il reste accroché à l'humain, il ne voit plus sa sainteté et il ne peut pas croire que l'Église telle qu'elle existe est la seule, l'unique épouse du Christ. Il a toujours le sentiment qu'il s'est produit une confusion. L'Église, telle qu'il la connaît, a sans doute repris de l'Église réelle certaines règles et certaines formes mais, à la place du reste, elle a mis ses propres péchés, sa propre ambition, sa volonté d'être autrement (NB 1/1, 266).

 

1864. L’Église ne s’emploie pas assez à connaître son Époux

Denis Petau [Petavius] (+ 1652) voit toujours l’Eglise comme l'épouse du Seigneur qui ne s'emploie pas à connaître suffisamment son Époux. Il la voit comme une tâche, pas seulement comme une institution, il la ressent comme un devoir qu'il a comme tous les croyants, un devoir immuable, justement parce qu'elle ne représente jamais exactement l'image que le Seigneur se fait de son épouse (NB 1/1, 303).

 

1865. L’Église doit être épouse dans le sens le plus vivant

Le Seigneur fait de sa Mère son épouse, l’Église. Il est sans cesse rappelé à l’Église que Marie est devenue l'épouse, qu'elle-même doit être épouse dans le sens le plus vivant, dans un sens qui résulte de la relation de la Mère au Fils. Marie est la porteuse de l'Esprit du Fils et, dans l'Esprit du Fils qui habite en elle comme Esprit Saint, elle connaît ce qu'elle doit connaître des desseins du Fils. L’Église devra connaître le Fils d'une manière semblable. Il y a beaucoup de mystères du Seigneur que l’Église n'est pas capable de pénétrer et qu'elle cherche pourtant à réaliser : dans une mission d'ouverture, de non fermeture d'elle-même, et même du devoir absolu de comprendre si le Seigneur parle (NB 1/2, 194).

 

1866. On peut être un saint chrétien et n'avoir pourtant aucune connaissance de certains aspects du dogme : par exemple, que l’Église est l'épouse du Seigneur (NB 3,381).

 

1867. L’Église est une avec le Fils comme une épouse

L’Église n'est pas seulement "l'épouse mystique" du Fils (dans le sens par exemple de la grande Thérèse, comme si la qualité d'épouse ne commençait que dans la mystique), mais en Marie elle est l'épouse tout simplement, dans tout son être tout à la fois spirituel et corporel. L’Époux dispose totalement de l'épouse et il peut, s'il le veut, lui donner aussi l'expérience mystique. L’Église est une avec le Fils comme une épouse est une avec son époux : une en se donnant elle-même à lui, et donc en ne faisant qu'un avec le Seigneur qui se donne et qui reçoit son épouse (NB 5,24-25).

 

1868. L’Église appartient à son Époux depuis toujours -

L’Église en tant qu'épouse et Marie en tant qu'épouse ne doivent pas parvenir à l’Époux par degrés - cela ne leur est pas du tout permis - parce qu'elles lui appartiennent essentiellement depuis toujours, parce que l'union s'est déjà réalisée et se réalise, et parce que le Seigneur, ayant racheté sa Mère depuis toujours, lui a préparé par là sa perfection et le fait qu'il ne fait qu'un avec elle (NB 5,25).

 

1869. L’Église, épouse du Seigneur, doit se diriger d’après les chemins mariaux

Marie suit les chemins uniques que Dieu a tracés pour elle. La Mère suit ces chemins dans la liberté de Dieu et l’Église, en tant qu'épouse du Seigneur, doit se diriger d'après ces chemins mariaux (NB 5,26).

 

L’Esprit et l'Eglise

 

1870. Le Fils crée l’Église par l’Esprit

Dieu le Fils crée l’Église par l'Esprit. Quand le Fils, avec l'Esprit, façonne l’Église, celle-ci devient d'une certaine manière l'image de l'Esprit comme Adam fut fait image du Père créateur. Si l’Église est réellement l’épouse du Seigneur, l'Esprit Saint vivant habite en elle (NB 6,438).

 

1871. L’Esprit est descendu sur l’Eglise

Selon le plan du Père, le Fils devait venir d'abord, puis l'Esprit. Mais l'Esprit était déjà là dans le Fils et, pour l'avenir, ce n'est pas sans importance. L'Esprit est présent dans le Fils parce que, plus tard, il descendra sur l’Église. Et de plus, l'Esprit vient "d'en bas", il a depuis toujours une "expérience du monde" ; il doit faire maintenant l'expérience du Fils incarné pour être donné aux hommes : il fait l'expérience du toujours-plus chrétien, qu'il devra représenter plus tard vis-à-vis des chrétiens. Dans le Seigneur, le toujours-plus est vécu en plénitude, il sera transmis aux chrétiens comme exigence (NB 6,414).

 

1872. L’Église a reçu la semence de Dieu par l’Esprit Saint

Marie représente l’Église. Elle a reçu la semence de Dieu comme l’Église a reçu la doctrine par l'Esprit Saint. La semence de la doctrine doit se développer dans l’Église. Si nous étions purs comme Marie était pure, nous recevrions en chaque messe la parole de Dieu comme doctrine et nous laisserions cette parole devenir chair en nous-mêmes en tant qu’Église. La fécondité de la parole de Dieu, de la doctrine catholique, est en soi donnée à toute l’Église. Chacun recevrait le Seigneur avec une fécondité qui profiterait à toute l’Église. Chacun serait fécond pour l'autre (NB 12,222).


 

1873. Le Fils a communiqué l’Esprit à son Église

Le Christ a eu en lui l'Esprit comme règle et principe de conduite, il a orienté vers le Père sa vie ici-bas en conséquence. Cet Esprit n'est pas mort, il est l'Esprit vivant et saint de Dieu, qui ne tolère jamais qu'on le repousse, qu'on l'enferme dans un coin de l'âme, qui au contraire veut toujours se répandre en tout ce que fait celui qui est conduit par lui. Il en fut ainsi en tout cas pour le Fils de Dieu, qui à tout instant était poussé par l'Esprit de Dieu pour tout faire par cet Esprit en union avec le Père. Il en a fait l'expérience en tous ses actes humains avant de le communiquer plus tard à son Église (NB 6,418).

 

1874. L’Esprit est donné à l’Église

A la Pentecôte, l'Esprit est donné visiblement à l’Église. Cette visibilité exceptionnelle est seulement le signe que le Seigneur possède l'Esprit d'amour et qu'il ne cesse de l'envoyer à son Église. L'amour en tant qu'Esprit, on ne peut pas se le représenter comme planant librement dans l'absolu, mais comme un amour qui veut se prodiguer à quelqu'un, comme un amour qui s'offre, qui cherche pour ainsi dire un partenaire (NB 12,97).

1875. L’Église est habitée par l'Esprit (NB 10, n. 2125).

 

1876. L’Esprit souffle où il veut et quand il veut

L'Esprit souffle où il veut, mais aussi quand il veut. C'est ainsi que, dans l’Église, il ne cesse d'y avoir des temps où il semble se passer davantage de choses qu'en d'autres, où l'Esprit souffle plus fort et où l’Église lui accorde davantage de place. L'Esprit ne cesse de souffler, il est toujours possible qu'il inspire les hommes, les religieux aussi bien que les autres (NB 11,297).


 

1877. L’Esprit souffle à travers toute l’Église

Celui qui prie sait que l'Esprit viendra à la Pentecôte, qu'il est toujours en train de venir, et que cette venue signifie un mouvement de Dieu qui doit être continué dans l'Église et dans le monde. L'Esprit illumine ceux qui prient afin qu'ils rayonnent eux-mêmes l'Esprit. Pour beaucoup, ceci est difficile parce qu'ils sont tellement liés à eux-mêmes, à leur milieu, à leurs expériences, ils ne sont pas habitués à réduire leur liberté, et même parfois à y renoncer totalement. Ils n'ont aucun usage de la grande liberté du chrétien dans l'Esprit Saint et ainsi leur manque de liberté ne leur permet pas de recevoir dignement l'Esprit. Pourtant il souffle à travers toute l'Église et il veut se communiquer à la Pentecôte de manière plus éclatante que d'habitude et descendre sur chacun (NB 10, n. 2285).


 

1878. L’Esprit souffle dans l’Église et dans le monde

L'Esprit est donné aux hommes par le Fils, comme le Fils leur fut donné par le Père. Ainsi quand le Fils souffle l'Esprit dans l’Église et dans le monde, cela provient finalement aussi du Père, l'ordre divin des relations se reproduit dans le temps. Naturellement le Père est aussi dans le Fils et le Fils dans le Père quand le Fils envoie l'Esprit. Mais nos petites capacités ont besoin de ce genre d'explications pour comprendre les choses (NB 6,414).

 

1879. La vérité de l’Église et celle de l’Esprit

L’Église doit constamment passer de sa vérité à la vérité de l'Esprit, se laisser vraiment convaincre de la contre-vérité où elle tombe quand elle s’obstine dans ses privilèges d'inspiration et oublie de se donner elle-même à l'Esprit (NB 11,261).


 

1880. L’Esprit instruit l’Église

Les besoins de l’Église sont difficiles à exprimer. Elle désire Dieu ardemment en quelque sorte, et elle ne sait pas exactement si c'est au Fils qu'elle aspire ou à l'Esprit Saint ou à Dieu le Père. C'est l'Esprit qui, inclus d'une certaine manière dans l'humanité du Fils, clarifie les besoins de l’Église en les échelonnant et en les faisant apparaître. L'Esprit ne se trouve jamais embarrassé pour montrer ce qui manque et où il faut s'engager. Il peut aussi donner à l’Église une forte conscience de ce qu'elle doit désirer avant que ses besoins soient satisfaits. Mais il peut aussi agir de manière inverse : lui-même voit quelque chose qu'elle devrait désirer absolument et inconditionnellement, et parfois il satisfait ces besoins avant même que l’Église se rende compte de sa pauvreté, pour n'éveiller qu'après coup en elle le sens de ce qui lui a été donné. C'est ainsi que l’Église n'a remarqué à quel point elle avait besoin de l'enseignement de la petite Thérèse que lorsqu'il fut là (NB 6,405-406).


 

1881. Par l’Esprit, savoir comment on devrait vivre pour être chrétien

Un adulte, quelqu'un qui a été confirmé, quelqu'un peut-être qui a été ordonné, reçoit un Esprit qui est chargé d'expérience. On peut dire : avant que je reçoive l'Esprit, j'ai toujours vu la distance qui me sépare de Dieu à travers une situation de péché ; maintenant par contre je reçois par l'Esprit de connaître la nature de l'homme qui est majeur dans le Seigneur. Je sais comment on devrait vivre pour être chrétien, je ne le sais plus à partir de ce qui est négatif, mais en vertu du savoir positif de l'Esprit en moi. Par l'Esprit, je reçois donc une expérience qui n'est pas du tout la mienne, mais la sienne. Comme quelqu'un qui pendant des années aurait habité l'aile d'un château et qui, tout d'un coup, connaîtrait toutes les pièces sans y avoir été lui-même. Et ceci sans transition, en dehors des lois du temps. La nature des visions est du même genre, comme un cas particulier : en une seconde, le voyant peut voir des mondes entiers, peut-être aussi plusieurs mondes, le ciel et l'enfer en un clin d'œil (NB 6,414-415).

 

1882. L’Église doit se laisser transporter par l’Esprit

L’Église dans son ensemble devrait vivre en constante solidarité avec l'Esprit supra-temporel. Elle n'a pas le droit de s'obstiner dans ses points de vue terrestres, elle doit se laisser sans cesse transporter par l'Esprit dans son point de vue éternel où là seulement elle est dans la vérité. Elle n'est aucunement en mesure de repousser pour elle, pour le temps après la mort ou après le jugement, le point de vue éternel de l'Esprit. Certes personne n'est maître du temps de l'Esprit, l’Église non plus. Elle n'est pas en mesure de le manipuler, de tabler sur lui comme sur un fait intemporel. Elle ne doit cesser de se laisser transporter à nouveau par l'Esprit dans son point de vue, en toute confiance et dans la foi (NB 11,261).

 

1883. L’Église est toujours quelque chose qui dure et quelque chose qui commence parce que l'Esprit Saint ne cesse d’apporter le divin à l’Église, la vie toujours commençante (NB 6,418).

 

1884. Le Seigneur fait participer l’Église à son Esprit divin

C'est dans l'Esprit que le Seigneur choisit son Église comme épouse. Afin qu'elle puisse l'être, elle doit être un seul esprit avec lui. Il doit par conséquent la faire participer sans réserve à son Esprit divin. Dans le Fils, l'Esprit a pu tout faire. Naturellement un être humain est lié aux limites de sa nature, son quotidien est fait pour l'essentiel d'actes mesurables, limités. Mais si cet homme est Dieu et que l'Esprit de Dieu le conduit, ses actes limités reçoivent une justesse non seulement humaine, mais divine. Cette mesure du Fils de l'homme est maintenant offerte à l’Église et lui est appliquée. C'est une mesure humaine qui pourtant, par l'Esprit, reçoit continuellement part à la justesse divine. L'ouverture de son action humaine à son action divine, qui opérait visiblement dans les miracles du Seigneur, peut aussi devenir visible pour l’Église dans les miracles des saints (NB 6,419).

 

1885. Ce que l’Esprit de Dieu peut faire ici-bas dans l’Eglise

Si, avant l'incarnation, l'Esprit servait de mesure en quelque sorte à ce que le Fils devait faire et souffrir ici-bas, il est utilisé désormais comme mesure d'une nouvelle manière étant donné que le Fils l'a communiqué à son Église : il mesure maintenant lui-même avec le Seigneur ce que l'Esprit Saint de Dieu peut faire ici-bas, dans une inversion de ce qui se passait autrefois, mais c'est l'Esprit qui reste la mesure. Au ciel, fut un jour déterminé ce qui était possible pour le Fils, maintenant c'est ici-bas qu'est déterminé ce que l'Esprit peut faire dans l’Église (NB 6,418-419).


 

1886. L’Esprit agit dans l’Église pour rendre témoignage au Fils

Si l’Église ne cesse de s'approcher des pécheurs et d'en prendre la mesure pour ses exigences, si en conséquence elle se paralyse souvent elle-même et se limite dans son activité, l'Esprit en elle se souvient cependant de son origine : le Fils l'a envoyé dans l’Église, et sa volonté est de ne pas s'écarter de cette origine ; de même que le Fils est devenu homme pour rendre témoignage au Père, de même l'Esprit agit dans l’Église pour rendre témoignage au Fils. Tout ce qu'il trouve, il l'emmène dans son mouvement vers le Fils, de même que le Fils s'efforçait de tout emporter avec lui dans son mouvement vers le Père (NB 6,419).

 

1887. La force de l’Esprit doit faire grandir l’Église vers le Seigneur

La force d'expansion de l'Esprit ne doit pas détruire l’Église, mais elle doit être suffisamment forte pour faire grandir sans cesse l’Église d'une manière nouvelle vers le Seigneur, suffisamment claire aussi pour qu'on voie à l'œuvre en elle la force de l'Esprit et non la force des hommes (NB 6,420).

 

1888. Le Fils remplit l’Église de son Esprit

Après la passion, le Fils va former son Église en la remplissant de son Esprit. Elle aussi, comme Marie, doit apporter sa contribution pour qu'elle puisse lui rendre cet Esprit. Elle aussi doit faire quelque chose pour se soumettre à l'Esprit, pour le comprendre et le laisser faire. A aucun instant, l'Esprit ne continuerait à travailler en Marie si son oui ne continuait pas constamment à se faire entendre. De même l’Église : elle doit constamment dire oui à l'Esprit et essayer de répondre à ses instructions (NB 6,422).

 

1889. L’Esprit doit pénétrer l’Église

Comme pour Marie, l'Esprit est dans l’Église à la première et à la dernière place : le oui de l'Esprit doit pénétrer la corporéité de la structure ministérielle et y trouver son expression ; mais dès que la structure reçoit l'Esprit, elle ne cherche plus qu'une chose : porter l'Esprit au monde. De même qu'on n'aurait pas le Christ sans le corps de Marie, de même on n'aurait pas l’Église sans le ministère ; mais les deux ne peuvent pas être isolés, ils n'ont pas leur but en eux-mêmes, ils sont fécondés par l'Esprit et ils doivent à leur tour aider à obtenir l'Esprit (NB 6,423).

 

1890. L’Esprit conduit l’Église

L’Église n'a pas le droit de se contenter de ce qu'elle a déjà atteint, de prendre ses conciles et ses définitions pour un point final. Pour l'Esprit qui conduit l’Église, ils sont des occasions d'ouvrir du nouveau plutôt que d'enclore le passé. Il n'est pas nécessaire que quelque chose d'unique qui a pu exister dans le souffle de l'Esprit soit "éternisé" par des définitions et d'autres stipulations. Cela irait aussi autrement. S'il y avait dans l’Église plus de disponibilité à l'Esprit Saint, on pourrait éviter beaucoup de stipulations (NB 6,423-424).

 

1891. Le Fils a fait pour lui l'expérience d'une existence sans péché sous la règle de l'Esprit Saint. A son Église, qui doit rester sans péché, il offre maintenant son Esprit comme la règle qu'il a vécue (NB 6,420).

 

1892. L’Esprit comme règle

Tout chrétien qui a reçu les sacrements possède l'Esprit Saint s'il ne le chasse pas par le péché. Le saint ne chasse pas l'Esprit, et il a la possibilité de l'extrapoler comme une règle. Il ne lui parvient pas comme une vague impulsion, un vague effort en son for intérieur, mais comme une exigence claire, sans équivoque. Le chrétien ordinaire se plaindra : "Naturellement, je devrais prier davantage, commettre moins de péchés, mais je ne le pourrai certainement pas. Je comprends que je devrais faire des efforts". Par contre, celui qui est motivé lit dans l'Esprit une claire exigence. Il ne "devrait" pas, il "doit". Et l'amélioration de la vie comporte des points précis qu'il peut observer. Qu'il sache très exactement ce que Dieu lui demande, cela provient de l'Esprit qu'il s'est donné comme règle (NB 6,424).

 

1893. Les coups de trompette de l’Esprit

Que l'Esprit couvre Marie de son ombre et que le Fils vienne au monde par elle est un événement éclatant. D'habitude, l'action de l'Esprit dans le domaine de l’Église est quelque chose d'incroyablement caché. Mais il y a toujours deux éléments : un authentique travail dans le secret et puis, de temps en temps, une intervention soudaine du ciel, qui tombe comme un éclair. Dans le silence de ses années de jeune fille, Marie a été préparée par l'Esprit Saint qui n'est jamais un Esprit de sommeil. Marie était éveillée. L’Église aussi doit être éveillée, prête pour les coups de trompette de l'Esprit. On peut aussi en entendre quelque chose dans un demi sommeil, mais alors sans savoir exactement ce qui se passe. On ne pourra pas tirer les conséquences de ce qu'a dit l'Esprit. "Il y a eu un coup de tonnerre", dit le peuple quand le Père parle à Jésus ; c'est ce que dit aussi une Église qui dort ou somnole quand l'Esprit lui parle. Et quand, après la parole, le silence revient, le somnolent se glisse sous les couvertures et pense : il n'y a sans doute rien eu (NB 6,424).

 

1894. L’Église doit refléter l’Esprit

En se reflétant dans l’Église, l'Esprit lui montre en même temps qui il est et comment il est. Si l’Église est miroir, tournée vers l'Esprit, elle reçoit en elle la réalité de l'Esprit. Elle est une réceptrice pleinement valable. Elle n'est pas l'Esprit, mais elle est ce qui reçoit l'Esprit. Ce qu'elle montre est donc l'image de l'Esprit ; par contre, ce qu'elle reçoit, c'est l'Esprit. Comme le miroir reçoit la réalité, mais la montre comme reflet, ainsi l’Église, en recevant l'Esprit, reste tournée vers Dieu dans le discernement. En tant qu’épouse, elle n'est pas l’Époux, mais ce qui appartient à l’Époux. De même, en recevant l'Esprit comme miroir, elle est l'objet de l'Esprit, elle lui appartient et lui est subordonnée. Si elle ternissait sa surface réceptrice, elle ne pourrait plus recevoir l'Esprit. Tant que l'Esprit peut se refléter en elle, elle a, par la réalité de l'Esprit, la preuve qu'elle est en règle avec lui ; cette preuve, elle ne l'a pas pour elle et en elle, mais pour lui et en lui : parce que, si elle ne saisit plus la réalité de l'Esprit, elle est troublée de ce qu'elle ne se rend plus compte directement de sa présence en elle. Elle le remarque indirectement du fait qu'elle n'est plus en mesure de refléter l'Esprit (NB 6,438-439).


 

1895. L’Église est porteuse de l’Esprit

L'existence du Fils dans le monde des hommes fut un fait indéniable, concret, permanent. Elle est saisie correctement par ceux qui ont l'Esprit, mais l'existence d'un homme du nom de Jésus ne peut pas non plus être niée par les autres. L'Esprit a posé ici un acte qui peut être compris pas uniquement par l'Esprit. Quand ensuite le Fils incarné crée son épouse, l’Église, il lui donne la qualité que possédait Marie en tant qu'épouse de l'Esprit quand elle se laissa couvrir de son ombre : elle était porteuse de l'Esprit. L’Église porte l'Esprit de manière féconde comme Marie l'avait reçu de manière féconde (NB 6,441-442).


 

1896. L’Esprit, source de l’apostolat

Quand la vérité de Dieu est devenue si évidente pour un chrétien qu'elle définit sa vie, elle façonne avant tout son amour : pour Dieu, pour les commandements de Dieu, pour le prochain. Celui qui vit dans la vérité de Dieu est conduit de lui-même à l'amour effectif. En mettant l'amour en œuvre, il essaie d'imiter le Fils incarné. L'apostolat est un fleuve qui coule de lui-même à partir de la source de l'amour. Parce que l'Esprit Saint est cette source, tout apostolat chrétien vivra d'emblée des dons de l'Esprit. L'apostolat provient de l'amour, son organisation doit provenir des dons de l'Esprit (NB 6,443-444).


 

1897. L’Église doit être ouverte pour recevoir l’Esprit

L’Église a une sorte d'expérience de la manière dont les grâces passent à travers son corps. Le Fils lui transmet la grâce du Père avec les instructions de l'Esprit, et ces instructions témoignent de la présence en elle de l'Esprit, mais c'est le Seigneur qui enseigne l’Église. L'Esprit ne fait qu'un avec l'enseignement et en même temps il rend l’Église capable de recevoir cet enseignement. Le Père lui envoie ses grâces. L’Église se trouve entre le Père et le Fils, et l'Esprit vient sur elle du Père comme du Fils, il trouve en elle le terrain pour lui révéler sa propre unité et l'unité de Dieu. Mais comme l’Église doit être ouverte pour cet envoi de l'Esprit et que l'ouverture ne peut se faire que par l'Esprit lui-même, il doit déjà être en elle pour qu'il soit reçu : l’Église en tant qu’épouse du Seigneur suit ses instructions pour recevoir la grâce du Père. Le Fils enseigne, l’Église l'écoute volontiers, ainsi le Père peut agir en elle. Quelle quantité de grâce l’Église reçoit en cadeau, elle ne le sait pas quand elle la reçoit, elle ne le sait qu'en la transmettant. Qu'elle le sache lui donne le sentiment d'être en sécurité : elle se trouve à nouveau sur un terrain solide, elle sent en tout son corps les bénédictions de Dieu; en tout ce qu'elle perçoit de divin, elle sent que ça "colle", que la correspondance est rétablie (NB 6,511).


 

1898. Dans l’Église, l’Esprit est l’imprévisible

Dans l’Église du Fils, il y a une tradition, qui est le résultat de la vie commune de l’Époux et de l’épouse. Dans l'Esprit, il n'y a pas de tradition : à l'intérieur de la tradition, il est l'événementiel toujours nouveau, il est l'imprévisible même dans le cadre bien structuré de l’Église terrestre (NB 6,418).

 

3. La mission de l’Église

 

Plan : Les missions dans l’EgliseLe ministèreLe service de Dieu

 

Les missions dans l’Église

 

1899. Le Fils doit confier son Église à des hommes

Ascension. Le Seigneur s’en va et il laisse le monde derrière lui. Personne ne veut savoir quelque chose de lui. Le monde ne semble pas sauvé. Pas un sur mille ne tient vraiment à Lui. Et ainsi il doit se taire. Et puis l’insécurité, parce qu’il ne peut plus bâtir lui-même son Église, il doit la mettre entre les mains des hommes (NB 8, n. 658).


 

1900. Rôle de l’Église : préparer les hommes à la vision de Dieu

L’Église sait que ses défunts ne l'oublient pas dans la vision de Dieu, qu'ils lui rendent son amour, la soutiennent. On ne sait pas finalement si l’Église pourrait être à la hauteur des fonctions qui lui ont été données si tous les saints – ceux qui sont encore vivants aussi bien que ceux qui ne sont pas encore nés et tous ceux qui arriveront un jour au ciel – ne lui offraient pas dès maintenant leur aide efficace pour préparer les hommes à la vision de Dieu. Si l’éternité, c'est l'actualité permanente, l’Église, dans sa préparation à cette actualité permanente, peut se référer tout simplement aussi bien à l'avenir qu'au passé ; Dieu met tout cela à sa disposition (NB 5,181).


 

1901. But de l’Église : rapprocher les hommes de Dieu

L'institution a deux aspects. Elle a un caractère absolu et divin pour rapprocher les hommes de l'être de Dieu, du Christ, de l’Église elle-même, ce qui fait que la représentation peut, dans une certaine mesure, être indépendante de la sainteté ou de l'état de pécheur de l'homme qui représente l’Église. Le Christ a tenu compte à l'avance des saints et des pécheurs : à ceux-là il offre son amour, pour ceux-ci il meurt sur la croix et, du haut de la croix, il leur lègue la confession. De la sorte, l'institution a aussi l'autre aspect : elle est, avec l'humanité concrète, une sorte de vie commune avec Dieu (NB 6,466).


 

1902. L’Église ne peut connaître le goût du Christ et le transmettre que si elle est l'indifférence incarnée, si elle ne se fait pas d'idées personnelles qu'elle ne recevrait pas du Christ, si elle se comporte comme de la cire entre ses mains (NB 12,25).


 

1903. Église doit féconder le monde

Le corps du monde doit être fécondé par l’Église ; elle-même doit être un corps qui conçoit : en concevant le Christ, en le portant à son terme, elle le met au monde et pour le monde. Sinon elle n'est pas l'épouse du Christ, ce qu'elle ne peut être qu'à la suite de la Mère du Christ, dans sa fécondité virginale. L'eucharistie devrait être sans cesse l'acte fécondant [qui porte jusqu'à son terme l'amour pour le Seigneur (NB 12,162-163).


 

1904. Rapprocher le monde et l’Eglise

Marie a fait la cuisine, le Fils a raboté ; les deux n’en furent pas gênés pour être auprès du Père avec leurs pensées et pour former ensemble l’Église. Tout le quotidien était fait et également exprimé, et tout pourtant avait tout de suite sa relation à Dieu. On pourrait imiter cela : rapprocher monde et Église (NB 9, n. 1790).

 

1905. L’Église est universelle et catholique, elle s'étend au monde entier. Pourtant le monde est, à son égard, opposition et méfiance totales, il ne veut pas voir son unité, il s'est dérobé à elle (NB 10, n. 2214).


 

1906. Prière de l’Église pour le salut du monde

L’Église sur terre, qui vit dans l'amour, doit prier d'autant plus avec la Mère du Seigneur pour ceux qui n'accueillent pas encore l'amour du Seigneur, qui lient son amour ; le Père fera que ces prières deviennent efficaces adjointes à celles du Fils. Pour les croyants sur terre, le fleuve de la grâce n'est pas coupé, ils ont un accès immédiat à l'amour du Père. Ils interviennent avec leur prière pour le salut du monde (NB 3,95-96).

 

1907. L’Église doit représenter le monde devant Dieu

Le Fils a certes remporté la victoire une fois pour toutes. Mais les chrétiens, à qui est laissée la liberté, ne cessent de tout faire pour vaincre le Fils, et c'est dans ce processus intra-ecclésial, qui vise de lui-même à liquider l’Église, que Dieu intervient avec le contrepoids de la mystique. La grande Thérèse, qui est transpercée par les éclairs et les traits du Christ, est le symbole général de la signification de la mystique chrétienne. Thérèse est vaincue pour que soit manifestée la victoire du Christ, mais en Thérèse c'est moins sa personne qui est visée que l'institution. Bien sûr il ne faut pas non plus que l’Église soit détachée du monde. Elle doit représenter le monde devant Dieu. Derrière elle et autour d'elle se trouve le monde. Ainsi la victoire de Dieu signifie sa victoire sur le monde (NB 5, 71-72).

 

1908. On devrait aimer tous les hommes. Et d'abord le Père qui les a tous créés (NB 10, n. 2341).

 

1909. Le Seigneur et l’Église. L’Église doit être la mère de beaucoup d'enfants (NB 6,506).


 

1910. Dieu n'a laissé personne si inapte qu'il ne pût trouver un accueil dans l’Église

Dans l’Église, il y a de la place pour tout le monde : pour ceux qui sont doués et pour ceux qui ne le sont pas ; Dieu n'a laissé personne si inapte qu'il ne pût trouver un accueil dans l’Église. Si on ne voyait plus qu’une Église accueillante, les personnes n'avaient d'autre tâche que de se laisser accueillir (NB 5,195).


 

1911. L’Église devrait être le feu du Seigneur

Les onze disciples (après la défection de Judas) ont chacun leur part à apporter à l’Église unique et peu importe que l'un allume le feu comme par sa propre force, et que l'autre utilise les flammes du feu pour brûler aussi. Finalement on ne voit pas au feu que les onze l'ont allumé, c'est un feu unique. N'est-il pas vrai que l’Église devrait être le feu du Seigneur ? (NB 4,425).

 

1912. Obéir dans l’Eglise

Dans l’Église, il faut qu'on obéisse d'une manière inexorable parce que la désobéissance chargerait l’Église de la même manière qu'une éventuelle désobéissance du Fils aurait chargé le Père, comme si alors le Père dût aller à la croix à la place du Fils (NB 11,317).

 

1913. Les missions que Dieu donne dans l’Eglise

Toutes les missions de Dieu, même si elles semblent humainement monotones, sont toujours infiniment variées. Les tâches dans l’Église, les missions théologiques ou apostoliques, devraient toujours rayonner cette plénitude. Si elles ne le font pas, c'est une conséquence du péché. Une fausse spécialisation aussi s'oppose à cette plénitude. Naturellement le temps dont dispose chacun et ses aptitudes ne suffisent pas à tout. Mais l'esprit de la mission devrait éveiller l'envoyé à une conception beaucoup plus large, il doit toujours être conduit au-delà de lui-même, en Dieu (NB 12,107).


 

1914. Dans l'Église, toutes les missions individuelles sont orientées vers la vision de Dieu (NB 1/1, 419).

 

1915. La mission dans l’Eglise

Très souvent tout près d'une fausse mission, il y en a une qui est vraie. C'est comme si Dieu lançait une mission comme un anneau. Il y a des gens qui l'attrapent ; quelques-uns le font mal, et l'un ou l'autre le fait comme il faut. Apparemment, avec la mission qu'il lance, Dieu veut donner une chance à une série de personnes. Quelque chose de la mission est adapté par Dieu à l'époque si bien que, quand elle vient, elle est ressentie comme opportune, elle est dans l'air. Humainement parlant, Dieu pense pour ainsi dire : « C'est trop pour un seul saint, on devrait en atteler plusieurs à cette tâche » (NB 1/1, 374-375).

 

1916. Celui qui a une mission dans l’Église est envoyé dans l’Église par Dieu Trinité (NB 1/2, 286).

 

1917. Quiconque a une mission de vivifier l’Église reçoit cette mission du centre : de la Mère et du Fils (NB 4,396).

 

1918. Une mission reçue de Dieu

Je dois demander à Dieu : est-ce que ce que je fais se trouve au centre de ta volonté sur moi ? Et Dieu peut répondre : oui, c'est une affaire valable, exactement comme si je te l'avais imposée d'emblée comme une pure mission de mon Esprit. Mais, à la place du bien que je fais avec une si bonne intention, Dieu peut aussi me charger de son bien à lui, qui provient purement de l'Esprit Saint. Les deux formes, aussi bien l'une que l'autre, peuvent correspondre tout à fait à la volonté de Dieu si ma bonne volonté se soumet volontairement à l'examen de l'Esprit. Dans la bonne volonté, il ne peut y avoir de demi-mesure parce qu'elle débouche toujours sur une mission à laquelle l'homme obéit. Si cette soumission à la tâche imposée est sincère, elle sera finalement soumission à l'Esprit de Dieu (NB 6,445).


 

1919. Une mission chrétienne est donnée par Dieu de telle manière que sa réalisation par l’homme puisse et doive être poursuivie (NB 9, n. 1683).


 

1920. On devait prier énormément pour qu'une mission ne soit pas vouée à l'échec, pour que cela n'aille pas comme pour Adam (NB 10, n. 2124).

 

1921. Dieu donne des missions aux hommes

Pour chaque mission que Dieu le Père et Dieu le Fils et Dieu l'Esprit donnent aux hommes, c'est la même chose. Dieu leur donne aussi la liberté d’accepter ou non leur mission, car Dieu a créé l'homme à son image et Dieu est liberté (NB 1/2, 225).

 

1922. Dieu n’appelle pas toujours avec la même force. La tension fait partie du caractère vivant de l’Église. Si on entend l'appel, on doit essayer de faire préciser sa propre mission (NB 11,360).

 

1923. Donner les hommes à Dieu par l’Eglise

Les vrais chrétiens se tiennent ouverts devant Dieu, réceptifs à son Esprit, attentifs à ses directives. Également vis-à-vis des autres, ils se tiennent ouverts et prêts à vivre en communion avec eux. Dans cette situation, ils sont aussi bien milieu que passage : milieu en tant qu'ils donnent Dieu au monde et les hommes à Dieu par l’Église ; passage, puisqu'ils transmettent aux hommes qui ne croient pas encore le milieu qui est Jésus Christ et qu'ils portent devant Dieu les préoccupations de l'humanité (NB 6,466).

 

1924. Les croyants n’ont pas le droit de se soustraire à leur devoir apostolique (NB 9, n. 1897).

 

Le ministère

 

1925. L’Église a la garantie du ministère

Le facteur d'infaillibilité de l’Église est fondée sur le fait qu'elle est sauvée ; sauvée d'emblée, elle a la garantie du ministère ; son statut originel de sauvée est un don que Marie lui fait. Sur la croix, le Fils offre sa vie à l'humanité, et Marie offre à l’Église son statut de pré-rachetée, elle transmet intégralement à l’Église le cadeau qu'elle a reçu du Fils (NB 6,482).

 

1926. Le ministère : infusé dans l’ Église par le Seigneur

Le ministère a ses racines en Dieu. Il est la forme objective unique que Dieu donne à son amour trinitaire, qui règle aussi, en tant que norme, l'incarnation du Fils et la rédemption du monde, et qui est infusée comme telle dans l’Église par le Seigneur. En recevant comme il faut cette norme, l’Église (parce qu'elle est rachetée) l'a aussi en elle. Là où l'ouverture à Dieu de celui qui reçoit est parfaite, ses actes deviennent un pur miroir de la volonté divine qui est toujours aussi, dans ses expressions les plus simples et les plus uniques, une volonté trinitaire (NB 6,482-483).

 

1927. Le Fils a donné à l’Église le ministère comme ministère de corédemption

Ministère et rédemption ne font qu'un. Quand, après la croix, le Fils donne à l’Église le ministère comme ministère de corédemption - car finalement une absolution sacramentelle est une participation ministérielle à l'œuvre de rédemption du Fils - le fait de donner le ministère est depuis toujours préparé en Dieu, et l'unité des deux s'est manifestée dans la création par la prérédemption de la Mère. Après la croix, le Fils donne à son Église le ministère en même temps que la rédemption (NB 6,483).

 

1928. "Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église" : le ministère se trouve aussi bien dans le Seigneur qui bâtit que dans l’Église qui est bâtie (NB 6,278).

 

1929. Le pouvoir ministériel du prêtre, c'est l'Esprit Saint qui le gère parce que tout le domaine du ministère est placé sous son autorité (NB 6,373).


 

1930. Le ministère sacerdotal est totalement inséré dans le Fils

Quand on devient chrétien, on fait ses premiers pas dans l’Église avec un amour confiant auquel est encore mêlée une légère crainte, comme si on savait que doit arriver une rupture, et on prie pour ne pas lâcher. Dans la prière tranquille, on est capable de voir qu'existe dans le ministère ecclésial l'amour agissant du Fils qui ne fait pas sa volonté bien sûr mais la volonté du Père comme celui-ci l'attend, avec la joie de pouvoir servir le Père dans la mission qu'il lui a donnée. Avec la joie aussi de pouvoir être si proche des pécheurs, comme un pauvre au milieu des pauvres est heureux de pouvoir partager ses biens. C'est une joie de l'obéissance qui part du Seigneur et pénètre par l’Église ministérielle jusqu'aux personnes. Le ministère apparaît pour le moment ne faire si bien qu'un avec Dieu que c'est le Père qui a toute la vue d'ensemble tandis que le Fils, l’Église et le chrétien ne forment qu'une seule unité d'obéissance. Le ministère ecclésial se trouve totalement inséré dans le Fils, le chrétien est totalement inséré dans l’Église, la sainteté du Fils rayonne sur le tout. C'est la sainteté de la mission qui inclut l’Église dans le Fils et le chrétien dans l’Église (NB 6,492-493).

1931. Adrienne au P. Balthasar en 1955 : En tant que prêtre, vous êtes enraciné dans l'Esprit Saint (NB 10, n. 2218).


 

1932. Le prêtre : un serviteur personnel de Dieu

L’Église mettra bien des mots sur les lèvres du prêtre : pour la messe, pour le bréviaire, pour l'administration des sacrements ; il doit en dire d'autres que l'Esprit Saint lui inspire et qu'il invente exprès pour lui, il ne doit pas s'y fermer. Il n'est pas seulement un serviteur de l’Église mais, par son don de lui-même à Dieu, par son consentement au service sacerdotal néotestamentaire, il est un serviteur personnel de Dieu. Il est tout autant obligé envers Dieu qu'envers l’Église (NB 6,492).

 

Le service de Dieu 

 

1933.Ne rien vouloir d’autre que le service de Dieu

Marie de Jésus (+ 1916), carmélite, prieure du carmel de Dijon. Les faiblesses, les alarmes, les pauvretés humaines de ses subordonnées, elle les voit certes, mais elle les place dans la vraie lumière, elle laisse la lumière de Dieu inonder toutes choses, dans une attitude si droite que chacun comprend qu'elle ne veut rien d'autre que le service de Dieu (NB 1/1, 231).


 

1934. Jeanne d'Arc (+ 1431). Au début de sa mission, elle ne faisait que ce que Dieu voulait sans se soucier le moins du monde des mesures humaines (NB 1/1, 116).


 

1935. Benoît Labre (+ 1783). Il voudrait amener tous les hommes à Dieu (NB 1/1, 201).

 

1936. Rapprocher les hommes de Dieu

Dante (+ 1321). Il croit qu'il doit donner aux hommes toute la beauté dont il fait l'expérience pour qu'ils se rapprochent de Dieu. Il a un sentiment très net de sa mission. Sa relation personnelle à Dieu est toujours pénétrée de cette mission (NB 1/1, 291).

 

1937. Il initie les hommes aux mystères de son Dieu

Camille de Lellis (+ 1614). Sa prière est une offrande. Il s'offre lui-même, il offre toute l'humanité souffrante. Il adore aussi, dans une sorte de co-adoration avec tous. Tous ceux qu'il recommande, il les fait entrer en esprit dans sa prière. Il y a là très peu de prières de demande, mais bien plutôt une sorte d'adoration universelle. Comme s'il ne disait pas aux hommes : "Je vais prier pour toi", mais : "Je vais prier avec toi". Il les initie aux mystères de son Dieu et il les présente à Dieu comme ses frères qui prient avec lui (NB 1/1, 301).


 

1938. Il aime les hommes pour leur apporter Dieu

Camille de Lellis (+ 1614). Son amour des hommes est grand. Il y a un équilibre excellent entre son amour de Dieu et son amour du prochain. Il aime les hommes pour leur apporter Dieu, il aime Dieu et il lui apporte les hommes (NB 1/1, 301).

 

1939. Ne pas vouloir se communiquer soi-même aux humains, mais leur apporter Dieu (NB 1/1, 448).

 

1940. Frédéric Spee (+ 1635). Il voudrait que tous les hommes deviennent des témoins du don de soi à la suite du Christ (NB 1/1, 172).


 

1941. Hippolyte de Rome (+ 235). Il voudrait que chacun de ceux qui entrent en contact avec lui perçoive quelque chose du Seigneur (NB 1/1, 266).


 

1942. Une existence pour les hommes et pour Dieu

Antoine d’Égypte (+ 356). Il demeure conscient qu'en se retirant du monde, le fait d'être seul avec Dieu n'est pas une solitude dernière mais une existence pour les hommes et pour Dieu, et il demande à Dieu d'accueillir en lui et par lui la prière des hommes. Il brûle pour Dieu de l'amour le plus saint, mais dans cet amour est inclus l'amour des hommes (NB 1/1, 269).

 

1943. Saint Bruno (+ 1101). Il voudrait entraîner les hommes dans la force de la prière que lui-même possède. Et c'est difficile (NB 1/1, 282).

 

1944. Léon XIII (+ 1903). Quand il parle à des hommes avec qui il peut parler paisiblement, il cherche toujours à mettre la conversation sur le thème de l'efficacité de l'amour de Dieu (NB 1/1, 316).

 

1945. Denis Petau (+ 1652). Il essaie de voir les hommes inclus dans sa mission divine. Il ressent fortement qu'il leur appartient, il est croyant avec eux, il est l'Église avec eux, il se trouve en communion avec eux dans une relation immuable à Dieu (NB 1/1, 304).

 

1946. D’une prière de sainte Cécile (+ vers 230) : Tant d'hommes devraient encore venir à la foi (NB 1/1, 387).


 

1947. Saint Benoît (+ 543). Il aime les hommes comme il aime Dieu (NB 1/1, 412).


 

1948. D’une prière de saint Nicolas de Flue (+ 1487) : Seigneur, tu vois combien il m'est pénible de parler avec les hommes, et pourtant ils viennent tous à moi avec des demandes de foi (NB 1/1, 454).

 

1949. Faire connaître Dieu à son prochain

Lors des confessions, dans l'exhortation et dans la direction, on parle si longtemps de l'homme qu'il ne reste guère de temps pour parler de Dieu : de ce que Dieu attend du pénitent et de ce que celui-ci, à son tour, devrait faire connaître de Dieu à son prochain (NB 1/1, 493).

 

1950. La petite Thérèse demande dans sa prière de pouvoir travailler dans l’Église pour sauver les âmes sur terre et au purgatoire (NB 1/2, 73).

 

1951. Conduire les hommes au Christ

Saint Bernard (+ 1153). C'est en ne faisant qu'un avec le Christ qu'il doit conduire les hommes à lui et les exhorter à la place du Christ. Il accomplit par là une mission qu'il voit à l'intérieur de la mission du Fils (NB 1/1, 425).

 

1952. Le clergé, les appelés, tous ceux qui dans l’Église ont une mission de frayer pour les autres un chemin vers le ciel (NB 4,40).

 

1953. Celui qui, dans l’Église, interprète la Parole du Seigneur dans son Esprit est fécondé par le Seigneur (NB 4,382).

 

1954. Une semence de Dieu se trouve dans chaque parole de Dieu que l’Église transmet (NB 5,271).

 

1955. Parce que le Fils est la propre Parole du Père, le Père prend sous sa garde toute parole qui est dite pour le servir (NB 5,214).


 

4. Les sacrements

 

Plan : Les sacrements Le baptêmeL’eucharistieLa confessionLe mariage

 

Les sacrements

 

1956. Le Seigneur a institué les sacrements pour son Église

Quand il vivait parmi nous, le Seigneur a institué les sacrements et, parce qu'il nous rencontre partout comme pécheurs, il a institué le sacrement de la réconciliation ; c'est peut-être comme pénitents justement que nous discernons le mieux la nature de l’Église : indigne parce que pécheresse, digne parce que rachetée. En chaque communion le Seigneur s'offre lui-même, il prend domicile en nous de sorte qu'à cet instant ce n'est plus nous qui vivons mais lui en nous. Lui qui, dans l'hostie, est totalement présent, ne faisant qu'un avec le Père et l'Esprit comme depuis toujours dans l'éternité (NB 1/2, 15).

 

1763. Le sacrement : un langage de Dieu pour les hommes, autrement que l’Écriture

Il y a une sorte de sacramentalité des missions, car finalement un sacrement est un langage objectif de Dieu vis-à-vis des hommes, autrement que l’Écriture ; il est une parole confiée aux mains de celui qui est appelé comme aussi la mission est une parole mise entre les mains de l'envoyé (NB 1/2, 286).

 

1957. Les sacrements sont des sources de la force originelle de Dieu, en fait de Dieu devenu homme dans le Christ ; elle est une force qui se déverse dans l’Église (NB 12,26).

 

1958. Chaque sacrement a pour but la vie éternelle

Chaque sacrement a pour but la vie éternelle ; celui qui le reçoit comprend dans la foi qu'il reçoit quelque chose qui appartient à l'éternité. Il n'a pas besoin de le sentir particulièrement, mais il le sait. Il est libéré des chaînes de son existence temporelle et rendu capable de quelque chose de nouveau. Peut-être le comprend-il le mieux quand il reçoit l'absolution après une confession, il passe par une sorte de délivrance, il est libéré de son passé et il devient libre pour quelque chose qui commence. On peut comprendre tous les sacrements à partir du moment où ils offrent une nouvelle liberté. Liberté pour l'éternité bien que l'homme n'ait pas la faculté de vivre durablement dans cette direction. Il redevient étranger à l'éternité si même il ne retombe pas dans le péché. Pourtant, quand il a reçu le sacrement, quelque chose de la vie éternelle lui a été accordé sur terre et, s'il a une foi vivante, il le sait bien. "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". La vie éternelle habite en lui. Quand il reçoit l'onction des malades, il peut très bien ajouter la nouvelle grâce à ce qu'il a déjà reçu ; elle n'apporte pas quelque chose de totalement nouveau, elle fait seulement ressortir ce qui était déjà présent. Il sait maintenant que l'éternité s'est faite toute proche. L’Église ouvre une voie vers la vie éternelle (NB 10, n. 2344).

 

1959. Le sacrement : ce que l’amour inventif du Seigneur a inventé pour les siens

Le Seigneur fait advenir chaque jour son eucharistie comme une réalité ; quand il permet à tous les croyants de se confesser, quand il remplit toute son Église de prière, quand il distribue chaque sacrement que son amour inventif a inventé pour les siens, il crée les accès les plus variés à un oui complet qui s'offre lui-même comme un don. Don de soi et adoration comme centre de l'existence chrétienne et comme participation au don de soi réciproque du Père et du Fils dans l'Esprit Saint (NB 10, n. 2300).


 

1960. Le Fils et l'Esprit coopèrent dans les sacrements

Comment le Fils et l'Esprit coopèrent dans les sacrements. "En tes mains, Père". Le Fils sur la croix renvoie l'Esprit non seulement parce que, par obéissance, il veut l'abandon total, mais aussi parce qu'il doit être seul pour sauver et pardonner. Il doit s'exposer lui-même complètement au péché. Mais l'Esprit qu'il renvoie est en même temps l'Esprit de l'absolution qui vient chaque fois dans la confession pour effacer le péché (NB 10, n. 2315).

 

1961. Dans tous les sacrements, il y a toujours quelque chose qui est engagé par le Fils et confirmé par l'Esprit (NB 10, n. 2315).

 

1962. Dieu imprime sa force vivante dans les sacrements

Dieu est reconnaissant pour tout sacrement reçu même quand l'homme ne fait pas tous les efforts qu'il faut pour correspondre. Cette reconnaissance de Dieu s'exprime aussi par le fait qu'il insuffle et intègre dans les sacrements tant de sa force vivante, qu'il possède dans son Église une communion des saints et aussi des souffrants, dans laquelle on a le droit de porter et de souffrir les uns pour les autres même si c'est de manière maladroite (NB 10, n. 2244).

 

1963. Si les sacrements n'ouvrent pas directement le ciel, ils ouvrent cependant une réalité qui n'est plus de ce monde (NB 5,226).

 

1964. Le Fils crée les sacrements comme des événements instantanés qui tombent du ciel

Parce que le Fils connaît et comprend très bien les hommes, parce qu'il sait à quel point ils sont infidèles et inconstants et à quel point la plus petite chose suffit pour les détourner de lui, il crée pour eux les sacrements. Ils sont des événements momentanés qui tombent du ciel comme des éclairs, comme une verticale qui croise l'horizontale de la vie humaine, comme des exhortations et des rappels, mais aussi comme des signes indéniables d'une présence divine. C'est ainsi que, dans le sacrement de la Pentecôte, il envoie du ciel l'Esprit Saint sur les croyants (NB 5,126-127).

 

1965. Le sacrement est porteur de la grâce

Le sacrement en tant que tout est porteur de la grâce. Ce n'est pas le pain et le vin, l'eau ou l'huile, etc., par eux-mêmes, c'est la parole sacramentelle unie aux éléments matériels, c'est l'acte tout entier de l’Église, c'est l'être tout entier que cet acte a dans le Christ. La puissance du Seigneur qui s'offre à son Église imprègne le sacrement tout entier jusqu'à la matière utilisée ; une puissance qui a son siège dans Celui qui est devenu homme et qui provient de la vie trinitaire, mais qui est communiquée au sacrement par sa libre toute-puissance (NB 6,498).

 

1966. Les sacrements : des signes divins d’en-haut

Dans les sacrements, ce n'est pas un ciel lointain, indifférent, qui s'étend comme une voûte au-dessus de la terre, c'est le ciel où l'incarnation a été décidée et accomplie, où celui qui s'est fait homme réside avec toute son expérience d'homme qu'il a amassée ici-bas et qui a son centre dans la croix et l'enfer. Les sacrements ne sont donc pas seulement des signes divins d'en haut, ce sont des signes qui font partie de l'expérience du Fils de l'homme, qui portent les marques du ciel, de la terre et des enfers, toutes régions dont nous, les hommes, nous avons connaissance d'une manière ou d'une autre. Le chemin singulier qui va de la nuit à la résurrection, qui va de la terre au ciel en passant par les enfers, manifeste sa fécondité également dans les sacrements. Ceux-ci ne sont pas faits seulement pour les gens de bien afin de les garder dans le bien et les améliorer, ils proviennent de telles profondeurs que même le pire des hommes peut être touché par eux. Ils ouvrent le monde entier (NB 5,127).

 

 

Le baptême

 

1968. Au baptême, Dieu donne à l’homme l’Esprit Saint

Lors de la création, Dieu le Père a donné à l'homme quelque chose qui est esprit, image et ressemblance de l'Esprit Saint, quelque chose qui lui est en quelque sorte emprunté. Lors de la réception du baptême ou d'un autre sacrement, l'Esprit Saint nous est donné d'une manière nouvelle, d'une manière beaucoup plus personnelle par la médiation du Fils devenu homme : étant donné que le Fils en tant qu'homme a porté l'Esprit, qui est descendu sur lui comme une colombe, nous reconnaissons plus facilement dans l'Esprit ce qui nous est destiné (NB 4,166).

 

1969. L’enfant qui est baptisé

L'homme est créé. On ne doit pas présenter l'homme comme une nature achevée, mais expliquer qu'il se développe et montrer, en s'appuyant sur le sacrement du baptême, comment l'enfant déjà est créé pour glorifier le Père. Être porté passivement au baptême est déjà un acte de glorification de Dieu par l'enfant (NB 11,337).


 

1970. Si un enfant qui a été baptisé grandit dans un milieu non chrétien, celui-ci ne pourra pas empêcher qu'il soit au Christ et à l’Église, qu'il soit marqué par l'Esprit Saint (NB 6,501).

 

1971. Le baptême est le grand don de la vie éternelle (NB 9, n. 1149).

 

1972. Le baptême pour une vie nouvelle qui jaillit du Rédempteur

L'eau du baptême est le symbole d’une existence qui jaillit du Rédempteur. Nous sommes baptisés en son nom, lui qui pour nous a souffert, est mort, et est ressuscité : ce triple événement qui n'en fait qu'un est à l'origine du nouveau baptême et il en est la condition. Sans cela, il n'est pas possible de donner un baptême chrétien : c'est de là qu'il vient pour apporter aux hommes la vie nouvelle (NB 5,138).

 

1973. Le baptême n’efface pas toutes les conséquences du péché originel

Le baptême efface les péchés et les peines dues au péché, mais non toutes les conséquences du péché originel. C'est pourquoi il serait insensé et présomptueux de penser qu'on en est quitte une fois pour toutes de ses insuffisances, que le regard pénétrant de Dieu et l'exigence pressante de l’Église de faire pénitence ne trouvent aucune matière. Un baptisé aussi a toujours besoin de nouvelles purifications qui peuvent lui sembler surprenantes et dont il ne verra peut-être le bien-fondé que plus tard. Dieu seul sait quand il a suffisamment purifié quelqu'un (NB 6,472-473).

L’eucharistie

1974. L’eucharistie est instituée avant la passion comme une promesse

L'eucharistie a été instituée avant la passion, mais elle n'a reçu sa véritable consécration que par la passion et la croix. L'institution lors de la dernière cène est comme une promesse ou une anticipation. Elle est une action dans un cercle d'amis pour quelques personnes seulement, ce n'est que par son extension réalisée à la croix que l'eucharistie elle-même reçoit son caractère eucharistique général embrassant la chrétienté. "Faites ceci en mémoire de moi", comme quelqu'un qui s'en va, qui montre un objet à ceux qu'il quitte et qui dit : chaque fois que vous vous en servirez, vous penserez à moi. Maintenant justement je suis en train de terminer cet objet. Sur la croix il sera terminé parce qu'il acquerra alors l'ampleur voulue, sa portée ecclésiale. C'est la passion qui lui donne cette ouverture (NB 3,148-149).

 

1975. L’eucharistie : une continuation de la souffrance de la croix

D’une vision d’Adrienne en 1943. Le Seigneur voudrait être au milieu des hommes. Il voudrait aider, conseiller, être consulté. Mais on l’enferme dans son Église avec la consolation qu’on lui fera le dimanche une visite de bienséance. Adrienne voyait clairement que l’existence du Seigneur dans l’eucharistie signifie une continuation de la souffrance de la croix (NB 8, n. 758).

 

1976. L’eucharistie et le sacrifice du Fils

L'eucharistie est la conséquence du sacrifice du Fils, il a immolé sa chair et son sang sur la croix. De toute façon, il se serait donné de telle sorte que chacun lui aurait été associé, même si cela n'avait pas été sous une forme qui aurait eu comme condition interne la croix avec ses souffrances et la mort (NB 6,184).

 

1977. LÉglise a été instituée par le Seigneur, elle a une toute-puissance pour disposer de lui dans l’eucharistie (NB 9, n. 1640).

 

1978. Par l’eucharistie, le Seigneur a assuré à son corps une permanence dans l’Église

Avec la mort du Seigneur disparaît sa présence visible dans le monde sensible ; un point final est mis, ce n'est pas en apparence seulement que le Fils a été enseveli. Mais avant d'aller à la croix, il a institué l'eucharistie, il a ainsi assuré à son corps une permanence dans l’Église. Il n'a pas voulu retourner au Père comme sa Parole à nouveau invisible désormais, qui serait tout au plus encore perceptible par des voix venues du ciel ou par la parole consignée dans l’Écriture ; il a voulu au contraire que son apparition - et plus précisément son apparition corporelle - soit continuée. Il garantit dans l'eucharistie la réalité de son existence corporelle et il offre à tout chrétien l'occasion de le rencontrer corporellement. Il ne limite pas cette rencontre à l'un ou l'autre membre de son corps, sa main par exemple, il offre son corps tout entier pour que la rencontre avec lui soit totale. Lorsqu'il était ici-bas et qu'il rencontrait ses contemporains, cette rencontre leur donnait une totale satisfaction, son eucharistie de même est capable d'apporter une totale satisfaction. Pour le croyant, les conditions sont différentes, il ne peut pas voir le Seigneur de ses yeux, ni le toucher de ses mains, ni entendre sensiblement sa parole ; c'est la foi qui lui donne le corps du Seigneur sous les apparences du pain et du vin : sous la réalité des apparences, la réalité du corps du Seigneur (NB 5,134-135).

 

1979. Le Seigneur a concentré dans l'eucharistie toute sa vie pour tous les hommes : ceux dont la foi est faible et ceux qui ont une foi vivante ; aucune expérience singulière ne saurait être en contradiction avec l'eucharistie (NB 5,136).

 

1980. L'eucharistie est comme le résumé significatif de l'existence tout entière de Dieu devenu homme, elle est par là une introduction significative au mode d'être de Dieu Trinité : cet être est jusqu'au fond ouverture toujours en acte de l'amour trinitaire (NB 6,101).

 

1981. L’eucharistie et la mystique

Ce que l'eucharistie est pour toute l’Église après Pâques (dans la vie toujours présente, toujours actuelle, du Seigneur dans l’Église, l'eucharistie contient le sacrifice de la croix avec la mort dans l'abandon), la mystique l'est aussi à sa manière : elle est le témoignage du Ressuscité pour l'actualité perpétuelle de sa croix. Plus exactement : ce que, durant la passion, l'Esprit Saint a recueilli dans son témoignage divin, il le partage dans la mystique ecclésiale comme son témoignage au sujet de la rédemption (NB 5,106).

 

1982. Prière d’Adrienne dans une extase : Dans l'hostie, tu es le Seigneur tout entier, tu te donnes toi-même ; en tant qu'Agneau de Dieu, tu prends, tu enlèves le péché du monde. Tu donnes à ton Église la paix et tu donnes la paix au Père (NB 5,272).

 

1983. Adam était totalement entouré par Dieu ; par son eucharistie, le Christ est totalement en l’homme (NB 6,525).

 

1984. Incarnation et eucharistie

Nous sommes invités aujourd'hui à vivre avec le Fils qui est au milieu de nous. Nous participons avec simplicité à la vie des contemporains du Seigneur : nous pouvons goûter son séjour parmi nous. Seul celui qui connaît les deux choses - l'incarnation et l'eucharistie - peut saisir le sens de la fête de la Fête-Dieu et la procession dans les champs et dans les rues. Le spectacle est l'occasion de penser à ce que le mystère a d'inépuisable : si nous voulions devenir tièdes, toute l'actualité de la relation entre incarnation et eucharistie nous est présentée dans un symbole (NB 6,530).

 

1985. Leucharistie est l’acte du Fils

L'eucharistie est cachée dans l'incarnation. L'incarnation est l'acte du Père, le Fils laisse faire. L'eucharistie est l'acte du Fils et le Père laisse faire. Mais parce que la volonté du Fils se trouve dans la volonté du Père, la volonté de l'incarnation et la volonté de l’eucharistie coïncident (NB 12,174).

 

1986. Le Fils se répand lui-même dans l'eucharistie (NB 6,89).

 

1987. Le Seigneur est l’Époux qui se donne à son Église par l’eucharistie (NB 9, n. 1953).

 

1988. Dans l'eucharistie, le Seigneur s'abandonne corporellement à son Église (NB 12,132).

 

1989. En chaque parcelle, le corps entier du Seigneur

Le Seigneur s'offre dans l'eucharistie de l’Église ; il peut répéter à l'infini l'acte dans lequel il s'offre ainsi à l’Église. La chair et le sang qui sont donnés, il ne peut plus les reprendre, ils appartiennent à tous. La présence cachée du Seigneur dans le tabernacle n'est pas non plus le signe qu'il se reprend, cette présence cachée est conservée en attendant, pour que soit mangé plus tard ce qui a été donné. Le tabernacle est tout au plus le sein de l’Église, ce n'est pas le retour du pain consacré à l'existence céleste du Seigneur ; le pain consacré est conservé dans l’Église pour être distribué plus tard à tous. L'eucharistie n'est pas divisée par le nombre d'hosties, elle est fécondité absolue en elle-même, multipliable à l'infini sans être réduite. En chaque parcelle, il y a le corps entier du Seigneur(NB 12,135).

 

1990. L’eucharistie : don de lui-même du Seigneur

Dans l'eucharistie, le Seigneur accomplit ce qu'il y a de plus parfait possible en fait de don de lui-même. Il va le chercher dans ce qu'il y a en lui de plus intime, à une profondeur qui est pour lui-même cachée et mystérieuse, qui se trouve dans son unité divine avec le Père et l'Esprit Saint. Cette force du don que le Fils fait de lui-même vient d'une profondeur semblable à celle d'où vient la force qui sort de lui quand il opère un miracle (NB 12,133).

 

1991. L’eucharistie : don de soi du Fils au monde

La foi est nécessaire pour comprendre la création pour ce qu'elle est. La même foi est nécessaire pour dire oui à l'eucharistie et l'accepter. C'est avec la même attitude que le chrétien reçoit l'existence de la main du Père et le don de lui-même du Fils au monde (NB 6,524).

 

1992. Pie X. L'eucharistie lui apparaît comme la garantie de la présence du Seigneur (NB 1/1, 217).

 

1993. Ignace d’Antioche (+ 109) a une connaissance profonde de l'eucharistie, de la présence réelle du Christ en elle au milieu de l'Église (NB 1/1, 383).

 

1994. Pour Angèle de Foligno (+ 1309), la présence réelle du Seigneur dans l’hostie, c'est le vrai ciel sur l'autel (NB 1/1, 448).

 

1995. Présence eucharistique du Seigneur dans l’ Église

La présence eucharistique du Seigneur dans l’Église semble un engagement à être présent de cette manière précise. Mais le croyant sait que le Seigneur n'est pas lié à cette présence. Il peut se faire connaître aussi en chaque phase de son existence terrestre, en chaque état de son existence céleste. Les apparitions n'ont rien à faire avec un engagement de la personne qui apparaît. Le Seigneur, sa Mère, les saints apparaissent quand ils le veulent et de la manière dont ils le veulent. Mais la présence eucharistique est, pour les apparitions, comme une garantie. Sans doute y avait-il déjà des apparitions dans l'ancienne Alliance, mais elles étaient toutes orientées vers la venue du Seigneur. Maintenant le Seigneur est là et ses apparitions viennent toutes de l'eucharistie en quelque sorte (NB 5,183-184).

 

1996. Dans la réception de la communion, il y a un échange vivant entre l'éternité et le temps, entre le Christ et l’Église (NB 6,478).

 

1997. Eucharistie : présence du Seigneur réel et réception de son corps

Dans l'eucharistie, nous mangeons le corps du Seigneur, de même qu'il a rompu le pain au cénacle et l’a donné à ses disciples comme sa chair. Pour les disciples, ce repas n'était pas une image mais la réalité. Rompre le pain était un acte que le Seigneur accomplissait réellement, et les mots qu'il prononça était remplis d'efficacité céleste. L'eucharistie n'est pas seulement une intention humaine, elle n'est pas seulement l'aspiration au Seigneur de notre foi, aspiration qui nous fait ouvrir la bouche et recevoir une nourriture dans un sens spirituel, elle est présence du Seigneur réel et réception de son corps qu'il nous offre. L'image et la réalité ne font qu'un absolument. Il serait ridicule de supposer que quelqu'un qui a faim et qui n'a pas la foi serait rassasié en recevant l'hostie, qu'il pourrait ensuite se remettre à un travail pénible. Et pourtant le Seigneur tout entier, corps et âme, est pour le croyant tout entier, corps et âme, nourriture pour la vie éternelle, et il y a eu des saints dont la vie corporelle n'a été entretenue que par la réception de la communion. Mais ces saints et également toute la communion des saints dans l’Église ne communient jamais pour eux tout seuls mais avec tous les autres en offrant leur communion ; il n'est pas nécessaire qu'ils en soient toujours conscients, mais cette offrande doit être toujours présente pour que d'innombrables anonymes en soient nourris en même temps comme lors de la multiplication des pains. Il y a une disproportion apparente entre la quantité des besoins à satisfaire et la modicité de la nourriture disponible. Mais cet écart est plus que compensé par la réalité du sacrifice du Seigneur, par ce qu'il y met de don de lui-même, en prodiguant son être tout entier (NB 6,499).

 

1998. Le Seigneur est vraiment présent dans l'hostie

D’une prière de sainte Angèle de Foligno (+ 1309) : Seigneur, tu es venu à nous dans l'eucharistie, tu habites en nous comme si nous étions tes mères et tes épouses. Dans l'Esprit qui nous fait comprendre que tu es vraiment présent dans l'hostie, tu te laisses recevoir par nous comme ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l'Esprit. Seigneur, bien que nous sachions à quel point nous sommes indignes, nous sommes maintenant remplies d'un sentiment infini de gratitude. Tu habites en nous, tu es en nous, tu habites en nous pour nous accompagner, tu demeures en nous, tu ne nous laisses pas toutes seules. En nous permettant de faire pour toi, à notre manière imparfaite, quelque chose de ce que Marie a fait pour toi, à sa manière à elle qui était parfaite, tu nous entraînes plus profondément dans ton mystère (NB 1/1, 451).

 

 

1999. Eucharistie : le Fils offre aux chrétiens d'habiter en eux

Le Fils élargit la mission de sa Mère à tous les chrétiens ; par l'eucharistie, il leur offre d'habiter en eux comme il l'a offert à sa Mère. En leur offrant son corps eucharistique, il donne à tous les chrétiens dans leur corps, leur entrailles, leurs seins, la béatitude qu'il a donnée à sa Mère. Ils le portent réellement en eux et ils peuvent le laisser croître, il leur donne non seulement la faculté de le mettre au monde, mais de lui donner à boire quand ils laissent faire en eux tout ce qui se trouve dans sa volonté, quand ils se nourrissent de son enseignement. La parole a besoin d'être nourrie comme le Fils a eu besoin de nourriture dans sa vie terrestre. Sans cesse les croyants doivent se mettre entièrement au service de la parole afin que la parole garde son caractère humain vivant (NB 1/2, 246-247).

 

2000. L’eucharistie : promesse que Dieu reste au milieu de nous

Il y a dans l'incarnation une promesse de l'eucharistie, la promesse que Dieu reste au milieu de nous. Il y a dans l'eucharistie la confirmation de l'incarnation. Tout l’Évangile apparaît ainsi tendu entre incarnation et eucharistie, composé à partir de l'incarnation avec la conscience de l'eucharistie ; et celui qui lit l’évangile aujourd'hui avec foi se trouve lui-même tendu entre les deux. En recevant la parole, il saisit qu'il a reçu quelque chose de l'incarnation et il ne comprendrait pas l'incarnation si l'eucharistie ne lui était pas donnée. En tant que chrétien, il a un savoir concret que lui a communiqué l'eucharistie et qui l'introduit dans la compréhension de l'incarnation. S'il n'y avait pas l'incarnation, je ne serais pas devenu le frère du Christ, ma vie serait privée d'une dimension essentielle. Si je recevais l'eucharistie sans croire à l'incarnation, je la recevrais d'une manière tout à fait incomplète, car il me manquerait l'essence que fournit l'incarnation, ma communion ne serait plus la rencontre en moi de l'eucharistie et de l'incarnation, elle resterait sans fondement (NB 6,529).

 

2001. Nous devrions ne faire qu’un avec le Fils quand nous recevons l'eucharistie (NB 4,325).

 

2002. Le Fils offre aux hommes son corps dans l’eucharistie

Quand le Fils offre aux hommes son corps dans l'eucharistie, chair et sang, c'est le corps qui a été conçu et porté, façonné et nourri par sa mère, qu'elle a reçu de l'Esprit Saint pour qu'il se développe et pour le transmettre ensuite à l'humanité. Il est impossible que l'unité dans la chair entre la Mère et le Fils soit jamais rompue. L'eucharistie ne supprime pas cette unité ; c'est pourquoi elle est toujours aussi commémoration du oui de la Mère et du fait qu'elle a porté le Fils parce que, dans la chair du Fils, on peut retrouver les traces de la chair de sa Mère (NB 1/2, 196-197).

 

2003. L’Église reçoit le corps

La volonté du Fils de racheter le monde apparaît avant tout comme l'accomplissement de la volonté du Père. Depuis l'institution de l'eucharistie, par laquelle l’Église reçoit le corps, l'amour du Fils pour les hommes se manifeste d'une manière tout à fait nouvelle; les hommes deviennent maintenant ses membres, maintenant naît dans l’Église l'amour qu'elle a pour lui (NB 6,532).

 

2004. L’eucharistie : le Fils fait naître sa chair à partir de choses

L'eucharistie. Le Fils qui, par la foi de l’Église, fait naître sa chair à partir de choses autant qu'on en veut, à partir d'hosties produites par l'homme, semble maintenant s'éloigner encore beaucoup plus du Père. Auparavant il pouvait toujours appeler le Père son Père et posséder l'Esprit comme médiateur du Père. Il y avait une origine du Père, un acte divin qui unissait Père et Fils. Dans sa nouvelle manière d'être, il est divisé en d'innombrables hosties pour rester cependant en elles l'unique qui vit dans le Père. Mais il renonce maintenant pour ainsi dire à accomplir quelques grandes actions en tant qu'incarné pour, au lieu de cela, devenir à nouveau lui-même par le moyen d'un nombre infini de transsubstantiations (NB 1/2, 243).

 

2005. L’eucharistie : le Seigneur met sa chair et son sang au service du monde

A la dernière Cène, le Seigneur met sa chair et son sang au service du monde, il se rend présent dans le pain et le vin en vertu de la même obéissance qu'il prête à son Père. Il est réellement présent au monde par son contact avec le Père. Jusqu'alors il vivait ce contact en présence des hommes, à l'avenir il vivra aussi dans les hommes quand seront accomplis l'œuvre de la croix, l'abandon du samedi saint, les retrouvailles avec le Père à Pâques, et que sera définitivement remise à l’Église toute cette œuvre de la rédemption comme preuve qu'est parfaitement accompli ce que la dernière Cène avait promis. Tout le chemin du Seigneur, sa passion et sa résurrection, la foi, l'amour et l'espérance y seront cachés. Dans une fidélité éternelle dont l'union conjugale est une image, le Seigneur se promet à son épouse de manière toujours nouvelle et s'offre à elle infailliblement en chaque transsubstantiation et en chaque communion avec une plénitude qui ne perd rien de sa force à travers les millénaires. Si la messe ne faisait que remonter à la dernière Cène, on devrait craindre que la force d'un corps unique pourrait un jour s'épuiser, et on en conclurait que l'union eucharistique avec le Seigneur est en fait avant tout spirituelle. Mais c'est le corps qui a expié réellement pour tous sur la croix, qui a réellement traversé l'enfer, qui est réellement ressuscité dans la vie éternelle du Père et qui a par là une force infinie pour se répandre lui-même (NB 6,535-536).

 

2006. Communion eucharistique de la Mère après la résurrection

La Mère, en compagnie des disciples, célèbre la cène après la résurrection du Seigneur. Ils bénissent et rompent le pain et le partagent comme le Seigneur le leur a montré. Ils le font en son nom en se souvenant que celui qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang ne lui appartient pas. La Mère reprend dans son corps le Fils incarné sous cette forme ; c'est pour elle un mystère de foi, de don d'elle-même et d'exigence. De même que le mystère aussi était contenu dans son oui à l'ange. La transsubstantiation en tant que telle ne l'occupe pas plus que le changement dans son corps ne l'occupa autrefois quand l'Esprit la couvrit de son ombre. Mais elle sait combien, par la croissance du Fils en elle, elle fut enrichie, bénie, rendue plus proche de Dieu. Elle le reçoit à nouveau parce que tous les croyants peuvent maintenant le recevoir aussi souvent qu'ils le veulent. Le mystère de l'incarnation unique est maintenant comme intégré dans le mystère de la communion. Il n'en résulte rien qui serait faux ou contradictoire. Tout est intégré (NB 1/2, 49).

 

2007. En chaque communion, quelque chose de la Mère est présent

Marie a effectivement pris part aux eucharisties avec les apôtres et les disciples. Elle a rompu le pain avec l’Église. Mais elle l'a fait avec une tout autre intelligence, d'une manière qu'au fond nous ne connaissons pas et que nous ne pouvons pas approfondir. Car en chaque communion il y a quelque chose de la Mère qui est présent, quelque chose de son don d'elle-même, de sa grâce qui s'offre comme un cadeau (NB 11,35).

 

2008. L’eucharistie : pur don de grâce du Père aux hommes (NB 1/2, 50).

 

2009. L’eucharistie : la grâce de Dieu coule en l’homme

Adam se trouvait en présence de l'amour de Dieu, mais le chrétien a, dans l'eucharistie, la grâce de Dieu qui coule en lui. Il sent en lui-même la grâce du donateur, car c'est le Père qui lui donne le Fils. L’eucharistie, c'est tout le royaume de la création finalement qui s'unit au royaume de la grâce (NB 6,524).

 

2010. La communion est une grâce du Christ si unique, si immédiate et si absolue, qu’on devrait construire beaucoup plus sur cette grâce dans la pastorale et dans la direction spirituelle des gens (NB 8, n. 608).

 

2011. Chaque messe célébrée signifie une grâce pour toute l’Église (NB 11,221).

 

2012. L’eucharistie : signe d’un amour infini du Seigneur

L'eucharistie renvoie, au-delà de la personne du Fils qui se donne, au Père qui le donne et à l'Esprit qui est lui-même don de lui-même. Cette parabole renvoie donc au mode d'être de Dieu qui est l'amour toujours en acte. Ainsi, par le mystère de l'eucharistie, le croyant est amené non seulement à l'incompréhensible de Dieu mais, par la réalité du don de soi du Seigneur, à la réalité de Dieu lui-même qui est le don de soi absolu. Dans la mesure où l'engagement sacramentel est signe d'un amour infini du Seigneur - amour qui se lie librement -, il devient aussi révélation de l'amour de Dieu, qui est un amour illimité et infini, libre de tout lien (NB 6,101).

 

2013. L’eucharistie est pour le Seigneur un acte d’amour

Dans l'eucharistie, le Seigneur nous offre sa substance de telle manière que, par sa parole, il transforme le pain en sa chair. Il le fait dans un acte d'amour en se mettant sous une forme étrangère nouvelle (NB 12,134).

 

2014. Il y a une descente renouvelée du Fils par l'Esprit dans la transsubstantiation (NB 1/2, 50).

 

2015. L’Esprit opère la transsubstantiation

Il y a la transsubstantiation du Fils dans l'eucharistie : il nous est offert pour qu'il vive en nous. L'Esprit opère cette transsubstantiation comme autrefois il porta le Fils dans le sein de la Mère (NB 10, n. 2054).

 

2016. L’Esprit Saint doit opérer la transsubstantiation

L'Esprit Saint doit opérer la transsubstantiation à la messe parce qu'il a opéré la naissance du Fils, et cela parce que auparavant il avait opéré la conception. La conception correspond à la naissance, et celle-ci à son tour correspond à la transsubstantiation (NB 12,223).

 

 

2017. Eucharistie : le Fils au milieu des pécheurs qu’il est venu racheter

Dans sa mission d'incarnation, le Fils s'est lié à l'humanité, aussi bien à l'humanité tombée qu'à l'humanité pure de la Mère pré-rachetée. Partout en lui sont visibles les signes et les traces de sa parenté avec une humanité qui s'étend de Marie aux pécheurs. L’état eucharistique du Fils se trouve au milieu de l'humanité, associé indissolublement à Marie d'une part, aux pécheurs d'autre part. Le corps eucharistique ne renie pas son origine, ni non plus par conséquent son lien indissoluble avec la Mère qu'il s'est choisie lui-même et par laquelle surtout il a pu devenir homme. Le rapport avec les pécheurs se trouve sur un autre plan : le Fils est venu pour les racheter, et on ne peut pas contempler et adorer son eucharistie sans considérer aussi ce sens de l'incarnation. Dans l'eucharistie, les pécheurs sont bien suffisamment représentés par nous, mais ils l'étaient déjà lors de l'incarnation elle-même, même si ce fut alors autrement (NB 1/2, 197).

 

2018. On ne peut pas communier avec un péché grave, mais les petites fautes, la sainte communion les fait disparaître comme par un lavage (NB 12,131).

 

2019. Dans l'eucharistie le Fils se fractionne et se prodigue (NB 1/2, 222).

 

2020. L'eucharistie du Fils : une prodigalité infinie

Dans l’eucharistie, le Fils se prodigue aussi dans le Père, comme de toute éternité. Une part de la prodigalité du Père consiste en ce qu'il laisse le Fils se prodiguer. Que cela soit possible, l'homme le sait par son expérience de l'authentique compassion, quand un autre souffre et qu'on supporte soi-même avec peine cette souffrance de l'autre (NB 1/2, 244).

 

2021. L’eucharistie : le Fils se morcelle à l’infini

Dans le mystère de l’eucharistie, il se passe quelque chose qui coupe le souffle : que Dieu devienne une chose, que le Fils qui s'est d'abord laissé donner la vie par le Père, par l'Esprit, par la Mère, fasse en retour le cadeau de sa propre vie. L'eucharistie est encore bien plus étonnante que l’incarnation ; le Fils fait que sa chair soit produite à partir d'une infinité d'objets, de morceaux de pain qui ont été façonnés par la main de l'homme ; le Fils semble s’éloigner ainsi du Père encore infiniment plus si on regarde les choses avec la raison. Auparavant, le Fils était toujours avec le Père, et l'Esprit Saint était le médiateur de la volonté du Père. Il y avait là quelque chose qui provenait de Dieu, qui était relié à Dieu, une vie qui était un acte divin. Maintenant des hosties sont cuites afin que le Fils, par une quantité immense de ces hosties, ne cesse d'être et de rester l'Unique qui est dans le Père. Presque comme s'il renonçait à accomplir l'acte unique de l'incarnation qui est limité pour se morceler à l'infini et ne revenir à lui-même que par des actes innombrables de transsubstantiation (NB 11,20).

 

2022. Le dernier acte de la kénose, du Fils : l'eucharistie. Le Fils se prodigue ici à l'infini dans le monde (NB 11,21).

 

2023. L'eucharistie est toujours plus et donne toujours plus que ce que peut prévoir et attendre le croyant (NB 6,127).

 

2024. « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour » : le pain de l'eucharistie, qui est inclus dans sa volonté (NB 3,127).

 

2025. Eucharistie : le Fils livre son corps au pain

Notre Père par le Fils sur la croix : « Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour ». Sur la croix, le Fils ne peut plus avoir besoin du pain de chaque jour. Mais il n'a pas le droit d'omettre cette demande parce que les autres en ont besoin. Et pourtant cette demande veut dire maintenant : donne-nous le corps de ton Fils. D'un saut, le corps du Seigneur est le vrai pain, ils doivent le recevoir. Lui-même n'en a pas non plus besoin parce qu'il l'est lui-même ; il livre son corps au pain afin que le pain de chaque jour des chrétiens devienne eucharistique (NB 3,158).

 

2026. L'eucharistie est animée par le ciel. Le pain devient le Seigneur, ou plutôt le Seigneur devient l'hostie (NB 11,118-119).

 

2027. Eucharistie : le Fils s'incarne sous les formes du pain et du vin  (NB 12,175).

 

2028. Dans l’eucharistie, le Fils est mangé par nous

Le Fils devient pour nous pain, dans le pain il demeure chair, il est mangé par nous ; pendant la sainte eucharistie, ce miracle s'accomplit sous nos yeux, nous ne remarquons rien avec nos sens, mais pour la foi la transsubstantiation est vérité. Cette transformation signifie pour chaque croyant un sommet (NB 6,39).

 

2029. Le Père veut faire du Seigneur la nourriture du monde 

Dans l'eucharistie, nous renonçons à ce que nous sommes pour devenir ce que la substance du Seigneur fera de nous. Mais, pour le Seigneur, l'eucharistie est le pur renoncement à lui-même pour devenir ce que le Père veut faire de lui : la nourriture du monde (NB 12,108).

 

2030. L’hostie : semence de Dieu

Pourquoi l’Église ne donne-t-elle pas la communion à un non-catholique ? Parce qu'il n'a pas l'Esprit pour recevoir cette hostie de manière vivante. Elle ne rencontre pas en lui l'Esprit ecclésial, hiérarchique, elle ne peut donc pas être féconde en lui. L'hostie est la semence de Dieu et celle-ci doit être déposée dans un réceptacle qui garantisse sa fécondité(NB 4,423).

 

2031. Dans l'eucharistie, le Fils incarné se donne en tant que semence de Dieu dans le sein de l’Église, qu'il façonne de cette manière (NB 12,174).

 

2032. L'eucharistie est un ferment qui est mis dans les disciples

Parce que, après la croix aussi, les disciples ont besoin d'être sauvés, l'eucharistie ne suffit pas ; le Seigneur, à Pâques, doit instituer la confession. Sans doute vit-il en eux par l'eucharistie, mais eux-mêmes ne sont pas encore morts. S'ils avaient prié avec lui au mont des oliviers, s'ils avaient accepté sa volonté comme il acceptait la volonté du Père, ils n'auraient pas dérapé. L'inclination au péché n'est surmontée que lorsque la volonté de Dieu est devenue ce qui détermine la volonté de l'homme. L'eucharistie est un ferment qui est mis dans les disciples, un signe dont ils sont marqués afin qu'à la résurrection ils soient sains et saufs (NB 6,528).

 

2033. Le fleuve puissant de l'eucharistie inonde le centre de l’Église et transporte ceux qui la reçoivent dans l'unité eucharistique (NB 6,531).

 

2034. Comprendre l’eucharistie par l’Esprit

Le Seigneur ne cesse d'offrir à l’Église sa chair et son sang. Mais il doit en même temps lui donner son Esprit afin qu'elle comprenne que son présent est sa chair et son sang. Il distribue donc son Esprit, l'Esprit du Père, et l'Esprit à son tour se laisse distribuer d'une manière eucharistique dans un double sens : horizontalement, dans toute l’Église, et dans l'eucharistie du Fils lui-même pour la garder vivante en ceux qui la reçoivent. La première distribution de l’Esprit n'est pas liée à la distribution eucharistique ; un chrétien peut avoir part chaque jour à la distribution de l'Esprit sans communier (NB 4,423).

 

2035. Signification permanente du corps du Ressuscité

Le Ressuscité nous offre son eucharistie. Il nous montre par là que son corps a une signification non seulement jusqu'à sa mort (si bien que nous n'aurions qu'à nous souvenir de ce corps qui a un jour existé autrefois historiquement pour comprendre son activité spirituelle), mais qu'au contraire il garde pour Dieu et pour le monde une signification permanente : la même qu'il avait déjà autrefois, mais nous ne le savions pas encore ; maintenant, par la résurrection et l’ascension, il nous est donné de connaître l’activité spirituelle du corps, elle demeure donnée dans l'eucharistie (NB 6,476-477).

 

2036. Eucharistie : le Fils se partage aux hommes

Dans la parabole aussi le Père est le semeur ; la semence - le Fils - lève dans la Mère et le pain peut être maintenant donné à tous : l'eucharistie. En offrant le Fils au monde, elle commence à partager le pain. Plus tard, le Fils se partage lui-même aux hommes dans le sacrement et il confirme par là l'action du Père et son être propre qui est d'être l'eucharistie du Père, et il confirme le geste de la Mère qui partage. Dans le corps du Fils, l'eucharistie du Père et celle du Fils sont donc unies ; elle est incarnation et elle va si loin que le Fils, pour revenir au Père, se laisse distribuer à tous. En livrant son corps dans l'eucharistie, il fait sur terre ce que le Père a fait dans le ciel quand il donna sa Parole comme semence à la Mère. La pensée du Père de laisser le Fils s'incarner était si belle que le Fils ne connaît rien de meilleur à laisser aux hommes que l'eucharistie qui a son origine dans l'incarnation en tant qu'eucharistie du Père (NB 6,530).

 

2037. Rencontres avec le Seigneur à partir de l’eucharistie

Le Seigneur crée de nouvelles rencontres avec lui à partir de l'eucharistie comme centre. De même que le Seigneur se trouve en même temps d'une manière déconcertante dans toutes les églises où la communion est distribuée, où même l'hostie consacrée est conservée, de même il demeure aussi en toute âme où il lui plaît de demeurer. L'Esprit qui souffle où il veut peut le porter partout où il désire se trouver, tout comme l'Esprit l'a porté dans le sein de sa Mère (NB 5,135-136).

 

2038. L’eucharistie : une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église 

L'amour de Jean pour le Seigneur est tout à fait concret. Il désire tellement cet amour qu'il doit se concrétiser et donner une réponse. L'institution de l'eucharistie est également ceci : une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église : « Reste auprès de nous ! Sois avec nous ! » Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 12,253).

 

2039. L’eucharistie : pour le salut de tous ceux qui veulent recevoir le Christ dans la foi

Le Christ a sacrifié sans réserve son corps comme son âme pour le salut du monde, pour le recouvrer du Père en tant que corps ressuscité et éternel. Il y a aussi le corps eucharistique dont le Père a permis qu'il soit : en tant que don de soi de toute la chair et de tout le sang du Christ, corporellement, pour le salut et la nourriture de tous ceux qui veulent le recevoir dans la foi. Comme le Christ se sacrifie totalement pour les hommes avec son corps, il est aussi reçu corporellement par les hommes comme il est digne que soit reçu ce don de lui-même (NB 12,166).

 

2040. "Le Christ vit en moi". Dans l'hostie, il prend possession de mon âme bien qu'il ne soit pas absolument dépendant du sacrement ; c'est en tant qu'Homme-Dieu qu'il se communique à moi (NB 5,249).

 

2041. Se laisser saisir par le corps du Seigneur dans l’hostie

La réalité eucharistique est une nouvelle preuve qu'il s'agit pour le Seigneur de réalité, justement en ce qui concerne son séjour ici-bas. Cela suppose bien sûr que le chrétien aussi croie réellement. Il doit se prêter à la grâce pour y avoir part. Pas plus qu'il n'aurait suffi de rencontrer et de regarder le Seigneur ici-bas d'une manière purement neutre et en simple observateur, il ne suffit pas maintenant de voir le corps du Seigneur dans l'hostie sans se laisser saisir par lui. Dans la présence eucharistique aussi le Seigneur nous dit : "Suis-moi" (NB 5,135).

 

2042. Notre corps sert à recevoir la communion pour qu'elle agisse à l'intérieur, dans l'âme. Et plus quelqu'un se tient à la disposition du Seigneur, plus le Seigneur eucharistique peut agir en lui intimement et totalement (NB 12,113).

 

2043. L’eucharistie : accueillir le Fils

Parce que tous, nous ne cessons de rejeter le Fils, nous devons recevoir l'eucharistie de telle manière qu'au lieu d'être ceux qui rejettent nous redevenions en Marie ceux qui accueillent. Au lieu de prendre le chemin de "tous ceux qui ont rejeté", nous devons prendre le chemin de "l'unique qui accueille", la Mère (NB 6,184).

 

2044. Recevoir le Seigneur dans l'eucharistie comme un enfant

Quand on reçoit le Seigneur dans l'eucharistie, nos "yeux de la foi" devraient se tenir plus fermement à la vision des quarante jours. On peut très bien l'expliquer à un enfant : "Tu vas recevoir le Seigneur dans ton cœur"; il y croit à sa première communion, la foi de l'adulte s'est souvent affadie et la présence réelle du Seigneur lui paraît tout à fait irréelle, il est plus occupé de l'acte de réception de la communion que de recevoir naïvement le Seigneur réel. Il se comporte avec raideur et formalisme, il produit tous les actes possibles, mais pas celui de l'amour d'un enfant. Pour recevoir le Seigneur dans l'eucharistie, on doit être réellement comme un enfant. Le but premier de la sainte messe et ce qui est important, ce n'est pas le miracle de la transsubstantiation, c'est la réalité de l'amour présent du Seigneur (NB 6,301).

 

2045. Chaque communion est un acte qui comble ; si nous sommes au Seigneur, cet acte fait partie de l'accomplissement qu'il accorde à chaque instant (NB 6,100).

 

2046. L’eucharistie : pour unir notre existence temporelle à l’existence éternelle du Fils de Dieu

La présence eucharistique avec son don de soi à nous dans la communion est la révélation d'une attitude constante du Fils qui est au ciel, attitude qui, dans l'acte historique de son don de lui-même au cénacle et sur la croix, était déjà totalement présence comme cette attitude constante, éternelle. C'est seulement ce qu'il y a de péché et de péché originel en nous qui nous empêche de comprendre le parfait caractère d'événement qui est dans l'être du Seigneur. Ainsi déjà le signe efficace de manger sa chair et de boire son sang est une prévenance du Rédempteur à l'égard des hommes qui ne peuvent pas surmonter totalement leur éloignement de Dieu durant leur vie. Mais cette prévenance exige en même temps qu'on s'exerce : de l'acte de réception de la communion et de l'action de grâce à l'acte d'une existence dans la foi qui vit constamment de la vie éternelle. L'eucharistie peut nous inciter à nous rendre compte de la disponibilité constante du Seigneur à s'unir à nous, ou mieux à unir notre existence temporelle à son existence éternelle de Dieu Trinité (NB 6,100).

 

2047. L’eucharistie : qui mange de ce pain est ressuscité pour la vie éternelle

L'eucharistie est essentielle, car qui mange de ce pain est ressuscité pour la vie éternelle. Le corps qu'il nous donne est un corps réel, il est aussi réel que le Christ qui est Dieu, qui s'est incarné et qui est monté au ciel. Ce qui nous semble voilé de son humanité qu'il a gardée vient ici (sous le voile du pain) pour se dévoiler, d'autant que sa corporéité est pour nous aussi réelle que notre manducation du pain, et cette manducation ne prend tout son sens que lorsque, dans la foi, nous percevons en esprit l'existence spirituelle du Seigneur, sa divinité et son être de Dieu le Fils. On ne peut omettre ici aucun facteur. Si nous voulons honorer la qualité eucharistique du Seigneur, on ne peut l'adorer qu'en associant dans l'unité les trois plans en même temps. L'eucharistie inclut la divinité et l'humanité qui demeure, et de plus le ciel tout entier et la Trinité tout entière. C'est ainsi qu'elle devient pour nous accès à la totalité. Il serait également faux de ne vouloir la trouver que lorsqu'elle nous est présentée concrètement, de considérer l'acte de communier comme quelque chose de fermé sur soi. L'eucharistie est comprise dans le mystère tout entier du Fils ici-bas et au ciel. La forme du pain est l'expression du Christ tout entier. S'il en était autrement, la forme eucharistique du Seigneur devrait, à un moment ou à un autre, s'épuiser elle-même. Mais c'est impossible parce que le don qu'il fait de lui-même reste toujours aussi en lui en même temps (NB 6,525-526).

 

2048. Le Seigneur devient eucharistie et nous participant à la vie éternelle, c’est-à-dire participant à la vie du Fils (NB 9, n. 1272).

 

2049. Eucharistie : le Seigneur fait descendre la vie éternelle dans notre temps

Le Fils de Dieu est devenu homme : chair, substance humaine. Il offre cette substance qui est sienne à tous les croyants dans l'eucharistie. Une substance qui nous offre d'être uni à lui pour mûrir dans la foi, dans la vie éternelle. La substance de l'homme est celle qui nous fait mûrir pour le temps. Elle est en quelque sorte recueillie, élevée, par la substance de Dieu : celle-ci nous fait mûrir pour l'éternité. C'est ainsi qu'avec la substance qu'il nous donne, le Seigneur fait descendre la vie éternelle dans notre temps et, par cette vie éternelle, il nous donne la patience d'attendre notre temps, d'être patient avec notre temps (NB 12,107).

 

2050. L’eucharistie : pour ramener notre existence corporelle à l’Esprit et à Dieu

Dans l'eucharistie, le Seigneur s'abandonne corporellement à son Église. L'eucharistie est d'abord un don de soi spirituel, mais il est accompli si totalement par le Christ qu'il offre ce qui est corporel pour ramener notre existence corporelle à l'Esprit et à Dieu (NB 12,132).

 

2051. Par l’eucharistie, nous sommes ramenés à Dieu Trinité

De même que, dans l'incarnation du Fils, c'est Dieu Trinité tout entier qui est devenu concret pour nous, de même dans l’eucharistie nous sommes saisis intérieurement par l'humanité concrète du Christ et ramenés à Dieu Trinité (NB 12,133).

 

2052. Par l’eucharistie, nous avons part à toute la Trinité

L’expérience de la démesure divine peut être offerte en toute vraie prière, en toute action de grâce après la communion. La communion eucharistique : par le corps du Seigneur qui nous est donné, nous avons part à sa divinité, à toute la Trinité de Dieu (NB 12,174).

 

2053. L’eucharistie : don de la Trinité au monde

L’eucharistie est trinitaire. En l’instituant, le Fils exprime sa volonté de faire la volonté du Père, car il sait que le Père l’a offert au monde totalement et que ce don doit durer à travers tous les temps. Le Père a le pouvoir qui est nécessaire pour cela, tandis que l’Esprit donne au sacrement sa forme et sa portée. L’Église et les chrétiens y prennent part ; le Père leur donne quelque chose de ce qu’il est capable de faire, le Fils quelque chose de sa volonté, l’Esprit quelque chose de sa conception : dans la forme de l’amour du prochain. De même que le Fils vient à la croix par amour, de même nous venons à la croix par l’amour du prochain (NB 9, n. 1635).

 

2054. Dieu le Père dans le ciel fait descendre le Fils sur l'autel et le prêtre sert de médiateur (NB 12,223).

 

2055. Le Seigneur est redevable à son Église de la consécration ; le Père et l’Église coopèrent pour ainsi dire (NB 9, n. 1640).

 

2056. Le Fils est mort corporellement pour nous, il se donne à nous corporellement dans l’eucharistie pour permettre au Père de retrouver de la joie en ses créatures corporelles (NB 9, n. 1733).

 

2057. L’Esprit donne à celui qui communie la certitude de la foi

Dans l'eucharistie, l’Esprit Saint a une double fonction : il donne au corps du Fils sa qualité particulière et à celui qui communie la certitude de la foi et de l'espérance. Le Fils a dans l'Esprit un garant et un témoin de son existence eucharistique, également pour celui qui reçoit la communion. Pour celui qui communie, c'est l'Esprit qui parfait en lui l'acte de foi en l'eucharistie. Il y a là un mystère. Le Fils dit : « Ceci est mon corps » ; ce corps va agir en toi si tu le reçois. Mais entre la parole du Fils et son effet, il reste dans le croyant comme un petit écart que l'Esprit remplit (NB 6,528).

 

2058. L’eucharistie pour le monde entier

Quand quelque part dans l’Église un prêtre se prépare à distribuer la communion et qu'il présente d'abord l'hostie, il la présente certes à ceux qui assistent à la messe et certainement aussi à ceux qui aujourd'hui, pour une bonne raison, sont empêchés de communier et qui pourtant préparent leur âme pour une communion spirituelle. Il la présente aussi à ceux qui n'eurent jamais l'intention de communier plus souvent qu'à Pâques et à ceux qui, par un reste de conscience de la tradition, veulent encore se compter comme faisant partie de l’Église bien qu'ils ne pratiquent plus, et à ceux qui sont incroyants et se trouvent dehors, et l'un d'eux, peut-être par hasard, attiré par la beauté de l'édifice, est entré dans l'espace de l’Église. Doit-on dire que seuls le premier et peut-être le deuxième groupe sont atteints par le geste de bénédiction de l’Église ? Dans le dessein du Seigneur, la bénédiction va à tous et de plus il doit être reçu par ceux qui croient véritablement et être transmis aussi par eux. En tout cas la bénédiction a une force sociale qui veut atteindre tout le monde, ceux également qui ne se sentent pas concernés, les absents aussi au-delà des murs et des frontières, peut-être aussi les enfants à naître et les défunts morts depuis longtemps. La bénédiction du sacrement n'est pas liée par le temps pas plus qu'elle n'est liée à un lieu. De cette manière, le sacrement ne perd rien de sa force concrète ni de sa couleur. Il ne se produit aucune dilution à l'infini si bien que celui qui est le plus éloigné, qui ne le reçoit pas et n'en sait rien, en recevrait finalement autant que le croyant qui assiste à la messe. Plus précisément, la vie contenue dans le sacrement concret est si grande qu'elle déborde de tous côtés. Celui qui assiste à la messe doit être conscient de cette surabondance et orienter son esprit en conséquence. Dans la communion des saints, il serait impensable et non chrétien pour quelqu'un de ne vouloir être saint que pour lui-même, de n'aspirer au salut que de sa propre personne, ce serait tout à fait contraire à la grâce sacramentelle qu'il reçoit. De même que le Seigneur se répand corps et âme, de même l’Église et les croyants doivent aussi le faire pour recevoir le Seigneur eucharistique comme il se doit. De même, le saint est un homme qui, corps et âme, se fait pain pour les autres (NB 6,499-500).

 

2059. Communion sacramentelle et communion de désir

Après une vision d’Adrienne. Très souvent la communion sacramentelle s’effectue par habitude et avec tiédeur, sans qu’elle soit coupable à proprement parler, tandis que la communion de désir, qui arrive le plus souvent quand on aurait aimé communier et qu’on en a été empêché, ouvre toujours l’âme tout entière au Seigneur. Le Seigneur est plus riche que l’hostie, il la dépasse (NB 8, n. 995).

 

2060. L'action de grâce après la communion

Le croyant doit montrer qu'il a reçu, qu'il est comblé, qu'il y a l'instant où l'on s'arrête en n'étant plus que gratitude avant que la vie continue. On remercie, mais on sait aussi qu'on a été pris. S'arrêter correspond à la conscience qu'on est tout à fait dépassé par le cadeau qu'on a reçu. Dans le repos, on laisse agir en soi la force de ce qui a été reçu. De même qu'à la messe le pain offert a été transformé dans le corps du Christ, de même maintenant celui qui a reçu doit se tenir tranquille pour que la transformation puisse se faire en lui. Certes ce qui a été offert doit par la suite être transmis. Mais cela doit d'abord nous pénétrer pour que nous sachions ce que nous avons à transmettre, de même qu'on relit un texte qu'on vient d'écrire pour s'assurer qu'il est correct. Correct non seulement pour moi, mais aussi en lui-même et pour lui-même (NB 12, 133-134).

 

La confession

 

2061. La confession n'est instituée qu'après la croix, quand le Seigneur a porté le péché en lui (NB 3,259).

 

2062. La croix et la confession

Ce dont les chrétiens devraient faire l'expérience dans la confession, c'est que le Seigneur est mort pour nous, qu'il a porté le péché à notre place et qu'il nous a obtenu sur la croix l'absolution du Père. C'est avec lui que nous devrions retourner dans la vie nouvelle qui nous est offerte à partir de la croix (NB 11,421).

 

2063. Quand, après la croix, le Seigneur institue la confession, il montre aux hommes le chemin qui les libère de leur péché et les met en état de pouvoir adorer (NB 10, n. 2300).

 

2064. Après sa passion, le Seigneur rapporte, comme fruit de la croix, le sacrement de pénitence. Par sa passion, il a fait à la terre le don du ciel. La pénitence devient la véritable clef du ciel (NB 9, n. 1341).

 

2065. L’Église pardonne le péché au nom de Dieu

Il y a un mystère de la confession. Si je dois confesser un meurtre et que je le fasse le cœur contrit et affligé pour l'avoir commis, l’Église, au nom de Dieu, aura pitié de moi et montrera que la miséricorde de Dieu est plus grande que le péché et elle me pardonnera (NB 1/2, 204).

 

2066. Nudité devant Dieu dans la confession

Maintenant que les hommes ne sont plus un en Dieu, ils ne peuvent plus non plus ne faire qu'un l'un avec l'autre dans leur humanité déchue. L'un est la conséquence de l'autre. Pour Adam et Eve, la découverte de leur nudité est avant tout la découverte qu’ils ont perdu l'unité. Les peaux de bêtes dont ils se vêtent sont un signe qu'ils sont tombés et qu'ils sont deux. L'état de véritable nudité doit être reconquis de haute lutte, par un "mérite" pour ainsi dire . Il ne se rétablit pas par lui-même. Les feuilles, les peaux, les vêtements, qui font ressortir la différence sexuelle, font partie de la pénitence et ils doivent être utilisés en tant que tels à cet effet. Ce n'est que dans l'aveu, dans la confession, en tant que grâce du Seigneur et nudité devant Dieu, que la nudité corporelle du paradis peut être récupérée. La convoitise doit être convertie en pur amour (NB 12,151-152).

 

2067. La confession authentique

Beaucoup se lavent spirituellement de la même manière qu'ils le font pour leur corps, rapidement et superficiellement. Mais une authentique confession devrait se faire en ayant un regard sur le jugement après la mort : jugement divin inexorable qui est de toute nécessité pour préparer le pécheur à la vie éternelle. Malgré cela, on ne doit critiquer aucune absolution ; il faut également la prendre en sa totalité : comment elle est accordée et comment le pénitent essaie au moins de s'offrir totalement à Dieu (NB 6,473).


 

2068. Il est obligatoire pour l’homme de savoir comment se passe la rédemption : il doit par exemple se confesser et ensuite il n’a plus le droit de pécher (NB 9, n. 1799).

 

2069. La confession : l’une des portes du ciel

La confession apparaît vraiment comme l'une des portes du ciel. Un souffle, une bouffée d'air, un courant d'air est entré d'en haut dans l’existence de l’homme. S'il était totalement attentif et disposé à prêter attention à tout ce que Dieu attend de lui, sa vie, son espérance, sa prière et son amour seraient désormais des choses nouvelles, qui lui sont offertes, même si avant la confession il n'osait pas espérer ce genre de choses (NB 6,518).


 

2070. Exhortation après la confession

L'exhortation après la confession touche le pénitent et l'inspire de telle manière qu'il rentre chez lui enrichi de quelque chose de nouveau. Même s'il savait déjà ce qui lui a été dit et que peut-être il l'attendait, cette exhortation, en tant que parole du ministère, a le pouvoir de se développer en lui, de lui donner aussi de nouveaux critères et de l'introduire dans un monde de Dieu plus vaste et plus vivant. Chacun demeure libre de tirer profit ou non de cette parole ministérielle et de l'absolution. Si quelqu'un veut le faire, il en reçoit par là un nouveau commencement qu'il peut garder dans les temps à venir, quelque chose qui est en lui et lui donne pour ainsi dire une nouvelle idée de la vie éternelle, une nouvelle manière de voir Dieu. De cette chose nouvelle il peut se faire une nourriture, à partir d'elle donner à sa vie une nouvelle direction (NB 6,518).

 

 

Le mariage

 

2071. Le mariage catholique : image de l’amour du Christ et de l’Eglise

Le mariage catholique, comme sacrement, exige un absolu don de soi des époux pour autant qu'il doit être une image de l'amour du Christ et de l’Église, qui est sans calcul (NB 10, n. 2168).


 

2072. Le mariage qui unit si étroitement les parents à l'acte de création du Père doit pour ainsi dire garder au Père la joie de son acte créateur et l'inciter à engendrer toujours de nouveaux êtres humains (NB 6,539).

 

 

5. Les saints et les mystiques

 

Plan : Les saintsLes mystiques

 

Les saints

 

 

2073. La sainteté est le don unique de Dieu Trinité, qu’il offre à sa création depuis le commencement (NB 1/2, 18).

 

2074. Dieu Trinité a fait don aux hommes de sa sainteté par le Fils afin qu'ils deviennent saints dans l'Esprit (NB 4,343).

 

2075. Pourquoi des saints ?

Dieu offre sa sainteté à tout le monde. Ce n'est pas par hasard que l’Église est la communion des saints. Mais Dieu l'offre aussi de manière particulière à ses élus. L'ensemble des humains - qui comprend des pécheurs et des saints - a besoin, pour regarder Dieu de manière toujours nouvelle et toujours plus vivante, des élus de Dieu qui se sont si bien décidés une fois pour toutes pour la sainteté de Dieu qu'ils se sont laissé prendre par elle, qu'ils vivent en elle et meurent en elle. Ils sont comme des flambeaux dans le clair-obscur du monde catholique. Il leur est attribué l'indicible qu'ils ne comprennent pas eux-mêmes, mais auquel ils aspirent, que Dieu leur révèle à eux en même temps qu'à l’Église, mais à eux dans un langage particulièrement pénétrant (NB 2,34).

 

2076. Comprendre la sainteté

Le concept de sainteté est difficile à préciser. Que le Dieu trine, le Très Saint, soit saint, c'est clair ; mais ce qui est moins compréhensible, c'est qu'il offre à des hommes saints la sainteté qui lui appartient en propre pour franchir la distance qui sépare Dieu de la créature (NB 2,204-205).

 

2077. Dieu offre à ses saints un peu de sa lumière. C'est un cadeau de sa grâce (NB 11,443).

 

2078. Action du Fils dans le saint pour les temps éternels

Quand un saint a servi Dieu et que ce service a correspondu à la volonté et à l'attente du Père, celui-ci ne l'abandonne pas, mais il continue à vivre et à agir en lui, il lui garantit l'action de son Fils en lui pour les temps éternels. L'unité que le Fils contracte avec le saint est indissoluble (NB 1/2, 196).

 

2079. Le saint est dans la main de Dieu

Un saint sur la terre connaît de sa sainteté ce que le chrétien connaît de lui-même. Par la grâce du Christ, il est dans la main de Dieu, la foi le protège pour l’empêcher de se perdre. Il doit vivre sa foi de manière active, mais il doit aussi la laisser opérer en lui de manière passive (NB 9, n. 1607).

 

2080. Dieu a besoin de davantage de sainteté dans son Église (NB 11,446).

 

2081. Les saints sont essentiellement des inspirés (NB 1/2, 242).

 

2082. Chaque saint est une révélation particulière de Dieu

Chaque saint doit présenter de manière unique ce qu'a d'unique le Dieu infini : en eux, pour l'intelligence des croyants, ce qui est saint en soi reçoit chaque fois un visage particulier, imprime une révélation particulière de Dieu, présente des traits de Dieu que les hommes doivent imiter et que Dieu présente dans la simplicité de ses saints ; puisqu'ils sont envoyés par Dieu avec un absolu de la sainteté, ils ont sans cesse dû passer par un baptême de sainteté (NB 2,23).

 

2083. Les saints, prophètes de la nouvelle Alliance et leur mission

Les prophètes de l'ancienne Alliance parlent de Dieu ; d'une certaine manière, ils connaissent la promesse de la vierge qui va venir et qui sera la mère du Seigneur. Mais les prophètes de la nouvelle Alliance, les saints, sont associés d'une manière vécue au mystère de la sainteté en tant que mission et obéissance de mission. Associés même jusqu'à un certain point à la mission donnée à chaque croyant de présenter quelque chose du mystère de la Mère, de sa virginité, de son don d'elle-même, de son amour, de son service corporel et de son oui spirituel qui inclut le oui corporel dans lequel elle transmet ici-bas la visibilité de Dieu Trinité (NB 2,23-24).

 

2084. Les saints, les vrais, reçoivent la grâce non pour eux-mêmes, mais pour la transmettre (NB 6,502).

 

2085. Les saints ont le pouvoir de procurer des grâces de purification (NB 9, n. 1374).

 

2086. Dieu fait opérer des miracles par les saints

Opérer un miracle fait partie du mystère de l'incarnation. Dieu aime déposer ses mystères et ceux du Fils dans des récepteurs saints pour remettre en mémoire la vie humaine du Fils. Il y a ici une différence entre le juste de l'ancienne Alliance et le saint de la nouvelle. Le Fils a vécu tout à fait saintement, mais il a aussi posé l'exigence d'une sainteté qui le prend pour modèle. Après que le Fils a opéré ses miracles, Dieu ne veut plus faire opérer de miracles que par les saints qui suivent réellement le chemin escarpé. La distance entre son Fils et eux est pour lui déjà bien assez grande (NB 11,440).

 

2087. Le jour anniversaire de la mort des saints est pour l’Église toujours fort important. Ce jour-là, beaucoup peuvent recevoir des grâces particulières (NB 6,542-543).

 

2088. Les saints aident à expier le péché du monde (NB 3,162).

 

2089. Si Vianney a le don de voir les cœurs de ses pénitents, ce n'est pas un miracle proprement dit, bien que ce soit une grâce surnaturelle (NB11,446).

 

2090. Sainte Catherine de Bologne (+ 1463) doit pouvoir cesser de souffrir avec le Christ, car elle a la mission d'être joyeuse au milieu des humains. Personne ne devinerait qu'elle souffre tant dans la prière (NB 1/1, 117).

 

2091. Dieu ne laisse souvent à ses saints que leurs forces humaines (NB 1/1, 115).

 

2092. Les saints ont répondu à un appel de Dieu

Les saints de l'ancienne et de la nouvelle Alliance ont répondu à l'appel de Dieu. Ce sont des humains qui, par la grâce du Seigneur, sont arrivés à la sainteté. Vis-à-vis d'eux, Marie occupe une place particulière : elle est celle qui fut si comblée de grâce que Dieu a habité en elle, celle par qui il est devenu homme. Par son oui, elle est intégrée dans le plan de l'incarnation de Dieu, qui est le fondement de l'ancienne comme de la nouvelle Alliance. Son oui est dit spontanément de tout son cœur, et c'est pourtant un mot qui ne figure pas au nombre des réponses habituelles des humains à l'appel de Dieu parce que le oui de Marie se trouve d'emblée du côté des conditions qui permettent les oui humains. C'est qu'il est un oui que l'homme ordinaire ne peut dire, un oui qui provient au fond de la foi sous-jacente, et même de Dieu lui-même qui offre cette foi au monde comme plénitude de grâce (NB 2,31-32).

 

2093. Très peu d’hommes seulement correspondent à la grâce : ce sont les saints (NB 9, n. 1312).

 

2094. Pour les saints ici-bas, le céleste est plus essentiel que le terrestre

Les saints ont planté sur terre l'amour céleste ; pour eux, sur terre, le céleste est plus essentiel que le terrestre. Ils ont mené une existence prophétique en proclamant, avec leur amour, le ciel sur terre, l'éternité dans le temps (NB 10, n. 2125).

 

2095. La sainteté est ce que Dieu requiert de l’homme de la manière la plus absolue ; le Fils l'exprime dans son commandement d'être parfait comme le Père du ciel (NB 2,199).

 

2096. Jean de la croix choisit tout ce que Dieu peut lui donner dans son Esprit (NB 4,449).

 

2097. Les saints, c’est l’Église qui se donne au Seigneur

Les saints dans l’Église signifient, chacun individuellement, l'acte de don de soi de l’Église au Seigneur. Dans ses saints, le Seigneur voit que l’Église se donne à lui. Alors il peut prendre. L’Église est communion des saints. Elle est communion des saints avec le Seigneur et, par là, communion des saints entre eux (NB 5,266).

 

2098. Les saints reconnaissent et confessent tout de suite qu'ils se sont éloignés du Seigneur (NB 6,510).

 

2099. Les faux prophètes cherchent à se donner sans Dieu l'apparence de la sainteté (NB 2,15).

 

Les mystiques

 

(Plan : Dieu, source de la mystiqueLa personne du mystiqueLa mission du mystiquePourquoi des mystiques dans l’Église ? - Discerner le vrai et le faux)

 

Dieu, source de la mystique

 

2100. Le Fils devenu homme se tient devant le Père comme le premier mystique devant Dieu Trinité (NB 5,99).

 

2101. La mystique chrétienne a le Christ comme point de départ

S'il est vrai que toute la mystique chrétienne a le Christ comme point de départ, il est clair qu'aux orants qu'il a choisis il ne transmet pas seulement, par une communication directe de ses mystères, des choses de sa vie qu'on voit et qu'on comprend, mais tout autant sa relation cachée au Père et à l'Esprit. Cette communication pourtant demeure voilée, car elle contient des mystères qui restent réservés pour l'éternité. Des mystères qui doivent rester inépuisables et qui pourtant ne peuvent pas être totalement mis de côté en tant qu’intangibles. Au contraire il offre aussi ces mystères voilés de son être comme le centre de la mystique nouvelle, et même comme ce qu'il y a en elle de plus essentiel : non seulement ce qu'il a fait, mais aussi ce par quoi il est passé ( NB 5,119-120).

 

2102. Le baptême reste la condition de toute la mystique chrétienne dans l’Église ; dans le baptême lui-même, ce qui est mystique demeure latent (NB 5,141).

 

2103. Point de départ de la mystique : la Pentecôte

C'est à la Pentecôte que la mystique a son point de départ pour la suite des temps. D'autres phénomènes certes apparaîtront, mais on peut cependant les faire tous remonter à l'Esprit lors de la confirmation originelle. Si Dieu offre à l’Église son Esprit de Pentecôte avec une telle abondance et que chacune des personnes présentes apparaît comme un réceptacle parfaitement adapté, l’Église possède à partir de là non seulement un trésor d’expérience mystique mais également un trésor de vérification et de discernement mystiques des esprits : l'Esprit reconnaît l'Esprit, et le discernement des esprits a désormais sa forme définitive, même si ce discernement était déjà présent auparavant d'une certaine manière parce qu'un apôtre reconnaissait un autre apôtre et qu'un croyant était tout près de l'autre. Le discernement ne consiste plus maintenant à évaluer selon certaines règles, c'est un souffle de l'Esprit qui enveloppe celui qui examine comme celui qui est examiné. La première fois que l’Église a été saisie mystiquement, elle l'a été d'emblée d'une double manière : elle en a fait elle-même l'expérience et elle a connu d'expérience l'expérience des autres ; c'est ainsi qu'apparaît sa fécondité : plus personne n'a besoin de s'évaluer lui-même ni non plus d'avoir de l'ambition. Les disciples ne font qu'un avec Dieu, mais ils reconnaissent aussi que leur frère ne fait qu'un avec Dieu. Ils n'ont pas besoin de garder jalousement leur propre expérience ni d'envier celle d'un autre étant donné qu'ils ont été placés ensemble sous le souffle de l'Esprit (NB 5,145-146).

 

2104. La mystique a son origine dans la lumière trinitaire (NB 5,129).

 

2105. La grâce de Dieu s’offre dans l’expérience mystique

La grâce de Dieu s'offre des manières les plus diverses à ceux qui sont choisis pour l'expérience mystique, mais en tout cas de telle manière que le but premier est une obéissance absolue. Une obéissance qui ne s'épuise pas à suivre anxieusement de petites prescriptions, mais qui prend possession de toute l'existence et ne laisse place à aucune sphère neutre. Vis-à-vis des autres hommes, quelque chose comme un mode de vie personnel libre peut se maintenir mais, au milieu même des obligations extérieures les plus grandes, est exigé pour le cœur qu'il veille parfaitement à vivre dans une obéissance qui non seulement impose des devoirs mais aussi qui instruit et guide dans l'Esprit Saint (NB 5,17).

 

2106. La mystique : un cadeau de la grâce du Fils

En tant qu'homme, le Fils apporte avec lui non seulement la Parole qu'il est, il apporte aussi sa vision sous une forme rendue accessible à la foi, forme que seule sa grâce est en mesure de transmettre. La vision telle que le Fils la donne aux siens dans la mystique, est un cadeau de sa grâce ; mais un cadeau, chrétiennement compris, veut toujours dire quelque chose qu'on reçoit pour le transmettre (NB 5,72).

 

2107. La mystique : une offre de Dieu pour faire connaître quelque chose de nouveau

La voie divine de l'amour offre à Dieu Trinité des variations infinies pour communiquer des expériences mystiques. Les états d'amour extatique pendant lesquels le mystique ne sait pas ce qui se passe ni comment, et après lesquels il est déposé à nouveau sur terre, sont une participation à un bout de chemin sur la voie divine de l'amour. Les accès à cette voie sont extrêmement nombreux ; toute expérience mystique authentique est une réponse à une offre de Dieu de faire connaître quelque chose de nouveau, de plus profond, du mystère caché de son amour. Si les expériences mystiques n'étaient pas une participation à la réalité la plus concrète qui fonde toute l'existence de la création et toutes les voies du salut de Dieu, le mystique devrait, à la fin de l'extase, se réveiller tout à fait en dehors de ce qui fait sa vie terrestre. Le Christ, après son expérience dans le temple à l'âge de douze ans ou après avoir opéré un miracle ou après une prière la nuit auprès du Père, est toujours revenu sur la voie ordinaire qu'il devait suivre ici-bas en tant qu'homme pour accomplir, dans l'obéissance au Père, les prophéties de l'ancienne Alliance. C'est pourquoi, après une vision, le retour du mystique dans la voie de la foi pure n'est pas une "perte de vitesse", il est la continuation équivalente de son chemin dans l'obéissance chrétienne de l'imitation (NB 5,77).

 

2108. La pure forme de la mystique chrétienne est un don de Dieu qui envahit des gens tout à fait indignes. Les signes de son authenticité sont d’une part la participation aux souffrances du Christ, d’autre part l’obéissance ecclésiale (NB 8, n. 195).

 

2109. Le mystique reçoit de l’Esprit ce dont il a besoin

Si l'Esprit Saint est le témoin d'une vision qu'il procure, il est aussi le garant de l'état d'esprit de celui qui fait l’expérience de la vision et il lui donne l'ampleur qui correspond au dessein de la vision. Le mystique est certes déterminé par les circonstances de sa vie, par son âge, par ses expériences ; mais ce dont il a besoin pour correspondre à la vision en tant que croyant, il le reçoit de l'Esprit Saint. Celui-ci lui donne la joie, la tristesse, l'effroi, etc., qui correspondent à ce qui est vu, il lui donne en tout cas la possibilité de suivre de manière adéquate (NB 5,202).


 

2110. La part de l'Esprit Saint dans une vision est toujours beaucoup plus grande que ne le sait le voyant (NB 5,215).

 

2111. Dieu garde pour lui-même la gestion de tout le domaine de l'expérience mystique (NB 5,82).

 

2112. La mystique : «  Que ta volonté soit faite ! »

Dans la nouvelle Alliance, toute mystique reçoit du Seigneur sa marque. Les formes imparfaites de la mystique qui étaient encore possibles dans l'ancienne Alliance ne sont plus en usage, elles sont dépassées. Lors de sa vocation mystique, Moïse résiste à la volonté de Dieu, il doute, il discute, et Dieu, pour arriver à ses fins, doit briser finalement sa résistance. Dans la nouvelle Alliance, ce genre de résistance n'existe plus parce que la tension entre la volonté humaine et la volonté divine a été totalement réglée par le Fils au mont des oliviers. Même si cette tension est vécue dans la plus grande angoisse - et le mystique chrétien doit en faire une certaine expérience -, l'attitude du Fils au mont des oliviers constitue le cadre dans lequel l'angoisse mystique peut être traversée dans la nouvelle Alliance. C'est justement en créant ce cadre que le Fils accomplit les états de souffrance de l'ancienne Alliance et les rend compréhensibles. C'était des promesses qui, en tant que telles, ne pouvaient pas rester, le Fils devait devenir homme pour apporter la solution de ces énigmes. Par la parole qu'il dit au mont des oliviers : "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi ! Mais que ce ne soit pas ma volonté qui se passe, mais la tienne !", il "sauve" Moïse et les prophètes. En tant qu'homme, il doit tenir pour possible que le calice passe loin de lui, et cette possibilité est insérée par lui dans la volonté divine (NB 5,92-93).

 

2113. Le mystique rencontre Dieu

Dieu a choisi le mystique pour en faire un intime – à quelque degré que ce soit – , quelqu'un qui le rencontre sur un plan qui n'est pas de ce monde. Ce que Dieu lui montre, le voyant le voit d'une manière si essentielle que tout ce qu'on peut voir encore en cet endroit passe à l'arrière-plan ou disparaît totalement. Il peut garder conscience d'être dans sa chambre ; mais la seule chose importante maintenant est qu'il voit ici le Seigneur couché dans la mangeoire ou suspendu à la croix. Il peut faire l'expérience de la durée éternelle dans le ciel bien que, de ses yeux de chair, il voie avancer l'aiguille des secondes (NB 5,236-237).

 

2114. La mystique : Dieu se laisse rencontrer

Dans les rencontres mystiques avec Dieu, il faut toujours distinguer entre la rencontre elle-même et ce qui doit s'ensuivre. La rencontre peut être très simple, d'une simplicité si enfantine que le priant remarque à peine l’extraordinaire surtout s'il a l'habitude d'avoir des visions et qu'en outre il ne saisit pas sur le moment qu'il doit comprendre davantage que ce qui s'est manifesté. Que Dieu se laisse rencontrer aussi simplement – dans une vision qui comble, dans une prière que Dieu parachève, dans une grâce donnée gratuitement – reste le plus souvent l'exception. Ou bien, selon le plan de Dieu, c'est un prélude. Dieu peut offrir à l'âme une sorte d'accoutumance à lui, il l'introduit insensiblement dans son être, lui révèle des choses infimes qui ne montreront leur portée que par leur répétition. Une longue série de visions ou la permanence dans un état de vision sont éventuellement nécessaires pour une tâche qui se révélera plus tard urgente et qui aura été préparée de longue main (NB 5,214-215).

 

2115. Ce n'est pas avant tout pour Dieu que le mystique doit comprendre, mais pour l’Église ; si Dieu lui accorde de le rencontrer, c'est pour le bien de l’Église (NB 5,132).

 

2116. Le lieu de la rencontre mystique : en Dieu

Une chose est sûre : le lieu de l'union du mystique avec Dieu est toujours en Dieu lui-même ; ce n'est qu'apparemment que l'homme est le lieu de la rencontre. Ce qui lui est montré lui arrive dans l'atmosphère de Dieu, mieux encore, en Dieu lui-même (NB 5,18).

 

2117. Saint Nicolas de Flue doit tout quitter afin qu'il soit prêt, dans la solitude, pour une rencontre mystique telle que Dieu veut la lui donner (NB 5,18).

 

2118. La mystique et l’eucharistie

Les rencontres mystiques ont toujours un arrière-plan eucharistique ; celui qui fait une expérience mystique du Seigneur retournera toujours à l'eucharistie et il en repartira toujours, il aura nécessairement une dévotion particulière pour le Seigneur eucharistique pour ne pas s'égarer, pour être testé par l'eucharistie, pour faire contrôler par la réalité sacramentelle du Seigneur la réalité de sa rencontre avec lui. Il partira aussi de l'eucharistie pour donner le sens le plus plein possible à ses visions et à l'expression qu'il doit leur donner, à la vérité qu'il doit faire connaître par elles. Parce que tout est contenu dans l'eucharistie et que la vérité du Seigneur possède, intégrés en elle, tous ses aspects possibles, le mystique trouvera dans la confrontation entre vision et eucharistie des mots nouveaux pour la vérité de l'une comme de l'autre, qui proviennent de la fécondité de leurs rencontres (NB 5,136).

 

2119. Les rencontres mystiques avec Dieu

Certains croyants sont choisis à qui sont offertes des rencontres mystiques avec Dieu, qui dépassent de beaucoup la moyenne des expériences de foi. La grâce les a rendus capables d'avoir une expérience directe de la présence divine et de percevoir le surnaturel (NB 5,211).

 

2120. La mystique et la grâce : à la libre disposition de Dieu

La vision et le vécu mystiques ne sont pas une mesure pour la grâce. Il peut y avoir, dans une âme priante et obéissante, des expériences intimes de la grâce qu'on n'a pas coutume d'appeler mystiques. Et d'autre part il y a chez le mystique bien des états où la vision et l'expérience lui sont refusées et retirées pour des raisons de grâce. Finalement il y a la libre disposition de Dieu : il se peut que, dans sa mission, quelqu'un ait à voir beaucoup de choses qui demeurent voilées à un autre, plus rempli de grâce peut-être aux yeux de Dieu (NB 6,63).

 

2121. La mystique : se tenir à la disposition de Dieu

Les efforts du mystique pour se tenir à la disposition de Dieu aussi purement que possible ont une grande importance. Dieu n'exige pas que le mystique soit formé et moulé dans un schéma déterminé, que l'âme qu'il a donnée à l'homme avec une ouverture fondamentalement infinie soit divisée en régions conformément auxquelles elle s'élèverait jusqu'à lui par degrés. Il la veut au contraire tout entière. "Toi, suis-moi !" Sans conditions, dès le premier instant. Pas plus que Dieu ne désire une division de l'âme en régions, il ne veut qu'elle s'approche de lui par étapes. Le meilleur exemple est le oui de Marie auquel il est répondu par le fait que l'Esprit Saint prend possession d'elle totalement, en un rien de temps éternel, sans égards pour les lois humaines. Cette totalité produit alors des fruits selon les besoins de Dieu (NB 5,26).

 

2122. Dieu ne peut se révéler dans le mystique que s'il ne rencontre aucune résistance (NB 12,121).

 

2123. On n'a pas la possibilité de gérer soi-même les grâces mystiques (NB 1/1, 148).

 

2124. Dans la mystique, il n'est pas question d'avoir une vision parce qu'on veut en avoir une (NB 5,187).

 

2125. La mystique : le Seigneur veut se révéler d'une manière plus intime

Tous les prêtres devraient comprendre quelque chose à la mystique, il ne devrait pas y avoir de "spécialistes" pour cela au fond. Naturellement il y aura toujours des gens qui ont, plus que d’autres, des sens pour quelque chose, et ceux-ci doivent certainement fournir à l’Église la contribution qu'ils ont reçue pour l’Église. Cependant il n'y a quand même rien d'étrange à ce que le Seigneur veuille se révéler un jour d'une manière plus intime et plus immédiate (NB 1/2, 289).

 

2126. La mystique : Dieu se penche, Dieu se révèle

On ne peut comprendre Jean de la croix autrement que par son expérience mystique personnelle. Mais un mystique ne saisit jamais au fond ce qui se passe en lui, il saisit ce qui se passe autour de lui ; c'est ainsi que la nuit le rend aveugle, non voyant, et quand il est voyant il ne se voit pas lui-même, il voit Dieu qui se penche, Dieu qui se révèle (NB 2,76).

 

2127. Modes des révélations de Dieu pour les mystiques

Dans les révélations de Dieu, il y a souvent des choses qui sont comme un avertissement : pour le moment, la révélation est ici terminée, ce qui suit et qui en fait partie n'est pas montré ou débloqué pour le moment. Si on a la mission de transmettre une révélation, Dieu peut exiger éventuellement qu'une partie en soit transmise jusqu'à ce qu'elle soit assimilée (par le confesseur ou par l’Église) et qu'ensuite seulement soient ajoutées les autres parties. Pour le moment, ces dernières peuvent paraître manquer de clarté comme dans un triptyque dont un volet est terminé tandis que les autres ne sont qu'esquissés. On voit par l'esquisse que l'artiste a un dessein pour la suite, mais il n'est pas encore reconnaissable clairement à partir de ce qui a déjà été fait. Ou bien le tableau est encore couvert, ou bien il n'est pas encore exposé. Dieu agit assez souvent de la sorte parce qu'il ne veut pas qu'on se perde tout de suite dans les grands ensembles. On doit accorder toute son attention à ce qui est montré maintenant ; quand on l'aura compris suffisamment, on appréciera aussi les autres tableaux, comme Dieu s'y attend en tant qu'artiste. D'ordinaire on ne doit pas s'inquiéter de ce qui n'est pas achevé. Il faut souvent que Dieu retire à quelqu'un ses fausses conjectures : ceci aussi peut avoir un sens et faire partie de ses plans (NB 5,241-242).

 

2128. La mystique : des visites de l’éternel dans notre temps

L'un des aspects les plus essentiels de la mystique est la rencontre en elle de l'éternité et du temps, l'irruption du toujours-maintenant dans les limites de l'éphémère, s'il est vrai que les visions sont des tranches du monde céleste, qu'elles transmettent un mystère de Dieu qui a cours maintenant et qui est montré maintenant, et que cette participation prend maintenant la forme que Dieu veut. Ce qui est gradué, Dieu l'a prévu pour le temps éphémère, non pour le temps éternel. Les visites de l'éternel dans notre temps ne se règlent pas d'après les lois de l'éphémère, elles se passent dans le monde, mais proviennent de l'infini et de la durée éternelle. Le mystique qui est appelé à en faire l'expérience les saisit avec son âme immortelle destinée à l'éternité (NB 5,26).

 

2129. Toute vision mystique est une participation humaine imparfaite à quelque chose de parfait, ou bien la traduction par Dieu lui-même, dans une réplique terrestre, de ce qui au ciel est parfait (NB 5,83).

 

2130. Dieu fait intervenir dans l’Eglise les éclairs de la mystique

Dans l’Église "empirique", la somme des chrétiens (avec leurs péchés et leurs fautes) constitue la somme de la sainteté. Mais, plus profondément, l’Église est la "communion des saints" qui vit de la grâce sanctifiante du Seigneur. Parce que la grâce est infinie, elle l'emporte d'emblée sur la somme des péchés qui ne peut être que finie. C'est pourquoi l’Église ne peut pas sombrer. Cependant si la somme des péchés dépasse un certain seuil (qui n'est jamais humainement mesurable, Dieu seul le connaît), l’Église risque d'être soumise à nouveau aux lois de la pesanteur, c'est un combat pour sa survie qui s'engage. Dieu fait intervenir ici les éclairs de la mystique. On pourrait dire : Dieu le Père vient en aide à l'œuvre du Fils (NB 5,71).

 

2131. La mystique : il y a un trou entre ce que Dieu montre et ce que l’homme saisit

Quand, sur le Thabor, les apôtres veulent édifier trois huttes, ils montrent par là qu'ils n'ont pas compris. Il y a un trou entre ce qui leur a été montré et ce qu'ils en ont saisi, ce trou n'est pas à mettre au compte d'une désobéissance, il y a quelque chose de ce trou dans toutes les expériences mystiques. Dieu montre divinement et l'homme saisit humainement, tout soutenu qu'il soit par la grâce. Il y a un certain trou même quand l'obéissant correspond réellement (NB 5,82).

 

2132. Dieu se révèle dans des extases

Saint Bruno (+ 1101). Dans des extases, il se sent conduit quelque part où Dieu se révèle à lui autrement que dans la vie de tous les jours. Il est entouré par l'un ou l'autre des mystères de Dieu, qui est ensuite déplacé soudainement en son propre centre à lui et qui le contraint, à partir de ce centre, à l'une ou l'autre conclusion : à plus d'ascèse dans sa vie, à un temps de prière plus strict, à plus d'obéissance (NB 1/1, 282).

 

2133. La prophétesse Anne et Siméon

Anne est prophétesse (Lc 2,36), elle a le don de vision. Elle est en rapport avec Siméon. En relation avec le don prophétique d'Anne, Siméon a à jouer le rôle que Dieu lui a destiné. Quand il fait une prophétie à la Mère du Seigneur, cela se fait dans un esprit d'obéissance à Dieu, mais avec un esprit de prophétie qui est propre à Anne. Ceci n'est possible que parce que Siméon prie et que sa prière s'unit en Dieu à la prophétie d'Anne. Sa propre prière lui donne de connaître ce qu'Anne prophétise. Par sa prière, il perçoit l'exactitude des choses prédites par Anne. Il reconnaît en Marie celle à qui il doit s'adresser, mais il la reconnaît sur les indications d'Anne. Il y a une concordance entre sa prière et l'esprit d'Anne. Anne est une femme sans culture, elle n'exprime que de vagues paroles. Lui, l'homme cultivé, peut en faire des phrases (NB 1/2, 40).

 

2134. La vie dans la vision est plus grande que la vie sur la terre

Julienne de Norwich (+ 1442). Ses visions embrassent beaucoup de sa vie quotidienne, mais aussi beaucoup de mystères auxquels elle n'a guère accès. Elle sait que ses visions sont plus vastes que les mots de sa prière et de son expression. C'est toujours pour elle comme si le ciel se penchait vers la terre et l'enveloppait tout entière. C'est ainsi qu'elle est consolée bien qu'elle ne comprenne pas tout. Elle sait que la vie dans la vision est plus grande que la vie sur la terre et que celle-ci est enveloppée et saisie par celle-là (NB 1/1, 294-295).

 

2135. Les visions : pour l’enrichissement du contenu de la doctrine

Dieu utilise pour la vision ce qui est naturel et il l'élève dans son monde surnaturel, cela donne l'impression que c'est tout à la fois connu et étranger. Cela doit être si rempli et si refaçonné par la proximité de Dieu que c'est réévalué jusqu'au plus intime de la foi ; ce qui jusqu'à présent n'était que vaguement indiqué, comme dans le gros œuvre, est maintenant pourvu de tout ce que Dieu le Père, le Fils et l'Esprit ont l'intention d'offrir à l’Église pour l’enrichissement du contenu de la doctrine (NB 1/1, 42-43).

 

2136. Vision d’un mystique : personne ne connaît l’heure

Quand un mystique reçoit une vision, il voit son attente comblée bien que, la plupart du temps, il n'ait pas eu au préalable connaissance de cette attente. Il peut avoir nourri cette attente seulement dans le sens d'une correspondance dans l'obéissance au cas où Dieu voudrait combler cette attente. Mais la plupart du temps, ce qui est de règle, c'est que "personne ne connaît l'heure" ; Dieu exige seulement la disponibilité générale et il se réserve le droit de l’Époux qui peut à chaque instant combler tout désir de l'épouse et qui le comble même si l'épouse ignorait tout de ce désir. Il peut créer un désir afin de le satisfaire, mais il peut aussi façonner le désir de telle manière qu'il ne devient conscient que lorsqu'il est comblé (NB 5,23).

 

2137. La mystique : une réalité incarnée et concrète

Toutes les voix et toutes les visions et toutes les expériences du mystique doivent toujours déboucher sur une expérience de la dure réalité chrétienne. On ne peut jamais rendre la nature d'une rencontre mystique avec des descriptions vagues et poétiques, avec des rêveries. Il ne s'agit pas de quelque chose d'à peu près, de nuageux, qui échappe à toute prise et reste intraduisible ; on peut toujours trouver une manière de dire qui évoque pour les autres, pour l’Église, une réalité incarnée et concrète (NB 5,132-133).

 

2138. La connaissance mystique reste en la possession de Dieu

Dieu Trinité, en tant qu'éternel, a déjà une relation authentique avec ce qu'il va créer. Le Père se dispose à agir, le Fils le seconde, l'Esprit plane en créateur sur l'abîme. Cet état de Dieu avant que le monde soit est d'une grande importance pour la création quand elle peut en connaître quelque chose. Comment Dieu veut faire connaître cet état qui est le sien (qui est toujours unique dans la nature et différencié selon les trois personnes) relève de sa liberté. Il peut offrir des expériences, des images et des mots pour l'exprimer ; mais le divin qui se trouve par là donné à connaître n'est pas seulement toujours plus, il est aussi tout autre que tout ce qui est créé. La source de ce qui commence ici à couler à flots pour le monde se trouve tellement en Dieu qu'il peut la faire couler pour les expériences des hommes et la faire tarir à nouveau, comme il veut. Ceci au contraire de la foi : Dieu la remet réellement à l'homme et l'homme ne peut la perdre que par sa propre faute. La connaissance mystique reste en la possession de Dieu et à sa disposition, il la donne à qui il veut et comme il veut et dans la mesure où il le veut (NB 5,40-41).

 

2139. Mystique : c’est Dieu qui décide

Il y a des saints dont le chemin est très abrupt ; d'autres, dont le chemin monte lentement ou par à-coups. Mais des degrés méthodiques, il n'y en a pas au fond. Pour ne pas effrayer une âme, Dieu peut certes avancer très doucement et s'adapter à chacun de ses états. Mais cela reste sa prérogative. Il peut aussi faire autrement. Il n'y aurait rien de plus insensé que de vouloir découvrir un chemin qui pourrait servir à dessiner les prérogatives et les droits du mystique et à ébaucher de manière systématique une "école de la mystique". Paul est atteint par une lumière aveuglante, il tombe par terre, il entend une voix, il demande ce qu'il doit faire. Ce n'est pas un chemin qu'on peut diviser et il n'y a pas de signes précurseurs. Ou bien quand les trois disciples sont au Thabor et qu'ils voient tout à coup devant eux un tableau de la réalité céleste, le Seigneur ne se sert pas de sa glorification pour leur faire des degrés qu'ils pourraient gravir jusqu'à son apparition, afin de leur permettre d'avoir une certaine vue d'ensemble (NB 5,27).

 

2140. La mystique : une expérience accordée par Dieu

Dans la prière la plus simple, Dieu peut offrir soudainement au mystique une lumière toute nouvelle si bien qu'il ne pourra plus jamais franchir ce seuil, ni jamais dire cette prière sans penser à cette expérience que Dieu lui a un jour accordée. Le Notre Père est un don du Seigneur pour tous les jours, qui ne peut jamais non plus être épuisé même par l'homme le plus religieux, et qui est capable de le tenir constamment éveillé. Le mystique peut dire le Notre Père comme toute autre personne pieuse et y découvrir tout d'un coup, par Dieu lui-même, non par ses propres efforts ou par ses propres intuitions, une profondeur toute neuve, il peut être transporté pour ainsi dire au centre de la vérité qui renouvelle la prière, pour lui et pour l’Église, à partir de sa source divine (NB 5,29-30).

 

2141. Des états mystiques qui surviennent dans la prière

Raymond Lulle (+ 1315). Ses états mystiques viennent sans doute la plupart du temps dans la prière - pas toujours -, mais alors soudainement ; ils le surprennent, ils l'entraînent avec force et il y a un long temps après-le séisme. Des détails, des précisions concernant les extases ne viennent souvent que dans ce temps de la prière subséquente (NB 1/1, 359).

 

2142. Grégoire le Grand (+ 604). La mystique n'est pas pour lui seulement théorie ; il a expérimenté beaucoup de choses (NB 1/1, 419).

 

2143. Angèle de Foligno (+ 1309). Angèle souffre beaucoup durant ses états mystiques ; elle ne se sent pas bien par exemple à la vue du mal, ou bien elle est transportée et enthousiasmée à la vue de Dieu (NB 1/1, 449).

 

2144. Dieu peut vouloir façonner le mystique avant de lui confier une nouvelle mission

On peut imaginer un mystique à qui pour un temps est imposé le silence et qui, durant ce temps, reçoit une série d'expériences qu'il doit amasser conformément à sa mission. Avec naturel et dans l'obéissance de toute son âme, il doit les juxtaposer telles qu'elles lui ont été transmises sans se mettre au centre, sans chercher à en saisir le fruit, sans poser d'autres questions. Pour le moment, il n'est pas chargé de communiquer ce qu'il a expérimenté, ni même d'en tirer des conclusions personnelles, il lui est uniquement indiqué qu'il a à percevoir et à ranger ce qui lui a été donné, dans la simplicité et l'obéissance. S'il satisfait exactement à cette mission, s'il la reçoit avec la mesure et le rythme dans lesquels elle a été donnée, sa disponibilité en sera accrue, son esprit éduqué ; et aussi bien dans l'expérience mystique que dans la vie terrestre, il devient ce que Dieu veut faire de lui. Il est vidé et il est façonné pour devenir le réceptacle dont Dieu a besoin. Il se peut que Dieu préférera procéder de la sorte un long temps avec lui pour éduquer son âme dans une certaine continuité. Un beau jour, peut être atteint le degré de saturation que Dieu souhaite et dont il pourra façonner une nouvelle mission (NB 5,239-240).

 

La personne du mystique

 

2145. Paul, premier mystique

Le Seigneur apparaît aux autres disciples devant leurs sens corporels même si ceux-ci sont élevés surnaturellement. A Paul, il apparaît dans une vision. Paul est ainsi le premier mystique ; il ne connaît donc pas encore de tradition dans ces choses. Il n’a donc pas compris qu’il n’est pas une exception. Il en fait quelque chose de personnel (NB 9, n. 1323).

 

2146. Les mystiques et les chrétiens ordinaires

On ne devrait pas faire une si grande différence entre les chrétiens qui ont reçu des dons mystiques et les chrétiens ordinaires. Peu importe au fond qui voit et qui ne voit pas. Avec une légère transposition, les mêmes règles sont valables pour le simple fidèle et pour le mystique : le même idéal de sainteté (tous les mystiques authentiques sont peut-être des saints, tous les priants chrétiens devraient être des saints), le même usage de la prière (non une prière pour soi-même, mais une prière qui peut se distribuer en Église), la même idée de la pénitence (NB 1/2, 228).

 

2147. Les mystiques : des frères et des sœurs dans la foi

Celui qui doit introduire quelqu'un dans la mystique et l'y guider n'a pas besoin de se comporter qualitativement d'une autre manière que celui qui doit introduire quelqu'un dans la prière et l'y guider. Si l'on comprenait cela, on cesserait de considérer les mystiques comme du sensationnel et on les traiterait aussi simplement que tout frère ou toute sœur dans la foi. La mystique alors pourrait aussi s'épanouir beaucoup plus normalement dans l’Église. Le sensationnel gâte tout, et il le fait soit par les fidèles, soit par le confesseur ou par le mystique lui-même s'il veut faire l'important ou présenter les choses sous un faux jour (NB 1/2, 228-229).

 

2148. La mystique n’a jamais le moi comme centre, un moi qui serait orné de grâces extraordinaires ; dans la mystique, le chrétien est bien plutôt dépersonnalisé et transformé par l’amour en une chose de Dieu et un complément de son royaume dans la communion des saints (NB 9, n. 1289).

 

2149. Dieu remplira d'amour le mystique, il le fera vivre totalement de l'amour divin, mais à la condition qu'il puisse l'avoir et le conduire dans une obéissance sans faille (NB 5,18).

 

2150. Le mystique et la nuit mystique

Job n'est pas un voyant ; sans le savoir, il porte à l'avance une part du destin du Christ. Dans l’Église, la mystique de Job trouvera sa continuation en tant qu'elle est une imitation de la passion ; seulement la plupart du temps quelque chose de johannique s'y trouvera aussi intégré parce que, même dans la nuit mystique, il y a un certain accompagnement de l’Église qui aime et comprend (NB 5,57-58).

 

2151. La nuit du mystique

C'est de la souffrance surhumaine du Fils que jaillit une étincelle sur ceux qui sont choisis pour l'accompagner dans la nuit. C'est à son abandon que ne cesse de s'allumer la souffrance de la nuit mystique. Pour celui qui passe par ce genre de souffrance, elle sera incompréhensible ; il ne saura plus non plus qu'elle est un don de Dieu et donc qu'elle signifie grâce et fécondité. Au moment de la souffrance, cette compréhension fait défaut, tout comme le Père était absent à la croix (NB 5,106).

 

2152. Dans la mystique, il n'y a pas de nuit qui serait sans jour, il n'y a pas non plus de sainteté qui ne serait pas née de l'obscurité (NB 5,120-121).

 

2153. L’angoisse mystique

Le fait que le Seigneur reste avec nous jusqu'à la fin des jours garantit la possibilité de l'angoisse mystique dans tous les siècles de l’Église. Le Seigneur ne cesse pas d'offrir quelque chose de sa propre angoisse. L'attitude dans cette angoisse est caractérisée une fois pour toutes au mont des oliviers : c'est un engagement dans la volonté du Père avec la conscience de la résistance de sa propre volonté (NB 5,94).

 

2154. La conscience du mystique

Quand un mystique reçoit une vision, il cherche son sens. Celui-ci peut lui être donné en même temps et il peut vivre dans une sorte de bonne intelligence avec la vision, ne faire qu'un avec ce qu'il a vu et expérimenté. Il peut être convaincu d'emblée de la justesse de ce qu'il a vu et attendre son fruit. Mais si c'est une mystique d'angoisse, il ne peut s'attendre à aucun fruit, ni non plus voir l'authenticité de l'angoisse. Il ne trouve pas d'indices qui pourraient apaiser son angoisse en lui assurant son authenticité. Il est au contraire si convaincu de l'inauthenticité et de l'incongruité de ce qu'il expérimente qu'il ne peut ni l'accepter, ni l'expliquer, ni le porter, et cela augmente l'angoisse que Dieu lui a imposée. L'expérience angoissée du péché faite par le Seigneur signifie combien grand est le péché ! Pour le mystique, elle signifie : Combien grande est mon indignité ! Si grande que ça ne peut pas marcher. Peut-être voudrait-il payer quelque chose avec le Seigneur pour le péché des autres, pour le péché du monde. Mais son propre péché lui semble le lui interdire. Ainsi ce qui, dans la conscience du mystique, le sépare irrémédiablement du Seigneur souffrant, est cependant, une fois encore sans qu'il sache comment, en relation avec lui. L'angoisse qu'il connaît lui est imposée telle qu'elle est (NB 5,103-104).

 

2155. L’expérience mystique

Le Fils révèle deux choses dans son attitude. D'abord que l'homme attend aussi de Dieu de l'inattendu, ou s'il ne l'attend pas, il lui laisse du moins une place dans sa foi et son obéissance. L'obéissance a une souplesse, une plasticité, qui laisse à Dieu toute liberté de changer son orientation. L'obéissance peut être orientée dans une direction et y marcher à grands pas au risque qu'elle doive faire machine arrière et qu'un tout autre chemin lui soit enjoint. Cette maniabilité n'empêche pas l'expérience d'une tension entre "ma volonté" et "ta volonté". Car la volonté divine dépasse toujours à l'infini la volonté humaine ; la volonté humaine ne pourra jamais saisir totalement la volonté divine, entre nature et surnature il y a un écart qu'on ne peut pas combler. C'est ce qui est montré dans le Fils qui souffre pour que le mystique ne s'effraie pas au cas où il voit qu'on lui en demande trop, et plus encore au cas où, dans l'angoisse qui s'ensuit, il se sent incapable de saisir la cohérence de son angoisse, quand il confond un peu sa propre angoisse avec celle que Dieu lui impose, sa peur de lui-même et sa peur de ne pas être à la hauteur, avec l'angoisse qui tourmente le Seigneur angoissé par la croix (NB 5,93-94).

 

2156. En dehors de l’Église, il n’y a pas de vraie mystique, sauf exception, comme voie directe vers l’Église comme ce fut le cas pour Adrienne. Mais c’est très rare (NB 9, n. 1637).

 

La mission du mystique

 

2157. Le mystique doit transmettre

Ce que le mystique est pour lui-même perd tout intérêt parce que maintenant il doit devenir totalement fonction de sa vision. Parce que finalement celle-ci ne lui est pas destinée et qu'il doit la transmettre et la laisser devenir féconde d'une manière ou d'une autre - étant donné qu'elle appartient à l’Église -, il n'est lui-même qu'un instrument dans la main de Dieu, et tous ses efforts doivent consister à ne pas troubler la transparence dont Dieu a besoin, à écarter du chemin tous les obstacles. Et si Dieu veut lui attribuer une nouvelle compréhension et une nouvelle profondeur, le mystique n'a aucunement à opposer ses propres exigences (par humilité par exemple) à cette exigence de Dieu. Il ne doit pas seulement accepter de disparaître si Dieu le veut, mais aussi accepter de se laisser totalement réduire et reconstruire. Il serait mauvais pour lui, par un faux zèle, de vouloir assurer une place à ses propres désirs ou à ceux qu'il tient pour tels. C'est Dieu seul qui organise et dispose. C'est Dieu aussi qui dirige la vision : il la donne telle qu'il l'a prévue et en même temps telle qu'elle doit être reçue. Ce qui est caractéristique, c'est que ce qui est vu ne se trouve pas dans le voyant lui-même, bien que ce soient les yeux de la foi qui voient. Ce qu'il voit se trouve à une certaine distance, mais qui peut se réduire au point qu'il puisse le toucher ; il ne prétendra jamais cependant qu'il a "au plus intime de lui-même", en son propre moi, le Seigneur ou la Mère de Dieu ou quoi que ce soit de surnaturel. Il peut être touché par ce qu'il voit comme par un éclair ou en être fasciné, ou bien il peut toucher le vêtement du Seigneur, mais il ne peut éprouver tout cela en lui-même. Ce qu'il appelle son moi est totalement dans la vison, il s'y est perdu en quelque sorte. Il perçoit dans la mesure où il s'oublie et doit s'oublier lui-même (NB 5,237).

 

2158. Le mystique : pure transmission

L'oubli de soi du mystique fonde finalement la possibilité qu'il puisse apporter à d'autres, sous la forme d'expériences surnaturelles transformées, les visions à lui destinées, et devenir de la sorte une pure "transmission" (NB 5,238).


 

2159. Les visions mystiques doivent être communiquées à l’Église, le mystique n’a pas le droit de les garder pour lui. Elles doivent être rapportées tout aussi objectivement que l’on confesse ses péchés (NB 9, n. 1383).


 

2160. Le mystique doit traduire ici-bas quelque chose de la plénitude qu’il a expérimentée

Le mystique doit apporter ici-bas, dans une sorte de traduction, quelque chose de la plénitude céleste, ou compléter les choses de ce monde pour les mettre à la hauteur de la plénitude de l'au-delà. Quand par exemple il a à interpréter, pour lui ou pour d'autres, une partie de la doctrine chrétienne, il doit faire entrer dans l'inexpérience du monde quelque chose de ce qu'il a expérimenté, revêtir de mots terrestres quelque chose de ce qu'il a expérimenté dans le ciel, aider ainsi à remplir avec son apport propre la cassure qui existe entre ciel et terre. Mais un apport de ce genre doit toujours se faire dans une stricte obéissance et ne jamais s'en tenir à ses propres dimensions. On ne doit pas non plus chercher à préciser les dimensions de la cassure pour évaluer en conséquence l'effort requis. Le mystique sait justement que l'adaptation est grâce et qu'on ne requiert de lui que sa totale disponibilité. En traduisant, il peut ressentir à l'occasion une petite incertitude qui lui rappelle sa faiblesse humaine ; mais s'il est dans la pure obéissance, cela ne provoquera en lui ni rupture, ni schizophrénie, cela ne l'occupera pas au point que son travail terrestre en souffre, ni non plus l’œuvre que Dieu lui a imposée. La traduction de ce qui a été expérimenté dans le ciel se fait dans la paix. La paix non dans le sens d'un délice ou d'une certitude plus grande dans la prière, mais une paix telle que la possède quiconque renonce à lui-même, vit et travaille en Dieu, ne se donne à lui-même aucune importance, reçoit et accomplit chacune de ses tâches comme un enfant de Dieu. Il ne vit pas dans un combat quotidien entre sa volonté d'être adulte et son devoir d'être enfant, il se sait placé réellement à la place d'un enfant, et il vit par conséquent naturellement, comme si ça allait de soi et satisfait, aussi longtemps que Dieu lui laisse cette paix. De même que pour un enfant se succèdent le jour et la nuit, le temps du jeu et le temps des devoirs, de même pour l'enfant de Dieu alternent les temps de la vision mystique et de l'existence ordinaire en ce monde, quelle que soit la manière dont Dieu puisse régler pour chacun cette alternance. Cette régulation de Dieu peut être ressentie comme naturelle ; ce sens du naturel, le mystique l'emportera avec lui du ciel sur la terre, il le reprendra aussi pour aller de la terre au ciel, dans une indifférence qui provient de Dieu lui-même et que seule la désobéissance pourrait ébranler (NB 5,240-241).


 

2161. Le mystique qui est en extase est un interprète à la manière dont les prophètes dans la Bible étaient des interprètes (NB 5,247).

 

2162. Le mystique a à transmettre quelque chose de la lumière de Dieu

Comment Dieu Père, Fils et Esprit se comportent-ils eux-mêmes envers le monde, nous ne pouvons pas nous en faire une idée. En tant que croyants, nous pouvons croire aux mystères de Dieu et les tenir pour vrais. Mais Dieu, quand il le veut, peut donner très soudainement à l'homme une illumination sur la manière dont Dieu se comporte envers les hommes, et non seulement sur la manière dont l'homme vit pour Dieu. Vue ainsi, la mystique est un événement-source, mais un événement sans réponse, quelque chose que Dieu fait bien qu'il sache qu'il ne peut en recevoir aucune réponse. Dieu Trinité qui est sur le point de créer est encore tout à fait seul ; aucun homme n'est là qui pourrait répondre à cet acte trinitaire : personne ne peut observer l'Esprit planant sur l'abîme ni la présence du Fils et, encore moins, sa propre création par Dieu. Ce que Dieu est en lui-même dépasse tellement la créature qu'il lui est impossible de l'enfermer dans des notions et dans des termes finis, ce n'est qu'indirectement qu'elle peut saisir et transmettre quelque chose de la lumière que Dieu veut bien lui communiquer (NB 5,41).

 

2163. Le mystique a une mission

De même que, sur la croix, le Fils ramène au Père ceux qui ont été marqués par lui comme étant ceux qu'il a sauvés, de même le Fils apporte à son Père ceux qui ont été choisis par le Père pour la mystique. Cela n'exclut pas qu'une vision ou une audition semble parfois avoir lieu apparemment tout à fait dans l'espace terrestre où se trouve justement le mystique. Mais ce n'est qu'une apparence. Il y a des mystiques qui sont allés avec le Seigneur dans tous les lieux possibles, qui ont vécu les états les plus divers, de la nuit intérieure la plus profonde à l'amour le plus brûlant ; tout pourtant ne faisait qu'un avec la même mission (NB 5,18).

 

2164. Le mystique sait que Dieu tient en main sa mission

Tant qu'il obéit, le mystique ne peut pas perdre sa mission, c'est pourquoi il n'a jamais besoin de s'inquiéter, car le lieu de sa mission se trouve en Dieu et il est en mesure d'y persévérer en s'abandonnant et en obéissant. Jamais il n'obéit à une mission qu'il aurait imaginée lui-même, il n'obéit toujours qu'à une mission en Dieu. Il y vit comme un nomade sans savoir à quel moment les tentes seront démontées et où il faudra changer de lieu. Mais il sait très bien que Dieu tient en main sa mission, la conduit et la règle (NB 5,18-19).

 

2165. La mission mystique est une participation à la mission du Fils : il l'a accomplie en totalité dans une obéissance absolue (NB 5,19).

 

2166. La mission mystique est traversée par le souffle de l'Esprit qui souffle où il veut, afin que la mission demeure toujours vivante et puisse se présenter à tout instant avec ses exigences inévitables (NB 5,19).

 

2167. Le Fils partage sa mission aux mystiques

La mission mystique est une participation à la mission du Fils : il l'a accomplie en totalité dans une obéissance absolue. De même que le Fils n'a pas voulu vivre sa croix dans la solitude mais qu'il y invita sa Mère, Jean, Madeleine et les autres femmes, de même qu'il prit avec lui ses disciples au mont des oliviers, de même il considère sa mission tout entière comme quelque chose qu'il peut partager. Il la laisse ouverte pour que les croyants puissent y puiser ; il l'ouvre aussi de manière particulière pour que les mystiques puissent s'y mettre en sûreté. Les autres chrétiens ont davantage le droit de choisir et de discuter, c'est pourquoi leur participation à la mission du Seigneur est plus superficielle, plus sporadique. Celui qui est invité à une participation mystique perd ce droit de choisir, il ne lui est plus permis d'avoir de préférences, il est associé de la manière la plus stricte à l'obéissance du Fils à l'égard du Père (NB 5,19).

 

2168. La mission mystique est traversée par le souffle de l’Esprit

La mission mystique est animée par la vie du Fils dans le Père, elle est traversée par le souffle de l'Esprit qui souffle où il veut, afin que la mission demeure toujours vivante et puisse se présenter à tout instant avec ses exigences inévitables. Cette exigence est même au fond toujours présente dans l'exercice de l'obéissance. La prière du mystique également est tellement absorbée par sa mission et soumise à elle qu'elle est très souvent infléchie : il voulait demander ceci et il doit demander cela. Quand ce genre d'impératif survient dans la prière, l'orant sait alors en toute certitude que Dieu veut lui communiquer quelque chose d'unique, au moins pour lui. Il sait aussi que la mise à l'épreuve de son obéissance ne se fera jamais attendre longtemps et que des signes ne cesseront de se présenter. Aucune grâce mystique ne vit uniquement de la nuit de la croix, elle vit aussi de la résurrection du Seigneur. La prière peut ainsi être quelque chose que le mystique offre à Dieu, dans l'obscurité la plus profonde peut-être, pour qu'elle soit éveillée à ce que le Seigneur exige d'elle, souvent si indépendamment de celui qui prie qu'il ne ressent pas du tout lui-même le changement qui s'opère. Un Jean de la croix peut prier dans la nuit la plus profonde, avec le sentiment d'être totalement abandonné, et sa prière mourante, précisément quand il n'est plus guère capable de l'exprimer, est transformée en un instant en un jaillissement de vie des plus forts, comme le fruit - pour l’Église et pour l'éternité - d'une semence qui semblait condamnée justement à une totale stérilité (NB 5,19-20).

 

2169. Inspiration et extase : les deux, en vue d’une mission

Il y a des points de contact entre l'inspiration et l'extase. L'inspiration peut nous absorber si totalement qu'on ne touche plus ce monde que du bout du doigt, tout le reste est fermé. Ou au contraire, on n'est dans l'inspiration qu'avec un petit bout du doigt et tout le reste est ici-bas. Mais on ne peut pas dire que le premier mode soit qualitativement meilleur que le second. Le premier est plus proche de l’extase. Ce que l'inspiration et l’extase ont de commun, c'est que les deux ont lieu en vue d'une mission et à vrai dire la mission s'étend dans le temps au-delà de ces deux modes (NB 5,206).

 

2170. Rôle de la mystique : vivifier la vérité supra-temporelle présente dans l’Eglise

Tous les mystiques authentiques ont vu et expérimenté des choses qui sont chrétiennement centrales, s'appuient sur la Révélation, en font comprendre des aspects auxquels on fait peu ou pas attention ; et malgré tout ce qu'il y a d'extraordinaire chez les mystiques, ces aspects sont toujours tout simplement en harmonie avec l'ensemble. Ceux qui font ces expériences doivent essayer d'exprimer ces choses de telle manière qu'il en sorte quelque chose de fécond pour l’Église. Dans leur ensemble, elles ont pour fonction de vivifier la vérité supra-temporelle présente dans l’Église et de l'approfondir pour la foi (NB 5,29).

 

2171. La parole de la mystique passe comme un éclair (NB 5,99).

 

2172. Toute la "mystique" de l’apôtre Jean consiste pour lui à aimer le Seigneur et à être aimé par lui (NB 2,162).

 

2173. Jeanne d’Arc, comme une prophétesse

L’obéissance de Jeanne d’Arc se rattache à ce qu'elle a entendu. Il y a dans cette écoute quelque chose de vétérotestamentaire si bien qu'elle est comme une prophétesse qui écoute attentivement la parole et la transforme en histoire. Vétérotestamentaire aussi dans la mesure où la promesse qu'elle perçoit et le succès de ses actions dépendent d'une obéissance tout à fait indifférenciée (NB 2,169).

 

2174. Le mystique est, comme le prophète et l'apocalypticien de la Bible, avant tout un "serviteur de Jésus" même quand il s'appelle Jean (Ap 1,1) et qu'il est appelé pour transmettre quelque chose à l’Église (NB 1/1, 16).

 

2175. Les mystiques : des créatures introduites dans les mystères de Dieu

Dans les mystiques, Gerson voit des personnes qui ont eu la chance de posséder réellement l'au-delà dès ici-bas ; dans l'évidence de tous les jours, ils pouvaient voir s'ouvrir les mystères de Dieu ; quelque chose de l'être illimité de Dieu leur était accessible dans la foi ; en tant que créatures de Dieu, ils pouvaient être introduits dans la vérité de leur Créateur (NB 1/1, 106).

 

2176. Les grâces mystiques sont personnelles (NB 1/1, 106).

 

2177. Le sens principal de telle mission mystique précise est de révéler les relations de la Trinité au Fils devenu homme aussi bien que les relations de la Trinité à l'homme (NB 2,89).

 

2178. La mission mystique de Bernadette ne se limite pas à ce qui est marial

Quand Bernadette voit la Mère du Seigneur, le culte de la Mère dans l’Église en est certes rendu plus vivant ; et pourtant une mission mystique ne se limite jamais à ce qui est marial ; par Marie elle renvoie au Fils, par le Fils elle renvoie au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but trinitaire aussi bien qu'un but ecclésial, tout ce qui se trouve à la lisière est complément et décor et doit toujours être compris et lu en vue du centre : l'amour trinitaire qui, par la révélation chrétienne, veut se créer dans l’Église une nouvelle compréhension et un nouvel amour (NB 5,85).

 

2179. Gerson estime que beaucoup de choses devraient être puisées pour aujourd'hui dans les mystiques du passé (NB 1/1, 106).

 

Pourquoi des mystiques dans l’Église ?

 

2180. Pourquoi des révélations privées dans l’Église puisque tout est déjà dit dans la Bible ?

L'homme qui prend radicalement position contre tout ce qui est vision dit en quelque sorte : "Tout est déjà dit dans la Bible, pourquoi des révélations privées ? Elles ne peuvent provenir que du Mauvais !" L'homme qui rejette la mission est dans la désobéissance vis-à-vis de Dieu (NB 4,384).

 

2181. Ce qui est mystique se réfère à la foi de l’Église

Pour ceux qui ont des visions dans le cadre de l’Église, il est clair que ce qui est mystique se réfère à la foi et a besoin d'elle sans que la foi par elle-même puisse exiger une expérience mystique (NB 5,78).

 

2182. Dans l’Église, il y a davantage qu’en chacun de ceux qui reçoivent des grâces mystiques

L’Église ne cessera de recevoir ce qui lui revient, justement dans les cas d'expérience mystique et pourtant, tout en la recevant, elle ne saura pas comment cela lui arrive parce qu'en elle-même il se passe davantage de choses qu'en chacun de ceux qui reçoivent des grâces mystiques (NB 5,79).

 

2183. C'est en partant de la Pentecôte que l'expérience mystique montre de manière nouvelle son sens dans l’Église, son sens pour l'individu et pour tous (NB 5,146).

 

2184. La mystique appartient à l’Eglise

L'angoisse de Pierre quand il marche sur les eaux, sa mise à l'épreuve aussi bien que sa joie finale, sont des éléments de la mystique dans l’Église : ils peuvent se présenter et se combiner des manières les plus diverses si bien que chacun de ceux qui reçoivent une grâce mystique peut s'y reconnaître ; pour chacun, cette grâce veut dire une marche sur les eaux, une vision, une angoisse, un sauvetage par le Seigneur. Avant tout elle signifie une intelligence nouvelle et enrichie, mais une intelligence qui n'appartient jamais en propre à une personne, elle appartient à l’Église (NB 5,80).

 

2185. Ceux qui s’arrogent le droit de négliger ce qui est mystique

Nombre de confesseurs ont eu affaire à des visionnaires. Ils se sentent liés à l'évangile, mais non à l'Apocalypse. Pour eux, l'Apocalypse n'est plus l’Évangile. Ils construisent un mur autour d'eux, ils ne veulent rien savoir de ces choses. Ils ont la foi, mais avec une incroyance partielle. Ils sélectionnent, ils s'arrogent le droit de simplement négliger ce qui est mystique dans l’Église, peut-être même de l'anéantir. Et comme ils représentent la main de l’Église, ils ont le pouvoir d'étouffer réellement. Il y a eu beaucoup de visions authentiques qui n'ont pas été jugées parce que personne ne voulait entendre et admettre quelque chose (NB 4,384).

 

2186. La mystique : pour rapprocher l’homme de Dieu

Dans la mystique, il y a une consolation. Une consolation qui est adaptée aussi bien à la grandeur de Dieu qu'à la faiblesse de l'homme. Elle est là quand l'homme, avec ses limites et sa caducité, a perdu l'accès à Dieu, elle lui communique des choses qui sont nécessaires dans deux directions pour l'encourager et le rapprocher de Dieu ; elle lui donne ce dont il a besoin pour rester vivant, mais aussi ce dont il a besoin pour pouvoir mourir en chrétien. Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir ; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer. Il n'est pas nécessaire de montrer encore une fois la même chose aux martyrs qui viendront par la suite ; il suffit que le premier martyr l'ait vu. C'est en le sachant qu'ils peuvent se préparer à la mort (NB 5,35-36).

 

2187. La mystique : pour comprendre que la parole du Fils est toujours nouvelle

Ce qui est mystique apparaît souvent dans le cadre d'une prière précise qui est la réponse à une demande du Seigneur de veiller avec lui. Comme si, pour présenter au Père son œuvre complète, pour garder en vie son Église, pour dévoiler sans cesse la doctrine chrétienne dans toute son ampleur, le Fils devait avoir des hommes qui se laissent secouer, qui sont décidés à veiller et sont capables non seulement d'entendre sa parole ordinaire mais, par une extension toute gratuite de tous leurs sens, sont capables de comprendre que sa parole est toujours nouvelle, toujours autre, toujours plus grande. Et ceci finalement non pour eux-mêmes mais pour l’Église (NB 5,100).

 

2188. En extase dans le ciel, progressivement, bien des choses sont comprises de plus en plus telles qu'elles sont en Dieu (NB 5,286).

 

2189. La mystique : pour une intelligence plus profonde de la parole de l’Écriture

Il serait vain pour un mystique de vouloir décrire de long en large l'un ou l'autre fait extérieur, qui est tout au plus mentionné en passant par l’Écriture et d'y ajouter peut-être des choses si on n'en voyait pas tout de suite le sens chrétien et la justesse, si on ne voyait pas que l'interprétation apporte une intelligence plus profonde de la parole. Il serait tout à fait inutile qu'une vision nous apprenne le nombre de rameaux de palme qui ont été portés quand le Seigneur fit son entrée à Jérusalem, au lieu de faire découvrir à l’Église et aux croyants un sens nouveau de l'événement, spirituel et utile, et de le leur transmettre (NB 5,136-137).

 

2190. La mystique : pour un renouvellement de ce qui est devenu ordinaire

Le Seigneur a institué le sacrement du baptême comme règle ecclésiale ; mais les humains en font quelque chose d'ordinaire qui est d'usage. C'est ici que la mystique, qui est riche en extraordinaire, est l’occasion d'un renouvellement de ce qui est devenu ordinaire, elle est pour ainsi dire un baptême de l'ordinaire par ce qui dépasse l'ordinaire. A sa lumière, le baptême ne doit pas seulement être compris comme un sacrement individuel pour le chrétien, mais comme l'intervention toujours nouvelle du Seigneur dans son Église afin qu'elle vive totalement de sa vie à lui et non de la sienne (NB 5,139-140).

 

2191. La mystique a dans l’Église une fonction d'incarnation

Quand deux êtres qui s'aiment se dévoilent l'un à l'autre, ils ne veulent pas se montrer leur corps mais avant tout leur amour. C'est à partir d'ici qu'on peut mieux comprendre les visions dans l’Église. Quand il est donné à quelqu'un de voir la Mère de Dieu, cela rend plus concret son amour : on en avait certes une certaine conscience mais, du fait qu'elle se dévoile, on reçoit - au nom de toute l’Église – des sens tout nouveaux. Il suffit que quelqu’un l'ait vue : le Seigneur lui-même ici-bas ou Jean ou quelqu'un à qui elle est apparue plus tard. Elle est réellement visible, et cela me suffit. La mystique a dans l’Église une fonction d'incarnation (NB 12,120-121).

 

2192. La mystique dans l’Église : pour enrichir le trésor de la foi de l’Eglise

Quand Paul s'est converti, la vision de Damas est décisive pour sa foi. Vision et foi coïncident, si bien qu'on ne peut pas contester que la vision soit à l'origine de la foi. Mais c'est un cas extrêmement rare. La plupart du temps, la vision ne sert pas à engendrer la foi de celui qui voit ou à l'augmenter, mais à enrichir le trésor de la foi de l’Église. Cette utilisation provient essentiellement du Seigneur. C'est lui qui en décide. Quand, dans les paraboles par exemple, il parle aux apôtres de la réalité céleste, une réalité qu'il connaît de toute éternité, c'est pour donner à la foi de l’Église une nouvelle dimension, pour assurer à la communion des saints un droit de cité au ciel (NB 6,190).


 

2193. La mystique : pour la vitalité véritable de la foi

Quelle autorité ont réellement dans l’Église les révélations privées, et quelle autorité doivent-elles avoir ? Il y a des révélations qui sont vraiment pleines de sève et de vitalité. L’Église est toujours d'une certaine manière occupée à ce qui est desséché, et elle a besoin d'une arrivée de vie nouvelle. Quand des révélations privées pleines de vie sont rejetées par les croyants, il y a toujours derrière cela un rejet de la vitalité véritable de la foi. Que l’Église, officiellement, n'ait très souvent pour ces choses qu'un "Nihil obstat" et ne s'engage pas plus, n'est certes pas très réjouissant ; mais on doit penser qu'il serait beaucoup plus épouvantable que de fausses révélations soient confirmées (NB 11,424-425).

 

2194. Les expériences mystiques : pour accéder à la totalité de la vérité chrétienne

Si, dans l'ancienne Alliance, la voix du Père s'est fait entendre et si des prophéties y ont été lancées, leur sens était clair pour les prophètes, du moins leur sens apparent. Ils comprenaient la parole du Seigneur qu'ils devaient annoncer. Il s'agissait de quelque chose de précis : menace, châtiment, consolation, promesse. Dans la nouvelle Alliance, le terme de mystique n'a plus une acception aussi limitée. C'est pourquoi ceux qui en sont bénéficiaires ne savent pas du tout, dans un premier temps, de quoi il s'agit. Le contenu, c'est d'abord la totalité de la vérité chrétienne, il est donc identique aux dimensions de la foi. Mais cela, de manière cachée, voilée, secrète ; ce n'est qu'ensuite que se dévoile pour un instant l'une ou l'autre vérité, l'une ou l'autre exigence. Un aspect de la doctrine, mais sous un éclairage nouveau. Et la nouveauté veut chaque fois dire : don de soi, mais don de soi à l'invisible, au-delà de tout ce qui est visible. Et dans ce but, toute la visibilité de la foi est rendue invisible pour un instant, si bien que, dans l'expérience mystique, seule ressort l'urgence de l'exigence et que le mystique se sent saisi par une vérité qui lui paraît si neuve qu'au début il n'est pas capable de l'identifier. Si ce qu'il a vu est authentique, l'identification peut être examinée sans problème par la foi. Mais subjectivement, il faudrait que devienne visible maintenant ce que la vérité a de toujours nouveau : c'est pour cela que le Seigneur a donné les expériences mystiques à son Église (NB 5,100-101).

 

2195. La mystique : pour vivifier la foi de l'ensemble de l’Église

Tout mystique est captivé un certain temps par ce qu'il voit et entend de l'au-delà et, comme les apôtres au Thabor, il veut rester dans les hauteurs. Mais s'il ne veut pas porter préjudice à sa mission mystique, il ne doit pas oublier que le Seigneur est le centre de toute vision chrétienne, que la sphère surnaturelle du Seigneur constitue le principal et que l'apparition des prophètes était peut-être surtout une concession à la compréhension limitée des disciples et du mystique. Tout ce qui apparaît à la lisière est fait pour renvoyer au centre, Jésus Christ, tout tableau est fait pour glorifier le Père par le Fils et pour assurer à l'Esprit Saint dans l'esprit du mystique une place nouvelle à partir de laquelle il veut vivifier la foi de l'ensemble de l’Église (NB 5,85).

 

2196. Rendre l’expérience mystique féconde pour l’Eglise

Parce que, dans l’Église, rien n'est purement personnel au fond, mais que l’Église a aussi pour tâche de rendre ses membres catholiques, de limiter ce qui est personnel afin que cela devienne chrétiennement utile à tous, ecclésial et fécond dans l’Église, il n'est possible à aucune expérience mystique de se soustraire à un accompagnement et à une direction de l'Église. Que la direction soit continue ou que des accompagnements occasionnels finissent par former un tout, le but doit toujours être de rendre l'expérience mystique aussi féconde que possible pour l’Église (NB 5,122-123).

 

2197. Parole d’Adrienne en extase : « L'extase ouvre tout un domaine du ciel éternel » (NB 5,246).


 

2198. La mystique : le monde céleste devient accessible

Si dans la nature de quelqu'un qui prie il y a beaucoup de réalité surnaturelle qui est présente, vient un moment où la grâce l'emporte sur la nature, où la nature n'utilise plus la grâce pour celui-ci ou celui-là, mais où la nature devient une fonction de la surnature. Quand cette prédominance de la surnature atteint le point déterminé par Dieu, alors, si Dieu le veut, les sens aussi peuvent être touchés par la grâce de telle sorte que le monde céleste devient accessible, que soit franchie la limite de ce qu'on appelle la mystique (NB 6,63).

 

2199. La mystique : pour donner aux chrétiens part au ciel dès ici-bas

La mystique est aussi donnée pour dilater la vie des chrétiens, pour leur donner part au ciel dès ici-bas sans que cette part leur permette d'en percer tous les secrets. Bien des chrétiens pour qui tout est en règle ici-bas cherchent à se tailler les choses de la révélation et de l’Église à leur propre mesure, à les rapetisser, à les rendre sans surprises et banales, pour s'installer non seulement ici-bas mais déjà par avance dans l'au-delà, pour se mettre à l'abri de tout imprévu. C'est contre cela surtout que se tourne la mystique. Les choses de Dieu doivent garder la mesure de Dieu. Il faut que toute installation soit ébranlée. La nouveauté de Dieu ne doit pas seulement être annoncée, elle doit être manifeste. Cette nouveauté se trouve toujours dans le ciel et dans l'éternité ; mais déjà les petits aperçus qui en sont accessibles au mystique sont si inattendus et si hors normes que tout croyant comprend que dans l'éternité - qui est toujours plus grande - il faut encore s'attendre à des choses beaucoup plus inconcevables, non avec une vague et molle attente de l'esprit qui consentirait à cette possibilité, mais avec la joyeuse espérance de celui qui est au courant. Le mystique se rend bien compte - et tout chrétien devrait le savoir avec lui - que sa parole est éloignée de la Parole de Dieu de toute la distance qui sépare l'homme de Dieu et que non seulement chaque parole de la vie éternelle signifie plus que ce qu'on peut en penser et en dire, mais aussi plus que toute vision et toute expérience qui sont accordées à un homme ici-bas (NB 5,36-37).

 

2200. Les visions des mystiques ouvrent le ciel

Les visions des mystiques ne cessent d'ouvrir le ciel. Le Père lui-même ne se montre jamais. Il montre le Fils, la Mère de Dieu, etc., toujours de telle sorte que tout renvoie à lui. On devrait toujours mieux apprendre à voir le ciel tout entier en chaque détail qu'offre une vision (NB 5,183).

 

2201. La vision (du mystique) est participation à quelque chose qui se passe au ciel (NB 5,212).

 

2202. Vision des mystiques : le ciel s’ouvre et se penche

La vision des mystiques est un événement complexe : le ciel s'ouvre et se penche, et l'homme est emporté dans cette région. Nous devons assimiler ce qui est montré au moyen de ce qui nous est donné pour cela. Ainsi les apôtres lors de la transfiguration du Seigneur. Il y a un endroit où le ciel et la terre se rencontrent (NB 5,194).

 

2203. La mystique : pour une nouvelle plénitude de connaissance trinitaire

L'expérience de Dieu particulière - on peut l'appeler mystique - doit être aussitôt utilisée pour une mission qui concerne les hommes : ils doivent être conduits à Dieu d'une manière plus profonde que jusqu'alors. Dans ce cas, le fruit de la mystique va en quelque sorte de la terre au ciel. Mais il y a aussi le contraire. L'expérience mystique produit en elle-même une nouvelle plénitude de connaissance trinitaire. Dieu veut révéler la Trinité plus profondément, comme un but en soi pour ainsi dire. Celui qui est chargé de cette révélation doit l'exposer, il doit s'appliquer à interpréter ce qu'il a vu et entendu, non pour parvenir pour lui-même à une intelligence plus claire, mais pour les autres. C'est sa mission de s'appliquer à la connaissance de Dieu. Et le fruit, Dieu le prodiguera de manière nouvelle, il donnera à d'autres ce surcroît de connaissance, et le chemin qui mène à lui sera visible pour d'autres générations ou pour des lieux tout autres qu'au point de départ (NB 5,38-39).

 

2204. La mystique : l’Église a besoin de nouvelles sources de vie

Considérer les grâces mystiques qui ont été dispensées après la vie terrestre du Fils permet de découvrir des domaines toujours nouveaux, de saisir des points de vue nouveaux qui donnent un nouveau relief à ce qu'il y avait de sacrifice dans la vie du Christ. L’Église ne sombre pas, mais elle subit bien des dommages. La vie mystique est là pour y remédier : avec une plénitude qui correspond à la plénitude débordante des dons du Seigneur, avec une intelligence qui ne cesse d'être stimulée par l'intelligence de l'Esprit Saint. L’Église a besoin de nouvelles sources de vie et, parce qu'elle est là pour les hommes, elle reçoit du ciel cette vie non seulement d'une manière invisible et insaisissable, mais aussi de telle sorte que les croyants peuvent voir quelque chose de son origine céleste. Car les chrétiens eux-mêmes doivent porter du fruit dans cette vie, s'offrir en sacrifice avec le Seigneur, coopérer aussi à ses miracles, ils doivent sentir que la force de Dieu les soutient, que des forces qui sortent d'eux entrent aussi dans l’Église afin qu'elle se révèle être vivante selon la mission qu'elle a reçue du Seigneur (NB 5,75).

 

2205. Un plus est donné aux croyants dans les expériences mystiques

On peut comprendre le cadeau de la mystique comme ceci : en s'incarnant, le Fils renonce à quelque chose de céleste pour le donner aux hommes. On ne peut pas évaluer ce don : comme si, par exemple, la foi plus l'expérience mystique correspondaient à ce que le Fils garde de céleste après son incarnation. Ce genre de calcul est faux. Mais il s'y trouve quand même quelque chose de juste : tandis que le Fils se prive d'un bien en devenant homme, un plus est donné au croyant dans les expériences mystiques (NB 5,73).

 

2206. La mystique dépasse le monde de la foi

Il y a sans doute des preuves extérieures de la justesse de ce qui est mystique, ce ne sont pas seulement des preuves de foi, mais elles confirment de manière si évidente ce qui a été dit que même des non-croyants en sont touchés. La mystique dépasse le monde de la foi ; d'abord par en haut, quand se produit l'inattendu, l'inexplicable, mais aussi indirectement, quand un non-croyant par exemple fait l'expérience que des prophéties s'accomplissent : les années grasses et les années maigres, l'absence de pluies et le tarissement des sources, l'accomplissement de menaces ; des événements de ce genre, qui se produisent à l'improviste comme des confirmations, sont vécus le plus souvent par le mystique lui-même comme des actes de puissance dont la vérité élargit le domaine de vérité de la foi si bien que le mystique se sent transporté dans un monde nouveau. Les limites des sens, des yeux et des oreilles, semblent repoussées au-delà de leur domaine habituel : on entend "comme" une voix, on voit "comme" une flamme, on entend "comme" un coup de tonnerre, etc. Le "comme" exprime que la parole humaine devient muette devant la parole divine, que les formes bien établies de la compréhension humaine sont dépassées, que même la foi la plus accomplie n'arrive plus à exprimer ce qui a été vécu (NB 5,49-50).

 

2207. La mystique : un cadeau à l’Église en vue de l’éternité

Parce que le Seigneur a confié aux hommes son épouse, l’Église, et que les hommes restent pécheurs, il doit donner à cette Église une vie constamment jaillissante La mystique chrétienne est un cadeau à l’Église, un don qui échappe à toute mainmise, que Dieu distribue librement à ceux qu'il a choisis pour cela, non en vue d'un terme, mais par l’Église en vue de l'éternité. La vie mystique est un plus qui est donné, une surabondance qui est soustraite au péché, soustraite à la finitude, soustraite à l'éphémère, mais qui est pourtant distribuée dans le fini et l'éphémère pour que l'infini et l'éternité rayonnent pour la foi d'une lumière nouvelle (NB 5,73).

 

2208. La mystique : l’extraordinaire et la foi de tous les jours

Tous les mystiques feront l'expérience qu'à côté de l'extraordinaire ils sont toujours renvoyés de multiples manières à ce qu'ils connaissent depuis longtemps de la doctrine et de la vie chrétiennes pour justement le remplir aussi d'une vie nouvelle. Dans leurs visions et leurs autres expériences mystiques, il y a bien des choses qui semblent tout d'abord être secondaires ou n'être que des raccords; eux-mêmes ne penseraient pas à les transmettre si Dieu n'attirait pas expressément leur attention sur le fait que là aussi il y a quelque chose qui mérite qu'on s'en occupe. Après tout, le mystique sait par expérience que dans sa prière il y a presque toujours quelque chose qui est donné par Dieu, qui donc est important et à quoi il doit s'attarder (NB 5,29).

 

Discerner le vrai et le faux

 

2209. La mystique n’est pas toujours bien reçue dans l’Église qui est composée de pécheurs

Il y a dans le domaine de la mystique bien des éléments qui n'atteignent pas dans l’Église leur plein effet. Mais Dieu n'est pas lié au temps terrestre ; ce qui a été interrompu prématurément, des choses qui n'ont pas eu le temps de se déployer comme il fallait ou des choses dont on a interdit le développement (ces trois possibilités sont des conséquences du péché), il peut sans cesse les continuer par une nouvelle mission mystique qui commence au même point. Dieu Trinité n'est pas réduit à arriver à ses fins avec un petit nombre de missions mystiques ; devant tous les refus de l’Église et de certains croyants, il reste celui qui domine tout, qui connaît les refus de l'homme et qui est capable de l'accueillir avec sa grâce surabondante (NB 5,74).

 

2210. La gestion de la vision des mystiques revient à l’Église

Il fait partie de la plus ancienne tradition de l’Église que certains, dès ici-bas, commencent à voir et que la gestion de leur vision revient à l’Église. Dans les prières pour les agonisants, l’Église veut préparer les mourants à la vision de Dieu. Ceux qui disent les prières et ceux qui les répètent ne voient pas Dieu mais, dans la foi, ils savent que cette vision existe. La prière contient une sagesse de la vision, une connaissance de la vision. En soi, il peut sembler étrange que des non-voyants préparent la vision des autres. Mais il fait partie de la plus ancienne tradition de l’Église que certains, dès ici-bas, commencent à voir et que la gestion de leur vision revient à l’Église. Pour toute vision, l’Église et le ministère assument un rôle de gestion, de préparation et de formation. Des non-voyants reçoivent ainsi de l’Église le pouvoiret même le devoirde contrôler la vision mystique (NB 5,180).

 

2211. Toute vision des mystiques appartient à l’Église. Personne ne sait quand un mourant commence à voir Dieu. Mais l’Église sait qu'elle doit l'y préparer (NB 5,181).

 

2212. Des mystiques fausses

Thérèse d'Avila (+ 1582). Au point de vue mystique, il n'y a en elle rien de malhonnête comme chez tant de mystiques totalement fausses ou à moitié fausses (NB 1/1, 479).

 

2213. Mystique et tromperie

A l'égard de l'expérience mystique qui se rencontre dans ses rangs, l’Église a une liberté remarquable ; elle en admet certaines, pour d'autres elle reste indifférente ou les laisse tomber. Dans l’Église, le mystique est dans une position de faiblesse. Il ne perce pas dans tous les cas. Bien sûr, le Christ non plus n'a pas percé durant sa vie terrestre, ni par sa prière, ni par sa prédication, ni par sa passion et sa mort. La renommée qui entoure des mystiques est a priori suspecte dans l’Église, il n'est pas rare non plus qu'un peu de tromperie s'y mêle ; la curiosité est éveillée, les gens sont contents, l'affluence est grande (NB 5,35).

 

 

6. L’être chrétien

Plan : Une vie avec DieuLa grâce et les grâcesLa prièreLe péché

Une vie avec Dieu

Plan : Un appelCe que Dieu veutUne vie dans l’Église - Servir DieuVie consacréeLa parole de DieuLa souffranceLa joie


 

Un appel

 

2214. Le Seigneur voudrait habiter dans les âmes

Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi”: il est extrêmement rare dans l’Église que ce soit vécu réellement, il y a en elle tant de conventions qui masquent le pur esprit de l’évangile. Déjà dans les catéchismes pour enfants tout est condensé en poncifs alors que le Seigneur voudrait quand même habiter dans les âmes tout simplement : la lettre tue l’esprit (NB 9, n. 1964).

 

2215. Si quelqu’un est appelé par Dieu, cela dépend des besoins du royaume de Dieu qu’il devienne plutôt médecin, juriste, prêtre ou autre chose (NB 9, n. 1722).


 

2216. Quand une âme se rend compte soudain de l'action de Dieu, cela la met à genoux (NB 12,110).

2217. Dans l'humiliation, le chrétien doit savoir que l'amour du Seigneur le cherche (NB 6,469).


 

Ce que Dieu veut


 

2218. Ce que Dieu exige de l’homme

Job est comme provoqué par Dieu. Dans son cri, Dieu entend comme le concentré du cri de l’humanité : ça ne peut pas continuer comme ça ! Comme si Dieu jouait avec Job une partie d’échecs, coup pour coup, et le roi de Job se trouve dans une situation toujours plus embarrassante, plus désespérée. Dieu a besoin de savoir qu’il a tiré d’un homme le maximum, le sacrifice complet, et qu’il n’y a plus en ce monde de solution pour sa situation (NB 1/2, 30).

 

2219. Les pensées de Dieu sont plus grandes que les nôtres

Il y a toujours un point où ce qui est exigé de l'homme devient, pour sa mesure humaine, une exigence démesurée. Quand il commence à remarquer que cela va plus loin qu'il ne l'avait prévu, il peut, pour ainsi dire, soupirer : "Encore ça !" Mais pendant que cela continue, il remarque que son soupir aussi était inutile. En ce qui concerne les petits plans qu'il avait projetés pour lui, c'est la même chose. Il n'a rien d'autre à faire qu'à suivre cahin-caha comme il peut l'action de Dieu. Il se dit : "Cela te dépasse, tu ferais mieux d'abandonner" ; non pour s'éloigner davantage de l'Esprit, mais au contraire pour mieux savoir, chaque fois qu'on a saisi, qu'on ne saisit pas, que les pensées de Dieu sont toujours plus grandes que les nôtres. Ce n'est pas de la résignation, c'est une source jaillissante. Chaque fois que l'homme soupire : "Je ne comprends pas", l'Esprit pourrait lui répliquer : "Enfin tu l'as compris !" Il y a un toujours-plus de l'Esprit ; ce qu’il exige, c’est ce que je n'ai pas attendu. Il y a un niveau où il n'est plus permis de comprendre (NB 6,447-448).

2220. Pour chacun, il s'agit seulement de faire ce que veut le Seigneur (NB 12,42).

2221. Dieu façonne la foi

D’une prière de sainte Catherine de Gênes (+ 1510) dans la vision : Tu m'as montré, Père, une partie de ton ciel. Tu m'as montré comment avec le Fils et l'Esprit tu façonnes la foi, une foi qui doit être trinitaire parce qu’elle aussi est commune aux trois, parce que vous la faites naître au milieu de vous et parce que vous nous la donnez comme vous la possédez elle-même (NB 1/1, 459).

 

2222. Ici-bas les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu (NB 6,311-312).

 

2223. Le Seigneur veut plus d’amour

Le Seigneur indique son cœur à Marguerite-Marie Alacoque. L'affaire était bonne en elle-même, elle partait d'une initiative du Seigneur d'indiquer réellement son cœur pour que les hommes se souviennent davantage de son amour. Il voulait plus d'amour. Davantage d'amour divin devrait être implanté en tout amour humain (NB 1/2, 64).

 

Une vie dans l’Eglise

 

2224. Souvent les futurs convertis ont d'abord l'impression que leur entrée sera pour l’Église un cadeau au lieu de comprendre que ce sont eux qui reçoivent tout (NB 6,470).

 

2225. Entrer dans l’Église

Il est important qu'on entre dans l’Église humble et non la tête haute. C'est pourquoi il sera nécessaire que le converti refasse sans cesse l'expérience : il doit quitter les chemins qu'il avait pris pour en emprunter de nouveaux bien que, d'autre part, il doit se savoir invité à collaborer et à se mettre au courant lui-même de la vérité de l’Église (NB 6,471).

 

2226. Le véritable esprit ecclésial

Dans l'histoire de l’Église, il y a quelque chose qu'on peut appeler développement, mais qui se produit avant tout en vertu de la grâce, de la foi, de la prière ; quelque chose de très vivant. Mais si le chrétien commence à ne mettre à côté des perspectives de la foi que celles de la seule raison, il ne voit plus l'unité et l'accord. Il découvre la discontinuité et il l'introduit lui-même dans l’Église. Le désaccord qu'il voit, il le sème aussi. Avec ses remarques critiques, avec sa manière hypercritique de voir et de sentir, il accumule les obstacles sur lesquels il trébuche, et là où il trébuche, l’Église, à son avis, le fera aussi. Il se rend étranger au véritable esprit ecclésial et il en entraîne d'autres avec lui, car tous les destins sont solidaires dans l’Église (NB 6,490-491).

 

2227. Saint Justin (+ 166) aime l’Église, mais il l'aime avec un léger agacement ; il l'aime parce qu'il sait que c'est l'ordre du Seigneur de l'aimer (NB 1/1, 263).


 

2228. Le chrétien, dans sa vie ecclésiale ici-bas, doit viser la plénitude du mystère céleste (NB 6,478).

 

Servir Dieu

 

2229. Le choix de Dieu pour ma vie

La vocation et la mission chrétiennes aussi doivent se soumettre à l'examen de l'Esprit. Il y a ceux que l'Esprit choisit et qui disent oui sans conditions. Il y en a d'autres qui viennent eux-mêmes avec une "bonne idée" à laquelle ils veulent consacrer leur vie chrétienne (devenir infirmière par exemple ou médecin dans les missions). Mais ceux-ci devraient pouvoir remonter avec leur choix jusqu'au choix de Dieu et examiner si "leur" choix est conforme à celui de Dieu. Pour pouvoir le faire, ils doivent être formés par l'Esprit, c'est-à-dire se montrer prêts à se laisser amener à la pure volonté de l'Esprit. Il y a deux voies : la lente éducation qui va de ses propres "bonnes idées" à la netteté de la volonté divine, et la soudaine évidence éclatante de cette volonté divine. Par ces deux voies finalement, la volonté humaine arrive à s'adapter à la volonté divine (NB 6,445-446).

 

2230. Le choix de Dieu

Si Dieu me donne une place de servante, il ne peut pas être plus parfait pour moi de vouloir être reine. Je ne ferais alors au contraire que m’écarter de la volonté de Dieu et me rendre coupable de désobéissance. Quand Dieu a besoin de quelqu’un pour lui donner des visions, c’est un service comme un autre, et personne ne doit se permettre de vouloir s’introduire artificiellement dans ce service (NB 9, n. 1289).


 

2231. D’une certaine manière, il est beaucoup plus facile qu’on ne le croit de servir le Seigneur et l’Église. C’est une chose qui va de soi qu’on soit embauché (NB 9, n. 1668).


 

2232. Pour retourner au paradis, nous devons aller jusqu'à dire oui pour suivre le Christ dans le cadre de l’Église telle qu'elle est (NB 6,560).


 

2233. La relation personnelle à Dieu et les médiateurs

Personne ne peut se vanter de se trouver dans une relation personnelle à Dieu si exclusive que rien d'autre, ni l’Église, ni les saints, ni la Mère de Dieu, n'auraient besoin d'être médiateurs. Il y a toujours une dépendance. Mais cette dépendance est en même temps une médiation (NB 6,570).


 

2234. Parmi les chrétiens, il y a ceux qui se mettent totalement à la disposition de Dieu et de l’Église (NB 8, n. 684).


 

2235. Le Fils nous prend avec lui dans le monde comme ses saints du ciel, il nous prend avec lui dans l’œuvre de son amour. Il nous est permis d'agir chrétiennement avec lui au milieu des hommes (NB 1/1, 495).

 

2236. Vivre en bonne intelligence avec les autres

Dieu m’a créé, toi aussi ; tu as donc les mêmes droits que moi dans la vie. Et nous deux, nous tous, nous devons vivre les uns avec les autres dans une certaine bonne intelligence. Il y a une limitation des prétentions les uns vis-à-vis des autres. La moindre des choses que je puisse faire pour toi est de t’attribuer devant la face de Dieu la même chose qu’à moi-même (NB 9, n. 1401).

 

2237. Il y a dans l’Église des formes établies. Mais justement ces formes sont là pour permettre à l'Esprit Saint de souffler où il veut (NB 6,452).


 

2238. Dépouiller l'homme de son moi et le faire passer à un moi qui appartient à l'Esprit : ce chemin est emprunté aussi au purgatoire (NB 6,448).

Vie consacrée

2239. Deux manières de consacrer sa vie au Seigneur

Le Seigneur a offert à son Église deux manières de lui consacrer sa vie, les deux sont liées à un choix de vie de la personne et correspondent au deux grandes missions de l'être humain. L'une est donnée au commencement du monde au premier couple humain : la mission de se multiplier et de dominer la terre. L'autre vise la fin du monde et la vie éternelle, et elle comprend la mission du pur service du Christ et de l'apostolat. Le mariage et le sacerdoce (NB 6,538).

2240. Quelque chose de la participation à la vie éternelle se réalise dans la vie consacrée (NB 11,273).

 

2241. C’est par la mort du Seigneur, par son sacrifice, que nous pouvons nous approcher plus ou moins de l'état paradisiaque. La clef du paradis, c'est le sacrifice du Seigneur que nous effectuons avec lui, donc la vie consacrée (NB 11,345).


 

2242. Les trois conseils : un cadre donné aux hommes pour s’approcher de Dieu

Dieu le Père a créé l'homme à son image. Quand l'homme, par son péché, s'est éloigné de plus en plus de cette image, le Fils l'a renouvelée dans la vie des trois conseils selon l'image qu'il portait en lui de par son échange éternel avec le Père et l'Esprit. En vivant les conseils et en les recommandant par ses paroles, il a donné à la vie trinitaire un cadre qui est compréhensible pour les hommes, un cadre auquel ils peuvent se tenir pour s'approcher de Dieu, pour atteindre le Père par le Fils ou aussi pour être pour le Fils des frères et des aides, autorisés à l'être par le sens que le Fils a mis dans la vie suivant les conseils. Les notions de pauvreté, d'obéissance et de virginité sont parfaitement simples, claires, des notions sobres ; mais elles sont tellement susceptibles d'être étendues dans leur sens que chacune atteint jusqu'aux profondeurs de la vie divine. Ce sont les formes que le Fils a essayées et trouvées bonnes pour les prendre avec lui et leur donner part ainsi à la vie divine (NB 10, n. 2198).


 

2243. Les trois conseils sont immuables

Dieu est un Dieu d'ordre qui crée aussi de l'ordre avec ses trois conseils ; ils ne sont pas accidentels et remplaçables, ils sont immuables. Désordre dit fardeau pour l'esprit, pour la vie, intérieurement et extérieurement. Qui a du désordre n'est pas pauvre, il possède trop et possède ce qu'il a dans un esprit faux ; le désordre l'empêche d'adapter son esprit à l'exigence de Dieu. Il devrait utiliser beaucoup de son temps éphémère à faire un jour de l'ordre et à créer par là un vide, une attente, une docilité, une disponibilité. Au milieu du désordre actuel, il ne peut pas vouloir attendre l'arrivée du Christ et de la vie éternelle. Celui qui veut communier doit s'être confessé, être libre pour Dieu et ne pas opposer des empêchements à la venue de Dieu par le désordre de ses péchés (NB 10, n. 2264).


 

2244. Le religieux et la religieuse s’approchent de l’état paradisiaque, ils l’atteignent d’une certaine manière lorsqu’ils sont au-delà de la convoitise (NB 9, n. 1427).

 

2245. Fécondité au paradis, vie consacrée et mariage

Le Seigneur accomplit surabondamment dans l’Église ce qu’aurait été la fécondité d’Adam et Ève au paradis ; à quoi elle aurait ressemblé, nous ne le savons pas. Nous n’avons pas besoin non plus de le savoir parce que le Seigneur suffit maintenant comme idéal. Le mariage devient comme une sorte de renvoi à cet idéal tandis que la vie consacrée essaie de vivre de cet idéal (NB 9, n. 1953).

La parole de Dieu

 

2246. Le centre du croyant est pris par la parole de Dieu

L'expérience de toute foi qui est vraie : le croyant vit à partir de son centre qui a été pris par la parole de Dieu. Ce n'est pas moi qui vis, c'est lui qui vit en moi. Il faut qu'il croisse et que je diminue. Et Dieu doit désormais rester en ce centre. Le croyant ne doit pas occuper à nouveau la place. Il ne lui est plus permis d'être actif au fond, il doit rester dans l'attente et laisser le point le plus profond s'étendre jusqu'à ce que tout l'espace en soit rempli. Le croyant se met à la disposition de la croissance de la foi (NB 12,89).


 

2247. Chaque conversation qu’on a, on devrait la reporter à l’évangile et éventuellement la faire remonter au premier dessein de Dieu lors de la création du monde afin qu’elle soit parfaitement juste (NB 9, n. 1925).


 

2248. Obligation de grandir dans la vie chrétienne de manière trinitaire

Nous avons besoin de connaître l'enfer et le purgatoire tout autant que le mystère de la croix et de la passion pour pouvoir développer la vie chrétienne dans un sens trinitaire. Nous sommes accueillis de manière trinitaire dans la nouvelle alliance, ce qui signifie pour nous l'obligation d'y grandir aussi de manière trinitaire. Et si cette croissance ne doit pas être interrompue, si elle ne doit pas se dessécher avant l'heure, nous devons connaître par le Père, par le Fils et par l'Esprit Saint aussi bien ce qui est dans le ciel que ce qui est déposé en enfer (NB 3,114).

 

2249. Permettre à l’amour de Dieu de mettre en nous de la clarté

Nous ne devons pas contraindre Dieu à porter sa lumière dans notre confusion, mais permettre à son amour de mettre en nous de la clarté. C'est cela obéir à Dieu, il n'y a pas là le moindre fatalisme. Ne pas dire : Dieu doit me prendre tel que je suis. Mais : je dois laisser faire afin que je ne sois plus mais que je devienne (NB 12,70).

 

La souffrance

 

2250. Pourquoi la souffrance ?

Quand on regarde le ciel à partir du monde et qu'on pense à son grand bonheur, on devine pourquoi, pour le bonheur céleste aussi, est nécessaire la souffrance humaine dans la possibilité qu'elle a d'être transformée ; cette pensée peut parfois soulager la souffrance, mais elle peut aussi augmenter la volonté de souffrir totalement et sans consolation parce que Dieu le demande, parce que cela et rien d'autre ne doit être transformé maintenant en joie céleste (NB 6,24).

 

2251. Voir en la maladie quelque chose qui révèle une volonté plus profonde de Dieu

Ignace de Loyola arrive à la fin de ses études théologiques, mais sa maladie ne recule pas. Cela ne peut pas être un hasard. Malgré les desseins que les compagnons font ensemble pour l’avenir, la maladie continue. Il doit donc voir en elle quelque chose qui révèle une volonté plus profonde de Dieu. En cette impasse, qui est en même temps une charnière, c'est la maladie qui décide de ce qui doit se passer ensuite (NB 11,190).

La joie

 

2252. La joie du chrétien

La joie du chrétien n'est nullement opposée à la souffrance ; bien plus, celle-ci fait partie de la joie. Une fois pour toutes, le chrétien est libéré du domaine du désespoir, de la sourde résignation et de la cécité. Si, pour une raison ou pour une autre, la joie sentie lui est retirée, objectivement elle se maintient malgré tout, et elle peut aussi être employée à rendre supportable les plus grandes souffrances. Non en diminuant la souffrance, mais par le fait que celui qui souffre reçoit de porter dans l'Esprit du Fils ce qui est imposé (NB 10, n. 2157).


 

2253. La joie d’exister comme créature de Dieu

Joie bouleversante de pouvoir exister en tant que croyante dans la communauté de ceux qui connaissent Dieu, et même comme créature de Dieu. Toutes les autres joies débouchaient sur ces dernières pensées, celle également de pouvoir être quelqu'un de sauvé, de vivre par le Christ qui, pour nous, est ressuscité et est monté au ciel (NB 10, n. 2206).


 

La grâce et les grâces

Plan : La grâceLes grâces

La grâce

 

2254. La grâce : une voie lactée qui se répand du ciel sur la terre, unit le monde à Dieu

La grâce est une sorte de voie lactée qui se répand du ciel sur la terre et unit le monde à Dieu. Celui qui prie est sur terre, Dieu est au ciel, et la grâce est la distance toujours franchie. Elle va, elle souffle, elle se répand. On peut se représenter le ciel (et les saints qui y sont), on peut se représenter la terre, mais on ne peut pas se représenter la ligne qui sépare les deux. Si la terre, conformément à sa nature, est le domaine du fini et de ce qui est isolé, le ciel n'est pas ce domaine, il n'est pas quelque chose de clos sur lui-même et de fini. Il y a en lui tout l'espace pour l'infini du Père et pour la vie éternelle (NB 6,61).


 

2255. La grâce et la vie de foi sont des miracles spirituels (NB 11,440).

 

2256. L’auteur d’Hermas a reçu la foi comme une grâce ; il cherche à vivre dans cette grâce et il s'efforce de mieux la comprendre. il a des visions qui proviennent de la grâce. Les visions font partie aussi de sa foi. Il doit les recevoir comme un don de la grâce (NB 1/1, 41).

 

2257. La lumière de la grâce

Didyme l'aveugle (+ 398). L'obscurité où il vit lui semble être en opposition absolue à la lumière de Dieu, mais cette opposition est dépassée par la connaissance de la lumière de Dieu dans la grâce de Dieu. C'est presque comme si Dieu, en lui retirant la lumière des yeux, lui avait donné la faculté toute gracieuse de vivre dans la lumière de sa connaissance. Il ne s'attribue pas pour autant un avantage par rapport aux autres, mais il a une conscience très vive du don excellent de Dieu. Il ne pense pas que la lumière extérieure lui a été retirée pour pouvoir pénétrer en quelque sorte plus avant dans son propre intérieur par la lumière de la grâce, mais seulement pour transmettre la lumière de Dieu qu'il a reçue (NB 1/1, 52).

 

2258. Pseudo-Denys l'aréopagite (vers 500). Son œuvre au fond est davantage parole de Dieu que prière personnelle, elle est la condensation de ce que Dieu, par sa grâce, veut lui donner de plus grand (NB 1/1, 60).

 

2259. Faire un pas de plus dans la grâce de Dieu

Saint Pierre Claver (+ 1654). Au cours de son exercice de pénitence, quand il est encore dedans, il se produit une transformation, la même que celle que Dieu lui fait expérimenter dans la prière : c'est comme si avec les siens, à égalité de droits avec eux, il avait fait un pas de plus dans la grâce de Dieu (NB 1/1, 169).

 

2260. S’abandonner simplement à la grâce

Fénelon (+ 1715). Sa prière est totalement animée par la volonté de servir Dieu. Sa prière est élaborée avec précision, étayée, faite avec art, souvent aussi composée de manière artificielle. Surtout dans ses jeunes années, il se fait un programme qui doit alors être traité. Il fait aussi partie du programme que quelque part on s'abandonne simplement à la grâce (NB 1/1, 189).

 

2261. Être pénétré de la grâce de Dieu

Benoît Labre (+ 1783). Pour lui, ce n'est pas un problème de se tenir devant Dieu, ce n'en est pas un non plus que Dieu se contente de lui malgré son indignité. Mais cela lui coûte un mal infini d'oublier pour ainsi dire à quel point il est indigne des autres hommes. Il est si pénétré de la grâce de Dieu que son indignité ne l'angoisse plus au moment de la communion, il sait qu'elle est vaincue en Dieu (NB 1/1, 201).

 

2262. Baigner tranquillement dans la grâce

Saint Clément Hofbauer (+ 1820). Avec son prochain, il est rayonnant, simple, expliquant tout dans le bon sens, en laissant apparaître en quelque sorte son attitude de prière. Cela ne s'opère pas chez lui de manière indiscrète ; il fait partie de sa mission qu'il ne se défasse pas de l'orant, même extérieurement. Les gens qui ont à faire à lui, qui se font conseiller par lui, le trouvent dans la conversation tel qu'ils le trouvent dans sa prédication, mais aussi tel qu'on le rencontre partout : baignant tranquillement dans la grâce. Pour lui, il va de soi que le bonheur et la paix et l'absence de problème proviennent de Dieu (NB 1/1, 204).

 

2263. Le Seigneur lui révèle ce qu’est la grâce

William Faber (+ 1863) voit dans son prochain le frère qui lui est confié ; dans le Seigneur il voit le frère qui lui montre qui est Dieu, qui lui dévoile en même temps qui est l'homme, qui lui révèle ce qu'est la grâce, qui lui fait voir - cela le fait frémir - ce que signifie le péché. Il sait par expérience ce qu'est la fécondité de la grâce (NB 1/1, 209).

 

2264. William Faber (+ 1863) regrette que la grâce soit dédaignée par les hommes (NB 1/1, 210).

 

2265. La grâce de Dieu brûle et purifie

Josefa Menendez (+ 1923). Ce ne sont pas des réflexions qui ont purifié sa prière, ni des exercices de vertu qui l'auraient amenée peu à peu à cette pureté, c'est la grâce de Dieu qui brûle et purifie et entraîne et emporte (NB 1/1, 247).

 

2266. Que Dieu répande chez les autres le don total de sa grâce

Jean l’apôtre. Chaque fois qu'il se met à prier, il voudrait adorer, remercier, présenter sa requête ; il s'abandonne, il s'offre, il se livre totalement. Cependant dès qu'il commence, il est tellement saisi par l'amour de Dieu qu'il n'a plus besoin de rien faire : il est accueilli, son offrande est acceptée par le Seigneur, son sacrifice est agréé. Il n'a plus besoin de faire d'effort, de vouloir quelque chose : la volonté de Dieu et son amour sont totalement en lui. Tout n'est plus qu'amour, unité, grâce. Et, pour lui, c'est comme si Dieu avait justement besoin de cette prière, comme si le Fils l'avait attendue pour remplir les autres d'amour, pour répandre chez les autres le don total de sa grâce (NB 1/1, 257).

 

2267. La grâce lui donne confirmation de ce qu’il apprend de nouveau dans sa foi

Le diacre Étienne. Quand il apprend quelque chose de nouveau dans sa foi, quand il comprend quelque chose, c'est chaque fois pour lui comme une extension, une confirmation que la grâce lui donne et sur quoi il n'a pas de question à poser (NB 1/1, 260).

 

2268. La grâce du Seigneur nous est offerte

Martin de Tours (+ 400) connaît certes le péché, il sait combien les hommes sont mauvais, mais il voit tellement comment la grâce du Seigneur leur est offerte qu'il voit plus la grâce que le péché ; il est ému plus profondément par cette grâce que par la propension des hommes au péché (NB 1/1, 271).

 

2269. Dieu donne sa grâce avec une plénitude inouïe

(Un homme d’Église du XIXe siècle). Dans ses bonnes périodes, Dieu lui donne sa grâce avec une plénitude inouïe. Dans les périodes où il est accessible à la grâce, il aime aussi les hommes (NB 1/1, 312).

 

2270. (Simon le zélote). A l'instant où il se sent épuisé, il voit clairement qu'il a besoin de la grâce (NB 1/1, 340).

 

2271. La surabondance de la grâce

Marie-Madeleine. La surabondance de la grâce doit être lisible en elle. Elle le devient aussi parce que, à aucun moment, elle ne s'attribue quelque chose à elle-même : elle veut seulement montrer ce que lui est, ce que lui peut faire (NB 1/1 345).

 

2272. Être élu est une grâce qui tombe verticalement d’en haut

Pascal (+ 1662). Dans un premier cercle se trouvent tous les hommes, donc lui aussi. A l'intérieur de ce cercle, il y en a un deuxième, plus petit, le cercle des élus parmi lesquels il se trouve aussi. D'être élu est une grâce qui tombe verticalement d'en haut. Mais dès qu'on l'a reçue, qu'on en est devenu conscient, elle devient un devoir (NB 1/1, 368).

 

2273. Pascal (+ 1662). Il voudrait s'en remettre entièrement à la grâce de Dieu (NB 1/1, 368).

 

2274. L'être humain a sa place dans la grâce, bien qu'elle le dépasse infiniment ; il n'a pas sa place en enfer (NB 1/1, 391).

 

2275. Bouleversé par la grâce

Dans les premiers temps de sa conversion, saint Augustin est si bouleversé par la grâce qu'il lui est difficile de communiquer, que le travail lui est pénible ; plus tard ce sera beaucoup plus facile ( NB 1/1, 409).

 

2276. Accepter la grâce ou se fermer à la grâce

Dans la prédication de saint Dominique, il y a ceux qui ne veulent pas accepter la grâce, ceux qui se ferment à la grâce, qui ne sont pas accessibles à la grâce, qui la nient et la refusent. Ne pas se fermer à la grâce, être ouvert à la grâce. Il y a ceux qui sont dans la grâce. La parole dite en chaire peut être source de grâce (NB 1/1, 429).

 

2277. La grâce est surprenante

Saint Thomas d’Aquin. Lui qui cherche à capter la grâce dans ses définitions, il se laisse cependant aussi surprendre par la grâce, et cela le surprend que la grâce puisse être si surprenante (NB 1/1, 435).

 

2278. Prépondérance de la grâce sur la nature

Il y a à coup sûr des chemins pour arriver à une prépondérance décisive de la grâce sur la nature : la prière dans l'amour du bénéficiaire des grâces. Celui qui prie par amour ne le fera pas par calcul, c'est pourquoi aussi il ne demandera jamais une expérience mystique ; il prie parce qu'il aime Dieu et qu'il voudrait faire la volonté de Dieu et être auprès de Dieu. C'est l'amour qui ouvre la visibilité du monde de l'amour et qui offre à celui qui prie certaines certitudes dans les choses de l'amour. La question de savoir dans quelle mesure les sens sont concernés par cette expérience de la réalité de l'amour reste secondaire. Ce qui est sûr, c'est que les limites de la terre et du ciel sont ici fluctuantes (NB 6,63-64).


 

2279. L’atmosphère de grâce qui émane de Dieu

En partant de la connaissance vécue de chacune des personnes divines nous ne cessons de revenir à la connaissance de la Trinité, à sa vie intime, à la comparaison (du credo) : "lumière née de la lumière", et le regard sur l'égalité de nature des personnes nous rappelle Dieu tout entier avec l'atmosphère de grâce qui émane de lui (NB 6,80).


 

2280. La grâce dans un homme comblé par Dieu

La grâce, nous la voyons tout d'abord dans un homme particulier : il la reçoit comme quelqu'un qui est comblé par Dieu, nous la voyons dans son travail qui se nourrit d'elle, nous la voyons dans toute l'atmosphère qui l'anime, lui et toutes ses actions ( NB 6,80).


 

2281. La grâce peut rendre parfait ce qui est imparfait. Ce qui revient à dire que la grâce peut transférer en notre devenir quelque chose de l'être de Dieu (NB 6,107).


 

2282. L'absolu n'est présent que là où il s'offre à nous dans la pure grâce, d'une manière pour nous démesurée, sans proportion avec notre devenir (NB 6,107).


 

2283. La grâce de Dieu est répandue dans le monde des hommes, elle est une union du divin avec l'humain telle qu'elle résulte fondamentalement de l'incarnation (NB 6,111).


 

2284. Être éclairé par la grâce de Dieu

La chaleur est agréable, on en a besoin pour faire son travail, on remercie Dieu pour cela. Être réchauffé veut donc dire quelque chose comme être éclairé par la grâce de Dieu, être rapproché de lui. Le froid est pénible ; mais il se peut que, pour le service de Dieu, je doive avoir froid à l'occasion. Je peux aussi sans doute m'exposer un jour au froid comme pénitence si bien que le froid aussi peut me rapprocher de Dieu. Les deux possibilités - ce qui est agréable et ce qui est désagréable - peuvent servir de moyen pour la relation avec Dieu. Il est présent des deux manières, on peut le trouver des deux manières (NB 6,236).


 

2285. Dans la grâce, rien d'autre n'apparaît que l'amour personnel de Dieu pour moi (NB 6,371).


 

2286. Grandir dans la grâce du Père 

Le Fils devenu homme grandit littéralement dans la grâce du Père. Comme le font les saints et tout bon chrétien. En tant que Dieu, le Fils a, dès le commencement, la plénitude de la grâce mais, en tant qu'homme, il l'acquiert (NB 6,407).


 

2287. Persévérer dans la grâce

Marie est rachetée à l'avance et elle oriente toute sa vie vers le Fils. Lui-même, par sa grâce, lui a donné cette direction. Parce qu'elle est un être humain, elle pourrait aussi se disposer autrement. Elle ne le fait pas, elle persévère dans la grâce ; tout ce qu'elle fait, se passe dans la grâce. Son "mérite" réside dans le fait qu'elle ne change pas de direction. Mais, dès le commencement, ce mérite est inclus dans la grâce du Seigneur si bien qu'elle vit dans cette grâce, la donne et l'engendre, et elle persévère dans ce rôle qui lui revient comme à personne d'autre. Si on voulait imaginer qu'elle aurait ressenti un jour l'envie de quitter sa voie, elle se serait cependant, à l'instant même, reprise parce que la conscience qu'elle a d'être tenue par la grâce est tellement forte (NB 6,430).


 

2288. L'âme doit coopérer avec la grâce (NB 6,496).


 

2289. S’ouvrir à la grâce

Quand celui qui reçoit un sacrement oppose des résistances à la grâce - qu'il se confesse à contrecœur, superficiellement, qu'il communie d'une manière formaliste -, la force efficiente du sacrement est réduite ; le sacrement s'offre certes dans sa totalité, mais il n'est reçu que partiellement. Celui qui reçoit un sacrement se réserve le droit de décider dans quelle mesure il veut s'ouvrir à la grâce et lui permettre d'accomplir en lui son œuvre. Celui qui s’ouvre tout entier est prêt à laisser forcer par la puissance du sacrement sa propre petite ouverture pour laisser se répandre par les écluses toutes les eaux de la grâce (NB 6,497).


 

2290. La grâce est versée sous les formes les plus diverses

La grâce est toujours la même et elle est cependant versée sous les formes les plus diverses, par exemple les sept sacrements. Chaque manière est claire et évidente, personne ne peut soutenir qu'un sacrement est pour lui trop compliqué (NB 6,511).


 

2291. La grâce se répand par l’Église

Dans le circuit de la grâce qui se répand par l’Église, il y a aussi des formes et des voies plus petites de transmission de la grâce, qui lui sont humainement plus familières et qui font pour ainsi dire partie de ce qui lui est propre : les sacramentaux, les pèlerinages et d'autres choses de ce genre. L’Église ne doit pas penser qu'il ne se passe en elle que des mystères incompréhensibles, elle doit intégrer ses petits efforts dans le grand effort de Dieu pour elle. C'est pourquoi elle ne doit pas se faire iconoclaste ni dédaigner les concrétisations adaptées aux humains (NB 6,512).


 

2292. La grâce submerge, c’est sa nature

Pour saisir quelque chose du divin, il faut toujours la grâce, et celle-ci requiert toujours du croyant qu'il renonce à lui-même, qu'il renonce à ratiociner, à ergoter et à tout savoir mieux que les autres. La grâce submerge, c'est sa nature. Elle n'explique pas point par point, mais elle prodigue sa lumière comme le soleil. L'homme en qui Dieu se prodigue de la sorte devrait chanceler puisqu'il ne pourrait plus voir que la lumière de Dieu et non plus sa propre faiblesse. Il devrait renoncer à un équilibre, à un dialogue entre lui et Dieu comme entre partenaires, il devrait n'être que pur bénéficiaire, les bras ouverts, sans jamais pourtant pouvoir tout contenir parce que la lumière coule à flots partout, qu'elle demeure insaisissable et qu'elle est beaucoup plus que ce que peut saisir une seule personne. Comme si on tenait un petit récipient sous un puissant jet d'eau : il ne peut jamais se remplir parce que le jet est trop puissant (NB 6,520).


 

2293. Se laisser terrasser par la grâce

L'homme devrait se laisser terrasser par la grâce qui le balaie avec une telle puissance qu'il ne se connaît plus lui-même. Son jet est si violent qu'il en est blessé, mais cette blessure est un pur bonheur parce qu'il sent que quelque chose enfin se passe en lui. Dans les vraies purifications de Dieu, on ne sait jamais exactement ce qui arrive, on parlerait plutôt d'un tremblement de terre que d'une purification (NB 6,520).


 

2294. Ébloui par la grâce

Quelqu'un de véritablement ébloui par la grâce ne lorgnerait plus vers son propre moi qu'il a perdu, il ne ferait plus état de ses vieux critères, il resterait dans l'état d'ouverture et d'amour de Dieu (NB 6,521).


 

2295. Le mérite de la quête humaine de Dieu est toujours la réponse à une grâce divine (NB 6,529).


 

2296. Toute grâce personnelle d'un chrétien se répercute sur toute la communauté de l’Église (NB 6,542).


 

2297. On devrait confesser ses péchés pour être dans la grâce. On devrait avoir la certitude qu'entre Dieu et nous il n'y a rien qui fasse de l'ombre (NB 6,76).


 

2298. L’accueil de la grâce doit se faire avec la grâce de Dieu (NB 8, n. 260).


 

2299. La grâce seule fait les saints. Le don de soi à la grâce, l’amour (NB 8, n. 325).


 

2300. Jouer avec la grâce

Au sujet d’un homme d’Église : il est comme quelqu’un qui est assis sous un arbre, qui supplie Dieu de bien vouloir faire tomber une pomme pour lui et qui préfère avoir faim plutôt que d’étendre la main. Cela s’appelle jouer avec la grâce (NB 8, n. 476).


 

2301. Posséder la grâce – Gaspiller la grâce

Ces jours-ci (en 1943), Adrienne lisait avec une grande excitation intérieure et beaucoup d’intérêt la vie du vieux Blumhardt. Elle ne cesse d’en parler. Comment il a sûrement possédé la grâce. Puis elle dit un jour tout d'un coup: La fin n’est plus intéressante. Il a gaspillé la grâce (NB 8, n. 583).


 

2302. Pour les apôtres, dans leurs relations avec le Seigneur, il n’y a pas eu en eux de combat pour ou contre la grâce, pour ou contre le Seigneur. Ils ont été requis, ils sont sa compagnie (NB 8, n. 806).


 

2303. Il y a la grâce acceptée, et la grâce non acceptée, qui est ténèbres (NB 9, n. 1107).


 

2304. Les hommes qui se dressent contre la grâce

Veille de l’Ascension 1947. Adrienne est poursuivie par le péché du monde. Elle ne voit dans les hommes que des pécheurs. Elle voit en tous qu’ils se dressent contre la grâce, qu’au fond ils ne veulent pas se convertir parce que les hommes préfèrent leurs plaisirs passagers à l’éternité qu’ils écartent et masquent jusqu’à ce qu’ils aient imposé leur volonté. Il s’agit la plupart du temps de bagatelles, mais leur manière de penser n’en est pas moins laide : il n’y a ici aucune distinction entre péché grave et péché véniel. Au contraire : le péché véniel semble presque encore plus minable que le péché grave, parce qu’on sacrifie ici l’éternité à une babiole (NB 8, n. 657).


 

2305. Si quelqu’un a aujourd’hui des visions et n’en a plus le lendemain, n’en aura même plus jamais, il se peut qu’il ait gaspillé la grâce, mais il peut se faire tout aussi bien que sa mission est simplement finie (NB 9, n. 1386).


 

2306. Il y a toute une psychologie du refus de la grâce (NB 9, n. 1558).


 

2307. Celui qui sur terre vit dans la grâce vit à proprement parler au ciel, seulement il ne le sait pas, mais il pourrait le savoir. C’est un voile léger (NB 8, n. 609).


 

2308. Il y a des moments où le Christ se donne tellement à l’homme avec sa grâce, s’empare tellement de lui, qu’il devient totalement pur et sans péché (NB 8, n. 609).


 

2309. Le Seigneur est si imprévisible. On attend sa dureté, il nous inonde de sa grâce, il nous fait renaître et redevenir de petits enfants, mystérieusement et tout à fait réellement (NB 8, n. 614).


 

2310. La grâce saisit les hommes

La grâce se saisit des hommes d’une manière infiniment variée ; souvent ils savent l’instant où la grâce les saisit : dans la prière ou aussi brusquement dans la rue. Souvent ils n’en savent rien, peut-être parce qu’ils sont trop humbles pour y réfléchir. Il y a une foule de gens très simples qui vivent totalement de la grâce sans bien le savoir (NB 8, n. 1084).


 

2311. Celui qui est touché par la grâce reste libre (NB 9, n. 1194).


 

2312. Même un vieux moine, qui vit totalement dans la grâce, ne sait pas de lui-même qu’il est devenu incapable de pécher. Un autre peut le savoir de lui (NB 9, n. 1276).


 

2313. La foi elle-même est déjà grâce parfaite (NB 9, n. 1640).


 

2314. Nous sommes sous l’influence immédiate de la grâce de Dieu et de l’Esprit Saint (NB 9, n. 1706).


 

2315. Adrienne en 1947 : « Je sais par expérience que la seule chose possible pour moi est de me livrer à la grâce, dépouillée de tout » (NB 9, n. 1732).


 

2316. Ignace a péché, la grâce l’a rattrapé (NB 9, n. 1897).


 

2317. Celui qui a réellement entendu l'appel de Dieu et le suit doit persévérer dans la grâce (NB 10, n. 2263).


 

2318. La grâce de Dieu se penche sur les hommes (NB 11,329).


 

2319. Il est plus facile de discerner si elle est dans la grâce que si elle ne l'est pas (NB 11,380).


 

2320. Saint Ignace est si touché par la grâce qu’il lui semble que toute sa vie ne va pas suffire pour y répondre (NB 11,444).


 

2321. La grâce a en elle la béatitude éternelle (NB 12,26).


 

2322. Le monde de la grâce : l’ouverture à Dieu, à la foi (NB 12,117).


 

2323. La grâce et la foi

En nous, il y a toujours déjà une grâce qui nous permet d'accéder à la foi, et pourtant ce n'est que la foi qui nous fait participer pleinement à la grâce. Tant que nous doutons, nous condamnons le Seigneur à rester vague. Il a besoin de notre vie pour pouvoir vivre, pour nous communiquer la foi intégrale (NB 12,254).


 

2324. La grâce de Dieu peut être une réponse à la disponibilité générale de l'âme (NB 12,131).


 

2325. Pour le chrétien, la maturité signifie toujours naturellement : agir par la grâce, qui est libre don de Dieu (NB 6,217).

 

 

Les grâces

 

2326. La grâce et les grâces

La prière ouvre le ciel. La grâce, la consolation surnaturelle, le don surnaturel de l'amour ne sont pas quelque chose comme une balle toute prête tirée du haut du ciel. C'est justement le fait que ce quelque chose soit ouvert, sans forme, qui rend la grâce si difficile à saisir. Elle peut prendre toutes les formes. Je peux compter les grâces en détail : que j'ai la foi, que je connais la grâce de la Mère, qu'il mest permis de la prier, que je sais que je suis exaucé ; toutes ces données cependant sont plutôt des applications de la grâce et, en chacune de ces manifestations, la grâce elle-même est plus grande que ce qu'elle révèle et montre comme fruit. De même que la grâce est toujours plus, de même aussi ce qu'elle opère. Elle est au-dessus du temps. Par exemple, c'est peut-être une grâce que j'aie justement maintenant le courage de supporter ces souffrances. Mais parce que la grâce n'est jamais isolée, son effet - le courage - ne l'est pas non plus ; lui aussi est fécond et engendre du neuf (NB 6,61).

 

2327. L’inspiration : un don particulier de la grâce

Marc et l’inspiration de l'évangile. Il en a eu peur. Il est le seul qui a su à l'avance qu'il devrait écrire. Il s'est montré réticent parce qu'il pensait qu'il devrait écrire dans un moment ordinaire ou qu'il ne serait pas docile sous la conduite de l'Esprit. Et puis, au fond, cela s'est très bien passé. Quand vint l'inspiration, elle réalisa en lui beaucoup de choses qu'il avait désirées depuis longtemps. Maintes choses se sont éclaircies pour lui quand il a mis par écrit son évangile ; maintes choses qui auparavant étaient pour lui douteuses devinrent incontestablement bonnes, elles furent complétées, arrêtées. Au sujet du mode de son inspiration : au début, c'est comme s'il choisissait lui-même son point de départ, de par ses connaissances, puis ceci est repris et poursuivi. Tout l'incertain qu'il avait introduit lui-même disparaît. L'obéissance vis-à-vis de l'inspiration, il la trouve beaucoup plus facile qu'il ne l'avait pensé par avance. Il la regarde comme un don particulier de la grâce qui lui accorde d'y voir clair. Auparavant il était comme un homme qui redoutait un entretien : peut-être que son interlocuteur va exiger de lui plus de précisions qu'il n'en peut fournir. Et puis la conversation est menée par l'autre de telle sorte que lui-même y voit plus clair et voit mieux l'ensemble (NB 1/1, 350).

 

2328. Tout croyant peut recevoir de Dieu des inspirations

Tout croyant qui n'a pas de grâces mystiques a lui-même la possibilité de vivifier sans cesse ses plus simples prières comme le Notre Père. Il peut méditer longuement chacun des mots et chacune des phrases, il peut y rattacher des vérités qu'il connaît par ailleurs, il peut trouver nouvelle matière pour sa prière dans des lectures et des conversations, par ce qu'il a entendu dans la prédication. Souvent aussi il recevra de Dieu des inspirations et des consolations qui auront des répercussions sur ses autres prières (NB 5,29).

 

2329. Nicolas de Cues (+ 1464). Il est prêt à faire ce que Dieu lui inspire et attend de lui (NB 1/1, 111).

 

2330. Une inspiration pour les besoins de Dieu dans le monde

L’inspiré est comme une coupe qui reçoit quelque chose et qui éclaire de ses propres reflets ce qui est reçu. Le contenu du récipient peut avoir son caractère particulier, mais le récipient garde sa forme propre. Dieu choisit la personne qu’il va inspirer. Sinon auraient raison ceux qui soutiennent que l’homme pourrait atteindre l’inspiration en s’y entraînant personnellement, qu’il pourrait harceler Dieu jusqu’à ce qu’il cède. L’inspiré n’a pas le droit de vivre de son inspiration et d’oublier Dieu qui l’inspire comme beaucoup l’ont fait. L’inspiré doit porter son inspiration pour Dieu et pour ses besoins dans le monde. L’inspiré porte en lui l’exigence de persévérer dans l’inspiration. Rarement l’inspiration a lieu de telle sorte que l’expression est donnée toute prête. Pour Bernadette, c’est presque le cas : ce qu’elle a à dire lui est inspiré presque mot à mot. Mais on ne peut pas dire que c’est une marque de sainteté. Il peut aussi se faire qu’un saint doive prendre une part très active pour transmettre et formuler le message (NB 9, n. 1690-1691).


 

2331. Les inspirations : c’est Dieu qui décide du moment où il va les communiquer

Les inspirations sont en sommeil en Dieu, et c'est lui qui décide du moment où il va les communiquer à quelqu'un. Pour Dieu, une inspiration ne peut jamais se perdre ; il peut arriver tout au plus que quelqu'un se refuse à l'instant Dieu a décidé de se communiquer. La liberté de l'être humain est si grande qu'il peut toujours décider de se comporter vis-à-vis de Dieu de manière féconde ou stérile. Dieu ne laisse se perdre aucune semence ; il s'attache à une personne qu'il a choisie et envoyée, comme un époux fidèle à sa femme (NB 12,131).

 

2332. Une forme d’inspiration

Il y a une forme d'inspiration qui est comme un effleurement, comme une pensée fugace, qui a un rapport avec quelque chose qui viendra plus tard. Ce genre de pensées peut nous arriver aussi de manière naturelle : pendant que j'écris une lettre, il me vient à l’esprit que je devrais encore en écrire une autre et, plus tard, je m'en souviendrai. Si l'effleurement est surnaturel, il opère simplement une ouverture à ce qui va venir. Il ne transmet pas une pensée précise dont on doit se souvenir ou qu'on doit rechercher, il ne fait que préparer à quelque chose. Quand plus tard arrive alors l'inspiration avec son contenu, l'abondance dont auparavant on avait pressenti un soupçon, on se souvient de ce prélude et on comprend l'unité de l'inspiration tout entière. Le rapport peut se trouver dans l'inspiration elle-même mais aussi dans mon attitude à son égard (NB 5,205).

 

2333. Beaucoup d'inspirations relèvent du Fils (NB 5,164).

 

2334. Inspiration : mon monde terrestre est mis en contact avec le monde divin

Par l'inspiration, mon monde terrestre est mis en contact avec le monde divin. Je suis emporté, loin de moi, dans la zone de l'inspiration. Quand je prends connaissance alors de son contenu, je sais chaque fois que c'est quelque chose de toute la plénitude qui m'est communiqué et que, devant cette plénitude, je dois me comporter tout autrement que devant une question particulière. Pour celle-ci, je peux insister et me donner du mal pour trouver la solution. Dans l'inspiration, absolument pas ; dans celle-ci, on est toujours l'invité qui attend (NB 5,205).

 

2335. L’inspiration : du surnaturel

Peut-être n'est-on nulle part aussi indifférent que dans le domaine de l'inspiration. Il se peut qu'on doive saisir maintenant quelque chose qui semble presque impossible, une partie qu'on devra jouer à la limite ; mais il se peut aussi qu'il ne se produira rien de frappant. Après une inspiration, on peut retrouver la vie quotidienne totalement épuisé ou bien parfaitement frais et dispos. Les deux possibilités n'ont aucun rapport avec ce qui a été offert. On peut revenir tout frais parce que, dans le surnaturel, malgré la plus grande application, des forces nous ont été constamment données ; mais après une seule seconde d'inspiration, on peut aussi revenir totalement épuisé, et cet épuisement pendant l'inspiration ne suit aucune loi physiologique. C'est du fait qu'il n’existe pas de loi que la différence entre nature et surnature est très sensible, même quand Dieu fait l'unité (NB 5,206).


 

2336. Les inspirations de Dieu

"Nous ne chercherions pas Dieu s'il ne nous avait pas trouvés", s'il n'avait pas mis en nous les conditions voulues pour le trouver. Ses inspirations sont pour nous compréhensibles. Il peut suivre plusieurs chemins : nous éclairer soudainement comme frappe la foudre, transformer et réorienter notre vie tout entière. Il peut, avec la même soudaineté, nous montrer quelque chose qui nous était déjà connu mais, à présent, cela nous apparaît irrévocable et urgent, et cela a des conséquences beaucoup plus profondes que nous ne le pensions. Mais il peut aussi procéder tout autrement : nous donner, dans un clair-obscur, les unes après les autres, des intuitions, des considérations, des suppositions auxquelles on ne donne pas suite. Mais une fois qu'un nombre suffisant de foyers est allumé, il y a un embrasement soudain de l'ensemble (NB 10, n. 2148).

 

2337. L’évangile de saint Matthieu lui est donné dans l’inspiration

Saint Matthieu. L'évangile lui est donné dans l'inspiration. Mais pendant qu'il écrit, il avance aussi, il se rend clairement compte de ce qu'il écrit. En cela il ressemble surtout à Luc. Quand il s'agit d'événements extérieurs, une voix intérieure dit en lui : "Oui, oui, c'était comme ça !". En ce qui concerne les mystères intérieurs, il comprend en même temps que ce qui est chrétien lui est présenté maintenant, à lui et aux autres, dans un ensemble nouveau. Il comprend que jusque-là il a sans doute emprunté un chemin chrétien, mais que d'autres chemins du même genre ne vont pas suivre, qu'en fait la vie tout entière est un chemin qu’on doit toujours suivre. Pour écrire son évangile, il a des documents, des pages de souvenirs, des notes. Il possédait maintes choses dès avant l'inspiration, quand il ne savait pas encore qu'il devrait écrire. Il les conserve, davantage comme complément seulement. Il rédige des notes comme quelqu'un qui ne sait pas à quoi cela lui servira plus tard. Ce qu'il a ainsi sera pour lui moins un projet que la preuve ultérieure de la justesse de l'inspiration. La Providence de Dieu le prépare en le faisant s'occuper de la vie de Jésus, ce qui ne diminue en rien la force de l'inspiration ultérieure. On ne doit pas non plus concevoir la notion d'inspiration d'une manière trop étroite : la voix qui va bientôt "dicter" peut être déjà vivante dans l'esprit de l'homme avant qu'elle commence à parler. La mise par écrit proprement dite s'effectue sous la "dictée" de l'inspiration. Après, il peut compléter ceci et cela en utilisant ses notes. Mais sans rien changer, seulement développer ce qui se trouvait déjà inclus dans ce qui était inspiré. Dans une inspiration particulière comme celle de l'évangéliste, parce que toute la vie est incluse, des additions ultérieures peuvent aussi faire partie de l'inspiration. Comme l'inspiration, en tant qu'acte de Dieu, est plus grande que ce que l'homme peut consigner par écrit, elle requiert de lui qu'il mette à sa disposition, dans le sens de l'inspiration, tout ce qui lui appartient pour l'insérer dans l'édifice ou l'achever. La logique et la disposition interne de l'évangile de Matthieu étaient également contenues à l'état de germe dans ce qui a été dicté, mais comme quelque chose de "rapide" de sorte qu'il restait à l'apôtre un espace assez considérable d'interprétation et de développement. Cette disposition est sans doute le lieu où Matthieu, dans son plan préalable, a le plus anticipé l'évangile à venir. Mais on ne peut pas dire qu'il a esquissé un plan complet ; l'inspiration ne reprend que ses ébauches de plan. Elle ne s'empare de ce qui existe que parce que, auparavant déjà, l'homme s'était adapté, dans une obéissance inconsciente, à l'exigence à venir. Quand Matthieu a achevé son livre, il ne vit plus dans l'attente d'un changement, mais il vit dans le toujours-plus du Seigneur, sachant qu'il a à lui répondre toujours mieux et que toutes ses attentes personnelles n'ont de place qu'à l'intérieur de l'attente de Dieu (NB 1/1, 331-332).

 

2338. Saint Luc et l’inspiration

Dans sa contemplation, Luc part toujours du Seigneur, tel qu'il le connaît. Quelque chose qu'il connaît, qui le préoccupe, qui peut être utile : c'est là qu'il commence. Et de là il entre dans la contemplation. Celle-ci également a quelque chose de très ordonné, presque de scientifique. Comme son inspiration. Il y a une grande ressemblance entre les deux. C'est comme s'il insérait son inspiration dans ce qu'il sait déjà. Il pourrait presque écrire son évangile de mémoire. Mais au moment où il le pourrait, tout est repris et enrichi par l'inspiration si bien qu'il doit le faire et le faire plus grand qu'il n'aurait pu le faire de lui-même. En écrivant il n'est lié à aucun état particulier. Son inspiration a quelque chose de tout à fait paisible, il entre simplement en elle comme dans une obéissance (NB 1/1, 352).

 

2339. Saint Augustin a certaines inspirations, certaines illuminations, qui n'ont pas besoin d'être particulièrement surnaturelles (NB 1/2, 56).

 

2340. Demander la grâce de correspondre pleinement

La prière de saint Barnabé est tout à la fois bien réfléchie et pleine de pensées. Il voudrait plaider parfaitement la cause du Seigneur, mais il se sent loin de lui et il lui demande de mieux l'introduire auprès de lui, de lui donner la grâce de correspondre pleinement. Il prie beaucoup aussi Dieu le Père, et il voudrait recevoir beaucoup de grâces par l'Esprit Saint pour pouvoir les partager (NB 1/1, 36).

 

2341. Une prière pour une grâce précise

Pseudo-Denys l'aréopagite (vers 500). Sa prière débouche directement sur son travail, et cela parce que son travail est supra-personnel, confié par mission à sa super-intelligence. Il demande bien sûr la clarté de l'expression, le don de la forme, la justesse de l'intelligence, et sa prière naît de tout cela ; mais elle ressemble davantage à une prière de l’Église tout entière pour une grâce précise qui lui est nécessaire. A ce moment-là, il personnifie toujours l’Église tout entière, de manière anonyme - car peu de personnes s'occupent de son œuvre - et, par cette prière, il passe une pureté, une plénitude, une grâce qui pour ainsi dire ne le touchent pas, mais qui se déversent par lui dans son œuvre, si bien que vis-à-vis de celle-ci il sert d'instrument, un instrument qui vient de Dieu et qui opère par Dieu (NB 1/1, 60).

 

2342. Une grâce qui donne le sentiment de paix dans la prière

La grâce tamisée que Dieu accorde à saint Basile quand il prie lui donne le sentiment de la paix dans la prière. Il serait méfiant s'il possédait cette paix par lui-même. Mais il sait qu'en priant il la reçoit sans cesse comme un don de Dieu (NB 1/1, 54).

 

2343. Grégoire VII (+ 1085) agit avec l'autorité surnaturelle que Dieu lui a donnée et qui fait éclater à chaque fois les dimensions de l'humain (NB 1/1, 69).

 

2344. Dieu donne la grâce d’exercer comme il faut une fonction dans l’Eglise

Otton, évêque de de Bamberg (+ 1139) est convaincu que, lorsque quelqu'un exerce une fonction dans l’Église, Dieu lui donne la grâce non seulement de l'exercer comme il faut mais aussi d'atteindre une plus grande intelligence dans l'amour et une plus grande intelligence de sa nécessité. Mais cette intelligence ne peut lui venir de nulle part ailleurs que de Dieu et donc par la prière (NB 1/1, 69).

 

2345. Une intuition professionnelle comme une grâce

Sainte Hildegarde (+ 1179) fait un jour une découverte qui ne lui est pas donnée dans une vision mais qui survient comme par hasard : elle découvre que cette intuition professionnelle n'était pas un don naturel mais une grâce. Et donc que son activité médicale ne se trouve pas en dehors de sa vie de prière, que les deux ne font qu'un et doivent ne faire qu'un (NB 1/1, 74).

 

2346. Se laisser inspirer par l’Esprit

Richard de Saint-Victor (+ 1173) entre parfois en prière avec l'intention de préparer en priant un certain problème, de le présenter à Dieu Trinité, de se laisser inspirer par l'Esprit, c'est-à-dire de rechercher dans l'obéissance auprès de l'Esprit ce qui pourrait être agréable à Dieu en correspondant à sa mission (NB 1/1, 77).

 

2347. Marie de la Visitation (née en 1541 à Lisbonne). Des visions ou des inspirations lui étaient données (NB 1/1, 147).

 

2348. Thérèse d'Avila (+ 1582). Sa volonté à elle lui est inspirée par Dieu lui-même (NB 1/1, 135).

 

2349. Laisser faire la grâce

Jützi Schulthasin (dans Schwesternbuch de Töss, XIVe siècle). Sa prière représente pour elle une nécessité absolue. En somme, elle doit prier pour rester en vie. En priant, elle connaît, et cette connaissance embrasse toute sa vie et la remodèle. Elle laisse faire la grâce (NB 1/1, 108).

 

2350. Nicolas de Cues (+ 1464). Quand il sent la grâce de Dieu comme inondant tout, il rayonne aussi parce qu'il réfléchit la lumière de Dieu (NB 1/1, 110).

 

2351. Un appel d’en-haut

Joseph Haydn (+ 1809) voudrait que personne ne se sente appelé humainement à la musique qui n'y a pas été appelé d'en-haut. Il considère son art comme indiciblement élevé ; il lui semble être l'expression de la volonté de Dieu et même en partie la restauration du paradis sur terre (NB 1/1, 200-201).

 

2352. Recevoir des grâces

Marie de la Visitation (née en 1541 à Lisbonne). Un ange est son compagnon et il lui semble qu'il a toujours été si présent qu'à chaque instant elle peut parler avec lui, le regarder, recevoir directement de lui des indications. Il lui a apporté la voix du Seigneur, la voix de l'Esprit Saint, la voix de la Mère de Dieu, la voix de certains saints Quand des visions ou des inspirations lui étaient données, quand elle recevait des grâces, elle reconnaissait à la présence de l’ange la justesse des événements. Elle ne réfléchissait pas beaucoup, ne se regardait pas beaucoup elle-même, ne se demandait pas longuement si cela était normal : elle avait toujours dans le comportement de l'ange comme un miroir de ce qu'elle-même était appelée à faire (NB 1//1, 147).

 

2353. Tirer profit des grâces de Dieu

Madame Acarie (+ 1618) connaît un certain amour enthousiaste, une extase qui n'est pas peu considérable et elle tire profit des grâces de Dieu. Elle connaît aussi une certaine sécheresse dont elle prend son parti avec humour. Aussi vive qu’elle soit, vis-à-vis de Dieu elle est sans prétention (NB 1/1, 148-149).

 

2354. La grâce que Dieu lui donne

Saint Pierre Claver (+ 1654). Sa relation la plus personnelle avec Dieu est insérée dans une vision de sa mission : par la grâce que Dieu lui donne, par l'amour de Dieu qu'il reçoit de sentir, il comprend ce que sont au fond la grâce et l'amour de Dieu. Dans cette grâce qu'il reçoit, il ne se sent pas comme un élu, comme un saint, il pense qu'une grâce de cette sorte est réservée à chacun. Quand il vient de la prière, il voit dans ses protégés ceux qui sont attendus par Dieu, ceux qui doivent faire le nombre (NB 1/1, 168-169).

 

2355. La grâce est un don du Seigneur (NB 5,166).

 

2356. C’est comme si le Seigneur attendait qu'on le prie pour communiquer sa grâce à une âme (NB 1/1, 193).

 

2357. Une proximité de Dieu, une aide sensible, une grâce

Roothaan (général des jésuites + 1853). Dans sa prière, très souvent il n'arrive rien d'autre qu'une confirmation toute paisible de ce qu'il fait, une indication, une proximité de Dieu, une aide sensible, une grâce (NB 1/1, 206).

 

2358. William Faber (+ 1863) reçoit la grâce d'intervenir chaque fois au moment où les décisions sont prises (NB 1/1, 209).

 

2359. Les étranges chemins de la grâce

Péguy (+ 1914). La grâce suit parfois avec lui d'étranges chemins qui sont visibles dans ses écrits. Il exprime et écrit les mots de grâce, de plénitude, de connaissance et d'amour dans une véritable inspiration dont le premier fruit est chaque fois qu'elle le ramène à la simplicité de l'enfant dans la prière (NB 1/1, 241).

 

2360. Charles Borromée (+ 1584) a des grâces particulières dans la prière, surtout des grâces de proximité, d'encouragement. Il se sent parfaitement conduit par Dieu (NB 1/1, 300).

 

2361. Il sait que sa propre certitude est une grâce

Saint Barthélemy. Son attitude intérieure se caractérise par une très grande certitude dans le Seigneur. Sa certitude passe partout. Elle ne vacille jamais, mais il ne garde pas pour lui-même cette certitude, il sait qu'il doit la convertir en apostolat. Pour lui-même, il n'a pas besoin de preuves, il n'a pas besoin d'être affermi. Mais, en considération des autres et des temps à venir, il se laisse tout de même affermir de manière nouvelle par le Seigneur. Car il sait que sa propre certitude est une grâce et qu'il n'a pas le droit de présupposer la même grâce chez tous (NB 1/1, 328).

 

2362. Cyrille d'Alexandrie (+ 444) : «  Dieu m'a tellement comblé de grâces que, si je ne tombais pas dans le péché, je courrais le danger de trop exiger d'autrui » (NB 1/1, 357).

 

2363. Pour une martyre, la grâce de la mort

D’une prière de sainte Cécile (+ vers 230) : « Seigneur, la mort est proche. C'est la mort que tu me permets de mourir. La mort vers laquelle il m'est permis d'aller pour toi, pour les autres croyants, pour tant d'hommes qui devraient encore venir à la foi. Je te remercie pour cette grâce, car je sais qu'une telle mort est une grâce pour toute ton Église. Elle n'est pas isolée, elle est en relation avec la mort de tous les martyrs qui ont joyeusement donné leur vie pour toi. Pour toi, pour ton Église, pour tous les croyants, pour tous ceux qui vont venir. Et finalement reçois encore de moi mon merci de pouvoir comprendre maintenant en vérité quelle grande grâce c'est de pouvoir mourir pour toi (NB 1/1, 387-388).

 

2364. La grâce de pouvoir devenir croyant

D’une prière de saint Athanase (+ 373) : « Père, répands ton Esprit trinitaire, donne-le à ton Église tout entière, donne-le à chaque croyant et à ceux également qui ne croient pas encore, mais qui, par ta grâce, par la grâce de ton Fils, peuvent devenir des croyants » (NB 1/1, 397).

 

2365. Donne-moi la force et la grâce

D’une prière de saint Hilaire (+ 367) : « Dieu, je te prie : tu vois que l’œuvre que j'ai entreprise est ardue, et tu vois aussi combien sont subtils les outrages que j'ai à affronter. Je voudrais comprendre toutes choses plus profondément pour mieux les combattre en ton nom et pour pouvoir mieux formuler le positif que tu me montres. Donne-moi la force et la grâce qu'il faut pour cela. A tous ceux à qui cette œuvre doit être utile donne ta grâce pour qu'ils apprennent à toujours mieux te servir » (NB 1/1, 399).

 

2366. Nous avons besoin de ton aide, de ta grâce

D’une prière de sainte Scholastique (+ 542) : « Nous avons besoin de ton aide, nous avons besoin de ta grâce. Chacun de nous en a besoin pour lui-même et pour l'autre, pour son monastère et pour le monastère de l'autre (celui de saints Benoît). Seigneur, par ta grâce qui nous a accompagnés si visiblement jusqu'à présent, nous sentons que la vie s'affermit dans nos monastères, nous sentons que cette vie a part en tout à ta vie » (NB 1/1, 416).

 

2367. L'aide de la grâce (NB 6,42).

 

2368. Donne-moi la grâce mystérieuse du ministère

D’une prière de saint Grégoire le Grand (+ 604) : « Père, donne-moi par ton Fils la grâce mystérieuse du ministère, dont personne n'a un si urgent besoin que celui qui doit s'asseoir sur le trône papal à la vue de toute la chrétienté » (NB 1/1, 417).

 

2369. Nous te demandons ton inspiration

Saint Bernard (+ 1153) : « Seigneur, nous te demandons tous ton inspiration. Donne-la nous ! Quand elle viendra, fais-no us reconnaître que c'est réellement ton inspiration. Ne permets pas que nous soyons orgueilleux et que nous passions à côté des signes que tu nous donnes » (NB 1/1, 428).

 

2370. La grâce de ton inspiration

D’une prière de saint Pierre d'Alcantara (+ 1562) : « Seigneur, ton serviteur se tient devant toi et il te demande la grâce de ton inspiration. C'est si difficile de diriger quand on devrait soi-même être dirigé, si difficile d'entendre des confessions quand on est soi-même pécheur, si difficile de distribuer la communion quand on se sent si indigne de te tenir, Seigneur, dans des mains indignes. Et pourtant tu requiers tout cela de nous » (NB 1/1, 474).

 

2371. Je sais que tu m'inspireras les paroles que j'aurai à dire

Prière de saint Nicolas de Flue (+ 1487) : « Je sais que tu as pris ma vie ; prends-la maintenant à nouveau afin que je ne devienne pas infidèle mais que je fasse ce que tu demandes. Je sais que je ne serai pas seul, tu m'accompagneras et Notre-Dame sera toujours avec moi, et tu m'inspireras les paroles que j'aurai à dire pour remplir ma tâche » (NB 1/1, 455).

 

2372. D’une prière de sainte Gertrude d'Helfta adressée au Seigneur : « Je te remercie, Seigneur, pour la grâce que tu me fais : ta mère me conduit à toi » (NB 1/1, 446).

 

2373. Ta grâce a choisi pour moi ce chemin

D’une prière de saint Nicolas de Flue (+ 1487) : « Le chemin par lequel tu m'as conduit jusqu'à présent avec ta Mère très aimée, Seigneur, me semblerait être un faux chemin si je ne savais pas que c'est toi qui m'as conduit, que ta grâce a choisi pour moi ce chemin NB 1/1, 453).

 

2374. Ta grâce et ton aide

D’une prière de saint Ignace : « Que je dise oui ou non, n'entends toujours que mon oui que je puise dans la force que ta mère avait pour dire le sien, mon oui dont je sais bien que je ne puis le tenir que par ta grâce et ton aide » (NB 1/1, 466).

 

2375. Tu m’entoures de tant de grâces visibles

D’une prière de saint Pierre d'Alcantara (+ 1562) : « Mon Seigneur et mon Dieu, comme chaque jour je voudrais maintenant te remercier. Te remercier de toute mon espérance, de toute ma foi, de tout mon amour : tu m'entoures de tant de grâces visibles que je trouve à peine les mots pour te dire combien je t'aime et te remercie » (NB 1/1, 475).

 

2376. Toutes les grâces que nous recevons

D’une prière de saint Pierre d'Alcantara (+ 1562) : « Mon Seigneur et mon Dieu, fais que toutes les grâces que nous recevons soient utilisées par nous comme par tous ceux qui autour de nous en sont touchés, de telle sorte que toute l'Église en reçoive sa part qui est bien sûr le tout » (NB 1/1, 475).

 

2377. Sans ta grâce, ma faiblesse ne pourrait pas

D’une prière de saint Jean Eudes (+ 1680) : « C'est ton amour, Seigneur, qui me conduit à toi, c'est ta grâce qui me permet de te présenter aujourd'hui toute ma faiblesse… Seigneur, sans ta grâce, ma faiblesse ne pourrait pas s'engager dans cette voie nouvelle » (NB 1/1, 485).

 

2378. Les saints ne résistent pas à la grâce

Les saints ne résistent pas à la grâce et ne lui opposent aucun refus. Toutes les grâces qui leur sont offertes sont des grâces de la communion des saints : la grâce de sanctifier leur vie, la grâce de prier et de porter pour les autres, d'être parfaitement disponibles, de reconnaître en chacun des autres ce qu'est le Seigneur, de voir en tout homme l'humanité que Dieu a assumée, car le mystère de l'incarnation se manifeste partout (NB 1/2, 15).

 

2379. La différence la plus essentielle entre la terre et l'enfer est peut-être que la terre porte en elle malgré tout tant de signes du paradis, que toute grâce n'est pas étouffée (NB 3,290).

 

2380. Combien sont nombreux ceux qui ont renié la grâce (NB 4,399).

 

2381. Il est vraisemblable que, vis-à-vis de la grâce, Élisabeth est beaucoup plus docile et plus croyante que son mari, Zacharie (NB 1/2, 33).

 

2382. Jean-Baptiste est chargé d'une grâce qu'il suit comme s'il était entraîné et sans poser de questions (NB 1/2, 36).

 

2383. Marie de Béthanie et Marie, la mère du Seigneur : les deux ne font qu'ouvrir les écluses pour l'afflux des grâces de Dieu (NB 1/2, 44).

 

2384. Ouvert à la grâce, et la grâce, c’est l’Esprit Saint

Pierre dit toujours des choses qui le dépassent. Quand il ouvre la bouche, l'Esprit parle en lui. Il est sans doute réfléchi quand il parle aux Juifs, mais c'est l'Esprit qui réfléchit en lui. Pierre est honnête ; il a compris exactement sa défaillance, il est terriblement prévenu. C'est pour cela qu'il est si ouvert à la grâce, et la grâce, c'est l'Esprit Saint (NB 1/2, 50).

 

2385. Je dois me dévoiler devant Dieu pour être ouvert à sa grâce (NB 3,75).

 

2386. L'homme, malgré sa nature, peut-être aussi justement à cause de sa nature avec laquelle il doit lutter depuis la chute, peut par la grâce rester ouvert à la grâce (NB 5,203).

 

2387. Une grande grâce lui a été donnée 

La famille de Thérèse de l’Enfant-Jésus et tout son entourage lui transmettent Dieu avec toujours plus de force, elle accueille ce qu'on lui transmet et elle ne cesse d'y croître plus profondément ; ainsi, pour elle, c'est presque une conséquence normale de la grâce que la statue de la Mère de Dieu s'anime. Les objets qui l'entourent participent pour ainsi dire à cette transmission. Sans doute remarque-t-elle à l'instant qu'une grande grâce lui a été donnée, mais au fond elle s'en étonne très peu (NB 1/2, 70).

 

2388. Ce qui nous sépare de la grâce de Dieu

L'état d'humiliation supprime le plus possible toutes les bornes qui nous séparent de la grâce de Dieu. L'humilié n'est pas en mesure de compter. Même s'il reçoit des grâces mystiques, il ne va pas non plus commencer à compter (NB 1/2, 103).

 

2389. La grâce : ce que Dieu tient à la disposition des hommes

La grâce, c'est ce que Dieu tient de lui-même à la disposition des hommes, mais aussi ce que l'homme demande à Dieu. Car Dieu a créé l'homme ouvert à lui, avec des questions qu'il adresse à Dieu et auxquelles il veut répondre. Dieu a prévu une conversation avec l'homme. (NB 1/2, 156-157).

 

2390. Depuis la croix, la grâce du Seigneur et la grâce de l’Église ne font qu'un inséparablement, elles sont un unique trésor de grâce à la disposition de tous (NB 2,30).

 

2391. Une ouvrière d'usine, qui est dans une situation difficile, peut recevoir de Dieu des grâces particulières pour le supporter et rayonner quelque chose (NB 1/2, 232).

 

2392. La grâce seule nous fait saisir les choses du Seigneur (NB 3,357).

 

2393. Paul est surpris par la grâce

Paul est surpris par la grâce, presque comme Adam a été surpris par le péché. Adam a rencontré le péché dans le serpent et il ne s’y attendait pas du tout. La grâce touche Paul : c’est la dernière des choses qu’il aurait attendue (NB 4,172).

 

2394. La grâce de Dieu peut s’expérimenter de manière mystique ou non

Quiconque vit vraiment dans la grâce se trouve dans une relation "sponsale" avec le Seigneur et il a part à la grâce de la Mère de Dieu. L'un peut expérimenter cette grâce de manière mystique, l'autre non, et pourtant la grâce est essentiellement la même, les missions sont différentes. A une ouvrière d'usine ou à celle qui vit dans un milieu prolétaire Dieu ne donnera pas les mêmes grâces qu'à une religieuse dans un cloître fermé ; et pourtant la mission de l'une n'est pas moins sponsale que celle de l'autre (NB 5,27).

 

2395. Le but de la grâce se trouve toujours en celui qui la reçoit (NB 5,46).

 

2396. Comprendre les œuvres de la grâce est réservé aux croyants ; sa propre conversion, il en fait l'expérience comme d'une grâce, il peut aussi comprendre que la conversion de son prochain est une œuvre de grâce du même genre (NB 5,49).

 

2397. La grâce provient du ciel, elle est invisible, mais elle reçoit pourtant dans la prière une certaine expression visible (NB 6,60).

 

2398. Sentir la grâce

Quand, dans la prière, je sens la grâce, quand je sais que je suis saisie par la surnature ou quand je reçois de Dieu une mission et que je m'y trouve parfois confirmée d'une manière qui reste inexplicable naturellement, ou quand une conduite m'est tracée qui s'avère juste par la suite, quand une vérité m'est donnée à laquelle je n'avais jamais pensé jusque là, j'expérimente bien quelque chose de terrestre, mais quelque chose qui est conditionné par du céleste. Il se peut qu'un succès confirme la justesse de mon obéissance, mais ce n'est pas nécessaire, sans cela je peux aussi être certaine de mon affaire. Peut-être que plus tard un mot de l’Écriture sainte me montrera la vérité de ce que je fus amenée à faire. La grâce "arrive" en moi. Je vois les résultats d'une conduite surnaturelle tantôt dans des événements et des hasards providentiels extérieurs, tantôt dans des connaissances et des clarifications : quelque chose tombe à point sans que je puisse m'en désigner comme la cause. Mes sens ne sont pas un obstacle fondamental à l'expérience de la grâce, ils peuvent être utilisés pour cela, mais la grâce peut aussi s'imposer sans eux (NB 6,62).

 

2399. La grâce peut être comme une petite étincelle qui vient de Dieu

Je ne peux pas préciser en quelle "partie" du chemin de la grâce qui m'arrive se trouve sa plus grande efficacité. Peut-être que Dieu m'envoie davantage que ce que je reçois. Peut-être moins, parce qu'il a créé en moi une sorte de dépôt de grâce qui est activé par une petite impulsion. Il peut se faire qu'un cœur qui brûle dans la grâce demeure dans un feu latent et qu'une petite étincelle venant de Dieu suffit pour changer le tout en un feu flamboyant, insatiable (NB 6,62-63).

 

2400. La grâce comme un ruisseau provenant d’une source

Celui qui prie vit sur terre mais, par la grâce, avec une vision des choses que Dieu lui donne à voir ; s'il vit totalement dans l'obéissance et dans l'amour (c'est la première condition et la plus essentielle), il n'a plus besoin de se tenir "tout en bas", il peut vivre quelque part sur la voie de la grâce, au lieu le plus favorable pour l'action de la grâce. Si on veut comparer la grâce à un ruisseau, c'est à proximité de la source qu'il est le plus propre et le moins ralenti, là où il n'est pas encore réduit par des canaux et des conduites (NB 6,63).

 

2401. Il peut y avoir, dans une âme priante et obéissante, des expériences intimes de la grâce (NB 6,63).


 

2402. On peut être touché par la grâce

On prie dans une église et il peut arriver qu’on est si directement touché par la grâce qu'on s'imagine éprouver de manière sensible sa répartition sur tous ceux qui sont présents ou sur ceux qu'on a recommandés ou sur des gens qui nous sont totalement inconnus (NB 6,77).


 

2403. Quand un chrétien reçoit des grâces sans paroles ou qu'il voit d'autres en recevoir, il sait qu'elles proviennent de Dieu Trinité (NB 6,96).


 

2404. La grâce de notre obéissance qui découle de l'obéissance du Fils nous est naturellement donnée par le Fils (NB 6,96).


 

2405. La grâce de l’Esprit Saint est une réponse à une prière

Pour prier l'Esprit Saint, on doit toujours le faire avec une certaine disponibilité. La grâce du Fils peut saisir quelqu'un d'une manière inattendue, comme Paul à Damas. La grâce de l'Esprit Saint par contre reste une réponse. C'est dans le sens de l'Esprit Saint et en son nom que le Seigneur dit : Priez et vous recevrez, etc. Quand la foi est donnée soudainement à un non croyant, c'est davantage l'œuvre de Dieu Trinité au nom du Fils incarné. L'Esprit par contre - en ce qui le distingue du Père et du Fils - est toujours celui qui comble, celui qui éclaire quelque chose qui est déjà commencé (NB 6,428).


 

2406. Par ta grâce, mieux te comprendre

D’une prière d’Adrienne adolescente : « Seigneur Jésus, je te demande de me prendre toujours plus, de m'apprendre à faire ta volonté et à mettre entre tes mains tout ce que je suis et deviendrai. Je te demande de bénir ma famille, d'être bonne avec maman, de bénir tous les copains, de bénir les maîtres et que tous ceux qui ont du mal à comprendre, comme moi, arrivent quand même par ta grâce à mieux te comprendre jusqu'au jour où au ciel ils te comprendront totalement » (NB 7,28-29).


 

2407. Quelque temps après le baptême d’Adrienne le 1er novembre 1940, elle se sent malheureuse de ce qu'elle ait si peu à offrir à Dieu pour ses grâces surabondantes (NB 8, n. 5).


 

2408. Quelque temps après le baptême d’Adrienne le 1er novembre 1940. Elle avait demandé pour moi dans la prière une grâce particulière. Elle ne savait pas qu'une telle grâce pouvait être accordée (NB 8, n. 7).


 

2409. Miracle de la grâce de Dieu d’être préservé du péché

Quelque temps après le baptême d’Adrienne le 1er novembre 1940. Adrienne se sent concernée par tout meurtre et tout adultère qui se produit n'importe où dans le monde. Elle sait très exactement qu'il y a là une relation. Elle-même, en ce qui la concerne, est prête à tout péché, et c'est toujours un miracle de la grâce de Dieu qu'elle en reste préservée (NB 8, n. 11).


 

2410. Les grâces qu’Adrienne a reçues

Mars 1941. Adrienne a beaucoup de soucis parce que, en raison des grâces (mystiques) qu'elle a reçues, je pourrais en quelque sorte avoir d'elle une trop bonne opinion. Je ne dois pas croire qu'elle est devenue quelque chose de particulier. Elle est angoissée à l'idée que de l'extérieur on pourrait la comparer à des saintes dans la vie desquelles on trouve des choses semblables (NB 8, n. 32).


 

2411. A l’heure de la mort, au dernier moment, il y en a reçoivent la grâce d’un oui total à Dieu (NB 8, n. 592).


 

2412. Les grâces que le Christ nous donne

Les bonnes œuvres sont bien sûr une grâce, comme la prière, et c’est le Christ qui les accomplit par nous, mais il a besoin de nous pour cela et il nous y prépare. Toutes les grâces qu’il nous donne concernent les œuvres qui consistent à le montrer aux hommes (NB 8, n. 609).


 

2413. Nous pouvons demander au Seigneur une grâce pour les autres

La grâce du Seigneur peut tout transformer : elle est comme une réalité invisible, un parfum, une atmosphère, qui change les choses, crée autour d’elle une proximité et un amour singuliers. Nous pouvons demander au Seigneur d’une manière tout immédiate une grâce pour les autres et elle est accordée par lui de manière tout aussi immédiate ; quelque chose alors se réalise qui ne se serait pas fait autrement (NB 8, n. 659).


 

2414. On ne possède jamais une grâce pour soi seul, mais toujours uniquement pour la transmettre (NB 8, n. 872).


 

2415. Il y a des grâces qui ne sont offertes qu’une fois (NB 9, n. 1275).


 

2416. La grâce du renoncement, de la souffrance

Un jour ou l'autre, le Seigneur offre à l’homme la grâce du renoncement authentique, la grâce du vide véritable, peut-être aussi de la souffrance et de la nuit ; par toutes ces grâces, l’homme doit arriver à une constance dans le don de lui-même, qui est voulue par Dieu (NB 10, n. 2263).


 

2417. Toute grâce est une irruption de l’éternel dans l’éphémère

Toute grâce du Seigneur est toujours un don qui vient de l'au-delà, toujours une irruption de l'éternel dans l'éphémère. La grâce n'est jamais isolée ; elle jette un pont qui rend possible un nouveau passage, qui met en lumière l'éternelle nouveauté. Cela vaut pour toute grâce. Une seconde peut-être qui suffit à capter un éclair de vie éternelle (NB 10, n. 2264).


 

2418. La grâce est quelque chose qui vient certainement du Seigneur (NB 11,29).


 

2419. Avec ton amour et ta grâce, rester dans la prière

« Donne-moi ton amour et ta grâce, cela me suffit » (Prière de saint Ignace). Sans la grâce et l'amour, je ne peux pas vivre pour toi. Ce n'est qu'avec ton amour et ta grâce que je peux rester dans la prière. La grâce et l'amour sont l'expression de ce que Dieu Trinité peut donner à l'homme pour qu'il reste fidèle dans sa prière et pour que celle-ci ne devienne pas une production devant Dieu, quelque chose qui repousse Dieu toujours plus loin, mais quelque chose qui demeure uni à l'Esprit Saint. Rester ainsi dans l'unité de l'Esprit est toute la richesse de l'homme, et la prière est la preuve que l'Esprit de Dieu habite en lui (NB 11,42).


 

2420. On ne peut pas dire que Dieu ne m'a pas donné pleinement une grâce. Elle peut se perdre en moi ou être mal utilisée (NB 12,110).


 

2421. Crescentia Höss (+ 1744). Elle comprend que l'être humain seul ne peut rien, qu'il a besoin de Dieu, d'un Dieu qui l'accompagne constamment pour accomplir ce qu'il ne peut pas accomplir lui-même (NB 1/1, 196).

 

La prière

 

Plan : Rencontrer DieuCe que Dieu veutPrier avec les saints

 

Rencontrer Dieu

 

 

2422. Dieu peut introduire un croyant dans une prière où il rencontre Dieu réellement

Un théologien peut avoir travaillé durant des années sur un problème, par exemple la prédestination, et avoir en même temps dit son bréviaire régulièrement et convenablement sans que son travail et sa prière se soient trouvés essentiellement en contact jusqu'au moment où Dieu l'introduit inopinément dans une tout autre forme de prière, beaucoup plus personnelle, où il rencontre Dieu réellement – avec ou sans vision – et où il lui est donné de comprendre des choses divines qui semblent tout d'abord désordonnées et inutilisables, mais pour qu'ensuite son travail cristallise de manière neuve. Elles semblent flotter librement dans la sphère chrétienne, il doit d'abord les recevoir à leur point périphérique telles qu'elles sont offertes, pour les ramener de là au centre de l’Église et leur donner là un aspect qui soit intelligible pour tous (NB 5,232).

 

2423. La relation entre le ciel et la terre peut être expérimentée

Dans la prière ou, d'une manière plus générale, dans l'attitude de prière d'obéissance à Dieu, la relation entre le ciel et la terre peut toujours être expérimentée ; elle nourrit la prière et donne continuellement à l'âme ce dont elle a besoin pour être à la hauteur de sa tâche. Mais si j'essayais de prendre dans cette substance ce qui, à mon avis, fait du bien à mon âme, ce qui augmente ma dévotion, favorise mon recueillement, ce serait un mépris du don parce que alors je revendiquerai pour moi quelque chose qui ne m'est pas destiné (NB 5,239).

 

2424. Nous sommes admis dans l’échange de l’amour divin

Notre prière n'est pas avant tout l'expression de nous-mêmes, de nos besoins et de notre indigence, c'est une parole dans l'échange d'amour de Dieu qu'il nous attribue dans sa Parole éternelle et à laquelle nous répondons en renvoyant le Fils au Père. C'est par la Parole divine que notre prière est fécondée, c'est de cette Parole que notre prière reçoit son contenu et son sens dernier. L'échange de l'amour divin dans lequel nous sommes admis, nous n'en aurons jamais une vue d'ensemble ; la parole chrétienne à peine exprimée est aussitôt emportée au ciel où, rendue disponible et utilisable, elle est employée. Nous parlons et nous prions tournés vers le ciel, et la parole qui semble petite dans notre bouche, reçoit là des dimensions d'éternité. Dieu le Père l'entend comme son Fils. De la sorte il n'y a pas pour nous de limites de réception qu'on pourrait déterminer ; nous exprimons quelque chose en tant que chrétiens : intervient alors l'espérance que la parole sera reçue dans l'amour, et c'est uniquement la foi qui nous en assure (NB 6,21-22).

 

2425. La prière : une conversation avec Dieu

Comme la conversation avec Dieu - la prière - participe à tout, il est bon qu'elle provienne aussi bien de la souffrance que de la joie. Mais le Père garde la libre disposition d'une parole qui arrive de la souffrance : il peut changer une prière de souffrance en une prière d'amour et de joie, il peut aussi faire à nouveau d'une prière de joie une prière de détresse, et d'une prière à la limite du désespoir une prière de parfaite confiance (NB 6,24).

 

2426. Dieu se penche sur celui qui prie

Celui qui prie ici-bas, sa prière est entendue par le ciel tout entier : dans la plénitude de l'exaucement divin. Dieu se penche sur celui qui prie : celui qui prie crie peut-être vers Dieu dans la détresse, il se débat dans des difficultés apparemment sans issue, et Dieu veut l'exaucer et lui faire réussir sa mission chrétienne ; le ciel tout entier participe à cette rencontre, elle est pure joie pour le ciel, même si celui qui prie ne le sent pas pour le moment (NB 6,71).

 

2427. La prière transporte le priant dans la vie éternelle

La prière transporte le priant dans la vie éternelle. Dans la prière, il peut si bien sentir en lui le désir de l'éternité qu'il perçoit dans le temps qui s'écoule des signes de l'éternel, il a la certitude d'être entouré par la vie éternelle. Il ne peut pas forcer la durée éternelle de Dieu de venir à lui. Il ne peut pas non plus faire lui-même des brèches dans le temps. Mais le désir est là et, s'il est authentique, il provient de Dieu et n'est pas sans rien exiger de l'homme. Dieu le force à vivre dans l'éternel. Et la caractéristique principale de l'éternité, c'est un maintenant perpétuel. Maintenant prier, maintenant répondre, maintenant suivre l'appel de Dieu. Sans se soucier de ce qui arrive par ailleurs (NB 10, n. 2264).

 

2428. La prière chrétienne se nourrit de l’échange éternel du Père, du Fils et de l’Esprit

La vision du Fils (dans le ciel) est pleine de sens pour la doctrine chrétienne du fait que le Christ dote la foi de bien des éléments qui proviennent de sa vision. La prière contemplative par exemple se nourrit de sa vision afin que l’Église ne cesse de savoir combien vivante est cette vision du Fils, l'échange éternel en Dieu du Père, du Fils et de l'Esprit. Afin qu'elle sache aussi que le Fils dans le ciel n'a pas oublié son humanité et qu'il répand des signes et des dons de son existence céleste dans la vie des chrétiens ici-bas afin qu'ils reconnaissent sa présence parmi eux sous des formes toujours nouvelles, pas seulement dans l'eucharistie (NB 6,189).

 

2429. Dieu reçoit les prières dans sa grâce

Il y a des gens qui sont sûrs de croire, qui sont sûrs que leur foi est juste et qui sont convaincus que Dieu les exauce. "Exauce", cela ne veut pas dire qu'il fait tout ce qu'ils voudraient, mais qu'il entend leurs prières et les reçoit dans sa grâce (NB 7,154).

 

2430. Contempler le Christ

Adrienne évoque la contemplation ; la contemplation n’est entrée que peu à peu dans l’Église comme exercice particulier. Tant que le Christ est là, on ne peut pas contempler dans ce sens. “Si le Christ était maintenant dans cette pièce, il ne me viendrait pas à l’esprit de fermer les yeux pour contempler ses paroles ou même pour lui adresser des prières. Je parlerais simplement avec lui et je l’écouterais. Mais une fois qu'il est parti, survient le sentiment d’un éloignement et commence alors le droit de la contemplation. Pas encore dans la première communauté chrétienne. Celle-ci était encore toute hors d’haleine, encore toute sous la première impression. Elle n’avait pas du tout une vue d’ensemble de ce qui s’était passé, c’est pourquoi il y avait là des choses aussi éruptives que les charismes de Corinthe. Ce n’est que peu à peu que tout commença à se tasser et c’est alors que commença la contemplation (NB 8, n. 807).

 

2431. La prière : le monde de Dieu fait irruption dans le monde de l’homme

Tout d'un coup on se souvient qu'on a le droit de prier et, pour un instant, tout le reste disparaît. La prière nous envahit de tous côtés comme le parfait rafraîchissement de l'esprit sans qu'on ait contemplé quelque chose de particulier, sans qu'on y ait pensé, ni même sans qu'on ait eu un thème précis de prière. C'est simplement le monde de Dieu qui fait irruption dans le monde de l'homme, qui fait sentir qu'on est un être humain et qu'on a un corps et des sens, qu'on est et signifie quelque chose qui a le droit de vivre dans l'amour de Dieu, et qui fait maintenant l'expérience d'être immergé dans le monde de Dieu. Peu à peu quelque chose se fait jour : ou bien on prie avec le cœur ou avec les lèvres dans une intention précise, ou bien on entend quelque chose, ou bien on trouve une nouvelle prière, ou bien on en dit une très ancienne... Et on voit que le monde où l'on était auparavant et qui semblait très éloigné de tout le divin n'en était quand même pas tellement exclu. Il pouvait sans doute paraître pour quelques instants comme coupé de Dieu. Mais ensuite la grâce du bain de prière est si grande qu'on sait qu'on a le droit de demander, d'adorer, de se reposer, on peut tout en quelque sorte, inséré dans ce qui est offert et qui dépasse tout ce qu'on pouvait attendre ou chercher. C'est un bonheur inouï qui dépasse toute espérance et qui n'a de place que pour la béatitude (NB 10, n. 2166).

 

2432. Quand Dieu est en moi - dans la prière par exemple - c'est le ciel. Quand je suis seul avec moi, devant le péché, c'est l'enfer (NB 3,249).

 

2433. Thomas a Kempis (+ 1471). Le "Livre de l'Imitation" doit ouvrir l'esprit humain à l'essentiel de l'imitation du Christ, le remplir de la prière, l'initier à la présence de Dieu (NB 1/1, 109).

 

2436. Dans la prière : se rattacher à quoi que ce soit dans la création -

Dans la prière, on peut se rattacher à tout. Également à une joie ou à une souffrance qu'on a éprouvée et par laquelle on apprend à mieux connaître Dieu, ou à une histoire qui m'a été racontée, ou à quoi que ce soit dans la création. On peut se laisser conduire plus loin par tout. Un beau paysage, beauté et clarté en général. Un plan que j'ai : le plan de Dieu avec nous et avec le monde. Quand les choses de ce monde s'ouvrent sur Dieu, on n'est plus soi-même le point de référence, on devient le point de réception de ce que Dieu donne (NB 10, n. 2058).

 

2437. Thomas a Kempis (+ 1471). Sa prière est portée et remplie par la parole de l’Écriture qui l'anime et le fait constamment avancer (NB 1/1, 109).

 

2438. Si un chrétien cesse de méditer la Parole de Dieu, ce n'est plus Dieu qui est son point de référence, mais son moi. Il est desséché (NB 6,413).

 

2439. On ne doit pas aspirer à l' « union mystique ». Mais on ne doit pas non plus ouvrir un abîme entre la "simple prière" et la "prière passive" dans laquelle Dieu assume la direction (NB 1/2, 232).

 

2440. On a le droit de prier

L’auteur du "Nuage de l'inconnaissance" (14e siècle). Chacune de ses prières se termine au fond par un merci. Pour le fait qu'on a le droit de prier, que Dieu ne nous repousse pas, mais qu'il nous prend avec lui dans le combat, et que Dieu nous permet de l'aimer, de l'acclamer (NB 1/1, 118).

 

2441. Pouvoir prier est un don de la grâce de Dieu (NB 5,88).

 

2442. Le Seigneur désire davantage de prière

(Réflexions d’Adrienne en vacances à Ronchi, au bord de la mer, en Italie). Je dois aussi penser aux nombreuses églises vides dans lesquelles brille la lampe du Saint-Sacrement ; ici aussi il y a la présence et la grâce du Seigneur et, avec lui, il y a là la prière de ceux qui prient ; on voit comment le Seigneur prend en lui cette prière, comment il désire davantage de prière et de don de soi, pour la glorification du Père dans l'Esprit Saint et pour pouvoir répandre davantage dans le monde quelque chose de la grâce trinitaire (NB 10, n. 2228).

 

2443. Prier le Fils et prier l’Esprit Saint

Parce que le Fils est devenu homme, il est facile de comprendre que, dans la prière, on s'adresse avant tout à lui comme si, par son expérience du monde, il était plus à même de nous comprendre. Et quand vient le temps de la fête de l'Esprit, il semble que ce soit un peu laborieux de devoir maintenant s'occuper surtout de lui, de lui confier notre prière. Mais dès qu'on le fait, on remarque que la difficulté qu'on craignait n'existe pas. La prière est seulement devenue autre parce que maintenant on se sait enveloppé par l'Esprit, comme si c'était en s'approchant de lui qu'on apprenait par expérience qu'on demeure pour ainsi dire en lui, qu'on est abrité en lui. Il sait d'avance ce qui est à dire dans la prière, pourquoi on le prie et, par son omniscience, il nous rend à nouveau la prière facile. Mais il y a une particularité dans cette prière à l'Esprit : on pressent plus que d'habitude la grandeur et l'immensité de Dieu, on sait que ce qui nous est propre et qu'on apporte trouve un accueil, mais sur un plan qui se trouve très haut, qui connaît déjà les solutions, qui les connaît et les possède. Ce sont peut-être aussi surtout les questions les plus éloignées qu'on présente à l'Esprit, celles qu'on pressent plus qu'on ne peut les exprimer ; c'est une autre sorte de méditation, de conversation, de demande et d'action de grâce. Le remerciement est élevé à un niveau supérieur, on a l'impression de lui apporter des récipients vides et l'Esprit les remplit. On ne peut pas observer le processus, mais il en est ainsi. Les récipients remplis, l'Esprit les emporte avec lui et il les porte au Père et au Fils. Il se comporte comme un centre mystérieux de transmission en recevant et en emportant ce qui est nôtre. La question de savoir ce qu'il en fait ne se pose pas. Il prend la prière avec tout ce qui la rend plus difficile, plus incompréhensible, peut-être aussi plus problématique et, à la place, il nous donne l'assurance d'un échange vivant en Dieu Trinité (NB 10, n. 2304). (Une autre version d'une partie de ce N° 2304, avec quelques variantes, se trouve dans NB 5, p. 166-167).

 

2444. Dieu se révèle dans la prière

Quand Joseph de Copertino accomplit une action quelconque, quand il aide ses frères, donne des ordres, tout lui paraît petit et insignifiant parce que ce qui est le plus important, c'est la réalité du Seigneur qui se révèle à lui dans la prière (NB 2,155).

 

2445. (Adrienne a 22 ans, elle est étudiante en médecine). Je voudrais entendre la voix de Dieu et je ne l'entends pas (NB 7,129).

 

2446. Pendant qu'Adrienne réfléchissait au sens d’une vision qu’elle avait eue, elle fut transportée dans une vision de prière. Une vision qui avait la force d'une prière. Mais d'une prière inspirée (NB 5,194).

 

Ce que Dieu veut

 

2447. Une vraie prière, c'est-à-dire une prière qui se met à la disposition de Dieu (NB 3,67).

 

2448. Toute prière authentique veut ce que Dieu veut : l'union du monde avec lui (NB 10, n. 2292).

 

2449. Chercher la volonté de Dieu

Grégoire VII (+ 1085). Quand en dehors de la prière il voit une tâche devant lui, quand quelqu'un lui dit quelque chose d'important, son premier soin est d'obtenir la certitude que c'est voulu par Dieu et que cela fait partie de sa tâche. Il montre l'affaire à Dieu, en toute simplicité, mais sous tous les angles, comme s'il devait montrer à Dieu le pour et le contre tels qu'ils apparaissent humainement afin que Dieu ait la possibilité d'examiner les choses à sa place, à la place de l'homme. Et Dieu choisit (NB 1/1, 68).

 

2450. Dieu peut

En raison d'une prière faite aujourd'hui, Dieu peut corriger quelque chose qui s'est passé il y a des milliers d'années, de même qu'il peut faire s'ouvrir et se remplir de sens un passage de l'Ancien Testament auquel on n'avait jamais prêté attention, qu'on n'avait jamais compris (NB 1/2, 170).

 

Prier avec les saints et d’autres chrétiens

 

2451. Emporter les autres dans sa prière

Pacôme (+ 346). Il emporte les hommes avec lui dans sa prière ; c'est comme s'il ne voulait pas se permettre de se tenir seul devant Dieu. Il emporte toujours les hommes sur qui il a des desseins, mais toujours aussi quelques inconnus. Quand, dans sa contemplation, il apprend ou voit quelque chose de Dieu, il ne voudrait pas être le seul à apprendre et à voir, c'est pourquoi il emporte des hommes avec lui. Il se sert de l'attachement que les hommes ont pour lui pour favoriser leur attachement à Dieu (NB 1/1, 268).

 

2452. Il ne voudrait pas fatiguer Dieu

Saint Philippe Neri (+ 1595). Chaque fois qu'il a adoré le Christ enfant ou le Seigneur adulte ou le Christ sur la croix ou Dieu le Créateur ou l'Esprit Saint, au milieu de sa prière - mais aussi durant les heures qui se trouvent entre ses moments de prière plus sérieuse -, il cherche à leur faire des surprises, à leur offrir quelque chose, à leur ménager de petites joies. Il n'y a pas là une manière humaine incongrue de se représenter Dieu, mais le besoin de participer tellement à l'amour et de pouvoir le manifester de telle sorte qu'il ne se trouve jamais embarrassé quand il a d'autres hommes à aimer. -Son amour pour Dieu porte un caractère très humain, mais qui plaît à Dieu : il a le souci de la variété. Il devrait en quelque sorte se mépriser s'il adorait Dieu chaque jour de la même manière. Il ne voudrait pas fatiguer Dieu. Et comme lui-même ne se sent jamais fatigué par Dieu, il voit par là que les chemins de l'amour de Dieu sont infiniment variés (NB 1/1, 136).

 

2453. Madame Acarie (+ 1618). Chacune de ses manières de prier l'introduit plus profondément dans la multiplicité des manières qu'a Dieu de se conduire vis-à-vis de l'homme (NB 1/1, 158).

 

2454. Être libre pour Dieu

Sainte Catherine de Ricci (+ 1590). Elle commence chaque fois sa prière en se présentant à Dieu de la même manière qu'une servante offre ses services à une personne de haut rang. Elle n'a pas la possibilité de prévoir ensuite le cours de sa prière, de pressentir, ne fût-ce que vaguement, sa forme ou son contenu. Car dès qu'elle est là et libre pour Dieu, l'Esprit Saint prend totalement possession d'elle et il fait d'elle ce qu'il juge bon, ce qui pour elle est inimaginable (NB 1/1, 138).

 

2455. Prière vétérotestamentaire et prière néotestamentaire

Joseph Haydn (+ 1809). Sa prière est en partie un peu vétérotestamentaire étant donné qu'il se sent placé devant un Dieu sévère qui mesure et évalue constamment l’œuvre dans sa justice ; mais soudain sa prière est à nouveau néotestamentaire et elle attend grâce et plénitude (NB 1/1, 200).

 

2456. Toute sa vie est prière

Saint Patrick (+ 461). Toute sa vie est une prière. Ce qu'il apporte aux hommes n'est rien d'autre que sa prière, et quand il réfléchit à ses tâches ou à quelque autre problème, tout est toujours prière. Comme s'il était constamment assis avec Dieu et décidait avec lui de toutes ses affaires (NB 1/1, 274).

 

2457. Il prie comme on nage

Saint Boniface (+ 754). Sa prière est rapide, pénétrante. Il prie comme on nage : en piquant une tête, et alors il prie et il prie et il prie, d'une certaine manière sans voir le rivage. Dieu veut aussi, dans la prière, lui montrer son prochain de manière neuve, lui donner des idées sur la manière dont il peut rencontrer les hommes et leur rendre délicieuse cette eau qui doit être traversée à la nage (NB 1/1, 277).

 

2458. Il prie beaucoup

Saint Antoine de Padoue (+ 1231). Il prie avec beaucoup d'amour, il prend les hommes avec lui dans sa prière et il attend de sa prière un fruit qu'il peut apporter aux hommes. Il ne voudrait absolument rien garder pour lui. Toutes les paroles qu'il apporte aux hommes, toutes ses prédications, toutes ses consolations, tous ses encouragements, il les puise dans la prière (NB 1/1, 286).

 

2459. Une prière inspirée par Dieu

Saint Anselme (+ 1109). Anselme est l'unité parfaite de la prière et du travail. Ce qu'il fait lui est pour ainsi dire égal : qu'il travaille, qu'il prêche ou qu'il converse, tout est prière. Une prière si pure, si totalement inspirée par Dieu, qu'elle ne diminue pas même quand il reste longtemps à son travail. Il ne perd jamais le contact avec Dieu (NB 1/1, 421).

 

Le péché

Plan : Liberté et péchéLes effets du péchéDieu et le péchéLe Fils et le péchéL’Esprit Saint et le péchéLe péché originel et le péché

 

Liberté et péché

 

2460. La liberté que Dieu a donnée à l’homme a éloigné l’homme de lui

Ève a péché, elle a poussé Adam au péché et a détruit cette sorte de médiation provenant de Dieu. Mais ce n'est que pour elle et ses descendants que l'original divin fut détruit, pas pour Dieu, parce qu'en Dieu rien ne peut être détruit. Dieu a gardé l'image. Mais il a vu que la liberté qu'il avait donnée à l'homme l'avait éloigné de lui, qu'il ne suffisait pas qu'il se promène au paradis à proximité de l'homme pour le garder près de lui, il vit qu'il devait continuer et habiter lui-même dans l'homme. Ève s'était éloignée de l'image que Dieu avait d'elle. Mais l'image restait en Dieu et était libre maintenant pour Marie (NB 1/2, 157).

 

2461. Dieu a donné à l’homme la liberté

Dieu a créé l'homme à son image et Dieu est liberté. La liberté de l’homme n’est pas la liberté de pouvoir faire aussi le mal, mais la nécessité librement choisie d'accueillir l'obéissance à Dieu (NB 1/2, 225).

 

2462. Amour, liberté et péché

L'enfer est un mystère qui résulte de l'amour de Dieu pour le monde. Le péché en tant qu'objet est la conséquence du fait que dans l'amour doit régner la liberté et donc que le refus est possible (NB 3,106).

 

2463. Tous les sens créés par Dieu pour le bien ne sont plus là que pour percevoir et saisir ce qui est impie (NB 3,287).

 

2464. Chaos et liberté de pécher

Il y a dans la création un reste de chaos. Tout ce que Dieu a créé est bon. Mais il reste à côté le non-créé, le non-séparé. L'homme créé a en lui quelque chose de ce non-séparé. Lui-même est bon, mais il a un rapport au non-séparé, qui correspond au chaos. Sinon il ne pourrait pas pécher. La liberté pour le bien est quelque chose de bon. La liberté comme choix est quelque chose de neutre et, sous ce rapport, d'apparenté au chaos. Le serpent ne peut rien au bien, il peut être content quand il trouve quelque chose de neutre. Le bien n'entame pas de conversation avec le serpent, il doit d'abord s'être retiré dans le neutre et, en cela, il y a déjà une volonté. Marie "aurait pu pécher" mais, comme elle était déterminée pour le bien, elle n'a pas voulu s'en aller au lieu de la neutralité (NB 3,256).

 

2465. Dans le mystère divin se trouve inséré le mystère humain du choix du péché ou de son refus, le mystère de la décision humainement mûrie pour l'un ou pour l'autre (NB 3,189).

 

2466. L'être humain reste libre de se détourner de Dieu même quand Dieu lui offre des grâces extrêmement riches. La Mère du Seigneur "aurait pu" pécher…, aurait pu ! (NB 1/1, 214).

 

 

Les effets du péché

 

2467. Il y a dans le monde tous ceux qui refusent le Seigneur et qui pourtant pourraient devenir ses frères par sa grâce (NB 9, n. 1613).


 

2468. Le pécheur cache toujours. Adam et Ève se couvrent de feuilles de figuier (NB 11,305).


 

2469. Se cabrer devant Dieu

Goethe (+ 1832). Pour lui, l'homme est déterminé par une puissance qui signifie plus qu'il ne le sait. Mais il ne parvient pas à une relation avec Dieu qui inclurait prière et filiation ; souvent aussi il se cabre devant celui qui possède la force de diriger les destins des hommes (NB 1/1, 202).


 

2470. Tourner le dos à l’éternel

Aujourd'hui c'est comme si, pour des motifs provenant de notre raison (qui trouve pour chaque péché une justification), nous avions une fois pour toutes tourné le dos à l'éternel parce que nous avons perdu le sens de l'éternel et toute parole à son sujet. Quand le Fils parle de l'heure qui vient, qui n'est pas encore là, il veut parler d'une heure qui est totalement au pouvoir du Père et envoyée par lui. Nous par contre, nous pensons connaître chaque heure et en disposer, mais par là nous nous séparons définitivement du temps dont le Père dispose parce qu'il lui appartient, et nous nous en éloignons si loin que la liaison entre notre temps et le temps de Dieu ne peut pas être renouée. La liaison ne se laisserait rétablir que si nous remettions au Père notre temps tout entier pour qu'il choisisse ses heures ; nous aurions alors notre unité en lui, une unité telle qu'elle est tracée dans l’Église, telle qu'elle existe entre le Fils et son épouse, une unité qui puise dans l'échange trinitaire de l'amour de Dieu et en procède (NB 10, n. 2234).


 

2471. Le Seigneur est absent du cœur et de la pensée des hommes

Gertrude d'Helfta (+ 1302). Elle pense qu'elle aurait pu agir davantage autrefois si elle ne s'était pas réfugiée totalement dans le bien, si au lieu d'adorer la simple beauté du Seigneur elle l'avait davantage contemplé sur la croix et si elle avait davantage réfléchi au fait qu'il était absent du cœur et de la pensée des hommes (NB 1/1, 445).

 

2472. Par le péché, l'être humain ferme une de ses fenêtres sur Dieu

Quand moi pécheur, je réfléchis à la confession, je perçois qu'elle est pleine de choses qui sont peu claires pour moi parce que j'ai trop peu de vénération pour Dieu et pour ses grâces, et c'est pourquoi je ne peux pas me représenter ce que son don a de grandiose. Je n'en vois toujours que des aspects. Mais il est sûr que la vie éternelle en présence de Dieu veut dire aussi une vie après une confession parfaite, non seulement parce qu'on a laissé derrière soi tous ses péchés, mais aussi parce qu'on est maintenant totalement ouvert à Dieu. En tant que porteur du péché originel et également de tous ses péchés personnels, l'être humain ferme une de ses fenêtres sur Dieu jusqu'à ce que ce soit en lui l'obscurité complète et qu'il soit totalement prisonnier de son péché et de sa libre décision d'y persister. Cette obscurité se trouve rarement sans issue, la plupart du temps c'est une partie de l'âme après l'autre qui s'obscurcit (NB 6,519).

 

2473. Péché : indifférence à l’égard du Père

Quand le Fils naît dans l'acte d’engendrement du Père, c'est alors qu'il dévoile au Père son plan. C'est comme si le Fils ouvrait au Père sa lumière pour que le Père voie dans cette lumière la décision du Fils et y perçoive comment la grande ombre du péché du monde peut être prise par le Fils. Et tandis que le Fils ouvre au Père sa lumière, il sent que l'ombre cherche à porter en lui la lumière pour l'éteindre. Il sent que l'ombre se défend pour rester ombre et il sent passer dans toute sa lumière quelque chose d'étranger et de froid qui voudrait la forcer à disparaître. C'est justement quand il est engendré et qu'il ouvre sa lumière, qu'il éprouve sa première angoisse parce que sa lumière fait apparaître le péché comme une indifférence à l'égard du Père et lui fait ressentir la justice du Père. Sa lumière et la lumière du Père sont devenues deux parce qu'il y a dans sa lumière la décision de prendre les ténèbres du monde et ainsi sa lumière semble ne plus être en harmonie avec celle du Père. C'est l'angoisse du Fils devant le Père et dans le Père, que sa lumière ne puisse plus être semblable à celle du Père. Le Père n'a en lui aucune sorte de ténèbres alors que le Fils laisse entrer en lui les ténèbres du monde. Le Fils découvre alors que le Père aussi a des ténèbres en lui, les ténèbres de l'enfer. Car le Père a créé les hommes si libres qu'ils peuvent se perdre loin de Dieu (NB 1/2, 106-107).

 

2474. Les hommes pécheurs perdent très vite la fraîcheur de l'origine

L'Esprit procède du Père et du Fils ; parce qu'il est l'Esprit de pureté, il reste éternellement dans la fraîcheur de celui qui vient de procéder, tandis que les hommes pécheurs perdent très vite la fraîcheur de l'origine. Avant la chute, Adam possédait quelque chose de cette fraîcheur permanente d'avoir été créé dans la grâce. Malgré la distance infinie entre l'Esprit qui est Dieu et Adam qui est créature, il y a entre les deux une ressemblance dans le fait qu'ils ne s'éloignent pas de l'origine. Après la chute, là justement où se trouvait la principale ressemblance se trouvera la principale différence. Et l'Esprit qui reste dans un état irréprochable rendra visible ce que la défection a de répréhensible (NB 6,396-397).

 

2475. Par le péché, le pécheur s’éloigne de Dieu

L'homme remarque cette différence de la relation de Dieu à lui : sa proximité et son éloignement. Il utilise pour pécher le temps où Dieu s'est éloigné, c'est-à-dire où il n'est plus perceptible. Il tombe par là dans une distance totalement neuve, non prévue par la création : l'éloignement du pécheur vis-à-vis de Dieu. Distance et proximité sont bonnes en elles-mêmes : les deux existent à l'intérieur de la vie trinitaire ; la distance et la proximité de la création originelle sont bonnes également et manifestent toutes deux quelque chose de la nature de Dieu. Par le jour et par la nuit, l'homme est accordé à Dieu. Par le péché au contraire, il est en désaccord avec Dieu. La nuit du péché conduit à la nuit qui le rend étranger à Dieu (NB 3,206).

 

2476. La relation de l’homme à Dieu est troublée par le péché

Après la chute, tout change. L'unique limite est franchie et, dès cet instant, des limites se font sentir partout. L'homme s'y heurte constamment au sens le plus concret du terme. Il s'y heurte partout dans ses actes, il trébuche dans ses pensées. Pour l'homme, Dieu avait créé la foi qui s'accordait au mieux avec sa raison, son mode de vie, toute sa nature humaine. Mais il devait rester ouvert à Dieu au-delà de tout ce qu'il avait compris et ainsi il promettait toujours de nouvelles réalisations. Cette foi était comprise dans la parole du Père que l'homme était capable d'entendre, dans laquelle il pouvait mettre sa parole sans pour autant réduire la parole de Dieu. La parole était exprimable ; Dieu ne cessait de la dire et l'homme était capable de la répéter et, parce qu'il fait partie du sens de la parole de Dieu qu'elle soit toujours plus grande, il faisait partie du sens de l'homme que sa foi restât capable d'extension. Cette relation est troublée par le péché. Le sens de l'homme s'émousse s'il n'est pas constamment nourri du sens de Dieu. L'homme met alors des limites quand Dieu dit quelque chose qui n'a pas de limites ; sa "foi" ne croit plus qu'à ce qui, dans la parole divine, lui semble conforme à sa nature finie. Il établit une certaine relation entre ce que Dieu "peut" dire et ce qu'il peut comprendre ; il a privé par là la parole de Dieu de son caractère illimité et la foi de son ouverture (NB 5,42-43).

 

2477. Par le péché, l’homme n’est plus créature de Dieu mais du diable

Saint François Jérôme s.j. (+ 1716). Il se voit toujours dans la communion des saints et il sait que tous les humains devraient revenir à Dieu. L'unique chemin de retour qu'il voit, c'est la confession, le rejet de ce qui empêche d'aller à Dieu, non seulement parce que cela barre le chemin, mais parce que l'homme ne se connaît plus lui-même et qu'il n'est plus une créature de Dieu mais une créature du diable. Cette pensée d'être une créature de Satan est pour lui la plus affreuse ; il est très enclin à voir partout l’œuvre de Satan et aussi à la montrer, pour que les hommes se convertissent et soient libres pour Dieu et pour sa grâce (NB 1/1, 186).

 

Dieu et le péché

 

2478. Par le péché, une distance entre l’homme et Dieu

A l'origine, lors de la création, Dieu voulait donner à tout homme en chemin une mission précise que chacun aurait reconnue, gardée et exercée comme venant de Dieu. Il n'aurait pas eu le sentiment que Dieu était loin. Maintenant, par le péché, la distance a fait son apparition, d'abord comme signe que Dieu se détourne du péché, mais ensuite aussi dans le cadre de ses nouvelles dispositions dont le dessein est de ramener à lui les pécheurs (NB 6,316).

 

2479. Les effets du péché sur le Père

Sur la croix, le Fils a fait l’expérience de ce dont était capable le péché ; auparavant, au cours de sa vie, il en avait fait l’expérience dans les autres hommes et, avant l’incarnation, il avait fait au ciel l’expérience des effets du péché sur le Père. Il possédait ainsi toutes les expériences du péché - l’expérience divine et l’expérience humaine - sauf une : l’expérience de le commettre (NB 4,96).

 

2480. Le péché : une offense faite au Père

Bien que Dieu ait toujours su que l'homme allait pécher, il y a une blessure, une offense et une tristesse de Dieu ; ce que Dieu ressent du fait du péché a des conséquences pour l'Esprit : c'est comme si l'une des tâches essentielles de l’Esprit désormais était d'enlever en quelque sorte l'offense faite au Père et au Fils par le péché, d'alléger la solitude du Père offensé en lui montrant que lui, l'Esprit, n'est pas insensible ; et cette participation veut dire aussi qu'il est prêt à agir au milieu des hommes pour enlever leur propension au péché : ce qu'il fait dans le ciel au sein de la volonté du Père et comme porteur de cette volonté, le faire ici-bas au nom de la même volonté (NB 6,558).

 

2481. Le péché : ce qui est rejeté par le Père

Dans les trois états du péché en enfer, le Fils reconnaît une chose avec certitude : le Père n'est pas là. Ce qu'il voit, c'est ce qui est rejeté et éliminé définitivement par le Père, ce à quoi n'adhère plus rien de la relation originelle du Père à sa création (NB 3,106).

 

2482. Il y a un effet du péché sur Dieu

En tant que représentant de l'humanité déchue, le Fils est constamment préparé par l'Esprit à savoir que le Père est offensé. Il ne suffirait pas que le Fils n'ait que l'expérience humaine du péché, il doit en même temps savoir l'effet du péché sur Dieu. Ceci d'autant plus qu'il est venu pour glorifier le Père et faire sa volonté. On peut le dire comme ceci : l'Esprit Saint empêche que le Fils fasse tellement de l'affaire du Père sa propre affaire que l'œuvre de la rédemption perde son caractère trinitaire (NB 6,176).


 

2483. La colère de Dieu devant le péché de sa création

En Dieu Trinité, la colère du Fils est illimitée. Cette colère est vivante à côté de son amour divin ; cette colère est vivante ; à côté de cela, il adore et il est adoré, il reçoit l'amour du Père et des hommes ; mais tout cela ne peut pas voiler ce que les hommes font de mal et celui qu'ils projettent de faire. Cette colère est "élémentaire", divine, et donc pour les hommes indéfinissable parce que l'objet propre de cette colère, le péché, ils ne peuvent pas non plus le voir dans toute sa portée et toute sa vérité. Jusqu'à l'incarnation, le pécheur ne fait qu'un avec son péché au regard de Dieu, et il semble ainsi qu'on ne peut pas imaginer comment la colère de Dieu peut toucher le péché sans qu'en même temps le pécheur tombe raide mort. Cependant il y a en Dieu dès maintenant un niveau où l'amour de Dieu distingue le péché et le pécheur, un niveau d'attente où le pécheur racheté est ramené tandis que derrière lui brûle l'enfer en tant que quintessence de tous les péchés, de ce qui offense Dieu continuellement et avec quoi il n'y a pas d'arrangement possible. Tandis que tous les pécheurs se trouvent devant cet arrière-plan, qui appartient à l'enfer, le tableau d'ensemble constitue pour le Fils aussi un outrage perpétuel ; mais le Fils ressent davantage encore l'outrage qui est fait au Père que celui qui le touche personnellement. Le Fils saisit la colère du Père d'être ainsi méprisé et outragé par sa création, sa propre colère s'en allume et s'en accroît. La colère divine dans le Père, dans le Fils et dans l'Esprit a réellement pour chacun une nuance propre, bien qu'on ne puisse pas dire que l'une soit plus grande que l'autre parce que toute colère divine est absolue (NB 6,310-311).

 

2484. Le pécheur se voit détourné de Dieu

Le dialogue paradisiaque des hommes avec Dieu n'est plus possible ; pour le renouer, le Fils doit obtenir le samedi saint que les hommes soient autorisés à entrer dans le feu du Père. Ils doivent le désirer et le vouloir : faire effort pour sortir de leurs propres limites et de leurs propres idées, et être plongés dans le monde du feu divin où Dieu maintient sa puissance souveraine. Le purgatoire tout d'abord ne force rien ; le pécheur se sent attiré par Dieu, mais il se voit lui-même totalement détourné de Dieu ; et maintenant il doit dépasser son éloignement de Dieu pour être sensible au feu qui brûle sans consumer (NB 6,317).

 

Le Fils et le péché

 

2485. L’incarnation du Fils pour séparer homme de son péché

Le Fils est en colère parce que les hommes pèchent : un fait qu'on ne peut pas cacher ; mais il est aussi en colère parce que le Père est en colère et qu'il est offensé, et cette colère ne peut pas se calmer tant que sa création pèche. Cette colère qui existe avant l'incarnation est continuellement avivée par le péché. Et comme la rencontre est constante entre le péché et la colère, il semble qu'on ne puisse pas espérer une victoire sur l'enfer, c'est-à-dire une séparation efficace du péché et du pécheur. Pour que cette séparation puisse se produire, le Fils doit devenir homme. En devenant homme, le Fils se dépouille de son existence céleste ; ce faisant, il va dépouiller les hommes de leur être d'enfer, il va pouvoir les en séparer (NB 6,311).


 

2486. Le Fils agit pour que le pécheur ne soit pas consumé par le feu de Dieu

Si Moïse était entré dans le feu qui ne consume pas le buisson, il aurait été brûlé tout entier. Cela caractérise l'ancienne Alliance. C'est le Fils qui apportera la condition permettant que le pécheur ne soit pas consumé par le feu de Dieu. Jusque-là Dieu garde jalousement cette propriété du feu. Vis-à-vis de Moïse, il se fait reconnaître comme Dieu, il l'intéresse aussi par le feu, mais il ne le laisse pas s'approcher. Cela ne lui est pas possible, sinon Moïse se précipiterait dans ce que Dieu a de consumant, dans sa justice. Qu'un homme, s'en remettant au feu de Dieu, puisse se précipiter en Dieu, ce n'est que le samedi saint du Fils qui l'a obtenu. Il y a là un mystère trinitaire. Les personnes divines sont libres de céder le pas à chaque instant devant l'action d'une autre personne. C'est ainsi que le Père laisse au Fils tout le fruit du samedi saint et s'abstient de l'utiliser jusqu'au moment où aura sonné l'heure du Fils (NB 6,317).

 

2487. Je pèche : Dieu m’envoie son Fils

Je pèche : Dieu réagit par l'expulsion du paradis. Je pèche à nouveau, Dieu m'envoie les promesses. Je pèche encore, Dieu m'envoie son Fils et l'apparition de l'Esprit (NB 4,181).

 

2488. Pour donner à l’homme la possibilité de revenir à Dieu, Dieu envoie son Fils

Quand le Père envoie son Fils et que le Fils avec le Père envoient l'Esprit, ils créent la force de la mission par leur puissance divine, et la mission n'est rien d'autre que l'expression de l'amour qui se laisse envoyer. C'est l'amour qui est envoyé et qui doit devenir efficace. Le Fils et l'Esprit sont dans le monde les porteurs reconnaissables de l'amour. La visibilité de la mission correspond à la visibilité du monde créé par le Père ; parce que l'homme a péché et se trouve peu capable de saisir l'invisible du Père, il a besoin d'une manifestation plus forte encore qu'au paradis pour pouvoir remarquer que l'Esprit plane ou que Dieu se promène. Par les missions, Dieu répond au besoin de l'homme d'une manifestation qui soit comme un reflet. L'homme a été créé comme image de Dieu mais, en péchant, il a tellement troublé l'image reflétée que par l'image seule il ne peut revenir à Dieu. Pour lui rendre possible le retour, Dieu envoie son Fils, le Fils et le Père envoient l'Esprit, et l'Esprit envoie tout homme qui est envoyé. Les idées d'amour et d'obéissance doivent être incarnées par des hommes et des événements visibles qui parlent concrètement au pécheur, des images du divin lui sont présentées clairement et il peut s'y retrouver lui-même (NB 4,209-210).

 

2489. Personne ne peut se faire une idée de l'énormité du péché de l'humanité (NB 3,356).

 

2490. Le péché du monde est informe et menaçant, une masse sans forme. Cette masse doit prendre la forme de la croix (NB 3,51).

 

2491. C'est la nuit du péché qui accable le Seigneur (NB 3,377).

 

2492. Par la croix, le Seigneur a appris à connaître la voracité du péché

Depuis la croix, le Seigneur connaît la marche du péché. Il sait depuis lors de manière expérimentale ce qu’il fera pour combattre le péché. Il sait aussi comment l’homme glisse dans le péché parce que, dans sa passion, il a fait l’expérience du glissement irrésistible dans une souffrance toujours plus grande. Cela lui donne du péché la connaissance la plus intime. Par la croix, il a appris à connaître la voracité du péché (NB 4,103).

 

2493. La douleur du Fils est d'une certaine manière proportionnelle à l'énormité du péché

La douleur du Fils est d'une certaine manière proportionnelle à l'énormité du péché. Les événements qui sont mentionnés sur le chemin de la croix ne sont, par rapport à la souffrance intérieure, que comme des signaux qui renvoient à beaucoup plus que ce qu'ils semblent contenir. Ils ne sont que comme des signes de rappel qu'il y aurait aussi à penser à quelque chose d'infini dans telle ou telle direction. Les personnes qui accompagnent celui qui porte la croix ont toutes en quelque sorte le visage du péché, et chacune ne fait que signaler et représenter, au-delà d'elle, infiniment plus de péché, le péché total. Mais parce qu'est retirée au Seigneur la vue sur la fécondité de la rédemption, il souffre maintenant sans savoir pourquoi (NB 3,389).

 

2494. La question se pose à nouveau : pourquoi la souffrance est-elle la réponse au péché ? Pourquoi doit-elle se faire douloureuse ? (NB 3,356).

 

2495. Le péché est ce qui a conduit le Seigneur à la croix, à notre rédemption (NB 4,50).

 

2496. Tout être humain est à la croix avec son péché

Chaque être humain offense le Seigneur ; Pierre, qui est un saint, l'a renié, mais au fond n'importe qui pourrait se trouver à sa place. A la croix, chacun a sa place avec son péché et non avec ce qui l'a fait saint (NB 3,376).

 

2497. Le sang du Fils a assumé tous les péchés du monde

Le Fils sait que, sur la croix, son sang sera versé jusqu'à la mort. C'est un sang humain. Non le sang d'un homme quelconque, mais son sang. Son sang pur dans lequel il a assumé tous les péchés du monde, si bien que le Fils ne peut plus et ne veut plus tracer en lui aucune sorte de limites entre lui et les pécheurs, le pur et l'impur (NB 3,258-259).

 

2498. Dans l’abaissement de la croix, le Seigneur a porté le péché du monde comme le sien propre, il l’a expérimenté, avec l’humiliation de l’avoir commis, avec la honte d’être pécheur (NB 4,93).

 

2499. Dimensions monstrueuses du péché que le Seigneur doit porter

L'angoisse du Seigneur sur la croix est d'abord l'angoisse devant le péché qu'il doit porter, il doit le prendre sur lui avec ses dimensions monstrueuses. Quand il le porte, c'est l'angoisse qui provient de la connaissance de sa nature ; sa nature présente un aspect anonyme en même temps qu'un aspect personnel ; avec le péché, on peut remonter à travers tous les temps jusqu'à Adam et, à partir d'Adam, il se répand par torrents et se différencie à l'infini et à perte de vue sur le Crucifié. Tout ce qui a rapport avec la réalité du péché apparaît au Seigneur souffrant comme plongé dans une atmosphère d'angoisse. -L’angoisse du Fils sur la croix ne devient une angoisse rédemptrice que par le deuxième élément : par l'expérience de son impuissance et de sa faiblesse, et l'impression qu'il n'en peut plus ; abandonné par le Père, il s'avère qu'il est inapte à porter le péché du monde. La tâche apparaît maintenant si démesurée qu'il ne faut pas penser à s'en acquitter, celui qui souffre ne peut pas tenir ce qu'il a promis. L'angoisse l'empêche d'y voir quelque chose, surtout de voir ce qu'il fait lui-même et la réponse que lui donne le Père, de voir le chemin parcouru et avec cela le sens de cette souffrance finalement. Plus il s'habitue à sa tâche, plus l'angoisse l'envahit parce que sa tâche lui semble toujours plus absurde. Sa mission lui semble d'abord assez floue, mal définie, mais en fin de compte totalement dénuée de sens. La folie de la croix ne réside pas seulement dans le fait que les forces de celui qui souffre ne suffisent pas, elle réside dans l'absurdité de toute l'entreprise. Ce n'est pas seulement une question de disproportion parce que bien trop peu de force serait disponible pour une tâche démesurée, c'est que les forces semblent totalement mal employées. Toute la tâche est vouée à l'échec, on ne peut pas en sortir avec les moyens disponibles (NB 5,102).

 

2500. Payer quelque chose avec le Seigneur pour le péché du monde

L'expérience angoissée du péché faite par le Seigneur signifie combien grand est le péché. Pour le mystique, elle signifie : combien grande est mon indignité ! Si grande que ça ne peut pas marcher. Peut-être voudrait-il payer quelque chose avec le Seigneur pour le péché des autres, pour le péché du monde (NB 5,104).

 

2501. Le prêtre porte le péché du monde avec le Seigneur

Pour le prêtre, l'ordination signifie qu'il est en quelque sorte renvoyé à l'origine de la confession : il porte le péché du monde avec le Seigneur dans la nuit comme cela se concrétise particulièrement pour le prêtre quand il reçoit les confessions. Il n'aura certes jamais l'intelligence que Dieu a de la gravité de la faute et de toute la situation intérieure du pénitent, il a pourtant la certitude qu'il a autant de lumière qu'il en est requis pour donner l'absolution ecclésiale, et ceci parce que l'ordination et le sacrement de pénitence ont une racine commune dans la nuit du Seigneur (NB 5,148-149).

 

2502. Porter quelque chose du péché du monde

Celui qui porte quelque chose du péché du monde doit le faire suivant certaines dispositions. On ne peut pas le laisser porter tout simplement, cela doit être organisé. Il y a pour cela dans l’Église la direction spirituelle. On ne peut pas laisser tout simplement à Dieu dans le ciel le soin de mettre de l'ordre en la matière. Naturellement tout doit être associé à l'humilité nécessaire (NB 10, n. 2181).

 

2503. Les péchés que le Seigneur a portés sur la croix doivent aller quelque part. On doit les trouver là. Et on les trouve en enfer (NB 3,161).

 

2504. En péchant, l’homme crée un nouveau chaos

L'homme pèche et, contre le plan d'ordre de Dieu, il installe à nouveau un chaos qui ne fait que s'accroître. Et son action se reflète en enfer. L'enfer n'est pas un lieu auquel Dieu n'a pas touché quand il a mis de l'ordre. C'est un lieu qui s'accroît de plus en plus par l'action de l'homme, où arrive ce qui se fait dans le monde des hommes pour rester ainsi dans le souvenir tel que c'est arrivé. Les caractéristiques de ce qui est statique et immuable, qui étaient propres au premier chaos et qui disparurent par l'intervention du Créateur, l'enfer les reprend. Le chaos était ce dont il a été fait quelque chose, l'enfer est l'endroit où quelque chose se fait. L'homme, par son péché, a le désir de souder ce qui ne va pas ensemble, de construire avec le mal une unité tandis que Dieu a édifié le bien par une séparation à partir de ce qui n'était pas séparé, de ce qui était sans signe précurseur. Ce qui est passé par ses mains en provenance du chaos, il voit que c'est "très bon". Et non pas "beau" ou "sublime", mais bon. Ce qui par contre provient de notre péché est mauvais. Et ce mauvais ne doit être relativisé par aucun attribut comme "beau" ou "utile" ou autre chose, il se trouve en opposition absolue au bon que Dieu a tiré du chaos (NB 3,248).

 

2505. Le péché et le chaos de l’enfer

On pourrait dire que, lors de la création, le Père a laissé un petit morceau de chaos en prévision de ce qui viendrait, quelque chose qui n'est ni le ciel ni la terre. C'est de cet ultime petit morceau que l'enfer sera formé. Le chaos est pour ainsi dire l'ultime refuge du pécheur devant Dieu (NB 3,248-249).

 

2506. Dans sa passion ; le Fils fait l’expérience du péché du monde

Les apôtres dorment, le Seigneur voit comment ils sont restés en arrière, il voit leur défaillance, par peur. Puis les interrogatoires, pas à pas, jusqu'à Pilate : partout il n'y a que faiblesse, indécision, indigence, petitesse, bassesse ; et à travers tout cela, toujours plus forte, l'expérience du péché du monde. Cette défaillance devient toujours plus pour lui la clef de son nouveau oui à la volonté du Père qu'il voit de manière neuve (NB 3,254).

 

2507. Le Seigneur entre dans le chaos de l’enfer

Le Seigneur va en enfer. Il doit entrer dans le chaos. Le chaos n'est plus le chaos devant lequel se trouvait le Père lors de la création ; il a été transformé en enfer par le péché des hommes. Les hommes ne sont plus l'Adam paradisiaque, mais des pécheurs (NB 3,264).

 

2508. Le Fils entre par l’angoisse dans le chaos du péché

Par le péché, un nouveau chaos surgit en l'homme et par là aussi autour de lui. Il entre à nouveau dans le chaos, non comme créateur mais comme destructeur. Le Fils entre dans ce nouveau chaos, mais il ne peut pas établir le contact avec le chaos comme le fait le Père quand il crée ; il doit le subir, il doit le prendre sur lui comme péché pour le recréer. C'est ainsi que son angoisse au mont des oliviers et sur la croix correspond un peu à la situation de la création. Seulement le chaos n'est plus ce qui est informe et que la main du Créateur peut modeler de manière souveraine, c'est la masse du péché avec laquelle on n'entre en contact que par l'angoisse. Le corps du Fils se révèle être le récepteur, le lieu de la transformation, mais celle-ci ne se réalise que par la passion et l'angoisse. D'un mot : "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi", il se tourne vers le Père tel qu'il était lors de la création avec son omniscience et tous ses projets. Il le lui dit avec la sueur de sang de l'angoisse, comme celui pour qui il n'y a pas d'autre possibilité que de rencontrer le Père créant le monde à partir du chaos, un Père pourtant qui, par la création, possède une expérience du chaos, et qui n'a pas envoyé le Fils dans le monde et vers la croix sans cette expérience (NB 3,244-245).

 

2509. Par sa passion, le Fils a surmonté la distance qui séparait l’homme de Dieu

Avant l'incarnation, l'homme pécheur était trop faible pour se détacher efficacement du péché. Dans l'Ancien Testament, il avait sans doute la promesse et la Loi, mais la grâce n'avait pas encore la pleine réalité présente que possédaient le monde terrestre, mais aussi le péché et la tentation. Quelques voix isolées se faisaient entendre en provenance du monde de Dieu par la tradition et par les prophètes. Mais l'effort pour mettre un terme à la désunion entre Dieu et le monde des hommes dépassait les forces de l'homme. En devenant homme, le Fils a surmonté la distance. Mais si nous ne faisons pas attention, un autre danger nous menace maintenant : ne voir en lui que l'homme et considérer sa connaissance du Père et son existence dans l'Esprit comme quelque chose d'abstrait et de nouveau irréel. D'où l'importance essentielle d'une méditation trinitaire du Fils. Il est pour nous la lumière trinitaire. Pas plus qu'un prêtre, même quand il ne célèbre pas, ne peut se défaire de son caractère sacerdotal, le Christ ne peut se défaire de la Trinité. Si on est en relation avec lui, on ne peut à aucun moment faire abstraction de la Trinité. Nous ne pouvons pas seulement méditer de l'extérieur comment le Fils vit du Père et de l'Esprit, nous devons goûter la nourriture qu'il mange et qu'il nous offre (NB 6,115).


 

2510. Après l’absolution, l’homme est en quelque sorte tel que Dieu l’a créé

L'absolution ramène à peu près le chrétien à l'état du baptême, de même l'absolution lors du sacrement des malades, même si quelqu'un n'est plus en état de se confesser. Il est alors en quelque sorte tel que Dieu l'a créé, tel qu'il est venu dans le monde. Ce qu'il a fait de mal est effacé par les mérites du Fils, par les sacrements qu'il a institués. Le chrétien se tient devant Dieu et Dieu reconnaît en lui que le péché originel est effacé par le baptême (NB 4,286).

 

L’Esprit Saint et le péché

 

2511. Le plus grand péché : le péché contre l’Esprit

Le plus grand péché, c’est celui contre l’Esprit, non contre le Père et le Fils. Comme si l’Esprit était justement si bon pour les pécheurs que le plus grand péché est commis contre lui, qu’il est pris comme l’objet du plus grand péché… Il serait moins grave de ne pas aimer Dieu (le Père) et d’outrager le Seigneur que justement l’Esprit… Parce que l’Esprit, comme nous le comprenons, est l’Esprit trinitaire. Le péché contre l’Esprit est toujours péché contre la Trinité. On ne peut se représenter l’Esprit qu’en relation avec le Père et le Fils. On peut pour ainsi dire offenser le Père isolément comme Créateur, le Seigneur comme frère. Mais le péché contre l’Esprit est le péché contre ce qu’il y a de saint en Dieu, contre la majesté elle-même de Dieu (NB 4,60).

 

2512. Quand l'homme pèche, l'Esprit enregistre son péché. Quand l'homme pèche plus profondément, l'Esprit réagit à ce péché plus profondément (NB 3,253).

 

2513. Reconnaître le péché par l’Esprit Saint

Sur terre, le croyant reconnaît le péché par l'Esprit Saint. C'est lui qui donne à l'homme la faculté de reconnaître comme péché tel acte précis de telle manière qu'on reconnaît aussi en même temps tout ce qui l'entoure, ses développements, ses ramifications. Si on vit dans la grâce, l'Esprit Saint découvre tous ces rapports, d'une manière tout à fait objective. Il dévoile les faits, il introduit dans la nature du péché, naturellement sans éveiller le moins du monde l'envie de le commettre (NB 3,101-102).

 

2514. Quand l'Esprit montre à l'homme son péché, c'est que Dieu le Père lui a donné l'Esprit. Il fait cela pour que l'homme comprenne le péché (NB 3,110).

 

Le péché originel et le péché

 

2515. Dans le monde déchu, la sphère sexuelle est marquée par le péché originel

Dans le monde déchu, la sphère sexuelle est marquée de bien des manières par le péché originel et son dépassement par la croix et la souffrance des chrétiens. Il y a en ce domaine beaucoup de souffrances et d'angoisses (NB 12,61).


 

2516. Le fait que nous soyons marqués par le péché originel a comme caractéristique que nous sommes appelés à pécher encore (NB 1/2 181).


 

2517. Il y a un état de surdité spirituelle qui fait partie des conséquences du péché originel (NB 1/2, 281-282).


 

2518. Le péché originel est ce qui est à l'affût, vis-à-vis de quoi l'homme a continuellement à se tenir en garde (NB 3,230).

 

2519. Au péché originel s’ajoute la masse des péchés individuels

Quand le Fils ressuscite, il est pur, mais comme celui qui a porté le péché. Quand l'homme arrive au ciel, lui aussi doit être pur bien qu'il ait commis le péché. Son visage doit être libre de la grimace du péché. La masse du péché que Dieu pouvait supporter était déjà comblée par le péché originel, et pourtant tous les péchés individuels s'y ajoutèrent si bien que cette masse échappe à notre mesure (NB 3,233).

 

2520. Après le péché, la décision de l'homme contre le péché originel est mérite ; c'est une décision qui répare la décision primitive d'Adam vis-à-vis du péché (NB 4,163).

 

2521. Chacun être humain, quand il arrive dans le monde, possède le péché originel. L'eau du baptême l'enlève (NB 4,275).

 

2522. Le péché originel est effacé par le baptême ; par l'absolution, le pénitent est en quelque sorte replacé dans l'état de baptême : son péché actuel est pardonné (NB 4,279).

 

2523. Le péché originel est la condition du péché actuel

Par le baptême, le péché originel est effacé de telle manière qu'une possibilité de pécher est enlevée et que par là ce qui est enclin au péché en nous est affaibli. Le péché originel est entre autres choses une disposition au péché. Obscurcissement de la connaissance de Dieu, inclination vers ce qui est purement terrestre. Par cet effacement, le Seigneur prend déjà à chaque fois la moitié, et cela à l'avance, avant même au fond que soit commis un péché actuel. Il ne permet pas la rencontre en nous du péché originel avec le péché actuel. Par le baptême cette association ne peut plus se faire. Ainsi s'est inséré chez le chrétien un obstacle essentiel que ne possède pas un non baptisé quand s'approche la tentation de pécher. Le péché originel est la condition du péché actuel (NB 4,281).

 

2524. Par le péché actuel, le péché originel reçoit un nouveau relief

Au moment où je commets un péché actuel, le péché originel devient plus actuel, il reçoit une existence qu'il n'avait pas auparavant. Par le baptême il était effacé et n'était plus qu'un souvenir. Par le péché actuel il reçoit à nouveau un certain relief (NB 4,287).

 

2525. Le baptême des adultes efface le péché originel et le péché actuel

Le baptême des adultes efface en même temps les deux formes de péché, car les branches du péché actuel sont insérées sur le tronc du péché originel. Les deux sont inséparables et ne peuvent être abattus qu'ensemble (NB 4,287).

 

2526. Le non-baptisé a besoin d'une grâce tout à fait spéciale pour pouvoir désirer le baptême

Par le catéchisme et aussi par la Bible on sait que le péché originel est en relation avec la chute d'Adam et qu'il se retrouve en chaque personne dans toutes les générations. Mais s'il est vu dans une vision, il apparaît alors comme une réalité véritable sous les aspects les plus divers. Madeleine de Pazzi sait quelque chose à ce sujet ; elle le sait non sous le titre de péché originel, mais elle sait que le péché originel est par exemple la possibilité de ne pas aimer ou la possibilité de ne pas entendre la voix du Seigneur. Le péché originel n'est pas simplement n'importe quel péché de manière potentielle, il prépare et conditionne sûrement tous les péchés qui sont dirigés contre le Seigneur, contre sa venue, contre son amour, contre ses commandements. Que le péché originel demeure dans les non-baptisés est quelque chose de très curieux. Le non-baptisé a besoin d'une grâce tout à fait spéciale pour pouvoir désirer le baptême (NB 4,289).

 

2527. Adam et Marie devant le péché originel

Adam et Marie. Bien que les deux n'aient pas le péché originel, ils ne sont pourtant pas dans la même situation. Marie est depuis toujours saisie par la grâce de l'amour de son Fils. Elle vit à l'intérieur de cette grâce, elle se réclame d'elle constamment. Chacun de ses actes est une réponse à cette grâce. Adam par contre n'est pas racheté (dans le sens d'une séparation définitive du péché), il n'a pas reçu la grâce comme la Mère. La grâce de Marie consiste en un oui réciproque entre Dieu et elle : parce qu'elle est comblée de grâce, elle prononcera son oui et elle a la grâce pour pouvoir le prononcer (NB 4,292).

 

2528. Marie : le péché originel lui reste totalement épargné

L'effacement du péché originel par le baptême crée une grâce plus profonde que celle d'Adam, une grâce nouvelle, particulière ; Marie sait cela le mieux parce qu'en elle cette grâce nouvelle est si grande que le péché originel lui demeure totalement épargné. Ainsi tout son être est action de grâce. Adam, quand il était sans le péché originel, a toujours, de par son esprit, la possibilité de pécher, de se comparer avec Dieu, de vouloir connaître plus qu'il ne doit. Au lieu d'être plein de reconnaissance, il est en mesure de s'émanciper. Et, dans cet esprit, la pomme lui apparaît alors désirable, elle éveille le désir. La Mère par contre est rachetée de toute possibilité d'être tentée et de se rebeller en esprit. Les péchés qui restent libres théoriquement pour elle sont ceux qui concernent la chair. Mais justement elle ne peut pas non plus les commettre parce que son esprit ne veut jamais laisser un désordre survenir dans sa chair (NB 4,293).

 

2529. Le péché originel : un mauvais usage de la grâce

C'est dans le mauvais usage de la grâce que réside la naissance du péché originel. Quelqu’un pourrait penser : si le baptême apporte un plus de grâce, celui qui a davantage péché est peut-être plus dans la grâce ; cette pensée lui viendrait de la perversion qu'apporte le péché originel et, dans le chrétien, elle lui viendrait par le souvenir d'un état d'avant le baptême. Tout ce calcul de la convoitise, toute cette manière de soupeser les choses, toute cette attention à son propre moi provient du péché originel. Si un homme vivait dans le pur péché originel et qu'un autre cherchât à le séduire, il serait averti beaucoup moins vite que quelqu'un qui est baptisé bien que le premier puisse avoir tout un système de morale. L'effacement par le baptême signifie très fort ceci : le baptisé est averti, car le baptême, avec tout ce qui le suit, veut dire une plus grande chance de discernement. Il procure un sens nouveau, un flair nouveau pour savoir où est Dieu et où il n'est pas. Le don de discernement spirituel devient plus subtil. De ce point de vue la grâce rétablit l'état dans lequel se trouvait Adam avant le péché ; ses sens spirituels ont été troublés et comme empoisonnés par la chute (NB 4,293).

 

2530. Ce n'est pas l'homme naturel qui est tombé, mais l'homme dans la grâce, que le Seigneur a appelé et qui a dit non (NB 4,327).

 

2531. Il y a notre participation au péché originel et les obstacles plus ou moins grands que notre condition de pécheur oppose à la connaissance de l'Esprit et de son inspiration (NB 5,199).


 

2532. Le péché et le péché originel nous empêchent de comprendre les choses du Seigneur

C'est seulement ce qu'il y a de péché et de péché originel en nous qui nous empêche de comprendre le parfait caractère d'événement qui est dans l'être du Seigneur. Ainsi déjà le signe efficace de manger sa chair et de boire son sang est une prévenance du Rédempteur à l'égard des hommes qui ne peuvent pas surmonter totalement leur éloignement de Dieu durant leur vie. Mais cette prévenance exige en même temps qu'on s'exerce : de l'acte de réception de la communion et de l'action de grâce à l'acte d'une existence dans la foi qui vit constamment de la vie éternelle (NB 6,100).


 

*

 

12. L’au-delà

 

Plan : 1. Le purgatoire2. Le ciel 3. Le mystère de Dieu


 

1. Le purgatoire

Plan : 1. Le Fils et le purgatoire2. Comprendre sa faute3. La purification

 

1. Le Fils et le purgatoire

 

2533. Le purgatoire : conditionné par la croix

Le purgatoire est comme l'unité de la justice et de l'amour, de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, il est donc comme conditionné aussi par la croix (NB 3,94).

 

2534. Le purgatoire commence avec la croix et finit avec elle

Le temps au purgatoire n’est rien d’autre qu’un souvenir de la faute commise : c’est celle-ci qui est la mesure du temps au purgatoire. C’est un temps qui est fait tout entier d’une seule ligne qui va droit comme un trait vers l’éternité. Le purgatoire commence avec la croix et finit avec elle. Il commence comme ceci : on est placé sous la croix et ce qu’on a fait dans la vie ou ce qu’on a négligé, on doit apprendre à le connaître du plus profond du cœur. Toute la vie est placée sous une unique formule, par exemple : “Je n’ai pas aimé le Christ”. Tout le reste n’existe plus. Puis cette parole commence lentement à se marquer dans l’âme comme au fer rouge. C’est d'abord une connaissance toute théorique, quelque chose qu’on semble savoir depuis longtemps, jusqu’à ce que l’affaire devienne toujours plus brûlante, toujours plus proche, toujours plus inéluctable et accablante. Et à l’instant où l’âme n’en peut plus, où tout en elle crie vers Dieu, où tout n’est plus qu’un espace vide et brûlant, où la croix est devenue en elle vérité, c’est alors que cela se termine et Dieu apparaît. Maintenant l’âme sait ce qu’est la grâce (NB 8, n. 1040).

 

2535. Purgatoire et passion du Fils

Nous existons sous le signe d'un châtiment qui a été décrété, qui vient, qui est comme notre "purgatoire" ; celui-ci se trouve en relation très étroite avec le châtiment historique de la passion du Fils. On pourrait objecter que ce n'est pas tout le temps terrestre du Fils qui fut passion. Et pourtant cette vie fut vécue dans la perspective de la passion et dès le début elle se trouvait sous son ombre. De la durée de notre purgatoire nous ne savons rien. Mais le Seigneur porte notre châtiment ; ce que nous en portons est déterminé aussi par ce que porte le Fils (NB 3,197-198).

 

2536. Il faut que je découvre ma faute dans le fait que le Seigneur la porte

C'est en moi que se trouve la raison pour laquelle le Seigneur souffre. Cela me couvre de confusion et m'ouvre les yeux pour voir la souffrance du Seigneur. Je vois que la main du Crucifié lui fait très mal parce qu'un clou y est enfoncé mais, en suivant le regard du Seigneur, je découvre que c'est moi qui ai en main la tête du clou. Par sa main, le Seigneur renvoie à la mienne, non pour se libérer lui-même mais pour me libérer. Il veut me prendre ce à quoi je tiens encore. Mais pour que je puisse le voir, il doit l’esquisser en moi. Je dois être mis à contribution pour cette opération : il faut que je découvre ma faute dans le fait qu'il la porte. Finalement ce n'est possible qu'au purgatoire parce qu'il n'y a que là que ma faute se laisse discerner totalement, là où je n'ai plus la possibilité de pécher (NB 6,358).

 

2537. Participer à la passion du Seigneur écourtera le purgatoire

Celui qui va toujours à la rencontre du Seigneur de telle sorte qu'il est prêt à participer par grâce à la passion du Seigneur, le Seigneur aussi vient à sa rencontre sur ce plan, son purgatoire sera écourté (NB 3,198).

 

2538. La croix paraît comme une image du purgatoire dont la purification "passive" ne devient possible que par la passivité des souffrances de la croix (NB 3,212-213).

 

2539. C'est par le passage du Seigneur à travers l'enfer que découle la possibilité de la confession et du purgatoire (NB 3,223).

 

2540. En traversant l’enfer avec le péché, le Fils institue le purgatoire

Quand, après la chute, arrive le Christ, il institue lui-même une limite. Sa passion est l'accueil en lui de la limite. Il institue alors en lui une région frontalière, le purgatoire. Celui-ci n'est pas seulement la limite entre la terre et le ciel, il est aussi la limite entre le bien et le mal. Et afin que cette limite ne reste pas à l'extérieur, le Fils prend sur lui le péché ; en traversant l'enfer avec le péché, il institue le purgatoire (NB 6,331).

 

2541. Le Fils institue le purgatoire pour amener au Père ceux qui auront été purifiés

Le Fils va instituer le purgatoire pour amener au Père ceux qui auront été purifiés en se laissant brûler dans le feu du Père sans être consumés. L'Esprit Saint est le gardien de l'inaccessibilité du Père dans le feu tout autant que celui qui attire l'homme dans le feu. Il est l'amour patient, qui a besoin de temps et qui a le temps. Dans tous les problèmes de temps, il est en général celui qui annonce quand le temps est venu. Il tient en main le sablier, également le samedi saint, également au mont des oliviers et à la croix, également dans la confession, également dans le purgatoire (NB 6,317-318).

 

2542. Le purgatoire est institué par la passion du Fils. Avant, il n’y avait que l’enfer et le ciel (NB 6,333).

 

2543. Dans le purgatoire, le Seigneur s'occupe de moi "avant" que je m'en aperçoive

Celui qui doit être opéré et qui se trouve sur la table d'opération les yeux bandés pourrait s'écrier au bout de quelque temps : continuez donc ! Mais on n'aurait pas encore commencé réellement, on n'aurait fait que les préparatifs. Ou bien j'entre dans une pièce où mon ami joue du piano ; je pense : je ne vais pas le déranger, et je sors ; au bout d'un instant, il me suit et il me dit d'un ton bourru : cela fait si longtemps que je t'attends ! Moi : Mais tu joues du piano quand même ! Lui : c'est pour ça que ça ne va pas, j'attendais et réfléchissais à la conversation que nous devons avoir. C'est donc tout différent de ce que je pensais et de jouer du piano était purement secondaire. La vérité telle que je la voyais ne correspondait pas du tout à la réalité. Mon ami s'occupait de moi avant que je le remarque et d'une autre manière que je l'imaginais. Dans le purgatoire, le Seigneur s'occupe ainsi de moi "avant" que je m'en aperçoive ; et cet "avant" montre qu'il a une autre mesure que moi de la durée (NB 6,336-337).

 

2544. Le Seigneur châtie et exige l’amour tout entier

Dans le purgatoire, la souffrance a le caractère d'un pur châtiment, elle est vécue dans un isolement complet ; il n'y a là que le Seigneur qui châtie avec son châtiment et exige l'amour tout entier. Comme s'il n'avait rien d'autre à faire que de me vaincre et d'en finir avec moi. Ce qui veut dire : me tenir là où il me touche le plus sûrement avec son châtiment (NB 6,363).

 

2545. Purgatoire : le Fils doit aimer et châtier, il châtie en aimant

La simultanéité de l'amour et du châtiment est tout à fait troublant, car c'est justement l'amour qu'on témoigne au pécheur qu'il ressent comme un châtiment. C'est sans doute un signe de la magnanimité divine que Dieu montre aussi son amour quand il châtie. Ce n'est pourtant pas un soulagement, cela remplit de confusion, c'est le facteur sanction qui prédomine. Peut-être que pour le Fils il n'y a que l'obéissance qui a du poids ; quand il aime dans l'obéissance il doit châtier, quand il châtie dans l'obéissance il doit aimer (NB 6,355).

 

2546. Le purgatoire : un châtiment pour chaque péché

Il y a dans le purgatoire un châtiment particulier pour chaque péché. Les gens sont ainsi réunis en catégories sous des points de vue très différents. Les classements se recoupent, et le tout est comme un espace pluridimensionnel. Tous les avares ont leur châtiment, tous les voluptueux, tous les colériques le leur, etc. Celui qui a part à plusieurs péchés participe également aux châtiments correspondants (NB 8, n. 1040).

 

2547. Purgatoire : le Seigneur aime l’homme qui doit expier

L'homme qui arrive au purgatoire peut s'imaginer qu'il a besoin d'un châtiment pour ses péchés. S'il voit le châtiment comme une exigence de justice, il pense à une procédure dont il est avant tout l'objet : elle est faite sur lui. Mais parce que le purgatoire est un acte d'amour du Seigneur, le pénitent est considéré depuis toujours comme quelqu'un qui est aimé et c'est pourquoi aussi il est considéré comme quelqu'un qui aime. Si on dit à un enfant : "Ne saute pas", qu'il saute quand même et qu'il tombe, on lui dira : "C'est bien fait pour toi". Dans ce cas il est difficile de dire dans quelle mesure l'enfant est complice de sa chute. "On m'a fait tomber" : ce "on" est une composante de la justice ; sa mère l'avait averti : ce n'est pas elle qui l'a poussé. La mère aime son enfant, mais elle voit quand même cette désobéissance avec le sentiment de ne pas y être pour grand-chose. Le Seigneur aime l'homme qui doit expier, il ne lui est jamais intérieurement indifférent ; faire se dérouler le juste châtiment exige cependant de lui une grande patience d'amour : pour le Père, à qui il a promis de sauver les hommes, pour l'homme qu'il doit amener par l'intérieur à comprendre et à se purifier. Son amour doit arriver à ses fins au sein de la justice du Père (NB 6,341-342).

 

2548. Purgatoire : tout à coup on est placé devant le Seigneur aimant

Tout à coup on est replacé totalement devant le Seigneur aimant, livré surnaturellement à sa présence surnaturelle. On ne voudrait que ce qu'il veut, pour ensuite constater à nouveau qu'on en est incapable et retomber dans la dialectique du châtiment et de l'amour. Cette dialectique nous paraît à nouveau si réelle et si concrète que l'instant surnaturel semble incompréhensible. C'était comme une anticipation ; je n'étais qu'abandon et je priais : "Seigneur fais que je reste en ce lieu. Aussi longtemps que je pourrais expier ici pour quelqu'un…" A cet instant aussi châtiment et amour coïncidaient, mais les deux sous le signe de la volonté divine de l'amour. On s'enfonce maintenant à nouveau dans la confusion terrible : est-ce la conséquence de la prière ou est-ce le signe que je ne suis pas encore de taille pour faire cette prière ? (NB 6,355).

 

2549. Le Seigneur révèle son amour dans le purgatoire

Dans le purgatoire, quand le Seigneur révèle son amour comme but et comme force motrice, c'est peut-être la phase terminale du purgatoire ; mais il se peut aussi qu'il le révèle dès son stade initial (NB 6,388).

 

 

2550. Purgatoire : le Seigneur éveille en moi un désir d’arriver à Dieu

Dans le purgatoire, il y a au commencement une sorte de coup d'œil sur le but : ce que cela signifierait de retrouver les bonnes grâces du Seigneur. Ce but m'est en quelque sorte décrit de telle manière que quelque chose en moi se met en mouvement vers ce but. Mais je sais que si je le désire, j'aurai quelque chose à payer. Une fois qu'on a commencé à payer, il n'y a plus d'objection valable, il n'est plus question de dire : "Assez". On considère que ma première velléité est un oui et un accord pleinement valables. Dois-je me faire opérer, oui ou non ? Le médecin dit : "C'est nécessaire". D'une certaine manière, je voudrais retrouver la santé, et pourtant avant même que j'aie ajouté quelque chose, toute la machinerie s'est mise en route et je ne peux plus rien faire pour l'arrêter. Ainsi, au début du purgatoire, le Seigneur éveille en moi un désir d'arriver à Dieu. Un petit oui, une étincelle de bien est stimulée ; puis on avance sans faire attention à une protestation (NB 6,351).

 

2. Comprendre sa faute

 

2551. Le purgatoire est un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer (NB 5,225).

 

2552. Toute l'éducation du purgatoire consiste au fond à éduquer au jugement du Seigneur (NB 6,366).

 

2553. Le purgatoire : chemin de purification (NB 1/1, 391).

 

2554. Purgatoire : comprendre sa faute

Dans le purgatoire, les âmes gémissent, s'accusent, comprennent, sont conduites vraiment constamment d'un péché à l'autre, afin que s'approfondisse leur compréhension de la faute (NB 1/1,457).

 

2555. Purgatoire : comprendre la nature du péché

Toute sa vie durant, quelqu’un a vu le Christ comme le consolateur, et maintenant il arrive dans le feu, il comprend la nature du péché et justement d’une certaine manière en rapport avec l’image qu’il avait du Christ ; c’est particulièrement pénible ; on croyait avoir aimé le Seigneur comme consolateur et maintenant le péché est d’autant plus effrayant à voir qu’il était dirigé contre le consolateur (NB 9, n. 1455).

 

2556. Purgatoire : être rempli de honte en comprenant son péché

Dans le purgatoire il y a une obéissance au Seigneur. Quand il le veut, il peut offrir à l'âme une sorte de prière parfaite dans laquelle elle oublie tout ce qui n'est pas lui, dans la profondeur d'un abandon qui la transporte là où il veut qu'elle soit ; elle peut tout d'un coup se réveiller remplie de honte en comprenant son péché. Elle se trouve maintenant devant lui, dépouillée, livrée et profondément humiliée. C'est donc à cela ressemble le péché concret ! Et cela en accompagnant paradoxalement le Seigneur jusqu'à la croix, en portant le péché avec lui. C'est une vue sur la croix qui est caractéristique du purgatoire, où par l'expérience de son propre péché on a le regard libre pour voir ce que le Seigneur a fait sur la croix : il a porté mon péché (NB 6,368).

 

2557. Purgatoire : découvrir que les péchés étaient de grands obstacles pour arriver à Dieu -

Ici-bas, l'homme pense rarement à la mort, plus rarement encore au purgatoire. S'il lui arrive de s'en souvenir, il pense à tout ce qui n'est pas net dans son âme, qui l'empêche d'arriver à Dieu, il cherche à le discerner et à la rigueur à le combattre. Après la mort, la question de la connaissance sera toute différente. Les parties de son être que l'homme ressentait comme mauvaises, paraîtront tout autrement ; là où il pensait qu'il n'y avait rien de particulier, il rencontrera les plus grands obstacles (NB 6,343).

 

2558. La souffrance dans le purgatoire : l’âme doit apprendre à connaître la force du péché (NB 1/2, 178).

 

2559. Le purgatoire est comme le tourment de ce qui n'a pas été compris. Je pensais toujours savoir qui j’étais, je m'attribuais une valeur absolue et laissais gracieusement au Seigneur une valeur relative (NB 1/2, 210).

 

2560. Purgatoire : je vois que mon péché est beaucoup plus grand que je ne le pensais

Dans le purgatoire, il y a une connaissance qui s'approfondit ; peu à peu je vois que mon péché est beaucoup plus grand que je ne le pensais tout d'abord. Le châtiment aussi est donc beaucoup plus amer. Avec le sentiment du péché s'accroît aussi la juste estimation du châtiment. Au début, on se dit : "Si j'avais su que le châtiment était si grand, j'aurais quand même fait autre chose". Plus grandit le sentiment que j'ai de ma faute, plus je sais que le châtiment est mérité, tellement mérité qu'au fond j'en aurais mérité encore beaucoup plus. Et à l'instant où j'appelle ce "plus", la fin du purgatoire est proche. Les développements et les évolutions dans la relation entre vouloir et ne pas vouloir sont donc multiples. Mais ce qu'ils ont tous en commun, c'est qu'ils ne sont pas à ma disposition, ils me disposent à obéir au Seigneur (NB 6,351).

 

2561. Le purgatoire pour ouvrir l’intelligence : j’ai minimisé le péché

Le purgatoire est là spécialement pour ouvrir l'intelligence et montrer le péché par l'expiation. Le péché, ce n'est pas seulement le fait que j'ai péché, c'est aussi que j'ai minimisé le péché et que je ne me suis pas préparé à faire pénitence. C'est pourquoi, au purgatoire, la prière la plus profonde, c'est la disponibilité la plus profonde à se laisser montrer son propre péché par le Seigneur et à pouvoir accéder ainsi au mystère de la croix (NB 6,369).

 

2562. Le purgatoire est comme une confession tout à fait minutieuse dans laquelle le Christ lui-même serait le confesseur (NB 1/2, 211).

 

2563. Purgatoire : du refus à l’ouverture à Dieu et à la reconnaissance de son péché

Ceux qui se sont détournés, ceux qui ne veulent pas encore accueillir l'amour du Seigneur, le Fils doit les confier au Père ici en bas, il doit laisser s'accomplir en eux la procédure du Père. Les âmes sont enfermées dans cet état. Elles ne souhaitent aucune aide et aucune prière de l'extérieur. Elles ne reconnaissent pas leur faute, elles ne sont pas prêtes à recevoir la pure grâce du pardon comme l'unique moyen de s'en sortir. Elles se targuent de leur propre justice, de leurs principes, de leur vie passée. Elles veulent expier leurs péchés selon un procédé qu'elles comprennent elles-mêmes. Elles sont alors remises à la procédure du Père qui sait bien, dans son mystère, comment, pour chaque âme, il a à combiner justice et miséricorde afin de les forcer et de les conduire à l'amour du Fils. Il mêle toujours déjà à sa justice une goutte de l'amour du Fils sans que l'âme le sache et le reconnaisse. Avec le temps, la procédure agira, l'âme commence alors à souffrir en tous ses membres et à ressentir son incapacité à se tirer d'affaire elle-même, elle se voit forcée de renoncer à ses assurances. La cuirasse de morale pharisaïque dont elle s'était entourée lui devient insupportable. Elle comprend qu'elle n'en sortira pas toute seule, elle a besoin d'aide. Elle doit demander qu'on intercède pour elle. C'est alors que le Seigneur est libéré, lui qui était lié par son refus. C'est alors que la prière du Seigneur pour l'âme devient efficace. Elle qui jusqu'alors était prise dans les glaces se met en mouvement, aspire à l'amour, se dirige vers la sortie du purgatoire. C'est pendant que le pécheur désire l'amour et la pureté de manière toujours plus pressante, qu'il se repent toujours plus de son péché, qu'il laisse la prière du Seigneur et de l’Église devenir en lui toujours plus efficace, que le changement décisif s'accomplit en lui. Dans la mesure où il reconnaît la gravité du péché, où il commence à voir toute l'étendue du monde du péché et sa malice, il oublie les limites qui séparent sa propre faute de celle des autres. Il ne voit plus qu'une chose : l'offense infinie faite à Dieu par chaque péché. Il ne la reconnaît pas directement dans les autres (dans le purgatoire on ne voit pas les autres), mais en jetant un regard en arrière sur son état, comment il était dans la vie et comment il était quand il est entré dans le lieu de la purification. C'est dans ce tableau de désolation qu'il reconnaît la nature du péché d'une manière générale. Il ne lui importe plus alors de savoir si lui-même ou un autre a commis le péché ; il n'a donc plus non plus le souci de sa purification et de sa rédemption personnelles, il ne calcule plus le temps pour ainsi dire qu'il doit encore passer ici. Il est tellement possédé par la pensée de l'expiation et de l'aide à apporter aux autres qu'il serait maintenant prêt à rester avec joie dans le feu jusqu'à la fin du monde si seulement Dieu en était moins offensé. Tout le poids passe du moi à l'amour de Dieu et, par l'amour de Dieu, à l'amour du prochain. L'âme ne veut plus atteindre de buts personnels, elle ne veut plus être qu'un instrument de l'amour. A l'instant où cette pensée la remplit, elle est sauvée. Il lui est permis de prier avec le Seigneur et avec l’Église, sa prière commence à être efficace dans la communion des saints, et ceci est l'absolution définitive avec laquelle elle entre au ciel. Le purgatoire, c'est le moi ; le ciel, c'est les autres. Le passage se fait dans l'amour du Seigneur. L'ordre de l'amour dans le monde et dans le purgatoire est comme inversé : sur terre, le grand commandement du Seigneur est de nous aimer les uns les autres ; par l'amour du prochain, l'amour de Dieu est garanti et établi toujours plus solidement ; le chemin décisif vers Dieu passe par l'amour du prochain. Dans le purgatoire, c'est inversé : le pécheur reconnaît d'abord l'offense faite à Dieu dont il est responsable, il arrive à l'amour du Christ et, à partir de cet amour, l'amour des hommes s'ouvre pour lui. A l'instant où il voit que l'amour du Seigneur est eucharistie, c'est-à-dire partage infini avec les frères, il est sauvé, il passe de l'état de confession dans le purgatoire à celui de la communion qui est le ciel (NB 3,96-97).

 

2564. Purgatoire : exigence d’une nudité totale devant Dieu

Quand, au début du purgatoire, est émise l'exigence d'un entier don de soi, d'une nudité totale devant Dieu, on est tout près de la révolte : quelle indiscrétion ! Qui s'arroge ce droit ? Et pourtant, au même moment, on est obligé de mettre de côté son propre jugement, car on ne mesure pas la portée de l'exigence. On sait que, même si on posait des questions, on ne comprendrait pas la réponse. Il n'y a de clair que l'urgence absolue de l'exigence, elle fait naître une attitude qui semble proche d'une capitulation, et pourtant ce n'en est pas une. Quand le Fils dit : "Entre tes mains, Père, je remets mon Esprit", c'est une remise totale de l'Esprit. Ici par contre il y a une réserve, l'idée que c'est quelque chose de provisoire. Au fond, cette réserve concerne ce qu'on n'est pas capable de faire soi-même. Ce que je peux faire, je ne le sais pas, mais en tout cas pas ça ; mais je ne peux pas adopter une attitude définitivement négative, pas plus que je ne peux pratiquer la politique de l'autruche et ignorer l'exigence ; finalement, je ne peux pas non plus la conserver en moi et la cacher. Donc, je dis : "Voyez vous-même, faites ce que vous voulez". D'une certaine manière, ce n'est pas loin de la prière et de la foi, c'est une sorte de succédané des deux, une moindre qualité des deux, une manière de prendre ses distances, mais qui me rapproche quand même d'une sorte d'abandon (NB 6,352).

 

2565. Dans le purgatoire, on ne se confesse plus à un homme mais à Dieu Trinité. Il lie et délie. Et le Fils avant tout (NB 6,373).

 

2566. Purgatoire : reconnaître qu’on a fait un mauvais usage de la liberté

Au purgatoire, il n'y a plus de liberté comme ici-bas. La première chose qu'on reconnaît peut-être au purgatoire, c'est à quel point on a fait ici-bas un mauvais usage de cette liberté, et il y a ainsi une sorte de reconnaissance de ce qu'on puisse se livrer à l'agir de Dieu (NB 6,335).

 

2567. C’est dans le purgatoire que les hommes doivent atteindre l'intelligence des péchés pour devenir capables d'entrer dans la vie du Père (NB 3,236).

 

2568. Dans le purgatoire, j'ai besoin de voir totalement la grâce parce qu'il s'agit pour moi de la totalité, il n'y a plus de relatif dans le don de soi. Le Seigneur veut maintenant le tout (NB 4,333).

 

2569. Le long purgatoire des grands pécheurs pour qu’ils arrivent à comprendre

Pour les grands pécheurs, ce n’est qu'après un long purgatoire qu’ils parviendront à comprendre l'urgence de la foi, le gâchis de leur propre vie, la profondeur de leur faute, mais aussi la grandeur de la grâce ; ils pourront arriver de cette manière à voir la croix et finalement à dire aussi cette grande parole du Seigneur : "Tout est accompli". Ils y arrivent après leur mort tandis que le Seigneur l'a dite avant sa mort (NB 6,285).

 

2570. Purgatoire : comprendre que j’étais destiné à l’enfer

Au purgatoire, je perçois l'enfer, je perçois que justement je me suis décidé pour l'enfer : c'est dans le feu que je dois reconnaître que je lui appartiens de droit. Il y a l'instant où je le comprends si clairement que je n'entreprends plus rien pour échapper à ce sort. La vie que j'ai vécue m'en convainc clairement. Ainsi la décision du Seigneur passe au beau milieu de l'homme pécheur. Chaque pécheur devra entendre les deux paroles : "Allez au feu éternel", et "Venez, vous les bénis de mon Père" (NB 6,332-333).

 

2571. Purgatoire : arriver à admettre le caractère incompréhensible de la volonté de Dieu

Au purgatoire, dans le caractère incompréhensible de la volonté de Dieu, je vois une prévenance de Dieu pour ce que je ne comprends pas dans ma vie. On me charge de fardeaux que je ne comprends pas, je suis associé à quelque chose d'incompréhensible qui m'amène à une nouvelle proximité avec Dieu. Il aurait pu se faire aussi que le sentiment que j'ai de l'incompréhensibilité de Dieu me l'aurait rendu étranger. Mais maintenant je suis forcé d'admettre sa véritable incompréhensibilité dont je comprends seulement qu'elle fait partie de sa nature. En elle, Dieu est présent ; malgré tout le tourment, c'est un apaisement (NB 6,390).

 

2572. Purgatoire : désarroi et capitulation

Au purgatoire, le désarroi donne l'impression qu'on est mis à nu. Tout d'un coup on sait qu'on est nu sous les yeux du Seigneur. Pour la première fois, je suis nu devant le Seigneur. Et le fait que tombe sur mon âme un regard bienveillant du Seigneur augmente encore mon désarroi. Par ce regard, je perçois que le Seigneur m'a vu nu depuis toujours. La nudité dont je prends conscience pour la première fois me découvre ma nudité antérieure dont je n’avais pas conscience. Je suis comme l'enfant qui est surpris à faire quelque chose d'interdit et qui s'aperçoit que sa mère le savait depuis longtemps. Je pense d'abord : le Seigneur me met à nu pour la première fois, il va me rejeter. Puis je comprends qu'il m'a vu depuis toujours, qu'il porte de nouveau son regard sur moi bien que je doive nécessairement le décevoir. Et plus le regard du Seigneur s'attarde sur l'âme et plus il se tourne vers elle, plus elle est désemparée parce qu'elle ne comprend pas ce qu'il désire voir en elle. En sentant le regard pénétrer toujours plus profondément en moi, j'ai l'impression que cela ne sert à rien, que je reste exactement celui que je suis. Qu'il se tourne vers moi est peine perdue. C'est un effort de l'amour parce que je comprends toujours mieux qu'il est la bonté même. Mais je ne refuse pas que le Seigneur continue - dans une durée qui paraît infinie parce que non mesurable, une durée que j'ai renoncé à contrôler -, et cette passivité devient à un certain moment un acquiescement, une espérance que, malgré tout, va s'établir quand même peut-être une relation, entre tout ce qu'il y a de mauvais en moi et sa bonté. Cette espérance se trouve entièrement dans le Seigneur. Elle ne repose pas sur la constatation d'un rapport entre lui et moi. Il y a ici un commencement. La fin de ma manie de vouloir tout savoir mieux que les autres et le commencement de ma capitulation. Le moi est tellement décomposé que le toi reçoit prend forme peu à peu. Ce n'est que lorsque le toi l'emportera que sera parcouru le dernier bout de chemin. C'est pour ainsi dire la grande astuce du purgatoire qu'avant d'apprendre à voir tout ce qu'il y a de mauvais en nous et tout notre péché, nous expérimentions la bonté du Seigneur. Ainsi ce n'est pas de notre point de vue que nous prendrons conscience de nos actes mais du point de vue de la bonté et de l'amour du Seigneur. Je vois maintenant l'amour, mais avec un absolu qui ne m'est pas encore totalement compréhensible. Il est l'inattendu, le totalement autre. Je ne suis pas en mesure d'essayer d'établir par moi-même une relation avec lui. La bonté que j'ai rencontrée ne commence pas par m'élever, elle fait s'enfoncer mon moi. Je dois m'immerger totalement dans le Seigneur pour arriver peu à peu à comprendre à quel point j'ai offensé l'amour, c'est-à-dire le Seigneur (NB 6,349-350).

 

3. La purification

 

2573. Le purgatoire est en rapport avec la vie de chaque personne

Le purgatoire, à son début, se rattache fort à la vie de chaque personne : à ses dispositions d'âme, à son caractère. Si je mourais tous les ans et si je devais à chaque fois passer par le purgatoire, le début serait chaque fois différent. En fait, il s'agit moins du dernier instant chronologique que de l'ensemble de la période que j'ai vécue (NB 6,390).

 

2574. L’œuvre du purgatoire : séparer l’homme de ce qu’il est devenu par le péché

L'homme doit se laisser éprouver par la contemplation de Dieu tel qu'il a été fait par Dieu et tel qu'il est devenu par lui-même. Cette œuvre de séparation est l'œuvre du purgatoire. Il y aura des hommes auxquels l'épée ou le feu aura peu à séparer parce qu'ils auront vécu depuis toujours dans la séparation et dans la décision. Dieu aurait aimé que nous vivions tous depuis toujours dans cette séparation : toujours prêts pour la décision de Dieu, ne décidant jamais nous-mêmes au contraire, sans devancer non plus les décisions de Dieu (NB 6,326).

 

2575. Le purgatoire : en arriver à ce que tout ce qui était faux tombe de quelqu'un

On est dépouillé de toute dignité propre. Il règne une froide intransigeance. Le bourreau semble même "de mauvaise humeur" en quelque sorte, peut-être que son travail ne lui procure aucun plaisir, en tout cas c'est le pur contraire de mon humiliation. Il n'existe aucune espèce de relation humaine, aucune trace de compassion, c'est un travail de justice. Naturellement on ne peut pas dire que le Seigneur trouve sa "joie" dans le purgatoire. Mais pendant qu'il le gère, il demeure invisible, ce sont pour ainsi dire des mains étrangères qui pétrissent l'âme. L'impression d'être "transformé" éveille une légère lueur d'espoir : il se passe pourtant peut-être quelque chose. Mais non. Il n'y a pas d'écoulement du temps. Je suis pétri et je reste le même. Le processus vise une compréhension rapide comme l'éclair : tout cela était grâce. Mais pour arriver à ce que tout ce qui était faux tombe de quelqu'un, comme le Saul de Paul, il n'y a pas de "développement". Je reste en quelque sorte livré à moi-même ou au pouvoir du processus sur lequel je ne peux pas agir. Ce que le processus opère en moi me semble pour l'instant dénué de sens parce qu'aucun résultat ne se fait sentir (NB 6,346).

 

2576. Purgatoire : passer d’une attitude hypocrite à une attitude authentique

Au purgatoire, chaque âme doit passer de son attitude hypocrite à une attitude authentique. Son péché se fait présent, sans plaisir, sans consentement. La malice du péché doit être perçue à fond, non plus avec la vague conscience de la faute comme autrefois, mais nettement et clairement, en présence du caractère insupportable du péché (NB 9, n. 1772).

 

2577. Au purgatoire, le masque tombe, l’homme doit se voir tel qu’il est

Sur terre, il y a du mérite là où est vaincue la tentation séduisante du péché. Dans le purgatoire, le mérite est supprimé parce que le péché est arraché de l’homme, il est extrait de lui par une opération. Sur terre, on peut se réjouir et ressentir une satisfaction quand on a repoussé une tentation. Au purgatoire, cela n’est pas possible ; on est spirituellement lié comme il est nécessaire justement pour une opération. Il y a en cela beaucoup d’humiliation, car on doit arriver à un total dégoût de soi. Le masque tombe, l’homme doit se voir tel qu’il est, et davantage encore dans son attitude d’ensemble que dans le détail de ses péchés. Le tout se déroule sous le regard de Dieu, non devant les autres âmes du purgatoire, car chacun a suffisamment à faire avec soi-même. Tout accès à autrui est coupé. Ce n’est pas un spectacle public, ni une exécution publique, la honte n’en est pas moins grande pour autant. Tout sentiment du temps est perdu. Cela peut durer longtemps ou peu de temps, on ne le sait pas (NB 9, n. 1632).

 

2578. Le purgatoire des grenouilles de bénitier

Arrivent au purgatoire de vieilles grenouilles de bénitier, qui avaient une religion très égocentrique. Au purgatoire, on leur a enlevé cette religion et on leur a donné des connaissances en rapport avec leur péché. Maintenant, au ciel, elles ont positivement une foule de choses toutes neuves à apprendre : sur la foi, sur l’amour, etc. Elles doivent s’habituer, s’y faire, grandir (NB 9, n. 1455).

 

2579. Ceux qui veulent aller au ciel sans passer par le purgatoire

Il y a des âmes qui veulent aller au ciel mais non au purgatoire. Elles trouvent qu’elles n’en ont pas besoin, elles ont assez de bonnes œuvres. Elles veulent mesurer elles-mêmes ce qui leur revient et, quand elles reçoivent de goûter les flammes du purgatoire, elles trouvent que non, elles n’y auraient pas pensé, elles préféreraient aller dans le néant plutôt que dans ce feu (NB 9, n. 1467).

 

2580. Au purgatoire, le riche de ce monde devra apprendre la joie de la pauvreté véritable pour pouvoir arriver dans le ciel au royaume des pauvres en esprit (NB 11,343).

 

2581. Purgatoire : il faut qu'on m'arrache beaucoup de choses

Comme le purgatoire est une préparation à la vie éternelle, tout doit être parfaitement en ordre. Cela ne se fait pas sans qu'on y soit poussé d'une manière désagréable, on ne nous laisse aucun répit. Pour le recueillement contemplatif, on avait eu tout le temps de sa vie. On ne peut pas arriver au purgatoire en exigeant d'avoir maintenant du temps pour se recueillir intérieurement. Au contraire, on est toujours inexorablement arraché quand on ne s'y attend pas. La mesure et la manière de ce à quoi il faut réfléchir ne sont pas fixés par l'homme mais par le Seigneur ; à cause de mon état de pécheur, mes perspectives sont absolument fausses et le plus souvent stériles. A y regarder de plus près, il faut qu'on m'arrache beaucoup plus de choses que je ne me l'étais imaginé. Le tout sans discussion préalable, sans qu'on m'ait demandé mon accord, et apparemment sans ordre. Ça commence quelque part et ça continue à creuser. Il n'est pas possible de coopérer. Il n'est pas dit si le travail effectué vaut quelque chose. On ne sait pas si on en a accompli la millionième partie ou si ce sera bientôt fini. Pour l'allure non plus il n'y a rien à faire. C'est un état de pure passivité. Et ceci avec un grand découragement. Le découragement est un premier signe qu'on renonce à vouloir diriger soi-même les choses. L'ignorance aussi est beaucoup trop profonde pour qu'on puisse entreprendre quelque chose d'utile. Tout est fait pour nous rendre étranger à nous-même. On se dit : "Ça doit bien avoir un sens, mais je ne sais pas lequel. Je ne me sens pas non plus appelé à examiner ce sens. Mais il m'est encore moins permis de me rendre encore plus étranger à ce sens que je ne le suis déjà en y ajoutant quelque chose de propre" (NB 6,347).

 

2582. Dans le purgatoire, l'amour de Dieu sera si grand qu'il ira par les chemins les plus courts ; il ne se laissera plus arrêter, comme ici-bas, par aucune "considération" (NB 6,494).

 

2583. Le purgatoire dépend de la gravité du péché

Le genre du purgatoire est fonction de la gravité du péché. Celui qui meurt en se détournant de Dieu, le poing levé contre Dieu, devra être rossé de telle sorte qu'il en perde l'ouïe et la vue jusqu'au moment où elles pourront commencer enfin à l'orienter vers Dieu (NB 6,386).

 

2584. Purgatoire : une sorte de déshabillage pénible

Il y a au purgatoire le processus où l'on est comme soumis à un déshabillage pénible, où l'on est comme pris en flagrant délit, et on ne sait pas exactement ce que l'autre voit et découvre. Un ami me demande innocemment : "Puis-je ranger vos tiroirs, ils en ont grand besoin". Je le lui permets en le remerciant, mais il me vient alors à l'esprit que j'ai fourré là un tas de choses qui ne sont pas destinées à être vues par des étrangers, mais je ne sais pas dans quel tiroir cela se trouve. Peut-être qu'il ne trouvera rien, peut-être trouvera-t-il beaucoup de choses qui pourraient avoir pour lui une tout autre signification que pour moi. Des choses qui le concernent aussi et dont il découvrira une portée dont je n'ai pas l'idée. Des notes peut-être que j'ai rédigées un jour et dont je souhaitais qu'il les comprennent d'une certaine manière ; maintenant les documents apporteront un tout autre éclairage. Il trouvera peut-être aussi des choses auxquelles je ne tiens absolument pas aujourd'hui, mais qui peuvent jeter une lumière extrêmement étrange sur toute mon existence. Je suis ainsi livré sans défense aux réflexions qu'il pourra faire étant donné que je suis mis à nu. Il me verra tout autrement que je me vois moi-même ou que je souhaite être vu (NB 6,352-353).

 

2585. Purgatoire : on est rempli de honte à cause de son péché

Dans le purgatoire, le Seigneur peut tout d'un coup révéler quelque chose de son amour pour sa créature ; le passé semble oublié. Et pourtant je sais que je suis dans le lieu de la pénitence, je n'ai donc pas le droit de répondre maintenant à son amour. C'est extrêmement dur. Que le Seigneur se tourne vers moi avec un visage bienveillant n'est pas non plus fait pour me mettre à l'aise, mais seulement pour me montrer objectivement à quel point Dieu veut le bien de sa créature. Au moment où je commence à m'attendrir et à fondre sous la main de Dieu, le contraste à nouveau ne fait que devenir plus fort : ma honte réapparaît, mon état de péché est mis à jour. Ma honte augmente quand je sens à quel point l'amour de Dieu s'occupe de mon état de péché, s'y consacre, le travaille. C'est ainsi que le choc se fait plus fort entre la purification que Dieu entreprend et qui est son fait, et mon péché qui est mon état. Je ne dois pas seulement être rempli de honte à cause de mon péché, je dois vivre mon impureté dans la pureté de Dieu (NB 6,353-354).

 

2586. Purgatoire : je m'aperçois que tout mon système doit voler en l'air

Il peut se faire que le processus du purgatoire me tombe dessus d'une manière brusque et pour ainsi dire avec avidité, avec un plan qui manifestement me dépasse. Je suis ainsi doublement dépouillé : non seulement parce que je suis pris en flagrant délit, mais parce que, en plus, je suis sous contrainte. C'est très peu confortable et il n'y a pas de confiance. Il est vrai que théoriquement je sais que le Seigneur sait tout. Mais je ne me suis jamais occupé sérieusement de son omniscience. J'ai mon petit ordre dans mes petits tiroirs, je sais à peu près où se trouvent mes péchés et où se trouvent mes vertus. Finalement j'ai reçu les sacrements, on pourrait en rester là. Il y aura bien quelques moments pénibles qu'on devra prendre en compte, mais Dieu se rendra à la raison et il me laissera partir. Maintenant je m'aperçois que tout mon système doit voler en l'air, personne n'y comprend rien, et on ne me laisse pas non plus le temps de me réhabituer lentement. On me brusque, on m'administre d'abord ce qui est le plus pénible (NB 6,353).

 

2587. Au purgatoire, toute l'évidence réside dans le caractère absolu avec lequel on exige de moi et on me châtie. On doit se soumettre à cette fermeté (NB 6,366).

 

2588. Purgatoire : toutes les scories doivent être enlevées

On est mis au purgatoire dans une sorte d'innocence. On est ouvert à tout, on veut se laisser conduire. On est sans aucune méfiance quand on est placé sur le chemin de Dieu. On est encore si novice qu'on peut être entièrement utilisé. Et ce trait doit atteindre toute sa pureté par la purification. Toutes les scories doivent en être enlevées. Mais si dès ici-bas on a mis l'amour de Dieu au-dessus de tout, cette manière d'être peut prévaloir dès le début. Le purgatoire et la confession ici ne font qu'un. L'âme désire tellement Dieu qu'elle ne pose pas de conditions. C'est l'amour dans le châtiment et le châtiment dans l'amour. La justice nue est dépassée par le passage du Seigneur à travers l'enfer (NB 6,387-388).

 

2589. Purgatoire : je suis placé dans un total désarroi

Je dois être placé dans un total désarroi. Il y a des gens qui, des journées entières, sont malheureux et n'ont pas un instant de repos quand ils ont perdu quelque chose ; ils fouillent toute la maison du haut en bas, ils cherchent en des endroits où il n'y a certainement rien à trouver, ils font les choses les plus impossibles, uniquement pour être encore plus incertains, et ils trouvent alors qu'il est fou de se comporter de la sorte. Ici-bas, on peut parfois faire quelque chose de fou qu'au fond on n'approuve pas. Peut-être aussi seulement pour voir ce qui en sortira, pour voir ce que les autres diront, pour attirer l'attention, pour se singulariser. Dans le purgatoire, cette activité insensée, déplacée, est une amère nécessité, une partie de la procédure invisible dans laquelle on est pris (NB 6,349).

 

2590. Le purgatoire : tout doit être dévoilé et purifié

Au début du purgatoire, il y a une exigence totale : tout doit être dévoilé et purifié. Avec sa totalité, cette exigence semble incompréhensible et brutale parce que je ne peux absolument pas l'assimiler. Je ne peux pas donner mon accord parce que son objet n'est pas évident. Comment accepter quelque chose de tout à fait inattendu ? Dans le purgatoire, mes réflexions sont simplement dépassées par l'exigence totale, ce qui existe sous mode de commencement est accaparé sans transition. La méthode me semble absurde : on ne peut quand même pas commencer tout de suite par le tout ! De ce point de vue, cela n'a rien d'engageant. Par le péché, mon âme a aussi perdu la capacité d'entrer dans ce qui est indivisible. C'est comme si la première chose qu'on disait sans préparation à un jeune homme : tu dois entrer au monastère. Ici-bas, Dieu s'est habitué apparemment à accepter nos demi-mesures et à ne nous présenter ses exigences par ses serviteurs que d'une manière très atténuée. En réalité, pour son Fils également, il a certes toujours exigé ce qui n'est pas divisé. L'exigence est aussi abrupte que si quelqu'un exigeait de moi de me mettre nu comme un ver. En moi, ça bout : impossible ! En tout purgatoire, à un endroit quelconque du chemin, il y a cet instant. Le début était une escarmouche préliminaire, puis soudain l'ordre se fait entendre. On n'en croit pas ses oreilles. On cherche à traduire, car tel quel, ça ne va absolument pas (NB 6,364-365).

 

2591. Purgatoire : le plus important, c’est l’humiliation

Au purgatoire, dans un premier temps, les péchés d'autrefois ne sont pas vus en détail, ils ne sont là que comme un vague obstacle à la compréhension. Pour le moment, on se sent plus mauvais que coupable. Et "mauvais" veut dire : je suis tout autre que je ne l'avais pensé. Il me semble être quelqu'un qui ne s'est plus regardé dans la glace depuis une éternité ; je pensais que je paraissais encore tout à fait présentable, mais je dois comprendre que je suis une ruine. Le spectacle est si inattendu que je me demande si c'est réellement une glace. Je reconnais quelques traits, mais le tableau d'ensemble est tout à fait incroyable. Comme si j'avais écrit une page entière et qu'on l'ait découpée en morceaux avec des ciseaux ; on me présente des mots isolés et on me demande : est-ce que vous reconnaissez votre bien ? Il n'est pas encore question d'espérer changer. S'il arrive qu'une lueur apparaisse pendant qu'on est malaxé, elle disparaît tout de suite à nouveau. Il faut d'abord que me soient présentés jusqu'au bout tous mes programmes et toutes mes bonnes idées et toutes mes bonnes intentions. Le plus important, c'est l'humiliation (NB 6,348).

 

2592. Le purgatoire : on n’est pas maître de la situation

Encore une comparaison : le dentiste. Cela ne sert à rien d'être longtemps dans la salle d'attente, il faut bien, à un certain moment, que j'y aille. Voilà pourquoi on ne se sent pas à l'aise dans la salle d'attente. De la même manière, dans le purgatoire, on fuit le Seigneur et on sait pourtant qu'on ne va pas lui échapper. L'exigence d'être humilié l'emporte sur la sécurité de se reposer en soi. Mais le moment où commence l'intervention, on ne l'a pas en main, on sait seulement qu'il arrive. L’incertitude qui concerne l'heure ne fait pas partie seulement de la méthode de purification, elle nous met à l'avance en contact avec la passion du Seigneur. "Personne ne connaît l'heure, pas même le Fils". Le Fils a voulu avoir part à notre incertitude. Dans le monde, j'ai la possibilité de me décider pour le temps du diable ou pour le temps du Seigneur. Dans le purgatoire, aucune décision n'est plus possible, je suis saisi dans l'état précisément où j'arrive (NB 6,360-361)

 

2593. Les hommes ne peuvent plus agir eux-mêmes dans le purgatoire (NB 6,330).

 

2594. Purgatoire : je suis livré à la force unique qui y gouverne

Dans le purgatoire, je me trouve tout d'un coup devant une autorité absolue qui ne va pas m'épargner, mais à laquelle tout d'abord je ne me soumets pas. Elle me prend cependant dans sa sphère d'influence tel que je suis et, en s'imposant à moi, se fait reconnaître suffisamment comme autorité. Elle fait preuve d'autorité non par exemple par les moyens de pression dont elle dispose (comme ici-bas par exemple l'administration des impôts), elle s'impose par elle-même. A maints égards, elle rappelle le Dieu de l'ancienne Alliance et la crainte qu'il inspire. Le Fils de Dieu qui gère le purgatoire a une manière semblable d'éveiller et de maintenir notre crainte si bien qu'au purgatoire l'amour semble, au début, être tout à fait un élément de la crainte ; on sait que l'amour existe, mais on ne le ressent pas, il fait partie de la preuve que le Fils donne lui-même de son autorité. Quand l'administration des impôts cherche à me prendre et que je ne peux plus lui échapper, la sanction devient inévitable. Cela n'a plus de sens alors de philosopher sur la nature et les pouvoirs de l'autorité, je fais l'expérience de son pouvoir et je dois payer. Toutes mes idées aussi sur la peur sont dépassées quand je sens réellement la crainte. Il en est de même dans le purgatoire, seulement ici je suis fixé encore beaucoup plus solidement, c'est-à-dire absolument et sans issue possible : je suis livré à la force unique qui gouverne ici. Ce n'est pas de l'obéissance (ce serait un pouvoir qui m'appartient), mais l'effet d'une force qui m'est extérieure et qui simplement me "met par terre". Il n'y a pas d'échappatoires : aucune idée d'un avenir, d'une espérance, d'un programme ; seuls comptent les faits : le Seigneur se tient devant moi comme un tout inentamable, qui ne peut pas être travaillé petit à petit et assimilé. Et si je ressens quelque aide de son amour, cela fait partie aussi du phénomène de ma fixation. Rien n'en est distrait (NB 6,339-340).

 

2595. Purgatoire : il ne m’est pas possible d’intervenir

Dans le purgatoire, il ne m'est pas possible d'intervenir, mais seulement de comprendre ce que Dieu me montre et alors de subir ce qu'il m'impose. Il prend ma confusion comme point de repère pour se montrer comme étant le seul qui peut m'aider, car je suis au bout de mes possibilités de montrer quelque chose, par exemple dans la confession. Je ne dispose plus de ma langue, mais Dieu peut lire en moi, si bien qu'il peut tout connaître de moi, le dit et le non-dit, le connu et l'inconnu. Tant que je pouvais me confesser, je pouvais m'ouvrir moi-même, je pouvais avouer, me libérer. Il y avait là pour moi la certitude que Dieu recevait ce qui avait été confessé sincèrement de sorte que cela ne se trouvait plus en moi. La confession qui est accomplie en moi maintenant est un acte de Dieu : il voit avec la même netteté ce qui a été confessé comme ce qui n'a pas été confessé. Il voit mon choix arbitraire, mon silence. Et son regard opère avec une telle rigueur parce que ce qui n'a pas été confessé ressort maintenant pour moi plus nettement. C'est beaucoup plus marqué pour moi que pour quelqu'un qui ne sait rien de la confession. J'ai peut-être confessé un gros péché et passé un autre sous silence ; et je n'en avais pas trop mauvaise conscience. Maintenant le péché qui a été passé sous silence paraît beaucoup plus grave que le péché confessé (NB 6,354).

 

2596. Purgatoire : je n’aime pas être écartelé

Le péché (originel) : l’homme est attaché à son péché, il aime son péché. Dieu punit, il veut ainsi toucher le péché, mais il ne le touche que par la souffrance de l'homme. Le châtiment seul ne délivre pas encore l'homme de son péché. Il souffre certes, et son non à la souffrance est absolu, mais son non au péché reste tiède même si la foi lui dit : "C'est pour toi que Dieu est entré dans la souffrance". Souvent il est enclin à voir dans le péché un moyen pour échapper à la souffrance. De la sorte, deux cercles se font face, chacun avec sa vérité, sa "nécessité" : là la vérité de Dieu qui a souffert du péché pour les pécheurs, ici ma vérité (mais qui est mensonge) : mon refus de me détacher sérieusement du péché. Et maintenant la situation au purgatoire : la nécessité de se libérer de sa propre nécessité pour entrer dans la nécessité de Dieu. Mais j'aime mon moi et mon péché, et je n'ai pas la moindre envie de m'en détacher, de devenir un autre moi, de me laisser diviser au plus intime. Je n'aime pas être écartelé. D'où l'angoisse. Je sais que le processus est inévitable. Il est aussi inexorable. C’est comme le pécheur au confessionnal, il sait qu'il doit abandonner son péché, sa prétendue vérité en face de la vérité du Seigneur qui lui est étrangère (NB 6,359-360).

 

2597. Purgatoire : c’est comme une agression

Le purgatoire, ça me tombe dessus. Ici-bas, la pénitence la plus sévère peut être acceptée pour ainsi dire, on peut se l'approprier. Ici toutes les lignes de communication avec le monde sont coupées ; il n'est pas question de "participer", de "faire des concessions". C'est une agression. On a donné le petit doigt et on est pris totalement. Dans le purgatoire, il n'y a pas de transition, pas d'apprentissage, pas d'égards, pas de "convenances humaines". Tout cela est réduit à néant. On est pour ainsi dire livré au mépris de son meilleur ami. C'est l'homme en moi qui est méprisé, l'homme qui s'est rendu étranger à l'humanité de Dieu, qui s'est détourné de l'être humain de Dieu. Cet homme me dégoûte. Je ne peux pas me mépriser moi-même ; tout ce qui est digne de mépris, je dois le déduire du fait que je suis méprisé (NB 6,345).

 

2598. La durée du purgatoire ne se trouve pas en mon pouvoir

Quand commence pour moi le purgatoire, je ne peux sans doute pas le dire. Car la mesure de la durée ne se trouve pas en moi, ni plus la mesure de l'action. Ce que je saisis de la relation du Seigneur à moi est si limité que je ne peux pas insérer dans mon expérience le moment de son intervention (NB 6,336).

 

2599. Purgatoire : on n’a pas la mesure du temps

La longueur du chemin à parcourir dans le purgatoire pour parvenir à l'intelligence complète peut être très variée. C'est à la fin que l'âme comprendra pourquoi justement il a dû être si long. Tant qu'elle est en chemin, elle ne le voit pas, parce que la mesure du temps qu'elle a n'est plus valable. Elle est dans l'incertitude totale en ce qui concerne l'évaluation du temps tout autant qu'en ce qui concerne sa faute. Justement elle ne voit véritablement l'Esprit qui évalue comme il faut le péché qu'au moment de l'absolution (NB 6,374).

 

2600. Purgatoire : purification décisive, on n’a plus la liberté de dire non

Si on regarde le purgatoire de manière théorique sans s'y trouver, cela nous donne la grande consolation qu'il soit la purification décisive. De plus il nous ôte la liberté de dire non, la réflexion sur nous-mêmes, et il nous amène à un large acquiescement, mais parce qu'on aime bien être propre, on donne son consentement. Quand on y entre, la première chose qui se passe certainement, c'est que tout en nous se hérisse : ce qui arrive là, c'est ce que nous ne voulions à aucun prix, ce qui nous répugne absolument. Et ce n'est que lorsque cela cessera que ce sera peut-être justement ce que nous souhaiterions maintenant. Entre-temps il y a l'apprentissage invisible qui fait passer du non au oui. Quand, à un endroit de l'âme, s'allume le oui, le non angoissé redouble à l'instant suivant, jusqu'au moment où, après une durée non mesurable, toute l'âme brûle du oui (NB 6,343-344).

 

2601. Dans le purgatoire, tout est purifié

Dans le purgatoire tout est purifié et soldé. A la fin de la purification, on a rattrapé toute négligence de manière à ce qu'on ne peut plus rien regretter. Au ciel, on ne pense jamais qu'on a négligé quelque chose sur la terre (NB 3,84-85).

 

2602. Les âmes au purgatoire sont purifiées par l’amour rédempteur du Fils (NB 3,92).

 

2603. Dans le purgatoire, la personnalité est refondue (NB 3,286).

 

2604. Au purgatoire, il n’y a qu’une possibilité : se laisser purifier, capituler

En arrivant dans le purgatoire, les âmes apportent avec elles leurs empreintes et leurs idées humaines qui étaient en quelque sorte enfermées dans leur subjectivité. Elles doivent maintenant apprendre à juger selon la mesure de la justice et de l'amour de Dieu. Elles ne commencent pas toutes au même niveau. Les unes ont derrière elles une vie dans le péché, les autres une vie dans la grâce. Toutes sont pécheresses, mais elles ont saisi et reçu plus ou moins de la grâce. Toutes pourtant doivent mettre à jour leurs connaissances et s'adapter à l'atmosphère de Dieu. Elles doivent s'habituer à la justice du Père et à l'amour du Fils. En la matière, elles ne sont pas simplement passives, elles ne sont pas purifiées sans qu'elles le veuillent. Ce qu'a de passif le purgatoire, c'est qu'à présent elles ne sont mises que devant une seule possibilité : se laisser purifier, capituler devant la justice du Père et l'amour du Fils. Justice et amour attendent simplement d'être reconnus. Plus les âmes connaissent déjà l'amour et plus elles l'ont éprouvé, plus elles sont attendues par l'amour du Fils ; plus elles étaient infatuées d'elles-mêmes dans la vie, voulant estimer toutes choses selon leur propre mesure morale, plus donc elles se trouvaient à côté de l'amour, plus elles tendent vers l'ancienne Alliance. Mais parce que les deux alliances forment une unité parfaite, la synthèse du purgatoire est calculée pour toutes, et toutes doivent se laisser toucher par l'ensemble. Aucun coin de l'âme n'a le droit de se soustraire à la justice et aucun à l'amour. L'âme doit s'offrir tout entière à la justice et tout entière à l'amour, elle doit apprendre à connaître l'unité du Père et du Fils, elle n'a pas le droit d'être le moins du monde éclectique. Elle doit apprendre à être catholique. Cet aspect catholique consiste dans le fait qu'on se tient tout entier à la disposition de Dieu tout entier et qu'on ne choisit pas soi-même. Celui qui se confesse ne peut cacher aucun péché grave sans réduire à néant toute la confession. Celui qui exerce un ministère dans l’Église doit être prêt, de soi, à tout ministère, à toute mission dans l’Église. Il n'a pas le droit de faire des réserves parce que la répartition des ministères ne dépend pas finalement de la mesure des qualités et des aptitudes propres, mais de la liberté de l'Esprit Saint et de l'obéissance à son endroit. Ainsi dans le purgatoire on ne peut pas mettre de conditions, on ne peut pas non plus vouloir faire juger tel péché par la justice et tel autre par la miséricorde, demander ici un peu plus d'indulgence tandis que là on veut bien porter éventuellement la juste expiation parce qu'on redoute la confrontation avec le pur amour. On doit se tourner de telle manière qu'on devienne accessible de tous les côtés à l'ensemble formé par la justice et par l'amour (NB 3,93-94).

 

2605. La souffrance du purgatoire purifie l’âme

Dans le purgatoire, il ne s'agit plus en premier lieu de "mon péché" et de ma relation à lui, ou de l'idée que je me fais du péché telle que je peux l'avoir par suite du reliquat du péché originel en moi et aussi par les péchés des autres, il s'agit au purgatoire de ce qui s'oppose irrémédiablement à Dieu dans la nature du péché. C'est la nature de Dieu qui, en elle-même et par tout elle-même, repousse totalement et éternellement tout ce qui s'appelle péché. C'est pour cette nature du péché absolument opposée à Dieu que le Fils souffre sur la croix, et il souffre de manière absolue. Il souffre pour "mon péché" non comme pour une conduite humaine limitée, mais pour mon péché en tant qu'il ne fait qu'un avec tous les autres péchés : pour sa totale opposition à Dieu. Le péché est un non-être qui, en sa totalité, s'oppose à la totalité trinitaire de Dieu ; l'éternelle majesté de Dieu est déshonorée si on la considère positivement comme une image antithétique du péché, un peu comme la lumière et l'ombre qui se complètent mutuellement. Le péché est devant Dieu ce qui est exclu radicalement et absolument. Il est ce qui est l'objet de la passion du Seigneur (NB 6,336).

 

2606. Au purgatoire, l'âme doit apprendre par sa souffrance à ne pas s'occuper que d'elle-même, mais au contraire, par la souffrance elle-même, apprendre à connaître l'amour de Dieu (NB 6,341).

 

2607. Purgatoire : les souffrances de la purification

Que quelqu'un arrive au purgatoire, cela suppose certainement ici-bas une grâce et un début de oui. Mais maintenant rien n'est rattaché sciemment à ce oui ; il est d'abord totalement absent parce que l'homme doit maintenant voir son non. Quand le non est consumé par le feu, le oui réapparaît comme un oui nouveau ; pas simplement comme le vieux oui qui serait rendu, mais comme un oui que le Seigneur lui-même a façonné et qu'il fait naître en moi. Les "mérites" terrestres ont pour effet d'abréger le feu, éventuellement de le rendre inutile ; mais dans les souffrances de la purification, ils ne sont ni un soulagement ni un contrepoids (NB 6,362).

 

2608. Dans le purgatoire, au début, je suis comme enfermé dans ma souffrance et je pense m'y éloigner du Seigneur. Le Seigneur n'est pour moi tout d'abord que celui qui gère le feu. A la fin, je brûle avec lui dans son feu (NB 6,384).

 

2609. Dans le purgatoire, la souffrance est qu’on s’efforce de faire le bien et qu’on ne peut y arriver (NB 8, n. 912).

 

2610. Purgatoire : une souffrance inattendue peut être requise

Quand le Seigneur révèle son amour comme but et comme force motrice, c'est peut-être la phase terminale du purgatoire ; mais il se peut aussi qu'il le révèle dès son stade initial. C'est une relation à lui immédiate qui est créée. Dans le purgatoire, on est tourné totalement vers le Seigneur. Mais, dans cette relation, une souffrance inattendue peut être requise, de quelle durée et de quel genre, c'est le Seigneur qui en décide. Il peut se faire que j'aie commis peu de fautes et que le Seigneur veuille être indulgent : je dois pour ainsi dire arriver au ciel en faisant l'expérience de son amour. Mais tout en connaissant son amour, je peux aussi être amené à passer par des choses dures et obscures bien qu'ici aussi l'espérance et la joie demeurent l'essentiel (NB 6,388).

 

2611. Quand les âmes du purgatoire souffrent pour être purifiées, arrive l'instant où elles ne désirent plus de changement, et c'est alors justement l'instant où le changement arrive et où la souffrance s'épanouit en béatitude (NB 6,563).

 

2612. On fait pénitence dans le purgatoire

Tous les sacrements reçus ici-bas, par leur dessein et leur contenu, renvoient d'avance au purgatoire. Dès ici-bas les sacrements montrent que le Seigneur, par sa prépondérance sur le serpent, s'occupe depuis toujours des hommes, il en fait ses frères pour les conduire au Père où, dans la liberté de l'amour, il n'y a plus ni commandement ni interdiction. Celui qui fait pénitence dans le purgatoire est définitivement conscient de la prépondérance du Seigneur sur le serpent (NB 6,338).

 

2613. Commencer le purgatoire après s’être confessé avant de mourir

La confession est un jugement sur le pécheur en ce monde, elle a lieu entre la faute et l'expiation. Le jugement après la mort atteint l'homme quand il ne peut plus pécher ; il l'atteint dans l'état où il quitte le monde. S'il s'est encore confessé et qu'il a eu le sérieux propos de ne plus pécher même s'il avait continué de vivre, il a un certain degré de pureté ; il est dans l'état de celui qui est absous et c'est dans cet état qu'il commencera le purgatoire par lequel il doit encore passer (NB 4,299).

 

2614. Le purgatoire fraie une voie vers Dieu (NB 4,333).

 

2615. Le purgatoire doit venir à bout de l'absence d'amour

On peut établir une limite entre le purgatoire et le ciel. Le purgatoire doit venir à bout de l'absence d'amour ; c'est pourquoi, au début, de rigoureuses limites sont tracées entre le purgatoire et le ciel. Mais plus l'amour s'impose lors de la purification, plus imprécises se font les limites : la lumière du ciel rayonne d'avance dans l'obscurité de l'état de purification (NB 6,64).

 

2616. Le pécheur doit brûler totalement son repli sur lui-même

Moïse veut tout savoir mieux que les autres : il veut s'approcher de Dieu, Dieu le lui interdit et il lui donne en retour une mission, mais Moïse n'en veut pas. Il se dit en quelque sorte : si tu ne m'accordes pas ce que je veux, je ne fais pas non plus ce que tu veux. Dieu a éveillé son attention par le feu, le feu l'a mis en conversation avec Dieu, mais parce que Dieu met des limites, Moïse se sent autorisé à en mettre aussi de son côté. La confession et le purgatoire sont offerts au pécheur, mais celui-ci veut y entrer avec ses propres mesures. Le feu brûle mais ne consume pas, Moïse en conclut : il ne va pas non plus me consumer. Il y a la possibilité de s'approcher de la pureté de Dieu et de garder alors le contrôle jusqu'à un certain point, ne pas permettre que soit dirigé le moi auquel on tient. Mais ici Dieu crie : "Halte !" Le buisson est une créature de Dieu, il peut y habiter ; le pécheur en tant que tel n'est pas sa créature : Dieu devrait le consumer. En tout cas, il doit brûler totalement son repli sur lui-même (NB 6,318).

 

2617. Dans le purgatoire, c'est le feu de Dieu qui consume en moi tout ce qui appartient à l'enfer (NB 6,383).

 

2618. Dans le purgatoire, ce qui domine, c'est un impératif : mon envie de revenir au Seigneur - tel est le but - doit devenir plus grand que l'aversion que j'ai à m'attendre à être châtié. Une fois ceci atteint, le pas décisif est fait (NB 6,351).

 

2619. Au purgatoire finalement, on désire ce que le Seigneur désire

La confession et l'enfer sont des expressions de l'amour du Seigneur. Le pécheur est confessé et nettoyé dans le feu par l'amour du Seigneur. Au beau milieu de ce que le purgatoire a de pénible, on peut être totalement saisi par cet amour. Au beau milieu du malaise, il peut y avoir une sorte de bien-être qui ne se trouve pas en nous-mêmes mais dans le Seigneur. On désire ce qu'il désire. Le caractère pénible nous devient soudain précieux : il lui appartient (NB 6,388).

 

2620. Franchir le seuil de l’éternité et désirer être purifié

A l’instant où l’âme franchit le seuil de l’éternité, le désir d’être purifiée saisit l’âme. Elle ne réfléchit plus à ce qu’elle supporte volontiers ou non, cela lui est égal du moment qu’elle est purifiée. Son désir est si fort que cela lui enlève l’angoisse devant l’opération, elle dit oui à l’opération et c’est pris au sérieux (NB 9, n. 1632).

 

2621. Dans le purgatoire : un grand désir de Dieu

Dans le purgatoire, les âmes ont un grand désir de Dieu, un élan vers le haut, mais elles ne veulent jamais quitter le feu avant d’être totalement pures. Au début elle sont comme poussées dans le feu, passivement. Dedans, elles ne peuvent aucunement agir ou s’activer ; quand elles sont absolument pures, elles sont libres alors de se joindre aux autres dans le ciel. Les âmes qui sont encore totalement dans le feu sont en grande détresse, car elles ne savent pas encore que cela les mène vers le haut ; quand la partie purifiée s’agrandit peu à peu, alors seulement l’élan vers Dieu se fait plus fort, et par là la paix intérieure (NB 8, n. 223).

 

2622. Ceux qui sont au purgatoire sont comme des personnes à qui il est arrivé un malheur

Même ceux dont on sait au ciel qu’ils se trouvent dans le purgatoire, on ne les considère pas comme devant passer par une juste purification, mais plutôt comme des personnes qui accomplissent un voyage pénible, à qui il est arrivé un malheur, dont on désire depuis longtemps l’arrivée et, quand enfin ils sont là, ils sont aussitôt entourés et introduits comme des personnes longtemps attendues. C’est surtout l’art incomparable de la Mère qui se trouve exactement à la fin du purgatoire et qui accueille dans le ciel les nouveaux arrivants. Toutes les formes de gêne sont aussitôt emportées par cet amour sans prévention (NB 9, n. 1315).

 

2623. Le purgatoire est une forme de chemin vers le ciel

La descente aux enfers, durant les trois jours entre la croix et la résurrection, est unique et ne se reproduira plus ; on peut tout au plus avoir part à cet événement unique par la grâce du Seigneur. Le purgatoire qu'il y a depuis lors n'est pas une descente mais une forme de chemin vers le ciel (NB 10, n. 2183).

 

2624. Ceux qui ici-bas n'ont rien voulu faire de chrétien seront tout d'abord fort occupés à s'habituer aux "usages" du ciel (NB 6,323).

 

2625. Le purgatoire : pour être initié aux manières du ciel

L'être humain qui arrive dans le monde, on ne lui a pas demandé s'il voulait naître. Il a fait preuve d'une obéissance absolue en venant au monde. On l'y a mis nu et pauvre. Manifestement ce n'est pas un "état séculier", c'est pour l'être humain un état religieux. Celui qui meurt retourne à cet état : il doit abandonner le mariage et ses biens, on ne lui demande pas s'il veut mourir, il doit faire preuve d'une obéissance de cadavre. Et, au purgatoire, il est définitivement initié aux manières de voir de la vie religieuse pour arriver au ciel (NB 11,346-347).

 

2626. Purgatoire : pour parvenir à la liberté céleste de ne plus pécher

Le purgatoire est le chemin par lequel la liberté terrestre de l'homme (en tant que capable de pécher) doit passer pour parvenir à la liberté céleste (de ne plus pécher). Dans le purgatoire, la première liberté est en quelque sorte vaincue et terrassée étant donné que le purgatoire tout entier est la victoire de l'amour du Seigneur sur notre égoïsme. Et pourtant la liberté céleste, qui consiste à ne vouloir que ce que Dieu veut (et participer ainsi à l'absolue liberté de Dieu), n'est pas encore atteinte pour autant. Il y a certes un début de liberté : consentir à ce qu'on soit pris pour suivre la cure de Dieu. Je veux qu'on m'opère de mon cancer. Une fois l'opération commencée et que le médecin est à l'œuvre, personne ne se soucie plus de mes protestations. Au purgatoire, on est opéré sans anesthésie pour ainsi dire, et le patient est pour ainsi dire attaché. Il ne peut échapper au bistouri. La comparaison est valable pour le premier stade et le stade intermédiaire, elle ne l'est plus guère pour la fin du purgatoire parce que le patient en fin de compte déborde de gratitude et il exprime le souhait de rester sous le bistouri aussi longtemps que le veut le médecin. Le pénitent comprend alors que l'opération qu'on lui a faite l'a libéré de son égoïsme et lui a donné un amour désintéressé qui est prêt à souffrir pour les autres (NB 6,340-341).

 

2627. Purgatoire : les limites du purgatoire

Si nous voyons le purgatoire comme une distance limitée (entre la mort et l'entrée au ciel), nous pourrions chercher à saisir l'enfer en retirant au purgatoire ses limites ; mais en supprimant ainsi les limites, toute représentation aussi nous échappe (NB 10, n. 2287).

 

2628. Purgatoire : l’homme doit entrer dans la communauté des rachetés

Dans le purgatoire, la connaissance qu’on avait de soi n'est plus valable parce que la mesure, c'est Dieu qui s'en occupe : l'homme est en réalité tel que Dieu le connaît. Il doit entrer dans la communauté des rachetés qui sont totalement dirigés par Dieu et se trouvent devant la face de Dieu (NB 6,343).

 

2629. Celui qui est au purgatoire doit seulement être éduqué à la vie éternelle (NB 6,338).

 

2630. Purgatoire : être éduqué pour Dieu

Le feu du purgatoire s'adapte aux différents stades de la vie. L'enfant de quatre ans aussi qui arrive dans l'éternité avec l'état de conscience qui est le sien doit être éduqué pour Dieu selon ses capacités de compréhension jusqu'à ce qu'il soit mûr pour l'éternité avec la maturité de conscience qui est la sienne. (Cela contribuera certainement à la variété du ciel que tous n'y arrivent pas avec la même expérience du monde). Un enfant de cet âge aussi, qui ne peut pas encore se confesser, doit être préparé pour Dieu, se réjouir de Dieu, avoir envie de lui faire plaisir, être devant lui propre et net, avoir l'espérance de le voir : tout cela peut être éveillé en lui (NB 6,386).

 

2631. Purgatoire : le feu du purgatoire a pour but l’amour

La nature du purgatoire, c’est la vie avec ses péchés ; l’intelligence du péché en tant que péché y est présent constamment, tout à fait objectivement, sans passion. A côté de cela constamment le tableau du Christ et de sa souffrance. La confrontation des deux constitue le feu. Dès le début, le but est de conduire l’âme à la prière. Quand, à la fin du feu, l’âme “fait irruption” dans la prière parce qu’elle ne peut plus faire autrement, le pardon de Dieu aussi est là, les bras de Dieu sont ouverts. Le feu est un feu qui, dès le début, a pour but l’amour (NB 8, n. 584).

 

2632. Purgatoire : pour retrouver la relation paradisiaque de l'esprit humain à Dieu

Je perçois de plus en plus clairement que la forme des châtiments que le Seigneur m'impose découle directement de sa souffrance. De le comprendre rend le tout encore plus pénible. Ce qui est mauvais se déplace de moi en lui. Quand je perçois que son châtiment c'est sa souffrance, je ne suis plus loin de la conversion. Nous disons de quelqu'un : qu'est-ce qu'il a dû souffrir pour être devenu si amer ! Pour le Seigneur, il s'agit d'autre chose : qu'est-ce qu'il a dû souffrir pour pouvoir administrer de tels châtiments ! Quand je suis en mesure de penser cela, je commence déjà à me tourner vers sa souffrance et je ne suis plus occupé exclusivement de mon châtiment. Je le vois en fonction du péché qui est en moi ; le Seigneur s'occupe de ce péché en se châtiant mais, pour ce péché, il a souffert lui-même le pire. Je vois aussi les rapports directs : ce châtiment précis correspond à tel de mes péchés, mais à ce péché correspond aussi ce qu'il a supporté pour lui. Ici la rencontre de sa souffrance et de mon péché devient parfaitement claire. Cela ne veut pas dire bien sûr que je souffre ce que le Seigneur a souffert. Et pourtant, dans l'angoisse du purgatoire, le Seigneur me donne quelque chose qui à la longue me rend capable de mieux comprendre sa souffrance. Par sa grâce, il mêle à notre angoisse de pécheur quelque chose qui est un début de compréhension de son angoisse. Je ne chercherais pas le Seigneur s'il ne m'avait pas trouvé, et justement dans cette angoisse. D'autre part les mérites qui me conduisent à être gracié supposent que depuis toujours j'ai été rattrapé et saisi par la grâce. Le châtiment est ce que j'ai mérité, l'angoisse est un acompte de grâce, la reconnaissance de la souffrance du Seigneur serait la grâce entière qui dépasse tous les mérites en les incluant. Là où tout mérite débouche définitivement dans la grâce du Seigneur, là aussi finalement toute la réflexion sur lui-même de l'homme marqué par le péché originel est rétablie au niveau de la relation paradisiaque originelle de l'esprit humain à Dieu (NB 6,363-364).

 

2633. Entrer dans le purgatoire pour parvenir à une certaine dignité

Avant sa passion déjà, d'une part le Fils connaît le péché du monde, d'autre part il connaît la passion qu'il va subir pour ce péché, et cette double connaissance et cette marche vers la passion constituent en quelque sorte le modèle de notre connaissance et de notre attente quand nous entrons dans le purgatoire. Afin que nous, indignes, nous parvenions à une certaine dignité qui nous permet d'entrer le ciel, nous devons recevoir en nous une image et une empreinte de la vie du Fils ; et ce signe, le Fils le prépare ici-bas alors qu'il a un corps humain. Toutes les paroles de son enseignement, nous les retrouverons dans les paroles qu'on nous transmettra dans le purgatoire pour notre purification. Nous ne serons plus alors des auditeurs qui restent plus ou moins durs d'oreille, mais nous serons en un lieu où toute notre occupation consistera à comprendre la parole. Cette compréhension sera spirituelle sans qu'une application pratique soit possible, ce sera une compréhension qui découvrira le sens à partir de l'amour dans lequel les paroles ont été dites (NB 6,332).

 

2634. La luminosité que possède une âme après l'expérience du purgatoire (NB 10, n. 2186).

 

2635. Au sortir du purgatoire, tous les êtres humains sont purifiés

La pensée d'être, durant une éternité, avec tous les hommes qu'on a connus ici-bas, et qui souvent nous semblaient peu sympathiques ou aussi complètement indifférents, n'a peut-être rien de très enthousiasmant. On sait bien qu'ils seront débarrassés de leurs péchés et qu'ils seront des hommes aimables. On tient trop peu compte du fait qu'ils sortiront purifiés du purgatoire, qu'ils auront vécu, dans l'Esprit Saint par le sacrifice du Fils, une nouvelle naissance qui leur aura rendu l'aspect qu'ils avaient dans le dessein du Père quand il les a créés. Et là, plus rien n'est ennuyeux, tout devient infiniment passionnant. Nous serons tous la réalisation d'une idée unique de Dieu, nous aurons part à ce qu'il y a de toujours plus grand dans le Fils et à ce qu'il y a d'incompréhensible dans l'Esprit Saint, chacun deviendra une personnalité qui peut se faire voir et qui est en même temps ouverte à toutes les autres ; elles exprimeront aussi une idée unique de Dieu qui veut se glorifier en elles. Elles ne seront pas seulement un lointain reflet de cette idée, ils la réaliseront d'une manière adéquate (NB 6,564).

 

2636. Les saints ne vont pas au purgatoire

Les péchés que le chrétien moyen ne cesse de commettre nolens volens et qui sont des péchés véritables se trouvent dans l'indécision qu'il traîne avec lui durant toute sa vie. Le propre des saints est qu'ils ne cessent de se décider. C'est dans leur décision terrestre que se trouve l'un des motifs pour lesquels ils ne vont pas au purgatoire. Non seulement parce qu'ils sont vertueux, mais parce qu'ils ont compris une fois pour toutes la nature de la décision (NB 6,333).

 

2. Le ciel

 

Plan : 1. Le Fils et le ciel2. L’Église et le ciel3. La vie terrestre : préparation à la vie éternelle4. La vie éternelle5. La prière dans le ciel

 

1. Le Fils et le ciel

 

2637. Le Seigneur est venu pour nous conduire au ciel

Nous, humains et chrétiens moyens, le Seigneur n'est pas venu nous éduquer pour nous amener à une quelconque médiocrité meilleure, il est venu pour nous arracher à l'enfer, nous qui étions perdus, et nous conduire au ciel (NB 4,184).

 

2638. Ascension : le Fils ne retourne pas seul au Père, il emmène avec lui le monde comme ça peut (NB 6,309).

 

2639. Le Seigneur offre une participation de la terre à la vie du ciel

Par son Ascension, quelque chose de nouveau est offert par le Seigneur : une participation de la terre à la vie du ciel. Il ne s'agit pas maintenant de visions ou d'autres expériences surnaturelles, mais d'un "cadeau de bienvenue" du Seigneur à toute l’Église. Proximité, participation, communauté des biens, des sentiments. C'est en Marie qu'on le voit le mieux : elle ne se sent pas séparée de son Fils ; au beau milieu de sa vie d'ici-bas, elle a un contact avec le ciel, sans visions ; peu importe pour elle qu'elle vive ici-bas ou dans le ciel, non pas dans le sens d’une indifférence négligente. Ici-bas, il nous est constamment demandé de répondre au ciel. Cela donne à la vie une portée beaucoup plus grande. Il n'y a plus de retour sur le moi, plus de "vacances de Dieu" (NB 6,309).

 

2640. En portant notre péché, le Fils nous a portés à la rencontre du ciel

Quand le Fils est mort sur la croix, il est allé pour nous à la rencontre de la lumière. En portant notre péché, il nous a portés à la rencontre du ciel. Nous avons été sauvés sur la croix (NB 4,102-103).

 

2641. Le Seigneur offre la mort et la vie éternelle (NB 4,387).

 

2642. Le Fils passe à travers lenfer pour nous ouvrir le chemin du ciel

« Notre Père qui es aux cieux ». Le ciel maintenant est lointain et fermé, et c'est pour lui que le Fils passe à travers l'enfer. Toi aussi tu es en enfer, car l'enfer est le royaume de la justice que le Père s’est réservée, et ainsi l'enfer n'est pas loin du ciel (NB 3,126).

 

2643. Le Fils nous construit un pont vers l’éternel

Le Fils nous construit un pont en donnant déjà à ses actes temporels une valeur supra-temporelle. Celle-ci n'est un tant soit peu dévoilée que pour le croyant et, par la méditation de la vie du Christ, elle peut se dévoiler à lui toujours plus profondément. L'acte de la rédemption sur la croix possède intérieurement une actualité perpétuelle, sa résurrection tout autant ; à partir de ces deux faits, on peut deviner la vie éternelle qui est cachée dans toutes les situations de la vie du Christ. Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière, Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut. Ainsi en est-il des relations du Seigneur avec ses disciples croyants ; les moments sont si pleins, si denses et si parfaits, qu'on n'a pas besoin de demander dans quelle mesure sa divinité est visible dans son humanité, dans quelle mesure l'éternité est visible dans l'instant temporel ; la foi s'en remet à lui pour la manière dont il gère le contenu éternel de son existence dans le temps., chaque instant est orienté directement vers la vie éternelle (NB 6,99-100).

 

2644. Le ciel : le Fils incarné y est au centre

(Adrienne raconte ce qu'elle a vécu dans le ciel). Quand on arrive au ciel et qu'on découvre la vie céleste, on voit clairement que c'est le Fils incarné qui est au centre, c'est à lui que se réfère toute l'atmosphère d'amour. Cette atmosphère et son mouvement font penser de loin aux choses qu'on a vécues sur terre. Quand on était enfant, on se sentait poussé par exemple à donner tout ce qu'on avait à un autre enfant peut-être. On savait alors très bien que, derrière cet enfant étranger, c'était le monde entier qui était visé. Cet enfant avait une relation mystérieuse avec d'autres enfants, avec d'autres personnes, finalement avec le Seigneur et avec le Père du ciel. Si on donnait "tout" à cet enfant, ou si on lui donnait simplement quelque chose, même si c'était peu, mais avec l'intention de se séparer de ce qu'on aimait le plus, alors soudain on avait part à une atmosphère générale d'ouverture aux autres. Il allait pour ainsi dire de soi que cette atmosphère atteignait le Père ; il y avait le commandement du Seigneur qu'on devait donner ses biens, par lui, avec lui, dans un mouvement vers le Père, le Père qui reste rempli de mystère (NB 6,571-572).

 

2645. Le mystère du Christ sea au ciel le centre qui éclaire toute chose

Alors qu'ici-bas il y a des contrastes entre les choses que nous aimons et celles que nous n'aimons pas, il n'y aura au ciel que des contrastes positifs : que nous préférions nous trouver en Dieu ou dans les autres créatures. Au ciel, personne non plus n'aimera jamais comme Dieu, et Dieu n'aimera jamais non plus comme un homme. Et pourtant l'homme sera aimé en Dieu de sorte qu'une chose peut toujours apparaître meilleure que l'autre. C'est ainsi que s'achèvera ce qui ici-bas était déjà esquissé dans notre relation au Christ : on ne sait jamais si on préfère en lui Dieu qui devient homme ou l'homme qui est Dieu. Ainsi notre rencontre avec lui renvoie déjà à la béatitude céleste. La rencontre avec lui n'a pas besoin de transposition pour être comprise par nous de la manière indiquée. S'il nous dit : "Toi, suis-moi", c'est une parole de Dieu, il veut que quelqu'un le suive, sinon il ne pourrait pas exiger de manière aussi absolue ; néanmoins c'est la parole d'un homme qui a une mission qu'il doit réaliser avec des moyens humains, en s'adressant à ses semblables. Nous comprenons qu'il y a ici une unité, même si son comment nous reste impénétrable, car nous ne savons ni ce qu'est Dieu, ni ce qu'est l'homme, ni ce qu'est l'acte créateur de Dieu qui engendre l'homme, ni pourquoi l'homme n'est pas bon si Dieu l'a créé bon. Au ciel, ces voiles seront un peu levés, nous verrons en Dieu comment l'homme était pensé et, en l'homme, comme Dieu se révèle en lui. Le mystère du Christ, qui est Dieu et homme, et qui guide notre foi ici-bas, restera au ciel ce centre qui éclairera toute chose (NB 6,564-565).

 

2646. La Mère se distingue au milieu du ciel. On ne voit pas le Fils, mais il est partout présent avec le Père et l'Esprit (NB 4,338).

 

2647. Il serait meilleur de disparaître et d'être avec le Christ

Adrienne comprend tout à fait le mot de saint Paul : "Il serait meilleur pour moi de disparaître et d'être avec le Christ". Mais quand je (le P. Balthasar) lui dis qu'elle doit être heureuse de pouvoir encore souffrir quelque chose, qu'elle ne pourra plus le faire dans l'éternité, elle est à nouveau tout à fait d'accord (NB 8, n. 102).

 

2648. Aller au ciel, auprès de toi et de ta Mère

D’une prière de sainte Gertrude d'Helfta adressée au Seigneur : «  Je voudrais vraiment faire en tout ta volonté et plus jamais la mienne jusqu'au jour où je pourrai aller au ciel auprès de toi et de ta Mère » (NB 1/1, 446).

 

2. L’Église et le ciel

 

2649. L’Église en tant que telle est reliée au ciel

La mystique a dans l’Église une double place. D'une part elle est donnée à certains croyants un peu comme le Père a envoyé son Fils unique dans le monde et comme la doctrine chrétienne générale dépend totalement de ce Fils unique. Cela correspond au parcours du Fils : il sort du Père, il vient dans le monde et il retourne au Père à l'Ascension. D'autre part ce parcours ne se termine pas sans qu’il ne s’ouvre sur un second circuit : l'envoi de l'Esprit sur l’Église en tant que tout. La Pentecôte et le miracle des langues sont sans aucun doute un événement mystique qui concerne toute l’Église : par lui, l’Église en tant que telle est reliée au ciel de manière nouvelle, elle est en quelque sorte habilitée, en tant que tout, à recevoir la mystique (ou l'inspiration de l'Esprit). A l'avenir donc celui qui reçoit une grâce mystique dans l’Église ne sera plus simplement quelqu'un d'isolé, car l’Église, en tant que tout, possède depuis la Pentecôte la faculté de recevoir ce genre de grâce (NB 5,74).


 

2650. Quand l’Église sera dans l’éternité

Quand l’Église ne sera plus dans le temps mais dans l'éternité et que sa relation au Seigneur ne sera plus remise en cause par rien, elle se laissera diriger de manière parfaite, elle correspondra totalement à l'idée que Dieu a d'elle (NB 12,41).

 

2651. Les racines célestes de l’Église terrestre

Par l’Apocalypse s'ouvre pour Jean la possibilité d'apprendre davantage et de plus grandes choses sur les véritables dimensions de la nouvelle Alliance, de mettre au jour les racines célestes de l’Église terrestre, et même de regarder le ciel en tant que tel comme le Christ veut le montrer à l’Église actuelle (NB 2,201).


 

2652. L’Église participe maintenant à la plénitude de la vie éternelle ; pour tous les temps, elle rend présents les événements de notre salut (NB 3,366).

 

2653. Garantie de l’éternelle vitalité de l’Église : la Mère et le Fils emportés au ciel

L’Église primitive ne peut pas s'effondrer, elle connaît si peu la mort que la Mère est emportée corporellement dans le ciel comme le Fils part corporellement au ciel. Dans les deux événements se trouve garantie l'éternelle vitalité de l’Église (NB 4,397).

 

2654. La fin de l’Église est aussi peu imaginable que la fin de l’éternité

Tous les disciples se sont enfuis et ainsi un malheur se glisse dans l’Église ; pour en sauver quelque chose, le Seigneur prend l’Église avec lui sur la croix pour éprouver l’Église. Si plus tard les chrétiens s'enfuient individuellement, cela ne peut plus rien faire à l'Église. Et même si tous fuyaient une nouvelle fois, l’Église ne cesserait d'être abritée dans le Seigneur et aucune preuve ne pourrait alléguer que l’Église n'est pas l’Église du Seigneur. Elle reste l’épouse. Elle est constamment allumée de manière neuve à son feu divin de sorte que, même si elle le voulait, elle ne pourrait pas mourir. La fin de l’Église est aussi peu imaginable que la fin de l'éternité. Quand le Seigneur la fit, personne non plus n'était là, lors de cette décision première dans le ciel (NB 4,426).

 

2655. Pâques, c’est la résurrection, c’est connu. Mais la résurrection de l’Église, c’est à la Toussaint (NB 4,111).

 

2656. L’Église sous le regard des saints

Ce que nous faisons dans l’Église, nous le faisons sous le regard des saints et de toute la cour céleste. Il y a la possibilité de réaliser tout d'un coup que tous sont là. Cette expérience peut être variée : elle peut consister à voir clairement la présence du ciel ou simplement avoir conscience de cette présence. Pour celui qui un jour a vu, cette connaissance a d'autres couleurs que pour celui qui vit dans la foi nue (NB 5,28).

 

3. La vie terrestre : préparation à la vie éternelle


 

2657. Dieu prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour

Quand on dit : "Dieu est amour", on exprime sans doute une idée humaine, mais Dieu, qui entend cette phrase, la remplit, fait qu'elle a en lui un effet, il réalise quelque chose à cause de cette phrase : comme s'il était obligé de ne causer dans le croyant aucune désillusion. Il prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour, une place toute personnelle, et cela en raison de la foi : la foi est quelque chose par quoi et en quoi, au ciel, le croyant s'y connaîtra aussi bien qu'il reconnaîtra (NB 6,308).

 

2658. Nous appartenons à l’éternité

L'Esprit donne son témoignage pour la constance de notre âme, pour l'éternité à laquelle nous appartenons. Il nous dit que nous sommes aimés et que nous avons le droit de rester dans l'amour, et l'amour, c'est Dieu (NB 10, n. 2219).

 

2659. L’homme se sait destiné à la vie éternelle

L'homme connaît la fugacité du temps ; lui-même se sent vieillir, il voit ses limites se rétrécir. Et pourtant il se sait destiné à la vie éternelle. Il voudrait d'emblée intégrer à l'éternité son temps éphémère, il voudrait, par un acte global, dépasser l'incertitude du lendemain (NB 10, n. 2357).

 

2660. Le temps présent appartient déjà à la vie éternelle, car il se trouve totalement entre les mains du Seigneur (NB 10, n. 2264).

 

2661. Atteindre le salut éternel en tant qu’êtres corporels et spirituels

Le Seigneur aurait pu ne nous assurer que sa présence spirituelle, mais il a voulu nous être toujours présent en tant qu'homme incarné pour sanctifier aussi notre chair et nous montrer que nous, tels que le Père nous a créés, nous devons atteindre le salut éternel en tant qu'êtres corporels et spirituels (NB 12,132).

 

2662. Chaque heure qui sonne a une signification d’éternité

Le bénéfice que l'homme retire du fait que sa vie temporelle participe tellement à la vie éternelle, on ne peut pas l'évaluer temporellement ni en peser l'importance. Ce qui est visible, c'est que celui qui vit ainsi se lie plus étroitement à la vie du Fils. Celui-ci est venu dans notre temps qui a été séparé, compté, divisé par le Créateur, il l'a utilisé comme l'un de nous, avec ses nuits et ses jours, et chacune de ses heures. Il ne s'est pas réservé un temps particulier avec d'autres caractéristiques. Mais là, à aucun moment, il ne perd le contact avec la vie éternelle du Père, il ouvre notre temps à la contemplation du Père qui est la sienne. Il ne fait pas entrer le Père de force dans l'étroitesse de notre temps éphémère. Quand il prie, quand il parle, quand il aime, rempli de vénération, cela ne le conduit jamais à la tentation d'imposer au Père ce temps qu'il a assumé provisoirement. Parce qu'il est devenu homme, il amène le Père à un nouvel usage de son temps éternel. Quand il offre aux siens une participation au temps éternel, il ne lie jamais ce temps éternel au rythme du temps éphémère. Ils doivent répartir leur temps comme cela correspond à sa règle et pourtant chaque heure qui sonne a sa signification d'éternité. C'est justement par ces pulsations du temps qu'ils sont avertis de l'autre durée, non avant tout dans le sens du Memento mori, mais dans le sens d'une invitation à avoir part dès maintenant à l'éternel. Une invitation - quand la cloche sonne, quand ils regardent l'heure - à ouvrir dans le temps la fente qui fait voir l'éternité présente. Le Christ a été dans notre temps pour que nous vivions dans son temps à lui (NB 10, n. 2264).


 

2663. Nous sommes en route pour l’éternité

Au ciel, nous serons totalement tels que Dieu nous a projetés. Là nous aurons part à son absolu d'une autre manière, peut-être même à son devenir trinitaire au sein de son être absolu. Là il nous aura introduit totalement en lui tandis que maintenant c'est dans notre devenir qu'il tient son être. C'est en tant qu'êtres en devenir, en route pour l'éternité, que sa grâce nous est offerte (NB 6,107-108).

 

2664. Les actes que l’âme pose ici-bas ont de la valeur en vue de l'éternité

Les actes que pose l'âme ici-bas, même s'ils ont de la valeur en vue de l'éternité, ne seront plus, dans la vie éternelle, des actes isolés mais des états ; de même aussi les charismes produits par l'Esprit Saint retournent au ciel, par l'Esprit, dans la pure existence, dans le pur amour, dans l'amour éternel qui participe à Dieu, un amour qui, après vaincu le péché dans l’Église militante, n'a plus besoin de prendre de formes particulières. La foi et l'espérance par contre sont des formes de l'amour qui lui sont plus étroitement unies. Nous emportons avec nous au ciel la foi et l'espérance, mais sous une forme qui est leur accomplissement éternel dans l'amour, de même que le Christ ici-bas, en tant qu'homme, avait à sa manière la foi et l'espérance tandis qu'il n'avait pour Dieu que de l'amour. La foi et l'espérance sont comme un échafaudage pour le ciel : comme si l'amour éternel était fait de foi et d'espérance, comme si, tant que subsiste le monde et que le ciel n'est pas encore pour tous, Dieu avait donné aux hommes les formes de la foi et de l'espérance pour les transformer en la forme céleste de l'accomplissement quand elles ne sont plus nécessaires en tant que formes particulières. La foi et l'espérance s'épanouissent dans l'amour comme la semence dans la plante et le fruit achevés (NB 6,442-443).

 

2665. Insérer notre vie dans l’exigence du royaume de Dieu

L'obéissance signifie l'incessante irruption parfaite dans notre vie de ce qui est impérissable : "Que ta volonté soit faite !" L'obéissance, l'installation de la volonté de Dieu à la place de la nôtre nous rend capables de vouloir insérer dans notre vie l'exigence du royaume de Dieu, d'y correspondre constamment. Si bien que l'éphémère, l'aujourd'hui, le lendemain et l'après-demain sont assumés dans le toujours-maintenant de l'éternel : l'ici-bas avec tout ce que l'homme projette par lui-même, ce à quoi il aspire, ce qu'il crée, ce qu'il construit puis démolit, car nous travaillons pour ce qui passe. Mais dès que notre volonté est remplacée par cette volonté qui par l'obéissance s'est emparée de nous, le commencement de la vie éternelle n'est plus quelque part à côté de nous mais en nous. Nous ne sommes plus prêts à calculer et à attendre un lendemain incertain, nous sommes prêts à faire valoir ce qui se passe aujourd'hui et ici (NB 10, n. 2264).

 

2666. Être préparé à l’éternel par une vie sur la terre

On doit vivre l'éphémère pour arriver à ce qui est permanent, on doit connaître le cours des jours pour atteindre la vie éternelle. Il y a la nécessité d'avoir vécu une vie pour arriver dans l'éternel, pour être préparé à l'éternel de cette manière (NB 10, n. 2223).

 

2667. Gagner quelque chose pour l'éternité (NB 10, n. 2108).

 

2668. Nous faisons toujours trop de différences entre le ciel et la terre. Je me demande si à proprement parler nous ne vivons pas davantage là-haut qu’ici-bas (NB 8, n. 877).

 

2669. Il n’y a pas de distance entre le ciel et la terre (NB 9, n. 1668).

 

2670. Adapter notre vie temporelle au mode de penser de la vie éternelle

Chaque communion dure un instant, mais si elle est reçue de manière vivante, elle se poursuit dans la vie. Ce qui a été reçu corporellement est reçu en même temps spirituellement dans la foi et allume en nous un nouvel esprit. Cet esprit provient de la vie éternelle et veut adapter notre vie temporelle au mode de penser de la vie éternelle. Il est donc aberrant de vouloir préciser l'instant où la présence corporelle du Seigneur cesse en nous. Il y a en nous une transformation et il doit nous suffire de savoir que le corps reçu par nous se transforme en un esprit qui nous transforme (NB 6,536-537).

 

2671. Toute la vie terrestre : une initiation à la vie éternelle

Devant la mort, on devrait être dans un état de pur abandon, comme pour une naissance, sans lutter, sans programme, sans résistance, dans une ouverture totale : "Comme il vous plaira". Pour notre naissance, on ne nous a pas posé la question, on n'avait pas voix au chapitre. Cette attitude devrait faire de toute la vie terrestre une initiation à la vie éternelle (NB 6,152).

 

2672. La foi véritable voit du point de vue de l’éternité

Si, pour les non croyants, nous devenons des morts, pour les croyants nous sommes pourtant vivants : élevés par Dieu quand les autres nous imaginent disparus, sauvés quand les autres nous considèrent comme punis, ressuscités à l'instant même où les autres pensent voir notre cadavre. Parce que la foi véritable voit du point de vue de l'éternité, elle ne peut pas compter avec notre temps. L'instant temporel est toujours déjà éclos dans la vie éternelle. Cette contradiction de la mort dans le temps, on ne peut pas l'inventer par la vie dans l'éternité. La foi, qui vit dans l'éternité, la foi qui connaît dans notre temps la résurrection, ne peut pas désigner comme mort ce qui a été perçu comme mort (NB 6,292).


 

2673. Dès ici-bas, participer au temps éternel de Dieu

Quand un homme pèche, il n'est plus dans l'amour de Dieu, ni non plus dans le temps de Dieu. Mais si un homme est racheté pour l'amour chrétien, il fait de son temps éphémère quelque chose qui appartient déjà au temps éternel ; dans son temps humain, il participe d'avance au temps éternel de Dieu. Dès qu'il rencontre le Christ, il ne lui est plus permis d'aimer de manière limitée, il doit aussitôt se régler sur l'amour éternel (NB 6,103-104).

 

2674. Étienne ne voit plus de distance entre le ciel et la terre

Étienne, en mourant, voit le ciel ouvert et rien d'autre. Il le fait savoir à tous parce que sa mission le requiert ; il ne voit plus de distance entre le ciel et la terre, il ne voit plus que l'invitation et le ciel qui vient à sa rencontre. Étienne est tout ouvert à Dieu et Dieu s'ouvre à lui maintenant d'une manière visible (NB 6,283).


 

2675. Le bon larron rendu digne du ciel

Le bon larron a été converti par la vue du Seigneur en croix. La vue du Seigneur qui lui fut accordée un instant l'a rendu, par la grâce, digne du ciel. Cependant il a mérité le gibet. La révélation que le Seigneur fait de lui-même au larron est si pleine de grâce que pour lui tout est mis en ordre avant même qu'il ait expié sur cette terre (NB 3,359).


 

2676. Marie ouvre le ciel aux habitants de la terre

Marie ouvre le ciel d'une double manière aux habitants de la terre. Celui qui la contemple comprend qu'elle a en elle un morceau de ciel, mais il comprend aussi qu'elle porte en elle le Fils de Dieu qui, lui aussi, a le ciel en lui à sa manière à lui ; et ces deux cieux n'en font qu'un naturellement(NB 1/2, 142).

 

2677. Le baptême est l'ouverture du chemin vers le ciel (NB 4,208).

 

2678. Dieu nous donne dès cette terre des choses qui semblent d'une certaine manière finies et saisissables et qui sont une préparation à la vie éternelle (NB 6,60).

 

2679. Dans le monde, notre espérance, c’est la vie éternelle

Dans la vie éternelle, l’espérance est ce qui est toujours accompli. Parce qu'elle est un don perpétuel, une espérance et une attente perpétuelles sont éveillées. Dans le monde, notre espérance, c'est l'éternité ; dans l'éternité, elle est toujours ce que Dieu donne. Dans l'éternité, foi, amour, espérance coïncident (NB 10, n. 2113).

 

2680. Dans le ciel, on est attendu (NB 5,228).

 

2681. Le ciel de Dieu est son échange d’amour et aucun égoïste ne peut y entrer

L’égoïsme peut se glisser aussi dans la relation avec Dieu. Comme deux égoïstes qui se marient concluent un accord et délimitent leurs sphères, on peut de même conclure avec Dieu un pacte dans la prière. Je fais quelque chose par amour pour lui et il me rendra service, il me protégera, il m'aidera finalement à gagner le ciel. Mais le ciel de Dieu est son échange d'amour et aucun égoïste ne peut y entrer. Il doit d'abord avoir placé son centre en dehors de lui (NB 5,172).

 

2682. La mort signifie l'ouverture des portes de la vie éternelle (NB 11,248).

 

2683. Un chrétien ne peut jamais s’estimer mûr pour l’éternité

Quand Marie s'est offerte corps et âme à l'Esprit Saint et qu'elle a été totalement accaparée par lui, son destin se dirige alors vers l'éternité. Sa vie terrestre aussi, dans le service et l'obéissance, a reçu à l'avance le sens de l'éternité. Mais un chrétien ne peut jamais s'estimer mûr pour l'éternité (NB 11,264).

 

2684. On se creuse soi-même en quelque sorte sa place au ciel et en enfer (NB 4,189).

 

2685. Au ciel, l'homme est jugé d'après ce qu'il a fait de la parole qu'il a entendue ici-bas (NB 6,328).

 

2686. Le lieu où va le chrétien : le ciel

Le Seigneur reçoit le manteau de pourpre comme habit pour la souffrance à venir. Celui qui va à une noce met un habit de fête ; pour un enterrement, on met un habit de deuil. Ainsi dès ce monde, le chrétien s’habille comme le requiert le lieu où il va : le ciel (NB 4,71).


 

2687. Celui qui arrive au ciel doit se présenter

Celui qui arrive au ciel doit se présenter. Mais cette introduction n'est pas à sens unique ; ceux qui se présentent sont en même temps présentés. Dieu nous a attendus comme nous-mêmes nous l'avons attendu. Maintenant que nous sommes accueillis, il n'est plus question de péché et d'indignité. La confession est derrière nous. Ce n'est que par un accroissement de la grâce que nous n'avons plus besoin de nous confesser ; en cours de route, la grâce du Seigneur nous a débarrassés du péché. Mais il faut maintenant que la prière de l'éternité soit mise dans notre cœur et sur nos lèvres, la prière dans la vision de la Trinité, une prière que nous disons nous-mêmes mais telle que la Mère du Seigneur, tous les saints et tous les anges peuvent la dire aussi. Tous ceux qui sont au ciel depuis longtemps revivent, pour chacun de ceux qui entrent, la joie de l'arrivée. Car la joie de l'arrivée est elle-même la joie éternelle, c'est pourquoi elle est commune à tous. Ainsi la prière dans laquelle nous sommes introduits quand nous arrivons est toujours également la prière commune du ciel, jamais la prière privée de Marie ou d'un saint particulier. C'est dans cette prière de tous les saints que nous avons été attendus, nous y sommes maintenant introduits. Elle n'écrase pas notre prière personnelle, on peut même dire que notre vie personnelle ne fait alors que vraiment commencer. Nous remarquons combien de choses qui nous étaient étrangères se détachent de nous et comment ce qui nous est personnel est libéré. Une fois de plus, ce à quoi nous sommes introduits n'est pas quelque chose qui nous est étranger, mais ce qui nous est naturel au sens le plus fort, bien qu'on ne puisse pas dire que nous l'ayons attendu auparavant de cette manière et pas autrement. Quand cela arrive, c'est simplement ce qui est juste, ce qui est de loin le meilleur (NB 1/1, 494-495).

 

2688. On ne peut pas entrer au ciel si on n'amène pas le ciel avec soi ; pour cela le purgatoire est une préparation (NB 3,260).


 

2689. Introduction dans le ciel

Il y a au ciel des anges de la prière qui vivent si totalement dans l'adoration qu'ils en tirent le ministère de donner à la prière des saints la forme qui convient au ciel. La prière personnelle de l'homme devient parfaite quand l'ange la prie avec lui, quand il ne cesse de la redresser et de l'entraîner dans les hauteurs. Chez ceux qui n'ont plus besoin de purgatoire parce que Dieu veut leur enlever sans douleurs leurs dernières imperfections et ce qui en eux est encore inconvenant pour le ciel, il y a la même traduction mystérieuse - par les anges, par les saints au ciel, par Dieu lui-même - d'une prière terrestre en une prière céleste. Et souvent, par une telle traduction et une telle introduction dans le ciel, il devient clair que la même chose aurait été possible sur la terre pour celui qui priait si seulement on le lui avait vraiment montré (NB 1/1, 494).

 

2690. Ceux qui ont passé leur vie à lutter contre la vie éternelle

Le jugement de Dieu consiste en ce que je suis forcé de dire oui à ce à quoi jusqu’à présent je disais non. Et ceci, sans la possibilité de distinguer mon propre cas du cas des autres. Je suis maintenant une multitude. La multitude de ceux qui ont passé leur vie à lutter contre la vie éternelle. Ils s’appliquaient à faire de l’ici-bas quelque chose de si beau et de si parfait qu’ils ne voulaient plus être prêts pour une autre vie. Mais maintenant leur volonté est terrassée par la volonté de la vie éternelle, et ce n’est pas avec gratitude. Leur première réaction est purement négative, je dois tenir tout d’un coup pour vrai le contraire exactement de ce que j’ai défendu toute ma vie durant. Je me trouve tout d’abord devant une pure négation de moi-même, c’est absolument insupportable. Ma vie m’apparaissait merveilleuse, une plénitude close sur elle-même, en face de laquelle toute votre plénitude divine dont vous parlez n’est rien, je me suis comblé moi-même. Avec ce que j’avais, j’ai fait le mieux possible. Le négatif également, j’ai su l’intégrer parfaitement. Maintenant je dois comprendre l’absurdité de tout ce que j’ai fait. Maintenant, je ne peux plus nier la vie éternelle, mais elle me paraît pour le moment comme la continuation éternelle de mon actuelle humiliation. Je suppose que Dieu m’imposera avec l’éternité de ma vie la négation éternelle de ma vie passée (NB 9, n. 1548).

 

4. La vie éternelle

 

2691. Comment les apôtres se représentaient le ciel

Durant sa vie terrestre, toutes les paroles de Jésus sur le ciel étaient voilées, elles renvoyaient seulement à une vision future du Père qui était promise, car jusqu'à présent personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils. Tant que le Seigneur était sur la terre, les disciples devaient apprendre à s'approcher du Père par lui et à comprendre cette médiation d'une manière tout à fait incarnée, somatique, eucharistique. A ce moment-là, ils ne pouvaient pas suivre un chemin purement spirituel, ils étaient pour cela trop inexpérimentés, trop lourds. La vie spirituelle de l'éternité dans un corps de résurrection, ils se la représentaient comme une sorte de suite améliorée de leur vie terrestre, en compagnie du Seigneur transfiguré avec lequel ils se livreraient à des banquets sans fin, etc. La transposition que la vie éternelle exigera d'eux semble être dans leur représentation quelque chose que dès maintenant ils étaient déjà dans une certaine mesure capables d'accomplir comme on laisse mûrir un fruit. S'ils devaient décrire ce qu'ils se représentaient, le ciel serait comme une salle dans laquelle, à côté d'eux, auprès du Christ et du Père, seraient rassemblés aussi les anges, les croyants de l'ancienne Alliance, toutes les personnes qu'ils connaissaient d'une manière ou d'une autre et qui, à leur avis, feraient bien dans le tableau. Leur image du ciel est ainsi une image améliorée de la terre, certainement aussi une élévation des lois morales et des exigences de la foi, plus lumineuses pourtant dans la mesure où le péché, le mal, est supprimé. Cette image est réduite à néant par l'Apocalypse (NB 2,201-202).

 

2692. L'éternité surgit comme un cadeau, elle est ce qui est constamment offert en cadeau. Il n'y a donc pas de fin à prévoir (NB 10, n. 2113).

 

2693. Il y a la damnation éternelle et la béatitude éternelle, les deux éternités sont contraires (NB 4,29).

 

2694. Béatitude éternelle

Nous ne savons pas au fond ce qu'est le salut de notre âme. Nous l'imaginons comme un beau prolongement de notre petite vie bourgeoise d'ici-bas. Nous nous mettons ainsi au centre et, à partir de là, nous prévoyons ce que pourrait être la satisfaction de nos désirs. Le salut de l’âme sera au contraire notre service absolu. Délivrance et salut de l'âme sont la mise en place absolue du service. Celui qui sert ne veut que ce que veut le Seigneur. La béatitude éternelle sera la pure participation à ce que Dieu lui-même accomplit avec joie et bonheur. Nous savons certes que Dieu est amour, qu'il possède tout ce que nous n'avons pas et ne savons pas. Notre désir se porte vers lui comme vers un ami que nous admirons parce qu'il a beaucoup de choses, qu'il sait ce qui nous manque et dont pourtant nous pouvons jouir de l'amitié. Mais une vue de ce genre reste humainement limitée (NB 11,341-342).

 

2695. Dans l'éternité, dans la béatitude éternelle (NB 10, n. 2100).

 

2696. Au ciel, tout ce qui vient du péché originel est effacé, le renoncement n'a plus là aucun sens (NB 4,304).

 

2697. La fin n'est pas pour nous la mort mais le passage, l'entrée dans la vie éternelle (NB 4,315).

 

2698. La vie éternelle est un toujours-maintenant (NB 4,181).

 

2699. Vie éternelle

La vie éternelle est comme la somme de toute la mémoire, seulement son contenu n'est en rien du passé ; elle est une capacité d'accueil, extensible à l'infini, de tout ce qui est rassemblé dans le présent de l'éternité (NB 6,307).

 

2700. La mesure du temps que nous acquérons ici-bas par l'expérience perd au ciel toute validité (NB 6,73).

 

2701. La « durée » éternelle

Il est très difficile de comparer les mérites au ciel avec ceux d'ici-bas, d'employer le même terme pour les deux. De même que nous employons le terme "durée" pour la durée éternelle et pour la durée passagère, le terme "mérite" peut aussi s'employer pour l'activité de Marie sur terre et dans le ciel (NB 6,430).

 

2702. En tant que chrétiens, nous sommes en communion avec ceux d’en haut, et le ciel est notre propre patrie (NB 8, n. 195).

 

2703. Comment ce sera quand le ciel sera devenu notre patrie pour toujours ? Cela nous reste obscur (NB 10, n. 2225).

 

2704. La vraie nature de l’homme n’apparaîtra qu’au ciel : ce pour quoi il a été créé

Ce qu'est l'homme, on ne le saisit que lorsqu'on connaît sa fonction, et celle-ci est accomplie au ciel. Ce n'est qu'à partir de sa fonction qu'on peut déduire sa nature, et ce n'est qu'au ciel que sa fonction est formée avec clarté et précision. Tout ce qui nous tient à distance de la louange, de la vénération et du service sera supprimé et disparaîtra. Ici-bas, personne ne peut vivre dans la pauvreté parfaite, je peux distribuer mes biens, mais je dois garder quelque chose pour pouvoir vivre. J'ai besoin, il est vrai, de ce peu pour accomplir mon service et je le tiens à la disposition de Dieu et du prochain aussi bien que je le peux. Je ne peux cependant pas vivre sans faire de réserves. Au ciel, il n'y a plus de réserves, chacun peut tout donner à Dieu et au prochain. Dans la virginité non plus, la dernière pureté ne peut pas encore être atteinte ici-bas, et l'obéissance connaît une certaine tension avec ma volonté propre, ce qui est une conséquence du péché originel. Ce n'est que lorsque tous ces liens et toutes ces impuretés seront brûlés que l'homme apparaîtra dans sa vraie nature : comme ce pour quoi il a été créé (NB 11,343).

 

2705. Au ciel, les saints rendent hommage au Seigneur dans le toujours-maintenant de l'éternité (NB 4,339).

 

2706. Saisir l’éternité

On peut tout aussi bien saisir l’éternité que ne pas la saisir. N’avons-nous pas souvent le sentiment de pouvoir saisir une seconde ? Par exemple quand nous prenons une décision importante, quand nous devons dire un mot décisif : cette seconde restera pour toujours dans notre vie comme cette seconde. Elle sort de l’éternité, elle a une couleur, un contour, un poids et notre sentiment peut la saisir (NB 9, n. 1397).

 

2707. L’éternité est insaisissable

Si nous n’étions pas tombés dans le péché, nous aurions d’une certaine manière, pour toutes les secondes, le sentiment de pouvoir les saisir, le paradis n’aurait pas été une suite monotone de jours et d’heures, mais chaque seconde y aurait été savourée, il y aurait eu constamment à savourer, à admirer, à s’étonner, à saisir, dans une suite ininterrompue. C’est comme si le péché originel était responsable de ce que notre temps "éternel" du paradis se soit changé dans le temps actuel de l’humanité. Comme s’il était responsable de ce que nous ne pouvons plus embrasser notre vie terrestre, car Dieu nous l’avait donnée saisissable. Il n’y a que l’éternité qui demeure insaisissable (NB 9, n. 1397).

 

2708. Dieu : le ciel est son royaume (NB 2,204).


 

2709. La fête de la résurrection dans le ciel

En 1943, Adrienne a vu la fête de la résurrection dans le ciel. Le Christ est d'abord ressuscité au ciel (c'est ainsi qu'elle disait), puis sur la terre. Il a repris possession de sa divinité en quelque sorte pour reprendre ensuite possession de son humanité. Adrienne vit la fête de la résurrection dans le ciel. La Mère était là. Tous les saints et tous les anges étaient présents pour la glorification réciproque du Père et du Fils ; et au Fils qui redescendait sur la terre pour communiquer son amour, tous pouvaient donner quelque chose du leur (NB 3,64).


 

2710. Au ciel, nous vivons totalement en la présence de Dieu

Au ciel, nous sommes complètement ceux qui sont saisis, nous vivons totalement en la présence de Dieu et de sa présence, nous sommes comme perdus dans sa contemplation et absorbés par elle (NB 2,204).


 

2711. Au ciel, la distance entre l’homme et Dieu n’est pas supprimée

Au ciel, la relation de service n'est pas finie ; elle est seulement autre, plus accomplie. Nous devenons participants de Dieu. Les notions de relation persistent, mais élargies à l'infini. C'est ainsi qu'au ciel la distance entre l'homme et Dieu n'est pas supprimée, au contraire la vénération est plus achevée et par là plus profonde. Bien qu'au ciel nous ne soyons plus des pécheurs, mais des enfants de Dieu purs, la distance entre nous et Dieu est encore plus évidente qu'ici-bas. Ce n'est pas non plus le souvenir de notre péché d'autrefois - qui souligne la distance - qui nous empêcherait de sentir une plus grande proximité de Dieu, c'est notre connaissance de Dieu qui sera plus grande et le sens que Dieu est toujours plus grand en sera augmenté au-dessus de tout (NB 11,340).


 

2712. La vision de Dieu au ciel n’est jamais terminée

Au ciel, il n’y a pas d’état d’esprit blasé et saturé, il y a encore et toujours un désir, car la vision de Dieu au ciel n’est jamais quelque chose de terminé, comme si la fin de mon existence terrestre ne réservait plus rien pour l’éternité. Il y a la plénitude dont on est rendu digne par la vie terrestre et le purgatoire et la rédemption ; mais cette plénitude qui est atteinte n’est pas un point final, elle est un point de départ de la vie céleste. Seulement, au ciel, le désir ne va plus jamais dans le vide, il va toujours dans une nouvelle plénitude (NB 9, n. 1562).


 

2713. Au ciel : toujours la présence de Dieu

Adrienne : « Depuis toujours ce qui m'a frappée, c'est qu'au ciel, à aucun instant, on ne peut oublier la présence de Dieu. L'essentiel n'est jamais qu'on voie la Mère de Dieu ou des anges ni même le Fils, ou qu'on parle avec quelqu'un ou qu'on regarde ce qu'il fait. Quelle que soit la scène, peuplée ou sans personne, on doit absolument penser à Dieu » (NB 6,65).

 

2714. Le ciel : proximité de Dieu

Il n'y a pas de répétition. Il n'y a pas non plus quelque chose comme un désœuvrement dans le fait qu'on ne serait que spectateur. Rien de l'abondance du ciel n'est jamais superflu. Ce qui est plus grand, au-dessus de nous, reste toujours plus grand, et la proximité de Dieu en nous et sa présence demeurent toujours une proximité intime, une présence immédiate (NB 6,77).

 

2715. Dans le ciel, nous sommes tous en Dieu

Dans le ciel, sans doute avons-nous certains traits, mais nous sommes tous aussi les uns dans les autres, parce que nous sommes tous en Dieu. On vit là dans une communion perpétuelle ; c'est plus qu'une fraternité, c'est une unité dans le Seigneur. Ici-bas, on doit faire un choix parmi les initiés, les amoureux : lui pourrait le savoir, etc. Au ciel, un choix n'est pas nécessaire parce que tout le monde connaît les choses de l'amour. Par cette participation infinie à l'amour qui remplit chacun totalement et le change continuellement, ce qui est personnel n'est pas étouffé ; chacun reste lui-même, mais dans le sens donné par Dieu, parce que tous portent en eux la semence de Dieu (NB 6,305-306).

 

2716. Notre vie éternelle appartient à Dieu

Nous considérons et jugeons toujours le salut de notre âme et notre vie éternelle à partir de notre point de vue terrestre actuel. Mais notre vie terrestre nous appartient tandis que notre vie éternelle appartient à Dieu, elle est inconnue de nous (NB 4,416-417).


 

2717. Dieu peut me donner part à sa vie éternelle

Si Dieu, dans sa grâce, veut dès ici-bas me donner part à sa vie éternelle, celle-ci devient alors une partie essentielle de mon existence. La vie éternelle ne commence pas seulement après la mort (NB 4,126).


 

2718. Le Père nous fait le don de la vie éternelle

Le Père fait s'incarner le Fils, il lui fait le don de la vie humaine ; par sa mort, le Fils la lui rend et le Père lui en est en quelque sorte reconnaissant : il fait don au Fils du corps de résurrection et, par là, il nous fait don à nous tous de la vie éternelle. En tant que Dieu, le Fils la possédait depuis toujours, maintenant il la reçoit aussi en tant que Fils de l'homme. C'est ainsi que le don du Père au Fils est autre pour le Fils lors de la résurrection que lors de l'incarnation (NB 3,181).

 

2719. Au ciel, nous verrons Dieu et nous le connaîtrons

Au ciel, nous verrons et nous connaîtrons Dieu. Le début de cette connaissance se trouve au purgatoire, quand on comprend que le Seigneur est le feu et qu'il est consumé par le feu, et cela de telle manière qu'il souffre avec moi le feu de la souffrance ; je suis ainsi inclus dans son feu en tant que feu de l'amour qu'il est en tant que Dieu. Tout d'abord, c'est comme si j'arrivais au Seigneur en venant du feu que je subis ; plus tard, c'est comme si je venais de la souffrance du Seigneur, qui souffre avec moi, pour arriver au feu et pour le comprendre tandis qu'il me brûle. Quand on a fini de brûler, on est mûr pour la vision de Dieu. On fait déjà l'expérience de Dieu avec une telle proximité qu'elle est la porte de la vision (NB 6,384).

 

2720. Dans toute l’éternité, Dieu ne cesse de se révéler

Même si, dans toute l’éternité, Dieu ne cesse de se révéler et de se donner, de remplir l’adoration et la vision de ses créatures, la prière au ciel est quand même toujours comblée (NB 9, n. 2023).

 

2721. Dans l’éternité, nous ne vivrons plus que de Dieu

Il n'y a sans doute rien qui exige de nous plus de renoncement à nous-mêmes que notre attente du ciel. De même que beaucoup de renoncement à nous-mêmes est déjà requis pour accomplir à peu près convenablement notre service terrestre, de même nous devrions absolument considérer ce service et le renoncement à nous-mêmes qu'il requiert comme un exercice préparatoire à notre service un jour dans le ciel où le Seigneur nous placera et nous utilisera comme il lui plaira. Nous devrions donc attendre totalement du Seigneur notre béatitude éternelle et sa plénitude, et non selon nos attentes préconçues. Nous trouvons maintenant notre joie en ceci et en cela, et c'est bien ainsi, le Seigneur le veut. Au ciel, nous trouverons notre joie en des choses toutes différentes et ce sera des choses à lui auxquelles il nous donnera part. Nous devrions donc faire attention dès maintenant à sa manière de donner et lui manifester le plus possible notre don de nous-mêmes, notre confiance et notre disponibilité. Dans l'éternité, réellement, nous ne serons plus que dans la lumière de Dieu et nous ne vivrons plus que de Dieu (NB 6,563).

 

2722. Au ciel, les anges sont totalement orientés vers Dieu (NB 6,44).

 

2723. Au ciel : vivre selon les trois vœux

Le salut de l'âme consistera aussi dans l'accomplissement des vœux. Au ciel règne la pauvreté parfaite parce que chacun ne possède tout que pour l'offrir à tous. Tout ce que nous possédons, nous le possédons pour les autres, et le donner sera notre joie parfaite. De même la virginité aussi sera accomplie dans le ciel ; tout ce qui ici-bas ressemble en elle à un renoncement sera au ciel un enrichissement, non par la suppression de la virginité mais par son accroissement. Au purgatoire, celui qui n'est pas vierge devra acquérir la maturité qu'apporte celui qui est vierge, de même que le riche de ce monde devra apprendre au purgatoire la joie de la pauvreté véritable pour pouvoir arriver dans le ciel au royaume des pauvres en esprit. Dans l'obéissance parfaite enfin nous aurons la parfaite liberté parce que nous n'accomplirons plus en tout que la volonté du Seigneur. Ici-bas le supérieur nous met à l'école de cette volonté, au ciel elle nous sera instillée directement par le Seigneur. Dans cette obéissance nous aurons part à la liberté qu'a le Fils vis-à-vis du Père, et cette liberté ne fait qu'un avec sa parfaite obéissance (NB 11,342-343).

 

2724. Marie au ciel a une certaine vision du Père du ciel

Marie, médiatrice entre le Père du ciel et la terre. Elle est au ciel devant le Père comme celle qui ne cesse d'attendre du Père qu'il lui offre son Fils. Sa maternité terrestre, sa grossesse, l'enfantement de l'enfant ne sont pas au ciel du passé, quelque chose qui est terminé, car elle ne doit pas seulement transmettre au monde la grâce sous la forme de la maternité, elle doit aussi pouvoir offrir aux hommes toute l'attente qu'elle nourrit à l'égard du Père afin qu'ils l'attendent d'elle au fond (NB 6,567-568).

 

2725. Dans la vie éternelle, nous verrons le Père

Dans la vie éternelle nous verrons le Père avec les yeux que le Fils nous a ouverts et que l'Esprit illumine. Ce que nous serons, ce que le Père, le Fils et l'Esprit auront fait de nous, nous rendra capables de contempler l'unité de la lumière trinitaire (NB 6,118).

 

2726. Il y a une primauté de la vie éternelle sur la vie temporelle (NB 5,147).

 

2727. Dieu demeure toujours libre de faire se dérouler les événements de ce monde autrement que nous ne l'attendions, et ceci éveille en nous le sens de la vie éternelle (NB 3,199).

 

2728. On ne peut pas croître peu à peu dans la vie éternelle , elle est là soudainement avec toute sa plénitude (NB 3,280).

 

2729. Éternité : plénitude infinie

Il y a une situation éternelle qui commence dans l'éternité. On ne peut pas la situer dans la succession des temps, l'avant et l'après ne comptent pas. Le passé et l'avenir coïncident dans le présent de telle sorte que l'un n'est pas réduit par l'autre (par exemple l'accomplissement par l'attente) ; au contraire ce qui se produit, c'est une croissance mutuelle. Tout le bien est visible comme ne faisant qu'un sans qu'on ait dû attendre quelque chose, tout se réunit dans une plénitude infinie : la beauté particulière de l'attente et la beauté particulière de l'accueil (NB 6,306-307).

 

2730. Plénitude infinie du ciel

Le mourant est préparé pour le grand voyage par l'onction des malades. Il arrive à la frontière, il aperçoit tout d'un coup la plénitude infinie du ciel et, en faisant le pas, il se débarrasse de tout ce dont il n'a plus besoin, il le lâche entre les mains de l’Église (NB 6,542).

 

2731. Au ciel, des choses qui sont capables de nous combler jusqu’à la gauche

Au ciel, chaque instant sera rempli et à vrai dire de choses qui sont capables de nous combler jusqu'à la gauche aussi bien dans l'instant présent que dans dix mille ans. Toute vérité sera si riche qu'on n'en viendra jamais à bout, cependant on la perçoit. Il y a un véritable rapport entre la compréhension et ce qui est compris, mais un rapport inépuisablement vivant (NB 6,565).

 

2732. Dans la vie éternelle, il y aura toujours à adorer et à regarder

Dans les jours de maladie, il y a des moments où la mort semble toute proche ; on ne se plaint pas alors de tout ce qui est imparfait, non achevé, indésirable. Il y a la grande confiance qui a sa place dans la foi, et cette confiance est l'espérance que Dieu fera tout dans l'amour. Quelque chose de l'enfance : comme un enfant qui creuse un trou dans la terre pour arriver de l'autre côté du monde, mais qui ne se formalise pas quand vient le soir et qu'on le met au lit. Donc : quitter ce qu'on aime, les gens qu'on aime, je ne sais quoi encore. Mais l'amour qui est offert de l'autre côté est si subjuguant qu'il n'y a pas de place pour l'amertume au sujet de ce qu'on quitte maintenant. Peut-être plus tard, mais pas pour le moment. C'est peut-être une indifférence obtenue de Dieu, mais une indifférence très curieuse parce qu'on ne cesse pas d'aimer aussi fort qu'on le peut aussi bien la terre que le ciel, aussi bien la vie d'ici-bas que l'éternité. Parfois un bouleversement traverse tout l'être : comme la vie est merveilleuse ! Comme le monde est beau ! Comme on peut remercier Dieu de nous avoir donné tout cela ! Et ceci n'est pas du tout mêlé avec la conscience qu'il y a quelques minutes j'aurais pu mourir d'une crise cardiaque et que j'en suis encore une fois sortie, pas du tout. Même le souvenir le plus vivant de la crise et de la mort aux aguets n'est pas capable de troubler cette joie de l'existence. Cette joie avec tous ses accès a quelque chose de si frais et de si absolu qu'on pense que par elle on devrait saisir quelque chose de plus de la vie éternelle et de son attrait. Il se fera sans doute que dans la vie éternelle de Dieu, il y aura toujours tellement à adorer et tellement à regarder bouche bée que tout restera toujours ouvert et plein de promesses et de suspense (NB 10, n. 2225).

 

2733. Au ciel, l’éternelle surprise que Dieu nous appelle constamment

Au ciel, tout ce qui est perçu, tout ce qui est dit, est contenu dans le fait que Dieu attire tout à lui. Et pourtant il reste quelque chose qu'il ne serait pas juste d'appeler désir mais qui, au sein de la vision de Dieu, est un cheminement joyeux vers lui. Nous aimons et nous sommes aimés, et l'échange d'amour est mouvement vers Dieu : on est toujours arrivé au but tout en demeurant en mouvement. Comme un ruisseau dans la forêt : on est charmé par sa présence et on peut en même temps le longer ; c'est tout aussi beau qu'il soit ici comme il était là et qu'il continue à couler, tout ne fait qu'un. Rien que le mouvement de l'eau, qui fait partie de sa nature, nous charme, mais aussi que nous puissions nous déplacer avec lui. Que le ruisseau coule continuellement est aussi une surprise toujours nouvelle, car de l'eau nouvelle coule toujours dans le même ruisseau. De même au ciel, il y a l'éternelle surprise que Dieu nous appelle constamment et que nous nous trouvions constamment devant lui dans la réponse. Parce que ceci est un état, on ne peut pas dire que celui qui est au ciel depuis longtemps et se trouve en chemin vers Dieu soit plus joyeux et plus comblé que celui qui vient d'arriver ou que celui qui, arrivant de la terre, a le droit de venir pour ainsi dire en visite pour un moment (NB 6,74-75).

 

2734. Au ciel, une croissance infinie

Vu d'ici-bas, viser une croissance continuelle peut très vite sembler stupide : j'aime Dieu, je l'aime plus que vous ne le pensez, je l'aime de telle manière que je pourrais encore l'aimer plus, etc. Cela ne peut conduire qu'au dégoût. Au ciel, il y a une croissance infinie et, plus précisément, au sein de l'éternité. La croissance est là une réalité, pas seulement une possibilité. Et l'accomplissement dans le toi ne connaît pas de limites parce qu'il est en même temps un accomplissement en Dieu présent et dans l'éternité toujours actuelle (NB 6,306).

 

2735. La mer, image de la vie éternelle

La mer est une image de la vie éternelle. Elle ne coule pas, elle s'étend toujours plus loin de tout côté. Elle est toujours différente et pourtant toujours belle et toujours plénitude (NB 7,254).

 

2736. Le saint qui est au ciel, pleinement sauvé et dans la vie éternelle, se trouve en présence de choses qu'il a réalisées sur terre dans la foi et sur mission divine (NB 1/2, 152).

 

2737. Pour le pécheur, croire en une vie éternelle lui paraît être une compensation inventée par l'homme (NB 3,132).

 

2738. Au ciel, Dieu sera tout proche de nous

Le "salut de l'âme", c’est au ciel comme l'accomplissement dans l'éternité de la louange, de la vénération et du service. Le péché de l'homme aujourd’hui, c’est comme quelque chose qui se trouve devant son front et l'empêche de regarder en haut vers le ciel. Au ciel, cet empêchement - cette sorte d’œillère - sera enlevé et ainsi nous pourrons lever les yeux librement. Nous pourrons alors voir aussi Dieu dans sa grandeur quand il sera tout proche de nous. Et même plus il sera proche de nous, plus il sera élevé au-dessus de nous (NB 11,340-341).

 

2739. L’éternité inclut le terrestre

Pour les saints dans le ciel, l'éternité vient après le temps dans le monde tandis que, pour le Fils, l'éternité se trouve avant l'incarnation ; l'éternité cependant inclut le terrestre (NB 1/2, 152).

 

2740. Après la mort vient l'éternité (NB 4, 317).

 

2741. Un chrétien consent à la vie éternelle future avant de la connaître (NB 1/2, 171).

 

2742. Un ciel auquel on ne s’attendait pas

Un chrétien quelconque arrive au ciel : tout se réalise d'une manière à laquelle il ne s'attendait pas. Au ciel, tout est élevé dans une tout autre sphère ; ce qui est personnel réside maintenant dans le fait que le Seigneur lui-même m'a choisi, m'a préparé et assigné une place où aboutissent toutes les représentations terrestres limitées (NB 4,185).

 

2743. Le ciel : "Je me l'étais imaginé autrement"

Parce que Marie était ici-bas parfaitement pure et totalement ajustée à la volonté trinitaire de Dieu, les choses qu'elle connaissait déjà reçoivent pour elle au ciel une extension à l'infini. Elle fait l'expérience du ciel comme s'il était sa prière devenue visible. Le pécheur est purifié au purgatoire et il est alors à nouveau animé par l'Esprit Saint, mais bien qu'il soit un homme nouveau, il garde sa personnalité et, en arrivant au ciel, il peut donc dire en quelque sorte : "Je me l'étais imaginé autrement". Marie ne s'est rien "imaginé autrement", elle n'a aucunement besoin d'être transformée, le ciel est sa prière rendue visible parce que dès ici-bas chacune de ses pensées était chez elle une partie de sa prière. Elle n'avait rien imaginé de particulier, mais elle avait tout ouvert à l'unique représentation de la vie éternelle en Dieu. Si donc le Christ est le paradigme de la révélation de Dieu dans tout ce qui est créé, Marie est le paradigme de la créature qui est prête pour le ciel (NB 6,565-566).

 

2744. Au ciel, on n'a jamais le sentiment d'un manque (NB 1/2, 272).

 

2745. La vie éternelle n'est jamais monotone (NB 6,68).

 

2746. Aucune espèce d’ennui dans l’éternité

Il n'y a aucune espèce d'ennui dans l’éternité, il y a seulement un plénitude qui ne lasse pas, qui ne demande pas d'efforts. Il y a beaucoup de gens qui craignent que dans l'éternité ce sera ennuyeux ou fatiguant de chanter constamment des cantiques. Mais le "cantique" (ou ce que cela peut être) sera simplement offert avec la joie qui s'y rattache (NB 5,250).

 

2747. Nous devrions essayer de toujours voir que le ciel se tient ouvert au-dessus de la terre. Tout est plus ouvert et plus grand et de meilleure qualité que nous ne le pensons (NB 2,20).

 

2748. Le ciel, on n’en jouit qu'en le partageant avec d'autres (NB 4,386).

 

2749. Le ciel : accomplissement suprême

L'enfer est le lieu du plus grand tourment, il est le contraire du ciel, qui est l'accomplissement suprême. Cet accomplissement est un don du Seigneur, un don qui s'offre à moi, à moi et à tous (NB 4,27).

 

2750. Tout ce qui, chrétiennement, se termine est un commencement de la vie éternelle (NB 2,49).

 

2751. L'éternité dans le ciel, c’est un toujours-maintenant (NB 3,174).

 

2752. Les concepts et les mots qu'offre le monde aux enfants de Dieu sont beaucoup trop étriqués et trop insuffisants pour décrire la gloire du ciel (NB 2,202).


 

2753. La joie sera le grand bien de la vie éternelle

La joie sera le grand bien de la vie éternelle. Elle est moins la joie d'être soulagé après une confession définitive que la participation à la joie éternelle qu'éprouve Dieu le Père quand il regarde son Fils qui, par son amour sur la croix, lui a ramené le monde entier (NB 6,574).

 

2754. La démesure de la joie du ciel

Dans la prière au ciel, il est peut-être frappant de constater que le chemin terrestre du Fils n'est pas mentionné. Chacun sait qu'il a vécu parmi nous et qu'il nous a appris à prier le Père. Et pourtant la prière de la croix et la prière de la mort ne sont pas maintenant répétées, ni non plus l'une des prières qu'il a dites sur les genoux de Marie. Il se forme une nouvelle prière dans laquelle s'établissent les relations entre la communauté du ciel et Dieu. S'il n'y avait pas cette prière de tous les saints, qui s'impose comme la mesure de toutes les prières personnelles, il y aurait le danger que trop de choses particulières venant du monde n'y soient amenées. Quand nous prions maintenant au ciel pour les pécheurs qui sont sur la terre, nous le faisons comme des gens qui ont un jour connu le péché, mais la connexion entre le péché et la croix se trouve derrière nous. La croix reste vivante pour nous, non en ce sens que nous avons conduit le Fils à la croix, mais en ce sens que nous pouvons participer à l'esprit de son sacrifice accompli dans l'amour. Le Fils nous prend avec lui dans le monde comme ses saints du ciel, il nous prend avec lui dans l’œuvre de son amour. Il nous est permis d'agir chrétiennement avec lui au milieu des hommes. De ce point de vue, il n'est pas vrai que la croix a perdu pour nous de son actualité, car chaque saint demeure accessible aux souffrances du monde, mais la manière d'y avoir accès est devenue autre. Comment le Seigneur pourrait-il donner aux hommes sur terre d'avoir part à sa croix si lui-même n'avait plus rien à faire avec elle ? Mais comment le Seigneur, qui a encore quelque chose à faire avec la croix, pourrait-il en exclure ses saints dans le ciel ? Comment la petite Thérèse pourrait-elle faire pleuvoir ses roses si elle ne sentait plus la souffrance du monde ? Il n'est certes pas possible d'exprimer comment, au milieu du bonheur du ciel, on peut garder cette relation avec la souffrance du monde, mais elle existe. La joie du ciel est si grande que, justement dans sa démesure, elle englobe tout ce qui est au Seigneur, y compris ses souffrances. Le merci, l'eucharistie du ciel, est si grand que le vendredi saint y est aussi inclus avec tout ce que les hommes ont souffert dans l'esprit du Seigneur et à sa suite, non comme quelque chose qui est devenu irréel, mais comme une réalité qui est passée tout entière dans la gloire (NB 1/1, 495-496).

 

2755. Le ciel est présence et adoration, réponse à toute question, entrée dans une joie toujours nouvelle (NB 6,71).

 

2756. L'existence céleste est enrobée de joie et de vérité, et aussi de la vue de l'amour éternel (NB 6,71).

 

2757. Au ciel, l’amour vous inonde

Les différences entre le ciel et la terre vont beaucoup plus loin que les relations de temps et d'espace, elles concernent surtout l'amour. L'Esprit d'amour souffle partout si bien qu'on ne peut pas lui échapper ; c'est l'Esprit de l'amour divin, un amour supérieur devant lequel la créature s'étonne sans cesse et qui stimule tous ses actes et toutes ses pensées. Ce que veut dire "voir Dieu" est compris plutôt dans le sens qu'au ciel l'amour vous inonde et vous touche si fort, vous accompagne et vous remplit tellement, que tout est entrepris et réalisé par lui, et que chaque sens est entraîné par lui. Au ciel, tous sont porteurs d'amour. Ils le portent comme une possession, mais une possession qui est destinée à être échangée, comme un prêt et un don définitif tout à la fois, continuellement partagé sans jamais être diminué du fait du partage (NB 6,72-73).

 

2758. Dans l’éternité, tout est amour

Dans le temps présent, l'amour est une partie de la vie, il n'est pas toute la vie. Dans l'éternité, il est tout parce que nous n'avons plus rien en propre : ni opinions, ni justifications, ni jugements, qui nous mettent dans une relation théorique avec les choses. Dans l'éternité, on remercie d'emblée pour tout, on ne connaît pas la prudence, comme si une chose pouvait être punition et l'autre amour, on est convaincu que tout est amour et doit être compris comme amour (NB 10, n. 2113).

 

2759. La nature de l’amour céleste

Tous les dons que l'Esprit Saint communique ici-bas, même les expériences d'une vie longue et riche, n'arrivent jamais à nous faire une idée - même la plus pauvre - de la nature de l'amour céleste. Il y a des choses dans l'amour qui portent ici-bas le même nom qu'au ciel, mais ce qui ici-bas est un terme humain devient là-haut un terme divin. Ce qui ici-bas est compréhensible pour un cœur humain et une foi humaine est dilaté de telle sorte que celui qui est au ciel le sait : autrefois ce n'était pas du bricolage, c'était un chemin, une direction, mais une direction qui s'annule et se dépasse elle-même dans la plénitude. Tout ce qui vit dans le ciel semble croître et cela croît parce que c'est exposé au souffle de l'amour, et la fécondité infinie de cette croissance renvoie à Dieu Trinité et au Seigneur incarné et à sa Mère, et cette fécondité au-delà du temps et de l'espace est toujours de l'amour. Il n'y a en lui ni division , ni discorde, tout pousse à une unité toujours plus grande dans l'amour qui porte et qui est porté. Ce principe d'unité dans l'amour sera sans doute toujours la première chose que comprendra de Dieu celui qui entre dans l'éternité (NB 6,73).

 

2760. L’amour dans le ciel

Si déjà sur cette terre on fait toujours par amour pour quelqu’un ce qu’il désire de nous, combien plus fait-on au ciel par amour de Dieu ce qu’il nous dit. Tout l’air du ciel est tellement amour que chacun fait ce qu’il veut et qu’il demeure cependant relié de la manière la plus étroite à la volonté de Dieu. Il y a ainsi une certaine manière de faire des plans avec Dieu. Et cependant la liberté est infiniment grande et tout s’accorde (NB 9, n. 1907).

 

2761. Au ciel tout est confiance parce que nous avons tous été sauvés par Dieu (NB 1/2, 22).

 

2762. La foi subsiste dans l’éternité, comme confiance absolue

La foi subsiste dans l'éternité comme la confiance absolue qu'il ne peut rien y avoir qui ne soit pas amour. Parce que Dieu nous tient, nous n'avons pas besoin de nous attarder à calculer quoi que ce soit anxieusement, nous pouvons nous confier à l'infini (NB 10, n. 2113).

 

2763. Une foule d’hommes dans le ciel, qui ont tous part à la vie éternelle

(Sur Ap 14). Une foule d'hommes dans le ciel, qui ont tous leur part à la vie éternelle, à l'amour du Fils et qui voudraient aider le monde. Ils ne pourraient plus comprendre les hommes s'ils n'avaient rien de plus que le souvenir de leur propre péché. Mais ils ont encore aussi le souvenir de leur propre amour sur la terre, celui que le Seigneur leur avait donné pour le recevoir d'eux en retour. Sans ce souvenir de l'amour, sans ce souvenir de leur vie chrétienne d'autrefois, maintenant qu'ils sont devenus participants de l'amour total du Fils, ils n'auraient plus la possibilité de s'approcher du monde, ils seraient totalement liés au ciel et ils se constitueraient pour eux un monde propre à côté de ceux qui sont restés sur terre. Mais ainsi ils voient les esquisses d'amour dans le monde et surtout ce qui lui manque de plénitude (NB 4,335-336).

 

2764. Au ciel, chacun a d’avance sa place personnelle qui l’attend

On s'imagine toujours que quelqu'un arrive au ciel par la grâce du Seigneur tel qu'il est, soit directement soit en passant par le purgatoire. On pense qu'il forme la place qu'il prend. On pense : celui qui s'installe dans une habitation lui imprimera son caractère personnel ; la pièce en tant que telle peut être habitée aussi bien par un pharisien que par une prostituée ou un saint. Au ciel c'est différent. On a d'avance sa place personnelle qui nous attend (NB 4,185).

 

2765. La vie éternelle dans le ciel : nous serons en face de Dieu

Dans la vie éternelle, nous serons en face de Dieu dans une continuelle disponibilité dont il fera un jeu d'amour toujours renouvelé, inlassablement. Dans notre condition mortelle, il y a une tension entre nature et surnature : la nature se fatigue si elle se livre à trop de joie ou à trop de chagrin, elle peut arriver au bout de la tension qu'elle peut supporter là où la disponibilité surnaturelle peut encore continuer. Le corps ressuscité ne connaît plus cette tension. La force qui sortait de Jésus et l'affaiblissait quand il opérait des miracles ici-bas sortira aussi de lui dans le ciel mais sans l'affaiblir, ce sera un éternel épanchement d'amour qui, justement, ne cessera pas de se régénérer en s'épanchant (NB 6,566).

 

2766. Durant toute l’éternité, on sera en marche vers la perfection du Père

"Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait" : ce commandement du Fils est démesuré, on est toujours en marche vers la perfection du Père et on le sera durant toute l'éternité en étant devant le Père dans une attente éternelle (NB 6,568).

 

2767. Dans le ciel non plus on ne pénètre pas directement dans le mystère de Dieu (NB 6,65).

 

2768. Dans le ciel : tous ensemble vers le Père

Dans le ciel, la règle du jeu dit qu'on est semblable à tous les autres, de même que tous sont semblables à nous et qu'on partage avec eux les dons du Fils. Mais on n'a pas l'impression que les autres créatures nous poussent vers le Père, c'est plutôt le Fils et l'Esprit qui nous tirent tous ensemble vers le Père. En allant tous ensemble vers le Père, personne n'a d'avantage, du moins personne ne montre qu'il en a, car au ciel il n'est pas du tout question de se vanter (NB 6,572).

 

2769. Le ciel entier est en marche vers Dieu

Au ciel, on ne cesse de tendre à la vision ; mais on est si attaché à Dieu que le désir personnel qu'on a d'en voir davantage de Dieu disparaît totalement dans le désir de ne voir que ce que Dieu nous montre. L'aspiration à Dieu est sans ambition, c'est une marche en avant sans faire de pas. On voit souvent des petits enfants qui sautent ensemble en se donnant la main, l'un est un peu en avant, l'autre un demi pas en arrière, mais on n'a pas l'impression que l'un gêne l'autre, ou qu'il est plus tiré qu'il ne le souhaite, on tire et on est tiré dans une entente parfaite. Il y a quelque chose de semblable dans le ciel tout entier qui est en marche vers Dieu. Dieu tire les saints, mais il ne se sent pas gêné par le fait qu'ils traînent, et les saints n'ont pas l'impression qu'on leur en demande plus qu'ils ne peuvent donner (NB 6,569).

 

2770. Conduit au centre du mystère de Dieu

Il peut se faire que ce soit à la densité de la prière seulement qu'on remarque qu'au ciel on prie. Le passage de la terre au ciel était imperceptible. On est occupé justement à faire encore quelque chose de terrestre et soudain on est au milieu de la prière du ciel, on est entré par l'intérieur dans une autre atmosphère. Il peut se faire qu'on participe à la prière pendant un certain temps et que ce n'est qu'au bout d'un moment qu'on se demande ce qui s'est passé, et puis, en regardant autour de soi, on découvre des personnages célestes, on reconnaît la nature du ciel. Là on ne fait pas soi-même sa prière, on est pris dans la prière, c'est la première chose qu'on remarque. Qu'on soit ainsi pris est si directement un don du ciel que le mieux qu'on puisse faire, c'est de comparer cela à une authentique contemplation donnée par Dieu ; seulement la force de ceux qui prient avec nous et l'atmosphère de la prière est si dense et si sensible qu'on ne peut pas se défendre de l'impression que quelque chose de ce genre n'est pas possible sur terre. Ici-bas, dans des heures de grâce particulières, nous pouvons prier de telle sorte que nous sentons la présence du Seigneur dans son Esprit Saint, que nous sommes emportés dans une réalité ecclésiale de la prière qui efface tout ce qui est personnel pour faire place uniquement à la voix de Dieu et de son Église. Mais au ciel, c'est la voix de Dieu et de son ciel. Ce qui ici-bas se présente et s'impose constamment à celui qui prie comme tâche de l’Église, a au ciel un tout autre visage : on est adapté à la volonté de Dieu. D'une manière parfaite et en même temps si bienheureuse que les désirs et les demandes de celui qui prie sont totalement transformés. Le visage de Dieu est comme dévoilé dans sa voix, dans sa volonté et dans sa direction. Ici-bas, dans la prière, certaines voies sont visibles qu'on peut emprunter, peut-être aussi n'y a-t-il que des sentiers étroits. Mais il y a un chemin et il y a une conscience qui d'une manière ou d'une autre prend ce chemin. Au ciel - pour parler comme la Bible -, il y a comme une sorte de forêt vierge ; les voies sont invisibles et pourtant on se déplace au milieu d'une haute végétation avec une totale liberté, on peut découvrir là un rossignol caché, ici dans l'ombre profonde, une fleur. Pourtant cette marche dans cette densité ne s'effectue pas avec l'illusion que ce n'est pas difficile ou qu'on se déplace comme dans un conte, c'est Dieu qui nous montre ce qui est caché et nous conduit dans ce but, mais il le fait avec l'accompagnement du ciel tout entier. Ce qui pourrait paraître un obstacle recèle seulement un surcroît de beauté, mais une fois encore il ne s'agit pas d'une beauté qui ne ferait que nous accabler et nous terrasser ou qu'il serait difficile d'atteindre. La joie du découvreur est une joie parfaite sans peine ni fatigue. On est surpris d'une découverte à l'autre ; en fin de compte on ne se réjouit pas seulement parce que tant de gens se réjouissent avec nous, parce que la joie de tous est sensible non seulement d'une manière personnelle et subjective, mais on se réjouit dans un sens qui est donné et qui dépasse de loin ce qui est personnel et conduit chaque fois au centre du mystère de Dieu (NB 6,75-76).

 

2771. Dieu l’introduit dans les mystères du ciel

Célestin V (1215-1296). Sa prière est comme celle d'un enfant, pure et bonne, et Dieu ne cesse de le prendre dans le ciel, il lui montre les mystères de ses saints, les troupes de ses anges, il lui montre aussi la Mère et sa relation aux saints, il lui montre aussi fréquemment le petit enfant Jésus. Il se sent chez lui au ciel, il est heureux au ciel. Il voit aussi l’Église, comment le Bon Dieu l'introduit dans les mystères du ciel, lui remet les clefs du ciel, la fait épouse dans le ciel et la pourvoit de toutes ses attributions. Quand un devoir ministériel l'appelle et qu'il doit interrompre sa prière, quand il a des entretiens, il est toujours effrayé de voir combien la terre est différente du ciel. Il voit très clairement comment c'est chez Dieu, comment est fait le ciel (NB 1/1, 88).

 

2772. Les saints sont introduits dans tous les mystères de la vie éternelle

Les derniers sacrements et les prières des agonisants apportent le secours de l’Église, c'est-à-dire des grâces du Seigneur devenues ecclésiales ; d'autre part, ils ouvrent aussi le mourant pour qu'il reçoive la prodigalité divine. Ainsi la mort est vaincue avant même qu'elle soit là, l'invitation à la vie nouvelle arrive avant que la vie ancienne soit partie. Et comme le Seigneur est parvenu à la résurrection par la mort, par la résurrection à l'ascension, par l'ascension au trône éternel auprès du Père et à l'envoi de l'Esprit Saint, ainsi l’Église nous dit aussi qu'en mourant avec lui, les saints sont introduits dans tous les mystères glorieux de la vie éternelle qui nous sont garantis dès ici-bas par la promesse du Seigneur (NB 6,286).

 

2773. Au ciel, Dieu se communique à chacun de manière unique

Au ciel, la rencontre avec l'autre personne sera quelque chose de tout nouveau ; il est impossible qu'elle n'aurait rien à nous dire, car elle vit tellement en Dieu qu'elle a éternellement à communiquer ce que Dieu lui donne et ce qui est toujours sa touche personnelle. Rien d'indifférent n'est échangé, ni rien de trop connu, aucun dialogue ne peut éloigner de Dieu, chacun révèle sur lui quelque chose de nouveau et rend la vision de Dieu plus immédiate. Ici-bas nous disons : "Personne n'a jamais vu Dieu" ; il ne s'ouvre à nous que par ses œuvres. Mais au ciel nous le voyons réellement dans ses œuvres, celles-ci nous parlent de telle manière que nous ne cessons de regarder Dieu avec des sens nouveaux. Et Dieu se communiquera à chacun d'une manière si unique qu'en regardant une créature, nous découvrirons sans cesse de nouveaux aspects de la vision de Dieu. L'abondance des variations sur un thème unique nous l'interprétera et nous l'expliquera à l'infini. La relation de Dieu à chaque personne sera elle-même si variée, si inépuisable, qu'elle se répercutera à l'infini et que, dans toute l'éternité, elle ne pourra jamais devenir quelque chose de routinier (NB 6,564).

 

2774. Au ciel, chacun garde sa personnalité

Au ciel ne règnent ni la monotonie, ni l'ennui parce qu'on ne doit y boire constamment que de l'eau sucrée (c’est Adrienne qui le dit). Les individus gardent là leur personnalité et il y a donc, sinon des tensions, du moins une intéressante diversité (NB 8, n. 102).

 

2775. Le ciel sera pour chacun l'accomplissement de son amour personnel

Le ciel ne sera jamais quelque chose de purement général. Il sera pour chacun l'accomplissement de son amour personnel, préparé spécialement pour lui. Il n'y aura rien de monotone dans cette attente parce que c'est Dieu lui-même qui a créé ce qui est personnel et il le favorise (NB 6,308).

 

2776. Le croyant sera totalement reçu un jour dans la vie éternelle (NB 6,478).

 

2777. Au ciel, dans la communion des saints, les limites de la créature ne se font plus sentir ; dans l'infini de l'amour divin et du don de soi réciproque, elles ne gênent plus (NB 12,183).

 

2778. Au ciel, personne ne se fait remarquer

Le ciel est fait de telle sorte que chacun y est à sa place, si bien que personne ne s'y fait remarquer et qu'on n'est attentif que lorsque Dieu pose son regard sur quelqu'un ou sur quelque chose, quand une mission particulière est donnée ou qu'il y a une "fête" particulière ; après cela, tout rentre naturellement dans ce qu'on ne remarque pas, comme si cela allait de soi. Il n'est pas de lieu où moins de pose soit possible qu'au ciel. Et quand il y a des "fêtes", la beauté et la dignité ne sont jamais troublées par une "pose" quelconque. Tout se passe avec une dignité naturelle et en même temps parfaitement pure (NB 6,573).

 

2779. Au ciel, où il n'y a plus de résistances, nous savons toujours exactement ce que Dieu veut (NB 11,311).

 

2780. Au ciel, il n'y a pas d'obéissance au fond mais un consentement qui va de soi (NB 11,328).

 

2781. Au ciel : il n’y a plus de différence entre pécheurs et non pécheurs d’autrefois

Les habitants du ciel sont dans un état d'absolution parfaite. Par cette absolution, Dieu a effacé tout ce qui n'était pas net, il a aussi fait disparaître toutes les différences qui pouvaient subsister entre les pécheurs et les non pécheurs d'autrefois (NB 6,573).

 

2782. Celui qui, sur terre, a péché par manque d’amour aura surtout au ciel le souci que les hommes en ce monde ne tombent pas dans cette faute (NB 9, n. 1315).

 

2783. Au ciel aussi on peut amener Dieu à un autre homme

La meilleure chose qu'un homme ici-bas peut attendre d'un autre est que celui-ci le conduise à Dieu. La meilleure chose qu'au ciel il peut attendre de lui est qu'il lui amène Dieu. Bien qu'au ciel chacun a tout, tous les biens demeurent pourtant comme dans un mouvement perpétuel : chacun peut tout donner, car tous ont part au don éternel entre le Père, le Fils et l'Esprit (NB 11,342).

 

2784. Ceux qui sont au ciel aident ceux qui souffrent ici-bas (en vue du ciel)

Pour ceux qui sont au ciel, l'état entre la mort et le jugement dernier est comparable au temps du Fils avant son incarnation. Déjà en tant que Dieu il fournissait un "travail" en vue de la peine à venir de la rédemption du monde. Ceux qui sont au ciel fournissent, avant le jugement dernier, un "travail" en vue du temps de la rédemption. Ils ressemblent à des sages-femmes qui sont elles-mêmes mères, qui connaissent par expérience les douleurs de l'enfantement, mais pour elles-mêmes ce n'est plus qu'un souvenir, et elles aident les parturientes qui sont en train de ressentir les douleurs. C'est ainsi que ceux qui sont au ciel aident ceux qui souffrent ici-bas. Tous ceux qui sont au ciel ont accouché et ont porté du fruit, ils savent donc aussi ce que sont les douleurs (NB 6,566-567).

 

2785. Marie au ciel : la première à se tourner vers le monde

Au ciel, Marie est la première à se tourner vers le monde. Elle a reçu et accompagné le Fils ici-bas et elle continue à accompagner tous ceux qui accompagnent son Fils. Les grâces qu'elle distribue du haut du ciel, les conseils qu'elle donne, les prières auxquelles elle prend part, les soucis de chacun de ceux qu'elle connaît et soulage, son amour pour tous les hommes par lequel elle continue son amour pour son Fils : tout cela, ce sont les aspects de son activité tournée vers le monde. D'innombrables fils la relient à la terre, et inversement. Tout ce qu'elle fait a un caractère maternel marqué si bien que cela porte toujours le signe de la croissance. Quand, à Lourdes, elle parle avec la petite Bernadette, quelque chose se passe : une source jaillit et ne cesse plus de couler. Quelque chose a commencé alors qui aujourd'hui encore ne cesse de commencer. Même si le nombre des pèlerins est grand, il n'épuise pas petit à petit la grâce qui jaillit. Une guérison aussi que Marie demande à Dieu est toujours un commencement parce que ses grâces sont toutes maternelles et qu'elles s'épanouissent en fécondité (NB 6,567).

 

2786. Le ciel n’est pas une absence d’activité mais une activité intense dans et pour l’Église terrestre (NB 8, n. 609).

 

2787. Au ciel : avec un corps ?

On ne peut pas dire simplement que les bienheureux dans le ciel sont maintenant sans aucun corps. Ils sont en attente et, dans le ciel, toute attente signifie aussi un accomplissement. Ils ont donc une forme de corps qui, pour nous, n’est ni compréhensible, ni exprimable (NB 4,124).

 

2788. Ceux qui sont dans le ciel ont aussi leur corps. Mais un corps totalement formé et tenu par l'Esprit (NB 8, n. 129).

 

2789. Nous sommes promis à une existence corporelle définitive auprès de Dieu

Le premier cadeau du Père - le corps - qui a été méprisé par le péché, débouche, par le don de la passion du Fils qui a porté nos péchés, dans une existence corporelle définitive auprès de Dieu (NB 12,171).

 

5. La prière dans le ciel

 

2790. Prier dans le ciel

Quand, dans le ciel, on prie le Seigneur lui-même ou l'un ou l'autre saint, l'intention de la prière et son effet se suivent beaucoup plus directement, car là celui qui prie a déjà une vue d'ensemble de ce qui plaît à Dieu, il prie dans le cadre de la volonté divine, c'est pourquoi sa prière a beaucoup plus de droit à être exaucée (NB 6,241).

 

2791. La prière au ciel est facile

Celui qui sur terre a eu de la difficulté à prier comprend au ciel combien c'est facile. Et celui qui, sur terre, a prié facilement, comme un enfant son père, continue à le faire, mais avec une nouvelle profondeur qui le surprend lui-même. Il lui est permis d'être un tout autre enfant parce que le Père est si infiniment plus grand. Pour chacun de ceux qui sont initiés à la prière du ciel, cela signifie une nouvelle plénitude et, dans l'éternité, chaque jour c'est éternellement neuf, parce que nous-mêmes, dans l'éternité, nous sommes toujours de nouveaux arrivants (NB 1/1, 495).

 

2792. Durée de la prière dans le ciel

La durée de la prière du ciel ne peut jamais être déterminée. Ici-bas on peut dire : à tel moment j'ai prié tandis qu'à un autre mes pensées ne s'occupaient pas de Dieu. Au ciel, c'est tout différent : même si on s'occupait là de quelque chose d'autre, tout porterait quand même si fort la marque et le signe de la prière que toute séparation serait impossible. Je ne crois pas qu'on puisse comparer l'état dans le ciel à l'état d'Adam avant le péché. Dans le ciel, l'état est beaucoup plus grand et plus élevé (NB 6,77).

 

2793. Prière d’adoration dans le ciel

Père, nous nous présentons tous devant ta face pour te remercier. Te remercier pour la vie terrestre que tu nous as donnée à vivre dans l'attente de ta vision. Tu nous as donné ton Fils, tu nous as communiqué ton Esprit pour nous accompagner et nous montrer le chemin vers toi, le Dieu Trinité. Nous te remercions pour tout le terrestre et aussi parce que tu as tellement attiré à toi notre vie temporelle que maintenant, dans l'éternité, nous pouvons partager ta vie éternelle. Pour tout cela nous te remercions et nous commençons maintenant à t'adorer avec les mots nouveaux de la vie éternelle. Nous voyons comment ton Fils et ton Esprit t'adorent dans l'adoration trinitaire réciproque, dans une adoration qui remplit le ciel depuis les temps les plus reculés ; nous voyons comment la Mère de ton Fils t'adore et comment elle est honorée par Dieu Trinité, et comment toute la cour céleste, tous les saints, tous les anges, tous les rachetés, t'adorent avec elle. Tous nous montrent que cette adoration n'a pas de fin, qu'il nous est permis de t'aimer sans fin, et que, dans la parfaite plénitude, tout le passé est rendu à nouveau présent dans une splendeur d'amour que nous osions à peine imaginer. Nous-mêmes qui sur terre avons appris avec lenteur et hésitation à te prier et à te servir, nous nous trouvons accueillis comme si notre arrivée au ciel était pour toi, ô Trinité, la conclusion heureuse d'une longue attente, comme si la joie était aussi grande pour toi que pour nous qui arrivons. C'est la joie de l'amour chrétien, c'est la joie de ce que les enfants sont de retour à la maison, qu'ils sont au complet et qu'il ne faut plus les considérer comme absents, mais qu'ils sont là, à la place qui leur était destinée depuis toujours, et c'est pour eux-mêmes une telle joie de l'occuper qu'on ne sait pas où la joie est la plus grande. Nous te prions, Père, garde-nous dans cette joie de l'arrivée et, pendant toutes les éternités, laisse-nous te dire notre merci - qui est le contenu de notre foi - dans l'adoration à laquelle nous sommes maintenant invités, à laquelle nous appartenons et dont nous ne pouvons plus retomber. Laisse-nous jubiler tous ensemble, laisse-nous contempler tous ensemble, laisse-nous avant tout aimer tous ensemble de l'amour qui vient de toi, qui en toi, Dieu Trinité, est parfait, et qui désormais aussi revient parfaitement à toi parce que, à présent, nous sommes auprès de toi et que nous t'appartenons. Laisse-nous éternellement, avec ton Fils, t'appeler Père dans le sens que l'Esprit donne à ce nom. Amen. (NB 1/1, 496-497).

 

2794. Apogée de la contemplation dans vie éternelle du ciel

Sue terre, la contemplation est possession, recherche, renoncement, mais en présence de Dieu, dans un état inchoatif en direction de Dieu. Il y a un accroissement de la contemplation qui trouvera son apogée dans la vie éternelle du ciel. Sur terre, le plus haut degré de la contemplation serait d'être toujours en Dieu et de savoir aussi qu'on est en Dieu. Dans la vie éternelle, nous saurons que nous sommes au ciel (NB 3,168).

 

3. Le mystère de Dieu

 

Plan : 1. Le mystère - 2. Avant la création - 3. La démesure

 

1. Le mystère

 

2795. Le mystère de Dieu Trinité est manifesté par l'Esprit (NB 2,80).

 

2796. Dieu demeure mystère même quand il se donne (NB 1/1, 152).

 

2797. Dieu va donner au monde les mystères de ses échanges divins

C'est dans son éternité que Dieu a prévu de donner au monde qu'il allait créer les mystères de ses échanges divins, d'une manière qui serait impénétrable pour le destinataire, mais parfaitement transparente pour Dieu lui-même (NB 5,22).

 

2798. Les mystères de Dieu se révèlent

Quand Joseph de Copertino prie, il peut se trouver tout de suite au milieu des plus grands mystères de Dieu qui se révèlent sans problème à lui qui est une âme d'enfant, au milieu desquels il vit incontestablement comme s'ils étaient ses propres vérités. Il plane ainsi en Dieu (NB 2,157).

 

2799. Le Seigneur révèle ses mystères par sa présence : homme et Dieu

Le Seigneur garde cachés en lui-même ses mystères et il ne les révèle tout d'abord que par sa présence. Cette présence est difficile à comprendre : il nous est aussi présent comme homme que comme Dieu (NB 3,381).

 

2800. Le sentiment qu'on ne comprendra pas au-delà

« Le nuage de l'inconnaissance". Le nuage, qu'est-ce que c'est ? C'est sans cesse ce qui rend invisible, ce qui sépare, ce qui nous laisse deviner quelque chose au-delà de ce qu'on est en mesure de connaître. Cela peut être à prendre d'une manière très littérale : un assombrissement du ciel comme un assombrissement de la relation à Dieu, quelque chose même de troublant, de gênant, entre Dieu et l'humanité, par suite du péché. Également une manière pour la connaissance de ne pas apparaître, une manière de se dérober ; à chaque progrès dans la compréhension, le sentiment qu'on ne comprendra pas au-delà, si bien que tout ce que nous voyons sert en même temps à faire apparaître le non-vu comme plus grand (NB 1/1, 118-119).

 

2891. Nous représenter Dieu

Nous ne devons certes pas représenter Dieu inconsidérément à l'image de l'homme. Mais le Fils est devenu homme afin que par ce qu'il a d'humain nous apprenions à mieux connaître Dieu. De plus la relation de l'Ancien Testament au Nouveau nous est donnée par laquelle nous sommes initiés à une connaissance toujours plus profonde de Dieu. L'image de Dieu en Israël était celle d'un Dieu unique ; dans son passage au Nouveau Testament, cette image prend les traits beaucoup plus précis de Dieu Trinité. Bien des paroles des prophètes semblent en être restées à un niveau de compréhension de Dieu qui ne correspond plus à notre foi néotestamentaire et ne lui permet guère de s'enrichir parce qu'il leur manque le visage du Christ. Ce n'est que la foi néotestamentaire qui donnera leur plénitude aux paroles des prophètes., mais certaines paroles de l'Ancien Testament sont déjà en route vers cette plénitude (NB 6,97).

 

2892. Il y a des régions en Dieu où nous ne sommes pas invités

Ce qui est propre au Fils appartient au Père. Et Dieu seul sait ce qu'est la Parole divine, le contenu qu'elle a ; lui seul la voit nue et infinie et éternelle, dans sa portée divine illimitée. Ces profondeurs de la Parole qui nous restent inaccessibles, il se peut d'ailleurs qu'elles ne soient pas exprimées ; elles font partie du silence de Dieu et de son mystère trinitaire, elles font partie de ce qui est issu de l'être de Dieu pour les autres personnes divines et n'ont de sens que pour elles, si bien que nous ne les percevons pas. Cette Parole secrète, qui n'est perceptible que dans l'échange divin en Dieu, pour Dieu, par Dieu, appartient au mystère du toujours-plus divin. Mais il peut se faire que Dieu enlève tout à coup un voile pour nous montrer l'une de ses paroles dans toute sa profondeur. Si nous voulions exprimer quelque chose de cette Parole secrète, nous pourrions seulement dire qu'elle est divine, qu'elle est en harmonie sans doute avec la doctrine chrétienne, mais qu'en ce qui concerne son sens intra-divin elle reste en la garde de Dieu. Cette Parole non dite, que nous ne savons pas où placer, qui nous rappelle quelque chose qui pourrait être son expression exacte, a alors pour nous avant tout le sens qu'étant elle-même non dite elle nous invite aussi au silence, un silence de vénération qui s'arrête devant le mystère ultime. Nous ne croirons plus que nous devons et pouvons, par une recherche plus approfondie ou une prière plus intense, obtenir d'avoir accès à des régions où nous ne sommes pas invités. La Parole infinie nous invite à reconnaître nos limites, à être discret vis-à-vis de Dieu et à ne pas chercher à lui extorquer ce qu'il ne veut pas dire (NB 6,38).

 

2893. Raymond Lulle (+ 1315). Le Créateur qui est au ciel est si grand qu'on ne peut s'en faire aucune idée (NB 1/1, 359).

 

2894. Jésus révèle l’être supra-temporel de Dieu

Le fait que les actes de Jésus en tant qu'événements particuliers et historiques révèlent l'être supra-temporel de Dieu, nous ouvre les yeux sur le fait que la nature elle-même de Dieu est faite d'actes éternels. C'est continuellement que Dieu le Père engendre le Fils, c'est continuellement que l'Esprit Saint procède des deux (NB 6,99).

 

2895. Les secrets du ciel

Il a été donné à saint Paul de voir le ciel et les secrets du ciel. Dans ses visions, il voit toujours mieux les relations du monde céleste, les relations entre le Père, le Fils et l'Esprit, et surtout les relations entre l'éternité et le temps (NB 1/1, 258).

 

2896. Antoine d’Égypte (251-356). Les visions dont il bénéficie le fortifient dans la foi et lui découvrent les mystères du ciel (NB 1/1, 270).

 

2897. Ce que saint Paul appelle le septième ciel, c’est l'unité entre le ciel et la terre, mais surtout l'unité du Père, le fait que toutes les choses sont incluses dans le Père, au fond le mystère primordial de l'unité de Dieu (NB 1/1, 259).

 

2898. Quand la Mère de Dieu apparaît à Thérèse de l’Enfant Jésus, ce qui est plus grand lui est soudainement révélé ; c'est comme Pâques après le carême (NB 1/2, 71).

 

2899. La décision éternelle indivisible de Dieu Trinité de sauver le monde apparaît dans la souffrance du vendredi saint comme rassemblée dans un foyer (NB 4,220).

 

2900. Quand le Père engendre le Fils, il manifeste par là sa puissance divine. Le Fils est au ciel comme sur terre un témoin de l'efficacité de la puissance du Père (NB 4,427).

 

2901. D’une prière d’Origène : «  Père, ta vie éternelle, c'est toi, le Fils et l'Esprit Saint. Amen » (NB 1/1, 393).

 

2902. Le Père se reflète dans la création, le Fils subit la rédemption, l'Esprit se concrétise dans les missions et les conventions (NB 3,261).

 

2903. Dans sa croix, le Fils porte les trois croix: c'est-à-dire toute la faute de l'homme vis-à-vis de Dieu Trinité : le Créateur, le Rédempteur, le Dieu d'amour (NB 4,419).

 

2904. Le Fils et l’Esprit se laissent envoyer, le Père ne fait qu’envoyer

Les missions sont toujours en contact avec les unes avec les autres. C'est déjà ce que montre la mission unique, divine et chrétienne, du Fils qui sort du Père (pour le Père on ne peut pas parler de mission, mais il envoie). Après avoir achevé sa mission, le Fils qui est envoyé envoie l'Esprit qui se laisse envoyer par le Fils comme il s'est laissé envoyer par le Père, avant tout pour accompagner la mission du Fils. On ne peut saisir l'Esprit qu'en contemplant la qualité qui lui est propre : se laisser envoyer. Pour le Fils, la mission est passive et active : il se laisse envoyer et il envoie. Le Père ne fait qu'envoyer. La mission passive du Fils débouche sur son envoi actif de l'Esprit. Ces deux genres de mission sont visibles aussi dans le fait que le Fils vient du Père pour retourner à lui. Son envoi actif de l'Esprit correspond à son retour au Père. L'Esprit est seulement envoyé : par le Père et par le Fils (NB 6,569).

 

2905. Dieu Trinité est réconcilié avec le monde par la souffrance du Fils

Sur la croix, le Fils doit souffrir personnellement pour le péché qui a été ressenti personnellement par lui, mais il doit en même temps souffrir de telle sorte que le Dieu tri-personnel soit réconcilié par lui avec le monde. Il le fait en renvoyant l'Esprit au Père. En mourant à ce moment-là uniquement de sa mort personnelle de Fils, il rend pour ainsi dire au Père et à l'Esprit ce qu'ils ont fait pour lui lors de son incarnation. L'incarnation a certes eu lieu pour la rédemption, le Père et l'Esprit y ont collaboré. A la coopération spéciale du Père et de l'Esprit lors de l'incarnation correspond une offense spéciale du Père et de l'Esprit par le péché. L'Esprit couvre Marie de son ombre et lui apporte le Fils du Père. C'est quelque chose de très particulier où chaque personne est représentée à sa manière ; il n'y a donc pas seulement une offense "générale" de Dieu, sinon Dieu aurait aussi pris seulement des mesures "générales" pour la rédemption. La remise de l'Esprit et l'abandon du Père se trouvent en relation réciproque, ils reflètent dans le Fils l'offense faite par le péché à l'Esprit aussi bien que celle faite au Père. Ils sont la réponse du Fils aux contributions du Père et de l'Esprit lors de son incarnation : contributions telles que l'exigeait le péché ou mieux la victoire sur le péché (NB 3,225).

 

2906. Sans doute est-ce le Père qui a ressuscité le Fils, mais par suite d'une décision trinitaire commune (NB 4,428).

 

2907. En Dieu, l'amour n'est pas une aumône, une charité ; il n'est amour qu'en étant joie commune (NB 12,144).

 

2. Avant la création

 

2908. Que faisait Dieu avant de faire le ciel et la terre ? (NB 4,195).

 

2909. Dieu avant d’avoir créé le monde

C'est en partant de cette volonté de révélation en Dieu que peut se comprendre le monachisme en ses tout débuts, la vie de l'ermite. Il quitte tout pour trouver Dieu seul. Il sait que dans sa prière et dans les effets de sa prière il participe au Dieu qui a créé toutes choses. Ce qu'il rencontre en réalité, ce n'est pas seulement l'origine de toutes choses, mais Dieu, tel qu'il était et tel qu'il est, avant d'avoir créé le monde. L'espace qui s'ouvre à lui, ce n'est pas seulement la négation de l'espace qu'il abandonne, pas seulement non plus l'espace de Dieu dans ses rapports avec le monde. Non seulement l'espace de Dieu qui a créé le monde, mais tout autant un espace de Dieu que l'orant ne peut pas pressentir parce qu'il dépasse le domaine de la foi qui ne commence que lorsqu’un homme qui peut croire est présent (NB 5,44).

 

2910. La création doit rester avec Dieu dans un échange constant

Avant de créer le monde, Dieu ne se révélait qu'au sein de sa Trinité. La nature trinitaire de Dieu est si infinie et si parfaite qu'elle suffit éternellement à Dieu Père, Fils et Esprit. Mais le Père, avec le Fils et avec l'Esprit, décide en toute liberté de donner à leur éternel échange d'amour une nouveau mode d'expression. Cet échange avait lieu jusqu'alors à l'intérieur de la nature trinitaire infinie ; Dieu met maintenant en dehors de lui une création qui doit rester avec lui dans un échange constant. Placée en dehors de lui et habitée par les hommes, elle s'appellera "terre" ; avec Dieu qui est au "ciel", elle est dans une relation vivante et pleine d'attente. Le don de Dieu aux hommes, qui leur rend possible le contact avec le ciel de Dieu Trinité, sera la foi. La forme de la foi n'existera que lorsque l'homme sera devenu une réalité dans le temps (NB 5,40).

 

2911. La conversation trinitaire avant la constitution du monde

On pourrait se représenter que la mystique provient de la conversation trinitaire avant la création du monde. Dans cette conversation trinitaire, il serait question des préalables divins à la constitution du monde créé. Les expériences mystiques seraient des coups d'œil jetés sur ce genre de préalables, mais sans qu'on en en arrive à une totale adéquation entre la vérité qui est en Dieu et la vérité qui est dans le mystique, et pas davantage à une totale adéquation avec l’Église. Car la mystique n'est pas la simple confirmation de quelque chose qu'on sait et qu'on possède déjà expressément, elle n'est pas la simple consolidation de liens qui existent déjà et qu'il suffirait en quelque sorte de renforcer, elle est essentiellement révélation de mystères et, en tant que telle, elle vise à rendre vivant ce qui dans l’Église est figé : dans ce qui est gelé, un souffle de Dieu nouveau en provenance de l'origine, un torrent qui est issu de la source la plus primitive qui coule dans le cœur de Dieu, dans une durée qui n'a rien de commun avec notre temps. En provenance d'un amour de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut chercher à comprendre dans le mot amour, et qui ne flamboie pour ainsi dire que par éclairs. On ne peut absolument pas saisir ce feu et il est pourtant infiniment efficace. Dans l'éclair, c'est tout un paysage divin qui apparaît qui n'est pas accessible autrement que dans l'éclair (NB 5,46-47).

 

2912. Avant la création, Dieu ne restait pas sans adoration parce qu'il y avait les trois personnes qui adoraient (NB 4,264).

 

2913. Avant la création du monde : le Fils et le Père

En Dieu, à l'intérieur de son être trinitaire éternel, il y avait une mission divine commune, qui à vrai dire ne mérite pas encore tout à fait le nom de mission parce que ce terme ne peut être employé que d'une manière tout à fait impropre avant la création du monde. Mais il y avait en Dieu un point qui correspondait à la mission future. En engendrant le Fils de toute éternité, le Père le plaçait comme en dehors de lui et le Fils reçut pour ainsi dire cet engendrement pour retourner vers le Père, pour combler en quelque sorte par son acquiescement au Père ce qu'on pourrait appeler une distance vis-à-vis du Père basée sur l'engendrement, si bien qu'il n'y avait plus de séparation. Le Fils était aussi prêt à être dans le Père que le Père était prêt à engendrer le Fils. Il existait ainsi de toute éternité une sorte de mouvement qui peut être comparé à une mission. Mais, à strictement parler, il n'y avait pas encore de mission telle qu'elle apparaîtra lors de l'incarnation du Fils, pas de sortie au sens propre, pas d'éloignement (NB 1/2, 161).

 

2914. Il y a la Trinité telle qu'elle est dans le ciel avant le monde, et la Trinité qui agit dans le monde par Celui qui est devenu homme (NB 2,45).

 

2915. Dieu Trinité et le monde à créer

L'expérience mystique communique réellement quelque chose qui était en Dieu avant le monde ; il semble alors étrange que ces choses qui sont humainement inexprimables sont quand même la plupart du temps communiquées en images. Des choses qui n'apparaissent que dans un éclair, qui reçoivent par là une certaine intelligibilité, sont transposées, pour notre imagination ou notre mémoire ou notre connaissance rationnelle, sous une forme qui leur confère une certaine durée. Mais cette forme n'est qu'un intermédiaire; elle n'est là que pour faire mieux comprendre autre chose, elle n'est qu'un pont qui doit relier deux mondes d'une manière nouvelle : ici le monde de Dieu Trinité, inaltéré, impassible, pas du tout distrait par le monde à créer, là le monde avec ses pécheurs et ses saints, son Église et ses abîmes et, entre les deux, le contraste qui n'apparaît totalement que par l'expérience mystique du pont (NB 5,47).

 

2916. Le temps éternel et ce monde

Quelque chose de la nature du temps éternel doit entrer dans le temps de ce monde. A un certain moment de sa vie, Ignace va essayer de mettre chaque seconde de sa vie dans la vie éternelle. Il sait maintenant que l'éternité lui est accessible, qu'elle est à sa disposition. Il doit néanmoins utiliser chaque instant terrestre comme Dieu le veut, sans hâte, parce que, dans les temps d'attente, il faut aussi être attendu (NB 5,280).

 

2917. Il y a Dieu : le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Puis il y a Dieu avec l'homme en lui, c'est-à-dire avec le Fils avant qu'il s'incarne sur la terre (NB 1/2, 147)

 

3. La démesure

 

2918. Dans les mots de l’Écriture, la démesure de Dieu

Que les choses du ciel nous soient plus accessibles, que la vérité de Dieu ne s'épuise pas pour nous en mots, que nous voyions mieux que dans les mots de l’Écriture se reflète la démesure de Dieu ! (NB 2,20).

 

2919. Derrière les paroles du Seigneur : de l’incommensurable

Dans l’Apocalypse, Jean voit le ciel comme quelque chose de tout autre qui ne comble pas surtout ce qui est terrestre et le transfigure, mais qui juge et condamne le terrestre et se rapporte à autre chose. Ce qu'il a connu en tant qu'être terrestre, également par les paroles du Seigneur dans la foi, il doit maintenant apprendre à les voir dans l'Esprit. Et à côté de cela, il y a des choses qu'il n'a pas connues non plus dans la foi, qui ne sont pas du tout contraires aux paroles du Seigneur, mais qui révèlent de nouveaux mystères qui se trouvaient, sans qu'il s'en doutât, derrière les paroles du Seigneur. Tout ce qu'il voit, entend, sent, touche, connaît, est traversé par des vérités qui lui étaient inconnues et dont il n'avait pas de raison de croire qu'elles existaient. Tout est devenu incommensurable, inattendu, de portée infiniment plus grande (NB 2,202).

 

2920. L'Ascension signifie le passage à quelque chose d'illimité. Une sorte de démonstration de l'éternité. Si on la nie, on nie l'éternité pour l'homme (NB 4,262).

 

2921. C’est l'humour de Dieu a fait les hommes et les peuples et les temps si incroyablement différents (NB 4,215).

 

2922. On pourrait parler du "début de l'éternité" et de la "fin de l'éternité", mais avec la conscience que ce sont des concepts impropres. Car l'éternité est toujours (NB 3,284).

 

2923. Le toujours maintenant de l'éternité signifie dans l'éternité beauté et grâce (NB 3,285).

 

2924. Au ciel, dans l'éternité de Dieu, il y a la plénitude de tous les temps (NB 3,365).

 

2925. Nous n'avons ni les concepts ni les mots pour décrire l'éternité

Au ciel, c'est un événement perpétuel, ce n'est pas quelque chose qui passe. Et quand, venant du temps, nous sommes transportés là, aucune reconstitution du temps n'est possible : nous pensons parfois être partis un instant et, sur terre, des heures sont passées ; d'autres fois nous avons assisté à une foule d'événements, nous pensons que bien des jours du temps de ce monde ne pourraient pas les contenir et il ne s'est passé que quelques minutes. A vrai dire cette question de l'accord des temps ne peut nous occuper qu'ici-bas, car au ciel elle n'existe pas. Ici tout est tellement accord que la question est totalement absente. Tout est toujours adapté d'avance au temps éternel, infini. Et même si nous parlons de temps éternel - un temps qui aurait commencé de toute éternité et qui durerait éternellement -, nous parlons de manière terrestre parce que la durée éternelle est différente. Nous ne pouvons pas la rapporter à notre temps pour apprendre quelque chose par cette comparaison, nous n'avons par conséquent ni les concepts ni les mots pour décrire l'éternité. Il y a en elle une élasticité que nous ne connaissons pas du tout ici-bas, également une curieuse coïncidence du toujours-ici avec le toujours-maintenant. L'espace et le temps se touchent tout autrement qu'ici-bas. De même aussi tout ce que nous faisons et recevons, tout ce que nous communiquons et apprenons, notre adoration et notre contemplation, tout est tout à fait autrement qu'ici-bas. Tout dépasse les limites de la finitude, non comme un fleuve qui déborde, mais dans ce sens que la vie passe de notre forme qui est petite à la forme incommensurable donnée par Dieu. Dans notre existence présente, les accords sont un compromis. Au ciel, cette forme limitée est dépassée. Dieu Trinité nous attire à lui dans la forme de son existence divine (NB 6,74).

 

2926. Révélation et mystère

Tout croyant qui se sent la mission de mettre en lumière des aspects de la révélation divine devrait posséder des connaissances approfondies tout autant qu'un sens profond du mystère. On peut résoudre correctement certaines questions qui concernent la Bible ou l’Église ou la vie chrétienne : "C'est comme ça !" Mais derrière chaque "C'est comme ça !", émergent d'innombrables "Comment est ce comme ça ?" Justement parce que le "comme ça" est clair, l'espace est libre pour le "comment ?" La réponse laisse place à la nouvelle question (NB 5,27).

 

2927. La Parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons

Plus une vérité est en Dieu, plus elle est élevée, plus elle lui appartient, moins nous pouvons la comprendre. Le ciel de Dieu, tel qu'il est réellement, est aussi élevé au-dessus de nos représentations de son ciel que le contenu divin de la Parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons (NB 6,40).

 

2928. Dieu Trinité accorde aux hommes un pressentiment de sa Trinité et un amour pour elle (NB 3,383).

 

2929. Il serait pensable qu'à partir de la confession de quelqu'un un confesseur puisse voir où se trouve en lui le point de départ d'une expérience plus profonde de Dieu (NB 1/1, 418).

 

2930. La mer, image de l’infini, de l’éternel

La mer. Les vagues vont et viennent, personne ne peut les saisir, on ne peut jamais les prévoir d'avance. Si on essaie de remonter à l'origine des vagues qui s'approchent, l’œil échoue très rapidement et il doit y renoncer. La mer comme image de l'infini, de l'éternel ; la vague comme l'instant qui vient et qui passe et qui cependant ne cesse de revenir et d'exiger quelque chose. Sur le rivage, on a l'impression d'être saisi par un événement éternel (NB 10, n. 2229).

 

 

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Table des matières

Plan des 12 chapitres : Introduction1. Dieu crée2. Dieu et l'humanité3. Dieu parle4. Le Fils5. L’incarnation6. La rédemption7. La croix8. La résurrection9. L'Esprit Saint10. L’Écriture - 11. L’Église12. L'au-delà

 

1. Dieu crée

1. Le Créateur - 2. Le monde - 3. Adam et Eve - 4. Le paradis - 5. La liberté – 6 . L’arbre - 7. Le serpent - 8. Le péché - 9. Après le péché

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2. Dieu et l’humanité

1. Le dessein de Dieu2. Dieu aime3. Dieu a besoin d’amour4. L’homme en face de Dieu5. Distance et proximité

 

3. Dieu parle 

1. Dieu se communique2. Dieu parle3. La Parole de Dieu4. Dieu se révèle5. La révélation et les révélations6. La voix de Dieu


 

4. Le Fils

 

1. Le Fils et le Père2. La décision3. Le Fils devient homme4. Le Fils et l’Écriture5. L’œuvre6. Ramener le monde au Père


 

5. L’incarnation

 

1. La Trinité et l’incarnation2. Le mystère3. Le réalisme4. La portée


 

6. La rédemption

1. La Trinité et la rédemption2. Le mystère de la rédemption3. Péché du monde et rédemption4. Rédemption et passion5. Corédemption6. Rédemption et résurrection7. Rédemption et enfer


 

7. La croix

1. La croix et la Trinité2. La souffrance3. Sur la croix4. L’abandon5. La remise de l’Esprit6. La mort7. Le rachat 8. Le péché et le pécheur 9. La croix et la vie - 10. La croix et l’Église


 

8. La résurrection

1. L’attente2. L’instant3. La joie du Père4. La joie du Fils5. La nouvelle création6. Les quarante jours7. L’Ascension8. Notre résurrection


 

9. L’Esprit Saint

1. La communion dans la Trinité2. L’Esprit et l’Église 3. S’ouvrir à l’Esprit4. Les manières d’agir de l’Esprit - 5. Prier l’Esprit Saint6. Le refus


 

10. L’Écriture

1. Les deux Alliances2. L’Ancien Testament 3. Le Nouveau Testament


 

11. L’Église

1. La Mère de Jésus 2. Dieu et l’Eglise 3. La mission de l’Église 4. Les sacrements5. Les saints et les mystiques6. L’être chrétien


 

12. L’au-delà

1. Le purgatoire2. Le ciel 3. Le mystère de Dieu


 

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Article publié par ABBAYE SAINT PAUL DE WISQUES • Publié • 28 visites

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