VI. Les apôtres

LA VIE ET LŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)


 

VI


 

Les apôtres


 

A. Lire saint Jean avec Adrienne von Speyr

B. Lire saint Paul avec Adrienne von Speyr

C. Un message des apôtres


 

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A

 

Lire saint Jean avec Adrienne von Speyr 


 

Plan – 1. Le commentaire d’Adrienne von Speyr sur l’évangile de saint Jean - 2. Semences d'Evangile3. L'Apocalypse - 4. Visages de saint Jean dans l’œuvre d’AvS

 

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1. Le commentaire d’Adrienne von Speyr sur l’évangile de saint Jean

 

(Paru dans Collectanea Cisterciensia, 1984, fasc. 1, p. 59-62)

 

Le commentaire de l’évangile de Jean est le premier paru des grands commentaires bibliques d’Adrienne von Speyr; l’édition originale remonte à 1948-1949. Les deux volumes qui viennent de paraître en français contiennent le commentaire du Discours d’adieu (Jn 13-17) et représentent le quart de l’œuvre complète1. Les 878 versets de l’évangile de Jean sont commentés en deux mille pages dans l’édition originale, il en faudra autant dans l’édition française. Chaque verset de l’évangile est cité en entier; il est suivi du commentaire en une ou plusieurs pages.

Un commentaire de deux mille pages sur l’évangile de Jean, cela ne devrait pas passer inaperçu; c’est l’un des plus volumineux de toute l’Histoire. Ceux qui connaissent et aiment Adrienne von Speyr n’ont pas besoin qu’on le leur présente; ils iront de confiance à sa découverte, sûrs qu’Adrienne les conduira à une nouvelle rencontre de Dieu, que cette lecture sera encore une fois pour eux un chemin de grâce.

Adrienne von Speyr ne figure pas parmi les exégètes patentés, elle n’a fréquenté ni les facultés de théologie ni les écoles bibliques. Si elle est docteur en quelque chose, c’est en médecine. Un spécialiste de saint Jean ne se permet un commentaire qu’après des années ou des dizaines d’années de recherches. On ne s’improvise pas maître. Dès lors, se dira-t-on, Adrienne von Speyr peut-elle avoir quelque chose à nous dire qui ne nous soit déjà connu et qui n’aille guère au-delà des pieuses élévations dont on n’a que faire? Nous connaissons trop bien ces pages de saint Jean qui nous ravissent toujours et dont nous ne faisons jamais que pressentir la plénitude. Le sceptique qui veille en chacun de nous, l’homme à qui on ne raconte pas d’histoires, surtout pas d’histoires pieuses, accueillera ce commentaire avec circonspection.

L’œuvre d’Adrienne von Speyr ne remplace pas les études des exégètes. Elle se situe à un autre niveau. On prend encore volontiers Adrienne von Speyr pour une disciple de Hans Urs von Balthasar, et l’on oublie ou l’on ignore cette chose essentielle et qu’il faudrait prendre plus au sérieux : Balthasar affirme avoir reçu d’Adrienne von Speyr beaucoup plus qu’elle n’a reçu de lui. Les théodidactes ont toujours existé dans l’Église; à toute époque, des hommes et des femmes ont été instruits directement par Dieu. Tel est le cas d’Adrienne von Speyr.

Le commentaire d’Adrienne von Speyr sur saint Jean ne risque pas d’être un best-seller (puissé-je me tromper!). D’emblée, il faudrait avertir le lecteur curieux et pressé qu’il ferait mieux de s’abstenir. Toutes les pages de ce commentaire ne présentent pas non plus le même intérêt, pas plus que chacun des versets de l’évangile de Jean, mais il faut savoir que les choses les plus importantes ou les plus savoureuses se cachent parfois dans le commentaire de versets apparemment anodins. Le cœur de l’ouvrage se trouve chaque fois là où le lecteur rencontre Dieu. Qu’attendre du commentaire de Jn 16,10, par exemple : « De justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus »? On y trouvera l’expression d’une pensée constante d’Adrienne von Speyr : ce à quoi on peut s’attendre si l’on s’offre à Dieu et ce à quoi on ne doit pas s’attendre. « Dieu veut l’offre parfaite, sans condition et sans clause, et il y choisit ce dont il a besoin. Et de son côté il donne tout, c’est-à-dire exactement ce qui est dans son intention. Et il donne tout comme il veut le donner, c’est-à-dire justement pas comme l’homme l’attend, parce que l’attente de l’homme est toujours conditionnée par la nature humaine, par son péché et ses limites. L’attente de l’homme devrait consister à n’attendre rien de précis. S’il aime vraiment Dieu, il attend tout de lui, même s’il ne voit rien ».

Deux mille pages, c’est beaucoup. « Il nous faut peu de mots pour exprimer l’essentiel, il nous faut tous les mots pour le rendre réel » (Paul Eluard). L’essentiel est en saint Jean, la mission d’Adrienne von Speyr est de nous le rendre réel. Deux mille pages, c’est beaucoup; ce n’est pas trop pour s’initier à une certaine connaissance de Dieu. La contemplation du mystère de Dieu par Adrienne von Speyr a quelque chose d’inépuisable. Ces deux mille pages sont un monument de contemplation, et cependant elles ne sont par endroits qu’une esquisse de sujets plus développés ailleurs. Et si deux mille pages, c’est vraiment trop, il suffit d’en lire cinq ou dix. Il est rare qu’on le fasse sans découvrir quelque chose qui vient des profondeurs. Ce n’est pas un ouvrage à lire, c’est un livre pour prier. Il demande des lecteurs décidés à se faire contemplatifs le temps de leur lecture, et un peu après encore. Au bout de cinq ou dix pages, ou bien au bout de cinq ou six lignes, il faut s’arrêter et se laisser gagner par la prière. Rien ne ressemble plus à ce commentaire que tel ouvrage des Pères de l’Église, dont le P. Jean Leclercq affirmait autrefois qu’il présente l’avantage qu’on peut commencer de le lire n’importe où et finir de même. Le détour de la page peut réserver au lecteur la divine surprise de la nouveauté de Dieu. Mais Adrienne von Speyr possède sur les Pères de l’Église l’avantage d’être une femme cultivée de notre temps; malgré la traduction de l’allemand en français, elle est beaucoup plus proche de nous que les Pères.

Deux mille pages, c’est beaucoup pour une lecture superficielle. C’est peu par rapport à l’infini de Dieu et à ce qu’Adrienne von Speyr en avait découvert. Deux mille pages, c’est beaucoup, l’important est d’y goûter; si le lecteur y trouve le goût de Dieu, au bout de deux mille pages, il ne sera pas rassasié. Certains trouveront dans cet ouvrage le commentaire de saint Jean dont ils avaient toujours rêvé et qui leur paraissait du domaine de l’impossible. Certains ne trouveront à ce commentaire rien que de très ordinaire; il s’en est fait des comptes rendus anodins. Personne ne devait être plus ennemie de tout engouement superficiel qu’Adrienne von Speyr. Pas d’exaltation soi-disant mystique chez cette mystique, pas de révélations fracassantes en ces pages. « La foi qui n’est bâtie que sur une vision n’est pas la foi », nous dit-elle à propos de Jean 2,19. Pas d’envolées poétiques non plus comme chez un Jean de la croix; ce n’est pas son genre. Elle va sobrement à l’essentiel sans le détour de la poésie. Pas trace non plus de littérature comme chez tant d’auteurs du Moyen Age et de toutes les époques, qui ont le culte du bien dire. Elle dit simplement ce qu’elle comprend et ce qu’elle voit sans les artifices du beau langage. La sobriété de son style laisse transparaître la tranquille assurance de qui a conscience d’avoir quelque chose à dire de la part de Dieu.  Adrienne von Speyr n’est pas indispensable au salut et l’on peut être allergique à sa prose. Mais on peut aussi être sensible aux richesses de vie et d’intuition que recèlent ses écrits. Elle ne détourne pas son attention du verset qu’elle commente. Rien ne la distrait, pas même la tentation de citer un autre texte de l’Écriture pour corroborer ses dires. Elle marche intrépidement, sans béquilles, sans le recours aux commentateurs anciens ou modernes. Libre à chacun de trouver banal ce commentaire; la grâce de Dieu sera tout aussi libre de se frayer par lui un passage. Il n’est pas sûr qu’il existe au monde un commentaire de saint Jean aussi lumineux que celui-ci; rien ne ressemble plus que lui à un commentaire inspiré. Il peut être pour certains cette prothèse auditive qui leur permet de percevoir la voix de Dieu comme jamais encore ils ne l’ont fait. Le discours d’Adrienne von Speyr, il est vrai, semble souvent banal, bien qu’elle soit une voyante. Et puis, tout d’un coup, on  est transporté presque sans s’en rendre compte dans un autre monde, à la fois connu et inconnu, auquel on n’aurait pas eu accès sans son aide. Alors, ce n’est plus banal du tout. Elle ne parle pas de Dieu comme un perroquet, elle ne répète pas des mots qu’elle ne comprend pas. Son langage laisse pressentir le poids des réalités. Peu d’auteurs ont comme elle le don de faire deviner la proximité de Dieu et l’absolue priorité qui est toujours la sienne en toutes nos démarches et à tout instant de l’Histoire. Adrienne von Speyr rend Dieu aimable et plausible. Sa culture et son expérience humaines sont autant d’atouts dans son jeu, si l’on peut dire, pour que, parlant des choses de Dieu, elle puisse nous atteindre; mais cela serait insuffisant si elle n’avait été très proche de Dieu. Ce qui est essentiel, c’est qu’Adrienne von Speyr a eu des mystères de Dieu une connaissance inouïe. Alors quand elle se met à commenter la Parole de Dieu, elle le fait avec l’humble assurance de qui est initié. On peut lire des bibliothèques entières sur Dieu sans s’ouvrir à lui. Adrienne von Speyr nous dit l’essentiel en deux mots comme en deux mille pages.

Patrick Catry


 

Note 1. Adrienne von Speyr, Jean. Le discours d’adieu, t. I et II, coll. Le sycomore, éd. P. Lethielleux, Paris-Namur, 1982-1983, 213 et 299 p.

(Suivait dans les Collectanea la traduction du commentaire de Jean 11,5 qui n’était pas encore traduit à l’époque).

Post scriptum

Aujourd’hui le commentaire d’Adrienne von Speyr sur saint Jean est entièrement disponible en français :

Le Verbe se fait chair. Tome 1 (Prologue ) 1987. Tome 2 (Chapitres 1,19 à 5) 1990.

Les controverses. Tome 1 (Chapitres 6 à 8) 1992.Tome 2 (Chapitres 9 à 12) 1993.

Le discours d’adieu.Tome 1 (Chapitres 13 et 14) 1982. Tome 2 (Chapitres 15 à 17) 1983.

Naissance de l’Église. Tome 1 (Chapitres 18 à 20) 1985. Tome 2 (Chapitre 21) 1985.

 

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2. Semences d’Évangile

 

Introduction

Adrienne von Speyr nous a laissé un commentaire de l'évangile de saint Jean en deux mille pages (quatre volumes pour l'original en allemand, devenus huit volumes en traduction française). Tout le monde n'a pas nécessairement sous la main cet ensemble. Beaucoup aussi peuvent se trouver perplexes devant une telle masse. Il y a des trésors pour la foi dans ces deux mille pages. Les "semences" ici proposées voudraient en offrir un certain nombre.

Un chroniqueur du Monde des livres (7 août 1987, p. 15) écrivait jadis : "Un homme qui parle avec justesse est un grand soulagement". On a envie d'ajouter : c'est un grand soulagement aussi de trouver quelqu'un qui parle de Dieu avec justesse. L'avantage d'Adrienne von Speyr, si l'on peut dire, quand elle parle de Dieu, c'est que son commentaire lui a été en quelque sorte donné. La théologie de ces pages est mystique au sens fort, du moins par son origine.

C'est en mai 1944 qu'ont commencé pour elle des "introductions nocturnes" à l'évangile de Jean. Adrienne les dictait au Père Balthasar dans les jours qui suivaient. Ces "dictées" ont continué tout au long de l'année 1944. (Cf. Hans Urs von Balthasar, L'Institut Saint-Jean, p. 43; Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 28-29. Pour le Journal de HUvB et AvS [N° 1102, mai 1944], c'est bien en 1944 qu'il faut situer ces dictées et non en 1943 comme le dit Adrienne von Speyr et sa mission théologique).

"Il n'y a pas de mystique sans théologie et il n'y a pas de théologie sans mystique", disait V. Lossky. Et Grégoire Palamas : "La théologie n'est rien si elle n'est pas une initiation à la proximité brûlante de Dieu". Pour Adrienne von Speyr, "tous les mystiques authentiques ont vu et expérimenté des choses qui sont chrétiennement centrales, s'appuient sur la Révélation, en font comprendre des aspects auxquels on fait peu ou pas attention et que, malgré tout ce qu'il y a en elles d’extraordinaire, sont toujours en harmonie avec l'ensemble. Ceux qui font ces expériences doivent essayer d'exprimer ces choses de telle manière qu'il en sorte quelque chose d'utile pour l'Eglise. Dans leur ensemble, elles ont pour fonction de vivifier la vérité supra-temporelle présente dans l'Eglise et de l'approfondir pour la foi" (Subjektive Mystik, p. 29).

Mais Adrienne ajoute : "Si sans cesse de l’extraordinaire, de l'inattendu et en quelque sorte du sensationnel était apporté à l'Eglise pour la stimuler, le danger pourrait se faire jour que le quotidien perde de son intérêt et que peu à peu il soit mésestimé. C'est pourquoi tous les mystiques feront l'expérience qu'à côté de l’extraordinaire ils sont toujours renvoyés, de multiples manières, à ce qu'ils connaissent depuis longtemps de la doctrine et de la vie chrétiennes pour justement le remplir aussi d'une nouvelle vie" (Subjektive Mystik, p. 29).

Dans les "semences" ci-dessous, la mystique est voilée en ce qu'elle peut avoir d’extraordinaire. Ces semences sont des nourritures pour la foi. Mais Adrienne note aussi qu'il y a parfois des trésors destinés à toute l'Eglise et qui, au début, ne sont vivants que pour quelques-uns (Cf. Objektive Mystik, p. 543).

Il serait souhaitable qu'on se mette un jour à faire ressortir les lignes maîtresses de cet imposant commentaire : essayer d'en offrir une certaine synthèse, organisée par exemple dans le cadre du credo comme l'a fait Hans Urs von Balthasar dans Objektive Mystik pour un certain nombre de textes d'Adrienne qui n'avaient pas trouvé leur place ailleurs. Cela faciliterait aussi son utilisation par la théologie et les études de spiritualité.

Pour ceux qui voudraient se lancer dans la lecture intégrale de ce commentaire, en voici le détail dans la traduction française :

1. Le Verbe se fait chair (Jn 1-5) en deux volumes.

2. Les controverses (Jn 6-12) en deux volumes.

3. Le discours d'adieu (Jn 13-17) en deux volumes.

4. Naissance de l'Eglise (Jn 18-21) en deux volumes.

Le plus facile serait de commencer par Le discours d'adieu et Naissance de l’Église


 

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1. Le visible et l'invisible

Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, et puis encore un peu de temps et vous me verrez, parce que je vais au Père. Le Seigneur parle de sa mort. Il mourra et les siens ne le verront plus. Il ne dit pas qu'il les abandonnera... Il parle de sa mort comme si elle n'avait d'autre signification que de le rendre invisible pour eux... Le Seigneur insiste là-dessus parce que son invisibilité aura une telle portée pour tout ce qui suivra : invisible, il guidera les siens, les fera participer à son invisibilité, effacera même les frontières entre le visible et l'invisible (Jn 16,16).

 

2. Nuit et lumière

Le Seigneur n'est devenu pleinement lumière pour le monde que dans la nuit totale de la croix (Jn 9,5).

 

3. Un regard

Ce qu'un homme est en vérité, c'est le regard de Dieu sur lui qui en décide. Et grâce au Fils ce regard est un regard d'amour et non de justice (Jn 5,31).

 

4. L'instrument

Le saint est un instrument de la lumière du Seigneur et pas autre chose (Jn 5,35).

 

5. La douleur

La plus grande douleur qu'on puisse infliger au Père, c'est de tuer son Fils. Mais en mourant, le Fils lui témoigne un amour si grand qu'il surpasse même cette douleur. Là où l'outrage que le monde fait à Dieu parvient à son comble, là aussi l'amour du Fils pour le Père, et donc aussi sa glorification du Père, atteignent également leur perfection. Là où le Père est atteint de la manière la plus sensible, le Fils lui enlève toute souffrance. Après que les hommes ont tué le Fils, le Père est devenu plus riche en amour; car sa création lui est rendue par le plus grand amour du Fils (Jn 18,32).

 

6. Lamentations

(Au sujet de la mission de chaque chrétien). Le Seigneur ne veut pas que nous nous occupions sans cesse de nos possibilités limitées : 'Ah! Si j'étais moins pécheur! Si j'avais plus de talents, une meilleure santé!...' Il faut tout simplement faire ce que nous pouvons sans déterminer jusqu'où nous irons (Jn 20,21).

 

7. Vivre

"Je suis le pain de vie" : le Seigneur n'a qu'une manière de se donner : emmener l'homme avec lui sur son chemin vers le Père... En disant qu'il est le pain de vie, il veut dire qu’aucune vie n'est possible qu'en lui (Jn 6,48).

 

8. Nous sommes des humains

Dieu ne nous devient accessible que s'il nous parle. Sinon nous n'avons aucun accès à lui. Ils est l'Incommensurable, qui nous dépasse tellement que non seulement nous ne pouvons le concevoir mais que nous ne pouvons pas être touchés par sa grandeur. Nous sommes des humains, nous vivons dans le fini, seul ce qui est fini peut nous interpeller. Rien en nous qui soit ouvert de plain pied sur l'infini. L'infini est ce que nous ne pouvons pas nous représenter, c'est pourquoi il ne nous dit rien. Il n'a aucune des propriétés que nous connaissons (Jn 1,1).

 

9. Le mal

(Le vrai croyant). Être séparé du Seigneur par le péché est le seul mal qui puisse désormais lui arriver (Jn 5,14).

 

10. L'Incommensurable

Après la résurrection, le Seigneur Jésus est au ciel, mais il est tout autant auprès de chaque homme et en chaque homme qui croit en lui et qui l'aime. Désormais on ne peut plus le localiser, il a la liberté de se trouver simultanément en plusieurs endroits. Il est au ciel et il est auprès de nous sur terre. Et puisque lui, l'Incommensurable, est avec nous, créatures limitées, nous aussi nous sommes partout où le Seigneur se trouve, que nous le sachions ou non (Jn 14,3).

 

11. Frontières

Si quelqu'un croit au Fils, la frontière entre ce monde et l'au-delà est abolie (Jn 5,38).

 

12. Chemin

Dès l'instant où le Fils est dans le monde, son chemin est un chemin de retour vers le Père. Ce chemin est rectiligne même quand il passe à travers l'abandon subjectif le plus extrême. Subir d'être abandonné de Dieu ne s'appelle pas chrétiennement un éloignement de Dieu. Tout chemin dans l'Eglise est un chemin vers le Père et, par là, une entrée dans le royaume de Dieu (Jn 3,5).

 

13. Tout est en ordre

Celui qui dirait ou penserait qu'entre Dieu et lui tout est en ordre, celui-là ne saurait ni ce qu'est Dieu ni ce qu'est l'homme (Jn 17,8).

14. Servir Dieu

(Ils veulent mettre la main sur Jésus, mais ils ne le font pas encore parce que son heure n'est pas encore venue)... Ils se croient libres et ils croient rendre service à Dieu... Ils sont libres, mais ils rendent service à Dieu autrement qu'ils ne le croient. (Les hommes accomplissent le plan de Dieu sans le savoir) (Jn 7,30).

 

15. Le rêve de Judas

Le Seigneur, pour lui-même, ne cherche jamais la facilité. Son chemin est autre : c'est le chemin de la Passion, du renoncement, du sacrifice qui lui coûte. C'est un chemin douloureux, et en même temps insignifiant, un petit chemin. Non le chemin grandiose dont rêve Judas. Aussi le chemin des disciples doit-il être pareil à celui du Seigneur. Sans cesse ils doivent se laisser déranger et chasser de leurs enclos confortables et apprendre que ce sont les sacrifices qui confèrent à l'amour sa valeur. Si tout se passait selon le désir de Judas, le tout ne serait qu'un feu d'artifice. Il fascinerait, mais ne pourrait pas nous sauver. Il ne pourrait pas durer. Seuls le combat, le sacrifice, le renoncement donnent au chemin chrétien son caractère d'amour (Jn 14,22).

 

16. La nuit noire

Un sacrifice qui serait offert dans la pleine lumière ne serait pas un sacrifice chrétien. Marie à la croix est dans l'obscurité. Tandis que le Fils a perdu le contact avec le Père, elle perd la vue de la voie de son Fils. Renoncer à un bien pour un bien plus grand, ce n'est pas un sacrifice. Renoncer à un bien qu'on aime pour que Dieu reçoive ce qu'on souhaite pour soi, là il y a vrai sacrifice parce qu'on ne sait pas ce que Dieu fera de ce qu'on lui offre. Le sacrifice réside dans le fait qu'on renonce à savoir ce qui va arriver. La Mère et le Fils perdent ici, à la croix, dans leur sacrifice, la vue d'ensemble du sens de ce qui arrive. La justification humaine du sacrifice, une forme quelconque d'espérance est entièrement laissée à Dieu (Jn 19,26).

 

17. Un feu caché

Toute parole qui est dite en Dieu, que ce soit la parole de Dieu ou la parole de l'homme, est dite et demeure dite, et d'une manière si essentielle qu'elle peut rester inexprimée. Cela ne veut pas dire que Dieu ou l'homme demeure chacun en lui-même dans ce silence, ou que la conversation leur semblerait superflue parce que l'autre sait tout sans paroles. Au contraire, la parole est si profonde, si essentielle, que le seul fait d'être présent l'un à l'autre accomplit toute parole. La parole consciente, formulée, sentie, est superflue. Se regarder l'un l'autre est déjà une conversation. Quand un homme qui croit en Dieu et l'aime voit dans le monde tout ce qui est une manifestation de l'amour de Dieu, par exemple deux êtres qui s'aiment, ou quelque chose de beau, ou quelque chose de douloureux, tout ce qui manifeste l'amour de Dieu dans la création, cette vue est immédiatement une conversation. La vraie contemplation est le contraire du quiétisme. La vraie contemplation est toujours feu vivant, éclosion de vie éclatante, profession de foi. Elle est dans la création parole vivante de Dieu, qui brûle dans la substance de l'homme comme un feu caché. Si une fois Dieu a parlé, si une âme l'a entendu, le silence n'est plus jamais un silence vide, ni le seul écho de la parole, il est l'accueil de la parole, son accueil vivant et actif. Dans le silence, l'âme devient le sein de la parole. Ce silence est le présupposé de toute conversation et de toute poursuite du dialogue. Par le silence, l'homme qui a écouté est devenu autre. Même s'il n'a pas tout compris, la parole vit en lui, elle s'unit à lui comme une parole personnelle à une âme personnelle (Jn 1,3).

 

18. Le chemin

Tous ceux qui ont affaire au Père ou au Fils ont affaire et au Père et au Fils... (Il n'y a d'accès au Père que par le Fils)... Le Fils est le chemin vivant qui mène au Père, il occupe toute la largeur de ce chemin, si bien qu'à côté de lui il ne reste plus d’espace libre (Jn 5,23).

 

19. La mesure

Le Seigneur n'est pas venu pour réduire Dieu à la mesure humaine, mais pour dilater l'homme à la mesure de Dieu... Les apôtres devront se souvenir - quand leur chemin d'apôtre débouchera sur des ténèbres - que leur chemin d'apôtre n'est autre que la paix du Seigneur, cette paix qui leur a été promise en même temps que l'Esprit Saint. (Jn 14,27).

 

20. Portes ouvertes

Le Seigneur ne veut pas participer à la fête elle-même. Mais il ne veut pas complètement négliger l'occasion de rencontrer au moins quelques personnes dans cette foule. Il monte donc en secret... car il ne veut pas se faire remarquer... Beaucoup montent à la fête en quête de quelque chose de plus profond que ce que l'ivresse de la fête leur apporte... En cela, l'apôtre du Seigneur doit aussi l'imiter : il faut qu'il pénètre là où il y a des portes ouvertes (Jn 7,10).

 

21. La volonté de l'aimé

Dans l'amour, celui qui aime se rallie naturellement à la volonté de l'aimé (Jn 7,28).

 

22. Le plus important

Il y a peu de temps, le plus important au monde pour Pierre, c'était son travail, sa patrie, sa vie au milieu des siens. Maintenant, le plus important pour lui, c'est l'amour du Seigneur pour lui et l'amour qu'il a pour le Seigneur. Dans la force de ce lien, il est prêt pour tout ce que le Seigneur veut. "Tu es celui par qui nous sommes prêts à accepter tout ce que Dieu a prévu pour nous. En toi, tout est saint, parce que tout vient de Dieu" (Jn 6,69).

 

23. Le contact vivant

Même ici-bas le Christ garde un contact vivant avec Dieu. Tout en lui, même ce qui semble le plus insignifiant dans sa vie quotidienne, a une relation avec sa vie céleste, est une expression de la vie de Dieu (Jn 3,32).

 

24. Les nuits de la trahison

L'Eglise doit apprendre que c'est son devoir de viser immédiatement plus haut que toutes les nuits de la trahison et de lever les yeux vers la lumière de la gloire de Dieu (Jn 13,32).

 

25. La grâce de l'origine

Quand une fois le Seigneur est intervenu dans la vie d'un homme, quand une fois il s'est fait proche, quand une fois il s'est révélé à lui, il peut venir par la suite des moments qui paraissent extérieurement si différents que rien ne semble rappeler cette révélation; mais le Seigneur revient et l'homme doit et peut se souvenir de cet instant de l'origine. Progrès ne veut pas dire contempler le Seigneur de points de vue toujours nouveaux. Le progrès du Fils ne consiste pas pour lui à faire une fois quelque chose puis à l'abandonner; son progrès consiste en ceci : dans tous les événements et dans toute la marche du temps, il est et demeure le Fils unique du Père (Jn 4,46).

 

26. Le diable est malin

(Jésus se rend au jardin des oliviers avec ses disciples). Chaque fois peut être la première et chaque fois aussi peut être la dernière... Judas connaissait le lieu. Le méchant connaît souvent beaucoup mieux ce qui est chrétien que le chrétien lui-même... Le diable, c'est l'image inversée de l'Esprit Saint en Dieu. Il est malin. Et cependant le diable ne connaît les desseins de Dieu que de l'extérieur (Jn 18,2).

 

27. Mourir mille fois

"Si tu avais été là, mon frère Lazare ne serait pas mort". On ne peut pas mourir là où le Seigneur est présent. Mourir en l'absence du Seigneur, comme le Seigneur en l'absence du Père : on peut mourir mille fois de cette mort. C'est ainsi que s'accomplit la Rédemption (Jn 11,21-22).

 

28. Le sourire

Quelqu'un pourrait avoir apporté à la messe toute sa vie de tous les jours; telle qu'elle est, il ose à peine s'approcher de la table du Seigneur. A toutes ces hésitations, le Seigneur met un terme en donnant sa paix. C'est comme un sourire du Seigneur qui surmonte toutes les différences et établit l'égalité, comme s'il disait : "Tout est bien ainsi; le reste, nous nous en occuperons ensemble". C'est l'humilité du Seigneur qui ne veut pas humilier (Jn 20,19).

 

29. Une parole d'amour

Le péché : tout regard qui se détourne du Père, toute parole qui n'est pas une parole d'amour (Jn 19,17).

 

30. Le Père ne refuse pas la proposition du Fils

Le Père non plus ne s'est pas refusé au Fils lorsque celui-ci lui a demandé la permission d'opérer la rédemption. Et le Père l'a livré à sa propre décision. Il aurait pu dire non. Il aurait pu trouver que le Fils en demandait trop. Mais il a, humainement parlant, renoncé à certains droits de sa paternité et de son amour pour le Fils, pour permettre au Fils l'ultime abandon. Dieu nous a créés à son image, et le Fils voudrait réveiller en nous cette image. Du fait que le Père n'a pas refusé, le Fils nous donne la possibilité de ne pas refuser... Souvent les gens font des manières quand ils reçoivent un cadeau et disent : 'C'est trop!' Ils montrent par là qu'ils mettent leur capacité d'évaluer au-dessus de l'amour qu'on leur témoigne. Il peut arriver certes qu'objectivement un cadeau dépasse les possibilités de celui qui le donne. Mais s'il veut vraiment l'offrir par amour, alors la raison qui met des limites perd son droit de mesurer. Ainsi lorsque le Fils lui fait sa proposition, le Père ne dit pas : 'C'est trop!'. Il renonce pour ainsi dire à son droit de juger et contrôler, et abandonne toute la mesure du jugement au Fils... Le Fils fera en quelque sorte défaut au Père pendant son séjour sur la terre; et plus il lui manquera, plus le Père mesurera combien son amour pour le Fils et l'amour du Fils pour lui sont grands. Car le Père aussi a besoin du Fils et ne peut pas être sans lui. Peut-être le Père aurait-il eu d'autres proposition, d'autres idées au sujet de la rédemption, qui n'auraient pas rendu nécessaire la déréliction de la croix. Mais il ne les exprime pas, il s'en remet au Fils. Dans l'amour, le meilleur c'est toujours le désir de l'autre (Jn 21,16).

 

31. Etre dans la vérité

Seul celui qui est dans la vérité connaît le Père. D'où la nécessité de la confession. Celui qui ne confesse pas son péché ne peut être dans la vérité, et donc il ne peut connaître Dieu (Jn 8,54-55).

 

32. Etre pris par la parole de Dieu

Si l'homme entend la parole de Dieu, il sera pris par la parole de Dieu quand il se donnera à elle. Pour vivre dans la parole, il meurt en lui-même. C'est ce que les Juifs ne veulent à aucun prix (Jn 18,31).

 

33. Vivifier les liens

Pendant le séjour du Fils ici-bas, l'Esprit Saint vivifie les liens entre le Fils et les hommes, entre le Fils et Dieu (Jn 19,20).

 

34.Transmettre la grâce

Toute grâce du Seigneur doit être transmise sur-le-champ (Jn 1,40-42).

 

35. La cour du grand-prêtre

Pierre et Jean veulent suivre le Seigneur dans la cour du grand-prêtre. Mais ils n'ont pas été appelés à le suivre maintenant. Ils suivent leurs vues humaines pour aider le Christ. Ils se fourvoient. Symboles de tous les errements qui ne sont pas obéissance à Dieu (Jn 18,15).

 

36. Amour caché

La mission invisible d'un homme est toujours proportionnelle à l'amour, même quand la mission visible paraît secondaire et extrêmement petite. Un amour parfait peut rester dans l'Eglise totalement caché, il agira cependant parfaitement. Jean est aux débuts de l'Eglise celui en qui l'amour et la mission coïncident (Jn 20,2).

 

37. Deux êtres qui s'aiment

L'amour de deux êtres est un symbole de Dieu; de même une chose belle ou douloureuse ou quoi que ce soit qui révèle l'amour de Dieu dans la création (Jn 1,3).

 

38. Le balbutiement de l'enfant

Dans l'homme créé, la parole de l'origine est pure, le premier balbutiement du petit enfant est pur; c'est une parole qui est auprès de Dieu... avant que la concupiscence et l'égoïsme ne s'éveillent... et ne transforment sa pureté en mensonge... Et la dernière parole de l'homme - son dernier soupir, dans lequel il s'abandonne et dépose son égoïsme et son mensonge pour retourner à Dieu - est à nouveau pure parce qu'il s'exprime en Dieu. C'est un retour à la première parole balbutiée par l'enfant... Ces deux paroles sont prononcées dans la faiblesse, dans l'impuissance, face à l'amour de Dieu (Jn 1,3).

 

39. Percevoir la grâce

Dans la vie des croyants, il y a dans la grâce toute une sphère surnaturelle qui n'est perceptible et assimilable que par ceux qui ont déjà la foi ou qui cherchent du moins à l'avoir (Jn 18,21).

 

40. On ne sait pas tout

Ensemble (Jésus et ses disciples), ils forment le modèle (l'archétype) d'une véritable communauté chrétienne où l'on fait bien des choses et où chacun reste en paix, même s'il ne sait pas tout au sujet des autres (Jn 18,1).

 

41. De dimanche en dimanche

Comme le Seigneur vient du Père et va vers le Père, ainsi le chrétien chemine-t-il à travers la semaine agitée, de dimanche en dimanche. Celui-ci doit être réellement un jour du Père, un jour de repos et de contemplation; car comme le corps a besoin de son repos, de même l'esprit en a besoin, en Dieu... (Mais tout repos en Dieu est un passage à un mouvement nouveau) (Jn 16,5).

 

42. Rien qu'un enfant

(La mort) : Le Fils nous présente au Père, et lui se tient derrière nous. De nous, il désire en ce moment que nous soyons pareils à lui dans les bras de sa mère : rien qu’un enfant et confiance absolue. Que nous ne soyons que ce que nous sommes : des enfants de Dieu qui, par la grâce du Fils, retournent chez le Père, sans aucune angoisse, ni devant cette reddition, ni devant la mort, ni devant l’amour. Tout ce que l'on ferait encore dans l'angoisse et le souci de notre salut ne ferait que nous détourner du Seigneur. Consentir à être remis par lui au Père (Jn 14,6).

 

43. Jésus qui frémit

Jésus frémit devant la participation des autres à sa Passion (par suite de la mort de Lazare) avant même que lui-même n'entre dans la nuit de la Passion (Jn 11,33).

 

44. Un seul soupir

La prière n'est pas avant tout une parole de l'homme à Dieu, mais un cadeau que Dieu nous a fait à nous, les hommes, dans sa parole. C'est Dieu qui nous donne la prière, ce n'est pas nous qui la lui donnons... La parole de l'homme est auprès de Dieu quand cette parole correspond à la parole de Dieu, quand il dit à Dieu ce que Dieu veut entendre de lui. Dieu ne veut pas entendre une parole inventée par l'homme lui-même, il ne veut pas que l'homme se raconte lui-même. L'homme ne doit pas croire que Dieu est centré sur sa personne et qu'il a besoin de renseignements à son sujet. Ce que Dieu veut entendre, c'est simplement la réponse à sa propre parole... Jamais la parole de l'homme n'ouvre l'oreille de Dieu. Il nous trouve avant que nous le cherchions, il nous entend avant que nous lui parlions... Un seul soupir peut avoir plus de valeur aux oreilles de Dieu que de longues années des plus belles prières (Jn 1,3).

 

45. Un cadeau

En tout homme qui vient à lui, le Seigneur Jésus reconnaît un envoyé du Père et, plus encore, quelqu'un que le Père lui confie, un cadeau personnel de son Père (Jn 6,37).

 

46. Rencontre

Chaque personne qu'il rencontre, le prêtre doit l'ouvrir à Dieu (Jn 17,8).

 

47. Voir clair

Plus un homme est proche du Seigneur, plus aussi il est capable lui aussi de voir clair dans l'âme des autres (Jn 1,47-48).

 

48. Posséder

Plus le disciple transmet ce qu'il possède, plus il possédera. On ne possède que ce qu'on prodigue (Jn 14,9).

 

49. Comme un aveugle qui tâte les murs

Au croyant, le Fils donne la grâce de disposer de sa présence aussi souvent qu'il a besoin de lui et veut venir à lui. Toutefois, il ne le fait qu'à condition que lui aussi puisse aller trouver celui qui l'appelle dans la foi, aussi souvent qu'il a besoin de lui et qu'il veut aller à lui. Le Seigneur ne serait pas là pour quelqu'un qui voudrait le recevoir sans croire. Il n'est pas nécessaire d'avoir une foi qui voit pour recevoir le Seigneur, il suffit d'avoir une foi qui cherche et qui tâtonne. Même une telle foi trouvera le Seigneur dans la communion, comme un aveugle tâte les murs d'une chambre jusqu'à ce qu'il ait trouvé ce qu'il cherche (Jn 17,23).

 

50. Liberté

Un homme qui vit enfermé dans la plus petite cellule pour l'amour de Dieu peut s'expliquer comme libre et considérer comme non libres les autres qui se meuvent dehors dans une liberté apparente; car sa liberté est de faire la volonté de Dieu exactement à cette place-là, tandis que l'apparente absence de limites dont jouissent les autres n'est peut-être que servitude (Jn 8,32).

 

51. Des chemins

Conformément à l'infinie diversité des hommes, Dieu leur offre des chemins innombrables conduisant à la foi. La foi est indivisible, mais le nombre des chemins qui y mènent est infini (Jn 19,36).

 

52. Bon sens

L'ordre du Seigneur ne doit pas se discuter même s'il paraît manquer de sens (Jn 11,39).

 

53. Une vie ouverte à Dieu

Nous n'avons pu comprendre l'union du Fils avec le Père que par la séparation du Fils d'avec le Père dans la chair. Il nous a mis humainement sous les yeux ce que veut dire pour Dieu mener une vie sur terre... Il est comme le fils d'un riche employeur qui s'offrirait à habiter avec les pauvres ouvriers de son père afin de vérifier si, avec ce salaire et dans ces conditions de vie, on peut réellement joindre les deux bouts. Il vit chez nous dans les mêmes conditions que celles où nous devons vivre. Et il fournit la preuve que l'on est capable de mener une vie chrétienne parfaite en ce monde-ci, avec toutes ses limites, ses obscurités, sa mort. Il nous montre que, dans le cercle fermé de cette existence on peut vivre une vie parfaitement ouverte à Dieu, une vie où l'on attend tout de Dieu seul. Il accueille toute son existence comme un don de la Trinité... Il est le chrétien parfait (Jn 1,14).

 

54. La seule chose qui compte

La vie du chrétien est destinée à être un combat où victoires et défaites sont possibles; mais les victoires ne comptent pas parce qu'il faut les attribuer à la grâce du Seigneur, et les défaites non plus, parce qu'il ne cesse de les effacer et de les compenser. La seule chose qui compte, c'est la volonté de combattre selon l'esprit du Seigneur (Jn 17,15).

 

55. Le témoignage? Quel témoignage?

Dieu attend un témoignage de tout homme. Mais quel témoignage? Le seul témoignage vrai est celui du Seigneur. Nous, nous essayons de témoigner comme lui. Mais nous ne sommes jamais vrais que pour des secondes. Lui, il est le miroir parfait du Père. En nous, le miroir brille de temps en temps. Nous nous éloignons de la vie de la vérité par le péché. Le plus parfait témoignage pour l'amour du Père, le Fils l'est dans la mort et l'abandon (Jn 5,3).

 

56. Sortir du tombeau

L'obéissance de Lazare sortant du tombeau. Il fait ce que nous faisons tous quand nous obéissons : il laisse la force de la parole de Dieu être plus forte en lui que lui-même et, dans cette force, il sort du tombeau (Jn 11,44).

 

57. Toutes les portes sont ouvertes

"Il nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu"... Désormais toutes les portes sont ouvertes. Le pouvoir de forcer Dieu à nous reconnaître comme son enfant... Le pouvoir d'exiger de Dieu, de nous présenter devant Dieu avec la liberté des enfants et d’exiger l'héritage. Il y a des choses que dès à présent nous pouvons exiger de Dieu catégoriquement. Nous pouvons exiger qu'il nous transforme, nous pécheurs, en enfants. Nous pouvons exiger qu'il nous donne son Esprit. Nous pouvons exiger que nous puissions accomplir sa volonté. Nous pouvons exiger que nous vivions en son Fils. Nous pouvons exiger que tout contribue à notre bien. Nous pouvons exiger la vie éternelle. Naturellement, nous ne pouvons pas exiger de Dieu des choses qui demeurent toujours en sa liberté : qu'il nous appelle au sacerdoce, qu'il nous donne tel ou tel charisme particulier dans l'Eglise. Mais nous pouvons exiger son amour et, dans le cadre de cet amour, il ne peut rien nous refuser (Jn 1,12).

 

58. Etre une personne

Dieu nous traite comme des personnes et il nous permet de le traiter comme une personne (Jn 3,31).

 

59. Porter le péché des autres

Non seulement le confesseur porte le péché de son pénitent, mais aussi le pénitent celui du confesseur (Jn 20,26).

 

60. Fécondité

Un homme qui veut servir Dieu totalement, qui veut lui offrir toute sa vie pour qu'il en dispose librement, il ne lui est pas possible de diriger son regard vers le Seigneur par-delà une créature, il doit le regarder directement, sans intermédiaire. Qui a le souci d'une famille, celle-ci se trouve d'une certaine manière entre lui et le Seigneur; il doit contempler le Seigneur à travers les siens... Fécondité humaine : possibilité infinie qui ne se réalise qu'en très peu de cas... Fécondité virginale : son fruit est en vérité incalculable. Dans le don au Seigneur, toute limite disparaît parce que le Seigneur se donne lui-même infiniment au Père infini... La fécondité spirituelle dans le Seigneur et sa Mère est toujours surabondance, toujours plus riche que ce qu'on peut imaginer. Et donc personne, s'il sait quelque chose de la grâce, ne se permettra de se désigner comme le père spirituel d'un autre chrétien. La fécondité dans le Seigneur s'ignore elle-même : elle ne sait pas à qui elle donne la vie (Jn 19,27).

 

61. Ne pas se ménager

Le service que le Fils rend au Père par l'oeuvre de la rédemption exige qu'il ne soit pas ménagé. Ni le Père ne doit ménager le Fils, ni le Fils se laisser ménager par le Père. L'absence de tout ménagement dans ce service atteindra son point culminant sur la croix (Jn 15,2).

 

62. Désarçonner

Naître de Dieu, être né de Dieu, ça désarçonne tout d'abord (Jn 1,13).

 

63. Objections

Quand le Seigneur décide, Pierre n'a pas à faire d'objections, si bien intentionnées soient-elles... La vraie humilité qui tend à s'abandonner tout entier... L'humilité véritable et le vrai abandon ne font qu'un. La seule chose qui importe dans la vie d'un humble, c'est ce qui appartient à Dieu et aux autres... L'humilité pleinement vécue ne fait qu'un avec l’abandon (Jn 13,8).

 

64. Une réponse incomplète

Le Seigneur ne connaît qu'un manière de s'offrir et de se donner : emmener l'homme avec lui sur son chemin vers le Père... Nous pouvons communier quotidiennement et rencontrer chaque fois le Seigneur selon notre capacité du moment... Quand le Seigneur dit : "Je suis le pain de vie", il nous promet ainsi une participation réelle à sa vie, à son cheminement vers le Père... Son désir de nous et de notre présence devant lui est total et indivisible. Seule notre réponse demeure incomplète et partagée. Mais puisqu'il nous interpelle sans cesse, il nous offre la grâce de répéter notre réponse partielle, de la répéter aussi souvent qu'il le faudra, jusqu’à ce qu'enfin, par sa grâce et dans sa grâce, lui-même puisse discerner l'ébauche d'un véritable oui (Jn 6,48).

 

65. Vie éternelle

La vie du Ressuscité sur terre (pendant les quarante jours entre Pâques et l'Ascension) est une image et une illustration de ce que sera notre propre vie éternelle (Jn 20,27).

 

66. Un mur ou une ouverture

Pas de christianisme possible qui s'arrêterait au Christ. Celui-ci n'est jamais un mur ni un terme, mais toujours une ouverture et une voie d'accès à l'amour du Père (Jn 3,33).

 

67. Un amour protégé

Tout amour, même l'amour terrestre et corporel, peut être une vraie joie s'il ne se referme pas égoïstement, mais s'ouvre à Dieu. Si celui qui aime sait que son amour s'ouvre sur l'éternité, il sait aussi que le temps ne peut pas le miner; il confie son amour à Dieu pour que Dieu le garde selon son bon plaisir et en fasse ce qu'il veut. Il sait alors que son amour est protégé par Dieu. Qu'il s'agisse d'un amour entre mère et enfant, entre frères et sœurs, entre amis, entre mari et femme, ou de l'amour du prochain en général, toute forme d'amour peut devenir joie parfaite si elle a sa racine et sa fleur en Dieu. Sans doute la mort du bien-aimé peut-elle y mettre un terme sur la terre, mais la vraie joie n'est pas arrêtée pour autant, car celui qui aime sait que le bien-aimé a rejoint Dieu et se trouve dans la joie du Seigneur. Ainsi le survivant se réjouit-il de la joie du bien-aimé (Jn 15,11).

 

68. Les subalternes

Le Seigneur Jésus ne ressemble pas à ces autorités qui, pour faire sentir leur pouvoir, passent par-dessus la tête de leurs subalternes (Jn 3,22-24).

 

69. Faire le bien?

L'Esprit Saint nous donne le désir de la foi avant même que la foi, l'amour et l'aspect du Seigneur aient ouvert notre coeur... Sans l'Esprit Saint, tout ce que les hommes accomplissent de bien les conduirait inévitablement à l’idolâtrie de soi. Mais l’Esprit Saint intervient et en fait une inquiétude pour Dieu (Jn 20,29).

 

70. La foi

La foi ne peut naître brusquement... Il faut une inquiétude prolongée pour l'enflammer définitivement (Jn 8,1).

 

71. Se compromettre

La prière du chrétien pour lui et pour les autres, et la prière du Fils pour chaque chrétien. C'est un mystère de l'humilité du Fils qu'il ne craigne pas d'entrer en chacun de nous pour le présenter au Père, bien qu'il se compromette ainsi avec tant de déficiences (Jn 17,9).

 

72. Liberté chérie

Le Seigneur ne veut jamais nous contraindre, mais il nous laisse la liberté de prendre tous les bons chemins. Il ouvre les trésors de Dieu et nous laisse le choix. Même au ciel, chacun aura ses prédilections. Ainsi nous sommes libres de nous laisser conduire plutôt par l'Esprit vers le Fils ou par le Fils vers l'Esprit (Jn 20,29).

 

73. Tout homme a une mission

Tout homme a une mission : le prêtre qui exhorte et le mendiant qui demande un verre d'eau. Cela vaut dans toute rencontre entre les hommes, jusque dans la plus petite. Parole du prêtre, exemple du laïc : tous, ils nous sensibilisent à l'amour. Chacune est un moyen par lequel le Seigneur nous attire à lui, et il nous attire à lui pour nous envoyer vers d'autres (Jn 13,20).

 

74. Action et contemplation

Danger dans la contemplation que peu à peu on se cherche soi-même au lieu de chercher le Seigneur. Parce que le contemplatif ne voit jamais comment sa contemplation est utilisée, il court le danger de perdre de vue peu à peu son urgence... Le fruit de la contemplation appartient à Dieu seul; à vue humaine, elle est abandonnée... Il y a des gens actifs qui sont appelés par Dieu à la contemplation, et des gens qui voudraient vivre une vie contemplative qui sont appelés par Dieu à une vie active... La vie active correspond au chemin du Fils quittant le Père pour aller dans le monde; la contemplation correspond à son retour vers le Père et à sa permanence dans le Père (Jn 11,5).

 

75. Croire

La seule chose que peut faire un homme pour montrer qu'il accepte le don du Seigneur et qu'il sait d'où il vient, c'est de faire ce qu'ont fait les serviteurs aux noces de Cana : croire et par là glorifier la magnificence du Seigneur (Jn 2,1-12).

 

76. Remercier

(Pierre avait gagné la rive à la nage pour retrouver plus vite Jésus). Les autres arrivent après avec la barque. Entre temps il y a eu une certaine séparation entre Jésus et Pierre sur la rive et les autres dans la barque, mais ils savaient que c’était leur mission à eux... Le filet : ils ne voient pas encore bien ce qu'il y dedans. Mais il contient exactement ce que le Seigneur voulait leur donner, et ils en sont reconnaissants. Il faudrait toujours remercier le Seigneur avant même d'avoir vu le résultat de notre apostolat... On doit de temps en temps savoir qu'on est sur le bon chemin... Mais pas question de s'arrêter longtemps auprès du Seigneur : il nous renvoie à la mission (Jn 21,8).

 

77. L'incompréhensible

Le chemin du retour au Père du Seigneur Jésus restera toujours quelque chose qui échappe à la compréhension des apôtres, quelque chose qui les dépasse totalement, même s'ils le voient monter au ciel. Il leur rendra visible l'incompréhensible de Dieu, mais de cet incompréhensible même il ne parle pas (Jn 6,62).

 

78. Disponibilité

La vocation sacerdotale ou religieuse n'est pas avant tout sacrifice et renoncement mais disponibilité joyeuse vis-à-vis de Dieu (Jn 16,21).

 

79. Le destin

Bien des choses, dans le destin des individus, resteront toujours obscures et ne ne s’expliqueront que dans l’au-delà. Sur chaque chemin conduisant un homme d’une manière plus personnelle auprès du Seigneur, il y a de ces mystères et des obscurités qui ne s’éclairciront que plus tard, en route ou à l’arrivée… Il a rencontré le Seigneur : ce grand fait unique est clair. Mais ce qui résultera de cette rencontre n’est pas clair du tout et ne se dévoilera que par étapes (Jn 13,7).

 

80. Renoncement et fécondité

Tout renoncement (surtout les trois vœux de religion) débouche sur la croix, s’enracine dans la croix, et donc débouche sur une fécondité. De notre renoncement à un bien terrestre, le Seigneur fait un oui à sa vérité (Jn 19,27).

 

81. Le larron

Tout ce qu’on sait du larron qui insultait le Seigneur sur la croix à côté de lui, c’est que le Seigneur est mort aussi pour lui (Jn 19,18).

 

82. Jésus qui porte le péché

Sur la croix, Jésus ne voit plus que le péché. C'est ce qui le prive de la vision du Père. Il assume ce péché, non comme un péché étranger, mais comme le sien propre... Et c'est chargé de ce péché comme le sien propre qu'il va vers le Père. Cet événement terrible finit auprès du Père; au moment même de l'absolution, l'âme obscurcie resplendit dans la grâce et dans la miséricorde de Dieu. Elle brille tout à coup dans la lumière, comme le Fils, à la fin de son chemin, sera soudain glorifié par la gloire du Père, lorsqu'il aura vaincu par sa mort le péché du monde (Jn 17,14).

 

83. Parole vivante

Dans la mesure où le chrétien laisse vivre en lui le Verbe de Dieu, toute parole du chrétien est parole vivante auprès de Dieu et déposée en lui (Jn 1,37).

 

84. Tout est achevé

Tout est achevé. Il a donné au Père tout ce qu'il avait pour recevoir des hommes tout ce qu'ils ont : la pleine mesure de leur péché. Tout est achevé pour le Fils comme pour le Père. Il remet au Père l'Esprit sans rien voir. Il voit qu'il a accompli sa mission, mais il ne voit pas qu'elle est accomplie dans l'amour et qu'elle est reçue dans l'amour du Père, car tout son amour est encore en dépôt chez le Père, confiée au Père, il ne l'a plus en lui-même (Jn 19,30).

 

85. Le Père ne peut pas empêcher le Fils de souffrir

Le Père aime son Fils. Il voit ce que le Fils souffre. Il a su depuis toujours que cette heure arriverait, mais maintenant il l’éprouve dans toute sa réalité. Il ne peut pas se révéler au Fils parce que, s’il le faisait, il diminuerait sa propre confiance en son Fils. Il doit accorder à l’amour du Fils ce dernier témoignage, cette ultime épreuve, de le livrer à la séparation totale d’avec lui. Ceci est l’état dans lequel le Père partage la souffrance de la croix. Ce renoncement de Dieu à se manifester est la source de toute souffrance chrétienne. Car dans ce renoncement se manifeste l’amour suprême du Père. Si la Passion n’avait de rapport qu’avec le Fils et aucun avec le Père, le Père ne serait pas concerné par elle, alors il n’y aurait pas de souffrance chrétienne possible, et le chrétien serait même obligé d’empêcher la souffrance de toutes ses forces. Mais dans la vie chrétienne, à l’exemple du Père, il faut laisser au prochain le droit de souffrir, malgré tout l’amour qu’on lui porte. Il n’est pas permis de lui épargner la souffrance par amour… Si le Père intervenait, il mettrait des limites à son amour; sa compassion paternelle témoignerait d’une méfiance à l’égard de l’amour du Fils; il jugerait cet amour en pensant qu’il n’est pas capable de se montrer infini dans la Passion (Jn 16,20).

 

86. Dieu n'a pas besoin d'explications

La prière n'est pas avant tout une parole que l'homme adresse à Dieu, mais un don que Dieu nous fait... C'est Dieu qui nous donne la prière, ce n'est pas nous qui la lui donnons... La parole de l'homme n'est donc auprès de Dieu que si... sa parole correspond à celle de Dieu, si l'homme dit à Dieu ce que celui-ci veut entendre de lui. Dieu ne veut pas entendre une parole inventée par l'homme, il ne veut pas que l'homme s'énonce lui-même. L'homme ne devrait pas croire que Dieu dépend de sa personne et qu'il a besoin d'explications à son sujet. Dieu ne veut entendre que la réponse à sa propre parole. Il est vrai que toute la personnalité de l'homme peut être contenue dans cette réponse, il doit en être ainsi, mais toute cette personne n'intéresse Dieu que dans la mesure où elle est tout entière réponse à sa parole (Jn 1,3).

 

87. Perfection?

La perfection, c'est-à-dire la conformité avec les vues de Dieu, ne se trouve que dans l'abandon confiant à Dieu dans l'amour (Jn 5,44).

 

88. La façade

Le péché consiste à ne pas vouloir apprendre sa vérité de Dieu, ni la lui confier, mais à vouloir la posséder pour soi-même... Le pécheur : son péché ne consiste en rien d'autre que dans le désir de ne pas se voir tel qu'il est. Le pécheur, pour ce qui est de façade, est toujours prêt à témoigner de tout ce qu'on voudra. Mais de son être le plus intime et le plus profond, il ne veut rien dévoiler (Jn 5,31).

 

89. L'inconcevable

"La volonté de mon Père est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle". La volonté du Père, c'est-à-dire l'amour du Père... Tout l'amour du Père et toute la mission du Fils se réduisent à ceci : que, par le Fils, les croyants participent à la gloire éternelle du Père... La promesse inconcevable d'avoir part à la vie éternelle est faite à tous (Jn 6,40).

 

90. Penser le ciel

Le purgatoire est un état de solitude dans lequel l'âme s'occupe d'elle-même et de sa relation avec Dieu. Mais dès que l'âme arrive au ciel, une relation vivante s'établit entre elle et toutes les autres âmes, qu'elles se trouvent au ciel, sur terre ou au purgatoire... Les hommes au ciel, deviennent capables de se comprendre même dans les facettes de leur être qui leur étaient restées incompréhensibles sur la terre... Le ciel est pur mouvement vers Dieu... A présent, je suis tel que Dieu m'a pensé à l'origine; non plus prisonnier de la matrice du temps, mais né à la liberté de la vie éternelle (Jn 16,21).

 

91. La force du diable

C'est une qualité fondamentale du diable de s'adapter. Si l'homme est tiède, Satan est également tiède; mais si l'homme commence à s'intéresser à Dieu, alors le diable aussi s'éveille et commence à s'intéresser à cet homme. Le tiède est plus près de Satan que celui qui s'est réveillé. Pour le tiède, il n'a pas besoin de s'agiter, il a le temps d'attendre, il est sûr de sa propriété. Mais si le bien s'éveille en l'homme, le mal aussi devient actif... Sans Satan, le Seigneur ne serait pas sur la terre... La plus grande efficacité du diable se déploie là où l'on ne croit pas en lui : chez les tièdes et les blasés. Celui qui ne croit pas en Dieu ne croit pas non plus au diable; et ainsi la lutte s'avère inutile. La force du diable, c'est sa faculté d’adaptation, de compromis (Jn 14,30).

 

92. Chacun est unique devant Dieu

La même prédication qu'entendent des milliers de personnes est accueillie par chacune dans le silence de manière différente et unique (Jn 1,3).

 

93. Le pays de cocagne

Avoir tout en abondance auprès du Seigneur. Cela ne veut pas dire qu'on obtiendra tout selon ses souhaits, qu'on va entrer dans un pays de cocagne, qu'on pourra cueillir la grâce de Dieu dans des bénédictions extérieures et dans le bien-être de sa vie. La nourriture du Seigneur reste une nourriture objective; subjectivement elle peut souvent donner l'impression de manque et de faim. Mais ce manque et cette faim sont eux aussi plénitude dans le Seigneur (Jn 10,9).

 

94. Le mourant

Tout sacrement oriente l'homme vers Dieu... Le mourant n'est plus capable de disposer de lui-même... Il se met à l’absolue disposition de Dieu... Le mourant n'a plus qu'à répéter (après Jésus) : "Entre tes mains, Père, je remets mon esprit"... Toute mort en Dieu est fécondité (Jn 1,9).

 

95. Saisir Dieu?

Nous sommes et nous demeurons pour la vie de Dieu des êtres non nécessaires. Mais le fait même que nous soyons superflus nous amène à comprendre sa surabondance. Quand nous nous oublions nous-mêmes..., nous rencontrons sa grâce. Dans la grâce, le problème du moi n'existe plus, ni non plus le problème de saisir Dieu. Dieu ne veut pas que nous cherchions à le détailler et à le saisir comme on le fait d'un objet terrestre. Il ne nous montre de lui que ce qui nous comble, nous unifie, nous clarifie : sa grâce. Et aussi longtemps que l'homme est content de ce que Dieu lui donne de sa vie, il vit en Dieu et de Dieu, et tout est dans l'ordre. Il est alors comme celui qui aime : il est heureux si, chaque jour, celle qu'il aime lui fait don d'une heure et qui, après cela, ne se demande pas ce qu'elle peut bien faire aux autres heures. Ce n'est que lorsque l'homme commence à calculer et à soupeser ce que Dieu lui donne qu'il cherche à saisir et à dépasser la vie qu'il a en Dieu pour atteindre le secret de la vie éternelle. C'est alors qu'il s'éloigne, malheureux, de la vie (Jn 1,4).

 

96. Marie

Marie. Il est juste que les chrétiens apprennent à méditer sous sa conduite et méditent dans le rosaire sa propre contemplation... La Mère est présente et active partout où l'homme doit être initié à la nature intime et cachée du Fils... Pour que le Seigneur pût accomplir son oeuvre de rédemption, il devait être conçu par un être humain qui accepterait d'être sa mère. Elle s'est sacrifiée entièrement pour lui afin de rendre possible son sacrifice. Ainsi était-elle pour le Fils la voie vers l'existence terrestre, tandis que, pour nous, elle devient la voie exemplaire de l'accueil du Seigneur... Puisqu'elle a été la première à s'ouvrir à Dieu, elle peut nous initier à son secret et nous emmener sur son chemin. La Mère est ouverte au Fils et aux hommes; ainsi elle peut être la médiatrice entre le Fils et nous... A elle non plus, il n'est pas donné de saisir totalement le mystère du Fils. Pour elle aussi, le Fils demeure un mystère, un enrichissement infini. Mais elle est intégrée dans son mystère, elle y participe... La mesure de la participation, de la pénétration, de la vision, du dévoilement, c'est le Seigneur qui la détient entièrement, même pour la Mère. Dans la contemplation, l'homme remet toute disposition à Dieu Sécheresse et déréliction sont des états d'âme de la contemplation, essentiels à celle-ci. La Mère, elle aussi, y est introduite toujours plus intensément, jusqu'à la contemplation de la nuit totale du Fils sur la croix, dans sa nuit totale à elle (Jn 14,13-14).

 

97. La nuit

"Là où je suis, là aussi sera mon serviteur". Il y a des moments où le serviteur le saura exactement. Il y aura d'autres moments, dans l'obscurité, où il ne le verra plus. Il prendra avec lui dans la nuit cette parole mystérieuse du Seigneur (Jn 12,26).

 

98. Un état de communion

Pour celui qui a reçu le Seigneur dans l'eucharistie, le Seigneur demeure accessible même en dehors de la réception visible de l'hostie : l'union avec le Seigneur ne se limite pas à la communion distribuée par le prêtre, elle s'étend au-delà d'elle-même; le rassasiement qu'elle procure suscite en même temps la soif d'une autre communion, d'une communion continuelle. Et cette soif d'amour est la vie des chrétiens en Dieu, le don de la vie éternelle que nous a apporté ce pain venu du ciel. De même que quelqu'un a la foi même quand il ne récite pas le credo, ainsi continue-t-on à vivre en communion avec le Seigneur même lorsqu'on n'a pas réellement en soi l'hostie sacramentelle. De même qu'il existe un état de foi, il y a aussi un état de communion (Jn 6,32-33).

 

99. Se pencher

"Celui-ci, se penchant alors vers la poitrine de Jésus, lui dit : Seigneur, qui est-ce?" La vraie prière dans l’Église, est ce geste de se pencher amoureusement vers le Seigneur. Le catholique ne prie ni debout, ni assis, mais penché vers le Seigneur. Il peut le faire parce qu'il repose déjà sur la poitrine de Jésus (Jn 13,25).

 

100. Rien d'autre à faire

Le contemplatif n'a rien d'autre à faire qu'à être prêt à recevoir du Seigneur ce que celui-ci veut lui donner (Jn 11,29). 101. Des secrets Un amour véritable est toujours nu devant l'aimé, même s'il ne lui dit pas tout et garde devant lui ses secrets (Jn 1,5).

 

101. Prendre et donner

(Chaque eucharistie), chaque communion individuelle est une tentative de recevoir en nous le Seigneur, de nous approcher de lui, de prendre ce qu’il nous donne et de donner ce qu’il nous prendre (Jn 6,58).

 

102. L'enfant maltraité

Quand Jésus est flagellé, il est sans consolation parce qu'à présent il ne voit absolument pas à quoi son sacrifice pourrait servir. La divinité en lui s'est tellement voilée qu'il ne souffre plus que dans son humanité... Il est comme un enfant qu'on maltraite et qui ne peut absolument pas s'imaginer pourquoi cela lui arrive... Il porte son sacrifice comme Dieu le lui donne : dans la désolation. Jamais un chrétien, lors d'un sacrifice, ne devrait spéculer sur son poids, ses limites ou son mérite. Il doit l'offrir sans vouloir éprouver la consolation que ce sacrifice a été accepté (Jn 19,1).

 

103. Le mystère suprême

Le purgatoire est le domaine réservé du Père, le seul mystère que le Père n'avait pas déjà livré au Fils fait homme, car il lui a confié le monde entier pour qu'il soit son royaume, à l'exception des ténèbres... Dans le purgatoire, il voit le péché séparé des pécheurs. Et le fait d'isoler ce péché des pécheurs fut l’œuvre de la croix... Le purgatoire est en somme le résultat de son passage par les enfers. Il pénètre dans le mystère suprême du Père qui a créé le monde : le mystère, c'est qu'au démon avait été laissé le pouvoir de séduire l'humanité (Jn 19,35).

 

104. L'aliénation

Quand quelqu'un passe de l'incroyance à la foi, ou d'une foi tiède (qui n'existe qu'à la périphérie de l'existence) à une foi totale qui devient le centre de toute la vie, il passe par une phase d’aliénation. Lorsque sa vie sera devenue une vie de foi, quand l'Esprit du Seigneur aura tout pénétré, alors seulement il pourra fêter une résurrection dans le Seigneur (Jn 17,7).

 

105. Pilate et les femmes Jésus devant Pilate.

Ceux qui n'osent pas s'engager parce que le christianisme est amour vivant et qu'il demande qu'on se livre. Pilate : comme les femmes qui refusent de se marier tant qu'elles sont capables d'avoir des enfants. Elles se donneraient peut-être, mais les suites, l'enfant, elles ne le souhaitent pas (Jn 19,19).

 

106. Satan et l'amour

Là où est l'amour chrétien, Satan n'est pas loin, car il fait ses meilleures prises là où le véritable amour faiblit, se refroidit, se laisse manipuler imperceptiblement pour devenir quelque chose qui porte encore le nom d'amour mais n'est réalité que l'opposé de l'amour : le plaisir égoïste (Jn 13,2)

 

107. La Parole de Dieu

"Celui qui est de Dieu écoute volontiers la Parole de Dieu". C'est la parole de sa patrie, la parole de ses origines. Elle a un son tout particulier, dont on se souvient quand on l'entend à nouveau, auquel on aspire à l'étranger, peut-être sans savoir ce qu'elle veut nous dire et nous promettre. Mais on entendra toujours cette Parole dans la conviction que ce qu'elle nous dit est bon et obligatoire (Jn 8,46).

 

108. Avoir des enfants

De même que les prêtres et les religieuses seraient capables d'avoir des enfants comme les autres hommes et n'en ont pas parce qu'ils ont renoncé à cette fonction, de même tous les croyants possèdent les sens (qui permettent de voir les choses de l'au-delà), mais leur fécondité demeure auprès du Seigneur. Lui seul décide de leur utilisation (Jn 20,19).

 

109. Citoyen

Dieu a offert à ses créatures la possibilité merveilleuse de demeurer sur terre en étant citoyens du ciel, de vivre en dehors de Dieu et pourtant en lui (Jn 8,23).

 

110. La foi

Il n'y a qu'une œuvre de Dieu : la foi. Tout le reste découlera de cette œuvre (Jn 6,29).

 

111. Un signe d'amour

Dans l’eucharistie, qui représente l'extrême de l'amour, chaque hostie a la même valeur. Elle contient le même amour pour l'homme, que celui-ci soit plus ou moins digne, plus ou moins bon ou mauvais, qu'au moment de communier il aime ou il n'aime pas... L'amour de Dieu nous atteint tous, quelles que soient nos dispositions. Et après nous avoir ainsi touchés, il admet comme un signe d'amour l'action de grâce de chacun, si différente soit-elle humainement parlant. En cela il révèle le Père qui fait lever le soleil sur les justes et les méchants (Jn 1,18).

 

112. Un complément

Le Christ enseigne ses disciples puis les baptise. Un complément d'enseignement viendra après. Ils pourront toujours l'interroger. Mais ce qu'ils ne savent pas, et ce qui sera ajouté de manière débordante à leur intelligence, est qu'ils deviendront témoins de la Passion : cette réalité la plus haute de toutes les réalités chrétiennes les élargira et les enseignera avec plus de profondeur que tout autre enseignement (Jn 4,1-3).

 

113. Ce qu'on ne sait pas

Garder le commandement du Seigneur, surtout celui de l'amour, c'est l'aimer, lui, même si on ne le sait pas (Jn 14,21).

 

114. Le don de Dieu

Si tu connaissais le don de Dieu... Tu es un don de Dieu. Je suis le don de Dieu. Tu es mon prochain depuis toujours. Tu ne le savais pas. Si tu avais su, tu m'aurais demandé ce que j'ai à donner : l'eau vive qui vient du Père. L'eau que je donne, c'est la mienne, c'est mon sang, c'est l'Esprit, c'est le don du Père qui conduit au fleuve de la foi qui débouche dans la mer de la vie éternelle (Jn 4,10).

 

115. Une tentative humoristique

De loin il pourrait sembler que le Seigneur n'était pas vraiment un homme, qu'il ne connaissait pas réellement la vie humaine, puisqu'il n'a pas connu le mariage. Mais le fait qu'en tout temps d'innombrables personnes ont choisi la forme de vie de la virginité, à cause même de l'amour pour le Seigneur, montre que la possibilité existe réellement pour l'homme de renoncer ua mariage par amour pour Dieu, non par faiblesse ou incapacité de vivre, et que cette possibilité peut jaillir uniquement d'une grâce première du Seigneur et de son propre amour. Et la virginité n'a rien d'inhumain, rien d'excentrique ou de morose; ce n'est pas une vie sublimée qui méprise la chair. Bien plus, celui qui se donne est si faible qu'il n'a rien de mieux à offrir que cette petite chose insignifiante, sans proportion avec le sacrifice du Seigneur. La virginité est une tentative presque humoristique (tant la disproportion est grande) de mettre ses pas dans les pas du Seigneur (Jn 19,27).

 

116. Faiblesse

Le Seigneur ne se sert jamais de notre péché pour nous délivrer de notre péché. Mais il peut se servir de notre faiblesse, quelque chose qui ne soit pas pur égoïsme (Jn 6,1-2).

 

117. Témoin

Le témoin prédestiné reçoit de Dieu une mission précise, directe et personnelle. Et une partie de celle-ci consiste déjà à mener l'existence du témoin particulier qui met toute sa vie personnelle au service de son témoignage. Il s'engage devant Dieu à se sacrifier sans partage à sa mission. Et il le fait avant même d'en connaître l'objet. Il doit plutôt, jour après jour, se montrer attentif, car il se peut toujours que subitement et sans raison apparente, cet objet varie, suive un cours différent, se transforme peut-être en son contraire. Même au cours de sa réalisation, le véritable contenu de la mission échappe au témoin, et il en a encore moins le contrôle. Il doit constamment être prêt à tout. Il n'a aucun repos dans la mission, car celle-ci jaillit du plus vivant en Dieu (Jn 1,6-8).

 

118. Tout un art

Le Dieu que servent ceux qui condamnent Jésus à mort et le Dieu que le Seigneur apporte sont totalement étrangers. Il y a tout un art de passer à côté de Dieu tout en pensant bien le servir. Toute morale qui se fait son propre but et exclut la foi crucifie le Seigneur. Morale close... Les grands-prêtres exigent sa mort. Ce qu'ils ne comprennent pas doit disparaître. Je ne reconnais que les mesures de Dieu que je porte en moi. Si Dieu avait envoyé le Messie, je l'aurais aussitôt reconnu. Je connais si bien mon Dieu que je le reconnais en toutes ses formes. Si celui qui est là était le Fils de Dieu, je l'aurais sûrement reconnu comme tel : il aurait les caractéristiques que mon Dieu a en moi (Jn 19,15).

 

119. L'âne

La gloire du Seigneur était dans l'abaissement (s'asseoir sur un âne) : les apôtres n'ont pu le reconnaître qu'à la lumière de la glorification (Jn 12,16).

 

120. Les inventions de l’amour

Dans la Passion, c’est le Père qui doit faire la volonté du Fils, car le Père a tout remis entre les mains du Fils, y compris la Passion… Le Père lui-même accepte difficilement l’abaissement du Fils dans son Incarnation et dans sa Passion. Il aurait pu atteindre le même résultat à moindres frais, il aurait pu témoigner autrement de son amour pour ses disciples et obtenir plus rapidement du Père l’oeuvre rédemptrice. Le fait d’aller si loin, de se présenter aux disciples comme leur serviteur, et face au Père comme un homme, est une invention de son amour suprême (Jn 13,3-5).

 

121. La force de l’amour

L’amour veut obéir; il ne voudrait faire que la volonté du bien-aimé sans être pris lui-même en considération. Et cela nullement par « abnégation », par « sanctification de soi », par « mortification » ou par un autre entraînement ascétique, mais par la simple nécessité de l’amour lui-même. Dans toute sa faiblesse, mais entièrement résolu, il s’offre : « Fais de moi ce que tu veux! » Ainsi est l’amour, prêt à tout, disposé à suivre à travers tout, que cela plaise ou non. Il n’a en tête que l’honneur et la gloire du bien-aimé. Il n’a pas d’égards pour lui-même. Il ne pense pas à ce qu’il abandonne et à quoi il renonce, il ne considère pas les difficultés de son entreprise, ni ce que les autres en disent. Il fait son chemin dans la force de l’amour qu’il a reçu (Jn 17,18).

 

122. Des hommes pleins de Dieu

L’œuvre du Fils : il veut « éduquer les hommes pour Dieu… Il veut ramener au Père non seulement des chrétiens, mais des hommes pleins de Dieu (Jn 17,19).

 

123. Ouvert à la joie

Abraham exulta, car il savait que, dans le Christ, Dieu continuerait de se révéler et de se dévoiler. Il s’est donc réjoui tout d’abord pour Dieu lui-même, parce qu’il aimait vraiment Dieu. Il se réjouissait également pour les hommes qui verraient cette révélation divine… Il ne savait d’ailleurs pas ce que serait l’avènement du Fils… Il savait que Dieu accomplirait ce qui était annoncé et c’est de cette façon qu’il se réjouissait pour Dieu. Il se réjouissait pour les hommes, car il savait qu’ils entreraient plus profondément et plus étroitement en alliance avec Dieu. Parce qu’il était un vrai croyant, il était ouvert à la joie du mystère dont il ne percevait pas lui-même le contenu. Il se réjouissait dans la vérité du mystère qui lui demeurait impénétrable, mystère dans lequel Dieu et l’homme se rencontreraient de manière inexplicable. - Il voyait ce jour dans la promesse. Il le vit également après sa mort, dans le Père. Car, étant un vrai croyant, Abraham aimait aussi et il était de ce fait sauvé par le Fils, même s’il ne l’était que dans le Fils promis. Après sa mort, il entre au ciel par le Fils; non pas déjà par le Fils incarné, mais pourtant par personne d’autre que la deuxième personne en Dieu. De ce point de vue aussi il a vu le jour du Seigneur et il s’est réjoui dans l’instant de son passage véritable et définitif de la mort au royaume du Fils, grâce à la rédemption (Jn 8,56).

 

124. Nous sommes en chemin

Toute grâce dans les âmes est une grâce du Père et du Fils et, à l’intérieur de celle-ci, communication du Saint-Esprit. Toute grâce est donc une grâce trinitaire. Et Dieu donne à chaque homme, à l’intérieur de cette grâce, sa voie personnelle propre et son accès à la Trinité. Non pas de telle manière qu’il pourrait, en tant qu’individu, se frayer lui-même un chemin vers la Trinité ou en prendre ce qui lui convient. Mais de telle manière que chacun reçoit de Dieu même sa propre voie personnelle. L’un recevra la voie de l’amour de Dieu en général, l’autre un amour particulier pour une personne divine, un troisième l’amour pour la Mère du Seigneur ou pour des saints qui lui servent de vivant accès auprès de Dieu. Chaque voie est toute personnelle, mais toutes conduisent à la Trinité. Ce n’est que dans l’au-delà que nous serons dans la Trinité, après la résurrection pour la vie éternelle, lorsque nous serons définitivement affranchis du péché. Maintenant nous sommes en chemin vers la Trinité, nous avons avec elle des points d’attache, nous sommes orientés vers elle. Car toutes nos voies sont des voies trinitaires (Jn 8,50).

 

125. Les chaînes du démon sont raccourcies

Un fruit de la rédemption que le Fils a déposé auprès du Père le vendredi saint, c’est le purgatoire. Il a son origine à la croix. Le Père se sert du fruit qui vient de la croix pour tempérer la justice divine par la miséricorde qui est toute nouvelle… De la croix s’allume un feu mélangé de justice et de miséricorde. La puissance des enfers, de la mort et du mal sont comme repoussées par la venue du Seigneur jusqu’au fond de l’enfer, et les chaînes du démon sont raccourcies. Le purgatoire naît pour ainsi dire sous les pas du Seigneur; c’est lui qui, dans ce lieu de désolation, apporte la consolation, dans ce lieu glacé le feu, dans ce lieu où règne la justice la miséricorde… L’entrée du Fils dans cette région la transforme : il brise les portes des enfers et ouvre à ceux qui s’y trouvent l’accès du ciel (Jn 19,34).

 

126. Il n’a jamais rien caché au Père

Seul celui qui est dans la vérité connaît le Père. D’où la nécessité de la confession. Celui qui ne se confesse pas ne peut pas être dans la vérité et donc ne peut pas connaître Dieu. Seul le Fils n’a pas besoin de se confesser parce qu’il n’a jamais rien caché au Père, il n’y a jamais eu en lui d’opposition entre sa connaissance et sa vie… En lui, mission et vie ne font qu’un… Il est la Parole vivante du Père (Jn 8,54-55).

 

127. Repos

La vie éternelle n’est pas un repos mais bien éternelle vie (Jn 14,6).

 

128. Là où il n’y a plus d’espoir

A tout ce qui n’a pas de sens dans la vie, l’Esprit donne un sens infini et divin. Là où humainement il n’y a plus d’espoir. Et qu’est-ce qui serait plus désespérant que la tâche dont le Seigneur nous a chargés? Il est toujours là pour animer le rapport entre le Seigneur et nous. Rien pour nous n’est jamais du passé, tout reste toujours un avenir vivant. Tous les pourquoi, toutes les énigmes, sont résolus par l’Esprit Saint. Dans cette existence unique, tout peut être contenu. Cette étroite vie humaine peut être si riche que l’infini de Dieu y trouve sa place. C’est cela la consolation (Jn 14,16).

 

129. Il voudrait tout savoir

Thomas voudrait tout savoir, combien d’années de purgatoire il aura à faire. Il mesure tout avec ses pensées humaines. Il est incapable de s’imaginer un lieu qui échappe aux limites de l’espace et du temps (Jn 14,5).

 

130. Y a-t-il un non éternel?

« Celui qui croit en lui n’est pas jugé; celui qui ne croit pas est déjà jugé »… Il est déjà jugé. Ce qui ne veut pas dire que ce jugement est définitif, parce que l’amour du Seigneur est toujours plus grand que le refus de l’homme et c’est pourquoi il le rencontre toujours à nouveau et recommence. Le Seigneur invite toujours, son invitation ne connaît pas de limite, il ne connaît pas de non éternel (Jn 3,18).

 

131. Un feu qui brûle

Toute intelligence que le Seigneur donne à quelqu’un, toute vision qu’il peut accorder, n’est pas quelque chose en quoi on pourrait se reposer et séjourner; c’est toujours le point de départ d’un mouvement infini. Ce qui arrive dans la grâce est comme un feu qui brûle; il suffit d’une allumette pour mettre le feu; si on l’alimente, il peut brûler à l’infini parce que telle est la nature du feu. Un feu terrestre, on peut l’éteindre; mais le feu divin qui brûle dans la foi, parce qu’il contient la vie éternelle, on ne peut pas l’éteindre. Il est vrai qu’on peut apparemment étouffer la vie, on peut extérieurement bloquer ou détruire l’oeuvre de la foi, une mission peut mourir, un croyant peut être tué, emprisonné. Mais cela ne touche pas la vie éternelle qui vit dans la foi.Ce qui vit et brûle dans le Seigneur est vie éternelle, feu éternel qui ne cesse de brûler d’une manière vivante dans le Seigneur. Personne ne peut dire où ce feu continue à se propager souterrainement. Quand l’oeuvre de foi extérieure est détruite, le feu de cette foi est toujours à la disposition du Seigneur et il peut l’utiliser et le mettre là où il le juge bon. Ainsi le sang des martyrs est fécond d’une manière visible ou invisible; de même pour toute obéissance vraie. Mais l’homme n’est pas autorisé à abandonner son oeuvre extérieure à laquelle il est attelé parce qu’il n’en voit pas le fruit… C’est toujours l’heure du Seigneur (Jn 5,25).

 

132. Vivre sans consolateur?

Le Fils a fait l’expérience que l’homme ne peut vivre sans consolateur… Dès maintenant, alors qu’il n’est pas encore plongé dans la solitude extrême, il sait qu’il est impossible de vivre sur terre sans consolateur. Etre privé du consolateur est à ses yeux l’épreuve suprême qu’il devra supporter, quelque chose d’absolument inhumain. Mourir dans la foi est facile; mais mourir dans la déréliction est atroce. Jusqu’ici, sur son chemin terrestre, il avait toujours le Père à sa disposition, il demeurait en lui; et il voit que les hommes, eux aussi, ont besoin de quelque chose qui demeure en eux, qui les rende capables d’appartenir réellement à lui et au Père, d’accorder à eux deux plus d’espace, et cela ne peut être que l’Esprit Saint. C’est encore l’Esprit qui relie, qui opère la fusion, qui rétablit l’union entre Dieu et l’homme (Jn 14,16).

 

133. Provision

Le don d’une personne à une autre constitue toujours une provision de vie pour celle-ci : elle peut s’y épanouir, y trouver du courage, rendre sa vie plus joyeuse, plus légère (Jn 15,16).

 

134. La joie

Le Seigneur veut que nous vivions joyeux. Certes, il veut aussi que nous passions par la souffrance et les tribulations. Mais la direction fondamentale de notre christianisme indique la joie… L’état essentiel qui se renouvelle constamment doit être la joie : dans le mariage, dans l’amitié, dans les rapports avec les hommes dans l’Eglise (Jn 15,11).

 

135. Écrire

Quand ceux qui s’aiment s’écrivent, chacun peut parler de sa vie personnelle et de tout ce qui lui arrive, mais cela doit se faire dans l’amour, et non devenir un monologue sur son propre moi. Ce serait une parole morte qui ne serait pas vivante en celui qui la recevrait (Jn 1,3).

 

136. Pour après la mort

Peut-être ont-ils ménagé à Dieu une place qui, à leur avis, lui revient, une place sans portée pour après la mort… S’ils sont religieux, leurs fêtes, leur prière, chacune de leurs rencontres avec Dieu manquent totalement de vie… Pour eux, Dieu et la mort forment… la frontière éloignée de leur existence… Un jour, peut-être, pourtant quelque chose en eux peut être ébranlé : leur étroitesse, leur sensualité ont un pressentiment subit de l’insaisissable, de l’Esprit (Jn 18,6).

 

137. Les enfants ont le droit de poser toutes les questions

Le Père nous a permis, comme au Fils, de poser n’importe quelle question, parce qu’il n’a à redouter aucune question et que les enfants ont le droit de demander. A chacune de nos questions, le Père répond; mais beaucoup d’entre nous n’entendent pas la réponse, car ils ne sont pas en état de la saisir… Le silence même est déjà une réponse. Il se peut également que la réponse de Dieu ait une tout autre résonance que celle attendue par l’homme : elle est elle-même adéquate, mais c’est l’homme qui ne l’est pas… Le péché nous empêche de comprendre (Jn 1,15).

 

138. La nuit noire

Le samedi saint, le Père fait voir au Fils ce qu’il s’était réservé jusqu’alors : les ténèbres. Le Fils obtient de voir les ténèbres… Le Seigneur a voulu apprendre d’expérience ce qu’est la mort pré-chrétienne… Dans la mort du samedi saint, il ne voit plus le ciel comme son lieu et comme le lieu pour lequel il a libéré le pécheur. Dans le noir du Père, il voit le ciel comme ce qu’il souhaite pour le Père. Il ne peut plus souhaiter quelque chose pour lui dans la mort… Un fruit de la rédemption que le Fils a déposé auprès du Père le samedi saint, c’est le purgatoire (Jn 19,34).

 

139. Le miracle principal

Les miracles : Le Seigneur aurait pu en faire beaucoup plus qu’il n’en a fait. Il aurait pu guérir tous les malades de la terre. Et ceux qui croient vraiment pourraient le faire aussi… Mais ils font l’oeuvre de Dieu plutôt en s’abstenant de faire des miracles qu’en en faisant. Ils sont pareils au Seigneur quant à son attitude réservée. L’essentiel concernant les miracles consiste dans cette réserve. Car le miracle principal de Dieu sur la terre, c’est la croix (Jn 14,12).

 

140. Dieu sort de son silence

Dans la révélation, Dieu sort de son silence et de son origine et se manifeste pour nous dans la parole. Mais il ne parle pas seulement de lui-même; qu’il soit compris et reçu par nous est l’oeuvre de l’Esprit Saint qui est la source de toute foi vivante. Toute la révélation de Dieu est donc trinitaire, et la Bonne Nouvelle ne parle de rien d’autre que de la Trinité. D’un bout à l’autre de l’Évangile, l’unique contenu de la parole de Dieu, c’est la Trinité, comme elle est aussi le contenu unique de la création (Jn 1,2).

 

141. Le bagage

« Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas accueilli »… Les siens sont finalement tous ceux à qui le Seigneur a quelque chose à donner… Le Père les a donnés au Fils avant même qu’ils aient décidé de l’accueillir ou non… Beaucoup d’entre eux savent qu’ils sont les siens, et d’autres le refusent. Tous ont ce don du Père dans le bagage de leur vie, mais beaucoup n’ont aucune idée de ce qu’ils portent avec eux… Les hommes pensent toujours qu’ils appartiennent à Dieu en raison de leur consentement. Mais en raison de la rédemption du Seigneur, on peut lui appartenir sans même le savoir. Ceux qui entouraient la croix ne savaient pas que, pour une toute petite part, ils étaient les siens. La plupart d’entre eux le refusaient. Et pourtant ils étaient déjà touchés par le Fils et lui appartenaient comme les siens… Ce qui est premier, c’est la prise de possession du Seigneur qui a eu lieu alors que nous étions encore pécheurs, car c’est lui qui nous a choisis, et non pas nous qui l’avons choisi (Jn 1,10-11).

 

142. L’étoffe

Les tièdes autour de Jésus, dans l’Eglise, dans les paroisses : il ne faut pas trop leur en demander. C’est déjà beau qu’ils n’aient pas renié. Ils n’ont pas l’étoffe pour faire des fanatiques ou des saints (Jn 7,31).

 

143. L’Esprit Saint

Jamais le Fils n’aurait réussi à imposer ses exigences aux hommes s’il n’y avait pas l’Esprit pour introduire ceux-ci dans la pensée et l’attitude du Fils… C’est l’Esprit qui transplante dans l’attitude du Christ. Et cela ne se fait pas par hasard. Car c’était déjà l’Esprit qui avait préparé la place dans la Mère du Seigneur pour la naissance du Fils. La Mère prononce son oui, elle le dit elle-même. Mais une fois qu’elle l’a prononcé, le Fils s’incarne en elle par l’Esprit Saint. Ainsi nous devons, nous aussi, prononcer notre oui à un moment donné; ensuite l’Esprit Saint fait grandir le Fils en nous… L’Esprit est la vivification permanente du Fils, il épanouit dans les âmes l’esprit du Fils (Jn 14,16).

 

144. Le centre

La vérité humaine a à servir la vérité divine. Quand le Père et le Fils paraissent, quand paraît l’amour du Père et du Fils, tous les systèmes humains sont sans importance. La vérité humaine nous est donnée pour rendre possible de servir la vérité divine. Le centre de la vérité divine, c’est l’amour. (Jn 8,32).

 

145. Les larrons

Les mourants qui se convertissent in extremis, l’Eglise n’a pas le droit de leur refuser les sacrements même après leur vie où ils ont vécu comme les larrons crucifiés avec le Seigneur, l’ont rejeté ou méconnu (Jn 19,18).

 

146. Le boulanger

Le Seigneur n’est pas venu dans le monde pour guérir les malades. Il ne remplace pas le médecin pas plus qu’il ne fait fonction de boulanger lors de la multiplication des pains. Il se sert de tout uniquement pour faire l’oeuvre de son Père et rendre visible sa grâce (Jn 9,3).

 

147. Le centre de gravité

Le monde sait que, dans cette création, il s’agit d’une nouvelle naissance, en Dieu, d’une transformation de soi en Dieu. Ce qu’il ne sait pas, c’est que, dans ce changement, il y aurait la joie la plus haute, une joie magnifique, sans doute une joie spirituelle, mais dans laquelle la chair ne serait pas vide. Le monde ne voit dans cette possibilité que le négatif, une mort, le renoncement à tout ce qu’il aime et à quoi il s’accroche. Il ne comprend comme son bien suprême et unique que ce qui le satisfait, lui fait plaisir, lui est agréable, il ne considère toutes choses que de son seul point de vue. Dans la nouvelle création, le centre de gravité, c’est Dieu… Le vrai bien est Dieu et il est la vraie joie. Mais le monde ne le veut pas. Le monde nouveau qu’apporte le Seigneur est Esprit dans lequel la chair aussi trouve sa place (Jn 1,10-11).

 

148. Présence du Seigneur

Certes, après la résurrection, le Seigneur est au ciel, mais il est autant auprès de tout homme et en tout homme qui croit en lui et qui l’aime. Désormais on ne peut plus le localiser, il a la liberté de se trouver simultanément à plusieurs endroits. Il est au ciel et il est auprès de nous sur terre. Et puisque lui, l’Incommensurable, est avec nous, créatures limitées, nous aussi nous sommes partout où le Seigneur se trouve, que nous le sachions ou non (Jn 14,3).

 

149. Désir

La vie chrétienne n’est pas pensable sans le désir de la proximité du Seigneur (Jn 11,54).

 

150. Solitude

Jésus sait que le plus insupportable pour un homme est la solitude. Et il dit aux siens que ne seront jamais seuls ceux qui cherchent à vivre selon la volonté du Père (Jn 8,29).

 

151. L’essence

Ce que ne peut être le chemin de la perfection selon le Fils. Non pas compter ses vertus, non pas vaincre ses passions, non pas avoir une vue certaine de l’endroit où l’on se trouve sur le chemin spirituel. Dans le « système » du Seigneur, dont l’essence est l’amour, il n’y a pas de vue d’ensemble; tout ici est infini, tout est relativisé par l’amour, rien ne se laisse déduire, en tout l’amour a le premier rang (Jn 5,43).

 

152. Le tonnerre

L’homme ne sait jamais quand se passe l’essentiel. La femme ne sait pas quand elle conçoit. L’homme ne sait pas quand Dieu lui pardonne et quand il est comblé de grâce. Rien de ce qui est essentiel ne se laisse déterminer dans le temps. Et même quand le Père et le Fils livrent leurs mystères en se révélant, il y a cependant toujours encore des rencontres entre eux auxquelles les hommes n’ont pas accès. Le Père et le Fils gardent pour eux une dernière intimité dont les hommes ne voient pas l’éclair; tout au plus peuvent-ils déduire que quelque chose s’est passé quand ils entendent le grondement du tonnerre (Jn 11,41).

 

153. Nuire au Seigneur

Les Juifs qui condamnent Jésus à mort font exactement le contraire de ce qu’ils  veulent : être rachetés par lui. En faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour nuire au Seigneur, ils se sauvent dans le Seigneur (Jn 18,28).

 

154. Attendre

La patience de celui qui dans la foi confie tout au Seigneur, Pierre ne la connaît pas. Dans sa présomption, Pierre pense probablement qu’être chrétien et insister sont la même chose. Il ne voit pas que c’est le Seigneur qui a la mesure en main et qu’il peut aussi faire attendre (Jn 13,37).

 

155. Substitution

Le Seigneur est tout à fait pur, ce qui lui permet de porter pleinement notre péché. Mais ce qu’il est et ce qu’il fait, il nous permet de l’imiter, encore que bien imparfaitement et de loin. Il y a dans la confession l’aveu de nos péchés précis et bien délimités. Mais il y a aussi la conscience que nous aurions été capables de bien d’autres  choses dont seule une grâce spéciale nous a préservés. D’autres peut-être n’ont pas reçu cette grâce spéciale, de sorte que celui qui en est bénéficiaire est obligé de s’engager en leur faveur. C’est là le début de toute substitution dans l’Eglise pour porter les fardeaux et expier (Jn 13,21).

 

156. Un germe d’amour

Pour pouvoir être touché par l’enseignement de Jésus, il faut déjà « porter » en soi un « germe d’amour » : c’est ce que Jésus explique au grand-prêtre (Jn 18,20).

 

157. Le Père reste abstrait

Il n’est pas juste que tant d’hommes ne voient et ne cherchent dans la communion que l’amour du Fils. Ou que tant d’ordres limitent au Fils leur piété particulière, leur adoration propre. Ils se tournent vers le Fils, mais non en même temps totalement vers le Père, ou bien vers le Père dans la mesure seulement où il est dans le Fils. Ils ne disent le Notre Père que parce que le Fils l’a dit. Ainsi le Père reste abstrait et peut-être à leurs yeux effrayant et inquiétant. Ils s’attachent fermement à tout ce qui est visible du Fils… Le Père reste comme quelqu’un à qui on n’aurait pas immédiatement affaire… Pas de chemin vers le Père qui ne passe par le Fils. Mais aucune réception du Fils non plus qui ne conduise immédiatement au Père (Jn 8,19).

 

158. Contemplation

(Contemplation, vie contemplative). Il peut y avoir de grandes grâces au début; et après, on vit de ces grâces reçues au début. Un autre peut recevoir ces grâces tout à fait à la fin. Un autre peut être sans participation vécue et avoir pour cela une grâce de persévérance (Jn 12,7).

 

159. Blessure

Lorsque le Seigneur ou un chrétien annoncent l’Évangile et ne sont pas acceptés, il leur reste de pouvoir se réfugier en Dieu dans la prière. Pour le nom du Père, ils souffrent de voir sa vérité méprisée; mais cette blessure finit par se fermer dans l’amour de Dieu (Jn 3,11).

 

160. Un chemin vivant

Tous ceux qui désormais ont affaire au Père ou au Fils ont affaire et au Père et au Fils. Tous doivent de quelque façon participer au mouvement de vie de la Trinité. Car le Père est celui qui a envoyé le Fils dans l’éternité et dans le temps, et d’accès vers le Père, il n’en est que par le Fils. Le Fils est le chemin vivant qui mène au Père, il occupe toute la largeur de ce chemin, si bien qu’à côté de lui il ne reste plus d’espace libre. Il est toute la grâce du Père à qui l’on n’accède que par lui (Jn5,23).

 

161. Tout seul

Le Seigneur s’avance : « Qui cherchez-vous? » Quand il s’agit de vie et de mort, aujourd’hui comme alors, le Seigneur s’avance. Il apparaît. Il n’a pas besoin de le faire au moyen de signes et de miracles. Il peut s’agir d’une présence invisible et pourtant efficace, au coeur de l’Eglise. Jamais, dans le danger, il n’abandonne ses disciples; il est le premier à s’y exposer. Et chaque fois qu’on veut toucher l’Eglise, on touche d’abord au Seigneur… Les disciples ne pourront jamais se vanter d’avoir été à ses côtés dans les moments décisifs. Ce sera toujours le Seigneur qui, tout seul, fera tout à leur place (Jn 18,4).

 

162. Elle n’y comprend rien

Au purgatoire, l’âme est plongée dans une souffrance à laquelle d’abord elle ne comprend rien, car ce n’est que peu à peu, à travers cette souffrance, qu’elle apprend à juger de la gravité de sa propre faute et en est purifiée. Le Seigneur, sur la croix, souffre pour tous les péchés d’autrui… Le Seigneur souffre ce « purgatoire » sur terre pour tous ceux qui, sans lui, auraient mérité l’enfer (Jn 16,26).

 

163. Le but

Le but de toute la rédemption c’est ceci : que nous soyons là où se trouve le Seigneur (Jn 14,3).

 

164. La charge

Dès la première rencontre de Jésus et de Pierre, Pierre est appelé le rocher, il reçoit la charge de l’Eglise. Il ne le sait pas encore, pas plus que les premiers disciples qui l’accompagnent. Mais dès cet instant la charge de l’Eglise pèse sur lui. La charge de l’Eglise pèse sur chaque chrétien. Mais cette charge trouve son expression hiérarchique dans le rocher. Elle pèse sur chacun tout entière parce que personne dans l’Eglise n’est superflu et personne ne peut repousser sur les autres chrétiens la charge de l’Eglise. Chacun a dans l’Eglise sa mission personnelle qui est la mission que le Seigneur lui impose… Toute mission du Seigneur est une mission d’amour. Le Seigneur lui-même n’a été envoyé que dans l’amour du Père, et sa mission fut une mission dans l’amour. Dans l’Eglise il ne peut exister aucune séparation entre hiérarchie et amour (Jn 1,40-42).

 

165. De l’espace

Personne n’arrive à la foi par la seule discussion bien que la foi puisse très bien se défendre selon la raison. Mais le christianisme est plus riche que toute raison, si riche qu’il ne peut être pris par aucun argument. Les adversaires de Jésus ne connaissent que la raison et son opportunité, ils n’ont aucun espace en eux pour le Seigneur et la foi en lui (Jn 19,15).

 

166. L’infini

Toutes les paroles du Seigneur sont empreintes d’une atmosphère de prière et d’adoration. Derrière chaque mot, il y a une prière au Père. Chacune de ses paroles est une parole divine : par chacune Dieu parle, en chacune il parle à Dieu et chacune lui dit Dieu. C’est pourquoi toutes ses paroles sont infinies et d’une double infinitude : le sens apparemment limité de la parole humaine s’ouvre sur l’infini de la divinité du Fils, et celle-ci s’ouvre encore une fois sur l’infini de la divinité du Père (Jn 7,14).

 

167. Obstacle

Toute impureté de l’âme fait obstacle à la foi… La foi, c’est d’admettre qu’entre le ciel et la terre une relation est possible. Ce n’est plus ce ciel fermé, avec un Dieu trônant au loin, inaccessible… Le ciel n’est plus ce qui est bien au-dessus de nous, il est ce qui est ouvert, à notre portée et qu’on peut atteindre (Jn 1, 50-51).

 

168. Invention

L’obéissance n’est pas une invention de l’Eglise, elle est ordonnée et vécue par le Seigneur lui-même… Si le Seigneur ne s’était pas fait obéissant jusqu’à la mort sur la croix, l’obéissance du chrétien n’aurait effectivement aucun sens. Mais puisque le Seigneur a suivi ce chemin, la vie chrétienne n’a pas de sens en dehors de cette obéissance…Le fondement ultime de l’obéissance est l’amour : car le modèle de toute obéissance est la relation entre le Père et le Fils. Tout ce que le Père ordonne est amour, même quand c’est dur; tout ce en quoi le Fils obéit est amour, même si, dans la nuit de la Passion, il ne comprend plus le sens du commandement… L’obéissance d’amour du Fils envers le Père est donc la norme de tout ordre et de toute obéissance humaine : on n’a le droit d’ordonner et d’obéir que dans l’amour. Il peut arriver que l’ordre ne soit pas donné dans l’amour; cependant si l’on obéit quand même dans l’amour, l’obéissance n’ira pas à sa perte… Le Seigneur s’en porte garant (Jn 15,14).

 

169. De la conscience du Christ

(En devenant homme, le Fils s’est séparé volontairement du Père)… Et la séparation est si complète que, dans son humanité, il ne se souvient même plus de l’avoir prévue lui-même en tant que Dieu (Jn 7,29).

 

170. Des secrets

L’Esprit Saint prend toujours ses points de départ là où personne ne les attend ni ne les devine, et ainsi, sans être lui-même agité, il agite tout. Rarement un sermon agira par les moyens que le prédicateur juge efficaces, rarement une éducation chrétienne réussira par ce que l’éducateur considère comme particulièrement réussi. L’Esprit garde ses secrets, et sa grâce n’est pas transparente pour nous (Jn 15,27).

 

171. Royaumes

Grâce au miracle suprême de la résurrection des morts, le royaume même de la mort se trouvera inclus dans le royaume d’amour du Fils (Jn 5,21).

 

172. La nuit

La nuit du Fils : il n’illumine plus du tout ceux qui le condamnent, et lui-même ne voit plus du tout le sens de sa vie (Jn 19,16).

 

173. Arguments

Celui qui demeure dans le Seigneur, malgré tous les arguments contraires et bien qu’il reconnaisse que, dans l’Eglise, beaucoup de choses pourraient être différentes et meilleures que ce qu’elles sont, celui qui demeure en lui sait que c’est une grâce de pouvoir y demeurer et qu’il serait prétentieux de vouloir tout juger et comprendre (Jn 15,7).

 

174. Nourriture

« J’ai une nourriture que vous ne connaissez pas ». Nourriture totalement cachée dans son mystère. Invisible pour les hommes parce qu’elle ne se laisse deviner par aucune manifestation extérieure. Il en parle pour la première fois et il leur en parle comme de quelque chose qu’il ne connaissent pas. Elle contient quelque chose de caché qui se trouve dans ses rapports avec son Père… Mais les hommes ne connaissent pas cette relation. Ils pensent toujours que, s’il est réellement sorti du Père, il n’en a rien emporté de plus que des souvenirs, peut-être encore la possibilité de prier. Ils se représentent sa prière un peu comme la leur, simplement plus parfaite, plus fréquente, plus intense. Ils ne peuvent pas s’imaginer que même en son séjour sur terre parmi eux il demeure dans le Père… C’est là sa vraie nature : demeurer dans le Père et, en demeurant en lui invisiblement, être nourri par lui. Sans cette nourriture, il devrait cesser aussitôt de vivre. Elle est pour lui d’une nécessité si élémentaire qu’il n’en parle pas. Pas plus que les hommes ne parlent de leurs besoins corporels, qu’on suppose mais dont on ne parle pas; de même le Seigneur a des besoins spirituels qui appartiennent à sa nature mais il ne peut en parler davantage parce qu’ils sont des secrets de l’intimité divine. Une mère ne rappelle pas toujours à son fils devenu adulte qu’elle l’a nourri de son lait. De même le Fils ne dit pas que le Père a un souci constant de sa nourriture (Jn 4,32).

 

175. Un amour libéré

Marie-Madeleine au tombeau de Jésus le matin de Pâques. Par sa conversion elle a été si totalement libérée d’elle-même qu’elle n’est plus qu’un espace pour l’amour. Le repentir chrétien n’est pas le regret stérile d’un fait passé. Le sens du repentir chrétien est totalement et exclusivement dans l’amour libéré (Jn 20,1).

 

176. L’amour

L’amour ne veut que l’amour, il n’exige pas l’amour mutuel (Jn 21,5).

 

177. Participer

La foi, en tant qu’insertion dans la vie trinitaire, n’est au fond jamais un fait qu’on puisse considérer comme achevé, clos; elle est toujours communiquée par l’évangile qui vit de la vie du Seigneur… Croire veut dire être décidé à participer au mouvement trinitaire (Jn 20,31).

 

178. Un amour blessé

Les sacrements du baptême et de l’eucharistie reçoivent leur fécondité, leur surabondance de grâce, du mystère de la blessure du côté. Comme sacrements, ils sont séparés, c’est pourquoi l’eau et le sang en jaillissent séparément. Mais leur source est commune : c’est l’amour blessé du Seigneur (Jn 19,34).

 

179. Le meilleur

Dans l’amour, le meilleur c’est toujours le désir de l’autre (Jn 21,16).

 

180. La hiérarchie des valeurs

Comme le Père est placé avant le Fils sans qu’il y ait là une gradation en Dieu, ainsi y a-t-il dans l’Eglise une priorité du sacerdoce par rapport au laïcat, sans que par là une hiérarchie des valeurs soit suggérée (Jn 17,8).

 

181. Toute grâce est un début

« L’heure vient, et elle est déjà là, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui l’entendront vivront ». L’heure vient et elle est déjà là. A l’instant où le Seigneur apparaît dans le monde, tout ce qui va venir est déjà là. Dans l’hostie, l’heure vient, mais elle est déjà là. La transsubstantiation vient, mais celui qui vient est déjà là. L’heure vient en dehors de la foi, car une hostie consacrée ne semble pas différente dune hostie non consacrée. Dans la foi, tout ce qui est promis est déjà présent. Car le Seigneur qui était au commencement auprès de Dieu fait de tout ce qui commence et commencera un achèvement. Commencement et achèvement sont un. Ce qui pour nous est un essai de commencement, le Seigneur le voit achevé. Et en tout ce qu’il achève, nous, nous voyons un commencement. En tout mouvement que nous faisons, en toute respiration, en chaque pas de l’homme, le Seigneur voit un mouvement vers lui et vers le Père. Et nous voyons en toute alliance qu’il scelle, en tout miracle qu’il opère, le début de quelque chose de plus grand encore. Chaque grâce qu’il nous manifeste est un début et une ouverture à une grâce plus grande qu’il ne nous est pas nécessaire de comprendre, mais à laquelle nous devons rester ouverts, de sorte que la grâce reçue est en nous le germe d’une grâce nouvelle à recevoir. Chaque grâce que le Seigneur nous donne est un commencement absolu. La communion d’aujourd’hui prépare celle de demain. L’ouverture qui s’opère en chaque grâce est absolue (Jn 5,25).

 

182. Optimisme

Si les chrétiens n’étaient plus conscients qu’ils ont à lutter contre le diable, leur christianisme tomberait dans un optimisme superficiel; une exaltation étourdie prendrait la place du sérieux de l’amour (Jn 13,2).

 

183. Le choix

Un sacrifice offert dans la pleine clarté de ce que l’on fait ne serait pas un sacrifice chrétien. Si quelqu’un renonce à un moindre bien pour obtenir un bien supérieur qu’il connaît et dont il sait la portée, ce n’est pas un sacrifice, mais un choix entre deux biens dont l’un semble plus important que l’autre (Jn 19,26).

 

184. La femme adultère

Jésus : « Je ne juge personne »… Il l’a prouvé dans le cas de la femme adultère… Le jugement du Seigneur consiste dans le fait qu’il couvre le péché et, par là, il convertit le pécheur qui, confronté avec ses ténèbres, s’aperçoit de l’amour du Seigneur dans la lumière. Voilà pourquoi le Seigneur n’a pas besoin de punir le pécheur comme un tribunal humain doit le faire; son jugement consiste bien plutôt dans l’unité de la révélation du péché et de la révélation de l’amour. Et lors même que le converti demeure pécheur, petit, faible, qu’il rechute souvent, il est converti, il est orienté vers le Seigneur pour toute une vie. « Moi, je ne juge personne », cela veut dire : « J’aime » (Jn 8,16).

 

185. La nuit totale

« Que votre coeur ne se trouble pas ». Cette nuit la plus sombre qui environne les apôtres, ils doivent la comprendre aussi comme une oeuvre de Dieu, son oeuvre la plus rayonnante… « Que votre coeur ne se trouble pas ». Le Fils leur dit ces choses maintenant pour les consolider dans leur foi parce que, quand il sera englouti par la nuit totale, il ne pourra plus leur dire ces choses (du haut de la croix)… Il ignore en ce moment combien de force il lui restera encore sur la croix pour les encourager et pour consolider leur foi en lui (Jn 14,1).

 

186.Tout est en ordre

Celui qui  penserait ou dirait qu’entre Dieu et lui tout est en ordre, celui-là ne saurait ni ce qu’est Dieu ni ce qu’est l’homme (Jn 17,8).

 

187. L’eucharistie et Marie

Le mystère de l’eucharistie est un mystère de la virginité. C’est la raison pour laquelle le prêtre, qui participe à ce mystère, y est tellement associé que, pour lui, l’état de virginité s’impose. Comment le prêtre, qui a une part si active à l’engendrement eucharistique du Seigneur, pourrait-il en même temps engendrer des enfants en ce monde! Son rapport avec le Seigneur à la sainte messe ressemble à la monogamie la plus stricte. D’autant plus que le rapport du prêtre avec le Seigneur est illuminé par la Mère qui, vierge, a donné naissance à son Fils vierge. Elle se tient de façon invisible derrière le prêtre lorsqu’il prononce les paroles de la consécration (Jn 19,27).

 

188. Examen

Celui qui frappe à la porte de l’Eglise ou d’un ordre religieux. Comme l’amour ne vit plus absolument dans l’Eglise ni dans les ordres religieux, le postulant ne peut plus être reçu sas examen et l’on n’est pas sûr a priori qu’il est bien envoyé par le Père (Jn 6,37).

 

189. La tristesse en pleurant

Le Seigneur ne veut pas seulement notre simplicité, mais aussi notre multiplicité et notre plénitude. Il ne veut pas des chrétiens qui le soient par dépit du monde, mais par leur disponibilité à toute tâche. Les déceptions du monde doivent ouvrir et sensibiliser les chrétiens à un service différencié. Ils ne vivent pas dans leurs souvenirs mais tournés vers le Seigneur et vers ses ordres toujours nouveaux. Et lorsqu’on exige d’eux un réel renoncement, ils ne se mettent pas stoïquement au-dessus de la souffrance. Ils savent vivre la tristesse en pleurant et ne privent pas l’Esprit Saint de la possibilité de les consoler. Et ils n’acceptent pas la consolation pour eux-mêmes, mais pour être enrichis en vue de la dispenser à leurs frères (Jn 16,7).

 

190. Sexualité

Le Seigneur sait que le problème des pulsions est proche de la croix… Partout où le Seigneur exige le renoncement, son amour est particulièrement proche (Jn 17,2).

 

191. Chacun a son chemin

Chaque homme suit le Seigneur sur un autre chemin et chacun reçoit aussi de lui une mission différente. Sa parole est si vaste et si grande qu’elle embrasse la vie et l’activité de tous, tout en laissant subsister la personnalité et l’individualité de chacun (Jn 13,19).

 

192. Un cadeau

Le prochain est avant tout un cadeau que Dieu nous fait, pourvu de dons mystérieux et incalculables, de promesses et d’exigences divines, et chargé de nous rapprocher de Dieu (Jn 7,5).

 

193. La nuit

De même que la résurrection du Seigneur ne s’est produite qu’après le grand abîme de sa mort et de sa descente aux enfers, de même son apparition actuelle aux sens spiritualisés des chrétiens se produit comme une résurrection après une petite mort personnelle… Ce qui est essentiel, c’est que cette nuit est toujours la nuit du Seigneur et non une nuit qui appartient à l’homme (Jn 20,19).

 

194. Le désir

Ne pas penser que le Fils cherche à se faire des adeptes. C’est le Père qui attire les hommes au Fils. Quand on vient au Fils, c’est que le Père a mis en nous le désir d’aller vers le Fils (Jn 6,44).

 

195. Communion

Toute communion éveille le désir d’une autre communion. Toute communion est communion avec toute la vie du Christ. Tous ses mystères y sont contenus cachés (Jn 6,26).

 

196. Le choix

La vie au couvent n’est ni plus précieuse ni plus facile que la vie au dehors; les tentations sont autres, peut-être plus graves, car au couvent, toute chose apparemment minime a beaucoup de poids. L’état de vie que doit choisir le chrétien n’est pas affaire de goût ni d’évaluation de ses propres forces, mais il dépend uniquement de l’appel du Seigneur qui détermine le choix (Jn 17,15).

 

197. Le chemin

« Je suis le chemin… » Pas un chemin, mais le chemin. L’unique chemin, il n’y en a pas d’autre… Le chemin qui part du Père et retourne au Père… Jusque dans le détail, tout est ébauché de ce chemin : en vivant, il accomplit le programme du Père et il est impossible que quoi que ce soit de ce chemin lui soit épargné. Même dans la Passion, rien ne peut être abrégé ni évité… Et sur ce chemin, il peut emmener tous les autres avec lui… Il est le chemin pour tous. Pourtant c’est une grâce pour tous de pouvoir y marcher. Lui-même suit son chemin par amour, lui aussi voit comme une grâce de pouvoir parcourir le chemin du Père… Si on le choisit pour chemin, il faut lui confier aussi le contrôle de ce chemin (Jn 14,6).

 

198. Transparence

L’union du Père et du Fils : comme dans l’amour parfait du mariage : transparence parfaite. Commander et obéir? Cela disparaît dans l’amour. Par l’Esprit Saint… (Jn 17,10).

 

199. Amour et connaissance

Plus il y a d’amour, plus il y a de connaissance. Or, du fait que le Seigneur possède l’amour parfait, il possède aussi la connaissance parfaite… La grâce que les brebis reçoivent par l’amour du Seigneur est si débordante qu’elles en acquièrent une étonnante sûreté de jugement. Elles ont reconnu le Seigneur, et rien ne saurait les ébranler dans cette connaissance… Le Seigneur sait que sa petite brebis lui appartient, non seulement parce que lui-même la connaît en l’aimant, mais tout autant parce que l’âme qui lui appartient le connaît en l’aimant par la grâce qui lui est infuse (Jn 10,14).

 

200. Le récipient

Nous pouvons essayer d’écouter les paroles du Seigneur de deux manières. Ou bien selon la capacité de notre intelligence…, ou bien nous essayons de les comprendre telles que le Seigneur les a  prononcées : alors nous lui tendons notre récipient limité pour qu’il y verse son contenu infini… Nous ne comprenons la portée infinie de sa parole que grâce à ce qui est présent de lui-même en nous. C’est cela que nous devrions faire, mais c’est justement ce que nous ne faisons pas (Jn 14,6).

 

201. L’incompréhensible de Dieu

Le Seigneur ouvre progressivement les siens à l’incompréhensible de Dieu. Puis vient un moment où ils ne suivent plus. Cela va trop lentement et cela va trop vite : ils voudraient saisir eux-mêmes (Jn 6,61).

 

202. Recherche

« Vous me cherchez », répond Jésus à ceux qui l’ont retrouvé de l’autre côté du lac après la multiplication des pains (Jn 6,6). Ils cherchent le Seigneur bien qu’ils soient devant lui et l’aient trouvé. Un côté de son être sera toujours l’objet d’une recherche, même si on l’a déjà trouvé… Qui cherche devra chercher éternellement. Celui qui reconnaît le Seigneur devra le chercher comme le « Toujours-plus-grand ». Celui qui commence à le chercher se trouve pris dans un mouvement qui, en ce monde, ne cessera plus, parce que c’est le mouvement vers Dieu; de ce fait, il reste ouvert et s’ouvrira toujours plus aux possibilités divines toujours plus grandes. Ce mouvement est plus intarissable et plus vivant que le mouvement perpétuel, car non seulement il se nourrit lui-même, mais il s’accroît toujours davantage, engendre un mouvement toujours nouveau, toujours plus intense. La recherche ne s’arrête pas quand on a trouvé, mais toute découverte devient le point de départ d’une nouvelle recherche. Le Seigneur est constamment l’objet d’une recherche; à peine est-il né que les bergers le cherchent, et les mages avec l’étoile, et Madeleine jusque dans la mort et le tombeau (Jn 6,26).

 

203. Chemins

Tous nos chemins sont des chemins trinitaires (Jn 8,50).

 

204. Le découvert

Il est impossible de mener une vraie vie en Dieu si tout n’est pas à découvert devant Dieu (Jn 8,54-55).

 

205. L’un des nôtres

L’humanité de Jésus, les sentiments de Jésus vis-à-vis du Père : comme tous les hommes, sans aucun privilège. Il est l’un des nôtres et il dit au Père : ‘Seigneur, pardonne-nous, car nous ne savons pas ce que nous faisons’… Il se chargera de leur séparation de Dieu et de la nuit où ils vivent inconsciemment, il devra l’endurer en pleine conscience (Jn 8,1).

 

206. La comédie

Le danger qui menace toute religion : n’être plus qu’une dépouille morte et une auto-adoration de l’homme. Même dans l’Eglise on peut en arriver au point qu’intérieurement toute la vie religieuse d’un chrétien soit étouffée, écrasée, vidée par l’absence totale d’engagement et que cette absence soit comblée par des lois fausses qu’on invente soi-même… C’est une sorte de religion de comédie où rien n’a plus d’importance que la jouissance de son propre mouvement. Tout ce qui était vraiment religieux est remplacé par un élément temporel (Jn 16,2).

 

207. Discrétion

L’Esprit Saint : un amour qui ne prend pas forme humaine. Rôle effacé qui renonce à toute manifestation extérieure et à tout témoignage visible d’amour afin de n’être qu’abandon et service (Jn 16,11).

 

208. Une grâce est offerte

Dans la décision de faire baptiser chrétiennement un enfant, et donc aussi de l’élever chrétiennement, une grâce est offerte dont les parents, la plupart du temps, n’ont pas conscience, mais qui ne fait qu’un avec la grâce baptismale de leur enfant (Jn 1,9).

 

209. Impénétrable

Le diable : le mystère de son refus est plus impénétrable à l’homme que le mystère de Dieu (Jn 8,44).

 

210. Fécondité

Seul peut être fécond celui dont la relation à Dieu, à la vie éternelle, est vraie (Jn 17,3).

 

211. Judas

Jésus savait depuis le début qui le trahirait. Il ne reçoit pas seulement ceux qui, à vue humaine, se développeront bien, mais aussi ceux qui, dès le début, paraissent difficiles, même sans espérance (Jn 6,64).

 

212. Désespoir

Le désespoir serait une tristesse non assumée dans l’amour, une tristesse comme un but en soi et donc sans place pour l’espérance. Ce ne serait pas une tristesse chrétienne, car celle-ci est toujours une tristesse limitée à l’intérieur d’un amour et d’une espérance sans limites. Le fini, c’est la tristesse, l’infini, c’est l’amour, si bien qu’il n’y a plus d’espace pour le désespoir (Jn 16,6).

 

213. L’unique

Il a donné sa vie pour chacune de ses brebis; il l’aurait fait aussi si moi précisément j’avais été l’unique brebis du troupeau qui se serait perdue par le péché (Jn 10,15).

 

214. La nuit

Il y a la nuit des pécheurs, de ceux qui ont repoussé la lumière… Mais il y a aussi ceux pour qui le Seigneur a choisi la nuit de la foi : après avoir connu la lumière, ils pensent l’avoir tout à fait perdue, et cependant ils sont dans la main du Père qui leur donne part à la nuit du Fils, expiatrice du péché du monde (Jn 11,10).

 

215. Renoncements

Comme le Fils, par amour pour le Père, a renoncé à sa vie, ainsi le Père, par amour pour le monde, a renoncé au Fils (Jn 8,26).

 

216. Un Dieu lointain

Pour les Juifs, la plus haute valeur, c’est la crainte de Dieu, qui tient à distance. On peut se dire peut-être enfant de Dieu, mais se donner comme son fils ne peut être que blasphème. Tout en le regardant comme tout-puissant, ils tiennent Dieu en quelque sorte pour impuissant, parce qu’ils ne lui accordent pas la seule chose dont tout le monde est capable : avoir un fils. Ainsi les déclarations du Seigneur sur lui-même ne peuvent être interprétées, à leurs yeux, que par un pur orgueil. Ils ne veulent rien savoir de la possibilité d’une unité humano-divine dans le Seigneur… Le caractère divin de son être, qui transparaît dans son humanité, ne peut être pour eux que l’expression de sa présomption. Ils connaissent Dieu. Il a créé le monde. Il est ce qu’il y a de plus sublime. Si Dieu avait un fils (ce qui est impossible), il serait plus impossible encore qu’il lui permît de s’abaisser jusqu’à la bassesse de la nature humaine. Il aurait dû, sans conteste, le lui interdire… Seul un Dieu lointain peut être le vrai Dieu (Jn 19,7).

 

217. Etre accueillant

L’Eglise a besoin d’être soumise à un temps d’épreuve pour devenir accueillante à ce que le Seigneur veut lui donner par sa Passion (à lui) (Jn 18,15).

 

218. Petites âmes et petits péchés

(Il faut peu de choses pour tout gâter dans une vocation et pour faire d’un vrai mystique un faux mystique : une inclination imperceptible au début vers son propre moi…) C’est presque un miracle que ceux qui ont été marqués par Dieu n’aient pas une fin dévoyée. C’est une loi constante dans l’Eglise : il y a en elle de petites âmes avec de petits péchés et de petites grâces, et de grandes âmes mais avec le danger de péchés d’autant plus grands. Plus un homme est conduit par Dieu, plus il reçoit de lumière, plus graves en deviennent ses fautes… Et en même temps il est protégé par une grâce particulière… Aucun de ceux qui sont conduits par Dieu ne peut savoir où il en est. Tout son intérêt doit être que son service de rendre témoignage soit irréprochable (Jn 9,17).

 

219. Présence

Apprendre que l’absence du Seigneur est toujours aussi une présence (Jn 6,22).

 

220. Il n’a pas besoin de savoir

Le disciple ne sait pas à quoi il sera utilisé. Il n’a pas besoin de le savoir. Il se tient prêt. Il ne sait même pas qu’il est déjà utilisé. Il n’a pas besoin de le savoir, car la décision qui le concerne est aux mains du Seigneur. Et cependant il ne sera pas utilisé comme un instrument mort mais comme un homme. La réponse n’attend pas que l’homme perce les plans de Dieu, mais qu’il soit prêt, qu’il se laisse utiliser aveuglément par Dieu comme un instrument aveugle. Le Seigneur sait déjà ce qu’il va faire (Jn 6,6).

 

221. La chose primordiale

 

Ce qui distingue la foi chrétienne d’un autre enrichissement de connaissance et de savoir, c’est qu’elle est vivante et se développe jusqu’à ce qu’elle soit devenue la chose primordiale de l’homme et que l’homme lui-même soit devenu secondaire… Etre libéré de soi afin de vivre pour l’amour (Jn 17,6).

 

 

222. Souffrances

Par chacun de nos péchés, nous augmentons personnellement les souffrances du Seigneur (Jn 18,24).

 

223. Celui qui n’aime pas est aveugle

Jean voit par terre les bandelettes (qui entouraient le corps de Jésus dans le tombeau) et, en voyant ces choses qui ne sont presque rien, il découvre aussitôt totalement l’amour vivant du Seigneur… Il n’y a que dans l’amour que cette vision est possible. Celui qui aime ne peut aucunement communiquer sa vision, son amour, à celui qui n’aime pas, parce que celui qui n’aime pas est aveugle. Et celui qui n’a pas l’amour de Jean ne pourra pas croire que Jean a découvert que l’amour était vivant en voyant les bandelettes là par terre. Celui qui n’aime pas donnerait cent explications du phénomène. Il aurait du moins besoin de longues preuves pour exclure les autres possibilités. Celui qui n’aime pas perd beaucoup de temps. Il comprendra plus lentement. Il attend des assurances, des preuves (Jn 20,5).

 

224. Communion

De même qu’il y a un état de foi (qui existe même quand on ne dit pas le credo), de même il y a un état de communion qui existe même quand on n’a pas en soi l’hostie sacramentelle (Jn 6,32-33).

 

225. La patrie

Celui qui est de Dieu écoute volontiers la parole Dieu. C’est la parole de sa patrie, la parole de ses origines… On entendra toujours cette parole avec la conviction que ce qu’elle nous dit est bon et obligatoire (Jn 8,47).

 

226. Le milieu

La foi chrétienne se tient au milieu entre le Père et le Fils (Jn 17,7).

 

227. L’amour

L’amour peut être aussi pur renoncement (Jn 18,38).

 

228. L’éveil de l’amour

Esprit Saint : sa présence éveille quelque chose d’entièrement nouveau dans l’amour entre le Seigneur et les hommes… Par lui, le Seigneur et l’homme sont unis dans un amour actuel… Éveil de l’amour qui ressemble de loin à la première impulsion d’amour chez de jeunes amoureux qui ignoraient tout jusqu’alors de ces impulsions (Jn 14,3).

 

229. La foi et l’amour

La foi vient toujours d’abord de Dieu. Parce qu’il nous aime le premier, il met la foi en nous. Et nous ne pouvons entrer dans la connaissance de cette foi que si d’avance nous croyons et aimons… Nul ne peut dire qu’il croit s’il n’aime pas. Et s’il aime, c’est qu’il croit, même si sa foi n’est pas encore saisissable, même s’il pense qu’elle n’est pas encore une foi chrétienne. La foi ne peut naître sans amour et, sans amour, elle ne peut jamais être vivante, mais tout au plus … un reliquat sans vie. Par contre, même sans la foi, l’amour peut être une pierre d’attente, car dans l’amour il y a toujours un germe de connaissance, même si on ne sait pas encore ce qu’il contient (Jn 2,24-25).

 

230. Une connaissance claire de l’autre monde

Nul croyant véritable n’est de ce monde. Parmi les croyants, il y a ceux qui aboutissent à une connaissance claire de l’autre monde; d’autres, tout en restant dans ce monde, sentent et devinent par une part d’eux-mêmes qu’il existe quelque chose d’autre que le monde. Et plus cet autre monde, le monde divin, devient transparent à l’homme, plus grande sera pour lui l’obligation de vivre dans l’action et la contemplation au service de l’Eglise pour ce monde divin (Jn 17,14).

 

231. L’importance de la souffrance

Marthe et Marie font annoncer à Jésus que Lazare, leur frère, est malade. Jésus reste encore deux jours là où il était avant de se mettre en route. Il impose deux jours de souffrance en plus à Marthe et à Marie. Il institue alors l’importance de la souffrance, et il n’en souffle mot à ses apôtres. Il donne à Marthe et à Marie d’avoir part à l’avance à sa Passion; l’active comme la contemplative y a part (Jn 11,6-7).

 

232. Prêt pour l’infini

Toute vraie question regarde vers l’avenir et a pour but la consolation. Elle doit rendre une âme plus proche du Seigneur. « Qui cherches-tu? »… Toute vraie recherche du Seigneur se fait en sa présence… Elle cherche dans le fini. Mais tout en elle est prêt pour l’infini (Jn 20,15).

 

233. La foi aimante

Foi et amour sont indissolublement liés; la foi naît de l’amour et non de l’étude; chacun, sans distinction de classe ou de culture, est en état d’accéder à cette foi aimante (Jn 7,48).

 

234. Nous nous croyons innombrables

Le Fils est unique et nous venons immédiatement après lui, si nombreux que nous nous croyons innombrables, et pourtant nous sommes les fils dénombrés par Dieu malgré notre multitude (Jn 1,18).

 

235. Comme un chrétien qui prie

Le Seigneur a passé la nuit en prière. Il s’est tenu devant le Père comme un chrétien qui prie Dieu. Il lui a montré son âme nue, il lui a demandé force et aide, et Dieu ne laisse sans secours aucun de ceux qui prient. Sans doute le Seigneur se distingue-t-il des hommes par le fait qu’il est sans péché, et c’est pourquoi il n’a pas besoin, dans la prière, de s’ouvrir d’abord à l’Esprit de Dieu. Il se tient toujours devant le Père sans s’éloigner de lui. Cet Esprit qu’il possède depuis toujours peut toujours agir immédiatement en lui sans rencontrer aucune résistance. Mais demeure en lui cette double vie : en tant que Fils, il possède en propre l’Esprit; en tant qu’homme, avec une âme totalement humaine qui est ouverte à Dieu, il ne cesse de recevoir du Père l’Esprit. Deux attitudes en face du Père ne font qu’un en lui : amour et humilité (Jn 8,2).

 

236. Faire des miracles

Le premier miracle chrétien fut le oui de Marie… Personne n’a pu faire des miracles dans l’Eglise sans l’assistance de Marie (Jn 16,28).

 

237. Indispensable

Humainement parlant, personne n’est indispensable même si, du point de vue du Seigneur, on est irremplaçable. Humainement parlant, d’autres pourraient accomplir notre tâche aussi bien, voire mieux que nous, parce qu’ils ont des dispositions, des aptitudes et des expériences aussi bonnes ou meilleures que les nôtres. Du point de vue du Seigneur, par contre, chacun est irremplaçable parce que chacun est indispensable à la plénitude de la gloire de Dieu (Jn 15,8).

 

238. Aussitôt

Au premier qu’il rencontre – son frère Pierre -, André dit : « Nous avons trouvé… » Toute grâce du Seigneur doit être aussitôt transmise à d’autres (Jn 1,40-42).

 

239. La joie

C’est la première fois que le Seigneur parle de sa joie… Plus l’amour est vrai, plus il est joyeux dans toutes ses souffrances. Mais tout ce qui rend étroit, mécontent et calculateur est contraire aussi bien à l’amour qu’à la joie (Jn 15,11).

 

240.  Voir Dieu

Celui qui a un jour vu Dieu ne peut plus détourner de lui son regard. Au fond, nous ne désirons pas voir déjà Dieu parce que nous savons intimement que nous devrions auparavant en avoir fini avec notre péché. Nous ne pouvons pas aimer parfaitement ici-bas; l’amour parfait demeure le présupposé de toute vision de Dieu. C’est pour cela que personne n’a jamais vu Dieu ici-bas (Jn 1,17).

 

241. Prière et contemplation

La prière est l’oeuvre de l’homme, elle est enseignable avec des mots humains. La contemplation est la réponse de Dieu à l’homme, elle n’est donc pas enseignable: l’homme se met à la disposition de Dieu. Dieu répond ou ne répond pas : tout est grâce… La prière a toujours un aspect horizontal : elle inclut implicitement le monde entier. La contemplation est verticale : elle est tout entière tournée vers Dieu (Jn 9,4).

 

242. Réparations

Parce que le Seigneur a expié pour moi, je suis appelé à co-réparer. L’expiation accomplie par le Seigneur et celle exigée de moi ne sont pas sans relation. Si le Fils innocent a déjà expié pour moi au point d’avoir effacé mon péché, combien plus, moi pécheur, ai-je l’obligation de réparer… avec mon Sauveur, même si cette réparation, à y regarder de plus près, n’est en fin de compte qu’une manière de parler en comparaison de celle  du Seigneur (Jn 1,17).

 

243. Un coup d’épée

Pierre et son coup d’épée… Il utilise sa force et l’arme qu’il a sous la main. Il représente ceux qui sont capables de distinguer le Seigneur du monde, mais ne sont pas capables de distinguer sa volonté de la leur, qui ne cessent de penser qu’ils pourraient arriver par eux-mêmes à comprendre quelque chose pour pouvoir ensuite se mettre au service du Seigneur. Le chrétien n’a pas la mission de répondre partout où le Seigneur est attaqué. Il ne peut échanger son rôle avec celui du Seigneur ou de son Esprit. Il ne possède de cet Esprit que la mesure que le Seigneur lui communique. La première réponse et la première action reviennent toujours au Seigneur; ce n’est que la seconde, la suivante, qui appartient au chrétien, même si entre la première et la deuxième il n’est pas nécessaire que du temps s’écoule (Jn 18,10).

 

244. Dire à Dieu ce qu’il a à nous dire

Scruter les Ecritures… Les Juifs le font, mais avec des idées préétablies. Leur  attente a un sens bien précis. Ils n’attendent de Dieu rien d’autre que ce qu’ils attendent. Ils voudraient pouvoir dire à Dieu ce qu’il a à leur dire… Ils voudraient que la vie éternelle ne soit rien d’autre que le prolongement de leur vie terrestre selon leurs souhaits et leurs représentations. Alors qu’ils devraient laisser leur vie terrestre être façonnée par le plan de Dieu. Finalement, ils ne sont pleins que d’eux-mêmes et, pour cette raison, ils sont aveugles pour les écrits de Dieu (Jn 5,39-40).

 

245. Miracle

Les miracles sont des poteaux indicateurs… Ils sont un contact non pas entre l’instrument qui opère le miracle et Dieu, mais entre celui qui doit être touché par le miracle et Dieu (Jn 14,12).

 

246. Le froid de la mort

Jésus devant sa mort. « Si le grain de blé ne tombe à terre et ne meurt, il reste seul; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit »… Comme un mourant sourit dans le froid de la mort pour consoler ceux qui l’entourent, ainsi le Seigneur, dans sa solitude, console le Père et les hommes (Jn 12,24).

 

247. La foi

Si quelqu’un croit vraiment, il s’est ouvert à la grâce comme à une puissance qui devient aussitôt plus forte que le moi. La foi veut être reçue comme quelque chose qui possède aussitôt tous les droits et les revendique parce qu’elle veut conduire l’âme tout entière à Dieu (Jn 18,34).

 

248. Autorités

Jésus ne ressemble pas à ces autorités qui, pour faire sentir leur pouvoir, passent par-dessus la tête de leurs subalternes (Jn 3,22-24).

 

249. Le banquet

La confession est une image du purgatoire où, avant d’être admis au banquet céleste, on fait l’aveu ultime et définitif de ses fautes (Jn 13,3-5).

 

250. Posséder

Il y a une manière de posséder, d’annoncer et de répandre la foi qui n’a rien avoir avec l’amour (Jn 7,49).

 

251. La trahison

Une communion est une profession de foi : la trahison consiste dans le fait que quelqu’un accepte le pain du Seigneur tout en sachant qu’il ne veut rien recevoir de lui… Celui qui a la volonté de commettre un péché est dans un état pire que celui qui l’a déjà commis, qui l’a derrière lui, et pour qui s’offre la possibilité de la conversion (Jn 13,27).

 

252. La maladie

La vie du chrétien est service du Seigneur. Qu’il soit bien portant ou malade est chose secondaire par rapport à cet essentiel. La maladie est une parole puissante par laquelle le Seigneur jette l’homme à terre. Toute réflexion s’écroule parce que l’action du Seigneur est plus rapide que toute réflexion de l’homme. Par la maladie, la grâce de Dieu pénètre directement comme un choc dans une vie (Jn 11,4).

 

253.  Charismes

Des charismes, il y en aura toujours dans l’Eglise : liés à une personne ou à un lieu. Malades et pécheurs s’en approchent pour y être remplis de grâce et de force, pour pouvoir s’en retourner corporellement guéris ou fortifiés dans la foi et l’amour. Les retraites ont le même but, de même les sacrements (Jn 9,3).

 

254. Un espace

Aménagez dans votre vie un espace sacré (Jn 2,16).

 

255. Intégration

C’est pour nous intégrer à la vie éternelle que le Verbe est apparu sous forme humaine (Jn 1,2).

 

256. Peur du purgatoire?

Nous aurions peur du purgatoire si nous ne comprenions pas qu’il s’agit d’un mystère d’amour. Puisqu’il en est ainsi, nous nous soumettrons volontiers à ce processus, et même, avec un vif désir de purification, nous comprenons, dans l’amour, qu’il faut satisfaire la justice (Jn 17,8).

 

257. L’âme des autres

Plus un homme est proche du Seigneur, plus il est capable lui aussi de voir clair dans l’âme des autres (Jn 1,47-7-48).

 

258. Naissance

Dans la douleur d’une mère qui enfante est cachée une joie indicible à cause de l’enfant. Mais dans la joie qu’elle attend de cet enfant, il y a aussi la douleur qu’il lui causera plus tard. Et dans cette douleur, à nouveau la joie de pouvoir souffrir pour lui, les deux imbriquées l’une dans l’autre, à l’infini (Jn 1,1).

 

259. L’extraordinaire

Il est bien plus facile d’accepter l’extraordinaire ponctuel que la durée qui exige la persévérance (Jn 4,30).

 

260.La première

Marie de Magdala au tombeau de Jésus : elle est trouvée avant qu’elle ne trouve elle-même, elle est aimée avant d’aimer elle-même. C’est le sommet qui peut arriver à celui qui cherche : être trouvé. D’où : il faut chercher jusqu’à ce qu’on soit trouvé… Il n’est pas possible que Marie de Magdala s’enorgueillisse d’être la première à avoir vu le Seigneur (Jn 20,16).

 

261. L’abîme

L’abîme entre le Seigneur et nous, c’est le Seigneur qui le franchit… Oublier qu’on marche vers lui… A un certain moment, on découvre que tout est grâce… Une faim dont on ne s’occupe plus : elle est à la disposition du seigneur et des frères (Jn 6,35).

 

262. Les secrets de l’amour

Lumière et obscurité en Dieu : deux faces de son amour. L’obscurité en Dieu est essentielle à son amour. Par là, Dieu protège son amour, et peut nous le faire découvrir toujours nouveau. L’homme a du mal à accepter le caractère mystérieux de l’amour… Le péché, c’est de ne pas supporter la nuit de l’amour, c’est de vouloir pénétrer l’obscurité de Dieu. La nuit alors devient symbole du péché. Le péché consiste à ne pas supporter le mystère. L’homme veut savoir ce que Dieu fait aux heures qu’il s’est réservées pour lui-même.. Cette méfiance est le contraire de la foi et la mort de l’amour. Car l’amour suppose la confiance réciproque et ne peut durer que tant que dure cette confiance. La connaissance qui veut prendre la place de la foi aimante ne fait plus confiance à l’aimé, ne croit plus que le secret qu’il garde peut être un secret de l’amour parfait (Jn 1,5).

 

263. La photo

L’âme du chrétien ressemble à une pellicule de photo qui a déjà été impressionnée, qui a déjà reçu une image, et rien ne peut plus annuler cet événement (Jn 8,45).

 

264. Béatitude et souffrance

La mission du Seigneur n’est pas achevée avec l’Ascension. D’une manière différente, qui ne nous est plus concevable, il continue à participer à la vie et aux souffrances de son Eglise de sorte qu’on ne peut tirer une ligne de séparation stricte entre la souffrance de ses croyants et la sienne propre. Le fait d’être dans la béatitude auprès du Père n’empêche nullement le Fils d’être sensible aux offenses du péché d’aujourd’hui comme il était sensible autrefois aux offenses de ses contemporains. De même l’eucharistie d’aujourd’hui demeure comme sacrifice une réalité immédiate. C’est pourquoi le Seigneur partage aussi dans l’amour le mystère de sa souffrance à ceux qu’il veut (Jn 7,33).

 

265. Relations

Les relations du Père et du Fils : il y a quelque chose de paternel dans le Fils et filial dans le Père. Le Fils aussi est père. Le Père aussi est fils (Jn 16,15).

 

266. Mouvement

La vie du Fils est un mouvement vers le Père… Et donc recevoir la vie du Fils, c’est entrer dans ce mouvement vers le Père (Jn 6,53).

 

267. Vie éternelle? C’est quoi?

Le Seigneur a vécu ici-bas une vie tout à la fois terrestre et éternelle, et cela non pas isolément mais comme fondateur de la communauté de tous les croyants. Il les invite tous à laisser leur vie terrestre être embrassée par sa vie éternelle… La vie éternelle est une vie en Dieu, une vie sans fin, une vie de participation à tous les mystères de la Trinité, et le chrétien ne peut s’en faire une idée exacte pour le moment (Jn 5,11).

 

268. C’est quoi l’amour?

Le Fils est dans l’impossibilité de dire aux hommes son amour du Père parce qu’ils ne l’écoutent pas (Jn 8,1).

 

269. L’amour humain

L’amour humain, tel que le Seigneur l’envisage, est toujours un début d’amour divin même quand il se trouve en dehors de l’Eglise; il s’adresse toujours à un Seigneur que l’on pressent, mais qu’on n’a pas encore rencontré (Jn 1,22-23).

 

270. Lumière

Dans l’Eglise aussi, Dieu est vie et lumière. Il est vie dans les sacrements et la prédication, mais lumière par la simple présence de l’Eglise dans le monde. Déjà le bâtiment visible d’une église, la présence mystérieuse qui le remplit, sont lumière de Dieu. Dans l’Eglise, sa lumière est plus forte là où l’on prie beaucoup et avec désintéressement… Là où l’on prie davantage, là où la vie est plus vigoureuse, la lumière aussi est plus intense (Jn 1,46).

 

271. Défauts

Tous nos défauts et tous nos péchés proviennent uniquement du fait que nous n’aimons pas comme il faut (Jn 14,15).

 

272. Pressentir la vie éternelle

« A qui irions-nous? » Pierre possède en Jésus sa patrie, il lui appartient, il vit en lui et il ne peut plus ici-bas disposer lui-même de sa propre vie. Il appartient à celui qui, à ses yeux, est le seul qui peut conduire à Dieu. Il ne veut plus rien savoir de sa vie antérieure. « Tu as les paroles de la vie éternelle ». C’est la seule chose qui le lie encore : la vie éternelle… Et précisément cette vie que le Seigneur lui a promise : foi, espérance, amour… Il pressent la vie éternelle dans les paroles du Seigneur (Jn 6,68).

 

273. Le soupir

Jamais la parole humaine en tant que telle n’ouvre l’oreille de Dieu. De même qu’il nous trouve avant que nous le cherchions, il nous entend avant que nous lui parlions. Notre propos est secondaire par rapport à son écoute. Notre prière consiste davantage dans le fait qu’elle est entendue par Dieu que dans le fait que c’est nous qui la disons. Toute prière est bonne qui pénètre l’oreille de Dieu, et non pas celle qui, d’un point de vue humain, est bien exprimée. Un seul soupir peut avoir plus de valeur aux oreilles de Dieu que des années des plus belles prières (Jn 1,3).

 

274. Les portes closes

« Le soir de ce même jour, qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées , Jésus vint… » Le but de l’Eglise n’est pas de laisser les portes closes. Dans la foi, on ne peut jamais considérer une disposition comme définitive; rien en elle ne doit pouvoir évoluer. Parce que personne ne connaît entièrement la portée de ce qu’il fait et parce que Dieu peut toujours ouvrir de nouveau ce qui était fermé. L’homme ne dispose pas de la vérité tout entière; il y a toujours une part de la vérité qui se trouve en Dieu. La vérité est en nous, mais Dieu s’en réserve une part. Dans tout ce que nous faisons ou décidons, nous devons dire : « A supposer que Dieu n’en décide pas autrement » (Jn 20,19).

 

275. Le chemin tordu

Pas de clauses de réserve dans le contrat avec Dieu. Le Seigneur veut le tout : le don total et tout le temps, parce qu’il veut tout le chemin vers Dieu. On fera des écarts à droite ou à gauche, mais notre chemin tordu croisera de temps en temps le chemin direct de Dieu. Ce seront des grâces de Dieu sous forme d’événements et de connaissances dans notre vie qui nous confirmeront dans la bonne direction (Jn 12,26).

 

276. Un chrétien parfait?

Le Christ est venu créer « le chrétien parfait »… : l’un des côtés de son être tourné vers Dieu, l’autre vers le monde… Une vie au milieu du monde, en esprit entièrement tournée vers Dieu. Il nous a montré par sa vie ce qu’il voudrait voir réalisé en nous (Jn 17,11).

 

277. Un mouvement éternel

Tout ce qui est divin ne connaît jamais d’arrêt… La vie éternelle est repos éternel… parce qu’elle est mouvement éternel; devant Dieu on ne possède jamais, on est au contraire toujours en train d’acquérir (Jn 14,28).

 

278. Doctrines secrètes?

Bien qu’il n’y ait dans le catholicisme aucune doctrine secrète derrière celle qui est ouvertement enseignée, tout pourtant dans cet enseignement est plein de mystères. Bien que rien ne soit caché, bien des choses, sans la charité, restent voilées à l’intelligence (Jn 18,20).

 

279. La langue maternelle

Toutes les paroles du Seigneur sont des paroles du Père. Il parle le langage du Père comme les hommes parlent leur langue maternelle… Toute sa vie, il l’a remise si totalement entre les mains du Père qu’il ne voit aucune possibilité de dire et de faire autre chose que ce que dit et fait le Père (Jn 14,10).

 

280. Foi vive

Contemplation : Dieu se révèle toujours lui-même autant qu’il est nécessaire pour rendre la foi vive et ardente (Jn 1,46).

 

281. Intelligence

Intelligence des voies de Dieu : pas seulement se mettre à sa disposition à la suite d’un raisonnement, mais se jeter dans ses bras, donc l’aimer déjà… Etre prêts à suivre le Seigneur sur une voie incertaine qui toutefois est la sienne (Jn 13,17).

 

282. Ce qui est bon

Il n’y a que ce qui vient de Dieu qui est bon (Jn 12,25)

 

283. « A tes ordres! »

Je choisis Dieu, mais lui me choisit dans un choix qui, à mes yeux, n’en est pas un. Je dis : « A tes ordres, Seigneur ». Et sa réponse peut être tout autre que celle que j’attendais. Ce qui est certain, c’est que je ne me mets jamais à la disposition de l’Esprit de Dieu sans être accepté. Mais une fois offert à son choix, c’est lui désormais qui décide. Si tu es ouvert à l’appel de Dieu, tu ne peux pas savoir quelle sera la réponse que tu vas entendre, ni dans quelle zone de la mission il te conduira pour l’accomplir (Jn 3,8).

 

284. Angoisse

Quiconque permet au Seigneur de réaliser en lui ce qu’il veut… a part à son angoisse. C’est l’angoisse de la souffrance qui peut prendre toutes sortes de formes, une angoisse féconde parce que c’est l’angoisse de la rédemption. Mais en toutes ses formes, cette angoisse ne voit pas, personne ne domine la situation, personne ne la comprend, personne ne sait à quoi ça sert et où ça mène. En tous, vit la question angoissante : Pourquoi? Tous savent que quelque chose a été semé en eux et il semble que ça n’arrivera pas à maturité. Partout les chrétiens vivent sous le coup de l’inutilité du christianisme. C’est ça l’unité de l’angoisse (avec le Seigneur durant son procès devant Pilate) (Jn 19,13).

 

285. Ascension

La mission du Seigneur ne se termine pas à l’Ascension. D’une autre manière, insaisissable pour nous, il continue de partager la vie et les peines de son Eglise, à tel point qu’on ne peut plus distinguer nettement entre les souffrances de ses fidèles et les siennes propres. Lorsque aujourd’hui un individu offense le Seigneur par son péché, cette offense l’atteint aussi réellement que celles de ses contemporains, et sa béatitude dans le Père ne l’empêche point d’y être sensible (Jn 7,33).

 

286. La foi

La foi ne peut dominer son objet. Elle doit se laisser conduire par Dieu (Jn 6,30).

 

287. Le premier degré

Il serait impossible de chercher et de reconnaître le Seigneur tout en se sentant parfait et pleinement satisfait de soi. Le premier degré de la reconnaissance de Dieu est toujours le sentiment de sa propre insuffisance. Mais celui qui s’avoue pécheur est aussitôt reconnu par le Seigneur et se trouve ainsi habilité à le reconnaître (Jn 13,13).

 

288. Procès

Le Seigneur en son procès : le Seigneur se tait, il ne juge pas, il ne se défend pas, parce qu’il se trouve exactement à l’endroit où il doit se trouver : à la place des pécheurs du monde (Jn 19,13).

 

289. Les armes

Pierre vient de trancher l’oreille de Malchus… L’Eglise voudra souvent prendre des chemins qui ne sont pas ceux du Seigneur, mais il ne l’abandonnera pas sur ces chemins, il se servira de ses erreurs pour l’ancrer plus profondément dans l’amour. Grâce à cette expérience, Simon-Pierre sera plus riche en amour. Ainsi se vérifie le dicton : Mieux vaut errer en aimant que de ne pas errer en n’aimant pas… Sans cesse des hommes entraîneront l’Eglise à la désobéissance par leur obstination à prétendre tout savoir. A leurs yeux, les actes humains visibles ont plus de valeur que la prière… Si Pierre avait prié avant d’agir… Il échange les armes de l’Esprit contre celles du monde. Il ne devrait pas suivre son opinion mais celle du Seigneur. Ce sera toujours la même chose pour l’Eglise quand elle oubliera le Seigneur (Jn 18,11).

 

290. Perdre son temps

Aucune description de l’ami ne saurait le faire connaître si celui à qui on le décrit n’a pas l’amour… Le non-chrétien ne voit dans la vie chrétienne qu’une perte de temps, et avec raison, car il considère le temps du monde comme la durée véritable et essentielle. Le chrétien, par contre, ne voit dans le temps présent qu’un emprunt fait à l’éternité; tout ce qui est essentiel est caché dans le sein de ce qui est au-dessus du temps (Jn 1,26-28).

 

291. Le baiser

L’amour du Fils pour les hommes… L’incarnation : comme un baiser (Jn 17,8)

 

292. Ne pas se refuser à l’Esprit

Jean est dans l’amour, il est donc aussi immédiatement dans l’Esprit. Jean sait de manière élémentaire qu’il est aimé et que lui-même aime. Il n’a pas toujours besoin de s’assurer de l’amour en posant des questions… Sa mission est toujours l’accomplissement de son inclination propre : aimer… Marie : l’Esprit ne peut se refuser à elle puisqu’elle ne s’est pas refusée à lui. L’Esprit vit en elle depuis qu’elle porte l’enfant et l’Esprit Saint ne s’est pas retiré d’elle à la naissance de l’enfant. La Mère se trouve entre Pierre et jean, au-dessus des deux. Elle a un ministère et elle a l’amour : son amour est son ministère (Jn 20,8).

 

293. Quand le diable s’éveille

Si l’homme est tiède, Satan également est tiède; mais si l’homme commence à s’intéresser à Dieu, alors le diable aussi s’éveille et commence à s’intéresser à cet homme. Le tiède est plus près de Satan que celui qui est éveillé. Pour le tiède, il n’a pas besoin de s’agiter… La plus grande efficacité du diable se déploie là où l’on ne croit pas en lui, chez les tièdes et les blasés (Jn 14,30).

 

294. La faiblesse du Seigneur

Judas avec une troupe armée devant des apôtres désarmés. C’est ici que se rencontrent le domaine spirituel et le domaine temporel : une Eglise pauvre au milieu de laquelle demeure le Seigneur et des ennemis puissants auxquels il ne manque qu’une chose : la faiblesse du Seigneur (Jn 18,3).

 

295. Comme une mère

Rien ne se fane aussi vite que la Parole de Dieu si on la laisse de côté en se disant qu’on y reviendra plus tard. Au début, quand nous recevons la Parole, nous sommes comme la mère de la Parole : nous la recueillons en nous, nous la nourrissons et la soignons. Mais en même temps et toujours plus la Parole devient pour nous une mère : elle nous attire à elle et nous éduque à la vie éternelle (Jn 8,51).

 

296. Le système de la grâce

Les chemins de la grâce du Seigneur demeurent impénétrables. On ne peut jamais déduire une grâce d’une autre grâce. Les chemins de la grâce du Seigneur se moquent de tout système (Jn 6,25).

 

297. Un essai

Chaque communion est un essai de recevoir le Seigneur en nous, de nous approcher de lui, de prendre ce qu’il nous donne et de donner ce qu’il veut nous prendre. Un essai qui ne s’arrête pas à la petite chose qui, de notre côté, se trouve prête pour lui, mais qui débouche sur la grande chose de ce qu’il nous donne dans le Père (Jn 6,58).

 

298. L’homme vivant

(Pour guérir l’aveugle de naissance, Jésus fait de la boue avec de la terre et sa salive). L’homme mort est celui qui a renoncé à tout. Dieu n’utilise personne qui ne veut pas être un instrument. Celui qui est mort en lui pour que Dieu vive en lui, Dieu peut l’utiliser comme la terre morte afin de s’en servir pour le miracle.  La vitalité volontaire est ce que Dieu peut le moins utiliser (Jn 9,6).

 

299. Solitude

Le purgatoire est un état de solitude dans lequel l’âme s’occupe d’elle-même et de sa relation à Dieu. Mais dès que l’âme arrive au ciel, une relation vivante s’établit entre elle et toutes les autres âmes, qu’elles se trouvent au ciel, sur terre ou au purgatoire (Jn 16,21).

 

300. Ne pas s’étonner

« Ne vous étonnez pas »… Soyez ouverts à ce que vous ne comprenez pas. Donnez-moi votre foi, comme un enfant, prenez de ma main ce qui vient; prenez-le, quoi que ce soit, avec reconnaissance, non avec des questions; avec appétit, non avec méfiance; prêts pour l’étendue des possibilités sans peser. Celui qui s’étonne, critique, compare, celui-là s’occupe beaucoup plus de ce qu’il sait déjà, de ce qu’il possède, de ce qu’il a expérimenté, de ce qu’il est, de ce que son intelligence voit qu’il a reçu une fois pour toutes, plutôt que de ce que Dieu lui offre d’une manière toute nouvelle, tout élémentaire. Celui qui est ouvert à Dieu ne peut s’étonner de rien. Celui qui s’étonne montre qu’il est occupé de lui-même plus que de Dieu. Celui qui vit en Dieu, celui-là sait si fort que Dieu dépasse toujours toutes choses et surpasse toute attente, que toute comparaison avec ce qui a déjà été lui est enlevée. S’étonner, c’est commencer à douter, à ne pas croire, parce que c’est commencer à vouloir avoir raison (Jn 5,28).

 

301. Le froid

Personne ne peut dire qu’il a étudié la science chrétienne et qu’elle l’a laissé froid. Si c’était le cas, la cause en serait qu’au cours de son étude, il s’est raidi contre la substance des commandements, qu’il y a eu résistance consciente. Cette résistance est la seule chose qui pourrait empêcher de comprendre les commandements du Seigneur et d’être saisi par eux (Jn 14,21).

 

302. Un peu de temps

Le point culminant de la Passion du Seigneur Jésus n’est pas la mort physique, mais son ultime délaissement où, chargé de tous les péchés du monde, il est séparé du Père. Cette séparation, qui ne durera que peu de temps (Jn 14,19) aura, pour le Seigneur, le poids de l’éternité… Ce qui pour les hommes ne sera que peu de temps, représentera pour lui une éternité (Jn 14,19).

 

303. Vie éternelle

Celui qui vit sa vie présente dans le Seigneur et pour le Seigneur vit une vie que le Seigneur lui donne pour qu’il la vive comme la sienne. Il participe dès aujourd’hui à la vie éternelle… S’il meurt, il apporte sa vie éternelle d’ici-bas dans la vie éternelle de l’au-delà, il entre dans l’éternité comme quelqu’un qui en est issu, et sa vie éternelle de l’au-delà ne pourra donc pas être sans lien avec sa vie éternelle d’ici-bas. Il continuera d’aimer dans l’au-delà ceux d’ici-bas et de vivre pour eux au ciel. Les deux choses ne font qu’un dans le Seigneur qui a embrassé en lui toute la vie éternelle (Jn 12,25).

 

304. Percer à jour

Un être humain ne peut être percé à jour que dans l’amour (Jn 2,24-25).

 

305. Conversion du démon?

La profondeur de la volonté du diable d’être caché est si abyssale que nous ne pourrons jamais la sonder. Elle est un mystère qui demeure insondable pour nous. Les mystères de Dieu sont plus accessibles que les mystères du Mauvais. L’abîme du diable consiste en ce double mouvement qu’il veut mentir et qu’il ne veut pas se convertir. Ce que cela signifie finalement demeure un mystère qui n’est accessible à aucun homme, même pas au pire pécheur. Voilà pourquoi le destin du diable est pour nous un mystère totalement inaccessible… Il n’est pourtant pas permis de désespérer de la conversion de n’importe quel pécheur. La possibilité de conversion d’un homme pécheur n’est jamais aussi désespérée que la conversion du démon (Jn 8,44).

 

306. La grâce de l’expérience

Le Seigneur apparaît aux apôtres alors que les portes de la maison où ils se trouvaient étaient verrouillées… Celui qui dit dans la foi : « Seigneur, sois avec nous », se trouve dans la grâce de l’expérience des apôtres. Le plus petit acte d’adoration véritable fait toucher Dieu. Toutes les possibilités de la foi, depuis l’absence totale de vision jusqu’à la vision parfaite, se déploient à partir de cette pièce aux portes closes. Elles sont toutes secondaires par rapport au fait premier que, dans la foi, Dieu se tient à notre disposition, qu’il vient à nous, qu’il nous apparaît, que nous le voyions ou non. Mais tout entraînement à expérimenter l’au-delà est faux. Tout désir d’expérimenter sensiblement l’au-delà est faux, parce qu’il dépend uniquement de la grâce du Seigneur de l’accorder (Jn 20,19).

 

307. Surprises

L’amour ne dit pas tout, il réserve des surprises (Jn 18,36).

 

308. Apprendre l’amour

(Le purgatoire purifie et ouvre à l’ampleur et à la plénitude de Dieu)… Là, dans le feu, il devra abandonner tout refus de correspondre aux pensées divines et apprendre l’amour dans un douloureux écartèlement (Jn 1,3).

 

309. L’ultime secret

Le samedi saint, l’âme du Seigneur n’est pas dans un jardin (comme son corps qui est descendu du tombeau et placé dans un jardin), elle est dans le contraire d’un jardin, le contraire du paradis, dans la contemplation qui est la plus obscure : la contemplation du shéol. Le mystère du samedi saint est essentiellement contemplation : c’est la vision de l’obscur dans l’obscur. Le samedi saint, le Père fait expérimenter au Fils le plus intime de ce qu’il possède : son obscurité qui était depuis toujours cachée sous la lumière, ce dont on ne parle pas, comme le secret personnel ultime, où l’on n’introduit aucun homme. Le Père ouvre maintenant ce secret au Fils. Mais le Fils ne s’arroge pas le droit de dire au Père : « Renonce au mystère de ta justice, détruis les ténèbres » (Jn 19,41).

 

310. Le principal

Bien souvent, l’homme ne connaît pas sa faute principale (Jn 13,9-10).

 

311. Si je t’aime

Si je t’aime et que je doive expliquer à un ami qui tu es et ce que tu signifies pour moi, je suis obligé de parler de tes qualités physiques et spirituelles; j’essaierai de te décrire comme je te vois dans mon amour. Mais si lui-même ne t’aime pas, la plus chaude image que je pourrais esquisser de toi le laissera froid… Il y a en toi un dernier fond mystérieux qui lui demeure inaccessible, quelque chose d’infini qui se moque de toute description, quelque chose qu’on ne peut atteindre soi-même que dans l’amour. Et un amour qui détient les clefs des portes du ciel, là où est situé ton dernier secret, ta parole en Dieu. Ce n’est que dans la foi en Dieu et dans l’amour de Dieu que je puis avoir accès à ton dernier secret. Il n’y a qu’en Dieu que les hommes peuvent réellement s’aimer. C e qui est en toi le coeur de ton être, et ce qui en toi est le plus digne d’être aimé, vient de Dieu et fait de toi un réceptacle du mystère de Dieu… Tout le reste en toi a moins d’importance et pourrait être autre, mais parce que ce qui est le plus unique en toi vient de Dieu, tu possèdes un charme qui te rend infiniment désirable en Dieu. Ce charme que je ne découvre que dans l’amour fait un avec l’amour dont Dieu t’aime. Tous les autres avantages sont comme rien à côté de cet amour qui est ton être, que tu es, qui vient de Dieu et s’appelle Dieu. Si l’ami ne connaît de toi que ce qui est humain, il désirera sans cesse scruter ton être plus à fond… Mais plus il atteindra le détail, plus il s’éloignera de ton image véritable parce qu’il ne fera jamais qu’assembler des pierres sans vie… Il se construira une image de toi au lieu de la contempler. Seul peut la contempler celui qui a la clef, et la clef, c’est d’aimer Dieu (Jn 1,18).

 

312. Purification

La purification a lieu quand on s’abandonne à ce que le Seigneur exige de nous, même si on ne le comprend pas (Jn 15,3).

 

313. Trois paroles

1. Dans l’homme créé, le premier balbutiement est pur. C’est une parole qui est auprès de Dieu, avant que la concupiscence et l’égoïsme ne s’éveillent et ne ternissent le langage fondé en Dieu, avant qu’ils ne transforment sa pureté en mensonge; le balbutiement d’un enfant est un parler en Dieu et avec Dieu; c’est un amour immédiat.

2. La dernière parole de l’homme, son dernier soupir, dans lequel il s’abandonne et dépose son égoïsme et son mensonge pour retourner à Dieu, est à nouveau pur parce qu’il est exprimé en Dieu. C’est un retour à la première parole balbutiée par l’enfant. C’est à nouveau une parole d’amour immédiat. Ces deux paroles sont prononcées dans la faiblesse, dans l’impuissance face à l’amour de Dieu. L’enfant qui balbutie ne s’est pas encore découvert lui-même; le mourant, lui, s’est oublié.

3. Entre les deux se situe cette durée que nous appelons notre vie, au cours de laquelle l’homme s’éloigne de Dieu pour vivre sa propre vie, où il ne prononce plus sa parole en Dieu, mais tente de la dire lui-même. Cette parole est mensonge tant que nous nous l’attribuons comme si elle était notre oeuvre à nous… Nous nous chassons nous-mêmes du paradis, nous nous bannissons de notre vie avec Dieu. Nous ne voulons plus entendre la Parole de Dieu comme ce par quoi tout est créé et sans quoi rien n’existe. Le paradis n’est certes pas l’inconscience de l’enfant en tant que telle, et la conscience comme telle n’est pas un éloignement de Dieu. Le paradis, c’est la vie en Dieu, qui est possible aussi pour l’esprit conscient de soi (Jn 1,3).

 

314. Un langage sans paroles

Il y a un langage sans paroles de Dieu dans les événements du monde et de notre vie. Lorsque Dieu arrache à un être humain ce qu’il a de plus cher, il lui parle à travers cet événement. Celui-ci est une question ou une réponse qui l’interpelle… C’est l’amour qui rend capable d’interpréter la langage sans paroles de Dieu (Jn 1,1).

 

315. La formule magique

Beaucoup de demandes seront adressées au Père au nom du Fils, et le Fils ne les appuiera pas. Il n’appuiera aucune demande égoïste, se cachant sous le manteau du Fils. Il n’appuiera pas la demande de ces pécheurs qui, détournés de Dieu, se souviennent, il est vrai, de la possibilité de la prière, mais la pratiquent en dehors de la foi et de l’amour comme une formule magique (Jn 16,26).

 

316. La lumière brûlante
Tout pécheur est dans une certaine mesure en dehors de l’Eglise. Même s’il n’est pas excommunié, il est hors du centre de l’Eglise, où se trouve la parfaite pureté du Seigneur. Toute confession nous ramène au centre de l’Eglise. Pour les uns, c’est un retour de la lointaine périphérie, pour les autres c’est un retour d’un petit éloignement. Mais la distance n’a aucune importance au moment du retour. Il n’y a qu’une chose qui est importante, c’est qu’on sait qu’on était dehors et qu’on est à nouveau dedans, et que cela s’est fait par le Seigneur et par sa croix… Et le retour au centre de l’Eglise, est un retour au centre du Père, dans la lumière brûlante du Père (Jn 1,9).

 

317. Pardon

Le Seigneur ne veut pas qu’on se passe du ministère du prêtre investi du ministère du pardon des péchés et dispensateur de sa grâce… Il pardonne lorsque le prêtre pardonne. Il ne dit pas qu’il ne pardonnera pas aussi à d’autres qui ne se confessent pas. Mais lorsque le pardon est accordé par le prêtre, il l’est aussi par le Seigneur (Jn 20, 23).

 

318. Souffrance

Toute souffrance humaine peut être intégrée dans la Passion du Seigneur. Quelle que soit la souffrance qu’un homme peut endurer, quelle que soit la douleur qui l’accable, le Seigneur est prêt à tout assumer dans sa Passion et en faire profiter d’autres (Jn 17,2).

 

319. Mystère

Les saints sont plus proches que nous du mystère de Dieu (Jn 6,13).

 

320. La langue de l’Esprit

Le monde ne reçoit pas son témoignage. Parce que, pour le monde, Dieu apparaît comme la mort, comme la limite de sa vie propre. Le monde vit si peu dans l’Esprit qu’il nie tout ce qui est Esprit. Dans la langue de l’Esprit, la vie et la mort ont le sens opposé à celui qu’elles ont dans la langue de la chair. Dans la langue de la chair, tout va vers la mort, tandis que dans l’Esprit tout va vers la vie; parce que celui-là est descendu pour emmener toutes choses avec lui en haut (Jn 3,32).

 

321. On n’a pas le temps

Dès que le Seigneur commence à vivre en nous, nous n’avons plus de temps pour nous. Toute notre vie devient active parce qu’elle est utilisée pour le Seigneur… Chaque minute de notre vie est appelée à la coopération la plus vive, la plus intense (Jn 1,12).

 

322. Le centre

La foi est toujours ouverte à quelque chose au-delà d’elle. La foi n’a pas son centre en elle-même mais en Dieu (Jn 5,46-47).

 

323. Le bon vin

La prière de Marie à Cana : elle n’est pas exaucée, puis elle est exaucée… De même en est-il quand nous demandons à Dieu quelque chose de précis; qu’il nous l’accorde ou non, il nous accorde en tout cas toujours plus que ce que nous avions désiré. Ici, c’est le bon vin; plus tard, la surabondance de la multiplication des pains; plus tard, la pêche merveilleuse (Jn 2,1-12).

 

324. La ligne de crête

L’homme est sur une ligne de crête; d’un côté l’abîme de son origine, de son moi, de son péché; de l’autre, l’abîme de Dieu, la foi totale. Il a peur de tomber dans l’abîme de Dieu. C’est pourquoi il regarde si volontiers en arrière sur lui-même… Pour pouvoir marcher en chrétien sur la crête, il faut qu’il soit toujours prêt à se précipiter dans les bras de Dieu, à n’avoir que la foi devant les yeux (Jn 17,6).

 

325. Dieu n’a pas besoin de nos explications

La prière n’est pas avant tout une parole que l’homme adresse à Dieu, mais un don que Dieu nous fait à nous, les hommes, en son Verbe. Dieu nous donne la prière, ce n’est pas nous qui la lui donnons… La parole de l’homme n’est donc auprès de Dieu… que si l’homme dit à Dieu ce que celui-ci veut entendre de lui. Dieu ne veut pas entendre une parole inventée par l’homme, il ne veut pas que l’homme s’énonce lui-même. L’homme ne devrait pas croire que Dieu dépend de sa personne et qu’il a besoin d’explications à son sujet. Dieu ne veut entendre que la réponse à sa propre parole. Il est vrai que toute la personne de l’homme  peut être contenue dans cette réponse, il doit en être ainsi, mais cette personne n’intéresse Dieu que dans la mesure où elle est tout entière réponse à sa  parole (Jn 1,3).

 

326. Les abus

(Le Seigneur) permet le culte de sa royauté et de son coeur, bien qu’il sache qu’on va en abuser… Ce ne sont pas les abus possibles qui sont déplorables dans l’Eglise, mais avant tout l’orgueil spirituel se croyant supérieur à de tels abus. Aux vrais chrétiens il revient de mettre en évidence le vrai sens des signes de l’Eglise (de toutes choses dans l’Eglise) (Jn 19,23).

 

327. Canonisations

Un saint préférera de beaucoup ne pas être canonisé; mais par amour de l’Eglise, qui fonde tout sur l’amour du Seigneur, il se réglera sur cette mesure de l’Eglise et sur sa décision (Jn 20,6-7).

 

328. Présence

L’Esprit Saint est le fluide invisible omniprésent, qui traverse tout et unit tout. Étant communication et don de Dieu au monde, il est en nous ce qui reçoit ce don de Dieu. En lui, nous sommes ouverts à Dieu, nous professons et confessons Dieu; de même qu’il est l’objet que Dieu nous donne, il est en nous le sujet qui l’accueille… Il est entre Dieu et nous l’invisible médiation qui nous transmet par l’intensité de sa présence dans la foi l’expérience de l’union suprême comme amour. Par cette présence invisible entre le Père et le Fils, comme entre Dieu et le monde, il est vie véritable et réalisation de l’amour (Jn 1,6-8).

 

329. Nécessité

Le Christ est dans le Père : cela ne le limite pas d’être dans le Père, c’est une nécessité fondée dans leur amour mutuel (Jn 14,20).

 

330. L’inconscient

L’Esprit veille sur tout l’inconscient de l’âme et le met au service de l’intention divine… Il sait même faire jaillir de n’importe quelle situation humainement insoluble – par exemple un mariage stérile – une source nouvelle, quelque chose qui en Dieu trouve son sens et sa vitalité (Jn 14,16).

 

331. L’événement

Les hommes croyaient frapper le Seigneur afin de s’en débarrasser à jamais; mais en le frappant, ils déclenchèrent tout l’événement de la rédemption (Jn 15,20).

 

332. L’aveugle

La foi. C’est comme un aveugle qui se promène. Il sait que le paysage est là, il sent les rayons du soleil. Bien qu’il ne voie rien, il sait. Pour le moment, il a la mission de vivre là, mais de passer dans l’au-delà (Jn 18,36).

 

333. L’ardente lumière

Toute la création de Dieu, que nous considérons comme l’expression de sa puissance, n’est pour lui qu’un détail minuscule à travers lequel il veut nous faire comprendre ce qu’il est. Au ciel, cette ébauche sera élargie, nous verrons ce qu’est son royaume et finalement ce qu’il est lui-même; mais cette vision, elle aussi, ne sera jamais exhaustive et continuera de s’accroître dans une marche sans fin. Pourtant il ne sera pas humiliant de comprendre toujours plus de choses de lui parce que son être même est l’éternel toujours-plus et que, par cette connaissance, nous deviendrons de plus en plus capables de nous laisser combler par la surabondance de son ardente lumière (Jn 1,4).

 

334. Marie

Marie. C’est le Père qui l’a choisie et prédestinée, le Fils a passé par elle, mais l’Esprit repose constamment sur elle… Elle ne cesse de vivre en Dieu… Dans l’Esprit, elle devient la compagne de  son Fils qui accomplit tout ce qu’il fait dans l’Esprit et par l’Esprit (Jn 2,1-12).

 

335. Le Fils sait

L’Esprit est envoyé par le Fils d’auprès du Père parce que le Fils sait que l’Esprit est disposé à se faire envoyer (Jn 15,26).

 

336. Nicodème

Nos péchés ont lié le corps du Seigneur. Nicodème l’a fait symboliquement pour le corps mort du Seigneur, sans le savoir (Jn 19,39-40).

 

337. La gloire

Le signe spécifique du chemin du Seigneur, c’est qu’on ne le choisit pas soi-même… Une personne pourrait avoir l’idée de rester vierge, de mener une vie de pénitence et de fonder un oeuvre ecclésiale. Mais si son idée n’était pas fondée sur un appel du Seigneur, tout se référerait à sa propre personne et ne servirait qu’à sa propre gloire (Jn 15,16).

 

338. Indulgence

Nous pouvons et nous devons souvent être indulgents envers les autres, voire même envers nous-mêmes, excuser les fautes et les couvrir, montrer la direction fondamentale de la vie chrétienne vers Dieu et ne vouloir que le bien (Jn 8,44).

 

339. Mouvement

Quand le Fils quitte le Père, cela implique qu’il retournera auprès de lui. De même maintenant, quand il quitte les hommes, son départ contient la promesse de son retour. Il est toujours en train de partir et de revenir… Auparavant il est parti du Père pour retourner à lui en passant par le monde; maintenant, il va du monde au Père pour revenir du Père au monde. Son être alors nous demeure difficilement accessible et nous ne le comprendrons jamais. Mais le mouvement du Fils quittant le Père et retournant à lui est le mouvement essentiel; c’est à l’intérieur de ce mouvement que se réalise le mouvement qui le mène du monde au Père, et il revient au monde dans l’eucharistie (Jn 14,28).

 

340. Mouvement

La vie tout entière doit être un mouvement inlassable de l’homme vers Dieu (Jn 19,5).

 

341. N’ayez pas peur

« N’ayez pas peur, c’est moi : c’est moi qui ai la responsabilité (Jn 6,20).

 

342. Le mystère d’amour entre les parents

Bien des choses dans la mission du Seigneur, sont incompréhensibles : le fait qu’il a pitié des hommes tout en exigeant trop d’eux pour ainsi dire, qu’il daigne avoir des disciples et des successeurs, et bien d’autres choses encore dans sa vie… (Bien des choses surtout sont incompréhensibles vers la fin de sa vie). Bien des choses dans cette fin se jouent uniquement entre le Père et le Fils et ne nous sont pas accessibles comme ce qui précède. Tout l’évangile débouche sur cette fin inexplicable, sur cette apothéose d’amour. Ce mystère d’amour entre le Père et le Fils, qui à ce moment domine tout, ressemble en quelque sorte au mystère des parents. Bien que les enfants vivent dans l’espace de l’amour parental, ils n’en aperçoivent pas tout, ils ne participent pas à ce qui fait l’intimité des parents. Ils savent peut-être qu’il y a des choses auxquelles ils n’ont pas accès, quoique ces choses ne diminuent nullement l’amour des parents à leur égard. Car ils vivent de cet amour mutuel des parents, et pas seulement de l’amour distinct du père ou de la mère pour l’enfant. Nous aussi, nous vivons à la manière des enfants dans ce mystère entre le Père et le Fils, sans vraiment le connaître. Mais ce n’est pas parce que nous en sommes privés que nous ne le connaissons pas, mais parce que nous ne sommes pas encore mûrs pour le comprendre. Plus tard, les enfants devenus adultes devineront quelque chose des secrets de leurs parents; et nous aussi, nous progressons dans la connaissance de l’amour de Dieu (Jn 13,1).

 

343. Prisonnier

Le Seigneur se livre aux mains des pécheurs. Ils se croient libres et ils le croient prisonnier. C’est lui qui va par là les libérer eux-mêmes (Jn 18,12).

 

344. L’Esprit Saint

Que Dieu puisse et veuille se révéler au monde suppose une unité vivante de Dieu et du monde, ayant son fondement dans l’unité vivante de l’Esprit entre le Père et le Fils. Par sa révélation, Dieu sort de son silence… et se manifeste dans le Verbe. Et que non seulement il parle à partir de lui-même mais qu’il soit encore compris et accueilli par nous, cela relève de l’Esprit Saint, qui est la source de toute union vivante (Jn 1,2).

 

345. Communion

Pour celui qui a reçu l’eucharistie, le Seigneur demeure accessible même en dehors de la réception visible de l’hostie : l’union avec le Seigneur ne se limite pas à la communion distribuée par le prêtre, elle s’étend au-delà d’elle-même : le rassasiement qu’elle procure suscite en même temps la soif d’une autre communion, d’une communion continuelle. Et cette soif d’amour est la vie des chrétiens en Dieu, le don de la vie éternelle que nous a apporté ce pain venu du ciel. De même que quelqu’un a la foi même quand il ne récite pas le credo, de même continue-t-on à vivre en communion avec le Seigneur même lorsqu’on n’a pas réellement en soi l’hostie sacramentelle. Comme il existe un état de foi, il y a aussi un état de communion (Jn 6,32-33).

 

346. Le pardon

Le Seigneur pardonne lorsque le prêtre pardonne. Il ne dit pas qu’il ne pardonnera pas aussi à d’autres qu’à ceux qui se confessent. Mais lorsque le pardon est accordé par le prêtre, il l’est aussi par le Seigneur. Le prêtre donne l’absolution au nom du Seigneur (Jn 20,23).

 

347. Un langage sans paroles

Dieu nous parle de deux manières. Il y a une parole de Dieu sans voix dans les événements de ce monde et de notre vie. Quand Dieu prend à un homme ce qu’il aime le plus, il lui parle dans un événement… Mais l’homme n’accepte pas cette parole silencieuse, il veut toujours des explications, il se comporte ainsi parce qu’il n’a pas l’amour qui lui permettrait de comprendre le langage muet de Dieu… Aussi Dieu s’est séparé de sa Parole et l’a envoyée dans le monde et a fait don aux hommes de sa Parole exprimée (Jn 1,1).

 

348. Le fils du patron

Le Seigneur Jésus est comme le fils d’un patron qui s’offre pour vivre avec les pauvres ouvriers de son père, pour expérimenter si l’on peut vraiment vivre avec ce salaire, si l’on peut vraiment vivre avec ces conditions de travail. Il laisse auprès de son Père son héritage – si bien que, sur la croix on ne sait plus du tout s’il en possède un -, il renonce à sa divinité, il ne prend avec lui que ce nous possédons par la grâce : la foi, l’amour, l’espérance; il vit dans les mêmes conditions que nous.  Et il apporte la preuve qu’on peut vivre une parfaite vie chrétienne dans ce monde avec ses limites, ses obscurités et sa mort. Il nous montre que, dans l’horizon fermé de cette existence, on peut mener une vie parfaitement ouverte sur Dieu, une vie qui attend tout de Dieu seul… Il vit notre vie temporelle dans le Père. Par là, il est le parfait chrétien, comme tel il a habité parmi nous (Jn 1,14).

 

349. Offrir sa vie

Si quelqu’un offre sa vie pour ses frères… Dieu est invité et autorisé alors à disposer librement de la vie de cet homme et aussi de sa mort, avant tout de sa mort intérieure dont Dieu détermine la forme. Dieu peut alors lui enlever même ses biens spirituels innés auxquels il est attaché. Il se peut qu’il ait un caractère joyeux et que Dieu lui donne affliction et solitude, il se peut qu’il soit gâté intellectuellement et que Dieu lui enlève ses relations raffinées en l’envoyant par exemple comme missionnaire dans des pays où ses talents intellectuels ne peuvent guère s’épanouir. A la suite d’une telle offre, Dieu oblige volontiers l’homme à faire ce qu’il n’aime pas faire. Il accepte ce sacrifice qui consiste à donner sa vie pour ses frères, en substitution… Presque toujours il exigera ce que nous n’attendons pas et nous ne saurons jamais pourquoi il exige précisément cela de nous. Car la substitution implique toujours l’imprévu, signe caractéristique de tout sacrifice total (Jn 15,14).

 

350. Pharisien

Les pharisiens : ils sont remplis de l’amour d’eux-mêmes (Jn 9,39).

 

351. Le petit et le grand

Tout ce qui est petit dans la vie du chrétien a part à ce qui est grand… Jésus accomplit une petite prophétie (s’asseoir sur le petit d’une ânesse); par là il réalise quelque chose de grand : la volonté du Père (Jn 12,14-15).

 

352. Une fois mais pas deux

Le Seigneur a appelé une fois, il n’appellera pas une seconde fois. Qui l’a une fois rencontré sûrement ne peut pas le quitter, car il se peut très bien que la première rencontre demeure aussi la dernière et que l’appel ne retentisse pas une deuxième fois (Jn 6,66).

 

353. Elle a tous les droits

La foi chez l’homme a droit d’asile; si elle n’est pas accueillie, elle dépérit forcément… Elle veut être accueillie comme ayant et exigeant aussitôt tous les droits, car c’est l’âme tout entière qu’elle veut conduire à Dieu (Jn 18,34).

 

354. Les bien-aimés de Dieu

Ceux qui viennent au confessionnal sont déjà les bien-aimés de Dieu, les enfants du Père et les frères du Seigneur : dans leur repentir, ils ont un pressentiment de l’amour… La confession consiste avant tout dans le fait qu’on est lavé par le Seigneur et, seulement en second lieu, qu’on s’accuse de ses péchés… La confession dans l’Eglise ne doit pas être publique. La seule chose publique, c’est que chacun sait de l’autre que lui aussi doit se confesser… Et ceci encore est l’image du purgatoire où, avant d’être admis au banquet céleste, on fait l’aveu ultime et définitif de ses fautes… La confession doit aussi amener le chrétien à se mettre totalement à la disposition du Seigneur… Qui vient de se confesser aime plus qu’avant, se montre plus disposé à aimer, non seulement le Seigneur mais aussi son prochain (Jn 13,3-5).

 

355. Les besoins de Dieu

Pour recevoir Dieu, il faut être prêt à faire place à Dieu, que que soit ce qu’il peut être, faire ou demander. On ne voit presque jamais au début ce que Dieu sera pour quelqu’un. Pour recevoir Dieu, il faut essayer de ne pas se refuser, et une confiance aveugle… Si Dieu prend réellement tout à un homme, ce serait sûrement parce qu’il a besoin de tout. Recevoir Dieu, c’est se donner soi-même à Dieu, même si notre don consiste dans un abandon de nos ténèbres à sa lumière… Etre disposé à se laisser traverser à fond par sa lumière, à correspondre toujours plus aux dons comme aux exigences de l’amour de Dieu. Le regret de l’homme de ne pouvoir offrir à Dieu que le peu qu’il est capable de faire pour le moment correspond assez souvent à l’orgueil qui s’imagine être fait pour quelque chose de meilleur. Mais ce n’est pas la capacité personnelle d’accueil qui est la mesure de la mission, ni non plus la somme de ce qui en nous serait susceptible d’être utilisé et transformé. La mesure est uniquement le besoin de Dieu. S’offrir toujours plus dans l’humilité aux nécessités de Dieu n’est pas interdit à l’homme (Jn 1,10-11).

 

356. Les outrages et l’amour

Le but de la rédemption, c’est ceci : que nous soyons là où se trouve le Seigneur, que le Seigneur ait accompli ce qu’il a promis au Père, c’est-à-dire lui rapporter du monde davantage d’amour qu’il n’en a reçu d’outrages (Jn 14,3).

 

357. Les fruits

Dans le Seigneur, il n’y a pas de stérilité. Même dans un mariage sans enfants, le corps ne demeure pas stérile; s’étant mis au service du Seigneur, celui-ci lui indiquera d’autres possibilités de porter du fruit. Il y a le fruit du mariage et il y a le fruit de la continence (Jn 15,16).

 

358. L’acte suprême

Abraham a, pour la première fois ici-bas, compris l’amour de Dieu, en accomplissant par amour l’acte suprême de livrer ce qu’il possédait de plus cher ici-bas à l’amour de l’au-delà. Le Père consomme ce sacrifice en immolant et en livrant ici-bas ce qu’il a de plus cher dans l’au-delà (Jn 5,27).

 

359. L’antichambre

Puisque nous arrivons dans l’au-delà avec bien des choses qui sont encore terrestres et qui déplaisent à Dieu, il y a le feu du purgatoire. Tout doit y brûler de ce qui en nous ne correspond pas à la grâce du Seigneur : notre disposition foncière pour le péché, toutes ces suites de notre état de pécheur sur la terre. En nous préparant une demeure chez le Père, le Seigneur nous prépare aussi une antichambre où, une fois entrés, nous pouvons nous purifier. Ici, il faut se défaire de tout égoïsme : aussi bien de l’égoïsme qui s’occupe de son propre péché (car il faudrait ne nous occuper que de l’amour de Dieu et du prochain) que de l’égoïsme qui considère les fautes du prochain au lieu de le regarder à la lumière de l’amour du Seigneur… Celui qui se trouve en état de purification ne s’aperçoit ni du prochain, ni de ses fautes, il n’est occupé que de Dieu et de lui-même. Il n’apercevra à nouveau le frère qu’au moment où lui-même sera si totalement purifié par l’amour du Seigneur qu’il deviendra capable de le regarder avec les yeux du Seigneur. C’est alors qu’il sera capable de supporter le prochain sans envie ni critique, dans sa demeure qui diffère de la sienne, de comprendre la diversité des voies du Seigneur et de les admettre par amour, de se réjouir du caractère différencié des demeures auprès du Père (Jn 14,2).

 

360. Échec et réussite

Ni l’échec ni la réussite de l’homme n’amènent le Seigneur à réduire ses exigences. Rien dans la vie des chrétiens n’est mesuré par le Seigneur selon les critères de la réussite ou de l’échec humains. On ne reçoit pas, parce qu’on a échoué, une tâche moindre, ni une plus importante parce qu’on a réussi; dans les deux cas, seul le « toujours plus » est proposé (Jn 14,10).

 

361. Une lumière

Celui qui a une fois prié et qui a donc été par là une fois dans la vérité, a en lui un germe de vérité qui est indestructible, une lumière – si petite et si oubliée soit-elle – qui est inextinguible. La prière appartient à la vérité (Jn 18,38).

 

362. L’infini

Toute mission (de chaque chrétien) va toujours plus loin, s’ouvre toujours sur l’infini, ne reste jamais en panne (sauf par le refus). Il fait partie de l’essence de l’amour de se répandre… Toutes les vocations sont possibles; l’important est que le Seigneur puisse disposer le plus largement possible de quelqu’un… Chaque parole que nous adressons à quelqu’un doit être en même temps une prière à Dieu, est en même temps une prière à Dieu (Jn 21,11-12).

 

363. Oui ou non

Il est toujours donné à l’homme la possibilité de dire oui ou non, selon son bon plaisir, à l’offre de Dieu, même quand Dieu n’a prévu pour lui qu’une possibilité (Jn 6,67).

 

364. S’ouvrir à Dieu

S’ouvrir à Dieu et ne pas trop penser au diable et à notre combat contre lui : ce serait encore une manière de se mettre au centre, au lieu d’y mettre Dieu. C’est pourquoi : être souvent indulgent pour les autres, et même pour soi-même, pardonner les fautes, ne pas les voir, vouloir ne voir que le bien et ne vouloir que renvoyer à la direction fondamentale de la vie chrétienne vers Dieu (Jn 8,44).

 

365. Touchés ou saisis

(A la messe, le Christ et les croyants ne se séparent pas des non croyants). Car le Seigneur et les croyants prient en commun pour les croyants et les non croyants. Les croyants sont ceux qui, de quelque façon, sont déjà saisis par l’amour. Quant aux non croyants, leurs attitudes présentent des nuances et des gradations infinies, jusqu’à ceux qui se ferment totalement devant le Seigneur. La plupart d’entre eux sont des ignorants, des individus qui n’ont pas encore été touchés par la vérité et par l’unité (Jn 17,23).

 

366. Intimité

C’est dans le Seigneur que nous trouvons la réalité la plus intime du prochain… Nous comporter à l’égard de tout homme de telle sorte que, dans le Christ, il parvienne au Père (Jn 5,27).

 

367. Voir le mal

Plus un homme est proche du Seigneur, plus il est capable de voir à travers les autres. Il y a aussi des hommes qui, par naïve méconnaissance du mal, ne voient pas le mensonge des autres hommes. Il y a des chrétiens naïfs qui supposent, dans leur bonne foi, qu’il n’y a que du bien chez les autres. Ils ne sont pas aptes pour l’action… Seule la connaissance qui voit le mal avec amour donne un droit à l’action, sans perdre pour autant le droit à la contemplation (Jn 1,47-48).

 

368. Une mort déconcertante

La mort du Seigneur… Aux yeux des non croyants qui sont là, cette mort semble sans couleurs. Le Seigneur aurait pu choisir une mort sublime pour contenter notre appétit de sublimité. Il ne l’a pas fait. Il a couvert sa grandeur du manteau des choses habituelles, légèrement abjectes : une mort déconcertante (Jn 19,18).

 

369. Parler de Dieu

Parler de Dieu n’est possible que dans l’amour et l’ouverture réciproques, dans la gratitude mutuelle de pouvoir donner et recevoir. Hors de l’amour, il n’existe pas de vraie théologie (Jn 3,11).

 

370. Chercher l’amour

On ne peut pas être aimé du Seigneur sans recevoir de lui une grâce, grâce qui est si réelle, quand même elle serait cachée, qu’elle ne peut échapper entièrement aux yeux d’un frère dans la foi. Si une personne nous est étrangère, mais que nous savons que le Seigneur l’aime, et si nous-mêmes prétendons aimer le Seigneur, alors cette personne ne peut pas nous rester indifférente : nous chercherons en elle l’amour du Seigneur (Jn 15,12).

 

371. Une parole muette

Toutes les paroles du Fils sont en figure sauf quand il est devenu parole muette sur la croix. La naissance du Christ au fond, c’est sa mort : nu et dépouillé devant Dieu comme l’est l’homme à sa naissance et à sa mort (Jn 16,25).

 

372. La Parole infinie

Depuis que le Christ a apporté la vérité, depuis que la Parole infinie de Dieu est devenue chair, il n’y a plus de vérité finie, il n’y a plus de vérité partielle, mais toute parole isolée de Dieu contient maintenant la Parole infinie tout entière. Tout ce qui semble être une partie contient en vérité la plénitude. Aussi désormais est-il sans importance que le Seigneur tienne des discours longs ou brefs, ou même qu’il parle ou qu’il se taise, ou que nous en comprenions peu ou beaucoup de ce qu’il dit. Tout cela n’est pas si important. Car la Parole de Dieu est chair et demeure parmi nous. La Parole infinie de l’amour a retenti en vérité. L’amour est désormais l’unique parole au monde, et tout autre parole, toute autre sentence, tout autre sens ne sont qu’une expression et une enveloppe de cette unique Parole. Toute parole finie (limitée) donne à entendre la Parole infinie de l’amour (Jn 1,17).

 

373. La foi

La chose la plus haute qu’on puisse offrir à quelqu’un, c’est de lui transmettre la foi (Jn 10,17).

 

374. Construire

Construire pour les hommes, à partir de leur vie quotidienne, un chemin qui mène à l’éternité (Jn 4,35-38).

 

375. La voie

Dieu donne à chaque homme sa voie personnelle propre et son accès à la Trinité… L’un recevra la voie de l’amour de Dieu en général, l’autre un amour particulier pour une personne divine, un troisième l’amour pour la Mère du Seigneur ou pour des saints qui lui servent de vivant accès auprès de Dieu. Chaque voie est toute personnelle, mais toutes conduisent à la Trinité (Jn 8,50).

 

376. Convictions

Les Juifs refusent le mystère de la naissance de Jésus : cela les obligerait à sortir du cercle de leurs convictions (J  6,42).

 

377. Marie

Il est plus facile peut-être de s’approcher de Marie. Mais là où est Marie, son Fils aussi est déjà là, et elle nous le montre. Personne ne vient au Fils sans y être conduit par le Père. Personne ne vient à la Mère sans qu’elle montre le Fils (Jn 21,25).

 

378. Vie éternelle

La vie éternelle ne commence pas seulement après la mort; elle commence dès à présent dans la foi, l’amour et l’espérance (Jn 6n47).

 

379. Allaitement

Ce n’est pas contraire au respect si une mère, comme il est d’usage en certaines contrées, allaite son enfant à l’église, car Marie aussi a allaité son Fils durant la prière (Jn 20,30).

 

380. Une aventure insensée

Nous avons reçu une invitation si pressante à faire ce chemin (vers le Père avec le Christ, qu’en fin de compte il importe peu que nous disions oui ou non, car nous sommes obligés de nous y engager, ni plus ni moins. Comme si le Seigneur montrait une montagne très haute et annoncerait qu’il monterait là-haut et que tous, nous irions avec lui. Il ne demande pas qui en a envie ou non, qui espère réussir et qui désespère de jamais y arriver. La seule chose qu’il nous laisse entendre, c’est qu’il n’aura point de cesse que tout le monde soit arrivé là-haut : les bons alpinistes aussi bien que les boiteux et les malades incapables de faire trois pas, ceux qui aussitôt sont prêts à marcher avec lui que ceux qui d’emblée estiment qu’une telle exigence ne les regarde pas. Par la témérité apparente du Seigneur et son insouciance, tous se voient entraînés dans une aventure qui semble insensée, dirigés vers une hauteur à laquelle un homme raisonnable n’aurait jamais osé songer, où normalement il ne pourrait même pas respirer. Et c’est précisément cette chose excessive qui est à présent l’exigence absolue adressée à chacun (Jn 14,28).

 

381. Contemplation

La prière, c’est ce que l’homme offre à Dieu. La contemplation est ce que Dieu montre à l’homme (Jn 19,41).

 

382. Non

Celui qui est coupé de Dieu parce que, sur un point précis, une ou plusieurs fois dans sa vie, il a dit non à Dieu, peut-être jusqu’à sa mort, alors qu’extérieurement il participe à tout ce que l’Eglise lui demande, mais intérieurement, dans la grande question essentielle que Dieu lui a posée, il a échoué (Jn 15,6).

 

383. Le Père

« Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » Si le Fils est abandonné du Père, que nul ne songe que le Père, lui aussi, ne soit pas abandonné du Fils. Car si le Fils ne peut plus atteindre le Père, il est impossible que le Père puisse encore atteindre le Fils. Le Père aussi est abandonné à la croix et séparé de son Fils. Il en est ainsi parce que l’amour est une unité et que, dans l’amour, il est impossible que l’un soit frappé sans que l’autre le soit aussi (Jn 8,18).

 

384. Eucharistie

Le Seigneur a souligné une fois pour toutes que le Père est en lui, que celui qui le connaît aussi le Père, et cela avant tout dans l’eucharistie (Jn 8,19).

 

385. S’offrir à Dieu

Une personne pourrait par exemple s’offrir à Dieu sans partage avec toutes ses possibilités : ses biens, ses talents, ses amis, etc., et en attendre du Seigneur une certaine récompense, comme la « sagesse » ou la constance dans la foi et l’amour. Elle s’est imaginé une sorte de justice entre elle et Dieu. Mais il se peut que Dieu ne veuille pas d’un tel pacte et qu’il la laisse plutôt dans l’inquiétude, l’aridité, l’obscurité et l’angoisse. Pourtant cette personne doit savoir, bien que cette justice qu’elle s’est imaginée, ne se réalise pas, qu’une justice bien supérieure s’accomplit entre elle et Dieu; elle qui croyait donner se trouve devant Dieu les mains vides et, quoiqu’elle ne voie point les dons de Dieu, elle n’en reste pas moins comblée au-delà de toute mesure. Dans la justice telle que Dieu la conçoit, elle n’a jamais le droit d’attendre quelque chose de précis, parce que tous les dons de Dieu, tant ceux qu’il donne que ceux qu’il réclame, sont indéfinissables et indéterminables. Dieu veut l’offre parfaite, sans condition et sans clause, et il y choisit ce dont il a besoin. Et de son côté il donne tout, c’est-à-dire exactement ce qui est dans son intention. Et il donne tout comme il veut le donner, c’est-à-dire justement pas comme l’homme l’attend, parce que l’attente de l’homme est toujours conditionnée par la nature humaine, par son péché et ses limites. L’attente de l’homme devrait consister à n’attendre rien de précis. S’il aime vraiment Dieu, il attend tout de lui, même s’il ne voit rien (Jn 16,10).

 

386. Intercession

Le Seigneur ne se tient devant le Père que dans une attitude d’intercession pour tous ceux qui lui sont confiés. S’il remet son âme au Père, il remet toujours aussi celle de ses frères (Jn 8,2).

 

387. Le péché

Le péché consiste à ne pas vouloir apprendre sa vérité de Dieu, ni la lui confier, mais à vouloir la posséder pour soi-même… Le péché ne consiste en rien d’autre que dans le désir de ne pas se voir tel qu’on est (Jn 5,30).

 

388. Etre actif dans le purgatoire

Au sein de la passivité du purgatoire, le pécheur ne peut pas ne pas participer : lui-même doit se montrer, se tenir dans le « feu », se presser au-devant de l’amour (Jn 8,16).

 

389. Le cultuel

Culte du Sacré-Cœur et du Christ-Roi : on peut aussi dans l’Eglise laisser ce qui est vivant se durcir dans le cultuel (Jn 19,21).

 

390. Des chemins impraticables

Dieu peut atteindre son but par tous les chemins, même par ceux qui nous semblent impossibles et impraticables (Jn 6n8-9).

 

391. Pureté

La purification a lieu quand quelqu’un s’abandonne à ce que le Seigneur exige de lui, même s’il ne le comprend pas (Jn 15,3).

 

392. Suicide

La raison de l’interdit catégorique de l’Eglise concernant le suicide : nul désespoir ne peut être plus profond que la lassitude du Seigneur sur la croix. Entre la foi et le suicide, il existe une contradiction irréductible (Jn 13,36).

 

393. Proche ou lointain

On n’a pas à se demander si le Seigneur est proche ou lointain (dans la prière, dans la méditation) parce que « là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26).

 

394. Le geste d’amour

Le geste d’amour humain, tel que le Seigneur l’envisage, est toujours un début d’amour divin, même s’il agit en dehors de l’Eglise; il s’adresse toujours à un Seigneur que l’on pressent mais qu’on n’a pas encore rencontré (Jn 1,22-23).

 

395. La vérité de l’homme

Ce qu’un homme est en vérité, c’est le regard de Dieu sur lui qui en décide et qui, grâce au Fils, est un regard d’amour et non de justice (Jn 5,31).

 

396. La joie

Le Seigneur veut que nous vivions dans la joie. Il veut sans doute aussi que nous passions par la souffrance et la tribulation. Mais le sens fondamental de notre christianisme est qu’il est orienté vers la joie. Il faudrait que les chrétiens ressemblent à des balles que l’on peut presser et enfoncer, mais qui reprennent toujours d’elles-mêmes leur forme sphérique. L’état fondamental qui se reconstitue sans cesse, ce doit être la joie. Dans le mariage et dans l’amitié, dans les relations humaines et dans l’Eglise, partout, le chrétien vit dans la joie, sans exubérance comme sans jalousie, dans une joie qui respecte la joie des autres, dans la joie chrétienne (Jn 15,11).

 

397. Hiérarchie des valeurs

Comme le Père est placé avant le Fils sans qu’il y ait par là une gradation en Dieu, ainsi  y a-t-il dans l’Eglise une priorité du sacerdoce par rapport au laïcat sans que par là soit suggéré une hiérarchie des valeurs (Jn 17,8).

 

398. Marie et Jean

Marie et Jean : le Seigneur n’a pas demandé leur accord pour les unir comme mère et fils. Étant vierges tous les deux, ils appartiennent au Seigneur qui dispose d’eux à sa guise (Jn 19,27).

 

399. Amour

Dans l’amour, le meilleur est toujours ce que l’autre désire (Jn 21,16).

 

400. Etre content

« Quel signe nous donnes-tu (pour avoir le droit de chasser les vendeurs du temple)? … Une foi qui n’est bâtie que sur une vision n’est pas une foi. La foi ne s’épanouit jamais sur un calcul. La foi peut naître sans doute d’un miracle, mais personne n’a le droit de faire dépendre sa foi d’un tel signe… De même qu’aucune grâce ne nous donne le droit d’exiger d’autres grâces… Etre content de ce que Dieu nous donne (Jn 2,19).

 

401. Le choix de Dieu

Tout chrétien doit, à un moment donné, se demander à quel état de vie il est appelé; chacun devrait se mettre une fois à la disposition de Dieu… et se décider d’après le choix de Dieu (Jn 15,14).

 

402. Semence

Chaque oui à Dieu dépose en l’homme une semence (Jn 6,5).

 

403. Les enfants ont le droit de poser toutes les questions

Il n’y a aucune question du monde dont la réponse ne serait pas cachée depuis longtemps dans le Père… Toutes les réponses se trouvent auprès du Père, et le Père nous a permis, comme au Fils, toutes les questions parce qu’il n’a à craindre aucune question et parce que les enfants ont le droit de poser des questions. Le Père répond à chacune de nos questions, mais beaucoup d’entre nous n’entendent pas la réponse parce qu’ils ne sont pas dans la situation exigée pour saisir la réponse. Je puis demander à Dieu ce que je veux; parce qu’il m’a donné la possibilité et la force de l’interroger, il s’est obligé aussi à me répondre. Mais sa réponse peut être incomprise et interprétée comme non proférée et inexistante parce que l’homme ne l’entend pas. Le silence lui-même est aussi une réponse. Il se peut aussi que la réponse de Dieu fait entendre quelque chose que l’homme n’attendait pas du tout. La réponse est adéquate, c’est l’homme qui ne l’est pas. Et nous cherchons faussement une explication parce que nous ne sommes pas en mesure de saisir immédiatement la parole prononcée. Le péché nous empêche de comprendre (Jn 1,15).

 

404. La langue maternelle

« Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ». Par ces paroles, le Seigneur indique une fois de plus son union totale avec le Père… Du moment que le Père habite en lui, il ne peut jamais agir comme s’il était seul. Il tient toujours compte du Père : il est en lui, il lui obéit, il lui appartient. Lorsqu’il parle, c’est toujours en accord avec le Père, plus encore, il est mandaté par le Père. Certes il n’est pas question que toute parole doive d’abord être pesée avec le Père. Mais il vit dans la mission du Père, c’est elle qui l’accompagne et détermine tout ce qu’il fait et dit. Il parle le langage du Père, comme les hommes parlent leur langue maternelle… Il a renoncé à parler son propre langage personnel. Toute sa vie, il l’a remise si totalement entre les mains du Père qu’il ne voit aucune possibilité de dire et de faire autre chose que ce que dit et fait le Père (Jn 14,10).

 

405. Devant ou derrière

Le péché : mieux l’avoir derrière soi (on peut alors se repentir) que devant soi : on a encore l’intention de le commettre (Jn 17,12).

 

406. Dieu impuissant

Tout en regardant Dieu comme tout-puissant, les juifs le tiennent en quelque sorte pour impuissant, parce qu’ils ne lui accordent pas la seule chose dont tout le monde est capable : avoir un  fils. Pour eux, il mérite la mort, parce qu’il s’est dit Fils de Dieu… Et même si Dieu avait un Fils (ce qui est impossible), il serait plus impossible encore qu’il lui permît de s’abaisser jusqu’à la bassesse de la nature humaine. Il aurait dû, sans conteste, le lui interdire… Pour eux, seul un Dieu lointain peut être le vrai Dieu (Jn 19,7).

 

407. La chose primordiale

Ce qui distingue la foi chrétienne d’un autre enrichissement de connaissance et de savoir, c’est qu’elle est vivante et se développe jusqu’à devenir la chose primordiale de l’homme et que l’homme lui-même soit devenu secondaire (Jn 17,6).

 

408. L’éveil du désir

L’Esprit Saint est d’abord quelque chose qui remplit l’homme et l’incite à chercher Dieu. Il est ce qui éveille le désir de Dieu et donne donc aussi la joie liée à ce désir, la joie en Dieu, le plaisir d’aller vers Dieu, l’aspiration à être ouvert à Dieu. Il est consolation en ce sens qu’il est éveil de tous les sens spirituels. Et toutes les beautés du monde peuvent éveiller en  nous cette envie de Dieu, rendre vivante en nous la question de Dieu… (Jn 3,8).

 

409. L’amitié

L’apôtre Jean forme un pont entre nous et le Fils par son amour totalement humain et amical pour le Seigneur. On ne doit pas mépriser l’amitié authentiquement humaine comme chemin vers Dieu, ni mettre d’opposition entre l’amour des amis et l’amour du prochain. Car puisque nous sommes des hommes et que nous sommes placés dans un cadre humain, notre amour chrétien s’étend aussi à l’amitié… (Jn 1,18).

 

410. Mesurer la foi des autres?

On ne peut pas juger de l’intensité de la foi des autres. Avant tout il ne faut pas la faire dépendre des manifestations extérieures de piété. Ce n’est pas parce qu’un chrétien reçoit peu souvent les sacrements que sa foi aussi soit refroidie. Il peut y avoir des chrétiens qui vivent profondément de la foi sans aller souvent à l’église, simplement parce qu’ils la connaissent peu. Et à l’inverse la foi est souvent menacée par la fréquentation habituelle de l’église parce qu’elle se sent par là trop assurée (Jn 10,28).

 

411. Un demi-oui

Quand on a commencé par dire à Dieu un demi-oui, un oui encore fort égoïste, Dieu s’installe dans notre demi-oui pour le transformer (si nous l’acceptons) en un oui complet. Un oui humain n’est jamais un oui complet. Dieu s’arrange pour en faire un oui complet. Cette pensée ne doit pas nous conduire à nous reposer dans la tiédeur, mais peut nous consoler réciproquement au sujet des autres. Le Seigneur achèvera en eux ce qu’ils n’ont pas commencé d’une manière tout à fait excellente. C’est pourquoi un homme qui ne cherche encore le Seigneur qu’avec la moitié de son coeur ne doit pas recevoir tout de suite toute la lumière sur toutes les exigences, sur toute la sévérité du christianisme (Jn 1,12).

 

412. L’important

Celui qui vit dans la lumière ne cherche qu’à s’effacer devant le Seigneur. Celui qui vit dans la nuit cherche à se rendre lui-même aussi important que possible (Jn 13,30).

 

413. L’inconnu

Les apôtres doivent recevoir l’Esprit. Le Seigneur ne leur demande pas leur avis. Et l’Esprit leur est encore plus mystérieux, plus inconnu que le Fils (Jn 20,22).

 

414. L’infini de Dieu

Qu’est-ce que c’est être chrétien? S’ouvrir à l’infini de Dieu, s’ouvrir à Dieu dans la mort… Jésus couronné d’épines et couvert du manteau de pourpre. « Voici l’homme ». On le montre risible, ridicule : sa mission de roi, c’est l’échec total s’il avait été un roi terrestre. Sa royauté à lui ouvre les hommes à l’infini de Dieu (Jn 19,5).

 

415. Tout l'amour possible

Le Fils est heureux parce qu'il sait que le Père ne le ménagera pas, ne le traitera pas comme un faible qu'il juge incapable de souffrir. Il le laissera aller jusqu'à l'extrême limite au-delà de laquelle il n'y a plus rien; et le Fils lui rapportera ainsi tout l'amour possible du monde (Jn 16,32).

 

416. Confiance aimante

Ce qui est vivant dans la foi, ce qui lui confère son mouvement vers Dieu, ce qui la rend entraînante et contagieuse, c'est l'amour. Sans amour, la foi n'est qu'une opinion, une conviction théorique, l'adhésion à une quelconque proposition. Par l'amour, elle devient mouvement vers quelqu'un, don de soi à quelqu'un, confiance en quelqu'un. L'amour est la véritable école de la foi. Pour cette raison, la confiance aimante en un être humain, même l'amour qu'on lui porte, peuvent être un chemin vers la foi en Dieu; à cette école, l'esprit se dilate pour accueillir tout ce que l'aimé pourrait lui donner, même si cela dépasse son propre jugement... Finalement, seul l'Esprit Saint fait éclater la foi humaine vers l'infini de Dieu (Jn 1,22-23).

 

417. Le choix

Si tu es ouvert à l'appel de Dieu, si tu es ouvert à l'Esprit, tu ne peux pas savoir la réponse que tu entendras; tu ne peux pas savoir dans quel domaine de la mission de Dieu elle viendra à toi, ni dans quel domaine d'accomplissement elle te conduira. Il y a dans le choix de Dieu une espèce d'absence de choix. Je choisis Dieu, mais lui me choisit dans un choix qui n'est pas un choix à mes yeux. Je dis : "Ce que tu veux, Seigneur". La réponse peut être toute différente de ce que j'attendais. Une chose est sûre : c'est que je ne mets pas à la disposition de l'Esprit de Dieu sans être accepté. Si j'ai choisi de me soumettre au choix de Dieu, c'est lui désormais qui décide (Jn 3,8).

 

418. Balbutiement

La prière est une participation au fleuve d'amour qui coule entre le Père et le Fils. Chaque prière, chaque balbutiement de l'homme, est une tentative de participation au dialogue éternel entre le Père et le Fils (Jn 14,13-14).

 

419. L'Esprit et Marie

De même que l'Esprit a fait de Marie la mère du Fils, de même c'est lui qui fait d'elle la mère de tous les hommes (Jn 19,26).

 

420. "Je suis plus"

Si l'on demandait au Seigneur qui il est, il répondrait : "Je suis plus". Et si on lui demandait : "Que veux-tu de moi?", la réponse serait : "Je veux plus"... Plus nous comprenons ce qu'il dit, plus nous comprenons qu'il est plus que ce que nous comprenons, que plus grande aussi est l'exigence pour nous d'être plus, parce que nous comprenons qu'il veut toujours nous donner plus que ce que nous pouvons déjà saisir aujourd'hui (Jn 5,35).

 

421. La volonté du Père

Aucun des hommes que le Père a donnés au Fils ne doit se perdre. Avant tout, il doit les ressusciter au dernier jour : c'est ça la grande volonté du Père (Jn 6,39).

 

422. Instrument

Si un ordre de Dieu s'adresse à toi et implique une autre personne, il a toujours le sens d'un mouvement qui ramène à Dieu et t'oblige chaque fois à faire un bout de chemin avec celui qui t'est confié. Il faut le prendre là où il t'est accessible afin de le mener là où il ne peut parvenir tout seul. Tu es l'instrument de Dieu pour conduire cet homme à lui et, comme tel, tu dois être son compagnon (Jn 4,22).

 

423. Trouver sa voie

Le signe spécifique du chemin du Seigneur, c'est qu'on ne le choisit pas soi-même... Il peut, par un appel particulier, nous appeler au sacerdoce ou à la vie religieuse, mais si cet appel ne se fait pas entendre pendant un certain temps, alors il est clair qu'il a choisi pour nous la vie laïque et que nous avons à sanctionner ce choix par un acte explicite... Quant à l'homme qui s'est choisi lui-même son état de vie, le Seigneur lui donne aussi une grâce qui, dans cette voie, lui permet de vivre selon sa volonté. Ce sera toutefois une grâce de pénitence pour une vie de pénitence. Cette grâce peut être si puissante qu'elle nous permet de porter dans la joie du Seigneur la pénitence douloureuse pour notre surdité d'autrefois (Jn 15,16).

 

424. Enthousiasme

Dieu ne veut pas que ses signes, ses miracles ou ses grâces aient une quelconque fonction de soulever l'enthousiasme de la communauté.De celle-ci, il ne veut que la foi, et une foi qui contient avant tout l'aveu de sa propre impuissance (Jn 9,3).

 

425. Notre mesure

Nous réduisons à notre mesure toutes les paroles du Seigneur alors qu'elles portent toutes en elle l'infini de Dieu (Jn 18,37).

 

426. Dialogue

Même si l'homme ne veut pas entendre la Parole de Dieu, cela ne change rien au fait que le fond de son être se trouve impliqué dans un dialogue avec Dieu, qu'il le veuille ou non (Jn 1,3).

 

427. Purgatoire

Au purgatoire, l'âme est plongée dans une souffrance à laquelle d'abord elle ne comprend rien, car ce n'est que peu à peu, à travers cette souffrance, qu'elle apprend à juger la gravité de sa propre faute et en est purifiée (Jn 16,26).

 

428. Le point culminant

Le monde ne saura pas que le point culminant de cette Passion n'est pas la mort physique du Seigneur, mais son ultime délaissement où, chargé de tous les péchés du monde, il est séparé du Père. Cette séparation qui ne durera que peu de temps aura, pour le Seigneur, le poids de l'éternité. Il se sentira sur la croix délaissé jusqu'à la mort, une mort infinie et éternelle où tout instant et tout point de vue ont totalement disparu. Ce qui, pour les hommes, ne sera que peu de temps représentera pour lui une éternité (Jn 14,19).

 

429. Le chemin de la perfection

Les chrétiens n'aspirent pas avant tout à leur sainteté, à leur béatitude ou à quelque état particulier, à un degré de la prière ou à la perfection. Il n'y a que Dieu qui est leur but. Celui qui voudrait aspirer à autre chose qu'à Dieu ne chercherait finalement que lui-même. Celui qui aspire à Dieu aspire aussi au moins à lui-même. Il ne veut pas de synthèse entre moi et Dieu. Le Fils n'a jamais visé sa propre sainteté; sa sainteté, c'était de faire en tout ce que voulait le Père. Viser sa propre sainteté serait de nouveau mettre des limites (Jn 21,12).

 

430. Enfants de Dieu aux yeux fermés

Il en est beaucoup qui baignent dans la grâce sans même le savoir : enfants de Dieu aux yeux fermés (Jn 1,12).

 

431. Une orientation

Le Seigneur n'a pas besoin de punir le pécheur comme un tribunal humain doit le faire; son jugement consiste bien plutôt en ceci que la révélation du péché est en même temps la révélation de l'amour. Et lors même que le converti demeure pécheur, petit, faible, qui rechute souvent, il est converti, il est orienté vers le Seigneur pour toute une vie (Jn 8,15).


 

432. Il pourrait être utile que quelqu'un entreprenne un jour de dégager en 200 pages les thèmes majeurs des 2.000 pages du commentaire d'Adrienne von Speyr sur saint Jean. Cela pourrait rendre service à beaucoup. Un grand merci d'avance!

Patrick Catry


 

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3. L'Apocalypse

(Version 2024)


 

1. Le livre de l’Apocalypse

Le livre de l’Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament. Il a été reconnu par l’Église comme Écriture inspirée. Il est sans doute l’un des livres les plus difficiles de toute la Bible. Un livre bien hermétique pour le commun des mortels et aussi pour tous les autres, et cela depuis sa parution, il y a deux mille ans. Peut-être aussi le livre le plus profond de toute l’Écriture. Un livre infiniment complexe, à l’image de Dieu.

Pourquoi l’Apocalypse ? La révélation chrétienne n’est complète qu’avec l’Apocalypse. Ce livre nous donne de percevoir un peu mieux les profondeurs insondables de la révélation de Dieu apportée par le Seigneur Jésus, profondeurs qui n’apparaissent pas dans l’Évangile. Elles se trouvent dans l’Évangile, mais on ne peut pas les percevoir sans les révélations mystérieuses et inouïes de l’Apocalypse. L’Apocalypse, au fond, nous montre la portée de la révélation apportée par le Seigneur Jésus. Mais que peut-on comprendre de l’Apocalypse, ce livre si mystérieux ?

Parmi les œuvres d'Adrienne von Speyr, son commentaire de l'Apocalypse est l'une des plus imposantes (Édition originale : Die Apokalypse, parue en 1950 - Traduction française parue en 2015 aux éditions Johannes Verlag sous le titre : L’Apocalypse, un volume de 984 pages).


 

2. La genèse du commentaire d’Adrienne sur l’Apocalypse

Le P. Balthasar a décrit longuement la genèse de ce commentaire (Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 73-77). Pour lui, la genèse de ce commentaire est « l’un des phénomènes charismatiques les plus étonnants qui se soient produits dans l'existence d'Adrienne... Et même s’il paraît incroyable à beaucoup, je dois pourtant l’attester exactement comme je l'ai vécu au cours de l'année 1945. J’insère ici, sans y rien changer, une page de mon journal de cette époque ».

Nous étions à Estavayer au bord du lac de Neuchatel ; je prêchais la retraite qui devait constituer l’acte de fondation de notre communauté. Le soir du 9 août, après qu’Adrienne eut été longtemps dans l’angoisse, elle me dit avant une une conférence : « Venez immédiatement après dans ma chambre ». Je la trouvai dans un grand trouble. Elle ne me disait sans cesse que ces mots : « Je ne peux plus la tenir, je ne peux plus la tenir ! » Je la priai de me faire un récit suivi… Elle le fit de son mieux. De temps en temps elle s’interrompait et demandait : « Cela a-t-il un sens ? Dites-le moi si vous me tenez pour folle ».

Elle raconta que tout à coup un orage terrible avait éclaté. Éclairs, tonnerres, tremblement de terre général. Puis la grêle se mit à tomber. Elle sortit sur la terrasse pour voir ce qui arrivait, mais ne fut pas mouillée. Alors elle comprit que cet orage n'était pas un phénomène naturel. Elle ressentit une tension d’esprit singulière, car elle vit en même temps le ciel terrestre d’un soir parfaitement calme, et l’autre paysage complètement bouleversé qu’elle éprouvait intérieurement.

Ensuite elle vit subitement le ciel s'ouvrir (dans ce qui suit, j’emploie strictement les mots dont elle se servait) et aperçut dans l'ouverture une femme. Celle-ci était si rayonnante qu'elle éblouissait littéralement Adrienne, dont les yeux s'étaient d’ailleurs, dans les derniers temps, affaiblis (elle se plaignit ensuite qu’elle ne pouvait plus guère voir à cause de l’éclat éblouissant). La femme avait douze étoiles autour de la tête, Adrienne les avait comptées ; elle dit : « Je suis presque sûre qu’il y en avait douze. Elle est toute entourée de feu et se tient sur une boule. Elle était enceinte et criait tout le temps. N'entendez-vous pas comment elle crie ? N’entendez-vous réellement pas ? »

Je lui demande : « Qu’est-ce donc que cette boule sur laquelle elle se tient ? » Adrienne est comme en extase ; elle se lève, retire un soulier et tâte le sol avec son pied : « C’est la lune, dit-elle, oui, c’est sûrement la lune ». Ensuite elle voit dragon lui apparaître, il est rouge, il a sept têtes, dix cornes et sept diadèmes sur les têtes. Je lui demande ce que peut être ce dragon. « Je ne sais pas, dit-elle, il est furieux, et il est très puissant. C’est le Malin, le Diable ».

Ensuite elle regarde autour d’elle : « Que viennent donc faire ici ces coupes de sang ?... Et dites-moi donc : qu'est-ce que saint Jean a à faire avec tout cela ? De quelque manière il y est mêlé, mais sur l’image il n’est pas visible ». Elle me regarde tout à coup, mortellement effrayée : « Qui est cette femme ? Est-ce… Marie, la Mère de Dieu ? » Adrienne vient à moi et me prend les mains : « Je vous promets obéissance, une obéissance totale, je ne veux être qu’un instrument dans les mains de Dieu. Mais il faut aider cette femme, il faut la soutenir ».

Alors elle commence à m’expliquer comment on aide les femmes en train d’accoucher : « On doit les soutenir en leur tenant fermement le dos avec la main pour leur donner de la force, ou peut-être le sentiment de la force. Et on doit en même temps les tenir autour des épaules ». Elle raconte qu’elle a souvent fait cela dans la salle d’accouchement, et que c’est très éprouvant. Il faudrait faire la même chose maintenant pour la femme, mais elle-même n’en a plus la force. Que faire ? Tout est si difficile, et l’image est si morcelée. Je lui demande pourquoi. Elle dit : « Tout est si haché, si discontinu, l’orage, la grêle, la femme, la lumière éclatante, la bête rouge… C’est si fatigant, si déchirant… Ne l’entendez-vous vraiment pas crier ? »

J’ouvris alors le Nouveau Testament et lui lus l’Apocalypse 11,19 à 12,3. Elle fut complètement stupéfaite : « Qu’est-ce que c’est? » Je lui dis : « Saint Jean ». - « Mais nous n’avons pourtant pas vu cela dans l’évangile ? » - « -Non, c’est l’Apocalypse ». - « Mon Dieu, l’Apocalypse ! » Après quelque temps : « Je ne l’ai jamais lue. J’avais une fois commencé, il y a des années, mais je n’ai pas dépassé le premier chapitre. C’était simplement trop grand, trop inconcevable pour moi… Mais qui est donc cette femme ? » - « C’est Marie et l’Église étroitement unies ».

« Vous avez » raison. C’est vrai. Maintenant je comprends… Marie crie parce qu’elle prévoit le destin de son Fils. Elle ne crie pas à cause de ses propres souffrances, elle crie par avance dans la claire vision des souffrances de son Fils. En éprouvant les douleurs de l’enfantement, elle éprouve déjà une partie de la passion de son Fils. Et l’Église crie, mais sans la même prévision. Elle crie à cause de la souffrance imprévisible et du destin mystérieux de ses enfants, mais elle aussi crie par anticipation. Sous cet aspect, Marie et l’Église ne font qu’un. Que peut-on faire ? » - « Je dis : - Aider... »

C'est par là que commença cette dictée unique, vraiment apocalyptique (toutes les autres se passaient dans un calme parfait), avec des extases et des digressions perpétuelles ; elle voyait toutes les images exactement devant elle, et elle pouvait me réciter le texte correspondant sans l’avoir lu ; j’ai écrit et gardé plusieurs de ces textes récités. La dictée alla du chapitre 12 au chapitre 19 ou 20, puis vinrent les chapitres 1 à 11, et enfin la conclusion, les chapitres 20 à 22. A l'occasion du premier verset, elle développa toute une théorie de la vision spécifiquement apocalyptique et de l'état de pure objectivité dans lequel le voyant est transporté par rapport à la terre comme par rapport au ciel. Aussi éperdue et agitée qu’avait été la dictée du milieu et du commencement, aussi merveilleusement lumineuse fut celle de la conclusion.


 

Ce que les exégètes peuvent dire au sujet de tout cela est une question qui ne m'intéresse pas ici ; sur un point, je peux l’affirmer nettement : ce qu’Adrienne a vu, ce qu’elle a décrit de la manière la plus exacte, et ensuite expliqué sans connaître le texte de l’Écriture, ce ne furent pas des représentations subjectives. On peut relire les explications qu’elle donne elle-même, aussi bien dans son commentaire de l’Apocalypse que dans sa théorie de la mystique. Elle parle d’un monde d’images objectif, qui fait partie de la révélation divine et qui est distribué par Dieu de manières différentes mais analogues.


 

3. L’intérêt du commentaire d’AvS sur l’Apocalypse

Les commentateurs de l'Apocalypse se voient souvent obligés de proposer plusieurs hypothèses pour interpréter un texte. Ce qui est singulier chez Adrienne von Speyr, c'est qu'elle va toujours droit au but. Même pour les passages les plus mystérieux, elle ne dit pas qu'il y a plusieurs hypothèses d'interprétation. Pour elle, on dirait toujours qu'il n'y en qu'une. Elle est audacieuse. Elle va droit son chemin, elle affirme, sans élever la voix, tout simplement. Ce commentaire est peut-être une clef essentielle pour déchiffrer les énigmes de l’Apocalypse. Au milieu du XXe siècle, une croyante a reçu du ciel la grâce de pouvoir décoder son langage crypté, elle a traduit en langage courant les énigmes de ce livre mystérieux. Elle a reçu le don du ciel de faire de l’Apocalypse un commentaire de 984 pages.


 

Pourquoi ce commentaire offert à Adrienne von Speyr ? Pour que l’Église grandisse sans cesse dans l’intelligence des choses de Dieu, du plus savant au plus simple des fidèles. Adrienne dit quelque part : « Ne pas en rester à une connaissance superficielle de Dieu, sans chercher à aller plus loin ». Adrienne a le don de parler de Dieu avec doigté.

Dans le Nouveau Testament, les évangiles nous renseignent sur la vie de Jésus, sur son enseignement, sur sa mort. Les Actes des apôtres nous offrent un aperçu sur les premiers temps de l’Église, avec l’Ascension et la Pentecôte. Qu’est-ce que les apôtres pouvaient comprendre au départ de Jésus et le jour de la Pentecôte ? L’essentiel sans doute et en même temps pas grand-chose sur la portée de ce qu’ils avaient vu, entendu et vécu. Les lettres des apôtres sont des écrits de circonstance ; elles nous font connaître par bribes quelque chose de ce qu’ils avaient compris du mystère qu’ils avaient vécu. A la fin du Ier siècle, l’Apocalypse dévoile de manière unique la portée infinie des événements : et ce qui se passe au ciel et ce qui se passe dans l’au-delà et ce qui se passe sur la terre et ce qui se passe dans les enfers. Il nous offre une connaissance toujours plus grande de l’infini de Dieu ; il nous offre sans cesse de nouvelles ouvertures sur cet infini. Tout n’est pas facile dans le commentaire d’Adrienne, toutes les pages n’ont pas le même intérêt, mais il y a là des trésors pour la foi.


 

4. Un travail à faire

Comparer le commentaire d’AvS avec tous les commentaires de l’Apocalypse parus depuis deux mille ans.


 

5. Un appel

Quel citoyen de moyenne constitution va se procurer ce monument de 984 pages et prendre le temps de le lire ? Il serait donc fort utile que quelqu'un entreprenne un jour d’en dégager en un petit livre de cent-vingt pages par exemple les thèmes majeurs et les textes les plus parlants pour la foi des croyants. Cela pourrait rendre service à beaucoup et à toute l’Eglise.


 

6. Une promenade

Ci-dessous, pêle-mêle, un échantillon d'extraits de ce commentaire, une promenade dans les jardins de l'Apocalypse avec Adrienne von Speyr. Ni un condensé, ni une somme, de ces sommes sur Dieu qui peuvent être "écrasantes d'ennui" (Cf. L. Bouyer, Le Père invisible, p. 304). "Plus nous approchons de la déité dans sa source, le Père, et plus toute prétention à donner un système de la théologie est dérisoire" (ibid., p. 375).


 

En deux parties :

1. Textes traduits de l‘allemand avant la parution de la traduction en français

2. Textes choisis dans la traduction française publiée en 2015.

P. Catry


 

Première partie : textes traduits de l‘allemand avant la parution de la traduction en français

1. Le visage de Dieu

Ap 22,4. Ils verront son visage et son nom sera sur leurs fronts.

Le visage de Dieu : sa vision sera la réponse de Dieu au service de ses serviteurs, son ultime récompense. La plus grande grâce que Dieu donne aux siens est qu'il dévoile son visage qui jusqu'alors n'était connu que du Fils et de l'Esprit.

Dans l'Ancien Testament, dans toute prophétie, Dieu a commencé à dévoiler son visage ; de même quand il laissa son Fils devenir homme... La contemplation vide l'homme pour qu'il y ait en lui de l'espace pour la Parole de Dieu. La contemplation nous conduit toujours plus loin vers Dieu et rien de ce qui sur terre est montré dans la contemplation n'est renié au ciel, au contraire tout est dilaté jusqu'à la pleine vision de Dieu.

 

2. Révélation

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

Évangile : révélation de Jésus Christ sur la terre. Apocalypse : révélation de Jésus Christ dans le ciel : le Père lui montre (et à son serviteur Jean) l'étendue du domaine du Fils : tout, au ciel et sur la terre. A l'extrême fin de l'amour du Fils, après la mort et le samedi saint, commence la révélation du Père au Fils. Le Père montre quelque chose au Fils...

Toute vision authentique fait partie d'une mission...

Il est pensable qu'un mystique qui se trouve dans la même pièce qu'une autre personne ait en même temps la vision d'un être céleste. Il verrait en même temps et de manière tout à fait objective les deux : la personne terrestre et l'être céleste, bien que l'autre personne ne voie pas l'être céleste... (NdT. Cela fait partie de l'expérience d'Adrienne von Speyr elle-même).

 

3. Enfer

Ap 5,3. Mais nul, dans le ciel, sur la terre ni sous la terre, n'avait le pouvoir d'ouvrir le livre ni d'y jeter les yeux.

Les enfers : ceux qui viennent d'y entrer ou ceux qui vont bientôt les quitter. Ceux qui sont totalement endurcis et ceux qui sont presque sauvés. Dans les enfers, le pécheur, durant le temps de sa purification, est seul devant le Seigneur et son propre péché.

 

4. Entendre la voix du Seigneur

Ap 22,17. L'Esprit et l'épouse disent : Viens! Que celui qui entend dise : Viens! Que celui qui a soif vienne, que celui qui le veut reçoive de l'eau vive, gratuitement.

Personne ne peut dire qu'il n'a pas entendu la voix du Seigneur. En accomplissant sur la croix l’œuvre de la rédemption, le Seigneur s'est acquis le droit de donner à tout croyant une mission particulière. Exigence qui peut faire l'effet d'une exigence excessive : personne ne peut dire qu'il a rempli totalement la mission qui lui a été confiée...

Il y a toutes sortes de manières d'entendre la voix du Seigneur : la plus légère inquiétude ou l'exigence la plus claire, dans la nuit ou dans l'abîme ; elle peut emporter au ciel, elle peut être une saisie physique de ses paroles, elle peut être entendue quand on lit l’Écriture ou quand on écoute une prédication, dans l'exhortation qui suit la confession, dans le tréfonds du cœur : c'est toujours la même voix du Seigneur et personne ne peut dire qu'il ne l'a pas entendue. Mais toute parole contient aussi plus que ce qu'on en a compris.

 

5. Transparence

Ap 7,12. Ils disaient : Amen! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles. Amen!

La prière, c'est le moment dans la journée où l'on doit être totalement transparent devant Dieu.

 

6. Être saisi par l'Esprit

Ap 4,2. Aussitôt je fus saisi par l'Esprit.

Ici-bas on peut entendre une voix venue du ciel et il se peut qu'on se demande si c'est une voix humaine ou une voix venue du ciel qu'on entend. On peut aussi entendre les choses de l'autre monde en étant dans l'autre monde, en étant dans l'Esprit. Et un signe qu'on est dans l'Esprit sera que, tant qu'on est dans cet état, on ne perçoit plus les choses de ce monde, qu'on devrait normalement percevoir. Jean est enlevé. Quelque chose de purement passif. Comme il ignore totalement le chemin pour aller de lui au ciel, le ciel s'en charge ; et le ciel n'accorde aucune importance à lui faire connaître le chemin et la manière. Ce que Jean commence à voir, il le voit avec des yeux qui n'ont plus rien à faire avec les yeux de ce monde.

 

7. On se comprend

Ap 6,10. Ils criaient d'une voix forte : Jusques à quand, maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice, et à venger notre sang sur les habitants de la terre?

Au ciel, on se comprend tous tout de suite.

 

8. Se convertir

Ap 1,17. A sa vue, je tombai comme mort à ses pieds.

Personne ne peut se convertir à Dieu sans mourir à soi-même. C'est pourquoi au début de cette autre "conversion" qu'est la vie mystique se trouve aussi la mort comme condition de la nouvelle naissance. (A propos du voyant de l'Apocalypse qui tombe comme mort quand il voit le Christ dans sa gloire).

 

9. La foi

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Si quelqu'un a une vision et qu'il se trouve seul dans une pièce avec un autre, et que dans cette pièce la Mère de Dieu lui apparaît, si l'autre lui demande s'ils sont seuls, il pourra lui répondre qu'ils sont seuls parce que la présence de la Mère, pour l'autre qui ne voit pas, n'est pas une vérité au sens terrestre. S'il est croyant et s'il est porté à tenir pour vraie la vision de l'autre, celui-ci pourrait aussi lui répondre : Non, nous ne sommes pas seuls, nous sommes à trois. Et cette deuxième vérité sera tenue pour vraie par celui qui ne voit pas dans la mesure où on la lui communique et que lui, il y participe en croyant. Les deux vérités sont vraies chacune sur un autre plan ; la première est accessible à tous, la deuxième n'est accessible que par la transmission faite par le voyant.

 

10. Visions

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Il y a des grâces mystiques de vision et d'expérience des choses célestes ou de l'au-delà que Dieu donne pour maintenir vivante dans le monde la foi chrétienne, et cela dans des missions particulières.

 

11. Ciel et terre

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Un voyant peut être transporté au ciel et fréquenter là les habitants du ciel ; de là aussi il peut avoir une vue de la terre ; il peut ensuite revenir sur la terre et garder dans sa mémoire l'image du ciel et en même temps l'image de la terre telle qu'elle apparaît vue du ciel... En tant que voyant, il peut voir le ciel dans une vision, mais aussi le ciel et la terre en même temps. (NdT. Sans le dire, Adrienne raconte là sa propre expérience).

 

12. Vision

10,11. Après ces trois jours et demi, un souffle de vie, venu de Dieu, entra en eux et ils se dressèrent.

Toute vision a un caractère prophétique. Naturellement il y a aussi dans la vision les côtés d'un échange entre Dieu et le voyant. Mais jamais le sens d'une vision ne s'épuise dans cette relation. Une certaine mission de revivification de la foi, de l'amour, est toujours liée à une vision authentique.

 

13. Toute-puissance

Ap 1,8. Je suis l'Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant.

La toute-puissance du Fils est si grande qu'il a aussi le pouvoir de renoncer à en faire usage : l'abandon de la croix et de la descente aux enfers.

 

14. Golgotha

Ap 11,8. Leurs corps resteront sur la place de la grande cité qu'on nomme symboliquement Sodome et Égypte, là même où leur Seigneur a été crucifié.

Le Seigneur est mort au lieu où le péché des hommes l'ont amené. Ce lieu qui est connu exactement a pour ainsi dire connu, par la mort du Seigneur, une extension, car depuis sa mort sur le Golgotha, le Seigneur est aussi crucifié à nouveau partout sur terre où notre péché ne se laisse pas vaincre par lui.

 

15. Le tribut

Ap 9,21. Ils ne se repentirent pas de leurs meurtres ni de leurs sortilèges, de leurs débauches ni de leurs vols.

Quand le Seigneur règne dans une âme, tout le reste se met en marge, se met à son service. Si le péché est au centre d'une âme, l'homme est chassé de lui-même et il doit payer tribut au péché.

 

16. Le besoin de Dieu

Ap 9,4. Il leur fut défendu de faire aucun tort à l'herbe de la terre, à rien de ce qui verdoie, ni à aucun arbre, mais seulement aux hommes qui ne portent pas sur leur front le sceau de Dieu.

Dans ce monde qu'ils maîtrisent si bien, les hommes n'ont plus besoin de Dieu.

 

17. S'offrir

Ap 11,17. Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu tout-puissant, qui es et qui étais, car tu as exercé ta grande puissance et tu as établi ton règne.

Dieu n'impose rien à l'homme, il attend son accord ; ce faisant, Dieu donne à l'homme d'avoir part à la puissance divine d'accepter librement et comme un seigneur... Dieu prend possession de son règne, il prend possession des hommes à condition qu'ils s'offrent. Depuis toujours l'homme est créature de Dieu, bien sûr, mais il faut encore que Dieu en prenne possession ; cependant il ne le fait pas en s'imposant à l'homme, il faut toujours que l'homme s'offre à lui pour que Dieu prenne possession de lui.

 

18. Le mal

Ap 9,2. Elle ouvrit le puits de l'abîme, et il en monta une fumée, comme celle d'une grande fournaise.

La volonté de faire le mal est si grande dans le diable qu'il n'a pas besoin de décision ou de réflexion pour faire le mal.

 

19. La parole de Dieu

Ap 10,8. Et la voix que j'avais entendue venant du ciel, me parla de nouveau et dit.

Toute parole de Dieu a toujours encore en elle un espace pour un mystère plus haut. Tout ce que peut dire un homme, même quand il répond à Dieu ou qu'il transmet une parole de Dieu, est toujours un réceptacle ouvert qui peut contenir bien plus que n'en sait l'homme qui la dit.

 

20. Prière

Ap 8,3. Un autre ange vint se placer près de l'autel. Il portait un encensoir d'or, et il lui fut donné des parfums en grand nombre, pour les offrir avec les prières de tous les saints.

Les prières sont nécessaires devant Dieu. Aucun croyant, aucun chercheur de Dieu n'est dispensé du devoir de la prière. Dieu a fait de la prière un moyen de se purifier et de s'approcher de lui, Dieu a donné à la prière le pouvoir d'une plus grande intelligence et d'un amour croissant. La prière fait partie du service de Dieu.

 

21. Mission

Ap. 2,1. Ainsi parle celui qui tient les sept étoiles dans sa droite, qui marche au milieu des sept chandeliers d'or.

Position inconfortable du voyant de l'Apocalypse entre terre et ciel, appartenant en quelque sorte aux deux sans qu'il l'ait voulu, et chargé d'une mission qui le dépasse totalement. (NdT. Cela décrit sans le dire la situation d'Adrienne von Speyr entre ciel et terre).

 

22. Que faire ?

Ap 6,9. Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et du témoignage qu'ils avaient porté.

Dieu lui-même fait savoir à Jean dans l'Esprit ce qu'il a à faire.

 

23. Marie dans le ciel

Ap 12,2. Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l'enfantement.

A la croix, Jean a reçu du Seigneur sa Mère, comme un gage d'amour, avec la vénération qui lui est due comme Mère du Seigneur, mais sans avoir alors pleinement reconnu la grandeur de sa mission. Maintenant (dans la vision de Ap 12,2) il voit celle avec qui il a vécu sur terre emportée parmi les signes du ciel, il entend ses cris, il reconnaît la grandeur incommensurable de sa mission.

 

24. Espace

Ap 3,11. Je viens bientôt. Tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne te prenne ta couronne.

Quand le Seigneur vit dans une âme, il n'y a en elle aucun espace où le Seigneur ne serait pas.

 

25. Communion

Ap 10,9. Je m'avançai vers l'ange et le priai de me donner le petit livre. Il me dit : prends et mange-le.

Dans le ciel aussi il y aura une communion ; non seulement nous verrons le Seigneur, mais nous serons aussi unis à lui... Sinon le ciel serait plus pauvre que la terre. Et la réception terrestre du Seigneur est préparation de sa réception céleste.

 

26. La voix de Dieu

Ap 11,12. Ils entendirent une voix forte qui, du ciel, leur disait : Montez ici.

Ils savent maintenant en toute certitude que l'homme peut entendre la voix de Dieu.

 

27. Mission

Ap 11,10. Les habitants de la terre se réjouiront à leur sujet, ils seront dans la joie, ils échangeront des présents, car ces deux prophètes leur avaient causé bien des tourments.

Dans leur vie refermée sur elle-même, ils ne savent plus ce qu'est une vie dans la mission (reçue de Dieu).

 

28. Les mystiques

Ap 8,13. Alors je vis : Et j'entendis un aigle qui volait au zénith proclamer d'une voix forte : Malheur! Malheur! Malheur aux habitants de la terre à cause des sonneries de trompettes des trois anges qui doivent encore sonner !

(De la manière de traiter avec les mystiques) : Leur demander ce qu'ils ont vu, non ce qu'ils ont ressenti, leur état d'âme, à moins qu'il fasse partie de leur mission de s'exprimer à ce sujet.

 

29. Rencontrer Dieu

Ap 11,11. Après ces trois jours et demi, un souffle de vie venue de Dieu, entra en eux et ils se dressèrent. Alors une grande frayeur tomba sur ceux qui les regardaient.

Devant la passion, durant la passion, le Seigneur Jésus était angoissé parce qu'il se sentait séparé de Dieu. Les pécheurs, eux, ont peur de devoir rencontrer Dieu à nouveau.

 

30. Image de l'enfer

Ap 9,21. Ils ne se repentirent pas.

Tout ce que Jean a décrit (Ap 9,14-21) est une image de l'enfer sur terre. Non pas l'enfer après la mort, mais l'enfer en ce monde. Et le tout est entièrement vision, une vision qui fait voir ce que la justice de Dieu tient prêt si sa miséricorde n'intervient pas, si la rédemption ne vient pas.

 

31. L'Esprit Saint

Ap 11,12. Il entendirent une voix forte qui, du ciel, leur disait : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée, sous les yeux de leurs ennemis.

Remplis comme ils sont de l'Esprit Saint de Dieu, leur vie est une part de la vie du Père. Ils ont renoncé totalement à leur propre vie pour donner à Dieu toute la place... Plus quelqu'un se tourne vers Dieu, plus il est pris par Dieu, plus l'entoure une nuée ; il ne pose pas de questions, il n'explique pas, il expérimente Dieu et ses mystères et, dans la même mesure, il devient incompréhensible pour la grande masse, souvent même pour ses proches. Ce n'est qu'au ciel que cette nuée se dissipera.

 

32. Garantie

Ap 7,14. Je lui répondis : Mon Seigneur, tu le sais !

Dans beaucoup de missions ultérieures dans l’Église, les mystiques auront dans leur confesseur la garantie de la justesse.

 

33. La synagogue de Satan

Ap 3,9. Voici, je te donne des gens de la synagogue de Satan, de ceux qui se disent juifs, mais ne le sont pas, car ils mentent.

Ceux qui ne sont chrétiens que de nom : synagogue de Satan. Ceux qui mentent vraiment sur leur foi supposée et qui savent qu'ils mentent. Ceux dont la foi est tiède et comme morte.

 

34. Écouter et voir

Ap 7,9. Après cela je vis : c'était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer.

Différence entre écouter et voir pour un visionnaire... Entendre, dans une vision, est souvent plus objectif, plus précis, moins susceptible d'interprétation que ce qui est vu. Ce qui est vu, le voyant est plutôt enclin à le mettre en rapport avec lui-même. Ainsi la mission entendue est plus sûre que la mission vue : on sait exactement ce qui est demandé et ce qu'on a à faire. (NdT. Adrienne parle de son expérience ?)

 

35. Solitude

Ap 11,18. Les nations se sont mises en colère, mais c'est la colère qui est venue. C'est le temps du jugement pour les morts, le temps de la récompense pour tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, petits et grands, le temps de la destruction pour ceux qui détruisent la terre.

Plus l'homme s'éloigne de l'amour de Dieu, moins il supporte en l'autre un mystère. Tout doit être totalement visible, tout doit pouvoir être mis au grand jour. Quand il ne pénètre pas tout, il est rempli de méfiance, car il se prend lui-même pour mesure et preuve, et il ne croit qu'en lui-même. Ainsi il est finalement tout à fait seul.

 

36. Servir Dieu

Ap 11,18 (ci-dessus).

Au jugement, chacun recevra une connaissance de ce que Dieu est et aussi la connaissance de ce que lui-même n'est pas. Dans ce contact du jugement, il apparaîtra que ce n'est qu'en Dieu que l'homme expérimentera ce qu'il a fait en vérité et ce qu'il n'a pas fait. Sur terre, un homme peut essayer de cacher le bien et le mal qu'il fait. Sur terre, un homme qui croit et aime peut montrer éventuellement à un autre homme que ce qu'il fait de mieux est encore médiocre. Sur terre, un homme peut en éclairer un autre. C'est ce qui se passera parfaitement lors du jugement : Dieu révélera à chacun les justes mesures pour juger de sa vie. Il nous donnera son intelligence pour éclairer le passé. Et nous recevrons aussi une juste idée de ce que Dieu est en vérité. En jugeant les morts, Dieu leur donne le sens de la vie : servir Dieu, c'était être proche de lui.

 

37. Toute-puissance

Ap 1,8. Je suis l'Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu.

L'usage par le Fils de sa toute-puissance de Dieu est en dépendance du Père durant sa vie terrestre.

 

38. Puissance

Ap 2,26. Le vainqueur, celui qui garde jusqu'à la fin mes œuvres, je lui donnerai pouvoir sur les nations.

Le Seigneur communique sa puissance parce qu'il la possède en lui. Et comme il vit dans le croyant, sa puissance aussi vit dans le croyant.

 

39. Effort vers Dieu

Ap 2,24. Mais je vous le déclare à vous qui, à Thyatire, restez sans partager cette doctrine..., je ne vous impose pas d'autre fardeau.

L'effort de tous vers Dieu fait l'unité de la communauté.

 

40. Relations

Ap 11,19. Et le temple de Dieu dans le ciel s'ouvrit et l'arche d'alliance apparut dans son temple.

Dieu a la possibilité et le pouvoir d'entrer en tout temps en relation avec la terre, de montrer qu'il vit sans cesse en relation avec ses créatures.

 

41. Marie

Ap 12,1. Un grand signe apparut dans le ciel : une femme vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.

Marie est la Mère de Dieu au nom de toutes les femmes, et l’Église est l'épouse du Christ au nom de tous les humains, et c'est par Marie que l’Église est devenue l'épouse du Christ.

 

42. La ville

Ap 21,2. Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu.

La foi permet de voir des choses que le non croyant ou le moins croyant ne voit pas... Jean voit la ville sainte, la nouvelle Jérusalem descendre du ciel d'auprès de Dieu. Ce qui le frappe, c'est la sainteté de la ville, sainte par Dieu, par l'Esprit de sainteté qui est un et trine. Pour le voir, Jean a lui-même été rempli de cet Esprit de sainteté de Dieu jusqu'à correspondre à l'objet qu'il voit. Un autre, qui aurait vu le même objet mais non dans cet Esprit, n'aurait pas du tout ressenti que Jérusalem était la sainte, la ville venant de Dieu... Plus ce qu'il y a de personnel en deux hommes s'approche de ce qui est personnel dans l'Esprit Saint, plus saintes sont les personnes qui se rencontrent, plus personnelles aussi seront leurs relations, plus leur rencontre sera un échange réciproque dans l'Esprit Saint de Dieu. Telle est ici la relation de Jean à la ville sainte.

 

43. La prison

Ap 13,10. Qui est destiné à la captivité ira en captivité. Qui est destiné à périr par le glaive, périra par le glaive.

Celui qui conduit en prison finira lui-même en prison... Ne pas contraindre à la foi, à une mission. Si on doit conduire quelqu'un à quelque chose, c'est nécessairement à ce que Dieu veut pour lui et non à mes propres vues, à ce que j'ai inventé pour lui. Sinon ce sera pour lui une prison, ce serait pour moi une marque de désobéissance, la preuve que je suis au pouvoir du péché.

 

44. La lumière

Ap 21,23. La cité n'a besoin ni du soleil ni de la lune pour l'éclairer, car la gloire de Dieu l'illumine et son flambeau c'est l'Agneau.

Une ville sainte qui voudrait essayer de rayonner elle-même la lumière serait une contradiction en elle-même. La sainteté est un don de Dieu, un don qui demeure constamment en sa possession même quand il l'a donné de manière irrévocable; et demeurant constamment en sa possession, la sainteté est constamment nourrie par lui.

 

45. L'aune

Ap 19,5. Alors sortit du trône une voix qui disait : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands.

Les vertus et les mérites de chacun : Dieu les mesure à une aune connue de lui seul.

 

46. Se prosterner

Ap 7,11. Et tous les anges rassemblés autour du trône, des anciens et des quatre animaux, tombèrent devant le trône, face contre terre, et adorèrent Dieu.

Pour la méditation, il faut choisir la position du corps qui permet de s'oublier soi-même le plus facilement. Si la position est inconfortable, elle centre la prière sur soi plutôt que sur Dieu. Les saints se sont prosternés visage contre terre. Ce n'est pas la position en tant que telle qui est importante, mais l'humilité, c'est-à-dire l'oubli de soi qui ne se met pas soi-même en travers de la route pour aller vers Dieu.

 

47. Regarder le Seigneur

Ap 22,20. Celui qui atteste cela dit : Oui, je viens bientôt. Amen, viens Seigneur Jésus!

Le Fils sur la croix remet l'Esprit au Père. Le Fils se perd. Il s'en remet totalement. Jean aussi et tous les saints feront de même par cette grâce du Seigneur sur la croix : la grâce de ne pas chercher à savoir qui ils sont. C'est vrai à un autre niveau pour tous les chrétiens, pour qui le "dépôt" de l'Esprit sur la croix prend la forme de l'humilité la plus commune : regarder davantage le Seigneur que ses propres fautes.

 

48. La lumière

Ap 22,5. Il n'y aura plus de nuit, nul n'aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur répandra sur eux sa lumière et ils régneront aux siècles des siècles.

Au ciel, l'humilité subit une transformation. Ici-bas, nous reconnaissons toujours plus que nous ne sommes rien et que Dieu est tout. L'humilité céleste n'a plus la première partie ; là, nous ne reconnaissons qu'une chose : que Dieu est tout. Nous n'avons plus besoin de comparer avec nous... Le moi disparaît de plus en plus. On peut accomplir de plus en plus ce passage dès ici-bas. Dieu peut nous donner un jour une claire vision de nos péchés et de nos empêchements. Mais ces choses ne doivent pas être traînées constamment avec nous comme objets de contemplation. Après les avoir vues, il ne s'agit plus que de Dieu.

 

49. Un coin caché de l'âme

Ap 1,6. Il a fait de nous un royaume, des prêtres pour Dieu son Père. A lui gloire et pouvoir pour les siècles des siècles. Amen.

L'amour du Fils a toujours encore une possibilité qui va au-delà de la possibilité de celui qui n'aime pas. Même quand il est repoussé, il peut toujours encore laisser tomber sa grâce dans un coin caché de l'âme où elle lèvera plus tard. Il a des possibilités infinies. En tant que Fils de l'homme, il possède le chemin du prochain. Par un tiers qui vit dans sa grâce, il peut se frayer un chemin. La réponse peut provisoirement s'adresser à quelqu'un qui vit dans la grâce du Seigneur et de la grâce du Seigneur. Il peut s'agir d'une occasion et d'une relation apparemment purement humaine, religieusement indifférente, et pourtant il y a ici le début d'une rencontre avec Dieu, le début de quelque chose qui dépasse le temps et pénètre dans l'éternité, quelque chose qui conduit au Seigneur et par lui au Père. L'amour éternel du Seigneur a un temps infini.

 

50. Les bonnes questions

Ap 21,1. Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n'est plus.

Le ciel : cela ne veut pas dire qu'il n'y ait plus de mystères, mais ce sont désormais des mystères célestes, ce ne sont plus des obscurités terrestres. Si Dieu demeure encore maintenant celui qui est toujours plus grand dans ses mystères éternels, il remplit cependant toujours ce que les habitants du ciel souhaitent expérimenter de son mystère, mais leur désir vient de Dieu lui-même et il est inspiré par lui. Par contre les bonnes questions que nous avons posées sur terre recevront leurs réponses dans le ciel : vue du ciel, la terre deviendra transparente. Ce qui ici-bas a suscité de l'inquiétude, ce qui dans les questions terrestres n'était pas totalement conforme à Dieu, deviendra transparent jusqu'en son tréfonds... Au ciel, il n'y a plus de mélange de oui et de non, le non est dépassé, il n'y a plus que du oui.

 

51. Témoins

Ap 11,3. Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser, vêtus de sacs, mille deux cent soixante jours.

Les deux témoins ne sont pas des personnalités historiques ; ils sont un symbole, une fonction, et leur nombre (deux) aussi est symbolique.

 

52. Perturbations

Ap 4,3b. Une gloire nimbait le trône de reflets d'émeraude.

La vision de Dieu au ciel par les bienheureux n'est pas parfaite avant le jugement dernier. Le péché du monde cause dans la vision des bienheureux certains affaiblissements, certaines imperfections qu'ils ne ressentent pas du tout d'ailleurs comme perturbant leur béatitude céleste et qu'ils ne remarqueront que lorsque les derniers empêchements auront disparu.

 

53. Le refus de Dieu

Ap 21,27. Il n'y entrera nulle souillure, ni personne qui pratique abomination et mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau.

Le mensonge commence partout où quelqu'un se préfère lui-même à Dieu, là où il fait quelque chose qui ne sert pas inconditionnellement la plus grande gloire de Dieu mais son propre avantage. Et ce n'est pas seulement celui qui est intelligent qui ment, parce qu'il possède une part de la vérité et en rejette une autre, ce n'est pas seulement celui qui connaît toute la vérité mais lui refuse l'obéissance, ce n'est pas seulement celui qui prie et qui laisse sa prière s'attiédir, mais finalement quiconque n'est pas prêt à rester constamment dans la main de Dieu, celui qui accepte dans sa propre volonté la plus légère chose qui trouble sa relation à Dieu, ce qui n'est pas perméable à la lumière de Dieu. Le mensonge confond aussitôt la porte et les murailles, si bien qu'il lui est impossible de passer par la porte parce qu'il tient pour absolu que les murailles sont la porte... Différentes formes de refus d'obéissance... L'obéissance serait la simple humilité, le renoncement à ce qui nous est propre, à se conduire soi-même, à la volonté propre sous toutes ses formes, pour une réponse pure et simple aux ordres de Dieu, réponse qui renonce une fois pour toutes à être autre chose que oui.

 

54. Les facettes

Ap 19,2. Car ses jugements sont pleins de vérité et de justice. Il a jugé la grande prostituée qui corrompait la terre de sa prostitution, et il a vengé sur elle le sang de ses serviteurs.

Si déjà un homme a tant de facettes qui font de lui un être incompréhensible et inaccessible, la vie éternelle et infinie de Dieu est absolument impénétrable. Certes il veut nous révéler toute sa vie, mais nous ne pouvons la saisir tout d'un coup ni expliquer tous les aspects de la vie éternelle. Pour beaucoup de choses, on doit d'abord être adapté par Dieu. Dieu a décidé avec le Fils ce qu'il veut révéler à tous. Mais comme il ne veut pas que nous en restions à l'une ou l'autre vérité, il ne cesse de montrer sa vie sous d'autres nuances qu'il ne fait pour ainsi dire que suggérer sans jamais les dévoiler ni les expliquer totalement. Au tout que Dieu demande de nous correspond de son côté un véritable tout. Il ne nous dissimule rien. Mais l'éternité ne suffira pas à nous faire voir ce tout tout d'un coup parce que Dieu sera toujours plus grand quand même que son éternité.

 

55. Le ciel fermé

Ap 11,6. Ils ont pouvoir de fermer le ciel, et nulle pluie n'arrose les jours de leur prophétie. Ils ont pouvoir de changer les eaux en sang, et de frapper la terre de maints fléaux, autant qu'ils le voudront.

Dans l'eucharistie, le Seigneur offre tout son corps et nous le propose en nourriture aussi souvent que nous le voulons ; il a mis entre nos mains la liberté de recevoir son don. Mais comme nous avons méprisé son offre, la liberté de le recevoir nous est retirée et il a mis dans la main de ses témoins la possibilité de châtier aussi souvent qu'ils le veulent.

 

56. Le secret

Ap 10,4. Et quand les sept tonnerres eurent retenti, comme j'allais écrire, j'entendis une voix qui, du ciel, me disait : Garde secret le message des sept tonnerres et ne l'écris pas.

La mission du voyant : on lui a donné quelque chose à voir ou à entendre. Il veut l'écrire, mais une voix lui dit de ne pas le faire. Il y a des choses qui sont montrées au voyant, ou des choses qu'on lui fait entendre, et qui sont pour lui seul, qu'il ne doit pas transmettre.

 

57. Le diable

Ap 13,9. Que celui qui a des oreilles entende.

Le mal et le diable : les connaître à partir de Dieu. Le diable vit, certes, mais Dieu est plus grand que lui : le savoir avec la solidité du rocher. Qui ne voit pas ou ne pressent pas Dieu derrière le diable, il ne lui est pas permis de scruter le mal. Quand on s'occupe du péché, se tourner aussitôt vers l'expérience de Dieu, qui est plus grande, pour nous occuper du mal dans l'immunité de Dieu.

 

58. La sainteté

Ap 20,6. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection. Sur eux la seconde mort n'a pas d'emprise : ils seront prêtres de Dieu et du Christ, et régneront avec lui pendant les mille ans.

La sainteté ne consiste pas pour l'homme à tout donner, elle consiste en ce que le Seigneur prend tout... L'homme n'offre tout qu'en paroles seulement peut-être. Il pense toujours à quelque chose de limité. Le Seigneur, lui, entend les paroles de l'homme comme elles auraient dû être dites.

 

59. Vision

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Vision : beaucoup de choses en elle peuvent n'être pas compréhensibles pour le voyant. C'est justement pour cela qu'il doit la transmettre comme il l'a reçue parce que ce qu'il ne comprend pas peut être important pour l’Église, demain peut-être, peut-être dans cent ans.

 

60.Transparence

Ap 14,4-5. Ils ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Ils suivent l'Agneau partout où il va... Et dans leur bouche ne s'est point trouvé de mensonge : ils sont irréprochables.

Les saints : transparence de Dieu, tellement ils sont en lui. Mais certains veulent attirer l'attention sur eux, sur ce qu'ils font.

 

61. Objectivité

Ap 17,15. Puis il me dit : les eaux que tu as vues, là où réside la prostituée, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues.

Objectivité du voyant : on ne doit pas l'interroger sur ce qu'il ressent. Il doit dire ce qu'il voit et entend, c'est tout. (A propos de Jean dans l'Apocalypse).

 

62. Louange

Ap 19,5. Alors sortit du trône une voix qui disait : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands.

Les petits et les grands doivent louer. Chacun a sa mission. Que l’œuvre humaine soit petite ou grande, si elle est réponse à l'exigence de Dieu, la louange répond à l'attente de Dieu.

 

63. Suicide

Ap 20,13. La mer rendit ses morts, la mort et l'Hadès rendirent leurs morts et chacun fut jugé selon ses œuvres.

Tout refus de la grâce est une espèce de suicide... parce que la vie est l'acceptation joyeuse de toutes les grâces que Dieu offre par lui-même, par le Christ et par l’Église.

 

64. Oui

Ap 12,13-18. Quand le dragon se vit précipité sur la terre, il se lança à la poursuite de la femme qui avait mis au monde l'enfant mâle.

Au jugement dernier, à la fin des temps, l’Église tout entière redevient Marie dans son oui.

 

65. Sainteté

Ap 21,10-11a. Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu. Elle brillait de la gloire même de Dieu.

Si ici-bas on dit à un saint qu'il est saint, il ne le croira pas ou, s'il le croit, cela nuira à sa sainteté. Au ciel par contre, le saint peut, sans dommage, être conscient de sa sainteté parce que la sainteté qui ici-bas était déjà service, le devient au ciel d'une nouvelle manière. Ici on doit être conscient de la sainteté pour être en mesure de l'utiliser pleinement pour le service. Ce qui est impossible ici-bas est nécessaire au ciel. Au ciel, il n'y a plus de danger que la conscience de la sainteté soit un préjudice. Non seulement le saint doit maintenant accueillir ce don particulier de Dieu, il doit aussi être en mesure de le remercier. Et pour cela, il doit le connaître. Il n'y a pas pour autant de nivellement dans la sainteté comme si la conscience d'être saint était allégée par la pensée que tous sont également saints. Il y a toujours encore des distinctions et des particularités, même si maintenant elles sont évidentes pour tous et servent à tous. Ici-bas, il faut une moindre mesure de conscience de soi : juste ce qu'il faut.

 

66. Le nom

Ap 2,17. Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai une pierre blanche et, gravé sur la pierre, un nom nouveau que personne ne connaît sinon qui le reçoit.

Le nom nouveau écrit sur la pierre : pour chacun personnellement. Ne pas vouloir lire sur la pierre autre chose que ce que le Seigneur a écrit.

 

67. Adoration

Ap 7,11. Et tous les anges rassemblés autour du trône, des anciens et des quatre animaux, tombèrent devant le trône, face contre terre, et adorèrent Dieu.

Toute prière doit commencer par l'adoration.

 

68. Purgatoire

Ap 2,11. Le vainqueur ne souffrira nullement de la seconde mort.

Le purgatoire est comme une confession approfondie dans laquelle le confesseur serait le Seigneur qui découvre l'un après l'autre et toujours plus profondément tous les péchés oubliés ; et en les voyant de mieux en mieux, je commence à pressentir combien tout cela était péché et, en le pressentant, je commence aussi à le reconnaître et, en le reconnaissant, je connais l'amertume et peu à peu le repentir, le repentir authentique pour l'amour du Seigneur.

 

69. Le peintre et son ami

Ap 22,12. Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon son œuvre.

Dieu exige toujours des choses de notre foi. Et on ne sait pas pourquoi, et on ne sait pas ce qu'il en fait. C'est déposé auprès de lui. C'est ça l’œuvre de la foi dont parle notre verset : pour rendre à chacun selon son œuvre... Comme un peintre qui peint pour son ami et il lui donne ses tableaux. Puis l'ami lui demande un jour son pinceau, et puis d'autres choses qui semblent aussi indispensables, et le peintre ne sait pas si ces choses lui reviendront ni à quoi ça peut servir à son ami.

 

70. L'enfer

Ap 9,7. Les sauterelles avaient l'aspect de chevaux équipés pour le combat... et leurs visages étaient comme des visages humains.

L'enfer nu : on n'y rencontre que soi : les sauterelles menaçantes qui ont un visage d'homme, le mien, et qui me renvoient mille fois, un million de fois mon visage.

 

71.Tartuffe

Ap 16,13. Alors de la bouche du dragon, de la bouche de la bête et de la bouche du faux prophète, je vis sortir trois esprits impurs, tels des grenouilles.

La tromperie sous couleur de piété : forme de péché des plus courantes dans le monde. Fausse religion, fausse prophétie, fausse mystique. Tout ce qui semble glorifier Dieu et qui ne sert qu'à glorifier l'homme religieux. Tout ce qui a besoin de discernement pour être démasqué comme mauvais.

 

72. Se livrer

Ap 19,11. Alors je vis le ciel ouvert : c'était un cheval blanc, celui qui le monte se nomme Fidèle et Véritable. Il juge et il combat avec justice.

Pour entrer dans la foi de l’Église, se laisser juger. Se livrer et non jouer avec le Seigneur d'une manière théorique. Une foi purement intellectuelle ne suffit pas; pour atteindre le Seigneur, la foi doit avoir l'amour, elle doit se soumettre à l'amour.

 

73. Purgatoire

Ap 14,20. On foula la cuve hors de la cité, et de la cuve sortit du sang qui montait jusqu'au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades.

Le purgatoire. La cuve de la colère de Dieu. Quelque chose qui se passe sans témoin entre le pécheur et Dieu. Mais partout où il est question de pardon du péché intervient maintenant le sang du Christ. Le sang sur mille six cents stades et jusqu'au mors des chevaux : donc limité. Le sang du Christ, mais aussi le sang, comme tourment du pécheur.

 

74. La grâce du Seigneur

Ap 3,19. Moi, tous ceux que j'aime, je les reprends et les corrige. Sois donc fervent et repens-toi.

Accepter tout châtiment, toute injustice, toute dureté comme pénitence venant du Seigneur, pour nos péchés personnels, peut-être aussi pour ceux des autres, par la grâce du Seigneur de les porter avec lui.

 

75. Les poids lourds

Ap 21,27. Il n'y entrera nulle souillure, ni personne qui pratique abomination et mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau.

On parle trop légèrement des "petits péchés" et peut-être nous vantons-nous de ne pas en avoir commis de grands. Et nous ne réfléchissons pas au poids vraiment lourd, comme on ne peut se l'imaginer, de tous les péchés véniels du monde.

 

76. Traduire

Ap 6,10. Ils criaient d'une voix forte : Jusques à quand, maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice.

A Jean il fut donné de vivre en même temps dans le monde et en esprit dans le ciel. Jean doit apprendre aussi combien il est difficile de traduire le céleste en termes terrestres. (NdT. Ce fut aussi l'expérience d'Adrienne von Speyr).

 

77. Les souffrances au ciel

Ap 19,14. Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues d'un lin blanc et pur.

Les saints du ciel peuvent apparaître aux habitants de la terre comme souffrants encore. Comment ? En fait toute leur souffrance appartient désormais au Fils : c'est lui qui apparaît en vêtements trempés de sang. Les troupes célestes, elles, sont en vêtements blancs. De la terre, on peut toujours les appeler : les espaces qu'elles peuvent atteindre sont les mêmes que ceux du Seigneur.

 

78. Être prêt

Ap 4,5. Du trône sortaient des éclairs, des voix et des tonnerres.

Les voix qui sortent du trône avec les éclairs et le tonnerre... Ceux qui perçoivent les voix doivent être prêts, mais ils ne sont peut-être pas plus prêts que les milliers d'autres qui n'entendent pas les voix (A propos de la mystique).

 

79. Certitude

Ap 22,20. Celui qui atteste cela dit : Oui, je viens bientôt. Amen, viens, Seigneur Jésus.

Après la certitude de la révélation qu'il a reçue, Jean va revenir sur la terre parmi croyants et incroyants, et il devra témoigner, défendre. Il doit être durablement pénétré qu'il y a eu un instant où il a dit avec la dernière certitude que le Seigneur témoigne de tout cela.

 

80. Fantômes

Ap 11,18. Les nations se sont mises en colère, mais c'est la colère qui est venue.

Athéisme : rejet, puis méconnaissance, ignorance totale de Dieu, Dieu inexistant ; Dieu qui n'est qu'un mythe, un fantôme, la quintessence de ce qui est étranger... Les peuples conservaient à la colère de Dieu une petite place ridicule, comme celle qu'on laisse dans les contes au méchant, bien que personne n'y croie sérieusement. Et maintenant la colère de Dieu est venue. Le fantôme est devenu réalité. Les peuples ignorent son amour, il ne peut plus les toucher que par sa colère. En face de cette colère de Dieu, la colère des hommes fait figure de fantôme. Même après la croix, l'amour de Dieu est devenu fade pour les hommes. Seule la colère de Dieu peut encore leur communiquer le sens vivant de l'existence de Dieu.

 

81. Rayonnement

Ap 21,11. Elle brillait de la gloire même de Dieu.

Dans le ciel : Dieu et les saints. Les saints ne disparaissent pas, mais Dieu rayonne partout. La vision dans le ciel est partout vision de Dieu. La prière du ciel est contemplation parfaite, don direct de Dieu, qu'il rayonne absolument : Trinité, saints, tous les sauvés. Tous sont inclus dans la même prière. Non comme si les saints devenaient Dieu, mais Dieu est tellement présent qu'il est visible partout, rayonne de tout et sur tout. Tout parle de l'amour de Dieu, tous les êtres se parlent de Dieu les uns aux autres, non qu'ils disparaissent eux-mêmes, mais de leur être rayonne l'être de Dieu.

 

82. Le diable

Ap 13,6. Elle ouvrit la bouche en blasphèmes contre Dieu.

La pénitence a pouvoir sur Dieu pour lutter contre ceux qui blasphèment. Par contre, on ne peut rien pour les blasphèmes du diable : il ne peut pas se convertir.

 

83. Intermédiaires de Dieu

Ap 21,24. Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire.

Dieu n'éclaire pas directement le monde, il se sert de la sainteté pour le faire. C'est un don au monde qu'il ait sanctifié la cité sainte et chaque saint. Ce que Dieu a donné en fait de grâces aux saints, il en fait don au monde, et il espère que les saints le transmettront au monde et que le monde sera assez humble également pour le recevoir des saints en tant qu'intermédiaires de Dieu au lieu de se détourner avec une sorte d'orgueil de cette médiation instituée par Dieu, pour essayer de se procurer eux-mêmes une lumière qui n'est pas transmise par la cité ou la dérober.

 

84. La source

Ap 2,4. Mais j'ai contre toi que ta ferveur première, tu l'as abandonnée.

L'amour des chrétiens pour Dieu doit toujours être à la source, là où, dans l'amour, le Fils décide avec le Père l'incarnation, là où le Fils quitte le Père dans l'amour pour accomplir pour lui l’œuvre de l'amour. Et il ne veut pas que sa communauté s'éloigne de ce point d'origine, il veut au contraire toujours plus l'y ancrer. Elle doit toujours plus comprendre et exécuter ses œuvres comme une coopération à son œuvre d'amour en y étant introduite toujours plus en œuvrant par sa grâce au centre de son œuvre d'amour.

 

85. Humilité dans le ciel

Ap 21,9. Alors l'un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept derniers fléaux vint m'adresser la parole et me fit : Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'Agneau.

L'humilité au ciel consiste pour ainsi dire à ne jamais se protéger des grâces (à accepter tout ce qu'on nous offre). Elle est à la fois conscience de l'écart absolu qui existe entre Dieu et la créature (écart qui s'exprime ici-bas dans le "Domine non sum dignus") et totale adhésion à tout ce que Dieu donne et communique.

 

86. Le faux prophète

Ap 19,20. La bête fut capturée, et avec elle le faux prophète.

Personne ne peut amener quelqu'un à croire au Seigneur tel qu'il est par ses propres forces ; par ses propres forces, on ne peut l'amener qu'à une fausse image du Seigneur. Le passage est souvent imperceptible entre le désir de convertir quelqu'un au Seigneur et celui de le convertir à soi.


 

87. Les deux appels de Jean

Ap 22,16. Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange pour vous apporter ce témoignage au sujet des églises.

Le Seigneur a appelé Jean deux fois. Une première fois pour lui expliquer le mystère de son existence dans le monde afin de glorifier le Père. Et une deuxième fois quand il lui a révélé par amour le mystère caché de son séjour dans le ciel auprès du Père.

 

88. La joie des saints

Ap 20,6. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection.

La vie des saints est, dans tous les cas, une vie difficile qui porte en elle le sceau du jugement... A l'instant où quelqu'un renonce à tout et se met à la disposition de Dieu, même s'il le fait avec joie, il recevra à porter l'une ou l'autre souffrance à la suite de son geste.

 

89. La clef des enfers

Ap 1,18. Je fus mort et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et je tiens les clefs de la mort et de l'Hadès.

Les enfers où le Seigneur est descendu pour les ouvrir au ciel : il en a la clef, il en est la clef.

 

90. La grossesse

Ap1,1. Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

Les faux mystiques : ils ont tous cherché à se satisfaire eux-mêmes, à tirer profit de leurs visions et à en jouir. Ils ne cherchaient plus Dieu, ils se cherchaient eux-mêmes... Jean décrit objectivement ce qu'il voit. Il ne se décrit pas lui-même, il ne dit pas non plus ce qu'il pense de ce qu'il a vu. Les visions sont comme des enfants que Dieu donne et qu'on doit porter dans la pleine patience de la grossesse. Aucune mère n'ouvre son corps pour voir l'enfant plus tôt. Le faux mystique par contre perd patience.

 

91. Pauvreté

Ap 18,14. Le fruit que désirait ton âme s'en est allé loin de toi. Tout ce qui est raffinement et splendeur est perdu pour toi.

La pauvreté de Jean : il en souffre dans la mesure où cela ne lui permet pas d'offrir quelque chose au Seigneur. Toute la beauté des choses, il la voit dans l'usage que le Seigneur peut en faire.

 

92. Impuissance

Ap 7,12. Ils disaient : Amen ! Louange, gloire, sagesse, action de grâce, puissance et force à notre Dieu pour les siècles des siècles ! Amen !

Le Christ sur la croix : il a la force de renoncer à toute sa force et de se laisser gagner par l'impuissance totale.

 

93. La souffrance du Seigneur

Ap 22,7. Voici, je viens bientôt. Heureux qui garde les paroles prophétiques de ce livre.

La souffrance du Seigneur : ce n'est qu'au ciel (dans l'Apocalypse) que Jean en a mieux vu la profondeur. Elle est plus grande que ce qu'il en avait deviné ici-bas. Elle a reçu dans la lumière de l'Apocalypse sa profondeur propre... Il lui sera désormais plus pénible de voir un pécheur après avoir vu tant de saints. Tout lui semblera aussi être racheté goutte à goutte par le sang du Seigneur.

 

94. Correspondre

Ap 22,6. Puis il me dit : Ces paroles sont certaines et véridiques ; le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, a envoyé son ange pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

Par la foi, Dieu nous communique déjà comme présent ce qui va venir plus tard. Mais il ne suffit pas de remercier et d'empocher la promesse. On doit tout faire pour y correspondre.

 

95. L'encre invisible

Ap 13,7-8. Il lui fut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre. Et lui fut donné le pouvoir sur toute tribu, peuple, langue et nation. Ils l'adoreront, tous ceux qui habitent la terre, tous ceux dont le nom n'est pas écrit depuis la fondation du monde dans le livre de vie de l'Agneau immolé.

Le livre de vie de l'Agneau où sont inscrits les noms des saints. Tous les hommes y ont leur nom inscrit avec une encre invisible. L'action de l'homme dans le sens de Dieu rend visible le nom. Mais le nom peut perdre à nouveau sa lisibilité. Toutes les nuances de lisibilité sont possibles. Mais le premier pas vient de Dieu : il a inscrit les noms à l'encre invisible. Il demande notre réponse, notre accord.

 

96. Peu importe la fin

Ap 22,13. Je suis l'Alpha et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le commencement et la fin.

Par sa vie dans le temps, le Seigneur donne part à tous les hommes à sa vie au-delà du temps, parce que sa propre vie dans le temps est empruntée à l'éternité... Plus un homme livre au Seigneur sa vie d'ici-bas, plus il est introduit, attiré dès cette terre dans la vie éternelle du Seigneur. Ceci est proprement le don que le Seigneur apporte quand il vit notre vie temporelle et qu'il la remplit de son éternité... Ouvrir sa vie dans le temps à l'éternité du Seigneur qui ne souhaite qu'en prendre possession en tant qu'Alpha et Oméga, pas seulement quand on ne pourra plus faire autrement que de lui livrer notre vie, mais tout de suite, maintenant... Il a à être l'Alpha et l'Oméga, le début et la fin, pas la fin seulement quand je n'aurai plus rien à lui offrir. Mais le début aussi ; c’est l'exigence incommensurable de la foi : qu'il en advienne de moi ce qu'il veut. Peu importe la fin qui sera la mienne : je n'ai plus de fin qui ne soit aussi la sienne !

 

97. La vue d'ensemble

Ap 21,9. Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'Agneau.

La volonté de Dieu sur nous ici-bas : on n'en a jamais une vue d'ensemble.

 

98. Trébucher

Ap 22,3. Il n'y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l'Agneau sera dans la cité et ses serviteurs lui rendront un culte.

Au ciel, la volonté des croyants ne sera plus opposée à la volonté de Dieu. Sa volonté sera devenue tellement la leur que sa volonté et la leur ne feront plus qu'un, que Dieu peut laisser tomber tout ce qui jusqu'alors était commandement, tout ce qui était plus loi qu'amour, tout ce qui était loi avec le but d'empêcher les pécheurs de pécher. Dieu leur ouvrira le ciel tout entier, ils ne trébucheront plus avec leur propre moi. Ils deviendront de parfaits enfants de Dieu.

 

99. La mission de Jean

Ap 22,9. L'ange à Jean : Je suis un compagnon de service pour toi et pour tes frères les prophètes, et pour ceux qui gardent les paroles de ce livre.

Le service de l'ange : révéler à Jean ; le service de Jean : recevoir le message de l'ange et l'annoncer à la terre. Jean doit être convaincu de l'importance de son message, comme si l'ange était le précurseur de sa mission à lui, Jean. Au début de l'Apocalypse, Jean est rendu apte à recevoir les visions ; maintenant il est rendu apte à retourner sur terre avec la mission de révéler ce qu'il a vu. Et de même qu'au début il a dû s'adapter à l'ange, il devra maintenant s'adapter aux croyants. Dans les deux cas, être totalement fidèle à sa mission. Les prophètes ont eu une mission très comparable à celles de l'ange et de Jean. Ont également une mission semblable ceux qui gardent les paroles de ce livre.

 

100. L'ange

Ap 10,1. Et je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel. Il était vêtu d'une nuée, une gloire nimbait son front, son visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu.

Description de l'ange. Vêtu d'une nuée : impénétrable. Arc-en ciel sur la tête : inséparable de l'Esprit Saint. Visage comme le soleil : le mystère dévoilé, si clair, si éblouissant qu'on ne peut le scruter. Les pieds, colonnes de feu : son contact avec la terre est brasier, incendie.

 

101. Davantage de foi

Ap 22,20. Celui qui atteste cela dit : Oui, je viens bientôt.

Par sa vision de l'Apocalypse, Jean reçoit la mission de transmettre davantage de foi à l’Église parce qu'il a lui-même reçu plus de connaissance.

 

102. Amitié

Ap 21,16. La cité était carrée : sa longueur égalait sa largeur. Il la mesura au roseau : elle comptait douze mille stades.

L'amitié de Jésus pour Jean, malgré tout ce qu'elle a de personnel, Jean sait qu'il a à la transmettre à tous.

 

103. Le jugement

Ap 20,12. Et je vis les morts, les grands et les petits, debout devant le trône, et des livres furent ouverts. Un autre livre fut ouvert : le livre de vie, et les morts furent jugés selon leurs œuvres, d'après ce qui était écrit dans les livres.

Le sens du jugement est que l'homme doit comparer ce qu'il a fait avec ce qu'il aurait dû faire. Le jugement, c'est de voir ce qui manque, la grâce qu'il a refusée. Dans la confession, on ne voit jamais toute la portée de son péché. Au jugement dernier, Dieu ne peut épargner à personne de voir ce qu'il n'a pas vu autrefois : son péché à la lumière de l'objectivité de Dieu.

 

104. La blessure

Ap 2,12. A l'ange de l’Église qui est à Pergame, écris : Ainsi parle celui qui a le glaive acéré à deux tranchants.

La grâce et la mission du Seigneur sont toujours nettes, absolues... Celui qui a été touché de cette façon par son glaive porte une blessure ; il peut bien sûr regimber, résister, faire comme s'il n'était pas blessé : il reste marqué et il n'a que le choix de se soumettre à la volonté du Seigneur ou de perdre tout son sang par la blessure.

 

105. Comprendre

Ap 1,13. Et, au milieu des chandeliers, quelqu'un qui semblait un fils d'homme.

Celui qui a eu une vision ne peut pas forcer à croire celui qui ne l'a pas reçue. D'où prudence nécessaire de celui qui a eu une vision pour la transmettre aux autres. Supposer que les autres vivent aussi dans la grâce. Celui qui parle ne dira pas tout et celui qui entend complétera de lui-même. "J"ai vu comme un fils d'homme". Celui qui entend dans la grâce comprendra : "J'ai vu le Fils de l'homme".

 

106. Les saints

Ap 20,5. Les autres morts ne revinrent pas à la vie avant l'accomplissement des mille ans. C'est la première résurrection.

Au ciel, intercession des saints et des martyrs pendant mille ans. On peut les appeler, ils peuvent aider l’Église.

 

107. Prière sèche

Ap 21,17. Il mesura les remparts, ils comptaient cent quarante-quatre coudées, mesure humaine que l'ange utilisait.

Au ciel, il n'y a plus de prière sèche ; on y aura par contre le sens et l'intelligence de la prière sèche sur terre et la mission d'adoucir la prière sèche des croyants, d'intervenir là où elle risque de ne plus être une prière du tout parce qu'elle serait pure sécheresse. Au ciel, on a le sens pour ce qu'on a vécu auparavant sur terre. Et c'est justement parce que, au ciel, on ne le ressent plus qu'on est plus sensible à ce qui est ressenti sur terre. Plus on reçoit d'amour au ciel, plus on comprend ceux qui, sur terre, ne reçoivent plus d'amour sensible.

 

108. Les larmes de Marie

Ap 18,20. Réjouis-toi de sa ruine, ciel. Et vous aussi, les saints, les apôtres et les prophètes, car Dieu, en la jugeant, vous a fait justice.

Dans l'au-delà on peut avoir part aux souffrances de la terre et cependant être bienheureux en Dieu. Marie peut trôner dans le ciel et en même temps, dans une apparition aux hommes, verser des larmes. Les saints qui prennent part aux tourments de la terre n'y demeurent pas insensibles intérieurement, mais leur compassion est intégrée dans leur état céleste.

 

109. Le fruit et les feuilles

Ap 22,2. Au milieu de la place de la cité et des deux bras du fleuve est un arbre de vie produisant douze récoltes. Chaque mois il donne son fruit, et son feuillage sert à la guérison des nations.

Tout doit servir pour le Seigneur, le fruit et les feuilles quand elles ont fini de remplir leur rôle pour nourrir le fruit. Tout doit servir pour le Seigneur, le principal et le secondaire. Tout appartient au Seigneur, également ce qui semble en quelque sorte détaché de la vie : le renoncement, le dépouillement, être mort tout en étant encore en vie. Également la contemplation, à la différence du fruit qu'est l'action. Il doit y avoir unité entre l'action qui est accomplie dans la plénitude de la force et dans la joie, et la contemplation qui est donnée également dans le renoncement, la souffrance, le sacrifice. Il semble qu'il y ait là deux choses différentes : la force et l'impuissance mais, dans la vérité de Dieu, il y a l'unité la plus profonde ; car l'unité ne se trouve pas là où l'extérieur se ressemble, mais là où le plus intime, la source, est commun. On ne pourra donc pas juger l’Église d'après ses actions extérieures, d'après sa force et son fruit. La guérison des peuples vient des feuilles, justement de ce qui reste après les fruits. Et la contemplation a vraiment en vue la guérison des peuples : maint ordre contemplatif par exemple met sa prière et ses sacrifices anonymes au service de la conversion des peuples par l’Église.

 

110. Pas à la hauteur

Ap 20,6. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection.

Le prêtre et le saint ne sont jamais à la hauteur de leur mission (du moins, tel est souvent leur sentiment). Mais ils peuvent s'appuyer sur le trésor de prière de l’Église.

 

111. Les mots

Ap 20,12. Et je vis les morts, les grands et les petits, debout devant le trône... Et les morts furent jugés d'après ce qui était écrit dans les livres.

Les mots pour exprimer une vision (chez Jean dans l'Apocalypse et, après lui, dans l’Église) contenaient dans le ciel quelque chose de plus grand que sur la terre, car l'éternité en elle-même, en tant que forme d'existence, a part à l'infini du Seigneur. Mais ils doivent être exprimés de manière humaine ainsi que Jean l'a fait.

 

112. La colère de Dieu

Ap 19,15. De sa bouche sort un glaive acéré pour en frapper les nations. Il les mènera paître avec une verge de fer, il foulera la cuve où bouillonne le vin de la colère du Dieu tout-puissant.

Trois manières pour l'homme de subir la colère de Dieu (dans la mort) : 1. Comme un mal nécessaire (à cause de ses péchés). 2. Comme un mal qui laisse encore le temps de se convertir. 3. Comme une punition définitive dont le puni ne voit pas le bien-fondé.

 

113. Témoignage

Ap 15,5. Ensuite je vis : le temple qui abritait le tabernacle du témoignage s'ouvrit dans le ciel.

Le Seigneur ne veut pas une relation close entre lui et les hommes à laquelle la Trinité n'aurait pas part... L'eucharistie est témoignage de l'Esprit Saint. De même la foi d'un individu n'est pas son propre témoignage, mais celui de l'Esprit.

 

114. Responsabilité

Ap 22,7. Voici, je viens bientôt. Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre.

Avoir été au ciel ne rend pas facile la vie sur terre par la suite : le poids du devoir est si grand que la responsabilité vis-à-vis des hommes n'en est que plus oppressante.

 

115. Le banquet

Ap 1,7. Voici, il vient au milieu des nuées et tout œil le verra, et ceux mêmes qui l'ont percé : toutes les tribus de la terre seront en deuil à cause de lui. Oui ! Amen !

Chacun comprendra plus ou moins de choses de l'Apocalypse, mais il doit savoir qu'elle a un sens global. Tout comprendre est impossible, Jean lui-même n'a pas une connaissance exhaustive de l'Apocalypse : il comprend autant que ce qu'on lui donne de comprendre. Le tout est offert à tous et chacun en saisit et en prend à la mesure de ses limites. Et pourtant chacun ne doit pas seulement saisir des détails, mais par eux saisir quelque chose de l'ensemble, de différents côtés, à différentes profondeurs, selon des pénétrations variées. L'Apocalypse ressemble à un riche repas qui est préparé pour tous ; chacun à sa place reçoit sa part, chacun peut se rassasier, et chacun le fera de la manière qui lui convient. Chacun pourra témoigner ensuite qu'était offert beaucoup plus que nécessaire pour sa faim. L'un a fait honneur à tel mets, l'autre à tel autre, mais tous étaient assis à la même table de Dieu. Il y a dans l'Apocalypse une totalité.

 

116. Le désir

Ap 21,7. Le vainqueur recevra cet héritage et je serai son Dieu et lui sera mon fils.

Tous nos désirs humains et tous les désirs de Dieu qui sont en nous sont des reflets du désir qu'a Dieu d'être notre Dieu.

 

117. Ouverture

Ap 22,6. Puis il me dit : Ces paroles sont certaines et véridiques ; le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, a envoyé son ange pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

Ouverture du ciel par l'ange à Jean dans l'Apocalypse : joyeux message parce que ses paroles ont ouvert le ciel de manière nouvelle. Cette ouverture nouvelle du ciel est quelque chose qui ne cesse de se produire à nouveau dans la foi. Le toujours plus de l'amour dans la foi est chaque fois comme une plus grande ouverture, une plus grande révélation des mystères de Dieu.

 

118. Les saints

Ap 21,19-20. Les assises des remparts de la cité s'ornaient de pierres précieuses de toute sorte.

L’Église honore les saints non en organisant pour eux des fêtes extérieures, mais en les imitant et en reflétant en elle leur parure. L'extérieur est justifié en tant qu'il exprime l'intérieur. Tout ce qui est poussiéreux, tout ce qui est sentimental, mielleux et faux est en contradiction avec ce que Jean voit ici. Et avant tout, c'est l'humilité des saints, le verre transparent, qui se change en l'éclat de l'or et des pierres précieuses, une humilité qui est si grande qu'elle ne peut qu'être honorée par le Seigneur.

 

119. Le ciel

Ap 11,14. Le deuxième "malheur" est passé. Voici, le troisième "malheur" vient bientôt.

Il n'est pas permis d'avoir séjourné dans ciel et de revenir ensuite sur la terre comme si on n'avait pas été au ciel.

 

120. La sphère de Dieu

Ap 21,3. Et j'entendis, venant du trône, une voix forte qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux.

Tout le peuple de Dieu est pris par Dieu dans la sphère de l'éternelle conversation trinitaire de Dieu. Quand on habitera avec Dieu, dans la tente de Dieu, on n'entendra plus ni parole ni voix qui ne soit prière, qui ne soit pas éternellement prière dite par le Fils au Père, qui n'ait part à la conversation éternelle du Père, du Fils et de l'Esprit Saint.

 

121. L'enfer

Ap 18,21. Alors un ange puissant saisit une pierre comme une lourde meule, et la précipita dans la mer en disant : Avec la même violence sera précipitée Babylone, la grande cité. On ne la retrouvera plus.

Jean a du mal à intégrer l'enfer dans sa vision de l'amour... Comment des gens peuvent-ils ne pas avoir la foi ? Jean fait le tour de l'enfer plus qu'il n'y pénètre (ce qui cependant est une manière possible de suivre le Seigneur le samedi saint). Jean ne suit pas le Seigneur dans sa descente aux enfers ainsi que l'ont fait certains saints. Il est comme quelqu'un à qui on donnerait le goût de l'enfer sur la langue sans qu'il lui soit permis de l'avaler. Il ne perd pas de vue l'ange qui lui montre l'enfer. Et l'ange est pour lui une incarnation si vivante du Seigneur que, par son intermédiaire, il reçoit bien une connaissance intime de l'enfer, mais ce n'est pas la connaissance de la profondeur de l'enfer. Jean voit avec sa foi la logique et la nature du péché : il est inconciliable avec la vérité de Dieu. Le péché ne peut abolir le péché. Seule une intervention puissante de Dieu peut y mettre un terme... Il n'est pas possible de vouloir sortir de la vérité pour la connaître mieux de l'extérieur. Il n'est pas vrai qu'on connaît mieux la vérité quand on souscrit d'abord à une thèse erronée. La connaissance de Babylone n'est pas pour Jean une voie pour son amour de Dieu. Il doit au contraire connaître Babylone comme ce qui est exclu de l'amour et de la vérité de Dieu. Babylone représente l'enfer qui est l'être hors de la vérité de Dieu.

 

122. Le péché

Ap 13,10. Qui est destiné à la captivité ira en captivité.

Aussi bien pour l'action que pour la contemplation la connaissance du mal est nécessaire. On ne peut pas toujours contempler les doux mystères du christianisme, ni toujours parler des vertus. On doit aussi regarder en face ce qui est dur et mauvais. Celui qui ne sait rien du péché ne comprend pas la rédemption.

 

123. Prêt à tout

Ap 21,16. La cité était carrée.

Disponibilité à tout dans la mission confiée par Dieu : même à des choses auxquelles on pourrait croire qu’on n’est pas adapté.

 

124. Écouter

Ap 2,17. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux églises.

Même dans les paroles que le Seigneur nous adresse dans l’Évangile, nous ne percevons toujours que peu de choses de leur sens... Chacun doit écouter la Parole de Dieu autant qu'il le peut, la recevoir autant qu'elle lui est donnée. Chacun doit aller dans l'écoute jusqu'à la limite du possible.

 

125. Les préparations de l'Apocalypse

Ap 22,9. Pour tes frères les prophètes.

L'Apocalypse peut sembler par endroits être fait d'une mosaïque de textes de l'Ancien Testament. Ce n'est pas vrai. Il y a des vérités de Dieu qu'il peut communiquer en partie comme préparation, pour les révéler une nouvelle fois plus tard ou aussi les compléter et les approfondir. Ce qu'à la fin de la Révélation il communique à son disciple Jean n'est pas une pièce faite de morceaux rassemblés, c'est l'unité finale dont il a déjà montré des parties à "ses frères les prophètes". Mais l'unité appartient à Jean, l'ami du Seigneur. C'est pour lui qu'elle est faite. Et ce que les premiers ont reçu d'en voir, dans d'autres illuminations, dans d'autres ensembles, c'était des visions préparatoires.

 

126. Prière

Ap 2,15. Chez toi aussi, il en est qui s'attachent de même à la doctrine des Nicolaïtes.

La prière ne doit jamais être abandonnée pour ne se consacrer qu'à une activité extérieure. Sinon on n'entendra plus la voix et les désirs de Dieu, on ne fera plus que ce qu'on désire soi-même.

 

127. L'enfer

Ap 9,21. Ils ne se repentirent pas.

Ce que Jean a décrit est une image de l'enfer sur la terre. Non pas l'enfer après la mort, mais l'enfer dans le monde. Et le tout est entièrement vision, une vision qui fait voir ce que la justice de Dieu tient en réserve si sa miséricorde n'intervient pas, si la rédemption ne vient pas.

 

128. La manne

Ap 2,17. Au vainqueur je donnerai de la manne cachée.

La manne, c'est le Seigneur.

 

129. La révélation se poursuit

Ap 22,10. Puis il me dit : Ne garde pas secrètes les paroles prophétiques de ce livre, car le temps est proche.

La Révélation se poursuit par l'Apocalypse. La vie de l’Église et du Seigneur en elle continue. Il viendra toujours des gens qui auront des instructions à donner. Pour eux comme pour les premiers disciples, il est très important de voir que la Révélation contient une suite par-delà la mort du Seigneur. L'Apocalypse est une continuation de ce genre qui élargit les perspectives et, par elle, est exigée de manière pressante une nouvelle compréhension et une nouvelle obéissance.

 

130. La colère

Ap 11,18. Les nations se sont mises en colère, mais c'est ta colère qui est venue.

La colère de Dieu : elle seule peut encore toucher les hommes et leur faire prendre une conscience vivante de l'existence de Dieu. La colère de Dieu brise brutalement leur coquille, elle les dépouille et les bouleverse, elle ne tient pas compte de tout ce que l'homme pourrait objecter comme réponse. L'homme n'y comprend rien ; c'est une rencontre dans l'horreur de ne pas comprendre.

 

131. Le jugement

Ap 1,7. Voici, il vient au milieu des nuées, et tout œil le verra.

On peut rencontrer l’Évangile (la foi chrétienne), la réalité du salut offert par Jésus Christ... Chacun a la liberté de sa décision. Il peut voir ou ne pas voir, regarder ou se détourner. Il a des yeux qui pourraient voir, mais il peut les fermer. Au jugement dernier, cette liberté n'existe plus... Il est contraint de voir objectivement ce qui lui est présenté. Il est contraint de voir le Seigneur. Il se juge lui-même par ce qu'il voit maintenant : il a été pécheur, et il voit aussi ce qu'il aurait dû être avec la grâce du Seigneur.

 

132. L'arbre de vie

Ap 22,14. Heureux ceux qui lavent leurs robes afin d'avoir droit à l'arbre de vie et d'entrer, par les portes, dans la cité.

Avoir droit à l'arbre de vie : le Seigneur nous sera reconnaissant si nous nous laissons racheter par lui ; il compte sur nous pour que son œuvre parfaite (la croix) devienne parfaite, c'est-à-dire que nous laissions la Rédemption réussir en nous.

 

133. Comprendre et ne pas comprendre

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ... Il la fit connaître en envoyant son ange à Jean son serviteur.

Bien des choses dans la vision peuvent ne pas être comprises par le voyant. C'est justement pour cela qu'il doit les transmettre telles qu'il les reçoit parce que ce qu'il ne comprend pas peut être important pour l’Église : demain peut-être, ou peut-être dans cent ans. Toute vision authentique fait partie d'une mission qu'a le voyant.

 

134. Foi et vision

Ap 22,8-9. Je me prosternai aux pieds de l'ange pour l'adorer... Mais il me dit : Garde-toi de la faire ! Je suis un compagnon de service.

Jean a reçu l'Apocalypse pour que, retournant sur terre, il adore Dieu. C'est à cela que doit servir sa vision du ciel : adorer Dieu tel qu’il s'est révélé à lui. Il ne doit pas se reposer sur ses lauriers après avoir fini son livre. Il doit adorer, comme compagnon de l'ange. Il ne doit pas considérer sa mission comme terminée. Quand une mission est terminée, l'envoyé doit retourner à Dieu et non pas se reposer sur sa mission. Dans l'adoration, il a à remercier pour la mission qu'il a reçue et à se présenter comme signe qu’il est disponible à tout ce que Dieu peut avoir le projet de faire avec lui. Si sa vision est finie (même la plus grande, comme ici le ciel tout entier), le voyant ne doit pas se lasser de contempler Dieu comme un croyant peut le faire dans la foi. La vision particulière qui lui fut donnée ne le dispense pas de la vision commune telle qu'elle est accessible à tout croyant. Il sera prêt à renoncer au droit qui lui fut imparti pour disparaître dans la foule des simples croyants. Et tout cela vaut aussi pour le priant ordinaire : ne pas aspirer dans la prière à un état de vision, à la présence sentie de Dieu ; et si quelque chose de ce genre lui est donné, ne pas abandonner la prière habituelle. Il ne doit pas s'entraîner à la vision mais utiliser les consolations qu'il a reçues pour vivifier sa prière habituelle. La prière a la même valeur dans la vision que dans la sécheresse.

 

135. Enfer

Ap 2,23. Toutes les églises sauront que je suis celui qui scrute les reins et les cœurs, et à chacun de vous je rendrai selon ses œuvres.

L’Église saura souvent avec certitude que certains hommes sont au ciel. Jamais elle ne connaîtra avec certitude la damnation de quelqu'un.

 

136. La grâce

Ap 22,17. Que celui qui le veut reçoive de l'eau vive, gratuitement.

Qui a reçu une grâce doit en vivre, ne pas toujours en demander, mais laisser le Seigneur agir comme il l'entend.

 

137. Transmettre

Ap 1,19. Écris donc ce que tu as vu.

Toute vision est donnée pour être transmise.

 

138. Prier avec tous

Ap 21,17. Il mesura les remparts, ils comptaient cent quarante-quatre coudées.

Finalement toute prière renferme en elle-même toute l’Église et elle a un effet dans toute l’Église. Il est impossible (et ce n'est pas permis) de sortir de la communauté (de l’Église) quand on prie ; personne n'a la possibilité ni le droit de ne prier que pour soi. Chacun doit savoir qu'en priant il est porté par la prière de tous les autres. Que ce soit une prière officielle de l’Église ou une prière personnelle qu'il exprime, qu'il prie par devoir ou par pur plaisir, avec ou sans sentiment : tout est recueilli et déjà porté au préalable au Seigneur par la prière de tous les croyants. Quand quelqu'un prie avec l’Église, c'est comme une rencontre dans le Seigneur de sa prière et de la prière de l’Église. S'il prie hors de l’Église, l’Église prie pour lui, mais lui ne prie pas pour l’Église. Il manque à sa prière une force essentielle...

 

139. Les clefs de la mort

Ap 1,18. Je tiens les clefs de la mort et des enfers.

Il possède les clefs du mystère de la mort... Possédant les clefs, il devient lui-même la clef qui ouvre le pécheur à Dieu et apporte Dieu au pécheur parce qu'il a donné à la mort un nouveau sens... Il meurt, il traverse les enfers, il en possède les clefs ; la mort n'est plus sans issue alors qu'elle était enfermée dans les enfers. Non seulement le Seigneur est devenu une clef pour les mourants, il l'est devenu aussi pour ceux qui se trouvaient dans les enfers : il a porté sa miséricorde aussi dans ce cachot de la justice du Père.

 

140. Les mondes de l'au-delà

Apocalypse.

Pourquoi l'Apocalypse après l'évangile de Jean ? Tout n'est pas dit dans l'évangile. L'Apocalypse est là pour faire deviner les mondes dans lesquels le Seigneur Jésus est entré au-delà de la mort.

 

141. L'éternel et le terrestre

Ap 22,10. Le temps est proche.

Le temps proche dont parle l'Apocalypse, c'est le temps éternel. L'Apocalypse n'est pas insérée dans notre temps terrestre mais dans la vie éternelle, et elle nous force à aligner notre temps sur le temps éternel. Les perspectives de l'Apocalypse sont à l'inverse de celles de l’Évangile. L’Évangile parle du temps pour décrire l'éternité. L'Apocalypse décrit l'éternité pour nous parler du temps, pour attirer le temps dans l'éternité. L'éternité et ses perspectives sont décrites ouvertement ; on nous parle dans une langue céleste et nous devons la comprendre et voir la terre comme on la voit du ciel. Dans l’Évangile, le ciel est sur terre et nous apprend à rapporter au ciel tout ce qui est terrestre. Dans l'Apocalypse, le terrestre est terminé ; punition et récompense sont là et déjà derrière nous et, de là, nous devons tirer des conséquences pour notre vie terrestre.

 

142. L'intelligence

Ap 7,10. Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre Dieu qui siège sur le trône et à l'Agneau.

Dans l’Église aussi l'Esprit ne cesse de donner l'intelligence.

 

143. Suivre le Seigneur

Ap 3,5. Ainsi le vainqueur portera-t-il des vêtements blancs ; je n'effacerai pas son nom du livre de vie et j'en répondrai devant mon Père et devant ses anges.

Être avec le Seigneur partout où il va. Vie dans l'attente du Seigneur sans mission spéciale.

 

144. L'Agneau

Ap 5,7. Il s'avança pour recevoir le livre de la main droite de celui qui siège sur le trône.

Trinité : amour entre le Père et le Fils. Le Fils s'est laissé faire comme Agneau immolé. Le Père laisse le Fils lui prendre des mains le livre aux sept sceaux.

 

145. L'Esprit

Ap 1,20. Quant au mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma main droite et aux sept chandeliers d'or, voici : les sept étoiles sont les anges des sept églises et les sept chandeliers sont les sept églises.

Nous sommes habités par l'Esprit. Et quand l'Esprit nous parle, il parle à l'Esprit qui nous habite.

 

146. La nuit

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

La nuit. Dieu qui donne l'amour peut aussi le retirer et le garder un temps auprès de lui pour des raisons d'amour. Le Seigneur est passé dans cette nuit le samedi saint et chaque serviteur devra le suivre sur ce chemin à sa manière. Telle est la voie chrétienne que celui qui a vraiment connu l'amour doive renoncer à l'expérience de l'amour. La solution de ce destin ne peut être que chrétienne.

 

147. Viens

Ap 22,17. Que celui qui entend dise : Viens !

La seule réponse valable à la voix du Seigneur qu'on a entendue, c’est de dire : Viens ! Cela inclut notre disponibilité à recevoir sa venue totalement. Si on l'invite comme un hôte, on ne met pas de conditions, alors que lui peut mettre toutes sortes de conditions. Et il en pose une, il faut dire : Viens ! Rejoindre l'appel de l'Esprit et de l'Épouse. L'obéissance est incluse dans ce "Viens", jusqu'au dernier "Viens". Et viens toujours plus loin, et prends possession de tout ce que tu veux en moi et au-delà de moi par moi. Mais si l'homme devient désobéissant, le Seigneur cesse de venir... Ce "Viens" doit être éternel. La venue du Seigneur dure depuis la création lors de laquelle il était le témoin du Père. Sa venue s'étend sur des milliers d'années. Toute l'éternité, il sera celui qui vient. Le croyant sait qu'il doit vivre toujours dans la perspective de la venue du Seigneur, dans l'événement de cette venue. Il renonce à sa sphère propre, à disposer de soi, afin de tenir tout prêt pour la venue du Seigneur.

 

148. Il est mort pour chacun

Ap 1,18. Je tiens les clefs de la mort.

Depuis la mort du Christ en croix, il n'y a plus aucune possibilité qu'une mort humaine n'ait été en quelque sorte marquée à l'avance par sa mort sur la croix. On ne peut plus contempler une mort individuelle sans voir derrière elle la mort du Seigneur. Il est mort sur la croix pour chacun et en chacun, et il participe par avance à chaque mort. Il possède les clefs du mystère de la mort...

 

149. L'extase

Ap 17,3. Alors il me transporta en esprit au désert.

Des quatre états de la vie avec Dieu. 1. La vie dans la réalité terrestre concrète. 2. La vie dans l'obéissance de la méditation: l'homme y est ouvert à tout ce que la méditation lui apportera. Il y est présent avec ses puissances humaines d'intelligence, de volonté, de sentiments, de sens. 3. Dans la méditation, il peut être transporté en extase. Il n'est plus conscient de ses forces naturelles. Il est totalement fonction de ce qui lui est présenté : il se réjouit ou il souffre s'il doit se réjouir ou souffrir. 4. Dans l'extase, une nouvelle extase qui lui rend une nouvelle conscience de lui-même : le monde dans lequel le voyant est transporté est si vivant, il a avec lui une relation si réelle que c'est comme s'il avait retrouvé la vision de la vie concrète.

 

150. Ne rien choisir

Ap 1,15. Sa voix était comme la voix des océans.

Obéissance, disponibilité, ouverture au Seigneur. Ne rien choisir. Choisir l'obéissance et rien d'autre. Se tenir sans cesse à la disposition de la volonté du Seigneur, qu'on ne connaît pas encore.

 

151. Le repas

Ap 3,20. Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix, j'entrerai chez lui et je mangerai avec lui, moi près de lui et lui près de moi.

Le Seigneur est toujours proche : il trouve toujours la porte où frapper... J'entrerai chez lui... Le lieu même devient comme le lieu du Seigneur, le lieu lui-même est changé... Dans la communion, le Père prépare les hommes pour son Fils; dans la confession, le Fils prépare les hommes pour le Père.

 

152. Les grands saints et les petits saints

Ap 22,4. Ils verront son visage et son nom sera sur leurs fronts.

Au ciel, tous auront sur leur front le nom de Dieu inscrit. Cependant il n'y aura pas uniformité. Il y a des grands saints et des petits saints. Mais il n'y a pas d'envie dans le ciel parce que tout le monde est si comblé que l'envie ne peut pas se faire jour. Dans l’Église, il y a un principe hiérarchique : une consécration des ministres. Au ciel aussi il y a une hiérarchie, mais pas suivant le même système, ce sera d'après la sainteté bien que, dans l’Église, les deux systèmes ne soient pas sans parenté : qui a reçu une consécration plus haute a aussi des obligations plus hautes à la sainteté.

 

153. Les saints oubliés

Ap 3,12. Le vainqueur, j'en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu.

Même des saints éloignés et à moitié oubliés, on peut toujours revenir à eux, entreprendre une campagne pour l'un ou l'autre sous la pression des circonstances ; en soi, il n'a rien perdu de son actualité.

 

154. Immunisé

Ap 20,10. Et le diable, leur séducteur, fut précipité dans l'étang de feu et de soufre.

Tout saint en qui l'amour est parfait est immunisé contre le péché, même s'il le serre encore de près... C'est pourquoi c'est Jean qui devait voir le mystère du mal parce qu'il n'y avait plus en lui d'attirance pour le péché.

 

155. Marie

Ap 21,13. A l'orient trois portes, au nord trois portes, au midi trois portes et à l'occident trois portes.

A l'instant de l'Annonciation, Marie ne reçoit pas seulement le Fils, elle reçoit toute la Trinité... Marie, portant l'enfant dans son sein, porte déjà la croix.

 

156. Communion

Ap 14,4-5. Ils ne se sont pas souillés avec des femmes.

Dans la communion des saints, on ne peut plus distinguer entre son péché et celui des autres.

 

157. L'amour

Ap 16,15. Voici, je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde ses vêtements pour ne pas aller nu et laisser voir sa honte.

Entre deux êtres qui s'aiment, il y a de la communion et de l'incompréhensible ; beaucoup demeure mystérieux et caché. S'ils se comprennent l'un l'autre, il y a entre eux comme une adaptation réciproque sur un arrière-fond d'incompris. La plus grande partie de leur âme demeure justement tournée vers Dieu dans l'amour, et la relation d'une âme à Dieu n'est pas totalement accessible à autrui.

 

158. Le devoir de la louange

Ap 19,5. Alors sortit du trône une voix qui disait : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands.

La crainte, c'est ce qui arrive à l'homme devant Dieu. La louange, c'est ce que le Fils exige pour le Père. La voix qui sort du trône et qui dit : "Louez notre Dieu", c'est celle du Fils. La crainte est comme le commencement de la foi ; la louange est le début de ce qui vient de Dieu. La foi est la source de la crainte et de la louange. Mais de leur côté, la louange et la crainte sont les sources de la foi ; crainte = soumission ; la louange est exigée de nous comme obéissance. Mais les deux doivent avoir un contenu ; elles ne doivent pas être vides. Et ce contenu justement, c'est la foi. L'obéissance forme le pont qui les unit. Les petits et les grands doivent louer. Chacun a sa mission. Que l’œuvre humaine soit petite ou grande, si elle est réponse à l'exigence de Dieu, la louange de Dieu est répandue comme Dieu l'attend.

 

159. Celui qui fut mort

Ap 2,8. Ainsi parle le Premier et le Dernier, celui qui fut mort mais qui est revenu à la vie.

Par sa résurrection il est entré dans la vie éternelle de Dieu.

 

160. Les saints au travail

Ap 4,4. Autour du trône, vingt-quatre trônes et, sur ces trônes, vingt-quatre vieillards vêtus de blanc et, sur leur tête, des couronnes d'or.

Parmi les vingt-quatre vieillards, les douze apôtres. Jean se voit parmi eux au ciel, en Esprit, sans savoir que c'est lui. Les saints, ici sur terre, œuvrent déjà au ciel, comme du ciel ils œuvrent sur la terre.

 

161. La foi

Ap 19,18. Pour manger la chair des rois, la chair des chefs, la chair des puissants, la chair des chevaux et de ceux qui les montent, la chair de tous les hommes, libres et esclaves, petits et grands.

Personne ne peut dire que les circonstances extérieures ne lui auraient pas permis de croire. La foi est accessible à tous par la grâce du Seigneur.

 

162. Le rayonnement

Ap 1,16. Dans sa main droite, il tenait sept étoiles, et de sa bouche sortait un glaive acéré, à deux tranchants. Son visage resplendissait, tel le soleil dans tout son éclat.

Les saints rayonnent la grâce du Seigneur pour que les hommes en soient touchés.

 

163. L'appel

Ap 20,6. Heureux et saints ceux qui ont part à la première résurrection. Sur eux, la seconde mort n'a pas d'emprise.

La première mort, c'est l'appel à se renoncer soi-même. La vie chrétienne est vie dans le Seigneur, et la vie terrestre est une voie vers cette vie. L'appel retentit plus d'une fois dans la vie, mais si l'on ne répond pas la première fois, l'appel se fait toujours plus faible. A un moment ou à un autre de la jeunesse, la voix du Seigneur se fait entendre très clairement, mais la plupart la recouvrent, ne l'entendent pas à cause du bruit de leurs soucis et de leurs affaires... Celui qui a accepté de mourir de la première mort n'a rien à craindre de la seconde.

 

164. Le martinet

Ap 22,11. Que l'injuste commette encore l'injustice et que l'impur vive encore dans l'impureté, mais que le juste pratique encore la justice et que le saint se sanctifie encore.

Que le juste continue à être juste, que le pécheur continue à pécher. Parole impossible dans l'évangile, mais dite ici du point de vue de l'éternel, qui est celui de l'Apocalypse. Un peu comme une menace comme quand on dit à un enfant méchant : "Continue un peu !" Et on va chercher le martinet. Cela peut faire réfléchir davantage l'enfant que de lui dire : "Arrête ! Convertis-toi !"

 

165. Le Vivant

Ap 1,18. Je fus mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles.

Il est le Vivant maintenant qu'il apparaît à Jean et le touche, comme il est vivant dans l'eucharistie et comme il était vivant quand il séjournait comme homme parmi les hommes. Il a toujours la même vie qui est témoignée et démontrée par son amour. Car ce qui cause sa vie dans le Père, parmi les hommes et dans l'hostie, c'est l'amour. L'amour du Père l'a engendré, c'est par amour pour le Père qu'il est devenu homme et c'est par amour pour les hommes qu'il se donne dans l'eucharistie. Quelle que soit la forme sous laquelle nous le rencontrons, c'est toujours la forme de l'amour vivant qui non seulement provient de l'amour, mais qui produit l'amour. Les rencontres avec le Seigneur terrestre n'étaient toujours que des rencontres d'amour ; lui-même aimait et il éveillait l'amour. C'est par amour qu'il se donne dans l'eucharistie pour former sans cesse l'amour dans les chrétiens. Et c'est par amour qu'il apparaît maintenant à Jean afin de faire brûler par lui l'amour dans l’Église. L'amour est totalement opposé à la mort. L'amour est vie. C’est pourquoi le Seigneur s'appelle le Vivant.

 

166. L'eucharistie

Ap 22,21. La grâce du Seigneur Jésus soit avec tous !

L'eucharistie est le lien entre l'être divin du Seigneur et son être d'homme sur la terre ; et ce lien unit tout croyant à Dieu et lui apprend à répandre sur terre ce qu'il a reçu de Dieu.

 

167. La vie éternelle

Ap 20,13. Et chacun fut jugé selon ses œuvres.

Une vie temporelle qui est vécue dans la foi et l'amour devient comme une fonction de la vie éternelle déjà dans le temps en se laissant envahir toujours plus par la vie éternelle. Mais il peut se faire aussi qu'une vie temporelle, après avoir été pendant un certain temps à la rencontre de la vie éternelle, se replie sur elle-même et évite le contact avec la vie éternelle. Même ceux qui ont refusé la vie éternelle ici-bas et s'en sont détournés devront, dans le jugement, prendre contact avec elle parce que le jugement se passe dans la vie éternelle et de la sorte tous entrent en contact avec la vie éternelle au moins dans le jugement.

 

168. Le temps

Ap 20,2. Il s'empara du dragon, l'antique serpent, qui est le diable et Satan, et l'enchaîna pour mille ans.

Le temps vu de l'éternité. Jean explique l'éternité comme une mère ferait avec son enfant pour lui expliquer quand ce sera Noël. "Demain et puis encore demain, et beaucoup de demain, et puis tout à coup c'est Noël".

 

169. Le mal

Ap 20,10. Et le diable, leur séducteur, fut précipité dans l'étang de feu et de soufre, auprès de la bête et du faux prophète. Et ils souffriront des tourments jour et nuit aux siècles des siècles.

Les trois manifestations du mal sont l'image inversée de la Trinité. Satan, père du mal et séducteur d'Adam < > Père, créateur et père d'Adam. La bête de la sensualité < > Le Fils incarné et sa virginité. Le faux prophète < > L'Esprit Saint et le vrai témoignage en lui.

 

170. La liberté

Ap 9,2. Elle ouvrit le puits de l'abîme, et il en monta une fumée, comme celle d'une grande fournaise. Le soleil en fut obscurci, ainsi que l'air.

Si Dieu crée la liberté, il donne aussi le pouvoir de faire le mal.

 

171. Le purgatoire

Ap 2,11. Le vainqueur ne souffrira nullement de la seconde mort.

L'essence du purgatoire : la reconnaissance infiniment pénible de tout ce qu'il y a eu de refus dans la vie terrestre. Il s'agira de comprendre que souvent Dieu était proche de moi et il aurait suffi d'un pas, mais je me suis retiré obstinément. Au moment décisif, je me suis toujours échappé. Et parce que je voulais toujours être le plus fort, je n'ai jamais remporté la victoire. Toute avance du Seigneur, je l'ai considérée comme une situation à maîtriser. Peut-être l'ai-je trouvée intéressante, mais ce qui était intéressant, c'était moi-même et ma prise de position, et non le Seigneur et sa grâce... A toute question, je savais d'avance la réponse. Dans le compte, j'étais moi-même la valeur absolue, connue de moi, tandis que Dieu, dans le meilleur des cas, était la valeur relative... Le purgatoire, c'est de comprendre les possibilités de vie qui ont été perdues... Le purgatoire est comme une confession approfondie dans laquelle le Seigneur serait le confesseur qui mettrait au jour les péchés oubliés, les uns après les autres, et toujours plus profondément.

 

172. Les saints tombés

Ap 14,4-5. Ils ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Ils suivent l'Agneau partout où il va.

Orgueil, retour sur soi, égoïsme, qui écartent de Dieu ceux qui vivaient dans sa proximité, le regard fixé sur lui. Il y a des saints qui sont tombés.

 

173. L'attente de Dieu

Ap 21,2. Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux.

La sainteté de la ville sainte qui descend du ciel d'auprès de Dieu : il l'a remplie d'attente de Dieu. C'est une attente de Dieu donnée par Dieu. La sainteté vient toujours de Dieu et retourne à lui. Elle est la voie tracée à l'avance par le Fils, du Père au Père. Elle est donnée par le Fils qui par là donne à ses élus ce qui lui est le plus propre, ce qui a marqué sa vie terrestre. Toute la vie du Fils a été une preuve incessamment renouvelée de son amour pour le Père, une certaine manière de se parer pour le Père (comme l’Église céleste parée pour son Époux) ; de même la sainteté consiste à se parer éternellement pour Dieu trine et un, le saint le fait quasi sans le savoir en se laissant faire par Dieu lui-même. Et son humilité, c'est de ne pas opposer de résistance à l’œuvre de Dieu en lui, de le laisser faire, de considérer l’œuvre du Seigneur en lui... Se laisser faire par le Seigneur, lui permettre de donner ce qui lui semble bon.

 

174. Le oui

Ap 2,14. Mais j'ai quelque reproche à te faire.

Le but doit toujours être un oui total à Dieu.

 

175. Trinité

Ap 21,23. La cité n'a besoin ni du soleil ni de la lune pour l'éclairer, car la gloire de Dieu l'illumine.

Trinité : le Père et le Fils sont l'un dans l'autre, et cette "insertion" (Ineinander) l'un dans l'autre, c'est l'Esprit, qui rend impossible toute "sortie", tout terme.

 

176. La mission

Ap 19,1. Ensuite j'entendis comme la grande rumeur d'une foule immense qui, dans le ciel, disait : Alléluia !

Le mystique transmet ce qu'il reçoit (comme Jean dans l'Apocalypse) sans le scruter, sans le dominer, sans vouloir l'ordonner, le juger. Ce qu'il reçoit et transmet le dépasse, c'est simplement sa tâche, sa mission, bien que cela ne signifie aucunement une diminution de sa grâce personnelle.

 

177. Chacun a son rôle

Ap 22,6. Puis il me dit : Ces paroles sont certaines et véridiques ; le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes, a envoyé son ange pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt.

Au ciel, chacun a son rôle. Le Seigneur est comme un régisseur qui attribue à chacun son rôle, personne ne peut manquer. Mais avant de pouvoir entrer dans le jeu céleste, chacun est encore examiné par le Seigneur pour voir s'il est capable. Et parce que tous sont devenus enfants de Dieu, ils prennent tous leur rôle avec le même élan de la jeunesse, portés par un enthousiasme commun, et chacun joue son rôle avec le même don de lui-même, que ce soit dans un premier rôle ou dans celui du dernier des figurants.

 

178. La vérité de Dieu

Ap 17,8. La bête que tu as vue était, mais elle n'est plus. Elle va monter de l'abîme et s'en aller à la perdition. Et les habitants de la terre dont le nom n'est pas écrit depuis la fondation du monde dans le livre de vie, s'étonneront en voyant la bête, car elle était, n'est plus, mais reviendra.

Le retentissement dissemblable de la même communication de Dieu... Le monde extraordinaire et mystérieux de l'Apocalypse que Jean a mission de transmettre semble s'opposer aux belles lignes de son évangile. Et cependant l'Apocalypse n'est rien d'autre qu'un nouvelle vivification de l'amour johannique, provenant de l'obscurité de la vie de Dieu. Cette vie toujours nouvelle se trouve en opposition à toute explication simpliste de la vérité de Dieu.

 

179. L'Esprit

Ap 7,10. Ils proclamaient à haute voix : Le salut est à notre Dieu qui siège sur le trône et à l'Agneau.

L'Esprit : c'est lui qui fait adorer le Père et le Fils.

 

180. Obéissance au ciel

Ap 21,9. Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'Agneau.

Obéissance au ciel : plus rapide que sur terre, incessante ; l'accomplissement d'un ordre donne davantage de force encore pour accomplir l'ordre suivant.

 

181. L'éternité

Ap 16,12. Le sixième répandit sa coupe sur le grand fleuve Euphrate : l'eau en fut asséchée pour préparer la voie aux rois qui viennent de l'orient.

Dans son éternité, Dieu dispose de l'avenir comme du présent. Présent et avenir sont pour lui la même chose parce que les deux se trouvent dans son dessein. Il n'y a pas pour lui d'avenir qui ne soit présent parce que l'instant du temps ne dépend que de ce que Dieu en décide et qui est en son pouvoir.

 

182. Le mal

Ap 21,12. Elle avait d'épais et hauts remparts. Elle avait douze portes, et aux portes, douze anges et des noms inscrits : les noms des douze tribus des fils d'Israël.

Le sens des hauts murs de la Jérusalem céleste : le mal, devant la sainteté, doit se transformer ou disparaître.

 

183. L'enfer

Ap 14,16. Alors celui qui siégeait sur la nuée jeta sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée.

C'est la moisson des méchants. Les bons sont déjà dans la main de Dieu. Le Seigneur prépare l'enfer pour les méchants.

 

184. La prière

Ap 8,4. Et, de la main de l'ange, la fumée des parfums monta devant Dieu avec les prières des saints.

La prière est transmise à Dieu par l'ange... La prière de chacun est fondue dans la prière de tous.

 

185. Le non croyant et le mystique

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Il y a une vérité de Dieu en toute existence humaine, que l'on soit chrétien ou non, et cette vérité est plus grande, plus développée, si l'homme y a part dans la foi que s'il ne la connaît pas. Mais il y a quelques caractéristiques objectives de la vérité de Dieu également dans le non- croyant. Lui aussi est créé par Dieu, l'heure de sa mort aussi n'est connue que de Dieu, etc. Il y a en tout homme (même non croyant) une sphère d'intimité entre Dieu et l'âme. On peut observer sa prière de l'extérieur, mais de l'extérieur on ne peut en connaître la nature.- Les visions des mystiques appartiennent à la sphère de la vérité de Dieu; Dieu les accorde pour maintenir vivante la foi chrétienne dans le monde... L'authenticité de la vision des mystiques doit pouvoir se vérifier par la conformité à l'évangile de la vie de celui qui a des visions.

 

186. Les sept flambeaux

Ap 4,5. Sept flambeaux brûlaient devant le trône de Dieu.

Les sept flambeaux : l'Esprit Saint.

 

187. Les missions

Ap 21,15. Celui qui me parlait tenait une mesure.

Les missions dans l’Église se complètent les unes les autres sans qu'on en voie tous les aboutissants... Ne pas vouloir en savoir plus que ce qu'on en sait aujourd'hui. Cela ne pourrait que nuire à l'obéissance et à la mission exigée.

 

188. Bientôt

Ap 22,6. Ce qui doit arriver bientôt.

Le "bientôt" de l'Apocalypse : parce que les choses du ciel sont toujours en train de venir, parce que Dieu nous offre sans cesse sa vie éternelle et la fait sans cesse couler.

 

189. Transparence

Ap 22,1. Un fleuve d'eau vive, brillant comme du cristal.

Transparence de l'humilité dans la cité éternelle.

 

190. La soif

Ap 21,7. Le vainqueur recevra cet héritage, et je serai son Dieu et lui sera mon fils.

La soif de Dieu au ciel : l'espérance apparaît ici pour ainsi dire comme la soif dans l'amour.

 

191. La venue du Seigneur

Ap 3,3. Souviens-toi donc de ce que tu as vu et entendu. Garde-le et repens-toi ! Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur sans que tu saches à quelle heure je viendrai te surprendre.

La venue du Seigneur : la communauté s'en réjouit si elle veille ; si elle ne veille pas, le Seigneur viendra comme un voleur, c'est-à-dire qu'il paraîtra comme un intrus et un importun.

 

192. Les enfants et les simples

Ap 17,1. Et l'un des sept anges qui tenaient les sept coupes s'avança et me parla en ces termes : Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée qui réside au bord des océans.

L'ange accomplit sa mission sans retour sur lui-même. Il aurait peut-être préféré ne pas montrer à Jean ce qu'il doit montrer. Il n'est pas question non plus des réactions de Jean quand l'ange vient à lui. Dans le don total d'eux-mêmes à la volonté de Dieu, les saints ressemblent souvent aux enfants, et même aux simples qui ne sont pas capables de critiquer.

 

193. La vie et la mort

Ap 20,13. La mer rendit ses morts, la mort et l'Hadès rendirent leurs morts.

La mort du Seigneur. Rien que du fait qu'il est mort pour tous, le Seigneur a changé quelque chose dans la vie de chacun.

 

194. La virginité

Ap 17,1. Viens, je te montrerai le jugement de la grande prostituée.

La virginité : pas l'attitude d'innocence des enfants. L'adulte qui se donne au Seigneur doit connaître le fruit de l'impureté (l'ange montre à Jean ce qui va arriver à la grande prostituée) pour pouvoir en protéger les frères. La pureté consacrée à Dieu comprend l'impureté à la lumière de la pureté divine.

 

195. Le ciel

Ap 21,1. Alors je vis un ciel nouveau.

Après le purgatoire, la grâce est tellement une avec le moi qu'ils ne peuvent plus être considérés comme deux principes séparables dont résulte une coopération. C'est comme si le moi était totalement submergé par la grâce de Dieu... Le ciel n'est pas une chose bizarre comme il peut le paraître vu de la terre, quand par exemple on réfléchit qu'on verra Dieu. (La vie en Dieu paraît souvent ici-bas comme un excès d'exigence; pour Jean aussi par exemple dans ses rapports avec le Seigneur sur la terre). Au ciel, on ne ressent plus la vie du ciel comme une exigence trop grande. Dieu élève une fois pour toutes ses créatures dans le monde de sa plénitude... Dieu demeure dans l'éternité celui qui est toujours plus grand, mais les créatures se trouvent dans une sorte d'équilibre à cet égard. (Chaque seconde de l'éternité est un étonnement toujours frais et nouveau devant Dieu toujours plus grand). Il n'y a aucune accoutumance au ciel.

 

196. Vision

Ap 18,20. Réjouis-toi de sa ruine, ciel.

La vision est une participation à l'au-delà.

 

197. Glorifier le Fils

Ap 21,9. Viens, je te montrerai la fiancée, l'épouse de l'Agneau.

Dans l'Apocalypse, le Seigneur ne révèle directement que ce qui glorifie le Père. Comme l'épouse de l'Agneau glorifie l'Agneau, c'est un ange qui est chargé de la montrer à Jean. De même dans l’Église ici-bas, les saints renvoient tous davantage au Fils qu'au Père ; ils sont là pour glorifier le Fils qui, lui, glorifie le Père.

 

198. Pureté

Ap 1,5-6. A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, gloire et pouvoir pour les siècles des siècles. Amen.

La pureté est une propriété divine, chrétienne, et finalement humaine : elle est toujours chez le Seigneur un témoignage et une fonction de son amour, toujours quelque chose qui élargit l'amour. La pureté, ce n'est pas l'angoisse devant ce qui serait impur, ce n'est pas un retrait, ce n'est pas se cacher, mais la libre préférence du bien pour que rien d'impur ne trouble et n'affaiblisse l'amour. Amour et pureté se renforcent l'un l'autre.

 

199. La sainteté

Ap 21,11. La cité sainte brillait de la gloire même de Dieu.

La sainteté de chaque saint est unique et rayonne de manière unique, même au ciel.

 

200. Les portes

Ap 19,11. Alors je vis le ciel ouvert.

Au commencement, ciel et terre étaient une unité ; quand parut le péché, se produisit la séparation. Et cependant aujourd'hui encore il y a continuité de l'un à l'autre. Et Jean doit faire l'expérience, sur mission de Dieu pour l’Église, qu'il y a des portes entre ciel et terre, et que c'est le Seigneur qui les ouvre.

 

201. Les saints en progrès

Ap 6,11. Alors il leur fut donné à chacun une robe blanche, et il leur fut dit de patienter encore un peu, jusqu'à ce que fût au complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères, qui doivent être mis à mort comme eux.

Au ciel, du moins avant le jugement dernier, les saints connaissent encore une sorte de progrès. Bien qu'ils voient Dieu, ils ne sont pas encore dans la vision parfaite, dans la pleine connaissance.

 

202. La lumière de Dieu

Ap 21,27. Il n'y entrera nulle souillure, et personne qui pratique abomination et mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau.

Pour trouver l'une des douze portes d'entrée de la cité céleste, il faut que la lumière de Dieu soit dans les yeux de ceux qui entrent : c'est elle qui leur permet de voir les portes. La lumière de Dieu doit déjà être à l'intérieur de celui qui doit voir sa lumière, de même que la grâce doit déjà être présente en celui qui la reçoit comme la grâce totale.

 

203. L'Esprit Saint

Ap 1,20. Quant au mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite.

L'Esprit Saint est aujourd'hui le trait d'union entre le Seigneur et les hommes. Plus le Fils et l'Esprit se dévoilent, plus ils voilent le Père par amour.

 

204. Indifférence

Ap 1,1. Révélation de Jésus Christ.

Indifférence chrétienne : s'offrir à tout ce que Dieu veut. C'est la disposition de Jean, le voyant de l'Apocalypse. Indifférence du Fils : il offre tout au Père.

 

205. Les brûlants

Ap 14,3. Ils chantaient un cantique nouveau, devant le trône, devant les quatre animaux et les anciens. Et nul ne pouvait apprendre ce cantique sinon les cent quarante quatre mille, les rachetés de la terre.

Les brûlants : ceux qui ont été touchés par la vie éternelle, ceux qui ont donné leur vie à la vie éternelle. La communauté des brûlants est visible ou invisible.

 

206. Responsabilité

Ap 22,9. Ceux qui gardent les paroles de ce livre.

Apocalypse : tous les croyants ont une responsabilité vis-à-vis de ce livre.

 

207. Mourir dans le Seigneur

Ap 14,13. Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur.

Marie : du oui de sa mort dans le Seigneur au oui à sa mission, au oui à la naissance de son Fils. Solitude et souffrance à un certain moment. Même si elle a reçu sa mission dans la certitude... Heureux ceux qui meurent dans le Seigneur : les mourants meurent dans le Seigneur et Marie se tient auprès d'eux.

 

208. Difficultés

Ap 2,29. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux églises.

La plupart de ceux qui veulent se donner entièrement au Seigneur, prêtres ou laïcs, trouvent souvent que les difficultés sont trop grandes. Également les difficultés dans leurs propres rangs. Il faut leur montrer cette lettre.

 

209. La sainteté

Ap 21,25. Ses portes ne se fermeront pas au long des jours car, en ce lieu, il n'y aura plus de nuit.

Les portes de la cité céleste sont toujours ouvertes. Personne ne peut les manquer si ce n'est par sa faute. Au début de la voie de la sainteté, rien d'autre n'est requis que la disponibilité et l'humilité. Dieu prend soin de la conduite du croyant pour le conduire jusqu'à la porte. Et si le croyant se donne avec confiance, il est conduit. Si à certaines époques, il y a moins de saints, la raison n'en est pas que Dieu en a prévu moins, mais parce que davantage de personnes n'ont pas accepté leur mission et ne se sont pas laissé conduire. Se laisser envoyer dans la mission de la sainteté veut dire se livrer à la voie de Dieu avec confiance même là où manque toute vue d'ensemble.

 

210. Obéissance au ciel

Ap 21,10. L'ange me transporta en esprit sur une grande et haute montagne.

L'obéissance à l'ange dans le ciel, cela semble éloigner de Dieu, mais en fait pas du tout. Jean sait que l'obéissance à l'ange n'est pas différente de son obéissance à Dieu. Son don de lui-même, c'est Dieu lui-même qui l'accomplit en lui. Il est parfaitement dans le toujours-plus de Dieu.

 

211. L'humilité

Ap 21,18. La cité était d'un or pur.

L'humilité est le fondement de toute sainteté... Et l'humilité est le fondement de l'amour, son présupposé, son commencement et en même temps sa fin parce que, dans l'amour, rien ne peut dépasser l'humilité.

 

212. Le bonheur

Ap 22,7. Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre.

Jamais le Seigneur ne donne part au ciel sans la croix, mais jamais non plus il ne donne part à sa souffrance sans la béatitude, dès ici-bas.

 

213. Acquiescer à tout

Ap 14,3. Et nul ne pouvait apprendre ce cantique sinon les cent quarante quatre mille, les rachetés de la terre.

La mission chrétienne est issue des mystères de Dieu. Jean a acquiescé à tout, à toutes les profondeurs inconnues du Seigneur, aux dimensions du Seigneur qu'il ne connaissait pas encore.

 

214. Marie

Ap 22,17. L'Esprit et l'épouse dise : Viens !

Marie s'est préparée à la venue du Fils en disant avec l'Esprit : Viens !

 

215. Le chant

Ap 15,3. Ils chantaient le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau : Grandes et admirables sont tes œuvres, Seigneur Dieu Tout-Puissant. Justes et véritables sont tes voies, Roi des nations.

Le chant du ciel que Jean doit transmettre ne correspond pas exactement à son amour cordial pour le Seigneur. Et c'est cependant lui qui est choisi pour le transmettre à l’Église. Car le Seigneur est le roi des nations.

 

216. La rédemption

Ap 20,12. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres.

On ne peut pas dire que l'humanité pouvait être sauvée exclusivement par la passion du Fils, ni qu'elle fut sauvée exclusivement par elle. Quand le Père a le plan de sauver l'humanité, il veut montrer par là en même temps son amour pour le Fils et pour l'Esprit. Il veut que le fait de sa rédemption soit une preuve de son propre amour, mais il veut aussi que le même fait soit une preuve de l'amour du Fils et de l'Esprit.

 

217. Transparence

Ap 15,2. Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu. Debout sur la mer de cristal, les vainqueurs de la bête, de son image et du chiffre de son nom, tenaient les harpes de Dieu.

Sur le péché et son pardon dans la communion des saints, aujourd'hui et demain, au jugement de Dieu, dans la transparence totale de tous les pécheurs ; et chacun s'accuse du péché qu'il voit dans les autres. Une mer de cristal : la transparence de Dieu et des hommes dans le jugement.

 

218. Objectivité

Ap 17,15. Puis il me dit : Les eaux que tu as vues, là où réside la prostituée, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues.

Pure objectivité nécessaire dans les rapports entre le confesseur et le mystique : voir ce que Dieu veut, etc. Seul problème : la signification véritable de ce qui est vu. Il ne faut pas que le voyant voie ce que son directeur attend de lui, ou ce qu'il a entendu de sa bouche.

 

219. Pourquoi les visions ?

Ap 21,5. Puis il dit : Écris : "Ces paroles sont certaines et véridiques".

Dieu a montré à Jean le ciel ouvert ; après cela, le ciel lui sera à nouveau fermé. Alors Jean reçoit l'ordre d'écrire ce qu'il voit afin que plus tard il n'ait pas la tentation de croire que ce qu'il a vu est irréel. Et aussi parce que cette vision du ciel n'est pas destinée qu'à lui ; elle est destinée également aux siens, aux croyants qui vivent avec lui sur terre et à ceux qui viendront après lui. Jean reçoit quelque chose dans une situation particulière, mais il a à le transmettre à tous les croyants. Ce que Jean a vu n'est pas sans rapport avec la vie des autres croyants.

 

220. Humilité

Ap 22,8. Moi, Jean, j'ai entendu et j'ai vu cela. Et, après avoir entendu et vu, je me prosternai, pour l'adorer, aux pieds de l'ange qui me montrait cela.

Humilité du ciel : transparence. Humilité de la terre : elle a toujours besoin de comparer. Jean veut adorer l'ange il vit la distance... Mais Jean se trompe. Il veut montrer qu'il a compris (la grandeur) de ce qui lui a été montré. Et en voulant adorer l'ange, il montre qu'il n'a pas compris.

 

221. L'appel de la grâce

Ap 20,12. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres.

Le jugement : voir toutes nos lacunes, nous voir avec les yeux de Dieu, voir tout le vide qu'il y a en nous, toutes les fois où nous n'avons pas répondu à un appel de la grâce.

 

222. L'amour toujours

Ap 18,10. Ils se tiendront à distance par crainte de son tourment, et ils diront : Malheur ! Malheur ! Ô grande cité, Babylone cité puissante, il a suffi d'une heure pour que tu sois jugée !

 L'amour doit tous les jours se renouveler et grandir, même s'il n'y a pas de témoignages extérieurs d'amour... Mouvement toujours nouveau, ouvert, spontané, vers le Seigneur.


 

223. La prière

Ap 8,3. Il portait un encensoir d'or, et il lui fut donné des parfums en grand nombre, pour les offrir avec les prières de tous les saints sur l'autel qui est devant le trône.

Nécessité de la prière de tous. De tous ceux qui ont une mission.

 

224. L'élan

Ap 21,16. La cité était carrée... La longueur, la largeur et la hauteur en étaient égales.

L'élan vers Dieu de la cité sainte est symbolisée par sa hauteur (égale à sa longueur et à sa largeur). Élan vers Dieu parce qu'elle vient de Dieu, elle est descendue du ciel, mais elle ne s'est pas éloignée de Dieu.

 

225. L'éternité

Ap 20,14. Alors la mort et l'Hadès furent précipités dans l'étang de feu. L'étang de feu, voilà la seconde mort.

Au début, Adam menait sa vie temporelle totalement entourée de l'éternité. Avant son péché, le passage de la vie temporelle donnée par Dieu à la vie éternelle que Dieu tenait à sa disposition se tenait toujours ouvert. Entre les deux, aucune faille, aucune opposition, aucune relation fausse.

 

226. La jeune fille

Ap 21,12. Elle avait d'épais et hauts remparts.

L'homme est aussi un mystère pour la jeune fille qui se donne à lui : elle ne voit pas totalement ce qu'elle lui donne ni ce qu'il en fera; elle sait seulement - sans le savoir - que ce qu'il fera est juste.

 

227. Pauvreté

Ap 3,18. Je te conseille d'acheter chez moi de l'or purifié au feu pour t'enrichir.

Il y a une pauvreté qui rend possible le désir et la foi, et qui devient lentement par l'amour une pauvreté riche et comblée.

 

228. La sainteté

Ap 21,15. Celui qui me parlait tenait une mesure, un roseau d'or, pour mesurer la cité, ses portes et ses remparts.

La sainteté du ciel doit être mesurée par l'ange, et Jean doit en rendre compte. Ici-bas aussi on doit pouvoir mesurer la sainteté.

 

229. La tristesse

Ap 21,4. Il essuiera toute larme de leurs yeux.

La seule tristesse qui pourrait nous atteindre au ciel, c'est que Dieu ne soit pas assez honoré. Mais à cause de la louange du Fils, laquelle inclut celle de tous les hommes, ce n'est pas possible... Au ciel, on ne peut se plaindre que d'une chose : que quelqu'un se détourne de Dieu. Mais cela ne se produit pas : Dieu prend tout le monde en lui et remplit tout le monde.

 

230. Humilité

Ap 21,11. Elle brillait de la gloire même de Dieu.

La vraie sainteté : se laisser toucher davantage par le rayonnement de Dieu. Toute autre sainteté serait parodie et tromperie... Tout l'effort ne peut consister qu'à permettre à la lumière de Dieu de mieux rayonner sur nous et par nous. La plus petite chose qui est faite dans la lumière de Dieu rayonne réellement et sans altération sa lumière. C'est pourquoi le point de départ, la racine de toute sainteté, c'est l'humilité : vouloir se laisser aimer par Dieu et vouloir aimer soi-même de cet amour de Dieu. Celui qui voudrait faire rayonner sa propre lumière de saint ne serait pas transparent comme le cristal, il serait au contraire opaque, il étoufferait la vie de Dieu par sa propre vie. La vraie sainteté est pure instrumentalité : laisser pénétrer et rayonner l'unique lumière dans la totale transparence.

 

231. Le Père

Ap 1,4-5. Jean aux sept églises qui sont en Asie : grâce et paix vous soient données de la part de Celui qui est, qui était et qui vient.

Il est, il était et il vient : c'est le Père. De lui, on ne peut dire qu'une chose, c'est qu'il est.

 

232. La beauté de l'amour

Ap 21,10-11. La cité sainte : elle brillait de la gloire même de Dieu.

La sainteté, c'est l'obéissance à Dieu. C'est ce qui fait la beauté de la ville sainte, la Jérusalem céleste, l'épouse de l'Agneau. Elle est sainte pour magnifier son Époux ; sainte avant tout par l'obéissance, par l'obéissance qui sanctifie ; par l'obéissance qui dit en elle la parfaite réalisation de la volonté de Dieu, l'acceptation absolue de l'amour.

 

233. La prière de Jésus

Ap 2,15. Chez toi aussi, il en est qui s'attachent de même à la doctrine des Nicolaïtes.

Toute parole que Jésus disait sur terre faisait partie de sa prière au Père.

 

234. Les enfers

Ap 1,8. Je suis l'Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu.

Les enfers (où passe le Seigneur après la croix), c'est le royaume qui n'a aucun rapport avec le ciel... Dans son état d'abandon et dans celui de la descente aux enfers, le ciel lui paraît comme l'inaccessible. Les enfers, c'est l'état où il était dépouillé de sa toute-puissance.

 

235. Le voyant

Ap 9,3. Et, de cette fumée, des sauterelles se répandirent sur la terre. Il leur fut donné un pouvoir pareil à celui des scorpions de la terre.

Le voyant voit et expérimente dans l'Esprit... Il expérimente avec des sens qui lui sont donnés par Dieu.

 

236. La croix

Ap 9,13. Le sixième ange fit sonner sa trompette : j'entendis une voix venant des cornes de l'autel d'or qui se trouve devant Dieu.

L'autel d'or est pour Jean le lieu de la croix tout simplement... Le lieu où le Fils a été offert en sacrifice pour les hommes... Le Père et le Fils ne sont jamais autant un que lorsque le Fils s'offre au Père... L'or est le signe de la pureté... Pour le Fils, se tenir devant Dieu veut toujours dire en même temps être en Dieu.

 

237. Être dans l'Esprit

Ap 10,8. Et la voix que j'avais entendue venant du ciel, me parla de nouveau et dit : Va, prends le livre ouvert dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre.

Adrienne explique ce qui se passe pour celui qui est "dans l'Esprit" : liberté malgré cette emprise de l'Esprit, et atemporalité, don total de soi et plein abandon (indifférence) à tout ce que Dieu veut.


 

Deuxième partie : textes choisis dans la traduction française parue en 2015


 

238. La vérité de l’Apocalypse

Seuls les chrétiens, les croyants, le serviteurs du Seigneur peuvent être atteints par la vérité de l’Apocalypse (p . 18).

239. Vision mystique

Il serait concevable qu’un mystique se trouvant avec une autre personne dans une pièce, voie en même temps un être céleste en vision. Il verrait simultanément et de manière parfaitement objective tant la personne terrestre que l’être céleste, bien que celle-là ne le voie pas (p. 19-20).

240. Le voyant enlevé au ciel

Le voyant enlevé au ciel peut parler avec des personnes célestes et aussi voir la terre depuis là-haut, et ensuite, en revenant sur terre, conserver en mémoire l’image du ciel (p. 20-21).

241. Vivre dans la foi

Un homme se trouve dans une pièce avec quelqu’un, et la Mère de Dieu lui apparaît. Si l’autre n’est pas croyant, le voyant pourrait lui dire : oui nous sommes seuls dans cette pièce. Mais si l’autre est croyant, le voyant pourrait lui dire : nous ne sommes pas seuls, nous sommes trois. Celui qui vit dans la foi accepte ce que lui dit le voyant, il y participe dans la foi (p. 29).

242. Le pur service

La vision de Jean (dans l’Apocalypse) est pur service, il ne se désigne pas pour rien ici comme serviteur. La mystique de l’Apocalypse est une pure mystique de service. Le pur service présuppose le renoncement absolu à soi-même, et celui-ci l’amour absolu ; cette mission – la dernière, clôturant la Nouvelle Alliance – est confiée au disciple de l’amour (p. 22).

243. La vision authentique

Toute vision authentique fait partie d’une tâche que le voyant a à remplir et elle reçoit son sens plénier uniquement en vue de cette tâche. Si la mission vient de Dieu, elle est toujours l’accomplissement de quelque dessein de Dieu. La vision authentique est catholique : elle va de l’Église à l’Église et sert la vie de l’Église (p. 29-30).

244. La vérité

Jamais une chose fausse ne peut servir la vérité (p. 33).

245. Le sens divin

Même quand le Seigneur nous parle dans l’Évangile, nous ne connaissons jamais qu’une infime partie du sens divin de ses paroles (p. 188).

246. La relation

Le Seigneur n’aime jamais de manière impersonnelle. Il a une relation particulière avec chacun (p. 189).

247. Le service

La foi est service, donc tous les croyants sont serviteurs. On attend du véritable serviteur qu’il comprenne quelque chose du service qu’il assure (p. 42).

248. Devoir de transmettre à l’Eglise

En assumant la vision, Jean assume immédiatement aussi, comme dans toute mystique chrétienne, le devoir de transmettre à l’Église ce qui lui est confié (p. 45).

249. Le prince des rois de la terre

Jean a vu combien peu nombreux étaient les croyants que le Fils laissait après lui. Mais sa foi est si forte qu’il sait avec certitude que le Seigneur est le prince des rois de la terre, qu’il doit l’être et le sera. Les rois sont petits, comparés au Fils (p. 56).

250. Quelqu’un nous aime

Il y a quelqu’un qui nous aime tels que nous sommes. Il aime chacun de toute éternité (p. 57).

251. Les miracles de Jésus

Même lorsque le Fils fait un miracle – ce qu’il fait rarement -, c’est toujours parce que le Père le lui demande, pour revenir aussitôt après dans le commun de l’humanité (p. 81).

252. Rendre les hommes attentifs à Dieu

Durant son pèlerinage terrestre, le Fils ne se sert de ses propriétés divines (les miracles, par exemple) que pour rendre les hommes attentifs à Dieu. Il veut et doit être celui qui rend Dieu visible par son humanité (p. 81).

253. La toute-puissance

Sur la croix ou dans les enfers, le Fils a mis sa toute-puissance en dépôt auprès du Père (p. 82).

254. Le hasard

Jean se présente comme un frère parmi les frères. Il est l’un d’entre eux, auquel comme par hasard quelque chose a été montré. Et pourtant ce qui, de son point de vue, apparaît comme un hasard n’en est pas un du point de vue de Dieu, car Dieu avait besoin de quelqu’un qui reçoive et transmette comme le fait Jean (p. 86).

255. La volonté du Seigneur

Qui veut accomplir la volonté du Seigneur doit se laisser remplir par lui de l’Esprit Saint (p. 103).

256. La volonté du Seigneur

L’attitude juste du chrétien consiste à se tenir sans cesse à la disposition de la volonté, encore inconnue, du Seigneur (p. 108).

257. Mesurer l’éternité

Vouloir appréhender le Dieu fait homme avec le simple prolongement des sens naturels ressemblerait à la tentative enfantine de mesurer l’éternité avec une montre, comme si l’éternité n’était que le prolongement du temps (p. 115).

258. Se convertir à Dieu

Nul ne peut se convertir à Dieu sans mourir à lui-même (p. 118).

259. Le feu de l’amour

Dans l’Apocalypse, le Seigneur apparaît à Jean pour allumer à nouveau à travers lui le feu de l’amour dans l’Église (p. 121).

260. A la disposition de l’Esprit

Lors de son incarnation, le Seigneur s’est mis en quelque sort à la disposition de l’Esprit (p. 155).

261. Un mystère

La confession est davantage un mystère du Seigneur, la prédication un mystère de l’Esprit Saint (p. 157).

262. Dire oui ou non

Le Seigneur grandit dans celui qui dit oui, et Satan dans celui qui dit non (p. 164).

263. Semer la foi

Le chrétien, qui possède la vérité, n’a pas le droit de la taire, même s’il sait que son témoignage sera cause de malheur. Il a pour mission de semer la foi (p. 164).

264. La souffrance

Par sa passion, le Seigneur a retiré d’avance l’absurdité de toute souffrance ; chaque souffrance trouve désormais son sens en lui (p. 166).

265. Purgatoire

Le purgatoire, c’est la connaissance infiniment pénible des défaillances de sa vie terrestre. Revoir et comprendre combien de fois Dieu m’était si proche qu’un seul pas aurait suffi, mais je me suis dérobé avec entêtement. J’ai toujours échappé à l’amour au moment décisif. Et parce que je voulais toujours être le plus fort, jamais je n’ai été vainqueur (p. 170).

266. La volonté de Dieu

Celui qui n’est plus attentif à la volonté de Dieu finit par n’en plus faire qu’à sa tête (p. 177).

267. L’humilité

Auprès de Dieu, l’humilité est la seule attitude possible (p. 178).

268. La faim

La véritable faim de l’homme, c’est sa faim de Dieu : le Père, le Fils et l’Esprit (p. 185).

269. La foi

La foi offre à chacun l’amour vivant du Seigneur (p. 228).

270. L’Amen

Le Seigneur est l’Amen qui fait tout ce que le Père lui donne à faire (p. 242).

271. Ne faire qu’un avec lui

Le but de toute communauté chrétienne devrait être que le Seigneur l’accueille en lui, qu’elle vive entièrement de lui, ne fasse qu’un avec lui (p. 242).

272. L’abandon

Le Seigneur est prêt pour sa part à accueillir tout le monde, y compris les plus grands pécheurs ; mais il ne peut le faire que si, de l’autre côté, on ne se risque pas au moindre abandon. Plus l’homme s’abandonne, plus parfaite est la rencontre. Mais un minimum d’abandon est indispensable pour que le Seigneur puisse intervenir et abattre les dernières résistances, puisse faire croître dans l’abandon (p. 243).

273. Le refus

Le Seigneur est l’Amen, le témoin fidèle, parce qu’il a assumé sa mission. Il ne supporte aucun refus. Son éternelle disponibilité à accueillir est toujours là. En refusant le Seigneur, la communauté refuse son bien propre. Elle n’a besoin de rien. Elle se suffit à elle-même. Sa volonté de n’avoir besoin de rien inclut celle de ne rien donner. Elle considère que sa richesse justifie tout refus. En réalité, cette richesse revendiquée est misère spirituelle, aveuglement. Le rassasié perd tout goût pour la vérité de Dieu (p. 243-245).

274. Conquérir le monde

Lors des premiers discours du Seigneur, tous croyaient qu’ils allaient conquérir le monde en tier avec lui. Et puis les événements se déroulèrent tout autrement (p. 212).

275. L’infime différence

Il y a un discernement des esprits qui porte uniquement sur l’existence ou non de la foi. Tout ce qui est contrôlable de l’extérieur peut être identique chez deux personnes différentes : elles se confessent, elles communient ensemble, elles mènent une vie chrétienne. Seule une infime différence les sépare : l’une est ouverte à Dieu et pas l’autre (p.228).

276. Les signes

Dans l’ancienne Alliance, il y eut des hommes qui entendirent les signes d’en haut (p. 237).

277. Écouter l’Esprit

Les chrétiens qui possèdent la grâce du Seigneur doivent attentifs à l’Esprit, conscients que c’est l’Esprit qui parle aux Églises. Et c’est à Jean d’écouter l’Esprit avec un soin particulier (p. 238).

278. A la disposition du Père

Le Seigneur est l’Amen qui approuve l’œuvre du Père. Il voit tout et il dit oui à tout. Il se met filialement à la disposition du Père et de son œuvre. Il énonce tout ce qui est du Père (p. 239-240).

279. Mensonge et vérité

Dans sa satiété, le rassasié considère le mensonge comme sa vérité. Il perd tout goût pour la vérité de Dieu, il ne se laisse plus posséder par le Seigneur alors que Dieu avait prévu de le former selon sa volonté et d’insuffler en lui la vie divine (p. 245-246).

280. Le refus de Dieu

L’homme qui refuse Dieu ne possède pas la grande miséricorde parce qu’il refuse d’être sauvé, de vivre en chrétien, de connaître l’amour. L’homme qui refuse Dieu est misérable parce que son refus inclut le refus d’une offre d’amour du Seigneur. L’homme qui refuse Dieu est misérable parce qu’il a dédaigné la richesse qu’il y a à recevoir l’amour du Seigneur ; il a renoncé ainsi à un bonheur chrétien. L’homme qui refuse Dieu est aveugle. Ses yeux ne voient pas, ils ont failli à leur vocation. Voir signifie en effet avoir part à la vérité de Dieu (p. 246).

281. Le bien le plus précieux

Le bien le plus précieux que le Seigneur peut procurer, l’homme doit faire un sacrifice pour entrer en sa possession. Le Seigneur ne se donne qu’en échange d’un sacrifice. Son bien le plus précieux ne peut être obtenu gratuitement. L’homme est capable de faire ce sacrifice. Le Seigneur indique le véritable enrichissement. On ne peut obtenir l’or du Seigneur qu’en renonçant à sa fausse richesse. Ce qu’il offre éveillera le désir de l’illimité de Dieu (p. 247-248).

282. Les saints

Les saints là-haut peuvent à tout moment agir sur la terre, de même que l’accès au ciel reste à tout moment ouvert aux chrétiens de la terre (p. 259).

283. L’extase

L’état dans l’Esprit, l’extase, ne permet plus à celui qui y est ravi d’ajouter quoi que ce soit avec ses propres sens (p. 264).

284. La mission de la foi

Jean, qui est emporté au ciel, ne s’efforce pas de voir plus que ce qui lui est montré, car il est totalement dans la mission de la foi (p. 265).

285. La grâce

Sur terre, c’est le renoncement au péché qui nous rend réceptifs au toujours-plus de la grâce (p. 268).

286. L’Esprit

De même que le Fils devient visible dans l’incarnation, de même l’Esprit accepte d’être transformé en dons et devient perceptible en eux (p. 271).

287. La main de Dieu

(Ap 5,1) : « Dans la main droite de celui qui est assis sur le trône ». La main droite est celle qu’on utilise pour travailler, c’est en même temps celle que l’on tend, la main de la confiance. Ici c’est la main de Dieu, la main de la confiance absolue, de la plus grande ouverture qui soit envers les hommes, la main qui, quand elle se montre, est toujours attraction et appel et initiation à l’intimité (p. 283).

288. Le pécheur

Le pécheur est en vérité pauvre et nu, et il doit le reconnaître en payant le Seigneur. Il est nécessaire de payer pour recevoir le vêtement blanc (p. 249).

289. Le vêtement de la grâce

Adam a perdu par le péché le vêtement de la grâce, et c’est seulement en cela qu’il est devenu véritablement nu, honteusement nu. Il ne peut remettre le vêtement de la pureté sans coopérer à sa force purifiante (p. 249).

290. Le vêtement blanc

Nul n’est plus sensible au péché que le Père. Mais il est toujours prêt à donner le vêtement blanc qu’il possède pour cacher la nudité. Il le donne en échange du renoncement au péché, il le donne comme une grâce (p. 250).

291. Porter le péché d’autrui

Porter nous aussi, dans la grâce du Seigneur, le péché d’autrui… Participer à la fécondité de la croix (p. 254).

292. Le Seigneur frappe à la porte

Le Seigneur se tient dehors et il attend. Il prend sur lui d’être partout où sont les hommes, de frapper à leur porte jusqu’à ce qu’ils répondent enfin (p. 255).

293. Confession et communion

Alors que pendant la confession, le Fils prépare les hommes pour le Père, dans la communion, c’est le Père qui élève les hommes pour le Fils (p. 256).

294. L’Église

L’Église est le lieu où le Seigneur est constamment présent (p. 256).

295. Un livre plein d’Esprit Saint

Le livre scellé (Ap 5,1) était scellé de sept sceaux, scellé donc par l’Esprit Saint, parce qu’il n’est ouvert que dans l’Esprit Saint, et nul ne peut l’ouvrir en dehors du Père, du Fils et de l’Esprit. Scellé par l’Esprit, c’est un livre qui est plein de lui. Il est dans la main droite de Dieu, il ne peut rester éternellement inaccessible aux hommes (p. 283).

296. Une transparence

Le livre (Ap 5,1) est écrit en dedans et en dehors. Le livre est scellé et Jean est à même de le voir parce que, dans l’Esprit, il possède les yeux intérieurs. Les hommes et les choses ont la même transparence pour le Père, une propriété commune que seul le péché a fait perdre. Au paradis, les choses ainsi transparentes se tenaient à la disposition de l’homme, tout comme l’homme transparent se tenait à la disposition de Dieu. Les choses et les hommes furent obscurcis ensemble (p. 283-284).

297. Le mystère

Le livre (Ap 5,1) est scellé. Comme il se trouve dans la main de Dieu, il est certain que s’y trouve le mystère reliant les hommes à Dieu (p. 284).

298. Libération

Le Fils est pour les hommes libération du péché (p. 285).

299. Ouverture

La confession est la rupture de la fermeture sur soi qui sépare de Dieu. La communion est l’ouverture de l’âme pour recevoir le Seigneur (p. 285-286).

300. Les enfers

Dans les enfers, il y a ceux qui viennent d’y entrer et ceux qui sont près d’en sortir. Il y a des pécheurs endurcis en ce monde et dans les enfers (p. 286).

301. Le pécheur dans les enfers

Dans les enfers, pendant la purification, le pécheur est confronté de manière brute et solitaire au seul Seigneur et à son propre péché. Les excuses n’y ont plus cours (p. 287).

302. L’incarnation

Le Père et l’Esprit ont coopéré à l’incarnation du Fils. Comme le Fils dans l’incarnation s’est fait faible, le Père et l’Esprit connaissent également une faiblesse de l’amour (p. 290).

303. Le ciel

Le ciel vu par saint Jean. Le Père, on ne le voit pas, mais on est pourtant mis par le Fils au centre du Père (p. 290-291).

304. Le Fils au ciel ou sur la terre

Où que se trouve le Fils, au ciel ou sur la terre, quoi qu’il fasse ou souffre, il est toujours un avec le Père grâce à l’Esprit, et il lui est impossible de s’éloigner du Père dans sa mission. Le Fils est envoyé sur la terre, et pourtant il est au centre du trône du Père. Il voit de là la terre tout entière (p. 293).

306. La rédemption

L’Agneau comme égorgé prend le livre de la main droite du Père (Ap 5,7). Il prend le livre de la main droite du Père, la main tendue contre les hommes. Il élimine l’obstacle entre Dieu et les hommes. Le livre dans la main du Fils indique la rédemption (p. 294).

307. Le sang de l’Agneau

Le sang de l’Agneau est le sang divin. Le sang de l’éternel égorgement de l’Agneau se déverse dans le sacrifice de l’Église, dans les calices de la messe, puisqu’il faut que soit offert un sacrifice d’expiation pour les péchés tant que dure le monde. Jusqu’à la fin du monde, tant que l’Église existe, il coulera ainsi. Et le rachat est pour Dieu (Ap 5,9), pour ramener les hommes à lui, et c’est pour Dieu que le sang fut versé pour qu’il puisse les reprendre tous en lui (p. 297).

308. L’Agneau égorgé

L’Agneau égorgé est digne de posséder tout ce qui appartient au Père. Il est digne parce qu’il a été égorgé. Glorification et faiblesse de l’Agneau égorgé (p. 299-300).

309. La purification dans les enfers

Les âmes dans les enfers. Durant la purification, les âmes ne peuvent pas entrer en contact les unes avec les autres : chacune est entièrement occupée d’elle-même, de sa faute et de Dieu. Chacune parcourt pour elle-même un chemin où Dieu ressort toujours plus nettement, sur lequel elle reconnaît toujours plus clairement qu’elle ne peut avoir d’autre destinée que de reconnaître parfaitement le Seigneur (p. 300-301).

310. La communion

Au ciel, on vit en parfaite communion : tout ce qui est personnel est en même temps communautaire (p. 301).

311. Voir Dieu

Dieu, personne ne l’a jamais vu parce que sa gloire est trop éclatante pour le regard de l’homme (p. 301).

312. Le cosmos racheté

Le Père et le Fils ont racheté le cosmos par leur amour mutuel, dans le sacrifice du Fils et son acceptation par le Père (p. 301).

313. Impuissance totale du Fils

Le Père a pu envoyer le Fils et le Fils a eu le pouvoir de devenir l’impuissance totale (p. 301).

314. L’éternité

L’éternité est en vérité l’abîme de Dieu lui-même (p. 302).

315. La distance

La distance entre Dieu et la créature, où qu’elle se trouve, demeure constamment et pour l’éternité si grande que seule la prosternation totale peut en donner une idée. Cela ne veut pas dire que les pécheurs ne sont pas plus éloignés de Dieu que les saints. Mais si proche de Dieu que se tienne le plus grand saint, il n’y a devant Dieu que l’attitude d’adoration la plus soumise et la plus humble devant l’indicible grandeur. La prosternation en silence ne fait plus qu’adorer (p. 302).

316. La mort

La mort est le passage de la vie qui passe à la vie qui ne passe pas… La mort n’a pas sa fin en elle-même, elle conduit aux enfers… Le caractère clos de la mort et le séjour des morts n’ont rien de rassurant (p. 311).

317. La foi

La foi : dure exigence qui débouche dans la mort (p. 312).

318. Après la mort

Aucun de ceux qui meurent ne pourra mourir sans voir ce qui l’attend après la mort. La vision de sa propre mort sera complétée par la vision de ce qui suit. Nul donc qui se verra à la mort ne pourra penser qu’elle est pour lui un pont final (p. 312-313).

319. Ne rien vouloir savoir de Dieu

La mort des martyrs fut l’œuvre de ceux qui ne voulaient pas accueillir la parole de Dieu, qui ne voulaient rien savoir de Dieu (p. 313).

320. Le céleste

Jean doit savoir combien il est difficile de traduire le céleste en terrestre (p. 315).

321. S’ouvrir davantage au Seigneur

Les ouvrir davantage au Seigneur, faire croître leur faculté d’entendement (p. 316).

322. Les visions

Ceux qui, dans le monde, ont des visions acquièrent certes de nouvelles connaissances, mais sans qu’elles soient jamais complètes (p. 318).

323. Gâcher la grâce

Celui qui refuse d’obéir à Dieu construit autour de lui comme une enceinte ; il ne se reconnaît pas rebelle, il essaie une solution médiane, il considère son refus comme temporaire, comme ne portant que sur des détails. La grâce suprême, il l’a gâchée (p. 321).

324. Le plan de Dieu

Dans le plan de Dieu, tous les hommes auraient dû trouver en lui leur unité : dans l’unité divine, dans l’unité de son Église, de sa foi (p. 322).

325. Le dialogue

Dieu a conféré à l’homme la parole pour qu’il puisse s’entendre avec lui et avec ses semblables, mais le dialogue entre hommes n’a son sens ultime qu’en Dieu (p. 322).

326. Les sans-Dieu

Dans le monde présent, les sans-Dieu voulaient en connaître le moins possible de Dieu. Ils s’étaient emmurés. Au-delà de la mort, ils connaissent maintenant sa colère. Tout ce qui constituait leur monde vacille et s’effondre. Ils s’étaient emmurés. Dieu leur parlait, mais eux ne laissaient la parole qu’aux choses de leur environnement, si bien qu’il leur était impossible de se décider pour Dieu. Dieu, ils l’avaient éconduit. Moi d’abord et le reste pour Dieu ! Ils ne comprenaient pas que Dieu puisse justement exiger ce centre. Ils se tenaient eux-mêmes au centre (p. 324).

327. L’invisibilité du Père

Au ciel, les élus ne voient pas le Père. Ils savent qu’au ciel le Père et le Fils sont ensemble. L’invisibilité du Père ne leur cause pas d’inquiétude, ils ne tentent aucunement de faire en sorte que le Père soit visible à la manière du Fils (p. 334).

328. Transparence

Les adorateurs mettent leur âme à nu devant Dieu. Ils veulent être entièrement transparents dans la louange. La contemplation terrestre est ce moment de la journée où l’homme doit être entièrement transparent à Dieu (p. 338).

329. Honorer Dieu

Dans le ciel, les hommes savent que, quoi qu’ils fassent, ils n’honorent pas Dieu comme il serait digne de l’être (p. 339).

330. La faiblesse du Seigneur sur la croix

Sur la croix, le Seigneur a eu la force de persévérer jusqu’au bout dans l’extrême faiblesse. Il aurait eu le pouvoir de mettre fin prématurément à la passion, mais il eut la force de ne pas faire usage de ce pouvoir et de se laisser totalement gagner par l’impuissance (p. 339).

331. La confiance

Au ciel, on sait toujours exactement ce qu’on doit faire quand on est interrogé, et aussi le pourquoi de la question. Au ciel, la plus grande confiance règne, la pleine transparence (p. 341).

332. Les élus

Au ciel, le Père, par amour du Fils, accueille les élus comme ses frères et rachetés (p. 344).

333. Le cœur de la vie céleste

Sur terre, l’eucharistie peut être tout extérieure, tout inaccomplie si l’homme qui la reçoit se dérobe à elle par péché et négligence. Au ciel, Dieu habite les élus, il assume toute leur relation à lui. Sur terre, même le chrétien le plus pieux ajoute son moi à l’eucharistie et ne se laisse pas complètement absorber dans le Seigneur. Au ciel plus rien n’est inachevé ; le cœur de la vie céleste, c’est que Dieu habite entièrement dans les élus, plus rien d’eux ne les sépare de Dieu (p. 345).

334. Le désir

Au ciel, il n’y aura plus de désir inassouvi, car Dieu comblera tout désir. Cela ne veut pas dire que les élus ne connaîtront plus ni sentiment, ni sensation du désir, mais que désir et assouvissement seront toujours en relation de satiété (p. 345).

335. La prière des saints

Dieu désire ardemment recevoir les prières des saints… La prière des saints est nécessaire devant Dieu (p. 351).

336. Le devoir de la prière

Nul croyant, nul chercheur de Dieu n’est jamais dispensé du devoir de prier. Ne serait-ce que parce que Dieu en a fait un moyen de purification et de rapprochement, et lui a confié la force d’augmenter l’intelligence et de faire croître l’amour (p. 352).

337. L’Église

Dieu a besoin de l’Église pour accomplir l’œuvre du Fils (p. 355).

338. Les châtiments de Dieu

Les châtiments de Dieu sont imprévisibles même dans leur dimension temporelle. Tant que nous vivons dan le péché, il n’y a aucune vue d’ensemble du système de la justice de Dieu. Sur terre, le pécheur ne peut jamais considérer qu’un châtiment divin est terminé… Amertume du châtiment divin (p. 362-363).

339. Le péché

Le consentement au péché est mortel dès le départ… Avant le châtiment, les hommes s’imaginaient ne pas devoir répondre à la question de Dieu, comme s’ils avaient encore bien assez de temps pour cela (p. 364-365).

340. La grandeur du ciel

Jean a une mission d’obéissance au ciel, qu’il devra transmettre à l’Église sur la terre, et transmettre de façon qu’elle comprenne à travers ses paroles la grandeur du ciel et des décisions divines... Quelque chose de fondamentalement inexplicable pourtant (p. 367).

341. Le puits sans fond

Qui se laisse tomber dans le péché tombe dans un puits sans fond : dans le toujours-plus du péché (p. 372).

342. Le démon

Le démon veut à tel point le mal qu’il n’a pas besoin, pour le commettre, de se décider ni de réfléchir (p. 373).

343. Vivre dans le mensonge

Celui qui vit dans le mensonge ne peut plus être atteint par les fondements de la vérité, et même la lumière la plus forte ne l’atteint plus ; il est enveloppé dans la fumée du mal. (p. 374.

344. Ne plus avoir besoin de Dieu

Les hommes se sont habitués à attribuer toujours plus de place à leur savoir et à leurs calculs, et à écarter toujours plus le Dieu créateur. Ils n’ont plus besoin de Dieu dans ce monde qu’ils dominent si bien... Ils ne veulent rien savoir de Dieu (p. 377).

345. La grâce

Accorder toujours plus de place au pouvoir de la grâce divine (p. 377).

346. L’essentiel

Un chrétien peut s’être confessé des années durant avant de s’apercevoir soudain qu’il n’a jamais dit l’essentiel, et c’est de sa faute s’il pensait jusqu’alors qu’on ne lui demanderait jamais de comptes là-dessus (p. 380).

347. Voir mon visage

Au-delà de la mort, on me fait voir mon vrai visage et je ne veux pas croire que c’est mon visage… J’ai refusé de de regarder Dieu, et ma punition consiste à devoir me regarder moi-même dans un indicible tourment et à l’infini. Je suis puni par où j’ai péché… Chaque péché que je commets peut être le précurseur de toute une chaîne de péchés possibles, plus gros les uns que les autres... Tout le plaisir que j’avais à m’occuper de moi se change en dégoût... C’est l’enfer pur et simple (p. 386-388).

348. Le châtiment

Le pécheur, dans le châtiment, au-delà de la mort : tout espoir d’une aide venant de Dieu ou du prochain est à jamais anéantie… En me connaissant moi-même, j’en viens à désirer ma mort, à me haïr et à ne plus me supporter (p. 391-392).

349. Le péché se cache

Le pénitent qui se confesse et qui a oublié que c’est en lui-même que le péché se cache (p. 392).

350. Le ciel

Au ciel se passent des choses qui dépassent toute représentation terrestre. Dieu adapte les hommes et le monde à lui et à son pouvoir inimaginable (p. 399-400).

360. Vivification

La vision authentique ne va jamais sans quelque mission de revivification de la foi, de la charité (p. 421).

361. L’heure

Quand le temps de la conversion est fini, il n’est plus l’heure de recevoir la grâce (p. 425).

362. La liberté

Au moment de la création, la seule question qui se posait était de savoir ce que les hommes feraient de leur liberté (p. 425).

363. L’attention

Dieu voudrait attirer l’attention des incroyants sur la foi (p.427).

364. Un pouvoir supérieur

Les fléaux rappellent aux hommes avec toujours plus d’insistance qu’un pouvoir supérieur existe, qu’ils ont oublié ou contre lequel ils se sont rebellés (p. 431).

365. Le refus

Si on refuse l’élément de la grâce, on est forcé en conséquence d’accepter celui du châtiment (p. 431).

366. Le Golgotha

Depuis la mort au Golgotha, le Seigneur est à nouveau crucifié en chaque lieu de la terre où notre péché ne se laisse pas vaincre par lui (p. 431).

367. Adam et Eve

Adam et Eve sont un extrait de l’humanité, dans lequel la mission et la légitimité de tous les hommes est déjà préfigurée (p. 433-434).

368. Le service

Quand le Seigneur règne dans une âme, tout le reste passe au second plan, tout se met à son service (p. 406).

369. L’éternité

Les hommes se sont habitués à ne plus s’occuper de l’éternité divine, à ne compter qu’avec le cours du temps (p. 413).

370. Le mystère

Toute parole de Dieu a constamment encore en elle de l’espace pour un mystère plus élevé (p. 414).

371. Communion

Au ciel aussi il y aura communion ; non seulement nous verrons le Seigneur, mais nous serons également un avec lui. Recevoir le Seigneur sur la terre prépare à le recevoir au ciel. La communion terrestre inclut l’exigence de s’adapter et de participer aux affaires du Seigneur, qui toutes visent l’éternel (p. 419).

372. La mission

On peut mourir dans la mission et l’obéissance à Dieu sans que cela signifie pour autant la fin de la mission, on peut mourir au beau milieu de la mission de Dieu et lui laisser le soin de la poursuivre (p. 435).

373. L’homme peut entendre Dieu (p. 437).

374. Les témoins

Les témoins obéissent aussitôt car ils sont remplis de l’Esprit de la vie de Dieu… Remplis comme ils le sont du Saint-Esprit de Dieu, leur vie participe de la vie du Père. Ils ont entièrement renoncé à leur propre vie pour dégager toute la place pour Dieu… Ils sont en parfaite unité avec les mystères du Père... Plus quelqu’un se tourne vers Dieu et est pris par lui, plus une nuée l’enveloppe ; il ne pose pas de questions, ne donne pas d’explications, il fait l’expérience de Dieu et de ses mystères (p. 438-439).

375. Conduire un homme à Dieu

Les chrétiens, quand ils conduisent un homme à Dieu, ne doivent pas se contenter d’une seule tentative, mais en risquer une seconde dans le même sens… Un deuxième entretien développera encore plus ce que le premier a produit d’utile ; et si ce dernier n’avait pas fait d’effet, peut-être que la deuxième tentative, elle, en aura (p. 441-442).

376. Le cadeau

En rachetant le monde par amour du Père, le Fils a en quelque sorte établi un nouveau lien, plus fort, entre le Père et lui ; ce que le Père a créé et confié au Fils, c’est cela même que le Fils transforme et lui rapporte renouvelé. Leur amour est renforcé par ce cadeau réciproque (p. 446).

377. Une foi nourrie de Dieu

Les vingt-quatre vieillards (Ap 11,16) ont combattu sur terre pour Dieu, et toute leur foi s’est toujours plus nourrie de Dieu seul, dans une attente grandissante qu’il dépassait toujours plus (p. 447).

378. La foi

Dieu n’impose rien à l’homme, pas même la foi (p. 448).

379. Dieu désarmé

Même là où Dieu se laisse désarmer par notre prière, nos supplications, notre détresse, et même par notre être, si nous sommes dans le Fils, il manifeste sa puissance en nous recevant (p. 449).

380. S’éloigner de Dieu

Les nations (Ap 11,18) se sont irritées parce qu’elles se sont toujours plus éloignées de Dieu, et parce que, plus elles s’éloignaient, moins elles voulaient laisser de place à Dieu et à ses intentions (p. 449).

381. Le prochain

En l’absence de Dieu, le véritable amour du prochain, et même finalement le simple respect pour lui, n’est plus possible (p. 449).

382. Le fantôme

Les nations (Ap 11,18) ont commencé par rejeter Dieu sciemment, puis le fossé les séparant de lui s’est progressivement creusé jusqu’à ce qu’elles ne sachent plus qu’il existe. Quand elles entendent son nom, c’est comme si elles entendaient le nom d’un concept dépassé pour elles depuis longtemps, en l’identifiant avec ce qui est étranger, ce qui ne les concerne en rien. Elles ont fait de Dieu une espèce de fantôme, mais un fantôme impuissant, un mythe qui n’intéresse que ceux qui y sont particulièrement sensibles (p. 450).

383. L’incompréhension

La colère de Dieu contre ceux qui le reniaient est la rupture brutale de leur coquille, qui les dérobe à eux-mêmes, les renverseC’est pour l’homme une rencontre avec Dieu dans l’épouvante de l’incompréhension (p. 450-451).

384, Le sens de la vie

Au jugement, chacun connaîtra certainement ce qu’est Dieu. Ce contact avec Dieu prouvera que tout homme a en Dieu seul la possibilité de savoir ce qu’il a réellement fait ou pas fait. Dieu révélera à chacun les véritables critères de mesure. Le sens du jugement sera de nous donner une bonne fois pour toutes une idée juste de ce qu’est Dieu en vérité. En jugeant les morts, Dieu leur offre le sens de la vie (p. 453).

385. Le ridicule

Il serait ridicule pour nous de vouloir qualifier quelqu’un de grand devant Dieu (p. 454).

386. La relation

Dieu a la possibilité et le pouvoir de se mettre à tout instant en relation avec la terre, de prouver qu’il est continuellement en lien avec ses créatures (p. 457).

387. La mère du Seigneur porte le Seigneur du ciel (p. 460).

388. L’épouse du Christ

Marie est la Mère de Dieu au nom de toutes les femmes, et l’Église est l’épouse du Christ, ce qu’elle est devenue grâce à Marie, au nom de toute l’humanité (p. 461).

389, Marie a fait ce que l’Esprit demandait (p. 461).

390. L’Esprit

L’effusion de l’Esprit sur les apôtres est l’ultime conséquence de la descente de son ombre sur la Mère (p. 461-462).

391. Marie porte en elle le Fils de Dieu… Elle porte l’enfant qui est Dieu (p. 462).

392. Marie souffre dans ses douleurs une partie de la passion du Fils (p. 463).

393. Marie participe à l’expiation du Fils… pour tous les péchés du monde (p. 466).

394, Le mal peut dérober l’espérance, engloutir la foi, obscurcir la charité (p. 467).

395. Contempler

Quand un homme contemple correctement, il contemple ce qui lui est donné de la part de Dieu. Non pas ce qu’il compose, construit ou imagine lui-même, mais ce qui lui est donné comme un absolu (p. 471).

396. Dans la nouvelle Alliance, le chiffre sacré est le 3 (p. 472).

397. L’étincelle

Satan a apporté le péché dans le monde en séduisant Eve, et en elle le monde entier. Il n’y a pas en lui la moindre étincelle d’amour (p. 474).

398. Le chemin

Avant la chute originelle, Eve était au ciel, elle se tenait directement devant Dieu… En Marie qui accouche, Eve retrouve le chemin du ciel (p. 474).

399. L’honneur et l’offense

La mission du Fils une fois accomplie, le Père a au ciel la preuve que le monde lui a manifesté plus d’honneur que d’offense ; l’excédent d’amour du monde est à présent au ciel (p. 475).

400. La grâce du Seigneur est plus grande que le péché (p. 475).

401. Les hommes sont les frères des anges (p. 478).

402. Le Fils est la source de la Mère, mais la Mère est aussi la source du Fils (p. 480).

403. La Mère et le Fils

La Mère conduit sans cesse des hommes au Fils, et le Fils les conduit sans cesse à sa Mère (p. 480).

404. Marie est la véritable Eve en chair et en os (p. 481).

405. L’Église

On peut endommager ce qui est humain dans l’Église, mais pas l’Église comme telle. Elle est intouchable (p. 485).

406. La moitié

L’Église existe actuellement au ciel et sur la terre, et sa moitié céleste est tout autant tournée vers la terre que sa moitié terrestre vers sa moitié céleste (p. 487).

407. La Mère, dans sa pureté, est l’image de l’action de la Trinité en l’homme (p. 497).

408. Il y a plus de grâce qu’il ne peut y avoir de péché (p. 501).

408. La pénitence donne au chrétien un pouvoir sur Dieu (p. 503).

409. Humilité

La présence du Fils incarné dans l’hostie est émouvante d’abandon et d’humilité (p. 503).

410. Le mauvais choix

Quand on se rend compte qu’on a fait un mauvais choix, a-t-on ou non l’humilité de revenir en arrière, d’admettre que la voie qu’on a prise en toute bonne foi était mauvaise, de reconnaître qu’on peut se tromper en toute innocence et en toute ignorance ? Il faudrait pour cela s’incliner, demander pardon, s’humilier (p. 506-507).

411. Dieu veut savoir s’il est toujours le seul à régner dans l’âme (p. 507).

412. La grâce vivante

Dieu veut sauver tous les hommes, il ne raye lui-même personne du livre de vie… Il a inscrit tous les noms, pour que tous soient sauvés, dans le livre de sa vie, c’est-à-dire de sa grâce vivante (p. 507).

413. Le premier

Le Seigneur agit le premier, et nous n’agissons qu’en réponse, c’est lui qui nous attend (p. 508).

414. Éducation

Toute l’ancienne Alliance était une unique préparation, une lente éducation des générations humaines à la venue du Fils (p. 509).

415. Dans le message qui traite du diable, il y a un message de Dieu (p. 509).

416. Le diable

On peut être convaincu, dur comme fer, que le diable existe, certes, mais on sait que Dieu est plus grand que lui (p. 509).

417. L’apostolat requiert la connaissance du mal à partir de Dieu (p. 510).

418. Se tenir au moins prêt pour ce que Dieu veut me donner (p. 511).

419. Droit dans les yeux

Autant on ne peut se contenter de contempler toujours les doux mystères du christianisme, autant on ne peut se borner à parler en permanence des vertus, il faut aussi regarder, droit dans les yeux, le mal et sa dureté. Qui ne sait rien du péché ne comprend pas la rédemption (p. 512).

420. Le démon peut faire des « miracles » (p. 515).

421. Les sept douleurs de la Mère (p. 515).

422. Une vie authentique

Depuis que le Seigneur est mort sur la croix, aucune vie authentique n’est possible en dehors de l’amour (p. 519).

423. Le péché possède d’énormes capacités de tromper (p. 521).

424. L’homme sans Dieu est la proie du démon (p. 522).

425. Le Seigneur ne veut pas écarter la tentation qui sera la tentation de l’Église (p. 524).

426. Les marques

Ceux qui appartiennent au Seigneur portent deux marques : celle du Fils et celle du Père (p. 525).

427. L’amour

Le Seigneur est avant tout l’amour ; il s’exprime au travers des actes des hommes, de manière fragmentaire peut-être, mais de telle façon qu’il s’impose, et les hommes peuvent être une vivante personnification de son amour (p. 526).

428. Ce qu’il y a de plus étendu au monde : la mission chrétienne (p. 529).

429. Les visions de l’Apocalypse sont aux dimensions de l’éternité (p. 529).

430. Le trône

Dans le ciel, le Père et le Fils sont glorifiés ensemble. La foule ne pourrait louer le Fils en oubliant le Père, ni remercier le seul Père en faisant abstraction du Fils. Le trône de la divinité est commun au Père et au Fils. Et cette connaissance est donnée à la foule par le Saint-Esprit (p. 335).

431. S’agenouiller

L’Esprit entretient la foi. Par l’unique Esprit, la louange jaillit simultanément de tous. La foule de Lourdes par exemple devant la grotte ne voyait rien des apparitions, mais elle s’agenouillait comme un seul homme pour prier (p. 335-336).

432. Le plancher

« Ils se prosternèrent sur leur face » (Ap 7,11). Le sol, le plancher est le seul lieu possible à partir duquel on peut adorer Dieu. C’est de là que la prière doit commencer. Le prosternement met celui qui prie dans la juste humilité de l’esprit (p. 337)

433. Le prosternement

L’acte commun du prosternement est comme le complément ecclésial et liturgique de la contemplation personnelle. Des liens très puissants relient la sainte messe et le temps quotidien de contemplation… Ce n’est pas le prosternement en lui-même qui est important, c’est plutôt l’humilité, l’oubli de soi, qui n’est pas pour lui-même un obstacle quand on se tourne vers Dieu (p. 337).

434. L’incommensurable

Tout ce qu’il y a d’obscur, de divin et de paternel, d’incommensurable dans le Fils (p. 529).

435. Des airs élémentaires

Le Seigneur, sur terre, était simple parce qu’il s’adaptait aux hommes. Il ne jouait alors que des airs élémentaires, accessibles aux simples disciples (p. 529).

436. Vocation

Dans la nouvelle Alliance, il n’y a pas de vocation authentique qui n’inclue pas quelque expérience de la vie éternelle (p. 530).

437. Le torrent

Dans l’Apocalypse, Jean se jette dans le torrent de la vie éternelle, dans le lien entre le Père et le Fils (p. 530).

438. Les embrasés

Celui qui a part à la vie éternelle doit brûler, et ce feu ne lui permet aucune solitude ; il lui faut être dans une communauté, qu’elle soit visible ou invisible, dans une communauté d’embrasés. Il partage involontairement (p. 531).

439. L’intimité

Jean représente dans l’évangile l’amour d’amitié pour le Seigneur… Jean a connu la position privilégiée de l’intimité (p. 531-532).

440. Les autres apôtres étaient mariés, Jean fonda le sacerdoce vierge dans l’Église (p. 533).

441. Présence

Ceux qui suivent l’Agneau, le Seigneur leur communique sa présence pour qu’ils l’offrent à d’autres (p. 533).

442. Le regard

Ceux qui sont vierges (Ap 14,4-5), si leur regard n’était pas exclusivement fixés sur Dieu, un rien suffirait pour que tout se détériore en prétention, suffisance et orgueil (p. 535).

443. Le plus personnel

Celui qui regarde Dieu ne sait jamais avec exactitude jusqu’où Dieu travaille en lui, il sait seulement qu’il agit au plus personnel de son âme (p. 536).

444. De la place

Avoir de la place en soi pour la vérité de Dieu, laquelle est son amour et inclut la justice (p. 536).

445. La vérité

De la vérité de Dieu, chacun ne comprend que ce que Dieu, dans son amour éternel, lui a rendu accessible (p. 537).

446. La fraction

Lorsque Dieu a offert à un homme un pan de sa vérité, lui donnant d’en disposer librement, de l’interpréter, de la vivre, de l’offrir et de l’irradier, celui-là sait alors précisément que cette vérité vécue et expérimentée n’est qu’une infime fraction de la grande vérité divine (p. 537).

447. La vérité

La vérité divine se reflète en d’innombrables nuances en ceux qui aiment Dieu et auxquels il se communique à travers la vérité comme vérité. Un autre pourra peut-être recevoir une toute autre part de la vérité éternelle, la vivre et l’expérimenter avec la même vivacité et en être tout autant touché (p. 537).

448. La source

Nul chrétien et nul saint n’a droit à toute l’étendue de la vérité. Ce serait avoir droit à un Dieu qu’on a compris. Le saint possède la part de la vérité de Dieu qui lui est impartie, mais dont il sait en toute certitude qu’elle émane de la source (p. 542).

449. Le message

Quiconque agit sur mandat de Dieu renonce à annoncer son propre message pour ne transmettre que celui de Dieu (p. 542).

450. L’ouverture

Celui qui s »’ouvre à Dieu possède déjà en Dieu la force de la foi. L’essentiel de la foi, c’est l’ouverture à Dieu, la soumission avec laquelle on lui donne gloire et on l’adore (p. 545).

451. La mort

Mourir dans le Seigneur veut dire tout simplement être ouvert au Seigneur, mourir tourné vers lui (p. 553).

452. Dans le décret entre le Père et le Fils, le plan de rédemption n’était qu’amour (p. 565).

453. La certitude

Aucun chrétien ne peut affirmer avec certitude qu’il est déjà définitivement sauvé et n’a donc plus besoin d’être sous la menace du jugement (p. 569).

454. Jean sait que l’amour du Seigneur est si grand qu’il a vaincu l’enfer (p. 570).

455. Le choix

Le Fils voit en tout homme le frère qu’il veut présenter au Père avec un tel amour sacrificiel que le Père n’a d’autre choix que de l’adopter (p. 570).

456. Le but

En définitive, la colère de Dieu et l’amour du Fils vont de pair. Ils ont le même but : ils veulent le salut de l’homme, ils veulent le conduire à la conversion (p. 572).

457. L’amour que le Fils nous manifeste naît de son amour pour le Père (p. 572).

458. La confrontation

On peut bien avoir quelque connaissance de la nature du purgatoire, de cette confrontation du péché avec la colère de Dieu, mais la rencontre elle-même reste un mystère (p. 574).

459. La rencontre

Le sang du Christ se trouve partout où la justice du Père rencontre le péché des hommes. Il n’est plus possible au Père de punir les hommes, de mesurer l’homme et son péché, sans que ne s’interpose le sacrifice du Fils (p. 575).

460. Personne n’est dispensé de regarder les profondeurs de la foi chrétienne (p. 581).

461. Avouer

Le jugement de Dieu fera un beau jour office de confession générale définitive pour tout homme, et tous entendront ce que chacun doit avouer. Pas un ne pourra garder la face devant les autres (p. 581).

462. La grâce

Le Seigneur a porté tous nos péchés. Et il ne veut pas les avoir portés seul ; il veut nous donner la grâce de porter avec lui (p. 582).

463. L’aveu

La croix est l’aveu silencieux de tous les péchés, que le Seigneur fait au Père dans la passion. Il prend tout sur lui et nous donne d’en faire autant avec lui, peut-être déjà en ce monde (p. 583).

464. La terre promise

Jean voit en vis-à-vis Moïse et le Christ. Moïse a dû conduire son peuple en Terre promise, comme le Seigneur conduit maintenant le sien dans la terre promise par le Père, dans le pays de l’éternité (p. 585).

465. A la croix, le Fils prend sur lui tout le péché du monde (p. 588).

466. L’intelligence

Le Seigneur nous a aimés le premier et nous avons ainsi appris à l’aimer. Dieu nous a fait don de l’esprit et de l’intelligence, et il compte que nous nous en servions pour le connaître de nouveau. Les dons de notre esprit doivent conduire à Dieu et il faut qu’ils le fassent (p. 590).

467. La base

Ce que nous savons du Père et de l’Esprit, c’est en définitive seulement sur la base de l’incarnation du Fils que nous le savons. Aucun autre pont ne nous porte aux mystères de la Trinité. Le Fils nous aide constamment, par sa vie, sa croix, son amour, à entrapercevoir au moins quelque chose de la vérité divine (p. 594-595).

468. Rendre les hommes attentifs à Dieu (p. 599).

469. Il y a des gens qui se sont sciemment détournés de Dieu (p. 600).

470. Les prochains

Le Fils qui aime le Père aime dans le même temps tous les hommes comme ses prochains (p. 600).

471. Le cadeau

Dans le calice de l’eucharistie, le vin devient sang comme le plus grand cadeau que l’amour de Dieu fait aux hommes pour les rapprocher de lui (p. 601).

472. La véritable rencontre avec Dieu consiste à lui permettre de faire ce qu’il veut (p. 603).

473. Dieu peut se servir de n’importe quel fidèle pour opérer des miracles (p. 623).

474. L’indispensable porte d’entrée à l’Apocalypse, c’est l’Évangile (p. 625).

475. La relation d’une âme à Dieu n’est jamais transparente pour autrui (p. 626).

476. Le mystère

Pour le disciple bien-aimé, le Fils est la clef qui lui permet de pressentir le mystère de la Trinité. Il va donc par l’homme à Dieu, il se tourne vers Dieu en se tournant vers le Fils (p. 626).

477. Le processus de conversion se joue toujours dans le secret du cœur (p. 628).

478. Le beau vêtement

On doit être nu devant Dieu, mais vêtu devant les autres. Nul ne doit parler devant les autres de ses péchés et de sa nudité antérieure. S’il le faisait, il n’attirerait pas l’attention sur le Seigneur, mais indirectement sur le beau vêtement qu’il porte à présent (p. 628).

479. Le deuil : survivre au bien-aimé, c’est comme une mort permanente (p. 631).

480. Compassion

Que Dieu accepte une pénitence de notre part et la prenne en compte est dès le début une marque de sa compassion (p. 632).

481. Dieu n’est pas dépendant de l’approbation que nous donnons à son existence (p. 638).

482. L’œuvre

Les saints et les martyrs participent au plus intime à l’œuvre de rédemption du Seigneur (p. 654).

483. Il y a des interprétations simplistes de la vérité de Dieu (p. 660).

484. La vie

Seule la vie surnaturelle dans la foi nous fait savoir qu’un homme ne disparaît pas quand il meurt, mais qu’il peut continuer à agir et agit effectivement. Sa vie reste une vie, même dans la mort (p. 666).

485. Le diable ne peut être racheté (p. 666).

486. La grâce

Par la grâce du Rédempteur, des hommes qui ne voulaient pas, peuvent être amenés à vouloir la grâce (p. 666).

487. Dieu et le diable se font face depuis la nuit des temps (p. 668).

488. Marie n’a jamais voulu autre chose que ce que Dieu veut (p. 672).

489. Tout ce qui est surnaturel suscite en chacun émerveillement et étonnement (p. 675).

490. Les formes

Un chrétien peut continuer à pratiquer longtemps après que le Seigneur et la foi vivante ont disparu des formes de sa religion (p. 695).

491. La relation

Il y a des hommes qui ne pensent au Seigneur que de temps en temps, et ils se conduisent comme si la majeure partie de leur vie leur appartenait en propre, comme s’ils n’avaient aucune relation fondamentale et durable au Seigneur (p. 701).

492. Les larmes

Dans l’au-delà, on peut participer à la souffrance de la terre, tout en étant en même temps bienheureux en Dieu. Marie peut ainsi siéger en reine au ciel et verser en même temps des larmes devant des hommes dans une apparition. Les saints qui prennent part aux tourments de la terre n’y restent pas indifférents, mais leur compassion est intégrée dans leur état céleste (p. 704).

493. L’obstination

Croire veut dire être en contact avec la vérité de Dieu et, en elle, avec toute la vérité. L’incroyance consiste à affirmer avec obstination l’impossibilité de s’adapter à Dieu, au Seigneur et à l’amour (p. 709).

494. Il existe une absence absolue de toute volonté de se donner à la vérité (p. 713).

495. Dieu exige de nous l’abandon de la foi (p. 713).

496. Une amitié ne se conclut pas en une minute (p. 718).

497. Ce qui appartient à Dieu ne peut, par nature, être souillé même par le diable (p. 718).

498. La joie

Dieu ne devrait jamais être séparé de sa création ; depuis toujours, il était prévu que la création participerait à la gloire de Dieu par la connaissance et la joie. Dieu offre la grâce de sa connaissance et il veut que l’homme en vive et tire d’elle sa joie (p. 724).

499. Possibilités

Dieu a ses possibilités divines, et il les utilise par-delà tout ce que l’homme saisit et comprend (p. 725).

500. La vie éternelle et infinie de Dieu échappe à toute vue d’ensemble (p. 725).

501. Le tout

Dieu ne nous cache rien, mais l’éternité ne suffira jamais à montrer d’un seul coup ce tout (p. 725-726).

502. Le cœur

Certaines affirmations des saints, de saint Augustin par exemple, sont au cœur de la vérité de l’Église (p. 726).

503. Participation

Les stigmates de saint François expriment sa participation, réalisée et acceptée, à la passion du Seigneur (p. 730).

504. Le paradis a été créé pour la béatitude de l’homme (p. 734).

505. Le Seigneur rassemble dans l’Église toute sa création (p. 738).

506. L’Apocalypse est un message de Dieu à l’Église transmis par Jean (p. 741).

507. Tout ce que nous avons compris n’est jamais qu’un commencement d’infini (p. 753).

508. Béatitude

Un saint François d’Assise conserve ses stigmates au ciel, mais non comme une grâce qu’il devrait encore payer de douleurs. Ce qu’il pourrait encore souffrir au ciel à cause des péchés des hommes est déjà assumé par le Seigneur, est passé entre ses mains. Il pourrait donc apparaître certes souffrant, mais cela n’empêcherait pas sa béatitude. Sur terre, le Seigneur répartit sa mission de souffrance entre les saints ; au ciel en revanche, il la reprend en lui en retournant au Père (p. 754).

509. La durée

La dureté et la durée du purgatoire dépendent des dispositions dans lesquelles les hommes y vont et le traversent (p. 757-758).

510. S’en remettre au pouvoir de Dieu par lequel l’impossible devient possible (p. 759).

511. La condition

Par la grâce du Seigneur, la foi est accessible à tous. Personne ne peut dire que sa condition ne lui a pas permis de croire (p. 762).

512. Le passage

De « convertir au Seigneur » à « convertir à soi-même » le passage est souvent imperceptible (p. 764).

513. L’ombre

Toute la représentation du purgatoire et sa relation à l’enfer reste ici enveloppée d’ombre (p. 777).

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4. Visages de saint Jean dans l’œuvre d’Adrienne von Speyr)

Notes de lecture

 

Introduction

Les œuvres d’Adrienne von Speyr nous font connaître dans une certaine mesure ce qu’elle a compris des mystères de Dieu et du destin de l’homme. Des choses du ciel et de la terre, qu’on ne trouve peut-être pas ailleurs. Les pages ci-dessous voudraient offrir une partie au moins de ce qu’elle a compris de saint Jean, le disciple bien-aimé. Adrienne nous a laissé un commentaire de l’Évangile de Jean, de ses lettres et de l’Apocalypse, mais la figure de l’apôtre apparaît bien des fois ailleurs dans ses autres œuvres.

Ci-dessous des notes de lecture glanées dans les œuvres posthumes. Des thèmes reviennent à plusieurs reprises. Il faudrait continuer l’enquête dans toute l’œuvre d’Adrienne. Ces notes sur Jean sont éparpillées un peu partout dans l’œuvre d’Adrienne, elles surgissent là où on ne les attendait pas nécessairement. De temps à autre une pépite peut-être.

Ces notes nous font connaître Jean de l’intérieur : ce qu’était sa prière par exemple. Elles nous disent quelque chose aussi de ce qu’il fut par rapport à ses contemporains : les autres apôtres, Marie surtout. Sur la croix, Jésus confie sa Mère à Jean : peut-on dire quelque chose de ce que Marie apporte à Jean, de ce que Jean apporte à Marie ?

Ces notes nous offrent aussi des indications sur les relations de Jean avec quelques saints de tous les âges de l’histoire de l’Église. Ce que certains saints ont reçu de lui, ce qui aurait été profitable à tel ou tel s’il l’avait mieux connu, lintérêt qu’il y aurait à le prier davantage.

Les notes glanées ont été réparties sous six titres : 1. Le disciple bien-aimé - 2. Marie et Jean - 3. Les écrits de Jean – 4. Jean et les apôtres - 5. Jean et les saints - 6. Jean aujourd’hui.

 

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Références

NB = Nachlassbände (Œuvres posthumes)

NB 8-10 (suivi d’un numéro d’ordre provenant de l’original)

 

 

I. Le disciple bien-aimé

 

1. Le "serviteur de Jésus"

La théologie mystique d’Adrienne se distingue d'abord négativement de celles qui l'ont précédée par le fait qu'elle ne procède pas psychologiquement mais théologiquement, qu'elle ne met donc pas l'accent sur l'expérience (noésis) mais sur ce qui est expérimenté (noéma) : le mystique est, comme le prophète et l'apocalypticien de la Bible, avant tout un "serviteur de Jésus" même quand il s'appelle Jean (Ap 1,1) et qu'il est appelé pour transmettre quelque chose à l’Église. Seul compte ce qui est objectif; mais pour le transmettre en toute pureté, le voyant, l'entendant, l'expérimentant, doit avoir le cœur le plus pur possible (NB 1/1, p. 16 : Introduction du P. Balthasar).

 

2. Privilège

En appuyant sa tête sur la poitrine du Seigneur, Jean lui déclare sans paroles qu'il est prêt à aider tous les hommes, même les plus tièdes, les plus éloignés, à s'élever de l'amour humain à l'amour divin. C'est la forme johannique de l'amour. Même si Jean ne doute aucunement qu'il est aimé comme un ami, qu'il a une position privilégiée auprès du Seigneur, il sait pourtant que les autres sont également visés et qu'il reçoit à porter quelque chose qui rendra plus évidente cette participation de tous à son privilège. Porter les autres, ainsi que leur faute, avec le Seigneur est pour lui quelque chose de très humble. Quelque chose qui va de soi, quelque chose de très agréable. Cela touche le Seigneur, cela touche aussi Jean d'une certaine manière : en portant, il est envahi par l'amour du Seigneur. Car quand il comprend qu'il doit porter tout ce qu'il peut, il voit le fardeau avec les yeux du Seigneur, et le Seigneur en est heureux, et sur la croix il n'oubliera pas que, dans l'amour de Jean, sont déjà inclus tous ceux qui sont à sauver (NB 10,2321).

 

3. L’amour de Jean

Le Seigneur abrite tout en lui. Il a en lui le ministère de Pierre et l'amour de Jean et les fonctions d'un chacun. Il les leur a certes distribuées mais de telle manière qu'ils ne peuvent les exercer qu'en ne faisant qu'un avec lui (NB 4,425-426).

 

4. Celui qui demeure

A la différence de saint Paul, Jean est celui qui demeure. Parce que, chez lui, l'enseignement n'est pas aussi prononcé que l'amour, et parce que la contemplation occupe chez lui beaucoup plus de place que chez Paul, parce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui lui-même aime. On le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour pour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui à la dernière Cène repose sur la poitrine du Seigneur; cela aussi reste une brève mention, cela ne fait que signaler quelque chose qui est d'habitude passé sous silence. Et cependant pour ceux qui voudront suivre le Christ, ce sera peut-être, dans l'évangile de Jean, quelque chose d'important (NB 5,33).

 

5. La prière de Jean

Je le vois prier. Il prie de telle manière qu'en chaque mot de sa prière le Seigneur se trouve toujours au centre, le Seigneur qu'il aime comme un ami et qui est Dieu. C'est de cet amour qu'il vit et il attiré par lui dans l'amour de Dieu, et son amour se transforme. Chaque fois qu'il se met à prier, il voudrait adorer, remercier, présenter sa requête; il s'abandonne, il s'offre, il se livre totalement. Cependant dès qu'il commence, il est tellement saisi par l'amour de Dieu qu'il n'a plus besoin de rien faire : il est accueilli, son offrande est acceptée par le Seigneur, son sacrifice est agréé. Il n'a plus besoin de faire d'efforts, de vouloir quelque chose : la volonté de Dieu et son amour sont totalement en lui. Tout n'est plus qu'amour, unité, grâce. Et, pour lui, c'est comme si Dieu avait justement besoin de cette prière, comme si le Fils l'avait attendue pour remplir les autres d'amour, pour répandre chez les autres le don total de sa grâce. Il n'est jamais plus heureux que dans cette prière puisque, par la grâce, lui-même est distribué également à tous ceux qui attendent cette grâce.

(Et comment est son amour pour la Mère de Dieu?) Il aime la Mère par le Fils. Il l'aime d'abord parce que, ayant mis au monde le Fils, elle lui a procuré le don de cet amour; puis il l'aime plus personnellement et toujours plus fort; et quand enfin, sur la croix, le Seigneur lui donne sa Mère, toute la responsabilité de l'amour divin, dont il a tant appris auprès du Seigneur et par son amour pour lui, s'introduit dans ses relations avec la Mère. Maintenant il reçoit la Mère par le Fils comme il avait reçu le Fils par la Mère; et, par la Mère, il perçoit de manière neuve comment tout l'amour chrétien est répandu de manière eucharistique, comment aussi les hommes peuvent être confiés les uns aux autres pour qu'ils aiment davantage l'amour de Dieu, croissent en lui, accomplissent en lui la volonté du Père. Mais jamais un tel accomplissement de la mission de Dieu, jamais leur amour ne se limitera à eux-mêmes; leur amour réciproque veut se répandre sans cesse au-delà de manière débordante. Et ainsi, par Marie, Jean apprend à comprendre ce qui pour lui n'était pas aussi clair auparavant : que toutes les générations les proclameront tous deux bienheureux, et que tout ce qu'ils font ensemble, tout ce qu'ils représentent et tout ce qu'ils sont aura à vivre dans les générations futures, qu'ils sont des souches, des fondateurs, que par leur amour chrétien non seulement ils posséderont une éternité dans le ciel, mais que sur terre ils doivent remplir les temps, qu'ils n'ont pas le droit de mourir, qu'ils ont une mission qui dure et demeure jusqu'à la fin du monde et jusqu'au retour du Fils.

(Et quand plus tard il est seul?) Cela ne change rien. Il vit du même amour pour la Mère, pour le Fils; toute sa vie est amour : pur, divin, parfait (NB 1/1,257-258).

 

6. Un espace ouvert

La manière de prier de Jean : toute livrée, vraiment naïve : sa prière est toujours un espace ouvert, illimité, que le Seigneur lui-même remplit. La prière de Marie par contre dit quelque chose de plus intense parce qu'elle est introduite plus avant, parce qu'elle a expérimenté en son propre corps Dieu le Père, le Fils et l'Esprit (NB 5,235).

 

7. Attitude intérieure de Jean

Chez lui, tout vient de l'amour. Son attitude intérieure ne connaît aucune fluctuation; elle se tient toujours au centre, dans l'amour. Et son amour grandit au fur et à mesure que s'accroît sa connaissance de l'amour. Il aime sans partage d'une manière qui correspond chaque fois à son état intérieur. Depuis son premier appel, il avance dans l'amour. Et plus il lui est permis d'aimer, plus il s'ouvre à l'amour. Toujours plus de choses en lui sont illuminées et développées par l'amour de Dieu et ainsi l'amour le dilate toujours davantage. L'amour devient toujours plus pour lui comme allant de soi , mais il n'est jamais installé ni routinier, il demeure toujours un don de soi plus total. Il aurait été prêt dès le début pour la vision de l'Apocalypse; cependant le Seigneur a voulu attendre que se développent son amour et sa disponibilité jusqu'à la plénitude de ces visions. - L'attitude de confession est chez lui très importante parce qu'elle lui fait prendre une conscience toujours nouvelle de la distance entre lui et le Seigneur. En raison de cette attitude, il lui est impossible de s'engager sur de fausses pistes ni de trop s'approcher du Seigneur, de devenir familier avec lui. S'il n'avait pas cette humilité, qui se trouve à l'arrière-plan de toute attitude de confession, il aurait pu être gâté par l'amour. Mais son attitude de confession est si intimement liée à son amour qu'il ignore les fluctuations. Il ne connaît pas les humeurs d'un amoureux, il est d'un équilibre parfait. Par son attitude de confession, il est comme une femme qui est consciente d'être soumise à son mari et qui se comporte ainsi vis-à-vis de lui de manière tout à fait constante sans devoir attirer continuellement son attention sur la chose. - La prière, il l'apprend directement du Seigneur. Il adore le Père mais par le Fils et avec lui. Il est un modèle pour la prière chrétienne parce qu'il reçoit les paroles de Jésus avec tant d'amour qu'il les reçoit comme des paroles priées. Il comprend que le Fils est constamment occupé à converser avec le Père et que, quand Jésus parle avec lui, il l'invite par ses paroles à participer à sa prière et à sa conversation. Et même quand Jésus n'est pas là, il lui est présent par la parole qui demeure en lui et qui ne perd pas son contenu. Par cette prière constante, qui provient de sa relation personnelle d'amour avec le Seigneur, il trouve accès à un état de contemplation. Par le Fils, il a part aussi à sa contemplation du Père. Et ainsi il n'est pas difficile de lui montrer l'Apocalypse parce que, par le Christ, qu'il connaît en tant que Dieu et en tant qu'homme, il s'est habitué à trouver Dieu dans l'homme et à voir s'accomplir en l'Homme-Dieu le saut du ciel à la terre. L'indifférence de sa vision est fondée dans le centre qui est le Christ. Quand il le regarde, quand il parle avec lui, quand il est avec lui à table, il sait qu'il ne possède aucune mesure d'ordre humain pour limiter le Fils. Aussi n'est-il pas étonné quand on lui fait le cadeau de l'Apocalypse, qui lui donne une nouvelle participation à la vision du Fils. Il ne lui est pas difficile de voir des choses auxquelles il avait cru auparavant, pour lesquelles il n'avait ni concept ni représentation, mais dont il savait dans la foi que c'était le monde céleste du Fils (NB 1/1,324-325).

 

8. La foi aimante

Les apôtres, surtout Jean, ont d'abord fait l'expérience du Seigneur en tant qu’ami, ce qui n'effaçait pas le fait qu'il fût le Seigneur et le Maître. Les apparitions du Seigneur pendant les quarante jours sont une pure continuation de leurs relations de foi aimante (NB 6,302).

 

9. Transparence

Quand Jean, lors de la Cène, pose la tête sur la poitrine du Seigneur, il l'aime du pur amour d'un saint et il se sait aimé d'un amour divin. Il n'éprouve aucune distance entre les deux formes de l'amour, mais son amour et lui-même, il les sent élevés jusque dans l'amour de Dieu. Pour tous les autres aussi, il est possible que l'amour les élève de la même manière : c'est une qualité d'affection qui fait éclater la relation personnelle, aussi obligatoire soit-elle, et organise pour tous une sorte de banquet de l'amour. Tous ceux qui refusent, tous les tièdes, tous ceux qui hésitent sont embarqués. Jean sent pour ainsi dire leur présence et il doit, par pur amour, les entraîner dans la confession qui doit être instituée. Il doit les servir avec quelque chose, il doit leur venir en aide avec quelque chose qui constituera l'essence de la confession parce que l'amour pour le Seigneur ne peut pas rester sans une ultime ouverture et une ultime transparence; et c'est pourquoi Jean sent qu'il doit emmener tous les autres avec lui dans sa transparence personnelle vis-à-vis du Seigneur (NB 10,2321).

 

10. L’ami

Jean se sait totalement transparent pour le Seigneur : celui-ci est l'ami qui sait tout... Jean pose sa tête sur la poitrine du Seigneur (NB 10,2324).

 

11. L’ami humain

Dans le cercle le plus restreint de l’œuvre de la rédemption se trouvent Marie - la Mère -, Madeleine, Marie de Béthanie, Jean... Ils sont tous aussi bien des personnes individuelles que des types, c'est-à-dire qu'en tant que personnes elles ouvrent un type et cela de telle sorte qu'elles l'incarnent à la perfection. Même si à la croix Madeleine représente d'abord les pécheurs pardonnés, le fait d' « être sauvé » n'est cependant pas purement passif, c'est avoir part à l'amour chrétien rayonnant. Jean est l'ami humain : il devient un type justement en tant qu'il est personnellement le familier aimant. Et comme sur la croix le Seigneur est avant tout homme, il est avant tout requis de l'homme qui est son ami d'être là avec lui (NB 3,201).

 

12. Un point lumineux dans les ténèbres

Adrienne parle longuement de Jean (l’apôtre) au P. Balthasar. Jean est l’amour. Sa relation au Seigneur, leur amour réciproque, sont si uniques et si beaux que toutes les paroles qu’on pourrait utiliser ici ne seraient pas à la hauteur et sonneraient faux. C’est la relation la plus pure entre maître et disciple, entre un homme et un jeune homme, un amour en quelque sorte tendre, passionné, mais aussi encore héroïque. Au fond, Jean ne comprend pas plus le Seigneur que les autres apôtres, mais il l’aime par-dessus tout et il ne veut rien comprendre que dans l’amour; si le Seigneur le fait, c’est bien. Il irait dans le feu pour le Seigneur. Il est l’amour humain que le Père a offert au Fils dans le monde, un pur cadeau. Quelque chose de gratuit. Un point lumineux dans les ténèbres. D’une tout autre manière que Marie. Marie se trouvait naturellement en quelque sorte plus proche du Seigneur en raison d’une relation physique. Cela crée une tout autre relation que la libre rencontre entre deux hommes. L’évangile de Jean est beaucoup moins une “dictée” que les autres, beaucoup plus le résultat d’une contemplation aimante du Seigneur. On y trouve beaucoup de la nature de Jean (NB 8,806).

 

13. L’amour d’un croyant

Jean repose sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour de croyant. La réponse du Seigneur est la surabondance de son amour divin. Le Seigneur voit en Jean ce qu'un homme est capable de donner à Dieu : un champ où l'amour divin peut porter du fruit. Et ce champ était si ouvert parce que l'amour divin était devenu homme dans le Fils et que Jean a pu recevoir l'amour divin dans l'amour humain du Seigneur. Le Seigneur a vu en Jean l’œuvre de la rédemption ; ce fut très bon pour lui (NB 5,268).

 

14. Demeurer dans l’amour

Celui qui aime réellement ne regarde jamais plus le péché. Ainsi de Jean. Qui est étranger au péché regardera certes encore le péché pendant la confession : est-ce qu'il en commet encore? Celui qui est tout entier dans l'amour sait qu'il ne commettra plus de péché. Ou bien il a la certitude que ce qu'il commettra encore de péchés sera moindre que ce qu'il a commis. Jean reçoit pour ainsi dire constamment l'absolution; un autre la reçoit comme un acte isolé ; pour Jean, c'est une obligation énorme de demeurer dans l'amour de telle sorte qu'il se sait intégré en lui, intégration que l'autre ne connaît pas. Le pénitent ordinaire réfléchit à ce qu'il doit dire. Il arrondit peut-être les choses pour ne pas en dire trop peu. Il construit sa confession. Jean éprouve son déficit comme un tout (NB 10,2323).

 

15. Jean ne comprend pas le péché

Jean est toujours totalement pur, tellement pur que, d’une certaine manière, à côté de la chasteté il ne comprend pas le péché. Il serait impensable pour lui qu’on puisse vénérer la Mère, adorer le Fils et en même temps se chercher soi-même dans un autre être. Il a compris l’amour comme une orientation définitive vers le Seigneur et vers la Mère ; il a toujours vu dans le Fils la Mère et toujours aussi dans la Mère le Fils. Quand il a quitté la croix avec Marie, il y avait toujours, dans sa vénération pour la Mère, sa vénération pour le Fils. Il était élevé dans une sphère de virginité dans laquelle il n’entrait pas du tout en contact avec la nature de l’impureté (NB 9,1410).

 

16. Jean fait partie des préservés

L’Esprit donne au saint une perspicacité particulière pour l'humain, et sa mission le rend désireux de comprendre le plus possible. Ainsi un saint Jean, qui fait certainement partie des préservés et qui a, dans son évangile, une vision particulièrement claire de la nature du péché. (NB 4,171).

 

17. L’angoisse de l’amour

Jean a l'angoisse de l'amour. Il a de l'angoisse pour le Seigneur. Et il craint de le perdre. Il a une telle angoisse : il n'a peut-être pas été à la hauteur, il n'a peut-être pas tout donné, il n'a pas su au fond ce qu'était l'amour. Il ferait tout pour sauver l'amour, mais il ne voit pas ce qui peut arriver… Finalement, à Gethsémani, les trois disciples dorment par pur désarroi. Ils ont le sentiment que leur heure n'est pas venue, qu'ils doivent peut-être rassembler leurs forces… Ils ne peuvent contribuer en rien à la décision; cette conscience est pour eux humiliante. Ils laissent le Seigneur chercher seul la solution. Jean est tellement accablé d'angoisse et de tristesse que, comme un enfant, il s'endort en pleurant. L'exigence spirituelle démesurée les a tous épuisés. (NB 1/2,47-48).

 

18. Des paroles d’amour

Parce que Jean aime, parce qu'il aime d'amitié son Seigneur et Dieu, il sait que chaque parole qu'il lui dit doit être une parole d'amour. Pour lui, cela va de soi, comme il va de soi entre ceux qui s'aiment qu'on se dit des paroles d'amour. Le tout provient du fait qu'il sait que le Seigneur l'aime, qu'il est son ami et qu'il reçoit en retour l'amour du disciple. De là résulte comme un éclatement : toute parole que Dieu dit est une parole d'amour divin parce que le Fils est Dieu. La divinité de Jésus, il la connut de très bonne heure, c'est la grâce qui avait mis en lui ce fondement, mais ce fondement n'est employé que lorsque le disciple, par la plénitude de ce qu'il reçoit dans ses relations avec le Seigneur, apprend à comprendre que chaque parole du Christ est une parole d'amour. Quand il a compris cela, la parole qu'il adresse au Seigneur devient une parole de prière. Il ne parle plus autrement avec lui qu'en l'adorant. Et il ne perçoit aucune parole du Seigneur autrement que participant au dialogue éternel du Fils avec le Père. Même dans la parole ou l'exigence la plus concise du Seigneur, il comprend que cette parole ne s'adresse pas seulement à lui et aux autres disciples, mais en même temps à Dieu. Et ainsi toutes ses relations avec le Fils deviennent facilement une prière (NB 1/2,44).

 

19. Le Seigneur a prié pour Jean

Quand le Seigneur a prié pour Jean avant la Passion - car il priait pour chacun des siens en particulier -, sa prière est allée au Père; celui-ci l'a reçue et il en a utilisé quelque chose pour Jean. Pas tout, car le Fils, en devenant homme, a adopté la loi de l'humanité, qui est une communauté indissoluble. Les hommes doivent toujours prier dans le cadre de la volonté du Père qui peut disposer librement de la prière pour le bien de tous (NB 6,241).

 

20. La prière au cénacle

Au cénacle, la présence de Judas ne trouble pas la prière du Seigneur. Pour lui, Judas est en quelque sorte le représentant de l'humanité pour l'amour de laquelle il est venu dans le monde. Mais Jean a du mal à prier : la menace de la Passion qui arrive, la présence de l'impie, le mettent dans une sorte de nuit de la prière. Jean sait que le Seigneur prie et qu'en priant il voit le Père et que lui, Jean, est en communion de prière avec le Seigneur. Jean sait que le Seigneur connaît Judas beaucoup mieux que lui. Ce que Jean perçoit comme un malheur menaçant, comme une proximité du diable, comme quelque chose de précis qui empêche sa prière, n'est pas en mesure d'empêcher la prière du Seigneur. La tension entre le fait qu'il soit empêché de prier et le fait que le Seigneur n'en soit pas empêché a pour résultat de donner à Jean une nouvelle intelligence de la nature de la divinité du Seigneur, avec sa certitude inébranlable. Il en conclut qu'au fond le fait pour nous de pouvoir prier est un don de la grâce de Dieu, car sans cette grâce nous ne serions pas différent de Judas. Même quand nous ne pouvons désigner personne qui nous empêcherait de prier, nous serions déjà à nous-mêmes un empêchement suffisant. Et à côté de la grande grâce de la prière, il voit à quel point la vision du Père passe par le Fils, il voit ce qu'il y a d'absolu dans le Fils et dans sa prière (NB 5,88).

 

21. La nuit mystique

La défaillance de Judas, son péché et la menace qui se dégage de lui, rendent Jean incapable d'aller à Dieu avec autant de candeur que d'habitude et d'être dans la conversation du Fils avec le Père. Pour le moment, cette conversation est pour lui muette. On voit ici l'un des accès à la nuit mystique. Souvent, sans qu'on puisse s'imputer la faute à soi-même ou à quelqu'un d'autre, l'ombre menaçante de la croix, le pressentiment de l'abandon imminent du Fils, constituent un empêchement absolu de participer à la conversation divine dont on sait pourtant qu'elle existe (NB 5,88-89).

 

22. Golgotha

On ne peut pas imaginer qu'après avoir été présent au Golgotha, Jean ait pu devenir encore un jour infidèle à sa mission… Jean, qui brûle tout entier dans l'amour, est tellement voilé à ses propres yeux qu'il ne court pas le danger de se regarder lui-même (NB 11,429).

 

23. Au lac de Tibériade après la résurrection

Jean a reconnu le Seigneur le premier parce qu'il incarne l'amour ecclésial. Son amour fut en lui le moyen qui lui a permis de reconnaître le Seigneur. Pour cette disponibilité aimante qui est incluse dans l’amour et que Jean cherche toujours à garder, le Seigneur est comme un aimant qui agit sur l'aiguille aimantée. La certitude de la connaissance johannique provient de l'amour (NB 1/2,48-49).

 

24. La mystique de Jean

Toute la "mystique" de Jean consiste pour lui à aimer le Seigneur et à être aimé par lui. C'est en partant de cet amour qu'il apprend les mystères du Seigneur et qu’il les transmet avec une spontanéité éternellement débordante jaillissant continuellement de l'amour. Humainement parlant, il peut faire exactement ce qu'il aime le plus : vivre de l'amour réciproque entre le Seigneur et lui, et s'occuper uniquement de cela. Il doit annoncer le Seigneur, mais comme il le comprend par l'amour ; l'Apocalypse aussi peut être tout à fait comprise comme une expression de cet amour réciproque. L'amour détermine son travail, ce qu'il met par écrit, ses relations avec les hommes, sa prédication, et absolument toute sa prière et toute sa réflexion. L'amour du Seigneur est en même temps pour lui le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous les hommes. C'est le "dogme" dont on peut voir le contenu dans l'amitié de Jésus avec Jean… Jean au fond ne suit pas de chemin, il reste à l'endroit de l'amour, et le dogme en découle comme de lui-même. Origène se trouve dans le flux de cet amour et il s'y fraie un chemin pour remonter à la source… Jean éprouve toujours tout dans l'espace de l'amour : ce qui est le plus beau comme ce qui est le plus difficile et peut-être ce qui est le plus problématique (NB 2,162).


 

II. Marie et Jean

 

25. Une relation privilégiée

Jean apparaît avec plusieurs fonctions. Il est le disciple et l'ami du Seigneur, l'évangéliste. Des disciples et évangélistes, il y en a d'autres, ils sont quatre. Mais du fait qu'il est l'ami, Jean devient digne de prendre soin de la Mère du Seigneur, d'avoir avec elle une relation privilégiée (NB 2,200).

 

26. Des personnes qui aiment le Père

Quand le Fils rencontre Jean et déjà quand il rencontre sa Mère, ils ne sont pas avant tout pour lui des personnes qui l'aiment, mais des personnes qui aiment le Père. En tant qu'homme, il apprend à connaître l'effet de l'amour du Père sur les hommes et il reçoit par là un nouvel accès au Père, un accès d'homme. Il voit aussi des hommes qui haïssent le Père et, en tant qu'homme, il ressent cette haine autrement qu'en tant que Dieu (NB 3,226).

 

27. Le Fils aimait sa mère et saint Jean

Sur la croix, le Fils prend congé du monde et de ce qu'il aimait ici. En tant qu'artisan, il aimait aussi le bois, il se trouve maintenant derrière lui, il ne le voit plus. Il aimait sa Mère et saint Jean et toutes les créatures du Père sur la terre et dans le ciel (NB 3,330).

 

28. La croix 

Au pied de la croix, alors que Jésus se sent abandonné par le Père, la Mère quand même avait été là, et les femmes et Jean. Ils ne pouvaient pas aider, mais ils furent quand même introduits d'une certaine manière dans le mystère (NB 3,22).

 

29. Marie et Jean

La mission spéciale de Marie se termine à la croix. Comparée à cette mission, la vie de la Mère avec Jean sera une sorte de mission indépendante, comparable à la vie qu'elle avait avant de donner son oui à l’ange (NB 1/2,182).

 

30. L’état religieux

La fécondité de l’état religieux commence à la croix où le Seigneur unit Marie et Jean (NB 9,2029).

 

31. Puiser l’amour

Parce que le Fils est totalement homme, ce qu'il doit donner au monde, il le puise dans sa vison du Père. Et, à une certaine distance de celle-ci, il puise aussi dans sa vie avec sa Mère, dans son amitié avec Jean (NB 12,100).

 

32. La maison de Jean

Marie va habiter chez Jean. Tout d'abord le lieu lui paraît tout à fait étranger. Mais c'est le lieu de l'ami de son Fils. Et cela devient maintenant son lieu à elle. Elle doit partager maintenant cette maison avec Jean pour que leurs deux missions puissent y avoir leur place, pour qu'elle donne à Jean ce qu'elle a donné à son Fils et pour qu'elle attende de lui ce qu'elle a attendu de son Fils. Et en cela, la mission que l'Esprit lui avait transmise autrefois par le salut de l'ange doit demeurer inchangée. Autrefois la mission était prodigieusement grande et toute petite, inaccoutumée et banale, et quand elle attendait quelque chose de son Fils, elle le recevait toujours avec profusion. Maintenant le problème difficile est qu'elle devrait recevoir de Jean plus qu'elle ne peut en attendre; la solution réside en ceci qu'elle a à lui donner pour recevoir de lui. Elle est certes habituée à son Fils. Christ - Marie – Jean : une hiérarchie descendante; Marie reste à peu près égale à elle-même, qu'elle ait affaire au Christ ou à Jean, mais Jean n'est pas le Seigneur; son attente à elle est tellement comprise dans sa mission que même dans le fait que son attente est comblée se trouve une sorte de nourriture de sa tâche. Il lui est impossible de se laisser limiter dans ce qu'elle donne et dans ce qu’elle prend. C'est pourquoi elle doit maintenant donner davantage pour recevoir aussi davantage. Elle le fait sur mission du Seigneur : la relation Marie - Jean a bien été établie par lui. Ce qui est remarquable, c'est que c'est le Seigneur qui dispose, de manière indirecte, de ce devoir de Marie de donner davantage. Naturellement la Mère n'est pas déçue par Jean, mais elle est tout aussi certaine que Jean lui doit sa dernière maturité. Comme si les insuffisances humaines de Jean devaient voler en éclats (NB 10,2091).

 

33. Jean 53 : Marie et la Trinité

(N. B. Dans le système des chiffres correspondant aux 153 poissons de la pêche après la résurrection, 5 est le symbole de Marie, 3 celui de la Trinité, 53 celui de Jean).

Marie (5) et la Trinité (3), face à face, constituent le lieu de l'expérience personnelle. Jean a aimé le Seigneur et il a été aimé par lui de sorte qu'il a fait l'expérience de l'amour comme vie et qu'il a été totalement dominé par lui. L'amour était pour lui le seul élément important de son existence, et il en était conscient. Mais ce savoir ne s'est jamais arrêté en lui pour devenir pour lui objectif, ce savoir est toujours allé plus loin dans l'acte d'aimer et dans la contemplation de l'amour. Puis il rencontre Marie avec son mystère, il la prend chez lui après la croix, il crée de nouvelles relations d'amour entre elle et lui; mais de plus, qu'un nouvel amour soit créé par elle parce qu'elle devient objet d'amour et parce qu'on aime par elle, fait partie de ce qui est objectif en Marie; elle devient un instrument de l'amour divin et humain. Et cet amour marial ne peut pas diminuer parce qu'il se trouve face à la Trinité. C'est justement en Jean que l'on voit que tout culte de Marie et toute dévotion à Marie doivent être vivants, inclure ce qui est trinitaire, qu'on ne peut pas séparer Marie de son mystère trinitaire. Par Marie, Jean fait une nouvelle expérience de la Trinité et de Marie par la Trinité. Ainsi son amour, en tant que service du Seigneur et service de la vérité chrétienne, est toujours élevé tout autant que stimulé par la Trinité, et il inclut toujours les mystères de Marie. Les relations de Marie à la Trinité sont si prodigieusement vivantes que non seulement Jean aime ces relations et en vit, mais que tous les desseins du Fils au sujet de la rédemption du monde et du commandement de l'amour peuvent s'en déduire. Et le nombre de Jean et sa vie – car il vit de son nombre – permettent de connaître de manière neuve Marie et la Trinité, telles que le Fils nous les présente. D'une part, Marie est le centre de l'action de la Trinité : du Père, elle conçoit le Fils par l'Esprit, et elle met le Fils au monde pour le rendre au Père dans le même Esprit quand, sur la croix, il remet son Esprit au Père. Jean la comprend dans cette fonction comme étant le centre; la rencontre de Marie avec la Trinité reste pour elle actuelle tout au long de sa vie, et Jean la reconnaît comme valable éternellement. C'est à ce mystère que l'amour ne cesse de se laisser allumer et aussi vérifier. Si on voit Jean de cette manière, il est alors évident que son amour pour le Seigneur est toujours également trinitaire et marial, et c'est dans cette ouverture que cet amour signifie pour lui la vie (NB 2,63-64).

 

34. Marie, Joseph et Jean

Ces jours derniers, Adrienne a vu assez souvent l’apôtre Jean. Une fois, Jean apparut avec la Mère et on voyait que les deux étaient davantage l’un pour l’autre que n’importe quel homme ou n’importe quelle femme. Jean est l‘amour et la parfaite virginité. Adrienne en parle longuement. Elle compare sa pureté à celle de Joseph. Joseph est un homme qui a son combat pour la pureté et doit sans cesse renoncer. Non pas qu’il ait jamais regardé Marie avec convoitise, mais il doit combattre la tentation en lui-même. Il est pur parce qu’il n’est jamais vaincu. Jean par contre, par son particulier attachement d’amour pour le Seigneur, est préservé de toute tentation. Il est au-delà de la sexualité, non qu’il serait efféminé, mais son amour répand simplement ses rayons sur toute la sphère érotique. Sa pureté vit totalement de la grâce et dans la grâce (NB 9,1100).

 

35. Pentecôte et vendredi saint

On ne doit pas penser la Pentecôte sans le vendredi saint. C'est une fête à laquelle on n'arrive que par les épreuves supportées en suivant le Christ au temps de sa Passion ; on ne peut pas supprimer ses conditions. Plus l'expérience de la Pentecôte est pleine, plus aussi sa condition doit avoir été remplie profondément, plus le temps de la Passion doit avoir été vécu à fond. Marie et Jean ressentiront leur joie mystique dans l'Esprit d'autant plus candidement et d'autant plus pleinement qu'ils ont participé plus profondément aussi à la croix du Seigneur (NB 5,146).

 

36. La sœur

Quand on reconnaît des personnes dans le ciel, elles ne sont plus pour nous un époux ou un fils mais un frère, non plus une mère ou une fille mais une sœur. Marie quittant la croix en la compagnie virginale de Jean devient sa sœur. Le Fils lui-même, bien qu'il soit Dieu, adopte à notre égard la relation de frère. Lors de l'Incarnation, il a pris sur lui les relations naturelles, mais pour finalement les écarter. Sa Mère, il la confie à Jean; mais eux aussi, ils doivent renoncer à la relation mère-fils à la suite du Fils (NB 10,2125).

 


 

III. Les écrits de Jean


 

37. L’Église originelle

Les premiers apôtres se trouvent au sein de l’Église originelle. Il y a des choses que seul connaît celui qui est dans le surgissement, que celui qui a été là, et ces choses perdent de leur force même dans la description la plus vivante. Les premiers disciples, surtout Jean, se trouvent si près qu'ils pénètrent les choses. Il y a peut-être des détails que même Jean ne voit pas dans la relation entre le Seigneur et la Mère. Cela n'a pas d'importance, car il est si près qu'il comprend parfaitement sans se soucier d'éventuelles lacunes (NB 4,391).

 

38. Jean et Paul

Il y a chez Jean beaucoup moins de réflexion que chez Paul. Il s'offre tout simplement à l'ami comme ami - surtout après avoir vécu l'Apocalypse - pour l'accompagner où celui-ci le veut, y compris en enfer si cela doit se faire (NB 4,456).

 

39. L’inspiration chez Jean

Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur en quelque sorte. Il reçoit dans l'amour direct ce que le Seigneur lui communique aussi sans paroles. Quand l'amoureux appuie sa tête sur la poitrine de l'être qu'il aime, il ne sent pas seulement un amour qu'il a déjà connu, une profusion de sentiments et d'idées nouveaux le submerge, et peut-être devine-t-il et sent-il les sentiments les plus intimes de l'être aimé. Pendant que Jean pose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la pensée de la grandeur du Père et quelque chose en déborde sur Jean, il en est inspiré. Il voit quelque chose qui doit absolument être juste parce que c'est justement l'amour du Seigneur qui le lui donne maintenant. Cela ne change rien à l'affaire qu'il mette son évangile par écrit beaucoup plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité et il pense toujours à la grandeur du Père, cinquante ans plus tard encore. Chez Jean justement, la plénitude de l'instant de l'inspiration est si grand qu'elle déborde sur tous les temps et qu'il peut toujours remonter à son origine : "il a vu et entendu et touché le Verbe de vie". Ce qui finalement est mis par écrit est une petite partie de ce qui lui a été inspiré. "Tous les livres du monde ne le contiendraient pas" - Sur la poitrine du Seigneur, Jean se consacre à l'amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n'accapare pas, il ne cherche pas à saisir l'inspiration. Il prend ce qui lui est donné et il se laisse submerger par l'amour, et l'amour peut prendre la forme de l'inspiration. Jean a ici quelque chose de féminin : c'est du Seigneur qu'il attend d'être totalement comblé sans jamais revendiquer quelque chose (NB 6,459-460).

 

40. L’Évangile et l’Esprit

En relisant son évangile, Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel reçoit un caractère ecclésial, il est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon (NB 6,457).

 

41. Le commentaire de l’Évangile

Adrienne parle au P. Balthasar du "Commentaire de saint Jean", qui figure parmi ses œuvres : c'est une œuvre d'amour et jamais on ne pourra dire la part qu'y ont prise Jean, Ignace, Adrienne et Hans Urs. Aucun d'entre nous n'a intérêt à distinguer, justement parce que c'est une œuvre d'amour. Ce serait diabolique de mettre en évidence la part de chacun. Pour nous, le tout appartient à Dieu (NB 6,305).

 

42. Nouvelles révélations

Au cénacle, les apôtres sont institués comme prêtres, mais ils se sentent si bien institués qu'ils ne supportent plus que leur arrivent de nouvelles révélations. Pour cela, il faut l'amour de Jean (NB 11,389).

 

43. Les visions de l’Apocalypse

Ce n'est pas par hasard qu'il fut donné à Isaïe, à Ézéchiel, à Daniel et à Jean de voir des tableaux semblables; le Seigneur a ouvert aux prophètes, avant l'heure, les trésors de sa vision, et plus tard à Jean, si bien que celui-ci, en ayant part à la vision du Seigneur, pouvait en même temps conclure les visions de l'ancienne Alliance. Mais ce n'est jamais la vision tout entière du Fils qui est ouverte, ce sont tout au plus des aspects qui peuvent s'en dévoiler à certains croyants pour soutenir la foi de l’Église selon que Dieu le juge bon (NB 5,69).

 

44. Jean et l’Ancien Testament

Quelques personnages de l’Ancien Testament apparaissent dans l’œuvre d’Adrienne von Speyr : "Isaïe est expliqué en de larges extraits, mais c'est surtout avec Daniel que naît une relation vivante, Daniel qui, en sa personne et en sa mission apocalyptique, apparaît comme un précurseur de Jean" (NB 1/1,10 : introduction du P. Balthasar).

 

45. Daniel et Jean

Daniel (le prophète) est dans la loi, Jean est dans l’amour. Dans l’amour de Jean est contenue la loi de Daniel. Mais la loi de Daniel est comme un filet aux mailles étroites, serrées, austères; l’amour de Jean, c’est le même filet, mais élastique, susceptible de toute extension. Le Seigneur qui se trouve entre les deux ne s’est donné à connaître à Daniel que comme la Parole de Dieu le Père, comme l’Esprit des visions prophétiques. Jean par contre connaît l’amour du Fils devenu homme, son amitié. Et toutes les visions de Jean sont nées de sa vision du Seigneur.

(Mais Daniel et Jean voient souvent des choses tout à fait semblables?) Oui, c’est vrai parce que Jean est construit sur Daniel. Daniel voit ce que peut voir un prophète de l’Ancien Testament. Et dans ses visions il voit des choses qui s’accordent avec son époque; les animaux qu’il voit et les nombres qu’il voit sont des animaux et des nombres de son monde. Les animaux sont certes plus extraordinaires que les animaux qu’il connaît d’expérience, mais il peut se les représenter humainement. Jean ne peut plus guère se les représenter, ils n’ont de réalité qu’à l’intérieur de sa vision tandis que Daniel, même après l’état de vision, peut se représenter à nouveau les animaux – vivants.

(Et les nombres ?) Ce sont des nombres du monde de Daniel. Ils lui procurent pour ainsi dire le passage du monde ordinaire au monde de la vision. Le quotidien devient dimanche, le travail devient loisir, le mérite devient grâce, le calcul devient foi. Les nombres naturels deviennent des nombres divins. Chez Jean, les animaux, les nombres, tous les contenus viennent immédiatement d’en haut. - Le Christ reprend tout la substance de l’Ancien Testament et en fait le Nouveau Testament. Les visions de l’Apocalypse, qui répondent aux visions de Daniel, sont une manière de sceller cette transmission, comme également tout saint Jean répond à Daniel et le Nouveau Testament à l’Ancien. Comme la foi néotestamentaire répond à la foi vétérotestamentaire. Comme l’amour du Fils dans le Nouveau Testament répond à l’amour du Père dans l’Ancien. - Entre le Père et le Fils, entre Daniel et Jean, entre leurs visions se trouve l’Esprit qui est inévitablement le même Esprit, qui circule de gauche à droite, qui se répand de haut en bas.

(Comment l’homme Daniel est-il une image anticipée de Jean ?) Dans son obéissance à Dieu. Dans la fermeté de cette obéissance. Et dans le fait que sa vue n’est pas influençable (NB 1/2,30-31).

 

46. Daniel et Jean devant Dieu

Le prophète Daniel a une certaine volonté d'être humilié. Plus il se croit petit, plus Dieu est grand. Et il aime que Dieu le fasse petit. D'une étrange manière, afin aussi que son obéissance ne soit rien d'important aux yeux de Dieu. Il est en cela un précurseur de Jean qui ne veut pas non plus que son obéissance ait de l'importance devant Dieu (NB 1/2,113).

 

47. Des mystères

Le regard de Jean va directement du coup de filet (les 153 poissons) à l’Apocalypse… Il reçoit ces visions en tant qu’ami du Seigneur, il est désormais le voyant à qui le Seigneur veut confier des mystères célestes. Et ceci d'une double manière. D'abord en référence aux prophéties de l'ancienne Alliance, si bien que le Seigneur assigne à Jean une place qui était déjà vétérotestamentaire ; par la nouvelle vision, l'ancienne Alliance s'insère dans la nouvelle comme sans couture. Mais par là s'ouvre en même temps pour Jean la possibilité d'apprendre davantage et de plus grandes choses sur les véritables dimensions de la nouvelle Alliance, de mettre au jour les racines célestes de l’Église terrestre, et même de regarder le ciel en tant que tel comme le Christ veut le montrer à l’Église actuelle (NB 2,201).

 

48. Exprimer ce qu’il peut

Dans l'Apocalypse, Jean en apprend davantage que ce qu'il peut exprimer... L'exigence de Dieu n'est pas réduite à une mesure humaine, mais la mesure est une mesure pour une démesure et ce qui doit être atteint débouche sur ce qui ne doit pas être atteint (NB 2,212).

 

49. Le livre de l’amour

Ce n'est que dans l'Apocalypse que Jean est mis en lumière. Mais ici c'est Dieu qui parle et les mystères sont ceux de Dieu, manifestés à quelqu'un qui est emporté dans un ravissement, avec un amour qui est ici inimitable, un amour qui comprend, note et transmet dans une obéissance transparente. Et même cette lucidité objective laisse rayonner totalement l'amour. Malgré ses horreurs et ses obscurités, l'Apocalypse est le livre de l'amour, qui est au-dessus du livre de l'enseignement (NB 5,33).

 

50. Jean reçoit des choses à voir

Dans l'Apocalypse, Jean décrit des choses qui lui sont données à voir. Il lui en est montré plus qu'il n'en peut porter, comprendre, utiliser. Il sait aussi que chaque tableau est un tableau de prière qu'on pourrait analyser en détail pour former avec toutes ses parties une grande prière. L'Apocalypse rend le voyant capable d'une sorte de prière nouvelle et plus profonde. Ce qu'il y gagne, c'est d'être rempli de l'amour d'où jaillit la prière. C'est l'amour que connaissent tous ceux qui bâtissent uniquement sur le Seigneur : une plénitude d'amour qui n'est pas de ce monde et qui pourtant se répand dans le monde (NB 10,2233).

 

51. Le surmenage

Même là où Jean en reçoit "trop" à voir, il ne dit pas : "Il y en a assez, je n'en peux plus", et il se détournerait. Ce n'est qu'après, à la fatigue qu'il ressent, qu'il reconnaît le surmenage, dans cette deuxième réceptivité qui suit la vision et dans laquelle les choses devraient être comprises, adorées, dans laquelle doit être renouvelée la promesse de suivre le Seigneur qui a été vu. Jean était le disciple bien-aimé, l'amour réciproque entre le Seigneur et lui a marqué sa vie. Mais dans l'Apocalypse, après l'achèvement de la vie terrestre du Seigneur, il a reçu une deuxième tâche, et il ne lui est pas permis de rester enthousiasmé par ce qu'il a vécu autrefois plus que ne le requiert sa mission présente. Pour lui, ce ne fut peut-être pas un gros problème, mais c'en est un pour ceux qui viennent après lui : ils ont un jour donné leur vie au Seigneur et ils ont ensuite été pris par les devoirs objectifs de la vie de tous les jours, tout comme Jean fut happé par les tableaux de l'Apocalypse. Ils rencontrent beaucoup de choses fatigantes dont ils ne viennent pas tout à fait à bout, et ils ne peuvent quand même pas faire revenir ce qu'ils ont vécu avec le Seigneur. Pendant l'Apocalypse, Jean n'a pas le droit de se reporter désespérément aux tableaux de l'évangile; il doit voir et trouver la présence du Seigneur dans les nouveaux tableaux en faisant abstraction de tout ce qui ne fait pas partie de sa tâche présente. Bien qu'autrefois il ait vu et entendu Jésus, il doit apprendre maintenant à le voir et à l'entendre à nouveau, ni mieux ni moins bien, mais simplement autrement. Et cela chaque chrétien le peut par la force que donne la prière, par l'obéissance dans la prière, par l'attention prêtée à ce que le Seigneur offre et demande maintenant (NB 10,2233).

 

52. Les rues du village

Jean voit le ciel comme quelque chose de tout autre qui ne comble pas avant tout ce qui est terrestre et le transfigure, mais qui juge et condamne le terrestre et se rapporte à autre chose. Ce qu'il a connu en tant qu'être terrestre, également par les paroles du Seigneur dans la foi, il doit maintenant apprendre à les voir dans l'Esprit. Et à côté de cela il y a des choses qu'il n'a pas connues non plus dans la foi, qui ne sont pas du tout contraires aux paroles du Seigneur, mais qui révèlent de nouveaux mystères qui se trouvaient, sans qu'il s'en doutât, derrière les paroles du Seigneur. Tout ce qu'il voit, entend, sent, touche, connaît, est traversé par des vérités qui lui étaient inconnues et dont il n'avait pas de raison de croire qu'elles existaient. Tout est devenu incommensurable, inattendu, de portée infiniment plus grande, et puis soudain comme rétréci, fixé, mesurable avec la coudée qu'utilise l'ange pour mesurer la Jérusalem céleste. Ses portes peuvent être comptées sur les doigts, et les rues qui entrent par une porte et sortent par l'autre sont plus droites que n'importe quelle rue de village ici-bas (NB 2,202).

 

IV. Jean et les apôtres

 

53. L’amour

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur l'ordre de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle (NB 10,2242).

 

54. Pierre et Jean

Déjà pendant la Passion, Pierre devine que son désir angoissé d'être ménagé n'est plus de mise. Et cela parce qu'il éprouve quelque chose de l'angoisse réelle du Seigneur. Non pas comme Jean, qui y participe avec l'amour d'un ami, mais d'une manière toute objective. Et quand plus tard il voit venir sa propre mort (il sait maintenant qu'il sera crucifié), il comprend alors non seulement qu'il peut servir le Seigneur par son martyre mais qu'il peut aussi expier par là toute sa fausse angoisse d'autrefois. Il sait aussi qu'il collabore à l'expiation pour toute l’Église (NB 1/1,321-322).

 

55. André et Jean

Ce qu'André comprend surtout du Seigneur, c'est sa bonté, sa douceur. Il est différent de Jean, que l'amour a tellement saisi qu'il ne peut jamais assez aimer et être aimé, qui est un solliciteur en amour. André, c'est la régularité, la douceur dans l'amour. C'est dans le calme qu'il a répondu au Seigneur et qu'il s'est confié à lui; il demeure auprès de lui, il fait sa volonté, et tout cela dans un équilibre total, en toute sécurité, avec l'esprit le plus conciliant. Il n'accomplit pas d'exploit d'amour comme Jean, mais il accomplit des efforts réguliers, ce qui ne veut pas dire qu'il s'en tient à un minimum (NB 1/1,325-326).

 

56. Jacques, le frère de Jean

Jacques vit dans l'ombre de Jean comme pour souligner son amour, pour donner forme à son attitude. Il est très humble mais aussi très aimant. Il n'est pas capable en quelque sorte de se distinguer et de jouer un grand rôle. Et pourtant il doit absolument être là. Il est comme une condition de l'existence de Jean. Lui-même ne le sait pas, il n'y pense pas et il ne l'exprime pas, mais il vit dans l'attitude de celui qui aime et qui sert, qui laisse agir son service et son amour à l'arrière-plan. Il est porté par l'amour de Jean et pourtant, de son côté, il en est une condition cachée. Il ne pourrait pas être si silencieux à l'arrière-plan si Jean ne se trouvait pas aussi rayonnant au premier plan. Il y a interaction entre les deux : un lien réciproque et la possibilité pour chacun d'accomplir son service. Il a la même fidélité que Jean, la même fermeté de la ligne. Mais, dans le collège apostolique, il fait partie déjà de ceux qui sont saints par médiation, qui suivent leur chemin par la médiation d'un autre. Il aime le Seigneur et il lui a voué sa vie; mais à l'ombre de son frère. Chacun a certes sa propre vocation. Mais la solidité de sa réponse, sa régularité, est en fonction de la vocation de Jean. Pour celui-ci, c'est comme un soulagement : son service, qui est plus grand, il peut l'accomplir avec encore plus de sûreté parce que son frère, qui a un service plus petit, est fidèle. Jean est le plus exposé, mais on ne peut pas dire que Jacques est moins nécessaire. Et de même que le "tonnerre" ébranle et déchire tout, Zébédée a tout donné : le fils brillant et celui qui est tout silencieux. Un Zébédée élevé par la grâce bien sûr dont la qualité ne devient visible que dans son action et sa fécondité. Jacques est pris avec Pierre et Jean; dans leur groupe, il représente pour ainsi dire l'anonyme, mais absolument fidèle. Il est simplement le compagnon en qui on peut avoir confiance comme serviteur (NB 1/1,323).

 

57. Barthélemy (Nathanaël) et Jean

Barthélemy sait très bien comment toute sa vie doit s'adapter à la grâce. Il ne peut supporter la contradiction entre la grandeur de la vérité et une suite du Christ qui serait tiède, insuffisante. Il cherche à tout accomplir dans la vérité du Seigneur afin que chacun de ses mouvements soit vrai. Dans sa compréhension de la vérité et dans la construction de sa certitude, il est comparable à Jean. Ou plus exactement, la vérité et son aptitude à être prouvée sont pour lui ce que l'amour est pour Jean. Il prouve la vérité à partir de la vérité comme Jean prouve l'amour à partir de l'amour. Mais de telle sorte que la preuve soit réellement valable... Dans son attitude de confession aussi il ressemble à Jean : celui-ci se garde dans l'attitude de confession par pur amour, lui par pure vérité. Il doit se confesser, montrer ce qui n'est pas juste en lui, pour qu'il devienne d'autant plus capable de saisir la vérité et d'être dans la vérité (NB 1/1,329).

 

58. Thomas et Jean

La prière de Thomas a son point de départ dans l'infinie grandeur de Dieu et dans ses possibilités infinies. C'est une prière de l'amour, mais toute différente de celle de Jean. Jean dialogue, Thomas est seulement inondé. Chez lui, il est à peine question d'une réponse bien que son attitude soit quand même plus qu'une réponse (NB 1/1,339-340).

 

59. Matthias et Jean

L'idée que Matthias se fait de la grandeur de Dieu est infinie. Il est comme un petit enfant qui a peur de faire un faux pas, qui flaire partout le danger, mais qui est prodigieusement fier de la force de son père à qui il donne la main et qui peut le tenir. Son amour est tout différent de celui de Jean; il n'a pas les yeux dans les yeux du Seigneur, mais il le regarde tout à fait de bas en haut. Il n'oserait pas appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. Cela, tout le monde n'a pas le droit de le faire. Il est content s'il lui est permis de faire ce qui est le plus bas. Rien d'autre ne peut entrer pour lui en ligne de compte (NB 1/1,347).

 

V. Jean et les saints

 

60. L’Esprit Saint

Le Seigneur appelle quelqu'un, Jean par exemple ou la petite Thérèse; mais c'est la descente de l'Esprit Saint qui le rend apte au service, qui le rend saint. Il lui laisse sa personnalité, qu'il a de par la création, mais il l'élève pour en faire une personnalité sainte. Si on cherche à déterminer et à vénérer chez un saint l'une ou l'autre qualité humaine particulière, on le rabaisse, car sa sainteté se trouve avant tout dans le fait qu'il a été rempli par l'Esprit Saint et qu'il lui appartient. C'est l'Esprit qui s'empare des forces du saint (NB 10,2117).

 

61. Participer à la mission du Fils

La mission mystique est une participation à la mission du Fils : lui, il l'a accomplie en totalité dans une obéissance absolue. De même qu'il n'a pas voulu vivre sa croix dans la solitude mais qu'il y invita sa Mère, Jean, Madeleine et les autres femmes, de même qu'il prit avec lui ses disciples au mont des oliviers, de même il considère sa mission tout entière comme quelque chose qu'il peut partager. Il la laisse ouverte pour que les croyants puissent y puiser; il l'ouvre aussi de manière particulière pour que les mystiques puissent s'y mettre en sûreté. Les autres chrétiens ont davantage le droit de choisir et de discuter, c'est pourquoi leur participation à la mission du Seigneur est plus superficielle, plus sporadique. Celui qui est invité à une participation mystique perd ce droit de choisir, il ne lui est plus permis d'avoir de préférences, il est associé de la manière la plus stricte à l'obéissance du Fils à l'égard du Père (NB 5,19).

 

62. Le mystère de l’abandon

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est si profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire que ce mystère ne cesse d'être présent dans son Église. Ce mystère est la pierre angulaire de la rédemption et, en se le rappelant, l’Église sait que la rédemption reste vivante. C'est ainsi qu'un Jean de la croix et d'autres aussi peuvent avoir part aux mystères de la nuit en ayant conscience que l'entrée dans le samedi saint ne se trouve pas seulement dans la mort du corps, mais dans une foi devenue nuit, une foi pour laquelle la présence de Dieu ne peut plus être sentie et pour laquelle la question adressée à Dieu ne peut plus recevoir de réponse (NB 5,106-107).

 

63. Un mystère de Jean

Parfois, dans les visions, plusieurs choses sont montrées en même temps : un contenu peut être montré de manière centrale, d'autres choses comme accessoirement, en guise d'encadrement. On regarde d'abord ce qui est central ; plus tard on pourra regarder ce qui est à la périphérie sans qu'il soit nécessaire que cela soit montré à nouveau ; on sait seulement qu'il y a encore là quelque chose qui reste en suspens et qui en fait aussi partie. Peut-être qu'au centre il y avait le Seigneur, Marie à côté de lui, plus loin sur le côté Jean, peut-être Madeleine ou d'autres saints ou autre chose qui fait partie aussi du domaine de l’Église. Mais une autre fois, Jean peut se trouver au premier plan et, à côté de lui, se trouve la Mère et, plus loin, le Seigneur parce que maintenant c'est justement un mystère de Jean qui est donné à contempler. Demain peut-être à nouveau un mystère de la Mère, et plus tard seulement un mystère du Seigneur (NB 5,234-235).

 

64. La vertu de force chez les saints

La vertu de force chez les saints dépasse d'emblée la mesure de ce qui est offert humainement, de ce qui est naturellement compréhensible… Comme exemple, on peut prendre Bernadette : c'est sans crainte qu'elle s'exprime. Vaillamment et immuablement elle dit la vérité quels que soient les désagréments qu'elle puisse récolter. Ou bien Jean qui, à l'heure de Judas, appuie sa tête sur la poitrine du Seigneur, Jean qui est là aussi à la croix où ne se risque aucun autre apôtre (NB 2,211-212).

 

65. Le fanatique

On pourrait caractériser chaque saint par un attribut extrême, Ignace par exemple comme un fanatique de l'exigence, la petite Thérèse comme une fanatique de la simplicité, Jean de la croix comme le fanatique de la prière poétique, Augustin comme le fanatique de la théologie formulée, Jean comme le fanatique de l'amour. Le terme fanatique dans un sens bienveillant, modéré : extrêmement enclin à quelque chose (NB 4,396-397).

 

66. Polycarpe et Jean

(Quels sont les rapports de Polycarpe avec Jean?) Polycarpe admire Jean. Dans l'amour il est totalement son disciple. Mais il y a des différences. Quand Jean fit l'expérience de l'Apocalypse, il fut dilaté par elle et il commença à penser plus profondément et plus lucidement, à concevoir pour ainsi dire Dieu Trinité avec plus de méthode. A partir de l'Apocalypse, on pourrait esquisser une image nette de la Trinité telle que Jean l'a comprise. Polycarpe par contre comprend au fond très peu de choses. Pour lui tout débouche dans l'amour sans que cela prenne une forme nette. Il se laisse dilater par l'amour sans que pour autant sa connaissance s'approfondisse dans le sens d'un savoir accru. Sa connaissance s'approfondit dans la dimension de l'obéissance.

(A-t-il connu Jean?) Oui (NB 1/1,262).

 

67. Grégoire le thaumaturge (+ vers 270) et Jean

Grégoire a vu la Mère du Seigneur et Jean; non seulement une fois, mais plusieurs fois. Et Jean, en partie aussi avec Marie, lui explique l’Écriture, si bien qu'il la comprend mieux et qu'il peut utiliser ce qu'il a compris surtout comme fondement de sa prière. Ce n'est pas une explication verset après verset. A l'occasion, des péricopes aussi sont expliquées, ou bien c'est l'esprit de l’Écriture dans son ensemble qui est indiqué, c'est le monde céleste qui est interprété (NB 1/1,45).

 

68. Saint Bernard et Jean

Bernard vit au plus intime de lui-même comme ont vécu les apôtres et les disciples : il accueille tout ce que le Seigneur donne et sans faire plus de plan que les disciples n'en ont fait dans l'évangile. Ils ne pouvaient pas s'imaginer un système de révélation. De même, Bernard cherche lui aussi à être simplement ouvert et à n'être lié par aucun système qu'il aurait lui-même édifié. Il voit pourtant que cela fait s'éveiller constamment chez les autres des malentendus ; il voit leur manque de discernement, de discrétion. Lui-même a le tact absolu de l'intimité, de la même manière que Jean. Mais il voit la légèreté avec laquelle d'autres chrétiens font un mauvais usage de ce don en cherchant leur plaisir plus que l'intimité. Il le formule même quelque part : l'intimité avec le Seigneur a sa justification dans le service, donc dans le Père, et non en nous-mêmes. Le Christ nous ouvre son intimité et nous l'offre afin que nous apprenions à mieux connaître le Père, non pour réduire à néant la distance qui nous sépare de lui, le Fils (NB 1/1,426).

 

69. Ignace (de Loyola) et Jean

Quand on dit "Ignace", on pense toujours à la ligne qui va de Paul à lui par Augustin. Mais il y a aussi une liaison directe de Jean à Ignace, et Adrienne croit que ce n’est qu’au ciel qu’Ignace a appris à si bien connaître et à si bien aimer Jean. Et même si Ignace revenait maintenant sur terre et fondait à nouveau son institut, maintes choses y seraient plus johanniques. Mais si ses disciples écoutaient bien la voix de leur Père, il pourrait se faire qu’au cours des temps Jean puisse y trouver davantage de place (NB 9,1136).


 

70. Pie X et Jean

La vie de Pie X devient toujours plus claire et plus transparente, lui-même disparaît pour ne plus laisser vivre que ce qui est au Seigneur. Il y a sans doute bien des choses qu'il a autrefois pensées, éprouvées, considérées; maintenant elles se comprennent et disparaissent dans l'ensemble, elles lui paraissent sans importance parce que ce qui est important doit occuper la première place, et il est clair que rien de secondaire ne doit lui contester cette place. Finalement, il en arrive à ne plus sortir de l'attitude de prière, il en arrive à vivre en elle comme le Seigneur désire qu'il y vive. Ici il occupe, sans l'avoir cherché consciemment, la place d'un Jean qui est l'ami et qui est aimé. Il est donc quelqu'un qui réalise en lui l'amour du Seigneur et l'éprouve de manière vivante (NB 1/1,218).

 

VI. Jean aujourd’hui

 

71. Reste auprès de nous

L'institution de l'eucharistie est également ceci : une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église : Reste auprès de nous! Sois avec nous ! Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 12,253).

 

72. Prier saint Jean

Adrienne a compris à quel point Jean était pris dans le mystère de Marie. La Mère se tient absolument derrière son évangile ; Jean pense avec elle et en elle, même quand il ne la nomme pas… Adrienne dit aussi qu’on prie sans doute Jean beaucoup trop peu car il peut beaucoup auprès du Seigneur (NB 9,1101).

 

 

B

Lire saint Paul avec Adrienne von Speyr

 

Plan - 1. Mission de saint Paul - 2. Lire saint Paul avec AvS -  3. Visages de saint Paul dans l’œuvre d’AvS

 

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1. La mission de saint Paul (1985)

 

(Le texte ci-dessous était destiné à servir d'introduction à quelques extraits du commentaire d'Adrienne von Speyr sur l'Épître aux Éphésiens. Le texte d'Adrienne a bien été publié dans la revue Communio X,1 [janvier-février 1985], p. 114-121, mais avec une autre présentation. N'est retenu ici que ce qui est inédit).

 

Au début de 1984, trois livres se trouvaient à notre disposition en France pour nous faire connaître avec quelque détail les apparitions de la Vierge Marie à Medjugorje, en Yougoslavie1 (Svetozar Kraljevic, Les apparitions de Medjugorje. Récits. Témoignages, Paris, 1984 - Louis Rupcic et René Laurentin, La Vierge apparaît-elle à Medjugorje? Un message urgent donné au monde dans un pays marxiste, Paris, 1984 - Lucy Rooney et Père Paricy, s.j., Marie, reine de la paix. La Vierge apparaît-elle en Yougoslavie?, Paris). L’Église manifeste bien sûr sa réserve habituelle en ce qui concerne l'authenticité de ces apparitions. L'une des voyantes, lors de sa première conversation avec le curé de la paroisse, le Père Jozo (qui passa par la suite un an et demi en prison), s'en étonnait d'ailleurs : "Les seuls qui ne nous croient pas sont les prêtres et la police". On comprend la réflexion désappointée de la fille. Quant à la police, l'étonnant aurait été qu'elle y eût cru (à moins de conversion, ce qui ne doit pas s'exclure a priori); pour les prêtres, au tout début des événements, il était de la plus élémentaire prudence d'examiner si les événements venaient vraiment de Dieu, donc de contester, de contredire, d'être incrédule ou de jouer l'incrédule. Tout Lourdes doit avoir son Peyramale.

A l'époque des premières apparitions, en juin 1981, les six voyants avaient entre dix et dix-sept ans. Les apparitions quotidiennes de la Vierge continuaient au début de 1984, leur total approchant le millier. Cette simple (et énorme) avalanche d'apparitions, ainsi que la familiarité de la Vierge avec les voyants, pose problème à l'observateur. L'insolite ne l'autorise pas pour autant à récuser l'authenticité des apparitions, tant de signes plaidant au contraire en leur faveur.

Ce déploiement du ciel presque à l'infini fait penser à l'expérience et à la vie d'Adrienne von Speyr. A elle aussi, le monde d'en haut s'est révélé avec une fréquence et une familiarité que les prudents ont jugées peut-être un temps excessives. Pour Adrienne von Speyr aussi, un tout petit coin du voile s'est levé, le ciel s'est ouvert à elle avec une surabondance étonnante. A Medjugorje, la Vierge fait désormais partie de la vie de tous les jours; Adrienne von Speyr s'est trouvée, elle aussi, d'innombrables fois comme de plain-pied avec le monde d'en haut. Il semble qu'il faille la considérer comme l'une des plus grandes voyantes de l'histoire, mais ce fut une voyante cachée. Ceux qui la fréquentaient n'ont eu connaissance qu'après sa mort des rencontres mystiques dont son existence quotidienne était pleine.

Une communion existe entre les voyants de tous les âges, des prophètes de l'Ancien Testament à ceux du Nouveau, de Pierre à Jeanne d'Arc, de Paul à Bernadette, du voyant de l'Apocalypse à ceux du XXe siècle, même si l'on doit reconnaître à l'expérience du temps de la Révélation une valeur normative pour la foi. En toute conversation, le psychologue est attentif à ce qui n'est pas exprimé; sa formation l'a sensibilisé au non-dit et il est capable, dans une certaine mesure, de l'articuler. Dans la Parole de Dieu de l'Ancien ou du Nouveau Testament, le mystique est attentif à l'au-delà des mots et il est capable, dans une certaine mesure, d'articuler le non-dit. Il sait, mieux que le chrétien moyen, qu'en toute Parole de Dieu il y a de l'infini. Le récit d'une apparition du Christ ressuscité aura vraisemblablement pour un voyant une autre résonance que pour le chrétien ordinaire, bien que celui-ci soit capable d'en comprendre quelque chose et que le Seigneur puisse lui faire reconnaître aussi sa présence, de même que tout homme a certaines notions de psychologie même s'il n'a pas reçu de formation spécifique.

Pour Adrienne von Speyr, à son charisme de voyante s'est ajouté celui d'enseignement, dont témoignent les quelque soixante volumes de ses œuvres. Elle est capable de réfléchir sur ce qui lui est arrivé, de situer son expérience dans la trame de l'histoire. Elle a traduit dans le langage sobrement objectif d'une théologie méditative les plus hautes expériences que Dieu lui a donné de faire. C'est une théologie de voyante, élaborée par quelqu'un à qui furent données un jour des vues "directes" sur le monde de l'au-delà. Les pages du commentaire d'Adrienne von Speyr sur l'Épître aux Éphésiens de saint Paul, consacrées à la place de l'apôtre dans l'œuvre du salut, projettent une certaine lumière sur la situation et le cheminement de tous les voyants. C'est pourquoi il n'est peut-être pas inutile de les lire en marge des apparitions de la Vierge.

Patrick Catry


 

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2. Lire saint Paul avec Adrienne von Speyr


 

Adrienne von Speyr a commenté un certain nombre de textes de saint Paul.

Existent en traduction française : Première Épître de saint Paul aux Corinthiens (2 tomes), Épitre aux Éphésiens. Au service de la foi (Méditations sur l’Épître aux Philippiens).

Les commentaires de Romains 8 et de l’Épître aux Colossiens  n’ont pas encore été traduits.

A l’occasion de l’année saint Paul (28 juin 2008 – 29 juin 2009), le site de l’Abbaye se propose de donner des échantillons des commentaires d’Adrienne sur les écrits de saint Paul. Ces échantillons ont parfois été traduits directement sur l’original, ils ne s’astreignent pas toujours à une reproduction littérale. Qui veut en savoir plus pourra toujours se référer au texte édité lui-même.

 

*

1. Le mystère

En me lisant, vous pouvez vous faire une idée de l’intelligence que j’ai du mystère du Christ (Ep 3, 4).

Dans l’Église, les hommes ont besoin d’appuis pour tenir bon; l’un de ces appuis, ce sont les révélations que Dieu accorde à ses élus. Paul sait qu’une grande part de son zèle, de son engagement, de sa persévérance dans la souffrance, il le doit à ses révélations. Par rapport à lui, la communauté est sur ce point défavorisée; elle doit recevoir indirectement de lui ce qu’il a reçu de Dieu directement et de première main. Elle doit donc être convaincue de l’authenticité et de la grandeur de ces révélations. La communauté doit savoir qu’il a pénétré beaucoup plus profondément qu’elle dans le mystère.

 

2. Le chemin

Je ne me flatte pas d’avoir déjà saisi; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut dans le Christ Jésus (Ph 3, 13-14).

Maintenant le Fils de Dieu s’est placé devant l’homme de sorte que celui-ci, même s’il tourne le dos à Dieu, est obligé d’aller vers lui. Le Fils de Dieu s’est mis à l’autre bout du chemin. Et ainsi le pécheur, même s’il ne le sait pas et ne le veut pas, peut aller à Dieu. Mystère du Fils. Non seulement il s’est fait homme, mais en plus il s’est mis sur le chemin de l’homme. Son incarnation ne veut pas dire qu’il erre quelque part sans but parmi les hommes mais que, conscient du but à atteindre, il s’est placé face à l’homme et face à chaque homme de sorte que, dans tous les cas, il est au bout du chemin. Il a utilisé sa qualité d’ubiquité divine dans l’incarnation pour être partout où mène un chemin humain. En demeurant parmi nous, il l’a fait à tel point que même ceux qui ne veulent pas, même ceux qui pensent s’être inconditionnellement éloignés et définitivement détournés, le rencontreront sur leur voie, c’est sûr, parce que justement il a choisi pour position l’endroit inattendu, renié, refusé.

 

3. Adam

Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui, vient du ciel (1 Co 15, 47).

Le premier homme a dit non à Dieu, et tous les hommes après lui en ont fait plus ou moins autant. L’œuvre du Fils, c’est d’apprendre aux hommes à dire oui à Dieu.

Et, sur la croix, le second Adam a chargé sur lui tout le poids de la terre et de tout le terrestre pour ramener au Père avec les hommes tout le monde des hommes.

 

4. Coopération

Ne vous laissez pas abattre par les épreuves que j’endure pour vous (Ep 3, 13).

Partager la croix du Seigneur pour les autres : Paul est le premier peut-être qui connaisse cette forme de coopération. Et il semble ne pas avoir conscience qu’il pourrait avoir des imitateurs sur ce point.

 

5. La volonté du Seigneur

Car je ne veux pas vous voir juste en passant : j’espère bien rester quelque temps chez vous, si le Seigneur le permet (1 Co 16, 7).

Dans son ministère et dans ses plans, Paul a des désirs (ici, de rester quelque temps à Corinthe), mais il les soumet au Seigneur. Il y a des choses que Paul voit d’avance, d’autres qui demeurent voilées : elle sont cachées dans la volonté du Seigneur. Cette incertitude que Paul aussi connaît en tant qu’apôtre est quelque chose de fécond que le Seigneur lui accorde.

Ce n’est pas parce qu’on travaille pour Dieu qu’on possède une certitude pour l’avenir, ou qu’on entreprend une oeuvre dont on sait exactement l’issue. Mais ce serait mal de s’abandonner à cette incertitude au point de renoncer à faire des plans et à tout remettre à l’instant présent.

 

6. Les soucis

C’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, … tout a été créé par lui et pour lui (Col 1, 16).

Nous n’avons plus besoin de nous faire de souci, de nous plaindre du non-sens de l’existence, de perdre courage. De chaque chose et de chaque relation, nous pouvons supposer : elle a été créée pour lui, le Fils; tout possède en lui sa vérité… Rien n’existe qui aurait son sens en dehors du Fils.

 

7. Les marionnettes

Votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu (Col 3, 3).

Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu : cela veut dire que moins encore que le Fils nous connaissons notre heure. Demain et tout notre avenir nous sont cachés parce qu’ils se trouvent  inclus dans le secret du Fils. Nous ne sommes pas des marionnettes aux mains d’un étranger. Nous sommes des vivants qui vivons de la vie du Seigneur, capables avec lui d’accomplir la volonté du Père.

Si la vie du Fils lui-même, qui était pleinement soumis à la volonté du Père, est demeurée cachée en Dieu, nous n’aurons pas la prétention de vouloir tout connaître de la nôtre. Rendre grâce seulement parce que notre vie a un sens dans le Christ qui est assis à la droite du Père.

 

8. L’homme

Et ne murmurez pas comme le firent certains d’entre eux; et ils périrent par l’Exterminateur (1 Co 10, 13).

L’homme n’est pas une créature abandonnée par Dieu dans l’existence, mais celui avec qui Dieu a contracté une alliance scellée définitivement en son Fils.

 

9. Le chemin

Que chacun continue de vivre dans la condition que lui a départie le Seigneur, tel que l’a trouvé l’appel de Dieu (1 Co 7, 17).

L’appel de Dieu apprend à chacun le chemin que le Seigneur a tracé pour lui… C’est un chemin qui conduit vers Dieu avec le Seigneur… Tous les chemins conduisent à Dieu, mais il en existe autant qu’il y a d’hommes. Et chacun doit parcourir son chemin, aller de l’avant sur la route qui lui est indiquée. Rien ne peut le dispenser de ce devoir…

Aucun ne peut se disculper en disant que pour lui ce chemin ne commencera que plus tard. Tous doivent marcher, immédiatement et constamment, avec le Fils vers le Père.

 

10. Des traces d’éternité

Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits (1 Co 2, 12).

De même que l’Esprit procède continuellement de Dieu et jamais ne cesse d’en procéder, jamais non plus il n’a fini de prendre possession de l’homme. L’Esprit veut que l’homme se laisse toujours plus complètement diriger par lui. L’homme ne peut pas dire : « J’ai l’Esprit », mais tout au plus : « L’Esprit m’a touché, j’essaie de croire ». Parce que l’Esprit est éternel, ce qu’il a touché en l’homme porte des traces d’éternité.

 

11. Emploi du temps

C’est bien ainsi que je cours, moi, non à l’aventure; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide (1 Co 9, 26).

Si le chrétien se trouve tout entier au service du Seigneur, il doit lui rendre compte aussi de tout l’emploi de son temps et de sa puissance de travail. L’important, pour le Seigneur, n’est pas qu’on ait fait quelque chose, mais qu’on ait accompli sa volonté.

 

12. Le don de Dieu

Pour ce qui est des dons spirituels, je ne veux pas vous voir dans l’ignorance (1 Co 12, 1).

L’obéissance de la foi consiste à vouloir recevoir le don de Dieu comme Dieu veut nous le donner.

 

13. Les conditions de Dieu

Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens (1 Co 1, 22-23).

On ne peut jamais exiger de Dieu qu’il se révèle à nous de la manière qui nous plaît. On ne peut pas lui poser de conditions sur la manière dont il devrait se révéler à nous. C’est nous qui devons accepter les conditions de Dieu.

 

14. Le meilleur

Et voici ma prière : que votre charité, croissant toujours de plus en plus, s’épanche en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner le meilleur et de vous rendre purs et sans reproche pour le Jour du Christ (Ph 1, 10).

Nul ne peut prétendre avoir pleinement atteint la connaissance de Dieu, et nul ne pourra jamais prétendre avoir égalé la pureté du Christ. Mais il sait que Dieu le rend capable de toujours choisir le meilleur.

 

15. L’appel

Que chacun demeure dans l’état où l’a trouvé l’appel de Dieu (1 Co 7, 20).

Dieu ne parle à aucun homme de la même manière qu’à un autre. Chacun est unique. Et chacun doit remercier Dieu de l’avoir créé tel qu’il est, de l’avoir conduit sur tel chemin particulier qui est son chemin à lui, de s’être adressé à lui de telle et telle manière. Chacun doit aimer être celui qu’il est depuis qu’il s’est tourné vers Dieu résolument.

 

16. La croix

Et puisque j’en suis aux observations, je n’ai pas à vous louer de ce que vos réunions vous font du mal et non du bien (1 Co 11, 17).

Les hommes ne cessent d’oublier combien tout dans l’Eglise doit se tenir sans cesse sous la croix et que c’est de là que tout doit se comprendre et se faire.

Mais la croix n’est pas quelque chose de sombre, elle est la grâce de la rédemption par le sacrifice d’amour du Seigneur. C’est par la pensée de la rédemption réalisée sur la croix que doivent être portées toutes les institutions de l’Eglise.

 

17. Les secrets du Seigneur

Tous sont-ils apôtres? Tous prophètes? Tous docteurs? Tous font-ils des miracles? Tous ont-ils le don de guérir? Tous parlent-ils en langues? Tous interprètent-ils? (1 Co 12, 29-30).

On ne pourra jamais scruter les ultimes secrets du Seigneur, mais ce qui nous a été révélé est si riche qu’on n’en fera jamais le tour.

 

18. Une révélation à Paul

Vous avez appris, je pense, comment Dieu m’a dispensé la grâce qu’il m’a confiée pour vous, m’accordant par révélation la connaissance du Mystère tel que je viens de l’exposer en peu de mots (Ep 3, 2-3).

Paul a donc eu connaissance de ce mystère d’une manière qui lui était réservée personnellement : par révélation. Il ne décrit pas la manière dont les choses se sont passées, il lui suffit de dire qu’il y a eu révélation, il garde pour lui tout ce qu’elle a de propre…

Il ne décrit pas la révélation qu’il a reçue, ce qui permettrait à la communauté de vérifier, de porter un jugement sur le caractère de cette révélation ou de la comparer à d’autres révélations. Il doit lui suffire de savoir que Paul est en relation avec Dieu et que Dieu lui communique des lumières…

Et Paul ne se contente pas de répéter des choses connues, il apporte du nouveau qui d’ailleurs n’est pas en contradiction avec ces choses connues…

Il a reçu de Dieu cette révélation et il la transmet de la manière qui lui semble adéquate sans rapporter les circonstances dans lesquelles Dieu lui a parlé, sans préciser ce qui a pu lui être dit sur la manière de transmettre cette révélation, sans distinguer ce qui le concernait, lui seul et sa mission, et ce qui doit être annoncé à tous.

 

19. L’expérience de l’amour

La charité est longanime; la charité est serviable; elle n’est pas envieuse; la charité ne fanfaronne pas, ne se rengorge pas (1 Co 13, 4).

Sans l’expérience de l’amour, nous n’aurions aucune possibilité de pressentir quelque chose de la vie de Dieu. Dieu est amour. Mais il n’est pas un amour fermé en lui-même, inaccessible, mais un amour qui se répand, qui est si inventif qu’il crée des milliers de manières de voir et d’accéder à lui  pour être vu, compris, assimilé. L’apôtre en énumère quelques-unes.

 

20. La faiblesse et la force

On sème de l’ignominie, il ressuscite de la gloire; on sème de la faiblesse,  il ressuscite de la force (1 Co 15, 43).

Le Christ : cloué sur la croix, sans espace, sans temps, sans liberté, accompagné seulement de la pensée qui a fait toute sa vie : porter le péché du monde. Il n’est plus capable du moindre geste de défense, il ne lui est plus possible que de laisser faire ce que le Père veut et ce que les hommes veulent. Le Christ est mort dans la faiblesse pour ressusciter dans la force de Dieu.

 

21. Les frères

Saluez chacun des saints dans le Christ Jésus. Les frères qui sont avec moi vous saluent (Ph 4, 21).

Par la foi, le croyant est plongé dans l’atmosphère de Dieu, entouré par elle, pénétré par elle; de la sorte chaque croyant est saint pour l’autre. Saint parce qu’il reçoit la grâce de Dieu et vit en elle… Dieu ne souligne pas les distances, au contraire… Le Seigneur est ce qui est commun à tous les croyants. Et tout salut qu’un croyant envoie à un autre ressemble à une prière, c’est-à-dire qu’il a des conséquences dans le Seigneur parce qu’il provient du Seigneur.

 

22. L’éternité

La foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité (1 Co 13, 13).

En se faisant homme, le Fils a rempli toute l’espérance de l’ancienne Alliance. Il vint pour être le signe que Dieu peut vivre parmi nous, comme nous, nous pourrons vivre avec lui dans l’éternité.

 

23. La Trinité

Grâces soient à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 15, 57)!

Dieu sait que, pour les hommes, il n’est pas toujours facile d’avoir les trois personnes également vivantes devant les yeux.

 

24. La connaissance de Dieu

Prêcher l’Evangile n’est pas pour moi un titre de gloire; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je ne prêchais pas l’Evangile (1 Co 9, 16)!

La foi n’est pas quelque chose de statique mais quelque chose où doit grandir la connaissance de Dieu.

 

25. Sécurité

Que celui qui se flatte d’être debout prenne garde de tomber (1 Co 10, 12).

La sécurité de notre activité réside en Dieu. Nous ne pouvons pas nous porter garants de nous-mêmes. Nous sommes pécheurs et les occasions de chutes son nombreuses… Un chrétien ne peut tenir bon qu’en Dieu, qu’en ce que Dieu lui donne, dans la grâce. Mais même celui qui est tenu par la grâce demeure créature et peut tomber. Cette pensée ne rend pas le croyant faible, mais fort… C’est la prière, la possibilité que le monde de Dieu s’empare tellement de nous que nous vivions plus en lui qu’en nous-mêmes…

Prendre garde à ne pas tomber ne consiste pas à éviter anxieusement le moindre souffle de la tentation et la moindre petite poussière de faute, c’est bien plutôt la décision généreuse de se précipiter la tête la première dans la prière.

 

26. Des outils valables

Quelqu’un était-il circoncis lors de son appel? qu’il ne se fasse pas de prépuce. L’appel l’a-t-il trouvé incirconcis? qu’il ne se fasse pas circoncire (1 Co 7, 18).

Dieu accepte les chrétiens tels qu’ils sont, il se contente de ce qu’ils apportent et, malgré tout, il fait d’eux des outils valables.

 

27. Eucharistie

Dès qu’on est à table en effet, chacun, sans attendre, prend son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre (1 Co 11, 21).

L’Eglise est une compagnie du Seigneur. Il ne veut pas une Eglise d’isolés. Il fait célébrer son repas par une communauté. Il a choisi, pour se donner, la forme du don de l’eucharistie qui, en tant que nourriture, correspond à nos besoins physiques et, dans la mesure où l’homme vit en compagnie, il mange volontiers en compagnie.

 

28. La joie

Enfin, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur (Ph 3, 1).

La joie que Paul réclame ici, c’est la joie qu’il connaît; pas seulement la joie d’avoir la foi, mais la joie due à la présence du Seigneur, une joie tout à fait concrète que le Seigneur offre à tous ceux qui savent qu’il est présent.

 

29. L’Esprit souffle où il veut

En retour mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, avec magnificence, dans le Christ Jésus (Ph 4, 19).

L’Esprit est le médiateur de l’amour trinitaire. L’Esprit souffle où il veut, c’est-à-dire où le Père et le Fils le veulent avec lui. Le Père, c’est le Créateur qui a fait le monde. Le Fils, c’est le Sauveur qui s’est fait homme et est mort sur la croix.

 

30. L’amour

L’amour ne fanfaronne pas, ne s’enfle pas d’orgueil (1 Co 13, 4).

Il est tellement la possession de Dieu qu’il n’a pas besoin de se soucier, de revenir sur lui-même, d’attirer l’attention sur lui.

 

31. Le Père

Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes (1 Co 15, 19).

Mission du Fils : durant toute son existence en ce monde, il n’a voulu qu’une chose : sauver le monde et le ramener au Père. Dans sa contemplation et son action, dans sa prédication et sa souffrance, il n’a fait que renvoyer au Père comme à celui qu’on ne peut rencontrer que dans la vie éternelle. C’est ainsi qu’il était la porte.

 

32. Travailler dans le Seigneur

Ainsi donc, mes frères bien-aimés, montrez-vous fermes, inébranlables, toujours en progrès dans l’oeuvre du Seigneur, sachant que votre labeur n’est pas vain dans le Seigneur (1 Co 15, 58).

Le mot « en vain » ne peut pas venir sur des lèvres chrétiennes parce que tout participe à la mission du Seigneur, est fécond… Le mot « en vain » n’a pas de place dans l’enseignement du Seigneur… Nous ne pouvons pas être sélectifs dans notre travail, nous devons suivre l’appel du Seigneur, le suivre là où il veut nous appeler et nous mettre là où il a besoin de nous. Et le travail peut être de peu d’apparence, il participe à toute l’oeuvre du Fils, qui est faite avec le Père et l’Esprit Saint par un amour éternel qui a son efficacité absolue, victorieuse.

 

33. Se donner de la peine

A votre tour, rangez-vous sous de tels hommes, et sous quiconque travaille et peine avec eux (1 Co  16, 16).

Celui qui se donne de la peine dans l’Église puise sa force dans la peine que le Seigneur un jour s’est donnée.

 

35. Le couple

La femme ne dispose pas de son corps, mais le mari. Pareillement le mari ne dispose pas de son corps, mais la femme (1 Co 7, 4).

Mariage : chacun des deux époux devrait reconnaître en l’autre quelque chose qui désire Dieu, chacun devrait supposer dans l’autre un désir spirituel qui ne provient d’aucun des deux partenaires mais de Dieu, et concrètement de la volonté de Dieu qui dispose de leurs relations conjugales.

 

36. Le diable

les fautes et les péchés dans lesquels vous avez vécu jadis, selon le cours de ce monde, selon le Prince de l’empire de l’air, cet Esprit qui poursuit son oeuvre en ceux qui résistent (Ep 2, 1-2).

Des saints ont été sensibles, jusqu’en en être mal à l’aise, à la puanteur du diable, du péché.

 

37. Le temple de Dieu

Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous (1 Co 3, 17).

Le temple est saint parce qu’il appartient à Dieu… Dieu transmet à la maison ses qualités.  Il adapte la maison à son être. Si nous savons que nous sommes le temple de Dieu, alors nous savons aussi qu’il nous donne de sa sainteté.

Il l’exige de nous parce qu’il nous la donne… Il est impossible de rencontrer Dieu dans un lieu qui ne soit pas saint… Personne ne peut dire de soi : mon lieu est saint. Ou bien : je peux rendre saint ce lieu. Mais chacun doit savoir que Dieu veut demeurer dans un lieu saint.

 

38. Eucharistie

ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ… (Ep 1, 10).

Eucharistie : le Fils s’introduit en nous. Capable de cela, il est aussi capable du mouvement inverse : nous faire pénétrer en lui par l’eucharistie.

 

39. Les mystères de Dieu

Comme il est écrit, nous annonçons « ce que l’oeil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Co 2, 9).

Nous sommes loin de connaître tous les mystères de Dieu. Il y a des choses que Dieu nous prépare mais qui ne nous sont pas accessibles maintenant parce qu’il veut exiger de nous la foi et il veut révéler son mystère à notre foi.

Ce n’est qu’en nous donnant à lui que nous apprendrons les projets qu’il a pour nous, ce qu’il a l’intention de nous donner. Mais dans la foi nous comprenons que ce mystère de Dieu est un mystère d’amour : amour de Dieu pour l’homme et amour divin du Fils pour le Père, mystère que par amour pour le Père et pour nous il révèle sur la croix.

 

40. La nuit

Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints (Ep 1, 18).

Qu’il existe une nuit intérieure, Paul n’y pense pas pour ses fidèles. S’il pouvait la prévoir, il dirait que c’est lui, l’apôtre, qui devrait l’assumer. Que la nuit de l’âme puisse être ce qu’il y a de plus fécond dans une vie chrétienne, que ce serait appauvrir une vie que de lui retirer la nuit, Paul n’a pas encore eu l’occasion d’y penser.

 

41. La rencontre du Ressuscité

Ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d’entre eux vivent encore et quelques-uns sont morts (1 Co 15,6).

La vie et la mort du croyant sont marquées par la rencontre du Ressuscité. Et les cinq cents frères qui ont vu le Christ après Pierre et les douze ont tout autant que Pierre et les douze à s’engager de leur mieux selon leurs capacités. Les chrétiens l’oublient facilement.

 

42. La parole du croyant

Que votre langage soit toujours aimable, plein d’à-propos, avec l’art de répondre à chacun comme il faut (Col 4, 6).

La parole est une partie essentielle de la mission de Paul; la même chose vaut pour tous les chrétiens. La parole leur est confiée comme un devoir. Ils ne peuvent pas représenter une Eglise du silence et d’ignorance, ils doivent pouvoir parler. Et une parole qui s’appuie sur la Parole qui est le Seigneur, qui est pleine de sa grâce et de son amabilité, une parole qui est agréable à entendre et qui fait apparaître la foi non comme la conduite solitaire d’un individu mais comme le lien avec la parole de Dieu.

La parole du croyant appartient au Seigneur qui est la Parole; elle est un don qui vient du Seigneur; le croyant ne s’est aucunement emparé d’une parole dont il pourrait disposer selon son bon plaisir, à laquelle il pourrait imprimer le cachet de sa personnalité. Il reçoit la parole en même temps que la grâce, dans l’acte du don que Dieu lui fait.

 

43. Marie

Que les femmes se taisent dans les assemblées (1 Co 14, 34).

Les femmes doivent se taire dans les assemblées. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de révélations et qu’elles sont incapables de prophétiser, que l’Esprit les visite moins. Cependant elles doivent se taire comme Marie s’est toujours tue dans l’Église. Et personne, en voyant Marie, ne voudra dire qu’elle occupe dans l’Église une place de second rang.

 

44. Communion des saints

Et toi, de ton côté, Syzyge, vrai « compagnon », je te demande de leur venir en aide : car elles m’ont assisté dans la lutte pour l’Évangile, en même temps que Clément et mes autres collaborateurs, dont les noms sont inscrits au livre de vie (Ph 4, 3).

l’authentique communion des saints, dans laquelle l’un porte le fardeau de l’autre, se sent responsable des péchés qu’il n’a pas commis, expie lui aussi… La communauté porte la marque de la sainteté tout comme celle du péché.

 

45. Le Christ

Ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres (Ep 1, 10).

L’unique caractéristique absolue des choses est maintenant qu’elles sont dans le Christ. La distance entre le ciel et la terre est devenue secondaire.

 

46. La mort

Ne nous livrons pas à la fornication, comme le firent certains d’entre eux; et il en tomba vingt-trois mille en un jour (1 Co 10, 8).

Par la mort du Christ sur la croix, la mort a reçu pour les croyants un nouveau visage.

 

47. Le fondement

Nul ne peut poser d’autre fondement que celui qui s’y trouve, à savoir Jésus Christ (1 Co 3, 11).

Paul a des certitudes. Il est donné à la Parole et elle a transformé son existence. Et en se donnant à elle, il reçoit de la Parole la manière dont il a à se donner dans le sens de la Parole. Il ne voit pas l’ensemble du dessein de Dieu. Il ne sait pas le projet de Dieu sur chaque croyant de Corinthe. Il ne sait pas si la parole qu’il leur porte contient le germe de missions qui continueront la sienne et la dépasseront à maints égards, ou si elles seront tellement différentes de la sienne qu’elles ne présenteront aucun accord visible avec la sienne. Mais il sait une chose avec certitude, c’est qu’il doit mettre Jésus Christ comme fondement.

 

48. Exproprié

Je ne cesse de rendre grâces à votre sujet pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus (1 Co 1, 4).

Le prêtre est un exproprié. Il reçoit et il distribue. Même là où il reçoit en tant qu’individu il ne lui est pas permis de détourner son attention de l’utilisation de ses dons pour les distribuer. Car c’est un exproprié. Paul ne connaît pas dans sa prière et dans son action de grâce une sphère qui serait exclusivement privée; quand il prie, il est tout autant en service que lorsqu’il prêche.

 

49. Mûrir

Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ (Ph 3, 20).

Le Seigneur qui nous rachète voudrait que nous comprenions que ce monde présent est juste là pour nous rendre mûrs pour son monde à lui… Nous savons que le ciel ne nous oublie pas, qu’il s’occupe de nous, que le Fils, après son retour au Père, vit en se préparant sans cesse à nous accueillir… Maintenant, tout ce qui fiat notre vie participe à son cheminement (d’autrefois) qui venait du Père et allait vers le Père.

 

50. L’amour

La charité est longanime; la charité est serviable; elle n’est pas envieuse; la charité ne fanfaronne pas, ne se rengorge pas (1 Co 13, 4).

L’amour est aimable (en Dieu, en l’homme). L’amour ne calcule pas avant de se donner, il n’aime pas pour des motifs préexistants et indépendants de lui. Il est pur jusqu’au fond de lui-même et il est toujours le même. En tant que tel, il assume celui vers qui il se tourne, il l’abrite en lui et lui ménage une place. Ainsi l’homme et le monde sont à l’abri en Dieu. Et l’homme expérimente cette bonté pour qu’il assume aussi l’homme, pour que sa patience avec l’homme soit réellement aussi celle de l’amour. Pour que le temps qu’il lui consacre soit un temps de sécurité dans lequel le prochain se retrouve lui-même et, par la force de la bonté qui lui est manifestée, il recommence à vivre.

 

51. Être touché par la Parole de Dieu

Qu’ai-je à faire de juger ceux du dehors? N’est-ce pas ceux du dedans que vous jugez, vous (1 Co 5, 12)?

Tant que le monde subsiste, il y a deux sortes d’hommes : ceux que touche la Parole de Dieu et ceux que n’atteint pas la Parole de Dieu. Plus il y a dans les coeurs d’espace pour le Christ, plus s’élargit la distance entre la lumière et les ténèbres.

 

52. Une vie plus haute

Le corps n’est pas pour la fornication; il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps (1 Co 6, 13).

A nous, les hommes, Dieu promet une vie plus haute, divine. Il nous l’a promise pour l’éternité. Cette vie supérieure n’aura plus besoin du fondement de l’ordre naturel qui est le nôtre aujourd’hui. L’échafaudage de la nature, le lien de l’homme à un corps rempli de besoins est une préparation à la surnature, un exercice préparatoire à la surnature. L’homme terrestre demeure un chercheur de Dieu et il s’exerce ainsi à trouver, il s’exerce à la proximité et à la vision.

 

53. Dieu se révèle

C’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit; l’Esprit en effet scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2, 10).

Dieu révèle. Il se révèle lui-même et tout ce qui se trouve en lui et près de lui : la vie éternelle, le Fils, le ciel. L’acte de révélation de Dieu est intimement lié à sa création : il a créé les hommes afin qu’ils reçoivent une révélation.

 

54. Prophètes

Il en est que Dieu a établis dans l’Eglise, premièrement comme apôtres, deuxièmement comme prophètes (1 Co 12, 28).

Les prophètes du Nouveau Testament ont un accès particulier à la vérité divine et ils savent comment présenter dans le temps tout ce qu’il y a d’intemporel dans l’éternité, parfois aussi ils savent annoncer à l’avance des événements parce qu’ils ont eu part à la vision éternelle de Dieu et non en raison de leur propre intuition ou de leur propre induction. Ils sont comme un récipient que le Seigneur remplit et ils doivent transmettre ce qu’ils ont reçu selon les indications de Dieu.

 

55. Jugement dernier

Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde? Et si c’est par vous que le monde doit être jugé, êtes-vous indignes de prononcer sur des riens (1 Co 6, 2)?

Le Fils a jugé le monde sur la croix en lui donnant sa justice et son amour débordants qui ne retenaient rien pour lui, mais en se jetant tout entier sur le plateau de la balance… Sur la croix, le Fils fut jugé à notre place.

Au dernier jour il sera notre juge. Ce jugement du Christ ne doit pas cesser de mettre de l’ordre dans la vie du chrétien par la confession et toutes ses formes quotidiennes : l’exhortation fraternelle, l’examen de conscience, l’accusation de soi volontaire. Par là on s’ouvre à l’amour. Le jugement dernier aura le caractère d’une confession…

Le Père a donné la totale absolution au monde sur la croix. Et à la fin du monde elle sera dévoilée en son essence. Croix, confession et jugement sont intimement liés même si jusqu’à la fin on ne peut percer totalement leur unité.

 

56. La bonne place

afin que leurs cœurs en soient stimulés et qu’étroitement rapprochés dans l’amour, ils parviennent au plein épanouissement de l’intelligence qui leur fera pénétrer le mystère de Dieu (Col 2, 2).

Ne pas revendiquer d’autre place que celle qui nous a été départie par l’amour.

 

57. Le chemin de Damas

Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car notre pâque, le Christ a été immolée (1 Co 5, 7).

Quand Paul est renversé sur le chemin de Damas, c’est un événement mystique aux conséquences incalculables. C’est la plus haute mystique parce que non seulement il a rencontré le Seigneur de manière immédiate, mais parce que la volonté de Dieu s’est emparée de la sienne, l’a marquée pour tout l’avenir et parce que tout ce que Paul sera et fera par la suite découle de cet événement.

Mais c’était en même temps le simple commencement de sa vie de foi parce que la foi vivante est obéissance à la vérité et à la volonté de Dieu.

 

58. Les besoins des hommes

En retour, mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, avec magnificence, dans le Christ Jésus (Ph 4, 19).

Dieu le Créateur connaît les besoins des hommes et, lors de la création, les a pris en compte et s’en est occupé… Et le Fils est venu dans le monde pécheur et il a fait connaissance à sa manière des besoins des hommes. Aucun de ces besoins n’est étranger à Dieu. Et Dieu veut les apaiser, veut s’en inquiéter, veut donner aux hommes ce dont ils ont besoin. Mais il veut leur donner à sa manière : dans la plénitude du ciel, dans la plénitude de la foi, de la magnificence de son amour.

 

59. Le temps qui passe

Cela leur arrivait pour servir d’exemple, et a été écrit pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps (1 Co 10, 11).

De chaque heure qui passe, les chrétiens peuvent faire une heure de Dieu; s’ils le font, ils vivent plus dans l’éternité que dans le temps. Le temps n’est plus alors un système clos; la frontière qui le sépare de l’éternité peut être franchie au milieu du temps d’ici-bas.

 

60. La mine de sacrifiés

Vous avez été bel et bien achetés. Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1 Co 6, 20).

Les chrétiens sont des gens dont le but de la vie est de glorifier Dieu Trinité dans leur corps, et cela non avec une mine de sacrifiés mais avec la mine de gens qui sont remplis de reconnaissance.

 

61. L’homme spirituel

L’homme spirituel au contraire juge de tout et ne relève lui-même du jugement de personne (1 Co 2, 15).

A l’homme spirituel le Père donne la grâce d’être chez lui dans le monde de Dieu. Par l’Esprit, il est continuellement en contact avec l’Esprit de Dieu. Il reste en contact avec l’Esprit de Dieu afin de rester en contact avec le Père. C’est l’Esprit qui compte pour lui, et il reconnaît lui-même la justification de son existence dans un service que lui montre l’Esprit et qu’il accomplit spirituellement dans l’Esprit. L’Esprit le transforme en homme spirituel.

 

62. La sagesse de Dieu

Et nous en parlons non pas en un langage enseigné par l’humaine sagesse, mais en un langage enseigné par l’Esprit, exprimant en termes d’esprit des réalités d’esprit (1 Co 2, 13).

La volonté de Dieu est de montrer toujours davantage de sa sagesse au croyant.

 

63. Le terrible dans la mort du Christ

Ne nous livrons pas à la fornication, comme le firent certains d’entre eux; et il en tomba vingt-trois mille en un seul jour (1 Co 10, 8).

Le terrible dans la mort du Christ, c’est l’abandon du Père. Il ne sent plus la relation au Père, par laquelle il est le Fils. Son être éternel lui est voilé et retiré… Pour lui, c’est le début de sa descente aux enfers, qui est la descente de la rédemption et ne fait qu’un avec la croix; et la descente aux enfers est à son tour le prélude de la résurrection du royaume des morts, qu’il regagne pour la vie éternelle par sa descente.

 

64. Témérité

Et la plupart des frères, enhardis dans le Seigneur du fait même de ces chaînes, redoublent d’une belle audace à proclamer sans crainte la parole (Ph 1, 14).

Annoncer la Parole avec la témérité de ceux qui ont à leur disposition la force de Dieu.

 

65. Un chemin vers Dieu

Aspirez aux dons supérieurs (1 Co 12, 31a).

Les dons que le Seigneur a faits à l’Eglise et qui portent la marque de l’Esprit Saint ne veulent pas organiser une corporation terrestre, statique, mais ils veulent faire de l’Eglise un chemin vers Dieu qu’emprunteront ceux qui aspirent à lui et qui forment en même temps la communauté ecclésiale.

 

66. L’Ancien Testament

Et maintenant, frères, supposons que je vienne chez vous et vous parle en langues, en quoi vous serai-je utile, si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni science, ni prophétie, ni enseignement (1 Co 14,6)?

Tout l’Ancien Testament est comme un parler en langues qui ne reçoit son sens que lorsque le Fils devient pour nous le prophète parfait qui nous donne à la fois la révélation du Père et sa connaissance.

 

67. Les fenêtres

La foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité (1 Co 13, 13).

Les dons de l’Esprit, comme aussi la foi et l’espérance, sont des ouvertures, des fenêtres de la maison de Dieu, par lesquelles quelque chose de l’amour éternel, de sa lumière, de sa chaleur, pénètre dans notre temps… Les chemins de l’homme sont multiples, et les êtres humains sont multiples : mais tous sont capables de comprendre quelque chose du sens de l’amour de Dieu.

 

68. Être rempli de l’Esprit

Cherchez dans l’Esprit votre plénitude (Ep 5, 18).

Etre rempli de l’Esprit signifie toujours renoncer à ses propres projets… pour être amené par l’Esprit à obéir à Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit.

 

69. Les secrets de Dieu

Nul ne connaît les secrets de Dieu sinon l’Esprit de Dieu (1 Co 2, 11).

Si l’Esprit assume la fonction de nous révéler le Père, nous devons aller à sa rencontre en rendant notre esprit libre pour accueillir son message, tout comme Marie s’est libérée d’elle-même, de ses jugements et de ses préférences, des barrières imposées à l’homme en général et à la femme en particulier, pour aider l’Esprit à réaliser le possible qu’il lui montrait… La tâche de notre esprit dans la foi, c’est d’accueillir l’Esprit de Dieu au fur et à mesure de sa révélation… Personne ne peut dire d’avance jusqu’où l’Esprit peut aller avec un homme.

 

70. Tout tremblant

Je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant (1 Co 2, 3).

Paul doit dire cela aux Corinthiens afin que, au cas où ils auraient à assumer un ministère et ressentaient de la crainte, ils sachent qu’il n’en a pas été autrement pour l’apôtre.

 

71. La semence

Ce que tu sèmes ne reprend vie s’il ne meurt (1 Co 15, 36).

Celui qui sème voudrait bien que sa semence ne passe pas par la mort pour resurgir vivante. L’homme qui sème est obligé de s’abandonner à une espérance en ce qu’il ne maîtrise pas; il ne pense pas volontiers à son obéissance qui doit être comme une mort devant Dieu, il ne pense pas non plus volontiers à la mort du Christ, par laquelle seule se produit la résurrection. Et la vie éternelle, c’est pour la créature l’autorisation de vivre en Dieu par la résurrection qui demeure une grâce de Dieu.

 

72. La prédication de l’Évangile

Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin d’en gagner le plus grand nombre (1 Co 9, 19).

Paul met les hommes en relation avec Dieu à travers la prédication de l’Evangile.

 

73. Obéir à un plus grand

Le Christ est-il divisé? Serait-ce Paul qui a été crucifié pour vous? Ou bien serait-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés (1 Co 1, 13)?

Jamais les sacrements ne doivent conduire à l’homme qui les administre, mais toujours au Seigneur qui les accomplit en vérité, dans la réalité de Dieu, par un homme à son service. On voit là qu’il est la tête et nous les membres. Que, dans notre action quotidienne, nous ne faisons qu’obéir à un plus grand, au Dieu unique qui nous conduit, nous indique ce qui est à faire, nous donne aussi la grâce de l’accomplir, mais qui demeure celui qui agit vraiment, celui qui est vraiment.

 

74. Faire plaisir

Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui (1 Co 10, 24).

Le Fils a vécu chacun des instants de sa vie dans sa mission pour faire plaisir au Père et nous faire plaisir à nous-mêmes. A aucun instant de sa vie, le Fils n’a cherché son intérêt. Le Fils réalise totalement l’exigence de saint Paul… De toute éternité, au ciel, le Fils a connu d’expérience que le Père et l’Esprit ne cherchent pas leur intérêt… Absolu désintéressement du Père, du Fils et de l’Esprit dans la création et la rédemption.

 

75. Chaque personne

L’Esprit scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2, 10).

L’Esprit scrute tout jusqu’aux profondeurs de Dieu, mais il possède aussi une connaissance exacte de l’homme. Il connaît Dieu si bien qu’il trouve en Dieu une réponse totale non seulement à la question générale de l’humanité, mais aussi à chaque question particulière de chaque personne, ce qui rend évident que l’Esprit possède aussi une connaissance exacte de chaque personne.

 

76. La vraie communion

Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés (1 Co 11, 31).

Quand nous recevons le corps du Seigneur, nous lui accordons un nouveau droit de disposer de notre apostolat et de notre vie… Par la vraie communion, nous avons une plus grande participation aux choses que nous ne contrôlons pas nous-mêmes et dont nous ne disposons pas. Ce qui appartient au Seigneur prend de plus en plus de poids… Nous ne savons pas la forme que prendra la nouvelle grâce, quelle forme d’exigence elle peut prendre.

 

77. La sagesse de Dieu

Nous en parlons non pas en un langage enseigné par l’humaine sagesse, mais en un langage enseigné par l’Esprit (1 Co 2, 13).

Les mots de l’Esprit demeurent en nous sans écho si nous sommes prisonniers de la sagesse humaine. La sagesse de l’Esprit influe sur les envoyés de telle sorte qu’ils deviennent de plus en plus conscients de leur mission et qu’ils ne disent plus leur parole d’eux-mêmes, mais de l’Esprit qui agit en eux. Par le ministère de l’Esprit, ils sont introduits au ministère de la Parole, ils deviennent porteurs de la Parole. Leurs paroles sont maintenant adaptées à la sagesse de Dieu, elles en émanent, elles la portent…

Celui qui a reçu l’Esprit pourra distinguer dans ce qu’il entend ce qui provient de la sagesse humaine et ce qui provient de la sagesse divine.

La mission de Paul est de comprendre et d’annoncer; il ne doit rien garder pour lui, mais recevoir de telle sorte que ce qu’il a reçu reçoive la forme de ce qui est annonçable.

 

78. Le chagrin

Aussi je m’empresse de vous le renvoyer, afin que sa vue vous remette en joie (Ph 2, 28).

La nouvelle du Seigneur est une bonne nouvelle même si elle implique la croix. Et sa mort signifie pour tous vie nouvelle et éternelle. Et puisque, chrétiennement, la mort signifie la vie, le chagrin peut bien aussi signifier la joie.

 

79. La détente

Ne devenez pas idolâtres comme certains d’entre eux, dont il est écrit : "Le peuple s’assit pour manger et boire, puis ils se levèrent pour s’amuser" (1 Co 10, 7).

Les sacrements de Jésus Christ n’ont pas été institués pour faciliter la vie terrestre; et ce n’est pas pour se procurer des avantages qu’on est membre de l’Eglise. Quand le Fils ici-bas jouit des dons du Père et qu’il reçoit tout ce que le Père lui donne, c’est pour mieux accomplir sa volonté, dans un amour qui a des incidences sans fin pour le Père et pour les hommes.

Tout repas et toute détente du Fils sont pour lui une part de son service et de sa gratitude, sont accompagnés de sa prière et ont des incidences, en ce sens qu’il prend soin de son corps pour être à nouveau prêt à rencontrer Dieu.

 

80. L’envoyé

Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus nous nous assemblions, vous et mon esprit, avec la puissance de notre Seigneur Jésus, et que cet individu soit livré à Satan pour la perte de sa chair, afin que l’esprit soit sauvé au Jour du Seigneur (1 Co 5, 4-5).

En tant qu’envoyé, l’apôtre n’est jamais seul, il n’est jamais séparé de celui qui l’envoie et laissé à lui-même. Aussi longtemps que vit une mission, le Seigneur est lié à son disciple de manière si vivante que celui-ci peut parler et agir au nom du Seigneur, l’appeler dans la prière avec la certitude de recevoir une réponse. S’il appelle, Dieu répond. Paul fait ici usage de ce droit de l’envoyé.

 

81. Toucher nos limites

L’Esprit vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons que demander pour prier comme il faut (Ro 8, 26).

Comprendre que nous ne pouvons prier comme il faut que poussés par l’Esprit, que nous ne pouvons souffrir autrement qu’en souffrant avec le Fils. Partout où nous touchons nos limites et notre insuffisance, nous remettre au Fils et à l’Esprit qui les transformeront en leurs demandes qui sont écoutées et reçues par le Père.

 

82. Dieu se laisse approcher

"Tout m’est permis", mais tout n’est pas profitable (1 Co 6, 12).

Dans ce « tout m’est permis » apparaît clairement combien Dieu se laisse approcher par l’homme qui le sert.

 

83. Enchaîné au Seigneur Jésus

Moi, Paul, prisonnier du Christ Jésus à cause vous, païens (Ep 3, 1).

"Moi, Paul, prisonnier du Christ Jésus" : celui qui se donne totalement au Seigneur vit avec lui comme s’il était enchaîné par lui. Vivre dans la volonté du Seigneur exige un abandon de tous les instants. C’est pourquoi il est naturel que Paul se considère comme prisonnier du Christ par sa mission. (Mais l’enchaînement est comme réciproque). Bien sûr le Seigneur est libre de faire ce qu’il veut. Mais si Paul est enchaîné au Seigneur, s’il ne le lâche plus, le Seigneur finit par paraître enchaîné également à Paul. Si Paul se trouve réellement entre les murs d’une prison au moment où il écrit, le Seigneur la partage aussi avec lui.

 

84. Le charismatique

Ton action de grâces, certes, est excellente, mais l’autre n’en est pas édifié (1 Co 14, 17).

Le charismatique, celui qui parle en langues, appartient à l’Eglise et celle-ci a le droit d’en attendre du fruit. Son apostolat commence dans sa prière la plus solitaire et non seulement quand il est revenu à une parole intelligible par tous. Même quand il est dans l’Esprit il appartient à l’Église et à ses frères.

 

85. Relation à Dieu

Vous avez été bel et bien achetés! Ne vous rendez pas esclaves des hommes (1 Co 7, 23).

La rédemption signifie le rétablissement de la relation à Dieu, quelque chose qui se rapproche très fort de la création, mais qui provient maintenant de la croix. De même que personne ne peut s’opposer à l’acte créateur du Père, personne ne peut s’opposer au fait que le Fils l’a racheté sur la croix. Personne ne peut contempler la croix et douter que le Seigneur ait souffert aussi pour lui.

 

86. On ne peut pas mettre Dieu dans l’embarras

Ce dont nous parlons, c’est d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que dès avant les siècles Dieu a par avance destinée pour notre gloire (1 Co 2, 7).

Dieu a pris soin de nous avant que nous soyons. Et par conséquent, étant ce que nous sommes, nous ne pouvons pas mettre Dieu dans l’embarras : ni Lui, ni sa sagesse… Rien de ce qui se passe dans le monde ne peut l’étonner ni le désarçonner.

 

87. Prier pour ceux qui ne veulent pas prier

C’est pour l’œuvre du Christ qu’Epaphrodite a failli mourir, ayant risqué sa vie pour vous suppléer dans le service que vous ne pouviez me rendre (Ph 2, 30).

On peut prier pour ceux qui ne veulent pas prier, offrir pour ceux qui ne veulent pas offrir. C’est l’essence de la substitution telle qu’on la connaît dans la répartition et le remplacement naturel dans le travail; mais le chrétien qui dit travail dit prière, le chrétien qui dit expiation dit toute forme d’offrande et de dévouement.

 

88. Pas chacun pour soi

Par là vous menez le même combat que vous m’avez vu soutenir et que, vous le savez, je soutiens encore (Ph 1, 30).

Chaque croyant doit avoir part à la vie du Seigneur, pas seulement séparément, chacun pour soi, mais pour mettre à la disposition de tous la fécondité de son combat chrétien.

 

89. Remercier Dieu pour tout

Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père (Col 3, 17).

On n’a pas le droit de remercier pour certaines choses dans notre vie et pas pour d’autres… L’action de grâce provient de l’amour. Elle nous rend si proches de Dieu que nous recevons alors de lui un nouvel amour qui rend possible notre vie chrétienne.

 

90. L’Ancien Testament, chemin vers le Fils

Cela leur arrivait pour servir d’exemple, et a été écrit pour notre instruction à nous qui touchons à la fin des temps (1 Co 10, 11).

Le temps de l’ancienne Alliance est toujours actuel. L’Ancien Testament est pour les chrétiens un miroir dans lequel ils doivent regarder. Les juifs sont leurs frères dans l’alliance avec le Seigneur; le temps qui les sépare est finalement court. Et Dieu, dans son alliance, est toujours Dieu; même s’il y a beaucoup de chemins pour arriver à lui, son être ne change pas. La révélation parfaite de cet être sera le Fils, c’est justement pour cela que toutes les voies anciennes sont tournées vers lui et portent sa trace. Si bien qu’on peut emprunter ces voies pour marcher vers lui.

 

91. L’Esprit Saint

Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu (1 Co 6, 19)?

L’Esprit Saint opère l’existence eucharistique du corps du Christ dans l’Eglise comme au début il a opéré l’incarnation dans le sein de Marie qui, en tant que Mère virginale, devient le modèle et le sein de l’Église, à qui le Fils se donne d’une manière nuptiale dans le mystère eucharistique.

 

92. La mission du chrétien

"Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas" (Col 2,21).

Le chrétien comprend sa mission dans le monde comme une fonction de la mission du Fils.

 

93. La poussée de l’Esprit

Tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu (Ro 8, 14).

L’Esprit pousse; il pousse si fortement que celui qui est poussé lui est livré dans la foi de sorte qu’à partir de ce moment il ne peut plus être poussé par quelqu’un d’autre. De l’Esprit, il apprend à oublier toujours plus ce qui lui est personnel et à vivre dans le divin. Il se tient comme un disciple, comme un mercenaire, au service de l’Esprit.

L’Esprit souffle où il veut, et celui qui est poussé par l’Esprit doit laisser à l’Esprit la possibilité de le faire souffler avec lui où le veut l’Esprit. Il ne comprend pas lui-même le plan et l’action de l’Esprit. Il ne peut que laisser faire. Toute nouvelle animation de l’Esprit est éclatement d’une nouvelle vie, mais garanti par la vie elle-même qui est l’Esprit…

L’Esprit pousse et souffle et accomplit tout ce qui s’appelle vie dans le croyant et il n’y a ni éloignement de Dieu ni action de l’homme qui ne soit pas inclus dans ce souffle. Même quand s’accroissent les difficultés et que sa présence est moins perceptible, Dieu demeure proche… Dieu reste présent et reconnaissable en tout effort. Le fait d’être fils du Père fonde la poussée de l’Esprit… Solitude, doute, lassitude, fatigue, impuissance et souffrance : tout est inclus dans la poussée de l’Esprit : signes et marques que tout est en ordre sur le chemin.

 

94. La grâce

Je sais me priver comme je sais être à l’aise. En tout temps et de toutes manières, je me suis initié à la satiété comme à la faim, à l’abondance comme au dénuement (Ph 4, 12).

La grâce du Seigneur demeure grâce là aussi où elle impose épreuve et privation.

 

95. L’accompagnateur du Fils

L’Esprit scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2, 10).

L’Esprit accompagne le Fils en toutes ses expériences divino-humaines et le révèle. Il parle en toute parole qu’exprime le Fils, il opère en tout miracle du Fils. Il est tellement l’accompagnateur du Fils, y compris sur la croix, que celui-ci le rend explicitement entre les mains du Père pour expérimenter le plus total délaissement dans la mort.

 

96. La bonne manière

Ceux qui ont par avance espéré dans le Christ (Ep 1, 12).

Nous demandons aux saints de soutenir nos requêtes auprès de Dieu parce que nous avons confiance qu’ils savent mieux que nous la bonne manière de présenter à Dieu notre prière.

 

97. Désirer le don de prophétie

Recherchez la charité; aspirez aussi aux dons spirituels, surtout celui de prophétie (1 Co 14, 1).

Aspirer aux dons de l’Esprit surtout à celui de prophétie, c’est être enfants de l’Esprit, lui être ouvert, obéissant, disponible, perméable, transparent dans toute sa vie et tout son être. Ils doivent passer leur vie terrestre de telle manière qu’elle ne les empêche pas d’acquérir une intelligence des choses du ciel selon que Dieu veut la leur communiquer. Cette obéissance de toute la vie est le présupposé essentiel du don de prophétie et c’est pourquoi il est à rechercher avec ardeur. Désirer le don de prophétie, c’est tendre à une attitude de pur service, à un renoncement fondamental à soi-même et à toute installation.

 

98. Participation à l’échange trinitaire

Les Églises d’Asie vous saluent… Tous les frères vous saluent. Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser (1 Co 16, 19-20).

Par l’Ascension, le Fils est retourné en Dieu et il demeure cependant avec le monde – avec chaque personne comme avec l’Église – dans un échange stimulant qui a pour but la participation de tous à l’échange trinitaire.

 

99. Les soucis

Tout a été créé par Lui et pour Lui (Col 1, 16).

Nous n’avons plus besoin de nous faire de souci, de nous plaindre du non-sens de l’existence, de perdre courage : de chaque chose et de chaque relation nous pouvons supposer qu’elle a été créée pour lui, le Fils. Tout possède en lui sa vérité… Rien n’existe qui aurait son sens en dehors du Fils.

 

100. La nuit

Puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints (Ep 1, 18).

La nuit intérieure, saint Paul n’y songe pas pour les croyants. S’il pouvait la prévoir, il dirait que c’est lui, l’apôtre, qui devrait assumer cette nuit. Que la nuit de l’âme puisse être ce qu’il y a de plus fécond dans une vie chrétienne, que ce serait appauvrir une vie que de lui retirer la nuit, Paul n’a pas encore eu l’occasion d’y penser.

 

101. Le meneur mystérieux

Ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance, Dieu (1 Co 3, 7).

L’existence et l’action de l’Esprit de Dieu demeurent toujours un secret. Dieu révèle ce que ses serviteurs doivent comprendre pour accomplir leur service mais, même quand il se dévoile, Dieu demeure le meneur mystérieux qui fait croître mystérieusement ce que ses ouvriers ont planté et arrosé. L’apôtre sait quelque chose de toute parole qu’il annonce. Il n’agit pas comme un aveugle et sans rien comprendre. Ce qu’il a à faire, l’Esprit le lui montre, il en fait l’expérience dans l’Esprit. Mais son intelligence n’est en rien à la hauteur de l’infini du mystère de Dieu.

 

102. Tenter Dieu

Ne tentez pas le Seigneur, comme le firent certains d’entre eux; et ils périrent victimes des serpents (1 Co 10, 9).

Tenter le Seigneur, c’est quand les croyants veulent aller leur propre chemin et cherchent à amener le Seigneur à vouloir autre chose que ce qu’il veut… Le Fils, qui était Dieu, a vécu parmi nous et nous savons comment il a prié; lui qui était Dieu n’a pas voulu faire sa volonté mais uniquement celle du Père. Pour nous qui avons un tel modèle sous les yeux, il devrait nous être plus facile de ne pas tenter Dieu.

 

103. Le Jour du Seigneur

Il faut qu’au nom du Seigneur Jésus nous nous assemblions, vous et mon esprit, avec la puissance de notre Seigneur Jésus, et que cet individu soit livré à Satan pour la perte de sa chair, afin que l’esprit soit sauvé au Jour du Seigneur (1 Co 5, 4-5).

Le salut s’opère au plus tard au jugement dernier, mais il peut avoir lieu déjà avant, un jour qui devient alors pour l’intéressé le Jour du Seigneur. Car le Seigneur est libre de choisir son Jour quand il le veut et comme il le veut.

 

104. Une communion concrète

Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur (1 Co 1, 9).

Les apôtres ont vécu avec le Seigneur; il faut toujours revenir à cette communion éminemment concrète qui se poursuit dans le vie de foi. Même la perspective de son retour au Père ne peut pas l’affaiblir. Saint Paul tient absolument à ce que l’image du Seigneur qui était sur terre soit gardée vivante dans l’Eglise.

 

105. Une ouverture

Pour moi, certes, la vie c’est le Christ et mourir représente un gain (Ph 1, 21).

L’infini de Dieu Trinité est mis à la disposition de la vie finie de l’homme… Et quand la mort survient dans cette vie chrétienne, elle est un gain parce qu’elle ne signifie plus un terme mais un accès, une ouverture, une porte, parce qu’elle dévoile l’inespéré, jusque-là caché, comme quelque chose de visible, qui comble.

 

106. La récompense

Quelle est donc ma récompense? C’est, dans ma prédication, d’offrir gratuitement l’Evangile, en renonçant au droit que me confère l’Évangile (1 Co 9, 18).

Le Christ a souffert jusqu’à la mort sans voir le fruit de sa Passion, et même sans sentir la présence du Père, se croyant à tort abandonné du Père, dans une solitude qui n’a plus rien d’un échange, d’une réponse, d’une participation.

 

107. La faim de Dieu

Nos pères ont tous mangés le même aliment spirituel (1 Co 10, 3).

Au regard de Dieu, il n’y a qu’une seule alliance avec l’humanité, à différents stades : l’alliance en marche vers le Christ, l’alliance à partir du Christ. Avant le Christ et après le Christ, il s’agit essentiellement de la même chose : du besoin, de la faim, du désir qu’a l’homme de Dieu, dans la foi en lui, dans l’action de grâce du fait qu’il s’est penché sur l’humanité pour une alliance éternelle.

 

108. La source

Je puis tout en Celui qui me rend fort (Phil 4, 13).

Paul est au bord d’une source inépuisable qui est à sa disposition, à laquelle il peut sans cesse puiser pour rencontrer ce que le Seigneur lui envoie.

 

109. Le travail de Dieu

Nous sommes les coopérateurs de Dieu; vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu (1 Co 3, 9).

L’œuvre de transformation que l’Esprit a à opérer dans les hommes est aussi prodigieuse que l’œuvre de création du Père et l’oeuvre de rédemption du Fils. Le travail terrestre du Fils n’était pas pour Dieu une exception, un bref intermède dans son repos éternel. Il fut pour nous les hommes l’apparition incompréhensible de l’éternelle activité de Dieu, il s’insère dans son travail éternel. Dieu aura encore beaucoup de travail jusqu’à ce que tous les hommes soient devenus croyants et que tous les croyants soient devenus des hommes spirituels.

 

110. Rapprocher les siens de Dieu

Je lui rends ce témoignage (à Epaphras) qu’il prend beaucoup de peine pour vous, ainsi que pour ceux de Laodicée et pour ceux de Hiérapolis (Col 4, 13).

Celui qui prie a le pouvoir de rapprocher les siens de Dieu, de recommander pour la vie éternelle ceux qui lui sont confiés même déjà durant leur vie présente de sorte que quelque chose de cette vie terrestre s’introduit dans la vie éternelle, est mis sous une protection divine… Ceux qui sont concernés par cette prière n’ont pas besoin de le savoir pour le moment, mais le fruit de cette prière quand même sera là.

 

111. Renoncement

Je n’ai usé, moi, d’aucun de ces droits, et je n’écris pas cela pour en profiter à mon tour (1 Co 9, 15).

Tout renoncement chrétien est un renoncement pour un bien plus grand. On ne nie pas le terrestre, ni la sexualité, ni la nourriture, ni la boisson, ni ce que Dieu permet selon un juste usage. Mais l’amour du Christ est le bien suprême et celui qui aime est reconnaissant quand il a quelque chose à offrir. On reconnaît la véritable ascèse au fait que les droits des autres ne sont pas réduits et qu’on ne leur envie pas l’usage qu’ils en font. Il se peut que Dieu ne leur demande pas les mêmes renoncements.

 

112. La mission

Prêcher l’Evangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je ne prêchais pas l’Evangile (1 Co 9, 16)!

Il se peut que quelqu’un voie à peu près sa mission mais non comment la remplir. Les moyens et les voies se trouvent encore cachés dans la foi pour le moment, et il doit grandir dans la foi pour que les chemins de sa mission deviennent clairs.

 

113. Comprendre la croix

Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? A plus forte raison les affaires de cette vie (1 Co 6, 3)!

Nous ne comprendrons jamais vraiment ici-bas ce que le Fils de Dieu a accompli sur la croix.

 

114. Les trésors

Que nul ne se glorifie dans les hommes; car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l’avenir. Tout est à vous; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu (1 Co 3, 21-23).

Dans leur sagesse terrestre, les Corinthiens organisaient d’une manière ou d’une autre leur vie temporellement limitée; mais elle se heurtait à la mort, cette mort qui était tout à la fois la frontière de leur vie, de leur puissance et de leur sagesse.

Dans la foi, ils possèdent la vie et la mort. Ils peuvent vivre et mourir dans la même foi. Et la mort n’est plus l’interruption de leur existence, mais la recréation de leur vie en Dieu. Elle est le don de Dieu au même titre que la vie terrestre…

Et l’éternité aussi, comme temps de Dieu, appartient au croyant… C’est la lumière de la foi qui répandra la vérité de Dieu sur toute chose… Les choses d’ici-bas, Dieu vit et habite en elles pour les donner aux hommes comme signe de sa présence… Dans son éternité, Dieu possède toutes ces choses (y compris les choses à venir  : celles auxquelles il a déjà pensé ou auxquelles il n’a jamais pensé)… Les croyants ne sont pas exclus de ces trésors. Dieu a fait tomber les barrières de leur finitude et il compte sur les croyants pour qu’ils deviennent co-possesseurs de ses biens éternels. Tout est à vous.

 

115. Dieu peut parler

Il est écrit dans la Loi : "C’est par des hommes d’une autre langue et par les lèvres d’étrangers que je parlerai à ce peuple, et même alors ils ne m’écouteront pas, dit le Seigneur" (1 Co 14, 21).

Dieu peut parler dans l’Eglise par un priant en une « langue » qui n’est pas comprise par l’Eglise de son temps, une « langue » qu’elle ne veut pas recevoir et qu’elle n’est pas non plus sans doute en mesure de recevoir.

 

116. Le temps du deuil

Il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures (1 Co 15, 4).

Résurrection du Christ après trois jours dans la mort : le temps des larmes n’est pas sauté. Ceux qui l’aiment doivent expérimenter combien sérieuse et totale est cette mort. Et le temps du deuil est, sans qu’ils le sachent, déjà préparation de leur âme pour la joie de la résurrection… La grâce de la rédemption dont Dieu le Père fait don au monde en ressuscitant le Fils ne peut être pour le monde que le miracle parfait que personne ne pouvait attendre.

 

117. Le don de la vie

Enfants et donc héritiers; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui (Ro 8, 17).

L’héritage promis aux enfants de Dieu est d’abord caché en Dieu. Mais, par l’Esprit, il est communiqué à ceux qui possèdent la foi, non pour les bercer dans une fausse sécurité qui les dispenserait de tout effort, mais pour qu’ils saisissent la grandeur de leur foi et du don de la vie. Participer à tout ce qui est au Fils conduit naturellement plus loin : à ce que nous soyons aussi glorifiés avec lui.

 

118. Un mouvement irrévocable

Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance (1 Co 6, 14).

Quand le Père ressuscite le Fils, il a pour objectif de nous ressusciter aussi. Le sens de l’existence humaine doit finalement être entièrement considéré à partir de la résurrection… A travers la résurrection, les limites de notre existence tombent… En nous appuyant sur la liberté que Dieu nous a donnée, nous pouvons nous adonner à l’illusion de disposer de toute l’existence de notre être… Dans l’Ancien Testament, il n’était pas certain que Dieu utiliserait sa puissance pour aller rechercher l’homme qui sombrait dans l’impuissance de la mort. C’est seulement le Fils venu du Père qui, en ressuscitant, a déclenché un mouvement irrévocable de retour vers le Père, un mouvement qui nous condamne directement à la résurrection.

 

119. Recevoir une clarté

Vous pouvez tous prophétiser à tour de rôle, afin que tous soient instruits et tous encouragés (1 Co 14, 31).

Paul voit en chacun de ceux qui viennent à la liturgie quelqu’un qui possède un droit à être fortifié dans son âme, un droit à emporter chez lui quelque chose qui concerne ce qui l’occupe, quelque chose qui l’aide, qui lui procure clarté sur des questions qui concernent Dieu.

 

120. La Mère de Dieu

Si la femme a été tirée de l’homme, l’homme à son tour naît par la femme, et tout vient de Dieu (1 Co 11, 12).

Marie a mis au monde le Fils de l’homme au nom de toutes les femmes. Elle a porté le Fils dans son corps, mais son corps était consentant par la foi. Et quand le Fils devint homme par elle, ce fut autant par sa foi que par son corps. Son corps et son âme : elle met tout au service. Le Fils s’abaisse à devenir un homme comme tous les autres et à vivre comme tous dans le sein de sa mère; mais en s’abaissant il l’élève à être la Mère de Dieu.

 

121. Apporter sa quote-part

Si c’est dans des vues humaines que j’ai livré combat contre des bêtes à Ephèse, que m’en revient-il? Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons (1 Co 15, 32).

Dieu donne au monde la grâce de la vie éternelle comme fruit de la mort et de la résurrection de son Fils. Et cependant les hommes doivent apporter leur quote-part qui est reprise par le Seigneur et gérée par lui comme il l’entend.

 

122. Pauvreté fondamentale

Aussi ne manquez-vous d’aucun don de la grâce, dans l’attente où vous êtes de la Révélation de notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 1, 7).

Tant que le Seigneur n’est pas venu (de sa seconde venue, glorieuse), nous vivons dans un état de pauvreté fondamentale, mais celle-ci porte déjà en elle des signes de la plénitude débordante qui vient… Nous, qui n’avons pas encore vu Dieu, nous vivons de lui parce que lui nous voit, et dans l’espérance de le voir un jour comme il nous voit.

 

123. Élever le niveau

Celui qui parle en langue s’édifie lui-même, celui qui prophétise édifie l’assemblée (1 Co 14, 4).

Le prophète est l’un de ceux qui ont la mission d’élever le niveau de l’Eglise, non par sa propre force, mais par la force de la prophétie.

 

124. La faiblesse et la force

Le membres du corps que nous tenons pour les plus faibles sont nécessaires (1 Co 12, 22).

Le Fils est descendu jusqu’à l’extrême faiblesse de la croix pour libérer le monde de la faiblesse du péché… Extrême faiblesse du Fils dans laquelle il s’est senti abandonné par le Père et séparé du ciel. Il n’existe aucune oeuvre qui, dans sa force, soit comparable à l’oeuvre de sa faiblesse sur la croix… Dans l’Eglise aussi, il plaît au Seigneur de voir dans ses membres les plus faibles des membres nécessaires.

 

125. Les dimensions de la vie éternelle

Alors aussi ceux qui sont morts dans le Christ ont péri (1 Co 15, 18).

Mourir dans le Christ, c’est s’abandonner à lui pour qu’il nous juge avec tout ce que nous lui apporteront de notre vie pour qu’il l’ouvre à la démesure des dimensions de la vie éternelle. Renoncer à toutes ses lois personnelles et à toutes les lois de la terre pour se livrer définitivement à la loi de Dieu.

 

126. Ce qu’il y a de plus sacré

Quand l’un d’entre vous a un différend avec un autre, ose-t-il bien aller en justice devant les injustes, et non devant les saints (1 Co 6, 1)?

Le Fils est, pour le Père, ce qu’il y a de plus sacré à ses yeux, au point qu’il lui confie la rédemption du monde.

 

127. Le tout de Dieu

Car imparfaite est notre science, imparfaite aussi notre prophétie (1 Co 13, 9).

Dieu ne peut pas, pour le moment, déployer devant nous l’ensemble de ses plans, ni découvrir la totale intelligence de son être et du nôtre, ni toutes les relations entre le ciel et la terre. Il tient tout cela en réserve. A cause de notre péché, nous ne pourrions pas faire le tour de sa totalité. Même à ceux que Dieu choisit spécialement pour prophétiser et posséder la connaissance, il ne peut pas livrer le tout parce que, même quand il révèle des vérités de son ciel, les hommes, tant qu’ils sont ici-bas, ne peuvent pas encore vivre pleinement dans le ciel.

 

128. Eucharistie

La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ (1 Co 10, 16)?

Dans la coupe de bénédiction, nous sommes les invités du Fils par l’intermédiaire du prêtre qui bénit.  Dans cette bénédiction, la communion est sans cesse renouvelée afin que la vie temporelle des croyants se nourrisse constamment de manière vivante de la vie éternelle. C’est la communion au sang versé sur la croix, mais elle est donc aussi communion avec toute la vie du Fils qu’il a reçue et vécue entièrement dans la mission reçue du Père; communion avec cette mission elle-même, telle qu’elle est au ciel, et donc aussi communion avec la décision de Dieu Trinité. Et ce, sous une forme visible, liturgique,que l’homme utilise pour pouvoir entrer dans la communion invisible.

 

129. Des paroles de miséricorde

Quand donc cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole de l’Ecriture : « La mort a été engloutie dans la victoire » (1 Co 15, 54).

Toutes les paroles du Père (= l’Ancien Testament), que souvent nous comprenons comme des paroles de menace, le Fils devient homme parmi nous pour les accomplir de telle sorte que nous puissions les comprendre comme des paroles de miséricorde.

 

130. La grâce

Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu (1 Co 6, 11).

On ne peut pas dire que l’Esprit continue ce que le Fils a commencé… Il n’existe pas de grâce qui ne provienne conjointement du Père, du Fils et de l’Esprit.

 

131. Le prophète dans l’Église

Celui qui prophétise au contraire parle aux hommes; il édifie, exhorte, console (1 Co 14, 3).

Ce que l’Esprit communique à celui qui prophétise est destiné à ses frères… Dieu confie à celui qui prophétise des choses mystérieuses dont il sait qu’elles ne doivent pas rester cachées plus longtemps. Mais sa tâche consiste à transposer dans la langue et les concepts des hommes ce qui lui est montré de la vie céleste, pour le rendre accessible à la terre… Il peut vivre des choses très précises qui doivent également être dites de façon précise. Mais il vit surtout ce qui est difficile à traduire, quelque chose de la sollicitude de Dieu pour les hommes, de son désir de manifester aux hommes sa présence afin qu’à nouveau ils s’en réjouissent. Les prophéties sont toujours destinées à l’Eglise universelle et ont pour but d’aplanir le chemin des croyants vers Dieu, de leur mettre en main quelque chose de vérifiable qui les comble d’une certitude nouvelle… C’est ainsi que la parole du prophète apporte un réconfort parce que Dieu leur montre que l’éternité est toujours soucieuse de se pencher sur le temps et qu’elle est toujours prête à le pénétrer… Le prophète est choisi pour montrer dans le monde de nouveaux aspects de l’être divin éternel.

 

132. Devenir homme quand on est Dieu

Il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes (Ph 2, 7).

D’un côté, il y a la condition divine dans ce qu’elle a de sublime et d’invisible, que le Fils ne possède et ne vit cependant pas replié sur lui-même, mais comme étant le monde du Père et de l’Esprit dans l’éternité; de l’autre côté, il y a la condition humaine, avec la distance créée par le Père, la bassesse qui a causé le péché, l’inanité due au refus de connaître Dieu.

Et le Fils se dépouille de la plénitude de Dieu et entre dans le néant de l’homme; il ne change pas seulement de lieu, de temps, mais de forme aussi. Il devient semblable à un homme. Il se montre parmi nous comme l’un de nous; il ne veut pas se distinguer de nous. Il ne se transforme pas en surhomme, en un être qui dès l’abord sort tellement de l’ordinaire que les autres sont forcés de le placer très haut, de sentir la distance qui les sépare de lui, de lever les yeux vers lui. Il ne se ménage pas de facilités, il ne descend pas pour un instant seulement, pour aussitôt après quitter l’inanité du monde et se retirer dans le ciel, il vient pour la durée de toute une vie, dans la pauvreté et le secret, et même dans un dénuement tel que personne ne pourrait regarder son sort avec envie, personne ne pourrait souhaiter prendre ce chemin de vie. C’est la vie d’un pauvre parmi les pauvres et les riches. La vie d’un simple au sein d’un monde compliqué…

 

133. Les saints

A l’Église de Dieu établie à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints… (1 Co 1, 2).

Aucun saint ne sait qu’il est saint.

 

134. La descente en enfer

"Il est monté", qu’est-ce à dire, sinon qu’il est aussi descendu, dans les régions inférieures de la terre (Ep 4, 9).

En s’incarnant, le Seigneur n’a pas seulement pris sur lui le fardeau des péchés qui ont été commis durant le temps de sa vie terrestre, il a assumé le fardeau de tous les péchés. C’est pourquoi son incarnation était aussi nécessairement lié au fait qu’il s’est rendu dans le lieu où tous les péchés du monde, passés et futurs, sont rassemblés, au fait qu’il est descendu dans les régions inférieures de la terre, où la présence de Dieu Trinité est non seulement niée, mais comme rendue impossible… C’est là qu’il assuma les derniers fardeaux, ce qui devait rendre enfin possible son retour vers le Père, comme si sa montée dépendait de sa descente, comme s’il lui avait été impossible de retourner au ciel avant d’être descendu en enfer. En expliquant que la descente était la condition nécessaire de la montée, Paul montre que le Seigneur n’a cessé d’avoir pour but cette descente en enfer, qu’il a passé toute sa vie dans la perspective et avec la prescience de cette descente. Et chaque fois qu’il pensait au Père et à son retour auprès de lui, il voyait que cette réunion ne se réaliserait que par la descente en enfer. Car ce n’est qu’ainsi qu’il pourrait donner à l’oeuvre de la rédemption sa totale expansion.

 

135. La voie d’accès à Dieu

Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu (Ep 2, 8).

Personne n’a la possibilité d’aller à Dieu que si Dieu la lui donne… Pour reconnaître en vérité les dons de Dieu, il faut les posséder, c’est-à-dire avoir la grâce et la foi… Dieu a l’habitude de commencer toujours par y mettre du sien là où il propose d’agir… Réduits à nos propres moyens, nous ne serions jamais sauvés, c’est-à-dire que jamais nous ne trouverions l’authentique voie d’accès à Dieu. En nous faisant le don de la foi, Dieu crée entre lui et nous cette voie d’accès… Il est clair que celui qui n’a pas la foi et ne l’a pas goûtée ne peut savoir ce qu’elle est… pas plus qu’on ne peut connaître la saveur d’un fruit qu’on n’a jamais goûté.

 

136. Ce qui est bon pour l’homme

Ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est (1 Co 1, 28).

Depuis toujours Dieu a choisi ce qui est bon pour l’homme, ce qui lui convient, ce qui le lie à lui, alors que l’homme n’a cessé de choisir ce qui est contraire à Dieu. Toute l’ancienne Alliance peut être considérée sous ce signe. Pour finir, Dieu choisit une fois pour toutes ce que les hommes ne choisissent pas : la croix. La croix est purement et simplement le choix de Dieu… Par la croix, Dieu choisit ce qui dans le monde est sans naissance, le dénuement, le mépris, la raillerie, la déréliction. Finalement, et au milieu de tout cela, il choisit la mort… A l’avenir, tout ce qui aura une valeur la recevra dans la lumière de ce choix de Dieu : la croix. Et donc aussi la joie puisque Dieu nous enlève le plus amer de la souffrance…

 

137. Être dans la main de Dieu

Telle est l’attente de mon ardent espoir : rien ne me confondra, je garderai au contraire toute mon assurance et, cette fois-ci comme toujours, le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive, soit que je meure (Ep 1, 20).

Si Paul attend toutes choses du Seigneur, il sait donc aussi qu’il recevra toutes choses en réponse, que sa croissance dans le Christ se déroule selon un plan défini par Dieu, qui ne laisse aucune place à la déception ou à la contrevérité. Il est tellement instrument qu’il est sûr d’être dans la main de Dieu; comme lui-même ne décide plus rien, rien de mal ne peut lui arriver quand Dieu décide;  rien ne pourra lui faire honte puisqu’il ne s’appartient plus, mais qu’il est chose de Dieu. Il se sait inclus dans la providence de Dieu, dans l’Esprit Saint, dans le plan du Christ obéissant au Père, il sait qu’en tous points sa mission a été voulue par Dieu si bien que, quoi qu’il arrive, la mission… non seulement sera sauvée, mais qu’elle ne peut être en aucune façon troublée ou contrecarrée. Il a sur ce point une totale certitude qui s’explique uniquement par la mission.

 

138. Faire plaisir à Dieu

Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu (1 Co 10, 31).

Chaque fois que nous voulons sérieusement faire plaisir à Dieu, nous sommes capables de le faire. Et Dieu ne fait pas seulement que recevoir cette joie, il en a besoin dans sa vie trinitaire en tant qu’il crée, rachète et accomplit. Si Dieu s’était contenté de sa joie céleste, il n’aurait pas créé le monde et le Fils n’aurait pas eu besoin de s’incarner. En se faisant homme, le Fils a montré ce qu’un homme pouvait faire pour Dieu. Et, en montant au ciel, il nous a de nouveau prouvé combien Dieu était proche de l’homme.

 

139. Le seul souci du Fils

Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu (Ph  2, 6).

La condition divine que le Fils a dans le ciel, il ne veut pas la posséder jalousement, comme une chose qui lui appartient, qui lui échoit, qu’il exploite pour lui-même. Il est le Fils et il reniera jamais sa qualité de Fils… Il est de toute éternité auprès du Père et l’Esprit, qui est l’amour, souffle entre eux, et toute séparation, tout affaiblissement, tout changement sont impensables. Et cependant ce n’est pas au fait qu’il est Dieu que le Fils attache de la valeur. Plus importante que pour lui est l’obéissance au Père, le triple accord de l’amour entre Père, Fils et Esprit… Une obéissance qui est si forte qu’elle ne fait valoir les intérêts propres que s’ils peuvent aussi contenir les intérêts du Père et de l’Esprit… Le seul souci du Fils sera de donner une expression à son amour sous toutes les formes de l’obéissance. Mais il voit le contraire de cette obéissance dans la désobéissance des hommes. Et il choisit cet acte des hommes qui se détournent du Père comme point de départ d’une nouvelle forme de son obéissance d’amour, en offrant au Père de devenir obéissant jusqu’à la mort sur la croix… Il ne considère pas sa condition divine comme une proie sur laquelle il devrait se reposer, à laquelle il devrait se cramponner, mais comme quelque chose qu’il peut délaisser pour manifester son amour toujours plus grand du Père.

 

140. L’eucharistie transforme quelque chose en nous

Afin qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu (1 Co 1, 29).

Par l’incarnation du Fils, la chair a reçu une nouvelle dignité… Lorsque le Fils fait don de sa chair dans l’eucharistie, il déverse également en nous ce qui constitue l’essentiel de sa nature charnelle face au Père. C’est pourquoi aucune chair ne peut plus se glorifier devant Dieu. De même que quelque chose change dans la chair d’une vierge lorsqu’elle est fécondée par un homme, puisque l’ensemble de son être n’est plus vierge et qu’elle ne peut plus se glorifier de sa chair mais de celle de l’homme, de la même manière l’eucharistie transforme quelque chose en nous, de telle sorte que nous ne pouvons plus nous glorifier que dans le Fils du Père et non plus en nous-mêmes… Il ne viendrait pas à l’esprit d’une femme mariée et d’une vierge de se glorifier de leur corps. Toutes deux savent qu’il appartient à l’homme et à Dieu.

 

141. Dieu fait un autre choix

Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre la force (1 Co 1, 27).

Ce qui est confondant, c’est que Dieu fait un autre choix que celui que les sages auraient fait nécessairement. C’est aussi le fait qu’il leur montre à quel point le choix qu’ils ont fait est futile pour lui, à quel point leur jugement le touche peu… Mais il confond surtout les puissants afin que, subitement, ceux-ci ne voient plus ce qui correspond à leur puissance, puisque Dieu ne s’est pas servi d’eux, mais du faible, de l’impuissant.

 

142. La grâce du Seigneur Jésus

La grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit (Ph 4, 23).

La grâce est ce que chaque homme qui prie peut sans cesse faire descendre en suppliant… Tout homme qui prie expérimente la grâce de la Parole du Seigneur qui lui est adressée. C’est une grâce que le Fils se soit incarné, c’est une grâce qu’il soit devenu pour nous Parole du Père, c’est une grâce qu’il se soit révélé dans l’Evangile, c’est une grâce qu’il ait institué l’Eglise, c’est une grâce qu’il ait racheté tout homme. La grâce est la forme de son amour pour les hommes… Venant du Père et allant au Père, le Fils donne sa grâce au monde. Il fait tout par amour pour le Père et en même temps par amour pour le monde… La grâce du Seigneur, c’est qu’il ne se détourne jamais du monde mais que, dans un amour éternel, il répond à toute prière et guide chaque coeur, il remplit toute foi, il éveille tout amour, il justifie toute espérance. Et… cette grâce infinie du Seigneur doit être avec l’esprit des croyants, habiter leur esprit, l’animer, le combler, les mettre en contact constant avec l’Esprit Saint du Père et du Fils et de l’Esprit…

 

143. Apprendre à penser à la manière de Dieu

Pourquoi ne pas souffrir plutôt l’injustice? Pourquoi ne pas vous laisser plutôt dépouiller? Mais non, c’est vous qui pratiquez l’injustice et dépouillez les autres; et ce sont des frères (1 Co 6, 7-8).

Celui qui n’est pas disposé à endurer passivement une injustice par amour pour le Seigneur, ira presque nécessairement et insensiblement jusqu’à commettre à son tour l’injustice. Car celui qui veut absolument faire valoir son droit ne sera jamais en mesure de remettre entièrement son opinion au Seigneur… Celui qui n’est pas disposé à renoncer à quelque chose qui lui revient, conservera certainement aussi des choses qui ne lui reviennent pas… L’amour de Dieu ne peut agir là où l’homme se préoccupe de lui-même et de ses prétendus droits… Le Fils, en tant qu’homme, nous apprend à penser à la manière de Dieu et de l’Esprit…

 

144. Souffrir

C’est par sa faveur qu’il vous a été donné, non pas seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour lui (Ph 1, 29).

La grâce est la forme sous laquelle Dieu donne son amour aux hommes pour les attirer à lui… La vie trinitaire de Dieu dans les cieux serait restée repliée sur elle-même si Dieu n’avait pas créé le monde. Mais en péchant, l’homme a prouvé qu’il peut se fermer à Dieu et rejeter son amour… Alors Dieu inventa la grâce : la preuve de son affection pour la créature, jaillissant à jamais de la source éternelle, infinie, de son amour… Le Fils a racheté le monde par sa souffrance… Maintenant il est permis aux croyants de souffrir sous toutes les formes que Dieu donne… Il est donc bon que l’homme souffre, mais il n’est pas bon pour lui de souffrir replié sur lui-même, d’une manière inventée par lui. Il doit souffrir d’une manière totalement contenue dans la manière de souffrir du Seigneur… Le Fils aime tellement les hommes qu’il les fait entrer sans cesse dans la circulation de son amour qui passe par sa souffrance…

 

145. Le chrétien n’a pas le droit de soupirer

Que la paix du Christ règne dans vos coeurs… Enfin vivez dans l’action de grâces (Col 3, 15)!

La paix unit un membre à l’autre… La paix se trouve en toute vertu, en tout élan vers la vertu, en toute prière, en toute décision de vie; même là où le coeur doit être inquiet, même là où il hésite, où les difficultés s’accumulent, la paix est cependant toujours la marque de l’authenticité. Car elle vient du Seigneur et elle est sa paix qui est au-dessus de toute autre paix. Elle n’a rien à faire avec la tiédeur… car elle caractérise avant tout l’attitude du Fils vis-à-vis du Père,  du Fils qui part de la paix du Père pour accomplir sa mission, qui va sur le chemin de la croix dans la paix avec le Père, qui meurt dans la paix avec lui, qui  ressuscite dans la paix… Et c’est  exactement cette paix qui doit vivre dans le coeur des croyants…Le Seigneur est venu pour nous apporter sa paix… La paix est quelque chose d’essentiel, elle doit régner. Elle a une place suréminente… Et quand le chrétien regarde sa mission dans sa relation naturelle avec les affaires du monde, il n’a pas le droit de soupirer, ni de comparer sa faiblesse à la démesure du fardeau de sa tâche… Il doit être dans l’action de grâces, comme l’est un chrétien après avoir communié, quand il a reçu le corps du Seigneur.

 

146. Recevoir la foi comme une semence de Dieu

Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine; vous êtes encore dans vos péchés (1 Co 15, 17).

La foi, on peut la comparer à la conception de la Mère de Dieu qui a reçu en elle la semence de Dieu par l’Esprit Saint : cette semence vit et veut vivre de Marie. Et la Mère doit se consacrer physiquement et spirituellement à la vie qui se développe en elle. Elle se met à sa disposition telle qu’elle est, sans réserve. D’une manière semblable, nous devons recevoir la foi et la laisser agir en nous comme une vraie semence de Dieu, lui ouvrir tout l’espace qu’elle veut occuper.

 

147. Un coin du voile

Le mystère tel que je viens de l’exposer en peu de mots (Ep 3, 3).

Il aurait donc pu écrire plus longuement. Mais cette fois encore, il ne livre pas la raison pour laquelle il ne l’a pas fait. Il ne lève un coin du voile que pour tenir l’autre d’autant plus hermétiquement baissé. Mais le peu qu’il offre est important et la communauté doit s’en aviser : ce qu’elle apprend de lui, ce n’est pas son avis personnel, mais une révélation. Ce n’est cependant qu’une esquisse du tout qui est certainement plus grand que ce qu’elle en apprend. Elle ne peut pourtant pas se procurer ailleurs le complément justement parce que c’est une révélation.

 

148. Aimer celui qui n’est pas juste

La charité ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité (1 Co 13, 6).

Plus l’amour est fort, plus affirmé sera son sens de ce qui n’est pas  juste. Le plus grand amour peut certes aimer davantage celui qui est injuste, mais pas ce qui le rend injuste.

 

149. Le Fils choisit lui-même le chemin de la croix

Il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix (Ph 2, 8)!

Il s’abaisse, il change sa condition divine pour la condition d’esclave, mais il le fait de lui-même, il choisit lui-même ce chemin, il décide, prend la résolution, ne se fait pas pousser. Lui qui est Dieu a, face au Père, la certitude que son amour pour le Père est assez grand pour supporter même cela : … l’échange du ciel parfait contre le monde pécheur… Il échange sa liberté divine contre la sujétion humaine, sa vie dans la béatitude contre la mort sur la croix… Aussi vraie est sa vie dans le ciel, aussi vraie… est sa mort sur une croix. Et toute cette vérité a été décidée dans l’obéissance au Père qui le laisse s’abaisser… Le Père répond à l’obéissance du Fils en la prenant tout à fait au sérieux.

 

150. Plus près du Seigneur

Que chacun, par l’humilité, estime les autres supérieurs à soi (Ph 2, 3).

C’est un fruit de l’amour, mais aussi de la foi et de l’espérance. De l’espérance, parce que chacun espère que l’autre se trouve plus près du Seigneur que lui-même, que l’autre est plus disposé à offrir au Seigneur sa voie, sa vie et tout ce qu’il possède.

 

151. La communion dans la sainteté et dans le péché

Et toi, Syzyge, vrai compagnon, je te demande de leur venir en aide, car elles m’ont assisté dans la lutte pour l’Evangile en même temps que Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont écrits au livre de vie (Ph 4, 3).

Dans la communion des saints, l’un porte le fardeau de l’autre, se sent responsable pour les péchés qu’il n’a pas commis, les expie aussi; il coopère par esprit d’expiation, mais de telle sorte que son oeuvre propre disparaît pour ainsi dire dans l’ensemble. La communion des saints porte la marque de la sainteté comme celle du péché.

 

152. Le pur miracle

Puis ce sont les miracles, puis le don de guérir, d’assister, de gouverner, les diversités de langues (1 Co 12, 28).

Eucharistie : le croyant ne peut communier que s’il croit à la parole du Seigneur : « Ceci est mon corps ». Il renonce à la comprendre avec sa raison naturelle. Le pur miracle s’introduit dans sa vie.

 

153. Conversation avec Dieu

Celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes mais à Dieu; personne en effet ne le comprend : il dit en esprit des choses mystérieuses (1 Co 14, 2).

Celui qui parle en langues, après cela, suivant le commandement de l’amour, il doit essayer de rendre fécond pour tous sa conversation avec Dieu. Et le service apostolique de saint Paul ne souffre rien dans l’Église qui ne soit d’une manière ou d’une autre apostolique.

 

154. Celui qui pourrait croire

L’amour croit tout (1 Co 13, 7).

C’est une foi qui ne redoute pas de s’expliquer avec l’incroyance puisque, dans celui qui ne croit pas, elle reconnaît aussi celui qui pourrait croire.

 

155. En tout chrétien

Je n’entendais pas d’une manière absolue les impudiques de ce monde, ou bien les cupides et les rapaces, ou les idolâtres; car il vous faudrait alors sortir de ce monde (1 Co 5, 10).

Il y a en tout chrétien quelque chose qui n’aime pas le Seigneur.

 

156. Les envoyés

Devenez à l’envi mes imitateurs, frères, et fixez vos regards sur ceux qui se conduisent comme vous en avez en nous un exemple (Ph 3, 17).

Un exemple et un modèle qui est vivant sous leurs yeux et dont ils savent qu’ils ne doivent pas le garder pour eux seuls, mais qu’ils ont à le transmettre. Paul sait que sa mission provient de la mission du Seigneur, il sait tout aussi bien que d’autres envoyés sont là, qu’il n’est pas le premier apôtre, que les fonctions sont réparties, que chaque fonction a son importance. Le Seigneur reste le seul et unique exemple central… Autour de lui, tous ceux qu’il a institués pour qu’ils soutiennent l’Eglise, ne sont rien d’autre que des êtres transparents dont le Père exige qu’ils fassent briller sa lumière et qu’en même temps ils la lui renvoient en passant par eux, comme s’ils étaient inexistants… Ils captent sa lumière, mais ils ne doivent pas la retenir, ils la renvoient et ne doivent rien garder. Ils doivent constamment s’oublier dans le don… Le Seigneur les comble afin qu’ils deviennent des êtres qui comblent… Ils sont comme aveuglés par l’enseignement du Seigneur, ne peuvent jamais venir à bout de sa sagesse et ils doivent pourtant en les restituant paraître si sages que les hommes qui les entendent se sentent attirés…, fassent connaissance avec la vérité et osent risquer un oui… Ils doivent se présenter dans tout leur être de manière à ce que celui qui commence à croire reçoive le sentiment d’une sécurité, d’un refuge et d’une paix qui n’existent  pourtant pas pour eux, les envoyés.

 

157. La femme comparée au Fils dans son rapport avec le Père

Le chef de tout homme, c’est le Christ; le chef de la femme, c’est l’homme; et le chef du Christ, c’est Dieu (1 Co 11, 3).

En dehors du christianisme, la subordination de la femme n’est pas pour elle un honneur; mais dans le christianisme, elle est assimilée au Fils qui a pour chef le Père… Que l’homme soit le chef de la femme comporte une responsabilité qui a une certaine ressemblance avec la responsabilité du Père pour la mission expiatoire et rédemptrice du Fils. C’est une responsabilité sous forme d’expiation; de fait l’homme ne peut en aucun cas jouer au seigneur supérieur; en accablant la femme, il s’accable lui-même. C’est pourquoi le Christ, qui porte la croix, est son chef. Car l’ordre de la rédemption est un ordre expiatoire pour le Père comme pour le Fils.

 

158. La plénitude

Je vous ai donc transmis tout d’abord ce que j’avais moi-même reçu (1 Co 15, 3).

Dans la vivante tradition de l’Eglise se révèle chaque jour davantage quelque chose de la plénitude du Seigneur, jusqu’au dernier jour qui révélera toute sa plénitude.

 

159. On ne possède rien pour soi tout seul

Nous supportons tout pour ne créer aucun obstacle à l’Evangile du Christ (1 Co 9, 12).

Dans le corps, Dieu a donné à l’homme une occasion de se vaincre lui-même, mais en même temps une occasion pour le prochain de se dépasser. De même qu’on ne possède pas la doctrine pour soi tout seul mais toujours aussi pour les autres, de même notre propre corps n’impose pas seulement des devoirs à qui le porte mais aussi aux autres. Ainsi il n’y a rien dans la création de Dieu qui ne puisse faire l’objet d’un devoir chrétien.

 

160. Écriture et Tradition

Je vous ai donc transmis tout d’abord ce que j’ai moi-même reçu (1 Co 15, 3).

Écriture et Tradition : le ministère de Paul consiste à vivifier l’Ecriture par la Tradition et à fortifier la Tradition par l’Écriture, à soumettre la Tradition à la norme de l’Ecriture.

 

161. Le Fils demeure continuellement au milieu de nous

Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ (1 Co 6, 11).

Le Fils ne s’est pas donné seulement durant les trente années de sa vie; sa mort sur la croix fut la garantie qu’il demeurait continuellement parmi nous. Ce que le Fils était quand il vivait parmi nous, il le demeure. En mourant, il a livré sa chair et son sang et il a promis qu’il serait là quand deux ou trois seraient rassemblés en son nom. Si bien que nous le possédons ici-bas un peu comme le Père le possède au ciel. Chaque parole de l’Écriture sert à rendre son nom vivant, à expliquer sa vérité, son être, à montrer sa présence.

 

162. Il nous introduit dans sa communion

La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ (1 Co 10, 16)?

Le pain est communion au corps du Christ. Il signifie la même chose que le calice. Aussi réel qu’était ce pain sur la table, aussi réellement il devient le corps du Seigneur pour nous dans la bénédiction de l’Eglise… Dans l’acte même où le Seigneur se donne à l’Eglise, il s’unit à elle… Dans la fraction du pain, il nous introduit dans sa communion. Il y a donc deux choses dans l’eucharistie : une « descente » du Fils dans l’Église et un entraînement des croyants dans les mystères de l’être divin.

 

163. La distance du grand seigneur

Je me suis fait Juif avec les Juifs afin de gagner les Juifs (1 Co 9, 20-21).

Si, dans sa liberté, le Fils s’abaisse jusqu’à demeurer parmi nous en tant qu’homme, il ne le fait pas avec la distance du grand seigneur qui daigne passer quelque temps dans la pièce des domestiques pour témoigner sa bienveillance à ses serviteurs. Il se fait homme comme nous et il devient le meilleur et le parfait serviteur du père… C’est sur ce modèle que s’effectue l’imitation de Paul qui se fait Juif afin de gagner les Juifs.

 

164. Le plan de Dieu

Ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères (Ro 8, 29).

Dieu n’a pas créé le monde au hasard. Il a pour ce monde un plan éternel. Toutes les choses y ont leur place dans l’Esprit Saint. Et le monde ne peut échapper à son plan; il est maintenu par l’Esprit… Rien dans ce monde n’est laissé au hasard puisque le monde vit dans le plan de Dieu.

 

165. Nos limites ne sont rien pour lui

Le Seigneur Jésus Christ transformera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire avec cette force qu’il a de pouvoir même se soumettre tout l’univers (Ep 3, 21).

Dieu, par sa force qui agit en nous, peut faire infiniment au-delà. Cette force est la puissance de l’amour du Fils, amour si puissant qu’il habite en nous et qu’il fait pour ainsi dire éclater nos limites de l’intérieur. Sa force, qui provient du Père, ne se laisse pas réduire en nous. Nos limites ne sont rien pour lui… L’infini de son amour triomphe partout de nos limites et, ainsi, il agit bien au-delà des possibilités de nos pensées et de nos désirs.

 

166. Dieu seul demeure

Car elle passe la figure de ce monde (1 Co 7, 31).

A la fin de la vie, le non-croyant s’attend seulement à une chute dans le vide… Car elle passe la figure de ce monde. Dieu seul demeure. Et nous demeurons en lui. Mais nous ne demeurerons pas dans le monde tel qu’il est aujourd’hui… Dans le temps éternel, Dieu donnera au monde humain une autre figure; son royaume ne sera pas comparable à notre royaume terrestre. Toute la réalité éphémère sera alors dépassée, seule comptera la réalité éternelle.

 

167. Tout est service dans la vie des envoyés

C’est donc lui, Timothée, que je compte vous envoyer dès que j’aurai vu clair dans mes affaires (Ph 2, 23).

Pour le moment, Paul, comme les Philippiens, se trouve dans un état d’attente, une attente qui vient du Seigneur et qui est destinée à l’Eglise, qui par conséquent est service, service comme toute contemplation, comme tout état de non-action est service dans la vie des envoyés qui savent que l’heure de l’action viendra, mais qui ne peuvent pas la déterminer eux-mêmes et qui ne restent pas oisifs avant cette heure : ils restent précisément dans l’attente et dans la prière que Dieu leur a donnée pour cadeau et pour charge.

 

168. Une communion de vie

Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur (1 Co 1, 9).

Les croyants ne sont pas seulement invités… à partager la vie du Fils, ils y sont exhortés, appelés… Le Père nous exhorte à partager sans cesse la vie du Fils… L’eucharistie, c’est son appel perpétuel à participer à la vie du Fils… Si Paul insiste tellement sur la communion de vie avec Jésus Christ, notre Seigneur,  c’est qu’il veut affermir notre foi sur la base de cette communion de vie et lui retirer la possibilité de devenir obscure et vague. Les apôtres ont vécu avec le Seigneur; il faut sans cesse renvoyer à cette communion extrêmement concrète qui se poursuit dans la vie de foi.

 

169. Communion des saints

On sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel (1 Co 15, 44).

Les sévères exercices de pénitence corporelle d’un curé d’Ars peuvent profiter à l’esprit de ses pénitents.

 

170. Un mystère du Père

Si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts (1 Co 15, 13)?

La résurrection est la révélation d’un mystère du Père, qu’il avait réservé depuis toujours pour la nature humaine et qu’il lui offre maintenant par le Fils. S’il n’y avait pas de résurrection des morts, le Père n’aurait pas ressuscité le Fils.

 

171. Le service du Seigneur

Je dis cela dans votre propre intérêt, non pour vous tendre un piège, mais vous porter à ce qui est digne et qui attache sans partage au Seigneur (1 Co 7, 35).

(Il se peut que le service du Seigneur demande des sacrifices). Comment se pourrait-il que le service de celui qui a sacrifié sa vie pour tous ne demande aucun sacrifice! Le Père lui-même a bien consenti… au sacrifice du Fils et de ceux qui le suivent… L’exigence… du Seigneur et de son service entraîne sans bruit l’homme dans le sacrifice.

 

172. La mort du Seigneur

Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1 Co 11, 26).

La mort du Seigneur demeure purement et simplement incompréhensible; aucune intelligence ne peut l’appréhender puisqu’il s’agit de la rencontre entre la décision trinitaire de Dieu qui veut sauver le monde et la réalisation du Fils qui l’a sauvé…

 

173. La porte de la foi

On sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel (1 Co 15, 44).

Le Fils ressuscité apparaît derrière des portes fermées, lui qui est maintenant la porte qui ouvre le temps et l’espace, qui relie le ciel et la terre. Pas seulement la porte de la foi, personne ne parvenant au Père que par lui, mais la porte comme réalité du passage de la croix à la résurrection, de l’existence naturelle à la vie en Dieu.

 

174. Témoignage

Ne donnez scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’Eglise de Dieu (1 Co 10, 32).

Les chrétiens doivent toujours se souvenir que, par leur foi, ils font partie de l’Eglise et donc que c’est en tant que membres de l’Eglise qu’ils peuvent scandaliser le Juif, le païen et même celui qui a la même foi qu’eux; ils peuvent les scandaliser et, par là, faire du tort à l’Eglise.

 

175. La plénitude de l’Ancien Testament

Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous réduire en esclavage par le vain leurre de la "philosophie", selon une tradition tout humaine, selon les éléments du monde, et non selon le Christ (Col 2, 8).

Le chrétien peut parcourir tout l’Ancien Testament et discerner partout comment le Seigneur l’a accompli et, à partir de cet accomplissement, reconnaître la plénitude qui se trouve dans l’ancienne Alliance.

 

176. Un service de révélation

L’Esprit scrute tout, jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2, 10).

L’Esprit est le révélateur permanent du Père et du Fils… L’Esprit a un service de révélation… L’Esprit est la liaison entre Dieu et les hommes… Il parle dans chaque parole que prononce le Fils… L’Esprit s’adresse à tout homme qui s’éveille à la compréhension dans la foi.

 

177. La prière de Paul

Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous, en tout temps dans toutes mes prières pour vous tous, que je fais avec joie (Ph 1, 3-4).

Les Philippiens doivent saisir combien ils sont proches de Paul par la prière qu’il fait pour eux, et que cette prière possède en même temps la force de les rapprocher de Dieu. C’est donc une prière de demande efficace.

 

178. Dieu possède d’autres voies

La charité ne passe jamais. Les prophéties? Elles disparaîtront. Les langues? Elles se tairont. La science? Elle disparaîtra (1 Co 13, 8).

Dieu possède d’autres voies et d’autres choses que l’amour pour manifester sa présence, pour faire en sorte que les hommes se souviennent de lui et pour les conduire à lui. Il a mis tous les dons de l’Esprit à la disposition de l’humanité.

 

179. Présence du Seigneur vivant

Ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres (1 Co 15, 7).

L’Église reçoit en partage la présence du Seigneur vivant sous de multiples formes : elle a des membres qui ont connu le Seigneur sur terre, d’autres – comme les apôtres – qui l’ont vu après la résurrection, d’autres encore – comme Paul – qui l’ont vu après son ascension, et d’autres, enfin, qui le rencontrent dans l’Ecriture, la prière et les sacrements.

 

180. Les fruits du renoncement

Si un aliment doit causer la chute de mon frère, je me passerai de viande à tout jamais, afin de ne pas causer la chute de mon frère (1 Co 8, 13).

Il y a dans le sacrifice du Fils une surabondance qui n’est pas tout à fait accessible à la connaissance. Ce qu’il a engagé dans l’amour n’a pas de rapport visible avec ce qu’il en est advenu. Ceci marque aussi le sacrifice du chrétien. Les fruits du renoncement ne peuvent pas être saisis de manière rationnelle. Si pour le Seigneur déjà c’était le cas, le chrétien – qui ne peut absolument pas comparer son renoncement à la croix du Seigneur – doit en tout cas être prêt à renoncer à plus qu’à ce qui semble exigé de lui. En face du renoncement toujours plus grand du Christ, il essaiera de lui offrir un soupçon de plus de son propre renoncement.

 

181. Toute l’existence, un service

Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père (Col 3, 17)!

Le chrétien ne peut se distancier d’aucune des expressions de sa vie; tout doit le révéler comme chrétien. Ce qu’il dit ou fait doit faire savoir qu’il est conscient que Dieu est présent : Dieu le Fils, Dieu le Père qui peut être atteint par le Fils. Le nom du Seigneur est la semence vivante qui croît dans l’action ou la parole. Les croyants vivent en lui de sorte que, si le Seigneur habite en eux, ils annoncent sa présence par toute leur existence. Leur existence appartient à leur service, de sorte qu’ils n’entrent pas au service du Christ à certaines heures tandis qu’ils en gardent d’autres pour eux et pour le monde, et les dernières de leur vie peut-être pour Dieu; ils sont simplement là au nom du Seigneur.

 

182. L’amour, sens de l’existence

Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien (1 Co 13, 3).

Lorsque Dieu le Père envoie le Fils, lorsque le Fils accepte d’être envoyé, lorsque l’Esprit se met au service de sa mission, aucun d’eux ne cherche son propre intérêt; chacune des personnes agit dans l’optique de l’amour divin… Quoi que le Fils exige, il l’exige à partir de son amour… L’amour est le sens de l’existence. L’atmosphère dans laquelle Dieu a créé le monde, c’était celle de son amour… En ouvrant les yeux sur Dieu et sur le monde, Adam s’est trouvé aussitôt au coeur de cet amour… L’amour était aussi évident que la lumière du soleil qui descend du ciel pour se répandre sur la terre…

 

183. La pénitence du mariage chrétien

Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme (1 Co 7, 1).

Celui qui s’engage dans le mariage chrétien doit savoir qu’il assume peut-être une très lourde pénitence, plus dure encore peut-être que celle qu’assume celui qui devient prêtre. Les fêtes qui entourent la célébration du mariage et de l’ordination masquent plus qu’ils ne révèlent cet aspect des choses. Parce que les sacrements du Seigneur ne sont pas séparables de la croix. Nous recevons la communion, mais nous devrions penser au fait qu’après l’avoir instituée le Seigneur part vers la croix. Nous recevons l’absolution, mais après l’humiliation de l’aveu. Le baptême ne supprime pas toutes les conséquences de la concupiscence…L’onction des malades ne nous empêche pas de mourir.

 

184. Le Fils invite les hommes à aller avec lui

Je vais encore vous montrer une voie qui les dépasse toutes (1 Co 12, 31b).

De toute éternité Dieu le Père savait que le Fils était prêt à se donner totalement lui-même; l’incarnation n’aurait pas été nécessaire pour l’en convaincre… Il aurait suffi au Fils de dire une parole; pour le Père, elle aurait été chargée de toute la plénitude de la réalité. Si cependant il entreprend de vivre avec les hommes et de leur livrer les mystères de sa venue, c’est pour inviter les hommes à aller avec lui, donc à souffrir avec lui, à en faire des corédempteurs, car c’est par l’amour que le Fils veut sauver le monde. Vue de la sorte, l’incarnation du Fils révèle l’intention de Dieu de transformer en saints les hommes pécheurs.

 

185. Un ciel inaccessible

Il en est parmi vous qui ignorent tout de Dieu. Je le dis à votre honte (1 Co 15, 34).

Se savoir lié de manière vivante à la vie éternelle par la résurrection du Christ… Le Seigneur ressuscité ne s’est pas évanoui dans un ciel inaccessible, il constitue toujours, en tant qu’ayant cheminé sur la terre, le pont efficace reliant le quotidien humain à Dieu. Il est près du Père comme il est près de nous.

 

186. Le renoncement de Dieu

Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit (1 Co 13,1).

Dieu ne renonce jamais à quelque chose que pour donner. Sur la croix, le Fils renonce à sa vie divino-humaine afin de nous y donner part.

 

187. Une vie pavée de nombreux obstacles

Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais qu’un seul remporte le prix. Courez donc de manière à le remporter (1 Co 9, 24).

Les chrétiens voient combien leur vie est pavée de nombreux obstacles, combien il est difficile d’avancer vers Dieu sans se laisser distraire, de le trouver partout même dans leurs semblables. Et ils remarquent aussi cet autre aspect : si le Fils est vraiment devenu homme comme eux, il a également dû éprouver  leurs difficultés… Il est vrai qu’il ne connaissait pas le péché, ce qui pourrait laisser penser qu’ils abordent la course avec un gros handicap par rapport à lui. Mais, en échange, ils reçoivent toute l’aide du Seigneur, tous les allégements qu’il s’interdisait à lui-même et que Dieu Trinité accorde aux hommes grâce à la vie et à la mort du Fils.

 

188. Une plénitude

Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire (Col 3, 4).

Le retour du Seigneur dans la gloire est un événement qui a beaucoup plus de sens que le croyant ne peut le savoir… Toutes les vies que nous connaissons sont vouées à la mort. Dans le Christ est la plénitude de la vie éternelle qu’il partage avec le Père et l’Esprit, et à laquelle il nous convie.

 

189. Une sûreté

J’espère du moins, dans le Seigneur Jésus, vous envoyer bientôt Timothée, afin d’être soulagé moi-même en obtenant de vos nouvelles (Ph 2, 19).

Le chrétien ne possède pas seulement une foi qui lui procure une sûreté pour tout ce qu’il fait, doit faire et peut faire, mais une foi qui signifie la source de tous ses autres sentiments et connaissances.

 

190. La racine de l’Ancien Testament

Tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité, c’est le corps du Christ (Col 2, 17).

L’Ancien Testament vient du Père. D’où l’importance que les chrétiens le connaissent pour qu’ils apprennent quelque chose de la réalité du corps du Christ par son ombre, pour approfondir leur foi dans le Christ. Toutes les paroles du Seigneur ont leur racine dans l’Ancien Testament. L’Esprit que révèle le Fils et qui montre le Père est le même qui parlait dans les prophètes pour indiquer aussi bien la volonté du Père que la venue du Fils.

 

191. Les soucis de Dieu

N’entretenez aucun souci; mais en tout besoin recourez à l’oraison et à la prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu (Ph 4, 6).

L’homme doit considérer sans souci tout ce qui fait son quotidien, ce qui concerne ses besoins : devenir libre intérieurement de tout ce qui est extérieur. Si libre qu’il peut s’en remettre à Dieu pour tout ce qui est sien, que ce ne sont plus ses requêtes, mais les requêtes qu’il a confiées à Dieu, que son quotidien n’est plus laissé à sa charge mais élevé dans une sphère qui appartient à Dieu… (C’est Dieu maintenant qui se soucie de nos requêtes… Et c’est à nous maintenant de nous faire du souci pour ce dont Dieu se soucie).

 

192. Un désir très fort

Dieu s’est plu à faire habiter dans le Christ toute la plénitude (Col 1, 19).

Le Père et l’Esprit ont un désir très fort de se communiquer au monde par le Fils.

 

193. La noblesse

Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres du Christ (1 Co 6, 15)?

Nous sommes devenus des fonctions du corps du Seigneur : tout nous-même, ce que nous connaissons en nous et ce que nous ne connaissons pas. Et cependant comme durant toute notre vie nous sommes soumis à la tentation, toute notre vie nous avons à faire effort pour arriver à la pleine obéissance du membre (dans le corps), pour arriver à être dignes de la noblesse à laquelle il nous a été donné d’avoir part.

 

194. La paix

Au reste, si quelqu’un veut ergoter, tel n’est pas notre usage, ni celui des Eglises de Dieu (1 Co 11, 16).

Le Fils est venu dans le monde pour faire la volonté du Père et il s’adapte sans cesse à la forme de cette volonté. Il l’a fait au ciel de toute éternité, il le fait sur la terre et, ressuscité, il le fait à nouveau dans le ciel. Le Fils sacrifie à cette paix tout ce qui, dans sa volonté, pourrait se trouver différer de celle du Père. En recevant cette paix et non une autre, l’Eglise devient son Eglise; elle reprend ses habitudes et s’adapte donc à sa volonté de même que lui s’adapte à la volonté du Père. Il apporte avec lui une tradition de paix divine, une paix qu’il a vécue et expérimentée, une paix qui montre qu’elle peut exister parce qu’il l’a vécue dans le monde… Les pratiques de l’Eglise reflètent celles de Dieu.

 

195. L’insouciance de l’Esprit

Il y a diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur (1 Co 12, 5).

Il y a la création du Père qui a créé la diversité infinie des hommes. Il y a l’Esprit Saint qui n’a jamais été homme et qui dispense ses dons avec une certaine insouciance quand aux considérations pratiques de l’Eglise. C’est l’Église qui doit le prendre en considération! Le Fils qui s’est fait homme et le demeure, avec son expérience de l’humanité, adapte pour ainsi dire ses ministères aux hommes, il donne à ses ministères certaines limites qui correspondent à la réalité humaine de l’Église.

 

196. L’activité du Fils et de l’Esprit

Tous ont bu le même breuvage spirituel, ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c’était le Christ (1 Co 10, 4).

L’incarnation du Fils n’a établi aucun changement dans la vie de Dieu Trinité. C’est le Père qui a créé mais, mystérieusement et d’une manière cachée, le Fils et l’Esprit y ont collaboré. L’acte par lequel le Fils s’est offert pour le salut du monde n’est que l’expression d’une attitude qui est constante chez lui. Il n’est pas vrai du tout que, dans l’Ancien Testament, le Père seul soit actif. L’activité du Fils est cachée pour les hommes, et également pour le peuple élu, mais elle est effective en toutes choses. L’Alliance qui est conclue inclut la promesse de la venue du Fils.

 

197. L’expression d’un amour

Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes (1 Co 1, 25).

La croix est ce qui ne peut être compris comme sagesse de Dieu que par la foi, une inutilité qui est plus féconde que la plus grande fécondité du monde, elle apporte davantage de bénédiction que tout ce que les hommes peuvent essayer de faire de bien dans le monde, elle est l’expression d’un amour avec lequel l’amour humain le plus élevé ne peut rivaliser.

 

198. Combat quotidien

Ne vous y trompez pas : "Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs" (1 Co 15, 33).

Sur la croix, le Fils nous a libérés de nos péchés et il nous en a donné pour preuve sa résurrection. Dans notre combat quotidien contre le mal, la résurrection nous donne une assurance de la victoire finale de Dieu qui nous fait participer à la victoire que nous ne pourrions pas arracher nous-mêmes.

 

199. Vers le Père

Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit (1 Co 6, 17).

Lorsqu’en ressuscitant le Fils nous emmène avec lui vers le Père, il nous fait pénétrer dans l’unité trinitaire et l’esprit qui existe de toute éternité. N’être qu’un seul esprit avec le Seigneur signifie donc participer, à travers lui, à son unité avec le Père et l’Esprit Saint.

 

200. Emmenés dans l’éternité

Gloire à ce Dieu, notre Père, dans les siècles des siècles! Amen (Ph 4, 20).

Dieu, notre Père, a créé un rapport avec nous en nous faisant naître. Par la vie du Fils, il a clarifié à nouveau ce rapport en nous rachetant et en nous emmenant dans l’éternité qui jusqu’ici n’appartenait qu’à lui en commun avec le Fils et l’Esprit.

 

201. Un coin

Nous ne cessons de prier pour vous et de demander à Dieu qu’il vous fasse parvenir à la pleine connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle (Col 1, 9).

Ne plus avoir un coin en soi qui ne soit rempli de la volonté de Dieu.

 

202. La patrie de la foi

Nous sommes fous, nous, à cause du Christ; et vous, vous êtes prudents dans le Christ; nous sommes faibles, et vous, vous êtes forts; vous êtes à l’honneur, et nous dans le mépris (1 Co 4, 10).

Les uns possèdent la foi en dehors d’elle-même, dans un pays étranger où elle ne peut ni vivre ni agir. Les apôtres ont tout quitté pour habiter la patrie de la foi, où elle peut être source de vie.

 

203. Comprendre le pardon

Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître (Ep 1, 17)!

Les péchés ne sont pas seulement oubliés ou non imputés mais, ce qui est bien plus, ils sont remis, séparés de nous, enlevés de nous. Ils sont envoyés là où se trouve tout ce que Dieu ne veut pas et qu’il condamne, en enfer. C’est là leur lieu… Ce lieu est le témoin permanent de la rémission des péchés. En ce sens, l’enfer est très précisément un don de la grâce divine… L’enfer est le point de départ pour comprendre le pardon.

 

204. Une pure grâce

Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un, mais chacun recevra son propre salaire à la mesure de son propre labeur (1 Co 3, 8).

L’appel à collaborer à l’œuvre du Fils est une pure grâce. Mais jamais un homme ne pourra mesurer ce qu’il a accompli de la mission qu’il a reçue… Paul cependant veut faire aussi comprendre que pour être un authentique serviteur de Dieu il y faut un engagement personnel et que l’annonce de la Parole de Dieu requiert de l’homme un effort.

 

205. La ruse de Dieu

Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Il est écrit en effet : "Celui qui prend les sages à leur propre astuce" (1 Co 3, 19).

Le coeur de la sagesse de Dieu et du Christ, c’est l’amour… En revanche, la sagesse du monde est un filet que le pécheur tisse astucieusement autour de lui… Mais la ruse de Dieu est plus grande que celle du pécheur… Dieu dispose de l’éternité. Au début le pécheur ne remarque peut-être pas du tout qu’il est pris. Quand le prisonnier en prendra-t-il conscience? Ceci demeure caché dans le dessein de Dieu… Un jour, Dieu peut déchirer le filet pour le combler de la vraie sagesse.

 

206. Le divin devient accessible

Le Christ Jésus est devenu pour nous, de par Dieu, sagesse, justice et sanctification, rédemption (1 Co 1,30).

Par l’obéissance du Verbe fait chair, le Père permet à des choses divines de devenir humainement compréhensibles. Les qualités divines demeurent en Dieu ce qu’elles n’ont jamais cessé d’être mais, dans la chair du Christ, elles deviennent pour nous accessibles et imitables.

 

207. La connaissance du ciel

A raison même de la fermeté qu’a pris en vous le témoignage du Christ (1 Co 1, 6).

Le Verbe qui a pris chair est… le lien solide qui unit les hommes et le ciel. Son objectif, c’est de surmonter la distance qui sépare les deux et d’apporter sur la terre la connaissance du ciel… Le Christ est le centre en tant qu’incarnation accomplie de Dieu, en tant qu’homme véritable dans lequel la divinité n’a rien perdu de sa nature… Il veut que son enseignement devienne le centre en nous; il nous donne sa parole de telle manière qu’elle doit devenir centrale afin que… nous puissions rendre témoignage avec lui.

 

208. La satisfaction et la joie

Ne savez-vous pas que les injustes n’héritent point du royaume de Dieu? (1 Co 6, 9).

L’un des aspects essentiels du pécheur est de mesurer et de peser, de tout ramener à lui et de tout vouloir pour lui… Dieu a doté la nature humaine de besoins dont la satisfaction procure naturellement de la joie, et cette satisfaction est nécessaire à la vie. Mais elle vient de Dieu et conduit à Dieu; chrétiennement parlant, elle est subordonnée à la croix qui est la porte ouvrant sur la grâce du royaume et donc aussi sur la vraie joie éternelle.

 

209. Le monde lumineux du Fils

Il nous a arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé (Col 1, 13).

Si le Fils a démontré au Père que sa création était bonne, maintenant le Père démontre au Fils combien il aime son humanité rachetée : il ne veut pour elle que le lieu du Fils. Le monde créé tout entier est élevé dans le monde lumineux du Fils. Les créatures sont maintenant des êtres rachetés. Et les saints jouissent de l’héritage avec le Fils dans son royaume et sa lumière.

 

210. Une parole dont Dieu est le garant

Nul ne peut dire : "Jésus est Seigneur" que sous l’action de l’Esprit Saint (1 Co 12, 3).

Parce que le Fils est la Parole du Père, il y a, inhérente à la Parole, une vérité qui n’est pas seulement vraie en Dieu, qui n’est pas seulement vraie dans l’éternité, mais qui demeure vraie aussi dans le croyant… La vérité de la foi est la vérité divine en nous. Le croyant se remet lui-même à l’Esprit divin pour dire ce qui est juste. Et ce qu’il dit le dépasse lui-même. (Parler de la foi dans la foi, c’est dire une parole dont Dieu finalement est le garant, une parole à laquelle l’Esprit Saint donne sa plénitude).

 

211. Responsable

(Au jour du jugement) l’oeuvre de chacun deviendra manifeste, car il doit se révéler dans le feu et c’est ce feu qui éprouvera la qualité de l’oeuvre de chacun (1 Co 3, 13).

Dans le jugement de Dieu, la communion des saints est suspendue pour un instant : au moment de l’examen, on ne peut plus en appeler à l’oeuvre des autres, on ne peut plus se laisser porter par eux. Chacun se trouve là seul… et responsable de ce qu’il a fait. Cela ne veut pas dire que la prière pour les défunts n’a pas d’effets au purgatoire… Mais à l’instant de la révélation des œuvres de chacun, aucune prière ne peut changer ce qui est.

 

212. Résister à Dieu?

Ne murmurez pas, comme le firent certains d’entre eux; et ils périrent victimes de l’Exterminateur (1 Co 10, 10).

Le murmure fait ouvertement ressortir l’attitude de l’homme qui tente de résister à la volonté de Dieu. Quiconque le fait… ne sait pas ce qu’il dit, car Dieu est Dieu, sa volonté est suprême, c’est la volonté absolue, et qui lui résiste se fait du tort à lui-même. La volonté de l’homme ne peut se développer que si elle le fait à l’intérieur de la volonté de Dieu Trinité.

 

213. Paul va vers le Père

C’est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père (Ep 3, 14).

De même que le Fils va de la croix au Père, de même Paul va de son épreuve au Père pour lui rendre gloire en tout. Il n’y va pas seul, il y va avec le Fils, parce que le Fils le prend avec lui, parce qu’aucun croyant ne peut porter sa croix autrement que dans le Fils.

 

214. Aspirer au Seigneur

Nous tous qui sommes des « parfaits », c’est ainsi qu’il nous faut penser; et si, sur quelque point, vous pensez autrement, là encore Dieu vous éclairera (Ph 3, 15).

Sur la croix, le Seigneur a porté chacun de nos péchés comme s’ils étaient les siens… Sur la croix, il échange notre péché contre sa perfection, comme fruit de ses souffrances… Le Seigneur nous offre sa perfection afin que nous soyons à même, grâce à elle, d’aspirer à lui comme but.

 

215. La surabondance

Que le Père daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur (Ep 3, 16).

Dans sa prison, Paul ne demande pas à Dieu pour lui-même d’être assez fort pour supporter ses souffrances. Il prie pour que ceux qui lui sont confiés deviennent forts. Il sait quelle est la richesse de Dieu. Et il le prie de les rendre forts selon la richesse de sa gloire, avec la surabondance qui est la manière propre à Dieu de donner.

 

216. L’enseignement du Seigneur

Tout cela, je le fais pour l’Évangile, afin d’avoir part à ses biens (1 Co 9, 23).

L’Evangile, c’est l’enseignement du Seigneur, mais il est cependant inséparable de sa personne… Le porteur de ce message, c’est Dieu le Fils dans l’unité avec le Père et l’Esprit… Lorsque Paul parle de l’Evangile, il sous-entend impérativement cette cohésion entre l’enseignement et l’incarnation de Dieu; l’enseignement est pour lui un aspect de la mission que le Père lui a donnée et qui est la révélation de Dieu Trinité dans le royaume des cieux… Et l’Evangile raconte contient également la vie de l’apôtre, ses forces et ses faiblesses, mais surtout sa fréquentation du Seigneur.

 

217. L’estime réciproque

Que chacun, par l’humilité, estime les autres supérieurs à soi (Ph 2, 3).

Le Seigneur nous a confiés tous les hommes pour frères… L’estime réciproque se passe dans le coeur, c’est un fruit de l’amour, mais aussi de la foi et de l’espérance. Cela se passe dans l’espérance puisque chacun espère que l’autre est plus proche que lui du Seigneur, qu’il est plus prêt à offrir au Seigneur… sa vie, tout ce qu’il possède.

 

218. La parole utile

De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent (Ep 4, 29).

Au centre de ce verset, il y a le silence. Car nous ne devons parler que si cela est nécessaire. S’il faut parler, cela ne pourra jamais être pour dire des paroles mauvaises, car de telles paroles ne sont jamais nécessaires. Tout ce qui est sans contenu et vide est également mauvais parce que cela n’atteint aucun but et ne justifie donc pas qu’on rompe le silence. Seule la bonne parole l’exige en souvenir de ce que le Seigneur est la Parole et donc que la parole qui nous est donnée lui appartient aussi et retourne à lui… Il nous faut tout autant taire une bonne parole superflue qu’une parole mauvaise.

 

219. La vérité vivante de Dieu

Si nous avons semé en vous les biens spirituels, est-ce chose extraordinaire que nous récoltions vos biens temporels? (1 Co 9, 11).

En tant qu’homme, le Fils nous montre que l’oeuvre du Père a pour lui une valeur infiniment plus élevée que toute son humanité qu’il offre en sacrifice pour cette oeuvre. L’apôtre est autorisé à pénétrer dans cette échelle de valeur, à la présenter et à l’annoncer aux croyants. A l’instar du Fils, il peut vivre de la volonté du Père comme d’une nourriture, il peut tout mettre de côté en vue du royaume de Dieu. Il peut réaliser une existence entièrement vécue grâce aux biens spirituels, à la vérité vivante de Dieu. Et ce qui lui est donné de pouvoir vivre, il peut le transmettre : ses auditeurs aussi peuvent bâtir leur existence sur les biens spirituels.

 

220. Communion des saints

Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte? (1 Co 5, 6).

L’Eglise est communion des saints et tous ont à porter le fardeau de tous… Il y a dans l’Eglise un mystère d’unité, ce qui fait que chacun est responsable de tous. Personne ne peut tendre pour lui-même à la perfection   sans se soucier aussi de la perfection des autres… Ainsi aucun membre ne peut se glorifier de sa santé alors qu’un autre est malade.

 

221. Le corps comme don du Père

Tout athlète se prive de tout; eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous, une impérissable (1 Co 9, 25).

Dans le sacrifice du Fils, il n’y a aucun mépris du corps; au contraire, il voit dans le corps un don du Père qui lui permet de lui offrir quelque chose de sérieux dans l’amour. Il n’aime pas Dieu en faisant fi de son corps; ce serait de l’ingratitude. Il est reconnaissant pour la tension que le Créateur a mise dans l’être humain. Il fait partager à son corps son amour spirituel et il en fait un  instrument du don de lui-même au Père.

 

222. La confession

Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni un levain de malice et de perversité, mais avec des azymes de pureté et de vérité (1 Co 5, 8).

La confession fut instituée à Pâques, mais elle a été payée avant Pâques, sur la croix. Sa validité s’étend d’une fête à l’autre, de telle sorte que dans la deuxième apparaît ce qui était déjà réalisé dans la première. Durant les jours saints, la confession est née des souffrances du Seigneur. Le pénitent doit en quelque sorte parcourir à nouveau ces journées : entrer par les portes du sacrement qui a été institué à Pâques et remonter jusqu’à la croix… Nous n’avons pas besoin d’attendre Pâques pour nous confesser; chaque fois que nous le voulons, nous pouvons faire que se réalise dans notre vie la fête de la résurrection… Le péché est le contraire de Pâques, ce qui est totalement étranger au Seigneur.

 

223. Introduction dans le mystère de Dieu

Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’il avait formé en lui par avance (Ep 1, 9).

La volonté de Dieu est mystère et elle le demeure. Dieu nous introduit dans ce mystère, mais non de telle manière qu’il cesserait purement et simplement d’être mystère. La révélation ne l’épuise pas; comme toujours en Dieu, le dévoilement d’une partie de son être est une ouverture sur des perspectives imprévisibles en d’autres directions. L’introduction dans le mystère de Dieu est en même temps un mystère d’intimité : exactement comme lorsqu’on est ensemble dans l’amour… On ne se pose  pas de questions l’un à l’autre, on ne se sonde pas réciproquement, on jouit simplement de ne faire qu’un, cela n’a pas besoin de s’exprimer, ni même peut-être d’être compris.

 

224. La paternité du Fils

Le Père de qui toute paternité, au ciel et sur terre, tire son nom (Ep 3, 15).

Ici-bas, l’Église est l’expression de la paternité céleste de Dieu le Père… Elle partage le propre du Fils de pouvoir considérer Dieu comme son Père, avec tous ceux qui, en elle, sont un seul corps dans la foi au Dieu Père, Fils et Esprit… En apportant le Père à son Eglise et en ramenant son Église au Père sur la croix, le Seigneur entre lui-même dans une relation paternelle avec elle et représente pour elle le Père… Et il donne à son Eglise d’avoir part à cette paternité.

 

225. Servir le Seigneur

L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur (1 Co 7, 32).

L’homme qui n’est pas marié possède une plus grande liberté et une plus grande ouverture au Seigneur. Il est libre d’avoir souci des affaires du Seigneur. Ces paroles montrent clairement que Paul rejette le célibat s’il est vécu pour d’autres raisons que celle du service du Seigneur. L’homme non marié, son souci est de pouvoir être agréable au Seigneur… Servir et plaire forment une unité. Aucun croyant ne peut organiser son service de telle sorte qu’il y trouve avant tout son plaisir et ne serve le Seigneur qu’en second lieu… Une vie stérile est impensable dans la foi. Chacun a une mission propre qui réside dans le Seigneur et qui est en mesure de combler sa vie.

 

226. L’homme et la femme

Le chef de tout homme, c’est le Christ; le chef de la femme, c’est l’homme; et le chef du Christ, c’est Dieu (1 Co 11, 3).

Dans l’Ancien Testament, le Fils était encore caché derrière le Père. C’est la relation du Fils incarné au Père céleste qui révèle les relations des personnes dans le ciel. La différence des personnes ne signifie aucunement un moindre degré d’être, en sorte que le Père serait un Dieu plus englobant que le Fils ou l’Esprit; mais, dans chaque personne, l’unique divinité parvient à sa plénitude parfaite même si le Fils est engendré par le Père et que l’Esprit émane de l’un et de l’autre. L’altérité des personnes ne signifie pas une infériorité dans l’être… Maintenant que cette vérité est révélée, l’énigme du rapport entre l’homme et la femme est résolue; dans l’image de la Trinité, les deux aspects peuvent coexister : égalité dans l’être et gradation hiérarchiquement ordonnée.

 

227. Une vérité vivante

Pour les prophètes, qu’il y en ait deux ou trois à parler, et que les autres jugent (1 Co 14, 29).

La volonté de Dieu est qu’en toute assemblée liturgique une nouvelle vérité vivante soit apportée du ciel à la vérité ecclésiale. Non en dépassant la vérité révélée, mais en montrant ses profondeurs.

 

228. Communion des saints

Déjà vous êtes rassasiés! Déjà  vous vous êtes enrichis! Sans nous, vous êtes devenus rois! Eh! Que ne l’êtes-vous, rois, pour que nous partagions nous aussi votre royauté (1 Co 4, 8).

Celui qui communie avec moi est mon frère dans le Seigneur; je ne vais pas me fermer à lui mais m’ouvrir à lui et partager avec lui ma vie et mon action. Je lui donnerai une place en mon intérieur dont il pourra faire aussi le sien… Et ce qu’il y a de meilleur en lui se trouve là où il règne avec le Seigneur parce que là, le Seigneur règne en lui. Et si le Seigneur règne en lui et que le frère ait part à ce que j’ai, il apporte aussi le Seigneur en moi, comme le maître dans ce qui lui appartient. Quand un chrétien se recommande à la prière d’un autre, il s’attend à être reçu par lui, à recevoir une place dans sa prière, à prier avec lui dans sa prière. Une telle présence avec lui fait partie de la nature de la communion des saints.

 

229. Le désir de l’Esprit

Aspirez aux dons supérieurs (1 Co 12, 31).

Quand Dieu révèle à l’homme la distance qui le sépare de lui, il éveille en l’homme un désir de Dieu, le désir de le voir et d’être libéré du péché. Les dons que le Seigneur a faits à l’Eglise et qui portent toujours la marque de l’Esprit Saint visent avant tout… à faire de l’Eglise un chemin vers Dieu… Les dons  spirituels suscitent le désir ardent de l’Esprit, le désir de le posséder pour pouvoir mieux lui correspondre.

 

230. La foi requiert toute la vie

Ce n’est pas pour vous confondre que j’écris cela; c’est pour vous reprendre comme mes enfants bien-aimés (1 Co 4, 14).

Paul s’est vu confier ces enfants par le Seigneur, avec pour seul objectif de les mener au Père dans l’Esprit du Seigneur. Le service de Paul ne doit pas être seulement celui d’un enseignant qui donne quelques heures de son temps et se consacre ensuite à autre chose, mais celui d’un père qui engage toute son existence pour ses enfants. Mais les Corinthiens doivent se rendre compte par là que la foi requiert toute leur vie. Le retour du Seigneur au Père n’a pu se faire qu’une fois sa mission accomplie, de même ils doivent comprendre que toute foi comporte quelque chose d’une mission, qui exige engagement et don de soi, si elle ne veut pas aboutir à un stérile jeu de l’esprit.

 

231. L’expérience de la conversion

Pour moi, j’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis (1 Co 11, 23a).

Paul, qui ne fait pas partie des premiers apôtres, a reçu du Seigneur. Il ne s’étend pas ici sur la nature de ce qu’il a reçu, mais la chose elle-même est, pour lui, aussi sûre que ce qu’il a personnellement vécu, et peut-être encore plus sûre, puisqu’il l’a reçue pour la transmettre… Dans son expérience de conversion, Paul a été transformé une fois pour toutes; Saul, le persécuteur de la Parole, est devenu Paul, qui désormais la transmet, dans une mission qui lui est propre et qui est pourtant entièrement la mission de l’Eglise. Il est inséré dans l’Eglise et n’a droit à rien de personnel dans l’enseignement… Ce que Paul a vécu dans l’événement de sa conversion et tout ce qu’il a appris dans cet événement était déjà destiné aux autres. Il est dorénavant chargé de transmettre… Tout le reste est secondaire… Le Seigneur a donné à Paul, d’une manière originelle, le sens de la vérité chrétienne; il a déversé en lui une sorte de tradition globale… Ce que Paul possède d’une seconde source est de nouveau immergé dans la première. Il saisit chaque parole de la tradition dans une préconnaissance de la totalité de l’enseignement qui lui a été donnée par le Seigneur.

 

232. Les affaires du Seigneur

La femme sans mari, comme la jeune fille, a souci des affaires du Seigneur; elle cherche à être sainte de corps et d’esprit (1 Co 7, 34b).

Elle ne recherche pas sa sainteté comme un but en soi, car elle pense exclusivement aux affaires du Seigneur. Et c’est justement cette attitude – qui consiste à ne pas penser à soi – qui est la base de la sanctification par le Seigneur… Le Seigneur est saint parce qu’il est le Dieu éternel au ciel, mais aussi parce que, en tant qu’homme, il présente et incarne, de corps et d’esprit, la sainteté céleste… En contemplant la vie du Fils, nous comprenons qu’il est possible de vivre comme homme parmi les hommes tout en étant entièrement saint.

 

233. Parler dans le Seigneur

Je vous dis donc et vous adjure dans le Seigneur de ne plus vous conduire comme le font les païens (1 Co 4, 17).

Paul le dit. Il ne parle pas de son propre chef, mais dans le Seigneur. Et ce qu’il dit est encore renforcé par le fait qu’il l’atteste en même temps dans le Seigneur. Il tient beaucoup à ce que cette parole précisément soit acceptée par la communauté comme irrécusable. Chaque parole du croyant est irrécusable dans la mesure où elle est dite dans la foi, où elle surgit de l’unité de la foi, où elle est proférée dans l’unité que la foi établit entre le croyant et le Seigneur…

 

234. Le naturel des enfants

oser nous approcher de Dieu en toute confiance par le chemin de la foi au Christ (Ep 3, 12).

Audace, spontanéité, ouverture naturelle : ces qualités de tous les enfants, le Seigneur nous en fait cadeau en nous faisant la grâce de devenir ses fils. Les enfants n’ont pas besoin de se demander longtemps s’ils sont les bienvenus; ils sont naïfs et spontanés parce qu’ils peuvent toujours s’approcher du père en toute confiance… La spontanéité et la confiance que le Fils a vis-à-vis du Père éternel en tant que Fils éternel, il nous en fait don pour nous prouver que, par lui et en lui, nous sommes devenus dé véritables enfants de Dieu.

 

235. Il attire leurs cœurs vers le Père

Que le Christ habite en vos cœurs par la foi (Ep 3, 17).

Le Seigneur s’est habitué comme homme à habiter des demeures, il a pour ainsi dire pris au ciel l’habitude de continuer à habiter sur terre… Il habite maintenant chez les hommes dans l’Esprit. Et le lieu où il habite, c’est leur coeur. En y habitant, le Seigneur leur facilite la persévérance dans la foi. C’est pourquoi Paul prie pour que le Seigneur habite chez les siens. Il faut qu’ils sachent que le Seigneur demeure en eux sur la terre, même après son retour auprès du Père… Demeurant en eux, il leur ouvre le ciel puisqu’il ne quitte pas le ciel en demeurant en eux… Il attire leurs cœurs vers le Père.

 

236. Des mystères cachés

Mettre en pleine lumière la dispensation du Mystère : il a été tenu caché depuis les siècles en Dieu, le Créateur de toutes choses (Ep 3, 9).

Depuis toujours Dieu a en lui des mystères cachés; alors même qu’il se révélait, il y avait à côté de sa révélation ce qu’il ne révélait pas, qu’on s’en doutât ou non. Tout ce qu’on pouvait dire, c’est qu’il y a certainement en Dieu des mystères cachés, qui ne sont pas en contradiction avec les mystères révélés, parce qu’en Dieu il n’y a pas de contradiction. La tâche de Paul est de projeter sur les mystères cachés en Dieu depuis toujours la lumière d’une révélation, lumière qui est donnée par Dieu lui-même pour éclairer son mystère.

 

237. L’ancienne Alliance

Ces faits se sont produits pour nous servir d’exemples (1 Co 10, 6).

Toute l’ancienne Alliance est pour les chrétiens un livre vivant à méditer dans lequel ils doivent sans cesse apprendre à connaître les relations de Dieu aux hommes et celles des hommes à Dieu. L’exigence est toujours la même pour l’essentiel : foi, fidélité, don de soi à la parole de Dieu qui nous guide.

 

238. Toute rencontre véritable

Les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la croix : en sa personne il a tué la haine (Ep 2, 16).

Toute rencontre véritable entre croyants n’est plus possible que dans le Christ. Pour les croyants, les rapports d’homme à homme, de groupe à groupe, ne peuvent plus avoir de valeur qu’à l’intérieur de la foi. Ce qui tendrait à éluder la foi, ce qui essaierait d’avoir de la consistance en dehors d’elle, ne pourrait pas vivre. Tout ce qui concerne le croyant concerne le Seigneur, passe par lui et se trouve en lui.

 

239. L’intelligence de la foi

Considérez l’Israël selon la chair. Ceux qui mangent les victimes ne sont-ils pas en communion avec l’autel? (1 Co 10, 18).

Les Corinthiens doivent réaliser leur foi d’une manière aussi pleine et vivante que possible. Ils ne doivent pas seulement la vivre, … mais comprendre, aussi profondément que possible, ce qui a été vécu. L’intelligence de la foi doit  les aider une fois encore à surmonter le doute et la tiédeur.

 

240. La chair d’un homme qui est Dieu

C’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine (Ep 2, 14b-15).

La chair du Seigneur est la chair d’un homme qui est en même temps Dieu. Et ainsi, elle est chair et plus que chair : expression de l’esprit divin… L’Esprit de Dieu Trinité lui donne la vie en permanence. Et quand il retourne au Père, il ne laisse pas sur la terre une chair morte, il reprend avec lui au ciel sa chair vivante, pour en faire depuis le ciel un instrument permanent de salut.

 

241. Une communauté

L’Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage et prépare la rédemption du peuple que Dieu s’est acquis pour la louange de sa gloire (Ep 1, 14).

Il y a à présent une communauté en marche vers la rédemption. En tant que rachetés, nous ne sommes pas seuls; nous appartenons à la foule de ceux que Dieu s’est acquis… Le salut de chacun est lié au salut de tous les autres… En laissant le Fils s’incarner pour la rédemption des hommes, Dieu le Père lui-même a formé la communauté de tous ceux qui doivent être rachetés par le Fils.

 

242. La valeur du temps

Tirer bon parti de la période présente, car nos temps sont mauvais (Ep 5, 16).

Tout temps est relation avec l’éternité et, même si seule l’éternité a de la valeur, Dieu a cependant attribué à chaque instant une valeur précise du point de vue de l’éternité. Et le chrétien… doit en quelque sorte lutter avec le temps, donner à ses actions autant de poids qu’en a le temps; il restera néanmoins toujours au-dessous de la valeur du temps… Or les jours s’écoulent sans que les hommes leur donnent cette plénitude voulue par Dieu…

 

243. Un vide inimaginable

Rappelez-vous qu’en ce temps-là vous étiez sans Christ, exclus de la cité d’Israël, étrangers aux alliances de la Promesse, n’ayant ni espérance ni Dieu en ce monde (Ep 2, 12).

Paul leur décrit sans ménagements leur état d’autrefois pour leur montrer plus clairement la grandeur de la grâce nouvelle. Ils ne doivent pas perdre de vue… le vide presque inimaginable de leur existence d’alors… S’ils ne connaissaient pas le nombre de leurs jours, ils savaient pourtant qu’ils étaient comptés et ce que, dans le meilleur des cas, ils pouvaient encore attendre d’une vie terrestre… Ils étaient prisonniers de leur condition temporelle, il leur était interdit de trouver du repos en dehors de cette vie… Ils étaient… dans un monde qui semblait fermé de toutes parts… Ils ignoraient tout d’un monde avec lequel Dieu infini serait en relation.

 

244. L’infini

Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur (Ep 3, 18).

Paul ouvre cet espace de Dieu en parlant de quatre dimensions et en demandant qu’on soit introduit dans toutes les quatre… Paul sait que ses nouveaux chrétiens ont soif de connaissances et il leur ouvre tous les espaces. Ils doivent apprendre à connaître Dieu dans l’infini de son amour. Mais ils ne doivent pas se contenter d’une représentation vague et superficielle, ils doivent continuer à chercher avec persévérance, à élargir leur connaissance d’espace en espace, de dimension en dimension… Il ne peut s’agir de rien d’autre que d’offrir la perspective de tendre progressivement vers l’infini.

 

245. La croix

Dans la pensée que je ne viendrais pas chez vous, certains se sont gonflés d’orgueil. Mais je vous arriverai bientôt, s’il plaît au Seigneur, et je jugerai alors non des paroles de ces gonflés d’orgueil, mais de leur puissance (1 Co 4, 18-19).

Au début de l’épître, Paul soulignait que tout son enseignement provenait de la croix, qu’il expliquait l’oeuvre du Seigneur à partir de la croix, que sans la croix tout le christianisme demeure incompréhensible.

 

246. Le Père nous entraîne

Vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la plénitude de Dieu (Ep 3, 19).

Toute la prière que Paul a faite devant le Père depuis le moment où il s’est agenouillé… s’achève en une apothéose d’amour. La rapidité avec laquelle le Père nous entraîne dans sa plénitude quand nous nous agenouillons pour le prier échappe pour ainsi dire à toute notion de temps. En un instant intemporel, notre savoir et nos projets sont assumés par Dieu qui nous donne d’avoir accès à son éternité.

 

247. Une unité plus forte avec le Seigneur

En vous écrivant dans ma lettre de ne pas avoir de relations avec des impudiques... (1 Co 5, 9).

Dans la conception de Paul, ce qui est supprimé, retranché, est toujours enlevé en vue d’une unité et d’une cohésion plus fortes avec le Seigneur. Le Fils est mort sur la croix pour que son unité avec le Père et l’Esprit s’ouvre aux hommes et que ceux-ci y soient inclus.

 

248. La maison de Dieu

Vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu (Ep 2, 19).

Ils font partie de la maison de Dieu non seulement en ce sens qu’ils ont besoin d’appartenir à la maison de Dieu pour se sentir chez eux, pour avoir la certitude que par le Fils ils ont acquis, par grâce, la permission d’être là, mais aussi en ce sens que la maison de Dieu a besoin d’eux. Le fait qu’ils fassent partie de la maison de Dieu répond à une double nécessité : une nécessité qui se trouvait en eux, une autre qui se trouvait en Dieu qui a envoyé son Fils pour qu’il lui ramène le monde et chaque créature en particulier.

 

249. Le maître de l’Église

(Le Christ), Tête pour l’Eglise laquelle est son corps, la plénitude de celui qui est rempli, tout en tout (Ep 1, 23).

Le Seigneur est maître de son Église de la même manière qu’un homme est maître de son corps… Mais s’il en est du Seigneur et de son Église comme de l’esprit et du corps, alors ils ne sont qu’un… C’est l’Église maintenant qui nous montre et nous donne le Seigneur… L’eucharistie est offerte à l’Église par le Seigneur, offerte par l’Eglise à ses membres pour l’édification du corps du Christ par le corps du Christ… Le Seigneur a en quelque sorte besoin de l’Église pour révéler sa plénitude, pour l’apporter à tous les hommes et, en ce sens, il est lui aussi rempli par l’Église…

 

250. La plénitude de sa grâce

Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus (Ep 2, 7).

Dans les siècles à venir, il y aura toujours des pécheurs, des hommes qui ne trouvent pas la voie qui mène au Seigneur et que le Père aime pourtant du même amour dont il aime le Fils et ceux qui sont déjà convertis. A eux tous le Seigneur veut montrer la plénitude de sa grâce… Les hommes qui viendront plus tard n’ont pas le droit de penser que la grâce de Dieu faiblit, qu’ils sont moins favorisés que les contemporains du Seigneur ou que ceux qui ont vécu immédiatement après lui.

 

251. Connaître le Seigneur

Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ (Ep 4, 20).

Paul… sait que les siens ont appris à connaître le Seigneur… Le païen domine ce qu’il a appris parce qu’il en fait une fonction de lui-même. Le chrétien se trouve en dessous et à l’intérieur de ce qu’il a appris… Il sait que ce qu’il a appris est plus grand que lui et il est reconnaissant de ce que cela le dépasse et l’entoure. Et il ne veut pas que ce qu’il a appris lui serve, il veut être au service de ce qu’il a appris. Chez les païens, tout tend à enrichir leur propre personne, tout ce qu’ils apprennent est mis au service de leur plaisir et de leur satisfaction. Cela peut aller de pair avec beaucoup d’éthique et de pensée religieuse, il n’empêche que leur pensée ultime est celle de leur propre bien-être. La pensée ultime du chrétien par contre est le service du Seigneur.

 

252. Complicité

Ma conscience ne me reproche rien, mais je n’en suis pas justifié pour autant (1 Co 4, 4).

Sur la croix, le Seigneur porte la faute de tous; c’est par la croix que le pécheur doit prendre plus nettement conscience de sa complicité à toute faute. Il la reconnaît au moment où le Seigneur l’invite à prendre sa croix et à le suivre… Ce n’est qu’à partir de la croix que l’on comprend les saints qui se sentent complices de tous les péchés… La solidarité dans la faute ne peut être pressentie qu’à partir de la croix où un seul porte la faute de tous.

 

253. Un chemin de vie

Nous sommes son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes oeuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions (Ep 2, 10).

Auparavant, immergés dans nos transgressions et nos péchés, nous nous éloignions de Dieu. Maintenant, plongés dans nos oeuvres bonnes, nous marchons de nouveau vers lui. Et si Dieu manifeste un tel soin à préparer par avance ces oeuvres, c’est une preuve qu’elles sont absolument nécessaires et que nous ne pouvons lui témoigner autrement notre obéissance de foi qu’en faisant précisément dans la foi et l’obéissance ce qu’il attend de nous… Et Dieu les a assignées à chacun personnellement en préparant par avance le chemin de vie de chacun.

 

254. Le Père attendait aussi  la venue du Fils

Quand donc et être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole de l’Ecriture : "La mort a été engloutie dans la victoire" (1 Co 15, 54).

(Le Seigneur Jésus accomplit toute l’Ecriture)… la parole de l’Ecriture qui renvoie à lui et qu’il est en même temps lui-même… Il entre avec exactitude en chaque parole et accomplit chaque promesse… Il vit soigneusement son quotidien, mais aussi sa croix et sa résurrection, dans l’optique de la Parole… C’est un accueil dans l’amour. Et le fait qu’il prenne au sérieux les paroles de l’ancienne Alliance est un signe de son amour pour le Père, comme si ces paroles sortaient de la bouche du Père. Mais le fait que ces paroles du Père soient là est aussi un signe de l’amour du Père envers lui : dans l’ancienne Alliance, le Père a lui-même attendu la venue du Fils et il l’a préparée par la Loi et les prophètes.

 

255. Vivre dans la sécurité de Dieu

Vous avez bien fait de prendre part à mon épreuve (Ph 4, 14).

Paul vit dans la sécurité de Dieu, c’est sûr. Malgré tout, les Philippiens doivent participer à sa détresse extérieure, et leur participation contribue à sa sécurité… Les Philippiens se soucient de Paul, ils le considèrent comme confié à eux, ils font ce qu’ils peuvent pour soulager son sort, ils contribuent à la sécurité de Paul en Dieu, ils l’aident à aimer davantage… Et ce faisant, ils peuvent parvenir eux-mêmes, grâce à lui, à une plus grande proximité de Dieu.

 

256. Une proximité

Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? (Ro 8, 31).

Que Dieu soit avec nous signifie… une proximité de relation qui crée la foi, la fortifie, la nourrit, est pour elle la source et l’embouchure… Dieu est pour nous, sa présence est garantie. Dieu dit oui à la conduite que nous adoptons, Dieu soutient de son amour nos efforts, Dieu prend parti pour nous, Dieu se décide pour nous, Dieu jette quelque chose de son éternité, de son infinité et de sa toute-puissance dans notre plateau de balance. Dieu nous fait une promesse depuis toujours et cette promesse fait que nous vivions dans la confiance et que cette affirmation nous prémunit contre celui qui pourrait être contre nous. Et la voie chrétienne, et l’Eglise, et toute la vie dans la voie font partie de ce que Paul désigne par ce « Dieu est avec nous ».

 

257. Les difficultés

Je dis cela dans votre propre intérêt, non pour vous tendre un piège, mais vous porter à ce qui est digne et qui attache sans partage au Seigneur (1 Co 7, 35).

Les exigences du Seigneur ne sont aucunement un piège, mais elles ne sont jamais satisfaites d’un seul coup. Même si quelqu’un choisit le chemin et l’imitation directe du Seigneur (dans le célibat consacré), les difficultés ne lui sont pas épargnées. Il se peut que ce soit précisément celui qui a choisi de ne pas se marier qui ait à faire face aux difficultés les plus grandes.

 

258. La vie commune

Maris, aimez vos femmes, et ne leur montrez point d’humeur (Col 3, 19).

Maris et femmes ont à trouver dans l’amour qui vient de Dieu la solution des problèmes qui naissent de la vie commune.

 

259. Ce que Dieu aime

Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez des sentiments de tendre compassion (Col 3, 12).

Se revêtir de ce que Dieu aime : compassion, bienveillance, humilité, douceur, patience.

 

260. Tout m’est permis

"Tout m’est permis", mais tout n’est pas profitable (1 Co 6, 12).

"Tout m’est permis"… Le Fils est celui à qui tout est permis parce qu’il trouve son tout dans la volonté du Père. Et ce tout… inclut sa crucifixion, sa mort sur la croix, sa descente aux enfers. Et il est encadré par sa naissance virginale, la résurrection et l’ascension.

 

261. La force vivante de la résurrection du Fils

On sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel (1 Co 15, 44).

Si le Fils nous invite à marcher à sa suite, ce n’est pas simplement pour que nous ayons une foi théorique en la résurrection – passée pour lui, future pour nous -, mais pour que nous entrions nous-mêmes dans la force vivante et présente de sa résurrection. Le Fils nous a déjà pris avec lui en tant qu’invités. Nous ne sommes pas chrétiens comme des individus isolés, perdus, dispersés en grand nombre à travers tous les âges, mais en tant que communauté d’Église… L’Église est un corps naturel dans le monde, le Fils ressuscité est le corps spirituel dans le ciel,  qui seul porte et explique l’Église. Et le corps du Seigneur n’est pas ressuscité pour lui seul mais pour nous tous.

 

262. Ceux que touche la Parole de Dieu

Qu’ai-je à faire de juger ceux du dehors? N’est-ce pas ceux du dedans que vous jugez, vous? (1 Co 5, 12).

L’amour du Fils a présenté au Père les croyants comme ses frères, il en a fait des hommes aimants et les a conduits dans l’unité d’amour avec le Père et l’Esprit. Les non-croyants s’y sont refusés… Mais puisque les hommes, même croyants, peuvent rester pécheurs, Paul doit s’acquitter en permanence de son ministère de discernement parmi les croyants. Il a pour tâche de transformer les croyants tièdes en croyants zélés…, d’arracher plus d’hommes au péché pour les disposer à l’amour… Mais tant que le monde subsistera, les deux camps  demeureront: d’un côté ceux que touche la Parole de Dieu, de l’autre ceux qu’elle ne touche pas.

 

263. La naissance

Si la femme a été tirée de l’homme, l’homme à son tour naît par la femme, et tout vient de Dieu (1 Co 11, 12).

Un homme ne naît pas sans la coopération de Dieu; ce n’est pas un événement purement naturel, mais un acte du Créateur qui n’agit jamais autrement que dans le plan d’ensemble qu’il a en vue pour le monde. Et ce plan a pour but l’incarnation rédemptrice du Fils… Chaque naissance, peut-on dire, met en cause une libre décision de Dieu qui se tient pour responsable de sa créature ,et de cette responsabilité de Dieu découle toute la responsabilité de l’homme vis-à-vis de Dieu.

 

264. L’action de l’Esprit

Vous vous êtes lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu (1 Co 6, 11).

Le Fils est toujours accompagné et conduit par l’Esprit, et l’Esprit se montre actif en lui. Visiblement quand il a couvert la Mère de son ombre et quand il est descendu sur lui au baptême; et après que le Fils l’eut rendu au Père sur la croix, il l’envoie à nouveau visiblement sur l’Eglise à la Pentecôte. L’Esprit a ainsi intérieurement part à tout ce qu’entreprend le Fils pour notre salut. Surtout quand le Fils nous rachète par son sacrifice, par son sang et par sa descente aux enfers, afin que nous soyons rendus aptes au royaume des cieux, il le fait conduit par l’Esprit Saint. Toute présence, toute action du Fils montre en même temps la présence et l’action de l’Esprit. On ne  peut pas dire que l’Esprit continue ce que le Fils a commencé. Le commencement et la suite sont une unique action des deux. Il n’y a pas de grâce qui ne proviendrait tout à la fois du Père, du Fils et de l’Esprit, pas d’activité divine qui ne soit le fait des trois personnes ensemble.

 

265. Ne pas penser qu’à soi

Dès qu’on est à table, chacun, sans attendre, prend son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre (1 Co 11, 21).

Il fait partie de la nature de la foi catholique que personne ne doit penser à soi seulement, mais aussi au Seigneur, et ceci non seulement dans la prière explicite, mais aussi dans l’attitude de foi quotidienne… (Lors de l’eucharistie), ce que chacun apporte de soucis et de demandes personnelles, il doit d’abord le remettre au Seigneur… et le Seigneur le redonne ensuite à chacun comme cela convient à un membre de l’Église.

 

266. Le partage

J’espère, dans le Seigneur Jésus, vous envoyer bientôt Timothée, afin d’être soulagé moi-même en obtenant de vos nouvelles (Ph 2, 19).

(Tous les sentiments se partagent dans l’Eglise et dans la foi. Paul est conforté par la foi de ses communautés) : Celui qui aime est aimé; celui qui fortifie est fortifié; celui qui travaille le fait en collaboration avec d’autres.

 

267. L’espérance

Ceux qui ont par avance espéré dans le Christ (Ep 1, 12).

Celui qui espère renonce au droit d’examiner et de déterminer tout ce qui va arriver. Il est prêt par avance à répondre sans réserve à ce qui vient… Cette espérance est tellement ancrée dans le Seigneur qu’elle n’a rien de commun avec les espoirs purement terrestres, qui peuvent être déçus, par exemple pour un malade l’espoir de guérir, qui est totalement centré sur l’homme. L’espérance dans le Seigneur a son centre dans le Seigneur, c’est un mouvement qui détourne du moi, qui s’élève vers Dieu, dont Dieu est devenu le centre de gravité… Le oui au moment de se marier ou d’entrer dans l’état religieux : celui qui s’y engage est loin de voir tout ce à quoi il s’oblige, toutes les conséquences que pourra  avoir son assentiment.

 

268. Le désir de l’Esprit

Aspirez aux dons supérieurs (1 Co 12, 31).

Lorsque Dieu dévoile à l’homme la distance qui le sépare de lui, il éveille en l’homme un ardent désir d’accéder à lui, de le voir après la délivrance du péché. Les dons que le Seigneur a faits à son Eglise et qui portent tous la marque de l’Esprit Saint… cherchent avant tout à faire de l’Eglise un chemin vers Dieu… Les dons spirituels suscitent le désir ardent de l’Esprit Saint, le désir de le posséder pour mieux lui correspondre.

 

269. Restaurer la relation à Dieu

Vous avez été bel et bien achetés! (1 Co 7, 23).

Le Fils se fait homme pour réajuster le rapport des hommes à Dieu… Racheter signifie restaurer le rapport à Dieu, renouveler la relation avec lui… De même que personne ne peut s’opposer à l’acte de création du Père, personne ne peut s’opposer au fait que le Fils l’a racheté sur la croix.

 

270. Glorification de soi

Qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu (1 Co 1, 29).

(Pour Adrienne von Speyr, il n’y a que deux états de vie valables devant Dieu : on se marie ou se consacre à Dieu. Il n’y a pas de troisième état). Tout chrétien qui, au sens du troisième état de vie, a refusé d’abandonner sa chair pour garder sa vie, pour l’organiser comme il l’entend et la diriger à son gré, se glorifierait dans sa propre chair. Une attitude spirituelle de vieille fille est nécessairement glorification de soi. Il ne viendrait pas à l’esprit d’une femme mariée et d’une vierge consacrée de se glorifier dans leur corps. Toutes deux savent qu’il appartient à l’homme et à Dieu.

 

271. Une vue sur l’invisible

La foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité (1 Co 13, 13).

Grâce à l’espérance, la foi obtient une vue sur l’invisible, une certitude – même là où l’homme ne peut plus apporter de preuves -, l’assurance d’être guidé, qui va si loin qu’elle peut s’apparenter, chez le chrétien, à la certitude ultime du Fils qui sait, en dépit de la déréliction dans la nuit de sa mort, qu’il meurt néanmoins devant le Père.

 

272. Laisser mûrir le temps

pour réaliser (ce dessein bienveillant) quand les temps seraient accomplis (Ep 1, 10).

Quand Dieu ne se sert pas de voies extraordinaires pour communiquer directement à quelqu’un sa volonté, nous ne connaissons à vrai dire ses plans que lorsqu’ils sont réalisés, lorsque nous pouvons les considérer après coup comme quelque chose de relativement terminé. C’est donc une règle générale que nous devons toujours laisser mûrir le temps pour comprendre le dessein de Dieu.

 

273. La porte

On sème un corps psychique, il ressuscite un corps spirituel (1 Co 15, 44).

Le Ressuscité apparaît à travers les portes fermées, lui qui est maintenant la porte qui ouvre le temps et l’espace, qui est l’intermédiaire entre le ciel et la terre. Porte non seulement de la foi, puisque personne ne va au Père que par lui, mais porte aussi en tant que réalité du passage de la croix à la résurrection, de l’existence naturelle à la vie en Dieu.

 

274. Le service

Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus (Col 3, 17).

Le chrétien ne peut prendre ses distances vis-à-vis d’aucune des expressions de sa vie; tout doit le révéler comme chrétien. Ce qu’il dit ou fait doit faire savoir qu’il est conscient que Dieu est présent : Dieu le Fils, Dieu le Père qui peut être atteint par le Fils… Les croyants vivent en lui de sorte que, si le Seigneur habite en eux, ils annoncent sa présence par toute leur existence… Leur existence appartient au service, de sorte qu’ils n’entrent pas au service du Christ à certaines heures tandis qu’ils en garderaient d’autres pour eux et pour le monde… Ils sont simplement là au nom du Seigneur.

 

275. Les tâches

Vous avez appris, je pense, comment Dieu m’a dispensé la grâce qu’il m’a confiée pour vous (Ep 3, 2).

Quand Dieu confie des tâches aux siens, il s’attend à ce qu’ils les mettent en oeuvre selon leur intelligence et leur manière propre.

 

276. L’Esprit de Dieu

Nul ne connaît les secrets de Dieu sinon l’Esprit de Dieu (1 Co 2, 11).

Dans la foi, Dieu donne à l’homme un monde qui n’a pas les limites de son esprit humain. Il lui donne le monde divin… Dieu ne le lui donne pas comme un monde étranger, mais avec l’Esprit divin qui a pour mission de le lui révéler. Personne ne connaît Dieu aussi bien que l’Esprit de Dieu… Il connaît également tout ce qui concerne Dieu : les intentions du Père, tout ce qu’il prévoit, met en oeuvre et réalise… Mais l’Esprit voit aussi les oppositions que les hommes dressent contre le Père et il les subit comme un obstacle à son oeuvre de réalisation.

 

277. La grâce

C’est par grâce qu’il vous a été donné non seulement de croire au Christ, mais encore de souffrir pour lui (Ph 1, 29).

La grâce est la forme sous laquelle Dieu donne son amour aux hommes pour les attirer à lui… En péchant, l’homme a prouvé qu’il peut se fermer à Dieu et rejeter son amour… Alors Dieu inventa la grâce, la preuve de son affection pour sa créature… La grâce donne à l’homme la capacité d’accepter comme il se doit l’amour, la foi et l’espérance… Le Fils a racheté le monde par sa souffrance… pour redonner à l’humanité qui s’éloignait la vérité de Dieu Trinité.

 

278. L’absolution du monde

Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde? (1 Co 6, 2).

Le Fils a jugé le monde sur la croix… en se jetant lui-même tout entier dans la balance de la justice… En croyant et en aimant, nous nous tenons quelque part au pied de la croix… Sur la croix, le Fils fut jugé à notre place; au jugement dernier, il sera notre juge… (Dans la vie quotidienne aujourd’hui), le jugement du Christ doit constamment remettre de l’ordre dans la vie des chrétiens… Sur la croix, le Père donne l’absolution totale au monde. (Sur la croix, le Seigneur a confessé tous les péchés des pécheurs au Père à la place des pécheurs : « confession substituante »).

 

279. Labeur et salaire

Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un, mais chacun recevra son propre salaire à la mesure de son propre labeur (1 Co 3, 8).

Même le Fils, en tant que Rédempteur du monde, a reçu du Père son salaire; et le Fils invite dans ce rapport ceux qui le suivent. Tout comme l’appel à coopérer est pure grâce, de même il existe une relation interne entre labeur et salaire. L’homme n’a pas besoin de la percer; il ne perce pas non plus la relation qui unit les souffrances du Fils unique à la rédemption de toute l’humanité. Il suffit que Dieu la pénètre dans sa logique intérieure. Mais un homme ne pourra jamais mesurer ce qu’il a accompli dans la mission qui lui était donnée, et même s’il reçoit le salaire, il ne pourra jamais évaluer aucun rapport entre labeur et salaire.

 

280. Un lieu où Dieu répand sa grâce

A l’Église de Dieu établie à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés, appelés à être saints avec tous ceux qui en quelque lieu que ce soit invoquent le nom de Jésus Christ notre Seigneur (1 Co 1, 2).

L’Église est partout. Il n’y a pas de lieu qui soit plus près d’elle qu’un autre, chaque lieu pouvant être choisi par Dieu en vue de répandre pleinement sa grâce… (De chaque lieu, ceux qui invoquent le Seigneur Jésus peuvent faire un lieu saint). Dans sa liberté, Dieu peut également procéder à l’inverse : tout d’abord consacrer le lieu et y faire ensuite venir ses saints, dans un espace ecclésial ou dans un lieu de pèlerinage.

 

281. Ce qui nous empêche d’aller vers le Père

Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 15, 57)!

Tout ce contre quoi nous avons à lutter en tant que chrétiens, c’est le péché sous toutes ses formes. Et le péché dans son lien étroit avec la mort. Par le Fils, nous surmontons à la fois le péché et la mort, c’est-à-dire tout ce qui nous empêche d’aller vers le Père. C’est le Fils qui les a surmontés, mais pour nous. De sorte que par lui nous devenons vainqueurs, que par lui nous apprenons à répondre aux intentions du Père.

 

282. La Passion

Aucune tentation ne vous est survenue qui passât la mesure humaine (1 Co 10, 13).

Le Seigneur sur la croix peut, par sa grâce, nous donner à porter quelque chose de son expérience. La communion entre lui et nous passe à travers tout. Finalement il a été tenté lui-même comme nous; il a expérimenté le rapport de force entre la tentation et la résistance. Mais sa tentation était le prélude et l’introduction à sa Passion.

 

283. Le petit oui de l’homme

Par là vous menez le même combat que vous m’avez vu soutenir et  que, vous le savez, je soutiens encore (Ph 1, 30).

Tout ce qui fait le destin humain et chrétien est préformé dans le Fils… La foi, le oui au Seigneur est un acte qui insère l’homme dans l’être du Seigneur, un acte qui accepte tout de lui, à la manière du Seigneur. Chaque petit oui de l’homme est pris dans le grand oui du Seigneur qu’il a prononcé dans son fiat sur la croix, mais aussi dans le fiat mihi de la Mère.

 

284. La mort, don de Dieu

Tout est à vous; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu (1 Co 3, 20-23).

Dans leur sagesse terrestre, les Corinthiens organisaient d’une manière quelconque leur vie temporellement limitée; mais elle se heurtait à la mort,  cette mort qui était tout à la fois la limite de leur vie, de leur puissance et de leur sagesse. Dans la foi, ils possèdent la vie et la mort. Ils peuvent vivre et mourir dans la même foi. Et la mort n’est plus l’interruption de leur existence, mais la re-création de leur vie en Dieu. Elle est le don de Dieu au même titre que la vie terrestre… C’est la lumière de la foi qui répand la vérité de Dieu sur toute chose.

 

285. Ce qu’il y a de plus caché dans la sagesse de Dieu

Ce dont nous parlons, c’est d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que dès avant les siècles Dieu a par avance destinée pour notre gloire (1 Co 2, 7).

La croix, c’est la folie de Dieu. C’est ce qu’il y a de plus caché dans sa sagesse. Et ce mystère est si central dans le ministère de saint Paul qu’il ne parle de rien d’autre maintenant. D’autres prédicateurs, avant Paul ou en même temps que lui, peuvent avoir annoncé la révélation du Christ autrement et comme l’Esprit le leur montrait, sans mettre la folie de la croix au centre de la même manière que Paul. Mais Paul a été conduit en ce centre et c’est de là qu’il doit partir pour sa prédication.

 

286. Le service de l’Évangile

Tout cela, je le fais pour l’Évangile, afin d’avoir part à ses biens (1 Co 9, 23).

L’enseignement que donne le Christ est un aspect de la mission que le Père lui a donnée et qui est la révélation de Dieu Trinité dans le royaume des cieux.  En faisant tout et en endurant tout pour l’Évangile, en se mettant entièrement à son service, Paul en reçoit sa part… Arrivés à un certain niveau, les hommes dont parle l’Évangile font tout autant partie de l’Évangile que le Seigneur lui-même… En partie le message est adressé aux hommes, en partie les hommes sont eux-mêmes une part de ce message.

 

287. "Vous êtes au Christ"

Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu (1 Co 3, 23).

"Vous êtes au Christ". Ils sont à lui par le baptême, ils sont à lui par la foi, mais aussi par leur mission. Dans leur mission de foi se trouve la confirmation qu’ils sont au Seigneur… Ils sont à lui par sa vie offerte et par la foi qu’il leur donne en même temps que sa vie. Ils sont à lui parce qu’il les rachète dans ce don de sa vie et qu’il vit en eux en les rachetant, parce qu’ils les porte en prenant sur lui tous leurs péchés, parce qu’il rassemble sur la croix tout ce qui est à eux, afin que tout cela ait désormais sa place en lui. Cette transformation s’accomplit sur la croix : ce qui est à eux devient à lui.

 

288. S’adapter à Dieu

Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, celui-là, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous (1 Co 3, 17).

Nous n’aurions jamais la force ni la capacité de nous adapter à Dieu si lui-même, en se révélant, ne nous adaptait à lui.

 

289. La gloire de Dieu

Gloire à Dieu, notre Père, dans les siècles des siècles. Amen (Ph 4, 20).

La lettre (de saint Paul aux Philippiens) doit servir à la gloire de Dieu, être employée par lui à cet effet. Elle est comme un faible témoignage d’un croyant qui balbutie et qui est conscient en permanence de son incapacité, qui mesure la distance entre lui et sa mission, et sait que seule la grâce peut tout réparer. Et donc la gloire est maintenant donnée à Dieu seul… Elle est à lui depuis toujours, il la possède en tant que Dieu éternel.

 

290. Un acte tout à fait quotidien

Le Seigneur Jésus, la nuit où il fut livré, prit du pain… (1 Co 11, 23).

Il pose apparemment un acte tout à fait quotidien, mais par sa parole il y introduit tout le mystère de Dieu. Il le fait après avoir rendu grâce, après avoir établi de manière visible sa relation au Père… Aux yeux de ses disciples, le Seigneur demeure le même, tout comme le pain garde le même aspect, et pourtant le pain est devenu le corps du Christ… Sa parole a accompli la transformation et la foi des apôtres doit l’accepter… Cela reste, de la part du Seigneur, une exigence absolue d’obéissance… La dernière chose que l’homme peut dire en s’approchant, c’est : « Seigneur, je ne suis pas digne »… Une force divine est présente dans le pain… Le Seigneur nous livre son corps, à nous en tant que croyants et non en tant que pécheurs… L’eucharistie ne cesse d’amener l’homme vers le Seigneur présent, qui agit de manière vivante. Personne ne percera jamais ce mystère mais, dans la foi, chacun est invité à y participer.

 

291. Il peut toujours rentrer à la maison

Je sais me priver comme je sais être à l’aise… (Ph 4, 12).

Paul a appris à avoir avec sa propre vie un rapport qui dépend complètement de la vie du Seigneur. Il vit dans le Seigneur, le Seigneur vit en lui. En cela réside le caractère immuable de son existence. Et c’est à partir de ce point de vue qu’il peut organiser sa vie. Il peut vivre aussi bien dans l’abondance que dans le dénuement… (Le point stable, c’est le Seigneur)… Lui qui a sa demeure dans le Seigneur, il peut toujours rentrer à la maison… Dans tous les cas, c’est la mission qui compte parce qu’elle vient du Seigneur.

 

292. Un seul est le Seigneur

Serait-ce Paul qui a été crucifié pour vous? (1 Co 1, 13).

C’est le Christ qui est mort sur la croix, et non pas Paul. Les autres sont ses serviteurs et ses apôtres, mais il n’y en a qu’un qui est leur Seigneur et maître. Il est l’essence de l’enseignement qu’il leur apporte… L’apôtre peut le représenter et annoncer son enseignement, mais il ne doit jamais oublier qu’un seul est le Seigneur, la Parole et l’enseignement.

 

293. La bénédiction sur le calice

La coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle pas communion au sang du Christ? (1 Co 10, 16).

La bénédiction de l’apôtre ou du prêtre est essentiellement l’expression de la foi dans le Seigneur, obéissance à sa parole, et cette  foi rencontre immédiatement le Seigneur dans le calice qui appartient au Seigneur. La bénédiction également que nous disons dans la foi sur le calice est bénédiction du Seigneur, commandée par lui, efficace par lui, même s’il utilise son serviteur pour la bénir.

 

294. S’ouvrir à l’éternel

L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur (1 Co 7, 32).

(L’œuvre de la foi, c’est) d’ouvrir l’aujourd’hui sur l’éternel, de le soumettre à lui et d’expérimenter ainsi que Dieu porte tous nos soucis, que dans toute difficulté l’homme n’est pas abandonné… Celui qui est vierge porte du fruit pour le Seigneur… Une vie stérile est impensable dans la foi. Chacun a une mission propre… qui est en mesure de combler sa vie.

 

295. Le choix de Dieu

Ce que l’on méprise, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi pour réduire à rien ce qui est (1 Co 1, 28).

Dieu a choisi une fois pour toutes ce que les hommes ne choisissent pas : la croix… La croix révèle Dieu d’une manière nouvelle et définitive… Il ne peut y avoir pour l’homme de décision plus comblante que celle qui pénètre dans la décision du Seigneur pour y avoir part : avoir part à ce qu’il a choisi qui est vil, méprisable, rien, et qui se trouve en totale opposition à ce que les hommes estiment digne d’être poursuivi.

 

296. La croix dans la vie conjugale

Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme (1 Co 7, 1).

Celui qui contracte un mariage chrétien doit savoir qu’il devra, le cas échéant, supporter une pénitence extrême, encore plus dure peut-être que pour celui qui reçoit l’ordination sacerdotale. Peut-être que les fêtes célébrées au début – à l’occasion de ces deux consécrations – masquent plus qu’elles ne révèlent l’essence de l’état de vie choisi… Les sacrements sont indissociables de la croix.

 

297. Les sacrements et la croix

Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme (1 Co 7, 1).

Les sacrements du Seigneur sont indissociables de la croix. Nous recevons la communion, mais nous devrions penser au fait qu’après l’avoir instituée le Seigneur part vers la croix. Nous recevons l’absolution, mais après l’humiliation de l’aveu. Dans la confirmation se trouve la douleur de la distance entre notre esprit et l’Esprit Saint. Le baptême n’efface pas toutes les conséquences de la convoitise. L’extrême-onction ne nous empêche pas de mourir.

 

298. La richesse de Dieu

Qu’il daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l’homme intérieur (Ep 3, 16).

Dans sa prison, Paul ne demande pas à Dieu pour lui-même d’être assez fort pour supporter ses souffrances. Il prie pour que ceux qui lui sont confiés deviennent forts. Il sait quelle est la richesse de Dieu. Et il le prie de les rendre forts selon la richesse de sa gloire, avec la surabondance qui est la manière propre à Dieu de donner.

 

299. La porte du mystère central

Ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres (Ep 1, 10).

Les années terrestres du Seigneur ont été pour nous la porte par laquelle nous avons été introduits dans le mystère central de l’amour entre le Père et le Fils… Durant ce temps où il était visible, nous avons pu reconnaître dans la foi qu’il se trouve avec le Père dans un continuel échange d’amour et d’être, que toute sa personne ne s’explique que par cet échange… Et ce que le Fils nous a présenté du plan et du dessein du Père durant son séjour sur la terre n’était en définitive qu’une brève esquisse de ce qui, de toute éternité et pour toute l’éternité, se passe au ciel entre le Père et le Fils, et de ce à quoi Dieu veut nous introduire par la création et l’incarnation du Fils.

 

300. Le Père confie au Fils la rédemption du monde

Quand l’un de vous a un différend avec un autre, ose-t-il bien aller en justice devant les injustes et non devant les saints? (1 Co 6, 1).

La croix, c’est le jugement porté par Dieu sur le péché. Le péché lui paraît si répréhensible que pour en débarrasser l’homme il va jusqu’à donner la vie de son Fils unique. En même temps il montre combien son Fils est sacré pour lui du fait qu’il lui confie la rédemption du monde.

 

301. Fécondité

Vous menez le même combat que vous m’avez vu soutenir et que, vous le savez, je soutiens encore (Ph 1, 30).

Tout croyant doit avoir part à la vie du Seigneur, non pour lui tout seul, mais pour qu’il mette à la disposition de tous la fécondité de son combat chrétien avec la fécondité du Seigneur dans l’unité voulue par Dieu.

 

302. L’Esprit qui révèle le Père

Nul ne connaît les secrets de Dieu sinon l’Esprit de Dieu (1 Co 2, 11).

Si nous voulons connaître Dieu, nous devons soumettre notre esprit à l’Esprit Saint… Si l’Esprit assume la fonction qui consiste à nous révéler le Père, nous devons aller à sa rencontre en rendant notre esprit libre pour accueillir son message… Comme Marie : dans son oui, elle oublie tout ce qu’elle sait… pour se tenir entièrement ouverte aux seules possibilités de l’Esprit divin.

 

303. Enfants de Dieu

L’Esprit vient au secours de notre faiblesse car nous ne savons que demander pour prier comme il faut; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en  des gémissements ineffables (Ro 8, 26).

En tant qu’enfants de Dieu, nous pouvons demander à Dieu de nous conduire comme des enfants de Dieu.

 

304. La bonne manière

Pour être, à la louange de sa gloire, ceux qui ont par avance espéré dans le Christ (Ep 1, 12).

Sans doute cherchons-nous, nous aussi, à glorifier le Père; mais comme nous connaissons à peine la manière de le faire, nous louons la manière parfaite dont le Fils le glorifie et qui est sûrement la bonne, tout comme nous prions un saint d’appuyer nos requêtes auprès de Dieu; bien que nous essayions nous-mêmes de prier, nous avons confiance qu’il sait mieux que nous comment le faire et qu’il présentera notre prière de la bonne manière.

 

305. Celui qui aime n’a pas besoin d’envier

L’amour n’est pas envieux (1 Co 13, 4).

Il ne se lance pas dans la querelle… Il ne convoite pas la propriété d’autrui. C’est que tout l’espace de Dieu est en lui et qu’il n’a pas seulement l’éternité comme temps, mais aussi l’infini comme espace et patrie. En lui, tout homme peut se sentir à l’aise et en sûreté parce qu’il participe au tout de Dieu et n’a pas besoin d’envier la part des autres… Il n’envie pas à son frère ce que celui-ci possède parce qu’il reconnaît dans ce que l’autre possède ce que Dieu et la bonté de Dieu lui ont personnellement offert.

 

306. La clef du ciel

Soyez assidus à la prière; qu’elle vous tienne vigilants, dans l’action de grâce (Col 4, 2).

La prière, c’est la clef du ciel, c’est l’essentiel qui doit être entretenu assidûment. Les destinataires de la lettre de Paul doivent fréquenter la prière comme un joyau, veiller sur elle, et cela dans l’action de grâce. Toute leur âme doit se tourner vers elle, tout leur être. Paul le dit en termes sobres; ce qu’il dit de la prière figure parmi bien d’autres choses. Et pourtant les croyants doivent l’entendre comme essentielle. La prière n’est pas quelque chose qui arrive en plus… C’est quelque chose qui requiert toute l’attention éveillée de leur esprit si bien que les orants doivent surveiller leur vigilance pour y satisfaire, ils doivent vaincre leur fatigue, leur tendance à se livrer à d’autres occupations,  vaincre leur tiédeur pour prier de manière vraiment éveillée et en même temps de manière vigilante, avec toute la force de leurs pensées et de leur foi.

 

307. L’humilité du Fils

Que chacun, par l’humilité, estime les autres supérieurs à soi (Ph 2, 3).

Si le Fils vient dans le monde et remplit toute sa mission, il la remplit dans l’extrême obéissance au Père,… une obéissance qui est… considérée comme le plus grand bien, qui attribue toute gloire au Père et la refuse pour lui-même. L’attitude du Christ envers le Père est une attitude d’humilité. En toutes choses, il estime le Père plus que lui-même; en toutes choses, il cherche le Père… Pour lui, rien n’a de valeur que ce qui vient du Père.

 

308. Un chemin implacable

Il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes (Ph 2, 7).

Le Fils se dépouille de la plénitude de Dieu et entre dans le néant de l’homme; il ne change pas seulement de lieu, de temps, mais de forme aussi… Il ne veut pas se distinguer de nous. Il ne se transforme pas en surhomme… Si le Fils laisse aussi inconditionnellement derrière lui sa condition divine pour devenir homme, cela signifie également pour nous, dans notre chemin vers Dieu, que ce chemin est implacable, qu’il nous est interdit de nous arrêter à des degrés intermédiaires quelconques que nous pourrions nous aménager pour garder la vue vers le bas et vers le haut.

 

309. L’eucharistie, repas en commun

Le repas du Seigneur : dès qu’on est à table, chacun, sans attendre, prend son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre (1 Co 11, 21).

Par l’incarnation, le Fils devient l’un des nôtres… Il accepte nos moeurs. Il vient à notre rencontre comme il peut… Mais s’il prend chair humaine, c’est pour y révéler l’Esprit divin. Il nous montre à quoi devrait ressembler une vie humaine selon l’Esprit de Dieu… Et il choisit… la forme du sacrifice eucharistique qui, en tant que nourriture, s’adapte à nos besoins corporels dans la mesure où l’homme vit en société et prend volontiers ses repas en commun. L’Eglise est une société du Seigneur. Le Seigneur ne veut pas d’une Eglise de solitaires. Il fait célébrer son repas en commun. Il apporte au milieu de nous la dignité de sa divinité.

 

310. Une lumière reçue de la vie éternelle

La foi, l’espérance et la charité… (1 Co 13, 13).

Dieu a enfoui les dons spirituels dans le temps… Ils apparaissent soudainement ici et là, selon un plan qu’on ne saurait vérifier. Sans cesse sont apparus des prophètes ou des hommes qui faisaient des miracles et guérissaient; et ils savaient eux-mêmes qu’ils occupaient une place particulière dans l’Eglise, une place qui consistait à vivifier et à éveiller l’attention… En prophétisant, ils découvraient combien peu dans l’Église on s’élevait vers Dieu… La lumière qu’ils recevaient de la vie éternelle sous forme d’un charisme était justement un signe pour l’obscurité de ce monde. Dieu a répandu ces missions à travers tous les siècles selon une loi que lui seul connaissait… Sa souveraine volonté n’a de compte à rendre à aucun esprit humain.

 

311. La souffrance du croyant

Ne vous laissez pas abattre par les épreuves que j’endure pour vous; elles sont votre gloire (Ep 3, 13).

Ils ne doivent pas perdre courage à la pensée que l’apôtre leur a été enlevé et qu’il ne pourra plus leur venir en aide parce que ses épreuves sont trop grandes. A vrai dire, les épreuves d’un envoyé ne devraient jamais être pour les croyants une occasion de se décourager. Elles font partie de la croix du Seigneur… La communauté doit se souvenir que quelqu’un souffre pour elle et elle fera l’expérience que la souffrance d’un croyant devient la gloire de beaucoup… La mission de saint Paul réside aussi dans le fait qu’il supporte chrétiennement son épreuve.

 

312. La clef du royaume qui vient

Vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu (1 Co 6, 11).

Dans chacun des commandements, Dieu a donné une image de son royaume. Chacun d’eux traduit sa volonté de voir les hommes se conformer dès à présent à son royaume qui vient, de leur mettre en quelque sorte entre les mains la clef et le mode d’emploi. Dans l’esprit des commandements, il a montré comment son propre Esprit voudrait façonner et modeler les hommes.

 

313. Les signes de l’amour

La foi, l’espérance et la charité (1 Co 13, 13).

En retournant vers le Père, le Fils laisse en héritage à l’Eglise, de manière vivante, la plénitude de son amour : dans l’Écriture, dans les sacrements, dans tous les dons de l’Esprit Saint. Son Église existe pour être le lieu où il rend visibles les signes de son amour.

 

314. Le désir de Dieu

Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude (Col 1, 19).

Le Père et l’Esprit désirent beaucoup se communiquer au monde par le Fils.

 

315. Le combat du Fils sur la croix

Aucune tentation ne vous est survenue qui passât la mesure humaine (1 Co 10, 13).

L’échange qu’opère avec nous le Fils sur la croix demeure finalement un mystère de foi. Nous comprenons que, dans sa volonté de salut, il engage un combat contre le pouvoir du péché et que ce combat doit consister à créer une force opposée et une puissance supérieure. Mais qu’un homme puisse combattre pour tous les hommes – et dans une certaine mesure contre tous – est déjà un mystère; c’est un mystère plus grand encore que sa force divine soit libérée pour le monde dans la mesure où sa force humaine est consumée . Le fait de déposer  sa force divine auprès du Père pendant sa Passion crée une transformation et, en raison de ce don qu’il fait au Père, le Père fait surgir le don à l’humanité : un don que le Père offre au Fils en retour.

 

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3. Visages de saint Paul dans l’œuvre d’Adrienne von Speyr

Notes de lecture


 

Introduction

Le nom de saint Paul apparaît bien des fois dans l’œuvre d’Adrienne von Speyr en dehors du commentaire de ses lettres. Ci-dessous des notes de lecture glanées d’abord dans les œuvres posthumes. Il y a là tout un enseignement - une certaine lumière sur le mystère de Dieu et le destin de l’homme - qu’on ne trouve pas nécessairement ailleurs ; ces notes mettent de plus en relief un certain nombre d’aspects du visage de saint Paul. Des thèmes reviennent à plusieurs reprises. Il faudrait continuer l’enquête dans toute l’œuvre d’Adrienne.

Dans ces notes de lecture, on remarquera que des réserves sont faites sur la manière d’être et de dire de saint Paul. Le P. Balthasar nous indique quelque part le contexte de ces réserves (qui concernent saint Paul mais aussi d’autres saints), il nous en suggère aussi le sens : "Il s'agit d'un éclairage sur les états dans l’Église et avant tout sur l'imperfection de l’Église, sur l’imperfection des chrétiens et spécialement de ceux qui occupent en elle le rang de saints. La critique parfois sarcastique (par exemple de Paul entre autres) doit être comprise dans l'exact contexte de l'état d'enfer où se trouve Adrienne à ce moment-là : elle n'est pas elle-même, mais ‘une mission’ qui doit être communiquée. Dans ce regard d'en bas, il s'agit de mesurer les personnes concernées à un idéal absolu de sainteté chrétienne; ces personnes soumises à la critique ne sont pas des personnes privées quelconques, ce sont des directions spirituelles très significatives" (NB 4, p. 11).

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Références

NB = Nachlassbände (Œuvres posthumes)

Journal (suivi d’un numéro d’ordre provenant de l’original) = NB 8-10

 

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1. Barnabé

Barnabé n'est pas aussi doué que saint Paul mais il est très conscient de sa mission. Il n'éprouve pas, comme saint Paul, le besoin de faire prier pour lui-même, mais il a très fort le besoin de voir sa prière disparaître en Dieu. Ses relations avec saint Paul sont des relations dures : Barnabé a accueilli Paul pour obéir à Dieu; par la suite, les rôles ont été en quelque sorte inversés, l'inférieur est devenu le supérieur. Il n'a pas de ressentiment personnel, mais il a toujours une responsabilité qu'il porte devant Dieu et qu'il ne peut se laisser enlever par Paul. Il est convaincu qu'ils ont beaucoup à se donner l'un à l'autre, et même que cet échange est nécessaire, mais aussi que leurs missions ne sont pas interchangeables (NB 1/1, p. 36-37).

 

2. Tite

Je vois sa prière qui, par Paul, devient une prière sacerdotale. Paul incarne pour lui l’Église et peut-être plus encore que l’Église naissante le réceptacle de l'obéissance. Car Paul est obéissant, et Tite doit être dans l'obéissance. Ainsi il vit dans l'accueil de ce que Paul lui donne; non dans une distance par rapport au Seigneur mais bien dans un renouvellement de ce que Paul a à être, en accueillant quelque chose de ce que Paul est, en restituant ce que Paul reflète en lui. Il prie; sa prière explicite n'est pas particulièrement importante; plutôt sa prière en attente, qui correspond à une sorte de contemplation. C'est un vide qu'il se crée en lui afin d'être libre pour le message. Ce message, c'est avant tout la parole de saint Paul. C'est une initiation à l'obéissance, surtout à cette forme d'obéissance qui s'appelle l'indifférence. Paul dispose de lui comme d'une chose et lui-même se laisse utiliser. Mais il doit apprendre à se laisser utiliser au nom de la réponse qu'ont à donner tous les obligés de saint Paul. Tite voit en Paul les qualités du Seigneur, transmises directement, et il comprend ainsi la nature du saint. Il est rempli de vénération pour Paul et rempli de vénération pour le Seigneur sur le chemin que Dieu lui a destiné (NB 1/1, p. 37-38).

 

3. Timothée

Il voit devant lui Paul qui s'active avec efficacité, il se voit lui-même comme coopérant et ce qui, en lui, change et s'améliore, il le considère comme un effet direct de Paul. Il prie donc pour l’Église, pour lui-même, pour saint Paul, mais sous une forme très besogneuse : il voudrait voir des fruits. Il demande à voir ce qui est entrepris : il compte. Il a du zèle, il est infatigable, et au fond presque plus donné à saint Paul qu'à Dieu; il ne peut pas se représenter ce qu'il serait devenu si Paul ne lui avait pas imposé la forme de vie que lui-même, Paul, avait adoptée et à laquelle Timothée se sent accordé (NB 1/1, p. 38-39).

 

4. Saint Paul (premier portrait)

Je vois sa prière. Elle est un peu agitée, affairée. Un tout petit peu forcée aussi. Elle est curieuse : c'est comme s'il y avait là deux hommes qui prient, c'est comme si Paul était en contemplation, mais qu'il eût pris avec lui le Paul actif afin que le Paul actif ne s'écarte absolument pas de lui et se fasse constamment représenter devant Dieu par le Paul contemplatif.

(Et son extase?) Il est emporté, entraîné dans l'extase. Mais celle-ci est ensuite tout à fait objective. Elle n'a rien d'extatique, si on comprend sous ce terme une agitation quelconque. Autant sa prière habituelle est agitée, autant ses extases sont complètement paisibles. Il n'est plus qu'un instrument tant que la révélation lui est montrée, il n'est plus que mission et obéissance. C'est ici qu'il a sa contemplation la plus paisible.

(Que lui est-il montré?) Le ciel et les secrets du ciel. Dans ses visions, il voit toujours davantage les relations du monde céleste, les relations entre le Père, le Fils et l'Esprit, et surtout les relations entre l'éternité et le temps.

(Qu'est-ce que c'est que le mystère dont il parle?) C'est le mystère de l'obéissance, c'est-à-dire de l'unique volonté en Dieu; peut-être mieux : le mystère de l'unité en Dieu de manière générale, entre le Père, le Fils et l'Esprit. C'est comme s'il lui était permis de contempler pour ainsi dire dans ce mystère de l'unité le mystère ultime de Dieu, et aussi le mystère ultime de la Trinité, là où n'est plus visible que la nature unique, là où l'unique essence est si une que la distinction des personnes n'apparaît pas.

(Et quand il est emporté au paradis?) Il voit alors les mystères du paradis qui sont en même temps ceux du ciel, les mystères de l'unité de la création de Dieu avant même qu'elle ne devienne deux par le péché : le ciel et la terre.

(Qu'est-ce qu'il appelle le septième ciel?) L'unité entre le ciel et la terre, mais surtout l'unité du Père, le fait que toutes les choses sont incluses dans le Père, au fond le mystère primordial de l'unité de Dieu.

(Et pourquoi justement sept?) A cause des dons du Saint-Esprit. Mais c'est le lieu où rien encore n'est différencié, où les sept sont inclus dans le don le plus haut, dans le don divin en général.

(Est-ce que sa vision est différente de celle de Jean?) Oui. Elle est plus pratique, plus fonctionnelle, plus active aussi. Elle aspire plus à la réception de la réponse.

(Mais il dit qu'il lui est impossible d'exprimer ce qu'il a vu?) On doit distinguer. Il reçoit la vision comme une partie de sa mission; elle est propre à donner un plus grand poids à sa parole, à ses interventions. Ici ses visions auraient donc plutôt leur but en Paul lui-même. Mais en outre il trouve aussi dans cette vision l'aspect plus johannique de la contemplation; et cela, il n'est pas en mesure de le traduire dans sa mission, cela lui paraît comme quelque chose qu'il n'a pas la possibilité d'y intégrer. Et ainsi il n'est pas en mesure non plus d'en parler.

(Et quand il dit : Dans mon corps ou sans mon corps?) "Dans mon corps", c'est tout ce qui est lié à sa mission, tout ce qui est traduisible, tout ce qui se rapporte à sa tâche. "Sans mon corps" : cela veut dire en quelque sorte au-delà de la mission, de son activité personnelle, dans une sorte de communion des saints, qui ne se laisse plus traduire, dans un écoulement vers le Père qu'aucune description ne peut exprimer.

(A-t-il toujours eu des visions?) Au début, la plus marquante, mais plus tard encore des visions authentiques. La première fut la plus marquante, elle lui a expliqué le contenu et l'extension de sa mission.

(A-t-il reçu sa théologie par ses visions?) Oui, en grande partie.

(Comment fut sa vision du Seigneur dans le temple?) Fort semblable à celle de Damas. Pour la raison surtout que son effet fut le même; sans doute la vision de Damas fut-elle une conversion, mais la vision dans le temple comporte une telle extension de sa mission qu'elle ressemble presque à une conversion. Les suites concrètes de la vision ont à peu près le même poids (NB 1/1, p. 258-260).

 

5. Jacques, fils d'Alphée

On lui doit la Lettre catholique… Il n'oublie jamais, et il ne veut jamais oublier, qu'il se trouve dans le rayon d'action de Dieu. Dans l'espace de cette lumière de Dieu, il ne se met jamais lui-même en lumière. C'est ce qui le distingue de Paul. Paul apparaît de par la lumière de Dieu, il met en lumière sa personne. A aucun moment il ne vient à l'idée de Jacques qu'il devrait s'exposer, attirer l'attention sur sa personne, pour retourner ensuite à l'objectivité de Dieu. Paul fait souvent ce pas : "Regardez ce que je suis pour saisir ainsi ce qu'est Dieu". Jacques ne renvoie jamais qu'à Dieu : "Regardez Dieu; je suis en lui et tout ce qu'il fait en moi demeure visible en moi". Il est loin d'avoir la taille d'un Paul; il n'a pas l'amour d'un Jean qui tout de suite donne au Seigneur - dans le prochain - tout ce qu'il expérimente, qui n'est jamais seul parce qu'il accomplit toujours le commandement de l'amour… Il mérite une confiance absolue, il est la loyauté même, on peut tout voir en lui (par opposition à Paul); il n'y a chez lui aucune trace d'orgueil, ni de présomption (NB 1/1, p. 336-337).

 

6. Saint Paul (deuxième portrait)

Attitude de prière. Dans la prière, il est bon, simple, donné, jamais totalement perdu cependant. Même quand il se sent le plus proche de Dieu, il ne se perd jamais, ni lui, ni sa tâche. Presque comme s'il avait tout donné à Dieu sauf la conscience de sa mission, la conscience du travail qui l'attend, la conscience de tout ce qu'il a encore à accomplir. Cela ne le quitte jamais. Même dans la pure contemplation il veut comme toujours sentir le manteau de la mission autour de ses épaules. Et c'est ainsi que de tout ce que Dieu lui montre dans la méditation il cherche toujours à retirer un fruit pratique. Cela lui paraîtrait comme insensé de vouloir rendre à Dieu sa mission pour se laisser totalement conduire par lui avec le risque de ne plus la récupérer. Il est tellement convaincu que sa mission fait sa vie et que Dieu ne le sépare jamais d'elle qu'il serait ridicule pour lui de mettre en question cette mission en la mettant de nouveau à la disposition de Dieu par exemple. - Ceci a pour effet que, dans toute son attitude intérieure, il garde une certaine raideur vis-à-vis de sa mission. Il ne doit pas seulement se tendre intérieurement vers la mission, mais presque aussi extérieurement. Quiconque le rencontre, quel qu'il soit, a l'attention attirée sur sa mission. Paul insiste sur le fait que tout doit être dirigé sur sa mission. Même quand il glorifie le Père et le Fils, quand il annonce la pure doctrine chrétienne, il fait remarquer cependant en même temps son propre service, sa place dans le cadre de la vérité qu'il proclame. Si le mot n'était pas trop fort, je dirais : de même que le Christ est Dieu incarné, Paul est la mission incarnée. Tout le céleste, tout le mystérieux, tout l'éminent qui peut se rattacher à une mission chrétienne s'exprime dans cette mission. C'est pourquoi il lui serait très pénible de se trouver dans l'attitude de confession devant un intermédiaire entre Dieu et lui. Face à Dieu il est toujours prêt à reconnaître et à confesser ses fautes. Mais il lui serait difficile de le faire en face d'un homme, parce que l'importance de sa mission ne lui permet pas d'avoir des fautes, d'être pécheur, de condamner aujourd'hui ce qu'il a fait hier. Parce que hier déjà il était chrétien et envoyé. Il s'étend très peu aussi sur ce qu'il a fait de mal hier, sur ce qu'il a fait autrefois, parce que cela se trouve derrière lui et qu'à présent c'est le temps de la grâce et de la mission. Il mentionne tout au plus son passé pour expliquer sa mission actuelle. Ce qui doit être visible en lui, c'est la grâce et non une certaine distance, une certaine désaffection vis-à-vis de Dieu. Face à Dieu il a sans doute conscience de son péché ou du moins conscience d'omissions; en face des hommes, il croit ne pas pouvoir se le permettre (NB 1/1, p. 347-349).

 

7. Luc

Par rapport à Paul et aux autres apôtres, il est touchant de voir comment Luc approuve ce qu'ils font, comment il leur fait partout crédit. Il a une certaine forme d'amour à laquelle font défaut les élans; non qu'il en serait incapable, mais il suit en quelque sorte une "petite voie" (comme la petite Thérèse) pour aider en tout les autres afin qu'ils puissent mieux accomplir leur service du Seigneur. Il renonce à ce qui lui est personnel… Il est très dépendant de Paul, mais il ne va jamais jusqu'au bout de sa réflexion au sujet de sa relation personnelle aux apôtres. Il n'y prend peut-être pas particulièrement plaisir, mais il n'y réfléchit pas. Il est adjoint à Paul, il lui est subordonné, il note tout et fait tout ce qui est à faire ad majorem gloriam Pauli (NB 1/1, p. 351-352).

 

8. LÉglise

Je vois saint Paul. Il regarde l’Église, et cela d'une double manière. Il la regarde telle qu'elle est en lui, il la regarde donc d'un centre. Et en même temps il la voit dans une autre objectivité, comme si elle se trouvait à côté de lui. Il ne la voit pas dans une vision. Il la voit comme celle qui doit être épousée par le Seigneur, comme celle qui doit vivre de sa volonté et de son enseignement, et cela tout à fait à l'intérieur de sa propre mission paulinienne. Il voit comment tout ce qui est exigé est tracé à l'avance et comment cela doit être imité par ceux qui vivent maintenant et ceux qui viendront plus tard en devenant eux-mêmes l’Église et en réalisant l'union de l’Église avec le Seigneur dans leur vie. Il la voit à côté de lui, presque comme un médecin voit à côté de lui une femme dans les douleurs de l'enfantement et le travail qui doit être fourni. Et il cherche à voir comment l'engagement de chacun peut être inséré dans ce travail d'ensemble.

(Que sait-il du mariage lui-même?) Il pressent sans doute le mystère. Il en ressent quelque chose dans son corps, qu'il châtie, comme dans son âme, qui a souvent à vaincre des résistances. Il humilie souvent son âme en lui montrant la distance qui la sépare du Seigneur et combien il fait peu, et il humilie son corps par toutes sortes de châtiments.

        (Que sont les marques - Ga 6,17 - dont il parle?) Il n'a pas de cicatrices aux mains et aux pieds, mais il se frappe si fort qu'il en a souvent le corps strié. Et dans son âme il souffre souvent si fort qu'il possède en elle les marques de la Passion.

         (Voit-il l’Église comme épouse?) Il la voit surtout comme le corps du Christ et donc pas très directement comme épouse.

        (Et la Mère du Seigneur?) Il la pressent plus qu'il ne la voit. Il voit une certaine ressemblance entre elle et l’Église. Il voit l'union Christ - Église comme celle qui existe entre tête et corps, il ne peut pas les caractériser de manière plus précise. Il voit que les deux vont ensemble, depuis toujours, physiquement, comme la tête avec le corps, et que cependant l’Église demeure toujours ouverte pour le Seigneur, pour la semence du Seigneur et de sa parole, comme une épouse (NB 1/2, p. 52-53).

 

          9. Pierre et Paul      

Adrienne voit Pierre avec un bateau et des filets et - disons : comme par parenthèse - avec des aides, des compagnons. Tout est organisé pour que son bateau mène les hommes à leur destination et que les filets procurent aux voyageurs de quoi manger. Le bateau est pour Pierre et les siens le symbole de leur profession, de leurs revenus, de toute leur vie matérielle. - Paul est avec un bateau qui en tant que tel ne pourvoit pas à sa subsistance, mais qui semble devoir conduire les voyageurs quelque part; le bateau ne les maintient en vie que pour les protéger de la mer. Et les hommes sont là comme des accompagnateurs qui ont la même destination. Le bateau est le moyen pour atteindre le but du voyage et par conséquent il a aussi sa matérialité. Néanmoins tout l'équipement du bateau est là pour aller à sa perte. Il doit être sacrifié. Les voyageurs doivent devenir nus et pauvres et prendre un nouveau départ. - Pierre avec son bateau suit le Seigneur non seulement en apprenant à le connaître lui et son enseignement, mais aussi, humainement parlant, en adaptant sa vie à celle du Seigneur. Paul sur son bateau suit le Seigneur mais beaucoup plus en esprit; il fait ce que le jeune homme riche aurait dû faire : tout perdre pour aller à la suite du Christ. Le bateau de Pierre est là avec son équipement pour emmener le plus d'affaires possibles. L'autre bateau est destiné à faire naufrage et, en se sacrifiant, il engrangera un fruit spirituel. Ce n'est que par ce fruit spirituel que le sauvetage des hommes du naufrage reçoit sa valeur qui est plus que matérielle. - En ce qui concerne le bateau de Pierre, Jean y monte et y entre. Par contre Jean reste à côté de Paul : les deux ensemble sont les fondateurs de la vie consacrée (NB 1/2, p. 53-54).

 

10. Recevoir la grâce 

        Sans doute y a-t-il certaines grâces dont on peut prendre connaissance objectivement. Néanmoins elles sont presque toujours accompagnées d'un élément subjectif. La soudaineté de la conversion de Paul, qui jusqu'alors était un ennemi du Christ et qui dès ce moment fera preuve pour lui d'un zèle incomparable, cette soudaineté et cette violence de la conversion demeurent objectivement exemplaires. Mais si cette grâce n’était pas arrivée à Paul justement, la mission aurait été exercée autrement (NB 1/2, p. 96).

 

11. L’origine des missions

        Même quand la mission était déjà là auparavant, il y a toujours le moment où la personne est placée devant un choix, même s’il n’est pas tenu compte de la possibilité qu’elle a de la refuser. Pour Marie-Madeleine, sa mission était prête pour ainsi dire dès sa naissance, mais elle n'en soupçonnait rien. Pour Paul, tout d'un coup la mission est là, immédiate et entière. Pour d'autres, une mission est là qui, humainement parlant, se développe peut être avec la personne et quand la personne a acquis une certaine expérience, la mission semble subir une extension horizontale subite, par exemple Jean (NB 1/2, p. 225).

 

 

12. Paul et la confession

         Si quelqu'un a une mission différenciée, il peut naturellement se comporter comme une prima donna, seulement il perd alors le sens de l'objectivité. Une mission est quand même toujours reçue pour les autres, et donc personne ne devrait se conduire d'une manière aussi catholique et aussi universelle que l'envoyé. Il est certes envoyé dans l’Église par Dieu Trinité et s'il n'a pas le droit de se comporter en prima donna, une place à part lui est quand même réellement assignée. Il doit donc y avoir une différenciation et elle doit pouvoir être vécue en même temps comme une entrée dans la communauté. Il a manqué à Paul l'autorité d'un confesseur qui lui aurait servi de correctif pour sa différenciation. Pour tout envoyé qui a une mission de qualité, c'est le confesseur qui est le correctif. S'il n'a personne pour le remettre à sa place, il court le danger de devenir une prima donna. Et parce qu'un envoyé comme Paul a appris un grand nombre de choses dans ses relations personnelles avec Dieu, il est forcé de partir sans cesse de ses expériences. Mais cela, Paul le fait trop parce qu’il lui manque le correctif. Le correctif est là aussi pour empêcher que l'envoyé s'identifie de manière subjective avec sa mission. Et c'est justement parce que chez Paul les deux (la personne et la mission) sont si prononcés, que l'essentiel aurait dû être ramené à l'objectif aussi fermement que possible... Mais Paul n'a personne pour le replonger avec autorité dans la masse des pécheurs et des croyants. C'est pourquoi, de son plein gré, il ne cesse d'entrer dans cette communauté certes et d'y disparaître, mais c'est en vertu de sa propre décision souveraine, sans que l'obligation ne lui soit imposée de l'extérieur. Un confesseur est toujours là pour accueillir dans la communion de l’Église aussi bien que pour renvoyer. (NB 1/2, p. 286-287).

 

13. La Trinité

Dans le système des nombres qu’on trouve dans Le filet du pêcheur (NB 2), le chiffre 1 est celui de l’homme et aussi celui de Dieu, 3 est celui de la Trinité. Le chiffre 13 est attribué à Paul, il est expliqué comme ceci : Le 1 divin penche vers le 3 divin. Pour Paul, le Dieu un qui fond sur lui à Damas se déploie dans la plénitude de la théologie trinitaire. Mais il voit aussi dans le 1 de l'homme créé celui qui doit orienter sa foi au Dieu unique vers le Dieu Trinité parce que Dieu Trinité s'occupe de l'homme depuis toujours. Paul est le premier qui voit et montre expressément Dieu Trinité comme tel. Mais il le voit toujours dans le 1 : celui de Dieu comme celui de l'homme. Le 1 de Dieu, qui depuis le Christ ne peut plus se comprendre autrement que dans sa Trinité. Mais le 3 de Dieu qui depuis le Christ ne peut s'interpréter autrement que dans le 1 de l'homme. Quand Paul entreprend de parler en quelque sorte de manière approfondie d'un sujet, il arrive toujours au mystère du 1 de l'homme créé par Dieu, à qui Dieu le Père a envoyé le Fils et l'Esprit, et dans le mystère de Dieu Trinité (NB 2, 41-42). Paul arrive à la Trinité par l'appel du Christ à Damas (NB 2, p. 50).

 

14. Ignace de Loyola

Ignace de Loyola lutte pour ainsi dire avec Paul. Il lutte pour une synthèse, il essaie de se multiplier par Paul, de s'approprier le paulinien qui lui manque. Il ne peut pas le prendre à Paul directement, il doit le demander à Dieu Trinité et à sa grâce. Ignace voudrait surtout pour lui la persévérance apostolique de Paul et sa ténacité (NB 2, p. 52).

 

15. Benoît

Benoît est fortement dirigé par l'esprit paulinien et par l'Esprit Saint… L'enseignement de Paul, avec l'Esprit et Dieu, sont les trois points essentiels de sa vie… Pour lui, Dieu le Père est presque ce que le Christ est d'habitude pour les chrétiens (NB , p. 66).

 

16. La mission

Il y a des missions qui sont imposées d'une manière abrupte comme c'est arrivé pour saint Paul à Damas ; je dois être ainsi et pas autrement ! Mais il y a aussi des missions qui se dévoilent lentement (NB 2, p. 69).

 

17. Pierre Claver

Pierre Claver se sent dominé en tout ce qu'il fait par l'habitation de Dieu en lui ; cette habitation de Dieu en lui, il a collaboré à la rendre possible par son oui qui l’ouvre à la grâce. Il fait l’expérience de saint Paul : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". C'est un un christophore. Quand une tâche lui paraît impossible, il sait qu'il lui suffit d'avoir recours au Christ pour que ça marche... Il a besoin en outre de la sagesse de saint Paul : il y tend, il doit l'acquérir (NB2, p. 78-79).

 

18. Louis de Gonzague

Il veut faire ce que Paul a fait : convertir les hommes à Dieu (NB 2, p. 106).

 

19. Monique

Monique a une mission pour Augustin, Paul a une mission qui se disperse tout de suite en tout, qui vise l’Église. Monique a une mission de prière, Paul a une mission d'explication : il doit parler. (Saint Ignace explique) : la croix est justement ce qui a manqué aux deux. Paul a vu la croix de manière trop extérieure ; même quand il s'inflige une pénitence, etc., sa mission (dérivée de celle du Seigneur) est plus importante que la croix. Paul serait parfait s'il avait réellement connu la croix ; alors il aurait aussi saisi l'aspect passif de l'abandon, il l'aurait introduit dans sa théologie activiste, et celle-ci aurait été moins centrée sur lui-même. Monique aussi a un peu réduit la croix en la rapportant tellement à son fils, elle a ressenti le péché de son fils comme sa croix (NB 2, p. 114).

 

20. Ambroise

Il voit en Paul sa soif de connaissance, l’art qui est le sien de formuler rapidement des choses qu’il vient tout juste de connaître, le zèle dévorant qu’il a d’entraîner à sa suite beaucoup de gens et de les amener au Seigneur comme militants (NB 2, p. 130).

 

21. Matthieu

Il est ouvert comme un passage. Il assume un rôle de médiation : il laisse passer par lui, il a un rôle d'envoyé qui perçoit le message et le transmet tel quel ; sa qualité principale est la transmission dans le sens exigé. Il n'a pas comme Paul à ajouter du sien, il n'a pas à fournir ce service actif d'interprétation (NB 2, p. 180).

 

22. Thérèse de Lisieux

La petite Thérèse est certes une "grande sainte", mais comme nature humaine, elle a un petit format comparé à celui d'un saint Paul. De ce que Dieu lui avait donné, elle a fait le maximum qu'elle a pu, c'est en cela que réside la grandeur de sa sainteté (NB 3, p.65).

 

23. Le corps ressuscité du Seigneur

Celui qui peut voir le corps ressuscité du Seigneur - autrefois durant les quarante jours ou plus tard comme Paul et d'autres voyants - fait l'expérience de sa parfaite corporéité. Il serait faux de le considérer comme un simple "corps de vision". Mais d'autre part, la possibilité elle-même de la vision a un rapport étroit avec la corporéité transfigurée. Le Seigneur offre à l'esprit du voyant quelque chose qui, sur un autre plan, correspond à l'état de sa corporéité. La résurrection des corps augmente les possibilités de l'esprit. Et les deux augmentations sont intérieurement en relation, elles se complètent mutuellement et se conditionnent l'une l'autre. La vision vraiment chrétienne d'un visionnaire est fonction de la résurrection du Christ (NB 3, p. 254).

 

24. Écrire un livre sur saint Paul

Adrienne au P. Balthasar dans une extase : « Je dois faire beaucoup de choses que personnellement je ne veux pas faire. Je devrais écrire un livre sur saint Paul. Paul et Ignace me l'ont dit assez souvent et, une fois, le Seigneur était là et il l'a confirmé... Et je dois toujours faire tout toute seule » (NB 4, p. 43).

 

25. Comment faire ce livre sur saint Paul ?

Ignace pense que nous devrions faire le livre sur Paul comme ceci : enlever de lui tout ce qui le met en lumière comme personne, comme « personnalité chrétienne ». Pour chaque verset prendre le même chemin, omettre cette insistance sur sa propre personne, ce qui était nécessaire pour lui parce qu’il ne pouvait renvoyer à aucun modèle, comme ceux qui viendraient après lui, parce qu’il n’avait que lui-même à qui renvoyer comme à quelqu’un en qui le Seigneur continue de vivre (NB 4, p. 78).

 

26. Surpris par la grâce

Paul est surpris par la grâce, presque comme Adam a été surpris par le péché : Adam a rencontré le péché dans le serpent et il ne s’y attendait pas du tout. Ainsi la grâce touche Paul : c’est la dernière des choses qu’il aurait attendue. Pour lui, c’est comme si l’intelligence avait touché l’ignorance, plus nettement encore que la grâce a touché le péché. C’est ici que se pose alors justement la question de savoir pourquoi Paul se présente si expressément comme non pécheur. Au fond parce que, pour lui, l’ignorance (étant donné qu’il gardait les commandements de l’ancienne Alliance) peut se mettre sur le même plan que le fait de n’avoir pas péché. Il garde donc une conscience vétérotestamentaire du péché. En tout cas, qu’il dise "n’avoir pas péché" n’est pas ignatien. Il connaît le péché comme quelque chose de terminé, il ne le connaît pas dans son toujours-plus. Et de même aussi la grâce qui le terrasse, avec toute son immensité, a pour lui encore une mesure. Sans doute est-elle absolue, mais il s'adapte à cet absolu sans hésiter et sans être affligé du moindre doute sur le point de savoir s'il ne pourrait peut-être pas quand même faire encore plus et mieux (NB 4, p. 172).

 

27. Manger la purée

Paul fut le premier à avoir façonné sa mission à partir de la mission du Seigneur… Les apôtres ont répété dans leur prédication ce que le Seigneur leur avait enseigné ou ce qu'ils avaient appris par son exemple. Ils ont vu ses miracles et les ont racontés. Mais la mission consciente, tel que Paul l'a eue, ils ne l'avaient pas. Pour Paul, c'est comme s'il voulait revendiquer pour ainsi dire pour lui chaque grâce. Je ne dis pas cela comme un reproche (j'ai assez de reproches à lui faire par ailleurs) et comme s'il ne transmettait la grâce que comme quelque chose qui lui appartient. Supposons que tu as une poêle remplie de purée dont beaucoup doivent recevoir quelque chose, nous les servirions simplement l'un après l'autre et nous mangerions ensuite notre part, ce qui reste par exemple. L'ordre importe peu au fond. Nous savons simplement que c'est de la purée que nous sommes chargés de distribuer. Celui qui nous a confié la mission a fait ce qui est convenable et cela nous suffit. Et la purée nourrira tout le monde. Paul par contre prend pour lui la première assiette et la mange. Il fait partie de ces gens qui disent ensuite aux autres : la purée est excellente, voyez comme elle m'a fait du bien. Et j'ai la mission de vous la distribuer. Il se voit tellement en mission qu'il accomplit d'abord la mission pour lui-même et ensuite il transmet l'expérience du Seigneur avec sa propre expérience… Paul mange la purée avant les autres comme une mère le fait pour encourager ses enfants. Il engage sa personnalité, tout son être (NB 4, p. 275-276).

 

28. Ignace de Loyola

Ignace se compare à Paul et il dit que sa mission est en quelque sorte comparable. Leur conversion s'est déroulée de manière différente, mais les deux ont appris ce qu'est la grâce de l'absolution. La rédemption a pour eux la forme de l'absolution. La différence est que Paul met l'accent sur l'homme plus qu'Ignace et qu'Ignace met l'accent sur Dieu plus que Paul; ils se complètent en quelque sorte. Paul est resté un peu trop attaché à l'homme et Ignace un peu trop à la signification du péché (NB 4, p. 284).

 

29. Canisius

Canisius a chez les jésuites un rôle qui correspond à celui de Paul. C'est un fondateur. Comme Paul a eu à se battre et à fonder des communautés au nom du Christ, de même Canisius a à fonder, sur mission d'Ignace, des écoles, des collèges, des établissements d'enseignement et à leur donner à chaque fois l'esprit de l'Ordre, l'esprit de saint Ignace. Aux deux, dans le cadre de leur tâche, fut accordée une compétence, mais une compétence qui avait absolument à s'adapter à leur tâche. Cependant Paul travaille dans de tout autres conditions que Canisius. Il connaît sans doute l'obéissance vis-à-vis du Seigneur, mais comme quelque chose qui contraint intérieurement plus que comme un règle d'action qui prescrit de l'extérieur; il pourrait facilement courir le danger de se comporter d'une manière assez souveraine dans ses fondations… Sur ce que Paul faisait dans ses fondations, personne n'avait à se prononcer. Il faisait ce qui était juste d'une certaine manière, certainement aussi avec des fautes humaines. Mais son activité était un travail personnel. (NB 4, p. 295). Paul est une personnalité, il a marqué son temps et ses communautés du sceau de sa personnalité (NB 4, p. 297).

 

30. Jean

Naturellement Paul voit que l’Église est sainte et vivante et qu'elle n'est pas de ce monde pécheur. Mais il comprend cela à une certaine distance, non plus comme Jean dans la plus grande proximité… Naturellement ce que Paul voit et comprend est parfaitement juste aussi… Le Christ et Paul, les évangiles et les lettres de saint Paul : tout cela, c'est la révélation. Et cela a certes la valeur d'une révélation directe... Mais c’est en réfléchissant, en recevant aussi les inspirations de l'Esprit Saint, qu’il dut s'expliquer à lui-même bien des choses qui pour la Mère et aussi pour Jean allaient encore de soi (NB 4, p. 392). Il y a chez Jean beaucoup moins de réflexion que chez Paul. Il s'offre tout simplement à l'ami comme ami - surtout après avoir vécu l'Apocalypse - pour l'accompagner où celui-ci le veut, y compris en enfer si cela doit se faire… Le Seigneur est venu pour être crucifié. Et voilà qu'il peut en inviter d’autres à l'accompagner sur cet étroit chemin, jusqu'à la croix. C'est en même temps le sentier très étroit de la solitude qu'il offre à quelques-uns, par exemple à Paul et à Jean, mais à chacun de manière très différente. Paul et Jean ne peuvent pas élargir ce chemin, ils ne peuvent pas y marcher de telle sorte qu'il devienne un large chemin. Il reste le chemin de la solitude (NB 4, p. 456).

 

31. Souffrir avec le Christ

Paul sait qu'il faut souffrir avec le Christ. Il sait que si la souffrance est le plus grand mystère d'amour du Seigneur, il ne veut pas la porter seul, car cela voudrait dire : Votre amour à vous, les hommes, n'est pas à la hauteur pour moi!… C'est justement en leur enlevant leur péché que le Seigneur leur donne part à sa croix. Et cette participation est contenue déjà en quelque sorte dans le fait que les hommes lui permettent de leur enlever leur péché. C'est une participation encore toute minime et provisoire à l'amour. Mais quand ensuite le péché est un jour véritablement enlevé et que l'homme se laisse faire véritablement, c'est alors que se réalise une participation à l'amour actif du Seigneur. Cela, Paul l'a vu exactement (NB 4, p. 455).

 

32. La mystique

Il n'y aurait rien de plus insensé que de vouloir découvrir un chemin qui pourrait servir à dessiner les prérogatives et les droits du mystique et à ébaucher de manière systématique une "école de la mystique". Paul est atteint par une lumière aveuglante, il tombe par terre, il entend une voix, il demande ce qu'il doit faire. Ce n'est pas un chemin qu'on peut diviser, il n'y a pas de signes précurseurs. Ou bien quand les trois disciples sont au Thabor et qu'ils voient tout à coup devant eux un tableau de la réalité céleste, le Seigneur ne se sert pas de sa glorification pour leur tailler des degrés qu'ils pourraient gravir jusqu'à son apparition afin de leur permettre d'avoir une certaine vue d'ensemble (NB 5, p. 27).

 

33. Vivre en présence de Dieu

Quand Paul devenu chrétien fait l'expérience de Dieu dans l'intimité, c'est dans une sorte de ravissement qui réveille en lui le souvenir qu'il a été autrement sans qu'il puisse se rendre compte exactement de ce qui lui est arrivé, comment le ravissement s'est produit, ce qui s'est passé en lui pour qu'il devienne capable d'entendre et de voir. Comme tout chrétien, il vit en présence de Dieu avec les limites de sa connaissance même si sa connaissance nous paraît énorme. Le chemin qu'il doit parcourir pour parvenir à Dieu consiste à dépasser le fait d'être en présence de Dieu; ce qu'il doit atteindre, c'est la sphère qui appartient à Dieu seul, cette sphère est en même temps celle de l'obéissance où seul Dieu peut inviter les siens, où il n'est donc permis à personne de s'introduire de force (NB 5, p. 31).

 

34. Les réalités de Dieu

Pour Paul, la connaissance est devenue un combat. Son ravissement et son accueil par Dieu se réalisent dans le cadre de ce combat même si, subjectivement, lui-même ne lutte pas, ne prétend à rien et même s'il ne lui est pas permis de désirer cette forme particulière de connaissance. Il voit, il entend, il voit aussi les paroles, il les comprend et il sait que ce ne sont pas des paroles d'homme. Elles sont transférées pour lui dans la sphère de ce qu'il peut saisir, de ce qu'il peut connaître, mais elles comportent une limite. Elle est une limite en direction de Dieu et en direction de sa créature. Une limite qui est placée devant lui justement pour qu'il la voie. Autant la limite s'estompe pour Adam, autant pour Paul elle est mise en évidence, elle est gardée. Dieu, qui ravit les siens des manières les plus diverses, ne donne pas à Paul de comprendre le mode de son propre ravissement. Paul sait qu'il s'est passé quelque chose et il sait ce qu'il a appris. Mais il a perçu aussi la limite du chemin qui va vers Dieu. Il reconnaît en cette limite un état qui est propre au "troisième ciel", qui le caractérise peut-être parfaitement. Sa vision est pour lui le souvenir d'un certain degré qu'il a en quelque sorte atteint, d'une ouverture qui lui a été accessible mais qui ne livre pas son dernier secret. C'est au fond la vision d'un château-fort imprenable. Il est tout à fait conscient que l'état, la vision, le château-fort sont des réalités. Pas du tout des fantômes, ni des produits de ses rêveries ou de son imagination, qui se présentent et qui en même temps se dérobent. Des réalités de Dieu, que Dieu montre, sans plus. Son état est donc très éloigné de celui de Jean qui se trouve dans le ciel avec la mission d'entendre, de voir, d'écrire (NB 5, p. 32).

 

35. Le cheminement de Paul

Paul a connu une brusque conversion, il a dû endurer bien des choses et il les a décrites par la suite : il a lutté contre les chrétiens, il a été renversé près de Damas, il est devenu aveugle, il a reçu un enseignement pour être baptisé et, plus tard, il a déployé d'immenses efforts au service du Seigneur, il a connu des succès et des échecs, des souffrances au service de ses communautés; tout cela, il l'a vécu comme quelque chose qui peut servir d'exemple dans son enseignement, comme une illustration qui est destinée aux autres; il se peut donc que, de cette manière, ses visions aussi sont prévues pour son enseignement. Dieu le ravit rapidement pour lui faire voir quelque chose de précis : le ciel, afin qu'il ait la certitude de sa réalité mais aussi de ses propres limites… La contemplation occupe chez Jean beaucoup plus de place que chez Paul. Parce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui aime lui-même. On le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour pour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui à la dernière Cène repose sur la poitrine du Seigneur; cela aussi reste une brève mention : quelque chose est signalé qui est d'habitude passé sous silence. Et cependant pour ceux qui voudront suivre le Christ, ce sera peut-être, dans l'évangile de Jean, quelque chose d'important. Paul par contre est constamment obligé de renvoyer à lui-même : recenser ses actions, détailler ses journées, son labeur d'enseignant, tout cela fait presque partie de son enseignement lui-même (NB 5, p. 32-33).

 

36. Mystique et révélation

Pour Paul, il y a en premier lieu sa vie avant sa conversion, que plus tard il se reprochera lui-même tellement car, dans l'ignorance de la vérité et dans son zèle pour l'ancienne Alliance, il a persécuté les chrétiens. Il y a "l'homme naturel" avec un enseignement qui lui a été transmis, même si c'est un enseignement dépassé, auquel il est attaché et qu'il défend longtemps : sa propre raison ne voit pas de motifs raisonnables pour admettre la vérité du Christ. Puis en second lieu arrive sa conversion, qui est un événement mystique, mais qui a aussi des côtés naturels : il tombe par terre, il devient aveugle, etc. La voix et la lumière semblent aussi être en quelque sorte des choses naturelles puisqu'elles touchent quelqu'un qui ne croit pas au Christ. Quand il se met à poser la question : "Que veux-tu que je fasse?", ce qui a existé jusqu'à présent est dépassé, Paul se tient ouvert, non en premier lieu à l'expérience mystique, mais à la vérité de l'enseignement : "Je suis celui celui que tu combats". La lutte entre le Christ et Paul se termine, le Christ a vaincu en se faisant reconnaître avec sa force et Paul s'incline. Dès que Paul a reconnu le Christ, tout de suite - en troisième lieu – commence sa mission. Dans cette expérience mystique qu'il vient de connaître, il reçoit la doctrine, de manière globale. Quelques rares expériences mystiques suivront encore. Mais déjà l'enseignement donné par Ananie n'est pas mystique. Tout ce dont Paul fait l'expérience de manière mystique doit aussitôt chercher le contact avec ce que la révélation chrétienne ordinaire va opérer ou montrer par lui. Le "troisième ciel" lui montre certes des choses qui lui sont tout à fait réservées si bien qu'il ne lui est pas permis d'en parler, mais elles sont, dans le ciel, des confirmations de sa mission. Le mystère qu'il doit annoncer s'en trouve fondé plus profondément. Quelque chose du mystère entre Jésus et Paul passera plus tard dans l’Église quand bien des choses qui sont connues et définies dans des assemblées, des commissions et des spécialistes expérimentés, ne seront pas accessibles à tout le monde de la même manière. De plus le service de Paul ne peut jamais devenir impersonnel. Il ne doit pas connaître le Christ seulement comme l'essence d'un "enseignement", c'est pourquoi Dieu ne cesse d'y jeter des éclairs personnellement. Parfois Paul reçoit pour ainsi dire un "appel téléphonique" du ciel qui lui donne des indications supplémentaires. Naturellement Paul est aussi "un mystique" dans l’Église; sa relation mystique au Seigneur se répétera plus tard dans l’Église pour d'autres chrétiens (NB 5, p. 33-34).

 

37. Les souffrances du Christ

Paul peut endurer ce qui manque encore aux souffrances du Christ; et pourtant ce qui manque à ces souffrances, le Seigneur l'a déjà supporté depuis toujours (NB 5, p. 101).

 

38. La liberté de Dieu

Dieu est libre de se communiquer aussi de manière mystique à un humain avant qu'il ait reçu le baptême. C'est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, et il n'est baptisé qu'après; dans les Actes des apôtres, d'autres reçoivent l'Esprit Saint comme le signe qu'ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême. Normalement personne ne peut rester mystique à la longue sans désirer le baptême, sans savoir qu'il doit le recevoir. Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s'effectue dans le baptême (NB 5, p. 139).

 

39. Paul tombe par terre

Le Paul surnaturel prend naissance là où le Saul naturel s'abandonne dans la foi. Saul tombe par terre pour que l'esprit de Paul aussi reconnaisse cette chute comme son point de départ, pour que la surnature devienne libre dans le choc de la conversion de la nature et pour qu'il reconnaisse dans la nature le cadeau que Dieu lui fait pour la nourrir. Car les actes surnaturels s'enracinent dans les actes naturels de l'esprit. Paul pourrait dire : "Quand Dieu m'a rencontré, je suis tombé à genoux et je me suis fait mal. Je fus saisi si puissamment par Dieu de manière surnaturelle que mon moi naturel s'est évanoui, le Saul tout entier a sombré dans la chute, le coup qu'a ressenti le Saul naturel est devenu dans mon esprit l'image de son bouleversement". Si tout ne s'était déroulé que dans son âme, sa conversion aurait été pour lui beaucoup moins impressionnante. Très souvent on a le sentiment que le corps est là pour donner une forme durable aux bouleversements de l'âme. L'impulsion que reçoit l'âme se grave en elle par les souffrances du corps. Et ce qui vaut pour le corps vaut équivalemment pour le domaine naturel tout entier : c'est comme si Dieu avait créé la nature de l'homme pour avoir un témoin naturel de sa surnature, un destinataire des coups de sa grâce (NB 6, p. 34-35).

 

40. Un cas rare

Quand Paul s'est converti, la vision de Damas est décisive pour sa foi. Vision et foi coïncident, si bien qu'on ne peut pas contester que la vision soit à l'origine de la foi. Mais c'est un cas extrêmement rare. La plupart du temps, la vision ne sert pas à engendrer la foi de celui qui voit ou à l'augmenter, mais à enrichir le trésor de la foi de l’Église. Cette utilisation provient essentiellement du Seigneur. C'est lui qui en décide (NB 6, p. 190).

 

41. Purgatoire

Le processus de purification au purgatoire : pour arriver à ce que tout ce qui était faux tombe de quelqu'un, comme le Saul de Paul, il n'y a pas de "développement". Je reste en quelque sorte livré à moi-même ou au pouvoir du processus sur lequel je ne peux pas agir. Et ce que le processus opère en moi me semble pour l'instant dénué de sens parce qu'aucun résultat ne se fait sentir (NB 6, p. 346).

 

42. La grâce

La grâce du Fils peut saisir quelqu'un d'une manière inattendue, comme Paul à Damas (NB 6, p. 428).

 

43. L’amour

Quand saint Paul présente l'amour (1 Co 12-13), c'est toujours en vertu de son ministère apostolique. Tout ce qu'il dit fait partie de son apostolat, ce sont des actes tout à la fois de transmission, de connaissance et de confession. La doctrine, au sens d'une théorie - contemplation de l'être du Christ et de la nouvelle Alliance -, se change toujours tout de suite en pratique de la nouvelle doctrine, de la nouvelle Alliance. Il n'y a pas de vérité que l'apôtre garderait pour lui. La vérité qu'il a reçue, il l'applique à sa vie et il la transmet comme une vérité connue et vécue. Quand il décrit l'amour comme n'étant ni envieux, ni jaloux, etc., il dit ce qu'il sait : c'est comme ça, c'est pourquoi cela doit être comme ça, en moi et en tous ceux qui le savent par moi (NB 6, p. 444).

 

44. L’élève

Paul ressemble à un élève qui fait ses devoirs et qui s'acquiert par là un droit à être corrigé par son maître. Il pense, mais il remet sa pensée sous la pensée infinie et englobante de Dieu; sa pensée est reprise dans la pensée de Dieu. Et Dieu ne lui conteste pas ce droit parce que cela fait partie de la mission de Paul. Et si Paul se met si fort en avant et n'oublie jamais qui il est, c'est aussi parce qu'il a la mission d'être quelqu'un et de le représenter. Pour son inspiration, c'est lui qui est repris par Dieu (NB 6, p. 460).

 

45. Jacques, fils d’Alphée

Jacques est totalement paulinien pour le type d'inspiration : c'est un Paul modèle réduit; il lui est apparenté par la nature, mais il n'a pas l'intelligence de Paul et il ne se connaît pas comme Paul se connaît (NB 6, p. 460-461).

 

46. Pierre

"Pas seulement les pieds…" demande Pierre, et il offre ainsi tout son être naïvement et ingénument. Paul par contre offre toujours au Seigneur son esprit le plus pénétrant. Paul est l'homme exceptionnel qui a plutôt trop d'esprit que pas assez; Pierre est plutôt l'homme ordinaire qui savoure la grâce, mais sans renier son humanité. Il ne songe pas à vouloir réduire la distance qui le sépare essentiellement du Seigneur, ce que Paul fait quand même peut-être d'une certaine manière. Pour Pierre, la tension entre son propre esprit et l'Esprit Saint est telle que l'Esprit Saint fait l'essentiel, tandis que pour Paul, son propre esprit en fait un peu trop (NB 6, p.463).

 

47. Les fagots

Je lui demande si elle a vu saint Paul. « Oui, dit-elle, il y a quelques semaines ». Mais parce qu’elle n’avait pas compris la signification de ce qu’elle avait vu, elle n’y avait plus pensé. Elle avait revu la tour à laquelle on travaillait (manifestement l’Église); à proximité il y avait une sorte de sous-bois et là Pierre et Paul étaient occupés à faire des fagots. Saint Paul était d’un zèle incroyable, il se serait presque tué au travail. Je demande si saint Pierre a aussi bien travaillé. Elle rit : « Oui, oui, il a aussi fait quelque chose, mais il a plutôt bricolé un peu »… Adrienne n’avait aucune idée de ce que le tableau signifiait. Je lui en montre le sens, elle est étonnée. Elle se demande si ce genre de tableau qu’elle voit auront un jour un sens dans sa vie, s’expliqueront par la vie elle-même (Journal 198).

 

48. La vue d’ensemble

Une vision : Pierre et Paul travaillent sous des arbres. Ils portent des lattes. Paul travaille comme quelqu’un qui a une exacte vue d’ensemble de la construction et qui cependant partout où on a besoin de quelqu’un se présente même pour les plus petits services. Il travaille aussi comme quelqu’un qui est freiné, c’est-à-dire qui serait capable “de tout autre chose” si on le lui faisait faire, mais qui est habitué depuis longtemps à accomplir ce travail limité. Ignace par contre est un peu soucieux. Pour la première fois, Adrienne voit une parenté intime entre les deux (Journal 437).

 

49. Le vétéran

Une vision : Paul donnait ses directives, “comme un vétéran de l’autre guerre”. Adrienne me le décrivit exactement. Il ressemblait à un curé qu’elle connaissait et dont elle avait oublié le nom. Il était comme un vieux loup de mer qui communique ses expériences à son garçon qui doit prendre le bateau. Aujourd’hui tout a changé et Paul distribue quelques coups de bec sur les nouvelles méthodes des jeunes pasteurs qu’Ignace excuse plutôt même s’il ne les approuve pas. Adrienne pense d’une manière générale que Paul dépasse encore Ignace en “naturel méchant”. Elle décrit surtout son regard vivant (Journal 439).

 

50. Ignace de Loyola

Une vision : Ignace et Paul l’un à côté de l’autre. Adrienne comparait les deux en connaissance de cause et trouvait que même extérieurement ils se ressemblaient. Seulement Paul était plus vigoureux, plus anguleux, et plus grand d’environ dix ou douze centimètres (Journal 449).

 

51. La consolation

Même si Paul “complète en son corps ce qui manque aux souffrances du Christ”, le Christ a quand même souffert lui-même le maximum. Et sa souffrance en tant que telle n’a pas besoin de complément, comme si elle ne suffisait pas. Le complément ne se réalise pour l’Église qu’en vertu de la souffrance du Christ. Et cependant il a une sorte de consolation par ceux qui vont avec lui sur le chemin de la croix. Adrienne va utiliser une comparaison, mais elle dit auparavant que je dois lui imposer silence si cette comparaison est inconvenante. Quand elle-même est dans le “trou”, c’est pour elle vraiment une consolation de parler avec moi. Et pourtant elle ne peut pas dire qu’en ma présence elle souffre moins que lorsqu’elle est seule (Journal 452).

 

52. Une catastrophe de la nature

Le soir, Adrienne parle pendant deux heures des apôtres avec beaucoup d’animation et elle dit tant de choses belles et profondes que, de mémoire, je ne puis les rendre que d’une manière fragmentaire… Paul est conscience et esprit. Lui aussi (comme les autres apôtres) est tout à fait sans développement et sans combat intérieur. Dès le début il est complet. Dès l’instant devant Damas, il est tel qu’il restera toujours. Il ne s’est pas décidé, mais on a décidé pour lui. Il est tellement plongé dans la mission du Christ qu’il n’y a pas d’alternative. Depuis toujours il a été fleur sans jamais avoir été bouton. Ici il se distingue de ceux qui viendront plus tard, qui ne se trouvent plus à l’intérieur de la Révélation, par exemple saint Ignace… Paul a une très haute opinion de lui-même, il se voit très bien lui-même, il joue dans l’apostolat avec sa propre personne comme sur instrument infiniment varié, mais il n’a pas besoin de la “présenter”. Il est toujours totalement tourné vers les hommes. Il se fraie un chemin des épaules à travers la foule : « Voie libre pour l’Évangile! » Avant sa conversion, il était déjà “achevé”. Auparavant il était fleur de nuit, maintenant il est fleur de jour, sans autre passage que la rencontre avec le Seigneur. Son enseignement non plus ne se développera pas. Ce qui se développe, ce n’est que la compréhension de ses communautés et de ses lecteurs. Il parle d’abord à des commençants, puis à des progressants, c’est pourquoi il semble être allé plus loin à la fin qu’au début. Quand de Damas il est allé dans la solitude, ce n’est pas pour y mener une vie contemplative, mais pour y traduire en mots et en concepts compréhensibles pour les hommes la plénitude de sa vision intérieure. C’est pourquoi ces années sont le début de son apostolat. Romains 7 n’est donc pas Paul à proprement parler mais la situation des chrétiens ordinaires, qui ne s’applique pas à Paul justement. Il souffre mais il ne lutte pas. Il est comme en tout un événement, une “catastrophe de la nature” (Journal 806).

 

53. Les mauvaises herbes

Vision : Une allée. Ignace et Paul étaient occupés à arracher des mauvaises herbes. Ils travaillaient à la sueur de leur front, la sueur leur coulait littéralement sur le visage. Ils faisaient tout le travail ensemble, rapidement et proprement et avec le meilleur d’eux-mêmes. Ils travaillaient avec une singulière habileté dans les mains (Journal 829).

 

54. Le chêne

Vision : Pierre et Paul travaillent sous un arbre. Adrienne dit que c’est l’arbre de l’Église et ils travaillent tout près du tronc. Ils travaillent le bois du chêne, bien que le chêne soit debout et ne soit pas coupé. C’est un bois singulièrement vivant (Journal 909-910).

 

55. La nuit

Vision : Elle voit, enveloppés dans une nuit commune, mais loin l’un de l’autre, formant un triangle inquiétant de solitaires, Paul, Augustin et Ignace. Chacun d’eux abandonné de Dieu, dans la nuit du cœur et de la prière, sans consolation sensible. Et cela de telle sorte que le caractère sensible du progrès personnel ne cesse de diminuer de Paul à Augustin et à Ignace. Pour Paul, il est tellement convaincu de sa propre mission que dès Damas il se sent aussi spirituellement à la hauteur qu’il l’était physiquement dans sa jeunesse. Le plaisir d’avoir été élu l’accompagnait souvent. Il se donne lui-même en exemple pour la communauté. Mais par moments Dieu a aussi supprimé cela et il l’a abandonné du moins au point de vue sensible (Journal 1050).

 

56. L’absence de consolation

Vision de Paul, Augustin et Ignace confrontés à l’absence de consolation : Pour les trois, cela partie de la prière continuelle. Non d’une prière mystique mais d’une prière chrétienne habituelle. Ils essaient de prier, mais ils remarquent que cette fois-ci cela ne va pas. Ils essaient ensuite de pouvoir le faire quand même, cela va encore moins; ils ne peuvent pas adorer, il leur manque la substance de l’adoration; à sa place il y a un vide. Mais ils se conduisent très différemment. Paul est sans doute le premier qui rencontre quelque chose de ce genre, il n’a aucune expérience en la matière, il ne sait pas que cela fait partie de la prière, il ne peut pas se l’expliquer. Il cherche donc toujours à recommencer par le début, il cherche la faute dans son état actuel, uniquement dans ce qui lui est personnel. Il ne peut pas comprendre ce qui a pu arriver entre le Christ et lui : il n’y avait quand même jamais rien eu qui eût troublé leur amitié. Il considère aussi son état comme singulier, anormal pour ainsi dire, et il ne peut pas le généraliser. Car il lui manque pour cela un point de comparaison, il est le premier au début de la tradition. Il n’a pas de racines dans le passé. C’est pourquoi il ne peut pas non plus mettre son état en relation avec l’Église, avec la communauté. - Augustin a sur Paul l’avantage qu’il connaît la tradition, qu’il sait qu’un vide de ce genre arrive. Mais cette tradition n’est pas encore assez forte et assez éclairante pour lui donner la possibilité de comprendre la souffrance autrement que comme un événement privé dont il cherche le sens véritable et la raison dans son péché et dans la pénitence pour ses péchés passés. - Ignace par contre vit dans la plénitude de la tradition - il est pour ainsi dire le commencement de l’homme moderne, il est tout proche de nous -, et il sait qu’il doit en être ainsi et que l’adoration est exigée dans le total abandon et dans la sécheresse et dans l’absence de consolation tout autant que dans la consolation. Bien que lui aussi soit perplexe au sujet de l’absence de Dieu, il en sait quand même la justesse au beau milieu de sa perplexité (Journal 1051).

 

57. La souffrance de substitution

Puis Adrienne vit le sens de 1 Co 14. Elle vit comment Paul, Augustin et Ignace se donnaient du mal pour l’amour (1 Co 13), mais l’amour sensible leur était ôté. Paul est séparé intérieurement de cette agapè, il ne la sent plus. Mais il sait que malgré cela il doit faire comprendre à la communauté que les “prophéties” et le “parler en langues” sont nécessaires, particulièrement la prophétie, l’annonce de la vérité, devant la communauté. D’un autre côté, il ne sait pas s’il existe un rapport entre son expérience personnelle de ne plus pouvoir aimer et le devoir qui est le sien d’annoncer la vérité malgré tout. Il pense que c’est une expérience purement privée. Mais ceux qui viendront après lui, Augustin et Ignace, se reporteront à saint Paul quand ils seront privés de consolation et ils trouveront en lui leur appui : la nécessité de l’annonce de la vérité même quand ils sont abandonnés de Dieu. Paul ne comprend pas non plus le rapport entre sa souffrance intime et l’Église. Toute sa souffrance se concentre sur le centre qui est le Seigneur : il “complète les souffrances du Seigneur”. Quand il parle par contre des souffrances qu’il endure pour la communauté, il entend par là non cette souffrance incompréhensible, mais les souffrances “extérieures”, saisissables. - Augustin, au fond, ne sait encore rien non plus du mystère de la souffrance de substitution. Il ne connaît pas vraiment la souffrance autrement que celle du service du Christ et de l’Église en général, que celle du dépouillement de sa liberté personnelle, sans doute aussi celle de la maladie, des ennuis temporels. Ignace par contre souffre avec la conscience qu’il est placé dans cette souffrance intime non seulement pour le Christ mais tout autant pour son milieu, pour son Ordre, pour l’Église, pour le monde (Journal 1051).

 

58. Le temps

Paul, Augustin et Ignace ont une relation au temps très différente. Pour Paul, c’est une pure présence. L’Église n’a pas encore d’histoire, et il ne regarde pas non plus l’avenir. Le temps jusqu’au retour du Christ, trente ans ou cent, est pour lui comme une unique présence. Durant cette période, il est peut-être le seul à avoir la vocation de “compléter les souffrances du Christ”. Il ne voit pas et il ne sait pas qu’une souffrance de ce genre est une mission ecclésiale qui doit être transmise. Pour Augustin, il y a déjà une certaine tradition. Mais lui aussi, conformément au sentiment qu’il a de l’histoire du monde, regarde peu le passé et pas l’avenir. Ignace par contre souffre comme le premier de toute une chaîne de fils et au terme d’une longue tradition. Il se trouve au milieu de l’histoire de l’Église qui s’étend en avant et en arrière (Journal 1051).

 

59. Le sans-gêne

Une nuit apparut saint Paul qui commença à expliquer un passage de la 2e Lettre aux Corinthiens. Adrienne en fut indignée et elle le pria instamment d’arrêter: elle ne peut quand même pas tout faire à la fois (Jean était occupé à lui expliquer son évangile). Paul sourit et disparut. Mais, la nuit suivante, il fut là à nouveau et il recommença ses explications. Adrienne dit que ça n’allait certainement pas : elle est tout à fait sûre que je ne le permettrais pas. Paul dut rire et il demanda quand il pourrait venir. Adrienne dit : dès que mon confesseur le permettra (Journal 1135).

 

60. Un homme pressé

A présent, Adrienne voit Paul fréquemment; il semble pressé de commencer à dicter… Il lui explique que nous pouvons choisir la lettre qu’il doit commenter. Adrienne a un peu d’angoisse en sa présence : il exige trop d’elle. Pour Jean, elle suit à peu près parce qu’il parle toujours de l’amour. Mais Paul est un théologien et là elle craint de ne rien comprendre. Je pense à la lettre aux Éphésiens, éventuellement aux Galates (Journal 1238).

 

61. Montrer l’image de l’apôtre

Paul était apparu plusieurs fois, toujours pour hâter son commentaire. Il lui donna des aperçus et des coups d’œil sur ce qu’il se proposait de lui montrer. Si Jean organise tout à partir de Dieu, lui, il voudrait le faire à partir de l’homme. Il voudrait montrer l’image de l’apôtre : ce que lui, Paul, était devenu par la grâce de Dieu, combien il avait souffert pour le Christ, et puis, dans un deuxième temps, à partir de lui, déduire la grâce et l’action du Seigneur et du Père. Pour le moment, Adrienne n’avait pas encore de goût particulier pour cette théologie. Mais comme Paul ne cessait d’apparaître et de lui expliquer toujours plus profondément la chose, elle eut le désir de tâter aussi de ce commentaire (Journal 1287).

 

62. L’élève modèle

Au cours d’une dictée sur “Jean” (là où il est question des portes fermées), quelques mots sur Paul. Le Seigneur apparaît aux autres disciples devant leurs sens corporels même si ceux-ci sont élevés surnaturellement. A Paul, il apparaît dans une vision. Paul est ainsi le premier mystique, il possède la première âme de mystique, et aussi le léger surmenage des capacités humaines qui apparaîtra souvent (pas toujours) chez les mystiques. Paul est le premier; il ne connaît donc pas encore de tradition dans ces choses. Il n’a donc pas compris qu’il n’est pas une exception. Il en fait quelque chose de personnel. Malgré cette légère méprise, Paul reste tout à fait dans sa mission tout comme Pierre reste en fonction malgré son triple reniement. Le Seigneur a aussi, parmi ceux qui tiennent à lui et veulent le suivre, des pécheurs ou des caractères quelque peu anguleux, qui collaborent certes, même avec beaucoup de flamme, mais qui ne se rendent pas totalement compte de ce qu’on attend d’eux. C’est souvent l’attitude de l’enfant en eux qui peut rester. Chez Paul, c’est se vanter, se présenter comme modèle. Il s’admire, mais dans le Seigneur. Il voit en lui l’œuvre de la grâce et il s’imagine être un chef d’œuvre de la miséricorde divine. Il croit ainsi mieux témoigner du Seigneur et il ne veut rien d’autre en fait. Il est comme l’élève modèle qui maîtrise depuis longtemps les simples lettres que les autres dessinent et qui, à la place, peint dans son cahier un beau dessin. Il pense ainsi faire un cadeau à l’instituteur. Paul est convaincu que se vanter ainsi est pour la plus grande gloire de Dieu. Il le fait totalement à l’intérieur de la foi. Il pense que la plus grande gloire de Dieu consiste en ce que lui fasse davantage et non que Dieu soit plus. Il est comme quelqu’un qui a été guéri miraculeusement et qui, pour l’honneur de Dieu, montre à tout le monde ses membres guéris. Saint Ignace est d’avis qu’on devrait cacher tout cela, moins se montrer soi-même et montrer plutôt Dieu seul (Journal 1323).

 

63. Une discussion dans le ciel

Adrienne assiste à une étrange discussion (au ciel) entre Ignace et Paul. Adrienne dit qu’elle s’était sentie très mal à l’aise lors de cette scène; elle avait dit à Ignace qu’elle ne faisait quand même pas partie de leur monde : est-ce qu’ils ne pourraient pas arranger les choses entre eux? Ignace répondit : ils ne se seraient sûrement pas querellés en sa présence si elle n’avait pas eu quelque chose à en apprendre. Ignace reprochait à Paul d’ignorer la Mère du Seigneur : cela provient de sa mâle fierté. Il se montre toujours lui-même en tant qu’homme; au fond il ne connaît pas la femme. Il n’a jamais vraiment été amoureux, et cela se paie. Il doit avoir existé dans la vie l’un ou l’autre toi qui ramollit la dureté de l’homme, qui jette un pont vers Dieu. Si un religieux, durant toute sa formation, n’a connu que Dieu et lui-même, sans avoir rencontré un véritable ami ou une femme, il aura l’attitude de celui qui n’a jamais d’yeux que pour les hauteurs, sous un angle qu’il peut à peine faire comprendre aux autres. Adrienne, qui entend cela, demande à Ignace, très gênée, s’il n’aime pas Paul. Réponse : naturellement je l’aime et le vénère, mais quand nous ferons “Paul”, il nous aidera à comprendre et à décrire “Paul aujourd’hui” (Journal 1394).

 

64. Le contraste entre Jean et Paul

Adrienne voit le contraste entre Jean et Paul. Elle voit chez Paul un danger beaucoup plus grand qu’il se perde dans ce qui lui est personnel. Car Paul s’entraîne en quelque sorte au travail de la perfection. Il est comme un alpiniste qui, même si le sommet est dans la brume, emporte avec lui la satisfaction de son excursion : je l’ai vaincu. Et puis il y a un certain sentiment d’enchantement de la hauteur qu’on n’a pas en bas. Une vitalité particulière. Dans la vie spirituelle, il est facile de donner à ce sentiment le nom de grâce et de ressentir dans le fait d’être en haut le mérite de la montée. Chez Jean, le mérite joue un rôle beaucoup moindre. Chez lui, ce qui est méritoire s’épuise peut-être dans la réponse qu’il donne. Mais celle-ci aussi est vécue totalement comme grâce. Paul, par contre, s’exerce moins à dire oui qu’à collaborer. Les deux ont leur orientation, leur point de vue. Les deux sont saints et ont le droit d’être comme ils sont. Mais il serait peut-être bon de ne commencer une vie paulinienne qu’après avoir mené une vie johannique. Le cadre, c’est Jean qui devrait le donner, et l’aspect paulinien pourrait ensuite le remplir sans danger. Adrienne voit des hommes, des religieux, des prêtres, qui y sont allés trop vite : comme si Paul était une recette en raison de laquelle on possède déjà tout. Par une étude exclusive de Paul, il est facile de se donner de l’importance et de s’éloigner de Dieu, de se construire un Dieu qui nous justifie nous-mêmes. La faute n’en revient pas à Paul mais à ceux qui l’isolent du contexte (Journal 1559).

 

65. Le jouet

Paul souligne le fait qu’il est le jouet de l’Esprit. Il veut qu’on le comprenne. Cela fait partie en quelque sorte de sa manière de se vanter (Journal 1564).

 

66. L’humour

Pour les apôtres, le parler en langues du jour de la Pentecôte vint d’une manière tout à fait inattendue et ils se sentirent alors inondés par l’amour. Ils étaient contents du don reçu et ils ne firent rien pour l’accroître. Ils avaient l’ingénuité de ne pas s’en mêler. A Corinthe, il y a déjà un peu de curiosité et le souci de se ‘laisser gagner’ ; cest vraiment l’Esprit, mais légèrement mal employé; ils sont aussi sans aucune direction, ils ne savent pas où est la mesure… On aurait pu sans doute les corriger avec un peu d’humour, mais Paul justement n’a pas beaucoup d’humour (Journal 1564).

 

67. Damas

Ce que Paul a vécu dramatiquement à Damas se produit aussi sans bruit dans mainte vie chrétienne. Dieu enlève les résistances et met à la place grâce et mission (Journal 1579).

 

68. Jean et Paul

(Sur Ep 1,15-16). Jean a vu en quelque sorte la communion céleste des saints. Paul en a connaissance. La vision ne commence chez lui que là où l’absolu devient visible ici-bas. Il est beaucoup plus intellectuel que Jean. Jean commence par ce qui est sensible pour prolonger jusque dans le ciel. Tandis que Paul commence au ciel par le spirituel et il voit ensuite ce qu'on peut projeter de la terre au ciel. Jean a une certaine perception de ce qui est sensible que Paul ne possède pas; celui-là sent avec tout l’appareil de ses sens, celui-ci discerne avec précision tout ce qui est idées; il peut reculer d’un pas pour contempler ce qu’il a fait. Ni Jean, ni Adrienne ne peuvent faire ce pas, ils sont trop insérés dans ce qui se passe. Ils ne savent vraiment pas ce qu’ils ont fait et ils ne veulent pas le savoir non plus. A la fin de sa vie, Jean est incapable de jeter un coup d’œil rétrospectif sur ce qu’il a accompli, il aurait trop peu à en dire, il ressent toute son œuvre comme quelque chose qui est en train de se faire. Paul ne cesse de conclure; à la fin, il pourrait décrire exactement toute son œuvre (Journal 1894).

 

69. Un fruit

Quand Paul ne cesse d’évoquer le souvenir des Éphésiens et de rendre grâce pour eux (Ep 1,16), il s’adresse alors à des convertis pour en faire des apôtres à sa suite en leur communiquant une connaissance plus profonde de ce qui est chrétien, en instruisant une foi déjà présente. Son attention a été attirée sur les Éphésiens justement parce que déjà ils croient et ils aiment, et il espère en tirer un fruit pour le royaume du Christ (Journal 1895).

 

70. Un ardent

Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur, sans exhibition. Ce qui attire leur attention, c’est uniquement ce que le Seigneur fait, non ce qu'ils font eux-mêmes. Mais Paul déjà doit faire l'expérience de naître de Dieu d'une manière beaucoup plus violente afin que la foi ecclésiale ne s'embourgeoise pas. Paul doit être un ardent afin que ce qui semblait naturel pour les premiers disciples ne dégénère pas en tiédeur mais garde à tout instant le caractère de la décision (Journal 2042).

 

71. Des révélations

Paul a certes l'avantage d'être apôtre, et ses révélations sont d'un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l’Église. Cependant le mystère qui lui est montré n'est pas épuisé par ce que Paul en dit; plus tard Dieu peut à nouveau en rendre visibles d'autres parties, non plus certes avec l'autorité de l'apôtre, si bien que l’Église aura compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire pour l'apôtre (Journal 2087).

 

72. Parler en langues

(Sur 1 Co 14,23). Paul voit la possibilité que toute une communauté parle en langues. On ne peut pas supposer alors que seuls ceux qui sont sans péché reçoivent ce charisme; les pécheurs aussi le reçoivent, peut-être justement pour qu'ils reconnaissent leur état de péché. Si toute une communauté parle en langues, ce devrait être pour elle comme une sorte de purgatoire (Journal 2104).

 

73. Le zèle

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur mission de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle. Ils montraient par là aux charismes ultérieurs ce que veut dire avoir une mission et combien celle-ci fatigue l'homme et le réclame et le rend responsable. Quand Paul parle du Seigneur - déjà à une certaine distance des évangélistes, étant donné qu'il n'a pas fait l'expérience de la vie terrestre du Seigneur -, il le fait à partir de l'expérience quotidienne qui est la sienne ; il porte en lui la parole… Cela ne lui fait rien de ne pas saisir et de ne pas transmettre la parole en relation avec la chronologie terrestre de la vie de Jésus; il le fait selon les besoins de sa mission (Journal 2242).

 

74. Pierre et Paul

Dans l’Église, Pierre représente, vis-à-vis de Paul, ce qui est établi. Il est tête de l’Église, il rassemble l’Église en lui et cela selon les exigences du Seigneur à son endroit. Dans la communauté, il a sa solide position; il n'usurpe pas la direction, il l'a reçue du Seigneur, il a le ministère, il l'a d'une part comme pape, d'autre part en tant qu'il est cet homme tout à fait déterminé. - Paul pénètre dans cette structure établie comme le représentant de ce qui est toujours nouveau. Il y pénètre parce qu'il a été amené à la foi et reçu dans l’Église, mais il apporte avec lui sa propre mission, qui est très importante. Il fait partie de sa mission qu’il a été frappé par la grâce comme par la foudre. Il apporte avec lui toute son intelligence, la force de sa personnalité et, en plus, toute sa mission (fort incommode) qui se réjouit d'être accueillie dans ce qui est établi et de l'enrichir ; mais il doit faire là l'expérience que ce qui est établi possède un certain droit de priorité. Au pur ministère de Pierre se rattache aussi la personnalité de Pierre, d'autre part l'excès de zèle du converti de fraîche date est propre à Paul, ce qui est humain entre les deux prend aussi la coloration du trop humain. Il y a dans l'infini de l’Église humaine des points de friction. Par son entrée dans l’Église, Paul incarne la sainte véhémence, on pourrait dire la mission à l'état brut, parce qu'elle n'a pas encore été polie par l’Église, qu'elle vit de l'absolu, tandis que l’Église ministérielle attribue sa place à ce qui est conditionnel. Mais Pierre et Paul s'associent, ils sont fêtés au ciel dans une fête unique. Ils vont ensemble. Dans la joie d'être ensemble, il y a pour les deux un renoncement. Pierre, en face de Paul, doit renoncer à être pleinement Pierre, et inversement. Le caractère vivant de ce sacrifice se trouve caché d'une certaine manière en toute vie chrétienne, dans le choc entre cette existence à deux et cette existence tout seul que les deux provoquent quand ils se heurtent à l'intérieur de l'unique Église (Journal 2265).

 

75. L’activiste de la grâce

Paul parle de sa perfection dans l'esprit d'un homme qui fait des efforts, mais qui sait qu'il doit supprimer tout ce qui le sépare du Seigneur. C'est un activiste de la grâce (NB 11, p. 444).

 

76. Se tourner vers Dieu

Paul est sur le chemin de Damas, sur un chemin qui l'éloigne de Dieu ; Paul fuit. Puis la voix : Paul se convertit, il ne vit plus de la vie qu'il avait auparavant, il est maintenant devenu si fort qu'il peut mettre un terme à sa fuite et se tourner vers Dieu plus rapidement qu'il ne fuyait. On fait en Paul l'expérience d'un miracle d'incarnation (NB 12, p. 254).

 

*

 

C

 

Un message des apôtres

Plan

Introduction

I. La prière des apôtres

II. L'attitude intérieure des apôtres

III. L'attitude de confession des apôtres

IV. Les relations des apôtres avec Jésus

V. Les évangiles et l'Apocalypse

VI. Paul

Table des matières

 

Introduction

 

1. Le message des apôtres

Le message des apôtres, c'est le Nouveau Testament, c'est-à-dire les évangiles, les Actes des apôtres, leurs lettres. l'Apocalypse. L'essentiel est là, mais on n'a jamais fini de chercher à comprendre les mystères de la révélation de Dieu. Comment les apôtres ont vécu tous ces événements, nous en savons peu de choses par les Écritures. L’œuvre d'Adrienne von Speyr peut nous permettre d'en savoir un peu plus.

 

2. Le livre de tous les saints

Le livre de tous les saints d'Adrienne von Speyr est une voie possible pour approfondir les choses. Voici comment le Père Balthasar présente ce livre dans Adrienne von Speyr et sa mission théologique (p. 58-61. Traduction P.C.) : "La mission d'Adrienne pour l'Eglise d'aujourd'hui est essentiellement de revivifier la prière, pas seulement la prière communautaire, mais aussi la prière personnelle. Un aspect particulièrement beau de sa mission fut de nous mettre sous les yeux le "monde de la prière" non seulement en propositions abstraites, mais dans des tableaux concrets. Adrienne a pu jeter un regard sur la prière d'un grand nombre de saints. Ce n'est pas par hasard que sa conversion a eu lieu le jour de la Toussaint. Elle a dit un jour que les saints étaient comme la "traîne de la Mère de Dieu", ce qui voulait dire en clair que toute la sainteté et toute la prière des saints rayonnent à partir du point le plus intime du oui de Marie (Marie et l'Eglise) à la Parole de Dieu. - La plus grande des grâces reçues par Adrienne fut une disponibilité totale. C'est cette grâce qui lui permit de voir de l'intérieur et de décrire la prière d'un certain nombre de saints et toute leur attitude devant Dieu, et non seulement d'un certain nombre de saints mais aussi d'un certain nombre de croyants. Il ne s'agissait que de défunts, car tant que les personnes sont en vie, elles demeurent libres de modifier leur relation à Dieu ; tant qu'elles sont sur la terre, il n'est donc pas possible d'avoir une vue d'ensemble de leur relation à Dieu. - Pour apprécier comme il convient ce charisme extraordinaire, il faut faire appel une fois encore à la notion de confession ; et pour les habitants du ciel, il faut faire appel à la notion de totale transparence des saints entre eux. Si on juge ces saints sur le point du oui absolu à Dieu, tous ne sont pas totalement égaux en sainteté. Par ailleurs, certains saints, des stigmatisés par exemple, qui passent communément pour saints sans avoir jamais été canonisés par l'Eglise, furent en fait des imposteurs. Plusieurs cas de ce genre sont décrits par Adrienne. Les saints authentiques, eux aussi, ont souvent leurs défauts. Ils sont décrits dans Le livre de tous les saints, au tome I, mais de plus, pour certains d'entre eux, Adrienne dut mesurer leur degré de disponibilité en passant par des exercices d'obéissance : le tome II du Livre de tous les saints en rend compte. Le facteur "confession" intervient ici en ce sens que le dévoilement de la perfection a plus d'importance que la dissimulation de l'imperfection : c'est pourquoi les saints qui sont au ciel ne craignent pas de révéler quelques-unes de leurs opacités de jadis pour contribuer à la totale transparence de l'Eglise à l'égard du Christ. Mais ceci est secondaire comparé à l'extraordinaire plénitude de lumière et à la diversité étonnante des formes de prière qui se dégagent de ces quelque deux cent cinquante portraits. Pas un cliché, pas un lieu commun, pas une répétition. De chaque saint est esquissé un portrait rapide qu'on ne peut confondre avec aucun autre. - Au début, il arrivait que, la nuit, dans ses heures de prière, Adrienne voie un saint qui lui montrait son attitude de prière ; elle m'en parlait dans les jours qui suivaient et j'en prenais note. Elle ne savait pas toujours exactement de quel saint il s'agissait. Un jour, elle me dit : "Cette nuit, j'ai vu Grégoire". Je demandai : "Quel Grégoire?" Elle ne le savait pas. Sa description montra clairement qu'il s'agissait de Grégoire de Nazianze comme tout spécialiste de la patristique pourra me le confirmer. Plus tard, alors que nous étions en train de travailler en pleine journée, je pouvais lui demander n'importe quel saint. C'est ainsi que, dans une large mesure, le choix des personnages dépend de moi ; parmi eux, il y eut aussi des non canonisés : de grands artistes, des rois, des protestants. Une courte prière "transportait" Adrienne dans l'extase d'obéissance ; à la fin, une courte prière la ramenait en ce monde. Tout s'accomplissait dans le plus grand calme et la plus grande discrétion. Entre deux descriptions, elle pouvait passer les commandes du ménage, prendre du thé, recevoir des visites, etc. De plus, pendant l'extase elle-même, quand Adrienne avait achevé sa description, il était possible de poser des questions complémentaires qui recevaient une réponse. - Beaucoup de ces portraits furent tout différents de ce que j'attendais. Souvent je n'avais rien attendu parce que je ne connaissais guère que le nom des sujets en question. Ou bien, dans le livre de Herbert Thurston sur les phénomènes corporels d'accompagnement de la mystique (ce livre, paru en 1956, est fort insuffisant au point de vue théologique), j'avais lu la description de quelques épisodes de la vie de Marie de la Visitation, née à Lisbonne en 1541 ; je ne la connaissais pas du tout ; Thurston disait légèrement que c'était une religieuse qui trompait son monde et sa description ne me paraissait pas fournir un tableau crédible. J'interrogeai Adrienne et elle m'esquissa un tableau intérieur qui mettait toute chose à sa juste place et rendait tout transparent. Il ne pouvait être question d'une suggestion inconsciente de ma part. - Le Livre de tous les saints est un cadeau merveilleux fait à l'Eglise parce qu'il montre comment les saints ont prié et parce qu'il invite à prier personnellement comme par contagion. Parmi les personnages qui ont été traités figurent aussi les apôtres et bien des membres de l'Eglise primitive ; dans son petit livre La mission des prophètes, paru en 1953, Adrienne a traité aussi de la même manière des personnages de l'Ancien Testament".

 

Ce n'est pas seulement Le livre de tous les saints qu'il faut ouvrir. Dans les œuvres posthumes d'Adrienne se trouvent d'innombrables compléments concernant la vie intime des saints en présence de Dieu. Il faudrait aussi poursuivre l'enquête dans toute l’œuvre d'Adrienne

 

3. Benoît XVI et les révélations privées

Benoît XVI nous a livré quelques réflexions sur les révélations privées dans son exhortation apostolique Verbum Domini sur la Parole de Dieu (§ 14). Il rappelle d'abord qu'il faut bien distinguer la Parole de Dieu des révélations privées. Il situe ensuite ces révélations privées par rapport à cette Parole : "Le rôle des révélations privées n'est pas de compléter la révélation définitive du Christ, mais d'aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l'histoire". Benoît XVI cite alors le Catéchisme de l'Eglise catholique (n. 67). Et il ajoute : "Le critère pour établir la vérité d'une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se montre crédible précisément parce qu'elle renvoie à l'unique révélation biblique".

Une précaution à prendre devant ce qui se présente comme une révélation privée, c'est de s'assurer qu'elle bénéficie de l'autorisation ecclésiastique : cette approbation "indique essentiellement que le message s'y rapportant ne contient rien qui s'oppose à la foi et aux bonnes mœurs". Approuvée par l'autorité ecclésiastique, la révélation privée peut alors être rendue publique, "et les fidèles sont autorisés à y adhérer de manière prudente".

La révélation privée qui ne contient rien qui s'oppose à la foi et aux bonnes mœurs peut n'avoir en fait qu'un intérêt relatif. Mais elle peut aussi, comme le dit Benoît XVI, "introduire de nouvelles expressions, faire émerger de nouvelles formes de piété ou en approfondir d'anciennes. Elle peut avoir un certain caractère prophétique (Cf. 1 Th 5,19-21) et elle peut être une aide valable pour comprendre et pour mieux vivre l’Évangile à l'heure actuelle. Elle ne doit donc pas être négligée. C'est une aide qui nous est offerte, mais il n'est pas obligatoire de s'en servir. Dans tous les cas, il doit s'agir de quelque chose qui nourrit la foi, l'espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut".

 

4. Un message des apôtres

Les apôtres (et les évangélistes) étaient aux premières loges pour recevoir la révélation apportée au monde par Jésus-Christ. Ils ont vécu jour après jour en sa compagnie, ils ont dû progresser peu à peu dans l'intelligence de ce qui leur arrivait. Tout cela est gardé dans la mémoire de Dieu, et l'Esprit Saint peut en communiquer quelque chose au monde quand le temps est venu. "Dieu possède la totale liberté de partager de la manière qui lui plaît et à l'heure qu'il choisit des mystères, des secrets, qu'il n'avait pas encore communiqués" (AvS).

 

Presque tous les textes présentés ci-dessous sont des paroles d'Adrienne dites en extase ou après une extase, ils n’ont pas encore été publiés en français.

 

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Pour les références :

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) : 1. Das Allerheiligenbuch (Le livre de tous les saints = NB I), en deux volumes - 2. Das Fischernetz (Le filet du pécheur = NB II). - 3. Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer I = NB III). - 4 Kreuz und Hölle (La croix et l’enfer II = NB IV). - 5. Subjektive Mystik (Mystique subjective = NB V). - Objektive Mystik (Mystique objective = NB VI). - 7. Geheimnis der Jugend (Le mystère de la jeunesse = NB VII). - 8-10 Tagebuch (Journal = NB VIII, IX, X). - 11. Ignatiana (Notes ignatiennes = NB XI). - 12. Theologie des Geschlechter (Théologie des sexes = NB XII).

 

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I

 

La prière des apôtres

 

Plan : Pierre - Jacques, fils de Zébédée - Jean - Jacques, fils d'Alphée - Jude - Philippe - Thomas - Barthélemy - Simon le zélote - Matthieu - Matthias - Judas - Paul - Marc - Luc

 

1. La prière de Pierre

Chez lui, elle est vite décrite : "Seigneur, tu sais que je t'aime". C'est là au fond toute sa prière. Il a certes aussi le "Notre Père" que le Seigneur lui a donné, mais sa véritable prière, c'est justement cette manière de se donner lui-même au Seigneur. Il y a toujours dans sa prière comme un choc : au fond il n'a aucune prière où il ne se souvient pas de son reniement. Il sait qu'un jour il a cru qu'il aimait et il n'en était rien. Il pressent aussi ce que le Seigneur a dû prendre sur lui pour que son amour soit vrai (NB 1/1,321-322).

 

2. La prière de Jacques, fils de Zébédée

La prière de Jacques est excellente. C'est une prière qui l'accompagne en toutes choses et en tout travail. Il demeure constamment prêt à répondre, il est toujours disponible, il n'est pas loin de vivre dans une prière ininterrompue (NB 1/1,323-324).

 

3. La prière de Jean

Jean apprend sa prière directement du Seigneur. Il adore le Père, mais par le Fils et avec lui. Il est un modèle pour la prière chrétienne parce qu'il reçoit les paroles de Jésus avec tant d'amour qu'il les reçoit comme des paroles priées. Il comprend que le Fils est constamment occupé à converser avec le Père et que, quand Jésus parle avec lui, il l'invite par ses paroles à participer à sa prière et à sa conversation. Même quand Jésus n'est pas là, il lui est présent par la parole qui demeure en lui et qui ne perd pas son contenu. Par cette prière constante, qui provient de sa relation personnelle d'amour avec le Seigneur, il trouve accès à un état de contemplation. Par le Fils, il a part aussi à sa contemplation du Père. Ainsi il n'est pas difficile de lui montrer l'Apocalypse parce que, par le Christ, qu'il connaît en tant que Dieu et en tant qu'homme, il s'est habitué à trouver Dieu dans l'homme et à voir s'accomplir en l'Homme-Dieu le saut du ciel à la terre. Son indifférence (intérieure) lors de sa vision est fondée dans le Christ qui est le centre. Quand il le regarde, quand il parle avec lui, quand il est avec lui à table, il sait qu'il ne possède aucune mesure d'ordre humain pour limiter le Fils. Aussi n'est-il pas étonné quand il lui est fait cadeau de l'Apocalypse qui lui donne une nouvelle participation à la vision du Fils. Il ne lui est pas difficile de voir des choses auxquelles il avait cru auparavant, pour lesquelles il n'avait ni concept ni représentation, mais dont il savait dans la foi que c'était le monde céleste du Fils (NB1/1,324-325).

 

4. La prière de Jacques, fils d'Alphée

Sa prière est fidélité. Il se retient de se laisser emballer par la prière. Il se tient si bien en main, il s'observe si bien - il croit devoir le faire pour lui-même et pour Dieu - que sa prière en perd d'être simplement directe. Elle demeure nettement un service, elle n'a pas précisément beaucoup de ferveur, ni de grande intensité. Il prie beaucoup, mais toujours en se contrôlant. Et là où le Seigneur voudrait l'entraîner un peu avec lui, il serait peut-être pourtant méfiant parce qu'il ne saurait plus exactement comment cela va se passer (NB 1/1,337-338).

 

5. La prière de Jude

Il prie bien et beaucoup, surtout des prières de demande. Quand quelqu'un a failli, c'est lui qui prie le plus pour lui et il demande pardon en son nom. Sa prière va beaucoup plus du bas vers le haut qu'à l'inverse. Il est une bête de somme qui se charge de fardeaux et qui les porte à Dieu (NB 1/1,335).

 

6. La prière de Philippe

Sa prière est certes bonne, mais fort orientée vers le côté pratique. Il prie beaucoup pour discerner comment il doit appliquer, réaliser, l'enseignement du Seigneur. Il a aussi un mode de contemplation tout à fait pratique. Il ne se perd pas dans une adoration de Dieu qui, pour lui, réside dans un ciel obscur ; quand il s'adresse au Seigneur, il a toujours tout de suite quelque chose à lui demander. Dans sa prière, il ne contemplera jamais Dieu Trinité, il contemplera le Seigneur avec ses besoins terrestres du temps qu'il était homme, et comment ces besoins, qu'il n'avait pas au ciel, lui ont été donnés, à lui comme à nous, en dernier ressort surtout pour que nous apprenions à régler nos besoins sur les siens, à ne pas leur donner plus d'importance que lui (NB 1/1,327-328). - Philippe demande au Seigneur : "Montre-nous le Père!" A chaque mot de l’Écriture Sainte, nous pourrions nous écrier : "Montre-nous le Père!" Il vaut mieux exprimer ce cri et recevoir ensuite la réprimande du Fils que de ne rien dire du tout. Beaucoup se sont tellement habitués à la lecture de l’Écriture qu'ils n'y voient plus ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit (NB 10,2319).

 

7. La prière de Thomas

Il ne peut plus prier assez. Toujours en partant du miracle qu'il y a un Seigneur et que vraiment il fait sauter toutes les lois. Sa prière a son point de départ dans l'infinie grandeur de Dieu et dans ses possibilités infinies. C'est une prière de l'amour, mais toute différente de celle de Jean. Jean dialogue, Thomas est seulement inondé. Chez lui, il est à peine question d'une réponse bien que son attitude soit quand même plus qu'une réponse (NB 1/1,339-340).

 

8. La prière de Barthélemy

Sa prière est abondante, copieuse, parce qu'elle a part à cette certitude dont il a besoin pour les autres. Il n'a rien d'un scrupuleux, mais il est très exact dans sa prière. Il ne se laisse rien passer, et il prie beaucoup ; dans sa prière, il voit totalement ses demandes et son adoration à la lumière de la Vérité. Il adore le Seigneur avant tout comme la Vérité. Il est heureux en quelque sorte d'avoir dans le Christ le terme de toute question, la réponse valable et suffisante une fois pour toutes (NB 1/1,328-330).

 

9. La prière de Simon le zélote

Son attitude de prière est comme son attitude de confession. Il veut prier. Mais il commence à peine qu'il pense déjà à nouveau à ses actions. Pour cela, il est rempli de trucs pratiques. Il sait bien ce qu'on pourrait faire pour ne pas être distrait dans la prière mais, pendant qu'il y réfléchit, il ne voit pas que c'est déjà une distraction. Plus tard, quand il s'est calmé, il souffre un peu de ce calme. Au fond, il préférerait s'activer (NB 1/1,340-341).

 

10. La prière de Matthieu

Sa prière est naïve et bonne. Le plan de la prière se trouve chez lui placé pour ainsi dire beaucoup plus haut que celui de la vie. Dans la vie, il voit toujours l'ensemble de ce qu'il fait ; dans la prière, il se sent entraîné vers quelque chose de mystérieux dans le Fils, vers la divinité du Fils, vers le Père et vers l'Esprit. Il pense toujours que le tournant dans sa vie lui apportera un jour une confirmation de sa prière. Il voit trop peu que dès aujourd'hui il devrait intégrer sa vie dans sa manière de prier. Sa prière est un peu isolée. Il ressemble à quelqu'un qui dirait : "Chaque matin je prie pendant une heure. C'est merveilleux ! C'est le sommet de ma journée ! Si je n'avais pas cela, je ne sais pas comment je supporterais l'ennui du reste du temps !" Le grand tournant, il ne l'attend pas seulement pour lui, il l'attend aussi pour le Seigneur. Il pense que le Fils de Dieu a pris sur lui les formes étroites de la vie terrestre, mais qu'il va bientôt les abandonner pour une autre forme de vie, meilleure, et qu'il va l'appeler de nouveau à participer à cette forme meilleure, comme autrefois il l'a appelé à quitter son poste de publicain. Son attente n'est pas fausse mais elle est trop naïve, elle est la traduction subjective d'une plus grande attente intime de la grâce en lui. La joie de cette attente est là sans aucun doute, et le Seigneur dilate peu à peu cette joie pour en faire la grande joie chrétienne; il part toujours des conceptions humaines de ses apôtres. Mais parfois aussi il les laisse à la merci de leur traduction : leur attente est claire pour eux, ils traduisent ainsi l'attente plus grande du Seigneur dans la forme de leur propre attente qu'ils peuvent s'imaginer. Et c'est justement aussi, par des traductions de ce genre, que l'évangile participe à la vérité toujours plus grande de Dieu et qu'il fait apparaître son absolu dans notre relativité. (NB 1/1,333-334).

 

11. La prière de Matthias

Sa prière est très fidèle et très aimante. Il se donne bien du mal pour ne pas être dans la prière celui qui pourrait trahir. Il connaît là de petits retours sur lui-même, mais on ne peut pas dire qu'il s'occupe trop de lui. C'est la grâce de celui qui vient d'être appelé, qui ne cesse d'éprouver de l'angoisse devant tout ce que Dieu doit faire en lui pour qu'il suffise à la tâche. Mais il veut essayer ; il a un amour touchant pour le Seigneur. L'idée qu'il se fait de la grandeur de Dieu est infinie. Il est comme un petit enfant qui a peur de faire un faux pas, qui flaire partout le danger, mais qui est prodigieusement fier de la force de son père à qui il donne la main et qui peut le tenir. Son amour est tout différent de celui de Jean ; il n'a pas les yeux dans les yeux du Seigneur, mais il le regarde tout à fait de bas en haut. Il n'oserait pas appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. Cela, tout le monde n'a pas le droit de le faire. Il est content s'il lui est permis de faire ce qui est le plus bas. Quoi d'autre entrerait pour lui en ligne de compte? (NB 1/1,346-347).

 

12. La prière de Judas

La prière, il ne la connaît pas. Quand les autres prient, il blasphème intérieurement. A l'instant où il trahit le Seigneur, jaillit en lui, l'espace d'un éclair, quelque chose comme la possibilité d'une espérance. C'est la première fois qu'il pense qu'il était peut-être quand même réellement le Seigneur. Du désespoir est né quelque chose comme de l'espérance : "Si c'est le Seigneur, alors il appartient à Dieu, et alors la vérité est en lui et pas en moi". Ici il y aurait de l'espérance, car ici il serait libéré de son moi, il reconnaîtrait que Dieu a raison. On ne peut pas dire que Judas n'a pas connu cette "espérance", bien qu'il aille se pendre. La situation est de toute façon trop monstrueuse, trop brutale pour qu'il y trouve une solution pour lui. Mais il voit peut-être une solution pour le Seigneur, parce que sa trahison ne peut pas éliminer le Seigneur s'il est Dieu. Et même c'est peut-être pour cela qu'il est devenu son Seigneur ; comme les mauvais vignerons le disent : "C'est le Fils, c'est pourquoi nous voulons le tuer". Et l'espérance pour Jésus, pour la possibilité qu'il pourrait l'être réellement, est quelque part en Judas si toute-puissante qu'elle ne laisse en quelque sorte plus aucun espace à une espérance pour lui-même. Le "repentir" qui le pousse à rendre l'argent dans le temple est un fruit de cette espérance ; il ne pourrait pas manifester ce repentir s'il n'avait pas cette espérance. Et quand il se pend, c'est parce qu'il ne peut plus vivre étant donné qu'il a trahi le Seigneur ! Si l'espérance - une espérance - s'était fait jour avant la trahison, elle aurait été là aussi pour lui. Il est comme un Abraham qui a réellement tué Isaac et qui remarque après seulement que l'ange était là pour le retenir. Et ainsi Judas, son acte lui paraît si digne d'extermination qu'il s'extermine lui-même. Il ne connaît pas d'autre voie pour que ce qui a été fait n'ait pas été fait (NB 1/1,341-344).

 

13. La prière de Paul

Sa prière est fidélité. Il se retient de se laisser emballer par la prière. Il se tient si bien en main, il s'observe si bien - il croit devoir le faire pour lui-même et pour Dieu - que sa prière en perd d'être simplement directe. Elle demeure nettement un service et elle n'a pas précisément beaucoup de ferveur, de grande intensité. Il prie beaucoup, mais toujours en se contrôlant. Là où le Seigneur voudrait l'entraîner un peu avec lui, il serait peut-être pourtant méfiant parce qu'il ne saurait plus exactement comment tout cela se passe (NB 1/1,338).

 

14. La prière de Marc

Marc est le disciple chez qui la différence entre attitude intérieure et attitude de prière est peut-être la plus grande. Dans la prière, il se laisse conduire ; il est très guidé et il n'a pas besoin de s'occuper de lui-même. Chaque fois qu'il se retire pour prier, c'est comme s'il était libéré de tous ses soucis, presque de tout son être. Il n'a pas besoin de lutter, de chercher et de défendre une position ; sa prière est libre, pure, elle est un cadeau. Et il prie beaucoup. Il prie comme un enfant, en toute simplicité et naïveté, sans réfléchir longuement aux mots qu'il va utiliser ou à ce qu'il va dire précisément. Il ne lui est pas inspiré grand-chose non plus dans la prière, tout se déroule à un niveau très modeste (NB 1/1,349).

 

15. La prière de Luc

Il prie beaucoup. Et très modestement, très exactement ; sa prière est très liée à ce qu'il dit. Il prie un peu comme on exécute un travail scientifique, comme un médecin. Il y a un système dans sa prière. Elle se déploie comme une histoire de malade : du constat des symptômes au diagnostic et au traitement. Tout ce qu'il voit est pour lui une occasion de prière. Il est peut-être le disciple qui prie le plus pour l'apostolat et pour les apôtres, et qui assume aussi dans sa prière leurs soucis privés et leurs désirs et leurs prières. Il est aussi un peu celui qui exhorte les autres, mais avec une humilité infinie, et non sans avoir d'abord tout présenté à Dieu. Il est très dépendant de Paul ; mais il ne va jamais jusqu'au bout de sa réflexion au sujet de sa relation personnelle aux apôtres. Il n'y prend peut-être pas particulièrement plaisir, mais il n'y réfléchit pas. Il est adjoint à Paul, il lui est subordonné, il note tout et fait tout ce qui est à faire ad majorem gloriam Pauli. Dans sa contemplation, il part toujours du Seigneur, tel qu'il le connaît. Quelque chose qu'il connaît, qui le préoccupe, qui peut être utile : c'est là qu'il commence. Et de là il entre dans la contemplation. Celle-ci également a quelque chose de très ordonné, presque de scientifique (NB 1/1,352).

 

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II

 

L'attitude intérieure des apôtres

 

Plan : Pierre - André - Jacques, fils de Zébédée - Jean - Jacques, fils d'Alphée - Jude - Philippe - Thomas - Barthélemy - Simon le zélote - Matthieu - Matthias - Judas - Paul - Marc - Luc

 

16. L'attitude intérieure de Pierre

Beaucoup de zèle. Il voudrait toujours ce que le Seigneur veut. Mais il ne le peut pas très bien. Il fait partie de ces tempéraments qui veulent beaucoup de choses, mais qui ne cessent d'éprouver de l'angoisse pour toute responsabilité nouvellement assumée. Une angoisse qui est physique pour une large part. Pierre serait heureux si l'enseignement du Seigneur et la marche à sa suite étaient quelque chose de bien précis où on savait à quoi s'en tenir, où ne tomberait pas sans cesse sur des chemins impraticables et où on ne devrait pas mener, humainement parlant, comme une existence marginale. Quand il renie le Seigneur, c'est avant tout par angoisse physique ; il craint pour lui-même. De plus il ne voit pas bien son ministère ; à ce sujet, il a toujours le sentiment qu'il devrait comprendre quelque chose qui lui échappe. Chaque fois qu'il se met à examiner les choses, il perd courage intérieurement. Il espère secrètement que le Seigneur portera ce qui est le plus lourd de sorte qu'il ne restera pour lui qu'une espèce de minimum ; il est prêt à tout faire pour le Seigneur et à l'aimer, mais il voudrait avoir pour cela une certaine assurance qu'il sera épargné. Comme si, avant la croix, il ne pouvait se résoudre à un oui total. Après, quand il aura fait l'expérience de la grâce de la croix, ce sera différent. Il voit les nombreux miracles du Seigneur et il se sent dépassé de toutes parts. Mais il a cependant toujours le sentiment que de lui, Pierre, on ne peut attendre plus que le fait de se tenir auprès du Seigneur dans le respect et l'amour, et de l'aider un peu. Lors du miracle des cent cinquante-trois poissons, il comprend très bien qu'il est visé personnellement, que la croix n'a pas eu seulement pour effet de sanctifier le groupe des apôtres dans son ensemble, d'en faire des hommes qui suivent le Christ, mais que lui-même doit commencer à le suivre d'une manière toute personnelle et que désormais aucune défaillance ne lui est plus permise. Déjà pendant la passion il devine que son désir angoissé d'être ménagé n'est plus de mise. Et cela parce qu'il éprouve quelque chose de l'angoisse réelle du Seigneur. Non pas comme Jean, qui y participe avec l'amour d'un ami, mais d'une manière tout objective. Et quand plus tard il voit venir sa propre mort (il sait maintenant qu'il sera crucifié), il comprend alors non seulement qu'il peut servir le Seigneur par son martyre, mais qu'il peut aussi expier par là toute sa fausse angoisse d'autrefois dans un authentique dépassement de sa vie chrétienne. Il sait aussi qu'il collabore à l'expiation pour toute l'Église. C'est avec les cent cinquante-trois poissons qu'il a le mieux compris qu'il est visé personnellement ; et c'est quand la croix lui est promise qu'il comprend le mieux que l'Église est visée dans son engagement personnel : il n'est pas séparable d'elle, de sorte qu'en expiant pour lui-même il expie dans l'Église et il ne peut plus "se permettre" personnellement aucun péché parce que le ministère de l'Église en subirait des dommages (NB 1/1,321-322).

 

17. L'attitude intérieure d'André

Ce qu'il comprend du Seigneur, c'est avant tout la bonté, la douceur. Il est différent de Jean, que l'amour a tellement saisi qu'il ne peut jamais assez aimer et être aimé, qui est un solliciteur en amour. André, c'est la régularité, la douceur dans l'amour. C'est dans le calme qu'il a répondu au Seigneur et qu'il s'est confié à lui ; il demeure auprès de lui, il fait sa volonté, et tout cela dans un équilibre total, en toute sécurité, avec l'esprit le plus conciliant. Il n'accomplit pas d'exploit d'amour comme Jean, mais il accomplit des efforts réguliers, ce qui ne veut pas dire qu'il s'en tient à un minimum. Son programme consiste plutôt à rendre accessible au plus grand nombre possible de gens ce qu'il a compris ; à ses yeux, c'est peu de chose. Semer un commencement chez le plus grand nombre possible de gens. Il est très conscient que ce n'est pas plus qu'un commencement. Il reste celui qui cherche tranquillement, qui n'a pas besoin de chercher le fin fond des choses ; il ne vise pas du tout une découverte absolue, ça ne le préoccupe guère, il demeure dans une perpétuelle ouverture à tout ce qui vient, sans exiger. Il serait déjà heureux si tout le monde commençait au moins à croire et surtout si tous les hommes s'entendaient. Car ce qu'il a compris retentit fortement dans sa vie en commun avec les autres. Son attitude intérieure se caractérise peut-être le mieux par cette exigence qui élève ses relations avec son prochain. Il veut les aimer, non les dominer. Il veut purifier l'atmosphère entre les hommes (NB 1/1,325-326).

 

18. L'attitude intérieure de Jacques, fils de Zébédée

Il vit dans l'ombre de Jean comme pour souligner son amour, pour donner forme à son attitude. Il est très humble, mais aussi très aimant. Il n'est pas capable en quelque sorte de se distinguer et de jouer un grand rôle. Et pourtant il doit absolument être là. Il est comme une condition de l'existence de Jean. Lui-même ne le sait pas, il n'y pense pas et il ne l'exprime pas, mais il vit dans l'attitude de celui qui aime et qui sert, qui laisse agir son service et son amour à l'arrière-plan. Il est porté par l'amour de Jean et pourtant, de son côté, il en est une condition cachée. Il ne pourrait pas être si silencieux à l'arrière-plan si Jean ne se trouvait pas aussi rayonnant au premier plan. Il y a interaction entre les deux : un lien réciproque et la possibilité pour chacun d'accomplir son service. Il a la même fidélité que Jean, la même fermeté de la ligne. Mais, dans le collège apostolique, il fait partie déjà de ceux qui sont saints par médiation, qui suivent leur chemin par la médiation d'un autre. Il aime le Seigneur et il lui a voué sa vie, mais à l'ombre de son frère. Chacun a certes sa propre vocation. Mais la solidité de sa réponse, sa régularité, est en fonction de la vocation de Jean. Pour celui-ci, c'est comme un soulagement : son service, qui est plus grand, il peut l'accomplir avec encore plus de sûreté parce que son frère, qui a un service plus petit, est fidèle. Jean est le plus exposé, mais on ne peut pas dire que Jacques est moins nécessaire. Et de même que le "tonnerre" ébranle et déchire tout, Zébédée a tout donné : le fils brillant et celui qui est tout silencieux. Un Zébédée élevé par la grâce bien sûr dont la qualité ne devient visible que dans son action et sa fécondité. Jacques est pris avec Pierre et Jean ; dans leur groupe, il représente pour ainsi dire l'anonyme, mais absolument fidèle. Il est simplement le compagnon en qui on peut avoir confiance comme serviteur (NB 1/1,323).

 

19. L'attitude intérieure de Jean

Chez lui, tout vient de l'amour. Son attitude intérieure ne connaît aucune fluctuation ; elle se tient toujours au centre, dans l'amour. Son amour grandit au fur et à mesure que s'accroît sa connaissance de l'amour. Il aime sans partage d'une manière qui correspond chaque fois à son état intérieur. Depuis son premier appel, il avance dans l'amour. Plus il lui est permis d'aimer, plus il s'ouvre à l'amour. Toujours plus de choses en lui sont illuminées et développées par l'amour de Dieu et ainsi l'amour le dilate toujours davantage. L'amour devient pour lui toujours plus naturel, mais il n'est jamais installé ni routinier, il demeure toujours un don de soi plus total. Il aurait été prêt dès le début pour la vision de l'Apocalypse, cependant le Seigneur a voulu laisser se développer son amour et sa disponibilité jusqu'à la plénitude de ces visions (NB 1/1,324).

 

20. L'attitude intérieure de Jacques, fils d'Alphée

On lui doit la Lettre catholique. Son attitude intérieure est très droite et peu sujette à des fluctuations. Si jamais il lui arrive une faiblesse, une défaillance humaine, il éprouve aussitôt le besoin d'en tenir compte, de ne pas la laisser se perdre, de l'intégrer dans la doctrine, d'apprendre par elle à mieux connaître les hommes. Il a une rapidité étonnante à saisir les insuffisances humaines. Il ne se dore pas la pilule. Ce qu'il a fait en bien et en mal, il ne le considère pas avec satisfaction, mais avec l'objectivité de l'examinateur. Il est pour lui-même une grande expérience chrétienne : c'est comme s'il sentait continuellement toute son humanité dans le jeu de la grâce. C'est son sens de la responsabilité qui le fait sentir ainsi. Il y a là un fragment de vérité qui doit être connu. Pour mesurer la distance, il saisit ses voies, ses actions et ses réactions en remontant chaque fois de la fin d'une action à son point de départ ; il oscille de-ci de-là, moins en lui-même que dans la grandeur de Dieu afin de mieux comprendre pour lui-même et pour les autres. Ce contrôle s'effectue totalement dans l'amour de Dieu et lui fait constamment ressentir la présence de Dieu. Il n'oublie jamais et il ne veut jamais oublier qu'il se trouve dans le rayon d'action de Dieu. Dans l'espace de cette lumière clarifiante de Dieu, il ne se met jamais lui-même en lumière, c'est ce qui le distingue de Paul. Paul apparaît de par la lumière de Dieu, il met en lumière sa personne. A aucun moment il ne vient à l'idée de Jacques qu'il devrait s'exposer, attirer l'attention sur sa personne pour retourner ensuite à l'objectivité de Dieu. Paul fait souvent ce pas : "Regardez ce que je suis pour saisir par là ce qu'est Dieu". Jacques ne renvoie jamais qu'à Dieu : "Regardez Dieu ; je suis en lui et tout ce qu'il fait en moi demeure visible en moi". Il est loin d'avoir la taille d'un Paul ; il n'a pas l'amour d'un Jean qui donne tout de suite au Seigneur - dans le prochain - tout ce qu'il expérimente, qui n'est jamais seul parce qu'il accomplit toujours le commandement de l'amour. Jacques est un solitaire parce qu'il se propose de demeurer dans sa relation à Dieu et parce que le prochain ne signifie pas pour lui un accès aussi immédiat à Dieu que pour Jean. L'Ancien Testament est important pour lui ; sa théorie (être en Dieu), il ne veut pas la démontrer uniquement en lui-même. Il se tient totalement dans le passage entre les Testaments. Il doit continuellement porter un regard en arrière sur ce qui a été pour s'assurer qu'il est en Dieu. Sa place, il la met davantage en rapport avec le passé tandis que Paul porte son regard vers l'avant et Jean vers le vaste espace de son prochain. Jacques ne se risque pas non plus à faire d'écart. Le Seigneur a bien été circoncis lui-même ! Sa fidélité au Seigneur n'a guère de possibilité de se transformer et de s'adapter. Son seul développement consiste à faire mieux comprendre sa position. Il ressemble à un artiste qui a produit une belle œuvre et qui, toute sa vie durant, la fignole. Ou à un chercheur qui a fait une certaine découverte et qui ne cesse de chercher à la perfectionner. Son être propre ne devient jamais pour lui un simple tremplin ; il se déplace comme sur une ligne, il est lui-même cette ligne, et il doit apprendre à toujours mieux connaître en Dieu sa position et sa longueur. Des adolescents s'enthousiasment pour quelque chose, puis vont plus loin. Jacques ne va jamais "au-delà". Il retiendra ce qu'il a connu, ce qu'il a aimé, si ce n'est le péché. D'autres sont libres vis-à-vis de leurs propres possibilités : on fait une chose, on laisse tout le reste, on revient peut-être plus tard sur le passé, ou peut-être pas. Un tel comportement est totalement étranger à Jacques. Son coup d'œil aussi est tellement objectif qu'il n'est pas en mesure de transfigurer les choses en les regardant. Dans un tableau de mauvais goût, il ne pourrait pas voir immédiatement l'amour de celui qui l'a peint ni voir les deux en même temps. C'est pourquoi il ne peut pas être tout à tous. C'est le point où il ne peut pas suivre. Il a pour cela une logique qui va jusqu'à l'extrême, jusqu'à la limite de l'inflexibilité. Il mérite une confiance absolue, il est la loyauté même, on peut tout voir en lui (par opposition à Paul) ; il n'y a chez lui aucune trace d'orgueil, ni de présomption (NB 1/1,335-337).

 

21. L'attitude intérieure de Jude

Son attitude intérieure est irréprochable. Mais il porte le même nom que le traître et cela lui pèse de porter ce nom. Quand on commence à remarquer que quelque chose ne va pas chez Judas, il se sent d'une certaine manière concerné. Il y a chez les apôtres un certain malaise avant la trahison proprement dite. Quand ils posent la question : "Qui est-ce, Seigneur?", ils n'osent pas croire que le traître est déjà si marqué. Cependant il y a autour de lui comme une espèce de zone obscure. Jude a comme l'impression qu'on le prend pour l'autre. Il sait qu'il n'est pas question de lui comme traître. Et cependant, quand les autres font une allusion, il la ressent comme si cela le concernait. Tout en sachant qu'il n'est pas le traître, il sait quand même qu'il l'est aussi. Que finalement tous le sont, mais lui avant tout. Il ressent très profondément la faiblesse humaine et il est toujours prêt à supporter. Au début, il a aussi la réaction : "Dieu soit loué ! Ce n'est pas moi !" Puis il apprend de plus en plus à "porter avec", à vouloir combler les défaillances, à réduire les distances. Pour chacun de ceux qui ont failli, il sait : je suis coupable avec toi. Il devient toujours plus humble. C'est une humilité qui ne s'efface pas elle-même, car elle veut assumer. Il y a aussi des moments où il se demande si l'autre, Judas le traître, ne porte pas avec lui sa propre trahison, s'il ne s'est pas chargé de son rôle à lui, Thaddée. Et ainsi il prie pour le traître. Inexorablement il considère sa complicité. Le reniement de Pierre aussi fait sur lui la plus profonde impression. Aucun disciple n'en fut plus touché que lui, car il connaît le chemin qui mène du reniement à la trahison. Parce qu'il se sent lui-même placé dans une lumière douteuse, il cherche avec plus de pénétration que les autres où cela ne va pas chez lui, où il pourrait y avoir en lui des tendances qui pourraient mal tourner. Il accepte de bonne grâce ce destin de se trouver dans l'ombre du traître pour porter une part du fardeau du Seigneur. Il le ressent ainsi, bien qu'à vrai dire, objectivement, aucune ombre de soupçon ne soit jamais tombée sur lui (NB 1/1,334-335).

 

22. L'attitude intérieure de Philippe

Le sage. Il a un don de compréhension. Il est habile, ingénieux. C'est à partir de là qu'il faut comprendre son attitude intérieure. Quand il entend une parole qui sort de la bouche du Seigneur, il l'examine à fond en lui-même et il opère dans son cœur une grande purification. Il est l'homme de la révolution permanente, mais tout à fait raisonnable. Il approfondit en quelque sorte ce qu'il a compris. Rien n'est perdu. Mais il n'édifie pas de théories qui vont sans cesse s'affinant, il traduit dans la pratique. Il ne saisit pas chaque parole de Jésus, mais quand il lui arrive d'en comprendre une, il est clair pour lui qu'elle doit être convertie en acte. Quand il en a ainsi "terminé" avec une connaissance, il n'y a plus de problème pour lui ; il attend tranquillement. Il ne s'excite pas pour ce qui va suivre, il gère ses forces avec sagesse. Il est fidèle, dévoué et courageux. Il n'est pas celui qui accable le Seigneur de questions ; quand il a quelque chose à demander, il le fait simplement. Et quand il enseigne les autres disciples, il cherche à le faire de manière pratique, mais dans le sens du Seigneur. Sa propre opinion n'a de valeur pour lui qu'en tant qu'elle est l'expression de l'opinion du Seigneur. La passion, il la supporte en quelque sorte avec les paroles que le Seigneur lui a laissées mais, à Pâques, il est loin d'en avoir fini la traduction. Dans l'entourage du Seigneur, il est aussi celui qui se charge d'une quantité de petits détails. La réponse qu'il donne au Seigneur avant la multiplication des pains le caractérise tout à fait. Il n'est jamais non plus celui qu'on devrait aller rechercher, il ne se perd pas en spéculations, ne prend jamais rien au "tragique" et n'a pas besoin d'être réconcilié. Tout chez lui se meut sur le même plan de sagesse (NB 1/1,327).

 

23. L'attitude intérieure de Thomas

Dans son attitude intérieure, il fait partie de ceux qui ont une bonne contenance parce que, au fond, ils ne sont pas provoqués. Il suit le Seigneur, il croit, il ne connaît pas de conflits intérieurs. Mais il ne croit pas à tout ce qui peut survenir, il croit à tout ce qui est démontrable, à tout ce qui se montre clairement. Il n'a pas de raison de ne pas croire, il n'a aucune raison de se singulariser, de refuser l'obéissance ; il ressemble aux novices qui suivent d'une certaine manière une vocation, se soumettent à une règle, font ce que font les autres et évitent les grands conflits : chaque jour avec ses exigences leur suffit. Finalement, avec la règle et ses exigences, ils se bâtissent une espèce de maison, d'abord les murs puis encore les portes et les fenêtres, et ils ne remarquent pas que ce sont eux qui dirigent, qu'ils limitent leur foi et leur obéissance. Ils n'ont jamais senti une impulsion intérieure à se jeter dans la foi. Le Seigneur a dit : Aime ton prochain. Eh bien, je vais aimer mon prochain que je rencontre justement. Mais de moi-même je n'ai pas besoin de faire un effort pour élargir ce petit cercle. Après la résurrection, Thomas se trouve soudainement devant l'exigence de la foi absolue. Mais parce qu'il n'est pas habitué à se laisser dilater, il ne peut pas faire le saut, dire oui tout d'un coup à l'imprévu. Quand, avant la passion, il disait au Seigneur : "Nous voulons mourir avec toi", il le disait pour continuer à suivre le Seigneur. Mais il ne se représentait pas concrètement ce que mourir voulait dire, car il ne savait pas non plus ce qu'était la vie du Seigneur. Il le disait avec une espèce de sécurité qui manquait de fondement, presque à l'intérieur d'un schéma prévu et d'un développement qu'il pouvait s'imaginer. Maintenant il ne peut pas croire parce que, sans bien le remarquer, il refuse d'accepter une foi toujours plus grande. Que les lois naturelles fassent maintenant éclater les lois naturelles lui paraît inacceptable. Auparavant il y avait, à ce qu'il semble, une relation précise entre nature et surnature. Dans les miracles du Seigneur aussi il y avait chaque fois deux points évidents, contrôlables : avant, l'homme était aveugle, maintenant il voit ; avant il était mort, maintenant il est vivant. De sorte qu'aucun doute n'était possible. Mais Thomas ne croyait au miracle que lorsqu'il l'avait contrôlé. Au fond il croit à l'évidence du miracle, pas au Seigneur. Seule la rencontre après Pâques le désarçonne. Peu après il recevra l'Esprit Saint et deviendra un saint. Mais dans son incrédulité première, il représente beaucoup d'hommes, beaucoup de chrétiens, beaucoup de religieux : des hommes qui pensent avoir pris la grande décision et qui ne savent pourtant pas encore de quoi il s'agit (NB 1/1,338-339).

 

24. L'attitude intérieure de Barthélemy

Son attitude intérieure se caractérise par une très grande certitude dans le Seigneur, et quand il lui arrive d'avoir besoin d'une preuve, il se conforme totalement à la réponse du Seigneur. Sa certitude passe partout. Elle ne vacille jamais, mais il ne garde pas pour lui-même cette certitude ; il sait qu'il doit la convertir en apostolat. Pour lui-même, il n'a pas besoin de preuves, il n'a pas besoin d'être affermi. Mais, en considération des autres et des temps à venir, il se laisse tout de même affermir de manière nouvelle par le Seigneur. Il sait que sa propre certitude est une grâce et qu'il n'a pas le droit de présupposer la même grâce chez tous. Il est comme quelqu'un qui possède totalement une langue, mais qui étudie ses règles de grammaire pour pouvoir l'apprendre à d'autres. Il a la certitude du contact, de la prière, la certitude qu'il suit le Christ. Il reconnaît ainsi que sa certitude personnelle est englobée comme une petite certitude dans la grande, dans la vaste certitude de Dieu. Il ne se permet pas de vérifier constamment où il se trouve ; il lui suffit de savoir que c'est le chemin où l'on suit le Christ. Il est en quelque sorte le contraire d'un inspiré. Celui-ci reçoit la vérité comme versée en lui d'un seul coup sans preuves rationnelles et quand, en dehors de son activité inspirée, il lui arrive d'avoir besoin d'une preuve, il doit la chercher lui-même et se construire un pont entre l'inspiration et le quotidien. Pour Barthélemy par contre, les deux choses se compénètrent. Il se façonne des preuves à l'intérieur de la certitude qu'il a par grâce. Il dirait par exemple : "Ceci et cela, je l'ai appris du Seigneur ; je n'en croyais pas mes oreilles parce que cela me semblait incroyable ; je demandai alors au Seigneur s'il en était réellement ainsi et il le confirmait. Je saisissais alors comment il fallait le comprendre". Il sait très bien comment toute sa vie doit s'adapter à la grâce. Il ne peut supporter la contradiction entre la grandeur de la vérité et une suite du Christ qui serait tiède, insuffisante. Il cherche à tout accomplir dans la vérité du Seigneur afin que chacun de ses mouvements soit vrai. Dans sa compréhension de la vérité et dans la construction de sa certitude, il est comparable à Jean. Ou plus exactement, la vérité et son aptitude à être prouvée sont pour lui ce que l'amour est pour Jean. Il prouve la vérité à partir de la vérité comme Jean prouve l'amour à partir de l'amour. Mais de telle sorte que la preuve soit réellement valable. D'une manière presque mesquine, à côté de chaque vérité il imagine le sceptique pour les voir tous deux se confronter et les rapprocher. Déjà dans l'histoire du figuier, il y a en lui deux chemins l'un à côté de l'autre : pour lui, il croit avant même d'avoir interrogé. Mais il interroge parce qu'il a besoin d'une preuve pour les autres. Quand par la suite il affirme solennellement sa foi, c'est dans une certitude qui n'avait pas le droit d'être exprimée avant qu'elle ait été acquise également pour les autres (NB 1/1, 328-329).

 

25. L'attitude intérieure de Simon le zélote

Il est celui qui manque le plus d'équilibre dans son attitude intérieure. Il lutte et fait des efforts, puis il se relâche à nouveau. Cela va toujours un peu plus loin, mais cela ne va jamais jusqu'au bout. Dès le premier instant, il est très fort de la partie, mais comme quelqu'un qui est d'une certaine manière à côté de la question. Il a tout si bien "compris' qu'il le sait presque mieux que le Seigneur. Là où il devrait approfondir dans le silence, c'est l'échec. Il arrive difficilement à la contemplation. Quand il a œuvré et s'est dépensé suffisamment, il ne s'y retrouve plus, il ne sait plus quoi faire. Il cherche sa force dans ses propres œuvres plutôt qu'auprès du Seigneur. A l'instant où il se sent épuisé, il voit clairement que de cette manière il n'en sortira pas par lui-même, qu'il a besoin de la grâce. Mais il n'arrive pas à faire ce qu'il faut pour accéder à la contemplation. En fait c'est une pure grâce du Seigneur qu'il ne coule pas au moment de ses dépressions. Il reconnaît cette grâce et il l'accueille aussi d'une manière touchante. Puis il se jette à nouveau dans ses actions. Ce tableau dure jusqu'à la Pentecôte, pas seulement jusqu'à la croix. Il pense qu'on pourrait aussi surmonter la croix avec un peu de zèle. A la Pentecôte, il y a une transformation. La grâce de l'Esprit lui donne la paix et une sorte de contemplation. Mais il garde son naturel agité ; il n'arrive pas à une véritable attitude de contemplation. Une contemplation lui est donnée d'en haut, sans base humaine en quelque sorte, ce qui semble contraire à toute théorie. Au fond, il n'y a pas chez Simon de correspondance entre son attitude humaine et la contemplation qui lui est donnée. Il est trop inconstant pour cela. Il faut toujours qu'il se passe quelque chose. Les autres apôtres lui ont donné le nom de zélote. Il jouit auprès d'eux d'un grand crédit. Quand il s'agit d'accomplir un "exploit", c'est lui qui est là (NB 1/1,340-341).

 

26. L'attitude intérieure de Matthieu

Il est l'appelé, celui qui est emmené, celui qui auparavant ne se posait pas de questions et qui tout d'un coup a entendu l'appel. Il reste longtemps encore dans la soudaineté de l'appel. Tout ce qu'il rencontre dans sa vie l'appelle plus loin, et il se passera encore beaucoup de temps avant qu'il écrive l'évangile. Comme le changement a été si brusque, il garde l'idée que le pas qu'il a fait est le premier de plusieurs autres qui viendront. Il attend un nouveau tournant, puis encore un autre, et tous ces tournants seraient indiqués extérieurement. Il lui faut longtemps pour remarquer que les pas ultérieurs sont spirituels. Il a constamment le sentiment de faire un bout de chemin et d'être à peu près à la hauteur ; et quand, sur ce bout de chemin, il aura acquis suffisamment de capacités et de connaissances, le Seigneur ira plus loin, ou bien ce ne sera plus le Seigneur, mais peut-être le Père ou l'Esprit. Ce n'est que lorsqu'il aura composé son évangile qu'il saura tout à fait ce qu'est le christianisme. Jusque alors il est docile, il est aimant jusqu'à un certain degré, mais les limites qu'il met inconsciemment doivent encore lui être d'abord enlevées. L'évangile lui est donné dans l'inspiration. Mais pendant qu'il écrit, il avance aussi, il se rend clairement compte de ce qu'il écrit. En cela il ressemble surtout à Luc. Quand il s'agit d'événements extérieurs, une voix intérieure dit en lui : "Oui, oui, c'était comme ça !" En ce qui concerne les mystères intérieurs, il comprend en même temps que ce qui est chrétien lui est présenté maintenant, à lui et aux autres, dans un ensemble nouveau. Il comprend que jusque-là il a sans doute emprunté un chemin chrétien, mais que d'autres chemins du même genre ne vont pas suivre, qu'en fait la vie tout entière est un chemin qu’on doit toujours suivre (NB 1/1,330-331).

 

27. L'attitude intérieure de Matthias

Il est celui qui remplace. Il vient à un poste qui était perdu ; maintenant c'est à lui d'occuper ce poste. Il ne peut pas le faire avec la naïveté qu'avaient les autres apôtres lors de leur appel. Il est un tard venu et quand il commence maintenant comme treizième, il sent bien qu'il prend la place du douzième, il doit réparer ce que le traître a mal fait. Il est ainsi le premier qui ne peut en aucune façon bâtir sur ses propres forces. Les autres, qui étaient venus pour suivre le Seigneur avec un certain amour et pour répondre à l'appel, étaient sans présupposés et ils pouvaient penser : "C'est le Seigneur qui le fera". Lui, il voit ce que Judas a fait de sa vocation ; dès qu'il arrive, il doit demander au Seigneur de faire de lui et de ses lacunes quelque chose qui peut remplir la place vacante. Son attitude intérieure est donc d'emblée celle d'un enfant qui renonce à tout, qui ne veut que ce que le Seigneur veut. Les autres ne savaient pas encore dans quel but ils étaient appelés. Ils vivaient en suivant un homme que tout d'abord ils ne connaissaient pas. Leur mission n'avait pas de visage. Il en résultait ainsi au début une relation bilatérale : eux et le Seigneur. Mais quand on doit venir après quelqu'un qui a fait défaillance et qu'on le sait, on est bien plus profondément effrayé. On a l'humilité de celui qui sait ce que veut dire faire défaillance à un tel poste. Une nouvelle sorte d'humilité. On est quelqu'un comme Judas, on se trouve là où il se trouvait. Dans une telle situation, personne ne se sentira "installé". Matthias est peut-être le premier qui expérimente jusqu'au plus profond le caractère précaire de l'état chrétien. De seconde en seconde, il doit dire : "Rends-moi fort pour que je reste fidèle". Il ne connaît pas l'engagement des autres qui est "une fois pour toutes" (NB 1/1,346-347).

 

28. L'attitude intérieure de Judas

Il est choisi par Jésus et il se laisse appeler. Jésus sait à qui il a à faire, cependant il veut agir en homme vis-à-vis de Judas malgré sa connaissance divine, c'est une partie de la croix qu'il porte d'avance. Il sait que Judas le trahira. Mais il n'utilise pas ce savoir. Il le met de côté. Il se comporte vis-à-vis de Judas comme quelqu'un qui ne sait pas. Il l'appelle parce que Judas est sur la voie de la vocation, parce que, du point de vue de Dieu, Judas est l'un de ceux qui peuvent être appelés. L'un de ceux qui ont en eux certaines conditions pour accueillir la vocation et la réaliser. Dès l'appel, le Seigneur voile la prescience qu'il a de Judas. Et ainsi les deux se situent l'un en face de l'autre comme supérieur et subordonné, et celui-ci se décide selon des considérations et des perspectives humaines. Le Seigneur ne veut pas en savoir plus qu'un supérieur qui ne dispose pas de connaissances extraordinaires. Sur ce point, la relation de Jésus avec ses possibilités surnaturelles de connaissance est particulièrement nette. Il dispose librement de ce qu'il veut savoir et de ce qu'il ne veut pas savoir. Il ne veut pas non plus enlever aux futures supérieurs ecclésiastiques la possibilité d'une erreur non coupable. On est sincèrement convaincu que quelque chose va marcher et, par la suite, ça n'a pourtant pas été. Le Seigneur a voulu ressentir cette expérience ecclésiale dans son propre corps. L'attitude de Judas est celle d'une opposition croissante au Seigneur. Et ça le rend mal à l'aise. C'est Jésus surtout qui ressent un malaise vis-à-vis de Judas. Il laisse ce malaise se passer exactement dans l'espace de sa nature humaine. Il ne le laisse ni augmenter ni diminuer par sa science divine, il ne hait pas Judas comme traître, mais il ne peut pas non plus mettre simplement son malaise de côté et l'ignorer jusqu'au temps de la passion.. Il le laisse exister et se développer selon les lois de la psychologie humaine. Judas a en quelque sorte part à ce malaise sous la forme d'une rancune grandissante. Il voit toujours plus que ça ne va pas. Pourquoi le Seigneur n'intervient-il pas alors qu'il voit que ça ne va pas ? Et comme il n'intervient pas, il n'est peut-être pas du tout le Messie. Jésus ne fait pas d'exception pour Judas, il lui donne, comme aux autres, la leçon entière du christianisme ; pas plus et pas moins. Judas ne reçoit pas de "leçons particulières". Jésus n'est pas en mesure de faire des efforts particuliers pour le convertir, car ils auraient pour fondement ses connaissances divines, surnaturelles, non ses connaissances humaines. Il ne peut pas employer ses connaissances divines contre ses connaissances humaines ; il ne pourrait justifier une intervention extraordinaire que par ses connaissances globales et donc aussi par ses connaissances humaines. Il lui arrive d'utiliser ses connaissances supérieures, par exemple quand il prédit à Pierre son reniement. Mais ce qu'il fait pour Pierre, il ne le fait pas pour Judas. Il ne lui prédit rien, il ne l'avertit pas. Vis-à-vis de Pierre, il vit sa divinité et son humanité dans l'unité. Il se sert ainsi de ses connaissances divines pour l'avertir. Vis-à-vis de Judas, il ne le fait pas par principe. Il ne tourne vers lui que ses connaissances humaines. Un peu comme s'il ne fallait pas pousser à l'extrême la faute de Judas, presque comme si Judas en avait bien assez à supporter comme ça sans que, par une grâce extraordinaire, on éveille en lui une foi extraordinaire qui ne ferait qu'aggraver sa trahison. En se taisant, le Seigneur épargne Judas. Certes un abîme s'ouvre ici pour nous : nous ne sommes pas capables de saisir la loi selon laquelle le Fils de Dieu dispose de ses connaissances divines, quand il s'en sert et quand il ne s'en sert pas. Intérieurement Judas se fait de plus en plus étranger et obstiné. Il joue pour ainsi dire avec son attitude intérieure : il se raccroche au fait que malgré tout le Seigneur l'a appelé, puis il se remet à penser que le tout est impossible ; tout ce qu'il a saisi de l'enseignement du Seigneur lui sert à refuser encore plus nettement cet enseignement. Et cependant il est engagé. Il ressemble au religieux qui a prononcé ses vœux et qui ne peut plus revenir en arrière. En fin de compte il ne croit pas. Il fait seulement comme s'il hésitait entre foi et manque de foi. Il considère comment ce serait de croire. Mais le plus important est qu'il n'a pas d'espérance, et donc pas d'amour, et donc pas de foi. Il n'espère pas que, par sa vocation, il pourrait devenir un autre homme, qu'il pourrait accepter l'enseignement de Jésus. Il n'espère pas parce qu'il pense se connaître (NB 1/1,341-343).

 

29. L'attitude intérieure de Marc

Quand Marc n'est pas en prière, il a constamment à lutter avec lui-même ; pas à pas, il doit se faire du souci pour son attitude intérieure, s'assurer qu'il croit, qu'il veut réellement suivre, qu'il aime. Et que finalement tout doit bien se terminer. Il ne lui est pas accordé de tout livrer au Seigneur une fois pour toutes et de lui faire confiance au-delà de toutes les difficultés. Sa confiance doit être acquise de haute lutte et en grande partie aussi son amour. Parce qu'il y a un tel désaccord entre son attitude de prière et son attitude intérieure habituelle, Marc serait heureux de pouvoir doubler et multiplier ses heures de prière. Le seul fait que cela ne va pas et que le Seigneur exige de lui autre chose constitue pour lui une difficulté (NB 1/1,350)..

 

30. L'attitude intérieure de Luc

Son attitude intérieure est essentiellement déterminée par le fait qu'il a abandonné sa profession pour se laisser prendre sans garantie par sa nouvelle vie. Son intelligence d'autrefois, ses capacités d'autrefois, il les emmène naturellement avec lui, mais il les soumet globalement à un contrôle dans la foi. C'est comme s'il séparait constamment ce qu'il a appris, ce dont il est capable, de ce que maintenant il doit pouvoir faire. C'est par ses capacités qu'il se distingue des autres disciples du Seigneur. Il est plus cultivé, plus différencié. Pour lui-même, cela ne lui fait aucune impression. Il est tout à fait humble ; il ne veut que ce qui est au Seigneur, et il ne cesse de chercher à perdre en lui ses connaissances et ses capacités. Et cela, non par manque d'assurance ou de raison, mais dans la certitude de celui qui a choisi. Tout ce qui a été jusqu'à présent demeure secondaire, l'essentiel vient maintenant et le passé doit s'adapter. Par rapport à Paul, aux autres apôtres, il est touchant de voir comment il approuve ce qu'ils font, comment il leur fait partout crédit. Il a une certaine forme de l'amour à laquelle font défaut les élans ; non qu'il en serait incapable, mais il suit en quelque sorte une "petite voie" (comme la petite Thérèse) pour aider en tout les autres afin qu'ils puissent mieux accomplir leur service du Seigneur. Il renonce à ce qui lui est personnel. Parmi les disciples, il est celui qui incarne le mieux la manière de suivre le Christ à la suite des autres. Il a aussi une certaine manière de s'appuyer sur les autres. Cela caractérise presque déjà son attitude de confession (NB 1/1,351).

 

*

 

III

 

L'attitude de confession des apôtres

 

C'est Adrienne qui a inventé l'expression "attitude de confession", nous dit le P. Balthasar. Cette attitude consiste "à se tenir découvert devant Dieu ainsi que devant l’Église qui a reçu du Christ le ministère. Cette façon de se montrer tel qu'on est est la condition tout autant que l'essence même de l'obéissance, une obéissance qui, du reste, n'est pas pratiquée par contrainte mais par amour".

 

Plan : Pierre - André - Jacques, fils de Zébédée - Jean - Jacques, fils d'Alphée - Jude - Philippe - Thomas - Barthélemy - Simon le zélote - Matthieu - Matthias - Judas - Paul - Marc - Luc

 

31. L'attitude de confession de Pierre

Le reniement de Pierre a été connu des apôtres et de tous les chrétiens. Par cette faute, c'est comme s'il avait été dépouillé devant eux de tous ses vêtements. Quand il se trouve devant eux, c'est pour lui comme s'ils savaient tous exactement à quel pécheur ils ont affaire. Ainsi, au nom de l'Église, il a accompli une confession involontaire. Par son attitude, la confession est pour ainsi dire introduite dans l'Église. Quand le coq chante pour la troisième fois et que Pierre s'aperçoit que son amour n'a pas été à la hauteur, il est confessé passivement. Il est convaincu de sa faute, il l'est si bien devant tous qu'une confession est inutile. C'est comme si le Seigneur, en lui annonçant son reniement, avait déjà reçu sa confession et comme si tous les apôtres présents étaient ses confesseurs. Ainsi, par la suite, il ne lui est plus difficile d'être dans l'attitude de confession. Même s'il ne péchait plus et n'avait plus besoin de se confesser, son péché a été tellement connu qu'il vit constamment dans l'attitude de confession. Il est devenu un exemple de confession. Son péché n'est pas une réalité mystérieuse, impénétrable, il est évident dans la parole du Seigneur et il se rapporte clairement à lui, Pierre. Durant sa vie, le Fils a toujours le Père sous les yeux et, en lui, il voit la sainteté du ciel. Quand il regarde Pierre, il voit sa sainteté telle qu'elle est au ciel (NB 1/1,322 et NB 1/2,18).

 

Pour un portrait de Pierre

 

32. La personne de Pierre

Pierre a la foi. Il croit d'une manière plus impersonnelle que Jean, plus lente, mais aussi plus objective que Jean. Il comprend les paroles du Seigneur qui lui sont adressées et il s'y met comme il faut ; le Seigneur parle avec Pierre comme avec l’Église future. Une Église d'abord visible, limitée. Non avec "l’Épouse du Christ". Pierre parle avec le Seigneur comme pour s'assurer : il doit savoir ce que le Seigneur a en vue et il ramène tout fortement à lui. Toute la conversation est si lente et si objective que pendant un long temps elle ne mérite pas le nom de prière. Il n'y a prière tout d'abord que dans le Seigneur et dans la non-compréhension de Pierre. (Note 1. Adrienne compare ces conversations à une conversation entre paysans. Le garçon dit à la fille : on pourrait un jour se marier. La fille répond : Pourquoi pas ? En quelque sorte ils ne se sentent pas à la hauteur pour s'avouer leur amour avec des mots). Ce n'est que peu à peu que la conversation se développe en prière, d'une manière décisive après la mort du Seigneur seulement. Ce n'est qu'alors que les mots de la prière de Pierre sont insérés dans la prière trinitaire et Pierre commence ainsi - alors seulement - à deviner qu'il existe une conversation de ce genre (NB 1/2,44-45).

 

33. Lavé tout entier

Dans la mesure où l’Église existe par le Seigneur, lui sont accordés le droit et le devoir d'appeler le Seigneur aussi souvent qu'elle en a besoin. Elle doit avoir un désir permanent de purification pour être plus proche du Seigneur. Mais la mesure dernière de la pénitence, c'est le Seigneur qui la fixe, comme il le montra à Pierre, quand celui-ci voulut être lavé tout entier, pas seulement les pieds. Vouloir dépasser la mesure du Seigneur serait blâmable (NB 6,510-511).

 

34. Pas seulement les pieds

"Pas seulement les pieds" demande Pierre; il offre ainsi tout son être naïvement et ingénument. Paul par contre offre toujours au Seigneur son esprit le plus pénétrant. Paul est l'homme exceptionnel qui a plutôt trop d'esprit que pas assez ; Pierre est plutôt l'homme ordinaire qui savoure la grâce, mais sans renier son humanité. Il ne songe pas à vouloir réduire ainsi la distance qui le sépare essentiellement du Seigneur, ce que Paul fait quand même peut-être d'une certaine manière. Pour Pierre, la tension entre son propre esprit et l'Esprit Saint est telle que l'Esprit Saint fait l'essentiel, tandis que pour Paul, son propre esprit en fait un peu trop. En 2 P 1,2, l'Esprit ne se mentionne pas lui-même à côté du Père et du Fils, il parle du Père et du Fils. Ces premiers versets justement sont remplis de l'Esprit. Même si Pierre ne saisit jamais totalement ce qu'il dit, il n'en reste pourtant pas à dire simplement des mots. Vus de l'extérieur, les premiers mots pourraient certes être une insignifiante formule de bénédiction de l’Église ultérieure, mais Pierre y met tout son cœur et tout son zèle (NB 6,463).

 

35. L'inspiration de Pierre

Pierre est inspiré d'une manière qu'on peut comparer à celle de Bernadette quand elle voit l'Immaculée Conception : il y a une distance entre ce qui est vu et ce qui est compris. Pour que Bernadette puisse accomplir sa mission - peut-être la plus impersonnelle qu'on peut imaginer -, elle doit pouvoir rapporter ce qu'elle a vu de telle sorte que ceux qui doivent comprendre puissent saisir ce qu'elle veut dire. Pour Bernadette, ce serait une sorte de trahison si on lui expliquait ce que signifie au fond sa mission alors que, pour les gens compétents, le sens de ses paroles est évident. Pierre comprend autant que cela lui est nécessaire pour comprendre sa propre vie et son action. Il comprend de plus ce qu'il doit transmettre et il le transmet en des termes qui ont d'une certaine manière une double face : il y a le côté littéral qu'il comprend très bien (aussi bien pour lui-même que pour le transmettre), et il y a un autre côté, spirituel, qu'il ne comprend plus, qui sera accessible plus tard à ceux qui doivent le comprendre. Ainsi par exemple pour la chaîne des vertus en 2 P 1,5-7 : l'écrivain voit davantage la juxtaposition, membre après membre, tandis que l'Esprit voit davantage l'imbrication des membres ; l'écrivain pense davantage aux qualités en tant que telles qui s'accumulent, l'Esprit voit leur interpénétration. Mais les mots sont dits de telle manière qu'ils se laissent insérer dans la vision plus grande de l'Esprit. Ainsi Pierre définit ce qu'il "entend" sans remarquer que sa définition est déjà dépassée dans l'Esprit. Il fixe les mots sans voir parfaitement quelle est leur valeur devant Dieu, leur valeur or (NB 6,462).

 

36. Parfois Pierre oublie de s’adapter à la volonté du Seigneur. Il ne cesse de l’oublier (NB 4,64).

 

37. Pierre gardera une certaine pusillanimité ; il doit constamment accepter sa mission et la remplir (NB 4,169).

 

38. La primitivité chez Pierre

Chez Pierre, c’est presque de la primitivité. Au fond, il n’arrive pas jusqu’à la réflexion. Il a été simplement enrôlé et il marche. Il n’a aucune vue d’ensemble de l’aventure où il s’est trouvé pris. Il a la bonne foi des esprits simples. Si on lui présente son reniement comme un grand péché, on lui fait presque trop d’honneur. Il n’a pas vraiment réfléchi alors à ce qu’il faisait, il a simplement sauvé sa peau. Comme les autres disciples, il avait été pris dans une affaire qui le dépassait totalement. Chez les apôtres, dans leurs relations avec le Seigneur, il ne s’agit pas non plus de décision spirituelle. Il n’y a pas eu en eux de combat pour ou contre la grâce, pour ou contre le Seigneur. Ils ont été requis, ils sont sa compagnie (NB 8,806).

 

39. La trahison

Pierre souffre beaucoup de sa trahison future ; celle-ci lui sera plus dure, plus incompréhensible qu’il ne s’y attendait ; c’est pourquoi elle arrive dans une sorte de détresse vis-à-vis du Père, dans une nuit particulière. Il ressemble à quelqu’un qui sait : après-demain je vais subir une opération à la vie à la mort, mais pendant deux jours je suis encore dans le cercle familial ; il fait partie des égards que j’ai pour mes proches que je leur dise qu’ils devront m’aider. Mais eux justement, ne l’épargnant pas, le laissent en plan avant même qu’il ne soit conduit en salle d’opération, ils sont pour lui une totale déception. On ne peut certes pas dire qu’à la croix le Fils est déçu par le Père ; tout a toujours été décidé ainsi. Mais il y a une déception au sujet de Pierre. Même si le Seigneur ne le dit pas, il se sent repoussé par Pierre. Et à vrai dire d’autant plus que Pierre assure solennellement qu’il n’en est pas question. Ses affirmations solennelles approfondissent la faille, elles rendent le reniement encore plus sinistre. Car lorsque le Seigneur lui annonce qu’il va renier, Pierre pourrait au moins s’incliner dans une sorte d’humilité, se tenir tranquille, au lieu de s’opposer au Seigneur avec son “Impossible !” obstiné. Il renverse l’assurance du Seigneur avec sa propre assurance aveugle (NB 9,1951).

 

40. Pierre et Paul

Pierre et Paul sont sûrs dans leur origine, y compris dans tous les frottements qui existent entre eux : l’exigence des missions se trouve dans l’impossibilité où ils se trouvent de vivre ensemble (NB 9,2004).

 

41. Les écrits de Pierre et Paul

Pierre et Paul avec leurs écrits. Adrienne voit Pierre avec un bateau et des filets et - disons : comme par parenthèse - avec des aides, des compagnons. Tout est organisé pour que son bateau mène les hommes à leur destination et que les filets procurent aux voyageurs de la nourriture. Un chemin est tracé pour leur entretien présent et futur. Le bateau est pour Pierre et les siens le symbole de leur profession, de leurs revenus, de toute leur vie matérielle. Pierre avec son bateau suit le Seigneur non seulement en apprenant à le connaître lui et son enseignement, mais aussi, humainement parlant, en adaptant sa vie à celle du Seigneur. Paul sur son bateau suit le Seigneur, mais beaucoup plus en esprit ; il fait ce que le jeune homme riche aurait dû faire : tout perdre pour aller à la suite du Christ. Le bateau de Pierre est là avec son équipement pour emmener le plus d'affaires possibles. L'autre bateau est destiné à faire naufrage et, en se sacrifiant, il engrangera un fruit spirituel. Ce n'est que par ce fruit spirituel que le sauvetage des hommes du naufrage reçoit sa valeur qui est plus que matérielle. En ce qui concerne le bateau de Pierre, Jean y monte et y entre. Par contre Jean reste à côté de Paul : les deux ensemble sont les fondateurs de la vie consacrée (NB 1/2,53-54).

 

42. Pierre est plus johannique par sa nature, plus paulinien par sa mission (NB 6,460).

 

43. La marche sur les eaux

Pierre quitte la barque pour aller vers le Seigneur grâce à une foi qui vient d'être confortée et qui le rend capable de marcher sur les vagues. Puis il a peur et il commence à s'enfoncer ; le Seigneur le sauve et il lui explique alors le sens de tout ce qui s'est passé. Pierre n'est pas sauvé à l'intérieur de la sécurité de la barque qui est construite pour résister aux vagues, il est sauvé par la main du Seigneur. Mais cette main n'a d'autre soutien que sa propre force divine (NB 5,78-79).

 

44. Pierre et l'Eglise

L’Église, en Pierre, doit être sauvée par la propre main du Seigneur. L'expérience de sombrer, de succomber, est nécessaire pour que le Seigneur révèle à Pierre son ultime relation en l'empêchant, par sa propre main, d'aller à sa perte. Même la foi personnelle de Pierre l'abandonne parce que l'expérience des forces qui l'assaillent le dépasse. Dans un si grand danger, sa foi n'a pas le poids ni la force nécessaires pour aller jusqu'au bout de son acte de confiance du début. Quand il n'en peut plus, le Seigneur le prend en charge. Puis le Seigneur et Pierre remontent dans la barque, et il s'avère que l'aventure de Pierre était nécessaire pour que le Seigneur monte dans la barque. Que les deux soient maintenant à nouveau dans la barque est pour ainsi dire le sceau de ce qui s'est passé entre Pierre et Jésus. Il n'est pas nécessaire que chacun s'applique subjectivement à lui-même l'expérience de Pierre, que chacun raconte – comme cela se fait dans les sectes - l'histoire de sa défaillance et comment il a été sauvé et qu'il s'est converti ; il suffit au contraire que Pierre ait vécu son expérience pour tous et qu'il soit uni au Seigneur dans la barque. Quand finalement tous se prosternent devant le Seigneur et l'adorent, ils sont tous convertis et renouvelés ; leur foi à tous a un caractère ecclésial plus profond et leur foi personnelle a été renforcée. C'est avec une connaissance accrue qu'ils perçoivent le Seigneur. Le Seigneur qui est auprès d'eux et devant qui ils s'inclinent est plus grand que celui qu'ils avaient perçu lors de la multiplication des pains. Le nouveau miracle est un miracle auquel ils ont participé de manière plus intime. Ce n'est pas un miracle qui nourrit et fortifie l'homme naturel pour qu'il puisse continuer à écouter la parole de Dieu ; maintenant c'est leur faim religieuse de la vérité qui a été augmentée en même temps qu'apaisée. Leur bonheur dans la foi, qui leur est donné, est d'autant plus grand qu'une véritable angoisse l'avait précédé. L'angoisse de Pierre aussi bien que sa mise à l'épreuve - il est capable de sortir de la barque, puis il défaille et il ne redevient fort que par la force du Seigneur -, aussi bien que sa joie finale, sont des éléments de la mystique dans l’Église : ils peuvent se présenter et se combiner des manières les plus diverses si bien que chacun de ceux qui reçoivent une grâce mystique peut s'y reconnaître ; pour chacun, cette grâce veut dire une marche sur les eaux, une vision, une angoisse, un sauvetage par le Seigneur. Avant tout elle signifie une intelligence nouvelle et enrichie, mais une intelligence qui n'appartient jamais en propre à une personne, elle appartient à l’Église, parce que le Seigneur remonte dans la barque avec son épouse, il réorganise la barque parce que le lieu de la vision est éprouvé par le Seigneur, mais avec l'accompagnement de Pierre. Pierre cependant ne croirait jamais aux visions dans le domaine de l’Église si lui-même n'avait pas encore été secoué plus fort quand il a rencontré le Seigneur (NB 5,79-80).

 

45. Dans la cour du grand-prêtre

La première action totalement indépendante de l’Église, c'est au fond le passage de Pierre dans la cour du grand-prêtre : aller voir comment ça va pour le Seigneur et s'il a besoin de quelque chose. Et quand le Seigneur se retourne et regarde Pierre, c'est le premier regard totalement indépendant du Seigneur sur son Église. Mais à cet instant elle est déjà tombée et elle a fait le plongeon. Les anciennes sottises de Pierre furent commises encore au temps de son éducation, non dans sa pleine indépendance, ce sont des fautes d'enfant qu'une fois devenu adulte il n'a plus le droit de commettre (NB 4,446).

 

46. La solitude du Seigneur sur la croix devient toujours plus grande. Pierre, le chef des apôtres, trahit ; il se fait un grand vide autour du Seigneur (NB 3,406).

 

47. Sur la croix, le Fils n'a pas le droit de ressentir l'amour, il doit être atteint par le reniement de Pierre (NB 3,326-327).

 

48. Le Seigneur sur la croix. Pierre l'a renié, les disciples se sont enfuis ; tout ce qui, dans son existence, ressemblait à un foyer est à présent abandon, menace, péché NB 2,401).

 

49. Reniement de Pierre et trahison de Judas

Le Seigneur ne pourrait pas dire : la trahison de Judas est pour moi plus douloureuse que le reniement de Pierre ; ou bien : les railleries du peuple sont pour moi plus faciles à supporter que les soufflets des grands-prêtres et des anciens. Il se livre sans défense à l’humiliation. C’est pourquoi il y a chez lui comme un étonnement toujours nouveau d’être ainsi offensé et touché (NB 9,1960).

 

50. Le Christ aurait certes pu donner à Pierre des indications pour éviter le reniement (NB 3,38).

 

51. Chaque être humain offense le Seigneur. Pierre, qui est un saint, l'a renié ; mais au fond n'importe qui pourrait se trouver à sa place (NB 3,376).

 

52. Trois fois

Vous connaissez l'histoire de Pierre qui renie trois fois. Tout le monde quand même est pécheur ; Pierre était un pécheur et il devint néanmoins un grand saint (NB 4,442).

 

53. L’Église a renié

Je pense que si l’Église ne cessait d'être clairement consciente qu'elle a renié trois fois en Pierre, elle ne cesserait d'essayer de mettre, à la place du triple non, le triple oui provenant du Père, du Fils et de l'Esprit (NB 4,444).

 

54. Pierre qui renie

La même Église est Marie et Pierre qui renie, Pierre qui tout au long des siècles ne cesse de passer des compromis avec le monde. L’Église ne se prostitue pas elle-même de son propre gré. Elle est prostituée par les pécheurs qu'elle doit souffrir en elle (NB 6,508).

 

55. Jean et le reniement de Pierre

Jean se trouve là et il ressent son amour comme un fardeau. Il ne savait pas qu’il pouvait être si difficile d’aimer. Le Seigneur dit : "Tout le troupeau sera dispersé". Lui aussi fait partie du troupeau. Mais le pasteur sera frappé ! Que Pierre reniera est déjà bien établi. Va-t-il trahir au nom de tous ? Jean est dans un doute terrible. Quand, avec les autres, il assure au Seigneur qu’il ne trahira pas, il sent quand même une solidarité avec Pierre. Son amour prend toujours plus fortement la couleur du renoncement. Il ne sait pas où son inquiétude a sa place : dans l’inquiétude toujours croissante du Seigneur qui aboutit à sa mort, ou bien dans l’inquiétude de tous les disciples qui n’y comprennent plus rien et sont prêts à s’enfuir ? Ou bien se trouve-t-il dans sa propre inquiétude qui est causée par son amour ? (NB 9,1951).

 

56. Le triple reniement au lac de Tibériade

Au lac de Tibériade, Pierre est triste de ce que le Seigneur lui pose pour la troisième fois la même question parce qu'il voit le rapport entre son triple reniement et la triple question du Seigneur (NB 4,52).

 

57. Pierre après la mort de Jésus

Pierre. Où était-il depuis la mort du Seigneur jusqu'au moment où il se trouve auprès du tombeau ? Au fond, il était là où l'on porte le deuil, sans comprendre. Où l'on cesse de penser et de fonctionner (NB 4,441).

 

Pierre crucifié

 

58. L'obéissance de Pierre : il est conduit là où il ne veut pas aller (NB 2,145).

 

59. Pierre va à la croix

L'Esprit, qui souffle où il veut, a conduit le Fils à la croix et Pierre là où il ne voulait pas aller. Le Seigneur exactement là où il voulait aller et Pierre exactement là où il ne voulait pas aller (quand on le conduit pour être crucifié). Entre ce que voulait le Seigneur et ce que Pierre ne voulait pas, il y a pour chaque croyant toutes les possibilités d'être conduit par l'Esprit (NB 11,27).

 

60. Pierre est crucifié

Quand Pierre est crucifié, ce n'est pas un châtiment. Par la grâce du Seigneur, c'est une manière de le suivre jusqu'à la croix. A ceux qui sont inspirés après la venue du Christ, l'inspiration est reçue dans leur don d'eux-mêmes - qui est leur état et qui leur est offert - et elle ne fait qu'un avec lui, même si les deux ne coïncident pas totalement dans le temps. Pierre est certes destiné à l'avance pour recevoir l'inspiration, mais il ne sera inspiré qu'après la résurrection (NB 6,461).

 

La mission de Pierre

 

61. La tête de l'Eglise

Dans l'Église, Pierre joue vis-à-vis de Paul le rôle de ce qui est établi. Il est tête de l'Église, il rassemble l'Église en lui et cela selon les exigences du Seigneur à son endroit, fixes et bien établies, auxquelles lui, Pierre, a à répondre. Il a sa position solide dans la communauté ; il n'usurpe pas la direction, il l'a reçue du Seigneur, il a le ministère; il l'a d'une part comme pape, d'autre part en tant qu'il est cet homme tout à fait déterminé (NB 10,2265).

 

62. Le service de Pierre

Pour Pierre tout est encadré et bien arrêté. Pierre aimerait bien être un peu plus convaincu personnellement de ce qu'il a à faire, ou convaincu peut-être aussi que c'est lui justement qui doit le faire. Il est totalement service (NB 2,124).

 

63. Fonder la tradition

Pierre doit fonder la tradition ; et pour cela il doit déjà ressentir comme tradition le nouveau qui lui est donné, ce que le Seigneur lui dit. Il doit le considérer comme ce qui a été fondé par le Seigneur. Quand il est question du rocher sur lequel le Seigneur veut fonder son Église, Pierre sait qu'en même temps il pose les bases et qu'il continue. Il pose les bases en tant qu'il est le chef de la hiérarchie, il continue parce que le Seigneur est la tête de l’Église et que lui-même avec sa Mère constituent déjà l’Église. Il emprunte ainsi aux paroles du Seigneur, il reprend des mains du Seigneur ce qui est déjà là dans l'être et la décision du Seigneur, si bien que ce qu'il continue doit se faire dans une obéissance qui est déjà obéissance de tradition. Il porte en lui l’Église en tant qu'Épouse-mère du Christ, il doit la prendre telle qu'elle a été fondée dans le Seigneur et il doit la former de telle sorte qu'elle puisse intégrer tous les hommes, d'une manière catholique, si bien que tout 1'humain puisse entrer dans le Christ. Sa sainteté personnelle est au fond une sainteté qui lui est offerte, une sainteté dont le Seigneur a besoin comme d'un instrument pour atteindre ses buts. En Pierre se manifeste la structure fondamentale de la sainteté humaine qui provient du Seigneur : il ne veut pas seulement sauver et ramener au Père, il a besoin de la coopération, il invente la synergie, et à vrai dire comme une nécessité en vue de son Église si bien que Pierre, nolens volens, doit se prêter à cette nécessité. Devenu vieux, il est conduit là où il ne veut pas aller. Parce que le Seigneur ne recule devant aucun moyen pour le modeler comme rocher de son Église dans la sainteté qu'il exige (NB 2,123-124).

 

64. Le cadre de l'Eglise

Le centre de l’Église est si vivant qu'il ne peut tenir tout seul. Pierre forme, si on veut, le cadre solide à l'intérieur duquel Marie et Jean restent mouvement, cachés dans l'éternel mouvement du Seigneur. Le centre se met volontairement au service de l'animation entre le pôle solide et le mouvement. Par amour, le centre se laisse placer là où l'unique rencontre est possible entre Marie et Pierre. Ce centre, la meilleure définition qu'on pourrait en donner est qu'il est purement et simplement l'amour chrétien qui cherche constamment des chemins pour intégrer Marie au domaine de Pierre tout en maintenant ce que Marie est réellement et sans nuire à ce que Pierre devrait être. C'est donc le service purement et simplement, mais le service de l'amour (NB 6,489-490).

 

65. Pierre autrefois déconseillait la croix au Seigneur (NB 6,494).

 

66. Le bâtisseur de l'Eglise

Pierre bâtit son Église, il prévoit des niches pour les saints et pour la Mère. Il ne doit se trouver là que des personnes de choix ! Il ne convient pas qu'elles restent vides ; il se met en quête, et pourtant au fond il les préfère vides. Marie voit la niche qui lui a été réservée, mais elle n'y aspire pas d'elle-même. Jean doit pour ainsi dire servir de médiateur des deux côtés, il doit conduire la Mère à Pierre, mais faire connaître à Pierre la démesure de l'amour qui est au-dessus de tout ce qui a été construit à l'avance, car la démesure du Seigneur est pourtant une condition fondamentale de l'existence pétrinienne. La présence de la Mère ne serait pas assurée si elle n'était pas reçue par Pierre qui, lui-même, naturellement ne peut vivre sans elle. Jean, qui personnifie l'amour pur, doit assumer ici quelque chose comme une fonction de médiation avisée (NB 6,489).

 

67. Pierre dans les Actes des apôtres.

Pierre est toujours "en Esprit". Il dit toujours des choses qui le dépassent. Quand il ouvre la bouche, l'Esprit parle en lui. Il est sans doute réfléchi quand il parle aux Juifs, mais c'est l'Esprit qui réfléchit en lui. Pierre est honnête ; il a compris exactement sa défaillance, il est terriblement prévenu. C'est pour cela qu'il est si ouvert à la grâce, et la grâce, c'est l'Esprit Saint. L'infaillibilité ministérielle de Pierre et de ses successeurs est basée sur une ouverture à l'Esprit qui est donnée par l’Époux à l’Église. Non pas une ouverture à l'Esprit en général, mais une ouverture à une certaine qualité de l'Esprit qui est inséré dans le sein de l’Église comme une semence déterminée. Une semence qui ne peut pas mourir dans l’Église. (Il y a des graines qui, après des milliers d'années, peuvent toujours encore être fécondes et pousser si elles sont semées !) La semence du ministère que le Seigneur a semée autrefois dans l’Église pousse aujourd'hui tout comme de son temps. Mais en partant de l'infaillibilité du ministère de Pierre, on peut voir que bien des choses qui ont été données et dites un jour à une personne subsistent dans l’Église d'une manière ministérielle en quelque sorte. Au fond toute mission sainte, quand elle est un jour reconnue et canonisée par l’Église, devrait être utilisée pour un progrès au centre de l’Église. L'épouse reste sans doute toujours l'unique et même épouse, mais l’Époux lui offre une nouvelle parure, une parure actuelle. Ainsi il y a des choses qui furent reçues personnellement par Pierre et qui sont ainsi entrées dans le ministère pétrinien (NB 1/2,50-51).

 

68. Pour Pierre, au lac de Tibériade, son service semble être devenu plus concret. Il n'a peut-être pas mieux compris ce service, mais il l'a reçu d'une manière plus sûre (NB 1/2,48).

 

69. Le Seigneur abrite tout en lui. Il a en lui le ministère de Pierre et l'amour de Jean et les fonctions d'un chacun (NB 4,426).

 

70. Pierre en fonction

Malgré son triple reniement, Pierre reste en fonction. Le Seigneur a aussi, parmi ceux qui tiennent à lui et veulent le suivre, des pécheurs ou des caractères quelque peu anguleux, qui collaborent certes, même avec beaucoup de flamme, mais qui ne se rendent pas totalement compte de ce qu’on attend d’eux. C’est souvent l’attitude de l’enfant en eux qui peut rester (NB 9,1323).

 

71. La préséance

Quand le Seigneur a donné la préséance à Pierre, Pierre a dû marcher en tête parce qu’il représente l’Église; de précéder le Seigneur est humiliant pour Pierre justement parce que le Seigneur s’humilie par là (NB 9,1337).

 

72. L'infaillibilité

Il y a des analogies dans l'inspiration, l'inspiration de l’Écriture n'est que l'une de ses possibilités. L'infaillibilité du pape a des rapports étroits avec l'inspiration de Pierre ; on ne peut certes pas la qualifier directement d'inspiration, mais elle puise dans le trésor d'inspiration de Pierre dont la connaissance qu'il avait du Seigneur et de sa vérité allait bien au-delà de ce que lui-même a exprimé par écrit ou par oral, et peu importe au fond qu'une vérité fût clairement connue par Pierre ou qu'elle ne fût contenue que virtuellement dans son inspiration. Nombre de papes étaient des saints et ils avaient aussi une inspiration personnelle, mais l'infaillibilité de leur fonction se trouve dans la continuité de l'inspiration pétrinienne et en accord avec elle. Ainsi l'exige l'assurance que le Christ voulait offrir à son Église (NB 6,461-462).

 

73. L'attitude de confession d'André

André voit dans l'attitude de confession une disposition qui facilite les bons rapports entre les hommes. Quand celui qui a failli se repent humblement, cela encouragera les autres à faire de même. Si par contre quelqu'un se montre arrogant et se ferme, il est pour les autres un obstacle sur la voie du repentir. André est simple et honnête. Peut-être que les apôtres se sont tous réellement accusés de leurs fautes les uns aux autres. Mais par le seul fait qu'André s'accuse à l'un ou à l'autre seulement, il donne à tous une participation plus grande à sa vérité, à son attitude. Il le sent très clairement : quand il ne s'est pas confessé, il ne peut pas avoir avec les hommes des relations d'une vérité sans mélange, ni parler d'amour (NB 1/1,326).

 

74. L'attitude de confession de Jacques, fils de Zébédée

Il vit dans l'ombre de Jean comme pour souligner son amour, pour donner forme à son attitude. Il est très humble mais aussi très aimant. Il n'est pas capable en quelque sorte de se distinguer et de jouer un grand rôle. Et pourtant il doit absolument être là. Il est comme une condition de l'existence de Jean. Lui-même ne le sait pas, il n'y pense pas et il ne l'exprime pas, mais il vit dans l'attitude de celui qui aime et qui sert, qui laisse agir son service et son amour à l'arrière-plan. Il est porté par l'amour de Jean et pourtant, de son côté, il en est une condition cachée. Il ne pourrait pas être si silencieux à l'arrière-plan si Jean ne se trouvait pas aussi rayonnant au premier plan. Il y a interaction entre les deux : un lien réciproque et la possibilité pour chacun d'accomplir son service. Il a la même fidélité que Jean, la même fermeté de la ligne. Mais, dans le collège apostolique, il fait partie déjà de ceux qui sont saints par médiation, qui suivent leur chemin par la médiation d'un autre. Il aime le Seigneur et il lui a voué sa vie, mais à l'ombre de son frère. Chacun a certes sa propre vocation. Mais la solidité de sa réponse, sa régularité, est en fonction de la vocation de Jean. Pour celui-ci, c'est comme un soulagement : son service, qui est plus grand, il peut l'accomplir avec encore plus de sûreté parce que son frère, qui a un service plus petit, est fidèle. Jean est plus exposé, mais on ne peut pas dire que Jacques est moins nécessaire. Et de même que le "tonnerre" ébranle et déchire tout, Zébédée a tout donné : le fils brillant et celui qui est tout silencieux. Un Zébédée élevé par la grâce bien sûr dont la qualité ne devient visible que dans son action et sa fécondité. Jacques est pris avec Pierre et Jean ; dans leur groupe, il représente pour ainsi dire l'anonyme, mais absolument fidèle. Il est simplement le compagnon en qui on peut avoir confiance comme serviteur. L'attitude de confession est pour lui une attitude parfaitement naturelle. Ici non plus il ne se distingue pas. Simplement il est toujours prêt si quelque chose est demandé. Il cherche tellement à faire sans cesse la volonté du Seigneur, à rester à l'intérieur de son action, qu'il ne court pas le danger de se tromper ou de devenir indifférent. Parmi les apôtres, il est peut-être celui qui a le plus renoncé à une vie privée. Il se peut que ce soit la raison de sa constance dans l'attitude de confession. Il est si anonyme qu'il pouvait être constamment pour les autres appui, refuge, sécurité (NB 1/1,323-324).

 

75. Pour un portrait de Jacques, fils de Zébédée. Un esprit lent et rustre

Relation de Jacques, fils de Zébédée avec Jésus, et sa prière, au temps de Jésus. Jacques parle avec le Seigneur. Et chaque fois qu'il l'a fait, il prie ensuite le Père. Il le fait en utilisant les mots qui sont venus dans la conversation avec le Seigneur, aussi bien les siens que ceux du Seigneur. C'est comme un biais. Il apporte les mots au Père et il lui dit : "Père, Jésus a dit…" Mais il ne voit pas encore dans le Fils le Père ni dans le Père le Fils. Il comprend bien que le Seigneur proclame l'enseignement du Père et aussi que cet enseignement le concerne, qu'il doit l'accueillir pour pouvoir le transmettre. Mais il faudra encore longtemps pour qu'il comprenne que le Seigneur est Dieu. Le Christ est pour lui comme un supérieur qui en sait beaucoup plus que lui. Il connaît des secrets célestes et les gère. Rien de plus. Et le Seigneur l'incite à prier toujours davantage. Et cela, Jacques le fait aussi. Il est plein de bonne volonté, mais il lui semblerait impossible d'adorer comme un être céleste le Seigneur avec qui il vient de s'entretenir sur la terre. Lui aussi aura besoin de la croix pour percevoir la Trinité, bien qu'auparavant il ait déjà eu une foi chrétienne, non une foi vétérotestamentaire. Il progresse constamment. Mais le saut décisif se produit par la croix. Lui aussi est un esprit lent, rustre. Et l'exigence chrétienne, telle qu'elle est finalement, est infiniment grande (NB 1/2,45).

 

76. L'attitude de confession de Jean

L'attitude de confession est chez lui très importante parce qu'elle lui fait prendre une conscience toujours nouvelle de la distance entre le Seigneur et lui. En raison de cette attitude, il lui est impossible de s'engager sur de fausses routes ni de trop s'approcher du Seigneur, de devenir familier avec lui. S'il n'avait pas cette humilité, qui se trouve à l'arrière-plan de toute attitude de confession, il aurait pu être gâté par l'amour. Mais son attitude de confession est si intimement liée à son amour qu'il ignore les fluctuations. Il ne connaît pas les humeurs d'un amoureux, il est d'un équilibre parfait (NB 1/1,324-325).

 

 

Pour un portrait de Jean

 

77. Sa personne

Chez Jean, ce qui est méritoire s’épuise peut-être dans la réponse qu’il donne. Mais celle-ci aussi est vécue totalement comme grâce. Paul, par contre, s’exerce moins à dire oui qu’à collaborer. - Les deux ont leur orientation, leur point de vue. Les deux sont saints et ont le droit d’être comme ils sont. Mais il serait peut-être bon de ne commencer une vie paulinienne qu’après avoir mené une vie johannique. Le cadre, c’est Jean qui devrait le donner, et l’aspect paulinien pourrait ensuite le remplir sans danger (NB 9,1559).

 

78. Une sphère de virginité

Jean est toujours totalement pur, tellement pur que, d’une certaine manière, à côté de la chasteté il ne comprend pas le péché. Il serait impensable pour lui qu’on puisse vénérer la Mère, adorer le Fils et en même temps se chercher soi-même dans un autre être. Il a compris l’amour comme une orientation définitive vers le Seigneur et vers la Mère, et il a toujours vu aussi dans le Fils la Mère et toujours aussi dans la Mère le Fils. Quand il a quitté la croix avec Marie, il y avait toujours aussi, dans sa vénération pour la Mère, sa vénération pour le Fils. Il était élevé dans une sphère de virginité dans laquelle il n’entrait pas du tout en contact avec la nature de l’impureté (NB 9,1410).

 

79. Le premier mot du nourrisson

Dans l’homme créé, Jean montra comment le premier mot du nourrisson, son premier balbutiement, est pur, pour ainsi dire en Dieu et dans le Verbe de Dieu, comment ensuite, avec la convoitise qui s’éveille, le péché trouble et fausse cette parole, et comment la dernière parole de l’homme, son dernier soupir, revient à la pureté du commencement: quand l’homme, dans la faiblesse de la mort, se rend de nouveau à Dieu (NB 9,1102).

 

80. La prière comme Jean la voit

Jean expliqua la prière comme une vie de l’homme en Dieu. Il montra de plus cette vie dans ses trois formes : dans la nature de l’homme, dans le Christ et dans le chrétien ; comment la prière est participation à la vie du Christ avec le Père et comment sans la parole du Christ rien n’est créé, que l’homme doit nécessairement dire à Dieu cette parole ; s’il n’a pas ce dialogue et s’il ne parle pas à Dieu il est nécessairement sans vie (NB 9,1103).

 

81. Jean et la contemplation

Le Seigneur qui enverra ses disciples dans l'action enverra Jean dans la contemplation. Lui-même l'a connue à l'avance aussi bien comme état que comme vision spéciale pour l'instituer par lui-même pour Jean (NB 6,222).

 

82. Jean et le pur amour

La contemplation que le Seigneur offre à Jean avant la croix est celle du pur amour d'homme à homme, de l'homme à l'Homme-Dieu et donc à Dieu. Ce n'est que dans la nuit de la croix par laquelle le Seigneur passe et dans laquelle il laisse sa propre contemplation devenir passion que la contemplation de Jean ainsi que le don de la contemplation du Seigneur à l’Église deviennent contemplation totale telle que l’Église en a besoin pour pouvoir suivre le Seigneur dans sa passion : obéissance ultime vis-à-vis du Dieu qui gère les choses, ultime abandon de soi dans le renoncement à voir et à mesurer par soi-même (NB 6,224).

 

83. Le Fils a prié pour Jean

Quand le Seigneur a prié pour Jean avant la passion - car il priait pour chacun des siens en particulier -, sa prière est allée au Père ; celui-ci l'a reçue et il en a utilisé quelque chose pour Jean. Pas tout, car le Fils, en devenant homme, a adopté la loi de l'humanité, qui est une communauté indissoluble. Les hommes doivent toujours prier dans le cadre de la volonté du Père qui peut disposer librement de la prière pour le bien de tous (NB 6,241).

 

84. Jésus parle avec Jean

Quand le Seigneur parle avec Jean au lieu de prier pour lui, il entre dans la manière humaine de voir, il parle dans le cadre des conditions humaines, il dit à Jean, à partir d'une certaine connaissance humaine, le nécessaire dont un homme a besoin, ce dont lui aussi, le Fils de l'homme, a besoin (NB 6,242).

 

85. La manière de prier de Jean

La manière de prier de Jean est toute abandonnée, vraiment naïve : sa prière est toujours un espace ouvert, illimité, que le Seigneur lui-même remplit. La prière de Marie par contre dit quelque chose de plus intense parce qu'elle est introduite plus avant, parce qu'elle a expérimenté en son propre corps Dieu le Père, le Fils et l'Esprit, et qu'elle est parvenue ainsi à une expérience immédiate de l'âme, qui paraît plus riche, presque plus déconcertante, que la prière du disciple qui n'a accès aux autres mystères que par sa rencontre avec le Seigneur, par son attachement à lui, par le fait qu'il s'est mis à sa suite et qu'il les juge tous en fonction de l'existence du Seigneur et de son approbation (NB 5,235).

 

86. Jean pénètre les choses

Les premiers disciples, surtout Jean, se trouvent si près qu'ils pénètrent les choses. Il y a peut-être des détails que même Jean ne voit pas dans la relation entre le Seigneur et sa mère. Cela n'a pas d'importance, car il est si près qu'il comprend parfaitement sans se soucier d'éventuelles lacunes (NB 4,391).

 

87. Jean s'offre comme un ami

Il y a chez Jean beaucoup moins de réflexion que chez Paul. Il s'offre tout simplement à l'ami comme ami - surtout après avoir vécu l'Apocalypse - pour l'accompagner où celui-ci le veut (NB 4,456).

 

88. Le sentiment que ce qui est corporel avec ses limites et le fait qu'il n'est pas à la hauteur appartient à Pierre tandis que l'allégresse de l'esprit est chez Jean (NB 3,312).

 

89. Quand le Fils rencontre Jean, et déjà quand il rencontre sa mère, ils ne sont pas avant tout pour lui des personnes qui l'aiment, mais des personnes qui aiment le Père (NB 3,226).

 

90. L'amitié de Jésus avec Jean

Parce que le Fils est totalement homme, ce qu'il doit donner au monde, il le puise dans sa vison du Père. Et, à une certaine distance de celle-ci, il puise aussi dans sa vie avec sa Mère, dans son amitié avec Jean (NB 12,100).

 

91. Jean reste à côté de Paul : les deux ensemble sont les fondateurs de la vie consacrée (NB 1/2,54).

 

Jean et l'amour

 

92. L'angoisse de l'amour

Jean a l'angoisse de l'amour. Il a de l'angoisse pour le Seigneur, il craint de le perdre, il a une telle angoisse parce qu'il n'a peut-être pas été à la hauteur, il n'a peut-être pas tout donné, il n'a pas su au fond ce qu'était l'amour. Il ferait tout pour sauver l'amour, mais il ne voit pas ce qui peut arriver (NB 1/2,47).

 

93. Une parole d'amour

Parce que Jean aime, parce qu'il aime d'amitié son Seigneur et Dieu, il sait que chaque parole qu'il lui dit doit être une parole d'amour. Pour lui, cela va de soi, comme il va de soi entre ceux qui s'aiment qu'ils se disent des paroles d'amour. Le tout provient du fait qu'il sait que le Seigneur l'aime, qu'il est son ami et qu'il reçoit en retour l'amour du disciple. De là résulte comme un éclatement : toute parole que Dieu dit est une parole d'amour divin parce que le Fils est Dieu. La divinité de Jésus, il la connut de très bonne heure, c'est la grâce qui avait mis en lui ce fondement, mais ce fondement n'est employé que lorsque le disciple, par la plénitude de ce qu'il reçoit dans ses relations avec le Seigneur, apprend à comprendre que chaque parole du Christ est une parole d'amour. Quand il a compris cela, la parole qu'il adresse au Seigneur devient une parole de prière. Il ne parle plus autrement avec lui qu'en l'adorant. Il ne perçoit aucune parole du Seigneur autrement que participant au dialogue éternel du Fils avec le Père. Même dans la parole ou l'exigence la plus précise du Seigneur, il comprend que cette parole ne s'adresse pas seulement à lui et aux autres disciples, mais en même temps à Dieu. Ainsi toutes ses relations avec le Fils deviennent facilement une prière (NB 1/2,44).

 

94. La mystique de Jean

Toute la "mystique" de Jean consiste pour lui à aimer le Seigneur et à être aimé par lui. C'est en partant de cet amour qu'il apprend les mystères du Seigneur et les transmet avec une spontanéité éternellement jaillissante, telle du reste que la possède aussi Origène, et qui jaillit continuellement de l'amour. Humainement parlant, il peut faire exactement ce qu'il aime le plus : vivre de l'amour réciproque entre le Seigneur et lui, et s'occuper uniquement de cela. Il doit annoncer le Seigneur, mais comme il le comprend par l'amour ; l'Apocalypse aussi peut être comprise totalement comme une expression de cet amour réciproque. L'amour détermine le travail de Jean, ce qu'il met par écrit, ses relations avec les hommes, sa prédication, et absolument toute sa prière et toute sa réflexion. L'amour du Seigneur est en même temps pour lui le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous, les hommes. C'est le "dogme" dont on peut voir le contenu dans l'amitié de Jésus avec Jean. Jean au fond ne suit pas de chemin, il reste à l'endroit de l'amour, et le dogme en découle comme de lui-même. Jean éprouve toujours tout dans l'espace de l'amour : ce qui est le plus beau comme ce qui est le plus difficile, et peut-être aussi ce qui est le plus problématique (NB 2,162).

 

95. Jean comprend que l'amour se sert de tous les chemins, même de la possibilité d'avoir manqué (NB 1/2,217).

 

96. Jean personnifie l'amour pur (NB 6,489).

 

97. Aimer le Seigneur par-dessus tout

Jean est l’amour. Sa relation au Seigneur, leur amour réciproque, tout est si unique et si beau que toutes les paroles qu’on pourrait utiliser ici ne seraient pas à la hauteur et sonneraient faux. C’est la relation la plus pure entre un maître et son disciple, entre un homme et un jeune homme, un amour en quelque sorte tendre, passionné, mais aussi héroïque. Au fond, Jean ne comprend pas non plus le Seigneur, mais il l’aime par-dessus tout, et il ne veut rien comprendre dans l’amour ; si le Seigneur le fait, c’est bien. Il irait dans le feu pour le Seigneur. Il est l’amour humain que le Père a offert au Fils dans le monde, un pur cadeau. Quelque chose de gratuit. Un point lumineux dans les ténèbres. D’une tout autre manière que Marie. Marie se trouvait naturellement en quelque sorte plus proche du Seigneur en raison d’une relation physique. Cela crée une tout autre relation que la libre rencontre entre deux hommes (NB 8,806).

 

98. Jean, qui brûle tout entier dans l'amour, est tellement voilé à ses propres yeux qu'il ne court pas le danger de se regarder lui-même (NB 11,429).

 

99. Jean se sait totalement transparent pour le Seigneur : celui-ci est l'ami qui sait tout (NB 10,2324).

 

Jean au cénacle

 

100. Sur la poitrine du Seigneur

Jean repose sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour de croyant. La réponse du Seigneur est la surabondance de son amour divin. Le Seigneur voit en Jean ce qu'un homme est capable de donner à Dieu : un champ où l'amour divin peut porter du fruit. Et ce champ était si ouvert parce que l'amour divin était devenu homme dans le Fils et que Jean a pu recevoir l'amour divin dans l'amour humain du Seigneur. Le Seigneur a vu en Jean l’œuvre de la rédemption ; ce fut très bon pour lui (NB 5,267).

 

101. Le contact

L'amour de Jean pour le Seigneur est tout à fait concret. Il désire tellement cet amour qu'il doit se concrétiser et donner une réponse. Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 12,253).

 

102. Quelque chose de physique

Jean est comme ambivalent, masculin et féminin. Le Seigneur aussi est ambivalent : Jean ne reçoit-il pas le lait de sa poitrine ? Il reçoit du Seigneur quelque chose de physique. Cette ambivalence deviendra plus tard monovalente quand le Seigneur le renverra de la croix avec sa Mère. On ne peut pas dire ce que le Seigneur ressent quand Jean repose sur sa poitrine (NB 12,253).

 

103. Un amour pur et souple

Jean regarde le Seigneur d'un amour infini, avec un don de soi presque féminin. Il se tient si totalement à la disposition du Seigneur qu'on peut à peine dire encore que c'est masculin étant donné que chez l'homme est toujours conservé comme une dernière sécurité pour que sa personnalité ne vole pas en éclats. Chez Jean, aucun souci de sa propre intégrité, de ses aptitudes, il laisse le Seigneur seul jouer des timbres de sa personnalité, et c'est toujours un accord qui se fait entendre parce que le Seigneur saisit non seulement ce qui se trouve en Jean, mais aussi ce qu'il y met toujours de neuf. Jean est tel que le Seigneur veut l'avoir et le fait. Il est un amour pur et souple. Et voilà qu'il incline sa tête sur la poitrine du Seigneur (NB 12,252).

 

104. Aimé d'un amour divin

Quand Jean, lors de la Cène, pose la tête sur la poitrine du Seigneur, il l'aime du pur amour d'un saint et il se sait aimé d'un amour divin. Il n'éprouve aucune distance entre les deux formes de l'amour, mais son amour et lui-même, il les sent élevés jusque dans l'amour de Dieu. Tous ceux qui refusent, tous les tièdes, tous ceux qui hésitent sont embarqués. Jean sent pour ainsi dire leur présence et il doit, par pur amour - un amour qui ne réfléchit pas, un amour élevé dans les hauteurs - les entraîner dans la confession qui doit être instituée. Il doit les servir avec quelque chose, il doit leur venir en aide avec quelque chose qui constituera l'essence de la confession parce que l'amour pour le Seigneur ne peut pas rester sans une ultime ouverture et une ultime transparence ; c'est pourquoi Jean sent qu'il doit emmener tous les autres avec lui dans sa transparence personnelle vis-à-vis du Seigneur. En appuyant sa tête sur la poitrine du Seigneur, il lui déclare sans paroles qu'il est prêt à aider tous les hommes, même les plus tièdes, les plus éloignés, à s'élever de l'amour humain à l'amour divin. C'est la forme johannique de l'amour. Même si Jean ne doute aucunement qu'il est aimé comme un ami, qu'il a une position privilégiée auprès du Seigneur, il sait pourtant que les autres sont également visés et qu'il reçoit à porter quelque chose qui rendra plus évidente cette participation de tous à son privilège. Porter les autres, ainsi que leur faute, avec le Seigneur est pour lui quelque chose de très humble. Quelque chose qui va de soi, quelque chose de très agréable. Cela touche le Seigneur, cela touche aussi Jean d'une certaine manière : en portant, il est envahi par l'amour du Seigneur. Quand il comprend qu'il doit porter tout ce qu'il peut, il voit le fardeau avec les yeux du Seigneur, et le Seigneur en est heureux, et sur la croix il n'oubliera pas que, dans l'amour de Jean, sont déjà inclus tous ceux qui sont à sauver (NB 10,2321).

 

105. Se reposer sur le cœur du Seigneur

Le Seigneur sait qu'il va monter sur la croix. Il commence à réfléchir à ce qu'il pourrait faire avec ses membres au service du Père s'il n'était pas cloué sur la croix. Il pourrait étendre les bras pour recevoir les enfants, les embrasser et les bénir pour les mettre en confiance. Avec ses pieds, il pourrait passer par beaucoup de lieux pour parler du Père. Il pourrait offrir sa poitrine et son cœur à beaucoup pour qu'ils s'y reposent et y reprennent des forces, comme Jean (NB 6,244).

 

106. Jean dans la nuit de la prière

Adrienne voit le Seigneur avec ses disciples au cénacle. La présence de Judas ne trouble pas la prière du Seigneur. Pour lui, Judas est en quelque sorte le représentant de l'humanité pour l'amour de laquelle il est venu dans le monde. Mais Jean a du mal à prier : la menace de la passion qui arrive, la présence de l'impie, le mettent dans une sorte de nuit de la prière. Bien des choses sur la nature de la nuit de la prière apparaissent ici. Jean sait que le Seigneur prie et qu'en priant il voit le Père et que lui, Jean, est en communion de prière avec le Seigneur. Et que le Seigneur connaît Judas beaucoup mieux que lui. Ce que Jean perçoit comme un malheur menaçant, comme une proximité du diable, comme quelque chose de précis qui empêche sa prière, n'est pas en mesure d'empêcher la prière du Seigneur. La tension entre le fait qu'il soit empêché de prier et le fait que le Seigneur n'en soit pas empêché a pour résultat de donner à Jean une nouvelle intelligence de la nature de la divinité du Seigneur, avec sa certitude inébranlable. Il en conclut qu'au fond le fait pour nous de pouvoir prier est un don de la grâce de Dieu, car sans cette grâce nous ne serions pas différent de Judas. Même quand nous ne pouvons désigner personne qui nous empêcherait de prier, nous serions déjà à nous-mêmes un empêchement suffisant. A côté de la grande grâce de la prière, il voit à quel point la vision du Père passe par le Fils, il voit ce qu'il y a d'absolu dans le Fils et dans sa prière. L'empêchement que Jean ressent ne le fait douter à aucun moment de la divinité du Seigneur. Ce n'est pas non plus qu'il ne voudrait pas prier ; mais la défaillance de Judas, son péché et la menace qui se dégage de lui rendent Jean incapable d'aller à Dieu avec autant de candeur que d'habitude et d'être dans la conversation du Fils avec le Père. Pour le moment, cette conversation est pour lui muette (NB 5,88).

 

Jean à la croix

 

107. L'angoisse de Jean

L'amour parfait bannit la crainte chez celui qui est vraiment saint. Mais si le saint veut porter avec le Fils ou bien si cela fait partie de sa mission, l'angoisse est ajoutée à sa foi. Il se peut que Jean ne pense plus guère à toute l'angoisse qu'il a connue à la croix et qu'à la croix il a pu recevoir l'amour qui est sans crainte (NB 6,247-248).

 

108. Jean a entend les paroles du Seigneur sur la croix

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix ; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent à nouveau face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est aussi profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire qu'il ne cesse d'être présent dans son Église (NB 5,106).

 

109. Le Fils aimait Jean

Le Fils en sa passion prend congé du monde et de ce qu'il aimait ici. En tant qu'artisan, il aimait aussi le bois. Il se trouve maintenant derrière lui, il ne le voit plus. Il aimait sa Mère et saint Jean et toutes les créatures du Père sur la terre et dans le ciel (NB 3,330).

 

110. Le Seigneur voit l'amitié de Jean

Dans l'expérience de la croix se trouve aussi inclus que, si le Seigneur aime Jean et voit la beauté de son amour, de son don de lui-même, son amitié, le fait qu'il l'accompagne, il éprouve aussi par là la misère et l'outrage de ceux qui se détournent de lui et le bafouent (NB 3,283).

 

111. Corédempteur

Les corédempteurs : d'abord les quatre "porteurs de croix": Marie, Madeleine, Jean et Pierre (celui-ci seulement de manière purement ministérielle) ; ils sont associés, mais sans en avoir conscience (NB 3,237).

 

112. Jean au pied de la croix

Le Fils ne saurait plus que le Père est au ciel si Marie et Jean n'étaient pas au pied de la croix. Il les voit, il perçoit par là en eux sa propre parole et il sait par là la vérité du Père (NB 3,158).

 

113. Dans le cercle le plus restreint de l’œuvre de la rédemption se trouvent Marie - la Mère -, Madeleine, Marie de Béthanie, Jean (NB 3,201).

 

114. L'ami du Seigneur doit être là à la croix

Jean est l'ami humain, il est le familier aimant. Et comme sur la croix le Seigneur est avant tout homme, il est avant tout requis de l'homme qui est son ami d'être là avec lui (NB 3,201).

 

115. A l'heure de Judas, Jean qui appuie sa tête sur la poitrine du Seigneur est là à la croix où ne se risque aucun autre apôtre (NB 2,212).

 

116. Au pied de la croix, en plein abandon, la Mère quand même avait été là, et les femmes et Jean (NB 3,22).

 

117. On ne peut pas imaginer qu'après avoir été présent au Golgotha, Jean ait pu devenir encore un jour infidèle à sa mission (NB 11,429).

 

Marie et Jean

 

118. Jean a certains traits féminins qui le rendent très proches de la Mère (NB 10,2368).

 

119. La sœur de Jean

Quand on reconnaît des personnes à l'entrée du ciel, elles ne sont plus pour nous un époux ou un fils mais un frère, non plus une mère ou une fille mais une sœur. Les relations que les religieux ont entre eux sont un avant-goût du ciel. Marie, quittant la croix en la compagnie virginale de Jean, devient sa sœur (NB 10,2125).

 

120. La maison de Jean

Marie va habiter chez Jean. Tout d'abord le lieu lui paraît tout à fait étranger. Mais c'est le lieu de l'ami de son Fils. Il devient maintenant son lieu à elle. Elle doit partager maintenant avec Jean cette maison pour que leurs deux missions puissent y avoir leur place, pour qu'elle donne à Jean ce qu'elle a donné à son Fils et qu'elle attende de Jean ce qu'elle a attendu de son Fils. Autrefois, quand elle attendait quelque chose de son Fils, elle le recevait toujours avec profusion. Maintenant le problème difficile est qu'elle devrait recevoir de Jean plus qu'elle ne peut en attendre ; la solution réside en ceci : elle a à lui donner pour recevoir de lui. Elle est certes habituée à son Fils. Christ - Marie - Jean : une hiérarchie descendante ; Marie reste à peu près égale à elle-même, qu'elle ait à faire au Christ ou à Jean, mais Jean n'est pas le Seigneur. Naturellement la Mère n'est pas déçue par Jean, mais elle est tout aussi certaine que Jean lui doit sa dernière maturité (NB 10,2091).

 

121. Nous ne savons vraiment rien des relations extérieures dans la maison où vivaient Marie et Jean (NB 11,392).

 

122. L'amour entre Marie et le disciple

Dans une vision, Adrienne a vu le Seigneur, la Mère et Jean. Elle vit l’amour du Seigneur et du disciple, totalement humain, chaud et amical, puis la remise de la Mère au disciple, et celle de Jean à la Mère, tandis que le Seigneur disparaissait. L’amour entre Marie et le disciple était un véritable prolongement de l’amour entre Jésus et le disciple (NB 9,1116).

 

123. Marie et Jean faits l'un pour l'autre

Une autre fois, Jean apparut avec la Mère et on voyait que les deux étaient davantage faits l’un pour l’autre que n’importe quel homme ou n’importe quelle femme. Jean est l‘amour et la parfaite virginité. Adrienne en parle longuement. Elle compare sa pureté à celle de Joseph. Joseph est un homme qui a son combat pour la pureté et doit sans cesse renoncer. Non pas qu’il ait jamais regardé Marie avec convoitise, mais il doit combattre la tentation en lui-même. Il est pur parce qu’il n’est jamais vaincu. Jean par contre, par son particulier attachement d’amour au Seigneur, est préservé de toute tentation. Il est au-delà de la sexualité, non qu’il serait efféminé, mais son amour répand simplement ses rayons sur toute la sphère érotique. Sa pureté vit totalement de la grâce et dans la grâce (NB 9,1100).

 

124. Le Fils confie sa mère à Jean

Quand le Fils sur la croix confie sa mère à Jean et qu'ainsi unie à Jean elle représente une fondation du Fils, elle n'a pas besoin d'avoir affaire directement avec Pierre (NB 6,485).

 

125. L’Église, Marie et Jean

Sur la croix, le Seigneur adresse ses paroles à Marie et à Jean, et tous deux s'éloignent de la croix pour entrer dans l’Église, une Église qui ne cesse d'avoir besoin d'eux et les met au centre, et pourtant ils ne peuvent pas rester au centre, ils doivent sans cesse s'effacer devant Pierre (NB 6,486).

 

126. Marie et Jean se rencontrent à la croix

Le Seigneur a décidé que Marie et Jean se rencontrent à la croix. Les deux se trouvent là dans la plus stricte obéissance. Et maintenant le Fils confie sa mère à l’Église de l'amour et non à l’Église ministérielle. L’Église de l'amour précède toujours de quelques pas ou de quelques lieues l’Église ministérielle. L’Église de l'amour se porte garante de la vitalité permanente de l’Église ministérielle et de la permanence en elle de l'Esprit (NB 6,487-488).

 

127. Marie, solitaire malgré la présence de Jean

Marie a sa solitude particulière : elle est rachetée à l'avance, elle n'a absolument aucune part personnelle au péché du monde. Dans le secret de son esprit, elle possède quelque chose qui l'isole ; après la mort de son Fils, elle devient encore plus solitaire, parce que Jean non plus ne peut pas comprendre ce par quoi elle passe : que son Fils soit enlevé par le péché auquel elle n'a aucune part si ce n'est qu'elle porte aussi les souffrances (NB 3,323).

 

128. Relation privilégiée de Jean avec Marie

Jean apparaît avec plusieurs fonctions. Il est le disciple et l'ami du Seigneur, l'évangéliste. Des disciples et évangélistes, il y en a d'autres, ils sont quatre. Mais du fait qu'il est l'ami, il devient digne de prendre soin de la mère du Seigneur, d'avoir avec elle une relation privilégiée (NB 2,200).

 

129. Relations d'amour entre Marie et Jean

Jean a aimé le Seigneur et il a été aimé par lui de sorte qu'il a fait l'expérience de l'amour comme vie et qu'il a été totalement dominé par lui. L'amour était pour lui le seul élément actuel de son existence et il en était conscient. Mais ce savoir ne s'est jamais arrêté en lui, ce savoir est toujours allé plus loin dans l'acte d'aimer et dans la contemplation de l'amour. Puis il rencontre Marie avec son mystère, il la prend chez lui après la croix, il se crée de nouvelles relations d'amour entre elle et lui ; mais de plus, qu'un nouvel amour soit créé par elle parce qu'elle devient objet d'amour et parce qu'on aime par elle, fait partie de ce qui est objectif en Marie ; elle devient un instrument de l'amour divin et humain. Cet amour de Marie ne peut pas diminuer parce qu'il se trouve face à la Trinité. C'est justement en Jean que l'on voit que tout culte de Marie et toute dévotion à Marie doivent inclure ce qui est trinitaire, qu'on ne peut pas séparer Marie de son mystère trinitaire. Par Marie, Jean fait une nouvelle expérience de la Trinité. Ainsi son amour, en tant que service du Seigneur et service de la vérité chrétienne, est toujours élevé tout autant que stimulé par la Trinité, il inclut toujours les mystères de Marie. Les relations de Marie à la Trinité sont si prodigieusement vivantes que non seulement Jean aime ces relations et en vit, mais que tous les desseins du Fils au sujet de la rédemption du monde et du commandement de l'amour peuvent s'en déduire. Marie est le point central de l'action de la Trinité : du Père, elle conçoit le Fils par l'Esprit, et elle met le Fils au monde pour le rendre au Père dans le même Esprit quand, sur la croix, il remet son Esprit au Père. Jean la comprend dans cette fonction comme étant le centre ; la rencontre de Marie avec la Trinité reste pour elle actuelle tout au long de sa vie, et Jean la reconnaît comme valable éternellement. Si on voit Jean de cette manière, il est alors évident que son amour pour le Seigneur est toujours également trinitaire et marial, et cet amour signifie pour lui la vie (NB 2,63-64).

 

130. Jean est pris dans le mystère de Marie

Adrienne comprend à quel point Jean était pris dans le mystère de Marie. La Mère se tient absolument derrière son évangile, Jean pense avec elle et en elle, même quand il ne la nomme pas. Elle dit aussi qu’on prie sans doute Jean beaucoup trop peu, car il peut beaucoup auprès du Seigneur (NB 9,1101).

 

131. Marie et Jean tendent ensemble vers le Fils

Quand la Mère s'éloigne de la croix, deux aimants l'attirent pour ainsi dire : Pierre et Jean ; mais le deuxième est plus fort parce que la mission du Fils vit en lui et ainsi elle se laisse insérer par Jean dans l’Église ministérielle. On ne doit pas non plus oublier que Marie est sans péché tandis que Pierre était un pécheur. L’Église ministérielle portera toujours en elle quelque chose du passé pécheur de Pierre. La Mère ne peut pas vivre autrement qu'orientée totalement vers le Christ qui est divinement pur, c'est lui qu'elle cherche avant tout. La volonté du Fils est que Marie et Jean tendent ensemble vers lui, donc en s'éloignant de Pierre. Mais Jean conduit Marie à Pierre parce que, au lac de Tibériade déjà, Jean a mis en Pierre sa propre place. Et Pierre leur ménage constamment une place : pour Jean et pour Marie et pour les deux. Mais cette place dans son Église, il ne la leur attribue que lorsque le Seigneur les a tous deux associés, et cela de telle sorte que c'est Jean qui prend la Mère avec lui. Sur ce point, la Mère est pur abandon ; Jean, c'est l'état religieux, l'état de l'amour, l'état parfait. Si l'on devait déjà distinguer ici le sacerdoce et l'état religieux, il serait clair que Pierre serait l'état sacerdotal hiérarchique, Jean l'état religieux de l'amour (NB 6,488-489).

 

132. L'attitude de confession de Jacques, fils d'Alphée

Son attitude de confession réside dans sa grande sincérité. Elle ne fait qu'un avec son attitude intérieure ; plus exactement, c'est celle-ci qui détermine son attitude de confession. Son attitude intérieure est ce qui est le plus important, car il est essentiel pour lui de se considérer en Dieu. Le péché, il le voit en quelque sorte comme faisant partie intégrante de la nature humaine qui lui a été donnée, comme une inclination profonde. Il pense que s'il oscille ainsi en Dieu, cette inclination sera éliminée avec le temps. Malgré sa théorie du mérite, il ne se tient pas pour capable de lutter autrement qu'en se mettant davantage dans la lumière de la grâce. Il voudrait que sa nature pécheresse se laisse consumer dans la grâce (NB 1/1,337).

 

133. Pour un portrait de Jacques, fils d'Alphée

On lui doit la Lettre catholique. Son attitude intérieure est très droite et peu sujette à des fluctuations. Et si jamais il lui arrive une faiblesse, une défaillance humaine, il éprouve aussitôt le besoin d'en tenir compte, de ne pas la laisser se perdre, de l'intégrer dans la doctrine, d'apprendre par elle à mieux connaître les hommes. Il a une rapidité étonnante à saisir les insuffisances humaines. Il ne se dore pas la pilule. Ce qu'il a fait en bien et en mal, il ne le considère pas avec satisfaction mais avec l'objectivité de l'examinateur. Il est pour lui-même une grande expérience chrétienne : c'est comme s'il sentait continuellement toute son humanité dans le jeu de la grâce. C'est son sens de la responsabilité qui le fait sentir ainsi. Pour mesurer la distance, il saisit ses voies, ses actions et ses réactions en remontant chaque fois de la fin d'une action à son point de départ ; il oscille de-ci de-là, moins en lui-même que dans la grandeur de Dieu afin de mieux comprendre pour lui-même et pour les autres. Mais ce contrôle s'effectue entièrement dans l'amour de Dieu et lui fait constamment ressentir la présence de Dieu. Il n'oublie jamais et il ne veut jamais oublier qu'il se trouve dans le rayon d'action de Dieu. Dans l'espace de cette lumière clarifiante de Dieu, il ne se met jamais lui-même en lumière. C'est ce qui le distingue de Paul. Paul met en lumière sa personne. A aucun moment il ne vient à l'idée de Jacques qu'il devrait s'exposer, attirer l'attention sur sa personne pour retourner ensuite à l'objectivité de Dieu. Paul fait souvent ce pas : "Regardez ce que je suis pour saisir par là ce qu'est Dieu". Jacques ne renvoie jamais qu'à Dieu : "Regardez Dieu; je suis en lui et tout ce qu'il fait en moi demeure visible en moi". Il est loin d'avoir la taille d'un Paul ; il n'a pas l'amour d'un Jean qui donne tout de suite au Seigneur tout ce qu'il expérimente, qui n'est jamais seul parce qu'il accomplit toujours le commandement de l'amour. Jacques est un solitaire parce qu'il se propose de demeurer dans sa relation à Dieu et parce que le prochain ne signifie pas pour lui un accès aussi immédiat à Dieu que pour Jean. L'Ancien Testament est important pour lui ; sa théorie (être en Dieu), il ne veut pas la démontrer uniquement en lui-même. Il se tient totalement dans le passage entre les Testaments. Il doit continuellement porter un regard en arrière sur ce qui a été pour s'assurer qu'il est en Dieu. Sa place, il la met davantage en rapport avec le passé tandis que Paul porte son regard vers l'avant et Jean vers le vaste espace de son prochain. Jacques ne se risque pas non plus à faire d'écart. Le Seigneur a bien été circoncis lui-même ! Sa fidélité au Seigneur n'a guère de possibilité de se transformer et de s'adapter. Son seul développement consiste à faire mieux comprendre sa position. Il ressemble à un artiste qui a produit une belle œuvre et qui, toute sa vie durant, la fignole. Ou à un chercheur qui a fait une certaine découverte et qui ne cesse de chercher à la perfectionner. Son être propre ne devient jamais pour lui un simple tremplin ; il se déplace comme sur une ligne, il est lui-même cette ligne, et il doit apprendre à toujours mieux connaître en Dieu sa position et sa longueur. Des adolescents s'enthousiasment pour quelque chose, puis vont plus loin. Jacques ne va jamais "au-delà". Il retiendra ce qu'il a connu, ce qu'il a aimé, si ce n'est le péché. D'autres sont libres vis-à-vis de leurs propres possibilités : on fait une chose, on laisse tout le reste, on revient peut-être plus tard sur le passé, ou peut-être pas. Un tel comportement est totalement étranger à Jacques. Son coup d'œil aussi est tellement objectif qu'il n'est pas en mesure de transfigurer les choses en les regardant. Dans un tableau de mauvais goût, il ne pourrait pas voir immédiatement l'amour de celui qui l'a peint ni voir les deux en même temps. C'est pourquoi il ne peut pas être tout à tous. C'est le point où il ne peut pas suivre. Il a pour cela une logique qui va jusqu'à l'extrême, jusqu'à la limite de l'inflexibilité. Il mérite une confiance absolue, il est la loyauté même, on peut tout voir en lui (par opposition à Paul) ; il n'y a chez lui aucune trace d'orgueil, ni de présomption (NB 1/1,335-338).

 

134. L'attitude de confession de Jude

Son attitude intérieure est déjà une attitude de confession. Sa "mauvaise conscience", c'est-à-dire le sentiment qu'il a d'être complice, est touchante. Quand nous, nous avons mauvaise conscience, nous essayons de nous en débarrasser le plus vite possible. Lui au contraire, il sait qu'il a à la porter. Et, dans cette foi surnaturelle, sa nature lui est toujours rappelée d'une manière particulièrement forte. Il sait qu'il serait capable de tout péché. Il a du flair pour tout péché, mais ce flair ne s'extériorise jamais, il lui fait tout supporter en lui-même. Il voit partout les fils qui le relient à chacun des péchés du monde. Le tout n'est pas une souffrance terrible ; c'est plutôt une conscience qui l'accompagne partout. Il est aussi celui qui comprend les autres, celui vers qui ils peuvent aller. Il est pour tous comme un confesseur (NB 1/1,335).

 

135. L'attitude de confession de Philippe

La confession est pour lui tout à fait pratique. Il a bien saisi la portée de l'attitude de confession. L'examen de conscience ne lui cause aucun problème : où commence et où finit son péché ; il veut simplement se débarrasser de ce qui n'était pas bien. Parce qu'il veut servir, il ne veut pas occuper son esprit de choses qui seraient préjudiciables à son service. Ce qui a été dit une fois se trouve définitivement derrière lui. Il peut alors continuer à s'occuper de ses "affaires". Il se repent aussitôt après l'acte si quelque chose n'a pas été tout à fait en ordre. Foi et paix ne font qu'un pour lui ; tout ce qui le fait dévier le rend inquiet, il se repent aussitôt et se remet sur la voie. A sa manière pratique, il cherche immédiatement les moyens de ne pas commettre à nouveau la faute. Il connaît ses propres faiblesses et il sait ce qu'il vaut mieux éviter (NB 1/1,327-328).

 

136. L'attitude de confession de Thomas

Tant qu'il n'a pas été vaincu et qu'il n'apprend pas à croire d'une manière nouvelle, il adapte la foi à lui-même et, dans son attitude, il ne va pas au-delà d'une confession d'accommodation. Il sera prêt à reconnaître ceci et cela comme péché dans des limites étroites. Pour se confesser comme il faut, il doit d'abord faire sauter tout le cercle dans lequel il tourne en rond, par exemple en commençant à comprendre qu'il y a pour lui une faute justement parce que, en tant qu'apôtre, il est plus profondément responsable, qu'il doit porter aussi quelque chose de la faute des autres, etc. Sinon il resterait un appelé qui suit extérieurement son appel, mais qui demeure intérieurement comme s'il n'avait pas été appelé. Il est le modèle qu'on peut montrer pour faire voir que la responsabilité grandit avec la mission (NB 1/1,340).

 

137. Pour un portrait de Thomas

Le Thomas incrédule doit toucher la plaie de son doigt pour croire. Il ne peut en être convaincu que par une preuve sensible, il ne peut reconnaître la croix d'hier et la résurrection comme des actes réels du Seigneur qu'en touchant aujourd'hui sa plaie (NB 3,306-307).

 

138. L'apôtre Thomas voulait voir et toucher pour croire (NB 5,185).

 

139. Le zèle de Thomas

Thomas a un certain zèle, mais ensuite il fait tout dépendre de ses propres moyens de connaissance. De cette manière, il peut tout au plus saisir quelque chose d'humain. Pour saisir quelque chose du divin, il faut toujours la grâce, et celle-ci requiert toujours du croyant qu'il renonce à lui-même, qu'il renonce à ratiociner et à ergoter et à tout savoir mieux que les autres. La grâce submerge, c'est sa nature. Elle n'explique pas point par point, mais elle prodigue sa lumière comme le soleil. L'homme en qui Dieu se prodigue de la sorte devrait chanceler puisqu'il ne pourrait plus voir que la lumière de Dieu et non plus sa propre faiblesse. Il devrait renoncer à un dialogue entre lui et Dieu comme entre partenaires, n'être que pur bénéficiaire, avec les bras ouverts, sans jamais pourtant pouvoir tout contenir parce que la lumière coule à flots partout, qu'elle demeure insaisissable et qu'elle est beaucoup plus que ce que peut saisir une seule personne. Comme si on tenait un petit récipient sous un puissant jet d'eau : il ne peut jamais se remplir parce que le jet est trop puissant (NB 6,520).

 

140. Après leur communion, les disciples pécheront même plus gravement qu'avant : Judas, Pierre ! Et après la croix : Thomas ! (NB 6,527).

 

141. Les apôtres ont vécu le retour du Seigneur qui fut si difficile à accepter pour Thomas (NB 10,2184).

 

142. La foi de Thomas

Thomas met ses doigts dans la plaie du Seigneur. Thomas ne peut devenir vivant que parce que le Seigneur l'est déjà devenu. Et le Seigneur ne peut devenir vivant que lorsque Thomas a commencé à abandonner son doute et qu'il a commencé à croire. Comme si le caractère vivant du Seigneur dépendait de la foi de Thomas, et comme si, du fait que le Seigneur devient vivant, la foi de Thomas était fortifiée, il devient tout à fait vivant (NB 12,253).

 

143. L'attitude de confession de Barthélemy

Dans son attitude de confession, il ressemble à Jean : celui-ci se garde dans l'attitude de confession par pur amour, lui par pure vérité. Il doit se confesser, montrer ce qui n'est pas juste en lui, pour qu'il devienne d'autant plus capable de saisir la vérité et d'être dans la vérité. Toute inclination au péché, il la considère comme une dénégation de la vérité de Dieu et donc comme une contradiction insupportable. Il y a là un peu d'intellectualisme. Orgueil serait un mauvais terme pour le dire. Il a des connaissances remarquablement précises du péché et du mensonge. Il regrette presque davantage de ne pas avoir vécu absolument en accord avec la vérité que d'être sorti de l'amour de Dieu. C'est sa précision spirituelle qui lui donne aussi l'exactitude de la confession (NB 1/1,329-330).

 

144. L'attitude de confession de Simon le zélote

Il arrive tout près de l'attitude de confession, mais il ne la comprend pas. Au moment où cela devrait se produire, son zèle le reprend, il ne voit pas ce qui est décisif, il passe outre. Il y a comme un vide en lui, un lieu où il ne peut pas accéder, auprès duquel il se sent mal à l'aise. Il pressent qu'il n'écoute pas totalement le Seigneur bien qu'il le voudrait. Mais il ne trouve pas la raison de sa défaillance (NB 1/1,341).

 

145. L'attitude de confession de Matthieu

Son attitude de confession est tout à fait conforme à son attente. Parce qu'il ressent plus les choses extérieures, il confesse davantage l'extérieur. Mais il est convaincu qu'on doit se confesser et vivre dans la sincérité. Seulement il ne voit pas encore ce qui doit éclore ici. Il pense qu'on le lui montrera un jour. Aussi s'occupe-t-il peu intérieurement de ces choses. Il reconnaît ce qui n'est pas juste en lui et ne veut rien dissimuler, mais cela ne l'occupe pas beaucoup vu qu'il est tellement occupé par d'autres choses. C'est dans son attitude de confession peut-être que, pour lui, la communauté vit le plus en tant que communauté des croyants. Il sent obscurément que, dans l'attitude de confession, c'est surtout l'amour du prochain qui est encouragé et exprimé. Mais il réserve pour ainsi dire cette mise en œuvre pour l'époque du tournant à venir (NB 1/1,332-333).

 

146. L'attitude de confession de Matthias

Si le Seigneur ne le tenait pas si fort, il serait tout près de devenir scrupuleux. Il est tellement pénétré de son indignité, il est tellement convaincu que Jésus a tout essayé pour soutenir Judas contre sa propre volonté qu'il craint partout un commencement de péché : "Est-ce que ceci n'est pas déjà un péché ? Est-ce que ceci n'est pas déjà le commencement de la défaillance ?" Il fait partie de ces chrétiens qui préféreraient se confesser tout de suite deux fois plutôt qu'une (NB 1/1,347).

 

147. L'attitude de confession de Judas

Il n'y a pas d'attitude de confession chez lui. Il ne croit pas au pardon parce que, en fin de compte, il ne croit pas au péché. Quand par exemple il ment, il sait très bien qu'il ne dit pas la vérité, il le sait même avec une très grande évidence. Il serait même souhaitable que la plupart des chrétiens voient aussi clairement leurs péchés ! Mais Judas ne les reconnaît pas comme des péchés, il les reconnaît comme des faits qui sont rangés quelque part dans son système de vie, dans le système de son autodéfense (NB 1/1,343).

 

148. Pour un portrait de Judas

Le Seigneur n'a pas traité Judas d'une autre manière que les autres apôtres (NB 1/2,121).

 

149. Le Christ et Judas

L'exigence de décision du Christ : Qui n'est pas pour moi est contre moi. Le Christ et Judas, l'un à côté de l'autre : la tiédeur n'a pas de place entre deux, le froid et le chaud se frottent directement l'un contre l'autre (NB 2,186).

 

150. Le traître

Judas aurait pu être bien pire. Il fut le traître : nous le sommes tous quelque part. Il s'est repenti et a rendu l'argent. Il a eu une telle horreur de son péché qu'il a dû se pendre. Ce n'était pas beau, mais justement il fut saisi par un grand désespoir. Il aurait pu aussi commencer à mener une vie tranquille et satisfaite avec l'argent qu'il avait gagné et se moquer de tout (NB 3,48).

 

151. Judas apparaît comme une illustration d'un abandon graduel. Il s'est fait lui-même son abîme (NB 4,46).

 

152. Le Fils est en attente de tous les humains, depuis sa Mère jusqu'à Judas (NB 6,134).

 

153. Judas aura le dernier mot

Tout en sachant qu'il va racheter le monde par sa mort, le Fils sait en même temps que, durant sa vie, il n'obtiendra pas un résultat décisif. D'un point de vue terrestre, Judas aura le dernier mot. Le péché a causé de tels ravages que seule sa mort peut tout arranger (NB 6,141).

 

154. Judas embrasse et trahit. Mais un baiser n'a qu'un sens : l'amour, le don de soi (NB 10,2354).

 

155. Judas aussi fut un authentique disciple de par son appel (NB 11,431).

 

156. Judas sait qu'il va trahir

A la Cène, Judas sait qu'il va trahir et, d'une certaine manière, il espère encore toujours qu'il ne le fera pas. Espérer est un terme trop beau pour le dire ; il réfléchit, il suppute : il pourrait y avoir la possibilité de ne pas le faire. Il a comme un double regard : il regarde parfois le Seigneur comme les autres : avec un certain étonnement, avec attachement ; mais chaque fois revient l'autre regard : ce n'est pas toi qui m'auras, c'est moi qui t'aurais ! Et il y a quelque chose de dangereux qui brille dans ses yeux (NB 12,251-252).

 

157. L'attitude de confession de Marc

Son attitude de confession est bonne parce qu'il reconnaît aisément sa faiblesse et ses fautes. Il a même l'impression que s'il persévérait dans l'attitude de confession, il triompherait avec le temps de ses difficultés ; non pas lui, mais le Seigneur en lui. S'il y arrivait, il ferait de véritables confessions. Car il est souvent dégoûté de lui-même (NB 1/1,349-350).

 

158. L'attitude de confession de Luc

Il se tient dans une humble attitude de confession devant le Seigneur, mais aussi devant les autres qu'il aide comme en se confessant. En s'appliquant à faciliter en tout leur service, il cherche aussi à faire ce qu'ils désirent ; ce qu'il fait lui-même, il ne le met jamais en lumière. Pour lui-même, il prend les autres en exemple. S'il commettait un péché, il craindrait de faire tort non seulement au Seigneur mais aussi aux autres. Il ne s'isole jamais lui-même et ainsi il reste toujours ouvert à la confession. Sa confession elle-même est d'une certaine manière plus modeste. Ce qu'il y a de grand chez lui, c'est sa disposition à se confesser. Il est tellement convaincu de son inclination au péché qu'il essaie de rester constamment disposé à se confesser (NB 1/1,351).

 

159. Pour un portrait de Luc

Il prie beaucoup. Et très modestement, très exactement; sa prière est très liée à ce qu'il dit. Il prie un peu comme on exécute un travail scientifique, comme un médecin. Il y a un système dans sa prière. Elle se déploie comme une histoire de malade : du constat des symptômes au diagnostic et au traitement. Tout ce qu'il voit est pour lui une occasion de prière. Il est peut-être le disciple qui prie le plus pour l'apostolat et pour les apôtres et qui assume aussi dans sa prière leurs soucis privés et leurs désirs et leurs prières. Il est aussi un peu celui qui exhorte les autres, mais avec une humilité infinie, et non sans avoir d'abord tout présenté à Dieu. Il est très dépendant de Paul, mais il ne va jamais jusqu'au bout de sa réflexion au sujet de sa relation personnelle aux apôtres. Il n'y prend peut-être pas particulièrement plaisir, mais il n'y réfléchit pas. Il est adjoint à Paul, il lui est subordonné, il note tout et fait tout ce qui est à faire ad majorem gloriam Pauli. Dans sa contemplation, il part toujours du Seigneur, tel qu'il le connaît ; quelque chose qu'il connaît, qui le préoccupe, qui peut être utile : c'est là qu'il commence. Et de là il entre dans la contemplation. Celle-ci également a quelque chose de très ordonné, presque de scientifique, comme son inspiration. Il y a une grande ressemblance entre les deux. C'est comme s'il insérait son inspiration dans ce qu'il sait déjà. Il pourrait presque écrire son évangile de mémoire. Mais au moment où il le pourrait, tout est repris et enrichi par l'inspiration si bien qu'il doit le faire et le faire plus grand qu'il n'aurait pu le faire de lui-même. Mais en écrivant il n'est lié à aucun état particulier. Son inspiration a quelque chose de tout à fait paisible, il entre simplement en elle comme dans une obéissance Par rapport à Paul et aux autres apôtres, il est touchant de voir comment il approuve ce qu'ils font, comment il leur fait partout crédit. Il est peut-être le disciple qui prie le plus pour l'apostolat et pour les apôtres et qui assume aussi dans sa prière leurs soucis privés et leurs désirs et leurs prières (NB 1/1,351-352).

 

*

 

IV

 

Les relations des apôtres avec Jésus

 

Plan : 1. La vocation des apôtres - 2. La vie quotidienne - 3. Les apôtres dans l'histoire de l'Eglise - 4. Le ministère des apôtres - 5. L'intelligence des apôtres - 6. Le Thabor - 7. Le mont des oliviers - 8. La passion - La croix - La mort - 9. Les quarante jours - Le lac de Tibériade - La pêche - 10. L'Ascension - La Pentecôte - L'Esprit Saint - 11. La Cène après la résurrection

 

 

1. La vocation des apôtres

Plan : L'appel - Suis-moi - Conscience d'une mission - Rencontre - Le oui des apôtres - L'état religieux

 

160. Dieu voulait associer au Fils les douze qui perçoivent totalement l’appel divin (NB 4,110).

 

161. Quand le Seigneur ici-bas appela les douze disciples, tous le suivirent (NB 11,361).

 

162. L'appel que le Seigneur lance à chacun est personnel. Les voies des apôtres sont des voies personnelles (NB 10,2066).

 

163. L'appel et l'Esprit Saint

Le Seigneur appelle quelqu'un, Jean par exemple ou la petite Thérèse, mais c'est la descente de l'Esprit Saint qui le rend apte au service, qui le rend saint. Il lui laisse sa personnalité qu'il a de par la création, mais il l'élève pour en faire une personnalité sainte (NB 10,2117).

 

164. Les apôtres entendent l'appel du Seigneur parce que le Père les a placés sur son chemin et leur a ouvert les oreilles (NB 6,115).

 

165. La vocation des apôtres

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église, organisation des formes d'ordres - est clairement destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,546-547).

 

166. Ils suivirent le Seigneur sans rien dire

Le Seigneur dit aux deux disciples : "Suis-moi", et ils le suivirent sans rien dire. Il ne leur a pas donné d'explications. Ils partirent parce qu'ils devaient partir, parce qu'il y avait en eux quelque chose de nouveau pour quoi ils n'avaient pas encore de nom, mais qui était pur. Ils ne voulurent pas répondre au Seigneur par une question, mais par une réponse. Ils suivirent celui qui ne parlait pas. Tout resta d'abord non dit et était totalement en ordre parce que, par sa demande, le Seigneur avait créé en eux le vide et la réceptivité qui étaient nécessaires pour qu'ils comprennent plus tard sa parole. Il n'agit sur eux que par sa nature, son attitude, son ordre. Et même sans explication, les disciples furent remplis par l'événement dans le sens du Seigneur. Le Seigneur leur avait fait le don d'une obéissance primaire qui tenait valablement la place de l'enseignement qu'il donnera sur lui-même et sur le Père et sur l’Église. C'est la première merveille qu'il opéra en eux avant même de livrer les merveilles de la doctrine chrétienne. Quand plus tard il commença à enseigner par la parole, cela put se faire tout à fait sans système parce que, par l'obéissance, il les avait placés déjà au centre d'où il était possible fondamentalement de comprendre les détails. C'est comme quand on se trouve devant un tableau qui nous stupéfie : on ne trouve pas les mots qu'il faut, c'est trop beau, on ne pense pas à le disséquer, on se place devant lui tout entier, devant l'ensemble. C'est ce qui est arrivé aux disciples lors de leur appel décisif (NB 11,319-320).

 

167. Suis-moi

Quand le Seigneur invite les apôtres à le suivre, quand il ordonne : "Suis-moi", il y a une question qui exige une réponse et un consentement personnels. Mais quand le Seigneur, venant de la croix, paraît aux yeux des disciples et qu'il souffle sur eux en disant : "Recevez l'Esprit Saint, ceux à qui vous remettrez leurs péchés seront pardonnés", la question ne leur est plus posée parce que maintenant ils représentent l’Église. Le ministère leur est simplement imposé. Il fait partie du fondement premier de l’Église (NB 1/2,189).

 

168. Invité par l'amour du Seigneur

Le Seigneur aime ses disciples et leur donne ainsi la foi : "Suis-moi  !" Celui qui suit est invité par l'amour du Seigneur, et il fait partie de cet amour qu'il comprenne la foi et la mette en œuvre (NB 12,52).

 

169. Un appel préparé par l'Esprit

L'Esprit a préparé l'incarnation du Seigneur, il a accompagné son humanité et aucune de ses démarches ne s'est effectuée sans que l'Esprit l'ait devancée. De même aussi pour l'apôtre. "Toi, suis-moi": l'apôtre suit l'appel parce que l'Esprit l'a touché, l'a rendu attentif à la venue du Seigneur. Pour le Seigneur qui appelle, il y a dans son action, à côté de son obéissance au Père, la reconnaissance de l'action de l'Esprit dans l'appel lui-même. "Toi, suis-moi" : le Fils dit cela au bon moment, quand l'autre a été préparé par l'Esprit ; l'appel devient audible pour l'apôtre parce que la voix de l'Esprit a pris forme en lui (NB 4,157/158).

 

170. Suivre le Christ

En suivant le Christ, les apôtres se sont engagés dans le domaine de l'Esprit Saint, ils vivent déjà dans la mission ; leur mission future dans le monde reposera toujours sur le fait qu'ils suivent le Christ : ils sont ceux qui étaient là parce que, dans l'obéissance, ils ont lâché ce qui leur était propre. Cette obéissance était une ouverture à l'Esprit qui, en partant de là, peut donner à leur vie la forme de la mission (NB 10,2127).

 

171. Chercher à obéir

Il y a un souffle de l'Esprit Saint qui demeure pour l'essentiel inchangé à travers toutes les époques de la révélation. On le reconnaît toujours là où quelqu'un sort de sa voie et cherche à obéir directement. Ce qu'il fait est humainement incompréhensible mais, par Dieu, il est conscient d'une mission qui vient de Dieu. Abraham quitte son pays et, en offrant son fils en sacrifice, il anticipe le geste de Dieu qui viendra plus tard ; Moïse cherche à entendre et à obéir ; contre toute raison humaine, il conduit son peuple à travers le désert ; les prophètes disent des paroles contraires à toute sagesse ; les apôtres abandonnent leur métier et jouent tout sur l'unique carte du Seigneur ; une Jeanne d'Arc obéit à ses voix et fait ce qu'aucune jeune fille ne ferait ; une Bernadette, qui ne sait ni lire ni écrire, cesse de parler comme les autres enfants et ne dit plus que la seule chose qui est sa mission ; le curé d'Ars au confessionnal entend même les choses qu'on ne lui dit pas et il ose se prononcer à leur sujet. C'est toujours une obéissance au-delà de ce que chacun peut comprendre par lui-même (NB 6,453).

 

172. Rencontrer le Seigneur

Quand les disciples ont rencontré le Seigneur, ce fut pour eux comme un hasard derrière lequel il y avait une Providence. Ils ne savaient pas du tout que c'était par obéissance, pour une mission, qu'ils se trouvaient justement sur ce chemin où passait le Seigneur (NB 11,372).

 

173. Nés de Dieu

Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur, sans exhibition. Il n’y a que ce que le Seigneur fait qui attire l’attention, non ce qu'ils font eux-mêmes (NB 10,2042).

 

174. Le oui

Le oui des apôtres, du moins au début, ne peut aucunement se comparer au oui de la Mère. Ce n'est que peu à peu qu'ils y seront engagés plus profondément (NB 10,2047).

 

175. Pour Rupert de Deutz, l'état religieux est le seul état dans lequel le Seigneur a placé ses disciples (NB 1/1,71).

 

2. La vie quotidienne

Plan : Des hommes - Vivre avec Jésus - Missions des disciples - Un ami - La marche sur les eaux - Marie et les apôtres - La dernière Cène

 

Des hommes

 

176. Associé à des hommes

Pour sauver le monde, Dieu a envoyé son Fils et il lui a associé des hommes ; d'abord les apôtres puis, parce que l'eucharistie fait durer toutes choses, d'autres hommes qui sont saints (NB 2,116).

 

177. Adrienne parle des apôtres

Mardi 21 septembre 1943. Le soir Adrienne parle pendant deux heures des apôtres avec beaucoup d’animation et elle dit tant de choses belles et profondes que, de mémoire, je ne puis les rendre que d’une manière fragmentaire. J’essaie de m’en tenir autant que possible à ses propres termes. Adrienne souligna combien les apôtres étaient étroitement liés. Combien ils forment un groupe par rapport aux disciples à venir. En un certain sens, les apôtres sont sans personnalité, sans subjectivité qui se dégage et qui serait décisive. Ils sont simplement ceux qui ont été associés. La vie de ceux qui viendront après est toujours un développement, une courbe, un cercle du premier moment du contact de la grâce jusqu’au dernier moment de leur vie (NB 8,806).

 

178. Des collaborateurs

Pour les disciples, la foi nouvelle ne commencera que lorsque le Seigneur devenu adulte se mettra à prêcher dans le pays et qu'il aura besoin de collaborateurs (NB 6,148).

 

179. Le Seigneur fonde son Église avec les hommes de son milieu, qui le suivent comme par hasard (NB 10,2265).

 

180. Un homme

Ce qui est visible de Dieu se concentre dans le Fils d'une certaine manière. Quand Marie ou les disciples le verront, ils verront un homme sans doute, mais ils auront en même temps en lui une vision du Dieu qu'il est (NB 6,155).

 

181. Des hommes mariés

Bien des apôtres furent mariés. Le Seigneur les prend en Israël tels qu'ils étaient. Il ne veut pas remettre à plus tard leur élection comme s'ils avaient déjà à vivre dans l'ancienne Alliance selon les lois de la nouvelle. Il y a sans doute Jean-Baptiste, mais plus comme une exception. En tant qu'homme parmi les hommes, le Seigneur s'est adapté aux conditions historiques (NB 1/2,285).

 

182. Le cercle des apôtres

Avec la conscience d'une personne du vingtième siècle, Adrienne est transportée à l'époque où le Seigneur vivait ici-bas avec ses apôtres. Elle ressent très fort la distance qui existe dans la manière de penser, la technique de pensée pour ainsi dire. Vis-à-vis des apôtres, elle sent une gêne comme si elle était tombée dans une société tout à fait étrangère. Elle se souvient qu'un jour en Angleterre elle avait été invitée pour le thé dans un château gothique ; des valets en livrée faisaient le service, elle avait l'impression d'être transportée dans un autre monde où elle devait faire quelque chose d'habituel : prendre du thé. De même ici, et plus fortement encore. Malgré cela, les paroles du Seigneur lui montrent que c'est le même monde ; c'est le même parce que le Seigneur envoie l'Esprit et l'Esprit sert de médiateur par-delà les époques. Il forme le pont. Et tous ses efforts consistent à nous donner au Fils (et non l'inverse), tandis que les efforts de l'Homme-Dieu consistent à se donner à nous. En se sentant étrangère dans le cercle des apôtres, Adrienne découvre tout à coup à quel point, au commencement, le Fils de Dieu a dû se sentir étranger au milieu d'eux et en toute société humaine (NB 6,426-427).

 

183. Les apôtres devant le choix

Si les paroles de Jésus semblaient dures aux Juifs et s'il mettait même ses apôtres devant le choix d'accepter sa dureté ou de s'en aller, le guide dans l’Église doit lui aussi exiger le oui au Seigneur sans conditions (NB 2,129).

 

184. Les disciples s'égareront

Il y a la force du péché ; les plus fidèles du Fils, ses disciples, s'égareront, comme Adam et Ève, qui étaient les plus fidèles du Père. L'expérience du Père avec la création se répète dans le Fils. Il se trouve maintenant là où se trouvait le Père, et ses plus proches, ses disciples, représenteront Adam et Ève (NB 6,141).

 

185. Ils se sont enfuis

Le Seigneur abrite tout en lui. Il a en lui le ministère de Pierre et l'amour de Jean et les fonctions d'un chacun. Il les leur a certes distribuées, mais de telle manière qu'ils ne peuvent les exercer qu'en ne faisant qu'un avec lui. Cependant ils se sont maintenant enfuis et ainsi un malheur se glisse dans l’Église et, pour en sauver quelque chose, le Seigneur prend l’Église avec lui sur la croix pour éprouver l’Église (NB4,426).

 

186. Le péché des élus : Judas, Pierre ; l’incrédulité de Thomas (NB 8,944).

 

187. Les saints apôtres

Les Corinthiens étaient certes d’une certaine manière saisis par l’Esprit, mais pour ainsi dire trop saisis. L’Esprit n’avait pas fait d’eux des saints comme il l’avait fait pour les apôtres (NB 9,1564).

 

188. Vivre en relation avec la Parole incarnée

Les saints de l'ancienne Alliance sont distingués pour nos concepts par des relations directes avec la parole de Dieu. Les apôtres aussi, en tant que saints de la nouvelle Alliance, vivaient en relation avec la Parole incarnée. Nous vivons dans l'espace de l’Église et du mystère eucharistique, et nous oublions que les deux, l’Église et l'eucharistie, non seulement procurent une grâce sanctifiante universelle, mais qu'elles contiennent toujours la parole de Dieu vivante et personnelle. La sainteté dans l’Église n'est jamais possible sans une relation personnelle à la parole personnelle de Dieu à moi (NB 2,27).

 

189. Les apôtres sont gagnés peu à peu

Le Fils peut communiquer à Marie et à Joseph le sentiment que cela va de soi. Il apporte à leur mission une assurance simple. Dans une humanité qui ne serait pas tombée, le comportement de ses parents serait tout à fait normal ; dans une humanité tombée, cela ne l'est pas, mais ils ne doivent pas y réfléchir, ils doivent être naturels. Par son propre comportement, l'enfant leur donnera ce naturel. En eux, le monde déchu qui les entoure est vaincu. Pour les disciples, il se répétera quelque chose de semblable, mais ce sera à grande distance de Marie. La Mère que l'enfant reçoit à Noël a déjà vaincu. Les apôtres sont gagnés peu à peu, mais conduits d'une manière plus lâche, parce qu'ils comprennent moins que la Mère (NB 6,159).

 

Vivre avec Jésus

 

190. La vie des disciples avec le Seigneur

On doit considérer la vie des disciples avec le Seigneur dans son ensemble. Ils le suivent et ils font tout ce qu'il dit. Et cela toujours, pas seulement quand il parle ex cathedra. Également quand il les envoie pour l'une ou l'autre chose : prêcher ou faire des emplettes, ou préparer la salle, ou aller chercher l'ânesse, ou tenir le bateau à sa disposition (NB 11,395).

 

191. Des relations directes

Pendant la vie publique du Seigneur, les apôtres ont eu des relations directes avec le Fils. A cette époque-là, la Mère a accompagné son Fils invisiblement dans la contemplation, et c'est de cette manière invisible qu'elle a servi et fécondé les relations qu'il avait avec ses disciples (NB 11,33).

 

192. La relation de Jésus avec ses disciples

L'amour prévu à l'origine (au paradis) pour l'homme et la femme aurait dû être un amour pur des deux côtés et également parfait, même si avait été donnée à l'homme la forme d'un amour qui dirige et à la femme la forme d'un amour qui suit. Cette perfection de l'amour prévue à l'origine, le Seigneur la recrée dans sa relation avec ses disciples (NB 12,35).

 

193. Le Seigneur aplanissait les désaccords

Puis je vis le Seigneur avec différents apôtres, il aplanissait tous leurs désaccords et tous leurs conflits. Chaque fois qu'il avait à leur faire un reproche, il leur donnait un enseignement plus profond. Lui-même restait toujours le même avec l'exigence de le suivre. Ils l'acceptent plus ou moins en suivant cahin-caha, ils ne cessent de l'oublier, s'installent, renient même et il doit constamment rétablir l'équilibre et compléter ce qui manque (NB 10,2249).

 

194. Il est toujours là pour ses disciples

Quand, dans l’Évangile, le Fils se retire pour prier seul ou quand il va avec ses disciples se reposer dans un endroit désert, dans tous les cas il est toujours là pour ses disciples, pour le monde à sauver (NB 12,122).

 

195. Des relations fraternelles

Même si les apôtres étaient dotés de toutes sortes de dons (comme de guérir et de chasser les démons), ceux-ci restaient toujours liés à la présence terrestre du Seigneur, à sa personne et à son enseignement. Sa propre mission, il l'accomplissait d'une manière personnelle, non d'une manière anonyme, dans le cercle des disciples ou avec des relations si fraternelles avec eux qu'on aurait pu poser la question : qui au fond a opéré le miracle ? Mais il apparaissait toujours avec sa propre responsabilité. Il la porta jusqu'à sa mort (NB 6,294-295).

 

196. Des fêtes

Quand le Christ fait une fête - les fêtes intimes de son enfance et de sa jeunesse auxquelles participent Joseph et Marie, ou les fêtes plus tard avec ses apôtres -, ce qui est décisif, c'est toujours sa présence (NB 10,2175).

 

197. Autour de la table

Le Seigneur essaie de former une Église avec ses disciples. Comment le soir ils sont tous fatigués, rassemblés autour de la table. Et malgré la fatigue, l'union doit se faire, car la mission du Seigneur est de constituer une Église. C'est au beau milieu de cette fatigue qu'il forme son épouse en éveillant et en fortifiant la foi dans les âmes de ses disciples. Son âme s'épanche dans leurs âmes, ils saisissent quelque chose du don de soi, ils sentent en eux sa force. Et la volonté les saisit de lui appartenir et de le servir (NB 5,268).

 

198. Une existence humaine

Le Fils, en tant qu'homme, dans ses conversations avec ses amis, peut lors des fêtes, dans ses relations avec ses disciples, mener une existence totalement humaine sans l'interrompre constamment par des coups d'œil sur sa vision du Père. Il connaît la mesure de l'existence humaine et la démesure de la grâce qu'il porte, et cette grâce est aussi celle dans laquelle Marie vit dans la foi (NB 5,66).

 

199. Conversation du Seigneur avec ses disciples

La parole de Dieu telle qu'elle se fait entendre dans la prédication du Seigneur, dans ses conversations avec ses disciples et ses amis, est chaque fois une parole qui révèle la doctrine chrétienne et suppose aussi la connivence des auditeurs. C'est ainsi qu'elle est en même temps parole et réponse. Le Seigneur est abandonné par les siens qui ne voulurent pas aller au même rythme que lui et n'en furent pas capables. Ils dorment au lieu de prier. Les disciples représentent une foi moyenne, une foi routinière qui, alors qu'elle devrait participer à la conversation du Fils avec le Père, s'en dispense elle-même, c'est pourquoi elle en est exclue. Le Fils se tient ainsi devant le Père sans son Église, sans semence et sans fruit (NB 5,99).

 

200. Le Fils parle aux apôtres

Quand, dans les paraboles, le Fils parle aux apôtres de la réalité céleste - une réalité qu'il connaît de toute éternité -, c'est pour donner à la foi de l’Église une nouvelle dimension (NB 6,190).

 

201. Les questions des disciples s’efforcent d’atteindre l’Esprit ; ils sont confiants, ils font crédit ; les réponses du Seigneur proviennent de l’Esprit trinitaire parfait (NB 9,1564).

 

202. Instruire les disciples

Quand le Seigneur comprend que son heure arrive, c'est avec un pressentiment presque physique qu'il sait ce que veut dire se séparer de son corps. Il est tellement devenu chair que la pensée de devoir mourir en pleine maturité le touche aussi durement dans sa chair que dans son esprit. Au beau milieu de sa tâche, il doit partir; la croix sera une fin précipitée. Humainement, il aurait aimé préparer plus soigneusement cette dernière tâche, il aurait souhaité plus de temps pour rassembler ses disciples, mieux les instruire, il aurait aimé fonder plus profondément son Église, approfondir son enseignement (NB 6,227).

 

203. Il dit à ses disciples de se reposer

En tant qu'enfant, le Fils est lié, incapable de disposer de son corps, de réaliser ses desseins, au cas où il en aurait. Il sait que viennent des années où il pourra décider de ses actes, c'est lui qui dira à ses disciples de se reposer quand ils seront fatigués, c'est lui qui maudira l'arbre stérile quand il aura faim. Tout ceci dans l'obéissance au Père (NB 6,208).

 

204. Jésus et ses disciples devant la passion

Avant le mont des oliviers, si le Fils voulait essayer de parler avec le Père de sa passion qui approche, il se créerait - à son avis - un moyen pour se reposer, pour se décharger un instant du fardeau. Pendant ce temps, il ne pourrait pas faire son métier de Rédempteur. Quand il annonce à ses disciples sa prochaine passion, il en sait déjà quelque chose. Il y a dans ses paroles une ultime espérance qu'ils en comprendront peut-être quelque chose. Avec le Père, il ne peut pas en parler, car il ne veut pas se faciliter lui-même la tâche. Avec les disciples, il en parlerait volontiers étant donné qu'il a la mission de les introduire aussi loin que possible dans ce qu'il éprouve. Il devrait être possible de leur en montrer quelque chose afin qu'ils apprennent à porter avec lui d'une certaine manière. Ce n'est pas encore l'abandon de Dieu sur la croix, mais une séparation que le Fils doit opérer en lui afin qu'il puisse ressentir à fond le péché. Il ne peut pas porter cela tout seul, il s'adresse à ses disciples en espérant qu'ils pourraient en quelque sorte l'aider à retrouver l'ouverture à Dieu. En espérant que le surplus de ce qu'il ne peut pas porter pourrait être apporté à Dieu par eux sous forme de prière… pour lui. Il construit sur son propre commandement de l'amour (NB 6,238-239).

 

Missions des disciples

 

205. Jésus donne l'Esprit à ses disciples

Quand Jésus est poussé par l'Esprit ou quand il donne l'Esprit à ses disciples en soufflant sur eux, l'Esprit est toujours clairement situé. Jésus n'est jamais un mélange confus et ambigu de divin et d'humain ; il a toujours créé pour l'Esprit ici-bas une situation tout à fait claire sur laquelle il n'y a pas à se méprendre (NB 6,425).

 

206. Il envoie ses apôtres prêcher

Il y a bien des choses que le Fils ne veut pas faire lui-même, il envoie ses apôtres prêcher, guérir, baptiser. Ils assument leur responsabilité, mais sa volonté fait son effet en eux (NB 6,155).

 

207. Les apôtres sont dotés de toutes sortes de dons

Même si les apôtres étaient dotés de toutes sortes de dons (comme de guérir et de chasser les démons), ceux-ci restaient toujours liés à la présence terrestre du Seigneur, à sa personne et à son enseignement. Sa propre mission, il l'accomplissait d'une manière personnelle, non d'une manière anonyme, dans le cercle des disciples et avec des relations si fraternelles avec eux qu'on aurait pu poser la question : qui au fond a opéré le miracle ? Mais il apparaissait toujours avec sa propre responsabilité. Il la porta jusqu'à sa mort (NB 6,294-295).

 

208. Le Fils aussi est dans la foi : c'est en son nom que les apôtres opèrent des guérisons et chassent les esprits mauvais (NB 6,225).

 

209. L'imagination angoissée des disciples

Les disciples sont au milieu de leur mission, ils vont là où le Seigneur les a envoyés. Leur parcours ressemble à beaucoup de parcours sur mission du Seigneur. Il leur manque un dernier abandon, comme si la vie présente ne pouvait pas s'incliner pour le moment devant la vie de l'au-delà, comme si la nature devait résister à la surnature, comme si elle ne voulait pas renoncer à ce qui se trouve en son propre pouvoir pour faciliter la mission du Seigneur. Le trajet devient dangereux ; les disciples voient alors le Seigneur, mais non comme l'aide qui leur est familier, ils le voient comme celui qu'il n'est pas : comme un fantôme. Leur foi n'est pas assez forte pour qu'ils se rendent compte de la réalité de ce qu'ils voient. Ils voient autre chose que ce qu'ils ont en réalité sous les yeux. Comme si leur nature avec leurs sens devaient les aider à se défendre contre la surnature. Ce n'est pas leur foi qui voit le Seigneur, ce n'est pas leur amour qui le perçoit, c'est leur imagination angoissée qui le défigure et en fait quelque chose qui leur est étranger. Il est certes exactement celui qu'ils connaissent, mais il se sert de sa puissance divine pour marcher sur les vagues ; sa personnalité naturelle qu'ils connaissent fait quelque chose de surnaturel, elle brise leur résistance et se révèle à eux NB 5,77-78).

 

210. Le Seigneur tenait ses disciples sur la route

Charles Borromée marche à la suite du Christ d'une manière essentiellement autre que les premiers disciples qui l'eurent plus facile du fait que le Seigneur les tenait en quelque sorte sur la route, les invitait à le suivre et leur donnait ensuite des missions humaines (NB 2,147).

 

Un ami

 

211. L'expérience

Les apôtres ont d'abord fait l'expérience du Seigneur comme ami - ce qui n'occultait pas le fait qu'il fût le Seigneur et le Maître -, surtout Jean. Les apparitions du Seigneur pendant les quarante jours sont une pure continuation de leurs relations de foi aimante. Le Seigneur a promulgué le commandement de l'amour, les apôtres l'ont entendu, les évangélistes l'ont mis par écrit, il peut être consulté par tous ceux qui viendront après, sans problème, parce que la force des paroles du Seigneur ne faiblit pas. Si un croyant a une apparition, il peut s'inquiéter et se demander si et comment cela se rattache à l’Évangile. Mais s'il se rappelle alors que le Seigneur est apparu aux apôtres, il reconnaît dans ce fait un fondement de la mystique future ; pour les voyants, cela peut les rassurer parce que les apparitions des quarante jours constituent un pont solide entre l’évangile et l’Église. Les voyants des temps ultérieurs se trouvent dans la tradition apostolique qui est aussi garantie que le texte de l’Écriture Sainte (NB 6,302).

 

212. Intimité

La question est toujours de savoir à qui on peut livrer son intimité et à qui aussi on doit le faire éventuellement. Le Seigneur s'isole avec ses disciples et il leur explique ce qu'il n'a pas expliqué au peuple (NB 12,82).

 

213. Tendresse

La tendresse avec laquelle le Seigneur annonce aux siens la trahison. Pour Judas, il dit : mieux aurait valu pour lui de ne pas naître. Pour Pierre, il ne dit rien, comme si la trahison était déjà incluse dans la relation du Seigneur avec ses disciples. Comme si elle était ce que depuis toujours il était prêt à porter. Ils ont certes donné leur vie pour lui, ils l’ont suivi. Ainsi, lui également, il devra offrir un sacrifice pour eux. Il ne veut pas leur demander plus qu’ils ne peuvent donner. Ce sont pourtant ses plus proches, ceux qu’il aime le plus, avec qui il se déplace, qui remplacent pour lui en quelque sorte sur terre ses relations avec son Père. Non qu’ils se trouveraient au lieu où il adresse sa prière au Père ; cependant ils se trouvent très près de cette prière, parce que chaque mot qu’il leur dit est aussi une prière. De même qu’au ciel son espace spirituel c’est la Trinité, de même sur terre c’est la compagnie de ses disciples (NB 9,1951).

 

214. Les plus proches

Le Christ aime tous les hommes, mais les apôtres sont ses plus proches, car ils ont été élus et rendus capables d'accepter son amour absolument et directement. "Toi, suis-moi" contient deux éléments : le droit du Christ de demander qu'on le suive, le devoir de celui qui est appelé d'accepter de le suivre ; les deux éléments sont l'expression de son amour parfait. Il est leur tête, eux ses membres. Dans cette relation, il y a la possibilité de faire l'expérience de l'amour parfait. Ce n'est pas une relation dans laquelle l'amour "qui dirige" serait, d'un point de vue humain, plus grand que l'amour "qui suit" : les deux au contraire sont du pur amour (NB 12,35).

 

215. Il s'expose

On peut certes trouver chaque vérité chrétienne accomplie dans le Fils, ainsi par exemple la confession, dans sa vie totalement transparente devant le Père, quand il s'expose lui-même devant ses apôtres et ses disciples. Mais le mystère fondamental du Christ, c'est quand même l'obéissance (NB 2,46).

 

216. Parler aux apôtres

Adrienne : Dans les révélations, je n'aime pas quand on fait dire au Seigneur : "Je veux". C'est chez Berthe Petit que je l'ai remarqué pour la première fois et cela m'a irritée. Sur terre, il n'a quand même jamais parlé de la sorte ni aux apôtres, ni aux siens (NB 1/2,229).

 

La marche sur les eaux

 

217. Briser une image

Jésus marche sur les eaux. Le Seigneur brise la simple image que les disciples ont de lui, leur insuffisance, pour se révéler tel qu'il est : celui qui marche sur les vagues. Maintenant c'est la foi des disciples qui les rend capables de comprendre par leurs sens les paroles que le Seigneur leur adresse (NB 5,78).

 

Marie et les apôtres

 

218. La prière de Marie

La Mère a certes vu son Fils plus d'une fois pendant sa période apostolique. Mais rarement. Et il n'est pas question qu'il lui ait présenté chacun des apôtres. La tâche de Marie était avant tout de prier pour le oui des disciples, pour leur intelligence, pour leur ouverture spirituelle. Pendant que le Fils prêchait, qui devait assurer la solitude contemplative dans la foi et la prière si ce n'est sa Mère ? (NB 5,186-187).

 

219. Marie et les femmes des apôtres

Il peut se faire qu'un problème me soit montré dans une présentation sensible. Je vois par exemple Marie avec une femme mariée qui n'est pas Élisabeth. Le problème est : quelle est au fond l'attitude de Marie vis-à-vis des femmes mariées ? Ou bien : quelle est son attitude vis-à-vis des femmes des apôtres ? (NB 1/2,229).

 

La dernière Cène

 

220. Le pain rompu

Dans l'eucharistie, nous mangeons le corps du Seigneur, de même qu'il a rompu le pain au cénacle et l'a donné à ses disciples comme sa chair. Pour les disciples, ce repas n'était pas une image mais la réalité. Rompre le pain était un acte que le Seigneur accomplissait réellement, et les mots qu'il prononça étaient remplis d'efficacité céleste (NB 6,499).

 

221. Le Fils donne aux disciples son corps

Ceci est mon corps, dit le Fils ; le pain est donc maintenant le corps du Fils. Et la foi que communique l'Esprit permet aux disciples de recevoir ce pain. L'Esprit a rendu possible l'incarnation, c'est lui qui a fait que la semence du Père devienne homme dans le sein de la Mère. Et le Fils donne aux disciples son corps qui n'a pas encore souffert, son corps intact aux disciples qui doivent être conduits dans ce qui est intact (NB 6,527).

 

222. Il y a une angoisse que le Seigneur allège à ses disciples lors de la dernière Cène quand il leur promet de ressusciter et de rester toujours avec eux (NB 5,94).

 

223. La volonté du Père

Bien que le Seigneur sache (et que les disciples peut-être devinent) que sa passion l'attend, il se repose (et les disciples avec lui) dans la volonté actuelle du Père, dans un abandon comblé qui ne cherche pas à pénétrer un avenir éphémère en sortant de l'instant présent (NB 6,99-100).

 

3. Les apôtres dans l'histoire de l'Eglise

 

224. Pour Apollos, les premiers apôtres lui semblent s'efforcer d'être animés immédiatement et totalement par le Seigneur (NB 1/1,40).

 

225 Prière de saint Ignace d'Antioche

Seigneur, bénis ton Église, bénis-moi dans ton Église et bénis tous ceux qui, par ton Église, entrent en elle, tous ceux qui par nous, tes serviteurs, sont appelés à entrer dans l'Église. Fais que l’œuvre que tu as faite en tes apôtres s'étende et se développe en nous, afin que la foi en toi et en ta présence devienne toujours plus vivante parmi nous (NB 1/1382).

 

226. Saint François Xavier.

C'est l’apostolat au sens le plus élémentaire : très proche des douze qui firent route avec le Seigneur, si proche que l'Esprit s'offre comme règle, un Esprit qui doit, comme pour les apôtres, inventer et réaliser quelque chose de totalement neuf. Les douze apôtres apparaissent ici comme un tout dans lequel personne ne se distinguerait de manière plus décisive, par exemple l'esprit de Pierre ou de Paul ou de Jean ; ce dont il est question, c'est de l'esprit apostolique primitif que le Seigneur a offert à ses disciples (NB 2,94).

 

227. Pour Otton de Bamberg, sa mission première provient toujours du Seigneur : c'est la même mission que le Christ a donnée aux apôtres quand il les envoya enseigner les peuples (NB 1/1,69-70).

 

228. Mechtilde de Magdebourg

Ses visions sont comme des promenades. Elle médite par exemple sur le Seigneur auprès d'un lac, il se dirige avec ses disciples vers un village. Sa méditation se transforme alors en vision. Elle voit longtemps la contrée et elle a le temps de s'y promener jusqu'à ce que le Seigneur apparaisse. Elle a le temps de regarder l'herbe et les arbres et tout. Arrive alors le Seigneur accompagné de ses disciples. Les événements se succèdent. D'une certaine manière, tout cela est très enfantin, comme des histoires bibliques racontées à des enfants. A la fin de la vision, il peut se faire que le Seigneur se retourne soudainement et la regarde avec une question qui n'est pas exprimée. Et cela se renouvelle jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle doit entrer dans un cloître austère (NB 1/1,438-439).

 

229. Catherine de Gênes

La contemplation de Catherine de Gênes. Le Fils, qui était la pureté même, nous communique tout ce qu'il possède. Il le dit lui-même : "Demandez et il vous sera donné". Je m'imagine le Seigneur disant ces paroles, comment il se tient là sur la montagne, comment ses disciples le regardent et commencent lentement à comprendre ce qu'il veut dire. Chacun de ces disciples voit ce qu'il aurait à demander. Parce que le Seigneur fait devenir ses disciples tous ceux qui croient, je puis me trouver maintenant au milieu de ses disciples et faire moi-même ce que font les disciples (NB 1/1,457).

 

230. Bernardin de Sienne

Il voudrait que tout franciscain soit quelqu'un qui suit le Seigneur de près, en un sens tout primaire, tout primitif, comme les apôtres autrefois qui n'avaient rien entre eux et le Seigneur (NB 1/1,296).

 

231. Vincent Pallotti part toujours des liens humains des apôtres vis-à-vis du Seigneur (NB 1/1,313).

 

232. Thomas a Kempis

Dans la prière, il apprend les voies que Dieu utilise pour entretenir la prière. Ces voies sont étroitement rattachées aux voies des premiers apôtres qui vivaient jour après jour de la parole du Seigneur et qui, après l'ascension également, étaient constamment conduits par la parole entendue et expérimentée (NB 1/1,109).

 

4. Le ministère des apôtres

 

233. Les porteurs de sa parole

Le Seigneur a envoyé les siens en mission et il en a fait les porteurs de sa parole. Dans l'envoi des apôtres en mission, il y avait la confirmation de leur maturité, de leur aptitude ; ils avaient été formés par le Seigneur (NB 10,2214).

 

234. Transmettre la vie du Seigneur

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles ; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur mission de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle. Ils montraient par là aux charismes ultérieurs ce que veut dire avoir une mission et combien celle-ci fatigue l'homme et le réclame et le rend responsable. Quand Paul parle du Seigneur - déjà à une certaine distance des évangélistes étant donné qu'il n'avait pas fait l'expérience de la vie terrestre du Seigneur -, il le fait pourtant à partir de l'expérience quotidienne qui est la sienne de porter en lui la parole, à partir d'un zèle qui se déploie totalement selon la parole. Cela ne lui fait rien de ne pas saisir et de ne pas transmettre la parole en relation avec la chronologie terrestre de la vie de Jésus ; il le fait selon les besoins de sa mission (NB 10,2242).

 

235. Au profit de tous

Le Seigneur est mort pour tous afin que tous aient part à sa vie. Les apôtres, il les a appelés par son propre choix à le suivre au plus près et il leur a remis le ministère, mais le ministère est institué au profit de tous et les ministres sont choisis pour des renoncements au profit de tous (NB 6,112).

 

236. Il y a une dépossession de l'apôtre pour l'Eglise : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (NB 6,51-52).

 

237. Les apôtres ont répété dans leur prédication ce que le Seigneur leur avait enseigné ou ce qu'ils avaient appris par son exemple. Ils ont vu des miracles et ils les ont racontés (NB 4,275).

 

238. Dans les premiers apôtres, l’Église est parfaite et une selon sa structure et son esprit (NB 2,95).

 

239. La grâce du Seigneur

Les poissons sont pêchés par ceux qui possèdent la grâce de la vocation : par les apôtres. La grâce du Seigneur vit et agit toujours dans l’Église, dans les apôtres, les docteurs, les croyants (NB 4,294).

 

5. L'intelligence des apôtres

 

240.. Stupides

Comme les disciples sont si stupides et qu’ils ne veulent ni ne peuvent rien entendre, c’est comme s’ils troublaient le Seigneur dans sa prière. Ils chargent sa parole comme d’un poids qui empêche le Seigneur de monter vers le Père. Depuis qu’il a commencé avec eux et qu’il vit en eux si intimement, il ressent cet empêchement de manière encore beaucoup plus forte. Constamment il prend sur lui sa part à l’effet de la passion sur ses disciples ; plus ils sont sourds, plus ils ont l’audace de promettre d’aller avec lui, plus il se sent oppressé par eux (NB 9,1951).

 

241. Étrange

Le Seigneur va aller au ciel, il va quitter ses disciples, il va envoyer l'Esprit promis : tout cela semble si étrange. Lui qui a comblé tant de nos désirs, qui nous a accordé sa proximité comme le plus grand des cadeaux, va nous quitter. Et comme il connaît nos lacunes et notre peu de courage, il va nous envoyer l'Esprit Saint que nous ne pouvons pas imaginer. Il l'a en quelque sorte rendu au Père comme son propre Esprit, et maintenant il va demander qu'il lui soit rendu afin qu'il nous transforme d'une manière qui ne sera pas la manière du Fils, il ne va pas prendre chair pour engager avec nous des entretiens. Le fait de ne pouvoir se représenter l'Esprit Saint qui va venir ajoute à l'accablement des apôtres : ils ont participé à la passion, ils ont vécu le retour du Seigneur qui fut si difficile à accepter pour Thomas. Et voilà que maintenant un nouveau départ est en vue avant même qu'ils soient seulement venus à peu près à bout de ce qui est arrivé : la croix et la résurrection. Il dit pourtant qu'il va au Père pour tout accomplir ; nous devrions donc être enchantés de son départ, nous devrions voir dans la nouvelle séparation une nouvelle grâce. Mais nous ne sommes pas habitués à renoncer à nos propres réflexions pour accepter simplement ce que le Seigneur dit et demande (NB 10,2184).

 

242. Aucune idée

Les apôtres n'ont aucune idée de la résurrection future. Ce qu'ils peuvent s'en représenter se trouvera dans la relation entre le corps qui meurt sur la croix et le corps qui, à Pâques, devient visible comme étant vivant. C'est après coup qu'ils comprendront quelque chose et cela parce qu'ils seront devenus les porteurs de l’Église (NB 6,298).

 

243. Très difficile

La prière des apôtres entre la vie de Jésus et l'Apocalypse. Au commencement, la prière des apôtres est tout à fait objective, comme quelque chose qui existe en dehors d'eux. Ils adorent Dieu, mais c'est pour eux très difficile de faire le pas et de comprendre que le Christ qu'ils accompagnent est le Fils de Dieu. Ils voient bien qu'il les dépasse de beaucoup, que ses paroles possèdent une force inhabituelle qui les captive, que dans ces paroles il arrive toujours quelque chose d'inattendu. Mais que cette parole doive être simplement la parole de Dieu, qu'entre ce qui se passe sur terre et ce qui se passe au ciel il doive y avoir un rapport direct, cela rend leur prière plus difficile. Il serait plus simple de prier si le ciel était lointain et si les effets de la prière se produisaient dans ce ciel lointain, plutôt que de savoir que dans ce Jésus de Nazareth le ciel lui-même est devenu homme. Qu'eux-mêmes sont ceux qui ont été jugés dignes de participer à la vie de Dieu sur terre et qu'en conséquence ils sont les premiers à prier d'une manière chrétienne. Quand ils disent le Notre Père que le Seigneur leur a appris, ils peuvent s'appuyer sur lui. C'est une prière et ils la reprennent. Mais ils doivent aussi pouvoir prier librement ; quand ils le font et qu'ensuite ils y réfléchissent, il leur semble que leur prière manque de grandeur, comme s'ils étaient des gens trop simples pour pouvoir exprimer ce qu'ils pensent. Mais en présence du Seigneur, ils ne cessent d'être rassurés ; ils savent qu'ils peuvent lui abandonner le plus que leur prière devrait contenir. Il complétera divinement, il accomplira ce qu'ils ne peuvent faire par leurs propres forces. Mais ils n'en sont pas moins chargés de prier et aussi d'être inquiets. Ils ont le droit de venir à bout de cette tâche et ils le veulent (NB 10,2233).

 

244. Comprendre

Dans une vision, Adrienne voit les apôtres, mais elle pense que nous comprenons mieux qu’eux. Je lui dis que c’est bien possible car les apôtres à ce moment-là n’avaient pas encore eu l’Esprit-Saint et ne pouvaient avoir une vue d’ensemble de ce qui se passait, tandis qu’à nous, dans l’Esprit-Saint, a été donnée une pleine connaissance (NB 8,413).

 

245. Répéter les paroles

Il y a un chemin qui va de la prophétie concernant le Christ et Marie à la mystique ecclésiale, il n'y a que l'amour qui ouvre ce passage. L'accomplissement par le Fils de ce qui a été prophétisé était en lui amour obéissant. Pour lui, cet amour est gardé vivant et divin sous les yeux par la vision que le Père lui offre constamment. Pour lui, les deux ne font qu'un : la vision parfaite du Père dans sa prière d'adoration et l'accomplissement parfait des prophéties. Cet état parfait, du point de vue du ciel et du point de vue de la terre, est pour tous les autres le chemin. Personne ne va au Père sans passer par lui. Passer par lui, cela veut dire le suivre. Le suivre non seulement comme un disciple suit son maître dans sa manière de pensée, mais le suivre dans l'état vécu par son maître. Les apôtres répètent sans doute les paroles de la prière du Seigneur, mais ils voient surtout l'état vécu dans lequel il prie, et cet état est qu'il voit continuellement ce que le Père lui montre (NB 5,66-67).

 

246. Bousculés

Chez les prophètes et les apôtres, il y a le cas extrême où ils sont bousculés par une expérience mystique qui les requiert pour remplir une fonction dans la Révélation. C'est à vrai dire exceptionnel et cela paraît d'une certaine manière "inadmissible" dans la mesure où Dieu semble se jouer de la liberté qu'il a donnée à l'homme (NB 5,35).

 

247. Inexpérimentés

Toutes les paroles de Jésus sur le ciel étaient voilées, elles renvoyaient seulement à une vision future du Père qui était promise. Car jusqu'à présent personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils. Tant que le Seigneur était sur la terre, les disciples devaient apprendre à s'approcher du Père par lui et à comprendre cette médiation d'une manière tout à fait incarnée, somatique, eucharistique. A ce moment-là, ils ne pouvaient pas suivre un chemin purement spirituel, ils étaient pour cela trop inexpérimentés, trop lourds. Et la vie spirituelle de l'éternité dans un corps de résurrection, ils se la représentaient comme une sorte de suite améliorée de leur vie terrestre, en compagnie du Seigneur transfiguré avec lequel ils se livreraient à des banquets sans fin, etc. La transposition que la vie éternelle exigera d'eux semble être dans leur représentation quelque chose que dès maintenant ils étaient déjà dans une certaine mesure capables d'accomplir comme on laisse mûrir un fruit. S'ils devaient décrire ce qu'ils se représentaient, le ciel serait comme une salle dans laquelle, à côté d'eux, auprès du Christ et du Père, seraient rassemblés aussi les anges, les croyants de l'ancienne Alliance, toutes les personnes qu'ils connaissaient d'une manière ou d'une autre et qui, à leur avis, feraient bien dans le tableau. Leur image du ciel est ainsi une image améliorée de la terre, certainement aussi une élévation des lois morales et des exigences de la foi, plus lumineuses pourtant dans la mesure où le péché, le mal, est supprimé. Cette image est réduite à néant par l'Apocalypse (NB 2,201-202).

 

6. Le Thabor

 

248. La réalité céleste

Quand les trois disciples sont au Thabor et qu'ils voient tout à coup devant eux un tableau de la réalité céleste, le Seigneur ne se sert pas de sa glorification pour leur tailler des degrés qu'ils pourraient gravir jusqu'à son apparition afin de leur permettre d'avoir une certaine vue d'ensemble (NB 5,27).

 

249. Une expérience

Sur le Thabor, les apôtres voient, comprennent, croient et savent. Ce qu'ils ont vécu est fait de tout cela. Ils ont fait l'expérience de voir quelque chose ; mais ce qu'ils voient est en même temps ce qu'ils connaissent par la foi, et c'est cette connaissance de foi qui donne au tableau son relief ; ils voient quelque chose qu'ils comprennent sur la base de ce qu'ils croient et de ce qu'ils ont appris dans leur fréquentation du Seigneur. Ils ont aussi des mots pour le dire. Ils disent quelque chose et ce qu'ils disent est juste pour eux à ce moment-là. Mais ce qu'ils disent prouve en même temps à quel point leur compréhension est humainement limitée et à quel point ce qu'ils ont vécu est en retrait de l'expérience que fait le Seigneur au même moment. Pour la justesse de ce qu'ils ont vu, ils sont d'authentiques visionnaires à qui Dieu montre quelque chose. Et ils sont en même temps des hommes qui expérimentent quelque chose avec leurs sens, à qui il est demandé d'agir en obéissant à la vision. Quand Dieu accorde une vision, il veut l'obéissance. Il veut que le voyant voie exactement ce qu'il plaît à Dieu de lui montrer (NB 5,81).

 

250. Trois huttes

Quand les apôtres veulent édifier trois huttes, ils montrent par là qu'ils n'ont pas compris. Il y a un trou entre ce qui leur a été montré et ce qu'ils en ont saisi. Ce trou n'est pas à mettre au compte d'une désobéissance. Il y a quelque chose de ce trou dans toutes les expériences mystiques. Dieu montre divinement et l'homme saisit humainement, tout soutenu qu'il soit par la grâce (NB 5,82).

 

251. Les deux apparences

Le Seigneur qui, sur le Thabor, apparaît transfiguré à ses disciples, est dans son propre royaume, le royaume qui lui appartient, c'est là aussi qu'il rencontre Moïse et Élie ; et comme il est dans son royaume, il apparaît à ses apôtres transfiguré. Ceux-ci voient la différence entre son apparence habituelle et son apparence à cet instant-là, mais ils voient aussi que, sous ces deux apparences, il est le même Seigneur. C'est tout un chemin mystique qui est ramassé dans ce double regard sur le Seigneur. Car la transfiguration comporte une double signification : l'apparition de Moïse et d’Élie devant le Seigneur, la conversation qu'il a avec eux, on pourrait les considérer comme faisant totalement partie de sa vision ; il serait alors accordé aux apôtres d'en voir un petit quelque chose qu'ils ne comprendraient que dans une mesure restreinte, comme le montrent les conclusions qu'ils en tirent. Ou bien on pourrait dire que le Seigneur, qui monte au Thabor avec ses apôtres, est lui-même l'auteur de cette apparition qui est une traduction terrestre et visible - avec un sens céleste - de ce qu'est véritablement sa vision du Père (NB 5,82-83).

 

252. La forme de Dieu

Le Seigneur, qui ressemble d'habitude à un homme ordinaire, les disciples le voient sous sa forme de Dieu ; ils peuvent ainsi croire plus facilement qu'il est réellement le Fils du Père. Ils ont accès à une forme du Seigneur qu'ils ne connaissaient pas et qui existe, qui est dans la foi, du moins pour leurs yeux ; ils pourraient décrire eux-mêmes quelque chose de la différence entre les deux modes d'apparence. Vis-à-vis d'un non-croyant, qui ne douterait pas de leur véracité, ils pourraient le faire de telle manière qu'il saisisse quelque chose de l'excellence du Seigneur. Comme, pour les disciples, le Seigneur n'est pas seulement le Fils de Dieu en soi, mais qu'il incarne la forme de leur foi, leur foi est aussi enrichie et augmentée ; de nouveaux aperçus s'ouvrent à elle, les limites de l'existence terrestre du Seigneur, et même les limites du monde au fond, sont repoussées, font voir des dimensions jusqu'alors inconnues dans lesquelles le ciel se penche vers la terre et lui donne part à ce qui est céleste. A l'avenir, les relations des disciples avec le Seigneur auront une dimension nouvelle et céleste. Au sein de son existence, il y a comme une déchirure ; les relations avec lui seront désormais mystiques d'une certaine manière, ce qui est renforcé par le fait qu'il n'a pas été le seul à être transfiguré : Moïse et Élie aussi apparurent nettement reconnaissables; la vision rendit ainsi évidente la relation essentielle de l'ancienne Alliance avec la nouvelle, de la promesse avec son accomplissement. Le Seigneur n'est pas seulement celui qui accomplit les prophéties, il est aussi celui à qui les prophètes sont présents. Cela ne le fait pas sortir de son rôle messianique, il n'est pas bouleversé par l'apparition des prophètes, au contraire il les accueille dans sa sphère et dans sa conversation. Il est dans un monde qui lui est naturel (NB 5,83-84).

 

253. Un abîme

Sur le Thabor, les apôtres se rendent compte qu'il y a un abîme entre ce qu'ils voient et ce qu'ils comprennent. Ils ne veulent pas admettre que l'apparition n'a qu'un temps, ils voudraient construire des huttes, rester dans le même état. Ce n'est pas qu'ils se révoltent contre le passé, c'est simplement qu'ils ne comprennent pas. Pour eux, Moïse et Élie sont si présents qu'ils pensent à leur trouver un abri et ils sont tout prêts à s'en occuper. Ils veulent y mettre du leur pour que les prophètes trouvent ici-bas des pénates. Comme le Seigneur qui est là n'est pas seul à apparaître transfiguré, mais que les prophètes sont là avec lui, il leur semble évident qu'ils doivent ébaucher une image valable du ciel qui est justement présent maintenant ici-bas, pour se donner et donner à son enseignement et à l'éternité de Dieu Trinité une forme apte à faire éclater la forme de foi de l'ancienne Alliance. L'infini du royaume du Père doit déborder les limites du royaume terrestre. Mais l'intelligence des apôtres n'est pas à la hauteur de leur vision. Leur foi a été si dilatée et si fécondée que leur raison ne suit pas, ils cherchent donc, avec leur raison limitée, à donner un certain contenu à leur foi, à établir un accord qui n'est pas possible parce que l'accord ne se trouve que dans le Seigneur. Pour lui, cette réalité est ce qui est habituel ; pour eux, c'est du nouveau, quelque chose d’excessif, mais qu'eux-mêmes, en tant que représentants de l’Église naissante, voudraient tout de suite insérer dans ce qui leur est connu. Pour leur foi, il n'est peut-être pas agréable d'être mise en présence de dimensions si inattendues. Ils sont pour l'ordre. Peut-être aussi que les prophètes, s'ils avaient une maison ici-bas, pourraient mieux se laisser ranger. Il n'y aurait plus sans cesse ces surprises qui sont à attendre du Seigneur. Les apôtres représentent très bien ici un certaine figure moyenne de l’Église qui préférerait avoir le droit, après tous les bouleversements, de revenir à la régularité et à la vue d'ensemble de ses tâches d'avant (NB 5,84).

 

254. Un nouveau regard

Lors de la transfiguration sur le Thabor, les disciples ont tout d'un coup un nouveau regard sur ce qu'est le Fils en réalité. Il est transfiguré sous leurs yeux, il est élevé au-dessus de son apparence humaine ordinaire. Ils le voient plus spirituellement que physiquement, sous une forme d'existence qui fait partie du domaine du visionnaire. Comme s'ils avaient reçu la faculté de l'accompagner quelques pas de plus en direction de sa contemplation du Père. Le Fils lui-même est homme avec toutes les possibilités de son être humain particulier et sa vision du Père dans l'état de transfiguration en fait aussi partie. La vision du Père, qu'il a toujours depuis l'incarnation, fait beaucoup plus partie de la transfiguration de son humanité que de son être divin. Sur la croix, il n'aura plus cette vision (ou bien il n'aura plus que la vision de l'absence du Père) pour n'être plus, dans son expérience, qu'un homme qui souffre purement et simplement. La transfiguration du Seigneur dépend de ses occupations : quand il est dans la contemplation du Père, il est plus transfiguré que lorsqu'il est dans l'action. Cette différence ne porte pas préjudice au fait que le Fils voit toujours le Père. Mais sa vision habituelle n'est pas la même que son orientation en acte vers la vision du Père quand il se consacre totalement à la contemplation. L'action est un autre état bien que celui-ci ne puisse absolument pas être qualifié d'éloignement. La relation du Père à lui est toujours la même. Sa relation au Père est immuable en son essence, mais différente en ses expressions. Une de ces formes d'expression pour nous est sa transfiguration quand il est en contemplation. En lui-même, il est toujours transfiguré ou, pour mieux dire, il a toujours la possibilité d'être transfiguré, car il n'est pas transfiguré pour lui mais pour les autres. Quand les hommes le voient transfiguré, c'est comme s'ils voyaient au-delà de son humanité, en direction de sa divinité qui commence au-delà de ce qui n'est plus visible (NB 5,86-87).

 

255. En dehors du Thabor, les apôtres n'ont vu le Seigneur que totalement humain ; ici ils le voient autrement, entouré de la splendeur de Dieu (NB 5,87).

 

256. La voix du Père

Au Thabor, les trois disciples qui perçoivent la voix du Père parlant du Fils assistent à une révélation de Dieu Trinité, car pour que la voix sorte de la splendeur, l'Esprit doit être là. C'est toujours l'Esprit qui ménage l'échange entre le Père et le Fils. Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième. Les disciples au milieu desquels se trouve le Seigneur pressentent quelque chose de sa divinité, mais les signes et la révélation de cette divinité sont donnés par le Père et l'Esprit. Au Jourdain, c'est surtout l'Esprit qui le confirme, l'Esprit qui est descendu visiblement ; au Thabor, c'est surtout la voix du Père. Le Fils ne veut jamais révéler aux hommes sa divinité indépendamment de la Trinité, même pas provisoirement, pour les conduire plus tard à la vie trinitaire (NB 6,94).

 

257. Un événement complexe

La vision est un événement complexe : le ciel s'ouvre et se penche, et l'homme est emporté dans cette région. Le même événement contemplé de deux côtés. Nous devons assimiler ce qui est montré au moyen de ce qui nous est donné pour cela. Ainsi les apôtres lors de la transfiguration du Seigneur. Il y a un endroit où le ciel et la terre se rencontrent (NB 5,194).

 

258. Tout vole en éclats

Pierre suit déjà le Seigneur. Mais, de ce qu'il fait, il a une idée surtout concrète : le Seigneur le désire et il a besoin qu'il l'accompagne. Le côté spirituel lui est encore étranger. L'enseignement du Seigneur, il l'accueille avec foi, il le rapporte surtout à sa vie passée qui pour le moment est comme double : il est pêcheur et il exercera cette profession d'une deuxième manière encore. Sa foi est plus ouverte, plus spirituelle que l'idée qu'il se fait de ce que c'est que suivre Seigneur. Il ressemble un peu à un enfant qui doit aller à l'église. Dans l'église il voit beaucoup de choses : des tableaux, des cierges, le chant, et cela l'impressionne plus que Dieu lui-même. Et voilà Pierre avec le Seigneur sur le Thabor. De ses propres yeux, il le voit transfiguré. De ses propres oreilles, il entend la voix qui vient du ciel. Sa foi comme l'idée qu'il se fait de ce que c'est que suivre Seigneur en sont profondément ébranlées. Tout vole en éclats. Pour la première fois, il se produit en lui quelque chose comme une incarnation : le côté spirituel de sa foi investit ce qu'a de corporel le fait de suivre le Christ, et le côté corporel de sa foi devient esprit. L'un féconde l'autre. Cela l'inquiète bien qu'il trouve la scène très belle. Peut-être sent-il ici pour la première fois à quel point il a une mission incarnée : il n'est plus un disciple quelconque, mais le Pierre unique, l’Église visible, et il n'a pour le moment aucune réponse. Pour le moment, on ne lui demande pas non plus de réponse. La situation le dépasse totalement. La voix du ciel le fait entrer dans l'événement. C'est comme un vertige, il ne sait pas s’il retrouvera jamais l'équilibre. Qui est-il au fond ? Un homme? Une mission? L’Église? Ce vertige est un premier signe que le spirituel et le corporel commencent à s'intégrer (NB 1/2,46).

 

7. Le mont des oliviers

 

259. Une tâche angoissante

Au mont des oliviers, Pierre ressent la tâche qui est angoissante. Il sait quelque chose de l’Église future, qu'il doit représenter. En voyant la souffrance du Seigneur, l'angoisse le saisit qu'il pourrait lui aussi sombrer dans la souffrance, qu'il devrait se détacher de sa mission avant qu'il l'ait vraiment saisie et qu'il l'ait accomplie. Il a pitié de lui et du Seigneur. Il voudrait bien aider, mais il ne sait pas comment. Il éprouve l'angoisse d'un homme qui, devant une catastrophe, voudrait trouver une solution radicale quelconque, mais qui ne voit aucune possibilité. Il ne peut pas surmonter son angoisse. C'est comme l'angoisse d'un paysan qui regarde sa maison en flammes et son bétail brûler (NB 1/2,47).

 

260. Les disciples doivent dormir

Le Fils doit aller seul dans sa passion. De ce point de vue, il est clair que les disciples doivent dormir. Également que Pierre renie, parce que le Seigneur ne doit pas pouvoir s'appuyer maintenant sur ce qu'il a "atteint". Son levier ne doit trouver en dehors de lui aucun point où il pourrait prendre appui. Il n'y a pas de planche d'appel. Le Fils, dans l'angoisse, ne peut se référer à rien qui ne soit pas vacillant (NB 3,246).

 

261. Un malaise

Au mont des oliviers, Jacques se trouve entre Pierre et Jean. Il a une angoisse qui ne peut se formuler, qui ne peut se justifier, un malaise qui le saisit tout entier, corps et âme. Il est contaminé par l'angoisse des deux autres. Il voudrait venir en aide aux deux pour qu'ils puissent aider le Seigneur. Il voudrait se prodiguer, mais il ne sait pas comment. Pierre, Jacques et Jean dorment par pur désarroi. Ils ont le sentiment que leur heure n'est pas venue, qu'ils doivent peut-être rassembler leurs forces. Ils ne peuvent contribuer en rien à la décision ; cette conscience est pour eux humiliante, ils laissent le Seigneur chercher seul la solution. Jean est tellement accablé d'angoisse et de tristesse que, comme un enfant, il s'endort en pleurant. L'exigence spirituelle démesurée les a tous épuisés (NB 1/2,47-48).

 

262. Le Fils voit les disciples endormis comme une image de l’Église qui a glissé (NB 3,155).

 

263. Les disciples sont en marge

Les disciples dorment au mont des oliviers parce qu'ils ne suivent plus. Il suffit que le Seigneur fasse un pas dans sa solitude pour qu'il devienne pour eux irréel. Maintenant la réalité de leur fatigue physique se fait envahissante. Ils dorment non par indifférence, mais parce qu'ils se heurtent à une limite qu'ils ne peuvent franchir. Ils ne voient pas la limite, mais le Seigneur la voit et il doit trois fois franchir le seuil. Il en fait l'expérience comme un homme fatigué, dont on exige trop, qui voit devant lui la grande angoisse. S'il avait autour de lui ses disciples en train de veiller et de prier, le rapport avec eux serait évident et la grande angoisse serait au moins atténuée. Voilà pourquoi le fait que ses disciples sont en marge, le Seigneur le vit comme une défaite personnelle. Tout l'amour qu'il a semé ne va pas plus loin que cet écueil où ils échouent. Et il y a en même temps une défaillance en lui-même parce qu'il est arrivé au mont des oliviers dans les mêmes conditions physiques qu'eux et lui non plus n'en peut plus. Pour eux la défaillance peut se changer en sommeil, pour lui elle se change en angoisse. Cette angoisse est encore beaucoup plus insupportable parce qu'il fait là l'expérience du bout de ses forces, et la supériorité de l'angoisse sur sa force lui semble étrangère et inconcevable. Mais à lui, l'Homme-Dieu, il est demandé davantage qu'aux autres, qui s'endorment de fatigue. A lui, il est demandé de passer de la fatigue à l'angoisse et, ici, il est solitaire, seul. En fin de compte, il fait à nouveau l'expérience de la solitude d'angoisse pour autant qu'il se trouve devant le Père. Car il se trouve simplement en face de lui, sans qu'il y ait rapprochement, sans intimité. Devant lui se trouve l'exigence inexorable du Père. La mission de racheter le monde ne lui paraît maintenant en aucune manière comme étant sa propre pensée, mais comme étant la pure exigence du Père (NB 3,243).

 

264. Ils ne sont pas assez forts pour l'accompagner

Le Seigneur se fait accompagner au mont des oliviers. Les disciples qui l'accompagnent ont une double tâche. Pour l'une, on n'en dit pas un mot, elle va de soi : accompagner tout simplement afin que le Seigneur en tant qu'homme ne soit pas seul et que les siens assistent à distance à sa conversation avec le Père, ce qui suppose qu'ils prient eux-mêmes. C'est la tâche des disciples à laquelle ils sont habitués. Ensuite le Seigneur leur demande de veiller avec lui : il rompt le silence pour leur tracer une nouvelle tâche ; sa parole est audible : elle a toute la force de son autorité qui exige l'obéissance. Les disciples accompagnent le Seigneur physiquement jusqu'au lieu où il les laisse et ils s'écartent alors de l'attitude qu'il leur a demandée : ils ne sont pas assez forts pour prier et pour l'accompagner spirituellement, et la parole du Seigneur n'est pas non plus capable de déranger leur tranquillité, de leur faire comprendre tant bien que mal de quoi il s'agit pour qu'ils se rendent compte que leur obligation est plus grande. Quand, dans son angoisse, il retourne auprès d'eux et qu'il les trouve endormis, cela ne fait qu'augmenter son angoisse. Il voit le dur chemin qu'il a devant lui, et il a parlé avec le Père de la possibilité que le calice passe loin de lui. Cela devient déjà plus dur maintenant, jusqu'à l'insupportable, vu que les disciples refusent de l'accompagner, que leur puissance de prière est si limitée qu'ils se dérobent malgré sa demande expresse. Ils n'ont pas saisi ce qu'a d'absolu le fait d'être disciple. La pause de sommeil qu'ils prennent et pendant laquelle ils renoncent à l'accompagner souligne leur prétendu droit de se reposer à leur gré, peut-être aussi celui d'être à la disposition du Seigneur comme bon leur semble. Ils oscillent d'une certaine manière entre eux et le Seigneur : ils vont vers le Seigneur, et ils reviennent à eux. Quand le Seigneur s'éloigne d'eux de quelques pas, ils reviennent à eux de leur propre mouvement. Et quand, dans son angoisse, il va les voir, il ne les emmène pas avec lui dans son angoisse parce qu'ils ne sont pas prêts. A la fin, ils feront connaissance d'une autre angoisse ; pour le moment, ils sont incapables de partager celle du Seigneur. C'est ici qu'est visible la tiédeur de l’Église, mais aussi la faiblesse du Seigneur vis-à-vis de son Église. En tant qu'homme, il n'est pas en mesure de faire usage parmi nous de la force dont il aurait besoin pour briser la résistance qui s'oppose ici à lui. Non certes à cause d'une faiblesse de Dieu vis-à-vis de sa créature, mais en vertu d'une faiblesse de Dieu qui a choisi lui-même d'aller tout seul sur le chemin de l'abandon. Il est en même temps visible que les disciples sont incapables de parcourir le bout de chemin qu'il faut pour rejoindre le Seigneur au cas où ils comprendraient ce que la parole ne dit plus (NB 5,98-99).

 

265. Trois disciples sont invités

Quand le Fils a commencé sa propre nuit par sa prière au mont des oliviers, où il a promis de laisser se faire la volonté du Père et d'être totalement à sa disposition, il l'a fait en public d'une certaine manière, en invitant trois de ses disciples (qui s'endormirent à vrai dire) à participer par leur présence et leur prière à son dialogue avec le Père et à être témoins de ce qu'ils pouvaient saisir (NB 5,123-124).

 

266. Une ignorance

Au mont des oliviers, il y a une ignorance des disciples. Le Seigneur souffre aussi pour eux ; ils reçoivent par là un surcroît d'amour qu'ils ne peuvent pas percevoir, qu'en mettant les choses au mieux ils devineront plus tard. Cette sorte d'amour que le Seigneur donne dans le secret de sa passion qui commence, dans l'angoisse devant l'inéluctable, passion qui doit être soufferte inexorablement vu la somme du péché : cette sorte d'amour restera et les siens sont invités à y participer (NB 6,242-243).

 

267. Le Seigneur aurait besoin de leur aide

Les apôtres dorment au mont des oliviers quand le Seigneur aurait besoin de leur aide, ils le renient quand il devrait pouvoir compter sur leur témoignage. Mais il ne laisse pas tomber cette Église stérile, il l'emmène avec lui plus loin vers la croix (NB 6,277).

 

268. Au mont des oliviers, les disciples auraient dû entretenir l'amour spirituel par la prière au lieu de succomber à la faiblesse de la chair et de dormir (NB 6,469).

 

269. Épuisement

Au mont des oliviers, les apôtres dorment. Ce sommeil n'était peut-être pas ce qu'ils pouvaient faire de pire. Il y avait là aussi pour eux une large part d'épuisement physique (NB 10,2139).

 

270. Trahison

"Veillez pendant que je vais prier". On pense d'habitude aux disciples qui dorment, on pense plus à leur sommeil qu'à l'ordre du Seigneur. C'est cet ordre qui occupe le centre. A chaque instant le Seigneur s'attend à ce que son appel : "Veillez !" trouve naturellement un écho. Mais c'est comme s'il faisait toujours, maintenant justement, l'expérience de la trahison. Comme si le temps du mont des oliviers n'avançait plus. Comme si l’Église le décevait sans cesse, à tout instant (NB 10,2043).

 

271. Ils dorment

Le Fils n'est pas en mesure de faire venir l'heure prématurément, il doit persévérer jusqu'à la fin. Il persévère dans l'angoisse que personne ne lui enlève : ce n'est ni le Père lors de la prière au mont des oliviers, ni les disciples : ils dorment. Le Fils doit se tenir prêt, mais personne ne répond, personne ne lui donne de signe. Il attend sans voile, sans être sûr du tout de l'heure qui vient (NB 11,259).

 

272. Le Fils a pris avec lui ses disciples

La mission mystique est une participation à la mission du Fils : il l'a accomplie en totalité dans une obéissance absolue. De même qu'il n'a pas voulu vivre sa croix dans la solitude mais qu'il y invita sa Mère, Jean, Madeleine et les autres femmes, de même qu'il prit avec lui ses disciples au mont des oliviers, de même il considère sa mission tout entière comme quelque chose qu'il peut partager. Il la laisse ouverte pour que les croyants puissent y puiser (NB 5,19).

 

8. La passion - La croix - La mort

 

273. Marie voit l'angoisse des disciples devant la passion (NB 3,315).

 

274. Le Seigneur a annoncé à ses disciples qu’il souffrirait

Le Seigneur a dit à ses disciples qu’il souffrirait ; ils le savent d’une certaine manière, mais ils n’ont aucune idée de ce qu’ils doivent faire avec ce savoir. Ils voudraient le rendre au Seigneur. Ils doivent le porter parce que le Seigneur le leur a donné pour qu’il porte du fruit en eux pour lui. Mais comment ? S’ils sentent une inquiétude à ce sujet, ils ne savent pas bien d’où elle vient. Ils ne sont pas sûrs qu’elle provient de cette annonce. Le Seigneur voit bien ce qui se passe en eux, mais ils n’ont pas le courage de lui en parler (NB 9,1730).

 

275. La croix doit enseigner les apôtres

La totale amertume de la croix doit d’abord enseigner aux apôtres que cela peut aller aussi loin également pour eux, mais ils doivent d’abord laisser le Seigneur en faire tout seul la pleine expérience avant qu’ils soient autorisés à dire le oui parfait de ceux qui le suivent (NB 9,1883).

 

276. L'abandon des disciples

Le silence du Père doit engager le Fils sur la croix dans un isolement extrême ; il doit goûter la dernière goutte du calice qui est beaucoup plus amère que tout le reste. La soif sur la croix, les douleurs, le mépris du monde, l'abandon par les disciples, tout cela n'est presque rien comparé à l'absence de réponse du Père. Tout cela serait supportable si le Père l'encourageait et était là. Auparavant, le Fils connaissait toujours cet encouragement du Père. Maintenant, définitivement, il n'a pas le droit de le savoir. C'est bien pire que la mort d'un amour (NB 3,407).

 

277. Les apôtres marchent vers la croix

Par la croix, Dieu a fait descendre l'Esprit trinitaire sur les apôtres. C'est par la croix qu'ils comprirent qu'ils étaient dans l’Esprit de Dieu. Non comme ils le concevaient, mais seulement comme Dieu Trinité lui-même le comprenait. Les apôtres marchent vers une croix vers laquelle l'Esprit de Dieu les envoie, à laquelle il les prépare et pour laquelle il les fortifie. La sainteté totale de l’Église a son commencement dans les apôtres. Cette sainteté totale est déjà entièrement présente en eux par l'anonymat des apôtres, par leur effacement dans le "système", car tous sont simplement "les onze" (NB 2,53-54).

 

278. Le larron et les apôtres

Le Seigneur dit au larron : "Vraiment, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Il ne lui dit pas : "C'est pour toi que je suis sur la croix et que je supporte telle et telle souffrance". Il souffre pour tous, tellement pour tous que ceux-là aussi qui semblent destinés à l'enfer ne sont pas exclus de sa souffrance. Il donne comme consigne à ses apôtres, là où ils ne sont pas reçus, de secouer la poussière de leurs pieds et d'aller plus loin. Ces limites de l'action, le Seigneur ne les connaît pas dans sa passion (NB 10,2227).

 

279. Pendant que le Seigneur séjourne dans la nuit des enfers, les disciples savent qu'il est mort, les anges aussi le savent, Dieu le Père le sait (NB 6,293).

 

9. Les quarante jours - Le lac de Tibériade - La pêche

 

280. Des paroles qui ébranlèrent le monde

Quand arriva l'heure du Fils et que commença sa passion, il fut visible qu'il se livrait totalement à cette heure, qu'il se détachait de tout ce qui n'était pas compatible avec elle, il se perdit et mourut en elle ; pendant "trois jours", on ne sut plus rien de lui jusqu'au moment où, chargé de nouveaux mystères, il revint à ses disciples avec des paroles qui ébranlèrent le monde (NB 5,124).

 

281. Le cadeau du Seigneur

Pendant les quarante jours qui ont suivi la résurrection, les apôtres ont la faculté de voir. Elle ne leur est pas consciente en tant que telle, surclassée qu'elle est par le cadeau que leur fait le Seigneur en se montrant à eux. De voir le Fils est pour eux une participation à la nouvelle manière dont il voit le Père. Dans cette vision du Seigneur, il n'y a pourtant pas une sainteté de peu de valeur pour les apôtres, pour ces saints des premiers temps, c'est une sainteté qui leur est donnée par le Seigneur de manière tout à fait originaire parce qu'ils ont vécu avec lui. Cela leur donne une autre qualité que celle de ceux qui viendront après eux. C'est pourquoi la vision qu'ils ont pendant les quarante jours a aussi une autre insertion dans la vie. Ce qui est dit et fait entre le Seigneur et eux a une justesse qui continue de manière nouvelle celle qu'ils avaient dans leurs relations terrestres. Dans cette relation directe au Seigneur, première, originelle, il y a aussi quelque chose de l'enfant (NB 6,301).

 

282. Le Seigneur réapparaît

Pâques, c'est un espace de joie et un espace de fécondité qui est constamment conditionné par l'ultime décision. Quand le Seigneur réapparaît et mange avec ses disciples, quand il institue la confession, organise tout dans l’Église de manière neuve, quand il participe par là à la manière de vivre de ses disciples, les instruisant mais pourtant comme l'un d'entre eux, il opère tout cela dans la joie de la résurrection, dans la joie de son retour au Père ; mais dans cette joie, il justifie la nécessité d'ultimes décisions. Nul ne peut dire oui au Seigneur et le suivre sans avoir part intimement au mystère de la rédemption, à la confession (NB 10,2141).

 

283. Le Fils apparaît de temps à autre à ses disciples

Pour Adam et Eve, le Créateur ne séjournait pas seulement au ciel ("de manière permanente") mais aussi sur terre ("se promenant de temps en temps dans son jardin") ; cela ressemblait peut-être à la manière dont le Fils, après la résurrection, non seulement séjourne auprès du Père mais apparaît aussi de temps à autre à ses disciples (NB 6,51).

 

284. L'incompréhensible

Jusqu'au mont des oliviers, le Fils était un homme au milieu des siens et la grande chose pour les disciples était qu'il leur était permis de saisir le mystère que Dieu était devenu homme, qu'il était au milieu d'eux, qu'il opérait pour eux des miracles, qu'il apportait par sa vie et sa prédication la plénitude de la doctrine chrétienne. Puis vinrent les "trois jours" de la passion. Ce qui était incompréhensible, c'est ce qui se cachait en profondeur là-derrière. Après la résurrection, la doctrine chrétienne est chargée de cet incompréhensible et pourtant elle en est aussi éclairée parce que l'amour a acquis des dimensions nouvelles : la médiation du Fils pour les hommes est devenue accessible, et de suivre le Christ fait partie maintenant d'une plénitude qu'une vie n'arrive pas à épuiser. Par le passage à travers la nuit, toutes les vérités de la doctrine chrétienne, avant comme après la passion, sont si chargées de mystère divin que la foi précédente ne suffit plus ; elle doit être adaptée au nouvel état de la vérité, elle n'a plus le droit de continuer à tendre de la périphérie vers le centre, elle doit être enracinée au centre lui-même. L'ancienne forme du dialogue entre les disciples et le Seigneur est dépassée parce que la vérité nouvelle renferme de telles profondeurs et aussi de telles exigences qu'il n'y a qu'un oui inconditionnel qui peut suffire (NB 5,142).

 

285. La pêche miraculeuse

A la fin de l'évangile de Jean est racontée la pêche miraculeuse. Pierre va pêcher, mais auparavant il avait reçu du Seigneur la promesse qu'il serait pêcheur d'hommes. En général, quand on pêche, il se fait que tantôt on prenne beaucoup de poissons, tantôt peu, tantôt aucun. Quand il retire ses filets, le premier souci du pêcheur n'est pas de compter les poissons, mais de savoir de manière toute générale s'il y en a beaucoup : il les pèse. Ici, au lac de Tibériade, il en va autrement. D'abord le nombre de poissons qui a été pris suite à l'ordre du Seigneur est très grand comparé au rien en fait de nombre ; malgré leurs efforts, les apôtres n'avaient rien pris de la nuit. Ensuite, une fois le filet retiré, les poissons sont aussitôt comptés par Pierre. C'est la pêche du Seigneur qui n'appelle pas des masses, c'est une pêche dans laquelle Pierre, le pêcheur d'hommes, est déjà impliqué, et il a le droit et la mission de se soucier du contenu du filet. Pierre est associé et coresponsable, Pierre compte les poissons, il y en a cent-cinquante-trois (NB 2,26).

 

286. Un cadeau du Ressuscité

Le coup de filet de Pierre est une réalité. Et le nombre des poissons que les apôtres ont comptéssans qu'ils en comprennent le sens – l'est aussi. Le coup de filet et le nombre sont un cadeau du Ressuscité à son Église. C'est par la grâce du Seigneur que Pierre a tiré du fond à la lumière cette abondance et l'a comptée (NB 2,27).

 

287. La grâce du Seigneur

Pierre était sans aucun doute fatigué d'avoir jeté le filet toute une nuit en vain. Et tout d'un coup il y eut la surprise de la grande prise de poissons, justement à l'heure de la plus grande fatigue. Ce n'est ni le seul zèle de Pierre qui remplit le filet, ni la seule valeur du filet, mais la grâce du Seigneur (NB 10,2139).

 

288. Le nombre et la démesure

C'est l'évidente volonté de Dieu d'offrir juste à ce moment-là la pêche et le nombre précis de cent-cinquante-trois, et cette volonté est grâce au-delà de tout mérite. La présence du Seigneur obtient infiniment plus que la présence de ses apôtres. Il fait aussi partie de ce plus que, longtemps après, le miracle peut être éclairé par Dieu de manière neuve : il signifie quelque chose de nouveau et quelque chose d'autre, davantage qu'autrefois, il est enrichi comme n'étant pas fermé ; le nombre cent-cinquante-trois est certes un nombre précis, mais comme chaque nombre dont Dieu se sert, comme chaque mot qu'il utilise, il a toujours en lui de l'espace pour la démesure (NB 2,37-38).

 

289. Tout d'un coup, les disciples ont la certitude

Tout d'abord les disciples ne reconnaissent pas le Seigneur. Ils s'étonnent que quelqu'un soit là, ils le regardent comme on regarde un étranger et cependant ils sont en quelque sorte attirés par lui. Ils éprouvent le besoin de faire connaissance avec lui, de le situer. Une question les habite intérieurement : qui peut-il être ? Une question tout à fait vague, mais qui le concerne. Ils le reconnaissent en raison d'une appartenance intérieure. Comme quelqu'un qui n'aurait jamais vu son père et soudain celui-ci se trouve devant lui, il sait immédiatement : c'est mon père. "Le sang parle". Ainsi, tout d'un coup, les disciples ont la certitude. Intérieurement ils sont à la hauteur ; la vie du Seigneur s'est imposée à eux. Ils ne lui demandent pas qui il est parce qu'ils le savent ; et ils comprennent aussi qu'il s'agit d'un discernement intérieur et que cela doit en rester là. Leur connaissance silencieuse, qui ne pose plus de questions, est comme une préparation à l'eucharistie du côté de l'homme. La conscience des disciples d'appartenir au Seigneur est déjà, comme la "voix du sang", tout à la fois spirituelle et corporelle. Au baptême, le chrétien reçoit une parenté de ce genre avec le Seigneur, tout à la fois spirituelle et corporelle, et l'intuition silencieuse de ce fait est une disposition à le recevoir tout à la fois spirituellement et corporellement dans la communion eucharistique. Chaque fois que le Seigneur veut montrer quelque chose de nouveau de lui aux disciples ou à l’Église, cela peut commencer par une non-compréhension. C'est à partir de celle-ci que se fait l'initiation à la compréhension toute nouvelle de l'eucharistie. Il fait partie de l'obéissance de l’Église que tout d'abord elle ne reconnaît pas le Seigneur et qu'ensuite elle le reconnaît, et il fait tout autant partie de son obéissance qu'elle ne pose pas de questions. Les disciples, en étant ainsi avec le Seigneur sans poser de questions, sont remplis d'une grande paix intérieure (NB 1/2,48).

 

290. La connaissance de Jean

Jean a reconnu le Seigneur le premier parce qu'il incarne l'amour ecclésial. L'amour et la disponibilité furent en lui les moyens qui lui ont permis de reconnaître le Seigneur. Pour cette disponibilité aimante que Jean cherche à garder partout, le Seigneur est comme un aimant qui agit sur l'aiguille aimantée. La certitude de la connaissance johannique provient de l'amour (NB 1/2,4849).

 

291.Au lac de Tibériade, dès que Jean discerne : "C'est le Seigneur !", Pierre se jette à l'eau (NB 12,198).

 

292. M'aimes-tu plus que ceux-ci ?

Sur les rives du lac de Tibériade, Jean disparaît pour ainsi dire en Pierre : "M'aimes-tu plus que ceux-ci ?" A la croix, la Mère est confiée à Jean. Le Seigneur adresse ses paroles à Marie et à Jean, et tous deux s'éloignent de la croix pour entrer dans l’Église, une Église qui ne cesse d'avoir besoin d'eux et les met au centre, et pourtant ils ne peuvent pas rester au centre, ils doivent sans cesse s'effacer devant Pierre. Quand le Seigneur pose à Pierre la question : "M'aimes-tu plus que ceux-ci ?", Jean transmet alors à Pierre quelque chose que celui-ci ne possédait pas encore. Ici se trouve de manière cachée la place sainte de la Mère, que la chrétienté va découvrir, mais cette place, elle ne la prend qu'en s'éloignant (NB 6,486-487).

 

293. L'atmosphère de la résurrection

Quand le Fils ressuscité apparaît aux siens, comme expression de l'amour divin trinitaire, il s'en remet aussi à l'Esprit, en tant qu'il l'Esprit d'amour, pour souffler où il veut. Cela donne aux apparitions du Seigneur leur transparence et, à sa parole, l'ampleur de la vie nouvelle qui fait transparaître partout l'Esprit. Pour ceux qui voient le Seigneur et en font l'expérience, une atmosphère nouvelle les entoure : il est maintenant spirituellement dans l'Esprit Saint. Le Seigneur aussi bien que celui qui le voit laissent à l'Esprit ce que leur rencontre a de spirituel, il est le paysage, l'atmosphère dans laquelle elle se déroule, davantage même, il est l'accomplissement lui-même. Quand le Seigneur dit une fois encore à Pierre : "Suis-moi", c'est dans l'atmosphère de l'Esprit qu'il attire le disciple. Avec une force presque sensible qui se communique aussi dans l'Esprit à l'intelligence de Pierre de sorte que toute résistance est vaincue par la volonté agissante du Seigneur. Tout cela dans l'atmosphère de la résurrection qui est si incroyablement tendre et qui n'a rien d'écrasant. Le Seigneur pose à Pierre la question : "M'aimes-tu ?", il ne demande pas : "Pourquoi m'as-tu trahi ?" (NB 6,300).

 

294. Pierre avec le Seigneur : "M'aimes-tu plus que ceux-ci ?" Pierre est bouleversé, embarrassé (NB 12,251).

 

10. L'Ascension - La Pentecôte - L'Esprit Saint

 

295. L'état d'âme des apôtres lors de l'Ascension

Il n'est pas facile de décrire l'état d'âme des apôtres lors de l'Ascension. Et en même temps ce n'est pas difficile parce que c'est aussi l'état d'âme des chrétiens d'aujourd'hui : quelque chose entre le regret et l'espérance, entre l'angoisse et l'amour, entre l'occultation et l'évidence (NB 10,2184).

 

296. Rentrer à la maison après l'Ascension

Quand, après l'Ascension, la Mère et les disciples rentrent à la maison, leur état d'âme est tout autre qu'après la croix. Ils manifestent une foi parfaite dans la joie et pourtant, parce qu'ils sont sur la terre, ils doivent avoir part à la croix leur vie durant. Ils n'en seront jamais quittes. Ainsi leur joie ne sera pas sans inquiétude, ni sans ombre. La foi leur montrera leur tâche, mais ils se heurteront plus fort qu'auparavant aux limites de leur nature et de leurs possibilités, et pourtant ils ne cesseront d'être portés par la foi au-delà de ces limites (NB 10,2184).

 

297. L'Esprit et la joie

La Pentecôte est une fête à laquelle on n'arrive que par les épreuves supportées en suivant le Christ au temps de sa passion ; on ne peut pas supprimer ces conditions. Plus l'expérience de la Pentecôte est pleine, plus aussi sa condition doit avoir été remplie profondément, plus le temps de la passion doit avoir été vécu à fond. Marie et Jean ressentiront leur joie mystique dans l'Esprit d'autant plus candidement et d'autant plus pleinement qu'ils ont participé plus profondément aussi à la croix du Seigneur (NB 5,146).

 

298. Un tourbillon

Le Seigneur promet l'Esprit Saint à ses disciples. Quand l'Esprit descend sur eux, ils le ressentent comme un tourbillon qui transforme tout, qui les dote jusque dans leur corps de nouvelles capacités de foi. Sa force explosive les ouvre non seulement vers l'extérieur pour l'apostolat, mais également vers l'intérieur, il descend jusqu'au fondement du mystère du baptême pour s'y enfoncer lui-même. Le caractère incompréhensible du fait sacramentel d'être mort et ressuscité avec le Seigneur est si bien transformé par l'Esprit qu'il devient désormais le bien personnel du croyant (NB 5,142-143).

 

299. L'ivresse

La Pentecôte, c'est l’instant où les apôtres reçoivent l’Esprit et en sont ivres et parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles qui cependant sont comprises. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Chacun peut se sentir interpellé et peut collaborer, chacun peut correspondre (NB 9,1988).

 

300. L'Esprit reste auprès des apôtres

Le Fils envoya d'abord les apôtres prêcher en pauvreté ; plus tard l'Esprit Saint et aussi le Père les enverront, si bien que les trois personnes confirment la mission des apôtres. Le Fils a vécu parmi les hommes d'abord comme détaché du Père et de l'Esprit ; puis il s'en retourne sans les abandonner, d'autant plus qu'il leur a promis de répandre sur eux l'Esprit : une "partie" de lui qu'il retrouve dans le ciel. Son Esprit reste auprès d'eux malgré l'Ascension. Celle-ci signifie une extension trinitaire de la mission des apôtres (NB 11,236).

 

301. Inondés par l'amour

Pour les apôtres, le parler en langues vint d’une manière tout à fait inattendue, ils se sentirent alors inondés par l’amour. Ils étaient contents du don reçu et ils ne firent rien pour l’accroître, ils avaient l’ingénuité de ne pas s’en mêler (NB 9,1564).

 

302. Prêter l'oreille à l'Esprit

Les apôtres sont devant l'Esprit, dans l'attente non seulement d'une règle, mais aussi dans l'attente qu'on les guide et qu'on leur montre le chemin. Dans la décision de se conformer à la directive, ils prêteront l'oreille avec l'Esprit à la règle de l'Esprit, ils écouteront ensemble de telle sorte que cette règle devienne communicable, et la communication sera l'apostolat (NB 2,136).

 

303. Rester ouvert pour l'Esprit

Pierre et les apôtres ont reçu l'Esprit Saint, ils sont désormais en état de garder l'Esprit. C'est une attitude de prière optimale. Ils n'ont pas besoin de faire un effort sur eux-mêmes pour prier, ils n'ont pas besoin de se détacher d'eux-mêmes avec violence. Ils restent ouverts pour l'Esprit parce que c'est l'Esprit qui produit leur attitude, qui leur permet de lui être ouverts. C'est l'Esprit que le Seigneur leur a envoyé à la Pentecôte. Quand on attend un grand événement, on le vit la plupart du temps de manière plus vraie et plus réelle que s'il nous surprend à l'improviste. Celui qui a saisi l'événement dans cette vérité est plus préparé pour une prochaine fois. Ainsi en est-il pour les apôtres : la réception de l'Esprit à la Pentecôte les rend ouverts et dociles pour une nouvelle réception de l'Esprit (NB 1/2,50-51).

 

304. Une invasion du divin

La rencontre de l'Esprit Saint avec les apôtres le jour de la Pentecôte ne peut pas être comprise autrement que comme une rencontre mystique. Ils sont ivres, hors d'eux-mêmes, en extase. Quand Dieu crée un homme, on peut d'une certaine manière prévoir à quoi ressemblera le résultat : il présentera les caractéristiques de tout homme. Quand l'Esprit du Créateur rencontre le croyant, on ne peut pas prévoir ce qui en sortira. Pour la saine raison humaine, la Pentecôte est un spectacle de désordre, d'aliénation, de trouble dans l'homme : ce n'est pas l'homme lui-même qui le provoque et rien de naturel ne peut le causer, il est un signe d'une invasion du divin, le signe que l'Esprit de Dieu souffle en l'homme où il veut et qu'il transforme tout ce qui est habituel. Les limites de l'esprit humain sont supprimées, les disciples parlent des langues qu'ils n'ont jamais apprises, ils parlent même plusieurs langues en même temps sans les avoir étudiées. C'est ici, dans l'accès à quelque chose d'inaccessible, dans ce qu'il est impossible d'obtenir même si on le voulait, que se trouve un point essentiel de la mystique. Ce dépassement des limites sans qu'on l'ait voulu soi-même et sans s'y être exercé caractérise tout le domaine de la mystique. La manière dont Dieu conduit alors peut rendre inutile tout degré apparemment nécessaire, le rend de fait réellement inutile. Les apôtres sont des croyants qui tout d'un coup, d'un ciel serein, reçoivent un cadeau qui les comble, dont Dieu seul est l'origine. Ils ne reçoivent pas ce don selon leurs mérites ou leurs efforts, mais sans conditions. Ce n'est pas non plus leur personnalité propre qui fait l'expérience d'un complément ou d'une surélévation, tout l'accent est mis sur l'intervention de Dieu. L'unique condition pour recevoir la confirmation est la foi du baptisé. C'est à celle-ci que se joint l'Esprit Saint. La transformation qui se produit dans l'apôtre n'est pas seulement perceptible pour lui, il la remarque aussi chez les autres, et il reconnaît que leur transformation est causée par l'Esprit. Les disciples ne font qu'un avec Dieu, mais ils reconnaissent aussi que leur frère ne fait qu'un avec Dieu. Ils n'ont pas besoin de garder jalousement leur propre expérience ni d'envier celle d'un autre étant donné qu'ils ont été placés ensemble sous le souffle de l'Esprit (NB 5,144-146).

 

305. Le feu

A la Pentecôte, chacun des apôtres ne reçoit pas sa grâce, ils reçoivent aussi l'effet de son feu dans les autres. Dieu donne toujours plus que ce qui revient à chacun, il donne d'une manière ecclésiale (NB 10,2153).

 

306. La grâce de l'Esprit

Adrienne fait l’expérience de la descente de l’Esprit sur les apôtres. Ils n’étaient certainement pas sans défauts, mais la fidélité qu’ils gardaient malgré tout au Seigneur les rend capables de recevoir l’Esprit à la Pentecôte. Leur carrière jusque-là était d’une certaine manière un mérite, fondé sur la grâce de l’appel ; maintenant la grâce de l’Esprit Saint entre en eux et en fait des saints. Adrienne voit exactement comment tout d’un coup la langue de feu descend sur eux et prend possession d’eux, trouve là à son arrivée, pour tout transformer, comme un sol préparé. Tous reçoivent une sorte de connaissance qui ne peut pas être réalisée maintenant, mais qui demeure comme une disposition. Ils ont cette connaissance en tant qu’Église du Seigneur. Leur connaissance potentielle s’actualise chaque fois que la question se pose. Ils forment désormais une unité dans l’Esprit ; de même qu’ils étaient réunis à la Pentecôte, ils gardent l’Esprit ensemble et dans une certaine infaillibilité. En tant qu’isolés, il y a beaucoup de choses qu’ils peuvent ne pas savoir mais, en tant qu’organisme, ils ont la connaissance nécessaire pour résoudre les questions ecclésiales. Des questions peuvent être soulevées par certains, mais l’ensemble les examine et les résout, y compris par celui qui les a soulevées (NB 9,1800).

 

307. Recevoir l'Esprit pour obéir

Marie reçoit l'Esprit avec les apôtres afin que ceux-ci aient l'attention attirée par elle de manière nouvelle. Afin qu'ils obéissent d'une certaine manière à sa parole qu'elle ne va plus exprimer, qu'elle ne fera plus que vivre (NB 1/2,192).

 

308. Recevoir l'Esprit ensemble

A la croix, Marie fut congédiée avec Jean ; à la Pentecôte, elle reçoit l'Esprit non seulement avec Jean, mais avec tous les disciples, d'une manière personnelle en quelque sorte, comme elle l'avait reçu lors de sa rencontre avec l'ange (NB 1/2,193).

 

309. Une descente de l'Esprit

Après l'Ascension, viennent encore dix jours d'une nouvelle attente dans la prière que le Seigneur impose à ses disciples et à nous. Mais qui dans l’Église saisit ce que signifie cette descente de l'Esprit Saint ? Après la Pentecôte, nous sommes aussi tièdes et aussi paresseux que nous l'étions auparavant (NB 10,2355).

 

11. La Cène après la résurrection

 

310. Marie reçoit à nouveau son Fils

D'une vision d'Adrienne. Je vois la Mère en compagnie des disciples célébrer la Cène après la résurrection du Seigneur. Ils bénissent et rompent le pain et le partagent comme le Seigneur le leur a montré. Ils le font en son nom en se souvenant que celui qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang ne lui appartient pas. La Mère reprend dans son corps le Fils incarné sous cette forme ; c'est pour elle un mystère de foi, de don d'elle-même et d'exigence, de même que le mystère aussi était contenu dans son oui à l'ange. La transsubstantiation en tant que telle ne l'occupe pas plus que le changement dans son corps ne l'occupa autrefois quand l'Esprit la couvrit de son ombre. Mais elle sait combien, par la croissance du Fils en elle, elle fut enrichie, bénie, rendue plus proche de Dieu. Elle le reçoit à nouveau parce que tous les croyants peuvent maintenant le recevoir aussi souvent qu'ils le veulent. Le mystère de l'incarnation unique est maintenant comme intégré dans le mystère de la communion. Il n'en résulte rien qui serait faux ou contradictoire. Tout est intégré (NB 1/2,49).

 

311. En chaque communion, quelque chose de la Mère

Est-ce que Marie aussi a communié ? Oui, elle a effectivement pris part aux eucharisties avec les apôtres et les disciples. Elle a rompu le pain avec l’Église. Mais elle l'a fait avec une tout autre intelligence, d'une manière qu'au fond nous ne connaissons pas et que nous ne pouvons pas approfondir. Car en chaque communion il y a quelque chose de la Mère qui est présent, quelque chose de son don d'elle-même, de sa grâce qui s'offre comme un cadeau, de sa grâce ecclésiale aussi (NB 11,35).

 

*

 

V

 

Les évangiles et l'Apocalypse

 

Plan : 1. L'inspiration - 2. Matthieu et son évangile - 3. Marc et son évangile - 4. Luc et son évangile - 5. Jean et son évangile - 6. Jean et l'Apocalypse

 

1. L'inspiration

312. La certitude vivante de la parole du Christ

L'à-propos de la parole de l’Écriture n'est pas différent de l'à-propos de la parole du Christ, il n'est pas un à-propos propre, nouveau, au-delà. L'évangéliste part de la certitude vivante de cette parole et il la transmet par son évangile. Un homme en aborde un autre et lui demande : "Pourrais-tu lire le livre que j'ai écrit ?" L'autre ne s'y intéresse pas pour le moment ; l'autre alors lui dit : "Je tiens seulement à ce que tu saches ce qu'il y a dedans"; et il commence à le lui expliquer et comment il en est arrivé à écrire ce livre. C'est ainsi que les évangélistes nous parlent (NB 10,2352).

 

313. L'inspiration et les missions

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Les évangélistes le faisaient sur mission de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle. Ils montraient par là aux charismes ultérieurs ce que veut dire avoir une mission et combien celle-ci fatigue l'homme et le réclame et le rend responsable (NB 10,2242).

 

314. Quand les évangélistes décrivent ce qui a été, il est également important qu'ils consignent les événements comme les paroles (NB 10,2249).

 

315. Le mystère divin

Dans une vision, Adrienne voit l’évangile de saint Matthieu et celui de saint Jean. L’évangile de saint Matthieu est comme un champ accessible de tous côtés. Ses lisières sont humaines et se transforment en chemins qui conduisent au centre. Jean par contre est là comme un grand tissu blanc. L’humain à sa lisière est comme une sorte d’ourlet. Mais au centre, le mystère divin, et aucun chemin ne conduit de l’extérieur à l’intérieur. C’est d’une seule pièce, indivisible, on ne peut pas le connaître par degrés ; mais une grande exigence en émane de saisir le mystère divin en son centre (NB 8,895).

 

316. L'inspiration de Paul

Paul ressemble à un élève qui fait ses devoirs et qui s'acquiert par là un droit à être corrigé par son maître. Il pense, mais il remet sa pensée sous la pensée infinie et englobante de Dieu. Si Paul se met si fort en avant et n'oublie jamais qui il est, c'est aussi parce qu'il a la mission d'être quelqu'un et de le représenter. Pour son inspiration, c'est lui qui est repris par Dieu, tandis que Jean, c'est sur la poitrine du Seigneur qu'il reprend les pensées du Seigneur. Les synoptiques sont au milieu entre ces deux extrêmes (Paul et Jean). Luc est aussi près de Jean que de Paul, tandis que Marc et Matthieu sont les plus éloignés des deux. Plus que Marc et Matthieu, Luc travaille dans l'amour senti de Jean, mais il est proche de Paul en ce sens qu'il travaille activement. Il a un double visage : l'un qui ressemble à Jean, l'autre à Paul. Son évangile porte aussi davantage son caractère tandis que Marc et Matthieu obéissent davantage à l'inspiration ; ils ne sont conduits ni par un amour subjectif particulier, ni par une pensée et une nature particulièrement actives (NB 6,460).

 

317. Recevoir l'inspiration

Dans leur manière de recevoir l'inspiration, les synoptiques ne sont certes pas plus grands que Moïse. Le Seigneur leur montre que l'inspiration fait partie de leur don d'eux-mêmes (NB 6,461).

 

318. La force créatrice de l'Esprit

En présence de leur œuvre achevée, les évangélistes ont une sorte d'intelligence personnelle de l'incarnation. En rédigeant leur évangile, ils ont vécu quelque chose de parallèle à l'incarnation du Verbe : l'Esprit qui devient parole. L'Esprit Saint s'est servi de leurs idées et de leurs mots pour en façonner une image de Dieu dans ce qu'ils ont écrit. Ils ont conscience qu'avec ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas, ils sont intégrés dans une certaine réalisation de Dieu ici-bas. Le souffle de l'Esprit en eux a eu suffisamment de force créatrice pour être présenté d'une manière valable. Dans ce but, l'Esprit a réalisé une unité inséparable entre lui et leur esprit humain. Et cette unité s'est faite là où déjà il y avait l'Esprit du Christ, la foi, la vie surnaturelle qu'ils avaient reçue du Seigneur (NB 6,458).

 

319. Le message du Seigneur

L'évangéliste est beaucoup plus éveillé quand il écrit que lorsqu'il faisait son plan et rassemblait des matériaux. Avant, il comprenait ce qu'un homme comprend ; après, il saisit que, dans ce qu'il a écrit, il y a beaucoup plus qu'il ne le pensait. Il comprend ainsi comment un saint conçoit les vérités de la foi : non pas avec l'esprit brouillé et distrait comme le font les pécheurs, mais à peu près comme la vérité veut être comprise. Quand un évangéliste relit son œuvre, il voit que c'est non seulement l’Église dans son ensemble qui a reçu un cadeau, mais aussi lui-même : il a reçu le message du Seigneur d'une autre manière (NB 6,455).

 

320. Ouvrir à l'Esprit toutes ses facultés

Un évangéliste doit écrire "son" évangile et pour cela utiliser de manière critique tout ce qu'il a appris du Seigneur lui-même ou des apôtres ou par la tradition, mais il doit en même temps ouvrir à l'Esprit Saint toutes ses facultés qui sont restreintes et limitées, car "son évangile" doit devenir "l’Évangile", il doit contenir tout l'enseignement de Dieu fait homme, donc beaucoup plus que ce qu'un homme peut comprendre avec toutes ses connaissances et toutes ses études. Adrienne voit un évangéliste écrire sous l'inspiration. Il a son plan, il suit un fil conducteur, il a sous les yeux une certaine image du Seigneur, il met en ordre tout ce qu'il a appris par lui ou sur lui. Il a une forme et il a les matériaux. Que des deux il en sorte quelque chose de valable, c'est l'Esprit Saint qui l'obtient. Il en est de même pour un écrivain qui veut écrire une nouvelle : il a ébauché le fond, il a esquissé bien des scènes ; avec ce qu'il a sous la main, il lui suffirait de quelques minutes pour en faire un récit. Pour produire le récit réel, il lui faut compléter et travailler. Ici l'hagiographe est conduit par l'Esprit. Si, par la suite, il relit ce qu'il a écrit, il reconnaîtra certes son plan, c'est donc bien ce qu'il avait l'intention de faire ; dans son travail d'écriture, il savait sans doute ce qu'il écrivait, mais il est étonné quand même parce qu'il y a dans l'œuvre achevée beaucoup plus que ce qu'il aurait pu faire lui-même. Pendant que les évangélistes écrivent, l'Esprit les inspire (NB 6,454-455).

 

321. Ce que l'Esprit inspire

Ce qui est curieux, c'est que l'Esprit Saint n'inspire aux évangélistes au sujet de la descente aux enfers rien de plus que le fait qu'elle ait eu lieu. Comme si l'Esprit s'en tenait strictement au fait qu'il a été rendu au Père par le Fils sur la croix ; comme s'il ne disait rien, conformément à sa mission, comme s'il ne voyait et n'entendait pas, comme si le Seigneur aussi se taisait pour le moment, quand les évangélistes mettaient par écrit leurs évangiles. C'est un silence dans le silence du Père. Silence du Fils, silence de l'Esprit, il n'y a aucun mot à ce sujet ; le Fils, qui dès le début était la Parole, est maintenant une Parole silencieuse et discrète (NB 3,287).

 

322. Une vérité offerte

Le Père Balthasar demande s'il est possible que les évangélistes, du fait de leurs dispositions d'esprit subjectives, n'aient pas compris correctement la parole du Seigneur. Réponse : Il ne peut être question d'une erreur. Naturellement ils n'ont jamais saisi la parole du Seigneur avec la plénitude qu'il y a mise parce que, en tant que parole divine, elle était toujours plus grande que tout ce qu'on peut comprendre. Par conséquent ils ont en quelque sorte utilisé le même terme pour des contenus différents, compris des choses différentes pour le même terme, et ces contenus étaient à chaque fois un résultat aussi bien de leur foi que de la vérité offerte par le Seigneur. Mais la foi aussi provient de Dieu, et ainsi les deux étaient justes dans l'unité (NB 1/2,294).

 

323. L'Esprit inspire

Quand l'Esprit couvre la Mère de son ombre, il "inspire" l'enfant en elle, comme il inspire les disciples ou les prophètes pour qu'ils mettent par écrit ce qu'ils ont vécu avec Dieu et avec le Seigneur (NB 1/2,239-240).

 

324. Le temps de l'inspiration

On ne peut pas dire que la conscience de l'inspiration des évangélistes est plus forte chez Jean qui recevra plus tard les visions de l'Apocalypse. Tous se sentent comme l'acteur qui a joué son rôle et qui, en le jouant, a tout à fait oublié qu'il n'était pas lui-même Hamlet. Pour le temps de l'inspiration, ils avaient réellement à remplir leur rôle et à faire abstraction de ce qu'ils étaient auparavant, comme si leur rôle était leur vie d'adulte et comme si ce qui précédait - leur enfance - était comme un cours préparatoire (NB 6,458).

 

325. Accueillir ce que le Seigneur donne

Saint Bernard vit au plus intime de lui-même comme ont vécu les apôtres et les disciples : il accueille tout ce que le Seigneur lui donne et sans faire plus de plan que les disciples n'en ont fait dans l'évangile, ils ne pouvaient pas imaginer un système de révélation. De même, il cherche lui aussi à être simplement ouvert et à n'être lié par aucun système qu'il aurait lui-même édifié (NB 1/1,426).

 

326. Une dictée

Comparaison entre les évangélistes dans une vision d'Adrienne. Elle vit d’abord Matthieu : une âme très simple, sans beaucoup de réflexions. “L’évangile selon saint Matthieu est excellemment une dictée, le scribe est avant tout un auditeur. Il est totalement d’un seul jet. Par rapport à lui, Luc est plus sensible, plus différencié, on voudrait presque dire plus nerveux ; mais chez lui aussi règne une simplicité d’esprit surprenante. Les évangélistes n’apparaissent pas comme des personnalités. Marc est le collégien ; de lui on peut tout avoir si on sait s'y prendre avec lui” (NB 8,806).

 

2. Matthieu et son évangile

 

327. Il rédige des notes

Pour écrire son évangile, Matthieu a des documents, des pages de souvenirs, des notes. Il possédait maintes choses dès avant l'inspiration, quand il ne savait pas encore qu'il devrait écrire. Il les conserve, davantage comme complément seulement. Il rédige des notes comme quelqu'un qui ne sait pas à quoi cela lui servira plus tard. Ce qu'il a ainsi sera pour lui moins un projet que la preuve ultérieure de la justesse de l'inspiration. Comme les choses dont il a pris note sont gravées dans sa mémoire, elles lui sont plus présentes que si elles n'avaient été vécues qu'une seule fois, surtout avec son genre d'esprit. Il a été appelé sans préparation, et maintenant il se prépare en quelque sorte pour ne pas être tout à fait surpris par un nouvel appel inopiné. D'une certaine manière, il a raison d'avoir un pressentiment : le nouvel appel fera de lui un évangéliste, et cet appel s'emparera non seulement de sa personnalité en tant qu'homme, mais aussi de sa mémoire, de son travail. La Providence de Dieu le prépare en le faisant s'occuper de la vie de Jésus, ce qui ne diminue en rien la force de l'inspiration ultérieure. On ne doit pas non plus concevoir la notion d'inspiration d'une manière trop étroite : la voix qui va bientôt "dicter" peut être déjà vivante dans l'esprit de l'homme avant qu'elle commence à parler. Ainsi la voix de l'ange vit en Marie avant même qu'elle conçoive. De même l'appel de Dieu vit en beaucoup d'appelés avant qu'ils le sachent et l'entendent. La mise par écrit proprement dite s'effectue sous la "dictée" de l'inspiration. Après, il peut compléter ceci et cela en utilisant ses notes, mais sans rien changer, seulement développer ce qui se trouvait déjà inclus dans ce qui était inspiré. Dans une inspiration particulière comme celle de l'évangéliste, des additions ultérieures peuvent aussi faire partie de l'inspiration. Comme l'inspiration, en tant qu'acte de Dieu, est plus grande que ce que l'homme peut consigner par écrit, elle requiert de lui qu'il mette à sa disposition, dans le sens de l'inspiration, tout ce qui lui appartient pour l'insérer dans l'édifice ou l'achever. La logique et la disposition interne de l'évangile de Matthieu étaient également contenues à l'état de germe dans ce qui a été dicté, mais comme quelque chose de "rapide", de sorte qu'il restait à l'apôtre un espace assez considérable d'interprétation et de développement. Cette disposition est sans doute le lieu où Matthieu, dans son plan préalable, a le plus anticipé l'évangile à venir. Mais on ne peut pas dire qu'il a esquissé un plan complet ; l'inspiration ne reprend que ses ébauches de plan. Elle ne s'empare de ce qui existe que parce que, auparavant déjà, l'homme s'était adapté, dans une obéissance inconsciente, à l'exigence à venir. Quand Matthieu a achevé son livre, il ne vit plus dans l'attente d'un changement, mais il vit dans le toujours-plus du Seigneur, sachant qu'il a à lui répondre toujours mieux et que toutes ses attentes personnelles n'ont de place qu'à l'intérieur de l'attente de Dieu (NB 1/1,331-332).

 

328. Matthieu et l'ancienne Alliance

Matthieu commence son évangile par l'arbre généalogique du Seigneur ; il donne ainsi une réponse exacte à tout le chemin de l'ancienne Alliance qui, dans ses prophéties, se dirigeait vers Marie (NB 2,31).

 

329. Un auditeur

Matthieu : une âme très simple, sans beaucoup de réflexions. L’évangile selon saint Matthieu est excellemment une dictée, le scribe est avant tout un auditeur. Il est totalement d’un seul jet (NB 8,806).

 

330. Matthieu peut imaginer que s'il avait utilisé davantage de matière encore, l'inspiration l'aurait aussi arrangée et développée (NB 6,457).

 

331. Transmettre le message

Matthieu a un rôle de médiation : il laisse passer par lui, il a un rôle d'envoyé qui perçoit le message et le transmet tel quel ; sa qualité principale est la transmission dans le sens exigé. Il n'a pas comme Paul à ajouter du sien, il n'a pas à fournir ce service actif d'interprétation. Il n'y a pas non plus là de contemplation des mystères, tout reste en suspens, il s'agit de garder ce que Dieu a déterminé jusqu'à ce que vienne l'heure de la transmission pour que la transmission ne soit pas influencée par des ajouts personnels, qu'il n'y ait pas d'équivoques, que rien ne soit changé, que rien ne soit voilé ou trop souligné, mais que tout puisse se faire dans le face-à-face du serviteur et du Seigneur trinitaire, dans la perfection du service et de la disponibilité (NB 2,181).

 

3. Marc et son évangile

 

332. La peur d'écrire un évangile

Écrire un évangile : Marc en a eu peur. Il est le seul qui a su à l'avance qu'il devrait écrire. Il s'est montré réticent parce qu'il pensait qu'il devrait écrire dans un moment ordinaire ou qu'il ne serait pas docile sous la conduite de l'Esprit. Et puis, au fond, cela s'est très bien passé. Quand vint l'inspiration, elle réalisa en lui beaucoup de choses qu'il avait désirées depuis longtemps. Maintes choses se sont éclaircies pour lui quand il a mis par écrit son évangile ; maintes choses qui auparavant étaient pour lui douteuses devinrent incontestablement bonnes, elles furent complétées, mises au pont. Au sujet du mode de son inspiration : au début, c'est comme s'il choisissait lui-même son point de départ, de par ses connaissances. Puis ceci est repris et poursuivi. Tout l'incertain qu'il avait introduit lui-même disparaît. L'obéissance vis-à-vis de l'inspiration, il la trouve beaucoup plus facile qu'il ne l'avait pensé à l'avance. Il la regarde comme un don particulier de la grâce, elle lui permet d'y voir clair. Auparavant il était comme un homme qui redoutait un entretien : peut-être que son interlocuteur va exiger de lui plus de précisions qu'il n'en peut fournir. Et puis la conversation est menée par l'autre de telle sorte que lui-même y voit plus clair et voit mieux l'ensemble. Dans ses relations avec son prochain, ce n'est pas commode. Il est difficile, carré. On ne peut pas dire qu'il manque d'humilité, plutôt d'une certaine clarté objective de l'esprit. Dans ses rapports avec les autres, il ne peut pas aussi bien se dominer, ni se montrer aussi simple que sous l'inspiration. La simplicité de son évangile est comme une «obligeance» de l'Esprit Saint à son endroit pour que tout soit clair et nettement précisé, que rien ne se perde en réflexions et interprétations (NB 1/1,349-350).

 

333. Heureux d'en avoir fini

Matthieu peut imaginer que s'il avait utilisé davantage de matière encore, l'inspiration l'aurait aussi arrangée et développée. Pour Marc, c'est plutôt l'inverse : cela correspond à son tempérament. Il est heureux d'être arrivé au bout, d'en avoir fini, et il voit que, dans le peu qu'il a fait, il y a bien plus qu'il se l'était imaginé. Il constate qu'on peut "méditer" son évangile, qu'en chaque détail c'est l'ensemble qui apparaît. L'inspiration ne lui procure peut-être pas la même joie qu'aux autres, il repousse le livre, il en est presque gêné, comme s'il y avait méprise ; il n'arrive pas à être totalement heureux d'avoir servi d'instrument (NB 6,457).

 

334. Marc est le collégien. De lui, on peut tout avoir si on sait s'y prendre avec lui (NB 8,806).

 

4. Luc et son évangile

 

335. Écrire son évangile de mémoire ?

Chez Luc, il y a une grande ressemblance entre sa prière et son inspiration. C'est comme s'il insérait son inspiration dans ce qu'il sait déjà. Il pourrait presque écrire son évangile de mémoire. Mais au moment où il le pourrait, tout est repris et enrichi par l'inspiration si bien qu'il doit le faire plus grand qu'il n'aurait pu le faire de lui-même. En écrivant, il n'est lié à aucun état particulier. Son inspiration a quelque chose de tout à fait paisible, il entre simplement en elle comme dans une obéissance (NB 1/1,352).

 

336. Il relit ce qu'il a écrit

Luc connaît la rencontre de Jésus et de Zachée : l'homme dans l'arbre, l'appel de Jésus, le murmure de la foule parce qu'il prend un repas chez un pécheur, et Luc sait quelque chose de la conversion de ce pécheur. Tout ce qu'il sait se trouve dans le cadre de ce qu'il sait par ailleurs, dans le cadre de l'opinion qu'il se fait de l'action terrestre du Seigneur ; c'est un événement parmi d'autres. Il ne sait pas très bien ce qui s'est passé avant (cet homme a vraiment désiré rencontrer le Seigneur, la grâce qui le travaillait depuis longtemps lui a donné l'envie de le voir), il ne comprend pas non plus la portée de l'événement. Quand après coup il relit ce qu'il a écrit, il voit tout d'un coup que le cadre dans lequel se situe l'événement est bien plus vaste et, grâce à cet épisode, il voit aussi les milliers de personnes qui se convertissent quand le Seigneur passe chez eux. Cette histoire particulière qui, dans son cadre, ne semblait pas avoir une importance particulière est située par l'inspiration dans une nouvelle lumière, elle est devenue porte et chemin et ouverture. Zachée prend place parmi la multitude de ceux qui sont sauvés ; grâce à lui, ils deviennent tous visibles. On voit de plus ce que fait le Seigneur et la contribution de Zachée, on pénètre le jeu de la grâce et du mérite. C'est cela que l'inspiration a opéré : ce qui se trouvait dans le cadre personnel de Luc se trouve maintenant dans le cadre de l’Église. L'événement unique vécu par ceux qui étaient présents alors devient, quand l'évangile est mis par écrit, quelque chose d'exemplaire, toujours valable pour une multitude de pécheurs qui s'orientent vers le Seigneur et le rencontrent (NB 6,456).

 

337. Une préférence pour le concret

Luc connaît la plus grande objectivité. Ce qu'il voulait décrire objectivement et précisément lui semble être devenu par l'inspiration encore plus réel et plus concret. Comme si l'Esprit s'était justement inséré dans sa préférence pour le concret et lui avait donné une dimension divine. Ce qui était auparavant sa préférence semble maintenant indépendant de lui et la caractéristique du royaume du Christ ici-bas : il est absolument concret et différenciable (NB 6,457).

 

338. Par rapport à Matthieu, Luc est plus sensible, plus différencié, on voudrait presque dire plus nerveux ; mais chez lui aussi règne une simplicité d’esprit surprenante (NB 8,806).

 

339. Les Actes des apôtres sont pauliniens pour l'essentiel, mais de telle sorte que (comme Jean) ils reprennent des éléments d'une inspiration qui a été donnée auparavant (NB 6,461).

 

5. Jean et son évangile

 

340. Dans l’évangile, le Seigneur est expérimenté à travers l’amour de Jean (NB 9,1340).

 

341. Saint Jean fait certainement partie des préservés et, dans son évangile, il a une vision particulièrement claire de la nature du péché (NB 4,171).

 

342. Une "dictée"

L’évangile de Jean est beaucoup moins une “dictée” que les autres, beaucoup plus le résultat d’une contemplation aimante du Seigneur. On y trouve beaucoup de la nature de Jean. En relisant son évangile, Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel reçoit un caractère ecclésial, il est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon (NB 6,457).

 

343. Submergé par l'amour

Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur en quelque sorte. Il reçoit dans l'amour direct ce que le Seigneur lui communique aussi sans paroles. Quand l'amoureux appuie sa tête sur la poitrine de l'être qu'il aime, il ne sent pas seulement un amour qu'il a déjà connu, une profusion de sentiments et d'idées nouveaux le submerge, et peut-être devine-t-il et sent-il les sentiments les plus intimes de l'être aimé. Pendant que Jean pose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la pensée de la grandeur du Père ; quelque chose en déborde sur Jean, il en est inspiré. Il voit quelque chose qui doit absolument être juste parce que c'est justement l'amour du Seigneur qui le lui donne maintenant. Cela ne change rien à l'affaire qu'il mette son évangile par écrit beaucoup plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité et il pense toujours à la grandeur du Père, cinquante ans plus tard encore. Chez Jean justement, la plénitude de l'instant de l'inspiration est si grand qu'elle déborde sur tous les temps et qu'il peut toujours remonter à son origine : il "a vu et entendu et touché le Verbe de vie". Ce qui finalement est mis par écrit est une petite partie de ce qui lui a été inspiré. "Tous les livres du monde ne le contiendraient pas". Sur la poitrine du Seigneur, Jean se consacre à l'amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n'accapare pas, il ne cherche pas à saisir l'inspiration. Il prend ce qui lui est donné, il se laisse submerger par l'amour, et l'amour peut prendre la forme de l'inspiration. Jean a ici quelque chose de féminin : c'est du Seigneur qu'il attend d'être totalement comblé sans jamais revendiquer quelque chose. C'est sur la poitrine du Seigneur que Jean reprend les pensées du Seigneur (NB 6,459-460).

 

6. Jean et l'Apocalypse

344. De nouvelles révélations ?

Au cénacle, les apôtres sont institués comme prêtres, mais ils se sentent si bien institués qu'ils ne supportent plus que leur arrivent de nouvelles révélations. Pour cela, il faut l'amour de Jean (NB 11,389).

 

345. Les visions du disciple bien-aimé

Pendant la vie terrestre du Seigneur, les apôtres ne peuvent voir rien d'autre que lui. Les visions apocalyptiques sont impensables ; l'ancienne Alliance (Moïse et Élie) ne peut apparaître que dans sa relation au Seigneur. Après l'Ascension, les visions du disciple bien-aimé reçoivent une plénitude qui présuppose l'incarnation de Dieu. Leur plénitude se développe à partir du Fils incarné qui, durant sa vie terrestre, portait en lui cette plénitude, et il l'offre à l’Église après la résurrection et après la Pentecôte (NB 5,57).

 

346. Les routes des apôtres dans l'Apocalypse

La Jérusalem céleste, avec toutes ses portes, se trouve à l'intérieur du ciel. Tous les champs extérieurs, tout près de la muraille, sont en relation directe avec le ciel. Et tous les champs intérieurs sont en contact avec le ciel par les champs attenants. Ici, les douze apôtres entrent et sortent. De Thomas par exemple, nous savons peu de choses qui éclairent ; une sorte de nuit l'accompagne constamment. Mais ici il s'agit moins des apôtres eux-mêmes que des champs. Pierre et Jean regardent par les portes et dans toute la ville ! On peut facilement imaginer une nuit johannique et une nuit pétrinienne : Jean aime le Seigneur et il ne peut pas comprendre que le Seigneur est châtié sur la croix à sa place ; Pierre devrait s'attendre à être châtié, et c'est le Seigneur qui est châtié, c'est autre chose que ce qu'il attendait et cela crée une obscurité. Au lieu qu'il soit comblé, il ne comprend pas ce qui lui arrive. Mais ce n'est pas un état permanent, c'est un passage. Et finalement la nuit est toujours un passage. Les routes des apôtres conduisent toujours à la lumière, elles sont des échappées sur la ville ; les missions, symbolisées par les champs, sont contiguës, leur défaut de vision est relatif, elles ont besoin des autres champs pour être dans la lumière (NB 6,570-571).

 

347. Être dans l'Esprit

Au début de l'Apocalypse, Jean décrit ce que c'est être dans l'Esprit (Ap 1,10) : quelque chose qui se trouve encore de notre côté dans l'action et la contemplation – celles-ci ne se sépareront que plus tard -, un état qui est totalement dans le Seigneur (NB 11,383).

 

348. Tout s'est terminé au ciel

D'une vision d'Adrienne. Jean dit : pendant qu’il avait les visions de l’Apocalypse, c’était devenu très dur pour lui de continuer à vivre parmi les hommes, de croire encore à une mission. Il lui semblait souvent que l’Apocalypse signifiait d’une certaine manière que sa mission était rayée. Les images d’épouvante avaient été en lui si puissantes qu’il avait pensé que lui-même était rejeté. Quand il était encore avec le Seigneur, il ne l’avait pas aimé et maintenant il expérimentait pour cela sa punition éternelle. Il n’avait jamais pensé que tout pouvait se terminer dans la béatitude du ciel. Pendant qu’il voyait les images d’épouvante, il s’était senti inclus en elle et, dans les pauses de détente, il avait prévu qu’il serait livré pour toujours d’autant plus sûrement. Cela l’avait aussi fort chagriné de savoir que personne d’autre à côté de lui ne devait passer à travers ce “trou”. Mais quand quelqu’un disait une parole qui s’adaptait par hasard à l’atmosphère du “trou”, il soupçonnait que celui-là était dépositaire du secret. Il avait une sorte de manie des relations. Celui qui croit et sait qu’il y a une communion des croyants est convaincu, dans la souffrance, qu’il y a aussi une communion de ceux qui souffrent. Et quand sa propre souffrance consiste à ne plus pouvoir croire, on craint de fonder cette communauté des non-croyants ! Pour Jean, tout s’est terminé au ciel et finalement il y fut établi plus solidement qu’auparavant (NB 9,1554).

 

349. Un tourment intérieur

D'une vision d'Adrienne : comment Jean a écrit l'Apocalypse. Pendant la vision, Jean a pris lui-même des notes partielles. Par exemple, quand on lui disait : "Écris". Par la suite, il a noté d’autres choses, le déroulement de l’ensemble fut très irrégulier. Il y avait des choses qui se déroulaient lentement. La période de vision dura aussi longtemps que le temps de la mise par écrit ou plus longtemps encore. Pour les lettres de l’Apocalypse également quelques passages furent écrits tout de suite sous l’influence de l’Esprit ; pour d’autres, Jean dut les méditer pendant un long temps. Il y a des actes de l’Esprit qui, pendant qu’ils se produisent, emportent si fort la personne qu’elle est incapable de faire autre chose, elle ne peut que les vivre ; ce n’est qu’après qu’ils deviennent en elle parole, message. Un inspiré peut expérimenter un tourment intérieur : ne pas savoir ce qu’il doit dire. Ce n’est que lentement que la mission se cristallise. Sur le modèle de l’incarnation du Christ, l’Esprit peut inquiéter longtemps quelqu’un avant qu’il comprenne et fasse ce que veut l’Esprit (NB 9,1554).

 

350. La mémoire de Dieu

Il y a des choses du vivant du Seigneur que personne d’autre ne pouvait connaître que Dieu et ceux à qui il a donné part à sa mémoire. Jean aussi autrefois ignorait humainement beaucoup de choses qui lui furent montrées et données dans la vision de la mémoire de Dieu. Et maintenant il est en mesure de les transmettre (NB 9,1492).

 

351. En voir toujours plus

Celui qui est en extase est un interprète à la manière dont les prophètes dans la Bible étaient des interprètes, ou à la manière du disciple à Patmos qui ne cesse d'en voir toujours plus qu'il ne peut dire, mais qui s'exprime cependant de telle manière que se fait jour quelque chose de sensé pour celui qui l'entend, même si celui-ci, au-delà des tableaux et des mots, au-delà du sens présenté par les anges, doit se douter qu'il y a davantage qu’il ne peut en saisir pour le moment (NB 5,247).

 

352. Des images de l'ancienne Alliance

L'Esprit Saint montre à l'apôtre Jean des images qui étaient en partie identiques ou semblables à celles qu'avaient vues les prophètes qui l’avaient précédé dans l'ancienne Alliance. Dieu peut certes combiner quelque chose de nouveau et il n'utilisera guère deux fois la même image dans les mêmes buts. Mais, pour renforcer la certitude d'un voyant, il peut très bien tout à coup faire renaître tout à fait en relief, dans un but déterminé par lui, une image dont le voyant s'imaginait qu'elle avait disparu depuis longtemps et ne vivait plus que dans sa mémoire (NB 5,177).

 

353. Plusieurs choses montrées en même temps

Parfois, dans les visions, plusieurs choses sont montrées en même temps : un contenu peut être montré de manière centrale, d'autres choses comme accessoirement, en guise d'encadrement. On regarde d'abord ce qui est central ; plus tard on pourra regarder ce qui est à la périphérie sans qu'il soit nécessaire que cela soit montré à nouveau ; on sait seulement qu'il y a encore là quelque chose qui reste en suspens et qui en fait aussi partie. Peut-être qu'au centre il y avait le Seigneur, Marie à côté de lui, plus loin sur le côté Jean, peut-être Madeleine ou d'autres saints ou d'autres choses qui font partie aussi du domaine de l’Église. Mais une autre fois, Jean peut se trouver au premier plan et, à côté de lui, se trouve la Mère et, plus loin, le Seigneur, parce que maintenant c'est justement un mystère de Jean qui est donné à contempler. Demain peut-être à nouveau un mystère de la Mère, et plus tard seulement un mystère du Seigneur (NB 5,234-235).

 

354. Une suite rapide

Ézéchiel a reçu la grande vision des êtres vivants auprès du trône de Dieu. Il les décrit ensuite dans une inspiration qui arrive après coup. A l'origine, il a vu différents aspects qui ne se sont assemblés que peu à peu pour donner un tableau d'ensemble. Il lui a fallu du temps pour recueillir en lui le tout. Jean voit et saisit l'Apocalypse dans une suite rapide. Ézéchiel regarde, et la compréhension de ce qu'il a vu lui arrive très lentement. Il regarde des tableaux prophétiques, il est initié à des choses qui ne sont pas encore réalisées. Il ne peut pas voir leur ampleur, tout reste en suspens. Entre lui et l'Apocalypse, il y a la vision du Thabor et la vision du Seigneur ressuscité (NB 5,57).

 

355. Des tableaux semblables

Ce n'est pas par hasard qu'il fut donné à Isaïe, à Ézéchiel, à Daniel et à Jean de voir des tableaux semblables ; le Seigneur a ouvert aux prophètes avant l'heure les trésors de sa vision, et plus tard à Jean, si bien que celui-ci, en ayant part à la vision du Seigneur, pouvait en même temps conclure les visions de l'ancienne Alliance. Mais ce n'est jamais la vision tout entière du Fils qui est ouverte, ce sont tout au plus des aspects qui peuvent s'en dévoiler à certains croyants pour soutenir la foi de l’Église selon que Dieu le juge bon (NB 5,69).

 

356. Surmenage

Même là où Jean en reçoit "trop" à voir, il ne dit pas : "Il y en a assez, je n'en peux plus", et il se détournerait. Ce n'est qu'après, à la fatigue qu'il ressent, qu'il reconnaît le surmenage, dans cette deuxième réceptivité qui suit la vision et dans laquelle les choses devraient être comprises, adorées, dans laquelle doit être renouvelée la promesse de suivre le Seigneur qui a été vu. Jean était le disciple bien-aimé, l'amour réciproque entre le Seigneur et lui a marqué sa vie. Mais dans l'Apocalypse, après l'achèvement de la vie terrestre du Seigneur, il a reçu une deuxième tâche et il ne lui est pas permis de rester enthousiasmé par ce qu'il a vécu autrefois plus que ne le requiert sa mission présente. Jean fut happé par les tableaux de l'Apocalypse. Pendant l'Apocalypse, Jean n'a pas le droit de se reporter désespérément aux tableaux de l'évangile ; il doit voir et trouver la présence du Seigneur dans les nouveaux tableaux en faisant abstraction de tout ce qui ne fait pas partie de sa tâche présente. Bien qu'autrefois il ait vu et entendu Jésus, il doit apprendre maintenant à le voir et à l'entendre à nouveau, ni mieux ni moins bien, mais simplement autrement (NB 10,2233).

 

357. Tableau de prière

Dans l'Apocalypse, Jean décrit des choses qui lui sont données à voir, et exactement telles qu'il les voit. Il lui en est montré plus qu'il n'en peut porter, comprendre et utiliser. Il sait aussi que chaque tableau est un tableau de prière qu'on pourrait analyser en détail pour former avec toutes ses parties une grande prière. L'Apocalypse rend le voyant capable d'une sorte de prière nouvelle et plus profonde. Ce qu'il y gagne, c'est d'être rempli de l'amour d'où jaillit la prière. C'est l'amour que connaissent tous ceux qui bâtissent uniquement sur le Seigneur : une plénitude d'amour qui n'est pas de ce monde et qui pourtant se répand dans le monde (NB 10,2233).

 

358. Jean, dans l'Apocalypse, en apprend davantage que ce qu'il peut exprimer (NB 2,212).

 

359. Pour l'Apocalypse, il est essentiel que Jean ait les mots justes pour la dire (NB 1/2,92).

 

360. Par l'Apocalypse, Jean comprend qu'il doit apporter aussi sur terre la Trinité telle qu'elle est au ciel (NB 2,116).

 

361. Un ravissement

Chez Jean, l'enseignement n'est pas aussi prononcé que l'amour. La contemplation occupe chez lui beaucoup plus de place que chez Paul, arce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui lui aussi aime. On le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour pour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui, à la dernière Cène, repose sur la poitrine du Seigneur ; cela aussi reste une brève mention : cela ne fait que signaler quelque chose qui est d'habitude passé sous silence. Et cependant pour ceux qui voudront suivre le Christ, ce sera peut-être, dans l'évangile de Jean, quelque chose d'important. Paul par contre est constamment obligé de renvoyer à lui-même : recenser ses actions, détailler ses journées, son labeur d'enseignant, tout cela fait presque partie de son enseignement lui-même. Ce n'est que dans l'Apocalypse que Jean est mis en lumière. Mais ici c'est Dieu qui parle et les mystères sont ceux de Dieu, manifestés à quelqu'un qui est emporté dans un ravissement avec un amour qui est ici inimitable, un amour qui comprend, note et transmet dans une obéissance transparente. Et même cette lucidité objective laisse rayonner totalement l'amour. Malgré ses horreurs et ses obscurités, l'Apocalypse est le livre de l'amour, qui est au-dessus du livre de l'enseignement (NB 5,33).

 

362. Pour son Apocalypse, Jean se trouve dans le ciel avec la mission d'entendre, de voir, d'écrire (NB 5,32).

 

363. Les visions de l'Apocalypse

Quand saint Jean suit les visions de l’Apocalypse, il voit des choses non seulement du ciel ou des châtiments du jugement, mais aussi des choses qui appartiennent à la nuit, au samedi saint (NB 4,113-114).

 

364. Dans la vision, Jean n'est plus qu'un chargé de mission, un intermédiaire (NB 4,382).

 

365. Les nombreux chemins de la vision apocalyptique

Quand, dans l'Apocalypse, Jean voit les chemins des apôtres, comment ils sont ébauchés par les portes de la ville, quand il peut mesurer la ville et fixer les carrefours, il sait que tout cela lui est montré pour que justement là où il entre par amour dans le ministère, il peut présenter ici-bas du neuf qui donnera à l’Église primitive et à toute l’Église à venir l'assurance de rester dans la grâce, d'avoir à sa disposition des saints qui ne cesseront d'attirer son attention sur le chemin du Seigneur mais aussi sur les nombreux chemins de la vision apocalyptique pour que non seulement ils ne soient pas oubliés, mais qu'ils ne cessent d'être empruntés (NB 2,206).

 

366. L'incommensurable

Jean voit le ciel comme quelque chose de tout autre qui ne comble pas d'abord ce qui est terrestre et le transfigure, mais qui juge et condamne le terrestre et le rapporte à autre chose. Ce qu'il a connu en tant qu'être terrestre, également par les paroles du Seigneur dans la foi, il doit maintenant apprendre à les voir dans l'Esprit. Et à côté de cela, il y a des choses qu'il n'a pas connues non plus dans la foi, qui ne sont pas du tout contraires aux paroles du Seigneur, mais qui révèlent de nouveaux mystères qui se trouvaient, sans qu'il s'en doutât, derrière les paroles du Seigneur. Tout ce qu'il voit, entend, sent, touche, connaît, est traversé par des vérités qui lui étaient inconnues et dont il n'avait pas de raison de croire qu'elles existaient. Tout est devenu incommensurable, inattendu, de portée infiniment plus grande, et puis soudain comme rétréci, fixé, mesurable avec une coudée qu'utilise l'ange pour mesurer la Jérusalem céleste. Ses portes peuvent être comptées sur les doigts, et les rues qui entrent par une porte et sortent par l'autre sont plus droites que n'importe quelle rue de village ici-bas. Les concepts et les mots qu'offre le monde aux enfants de Dieu sont beaucoup trop étriqués et trop insuffisants pour rendre et décrire la gloire du ciel. C'est ici que commence l'essai de faire quelque chose avec les nombres. Avec les nombres qui sont scellés dans les fondations de l’œuvre de la création de Dieu. Dieu a créé un monde dans lequel il a séparé le ciel et la terre, le jour et la nuit, il a créé les animaux par paires, il a créé le premier être humain et le deuxième, et il leur a donné la mission de se multiplier et de peupler la terre. Cette mission a fait passer du singulier au multiple, elle a fait sortir une multitude qui semblait aller vers l'infini. Mais l'être humain a besoin de s'y retrouver dans l'infini, de mettre des normes, des bornes, des mesures, qui permettent à nouveau de compter. Dans la vision apocalyptique, Dieu se sert de ce besoin de mesurer pour offrir des accès à ce qui est véritablement infini dans l'éternité (NB 2,202-203).

 

367. Des mystères célestes

Il est accordé à Jean une nouvelle vision. Il la reçoit en tant qu'ami du Seigneur, il est désormais le voyant à qui le Seigneur veut confier des mystères célestes. Et ceci d'une double manière. D'abord en référence aux prophéties de l'ancienne Alliance, si bien que le Seigneur assigne à Jean une place qui était déjà vétérotestamentaire ; par la nouvelle vision, l'ancienne Alliance s'insère dans la nouvelle comme sans couture. Mais par là s'ouvre en même temps pour Jean la possibilité d'apprendre davantage et de plus grandes choses sur les véritables dimensions de la nouvelle Alliance, de mettre au jour les racines célestes de l’Église terrestre, et même de regarder le ciel en tant que tel comme le Christ veut le montrer à l’Église actuelle. (NB 2,201).

 

368. Un précurseur de Jean

D'une vision d'Adrienne. Je vois les prophètes dans leur obéissance. (Question du Père Balthasar : Comment est l'obéissance d'Isaïe?) Elle ressemble à celle de Jérémie et d’Ézéchiel. Ils n'aiment pas s'humilier parce que, conformément à l'ancienne alliance, ils ont une certaine opinion d'eux-mêmes, également de leur obéissance et de leur foi. Chez Daniel, c'est un peu différent. Il a une certaine volonté d'être humilié. Plus il se croit petit, plus Dieu est grand. Et il aime que Dieu le fasse petit. D'une étrange manière afin aussi que son obéissance ne soit rien d'important aux yeux de Dieu. Il est en cela un précurseur de Jean qui ne veut pas non plus que son obéissance ait de l'importance devant Dieu (NB 1/2,113).

 

369. Une image anticipée de Jean

Daniel est dans la loi ; Jean est dans l’amour. Dans l’amour de Jean est contenue la loi de Daniel. Mais la loi de Daniel est comme un filet aux mailles étroites, serrées, austères ; l’amour de Jean, c’est le même filet, mais élastique, susceptible de toute extension. Le Seigneur qui se trouve entre les deux ne s’est donné à connaître à Daniel que comme la parole de Dieu le Père, comme l’Esprit des visions prophétiques. Jean par contre connaît l’amour du Fils devenu homme, son amitié. Toutes les visions de Jean sont nées de sa vision du Seigneur. (Question du Père Balthasar : Mais ils voient souvent des choses tout à fait semblables ?). Oui, c’est vrai parce que Jean est construit sur Daniel. Daniel voit ce que peut voir un prophète de l’Ancien Testament. Dans ses visions, il voit des choses qui s’accordent avec son époque ; les animaux qu’il voit et les nombres qu’il voit sont des animaux et des nombres de son monde. Les animaux sont certes plus extraordinaires que les animaux qu’il connaît d’expérience, mais il peut se les représenter humainement. Jean ne peut plus guère se les représenter, ils n’ont de réalité qu’à l’intérieur de sa vision tandis que Daniel, même après l’état de vision, peut se représenter à nouveau les animaux – vivants, plastiques. (Question du Père Balthasar : Et les nombres ?). Ce sont des nombres du monde de Daniel. Ils lui procurent pour ainsi dire le passage du monde ordinaire au monde de la vision. Le quotidien devient dimanche, le travail devient loisir, le mérite devient grâce, le calcul devient foi. Les nombres naturels deviennent des nombres divins. Chez Jean, les animaux, les nombres, tous les contenus viennent immédiatement d’en haut. Le Christ reprend toute la substance de l’Ancien Testament et en fait le Nouveau Testament. Les visions de l’Apocalypse, qui répondent aux visions de Daniel, sont une manière de sceller cette transmission, comme également tout saint Jean répond à Daniel et le Nouveau Testament à l’Ancien, comme la foi néotestamentaire répond à la foi vétérotestamentaire, comme l’amour du Fils dans le Nouveau Testament répond à l’amour du Père dans l’Ancien. Entre le Père et le Fils, entre Daniel et Jean, entre leurs visions se trouve l’Esprit qui est inévitablement le même Esprit, qui circule de gauche à droite, qui se répand de haut en bas. (Question du Père Balthasar : Comment l’homme Daniel est-il une image anticipée de Jean ?). Dans son obéissance à Dieu, dans la fermeté de cette obéissance et dans le fait que sa vue n’est pas influençable (NB 1/2,30-31).

 

*

VI

 

Paul

 

Plan : 1. Damas - 2. La mission de Paul - 3. Les relations de Paul - 4. Les charismes de Paul - 5. Pour un portrait de Paul

 

1. Damas

 

370. La grâce du Fils peut saisir quelqu'un d'une manière inattendue, comme Paul à Damas (NB 6,428).

 

371. Ce que Paul a vécu dramatiquement à Damas se produit aussi sans bruit dans mainte vie chrétienne. Dieu enlève les résistances et met à la place grâce et mission (NB 9,1579).

 

372. Sur le chemin de Damas

Paul est sur le chemin de Damas, sur un chemin qui l'éloigne de Dieu ; Paul fuit. Puis la voix : Paul se convertit, il ne vit plus de la vie qu'il avait auparavant, il est maintenant devenu si fort qu'il peut mettre un terme à sa fuite et se tourner vers Dieu plus rapidement qu'il ne fuyait. On fait en Paul l'expérience d'un miracle d'incarnation (NB 12,254).

 

373. Une manière abrupte

Il y a des missions qui sont imposées d'une manière abrupte, comme c'est arrivé pour saint Paul à Damas ; je dois être ainsi et pas autrement ! Mais il y a aussi des missions qui se dévoilent lentement (NB 2,69).

 

374. Paul arrive à la Trinité par l'appel du Christ à Damas (NB 2,50).

 

375. Paul tombe par terre

Le Paul surnaturel prend naissance là où le Saul naturel s'abandonne dans la foi. Saul tombe par terre pour que l'esprit de Paul aussi reconnaisse cette chute comme son point de départ, pour que la surnature devienne libre dans le choc de la conversion de la nature et pour qu'il reconnaisse dans la nature le cadeau que Dieu lui fait pour la nourrir. Car les actes surnaturels s'enracinent dans les actes naturels de l'esprit. Paul pourrait dire : "Quand Dieu m'a rencontré, je suis tombé à genoux et je me suis fait mal. Je fus saisi si puissamment par Dieu de manière surnaturelle que mon moi naturel s'est évanoui, le Saul tout entier a sombré dans la chute, le coup qu'a ressenti le Saul naturel est devenu dans mon esprit l'image de son bouleversement". Si tout ne s'était déroulé que dans son âme, sa conversion aurait été pour lui beaucoup moins impressionnante. Très souvent on a le sentiment que le corps est là pour donner une forme durable aux bouleversements de l'âme. L'impulsion que reçoit l'âme se grave en elle par les souffrances du corps. Et ce qui vaut pour le corps vaut équivalemment pour le domaine naturel tout entier : c'est comme si Dieu avait créé la nature de l'homme pour avoir un témoin naturel de sa surnature, un destinataire des coups de sa grâce (NB 6,34-35).

 

374. Paul entend la voix

Dieu est libre de se communiquer de manière mystique à un humain avant qu'il ait reçu le baptême. C'est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, et il n'est baptisé qu'après ; dans les Actes des apôtres, d'autres reçoivent l'Esprit Saint comme le signe qu'ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême. Normalement personne ne peut rester mystique à la longue sans désirer le baptême, sans savoir qu'il doit le recevoir. Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s'effectue dans le baptême (NB 5,139).

 

375. Un événement mystique

Pour Paul, il y a en premier lieu sa vie avant sa conversion, que plus tard il se reprochera lui-même tellement car, dans l'ignorance de la vérité et dans son zèle pour l'ancienne Alliance, il a persécuté les chrétiens. Il y a "l'homme naturel" avec un enseignement qui lui a été transmis, même si c'est un enseignement dépassé, un enseignement auquel il est attaché et qu'il défend longtemps : sa propre raison ne voit pas de motifs raisonnables pour admettre la vérité du Christ. Puis en second lieu arrive sa conversion ; c'est un événement mystique, mais qui a aussi des côtés naturels : il tombe par terre, il devient aveugle, etc. La voix et la lumière semblent aussi être en quelque sorte des choses naturelles puisqu'elles touchent quelqu'un qui ne croit pas au Christ. Quand il pose la question : "Que veux-tu que je fasse?", ce qui a existé jusqu'alors est dépassé, Paul se tient ouvert, non en premier lieu à l'expérience mystique, mais à la vérité de l'enseignement : "Je suis celui celui que tu combats". La lutte entre le Christ et Paul se termine, le Christ a vaincu en se faisant reconnaître avec sa force et Paul s'incline. Dès que Paul a reconnu le Christ, tout de suite commence sa mission. Dans cette expérience mystique qu'il vient de connaître, il reçoit la doctrine, de manière globale. Quelques rares expériences mystiques suivront encore. Mais déjà l'enseignement donné par Ananie n'est pas mystique. Tout ce dont Paul fait l'expérience de manière mystique doit aussitôt chercher le contact avec ce que la révélation chrétienne ordinaire va opérer ou montrer par lui. Le "troisième ciel" lui montre certes des choses qui lui sont tout à fait réservées si bien qu'il ne lui est pas permis d'en parler, mais elles sont, dans le ciel, des confirmations de sa mission. Le mystère qu'il doit annoncer s'en trouve fondé plus profondément. Quelque chose du mystère entre Jésus et Paul passera plus tard dans l’Église quand bien des choses qui sont connues et définies dans des assemblées, des commissions et des spécialistes expérimentés, ne seront pas accessibles à tout le monde de la même manière. De plus, le service de Paul ne peut jamais devenir impersonnel. Il ne doit pas connaître le Christ seulement comme l'essence d'un "enseignement", c'est pourquoi Dieu ne cesse d'y jeter des éclairs personnellement. Parfois Paul reçoit pour ainsi dire un "appel téléphonique" du ciel qui lui donne des indications supplémentaires. Paul est "un mystique" dans l’Église ; sa relation mystique au Seigneur se répétera plus tard dans l’Église pour d'autres chrétiens (NB 5,33-34).

 

378. Vision et foi

Pour Paul, la vision de Damas est décisive pour sa foi. Vision et foi coïncident, si bien qu'on ne peut pas contester que la vision soit à l'origine de sa foi. Mais c'est un cas extrêmement rare. La plupart du temps, la vision ne sert pas à engendrer la foi de celui qui voit ou à l'augmenter, mais à enrichir le trésor de la foi de l’Église. Cette utilisation provient essentiellement du Seigneur. C'est lui qui en décide (NB 6,190).

 

        379. Soudaineté

La soudaineté de la conversion de Paul, qui jusqu'alors était un ennemi du Christ et qui dès ce moment fera preuve pour lui d'un zèle incomparable, cette soudaineté et cette violence de la conversion demeurent objectivement exemplaires. Mais si cette grâce n’était pas arrivée à Paul justement, la mission aurait été exercée autrement (NB 1/2,96).

 

380. Naître de Dieu

Paul est né de Dieu. Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur, sans exhibition. Ce qui attire leur attention, c’est uniquement ce que le Seigneur fait, non ce qu'ils font eux-mêmes. Paul doit faire l'expérience de naître de Dieu d'une manière plus violente afin que la foi ecclésiale ne s'embourgeoise pas. Paul doit être un ardent afin que ce qui semblait naturel pour les premiers disciples ne dégénère pas en tiédeur, mais garde à tout instant le caractère de la décision (NB 10,2042).

 

381. Ce qui était faux tombe

Le processus de purification au purgatoire est destiné à ce que tout ce qui était faux tombe de quelqu'un, comme le Saul de Paul, il n'y a pas de "développement". Je reste en quelque sorte livré à moi-même ou au pouvoir du processus sur lequel je ne peux pas agir. Ce que le processus opère en moi me semble pour l'instant dénué de sens parce qu'aucun résultat ne se fait sentir (NB 6,346).

 

2. La mission de Paul

 

382. Mission et prière

Dans la prière, Paul est bon, simple, donné, jamais totalement perdu cependant. Même quand il se sent le plus proche de Dieu, il ne se perd jamais, ni lui, ni sa tâche. Presque comme s'il avait tout donné à Dieu sauf la conscience de sa mission, la conscience du travail qui l'attend, la conscience de tout ce qu'il a encore à accomplir. Cela ne le quitte jamais. Même dans la pure contemplation il veut comme toujours sentir le manteau de la mission autour de ses épaules. C'est ainsi que, de tout ce que Dieu lui montre dans la méditation, il cherche toujours à retirer un fruit pratique. Cela lui paraîtrait comme insensé de vouloir rendre à Dieu sa mission pour se laisser totalement conduire par lui avec le risque de ne plus la récupérer. Il est tellement convaincu que sa mission fait sa vie et que Dieu ne le sépare jamais d'elle qu'il serait ridicule pour lui de mettre en question cette mission en la mettant de nouveau à la disposition de Dieu par exemple. Ceci a pour effet que, dans toute son attitude intérieure, il garde une certaine raideur vis-à-vis de sa mission. Il ne doit pas seulement se tendre intérieurement vers la mission, mais presque aussi extérieurement. Quiconque le rencontre, quel qu'il soit, a l'attention attirée sur sa mission. Paul insiste sur le fait que tout doit être dirigé sur sa mission. Même quand il glorifie le Père et le Fils, quand il annonce la pure doctrine chrétienne, il fait remarquer cependant en même temps son propre service, sa place dans le cadre de la vérité qu'il proclame. Si le mot n'était pas trop fort, je dirais : de même que le Christ est Dieu incarné, Paul est la mission incarnée. Tout le céleste, tout le mystérieux, tout l'éminent qui peut se rattacher à une mission chrétienne s'exprime dans cette mission. C'est pourquoi il lui serait très pénible de se trouver dans l'attitude de confession devant un intermédiaire entre Dieu et lui. Face à Dieu il est toujours prêt à reconnaître et à confesser ses fautes. Mais il lui serait difficile de le faire en face d'un homme, parce que l'importance de sa mission ne lui permet pas d'avoir des fautes, d'être pécheur, de condamner aujourd'hui ce qu'il a fait hier, parce que hier déjà il était chrétien et envoyé. Il s'étend très peu aussi sur ce qu'il a fait de mal hier, sur ce qu'il a fait autrefois, parce que cela se trouve derrière lui et qu'à présent c'est le temps de la grâce et de la mission. Il mentionne tout au plus son passé pour expliquer sa mission actuelle. Ce qui doit être visible en lui, c'est la grâce, et non une certaine distance, une certaine désaffection vis-à-vis de Dieu. Face à Dieu il a sans doute conscience du péché ou du moins conscience d'omissions ; en face des hommes, il croit ne pas pouvoir se le permettre (NB 1/1,347-349).

 

383. Repris par Dieu

Paul ressemble à un élève qui fait ses devoirs et qui s'acquiert par là un droit à être corrigé par son maître. Il pense, mais il remet sa pensée sous la pensée infinie et englobante de Dieu ; sa pensée est reprise dans la pensée de Dieu. Dieu ne lui conteste pas ce droit, parce que cela fait partie de la mission de Paul. Si Paul se met si fort en avant et n'oublie jamais qui il est, c'est aussi parce qu'il a la mission d'être quelqu'un et de le représenter. Pour son inspiration, c'est lui qui est repris par Dieu (NB 6,460).

 

384. Tout d'un coup

Même si la mission était déjà là auparavant, il y a toujours le moment où la personne est placée devant un choix, même s’il n’est pas tenu compte de la possibilité qu’elle a de la refuser. Pour Marie-Madeleine, sa mission était prête pour ainsi dire dès sa naissance, mais elle n'en soupçonnait rien. Pour Paul, tout d'un coup la mission est là, immédiate et entière. Pour d'autres, une mission est là qui, humainement parlant, se développe peut être avec la personne et quand la personne a acquis une certaine expérience, la mission semble subir une extension horizontale subite, par exemple Jean (NB 1/2,225).

 

385. Le plaisir d'avoir été élu

Paul est tellement convaincu de sa propre mission que dès Damas il se sent aussi spirituellement à la hauteur qu’il l’était physiquement dans sa jeunesse. Le plaisir d’avoir été élu l’accompagnait souvent. Il se donne lui-même en exemple pour la communauté. Mais par moments, Dieu a supprimé cela et il l’a abandonné du moins au point de vue sensible (NB 8,1050).

 

386. Le travail de Paul

Une vision d'Adrienne : Pierre et Paul travaillent sous des arbres. Ils portent des lattes. Paul travaille comme quelqu’un qui a une exacte vue d’ensemble de la construction et qui cependant partout où on a besoin de quelqu’un se présente, même pour les plus petits services. Il travaille aussi comme quelqu’un qui est freiné, c’est-à-dire qui serait capable “de tout autre chose” si on le lui faisait faire, mais qui est habitué depuis longtemps à accomplir ce travail limité (NB 8,437).

 

387. La discrétion

Paul fut le premier à avoir façonné sa mission à partir de la mission du Seigneur. Les apôtres ont répété dans leur prédication ce que le Seigneur leur avait enseigné ou ce qu'ils avaient appris par son exemple. Ils ont vu ses miracles et les ont racontés. Mais la mission consciente, tel que Paul l'a eue, ils ne l'avaient pas. Pour Paul, c'est comme s'il voulait revendiquer pour ainsi dire pour lui chaque grâce. Je ne dis pas cela comme un reproche (j'ai assez de reproches à lui faire par ailleurs) et comme s'il ne transmettait la grâce que comme quelque chose qui lui appartient. Supposons que tu as une poêle remplie de purée dont beaucoup doivent recevoir quelque chose, nous les servirions simplement l'un après l'autre, et nous mangerions ensuite notre part, ce qui reste par exemple. L'ordre importe peu au fond. Nous savons simplement que c'est de la purée que nous sommes chargés de distribuer. Celui qui nous a confié la mission a fait ce qui est convenable et cela nous suffit. Et la purée nourrira tout le monde. Paul par contre prend pour lui la première assiette et la mange. Il fait partie de ces gens qui disent ensuite aux autres : la purée est excellente, voyez comme elle m'a fait du bien, et j'ai la mission de vous la distribuer. Il se voit tellement en mission qu'il accomplit d'abord la mission pour lui-même et ensuite il transmet l'expérience du Seigneur avec sa propre expérience. Paul mange la purée avant les autres comme une mère le fait pour encourager ses enfants. Il engage sa personnalité, tout son être. Paul manque de temps en temps de discrétion. Il a le droit d'aider comme un ami pour éliminer les taches du péché, mais il a une espèce d'affairement, de zèle qui va simplement trop loin. Il est certes permis d'insister, mais il y a une certaine limite, celle de la discrétion justement. De voir les fautes ne donne pas le droit de soigner les autres à sa façon jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien(NB 4,275-276).

 

388. Communiquer ses expériences

Une vision : Paul donnait ses directives, “comme un vétéran de l’autre guerre”. Adrienne me le décrivit exactement. Il ressemblait à un curé qu’elle connaissait et dont elle avait oublié le nom. Il était comme un vieux loup de mer qui communique ses expériences à son garçon qui doit prendre le bateau. Elle décrit surtout son regard vivant (N 8,439).

 

389. Faire des apôtres

Quand Paul ne cesse d’évoquer le souvenir des Éphésiens et de rendre grâce pour eux (Ep 1,16), il s’adresse à des convertis pour en faire des apôtres à sa suite, en leur communiquant une connaissance plus profonde de ce qui est chrétien, en instruisant une foi déjà présente. Son attention a été attirée sur les Éphésiens justement parce que déjà ils croient et ils aiment, et il espère en tirer un fruit pour le royaume du Christ (NB 9,1895).

 

 

3. Les relations de Paul

 

390. Paul et Marie

Paul ignore la Mère du Seigneur : cela provient de sa mâle fierté. Il se montre toujours lui-même en tant qu’homme ; au fond il ne connaît pas la femme. Il n’a jamais vraiment été amoureux, et cela se paie. Il doit avoir existé dans la vie l’un ou l’autre toi qui ramollit la dureté de l’homme, qui jette un pont vers Dieu (NB9,1394).

 

391. Paul et Pierre

Dans l’Église, Pierre représente, vis-à-vis de Paul, ce qui est établi. Il est tête de l’Église, il rassemble l’Église en lui et cela selon les exigences du Seigneur à son endroit. Dans la communauté, il a sa solide position ; il n'usurpe pas la direction, il l'a reçue du Seigneur, il a le ministère, il l'a d'une part comme pape, d'autre part en tant qu'il est cet homme tout à fait déterminé. Paul pénètre dans cette structure établie comme le représentant de ce qui est toujours nouveau. Il y pénètre parce qu'il a été amené à la foi et reçu dans l’Église, mais il apporte avec lui sa propre mission, qui est très importante. Il fait partie de sa mission qu’il a été frappé par la grâce comme par la foudre. Il apporte avec lui toute son intelligence, la force de sa personnalité et, en plus, toute sa mission (fort incommode) qui se réjouit d'être accueillie dans ce qui est établi et de l'enrichir ; mais il doit faire là l'expérience que ce qui est établi possède un certain droit de priorité. Au pur ministère de Pierre se rattache aussi la personnalité de Pierre; d'autre part l'excès de zèle du converti de fraîche date est propre à Paul; ce qui est humain entre les deux prend aussi la coloration du trop humain. Il y a dans l'infini de l’Église humaine des points de friction. Par son entrée dans l’Église, Paul incarne la sainte véhémence, on pourrait dire la mission à l'état brut, parce qu'elle n'a pas encore été polie par l’Église, qu'elle vit de l'absolu, tandis que l’Église ministérielle attribue sa place à ce qui est conditionnel. Mais Pierre et Paul s'associent, ils sont fêtés au ciel dans une fête unique. Ils vont ensemble. Dans la joie d'être ensemble, il y a pour les deux un renoncement. Pierre, en face de Paul, doit renoncer à être pleinement Pierre, et inversement. Le caractère vivant de ce sacrifice se trouve caché d'une certaine manière en toute vie chrétienne, dans le choc entre cette existence à deux et cette existence tout seul que les deux provoquent quand ils se heurtent à l'intérieur de l'unique Église (NB 10,2265).

 

392. Paul et Jean

Naturellement Paul voit que l’Église est sainte et vivante et qu'elle n'est pas de ce monde pécheur. Mais il comprend cela à une certaine distance, non plus comme Jean dans la plus grande proximité. Naturellement ce que Paul voit et comprend est parfaitement juste aussi. Le Christ et Paul, les évangiles et les lettres de saint Paul : tout cela, c'est la révélation. Et cela a certes la valeur d'une révélation directe. Mais c’est en réfléchissant, en recevant aussi les inspirations de l'Esprit Saint, que Paul dut s'expliquer à lui-même bien des choses qui pour la Mère et aussi pour Jean allaient encore de soi (NB 4,392).

 

Il y a chez Jean beaucoup moins de réflexion que chez Paul. Il s'offre tout simplement à l'ami comme ami - surtout après avoir vécu l'Apocalypse - pour l'accompagner où celui-ci le veut, y compris en enfer si cela doit se faire. Le Seigneur est venu pour être crucifié. Et voilà qu'il peut en inviter d’autres à l'accompagner sur cet étroit chemin, jusqu'à la croix. C'est aussi le sentier très étroit de la solitude qu'il offre à quelques-uns, par exemple à Paul et à Jean, mais à chacun de manière très différente. Paul et Jean ne peuvent pas élargir ce chemin, ils ne peuvent pas y marcher de telle sorte qu'il devienne un large chemin. Il reste le chemin de la solitude (NB 4,456).  

 

393. Paul et Jacques, fils d'Alphée

Jacques est totalement paulinien pour le type d'inspiration : c'est un Paul modèle réduit ; il lui est apparenté par la nature, mais il n'a pas l'intelligence de Paul et il ne se connaît pas comme Paul se connaît (NB 6,460-461).

 

394. Paul et Barnabé

Barnabé n'est pas aussi doué que Paul, mais il est très conscient de sa mission. Il n'éprouve pas, comme Paul, le besoin de faire prier pour lui-même, mais il a le besoin très fort de voir sa prière disparaître en Dieu. Ses relations avec Paul sont des relations dures : Barnabé a accueilli Paul pour obéir à Dieu ; par la suite, les rôles ont été en quelque sorte inversés, l'inférieur est devenu le supérieur. Il n'a pas de ressentiment personnel, mais il a toujours une responsabilité qu'il porte devant Dieu et qu'il ne peut se laisser enlever par Paul. Il est convaincu qu'ils ont beaucoup à se donner l'un à l'autre, et même que cet échange est nécessaire, mais aussi que leurs missions ne sont pas interchangeables (NB 1/1,36-37).

 

395. Paul et Tite

Je vois sa prière qui, par Paul, devient une prière sacerdotale. Paul incarne pour lui l’Église et peut-être plus encore que l’Église naissante le réceptacle de l'obéissance. Car Paul est obéissant, et Tite doit être dans l'obéissance. Ainsi il vit dans l'accueil de ce que Paul lui donne; non dans une distance par rapport au Seigneur, mais dans un renouvellement de ce que Paul a à être, en accueillant quelque chose de ce que Paul est, en restituant ce que Paul reflète en lui. Il prie ; sa prière explicite n'est pas particulièrement importante ; plutôt sa prière en attente, qui correspond à une sorte de contemplation. C'est un vide qu'il se crée en lui afin d'être libre pour le message. Ce message, c'est avant tout la parole de saint Paul. C'est une initiation à l'obéissance, surtout à cette forme d'obéissance qui s'appelle l'indifférence. Paul dispose de lui comme d'une chose et lui-même se laisse utiliser. Il doit apprendre à se laisser utiliser au nom de la réponse qu'ont à donner tous les obligés de saint Paul. Tite voit en Paul les qualités du Seigneur, transmises directement, et il comprend ainsi la nature du saint. Il est rempli de vénération pour Paul et rempli de vénération pour le Seigneur sur le chemin que Dieu lui a destiné (NB 1/1,37-38).

 

396. Paul et Timothée

Timothée ne prie pas beaucoup, de même que les premiers chrétiens ne prient pas beaucoup parce que tout est si neuf pour eux. Ils s'efforcent de ne faire qu'un avec la doctrine si bien qu'il en résulte pour chaque conversation une atmosphère de prière. Timothée a la volonté d'accomplir sa tâche apostolique aussi intensément que possible, de se libérer de ses insuffisances, mais cela plus comme action, avec l'aide de toutes ses facultés ; les attitudes d'abandon et d'indifférence ne sont pas aussi accusées que chez Tite. Il voit devant lui Paul qui s'active et qui est efficace, il se voit lui-même comme coopérant et ce qui, en lui, change et s'améliore, il le considère comme un effet direct de Paul. Il prie pour l’Église, pour lui-même, pour Paul, mais sous une forme très besogneuse : il voudrait voir des fruits. Il demande à voir ce qui est entrepris ; il compte. Il a du zèle, il est infatigable, et au fond presque plus donné à Paul qu'à Dieu ; il ne peut pas se représenter ce qu'il serait devenu si Paul ne lui avait pas imposé la forme de vie que lui-même, Paul, avait adoptée et à laquelle Timothée se sent accordé. Il a aussi, au sujet de sa vie et de l’Église et du monde, des opinions qui expriment fortement le provisoire, il croit qu'on devrait beaucoup se hâter parce que les derniers temps sont proches et, même si les concepts d'action et de contemplation ne sont pas encore formés, il voit en tout cas sa destination et son rôle dans l'action. Sa prière s'en ressent. Plus tard encore, quand il sera évêque, il sera actif, mais parfaitement généreux. Il ne compte pas sur ses propres forces même là où il compte les résultats (NB 1/1,38-39).

 

397. Paul et les évangélistes

Dans les débuts du christianisme, les missions avaient un caractère ample et grand. Elles convenaient au format de la réalité du Christ. Jean représentait l'amour, Paul le zèle, Luc peut-être la fidélité. Ils transmettaient tous la vie du Seigneur, ils gardaient ses paroles ; certains, comme les évangélistes, le faisaient sur mission de l'inspiration pour établir ce qui s'était passé historiquement, chacun à sa manière personnelle. Ils montraient par là aux charismes ultérieurs ce que veut dire avoir une mission et combien celle-ci fatigue l'homme et le réclame et le rend responsable. Quand Paul parle du Seigneur - déjà à une certaine distance des évangélistes, étant donné qu'il n'a pas fait l'expérience de la vie terrestre du Seigneur -, il le fait à partir de l'expérience quotidienne qui est la sienne ; il porte en lui la parole. Cela ne lui fait rien de ne pas saisir et de ne pas transmettre la parole en relation avec la chronologie terrestre de la vie de Jésus, il le fait selon les besoins de sa mission (NB 10,2242).

 

398. Paul et l'Eglise

Je vois saint Paul. Il regarde l’Église, et cela d'une double manière. Il la regarde telle qu'elle est en lui, il la regarde donc d'un centre. Et en même temps il la voit dans une autre objectivité, comme si elle se trouvait à côté de lui. Il ne la voit pas dans une vision. Il la voit comme celle qui doit être épousée par le Seigneur, comme celle qui doit vivre de sa volonté et de son enseignement, et cela tout à fait à l'intérieur de sa propre mission paulinienne. Il voit comment tout ce qui est exigé est tracé à l'avance et comment cela doit être imité par ceux qui vivent maintenant et ceux qui viendront plus tard en devenant eux-mêmes l’Église, et en réalisant l'union de l’Église avec le Seigneur dans leur vie. Il la voit à côté de lui, presque comme un médecin voit à côté de lui une femme dans les douleurs de l'enfantement et le travail qui doit être fourni. Il cherche à voir comment l'engagement de chacun peut être inséré dans ce travail d'ensemble. - (Père Balthasar : Que sait-il du mariage lui-même?) Il pressent sans doute le mystère. Il en ressent quelque chose dans son corps, qu'il châtie, comme dans son âme, qui a souvent à vaincre des résistances. Il humilie souvent son âme en lui montrant la distance qui la sépare du Seigneur et combien il fait peu, et il humilie son corps par toutes sortes de châtiments. - (Père Balthasar : Que sont les marques - Ga 6,17 - dont il parle ?) Il n'a pas de cicatrices aux mains et aux pieds, mais il se frappe si fort qu'il en a souvent le corps strié. Dans son âme, il souffre souvent si fort qu'il possède en elle les marques de la passion. (Père Balthasar : Voit-il l’Église comme épouse?) Il la voit surtout comme le corps du Christ et donc pas très directement comme épouse. - (Père Balthasar : Et la Mère du Seigneur ?) Il la pressent plus qu'il ne la voit. Il voit une certaine ressemblance entre elle et l’Église. Il voit l'union Christ - Église comme celle qui existe entre tête et corps, il ne peut pas les caractériser de manière plus précise. Il voit que les deux vont ensemble, depuis toujours, physiquement, comme la tête avec le corps, et que l’Église demeure toujours ouverte pour le Seigneur, pour la semence du Seigneur et de sa parole, comme une épouse (NB 1/2,52-53).

 

        399. Les écrits de Paul et de Pierre      

Adrienne voit Pierre avec un bateau et des filets et - disons : comme par parenthèse - avec des aides, des compagnons. Tout est organisé pour que son bateau mène les hommes à leur destination et que les filets procurent aux voyageurs de quoi manger. Le bateau est pour Pierre et les siens le symbole de leur profession, de leurs revenus, de toute leur vie matérielle. - Paul est avec un bateau qui en tant que tel ne pourvoit pas à sa subsistance, mais qui semble devoir conduire les voyageurs quelque part ; le bateau ne les maintient en vie que pour les protéger de la mer. Les hommes sont là comme des accompagnateurs qui ont la même destination. Le bateau est le moyen pour atteindre le but du voyage et par conséquent il a aussi sa matérialité. Néanmoins tout l'équipement du bateau est là pour aller à sa perte. Il doit être sacrifié. Les voyageurs doivent devenir nus et pauvres et prendre un nouveau départ. - Pierre avec son bateau suit le Seigneur non seulement en apprenant à le connaître lui et son enseignement, mais aussi, humainement parlant, en adaptant sa vie à celle du Seigneur. Paul sur son bateau suit le Seigneur, mais beaucoup plus en esprit ; il fait ce que le jeune homme riche aurait dû faire : tout perdre pour aller à la suite du Christ. Le bateau de Pierre est là avec son équipement pour emmener le plus d'affaires possibles. L'autre bateau est destiné à faire naufrage et, en se sacrifiant, il engrangera un fruit spirituel. Ce n'est que par ce fruit spirituel que le sauvetage des hommes du naufrage reçoit sa valeur qui est plus que matérielle. - En ce qui concerne le bateau de Pierre, Jean y monte et y entre. Par contre Jean reste à côté de Paul : les deux ensemble sont les fondateurs de la vie consacrée. En ce qui concerne les cent-cinquante-trois poissons, Jean entre en Pierre. Pierre le dépasse mais, dans sa pauvreté (étant donné que Jean s'est donné à Pierre), il en fait quelque chose qui devient libre pour Paul et son naufrage. Si Paul ici (vis-à-vis des marins) a le verbe haut, il a à remplir une mission johannique (NB 1/2,53-54).

 

400. Paul et Ignace de Loyola

Une vision : Ignace et Paul l’un à côté de l’autre. Adrienne comparait les deux en connaissance de cause et trouvait que, même extérieurement, ils se ressemblaient. Seulement Paul était plus vigoureux, plus anguleux, et plus grand d’environ dix ou douze centimètres (NB 8,449).

 

4. Les charismes de Paul

 

401. Paul, premier mystique

Après la résurrection, le Seigneur apparaît aux disciples devant leurs sens corporels même si ceux-ci sont élevés surnaturellement. A Paul, il apparaît dans une vision. Paul est ainsi le premier mystique, il possède la première âme de mystique, et aussi le léger surmenage des capacités humaines qui apparaîtra souvent (pas toujours) chez les mystiques. Paul est le premier ; il ne connaît donc pas encore de tradition dans ces choses, il n’a donc pas compris qu’il n’est pas une exception, il en fait quelque chose de personnel. Malgré cette légère méprise, Paul reste tout à fait dans sa mission tout comme Pierre reste en fonction malgré son triple reniement. Le Seigneur a aussi, parmi ceux qui tiennent à lui et veulent le suivre, des pécheurs ou des caractères quelque peu anguleux, qui collaborent certes, même avec beaucoup de flamme, mais qui ne se rendent pas totalement compte de ce qu’on attend d’eux. C’est souvent l’attitude de l’enfant en eux qui peut rester. Chez Paul, c’est se vanter, se présenter comme modèle. Il s’admire, mais dans le Seigneur. Il voit en lui l’œuvre de la grâce, et il s’imagine être un chef d’œuvre de la miséricorde divine. Il croit ainsi mieux témoigner du Seigneur et il ne veut rien d’autre en fait. Il est comme l’élève modèle qui maîtrise depuis longtemps les simples lettres que les autres dessinent et qui, à la place, peint dans son cahier un beau dessin. Il pense ainsi faire un cadeau à l’instituteur. Paul est convaincu que se vanter ainsi est pour la plus grande gloire de Dieu. Il le fait totalement à l’intérieur de la foi. Il pense que la plus grande gloire de Dieu consiste en ce que lui fasse davantage et non que Dieu soit plus. Il est comme quelqu’un qui a été guéri miraculeusement et qui, pour l’honneur de Dieu, montre à tout le monde ses membres guéris (NB 9,1323).

 

402. Paul et la mystique

Il n'y aurait rien de plus insensé que de vouloir découvrir un chemin qui pourrait servir à dessiner les prérogatives et les droits du mystique et à ébaucher de manière systématique une "école de la mystique". Paul est atteint par une lumière aveuglante, il tombe par terre, il entend une voix, il demande ce qu'il doit faire. Ce n'est pas un chemin qu'on peut diviser, il n'y a pas de signes précurseurs. Ou bien quand les trois disciples sont au Thabor et qu'ils voient tout à coup devant eux un tableau de la réalité céleste, le Seigneur ne se sert pas de sa glorification pour leur tailler des degrés qu'ils pourraient gravir jusqu'à son apparition afin de leur permettre d'avoir une certaine vue d'ensemble (NB 5,27).

 

403. Paul a vu le corps ressuscité du Seigneur

Celui qui peut voir le corps ressuscité du Seigneur - autrefois durant les quarante jours ou plus tard comme Paul et d'autres voyants - fait l'expérience de sa parfaite corporéité (NB 3,254).

 

404. Parler en langues

Paul voit la possibilité que toute une communauté parle en langues (1 Co 14,23). On ne peut pas supposer alors que seuls ceux qui sont sans péché reçoivent ce charisme ; les pécheurs aussi le reçoivent, peut-être justement pour qu'ils reconnaissent leur état de péché. Si toute une communauté parle en langues, ce devrait être pour elle comme une sorte de purgatoire (NB 10,2104).

 

405. Les révélations de Paul

Paul a certes l'avantage d'être apôtre, et ses révélations sont d'un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l’Église. Cependant le mystère qui lui est montré n'est pas épuisé par ce que Paul en dit ; plus tard Dieu peut à nouveau en rendre visibles d'autres parties, non plus certes avec l'autorité de l'apôtre, si bien que l’Église aura compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire pour l'apôtre (NB 10,2087).

 

406. Paul et le troisième ciel

Pour Paul, la connaissance est devenue un combat. Son ravissement et son accueil par Dieu se réalisent dans le cadre de ce combat même si, subjectivement, lui-même ne lutte pas, ne prétend à rien et même s'il ne lui est pas permis de désirer cette forme particulière de connaissance. Il voit, il entend, il voit aussi les paroles, il les comprend et il sait que ce ne sont pas des paroles d'homme. Elles sont transférées pour lui dans la sphère de ce qu'il peut saisir, de ce qu'il peut connaître, mais elles comportent une limite. Elle est une limite en direction de Dieu et en direction de sa créature. Une limite qui est placée devant lui justement pour qu'il la voie. Autant la limite s'estompe pour Adam, autant pour Paul elle est mise en évidence, elle est gardée. Dieu, qui ravit les siens des manières les plus diverses, ne donne pas à Paul de comprendre le mode de son propre ravissement. Paul sait qu'il s'est passé quelque chose et il sait ce qu'il a appris. Mais il a perçu aussi la limite du chemin qui va vers Dieu. Il reconnaît en cette limite un état qui est propre au "troisième ciel", qui le caractérise peut-être parfaitement. Sa vision est pour lui le souvenir d'un certain degré qu'il a en quelque sorte atteint, d'une ouverture qui lui a été accessible, mais qui ne livre pas son dernier secret. C'est au fond la vision d'un château-fort imprenable. Il est tout à fait conscient que l'état, la vision, le château-fort sont des réalités, pas du tout des fantômes, ni des produits de ses rêveries ou de son imagination, qui se présentent et qui en même temps se dérobent. Des réalités de Dieu, que Dieu montre, sans plus. Son état est donc très éloigné de celui de Jean qui se trouve dans le ciel avec la mission d'entendre, de voir, d'écrire (NB 5,32).

 

5. Pour un portrait de Paul

 

407. Paul fait l'expérience de Dieu

Quand Paul devenu chrétien fait l'expérience de Dieu dans l'intimité, c'est dans une sorte de ravissement qui réveille en lui le souvenir qu'il a été autrement sans qu'il puisse se rendre compte exactement de ce qui lui est arrivé, comment le ravissement s'est produit, ce qui s'est passé en lui pour qu'il devienne capable d'entendre et de voir. Comme tout chrétien, il vit en présence de Dieu avec les limites de sa connaissance, même si sa connaissance nous paraît énorme. Le chemin qu'il doit parcourir pour parvenir à Dieu consiste à dépasser le fait d'être en présence de Dieu ; ce qu'il doit atteindre, c'est la sphère qui appartient à Dieu seul, cette sphère est en même temps celle de l'obéissance où seul Dieu peut inviter les siens, où il n'est donc permis à personne de s'introduire de force (NB 5,31).

 

408. Paul et la Trinité

Pour Paul, le Dieu un qui fond sur lui à Damas se déploie dans la plénitude de la théologie trinitaire. Mais il voit aussi que l'homme créé doit orienter sa foi au Dieu unique vers le Dieu Trinité parce que Dieu Trinité s'occupe de l'homme depuis toujours. Paul est le premier qui voit et montre expressément Dieu Trinité comme tel. Depuis le Christ, Dieu ne peut plus se comprendre autrement que dans sa Trinité. Quand Paul entreprend de parler de manière approfondie d'un sujet, il arrive toujours au mystère de l'homme créé par Dieu, à qui Dieu le Père a envoyé le Fils et l'Esprit, et dans le mystère de Dieu Trinité (NB 2,41-42).

 

409. Surpris par la grâce

Paul est surpris par la grâce, presque comme Adam a été surpris par le péché : Adam a rencontré le péché dans le serpent, il ne s’y attendait pas du tout. Ainsi la grâce touche Paul : c’est la dernière des choses qu’il aurait attendue. Pour lui, c’est comme si l’intelligence avait touché l’ignorance, plus nettement encore que la grâce a touché le péché. C’est ici que se pose justement la question de savoir pourquoi Paul se présente si expressément comme non pécheur. Au fond parce que, pour lui, l’ignorance (étant donné qu’il gardait les commandements de l’ancienne Alliance) peut se mettre sur le même plan que le fait de n’avoir pas péché. Il garde donc une conscience vétérotestamentaire du péché. Il connaît le péché comme quelque chose de terminé, il ne le connaît pas dans son toujours-plus. Et de même aussi la grâce qui le terrasse, avec toute son immensité, a pour lui encore une mesure. Sans doute est-elle absolue, mais il s'adapte à cet absolu sans hésiter et sans être affligé du moindre doute sur le point de savoir s'il ne pourrait peut-être pas quand même faire encore plus et mieux (NB 4,172).

 

410. Le cheminement de Paul

Paul a connu une brusque conversion, il a dû endurer bien des choses et il les a décrites par la suite : il a lutté contre les chrétiens, il a été renversé près de Damas, il est devenu aveugle, il a reçu un enseignement pour être baptisé et, plus tard, il a déployé d'immenses efforts au service du Seigneur, il a connu des succès et des échecs, des souffrances au service de ses communautés ; tout cela, il l'a vécu comme quelque chose qui peut servir d'exemple dans son enseignement, comme une illustration qui est destinée aux autres ; il se peut donc que, de cette manière, ses visions aussi sont prévues pour son enseignement. Dieu le ravit rapidement pour lui faire voir quelque chose de précis : le ciel, afin qu'il ait la certitude de sa réalité, mais aussi de ses propres limites. La contemplation occupe chez Jean beaucoup plus de place que chez Paul, parce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui aime lui-même; n le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour pour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui à la dernière Cène repose sur la poitrine du Seigneur ; cela aussi reste une brève mention : quelque chose est signalé qui est d'habitude passé sous silence. Cependant pour ceux qui voudront suivre le Christ, ce sera peut-être, dans l'évangile de Jean, quelque chose d'important. Paul par contre est constamment obligé de renvoyer à lui-même : recenser ses actions, détailler ses journées, son labeur d'enseignant, tout cela fait presque partie de son enseignement lui-même (NB 5,32-33).

 

411. La prière de Paul

Elle est un peu agitée, affairée. Un tout petit peu forcée aussi. Elle est curieuse : c'est comme s'il y avait là deux hommes qui prient, c'est comme si Paul était en contemplation, mais qu'il avait pris avec lui le Paul actif afin que le Paul actif ne s'écarte absolument pas de lui et se fasse constamment représenter devant Dieu par le Paul contemplatif. - (Et son extase ?) Il est emporté, entraîné dans l'extase. Mais celle-ci est ensuite tout à fait objective. Elle n'a rien d'extatique, si on comprend sous ce terme une agitation quelconque. Autant sa prière habituelle est agitée, autant ses extases sont complètement paisibles. Il n'est plus qu'un instrument tant que la révélation lui est montrée, il n'est plus que mission et obéissance. C'est ici qu'il a sa contemplation la plus paisible. - (Que lui est-il montré ?) Le ciel et les secrets du ciel. Dans ses visions, il voit toujours davantage les relations du monde céleste, les relations entre le Père, le Fils et l'Esprit, et surtout les relations entre l'éternité et le temps. - (Qu'est-ce que c'est que le mystère dont il parle ?) C'est le mystère de l'obéissance, c'est-à-dire de l'unique volonté en Dieu ; peut-être mieux : le mystère de l'unité en Dieu de manière générale, entre le Père, le Fils et l'Esprit. C'est comme s'il lui était permis de contempler pour ainsi dire dans ce mystère de l'unité le mystère ultime de Dieu, et aussi le mystère ultime de la Trinité, là où n'est plus visible que la nature unique, là où l'unique essence est si une que la distinction des personnes n'apparaît pas. - (Et quand il est emporté au paradis ?) Il voit alors les mystères du paradis qui sont en même temps ceux du ciel, les mystères de l'unité de la création de Dieu avant même qu'elle ne devienne deux par le péché : le ciel et la terre. - (Qu'est-ce qu'il appelle le septième ciel ?) L'unité entre le ciel et la terre, mais surtout l'unité du Père, le fait que toutes les choses sont incluses dans le Père, au fond le mystère primordial de l'unité de Dieu. - (Et pourquoi justement sept ?) A cause des dons du Saint-Esprit. C'est le lieu où rien encore n'est différencié, où les sept sont inclus dans le don le plus haut, dans le don divin en général. - (Est-ce que sa vision est différente de celle de Jean ?) Oui. Elle est plus pratique, plus fonctionnelle, plus active aussi. Elle aspire plus à la réception de la réponse. - (Mais il dit qu'il lui est impossible d'exprimer ce qu'il a vu ?) On doit distinguer. Il reçoit la vision comme une partie de sa mission ; elle est propre à donner un plus grand poids à sa parole, à ses interventions. Ici ses visions auraient donc plutôt leur but en Paul lui-même. Mais en outre il trouve aussi dans cette vision l'aspect plus johannique de la contemplation ; et cela, il n'est pas en mesure de le traduire dans sa mission, cela lui paraît comme quelque chose qu'il n'a pas la possibilité d'y intégrer. Et ainsi il n'est pas en mesure non plus d'en parler. - (Et quand il dit : Dans mon corps ou sans mon corps ?) "Dans mon corps" : c'est tout ce qui est lié à sa mission, tout ce qui est traduisible, tout ce qui se rapporte à sa tâche. "Sans mon corps" : cela veut dire en quelque sorte au-delà de la mission, de son activité personnelle, dans une sorte de communion des saints, qui ne se laisse plus traduire, dans un écoulement vers le Père qu'aucune description ne peut exprimer. - (A-t-il toujours eu des visions ?) Au début, la plus marquante, mais plus tard encore des visions authentiques. La première fut la plus marquante, elle lui a expliqué le contenu et l'extension de sa mission. - (A-t-il reçu sa théologie par ses visions ?) Oui, en grande partie. - (Comment fut sa vision du Seigneur dans le temple ?) Fort semblable à celle de Damas. Pour la raison surtout que son effet fut le même ; sans doute la vision de Damas fut-elle une conversion, mais la vision dans le temple comporte une telle extension de sa mission qu'elle ressemble presque à une conversion. Les suites concrètes de la vision ont à peu près le même poids (NB 1/1,258-260).

 

412. L’absence de consolation dans la prière

Paul est sans doute le premier qui rencontre quelque chose comme une prière en l'absence de consolation. il n’a aucune expérience en la matière, il ne sait pas que cela fait partie de la prière, il ne peut pas se l’expliquer. Il cherche donc toujours à recommencer par le début, il cherche la faute dans son état actuel, uniquement dans ce qui lui est personnel. Il ne peut pas comprendre ce qui a pu arriver entre le Christ et lui : il n’y avait quand même jamais rien eu qui eût troublé leur amitié. Il considère aussi son état comme singulier, anormal pour ainsi dire, et il ne peut pas le généraliser, il lui manque pour cela un point de comparaison, il est le premier au début de la tradition. Il n’a pas de racines dans le passé. C’est pourquoi il ne peut pas non plus mettre son état en relation avec l’Église, avec la communauté. Augustin a sur Paul l’avantage qu’il connaît la tradition, qu’il sait qu’un vide de ce genre arrive. Pour Paul l’amour sensible lui est ôté, il est séparé intérieurement de cette agapè, il ne la sent plus. Mais il sait que malgré cela il doit faire comprendre à la communauté que les “prophéties” et le “parler en langues” sont nécessaires, particulièrement la prophétie, l’annonce de la vérité, devant la communauté. D’autre part, il ne sait pas s’il existe un rapport entre son expérience personnelle de ne plus pouvoir aimer et le devoir qui est le sien d’annoncer la vérité malgré tout. Il pense que c’est une expérience purement privée. Paul ne comprend pas le rapport entre sa souffrance intime et l’Église. Toute sa souffrance se concentre sur le centre qui est le Seigneur : il “complète les souffrances du Seigneur”. Quand il parle par contre des souffrances qu’il endure pour la communauté, il entend par là non cette souffrance incompréhensible, mais les souffrances “extérieures”, saisissables. Pour Paul, sa relation au temps est une pure présence. L’Église n’a pas encore d’histoire, et il ne regarde pas non plus l’avenir. Le temps jusqu’au retour du Christ, trente ans ou cent, est pour lui comme une unique présence. Durant cette période, il est peut-être le seul à avoir la vocation de “compléter les souffrances du Christ”. Il ne voit pas et il ne sait pas qu’une souffrance de ce genre est une mission ecclésiale qui doit être transmise. Ceux qui viendront après lui pourront se référer à une tradition quand ils seront privés de consolation, ils trouveront en elle leur appui et ils comprendront la nécessité de l’annonce de la vérité même quand ils sont abandonnés de Dieu. (NB 8,1051).

 

413. Paul peut endurer ce qui manque encore aux souffrances du Christ ; et pourtant ce qui manque à ces souffrances, le Seigneur l'a déjà supporté depuis toujours (NB 5,101).

 

414. Ce qui manque aux souffrances du Christ

Même si Paul “complète en son corps ce qui manque aux souffrances du Christ”, le Christ a quand même souffert lui-même le maximum. Et sa souffrance en tant que telle n’a pas besoin de complément, comme si elle ne suffisait pas. Le complément ne se réalise pour l’Église qu’en vertu de la souffrance du Christ. Et cependant il a une sorte de consolation par ceux qui vont avec lui sur le chemin de la croix (NB 8,452).

 

415. Souffrir avec le Christ

Paul sait qu'il faut souffrir avec le Christ. Il sait que si la souffrance est le plus grand mystère d'amour du Seigneur, il ne veut pas la porter seul, car cela voudrait dire : Votre amour à vous, les hommes, n'est pas à la hauteur pour moi ! C'est justement en leur enlevant leur péché que le Seigneur leur donne part à sa croix. Et cette participation est contenue déjà en quelque sorte dans le fait que les hommes lui permettent de leur enlever leur péché. C'est une participation encore toute minime et provisoire à l'amour. Mais quand ensuite le péché est un jour véritablement enlevé et que l'homme se laisse faire véritablement, c'est alors que se réalise une participation à l'amour actif du Seigneur. Cela, Paul l'a vu exactement (NB 4,455).

 

416. Paul et la croix

La croix est ce qui a manqué à Paul. Paul a vu la croix de manière trop extérieure ; même quand il s'inflige une pénitence, etc., sa mission, dérivée de celle du Seigneur, est plus importante que la croix. Paul serait parfait s'il avait réellement connu la croix ; il aurait alors saisi aussi l'aspect passif de l'abandon, il l'aurait introduit dans sa théologie activiste, et celle-ci aurait été moins centrée sur lui-même (NB 2,114).

 

417. Paul et l’amour

Quand saint Paul présente l'amour (1 Co 12-13), c'est toujours en vertu de son ministère apostolique. Tout ce qu'il dit fait partie de son apostolat, ce sont des actes tout à la fois de transmission, de connaissance et de confession. La doctrine se change toujours tout de suite en pratique de la nouvelle doctrine, de la nouvelle Alliance. Il n'y a pas de vérité que l'apôtre garderait pour lui. La vérité qu'il a reçue, il l'applique à sa vie et il la transmet comme une vérité connue et vécue. Quand il décrit l'amour comme n'étant ni envieux, ni jaloux, etc., il dit ce qu'il sait : c'est comme ça, c'est pourquoi cela doit être comme ça, en moi et en tous ceux qui le savent par moi (NB 6,444).

 

418. Paul et lhumour

Les Corinthiens étaient certes d’une certaine manière saisis par l’Esprit, mais pour ainsi dire trop saisis. L’Esprit n’avait pas fait d’eux des saints comme il l’avait fait pour les apôtres. Ils avaient trop ajouté du leur. Il y a déjà chez eux un peu de curiosité et le souci de se "laisser gagner" ; cest vraiment l’Esprit, mais légèrement mal employé ; ils sont aussi sans aucune direction, ils ne savent pas où est la mesure. On aurait pu sans doute les corriger avec un peu d’humour, mais Paul justement n’a pas beaucoup d’humour (NB 9,1564).

 

419. Un esprit pénétrant

"Pas seulement les pieds" demande Pierre, et il offre ainsi tout son être naïvement et ingénument. Paul par contre offre toujours au Seigneur son esprit le plus pénétrant. Paul est l'homme exceptionnel qui a plutôt trop d'esprit que pas assez ; Pierre est plutôt l'homme ordinaire qui savoure la grâce, mais sans renier son humanité. Il ne songe pas à vouloir réduire la distance qui le sépare essentiellement du Seigneur, ce que Paul fait quand même peut-être d'une certaine manière. Pour Pierre, la tension entre son propre esprit et l'Esprit Saint est telle que l'Esprit Saint fait l'essentiel, tandis que pour Paul, son propre esprit en fait un peu trop (NB 6,463).

 

420. Une catastrophe de la nature

(Père Balthasar : Un soir, Adrienne parle pendant deux heures des apôtres avec beaucoup d’animation et elle dit tant de choses belles et profondes que, de mémoire, je ne puis les rendre que d’une manière fragmentaire). Paul est conscience et esprit. Lui aussi, comme les autres apôtres, est tout à fait sans développement et sans combat intérieur. Dès le début, il est complet. Dès l’instant devant Damas, il est tel qu’il restera toujours. Il ne s’est pas décidé, mais on a décidé pour lui. Il est tellement plongé dans la mission du Christ qu’il n’y a pas d’alternative. Depuis toujours il a été fleur sans jamais avoir été bouton. Ici il se distingue de ceux qui viendront plus tard, qui ne se trouvent plus à l’intérieur de la Révélation, par exemple saint Ignace. Paul a une très haute opinion de lui-même, il se voit très bien lui-même, il joue dans l’apostolat avec sa propre personne comme sur instrument infiniment varié, mais il n’a pas besoin de la “présenter”. Il est toujours totalement tourné vers les hommes. Il se fraie un chemin des épaules à travers la foule : « Voie libre pour l’Évangile ! » Avant sa conversion, il était déjà “achevé”. Auparavant il était fleur de nuit, maintenant il est fleur de jour, sans autre passage que la rencontre avec le Seigneur. Son enseignement non plus ne se développera pas. Ce qui se développe, ce n’est que la compréhension de ses communautés et de ses lecteurs. Il parle d’abord à des commençants, puis à des progressants, c’est pourquoi il semble être allé plus loin à la fin qu’au début. Quand de Damas il est allé dans la solitude, ce n’est pas pour y mener une vie contemplative, mais pour y traduire en mots et en concepts compréhensibles pour les hommes la plénitude de sa vision intérieure. C’est pourquoi ces années sont le début de son apostolat. Romains 7 n’est donc pas Paul à proprement parler mais la situation des chrétiens ordinaires, qui ne s’applique pas à Paul justement. Il souffre mais il ne lutte pas. Il est comme en tout un événement, une “catastrophe de la nature” (NB 8,806).

 

421. Un zèle dévorant

Paul a soif de connaissance, il a l’art de formuler rapidement des choses qu’il vient tout juste de connaître, il a un zèle dévorant pour entraîner à sa suite beaucoup de gens et les amener au Seigneur comme militants (NB 2,130).  

 

422. Un zèle incroyable

Le Père Balthasar demande à Adrienne si elle a vu saint Paul. « Oui, dit-elle, il y a quelques semaines ». Mais parce qu’elle n’avait pas compris la signification de ce qu’elle avait vu, elle n’y avait plus pensé. Elle avait revu la tour à laquelle on travaillait (manifestement l’Église) ; à proximité il y avait une sorte de sous-bois, et là Pierre et Paul étaient occupés à faire des fagots. Saint Paul était d’un zèle incroyable, il se serait presque tué au travail. Le P. Balthasar demande si saint Pierre a aussi bien travaillé. Elle rit : « Oui, oui, il a aussi fait quelque chose, mais il a plutôt bricolé un peu » (NB 8,198). 

 

423. L'activiste de la grâce

Paul parle de sa perfection dans l'esprit d'un homme qui fait des efforts, mais qui sait qu'il doit supprimer tout ce qui le sépare du Seigneur. C'est un activiste de la grâce (NB 11,444).

 

424. Sa propre personne

Il faudrait enlever de Paul tout ce qui le met en lumière comme personne, comme « personnalité chrétienne ». Cette insistance sur sa propre personne était nécessaire pour lui parce qu’il ne pouvait renvoyer à aucun modèle, comme ceux qui viendraient après lui, parce qu’il n’avait que lui-même à qui renvoyer comme à quelqu’un en qui le Seigneur continue de vivre (NB 4,78).

 

425. Paul s'entraîne à la perfection

Il y a chez Paul le danger qu’il se perde dans ce qui lui est personnel. Paul s’entraîne en quelque sorte au travail de la perfection. Il est comme un alpiniste qui, même si le sommet est dans la brume, emporte avec lui la satisfaction de son excursion : je l’ai vaincu. Et puis il y a un certain sentiment d’enchantement de la hauteur qu’on n’a pas en bas. Une vitalité particulière. Dans la vie spirituelle, il est facile de donner à ce sentiment le nom de grâce et de ressentir dans le fait d’être en haut le mérite de la montée. Par une étude exclusive de Paul, il est facile de se donner de l’importance et de s’éloigner de Dieu, de se construire un Dieu qui nous justifie nous-mêmes. La faute n’en revient pas à Paul, mais à ceux qui l’isolent du contexte (NB 9,1559).

 

426. Paul souligne le fait qu’il est le jouet de l’Esprit. Il veut qu’on le comprenne. Cela fait partie en quelque sorte de sa manière de se vanter (NB 9, 1564).

 

427.   427. Paul et la confession

         Si quelqu'un a une mission différenciée, il peut naturellement se comporter comme une prima donna, seulement il perd alors le sens de l'objectivité. Une mission est quand même toujours reçue pour les autres, et donc personne ne devrait se conduire d'une manière aussi catholique et aussi universelle que l'envoyé. Il est certes envoyé dans l’Église par Dieu Trinité et s'il n'a pas le droit de se comporter en prima donna, une place à part lui est quand même réellement assignée. Il doit donc y avoir une différenciation et elle doit pouvoir être vécue en même temps comme une entrée dans la communauté. Il a manqué à Paul l'autorité d'un confesseur qui lui aurait servi de correctif pour sa différenciation. Pour tout envoyé qui a une mission de qualité, c'est le confesseur qui est le correctif. S'il n'a personne pour le remettre à sa place, il court le danger de devenir une prima donna. Et parce qu'un envoyé comme Paul a appris un grand nombre de choses dans ses relations personnelles avec Dieu, il est forcé de partir sans cesse de ses expériences. Mais cela, Paul le fait trop parce qu’il lui manque le correctif. Le correctif est là aussi pour empêcher que l'envoyé s'identifie de manière subjective à sa mission. C'est justement parce que chez Paul les deux (la personne et la mission) sont si prononcés, que l'essentiel aurait dû être ramené à l'objectif aussi fermement que possible. Mais Paul n'a personne pour le replonger avec autorité dans la masse des pécheurs et des croyants. C'est pourquoi, de son plein gré, il ne cesse d'entrer dans cette communauté certes et d'y disparaître, mais c'est en vertu de sa propre décision souveraine, sans que l'obligation lui soit imposée de l'extérieur. Un confesseur est toujours là pour accueillir dans la communion de l’Église aussi bien que pour renvoyer (NB 1/2,286-287).

 

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Table des matières

 

Introduction

 

1. La prière des apôtres

1. Pierre - 2. Jacques, fils de Zébédée - 3. Jean - 4. Jacques, fils d'Alphée - 5. Jude - 6. Philippe - 7. Thomas - 8. Barthélemy - 9. Simon le zélote - 10. Matthieu - 11. Matthias - 12. Judas - 13. Paul - 14. Marc - 15. Luc

 

2. L'attitude intérieure des apôtres

1. Pierre - 2. André -2. Jacques, fils de Zébédée - 3. Jean - 4. Jacques, fils d'Alphée - 5. Jude - 6. Philippe - 7. Thomas - 8. Barthélemy - 9. Simon le zélote - 10. Matthieu - 11. Matthias - 12. Judas - 13. Paul - 14. Marc - 15. Luc

 

3. L'attitude de confession des apôtres

1. Pierre - 2. Jacques, fils de Zébédée - 3. Jean - 4. Jacques, fils d'Alphée - 5. Jude - 6. Philippe - 7. Thomas - 8. Barthélemy - 9. Simon le zélote - 10. Matthieu - 11. Matthias - 12. Judas - 13. Paul - 14. Marc - 15. Luc

 

4. Les relations des apôtres avec Jésus

1. La vocation des apôtres - 2. La vie quotidienne - 3. Les apôtres dans l'histoire de l'Eglise - 4. Le ministère des apôtres - 5. L'intelligence des apôtres - 6. Le Thabor - 7. Le mont des oliviers - 8. La passion - La croix - La mort - 9. Les quarante jours - Le lac de Tibériade - La pêche - 10. L'Ascension - La Pentecôte - L'Esprit Saint - 11. La Cène après la résurrection

 

5. Les évangiles et l'Apocalypse

1. Les évangélistes et l'inspiration - 2. Matthieu et son évangile - 3. Marc et son évangile - 4. Luc et son évangile - 5. Jean et son évangile - 6. Jean et l'Apocalypse

 

6. Paul

1. Damas - 2. La mission de Paul - 3. Les relations de Paul - 4. Les charismes de Paul - 5. Pour un portrait de Paul

 

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