XIII. Matériaux pour les homélies des dimaches et fêtes du cycle liturgique de trois ans. : Adrienne von Speyr et H.U.vo

 

 

LA VIE ET L’ŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)

 

 

XIII

 

 

 

Adrienne von Speyr et Hans Urs von Balthasar

 

 

Matériaux pour les homélies des dimanches et fêtes

du cycle liturgique de trois ans
 

 

 

Plan

 

Introduction

 

1. De l'Avent à la fête du Sacré-Coeur

 

1er dimanche de l'Avent A - 1er dimanche de l'Avent B - 1er dimanche de l'Avent C - 2e dimanche de l'Avent A - 2e dimanche de l'Avent B - 2e dimanche de l'Avent C - 3e dimanche de l'Avent A - 3e dimanche de l'Avent B - 3e dimanche de l'Avent C - 4e dimanche de l'Avent A - 4e dimanche de l'Avent B - 4e dimanche de l'Avent C - Nativité du Seigneur ABC - Dimanche de la Sainte Famille ABC - Dimanche de la Sainte Famille A - Dimanche de la Sainte Famille B - Dimanche de la Sainte Famille C - 1er janvier. Sainte Marie, Mère de Dieu - 2e Dimanche après Noël ABCÉpiphanie - Baptême du Seigneur A - Baptême du Seigneur B -Baptême du Seigneur C - Mercredi des cendres - 1er dimanche de carême A - 1er dimanche de carême B - 1er dimanche de carême C - 2e Dimanche de carême A - 2e Dimanche de carême B - 2 e Dimanche de carême C - 3e Dimanche de carême A - 3e Dimanche de carême B - 3e Dimanche de carême C - 4e Dimanche de carême A - 4e Dimanche de carême B - 4e Dimanche de carême C - 5e Dimanche de carême A - 5e Dimanche de carême B - 5e Dimanche de carême C - Rameaux. Procession des rameaux - Dimanche des rameaux ABC - Dimanche des rameaux A - Dimanche des rameaux B - Dimanche des rameaux C - Jeudi saint. La Cène du Seigneur ABC - Vendredi saint - Veillée pascale. Les sept lectures - Veillée pascale. Année A - Veillée pascale. Année B - Veillée pascale. Année C - Dimanche de Pâques ABC - 2e Dimanche de Pâques ABC - 2e Dimanche de Pâques A - 2e Dimanche de Pâques B - 2e Dimanche de Pâques C - 3e Dimanche de Pâques A -3e Dimanche de Pâques B - 3e Dimanche de Pâques C - 4e Dimanche de Pâques A - 4e Dimanche de Pâques B - 4e Dimanche de Pâques C - 5e Dimanche de Pâques A - 5e Dimanche de Pâques B - 5e Dimanche de Pâques C - 6e Dimanche de Pâques A - 6e Dimanche de Pâques B - 6e Dimanche de Pâques C - Ascension A - Ascension B - Ascension C - 7e Dimanche de Pâques A - 7e Dimanche de Pâques B - 7e Dimanche de Pâques C - Pentecôte ABC - Fête de la Trinité ABC - Fête de la Trinité A - Fête de la Trinité B - Fête de la Trinité C - Fêtes du Saint-Sacrement et du Sacré-Cœur - Fête du Saint-Sacrement A - Fête du Saint-Sacrement B - Fête du Saint-Sacrement C - Fête du Sacré-Cœur A - Fête du Sacré-Cœur B - Fête du Sacré-Cœur C
 

2. Le temps ordinaire
 

2e dimanche A - 2e dimanche B - 2e dimanche C - 3e dimanche A - 3e dimanche B - 3e dimanche C - 4e dimanche A - 4e dimanche B - 4e dimanche C - 5e dimanche A - 5e dimanche B - 5e dimanche C - 6e dimanche A - 6e dimanche B - 6e dimanche C - 7e dimanche A - 7e dimanche B  - 7e dimanche C - 8e dimanche A - 8e dimanche B - 8e dimanche C - 9e dimanche A - 9e dimanche B - 9e dimanche C - 10e dimanche A - 10e dimanche B - 10e dimanche C - 11e dimanche A - 11e dimanche B - 11e dimanche C - 12e dimanche A - 12e dimanche B - 12e dimanche C - 13e dimanche A - 13e dimanche B - 13e dimanche C - 14e dimanche A - 14e dimanche B - 14e dimanche C - 15e dimanche A - 15e dimanche B - 15e dimanche C - 16e dimanche A - 16e dimanche B - 16e dimanche C - 17e dimanche A - 17e dimanche B - 17e dimanche C - 18e dimanche A - 18e dimanche B - 18e dimanche C - 19e dimanche A - 19e dimanche B - 19e dimanche C - 20e dimanche A - 20e dimanche B - 20e dimanche C - 21e dimanche A - 21e dimanche B - 21e dimanche C - 22e dimanche A - 22e dimanche B - 22e dimanche C - 23e dimanche A - 23e dimanche B - 23e dimanche C - 24e dimanche A - 24e dimanche B - 24e dimanche C - 25e dimanche A - 25e dimanche B - 25e dimanche C -  26e dimanche A  - 26e dimanche B - 26e dimanche C - 27e dimanche A - 27e dimanche B - 27e dimanche C - 28e dimanche A - 28e dimanche B - 28e dimanche C - 29e dimanche A - 29e dimanche B - 29e dimanche C - 30e dimanche A - 30e dimanche B - 30e dimanche C - 31e dimanche A - 31e dimanche B - 31e dimanche C - 32e dimanche A - 32e dimanche B - 32e dimanche C - 33e dimanche A - 33e dimanche B - 33e dimanche C - 34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers A - 34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers B - 34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers C


 

3. Les fêtes de l’année liturgique

 

2 février. Présentation du Seigneur au temple - 19 mars. Saint Joseph - 25 mars. Annonciation du Seigneur - 24 juin. Saint Jean-Baptiste. Veille au soir - 24 juin. Saint Jean-Baptiste. Messe du jour - 29 juin. Saint Pierre et saint Paul. Veille au soir - 29 juin. Saint Pierre et saint Paul. Messe du jour - 6 août. Transfiguration du Seigneur - 15 août. Assomption de la Vierge Marie. Veille au soir - 15 août. Assomption de la Vierge Marie. Messe du jour - 14 septembre. La croix glorieuse - 1er novembre. Fête de tous les saints -  2 novembre. Commémoration de tous les fidèles défunts  - 9 novembre. Dédicace de la basilique du Latran - 8 décembre. Immaculée Conception de la Vierge Marie

 

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Références particulières

 

Kostet und seht : Goûtez et voyez. Choix de textes d’AvS par HUvB, Johannesverlag, 1988

NB = Nachlassbände : Œuvres posthumes, Johannesverlag

Sur la terre comme au ciel. Prières d’AvS, Édition du Serviteur, 1994

 

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Introduction

 

Adrienne n'a jamais prononcé d'homélies, mais on peut trouver dans ses œuvres bien des matériaux qui peuvent être utiles pour tous ceux qui ont à en préparer. Ce sont ces matériaux qui seront alignés dans les fenêtres qui s'ouvriront par la suite, s'il plaît à Dieu.

 

Et pour que les matériaux soient plus riches encore, les œuvres de Hans Urs von Balthasar seront également mises à contribution. Lui-même a dû prononcer bien des homélies. En trois petits volumes traduits en français (La lumière de la Parole. Commentaire des lectures du dimanche, Année A, B,C), il a proposé aussi des matériaux pour homélies, qu'il présentait comme ceci : "Tout ce qui est proposé (dans ces petits livres) ne veut pas être plus qu'une carrière, d'où chacun, s'il trouve quelque chose qui lui convient, peut extraire ce qu'il veut" (Ibid., Préface pour l'année A, p. 8). Les autres oeuvres du P. Balthasar seront aussi utilisées.

 

Même les théologiens chevronnés reconnaissent que le style de Hans Urs von Balthasar n'est pas toujours facile. Pour les matériaux ici proposés, un effort sera fait pour rendre plus abordable la pensée de Hans Urs von Balthasar en la "traduisant" à l’occasion en un style plus accessible, sans la trahir, espérons-le.

Patrick Catry

 

 

1. De l'Avent à la fête du Sacré-Coeur

 

1er dimanche de l'Avent A (Is 2,1-5; Rm 13,11-14; Mt 24,37-44)

1 - Celui qui attend le Seigneur est sûr de sa présence. Lui préparer son cœur, c'est déjà le posséder (Lumina 74).

2 - Si quelqu'un est orienté vers Dieu, son prochain en sera enrichi d'emblée et conforté dans sa marche vers Dieu. Le don de soi aux autres est donc toujours d'abord un don de soi à Dieu (Die Schöpfung 23).

3 – Avant tout, comprendre le message général de l'Avent et la pressante exhortation qu'il contient : Dieu vient à nous. C'était le pressentiment grandissant de toute l'ancienne Alliance, le pressentiment immédiat de Jean-Baptiste qui ne voulait rien faire d'autre que préparer dans le désert le chemin du Seigneur. Les trois lectures d'aujourd'hui sont orientées vers cette venue de Dieu, elles veulent nous faire sortir du sommeil et de l'indifférence, nous exhorter à attendre le Seigneur, les reins ceints, avec des torches allumées ou avec de l'huile dans les lampes. Dieu fait irruption dans l'histoire, il vient pour tous à une heure qu'ils n'attendent pas : c'est pourquoi justement on doit l'attendre sans cesse (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 9).

 

1er dimanche de l'Avent B    (Is 63,16-17.19;64,2-7; 1 Co 1,3-9; Mc 13,33-37)

1 - "Soyez sur vos gardes". Veiller signifie être sur ses gardes, rester attentif, non dans le désœuvrement, mais dans le sens du Seigneur, de façon à le percevoir. Il y a une manière de traverser la vie sans vigilance, en se laissant simplement porter par elle, en possédant un peu de foi, une certaine vision du monde. La disponibilité vigilante à faire ce que loe Seigneur attend de nous est autre chose. Nous sommes vigilants quand nos soucis, nos fautes, nos péchés, notre lenteur, notre somnolence et notre manque de vivacité d'esprit ne nous empêchent pas de percevoir la voix du Seigneur. Quand on veille, on lutte contre le sommeil afin d'avoir du temps pour le Seigneur et de renoncer par là à une part de notre bien-être (Sur Mc 13,33. Cf. Saint Marc 605).

2 - Veillez car vous ne savez pas quand ce sera le moment. Nous ne connaissons pas l'heure de notre mort, ni l'heure de notre maladie, de notre défaillance. Il est important que tout événement nous trouve dans la veille et la prière, tels que nous devons être : prêts. Notre temps doit de moins en moins nous appartenir pour devenir de plus en plus le temps de Dieu. Nous voulons prier Dieu de nous permettre d'attendre dans la veille et la prière son moment afin qu'à l'heure où il a besoin de nous, il nous trouve disponibles aussi parfaitement que possible (Sur Mc 13,33. Cf. Ibid. 606-607).

3 - Il en sera comme d'un homme parti en voyage. Le maître de maison distribue le travail pour le temps de son absence. Chacun de nous reçoit le sien. Le Seigneur connaît très bien l'état de sa maison, de son Église. Il sait aussi ce qui peut être demandé à chacun. Il voit en chacun de nous des personnes chargées d'un mandat. Il exige de nous, ses serviteurs, la vigilance.Nous devons rester dans son esprit et remplir son mandat dans son esprit ( Sur Mc 13,34. Cf. Ibid. 607-608).

4 – L'année liturgique commence par l'exhortation de l'évangile : "Veillez", car on ne sait pas quand le Seigneur viendra. Noël est fixé, mais pas la venue du Seigneur dans notre vie et notre mort, dans la vie et la fin de l'Eglise. Nous avons "tout pouvoir" sur les biens de Dieu sur terre, à chacun est fixée sa tâche. Le travail confié doit être accompli, il ne s'agit pas de mes propres biens, mais de ceux du Seigneur. Quoi que nous fassions, que ce soit un travail spirituel ou un travail temporel, nous ne travaillons pas pour nous, mais pour lui : nous ne bâtissons pas notre royaume, mais le sien (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaires des lectures dominicales. Année B, 7).

5 Que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ (1 Co 1,3). Grâce et paix se font face : la grâce, c'est ce que Dieu donne ; la paix, c'est l'effet produit chez celui qui reçoit la grâce. La paix est portée par l'accueil de la grâce. "Avec vous" : c'est-à-dire la communauté à laquelle la parole est adressée, ainsi que tous ceux qui reçoivent copie de l'épître, sachant que Paul agit pour tous comme intermédiaire et que tout ce qui est dit vient de Dieu. Paul ne donne rien de personnel, rien en son nom ; il est mandaté au nom de Dieu. Cela fait partie de son service que de donner. L'épître apparaît ici comme une introduction à la nature des sacrements que le prêtre administre, mais que Dieu donne. Paul exerce une sorte de fonction sacramentelle en administrant paix et grâce, mais de par Dieu, notre Père, qui donne efficacement ces dons. Devant ce donateur véritable, Paul rentre dans le rang de tous les autres pour qui Dieu est Père. Tous sont à égale distance du Père. Le Père n'est pas plus le Père de Paul que du catéchumène qui balbutie son nom pour la première fois. Il est Père sans réserve pour tous ceux qui tendent vers lui. Et le Père n'est pas seul, il est avec son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, sans lequel les hommes n'auraient jamais eu part à la grâce, à la paix, aux sacrements (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,14-15).

 

1er dimanche de l'Avent C (Jr 33,14-16 ; 1 Th 3,12-4,2 ; Lc 21,25-28.34-36)

1Veillez et priez en tout temps. L'année liturgique commence dans l'évangile par un regard anticipé sur le retour du Christ. Ce que nous considérons comme un grand intervalle entre Noël et le jugement dernier n'est rien d'autre que le temps qui nous est laissé pour la décision. Noël n'est pas une fête de la gentillesse mais de l'impuissance de l'amour de Dieu, qui ne manifestera qu'à travers la mort sa toute-puissance. Pour le temps où nous sommes mis à l'épreuve, s'impose un "Veillez et priez" permanent. Il s’ensuit que la vie chrétienne sera une vie dans l'attente du Seigneur qui vient. (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 9-10).

 

2e dimanche de l'Avent A (Is 11,1-10; Rm 15,4-9; Mt 3,1-12)

1Lui vous baptisera dans l'Esprit et dans le feu. Le feu qu'est Dieu lui-même, le feu de l'amour divin, qu'il vient jeter sur la terre, qui chasse tout égoïsme des âmes en le consumant, le feu de l'amour qui sera en même temps le feu du jugement pour ceux qui ne veulent pas aimer, qui sont de la paille. "Dieu est un feu dévorant" ; qui ne veut pas brûler dans son brasier d'amour brûlera éternellement dans ce brasier-là. L'amour est bien plus que la morale des pharisiens. La morale qui ne s'achève pas dans le feu de l'amour de l’Esprit Saint ne résistera pas à celui qui nettoie son aire avec la pelle à vanner (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 11-12).

2 – Nous prenons de la nourriture pour garder nos corps en vie. On ne sait pas ce que devient la nourriture que nous avons mangée, elle favorise invisiblement la vie de notre corps. De même pour l’âme, il y a des choses qui la nourrissent invisiblement. Par exemple les sacrements, par exemple la parole de Dieu et toute parole ou tout écrit qui stimule l’âme, le cœur et l’esprit (NB 6,496).

3 – La colère d’une mère aussi est au service de son amour, comme la colère de Dieu (Sur Is 65,2. Isaias 24). 

 

2e dimanche de l'Avent B (Is40,1-5.9-11; 2 P 3,8-14; Mc 1,1-8)

1 - Aplanissez ses sentiers. C'est-à-dire rendez le chemin du Seigneur plus facile, prêtez main forte pour égaliser ce qui est raboteux, anguleux, tortueux. Non pas que le Seigneur ne puisse le faire lui-même, mais il tient à recevoir l'aide de tous. Jean, avec sa grande mission, avec son importance et sa sainteté particulières, le proclame : tous sont appelés à apporter leur concours pour aplanir la route. La tâche ne paraît pas trop grande pour un seul homme si les volontaires affluent pour apporter leur contribution. Ce que nous avons précisément à méditer, c'est ce petit travail, insignifiant, quotidien, qui est demandé sans rien présenter de remarquable ni de sensationnel. C'est ce qui paraît extérieurement sans signification et qui a pourtant une signification parfaite parce que cela se fait au service du Seigneur. Sur le chemin du Seigneur, même l'insignifiant a, aussitôt et de manière durable, du sens (Sur Mc 1, 3. Saint Marc 16-17).

2 - Contempler cette grande foule d'hommes, de femmes, d'enfants... Une foule bigarrée. Et pourtant tous unis dans une commune procession. Une attente commune les habite. Ils veulent quitter leur vie ancienne et en commencer une nouvelle. Prier pour qu'une telle démarche puisse se produire aujourd'hui encore, prier pour ceux de qui nous attendons cette démarche et pour ceux de qui nous ne l'attendons pas (Sur Mc 1,5. Cf. Ibid. 19).

3 - Jean-Baptiste prêchait. Dans les différentes missions, Dieu lui-même se charge de les rendre réalisables. Jean-Baptiste prêche avant que Jésus ne le fasse. Il accomplit son travail dans le temps de l'attente du Seigneur. Il ne le voit pas encore, il ne peut pas contempler ses miracles, ni ne sait ce que le Seigneur proclamera et enseignera. Pourtant, c'est sa mission de prêcher à l'intérieur d'un devenir qu'il ne saisit pas dans son ensemble. Il se laisse placer à un endroit qu'il ne choisit pas. Il consent à proclamer quelque chose avant d'en avoir la moindre preuve. Entre la mission du Baptiste et la nôtre, il peut y avoir des points de comparaison (Sur Mc 1,7. Cf. Ibid. 22).

4 – La deuxième lecture nous dit que nous n'avons aucune vue d'ensemble du plan de Dieu. A travers tous les siècles, on a prédit le jour de la venue de Dieu, et jamais il n'est arrivé. Cela vient de ce que le temps de Dieu est tout autre que le nôtre : "Mille ans sont devant lui comme un jour". C'est ainsi qu'on parle d'un ton supérieur et sarcastique de "retard", de naïve attente de la fin. Mais le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de ce qu'il a promis. Sans cesse il est en train de venir et, comme un pêcheur, il traîne le filet géant de l’histoire du monde jusqu'au rivage. Que la fin du monde, vue d'une manière purement terrestre, doive être catastrophique, cela ne trouble pas le plan de Dieu, ni la confiance des chrétiens. Ceux-ci doivent simplement se donner de la peine pour "être trouvés sans tache et en paix" au retour à la maison. C'est cette paix que prépare l'Avent. (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 10).

5 – Puisque le jour du Seigneur viendra comme un voleur, tout calcul préalable est vain, et davantage encore toute préparation à ce jour. Il faut laisser le jour du Seigneur au Seigneur ; c'est son jour ; et sa venue est en lui, pas en nous. Le Seigneur a la liberté divine de venir quand bon lui semble. Ceci doit nous être voilé, afin que nous ne soyons pas freinés par la venue du jour, que nous ne persévérions pas uniquement dans l'attente de sa venue en laissant et en oubliant tout le reste. Nous devons nous laisser surprendre. Voici justement ce que le seigneur attend de nous : foi, amour, espérance. Ils ont été donnés sans calcul, nous devons en vivre sans calcul. La vigilance qui nous est ordonnée est le contraire de tout calcul (Cf. L'avènement du Seigneur 104).

6La Bonne Nouvelle, l’Évangile. En contact avec l’Évangile, celui qui prie apprend que les apôtres qu’il vénèrent, les disciples et les croyants qu’il rencontre ont également pris une décision de vie dans leur foi. Madeleine, par exemple, ne pèche plus et on la trouve plus tard parmi les femmes au pied de la croix. Dans la rencontre avec le Seigneur, tous ont reçu le don d’un nouveau sens de leur vie et, avec ce sens, ils ne sont pas revenus à ce qui leur était personnel, pour le faire valoir à leur idée, mais ils l’ont réalisé à l’imitation du Seigneur. La rencontre avec le Seigneur – et pour le chrétien elle se produit avant tout dans la prière – a signifié pour eux quelque chose qui a changé complètement leur vie, et pas seulement leur vie intérieure cachée, mais aussi leur vie extérieure qui a été réordonnée (Le monde de la prière 127).

7 -  Lorsque le Créateur se promène dans le paradis, il ne sépare pas de son éternité ; il donne à l’homme, de la manière qui lui plaît, le sentiment de la présence de l’éternité. Il dote l’homme de sens capables de percevoir sa voix et ses pas dans le jardin. Et quand le péché émousse cet instinct de la présence de Dieu, l’efface jusqu’à rendre possible une négation de Dieu, la durée éternelle reste inaltérée. Dieu vit invariablement en elle ; le pécheur ne peut en aucune manière le chasser de son temps. Le temps de Dieu appartient à Dieu. Avec le péché, l’écart entre Dieu et l’homme devint béant, l’homme se cacha lui-même de Dieu, il chercha à se couvrir de feuilles. Mais Dieu ne permit pas cet échappatoire ; il alla chercher l’homme dans sa cachette. Telles est désormais l’histoire entre Dieu et l’homme : chaque nouvelle tentative de l’homme pour se cacher de Dieu se voit devancée par la présence de Dieu qui le trouve (Cf. Les portes de la vie éternelle 90-91).

8 – Confesser un péché, c’est demander au Seigneur l’assurance qu’il le connaît et qu’il l'a bien jeté en enfer (NB 3,123-124).

9 – La patience traduit dans la vie quotidienne le don de soi à Dieu dans la foi. Patience pour soi, pour la communauté, pour l’Église qui n’est peut-être plus l’Église qui vient de naître des mains du Seigneur. Patience avec notre Église telle qu’elle est : divisée en sectes et en tendances, et cependant avec sa prétention à une valeur catholique absolue. L’accomplissement d’aujourd’hui ne correspond peut-être pas à ce qu’on aurait attendu. Le chrétien se trouve situé entre la patience et l’impatience. Impossible pour le chrétien de se reposer sur une patience qui lui serait donnée une fois pour toutes (Sur Jc 1,12. Die katholischen Briefe I,51-52).

 

2e dimanche de l'Avent C (Ba 5,1-9; Ph 1,4-6.8-11; Lc 3,1-6)

1 - L'évangile nous donne des indications historiques et temporelles détaillées sur le moment où l'événement décisif du salut a commencé. La véritable gloire annoncée à Jérusalem dans la première lecture est la venue du Christ proclamée par Jean-Baptiste. Pourtant cette gloire ne sera pas une splendeur terrestre mais ce que l’évangile de Jean désignera comme la gloire visible aux yeux du croyant : la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Celui-ci finalement est la route droite - "Je suis le Chemin" – sur laquelle Dieu vient à nous. Avec la venue de Jésus, nous ne sommes pas simplement au but. Aucun chrétien ne doit se mettre au repos prématurément. Le chemin à préparer, qui fut annoncé par jean-Baptiste, est maintenant devenu le "Chemin" que le Seigneur est lui-même, le Seigneur qui est prêt à nous emporter avec lui (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 11-12).

2Je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous feront discerner ce qui est plus important (Ph 1,10). La connaissance que Paul demande est une connaissance pratique. Elle est bien connaissance de Dieu et des choses de Dieu, mais elle doit permettre aux hommes de discerner le meilleur. La connaissance de Dieu doit devenir la connaissance du chemin propre à chacun, celui qui est demandé par Dieu. Dans cette connaissance il n'y a aucune perte de soi-même dans les mystères toujours plus profonds de Dieu, aucune volonté prématurée de pénétrer ce qu'il dissimule encore ; elle doit plutôt être une connaissance de la mission, qui dégage l'essentiel de ce qui est voulu par Dieu. Plus l'homme vit proche de Dieu, plus il est capable, par la grâce de Dieu, de discerner les chemins que Dieu lui propose (Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 14).

3 – L’amour est vraiment toujours inquiet. Même l’amour brûlant entre deux personnes est toujours inquiet. On pense que cette inquiétude pourra cesser plus tard, que viendra un temps où l’amour sera grand et paisible et que le feu deviendra lumière. Cela existe certes, mais seulement avec une sorte d’accoutumance. Mais dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain qui vient de Dieu, il n’y a jamais une telle accoutumance. C’est pourquoi il reste toujours inquiet et brûlant (NB 8,376).

4 – Quiconque se met en marche vers l’Église possède déjà un soupçon (au moins) de foi, d’amour et d’espérance (Sur 2 Jn 1. Die Johannesbriefe 255-256).

 

3e dimanche de l'Avent A (Is 35,1-6.10; Jc 5,7-10 ; Mt 11,2-11)

1Es-tu celui qui doit venir ? Cela fait partie du martyre futur de Jean-Baptiste qu’il doive, dans sa prison, traverser cette obscurité qui lui est imposée par Dieu. Il attendait un homme puissant, baptisant dans l'Esprit et le feu. Et voici que vient cet homme doux qui n'éteint pas la flamme vacillante. Jésus calme son inquiétude en lui montrant que la prophétie s'accomplit en lui : en miracles discrets qui activent en même temps la foi confiante : "Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute". Le désert (de la première lecture) est le monde que Dieu n'a pas encore visité, mais maintenant Dieu vient. L'homme est aveugle, sourd, boiteux, muet, tant que Dieu ne l'a pas visité, mais maintenant les sens s'ouvrent et les membres se délient. Ceux qui s'étaient détournés du Dieu vivant sont libérés de la mort spirituelle, ils renaissent à la vraie vie. On n'est pas ici dans la magie. La venue du Seigneur est proche, mais il ne faut rien précipiter artificiellement ; il faut laisser venir sur soi dans la foi tout ce qui est disposé par Dieu. Savoir que le Juge se tient aux portes ne nous autorise pas à ouvrir violemment. Voir la patience de Marie dans son Avent. La femme enceinte ne peut ni ne doit rien précipiter. L’Église aussi est enceinte, mais quand sera venu pour elle le temps d'enfanter, elle ne le sait pas (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 13-14).

2 – Le croyant agit, il accomplit sa part de l’œuvre que Dieu lui a confiée et il laisse à Dieu la part qui lui revient. Le croyant voit les fruits mûrs, il n’en voit qu’une partie, il n’a pas besoin de tout savoir, il laisse à Dieu le soin de ce qu’il ne connaît pas (Sur Jc 5,7. Die katholischen briefe I,220-221). 

 

3e dimanche de l'Avent B (Is 61,1-2.10-11; 1 Th 5,16-24; Jn 1,6-8.19-28)

1 - Le témoin prédestiné reçoit de Dieu une mission précise, directe et personnelle. Et une partie de celle-ci consiste déjà à mener l'existence du témoin particulier qui met toute sa vie personnelle au service de son témoignage. Il s'engage devant Dieu à se sacrifier sans partage à sa mission. Et il le fait avant même d'en connaître l'objet, objet qu'il ne connaîtra d'ailleurs jamais définitivement. Il doit plutôt jour après jour se montrer attentif, car il se peut toujours  que subitement et sans raison apparente, cet objet varie, suive un cours différent, se transforme peut-être en son contraire. Même au cours de sa réalisation, le véritable contenu de la mission échappe au témoin, et il en a encore bien moins le contrôle. Il doit constamment être prêt à tout. Il n'a aucun repos dans la mission, car celle-ci jaillit du plus vivant en Dieu (Sur Jn 1,6-8. Jean. Le Verbe se fait chair I,80).

2 - Tant que le Seigneur n'est pas venu (de sa deuxième venue, glorieuse), nous vivons dans un état de pauvreté fondamentale, mais celle-ci porte déjà en elle des signes de la plénitude débordante qui vient. Nous qui n'avons pas encore vu Dieu, nous vivons pourtant de lui parce que lui nous voit, et nous vivons dans l'espérance de le voir un jour comme il nous voit (Sur 1 Co 1,7. Cf. Première épître aux Corinthiens I,20).

3 - Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas. Jean-Baptiste sait déjà qu'ils ne comprendront pas.Il essaie de les faire avancer d'un pas. Il ne décrit pas cet inconnu. Qu'il vienne après Jean signifie aux yeux des Pharisiens qu'il a moins d’importance que celui qui le précède. Jean aurait pu dire : je ne suis pas digne de lui être comparé. Mais il ne parle que des courroies de ses sandales. Il sait qu'aucune description de l’ami ne saurait le faire connaître, si celui à qui on le décrit n'a pas l'amour. C'est pourquoi il révèle l'ami tout en le protégeant. Toutefois il le révèle, se tenant lui-même à distance parfaite du Seigneur, ne se vantant nullement de son intimité avec lui. De même l’œuvre de l'Eglise contient bien des révélations qui ne s'expriment pas en paroles (Sur Jn 1,26-28. Cf. Jean. Le Verbe se fait chair II,10-11).

4 – Nous attendons Dieu non pas dans la crainte et le tremblement, mais dans la joie. Puisque Dieu a répandu son Esprit Saint dans nos cœurs, celui-ci peut nous transformer de l'intérieur. Le Dieu qui nous a créés n'est pas loin de notre fond le plus intime, ni étranger à lui ; il détient la clef de notre profondeur la plus secrète ; nous ne remarquerons peut-être qu'avec le temps qu'il est depuis longtemps à l’œuvre en nous (Cf. HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 11).

5 – Jean-Baptiste atteste la lumière, il ne se prend pas lui-même pour la lumière. Plus un homme se rapproche de Dieu pour témoigner en sa faveur, plus il voit clairement la distance qui sépare Dieu de la créature. Plus il abandonne à Dieu tout l'espace en lui, plus il devient un simple instrument de Dieu, "une voix qui crie dans le désert". Jésus placera un jour Jean-Baptiste au-dessus de tous les prophètes; Jean-Baptiste, lui, se sent indigne de défaire la courroie de sa sandale. Saint Augustin disait: "Tu peux m'appeler ami, je me déclare serviteur" (Cf. Ibid. 12).

6Priez sans relâche. L’homme prie, il bredouille quelques paroles. Peut-être sait-il exactement ce qu’il veut et l’exprime-t-il de manière abrupte et vigoureuse. Peut-être se sent-il si petit et indigne devant la majesté de Dieu qu’il ne sait pas dire ce qui remplit son cœur, qu’il a recours aux prières composées par l’Église, en balbutie une ou la récite de toute son énergie. Peut-être prie-t-il par devoir et sent-il par après libéré d’une obligation. Peut-être prie-t-il comme il fait un beau travail, avec la crainte de changer quoi que ce soit aux paroles, avec le sentiment qu’il doit maintenir ses demandes invariablement toute sa vie durant. Peut-être s’est-il mis plusieurs fois à prier et n’en est pas plus avancé, saisi qu’il est finalement par son indignité et son incapacité, à tel point qu’il ne prononce rien d’autre que des oraisons jaculatoires ou un soupir : « Tu vois bien comment je suis, tu sais bien ce dont j’ai besoin... » Ou bien est-il frappé d’une telle grâce qu’il bredouille son merci et s’offre comme il peut. Toutes ces prières et bien d’autres encore forment ensemble un image bigarrée. Cependant toutes ces prières forment ensemble une seule réalité aux yeux de Dieu et qui, dans la prière de l’Église, s’agrège pour former une unité (L’expérience de la prière 53-54).

7 – Il y a des moments où l’on prie sans effort, où des pensées du monde l’on revient facilement à la prière, où l’on s’éveille en priant, où l’en s’endort en priant parce que, entre les conversations qu’on a avec les hommes, l’a prière s’établit d’elle-même comme l’air ambiant. Sans que l’on fasse quoi que ce soit pour qu’il en soit ainsi… Elle est là, tout simplement. Il suffit de se trouver là où elle est. La prière est comme un livre ouvert dont on reprend la lecture après une interruption ; point n’est besoin de signet, il n’y faut aucun effort. Pas plus qu’on ne remarque comment l’air remplit à nouveau la place qu’occupait un visiteur, un instant plus tôt, on ne réfléchit pas au geste que l’on fait pour reprendre la prière (Ibid. 124).

8Priez sans relâche. Là où l’homme, cherchant vraiment Dieu, demeure près de lui, l’adore en le connaissant, là son âme trouve la quiétude (En Dieu seul est le repos pour âme Ps 62,2). Tout mouvement vers Dieu, ainsi que tout mouvement de Dieu vers l’homme, se fait dans le repos ; c’est un mouvement dans la quiétude, laquelle signifie pour l’homme adoration, mise au repos de son désir, de sa volonté, de sa recherche. Sa recherche se révèle une volonté d’être trouvé par Dieu. L’âme ainsi se retrouve là où elle a sa place : dans la quiétude de Dieu . C’est le plus haut état de la prière, c’est être pris en charge par lui. De Dieu vient le secours (Ps 62) : et c’est précisément ce dont l’âme a besoin et qui est la quiétude de Dieu. Dans ce secours, l’homme trouve une aide pour toute nécessité. Dieu est une assurance puissante et un dernier refuge (Cf. Dix-huit psaumes 155-156).

9 – Le saint est celui qui, sérieusement, ne vit qu’en Dieu, qui n’aspire qu’à Dieu, qui, dans tout ce qu’il fait, cherche Dieu et s’efforce de se tenir devant lui. Il sait que, par sa propre force, il ne peut rien ; c’est pourquoi il voudrait tout faire par la force de Dieu, de sorte qu’il ne fasse rien d’autre que ce que veut Dieu et ne réclame rien de plus et rien de moins que la force de Dieu, que ce que Dieu veut lui donner. Son désir de vivre uniquement de la force de Dieu ne l’amène pas à réclamer cette force exagérément et de façon indiscrète ; il a l’humilité de ne vouloir demander que ce que Dieu veut lui accorder. Dans sa prière, il cherche à comprendre de Dieu tout ce que Dieu veut lui montrer (Le monde de la prière 195).

10 – Toute prière humaine, même la plus connue, la plus récitée, même le Notre Père, renferme chaque fois la possibilité d’être parfaitement nouvelle. Dieu peut partir de très loin avec celui qui prie et faire que tout débouche subitement au centre. Ainsi, un chrétien peut aimer une prière particulière et c’est tout à fait en ordre s’il sait, au moins, qu’à partir de là, il doit chercher et trouver le tout et, de n’importe quel autre chemin particulier, on peut également trouver le centre. La "petite voie" de sainte Thérèse est particulièrement féconde ici, parce qu’elle part de n’importe quelle particularité, de choses qui paraissent presque sans valeur et, pourtant, renferment tout pour celui qui aime ; rien n’est superficiel parce que tout renvoie à la profondeur (Ibid. 220).

11Priez sans relâche. Prière du soir. Tes fidèles, Seigneur, voient la nuit qui descend ; ils ont achevé leur journée de travail, donne-leur le repos. Un repos qui vienne de toi, un repos qui leur ôte le fardeau du jour, les soucis et l’angoisse, et les rende frais et dispos. Donne-leur de bonnes pensées et une prière féconde. Fais-leur sentir que tu es proche, fais-leur sentir que tu es bon. Laisse-les s’endormir en pensant à toi. Et quand ils se réveilleront, qu’ils sachent que tu étais auprès d’eux, que tu ne vas pas les abandonner, mais les aider. Reste auprès de ceux qui dorment, et de ceux qui ne peuvent pas dormir ; et s’ils ne peuvent pas dormir parce que les soucis les tourmentent, allège leurs soucis. Et s’ils ne dorment pas parce qu’ils souffrent, montre-leur le sens que tu as donné toi-même à la souffrance, afin qu’ils sentent ta présence à travers les douleurs qu’ils ont à endurer. Et ceux qui meurent en cette nuit, accueille-les avec miséricorde, oublie leurs péchés, offre-leur une vie nouvelle, une vie qui n’a pas de fin. Et laisse l’Esprit Saint souffler à travers le monde, pour qu’il se convertisse et que tu puisses ramener au Père sa création rachetée et achevée. Amen (Cf. Sur la terre comme au ciel 18-20).

12 – La prière, c’est, dans la foi, un échange vivant entre Dieu et l’homme. Dieu est toujours disponible, toute prière le trouve toujours disponible. Celui qui prie sait que cette disponibilité existe, que le royaume de la prière reste continuellement ouvert. L’homme peut refuser la prière comme il peut refuser la nourriture. L’âme sans la prière qui lui procure le pain de Dieu est pareille au corps qui meurt faute d’aliments. Dieu ne claque jamais la porte au nez de celui qui frappe. Celui qui possède une maison paternelle mais n’y va jamais ne peut prétendre être orphelin (HUvB, AvS et sa mission théologique 286).

13 - Il ne faut pas penser que toute prière doive aller jusqu’à son terme (ce qui ne doit pas être une invitation à la négligence). Un père tient tient dans ses bras son fils tout petit ; il prie avec lui et, pendant qu’il prie, l’enfant s’endort ; le père ne va pas réveiller l’enfant, il va même trouver qu’il est beau de pouvoir s’endormir en priant, avec sa dernière pensée pour Dieu (NB 10,2051).

14 – Le Seigneur eucharistique serait plus pauvre si nous ne recevions pas son eucharistie. L’Église aussi serait plus pauvre si ne s’éveillaient en elle des prières qui ne s’arrêtent pas à des demandes ponctuelles et à leur exaucement, mais vont à Dieu bien au-delà (comme le fait toute vraie prière) et retournent avec leur surplus dans le trésor du Seigneur et de l’Eglise (Kostet und seht 184-185).

15 – La même prière répétée à l’infini ne devient jamais ennuyeuse parce qu’elle est un entretien avec Dieu qui ne pourra jamais ennuyer et dont la parole est toujours neuve, même quand elle résonne de façon tout à fait pareille. Celui qui prie ne perd jamais son temps (HUvB, AvS et sa mission théologique 385).

 

3e dimanche de l'Avent C (So 3,14-18; Ph 4,4-7; Lc 3,10-18)

1 – L'Evangile décrit l'enseignement du Baptiste à ceux qui veulent commencer une vie nouvelle. Dans les réponses que Jean donne à ceux qui sont disposés à la pénitence, il se manifeste que le commandement radical de l'amour de Jésus était déjà parfaitement préparé dans l'ancienne Alliance et pouvait même apparaître clairement à toute conscience non pervertie. Le Messie à venir apporte un tout autre moyen de purification : l'Esprit Saint, qui nous montrera nos péchés à partir de Dieu, et qui peut les consumer avec son feu. Pour le croyant, l'Avent n'est pas un temps d'hésitation entre la crainte et l'espoir, car la venue annoncée du Seigneur est certaine. La fête commencera avec certitude. De nous, il est seulement demandé que nous ne laissions pas nos mains défaillir dans l'incroyance ou la méfiance, nous demandant si Dieu tiendra sa promesse. La deuxième lecture va jusqu'à l'interdiction de se faire du souci pour quoi que ce soit. Il est interdit de penser que notre espérance pourrait être vaine. Mais le regard anticipé et joyeux sur la venue prochaine du Seigneur exige aussi que cette joie soit vérifiée dans l'amour fraternel de la communauté dont la bon,té doit être reconnue aussi des non-chrétiens (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 13-14).

2Soyez toujours dans la joie du Seigneur (Ph 4,4). C'est une joie qui fait tout éclater parce qu'elle est divine ; elle provient de Dieu et retourne à Dieu. C'est la joie du Fils qui vit toute sa mission pour le Père, c'est la joie du Père qui peut confier sa mission au Fils, c'est la joie de l'Esprit qui procède du Père et du Fils pour se communiquer à eux dans l'amour et qui comble aussi les hommes. Paul possède cette joie, mais comme quelque chose qui doit le traverser pour être communiqué aux autres, pour offrir aux autres la certitude de son authenticité. La joie qui est authentique dans le Seigneur, rien ne doit pouvoir l'interrompre. Elle est comme un cadeau qui s'ajoute à la foi, un nouveau lien avec Dieu, encourageant et renforçant la mission (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 131-132).

3 - Le Fils de Dieu doit apprendre à l’humanité à "danser" devant le Père (NB 11,19).

4 – Marcher dans le Seigneur, c’est adapter notre vie à lui, d’où le sacrifice du renoncement à ce qui nous est propre et, avec le temps, joie aussi pour ce renoncement. La joie devient la tonalité de toute la vie, même la souffrance y est incluse. Les petites décisions de la vie de tous les jours sont marquées et transformées par cette joie. On renonce volontiers, joyeusement, si cela correspond au Seigneur. Tout le travail devient service, tout le service devient marcher avec Dieu (Sur 1 J 2,7. Die Johannesbriefe 44).

 

4e dimanche de l'Avent A (Is 7,10-16; Rm 1,1-7; Mt 1,18-24)

1 - La Mère sait comment accueillir les mystères de Dieu. Ce n'est que dans la distance d'un profond respect, de l'adoration, de la révérence aimante et en leur offrant un abri qu'il est possible de voir les choses de Dieu. On ne peut pas, comme quelqu'un fait de l'histoire ou de la science, se les approprier sans préparation. L'air des mystères célestes leur est tellement inhérent qu'ils ne sont perceptibles que dans une atmosphère de prière et de contemplation. Or la Mère, par son silence et sa méditation, crée cette atmosphère qui seule nous permet de recevoir avec fruit les mystères du Seigneur... - C'est pourquoi les chrétiens ne trouvent le véritable accès au monde intérieur du Fils que dans ce silence effacé du cœur de Marie. Les prières mariales : neuvaines, litanies, rosaire, sont précisément des prières qui appellent et créent le calme, la distance et le temps. Toutes, elles exercent à la contemplation de la Mère qui conduit à celle du Fils (La Servante du Seigneur, éd. 1989, 93-94).

2 - En face de Dieu, elle oublie toute prudence parce que l'immensité des plans divins s'ouvrent devant ses yeux. Non seulement elle veut ce que Dieu veut, mais elle lui confie encore son oui pour qu'il en dispose, le façonne et le transforme. En disant oui, elle n'a aucun souhait, aucune préférence, aucun désir dont il faudrait tenir compte. Elle ne passe pas de contrat avec Dieu; elle souhaite seulement être acceptée dans la grâce, comme elle a été désirée dans la grâce. Dieu seul doit administrer son oui.- Si c'est Dieu qui se penche vers elle, sa réponse ne peut être qu'abandon dans une obéissance aveugle. Elle ignore tout calcul, toute garantie, ne manifeste pas la moindre réserve; elle ne sait qu'une chose : son rôle est celui de la servante qui, humblement, prend tellement la dernière place qu'elle préfère toujours ce qui lui est offert, ne cherche jamais à provoquer elle-même quoi que ce soit, ne prépare ni ne dirige la volonté et les désirs de Dieu (Ibid. 11-12).

3 – Voici enfin Marie dans l'évangile, Marie, porte par laquelle Dieu veut entrer dans le monde. Elle se trouva enceinte avant même d'avoir habité avec l'homme à qui elle avait été accordée en mariage. Elle est le vase du silence, ce n'est pas à elle de percer l'événement sans paroles qui s'est passé entre elle et l'Esprit Saint. Joseph, dans la maison duquel elle n'habite pas encore, le remarque. Comment d'autres ne l'auraient-ils pas remarqué aussi ? Inévitablement on bavarde à son sujet : mais elle ne veut et ne peut rien faire pour qu'on se taise. Les gens, note l’évangile, seront unanimes à considérer l'enfant comme celui de Joseph. Mais il y a quelque chose d’étrange avec cet enfant. Dieu a le temps : c'est des dizaines d'années plus tard que les évangiles jetteront la lumière sur le mystère. Joseph tout d'abord n'est pas éclairé lui non plus ; il est profondément troublé ; comment pourrait-il concevoir l'idée que dans sa fiancée c'est Dieu lui-même qui vient ? Au silence de Marie correspond son plan de la renvoyer en silence. Mais en agissant ainsi, il la livrerait pourtant à l'infamie. C'est assez tard qu'il est éclairé et invité à prendre Marie chez lui. Dieu a le temps (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 15).

4 - Sans s’être jamais douté de rien, Joseph s’aperçoit que sa fiancée est enceinte. Et il ne peut faire autrement que de douter. Il ne soupçonne pas Marie. Il a simplement découvert que sa fiancée attend un enfant. Sa connaissance des faits est purement objective : il y a là une fiancée qui attend un enfant. Il ne songe pas à se fâcher contre elle. Il ne permet pas à ses propres pensées d’aller jusqu’au bout, jusqu’à la conclusion apparemment inévitable. La Mère, elle, se tait car ce secret qu’elle détient, elle le partage directement avec Dieu. Elle comprend que c’est un secret de l’Église naissante tout entière et qu’elle ne peut donc en disposer. Il n’y a en lui, tel qu’il est maintenant, rien qui soit propre à être communiqué à Joseph. A la synagogue on ne l’aurait pas crue si elle s’était donnée pour la mère du Messie. Marie donne naissance à l’Église en enfantant le Fils. Elle ne sera reçue de l’Église qu’une fois que tout aura été accompli dans le silence. Son secret est donc incommunicable ; elle se tait et son silence croît avec l’enfant (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 76-77).

5 – Le prêtre. Beaucoup de mots sont mis sur ses lèvres par l’Église : pour la messe, pour le bréviaire, pour les sacrements ; pour d’autres mots, il doit dire ceux que l’Esprit Saint lui inspire, des mots qu’au fond l’Esprit invente pour lui, et le prêtre ne doit pas s’en défendre. Il n’est pas seulement un serviteur de l’Église ; par son don de lui-même à Dieu, par son oui au service sacerdotal néotestamentaire, il est devenu un serviteur personnel de Dieu. Il est obligé vis-à-vis de Dieu tout autant que vis-à-vis de l’Église. Aussi doit-il garder toujours éveillée sa joie dans la foi, l’espérance et l’amour pour recevoir l’Esprit comme un croyant vivant, comme un espérant vivant, comme un aimant vivant, et être transparent à Dieu et aux hommes ; il doit avoir renoncé totalement à lui-même pour vivre à la suite du Christ véritablement et sans partage, le Christ qui s’est livré à Dieu et au monde dans son obéissance humano-divine et sa prière incessante. Comme le Fils a pris l’Esprit comme règle, il doit aussi reconnaître le Fils et l’Esprit comme règle de son existence pour qu’en accomplissant ainsi la volonté du Père, il transmette à la communauté la parole et la bénédiction de Dieu (NB 6,492).

 

4e dimanche de l'Avent B (2 S 7,1-5.8-11.16; Rm 16,25-27; Lc 1,26-38)

1 - La femme enceinte sait qu'elle ne peut décider elle-même de l'heure de la naissance. Il y a en elle une loi qui la régit et à laquelle elle ne peut échapper. Marie n'est pas seulement soumise à cette loi de la vie qui vient, elle est aussi soumise à la loi divine. Elle doit se tenir sans cesse disponible avec son esprit tout entier comme avec son corps; elle doit toujours prêter attention à ce que son Fils lui inspire; après la naissance aussi elle sera toujours prête à accueillir le nouveau à l'heure même qui lui conviendra à lui (NB 6,148).

2 - Plus un homme est pur, plus il est proche des anges. Avant que Marie voie l'ange, elle vivait sans le savoir dans une très grande proximité des anges... Absence du péché et pureté rayonnante (NB 6,43).

3 – La jeune fille, accordée en mariage à un homme de la maison de David, est choisie par Dieu pour être un temple sans pareil. Son Fils, porté par l'Esprit dans son sein, établira sa demeure en elle, et tout son être servira à l'édification de son Fils en un homme achevé. Le travail de Dieu ne commence pas seulement au moment de l'Annonciation, mais dès le premier moment de l'existence de Marie. Par son immaculée conception, Dieu a commencé à œuvrer à son temple : c'est seulement parce qu'il la rend capable de dire un oui sans réserve qu'il peut y établir sa demeure. Jamais le Fils n'oubliera ce qu'il doit à la sainte demeure qu'est sa mère. La maternité de Marie est tellement impérissable que, de la croix, il la désignera comme la mère de son Église. Le temple que Dieu construit ne s'achèvera que lorsque toutes les nations auront été amenées à l'obéissance de la foi, c'est ce qu'annonce la fin de l'épître aux Romains. L'évangile ne se limite pas à l’Église, il concerne le monde dans sa totalité (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 13-14).

4L’obéissance de la foi (Rm 16,26). L’obéissance a une portée universelle, car l’obéissance du Christ et son œuvre rédemptrice visent le monde tout entier ; c’est celui-ci qu’il faut ramener au Père. Ainsi aucun acte d’obéissance envers le Fils n’est-il perdu, le Fils les rassemble tous et leur confère la plénitude de leur portée véritable. Si tout est créé en vue de lui, tout acte d’obéissance dans le monde est orienté vers le sens trinitaire caché de l’obéissance. Celui qui est appelé à obéir est invité par le Fils à partager son intimité avec le Père et l’Esprit. Si un chrétien de longue date devait raconter sa vie dans le Seigneur, il décrirait certainement (même s’il ne le faisait pas explicitement) une voie d’obéissance et on constaterait que chaque fois qu’il s’est passé quelque chose de grand et d’heureux pour lui, ce fut toujours un fruit et un rayonnement de l’obéissance. Il n’y a que le non et le refus qui soient stériles. C’est cela qui écarte la lumière qui aurait éclairé et réchauffé. Chaque oui, par contre, même le plus hésitant, fait entrer une lumière et germer une semence, aujourd’hui ou peut-être bien plus tard, ici ou tout ailleurs. L’obéissance est toujours un acte d’espérance en vue de l’amour, un acte motivé et soutenu par la foi (Le livre de l’obéissance 32).

5 – C’est avant tout dans la prière que Marie ressentait l’ombre de l’Esprit sur elle au début de sa grossesse, sa prière est spécialement adressée au Saint-Esprit. Dans la prière au Saint-Esprit, elle vit la réalité de la croissance de l’Enfant en elle. L’Esprit, durant ce temps, a soin d’elle comme un époux, en lui procurant tout ce qui est nécessaire pour son état. Elle n’a pas à se faire de soucis exagérés, car l’Esprit lui inspirera ce qu’elle aura à faire, la protégera à cause de l’Enfant et fera en sorte qu’elle soit toujours à la hauteur de l’Enfant. Non pas avec le sentiment de suffire à la tâche, mais surtout avec celui de correspondre, qui est donné dans la prière. La grâce, pour elle, pèse toujours plus lourd par rapport à tout ce qu’elle pourrait faire (Cf. Le monde de la prière 91).

6 - Dès l’instant où Marie a dit oui à l’ange, la Mère attend une promesse qui est déjà accomplie. La plénitude est déjà en elle ; le Verbe de Dieu grandit en elle. Elle n’a pas vu l’Esprit qui, en représentant du Père, l’a couverte de son ombre. Elle n’a vu que l’ange qui lui a promis Dieu pour fils. Elle ne peut donc se représenter ce que sera l’enfant qui va naître. Elle ne peut le comparer au Père, comme les autres mères ont coutume de le faire. Elle ne peut pas regarder Joseph pour s’habituer à ce que sera son futur enfant. Personne n’a jamais vu le père de son enfant. Elle sait seulement que ce qu’elle sait du Père s’accomplira dans le Fils, et de façon infiniment plus parfaite que ce qu’elle, sa mère, peut se représenter et attendre (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 89-90).

7 - Après Pâques, l’Esprit Saint est envoyé par le Fils, mais pour l’Avent, c’est l’Esprit Saint qui apporte le Fils dans le monde (Cf. NB 6,404).

8 – L’Esprit Saint a formé la vie du Fils ; si nous le reconnaissons, il doit aussi devenir celui qui façonne notre vie. Confesser Jésus-Christ veut dire acquiescer à l’Esprit Saint (Sur 1 Jn 4,2. Die Johannesbriefe 150). 

9 – Pensée de Marie pendant sa grossesse : "Ce n’est plus moi qui vis, c’est l’Esprit qui vit en moi" (NB 6,122).

10 – Dans son destin de femme, de croyante, qui a dit oui, Marie se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d’elle : être la mère de son Fils (NB 10,2318).

 

4e dimanche de l'Avent C (Mi 5,1-4 ; He 10,5-10 ; Lc 1,39-45)

1 – Comme dernière préparation à Noël, l'évangile d’aujourd’hui raconte le voyage de Marie qui porte son enfant et va chez sa cousine Élisabeth. Ce n'est pas Marie qui fait connaître à celle-ci sa grossesse, mais l'Esprit Saint, qui fait tressaillir de joie l'enfant d'Elisabeth dans son sein. Le Baptiste a été choisi comme le précurseur. Tout l'Ancien Testament est destiné à être le précurseur, mais les hommes de l'ancienne Alliance n'avaient qu'une très pâle représentation de ce qu'ils attendaient comme salut dans l'avenir. Élisabeth, remplie de l'Esprit Saint, peut saluer la femme qui se tient devant elle comme celle qui possède la foi parfaite et en qui Dieu peut mener à son accomplissement sa longue promesse (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 15-16).

2 - Par sa rencontre avec l’ange qui l’avait appelé pleine de grâce, Marie est devenue la médiatrice de la grâce. Où qu’elle passe avec son enfant, la grâce de l’enfant se répand dans le monde à travers elle. C’est l’enfant dans son sein qui lui donne la grâce de susciter la mission de Jean à travers sa mère. Il y a peu d’événements où l’on voie de façon aussi éclatante combien la grâce est toujours débordante et ne s’arrête jamais à un seul homme. De Jésus elle passe à Marie, de Marie à Élisabeth, d’Élisabeth à Jean, pour être déversée en lui plus abondamment que jamais. C’est l’obéissance qui montre, à Marie tout d’abord, comment elle doit administrer la grâce reçue : son obéissance fait qu’elle ne garde rien pour elle, de sorte que la grâce du Fils, passée entre les mains de Marie, n’a rien perdu de sa force ni de sa vigueur… Marie accompagne de sa grossesse le destin de chaque femme enceinte en faisant mûrir le fruit en elle par le fruit béni de ses propres entrailles (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 58-61).

3 – On peut éveiller chez quelqu’un quelque chose qui ne s’éveillera que plus tard. "Tu sais, un jour tu m’as dit ça et ça, et depuis, j’ai commencé une autre vie". C’est une part du mystère de la Visitation : Jean-Baptiste manifeste sa présence dans le sein de sa mère parce que Marie et jésus sont là. L’amour est créateur : il éveille dans les autres des choses pour la vie, des choses qui sommeillaient jusque là (NB 8,82).

4 – Marie qui devient mère. Les mots de sa prière sont comme pauvres, mais elle a le maintien de la reine des cieux et la dignité de celle qui attend. Incroyable dignité de la femme enceinte. Dieu ouvre notre indignité pour nous apprendre à vivre dans son attente et ainsi à devenir dignes. En s’abaissant à devenir celui qui est attendu dans le sein de sa mère, le Fils a donné à l’humanité une qualité nouvelle qui se trouve en toute attente dont Dieu se réserve l’accomplissement et qui peut être appelée alors le fruit de la prière. Car Marie attend ce qui est déjà en elle ; tous ceux qui espèrent chrétiennement attendent ce qui est déjà en eux : la parole de Dieu qui se fait chair, qui s’accomplit salon sa propre promesse (NB 6,119).

5 - Marie se réjouit d'aller voir sa cousine, d'être avec elle, de vivre avec elle dans une nouvelle lumière. Elle voit que sa vie à venir sera toujours plus lumière. Mais cela la chagrine de devoir mener avec son entourage une sorte de double vie. Le grand mystère est en elle, il la remplit d'un bonheur tout à fait supraterrestre. Mais elle ne peut pas demeurer dans sa contemplation de telle sorte que ce bonheur se maintienne sans discontinuer, car Dieu veut qu'elle vive en ce monde au milieu des hommes. La divergence est pour elle si sensible qu'elle l'accable; à certains moments tout lui semble irréel. Élisabeth est pour elle l'image d'une femme raisonnable, paisible, aimable. Elle se réjouit de se confier à elle. Et il lui semble que si elle pouvait parler avec sa cousine, la répartition de la lumière et de l'ombre serait plus juste. Non en ce sens qu'elle voudrait se débarrasser de ce qui est difficile ou être toujours dans la clarté; elle a offert à Dieu sa disponibilité et son don d'elle-même, et elle voudrait y demeurer aussi parfaitement que Dieu le souhaite. Élisabeth, pense-t-elle, pourra la conseiller, ensuite elle verra plus clairement son chemin. Non qu'elle voudrait y voir plus clair que Dieu ne l'a prévu. Elle voudrait seulement tout faire comme il le veut et elle est convaincue que sa rencontre correspondra tout à fait à la volonté de Dieu. Dès qu’Élisabeth aperçoit Marie, elle a une intuition. Marie sait alors qu'elle n'a pas besoin de parler de son secret, de ce qui lui est arrivé dans l'Esprit Saint. Elle parle de son attente et Élisabeth comprend que c'est l'attente du Sauveur qui vient de Dieu. En ce qui concerne l'origine de l'embryon, Élisabeth n'a aucune curiosité, elle ne pose pas de questions. Marie sait qu’Élisabeth sait exactement ce qu'il est juste et nécessaire qu'elle sache, et Marie en sait autant pour elle-même. Et ensuite les deux femmes connaissent le tressaillement de Jean dans le corps d’Élisabeth, et elles savent que leurs enfants sont unis l'un à l'autre en Dieu. Et qu'en tant que mères elles ont beaucoup de choses en commun et que ce qu'elles ont en commun se trouve en Dieu. Elles parlent ensemble de tout ce qui concerne leur meilleur don d'elles-mêmes, de leur obéissance plus profonde. Sans bavardages, dans une conversation paisible dont le fond est le désir d'obéir toujours mieux à Dieu (NB 1/2,38-40).

6 – Visitation : la conversation des deux femmes (Marie et Élisabeth) dans le Seigneur. Elles en ont besoin. Leur mission ne les empêche pas d’être naturelles. Elles s’appuient l’une sur l’autre, elles apprennent l’une de l’autre ; elles ne parlent pas d’elles-mêmes mais de ce que Dieu attend, de ce que leurs fils feront, de ce qu’elles doivent laisser faire (NB 10,2339).

 

Nativité du Seigneur ABC (Messe de la nuit : Is 9,1-6; Tt 2,11-14; Lc 2,1-14. Messe de l'aurore : Is 62,11-12; Tt 3,4-7; Lc 2,15-20. Messe du jour : Is 52,7-10; He 1,1-6; Jn 1,1-18)

1 - Il n'est pas facile pour le Fils de devenir homme. Ce qui le lui rend plus facile est qu'il comprendra toutes choses comme volonté du Père, qu'il verra toutes choses de ce point de vue. En tant que Dieu, il n'a pas de vœu plus ardent que d'être homme comme le Père l'attend de lui. Et il voit que sa Mère aussi, en tant que sauvée, vit entièrement de ce vœu (NB 6, 140-141).

2 - Il s'est fait homme sans renier sa divinité, pourtant il n'a pas cru devoir s'attacher à elle, il l'a déposée auprès du Père et a pris délibérément la condition d'homme sans se plaindre continuellement de ce que tout est bien plus beau et plus confortable au ciel que sur la terre (Choisir un état de vie 92-93).

3 - Le Fils se choisit comme Mère l'être humain qui appartient entièrement à Dieu, dans lequel rien n'est opposé au Père. On pourrait en venir à penser que le Fils se facilite ainsi les choses. Qu'il se prépare un nid où chacun au fond se plairait. N'aurait-il pas mieux fait de choisir une pécheresse pour la convertir par sa venue? Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit à présent. Le choix de Marie implique la plus haute considération pour le Père : le Fils veut lui montrer que la créature que le Père avait en vue lors de la création existe réellement... Mais pour le Fils, il sera bien plus difficile d'emmener dans sa Passion celle qui est innocente, de se servir de sa pureté au point de l'intégrer dans l’œuvre de la Rédemption, de faire d'elle la corédemptrice. Il sera beaucoup plus difficile d'associer à tout  cela un être immaculé plutôt qu'un converti qui a tant à expier lui-même et qui sera heureux de porter ainsi quelque chose de la dette commune. L'immolation de la Mère est ici toute proche du massacre des saints innocents (Marie dans la rédemption 28-29).

4 - Jésus a été totalement homme. Il ne fut pas un enfant prodige. Marie a dû certainement aussi l'éduquer, comme le sont les autres enfants. Elle lui a appris à parler, à marcher, elle a dû laver ses couches. Il serait faux aussi de penser que, tout enfant, il a eu déjà pleine conscience de sa divinité et de sa mission. Ceci ne lui est advenu que lorsqu'il en a eu besoin, peut-être à douze ans dans le Temple, et puis sans doute aussi toujours plus souvent quand il a eu dix-huit, vingt ans. De même il était éveillé autant qu'un homme peut l'être. Sa jeunesse consistait à être purement enfant. Marie, par contre, en tant que mère, savait dès le début quelque chose du sacrifice, du moins qu'il aurait lieu, même si elle en ignorait le comment et le quand (NB 8,843).

5 - Même si l'homme... ne veut pas entendre la parole (de Dieu), cela ne change rien au fait que le fond de son être... se trouve impliqué dans un dialogue avec Dieu, qu'il le veuille ou non (Sur Jn 1,3. Jean. Le Verbe se fait chair I,34).

6 - Pour la vie divine, nous ne sommes ni ne restons indispensables. Mais le fait même que nous soyons superflus nous amène à comprendre sa surabondance. En nous oubliant, en ne tenant pas compte de nous-mêmes, nous rencontrons sa grâce. Dans la grâce, le problème du moi, et donc aussi celui de saisir Dieu, n'existent plus. Dieu ne veut pas que nous cherchions à le différencier et à le comprendre comme on étudie un objet terrestre. Il nous montre de lui ce qui nous comble, nous unifie et nous décante :  sa grâce. Et tant que l'homme se contente de ce que Dieu lui donne de sa propre vie, i lvit en Dieu et de Dieu, et toutes choses sont ce qu'elles doivent être. Il est  alors comme un amoureux, ravi lorsque celle qu'il aime lui accorde une heure par jour, et qui ne s’inquiète aucunement de ce qu'elle peut bien faire pendant les autres heures. C'est quand l'homme commence à calculer, à scruter au-delà de ce que Dieu lui donne, lorsqu'il tente de comprendre et de dépasser la vie qu'il a en Dieu, afin de percer le mystère de la vie éternelle, que le malheureux tombe hors de la vie. (Sur Jn 1,4a. Ibid. I,44-45).

7 - Lorsqu'une personne a perdu ce qu'elle avait de plus cher, ce pour quoi elle a uniquement et exclusivement vécu, un  vide infini se fait en son âme et, de ce vide, elle crie vers Dieu. Elle voudrait que Dieu le comble. Il se peut que de cette détresse réelle surgisse sur un chemin qui mène à Dieu, qu'un reconnaissance de Dieu devienne possible. Mais il se peut également que ce Dieu ainsi imploré ne soit qu'une compensation passagère, oubliée dès qu'un autre objet terrestre vient remplir le vide qui s'était créé. Dans ce cas aussi, le monde n'a pas reconnu Dieu. Chaque fois que Dieu n'est qu'une fonction de ce je d'ici-bas, il demeure inconnu, fût-il fonction du besoin religieux. Car l'homme peut s'inventer un Dieu qui apaise en lui ses besoins religieux, comme le pain apaise sa faim, ou un partenaire ses appétits sexuels. On paie à un tel Dieu une sorte de tribut, on lui assigne dans sa vie une place bien circonscrite et déterminée; il a le droit de combler le petit vide qu'on lui a préparé provisoirement et qu'on pourra éventuellement réduire encore. Accueillir Dieu ainsi, c'est en vérité ne pas le reconnaître (Sur Jn 1,10-11. Ibid. I,108-109).

8 - Lorsqu'une personne commence à croire et s'engage sur le chemin de l'amour, elle croit tout d'abord au nom du Seigneur. C'est le début... Le nom lui donne accès au mystère... Même si elle ne connaît pas encore la plénitude de l’amour, même si elle ne saisit pas du tout la portée du mot croire. Elle sent seulement que, par la foi, quelque chose est entré en elle, a pris possession d'elle, quelque chose qui ne cesse de devenir plus grand et plus riche; elle perçoit en elle cette croissance inconnue qui n'a pas de nom, ce Verbe devant qui toutes les portes s'ouvrent. Et soudain elle comprend qu'en lui elle possède le pouvoir suprême, un pouvoir sur Dieu. Le pouvoir de contraindre Dieu à la reconnaître comme son enfant. Le pouvoir qui transforme le croyant... en quelqu'un qui désormais exige aussi; qui, avec la liberté des enfants de Dieu, peut se présenter devant le Père, pour réclamer son droit et son héritage. Il y a des choses que dorénavant il est en notre pouvoir d'exiger catégoriquement de Dieu. Nous pouvons exiger qu'il transforme les pécheurs que nous sommes en ses enfants. Nous pouvons exiger qu'il nous donne son Esprit. Nous pouvons exiger qu'il nous rende capables d'accomplir sa volonté.  Nous pouvons exiger de vivre en son Fils. Nous pouvons exiger que  tout contribue à notre bien. Nous pouvons exiger la vie éternelle. Bien sûr, nous n'avons pas le droit d'exiger de Dieu des choses qui procèdent toujours de sa liberté; qu'il nous appelle au sacerdoce, qu'il nous accorde tel ou tel charisme particulier dans l’Église. Mais nous avons le droit d'exiger son amour et, à l'intérieur de cet amour, il ne peut rien nous refuser (Sur Jn 1,12. Ibid. I,119-120).

9 - Dieu a vécu parmi les hommes une vie humaine; il nous a mis humainement devant les yeux ce que veut dire mener une vie sur terre pour Dieu et en Dieu. Il l'a fait à l'intérieur des limites et des possibilités mises à la disposition de tous... Il est comme le fils d'un riche employeur, qui s'offrirait à habiter avec les plus pauvres ouvriers de son père, afin de vérifier si, avec ce salaire et dans ces conditions de vie, on peut réellement joindre les deux bouts...  Il vit chez nous dans les mêmes conditions que celles où nous devons vivre. Et il fournit la preuve que cela est possible :  que l'on est capable de mener une vie chrétienne parfaite en ce monde-ci, avec toutes ses limites, son obscurité, sa mort. Il nous montre que, dans le cercle fermé de cette existence, l'on peut vivre une vie parfaitement ouverte à Dieu, une vie où l'on attend tout de Dieu seul... Il accueille toute son existence comme un don de la Trinité (Sur Jn 1,14a. Ibid. I, 138-139).

10 - Être né de Dieu n'est pas un événement fait une fois pour toutes comme la naissance selon la chair. C'est un événement qui ne cesse de se réaliser ( Sur 1 Jn 3,10. Die Johannesbriefe 114).

11 - En s'incarnant, le Fils a accompli toute l'espérance de l'ancienne Alliance. Il est venu nous montrer que Dieu pouvait vivre parmi nous, comme nous-mêmes pourrons vivre dans l'éternité (Sur 1 Co 13,13. Première Épître de saint Paul aux Corinthiens II,141).

12 - Jésus-Christ : "Sa puissance est si grande qu'en tant que Dieu il peut se lier, se limiter lui-même comme homme" (NB 6,174).

13 - C'est pour Dieu un vrai travail que de se faire entendre sur terre et même de se faire homme. Nous sommes tellement endurcis et tellement sans intelligence qu'il doit pour ainsi dire intervenir avec violence pour briser notre endurcissement et notre manque d'intelligence par les paroles et les visions des prophètes. Cela demande à Dieu beaucoup de peine pour qu'il puisse enfin oser venir dans le monde (NB 9,1880).

14 – Pour l'acte central de l'histoire du monde, la providence de Dieu crée la constellation parfaite qu'il requiert. Le Messie doit dans l'évangile non seulement descendre par Joseph de la race de David, mais aussi naître dans la ville de David. C'est à quoi doit contribuer l'ordre de l'empereur à Rome. Le Messie doit naître comme un enfant, car ainsi le veut la prophétie : "Un enfant nous est né", et c'est seulement parce qu'il est enfant que "son règne sera grand". L'enfant doit naître dans la pauvreté du monde (ce n'est pas un hasard s'il n'y a pas de place à l'hôtellerie), pour partager dès le début sa pauvreté. Noël comme descente de Dieu dans la pauvreté, n'est que le prélude pour ce qui s'achèvera à la croix et à Pâques : non seulement la rédemption d’Israël, mais le salut de toute l'humanité. Comme le disent les Pères de l’Église : "Il a été fait homme pour pouvoir mourir" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 19-20).

15 – Les bergers obéissent à l'indication de l'ange. Ils en reçoivent confirmation pour eux-mêmes, ils racontent ensuite ce qui leur est arrivé ; leur expérience personnelle devient une confirmation pour les autres qui n'avaient rien entendu de l'ange et du chant céleste de louange. Si nous faisons un peu attention dans notre vie chrétienne, nous verrons que ce n'est pas une simple foi qui nous est demandée, mais qu'il se présente sans cesse des preuves que la foi est vraie et que, dans la grisaille de notre vie quotidienne aussi, nous sommes sur le vrai chemin de Dieu. Ces preuves peuvent être légères et ne pas apparaître, c'est pourquoi celui qui s'attend à recevoir une preuve tangible méconnaît les signes de Dieu. Il devrait imiter Marie qui médite sur tout ce qui lui est arrivé (Cf. Ibid. 21).

16 – Dans le puissant prologue de saint Jean, toute la plénitude du plan divin du salut est déployée devant nous. Noël n'est pas un événement simplement intrahistorique, mais l'irruption de l'éternité dans le temps. De même, Pâques ne sera pas un événement simplement intrahistorique, mais le jaillissement du Ressuscité de l'histoire dans l'éternité. Le Fils unique de Dieu est venu dans le monde. Si tant d'hommes ne le connaissent pas et ne le reçoivent pas, à nous qui croyons et aimons, la grâce est donnée de le recevoir chez nous et, par lui, avec lui et en lui, "de devenir enfants de Dieu". Noël n'est pas seulement sa naissance, ce doit être aussi notre naissance, avec lui, de Dieu (Cf. Ibid. 23).

17 - A toute fête de Noël, la venue de Dieu dans le monde redevient actuelle. Les fêtes nous rappellent à nous, hommes oublieux, que l'avènement de Dieu dans l’histoire se réalise toujours maintenant. Le Seigneur reste sans cesse en train de venir. C'est précisément ce qu'il faut considérer pour sa venue eucharistique (Cf. Ibid. 24).

18 – Les textes de la messe de la veille au soir de Noël tournent autour du thème : le Sauveur promis d’Israël sera son roi. L'arbre généalogique des descendants de David finit à Joseph, l'époux de Marie, de laquelle provient le Messie. Pour les Juifs, est considéré comme le père légal celui qui reconnaît l'enfant. C'est ce que fait Joseph, sur l'indication de l'ange. Cela place Jésus dans la série royale, et les mages s'informeront sur "le roi des Juifs qui vient de naître" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 15).

19 – Le Fils de Dieu paraît sur terre, petit enfant sans défense. Nous le voyons dans les bras de sa mère, et peut-être est-ce à cette vue que nous pressentons le mieux qu'il a vraiment voulu être un homme parmi nous. Qu'il a désiré qu'il en soit pour lui comme pour nous. Il va vivre sa vie, avec ce qu'elle a de particulier, et nous montrera cette vie particulière comme la réalisation de ce que le Père a promis de tout temps. Qui pourrait ne pas aimer un enfant, et à plus forte raison un enfant venant au monde dans de telles conditions et avec une telle destinée ! Nous pouvons nous représenter les enfants de bien des manières, et nous représenter Dieu aussi de bien des manières, mais ce ne sont pas nos représentations des uns et de l'autre qui se rencontrent ici, c'est l'enfant et Dieu. Dieu le Fils nous offre son amour pour que par cet amour et avec lui nous devenions des êtres aimant en vérité (Cf. L'amour 30-31).

20Dieu a parlé à nos Pères par les prophètes. Dieu se sert de voix et de paroles, et il choisit des hommes qui peuvent percevoir ces voix et ces paroles ; des hommes dont la relation avec Dieu est si vivante qu’elle devient une réalité sensible, qu’ils ne se sentent pas seulement comme des êtres pécheurs et loin de Dieu mais comme des êtres qui éprouvent la présence de Dieu, reçoivent dans la parole sa promesse. Ils sont des élus du Seigneur, mais ils doivent pouvoir répondre de cette élection devant les hommes ; transformer ce qui leur est confié en réalité vivante pour les autres ; transmettre ce qu’ils ont reçu et donner, aussi clairement que possible, aux autres une idée de l’obéissance qui les lie à Dieu, afin de les éduquer pareillement à l’obéissance (La face du Père 43).

21 – Par l’incarnation, le Père décide de conférer aux hommes eux-mêmes quelque chose de la foliation éternelle. C’est pourquoi le Fils se fait homme sans cesser d’être Dieu. Il habitera parmi nous et accomplira une mission qui est divine mais qui se réalise dans la chair humaine. Par cette entrée en scène et par la relation qui s’y rattache, la face du Père prend aux yeux des hommes une profondeur insoupçonnée. Maintenant les hommes prennent part dans la foi à la vision que le Fils possède du Père. Le Fils, qui habite en homme parmi les hommes, s’est donné pour but de les rapprocher du Père. Ce qu’il fera et souffrira dans ce but reste un mystère de son amour tout personnel, qui toujours remonte à son être d’envoyé du Père (Cf. Ibid. 56).

22Dieu a parlé à nos pères par les prophètes (He 1,1). Dieu se manifeste, Dieu parle, peut-être aussi à d’autres, mais en tout cas à moi. La façon dont sa parole est comprise par le voisin ne me regarde pas pour le moment. Dieu a choisi cette heure et cette occasion pour me rencontrer. Il a les moyens et le pouvoir de le faire de telle manière que l’homme ne peut se dérober… Lorsque le la croyant s’en aperçoit, il est le plus souvent tellement frappé qu’il reste là comme émerveillé… Le Tu de Dieu a une puissance telle que l’homme, indépendamment de ses faits et gestes, se trouve enveloppé par lui de toutes parts. Il n’y aura pas d’armistice avec Dieu. Il faut persévérer à cet endroit jusqu’à ce que l’on ait tout entendu. Dieu ne poursuit pas plus loin son chemin, il veut que maintenant on l’écoute, et l’homme doit être tout ouïe. Ce que Dieu a à dire tient en peu de mots ; il peut agir d’une seule parole qui se laisse ensuite déployer jusqu’à devenir tout un enseignement… Dieu est tellement proche de l’homme et le connaît si bien, qu’il sait exactement comment le prendre, comment se faire écouter, quelle est la parole qui le fera immanquablement réagir (L’homme devant Dieu 45-46).

23 – L’incarnation est un acte du Père. Il voit le Fils de toute éternité devant lui, avec tous les attributs de la divinité et de la toute-puissance. Et de toute éternité, étant l’omniscient, il sait, puisque les hommes sont irrévocablement perdus, qu’ils ne pourront être sauvés et ramenés que par un Dieu. Et considérant la divinité du Fils, il voit de toute éternité qu’elle répond à toutes les exigences pour opérer la rédemption. De sorte que le Fils lui apparaît comme porteur de la rédemption dès l’instant qu’il se tient devant le Père comme l’engendré, c’est-à-dire depuis l’éternité. Et, depuis l’éternité, le Fils partage ce savoir du Père : il sait qu’il le peut ; il le sait en reconnaissance et obligation envers le Père, et ce savoir est pour lui un don que lui fait le Père et qu’il peut offrir au Père en remerciement de sa divinité. Ainsi le Père sait de toute éternité que le Fils s’incarnera par amour pour lui et qu’en prenant la nature humaine, il ne perdra pas la nature divine, car l’humanité comme la divinité proviennent du Père. Il ne rejettera pas sa divinité en se faisant homme, , il ne perdra pas son humanité en retournant au ciel (Le monde de la prière 38-39).

24 - Dans une amitié, la relation fondamentale peut toujours être la même, mais on peut la"saisir" de manière différente. De même entre le Père et le Fils incarné (NB 6,199).

25 – Jamais l’homme ne pourra se faire une idée de ce que Dieu le Fils a laissé au ciel en devenant homme, à quel point il il s’est abaissé, ce à quoi il a renoncé pour venir dans le monde (NB 5,74).

26 – Jésus enfant. C’est si étrange d’adorer un enfant. Mais il est Dieu justement. On voit en lui ce que serait une parfaite ouverture, comment on pourrait être totalement ouvert à Dieu si on voulait (NB 10,2290).

27 – Le Père a permis au Fils de se mettre au service de son œuvre par l’incarnation. Bien que reposant encore dans le Père, le Fils a commencé à en sortir par les prophéties. Puis par sa vie dans le temps, il a voulu faire quelque chose qui nous rendit compréhensible sa vie éternelle. Le péché avait rendu pour nous abstrait et irréel tout ce qui ne pouvait pas être saisi par nos sens humains. Pour Jean, au début, la vie du Fils n’était pas différente de la vie des autres hommes. Et cependant c’était la vie qui était à l’origine auprès de Dieu. Le Fils est vie éternelle comme le Père l’est aussi. Sous un certain rapport, le Père s’est séparé de la Parole pour la manifester dans le monde comme vie éternelle. La révélation du Fils n’a été possible que parce que le Père s’est décidé à laisser partir la Parole qui était au commencement auprès de lui. Qu’il ait connu et souffert la mort ne prouve pas qu’il s’est séparé de sa propre vie éternelle ; au contraire, c’est par là qu’il a fait connaître sa vie éternelle ( (Sur 1 Jn 1,2. Die Johannesbriefe 9-10).

28 – Incarnation. Le Fils reçoit son corps comme une chose merveilleuse qui lui servira pour gagner les hommes pour le ciel. Il ne pense pas que ce corps n’est pas adapté aux mesures de son esprit. Au contraire, il donnera à ce corps humain la mesure de son esprit. Et il offre au Père son corps, également son âme qu’il a reçue de lui. Mais pour le moment, c’est le corps qui lui fait pour ainsi dire le plus d’impression. Et il expérimente avec son corps la sainteté du corps de sa mère, un corps qui prie, une mère qui prie, qui sans cesse aussi le porte au Père. C’est beau aussi qu’il prenne du temps avec son corps qui grandit aujourd’hui, comme hier et demain, d’une manière à peine perceptible selon les lois du devenir humain telles qu’elles furent établies par le Père. Il s’y adapte, il ne les fait pas éclater ; il fait sien le temps des hommes. Il demeure prêt à naître, à grandir, à devenir tout ce que les hommes sont. Tout recevoir de la main du Père, et faire jaillir sans cesse son étonnement en action de grâce (NB 10,2358).

 

Dimanche de la Sainte Famille ABC (Si 3,2-6.12-14; Col 3,12-21)

1 - Tout croyant... reçoit une mission de parole... Même pendant les moments de repos, de détente, de congé de la parole, il n'est pas permis de se griser de la musique de sa propre parole ou de mener une conversation pour le seul plaisir de parler. La responsabilité envers la parole ne connaît pas de pause, et pourtant elle n'est pas opposée à la gaieté et au repos de l'homme. Lorsque l'enfant Jésus joue avec sa Mère, il ne le fait pas par devoir mais par plaisir, et la Mère certainement aussi; toutefois même dans ce jeu, la parole demeure vivante, l'attitude d'ascèse, de foi, se maintient (Ils suivirent son appel 51-52).

2 Le Fils demeure Dieu bien qu’il se soit fait homme. Marie demeure tout à fait une personne humaine malgré la grâce qui l’a rachetée d’avance, mais elle suit son Fils le plus étroitement qu’il est possible. Avec son Fils, elle vit une vie d’échanges, elle donne et elle reçoit ; mais elle se trouve aussi placée devant le mystère de son Fils : il est engendré par le Père et il voit le Père. Quand Marie prie avec son enfant, elle emploie les mots qu'elle connaît, elle demande les choses qui lui semblent nécessaires, elle prie comme le fait une croyante; mais elle sait que son Fils, qui entend les paroles qu’elle prononce, les reprend et les présente au Père d'une manière qui la dépasse. Non seulement parce que le Père et l’Esprit Saint accueillent ces paroles du Fils, mais parce que la prière de son Fils, sa manière de parler avec le Père lui demeure inaccessible, cela fait partie du mystère trinitaire. D’une manière beaucoup plus profonde que tout croyant, Marie a conscience du caractère mystérieux de Dieu et du monde de Dieu sans qu’elle y soit introduite elle-même plus que le Fils ne le veut (Cf. NB 5,21-22)

3 - Le Fils est unique et nous venons immédiatement après lui, si nombreux que nous nous croyons innombrables, et pourtant nous sommes les fils dénombrés par Dieu malgré notre multitude (Sur Jn 1,18. Jean. Le Verbe se fait chair I,156).

4 - Le chrétien ne peut prendre ses distances vis-à-vis d'aucune des expressions de sa vie; tout doit le révéler comme chrétien. Ce qu'il dit ou fait doit faire savoir qu'il est conscient que Dieu est présent : Dieu le Fils, Dieu le Père qui peut être atteint par le Fils... Les croyants vivent en lui de sorte que, si le Seigneur habite en eux, ils annoncent sa présence par toute leur existence... L'existence appartient au service de sorte qu'ils n'entrent pas au service du Christ à certaines heures tandis qu'ils en gardent d'autres pour eux et pour le monde; ils sont simplement  là au nom du Seigneur… On n’a pas le droit de remercier pour certaines choses et pas pour d’autres. L’action de grâce provient de l’amour. Elle nous rend si proches de Dieu que nous recevons alors de lui un nouvel amour qui rend possible note vie chrétienne (Sur Col 3,17. Der Kolosserbrief 105).

5Vivez dans l’action de grâce. Dans la vie du croyant, tous les événements peuvent servir à enrichir la prière. Même ce qui est extérieur, ce que nos sens perçoivent quotidiennement peuvent toujours être rapporté à la vie de foi, être transformé en prière. L’idée que Dieu a créé le monde si beau, si attachant, si rempli de ressources nous mène naturellement à la prière d’action de grâce. Et, dans cette prière même, peuvent émerger bien des choses qui nous ont été jadis source de joie, des souvenirs qui sont, non pas des distractions mais des motifs d’approfondir notre action de grâce (L’expérience de la prière 51).

6 – Qui veut scruter de plus près la méditation de Marie remarquera avant tout qu’elle détourne d’elle l’attention ; et que, lorsqu’elle regarde son Enfant et le tient dans ses bras de maman, elle doit considérer en lui ce qui est plus loin, voilé, mystérieux. Pour autant, le Fils ne lui devient pas irréel, ni son humanité chose secondaire. A lui vont ses attentions et ses soins, mais en les référant à son être divin et à la divinité du Père et de l’Esprit. Ainsi un homme, un enfant est-il capable de lui ouvrir Dieu Trinité. Elle est vierge et mère ; elle est l’Épouse et l’Église ; elle éduque l’enfant, elle est l’aide de l’homme, elle accompagne le Seigneur jusqu’à la croix, elle est confiée à Jean. Tous ces événements, qui font partie de la dure mais belle réalité, sont pour elle autant de signes de ce qu’elle est : elle a une mission plus haute et elle doit vivre à la hauteur de cette mission (Cf. Ibid. 74-75).

7 – Marie et Joseph savent que la promesse s’est réalisée, qui est l’Enfant ; l’ange l’a dit à Marie et un songe l’a révélé à Joseph. Et maintenant c’est accompli : l’Enfant est là. Leur prière s’élève, à travers le Fils, jusqu’au Père tout-puissant. Le Fils en est le centre. Leur adoration va, à travers lui, jusqu’à Dieu. Sa présence dans la maison apporte dans leur vie quelque chose d’eucharistique. Dieu s’est fait chair et demeure parmi eux. Ils comprennent, à travers lui, bien des choses ; et le reste, ce qui demeure incompréhensible, se relie aux prières qu’auparavant ils adressaient dans la foi pour que le salut advienne. Ils atteignent maintenant le Père à travers le Fils (Cf. Ibid. 89).

8 – Les différentes structures sociales dans lesquelles une vie humaine est inscrite, exigent de chacun une insertion qui n’est pas très éloignée de la véritable obéissance. Dans la famille, il existe un ordre dont chaque membre doit tenir compte... Le travail à l’usine, au bureau, n’est pas possible sans une stricte obéissance, les horaires sont fixés, la nature du travail, la responsabilité à l’égard du patron, vis-à-vis du matériel, de l’objet à produire, du collaborateur : tout restreint la liberté du travailleur… Souvent celui qui tout le jour s’est éreinté à un poste très restreint, voudrait, en rentrant le soir à la maison, voir les rôles inversés : non seulement être libre, mais être patron, pouvoir imposer sa volonté à d’autres. Sa femme et ses enfants devraient obéir, ses voisins se régler sur lui. Il faut, dans ce cas, beaucoup de temps pour qu’il réalise que, si l’on a abusé de son obéissance dans son milieu de travail, cela ne lui donne pas le droit d’abuser de l’obéissance de ses semblables, et que, bien au contraire, il lui incombe de favoriser, par le juste usage de sa responsabilité, le bon ordre de l’obéissance dans son entourage (Le livre de l’obéissance 96-97).

9 – La paix unit un membre à l’autre. La paix se trouve en toute vertu, en tout élan vers la vertu, en toute prière, en toute décision de vie ; même là où le cœur doit être inquiet, même là où il hésite, où les difficultés s’accumulent, la paix est cependant toujours la marque de l’authenticité. Car elle vient du Seigneur et elle est sa paix qui est au-dessus de toute autre paix. Elle n’a rien à faire avec la tiédeur, car elle caractérise avant tout l’attitude du Fils vis-à-vis du Père, qui part dans la paix du Père pour accomplir sa mission, qui parcourt le chemin de la croix dans la paix avec le Père, qui meurt dans la paix avec lui, qui est ressuscité dans la paix. Et c’est exactement cette paix qui doit vivre dans le cœur des croyants. La paix fait partie pour les croyants de l’appel de Dieu. Le Seigneur est venu pour nous apporter sa paix. La paix est quelque chose d’essentiel, elle doit régner. Elle a une place suréminente. Et quand le chrétien regarde sa mission dans sa relation naturelle avec les choses du monde, il n’a pas le droit de soupirer, ni de mesurer sa faiblesse à la démesure du fardeau de sa tâche. Il doit être dans l’action de grâce comme un chrétien l’est après avoir communié, quand il a reçu le corps du Seigneur (Sur Col 3,15. Der Kolosserbrief 101-103).

10 – Quand on veut faire connaître le Seigneur Jésus à un enfant, on lui raconte des histoires tirées de l’Évangile et par là on éclaire sa propre vie. Il est indocile, on lui montre combien Jésus enfant était docile ; et parce qu’un enfant aime bien aimer et être aimé, il essaie de ne pas faire de peine à Jésus enfant. L’adulte qui éduque l’enfant doit en quelque sorte être animé par l’Esprit pour savoir comment présenter les choses. Pour l’enfant, l’Esprit demeure caché derrière le Christ enfant. En voyant comment Jésus se comporte, il apprend à connaître le bien qui convient à un jeune chrétien. Ainsi l’enfant est conduit aussi bien par le Seigneur que par l’Esprit Saint de celui qui l’éduque. Mais quand l’Esprit réclame pour lui l’enfant qui grandit, il y aura de vastes domaines où le Christ ne pourra plus être donné en exemple de manière aussi concrète ; les vérités deviennent "plus abstraites", et maintenant c’est l’Esprit d’abord qui conduit. Un étudiant chrétien qui voudrait devenir médecin a sans doute dans le Christ un certain modèle de vie, mais il a aussi devant lui une "idée" qui est formée et dominée par l’Esprit. Pas simplement dans un prolongement du Christ. Il y a des transpositions et de nouveaux domaines où l’Esprit intervient avec une certaine visibilité. Si un chrétien désire l’esprit d’enfance, il peut sans doute regarder Jésus enfant et considérer l’attitude du Fils à l’égard du Père ; mais il doit, ce faisant, se tourner aussi vers l’Esprit de connaissance qui n’est jamais totalement vident. Et on ne doit pas penser qu’on ne peut se tourner vers l‘Esprit que pour de "hautes mathématiques; il aide tout autant à affronter la vie quotidienne dans un sens chrétien (NB 6,435-436).

11 – Le chrétien ne doit pas soupirer, c’est-à-dire se plaindre (Sur Col 3,15. Der Kolosserbrief 102).

12 – Vous les enfants, obéissez à vos parents en tout, c’est cela qui plaît au Seigneur (Col 3,20). Il ne s’agit pas d’obéir pour obéir, mais d’obéir dans le Seigneur, même quand les enfants ne comprennent pas, parce que cela a un sens dans le Seigneur (Der Kolosserbrief).

13 – Quand un homme et une femme s’aiment, ils ne sont seulement deux moitiés qui se complètent pour se parfaire l’un l’autre, ils forment ensemble un espace où Dieu se répand. Leur amour humain est exposé à l’amour divin et ouvert à lui (HUvB, AvS et sa mission théologique 260).

14 – Certes il peut arriver à deux époux (ou à deux amis) quelque que chose de très heureux et, du point de vue humain, ce bonheur peut avoir en quelque sorte un caractère concluant. Mais en Dieu, ils ne sont pas seulement deux moitiés qui se complètent pour se parfaire l’un l’autre, ils forment ensemble un espace où Dieu se répand. Leur amour humain est exposé à l’amour divin et ouvert à lui (Ibid. 260).

15 – Se revêtir de ce que Dieu aime : compassion, bienveillance, humilité, douceur, patience (Sur Col 3,12. Der Kolosserbrief 97).

16 – Nous sommes depuis toujours des élus de Dieu, destinés par lui à une place précise, et nous devons seulement veiller à nous y rendre. Naturellement nous pouvons pécher, nous avons la liberté de nous détourner de Dieu. Ne devrions-nous pas parler aussi de la liberté de nous tourner vers lui ? Et aussi de choisir efficacement ce qu’est la volonté de Dieu pour nous ? Il me semble qu’on devrait se contenter de dire : Dieu nous donne la grâce de regarder ce qu’il a choisi pour nous. Il n’y a qu’une seule chose que Dieu a choisie, tout le reste s’y ramène (NB 9,1953).

 

Dimanche de la Sainte Famille A (Mt 2,13-15.19-23)

1 – Ce qui est décrit dans l'évangile, c'est avant tout le dévouement du père (et indirectement aussi de la mère) pour le destin de l'enfant. Les instructions que Joseph reçoit de l'ange du Seigneur ont pour seul but le bien de l'enfant. Il n'est pas fait mention de la difficulté que ces recommandations comportent pour le père. Les ordres sont donnés de manière catégorique : "Lève-toi, prends l'enfant et sa mère (l'enfant est à la première place) et fuis en Égypte". Comment tu le feras, cela reste ta propre affaire ; que tu perdes ta place n'a aucune importance. Comment Joseph peut trouver son chemin en Égypte et gagner suffisamment pour sa famille, cela n'est pas dit. Ensuite il reçoit l'ordre du retour, uniquement de nouveau pour le bien de l'enfant. Le père nourricier est au service de l'enfant et de deux paroles prophétiques dont il ne devinait rien par avance. "Ce n'est pas aux enfants à thésauriser pour les parents, mais aux parents pour les enfants [2 Co 12,14] (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 25).

2Fuis en Égypte (Mt 2,13). En fuyant en Égypte avec l’Enfant, Marie suit la directive de Joseph qui lui-même avait reçu cet ordre. Le caractère totalement surnaturel de cette fuite ouvre les portes du ciel : si Joseph devait expliquer la raison pour laquelle il prend la fuite, il pourrait seulement dire qu’il a compris de manière évidente que Dieu voulait que les choses se passent ainsi ; mais il ne possède aucun critère qui lui permette de vérifier cette certitude. Marie le suit tout simplement ; il assume pour elle une responsabilité à laquelle elle se soumet. Mais elle ne suit ps seulement pour des raisons naturelles, elle suit parce que le oui donné à l’ange englobe cela aussi… Elle sait qu’elle est sous le regard du ciel, elle connaît la validité impérissable de son oui (L’homme devant Dieu 95).

3 La fuite en Égypte. Dans la prière de cette époque, il y a la prière familiale que Marie et Joseph récitent ensemble. Oralement. Une sorte de prière d’état, de leur situation à tous les trois : le père nourricier, la Mère et l’Enfant. Chez la Mère, cette prière est influencée par sa confiance en saint Joseph. Dans cette vie en commun, c’est une prière où elle prie Dieu de les bénir tous les trois, pour que l’Enfant soit vraiment à sa bonne place, dans les mains qu’il faut, et qu’il apprenne de Joseph et d’elle, comme homme et comme Dieu, ce qui l’attend. Cette prière qui semblait devoir se développer tranquillement est maintenant tout agitée par la fuite. Marie est à la fois rassurée et inquiète. Inquiète non pas pour ce qui la concerne, mais à cause de la menace qui a pesé sur l’Enfant et parce qu’elle doit s’en remettre à Joseph de ce qui, jusqu’ici, lui revenait. Elle a dit oui à l’ange et ainsi assumé une responsabilité. Mais le voyage, avec tout ce qu’il comporte d’inattendu et de subit, est à présent confié à Joseph. Et elle doit réapprendre à se confier à un être humain, après s’être confiée à l’ange, à l’Esprit, au Père et à l’Enfant. Ce destin inouï qu’elle a vécu dans la grossesse et la naissance est maintenant, durant cette fuite avec tous ses risques aux yeux des hommes, ramené dans le simple quotidien : elle doit se laisser conduire par saint Joseph en raison de la mission confiée à celui-ci (Cf. Le monde de la prière 94-95).

4 – A propos des saint innocents tués par Hérode. Si Hérode avait pensé avoir atteint le Messie par le premier enfant qu’il a fait massacrer, s’il l’avait atteint de fait, les autres meurtres n’auraient pas eu lieu. Il ne pouvait certes pas atteindre le Seigneur parce qu’aucun homme ne peut contrecarrer les desseins de Dieu. Mais les enfants meurent tous à la place du Seigneur. Dieu fait entrer ainsi leur mort dans la mort du fils. Le Fils ne pouvait pas mourir maintenant, les enfants ont donné leur vie pour lui, ils se trouvent en un lieu où plus tard le Fils se trouvera nécessairement. Les mesures de Dieu ne correspondent pas aux nôtres et le sacrifice du Fils est si grand que tout sacrifice trouve en lui sa place (NB 10,2156).

 

Dimanche de la Sainte Famille B (Si 3,2-6.12-14; Col 3,12-21; Lc 2,22-40)

1 - Vous, les enfants, obéissez à vos parents en tout. Il ne s'agit pas pour les enfants d'obéir pour obéir, mais d'obéir dans le Seigneur, même quand ils ne comprennent pas, parce que cela a un sens dans le Seigneur (Sur Col 3,20. Der Kolosserbrief 108).

2Le glaive dans l'âme de Marie. La mère cache le sacrifice de son don total à Dieu dans le voile épais de la cérémonie prescrite de purification. Arrive alors la prédiction : le glaive qui doit transpercer l'âme de la mère : elle sera introduite dans ce qui est plus grand, c'est-à-dire dans le destin de l'enfant ; elle ne devra pas seulement laisser partir l'enfant et par là le sacrifier, elle sera introduite avec lui, quand l'heure sera venue, dans ce sacrifice. La Sainte Famille n'est pas une idylle à Nazareth, elle a sa place entre le sacrifice du mont Moria (Abraham) et le sacrifice du Golgotha (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 24-25).

3 Marie est une jeune mère avec son enfant ; et sa maternité, l’enfance du Fils et toute la vie avec Joseph forment une heureuse unité, bien que régulièrement assombrie par des images du futur, de ce quelle en sait et pressent, sans être réellement troublée cependant, car elle sait également qu’elle doit se tourner vers le présent. Sans cesse elle doit prendre sa maternité au sérieux, être à l’égard de l’Enfant ce qu’une mère doit être. Durant les années de l’enfance, la famille joue un rôle particulier. Marie doit demander à Dieu le Père de lui donner l’Esprit pour qu’elle initie l’Enfant à sa vie humaine, comme peut le faire une mère digne. Sa prière est exempte de souci et pleine de joie et, devant le Fils aussi, elle se montre parfaitement spontanée. Dans sa prière, il y a beaucoup de remerciements. Parce qu’il lui est permis d’être mère, parce que tout est comme cela est. En priant, elle laisse Dieu disposer continuellement de son âme. Elle vit près d’une source. Et elle l’accepte comme une chose qui va de soi, comme le Fils a accepté son lait et sa sollicitude. C’est un échange humain, mais qui s’effectue en Dieu (Cf. Le monde de la prière 97-98).

4 – Une mère s’agenouille auprès du lit de son enfant et prie avec lui. L’enfant est encore si petit qu’il ne comprend rien. Il sait seulement que, journellement, la mère l’a pris dans ses bras, lui a joint ses petites mains et a dit ensuite quelque chose avec une certaine intonation. Cela s’est répété et fait partie à présent du quotidien. Et maintenant que l’enfant est un peu plus grand et se souvient mieux, si elle venait à omettre ou à changer quelque chose, alors, dans la conscience de l’enfant, le rite établi, l’habitude seraient entamés. Il a été introduit dans la prière, sans savoir ce que prier veut dire ; il sent seulement qu’il s’y passe quelque chose d’autre que d’habitude et comme produit par l’amour de sa mère, que cela fait partie de son amour (Ibid. 111).

 

Dimanche de la Sainte Famille C (1 S 1,20-22.24-28; 1 Jn 3,1-2.21-24; Lc 2,41-52)

1 - En voyant Dieu, nous deviendrons ce à quoi il nous a destinés. Pour l'instant il doit nous suffire de savoir que nous sommes ses enfants; ce qui arrivera plus tard, nous pouvons le lui laisser. Parce que nous ne pouvons pas à présent le voir tel qu'il est, nous ne pouvons pas non plus nous représenter ce que nous serons. Mais nous n'avons pas besoin de nous en soucier. Au ciel, Dieu ne va nous laisser dans l'ignorance de ce nous aurons à devenir. Pour le moment nous n'avons rien d'autre à faire que de devenir toujours plus ses enfants, nous devons lui laisser aveuglément comme des enfants tout ce qui va suivre. Notre tâche est claire : accueillir l'amour de Dieu de telle sorte que nous devenions ses enfants, et continuer à recevoir ce don de plus en plus (Sur 1 Jn 3,2. Die Johannesbriefe 96-97).

2 - Dieu peut montrer directement son amour à quelqu'un; il peut le faire aussi par d'autres, l'aimer par les autres, car l'amour vrai du prochain appartient à Dieu (Sur 1 Jn 3,1. Ibid. 93).

3La Sainte Famille. Le père reconnaît comme sien l'enfant conçu par l'Esprit, il doit le faire pour obéir à Dieu et faire de son fils un descendant de David. La mère à qui est prédit qu'un glaive transpercera son cœur, a de tout temps rendu son fils au Père divin. Le fils reconnaît ce Père divin comme le sien d'une manière si naturelle qu'il n'en dit rien à ses parents qui ne le comprendraient pas. Jusqu'à présent le fils était obéissant à ses parents et il le sera de nouveau, mais l'obéissance au Père éternel l'emporte sur l'obéissance terrestre, même si cela reste incompréhensible aux parents et leur inflige le chagrin d'une recherche vaine et celui plus profond encore provoqué par la question : "Ne le saviez-vous pas?" Dieu premier servi, disait Jeanne d'Arc (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 25).

4 – L’Esprit n’aide pas seulement le Fils en tant qu’homme à chercher et à découvrir la volonté du Père, il l’aidera également suivant l’âge du Seigneur et les circonstances de sa vie (qui correspondent à la volonté du Père) à être dans la bonne disposition. Lorsque l’enfant joue, lorsque l’adolescent enseigne au temple, lorsque le menuisier fait son travail, la mission est toujours parfaitement ccomplie. La conscience de sa mission et l’exacte obéissance envers le Père n’empêchent pas le Fils de vivre pleinement dans chaque situation. Il sait qu’il devra souffrir, mais, comme enfant, il joue quand même avec les autres enfants, sans se faire de souci (Cf. Disponibilité 125).

5 – Le Fils commence par vivre sur terre en enfant. Il apprend comme tout enfant à s’initier à la vie, à s’adapter au monde environnant, à découvrir l’amour de ses semblables et à y répondre. Ce premier temps au sein de la famille est un temps très protégé ; la Mère et le père nourricier sont de saintes personnes ; toute froideur, tout rejet, toute malveillance, toute déception est épargnée à l’Enfant. A un certain moment, l’Adolescent fait la connaissance des méchants, de ceux qui le repoussent, et il mesure la distance qui les sépare de sa Mère et de Joseph. Il peut comparer en son cœur ce non avec le oui de sa Mère, mais il doit également comme homme lever les yeux vers son Père et voir l’effet du péché sur lui ; il doit s’efforcer de recueillir et de souffrir lui-même l’outrage, il doit tenter d’empêcher par son intervention que celui-ci ne pénètre jusqu’au cœur du Père. Dès maintenant il mène son combat pour Dieu, comparable au combat d’un petit enfant pour son père (Cf. La face du Père 65-67).

6 – L’obéissance du Fils se manifeste de façon encore plus immédiate, plus évidente, chez le garçon de douze ans qui, dans la maison de son Père, s’occupe des choses de son Père. Son obéissance n’est d’abord pas comprise par les parents. Ils le cherchent avec angoisse, comme celui qu’ils ont connu jusqu’ici, l’enfant obéissant et plein d’égards ; mais entre temps, le sens d’une autre et plus stricte obéissance s’est révélé, et par là aussi le sens de leur propre obéissance est entré dans une nouvelle phase… Marie va apprendre que sa propre obéissance demeure vivante, qu’elle implique des conclusions ultérieures, jusqu’aux jours de la croix, de la résurrection et de l’ascension. La recherche angoissée de l’enfant perdu est peut-être la première expérience de ce genre. Une brèche s’est ouverte, une déchirure ; les parents cherchent le Fils, tandis que le Fils a trouvé le Père d’une nouvelle manière et réalisé quelque chose de sa mission, qui jusque-là était resté dans l’ombre. L’(appel du Père s’est peut-être produit soudainement ; quoi qu’il en soit, il ne pouvait pas épargner à ses parents cette recherche (Ils suivirent son appel 50-53).

7 – En s’incarnant, le Fils de l’homme devient l’un de nous, mais il reste Dieu et il vit dans la vision du Père. Il lui obéit comme un enfant. Comme un enfant humain, il obéit à sa mère. Le Fils s’est abaissé à ce point qu’il obéit même à des hommes, dans une petite obéissance quotidienne. Sa Mère lui dit de faire ceci ou cela, et il obéit, parce qu’il est l’un d’entre nous. Il le fera aussi parfaitement parce qu’il est parfait, et même il le fera comme Dieu parce qu’il ne cesse jamais d’être Dieu. Mais à douze ans il semble rompre les barrières de l’obéissance : il doit être aux affaires de son Père. Soudain on constate qu’il ne vit pas seulement sur terre, mais aussi dans le ciel (Cf. Le livre de l’obéissance 131-132).

8 – Ce fut un profond bouleversement dans sa vie lorsqu’elle et Joseph perdirent l’Enfant et ne le retrouvèrent qu’au bout de trois jours. Un bouleversement qui n’était pas comparable à la visite de l’ange : il était beaucoup plus terrifiant. Dans cette perte, la Mère reçut un avant-goût de la croix. Sa prière alors fut une prière d’angoisse : l’Enfant lui est confié et elle ne sait pas où il est. Cette angoisse surgit en plein milieu de sa vie quotidienne et de sa joie voulue par Dieu. Dieu lui donne cette angoisse : grande, puissante, sombre et envahissante. Et subitement, elle ne peut presque plus supporter humainement d’avoir été entraînée par son oui dans ces circonstances imprévisibles, difficiles, totalement dépendantes de Dieu. Maintenant la prière a pour rôle de l’introduire encore et toujours dans la nuit. Dans ce qui est tout simplement incompréhensible. Et après l’événement, quand Dieu demande la reprise de la vie quotidienne, la prière de tous les jours reprend, assurée en Dieu. Dieu est le Dieu qui dispose. Le Dieu qui sait tout. Le Dieu qui doit aller son chemin et aucun être humain ne peut comprendre ce chemin. Dieu l’a traitée durement. Et ce qu’il y a peut-être de plus difficile, c’est de devoir néanmoins vivre et grandir dans une nouvelle confiance que Dieu lui donne, qui n’est plus la confiance virginale du début (Cf. Le monde de la prière 98-100).

9Et il leur était soumis. Le petit enfant ne peut vivre sans sa mère. Elle le nourrit de son lait. Le lait maternel est un merveilleux, un délicieux breuvage, car c’est une nourriture provenant d’un être spirituel et destinée à la croissance d’un être spirituel. Quand une mère nourrit son enfant, elle lui communique quelque chose d’elle-même, de sa propre substance. Elle lui a déjà donné la vie et elle l’y maintient en lui donnant de sa propre vie. L’enfant réclame cette vie ; il veut puiser à cette source. Et c’est aussi ce que veut la mère, c’est aussi son propre désir de se donner à lui qu’elle rassasie. Mais la Mère ne donne pas seulement à l’enfant de sa substance corporelle, elle l’entoure aussi d’amour et de sollicitude spirituels. L’enfant ainsi enveloppé d’amour maternel apprend par là ce qu’est l’amour humain. C’est la Mère qui lui montre comment un homme se comporte avec les autres, elle lui montre par son propre exemple ce qu’est l’amour du prochain. Le Fils qui instituera plus tard le commandement de l’amour mutuel aura déjà, enfant, pratiqué et appris cet amour dans sa relation avec la Mère. Elle est devant lui comme une règle vécue ; il veut et doit la suivre. C’est ainsi qu’il apprend de sa mère, et qu’il est parfaitement disposé à l’écouter et à tenir pour vrai tout ce qu’elle dit. Il est aussi disposé qu’un croyant peut être disposé à croire ce qu’on lui présente à croire. Marie lui enseigne les rudiments de la vie humaine, elle lui apprend à marcher, à manger, à parler, elle lui inculque le langage avec son propre vocabulaire. Elle lui montre aussi sa contemplation du ciel, du Père, et sa disponibilité à la volonté divine. Marie, qui ne connaît pas le péché originel, et Joseph, qui en est délié, forment l’entourage du Fils grandissant. C’est un apprentissage très lent, progressif, qui ne brûle pas les étapes. Il commence par connaître des hommes bons, sans péché. Il est initié aux petits services du quotidien qui peuvent être peu à peu exigés de l’enfant, aux travaux qu’il peut faciliter, aux joies qu’il peut ménager à ses parents. C’est en dehors de sa maison qu’il entre en contact avec le péché (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 115-117).

10 - L’enfant de douze ans. A douze ans, l’enfant est autorisé à accompagner ses parents à Jérusalem. Car ce sont eux qui vont en pèlerinage, et lui ne fait que les accompagner. Il est emmené. Les parents de ne se doutent pas que ce voyage, dont le but est à leurs yeux d’accomplir leur devoir religieux, accomplira les devoirs de l’enfant. Alors qu’ils sont sur le point de rentrer chez eux, ils s’aperçoivent que l’enfant n’est plus avec eux. Ils sont saisis d’angoisse. Quand, après trois jours de recherche, les parents trouvent l’enfant au temple parmi les docteurs, ils saisissent que quelque chose de nouveau leur est, à eux plus encore qu’aux auditeurs présents, révélé dans cet enfant. C’est comme si l’enfant s’était soudain avisé de sa divinité, comme s’il avait commencé de vivre pour sa mission divine. Sans prévenir ses parents et sans qu’ils l’y aient préparé, le Fils a, de sa propre initiative, entrepris à l’intérieur de sa grande mission quelque chose de tout à fait nouveau. C’est un saut brusque. Pour ceux qui l’écoutent au temple, c’est la sagesse de l’enfant qui est étonnante mais, pour la Mère, l’événement marque un éclatement complet de tout ce qui a précédé, ce qui la jette dans la plus vive inquiétude. Elle s’imaginait l’heure du Fils encore lointaine. Elle voit ici soudain que l’enfant est doublement guidé : sur terre, par elle, la Mère, mais aussi du ciel, directement par le Père. La Mère, qui obéit au Père du ciel, s’était habituée à être obéie de l’enfant. Et voilà qu’il lui apparaît soudain que tout ne passe plus par ses mains, et qu’il y a même là une obéissance directe du Fils au Père. Elle ne s’était pas attendue à quelque chose de nouveau. Elle ne comprend donc plus. Maintenant commence l’école qui l’initiera à sa divinité. Dans cet épisode, le Fils ne s’émancipe pas totalement vis-à-vis de ses parents, car il n’est pas encore assez grand pour vivre seul et il leur sera de nouveau soumis par la suite. Mais les parents du Christ eux-mêmes doivent dès à présent découvrir dans leur fils la présence cachée des mystères insondables de Dieu. La Mère doit apprendre par là quelque chose de tout à fait nouveau : elle doit apprendre à ne pas comprendre. Elle garde tout cela dans son cœur. Jadis, elle a donné son corps, sa vie. Elle faisait tout ce qu’on exigeait d’elle. Elle comprend maintenant qu’elle doit donner son incompréhension et la remettre à Dieu. C’est là une ouverture à Dieu toute nouvelle, et une ouverture permanente ; car elle ne cessera de se heurter dorénavant à ce point douloureux de l’incompréhension. La Mère comprend que cette blessure, loin de se refermer, ira toujours plus en s’élargissant. Le Fils retournera au Père dans une souffrance que mère et fils partageront. Ce n’est pas par l’entendement qu’on approche la croix, mais uniquement en faisant oblation de sa compréhension et en y renonçant (Cf. Ibid. 123-129).

 

1er janvier. Sainte Marie, Mère de Dieu (Nb 6,22-27 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2,16-21)

1La bénédiction pour l'année. C'est la formule solennelle de bénédiction de l'ancienne Alliance qui ouvre, dans la première lecture, la liturgie de la nouvelle année civile. Que Dieu veuille bien tourner vers nous son visage. Le regard de Dieu sur nous est, d'après saint Paul, bien plus salutaire que notre regard sur lui : "Si quelqu'un aime Dieu, celui-là est connu de lui" (1 Co 8,3). Mais nous sommes en même temps regardés par la Mère du Seigneur avec un amour infini comme ses enfants et bénis par elle. Cette bénédiction de la Mère ne doit pas être séparée de celle de son enfant et de tout le Dieu trinitaire. (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 27).

2 - Marie gardait tout dans son cœur. Les mots simples de l'évangile, répétés deux fois, que Marie garde tout dans son coeur et le médite (Lc 2,19.51) montrent qu'elle est pour toute l’Église le vase inépuisable du souvenir et de l'élucidation. Elle connaît au plus profond tous les événements et toutes les fêtes du temps liturgique que nous célébrerons à travers toute l'année. Placer toute l'année sous la protection de cette maternité signifie implorer d'elle une constante compréhension pour une marche constante à la suite de Jésus. De même que l’Église, dont elle est la cellule primitive, elle nous bénit, non en son nom propre, mais au nom de son Fils qui lui-même nous bénit au nom du Père et dans l'Esprit Saint (Cf. Ibid. 27-28).

3 – Le Fils ne vient pas au monde comme un adulte qui entreprendrait soudain une action de courte durée dans le but de supprimer la faute du monde. Il ne vient pas non plus simplement pour les heures ou les jours de la Passion, dans le but de se charger du péché du monde comme d'un fardeau avec lequel il n'aurait établi humainement aucun rapport, du fait qu'il n'aurait parcouru aucun chemin humain jusqu'à lui. Non, il veut être entièrement homme, et pour cette raison il choisit la voie tout entière de l'homme, il veut être conçu, porté et mis au monde par une femme, vivre la petite vie quotidienne d'un enfant des hommes jusqu'à ce que son heure ait sonné. Pour la mère qui le conçoit, il est à la fois le Sauveur du monde et le petit enfant qui grandit. Un enfant qui ressemble à tous les autres et qui est toutefois le Fils éternel qui a décidé dans son éternité de prendre sur lui le fardeau du monde (Cf. La confession 35).

4 – Marie prie, elle prie dans la force de sa foi et dans la foi que fortifie la présence de l’Enfant. Elle sait que sa prière est assumée par Dieu. Et, par la venue des mages, elle sait que le monde va commencer à prier. Elle voit que la prière, la foi se propagent, que tout prend plus de consistance. Ensuite il ne se passe plus rien. Ce seront les années de solitude dans la petite famille. La confirmation que l’adoration des mages a apportée ne se renouvelle plus. Et cependant la prière de Marie doit inclure le monde, qu’il se présente sous la forme de voisins indifférents, ou sous la forme des pays lointains, dont, par leur venue, les mages ont indiqué l’existence. Au niveau de la prière, la jeune Mère doit déjà être l’Église. Dans la solitude, elle doit rester ferme, ne pas se préoccuper du nombre. Elle n’a pas à partir au loin pour présenter, comme un apôtre, son Enfant au monde. Elle doit plutôt montrer à Dieu le Père que l’Enfant a chez elle une patrie, quelque inconsidérée et indifférente que ûisse être l’attitude du monde. Sa prière doit apprendre à ne pas se laisser déconcerter. Pas plus qu’elle ne réfléchit sur elle-même, elle ne peut réfléchir sur la destinée de son Fils et sur la méconnaissance qu’il recueille. Sa tâche consiste à créer, par la prière et une foi assurée, une demeure pour l'Enfant. La prière doit prendre possession d’elle au point de libérer tout l’espace en elle pour le Fils. Marie doit se rendre disponible au point de devenir un champ infini sur lequel l’Église pourra toujours se bâtir au nom du Seigneur (Cf. L’expérience de la prière 90-91).

5 – Les personnes qui venaient rendre visite à Marie voyaient dans sa maison le fruit de sa vie de prière : tout autour d’elle était disposé avec amour, et elles percevaient la tranquillité, la confiance et l’amour qui rayonnaient d’elle sur son entourage. Mais ils ne savaient pas qui était en vérité l’Enfant et ils ne savaient pas non plus que la Mère reflétait ce qui lui venait de l’Enfant et, par lui, du Père et de l’Esprit ; ils ne savaient pas non plus que son obéissance à la parole de l’ange était passée sans heurt à un service d’obéissance rendu à l’Enfant. Pourtant l’Enfant lui obéit. En tant qu’homme, le Fils s’insère parfaitement dans son milieu et il est docile à sa mère, qui, de son côté, attend de lui non pas ce que toute mère attend, mais ce que, dans sa vie de prière, le Dieu Trinité lui indique. De par son obéissance, elle sait ce qu’elle doit exiger, ce qu’elle doit expliquer ; de par le Verbe, qui est son Fils, elle sait comment elle doit formuler la parole qu’elle lui adresse (Ibid. 92).

6 – Tout en s’occupant du ménage et en accomplissant les tâches quotidiennes, Marie tient sans cesse son esprit en prière. Elle adore Dieu dans le ciel, mais aussi dans son Fils. Cette prière qui touche et inclut ciel et terre la fait participer aux soucis du Père, aux joies et aux soucis du Fils ; mais elle ne rend pas moindre sa participation authentique à ce qui se déroule sur la terre. Elle la colore peut-être parce que Marie vit dans la foi et l’espérance et ne se laisse pas écraser par ce qu’il y a d’inconcevable et de grandiose dans sa vie ; cette prière laisse les petits soucis de la vie à leur insignifiance au regard de l’œuvre prochaine du Fils, de chacune de ses journées, de la responsabilité qu’elle en porte. C’est en Marie qu’on perçoit comment les divers devoirs et exigences trouvent, ne disons pas leur répartition, mais leur place exacte (Ibid. 101).

7 – L’aspect concret de la prière commence pour un enfant chrétien quand on lui présente la Mère de Dieu à vénérer. Une image de Marie, une statue, un cantique marial sont les premières choses qu’il apprend à comprendre du Seigneur et du monde céleste en général. Le Seigneur lui-même peut rester encore longtemps abstrait pour l’enfant, alors que sa mère céleste est déjà devenue concrète à ses yeux. A elle il peut se confier, à elle il peut remettre tout ce qui le dépasse et lui demander de s’en charger. L’enfant ne sait pas pourquoi certaines choses qu’il aimerait faire sont défendues, mais il comprend déjà que cela ferait de la peine à la mère du ciel. Elle traduit dans le petit univers des représentations enfantines ce qu’il y a d’insaisissable dans la réalité surnaturelle. Elle est garante de la réalité de l’invisible (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 210-211).

8 – Le Fils offre à tous les hommes sa mère pour qu’elle soit la leur, et chacun est laissé libre dans l’amour de se la choisir pour mère. Elle est liée par ce oui libre et elle doit tenir lieu de mère à tous ceux que le Fils lui confie. La liberté qu’elle avait de dire oui est proposée à quiconque cherche et lutte, pour qu’il se lie pour toujours avec le même bonheur que la Mère l’a fait en se donnant. Elle se chargera également avec un soin tout particulier de ceux auxquels elle manque, qui ne la comprennent pas, qui l’ont reniée. Elle met toute la fécondité de sa foi à la disposition de ceux qui se sont éloignés d’elle, pour les ramener à cette plénitude, qu’elle connaît, de la foi en son fils. La Mère se tient invisible sur la route de tous ceux qui se convertissent (Cf. Ibid. 223-224).

9 – Quand Marie rencontre l’ange, elle ne sait pas encore ce qu’est la souffrance malgré sa connaissance de la vie. Elle est ingénue, son corps est comme un lieu "indifférent", neutre. Aucun désir en lui, aucun manque qui serait à combler, aucun trop-plein. Et quand elle a conçu et qu’elle attend l’enfant, elle se réjouit d’avoir un corps qu’elle peut offrir au Fils comme lieu. Elle est non seulement esprit et obéissance et foi, elle est aussi un lieu corporel. Elle a des bras pour le porter, des seins pour l’allaiter, une voix pour parler avec lui, des yeux pour le voir, des oreilles pour l’entendre, une silhouette qu’il reconnaîtra comme étant celle de sa mère… Ensuite viendront les souffrances (NB 3,250).

10 - L’Ave Maria de tous les jours, répété d’innombrables fois, n’est jamais usé. Le mystère se fait plus proche, plus digne d’être aimé, il nous apprend à pressentir la plénitude de Dieu, son amour surtout. La Mère et son enfant baignent dans cet amour, on sent combien cet amour rayonne d’eux. Ainsi la prière ouvre le ciel. La grâce peut prendre toutes sortes de formes : la grâce d’avoir la foi, celle de connaître la grâce de Marie, celle de pouvoir la prier et de savoir quelle m’entend. Mais la grâce est toujours plus grande que ce qu’on en perçoit. La grâce est comme une voie lactée qui du ciel se répand sur la terre et relie le monde à Dieu. Le priant est sur terre, Dieu est au ciel, et la grâce, c’est la distance surmontée. Elle va, elle souffle, elle se répand (NB 6,60-61).

11 – L’esprit de Marie doit être capable, par l’Esprit Saint, de répondre aux questions que lui posera son enfant comme tout enfant, de manière à ne faire obstacle en rien à sa mission divine, mais qu’elle expérimente plutôt celle-ci comme une exigence humaine. L’essentiel des trente années de contemplation du Fils se joue peut-être durant ces premières années de l’enfance dans le cœur de la Mère. Plus tard, c’est le Fils devenu grand qui répondra aux questions de sa Mère. Pour le moment, il est soumis aux empêchements de l’enfance, ce n’est pas la nuit. Tout est en devenir et, devant le Père, cependant c’est un renoncement à la pleine possession de sa force de Fils. Et sa mère accompagne ce renoncement avec sa disponibilité (NB 6,164).

12 – Marie. Elle ne fait pas de reproches. Là où elle voit ne fût-ce qu’une petite étincelle d’amour, elle s’accroche (NB 8,324).

13 – Le temps véritable n’est pas le temps morcelé de l’homme (métro, boulot, dodo) : travail, loisir, et repos de cette occupation. L’unité de notre temps est que nous sommes devant Dieu (NB 10,2234).

 

2e Dimanche après Noël ABC (Si 24,1-2.8-12; Ep 1,3-6.15-18; Jn 1,1-18)

1 – La sagesse de Dieu est répandue dans toute la création, mais ce n'est qu'en Israël que Dieu s'est révélé de façon définitive, et cette révélation s'est achevée dans le Christ et son Église. Aucune religion autre que celle de la Bible ne connaît une incarnation de Dieu ; cette incarnation de Dieu met en lumière d'une manière unique le plus profond et le plus caché de la sagesse de Dieu. Dieu incarné, c'est Jésus-Christ qui est homme comme nous. Cet homme a eu la force de révéler aux autres hommes, par toute son existence, le mystère de Dieu. Un ange n'en aurait pas été capable, car il ne peut pas mourir. Il fallait "la parole de la croix" (1 Co 1,18) pour dévoiler le dernier mystère de Dieu. Ce mystère est que Dieu est amour, amour allant jusqu'à abandonner dans la mort son Fils bien-aimé, par amour pour le monde. Aucune religion n'a rejoint, ne fût-ce que de loin, cette révélation. Le dessein de Dieu était de toute éternité, de nous intégrer nous, les hommes, dans la filiation du Fils éternel à l'égard du Père. C'est quelque chose de si inconcevable que l'apôtre demande pour nous l'Esprit Saint pour que nous puissions comprendre à quelle espérance nous sommes appelés par le Fils, car aucun homme ne pourrait concevoir pour lui-même une destination aussi démesurée (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 29-30).

2 - Tout fut par le Verbe. La Parole créatrice de Dieu devient chair en Jésus-Christ, c'est-à-dire qu'elle devient homme comme nous. Toutes les choses doivent ce qu'elles sont à cette Parole. Mais qui est cette Parole en vérité, cela ne se révèle au monde que lorsque cette Parole devient un homme absolument particulier, un homme individuel. Cet homme a eu la force de révéler aux autres hommes par toute son existence non seulement qu'il est le Verbe de Dieu, créateur de toute choses, mais aussi le Verbe éternellement issu de Dieu : le Père qui est son origine. Pour dévoiler le dernier mystère de Dieu, à savoir qu'il est amour, il a fallu que l'amour aille jusqu'à la mort : que le Père, qui est amour, aille jusqu'à abandonner dans la mort son Fils aimé par excellence, par amour pour le monde. Aucune religion n'a rejoint, même de loin, cette parole qui s'est exprimée dans une figure humaine. La vraie religion n'est pas la tentative de devenir soi-même Dieu (mystique), ni celle de persister dans la distance de la créature par rapport à Dieu (judaïsme, islam), mais bien celle de gagner l'union suprême avec Dieu, justement sur la base de la distinction qui subsiste entre le Créateur et la créature (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 29-30).

3Il nous a choisis (Ep 1,4). Dieu nous a choisis, et bien sûr en son Fils, comme si, lors de son choix, il avait placé son Fils entre lui et nous. Et ce, avant la fondation du monde. Dès ce temps-là, le Fils était le chemin sans qui on ne va pas au Père. Ceci n'est pas une vérité qui ne serait devenue vraie que par l'Incarnation dans le temps ; elle était vraie dès la création du monde. Dieu nous a choisis en son Fils pour pouvoir nous voir en son Fils et par lui. Dès les origines, le Fils de Dieu fut mis en avant comme celui en qui nous serions choisis, il a été désigné comme celui en qui nous serions créés et sauvés. Dieu voulait nous voir devant lui saints et irréprochables, et nous ne pouvons pas le devenir par nous-mêmes, mais uniquement par le Fils. La sainteté et l'impeccabilité du Fils sont si grandes qu'elles parviennent à nous faire paraître, nous aussi, saints et irréprochables devant Dieu (Cf. L’Épître aux Éphésiens 20-21).

4 – Dans la nouvelle Alliance, le Fils est la Parole, la voix du Père. Dans l’ancienne Alliance, le Père a donné une expression à son rapport au monde ; dans la nouvelle, le Fils apporte l’amour trinitaire. Dans la parole du Père communiquée par le Fils, il y a non seulement la parole qui est dite, mais aussi la parole qui est tue ; parole qui existe, mais qui pourtant demeure inexprimée. Si une mère dit à son enfant : "Va là !", l’enfant se met en route, non seulement tandis que retentit la parole, mais plus longuement, jusqu’à ce qu’il parvienne au but ; il reste dans l’obéissance à la parole de sa mère. Dans une mesure bien supérieur, cela est vrai pour le Fils, qui persévère jusqu’à son but, la mort sur la croix, dans la parole que lui seul peut entendre, la parole de mission du Père. La souffrance, l’angoisse, le silence du ciel, tout s’y trouve inclus (Cf. Le Dieu sans frontière 112-113).

5 - (Adrienne a quarante-cinq ans ; elle dialogue avec le P. Balthasar avec la conscience qu’elle avait à quinze ans) - Tu sais, je crois autrement que celles qui vont au catéchisme. - Où est la différence ? - Je m’occupe presque toute la journée du Bon Dieu. Ou bien peut-être que c’est exagéré. Je ne sais comme je dois dire. Vous comprenez : quand les autres vont au catéchisme, elles se disent : Qu’est-ce que nous devons apprendre par cœur aujourd’hui dans l’histoire biblique ? Moi, je me dis : Mon Dieu, j’espère apprendre quelque chose sur toi (NB 6,215).

6 – La confession est contraire de la psychanalyse. Celle-ci met le centre dans l’âme, la confession le met en Dieu. Elle ne purifie l’âme que pour créer un espace pour l’habitation de la Parole de vie (Sur 1 Jn 2,1. Die Johannesbriefe 36).

7 – L’enfant dans les bras de sa mère, Jésus dans les bras de Marie. Le nouveau-né dans les bras de sa mère a une dignité humaine illimitée et il a des droits sur les soins qu’on doit lui donner. Quand sa mère le soigne, lui change ses langes, lui donne à manger, l’enfant ne s’excuse pas que les choses se passent ainsi pour lui, cela va de soi, cela fait partie de la dignité de l’enfant qu’il l’accepte ainsi. Quand plus tard il fait ses premiers pas et prend possession du monde qui l’entoure, cela se fait aussi avec une dignité, une simplicité, une justesse de tous les instants. Même chose pour les premiers mots qu’il balbutie. C’est une dignité toute simple qui correspond à l’être de l’enfant et aux vues de Dieu. En chacun de ses progrès brille l’éclat de sa dignité. Il reçoit, réplique, s’amuse, ne se sent pas humilié de ce qui lui manque encore, mais il se sent encouragé par tout ce qu’il apprend et reçoit de nouveau (NB 6,164-165).

 

Épiphanie (Is 60,1-6; Ep 3,2-3.5-6; Mt 2,1-12)

1 - Pour les rois mages, l'étoile n'est pas seulement un phénomène surnaturel qui stimule leur foi, mais quelque chose de terrifiant qui fait éclater toutes les attentes des calculs humains et terrasse leur esprit jusqu'à l’agenouillement. Le droit chemin consiste pour eux à se laisser désormais guider par l'étoile qui leur fait connaître la puissance suprême du ciel. Ils suivent. Ils font l'apprentissage d'une obéissance de laquelle jusque-là ils ne savaient rien : non pas une obéissance aveugle, au contraire : une obéissance qui voit; une obéissance qui déjà permet de voir - car ils tiennent en effet leurs yeux fixés sur l'étoile - et qui, à plus forte raison, débouche dans cette vue : la contemplation du Fils (Le Dieu sans frontière 59-60).

2 – L'histoire de Noël était, malgré le chant céleste de louange, une manifestation divine discrète, limitée à un petit nombre. Et pourtant elle n'était pas seulement valable pour tout Israël, mais aussi pour le monde entier : c'est ce qui est célébré dans la fête d'aujourd'hui ; l'épiphanie de Dieu est destinée au monde entier, notamment aux peuples païens qui n'avaient pas reçu, comme les Juifs, des annonces préalables. Les païens sont les premiers maintenant à venir rendre hommage. - A des astrologues païens, Dieu a adressé une parole par un astre inhabituel au milieu de leurs constellations habituelles, et cette parole les a émus et amenés à tendre l'oreille, tandis qu'Israël, habitué à la parole de Dieu, est devenu sourd à de telles paroles de révélation. Ainsi souvent l’Église quand, par un saint, un message inattendu la dérange. La question naïve de ces étrangers : "Où est le roi qui vient de naître ?" posée aux Juifs ou à l’Église, crée embarras et même effroi. La conséquence sera chez Hérode un projet meurtrier prudemment voilé. Mais les astrologues, guidés par l'étoile, parviennent à leur but, ils rendent hommage à l'Enfant et s'esquivent, conduits par la providence de Dieu, sans être inquiétés. L'événement est symbolique, il annonce l'élection des païens ; plus d'une fois, Jésus trouvera chez eux une plus grande foi qu'en Israël. Souvent ce sont des convertis qui ouvrent à l’Église des voies nouvelles et fécondes (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 31-32).

3 - On ne sait jamais comment on va rencontrer le Seigneur... Il en est de même pour le théologien qui étudie la foi (NB 9,1939).

4La grâce que Dieu m'a donnée pour vous ; par révélation, il m'a fait connaître le mystère du Christ (Ep3,2-3). Paul a donc eu connaissance de ce mystère d'une manière qui lui était réservée personnellement : par révélation. Il ne décrit pas cette manière, il lui suffit de dire qu'il y a eu révélation, il garde pour lui ce qu'elle a de propre. De ces paroles, il ressort que Paul ne se contente pas de répéter des choses connues, il apporte du nouveau qui, pour autant, n'est pas en contradiction avec ces choses connues. Il lui importe cependant qu'on le reconnaisse lui-même comme source de ces choses nouvelles : cela fait partie de sa mission. Il a reçu de Dieu cette révélation et il la transmet de la manière qui lui semble adéquate sans rapporter les circonstances dans lesquelles Dieu lui a parlé (Cf. L’Épître aux Éphésiens 98).

5 – Que les rois mages viennent pour adorer réjouit Dieu et réjouit aussi la Mère (NB 10,2269).

6 – Rendre les hommes attentifs à Dieu (NB 8,378). 

 

Baptême du Seigneur A (Is 42,1-4.6-7; Ac 10,34-38; Mt 3,13-17)

1 – Jean, le précurseur, recule devant l'idée de baptiser celui qui vient et qu'il annonce ; mais Jésus insiste parce que toute la justice doit s'accomplir. Cette justice, c'est que Jésus achève l'alliance entre Dieu et l'humanité. Mais Israël doit collaborer et c'est Jean-Baptiste qui est choisi pour cela. Jean-Baptiste commence par protester, puis il "laisse faire". Et Dieu Trinité confirme l'accomplissement de l'alliance : la voix du Père manifeste Jésus comme son Fils bien-aimé, et l'Esprit Saint descend sur lui pour l'oindre comme Messie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 33).

2Il existe des chemins de grâce bien établis : les sacrements. Dans ses rencontres particulières, durant sa vie terrestre, et davantage encore dans sa rencontre avec la faute universelle, à la croix, le Seigneur a découvert que les chemins de la grâce requièrent de telles formes. C’est ainsi qu’il reprend le baptême de Jean et en fait son sacrement ; il se fait baptiser face au peuple qui assiste à l’événement, bouleversé : non point que quelqu’un se soit converti, mais parce que le ciel s’ouvre et que descend l’Esprit. Et bien sûr le peuple – préfiguration de l’Église qui vient – désire ardemment avoir lui-même un signe d’une semblable évidence. Le Seigneur rejoint son attente et fat du baptême la marque indélébile de l’appartenance à son Église. Le Père reconnaîtra ce signe dans les âmes ; mais non moins les traces de la confession, de la confirmation et de chacun des autres sacrements que le Fils institue (Cf. La face du Père 112-113).

 

Baptême du Seigneur B (Is 42,1-4.6-7; Ac 10,34-38; Mc 1,7-11)

1 - La tentative de l'homme de comprendre tout ce que contient la Parole de Dieu n'est pas un effort vain. Et pourtant à la fin, il saisit plus profondément la parole du début : "Mes pensées ne sont pas vos pensées". Aucune révélation n'amoindrit le mystère de Dieu. Aucune ne lui fait perdre sa totale liberté de se révéler comme il veut et de garder pour lui ce qu'il veut. Sans doute les croyants sont-ils encouragés à faire l'effort de comprendre la Parole, mais non sans être avertis continuellement de ne jamais oublier que Dieu est inconcevable, qu'il est le Tout-Autre (Sur Is 55,8s. Isaias 117-118).

2 - "Il fut baptisé par Jean dans le Jourdain". Il se laisse dispenser le sacrement de baptême. Il ne se le donne pas lui-même, mais se le fait donner; or le baptême de Jean est un baptême de repentir. Le Seigneur se laisse dispenser ce baptême de repentir; lui qui n'a jamais péché vient comme un pécheur et se place précisément sous ce signe. Comment un baptême de repentir peut-il lui être destiné? Comment peut-il le recevoir sans renier son être. Il porte déjà le péché comme il le portera sur la croix. C'est seulement le péché d'autrui qu'il prend sur lui. Il se repent pour les autres, il porte le péché des autres qu'il veut racheter. Son baptême appartient déjà sans équivoque à son œuvre de rédemption, il le place immédiatement au cœur de celle-ci. Il marque le commencement de sa vie publique. Du baptême à la croix, le chemin de la rédemption est clairement tracé (Sur Mc 1,9. Saint Marc 25).

3 - Et l'Esprit comme une colombe. Il voit la colombe qui symbolise l'Esprit. Il voit la figure d'une colombe et reconnaît en elle l'Esprit qui a agi au nom du Père lors de sa conception, l'Esprit dont il aura besoin désormais pour rendre compréhensible aux hommes le chemin vers le Père, pour leur donner la foi. Il voit comment l'Esprit descend sur lui, vient à lui; et même dans les décisions difficiles de sa vie, dans sa Passion, dans la déréliction la plus profonde, où plus rien peut-être de sa mission divine ne lui sera tangible, il ne cessera de savoir que l'Esprit est avec lui, que l’Esprit est en lui. Comme preuve de son amour, le Père lui a envoyé  l'Esprit Saint divin (Sur Mc1,10. Ibid. 26).

4 - Tu es mon Fils bien-aimé. Voilà ce que le Fils doit savoir en ce moment. Il le sait en soi; il le sait à nouveau par la voix, il le sait une fois encore maintenant qu'il entre dans sa mission active et commence son apostolat au nom du Père. C'est pour cet apostolat qu'il reçoit l'assurance d'être le Fils. Sa mission de Rédempteur signifie : prendre avec lui les hommes qu'il rencontre et qu'il choisit, faire d'eux des fils de Dieu, en sorte qu'ils aient part à tout ce qui est à lui. Et ce qui est à lui est résumé dans ces paroles : "Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis tout mon amour" (Sur Mc 1,11. Cf. Ibid. 27).

5 - Le Père donne au Fils le Saint-Esprit un peu comme une règle qui l’accompagne tout au long de sa vie. L’Esprit est la règle de Dieu le Père observée par le Fils. C’est aussi la règle du Fils parce qu’il l’a parfaitement suivie et transposée en vie (HUvB, AvS et sa mission théologique 147).

 

Baptême du Seigneur C (Is 42,1-4.6-7; Ac 10,34-38 ; Lc 3,15-16.21-22)

1Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour délier la courroie de ses chaussures. Le Baptiste se compare au Seigneur qui vient ; d'abord il dit que celui-ci est beaucoup plus puissant, puis il confesse être parfaitement indigne de lui. Il ne prétend même pas à la position d'un serviteur. Il est inférieur : indigne de délier la courroie de ses chaussures. Pas même un esclave. Son rapport au Seigneur est celui de l'indignité absolue. Il assume cette indignité, il ne cherche en aucune manière à la réduire ou à l'éliminer par une explication. Il en reste là : indigne (Sur Mc 1,7-8. Cf. Saint Marc 23).

2Pour moi, je vous ai baptisés avec de l'eau. Il a posé un acte qui se comprend lui-même comme une préparation. Il l'a fait dans un mandat qui vient de l'Ancienne Alliance pour conduire à la Nouvelle. Les baptisés ne sont pas laissés dans le premier bonheur de leur baptême, ils sont aussitôt conduits plus loin dans quelque chose de plus grand. Ils auront révéré le Baptiste comme un saint (qu'il était d'ailleurs), mais ce saint ne les laisse pas s'arrêter à lui. Il ne les retient pas un instant. Le rôle du baptiste est de préparer. On n'arrive jamais à un terme. Nous voulons être intimement convaincus que nous non plus, nous ne parviendrons jamais à un terme, car chaque exigence débouche sur une exigence plus grande, au nom de celui qui baptise avec l'Esprit Saint (Sur Mc 1,7-8. Cf. Ibid. 23-24).

3Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint. L'eau, nous en avons une représentation claire. Mais nous ne savons pas tout à propos de l'eau, on peut toujours en apprendre davantage sur elle. Pour l'Esprit Saint, nous sommes capables d'énoncer à son sujet quelques pauvres affirmations, mais même en en formulant cent fois plus, nous ne serions pas plus proches de son infinité. A partir de divers passages du Nouveau Testament, nous pouvons tirer de son action des conclusions sur ses propriétés. Mais son être ne nous sera jamais vraiment dévoilé, parce que l'Esprit retourne toujours en Dieu (Sur Mc 1,7-8. Cf. Ibid. 24).

4 – Que Jésus se fasse baptiser avec le peuple qui cherche à se détourner de ses péchés, comporte quelque chose de profondément mystérieux ; c'est comme s'il voulait déjà, dans son premier acte public, manifester sa solidarité avec tous les pécheurs. Plus tard viendra le baptême chrétien. Jésus ne veut tien imposer aux siens qu'il n'aurait pas traversé lui-même. Le baptême dans le Jourdain est pour Jésus un baptême dans l'Esprit Saint, le baptême sur la croix est pour lui un baptême dans le feu. Le premier est un acte de solidarité avec les pécheurs à purifier, le second est la destruction par le feu de tout le péché du monde (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 33).

5 - Jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans (Lc 3,23). Dans sa trentième année, Jésus quitte la maison de Nazareth et sa mère pour se rendre au Jourdain. Il s’en va sans grands préparatifs. Il part, et sa Mère sait que le temps de sa préparation humaine est alors terminé. Il part pourvu de ce qu’avait à lui donner la maison de ses parents, mais aussi de ce dont il a fait humainement l’expérience au dehors. Il part vivre sa vie d’homme en toute autonomie, mais ce n’est ni pour exercer la profession apprise ni pour fonder un nouveau foyer ; il part pour accomplir la mission qu’il a reçue du Père. La Mère reste en arrière. Elle n’aura plus à s’occuper des besoins matériels de son fils, ni à travailler pour lui comme femme. Et pourtant, au départ de son fils, un nouveau travail lui est confié. Elle doit revenir à l’origine et à l’état de son premier oui, une fois de plus ne plus être qu’attente et prière. La douleur de la séparation physique prélude déjà pour elle à celle qu’elle connaîtra au pied de la croix. Elle accompagne son fils par la prière. Cette coopération n’est pas visible extérieurement. Telle est la manière chrétienne d’accompagner celui qui s’en va au loin : ne lui adresser que d’affectueuses pensées humaines serait stérile, mais l’accompagner de pensées en Dieu, c’est-à-dire de prières, voilà qui est sensé et fécond (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 131-135).

6 - Jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans (Lc 3,23). Le Christ s’est tu trente ans avant de parler. C’est un exemple à imiter : se taire jusqu’au moment voulu. Le Seigneur prie trente ans et son action est divine. Le feu qui embrase la forêt le fait pour le bien ou pour le mal ; c’est incroyable les résultats qui sont provoqués. La langue est au service de Dieu. Pouvoir énorme de la langue. La langue se vante ? Elle n’est plus au service de Dieu. L’usage de la langue aussi est une œuvre: l’œuvre est bonne si elle est au service de la foi (Sur Jc 3,5. Cf. Die katholischen Briefe I, 156-157.

 

Mercredi des cendres (Jl 2,12-18 ; 2 Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18)

1 - Mon Père qui voit dans le secret te le rendra. L'homme qui prie se tient comme nu devant Dieu après s'être défait de tout ce qui l'entoure. Il n'a pas de secret devant Dieu. Il se présente à découvert et Dieu voit tout. Et, dans le secret, il laisse Dieu faire tout ce qu'il veut. Il se laisse creuser et dilater par Dieu, car le secret de Dieu est bien plus grand et plus puissant que le sien... Et que le Père le voie dans le secret est déjà sa récompense : le fait qu'il existe vraiment une telle intimité entre Dieu et lui (Sur Mt 6,6. Le sermon sur la montagne 140).

2 - Toute l'ascèse, les exercices de pénitence, les humiliations corporelles, ont pour but ici-bas de rendre le corps libre pour l'Esprit (NB 4,118).

3 - On peut faire pénitence par mortification - pour se séparer personnellement de tout désordre de la chair -, mais aussi pour se préparer à une tâche, à une mission...  On peut faire pénitence dans ce sens, dans le but de montrer à Dieu sa bonne volonté, de lui faire un petit cadeau en quelque sorte qu'il peut utiliser comme bon lui semble. Et on lui explique de l'employer aussi un peu pour la tâche à venir... On doit se préparer à cette tâche par la pénitence comme la fiancée se pare pour la noce, comme on jeûne avant une fête pour se séparer du charnel et pour ainsi mieux percevoir la voix de Dieu parce qu'elle retentira alors dans un espace vide, un réceptacle purifié (NB 8,967).

4 – Ce n'est pas pour être récompensé par Dieu que nous faisons pénitence, c'est d'abord parce que nous suivons simplement le Christ, avec reconnaissance, ensuite aussi parce que, face au monde dans lequel nous vivons, nous voyons clairement qu'on ne peut l'aider en profondeur autrement que par la pénitence. Jésus nous en indique trois formes efficaces : l'aumône, la prière et le jeûne. On peut jeûner de multiples manières : par le renoncement aux aliments, aux agréments de toute sorte, au sommeil, à la joie, pour leur préférer les pauvres, les indigents, les infirmes. Ces hommes qui ne peuvent nous le rendre (Cf. HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 49).

5 – Quand nous prions, nous nous ouvrons expressément à la présence du Seigneur qui vit ce que nous vivons. Certes, sa manière de le faire n'est pas toujours claire pour nous, car il réalise cela selon son bon plaisir, mais cela correspond toujours à son plus grand amour. Supposons que quelqu'un prie ou contemple, dans l'église ou dans sa chambre : il a connaissance de cette présence, sa prière est une conversation. Il est avec son Dieu, lui fait part de ce qui le touche, il écoute ce qu'il dit, lui offre son amour et son abandon. Celui qui prie dans la solitude pense peut-être s'être remis dans les mains de son Dieu, avoir été conscient de sa présence, mais il faut absolument qu'il sache que cette présence de Dieu à travers Jésus-Christ contenait en elle la présence du monde entier. Dieu s'est fait homme afin que tout être soit en Dieu et que désormais jamais plus le Fils ne se tienne devant le Père sans le monde, et la créature devant Dieu sans son Seigneur(Cf. L'amour 23-25).

6 – Le Père n’a jamais cessé de se révéler ; l’incarnation du Fils ne fut qu’une forme de sa manifestation ; une forme, certes, particulièrement pressante, car Dieu devient l’un de nous. Même là où sa parole n’est pas perçue, Dieu reste dans l’état de révélation ; son silence comme sa parole ont la même force de communication, seulement à des niveaux différents. L’incroyant n’a aucune affinité avec le silence de Dieu. Si c’est un sceptique, son cri vers Dieu sonne comme un défi : s’il existe, qu’il se rende perceptible, qu’il fasse un signe quelconque dont lui, le sceptique, pense avoir besoin pour se laisser convaincre de l’existence de Dieu. Pour le croyant, le silence de Dieu révèle son existence. Il cherche à le trouver dans son silence ; il se présente au Dieu vivant de manière que Dieu n’a pas besoin d’extérioriser son être pour se rendre perceptible. Le fidèle se tait, et Dieu se tait aussi ; le fidèle se tait dans l‘intention de s’ajuster Dieu et de n’être pas pris en considération par Dieu autrement que celui-ci le désire (Cf. Le Dieu sans frontière 90).

7 – il y a deux manières de prier : la prière de ferveur et la prière dans le vide. La prière dans le vide, lorsque, fatigué ou excédé, ou encore trop occupé, on ne ressent aucune envie de prier. Toute proche, il peut y avoir une fausse ferveur de la prière : « Je peux enfin de nouveau prier et je suis débarrassé du fatras ennuyeux ». Un certain bien-être physique et une absence de problèmes sont nécessaires à la prière fervente. Elle ne doit pas servir de mesure pour juger de la valeur de la prière. On doit plutôt apprendre à chercher Dieu en tout, à l’adorer dans la prière par devoir, ce qui, peut-être, m’attire moins (Cf. Disponibilité 9).

8 – Un fidèle peut éprouver le besoin de faire pénitence pour une chose précise ou simplement pour l’Église, entre les mains de Dieu. Son esprit impose une pénitence à son corps, non pas en ce sens que l’esprit s’abaisse à punir le corps. Le corps sert simplement pour exprimer son esprit, un instrument,, comme une plume dont on se sert pour écrire. On met le fruit de la pénitence entre les mains de Dieu. Tout cela n’est pas plus compliqué (Cf. Ibid. 94).

9Prie ton Père dans le secret. Celui qui médite doit être vidé de soi pour se laisser former par Dieu comme il l’entend. Dans la méditation, il faut se livrer à elle comme elle nous est donnée (L’expérience de la prière 60).

10 – Pour la prière privée, n’importe quel temps dont le chrétien puisse disposer convient. Il est libre de choisir lui-même le genre et le contenu de la prière. Prier a principalement pour but d’ouvrir et de poursuivre la relation personnelle à Dieu. Le chrétien vit en présence de Dieu, et se tenir en présence de Dieu s’exprime extérieurement dans son attitude de prière et intérieurement dans son occupation et son dialogue avec Dieu, dont l’effet doit se répercuter sur sa tâche journalière tout entière. Dans la prière, il présente à Dieu ses demandes, tout ce qui le touche intérieurement ; il se dévoile, il implore son aide ; il lui recommande tout ce qui l’occupe personnellement, ce qui fait sa vie, ce qui concerne les siens, ce qui touche ses intérêts les plus éloignés. Mais ceux-ci se recoupent avec les intérêts de Dieu lui-même : son règne dans le monde, sa rédemption, la propagation de la foi, l’Église (Le monde de la prière 138).

11 – La prière peut être une prière vocale ou mentale qui ouvre l’homme à Dieu : ainsi la présence de Dieu le fait-elle pénétrer plus profondément dans ses mystères. Il parle, Dieu écoute. Il parle peut-être de ce qui le concerne personnellement, de ce qui lui vient au moment même à l’esprit, il s’en remet à Dieu de lui-même et de ses soucis, lui confie son chemin, ses proches, son travail, il lui demande pardon, lui révèle ses péchés, médite les mystères que Dieu lui découvre dans l’Écriture. Ou bien il récite une prière liturgique, des prières de saints. Mais quelle que soit la forme de sa prière, s’il prie dans une soif de vérité et d’amour, il adopte l’attitude juste qui permet à Dieu d’agir en lui, de le saisir pour l’employer ici ou là. En laissant ainsi l’action de Dieu se faire en lui, il trouvera son chemin ; par sa prière toute abandonnée, il amènera même d’autres à Dieu, des personnes connues ou totalement inconnues (Cf. Les portes de la vie éternelle 71).

12 - Un moine des temps anciens comprend qu’il doit aller dans la solitude pour y chercher, pour y prier et y apprendre Dieu (NB 9,1980).

13 – Dieu seul sait quand il a suffisamment purifié un homme - par la pénitence, par la confession - (NB 6,473).

14 – Le silence que le Seigneur exige de façon si pressante ("Quand tu pries, retire-toi dans chambre") est la condition fondamentale de toute action efficace des apôtres, de toute transmission de la parole de Dieu. Mais la suspension des paroles humaines et des bruits ne vise pas à une sorte d’expérience mystique de calme, de silence, de mutisme, c’est la préparation exigée pour entendre la parole de Dieu. De même que la contemplation a une primauté sur l’action, de même la parole de Dieu a, dans la prière, la primauté sur la parole humaine. Le silence est nécessaire pour que la parole de Dieu devienne perceptible (HUvB, AvS et sa mission théologique 286).

 

1er dimanche de carême A (Gn 2,7-9 ; 3,1-7 ; Rm5,12-19 ; Mt 4,1-11)

1- L’histoire de la chute de l’humanité (première lecture) est expliquée dans la légende de la séduction des premiers êtres humains comme tentation d’être l’égal de Dieu. Le plus important dans ce récit est d’abord que Dieu n’a pas créé l’homme en étranger par rapport à lui, mais dans une relation d’amitié offerte par la grâce. Et ensuite que Dieu doit placer dans le libre choix une créature à laquelle il remet le don suprême de la liberté ; un être « endurci » dans le bien ne serait absolument pas libre. Et bien que Dieu sache par avance que l’homme libre de choisir ne résistera pas à la tentation d’être comme Dieu, il sait plus profondément dans son plan sur le monde, que l’Unique qu’il enverra comme son Fils dans la même tentation, résistera et par là remportera pour l’humanité entière, au milieu de la tentation, la victoire sur elle. Les premiers humains avaient cru que la connaissance non seulement du bien mais aussi du mal, les rendrait semblables à Dieu, mais qui veut explorer les secrets de Satan (cf, Ap 2,24) perd le goût et la connaissance du bien, qui est Dieu. Et parce que le bien est la vérité et le mal le mensonge (le serpent ment, le diable est le père du mensonge : Jn 8,44), l’homme qui pèche tombe dans une profonde ignorance (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 49-50).

2 – L'évangile dépeint la victoire de Jésus après un jeûne de quarante jours : à un moment donc où il est naturellement le plus affaibli et le plus vulnérable à la tentation, mais surnaturellement le plus fort et le plus certain de vaincre. Sa tentation est parfaitement authentique, il éprouve l'incitation du mal, non pas superficiellement à une satisfaction sensible défendue, mais beaucoup plus profondément à la désobéissance à l'égard de sa mission divine : il pourrait se procurer la faveur de la foule par un miracle spectaculaire, le pouvoir sur le monde par l'acceptation de l'offre de celui qui est effectivement le prince de ce monde (Jn 12,31), mais à condition de le reconnaître comme tel. Aucune tentation n'était plus authentique et plus séduisante. Jésus qui, dans la tentation, connaît la puissance du mal autant que celle du bien, de Dieu, se décide en vertu d'une authentique liberté humaine pour le bien. L'obéissance à Dieu élève la liberté de choix dans la liberté parfaite (Cf. Ibid. 50).

3 – Le Seigneur, qui est tenté dans le désert, sait parfaitement qu'il pourrait vaincre le démon en lui montrant à quel point Dieu est plus puissant que lui. Mais il sait plus profondément qu'il ne peut le vaincre qu'en se laissant tenter sans rien céder au mal et en prouvant au contraire, face au tentateur, qu'il demeure auprès du Père et persévère dans l'obéissance à sa mission. Du point de vue terrestre, cette obéissance apparaît comme un gaspillage de forces ; si le Seigneur cédait de quelque façon à la tentation, il pourrait en remontrer au démon. Mais cela aussi serait absurde. Doublement absurde, parce que l'on ne peut rien enseigner au démon. C'est pourquoi le Seigneur choisit la faiblesse, qui dans ce cas est force dans le Père. Quant à nous, dans nos petites et minuscules tentations nous n'avons pas à chercher notre force en nous-mêmes mais auprès du Fils, et pas uniquement auprès du Fils, mais aussi auprès du Père, par l'Esprit Saint de l'obéissance divine (Cf. La confession 51-52).

4 – Si Dieu s’est donné la peine de créer chaque homme différent des autres, il peut aussi demander de chacun la réponse d’une obéissance personnelle. Organisation responsable de sa vie, engagement de l’homme tout entier. L’homme peut trébucher, se tromper, défaillir par moments ; mais si son attitude d’obéissance est vivante, il se reprendra (Le livre de l’obéissance 123).

5 – Par amour, Dieu crée le monde et les hommes. Et, par amour, dès le début, il entre avec Adam dans une relation d’échange et d’intimité. Cela est tout simplement donné, naturel. Adam ne peut rien faire d’autre que d’accepter que Dieu veuille le fréquenter et il ne réfléchit pas là-dessus. Ce n’est qu’après la chute dans le péché qu’il se découvre comme un étranger en face de Dieu. En se cachant, il a coupé la relation d’intimité avec Dieu et il ne connaît plus, à présent, ce que Dieu a en vue. Et Dieu le cherche et l’appelle. Dieu renoue les fils, il montre que son amour et son souci pour Adam sont plus grands que l’éloignement de celui-ci. L’homme qui prie, c’est toujours Adam cherché par Dieu. De lui-même, il ne lui serait pas venu à l’esprit d’entamer une conversation avec son Créateur, mais le Créateur le cherche et se soucie de lui par amour pour sa créature. C’est pourquoi toute conversation avec Dieu est enveloppée dans l’amour de Dieu, elle est une conséquence de l’amour, elle en découle (Le monde de la prière 265).

6 – L’homme est créé pour obéir à Dieu, et le Fils, par son incarnation, est la personnification de l’obéissance, il accomplit le vœu d’obéissance (NB 10,2317).

7 – Sur la nature des visions (expérience d’Adrienne sans doute) : En une seconde, le voyant peut voir des mondes entiers, plusieurs mondes à la fois peut-être, le ciel et l’enfer en un clin d’œil (NB 6,415).

8 – Quand Adam, au paradis, entend Dieu se promener et qu’il parle avec lui, il perçoit Dieu de la manière dont cela lui a été donné. Dieu l’a doté du sens de Dieu comme d’une faculté qui est à sa disposition (NB 10,2155). 

9 – Il y a une discrétion dans la présence de Dieu. Dieu offre des choses aux croyants sans les contraindre. Le Seigneur est discret quand il offre quelque chose. Il aurait suffi à Dieu de faire un léger mouvement, Adam et Eve n’auraient pas mangé la pomme (sic). Il y a une discrétion dans la présence de Dieu, qui fait partie de la réalité de la création. C’est pourquoi l’homme doit toujours se contenter de ce qu’il a reçu en partage pour son intelligence et pour sa foi (NB 9, 1990).

10 – Le premier homme fut placé dans l’existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s’éloignant de lui ; il ne lui a pas été demandé s’il voulait être créé ; il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître (NB 10,2155).

 

1er Dimanche de carême B (Gn 9,8-15; 1 P 3,18-22; Mc 1,12-15)

1 - Devant la croix, nous demeurons toujours des injustes qui ont provoqué cette croix. Le Fils conduit au Père tous les désobéissants, le Père les reçoit de la main du Fils et en fait des obéissants. Mais le Fils accompli toute la rédemption sans la consolation de cette certitude (Sur 1 P 3,18. Die katholischen Briefe I, 358-359).

2 - Et il demeura dans le désert quarante jours, tenté par Satan. Le Seigneur reste quarante jours dans le désert et il est continuellement tenté par Satan. Il doit continuellement repousser des tentations. La durée des tentations indique déjà leur intensité. Il n'y a pas eu de trêve, ni de relâchement dans leur virulence. Or, si le Seigneur a eu besoin de quarante jours pour en venir à bout, il ne faut pas nous étonner d'avoir besoin, nous pécheurs, de beaucoup plus de temps, même si le Seigneur nous a déchargés de bien des tentations. Personne après lui ne devra les traverser toutes; lui, il les a toutes affrontées, et pas seulement des ébauches de tentations, mais de véritables tentations sataniques. Il ne faudrait pas penser que ce fût facile pour le Seigneur de tenir bon. Même s'il n'a jamais connu le péché, il est, pendant sa vie sur terre, un homme que les tentations touchent d'une manière aussi sensible que les autres hommes. La seule différence par rapport aux pécheurs, c'est qu'il les terrasse (Sur Mc 1,12. Saint Marc 29).

3 - Et il proclamait l’Évangile de Dieu. Jésus quitte le désert et proclame l’Évangile. Il ne proclame pas son propre message, il ne proclame pas comme bon lui semble : il annonce la Bonne Nouvelle du Père. Il proclame la Bonne Nouvelle telle que le Père l'a mise sur ses lèvres et telle qu'il l'a préparée dans sa vie contemplative pour passer maintenant à l'action. Nous aurons nous aussi à reprendre des missions dont l'origine n'a pas été placée entre nos mains. Nous aurons la certitude de pouvoir la reprendre et la remplir correctement si nous la reprenons comme le Fils a repris la mission de Jean, si nous nous plaçons au cœur de la Bonne Nouvelle du Père, dans l’obéissance et dans la fidélité du Fils (Sur Mc 1,14. Ibid. 31-32).

4 - Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle . Ici, il annonce ce qu'ils ont à faire, comment ils ont à se préparer, ce que le Père et lui attendent d'eux : "Repentez-vous et croyez". Les hommes sont toujours appelés à se repentir, mais ils doivent maintenant espérer, croire à la bonté, à la joie de la Bonne Nouvelle. Ce qu'ils ont fait de mal, qu'ils s'en repentent, et qu'ils se réjouissent dans la foi en la Bonne Nouvelle que le Seigneur va leur annoncer, qu'ils vivent entièrement de la foi en cette Bonne Nouvelle, en cette joie. Mais seulement une fois repentis (Sur Mc 1,15. Cf. Ibid. 33).

5 – L’Évangile, la Bonne Nouvelle, que Jésus proclame et qui sera une Bonne Nouvelle pour le monde entier, commence par son jeûne de quarante jours. Il ne l'entreprend pas comme un exercice ascétique, il est poussé au désert par l'Esprit de Dieu ; sa croix aussi sera une pure obéissance au Père. La fécondité inouïe, illimitée, de l’œuvre du Christ présuppose au commencement et à la fin un renoncement inouï. Après Jésus, tous les saints dont la prédication sera fructueuse, devront d'une manière ou d'une autre être vides de tout ce qui leur est propre pour annoncer efficacement la proximité du Règne de Dieu. Ce n'est qu'après cette préparation dans le désert, restée cachée aux yeux du monde, que Jésus peut entrer en scène et annoncer : "Les temps sont accomplis" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 46).

6Convertissez-vous. Quand un homme rencontre Dieu, par exemple dans le sens d’une conversion de l’incroyance à la foi ou d’un retournement qui le fait passer d’une foi purement formaliste à une foi authentique, il se trouve pénétré par une vérité qui le rend libre et lui montre un chemin. Elle le rend libre pour le chemin. La vérité, c’est le Christ, et le chemin qui mène à lui est à présent ouvert. Jusqu’alors, l’homme était comme quelqu’un qui saurait par ouï-dire qu’il se passe quelque chose derrière une porte fermée à clef. Voilà la porte ouverte. Plus rien n’empêche le regard d’atteindre la vérité. Bien sûr, cette vérité est infinie, ce qui implique qu’il y a en elle beaucoup de choses qui ne peuvent être comprises d’emblée. En effet, elle reste un royaume à jamais inépuisable qui s’ouvre éternellement neuf, non pas seulement en des aspects accessoires, mais à partir du cœur de la vérité, car le Dieu infini est également capable de répandre son rayonnement dans l’infini (L’homme devant Dieu 116-117).

7 – Prédication du Christ aux prisonniers de la mort. Ce n’est ni l’enfer, ni le purgatoire, mais le monde d’en bas. Le Père donne au Fils l’occasion de rencontrer ceux qui, sur terre, n’ont pas eu l’occasion de le rencontrer, il les donne au Fils. Et le Fils donne à ces âmes ce qu’il avait donné aux hommes sur terre : d’être emmenés vers le Père. Tout croyant, quelle que soit sa mission, est en compagnie du Fils sur le chemin du retour vers le Père (Sur 1 P 3,19. Die katholischen Briefe I,360-361).

 

1er Dimanche de carême C (Dt 26,4-10 ; Rm 10,8-13 ; Lc 4,1-13)

1 – D'après ce récit évangélique, l'activité de Jésus commence par une errance dans le désert. L'histoire de l’Église nous montre qu'assez souvent des saints n'ont commencé leur mission parmi les hommes qu'après des années de désert et de solitude avec Dieu. Au désert, Jésus traverse les grandes tentations relatives à sa mission messianique. En aucun cas, nous n'avons le droit de mettre en doute ou de sous-estimer la profondeur des combats de Jésus. Lui qui a pris sur lui notre péché voulut aussi apprendre à connaître nos tentations, leur force sournoise et trompeuse de séduction. "Eve vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir l'entendement" (Gn 3,6). A celui qui a jeûné plus d'un mois et qui est affamé, un pain à portée de la main devait paraître désirable, la possession de ce monde qu'il devait apporter à son Père, souhaitable, et le miracle proposé, bien utile pour affermir sa position dans le peuple. Tout cela était très compréhensible ; pourquoi s'engager sur le chemin du renoncement ? Les trois versets de l’Écriture que Jésus oppose au diable, ne sont pas des formules récitées par cœur, mais des réponses amèrement conquises. On peut les appeler, en un sens plus élevé, une profession de foi existentielle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 47-48).

2Confession de cœur et de bouche (Rm 10,8-13). "Jésus est le Seigneur" et "Dieu l'a ressuscité des morts". Les deux formules se tiennent parce qu'il est le Ressuscité, Jésus est le Seigneur qui règne sur le monde entier, donc aussi sur moi, sur mon cœur, sur ma vie. Il est le Seigneur "généreux envers tous ceux qui l'invoquent", qu'ils soient Juifs ou Grecs, Chinois ou Indiens (Cf. Ibid. 48-49).

3 – Il est demandé à l’évêque qui doit administrer le sacrement de confirmation de veiller la nuit et d’être à jeun. D’une telle mortification purificatrice, l’Église attend un effet dans celui qui va donner le sacrement : l’Esprit agira avec moins d’empêchement par son entremise. Bien que le Seigneur n’ait rien de peccamineux à purifier, quand il va au désert, il se livre à un état de plus grand don de soi, à un affaiblissement volontaire de ses forces physiques pour être plus prêt pour la croix (NB 6,140).

 

2e Dimanche de carême A (Gn 12,1-4; 2 Tm 1,8-10; Mt 17,1-9)

1 - Ce n'est que par l’apparition sur le Thabor que le monde invisible annoncé par le Fils devint tout à coup pour les trois apôtres une évidence non seulement dans la vision mais surtout dans l'audition. La voix du Père, qui provenait de sa gloire et se communiquait à eux comme au Fils, cette voix fut le centre de tout. La vision n’était qu'une sorte de confirmation de la voix. Moïse et Élie sont là pour montrer que les prophètes ne sont pas mis dans l'ombre par la venue du Seigneur... La vision donne aussi aux disciples la certitude de l'existence céleste des prophètes. La voix avec la vision qui rassemble ainsi le Seigneur, les prophètes et les apôtres dans une écoute commune leur fait connaître son éternité. Le ciel éternel descend sur terre dans le temps des apôtres... C'est une vision d'un instant et l'écoute momentanée de la vérité éternellement vivante (Sur 2 P 1,19. L'avènement du Seigneur 52-53).

2 – Si le récit de la transfiguration de Jésus se trouve traditionnellement dans le temps du carême, c'est pour rappeler que cette manifestation de la gloire de Jésus se produit après qu'il a déclaré à ses disciples qu'il montait à Jérusalem pour y souffrir et y mourir. Lors de l'arrestation de Jésus, les disciples seront pris de peur, Pierre le premier, et ils s'enfuiront. Ici aussi, devant la révélation supraterrestre, les disciples tombent la face contre terre, tout effrayés. Sur la montagne, ils aperçoivent le ciel ouvert et une épiphanie de Dieu Trinité : le Père leur montre son Fils bien-aimé, qu'ils doivent écouter, et l'Esprit Saint, sous la forme d'une nuée lumineuse, les introduit dans la sphère du mystère. Entendre réellement, être réellement couverts par l'ombre, ne leur sera accordé qu'après Pâques (Cf. HUvB, Lumière de la Parole, Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 51).

3 – Au début, dans sa foi, dans sa prière, dans son comportement dans la vie quotidienne et quand il s’adresse à Dieu, Abraham a la certitude, d’abord non motivée, d’être investi d’une mission. Il sait qu’il doit agir comme marqué d’un signe, que Dieu attend quelque chose de lui et lui donnera quelque chose, qu’il a le devoir d’être particulièrement fidèle, croyant et juste. Ce doux pressentiment reste tout au fond de son âme, nulle vision d’une tâche extérieure, nulle voie, nulle expérience ne correspond à cette première phase. C’est comme un léger ébranlement, à peine perceptible, mais qui lui donne quand même une certitude. Abraham sait qu’il doit agir comme un envoyé, c’est-à-dire qu’il doit veiller sur lui-même afin que les desseins de Dieu apparaissent à travers lui… Partant de lui, Dieu veut faire quelque chose de grand. Ce n’est pas sa personne qui importe, mais ce que Dieu a déposé en lui. Il ne peut pas concevoir les desseins de Dieu, il doit simplement persévérer (La mission des prophètes 7).

 

2e Dimanche de carême B (Gn 22,1-2.9-13.15-18; Rm 8,31-34; Mc 9,2-10)

1 - Rabbi, il est heureux que nous soyons ici. Sans son Église, le Seigneur serait seul. Sa mission serait pauvre, car elle serait inaccomplie. Il est donc bon que nous soyons là. Nous avons dans sa mission une raison d'être là. Nous sommes là afin qu'il puisse glorifier le Père. C'est un fait d'une portée inouïe. Il est important pour tout croyant et non moins pour tout non-croyant. Il est heureux que nous soyons là, car nous sommes réponse à une question du Seigneur. Évidemment pas dans le sens que croit Pierre, en intervenant et en construisant d'une certaine manière une maison, trois maisons, une quantité de maisons qui ne sont pas demandées. Mais dans le sens où nous demeurons une réponse, faisons en répondant ce que le Seigneur demande à l’Église, à chacun personnellement, et répondons par la confiance à la compréhension qu'il nous a offerte (Sur Mc 9,5. Cf. Saint Marc 394-395).

2 - Ils étaient saisis de frayeur. Les disciples sont transportés dans une réalité surhumaine sur laquelle se brisent toutes leurs expériences. Ils sont comme dans un tourbillon. Certes, ils ont déjà expérimenté beaucoup de faits extraordinaires dans la vie du Seigneur, mais la scène était toujours restée leur monde terrestre. Les miracles du Seigneur ont dilaté leur esprit. Maintenant ils semblent être arrachés à leur monde propre et projetés dans un monde de miracles. Le ciel s'est ouvert à eux, la vie éternelle a soudain fait irruption dans leur vie quotidienne. Et ils doivent apprendre à voir des choses qu'aucun homme ne voit d’ordinaire. Pour tout homme à qui cela arrive, c'est un événement extrêmement riche de conséquences, si bien que nous comprenons que les disciples soient saisis de frayeur (Sur Mc 9,6. Cf. Ibid. 395).

3 - Les apôtres descendent de la montagne après la Transfiguration. La vie est difficile après l'ouverture du ciel. Pour l'homme qui n'a pas une vue d'ensemble (de sa vie), il est toujours difficile de devoir continuer à vivre après avoir fait une haute expérience et de vivre sans elle. Mais les disciples restent avec le Seigneur. Ils n'ont pas la capacité de le voir en permanence comme le Fils du Père. Ils l'ont eue pour un instant dans la grâce, dans une grâce toute particulière. Et pourtant si cette grâce de vision cesse, cela ne signifie aucunement que cesse la grâce. Ils continuent à vivre dans la grâce, mais une grâce quotidienne, plus petite à leurs yeux, qui leur permet pourtant de se rappeler sans cesse la grandeur de la grâce reçue. Et justement le fait que les disciples puissent continuer à accompagner le Seigneur donne à leur quotidien un autre visage, car sa divinité leur est maintenant bien plus réelle. Ils sont les premiers chrétiens auxquels une manifestation du ciel a été accordée, qui ont vécu quelque chose d'analogue aux prophètes. Mais il est hors de propos qu'ils puissent se sentir maintenant prophètes ou saints (Sur Mc 9,9. Cf. Ibid. 399-400).

4 – Pour les Juifs, le sacrifice d'Abraham est à juste titre un sommet de leur rapport à Dieu. Et ils soulignent que c''est un double sacrifice : du père qui tire son couteau, et du fils qui consent à son propre holocauste. C'est une extrémité que Dieu, en imitation de son propre dessein, pouvait exiger de l'homme se tenant dans son alliance. L'horreur ne consiste pas seulement dans l'ordre de tuer le fils de sa chair - il y avait dans les religions d'alentour, et illicitement en Israël lui-même, de pareils sacrifices humains - mais en ce que ce fils avait été expressément donné miraculeusement par Dieu et était destiné à assurer la poursuite et l’exécution des promesses divines. Dieu se contredit dans cet ordre même. Et malgré cette contradiction incompréhensible pour lui, l'homme doit obéir, parce que Dieu est Dieu. La deuxième lecture résout le paradoxe en déclarant que Dieu se révèle comme l'amour substantiel qui ne se contredit pas quand il envoie le Fils de Dieu à la véritable mort, et que c'est justement ainsi qu'il remplit la promesse de nous accorder toute faveur, c'est-à-dire la vie éternelle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p.48-49).

5 - Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (Rm 8,31). Que Dieu soit pour nous signifie une proximité de relation qui crée la foi, la fortifie, la nourrit. Tout ce qui s’oppose à cela est dépourvu de force, dévalorisé, sans importance, sans actualité. Toute l’actualité réside en Dieu, est donnée par lui, est liée à lui. Ce qui s’oppose à lui est sans effet ; la grande puissance que pense posséder l’incroyant a perdu pour le croyant tout effet, car "Dieu est pour nous". Le "pour" est un "pour" d’éternité, qui peut en même temps s’étendre en tout lieu. Sa présence est garantie : Dieu est pour nous. Dieu dit oui à la conduite que nous adoptons, Dieu soutient de son amour nos efforts, Dieu prend parti pour nous, Dieu se décide pour nous, Dieu jette quelque chose de son éternité, de son infinité et de sa toute-puissance dans notre plateau de balance. Dieu nous fait une promesse depuis toujours ; cette promesse fait que nous vivons dans la confiance, elle nous prémunit contre celui qui pourrait être contre nous (Sur Rm 8,31. Cf. Sieg der Liebe 85).

6 – La foi d’Abraham était si forte qu’elle avait la force d’un savoir. Quand Abraham se mit en route pour offrir son fils, ce n’est pas en lui-même qu’il puisa sa force, mais en sa foi, en Dieu. Justement la grandeur de son sacrifice était pour lui la garantie que c’était Dieu qui le voulait. Ce qu’il a à faire au nom de Dieu, il le fait sans restriction, justement parce qu’il croit. Ce qui lui importe par-dessus tout, c’est d’accomplir la volonté de Dieu ; peu importe l’œuvre précise qui lui est demandée ; il sait ce qu’il souffre, mais il sait encore beaucoup plus ce que Dieu désire. Il n’opère aucun calcul entre ce qu’il perd et la volonté de Dieu, il offre purement et simplement avec une virilité qui est totalement portée par sa foi (Sur Jc 2,23. Die katholischen Briefe I,144).

7 – Dieu a choisi la souffrance pour nous montrer le mystère de son amour (NB 6,329). 

 

2 e Dimanche de carême C (Gn 15,5-12.17-18; Ph 3,17-4,1; Lc 9,28-36)

1 – Ils parlaient de sa fin. Ce récit de la transfiguration par saint Luc est le seul qui nous apprenne quelque chose du contenu de l'entretien du Seigneur transfiguré avec Moïse et Elie. Ils parlent de la mort de Jésus, donc de ce qui est capital dans la rédemption du monde. Jésus se montre transfiguré devant ses disciples parce qu'il leur avait déjà prédit sa mort. La voix du Père se fait entendre et l'Esprit, comme une nuée, couvre les disciples de son ombre. Quand les disciples à la fin voient de nouveau Jésus seul, ils savent quelle plénitude de mystère se cache en lui : sa relation à toute l'ancienne Alliance, sa relation permanente au Père et à l'Esprit. La transfiguration de Jésus n'est pas une anticipation de sa résurrection – dans la quelle son corps sera transformé en Dieu -, mais la présence de Dieu Trinité dans son corps prédestiné à la croix (HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 49).

2Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux (Ph 3,20). La patrie des chrétiens, c'est le ciel, une patrie au sens terrestre et éternel à la fois, un lieu de refuge, de sécurité, de certitude. Le ciel est le lieu du Dieu trinitaire, d'où Dieu le Père est venu pour créer le monde, d'où Dieu le Fils est venu pour le racheter, d'où Dieu l'Esprit vient pour le maintenir. Dieu n'a pas créé la distance entre lui et l'homme pour laisser l'homme dans sa petitesse et son insécurité mais pour lui offrir d'une façon qui soit compréhensible pour lui, le monde éternel du ciel. La foi est capable de supprimer le temps pour le croyant dès son vivant. Déjà ici et maintenant le croyant vit dans sa vraie patrie, dans le ciel, qui se révèle déjà ici sur terre, et seuls notre faiblesse, notre hésitation, notre péché, en obscurcissent la manifestation (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 121-122).

3 – Abraham n’est pas simplement un élu de Dieu, il est son ami, parce qu’il a répondu à la promesse de Dieu avec toute son obéissance (Sur Is 41,8-10. Isaias 46). 

 

3e Dimanche de carême A (Ex 17,3-7; Rm 5,1-2.5-8; Jn 4,5-42)

1 - La Samaritaine. Le Seigneur prend contact avec cette femme inconnue. Il le fait en lui demandant un service. Quand le Seigneur demande quelque chose à quelqu'un, cela veut dire qu'il s'ouvre à lui et se met à sa merci. Le service que la femme doit lui rendre fait partie de ses occupations quotidiennes. Le Seigneur ne nous demande pas plus que ce que nous possédons (Sur Jn 4,7. Jean. Le Verbe se fait chair II,87-88).

2 - L'eau vive. L'eau vive dont le Seigneur parle ici, est l’ensemble de ce qu'il a à donner : depuis la simple notion de l'eau courante qui purifie et désaltère, à l'eau du baptême, à lui-même qui répand son sang, à la source de l'Esprit Saint, qui est don du Père et conduit au fleuve de la foi qui pour finir se jette dans la mer de la vie éternelle (Sur Jn 4,10. Ibid. II,90).

3 - Va, appelle ton mari. Il l'envoie chercher le complice de son péché. Elle doit aller chercher celui avec qui elle fait ce qui avant tout lui est interdit; elle ne doit pas l'envoyer chercher, mais l'amener elle-même. Le Seigneur, avant de poursuivre, fait apparaître l'abîme qu'il y a entre ce qu'il promet, la vie éternelle, et ce qui est en elle : sa propre mort, le péché. Pour qu'elle puisse accueillir la lumière, il faut qu'elle rejette les ténèbres. Il prépare le chemin à la lumière en éclairant en elle ses ténèbres. Il faut qu'elle reconnaisse son péché. Il faut qu'elle cherche à se débarrasser de son péché pour que les flots de la lumière du Seigneur l'inondent (Sur Jn 4,16. Cf. Ibid. II,94).

4 - Seigneur, je vois que tu es un prophète. Tu es un prophète, dit la femme, et elle veut dire : tu me scrutes jusqu'au fond. Tu vois ce que je suis et ce que j'étais. Le Seigneur ne lui fait aucun reproche. Il ne lui demande aucun détail, il les connaît à l'avance. Comme il sait la vérité, il n'a pas besoin d'y insister. Ce qui lui importe, c'est la lumière seule. Ce qui prime, ce n'est pas que les ténèbres soient éclairées, c'est la lumière. Et à présent il a atteint ce qu'il recherchait : la clarté entre lui et la femme (Sur Jn 4,19-20. Cf. Ibid. II,97).

5 – Les deux premières lectures préparent le merveilleux entretien de Jésus avec la Samaritaine. Une première prévenance de la grâce est la demande de Jésus de lui donner à boire. Un don que la pécheresse ne comprend pas, bien qu'elle refuse pas la demande ; nous ne savons pas si elle a donné à boire à Jésus. Vient alors en second l'offre de l'eau vive, du don céleste de la vie éternelle, offre que la pécheresse est incapable de concevoir. Seule la troisième grâce se crée un accès au cœur fermé : la confession que Jésus donne à le femme en la tirant de son propre savoir ; la femme est désormais accessible à la parole du "prophète" : l'entretien sur l'adoration de Dieu commence. En deux ou trois échanges, on arrive à l'adoration en esprit et vérité, et à la révélation de Jésus par lui-même comme le Christ de Dieu. Ici l'eau de la grâce a pénétré jusqu'au fond de l'âme pécheresse, l'a purifiée et l'a poussée à l'action apostolique. La pénitence de la femme – le fait qu'elle reconnaît de bon gré le péché qui lui est dit en face – est presque insignifiante en regard de la grâce qui détermine tout depuis le début (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 54).

6L’Esprit Saint sait où l’homme doit regarder et aller pour être en Dieu et pour accomplir un nouveau pas vers Dieu en vérité. Un savoir qui n’exige aucun ravissement en Dieu, mais qui est influencé d’un point de vue purement humain et est en même temps influencé par Dieu. Un savoir qui se tient au point de rencontre de la nature et de la surnature et qui fait connaître à l’homme clairement comment il a à se conduire dans la grâce (NB 6, 391-392).

7 - Il n’est pas facile pour le Fils de devenir homme. Ce qui le lui rend plus facile est qu’il comprendra tout comme volonté du Père, qu’il verra toutes choses de ce point de vue. En tant que Dieu, il n’a pas de vœu plus ardent que d’être homme comme le Père l’attend de lui. Et il voit que sa mère aussi, en tant que sauvée, vit entièrement de ce vœu (Cf. NB 6, 140-141).

8 – Un homme dit au Fils : Fais ceci et cela. Le Fils répond : Je fais la volonté du Père. De la sorte, la question de l’homme est redressée par le Fils, adaptée à la réponse de Dieu ; la question était limitée et humaine, la réponse est divine ; la question était tâtonnante, la réponse de Dieu est sûre (Sur Is 65,24. Cf. Isaias 224).

9 – L’Esprit, semence de Dieu dans le monde (NB 6,425-426).

10 – Dieu agit toujours de la manière la plus avantageuse pour notre salut, qu’il se dévoile plus ou moins. Un peu comme dans la vie des époux : il n’est pas essentiel qu’ils soient plus ou moins déshabillés, l’amour n’est pas moindre en toute situation. Tout instant conduit immédiatement vers la vie éternelle : aussi bien tel événement précis que tel sommet (NB 6,99-100).

11 – La vision humaine de Dieu culmine pour le Fils dans la certitude de faire la volonté du Père (HUvB, AvS et sa mission théologique 139).

12 – Toute prière chrétienne se fait sous le signe de celle du Christ : que ta volonté soit faite (Kostet und seht 428).

13 – A partir de l’instant où nous commençons à croire et pour toute l’éternité, notre joie est grande et elle embrasse toute notre vie. Cette joie, rien ne peut la troubler, elle est joie totale et parfaite. Elle est si profondément enfouie dans la foi qu’elle existe même quand nous ne la percevons plus. Une montagne peut bien parfois nous cacher la vue, nous savons que la région par derrière est toujours là, inchangée. Nous ne pouvons pas perdre la joie, même si pour un peu de temps nous sommes affligés par maintes épreuves et sommes en apparence coupés d’elle, car celui qui croit en vérité ne peut jamais être séparé de sa foi. Parce que la joie est un élément essentiel de la foi, il ne pourra la perdre (HUvB, AvS et sa mission théologique 239).

14 – Toute foi vivante a une parenté avec la nuit (Das Licht und die Bilder 54).

 

3e Dimanche de carême B (Ex 20,1-17; 1 Co 1,22-25; Jn 2,13-25)

1 - Si, en chassant les vendeurs du Temple, le Christ avait laissé libre cours à sa colère divine, il n'aurait pas seulement renversé les tables, dispersé la marchandise et frappé les hommes, il aurait aussi détruit le Temple, car il sait fort bien qu'à peine sera-t-il parti les hommes reviendront s'installer pour faire leur commerce. Une mère peut châtier son enfant dans une vraie colère sans renoncer un seul instant à son amour pour lui (NB 6,313-314).

2 - Une foi basée uniquement sur le calcul d'un spectacle n'est pas la foi. La foi n'est jamais le résultat d'un calcul. Elle peut bien naître à l'occasion d'un miracle visible, mais personne n'a le droit d'en faire dépendre sa foi. Même les Juifs n'avaient pas ce droit devant Dieu, bien que la nouveauté de la foi puisse dans une certaine mesure rendre plausible leur réticence à croire sans preuves sensibles. Et pourtant ils n'ont pas le droit de marchander avec Dieu. Mais pas davantage les chrétiens, en raison des grâces reçues, n'ont-ils le droit d'en revendiquer d'autres. Si la grâce est invisible, et peut-être le demeurera-t-elle toujours, on n'a jamais le droit de réclamer qu'elle devienne visible et nous devons nous contenter de cette obscurité. Quelle que soit la nature de la grâce, Dieu exige en tout cas la foi (Sur Jn 2,19. Jean. Le Verbe se fait chair II,46).

3 – La purification du temple est racontée au milieu du carême afin que nous réfléchissions sur ce que sont un vrai culte et la vraie maison de Dieu. Il y a le fouet inexorable de Jésus et le vrai Temple, celui de son corps, détruit par les hommes, qui sera rebâti en trois jours. Jésus chasse les vendeurs du temple : le Dieu de l'ancienne Alliance ne pouvait pas tolérer à côté de lui des dieux étrangers, surtout pas le dieu Mammon. Le Dieu de l'ancienne Alliance se réserve toute adoration et, parmi ses lois, il y a la loi du sabbat qui indique avant tout que, parmi les jours des hommes, l'un est réservé et caractérisé comme la propriété de Dieu et contraint l'homme par le repos à en prendre toujours à nouveau conscience (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 50-51).

4 Un Christ crucifié (Ph 1,23). Grecs et Juifs s'efforcent de ramener Dieu au niveau qui leur convient, ils posent tous deux à Dieu les conditions dans lesquelles il doit se révéler à eux : des signes ou la sagesse. En opposition absolue au miracle et à la sagesse, nous proclamons uniquement la croix ; ce n'est pas un enseignement abstrait, c'est le Christ crucifié. Cette folie est sans pareille. Ce cadeau que Dieu nous a donné et qu'aucune tendance rationnelle n'avait escompté, que personne n'avait demandé, dépasse tout ce que nos calculs les plus audacieux pouvaient prévoir. La croix, c'est la souffrance d'un homme humainement fini, qui ne laisse voir rien d'autre qu'une mort sanglante, cruelle. La croix est une pure contradiction : un coup porté au visage de toutes les attentes, de tous les calculs et de toutes les perspectives de la raison humaine. A partir du monde, il n'y a pas de chemin permettant d'en trouver une explication. Par ces paroles, Paul tourne le dos au monde. Sa foi demeure incompréhensible pour un non-croyant, puisqu'il n'existe pas de continuité entre l'incroyance et la foi (Cf. Première épître aux Corinthiens I,38-39).

5 - Toute souffrance vraiment chrétienne est féconde (Sur Jc 5,13. Die katholischen Briefe I,232).

6 – Un miracle pourrait devenir un moyen pas cher de réduire la foi : "Si Dieu opère le miracle, je croirai à son pouvoir". Cela veut dire exactement : je crois si Dieu fait le miracle. Et par là, l’homme voudrait en fait exercer une pression sur Dieu. L’homme réclame des miracles pour ne pas douter, pour éprouver une joie, pour expérimenter une fois quelque chose qui le dépasse totalement. Mais il réclame souvent un miracle là où il n’est pas permis qu’il se produise parce qu’il pourrait nuire à la foi de l’homme. L’adaptation inconditionnelle à la volonté de Dieu n’est sans doute jamais aussi parfaite que là où l’on dit oui à la non réalisation d’un miracle. Il a fait un pèlerinage dans l’espérance de faire l’expérience d’un miracle en lui-même ou dans une personne qui est proche de lui. Et Dieu n’en a pas opéré. A la place, Dieu lui donne une foi nouvelle, il lui donne la force de continuer, il lui donne d’être content de cette disposition de Dieu et par là d’être sauvé à l’intérieur plus profondément (NB 10,2210).

 

3e Dimanche de carême C (Ex 3,1-8.10.13-15; 1 Co 10,1-6.10-12; Lc 13,1-9)

1Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. L'évangile d'aujourd'hui est fait de purs avertissements. Pour Jésus, tous les hommes son menacés dans la mesure où ils sont pécheurs. Pour finir, Jésus raconte l'histoire du figuier qui ne porte pas de fruit. A la demande du jardinier, l'arbre reçoit une dernière chance : "Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas". Une grâce est offerte à l'arbre, une grâce qu'il n'a pas méritée. La grâce ne produit pas automatiquement du fruit ; l'homme doit collaborer avec la grâce. - La deuxième lecture donne un aperçu des grâces reçues par Israël dans le désert, et le peuple a été ingrat, il murmura contre Dieu, et ainsi la plupart ne parvinrent pas au but promis par Dieu. C'est un avertissement pour l’Église. Justement parce qu'elle est plus comblée de grâces, elle est plus menacée. Ceux qui sont prédestinés à une plus grande sainteté peuvent devenir les apostats les plus dangereux et entraîner avec eux dans le reniement des parties entières de l’Église. La patience de Dieu n'a pas de limite, mais Dieu ne peut verser aucun salaire pour une vie stérile, comme le montre la parabole des talents (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 51-52).

2 - Dieu est Dieu, sa volonté est suprême, absolue, et qui lui résiste se fait du tort à lui-même. La volonté de l'homme ne peut se déployer que si elle s'insère dans la volonté de Dieu Trinité (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,14).

3Dans son Alliance, Dieu est toujours Dieu, même s'il existe plusieurs chemins pour parvenir à Lui. Son être ne change jamais. La révélation complète de cet être sera le Fils ; c'est pourquoi tous les chemins antérieurs renvoient à lui et portent sa trace. On peut donc les emprunter pour parvenir à lui. C'est ce que fait Paul en évoquant la marche des Hébreux dans le désert (Cf. Ibid. II, 14-15).

4 – Dieu investit Moïse d’un pouvoir, et Moïse fait des miracles comme s’ils étaient son œuvre. Sa mission le veut ainsi. Moïse doit avancer jusqu’à connaître Dieu suffisamment pour ne plus agir qu’en son nom, ne plus être autre chose qu’un instrument entre les mains de Dieu… Moïse est le serviteur de Dieu ; il fait ce qui lui est demandé, tantôt privé d’intelligence, tantôt placé dans la nécessité de comprendre au milieu d’une succession d’événements dont la loi est impénétrable à tout homme, événements qui renferment pourtant les irruptions de la grâce. Moïse doit percevoir la parole de Dieu comme un aveugle qui entend sans voir l’être qui lui parle. Il est l’intermédiaire de la grâce que lui seul peut transmettre au peuple, mais sans qu’il lui soit donné d’en disposer. L’entrée dans la Terre promise lui est refusée, mais il doit y conduire le peuple. Ainsi châtié, conscient de sa faute, il est un symbole pour les missions futures de la chrétienté, qui devront apprendre à renoncer aux fruits non seulement pour promettre une obéissance aveugle, mais aussi pour la pratiquer (La mission des prophètes 19).

5 – Celui qui a fait une fois en profondeur l’expérience de se tenir seul devant Dieu, voudra toujours, aussi souvent que possible, la refaire. Non pas pour vivre d’autres événements, mais parce que chaque rencontre avec Dieu contient la nécessité d’une nouvelle rencontre. Dieu s’ouvre chaque fois comme un commencement qui, constamment, appelle une suite. Et à chaque fois, le chrétien voit plus clairement que, dans ces rencontres, il n’a, en somme, qu’à être là et à être prêt – mais détaché de tout ce qui pourrait faire obstacle -, que Dieu lui-même veut prendre la responsabilité de la rencontre et qu’il la façonne lui-même (Le monde de la prière 212-213).

6 – Dieu se voile et se dévoile. Au ciel, il répand sa lumière sur tous les êtres. De les rencontrer nous oblige à penser à Dieu. Mais au ciel non plus, on ne voit pas directement le mystère de Dieu (NB 6,64-66).

7 – Une fois que Dieu a parlé et qu’une âme l’a entendu, le silence n’est plus jamais un silence vide, pas plus qu’il n’est un simple écho de la parole, c’est au contraire une forme de réponse, d’accueil de la parole, un accueil vivant, actif. Dans le silence, l’âme devient le sein de la parole. Le silence est la condition fondamentale de tout entretien et ce n’est que dans le silence qu’il se poursuit (HUvB, AvS et sa mission théologique 287).

8 – Dieu voudrait nous avoir totalement séparés du péché (NB 9,1589).

9 – Sur le fondement de la foi, il y a entre l’homme et Dieu tout un processus surnaturel qui correspond à une exigence de Dieu. La foi crée en l’homme des espaces nouveaux, plus que naturels, pour rencontrer Dieu. On pourrait donc dire qu’il est "naturel" pour l’homme de percevoir le surnaturel, parce qu’il est aussi "naturel" que Dieu, quand il pose à l’homme des exigences surnaturelles, lui donne aussi un champ de conscience où celui-ci peut le rencontrer et lui répondre d’une manière digne de l’homme. D’où les consolations dans la prière, la conscience d’être entendu de Dieu, un certain sentiment de la présence de Dieu avec qui parle l’orant (NB 5,203-204).

 

4e Dimanche de carême A (1 S 16,1.6-7.10-13; Ep 5,8-14; Jn 9,1-41)

1 - Un homme aveugle de naissance. Le Seigneur remarque le défaut physique d'un homme. Et il y reconnaît la similitude de la cécité spirituelle. Tout homme est aveugle jusqu'à ce que le Seigneur touche ses yeux. Et même c'est l'humanité tout entière qui était aveugle jusqu'à la venue du Seigneur. C'est depuis les origines que retentit la promesse divine de la lumière, mais les hommes, au lieu de vivre dans la lumière de cette promesse, se sont rendus peu à peu insensibles à son égard. Leur péché a tellement rempli le vase dans lequel la grâce devait se répandre qu'au moment où elle leur est offerte, ils ne la reconnaissent plus ni ne peuvent l'accueillir. Tout homme qui ne possède pas une foi vivante est aveugle. Lorsque le Seigneur a une fois touché les yeux d'un homme en lui donnant de voir, le monde entier prend pour lui un visage nouveau. Il voit ce que Dieu a mis dans l'homme, ce qu'il voudrait voir en lui et voit réellement et ce qu'il permet aux croyants de voir (Sur Jn 9,1. Cf. Jean. Les controverses II, 5-6).

2 - Je suis la lumière du monde. Il est toujours la lumière en tant que telle, même dans l'éternité. Mais aussi longtemps qu'il est dans le monde, il est la lumière du monde. Il est la lumière éternelle dans la lumière du Père, il est la lumière du monde dans la ténèbre. Car c'est pour elle qu'il est dans le monde. Il est prêt à la faire briller et à la dévoiler, à la montrer à tout cœur qui ne la connaît pas. Et comme il n'est  pas question ici de la ténèbre abstraite du péché mais de la ténèbre concrète du pécheur lui-même, le Seigneur est prêt à prendre sur lui tout le poids de son péché et de le porter sur la croix afin de la transformer ainsi en lumière (Sur Jn 9,5. Cf. Ibid. II,19).

3 - Les aveugles verront. Les aveugles sont ceux qui se savent aveugles, qui savent que la lumière leur manque. Donc ils cherchent et connaissent une tension. Ils ont, sinon des yeux, du moins une oreille ouverte à la vérité, ils ne s'y sont pas fermés hermétiquement.  Ils savent que quelque chose en dehors d'eux doit les combler. Ils sont vraiment humbles et on ne saurait leur reprocher de n'avoir pas encore la foi. Ils sont là comme des mendiants avec leur péchés, leur manque d'amour, leur vie mauvaise. Aussi le Seigneur peut-il les guérir en passant (Sur Jn 9,39. Cf. Ibid. II,38).

4 – La longue histoire de la guérison de l'aveugle-né tend à cette alternative : celui qui reconnaît qu'il doit sa vue, sa foi, au Christ, vient, par pure grâce, à la lumière ; par contre, celui qui pense être voyant et bon croyant par lui-même et sans en être redevable à la grâce, celui-là est déjà aveugle et le sera définitivement. L'aveugle de naissance que Jésus rencontre ne demande pas tout d'abord à Jésus de le rendre voyant. Ensuite il se transforme lentement en un parfait croyant. D'abord il obéit sans comprendre : "Va te laver à la piscine de Siloé. L'aveugle s'en alla, il se lava". Ensuite il ne sait même pas qui l'a guéri. Devant les pharisiens, il s'enhardit et reconnaît dans son guérisseur un prophète. Puis il acquiert le courage de défier ses adversaires : "Auriez-vous envie vous aussi de devenir ses disciples ?" Il se laisse expulser de la synagogue, il est mûr alors pour rencontrer Jésus et pour l'adorer en croyant. Sortant des ténèbres sans espoir, il grandit dans la plus pure lumière de la foi, tout cela par la force d'une grâce offerte dont il suit la logique avec obéissance (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p.55-56).

5 Autrefois vous étiez ténèbres (Ep 5,8). Ils étaient ténèbres parce qu'ils n'avaient pas la foi, qu'ils ne laissaient pas Dieu agir en eux, qu'ils étaient réduits à leur horizon propre. Et parce que, réduits eux-mêmes, ils ne cessaient de tourner en rond, il n'y avait en eux aucune ouverture, aucune fenêtre donnant sur la lumière. Mais, à présent, la lumière du Seigneur a brisé cet obscur cercle vicieux. Car le Seigneur est lumière et source de lumière : il ne la garde pas pour lui-même, il la diffuse, et avec une telle profusion, que chacun peut y marcher et, mieux encore, devenir lui-même lumière. La lumière du Seigneur a la force de chasser nos ténèbres, de nous envahir si totalement qu'on ne peut plus trouver en nous aucune trace de ténèbres ; et aussi longtemps que la lumière nous inonde, rien de ténébreux ne pourra revenir en nous (Cf. L’Épître aux Éphésiens 170-171).

6 - Pas de meilleur moyen pour s’approcher de Dieu que de faire sa volonté. Et on ne peut le faire sans prier. Toute vraie prière est une prière d’accomplissement de la volonté de Dieu. En habitant au milieu de nous, le Fils s’est donné à tout croyant de telle sorte que celui-ci peut être sûr que le Fils l‘accompagne dans sa prière. Cet accompagnement l’encourage à accomplir la volonté de Dieu comme le Fils l’a faite (Sur Jc 4,8. Die katholischen Briefe I).

7 – Plus je suis dans la lumière, plus le prochain me devient transparent dans son inclination au péché, plus je ressentirai rapidement combien il peut être facilement entraîné au mal. Ainsi ceux qui sont dans la lumière s’empêchent mutuellement de pécher (Sur 1 Jn 2,10. Die Johannesbriefe 51).

8 – Qui pense à ses péchés s’empêche lui-même de regarder vers Dieu. Qui regarde vers le haut est plus près de Dieu que celui qui regarde vers le bas. Ne pas regarder en arrière (Commentaire de saint Ignace de Loyola sur son parcours) (NB 11,62).

9 – Si je sais bien que le Seigneur est en toute lumière, pourquoi est-il si difficile de savoir qu’il se trouve aussi en toute obscurité (NB 8, p. 487).

10 – Il y a des âmes qui sont fermées à Dieu et à sa vérité. Leur aspect a quelque chose d’insupportable (NB 8,736).

11 – Parmi les baptisés, il y a tous ceux qui sont dégoûtés, qui n’ont certainement plus la foi, qui entretiennent avec Dieu une sorte de froide amitié, comme on met dehors non sans raison quelqu’un dont on était autrefois l’ami ; on le voit encore parfois, mais on n’a plus rien à lui dire (NB 10,2043).

12 – Le don de Dieu aux hommes, qui leur rend possible le contact avec le ciel de Dieu Trinité, c’est la foi (NB 5,40).

 

4e Dimanche de carême B (2 Ch 36,14-16.19-23; Ep 2,4-10; Jn 3,14-21)

1 - Le Seigneur élevé sur la croix devient transparence vers le Père. Ce n'est qu'à travers lui et seulement les yeux levés vers lui que nous pouvons voir le Père. En regardant dans la foi vers le Seigneur ainsi élevé, nous sommes débarrassés de notre péché, comme les Juifs croyants le furent de leur maladie lorsqu'ils levaient les yeux vers le serpent d'airain. Car le péché n'est jamais supprimé du fait qu'on le regarde, mais toujours et seulement par le regard sur la pureté qui nous entraîne vers le haut. C'est la contemplation de la pureté qui purifie, mais de la pureté en tant que chemin vers l’amour. Jamais la pureté n'est un but en soi. Être libre du péché n'est jamais un lieu de halte, mais toujours un chemin pour avancer, et avancer en se quittant soi-même, le chemin partant de la morsure du serpent vers le Dieu qui guérit (Sur Jn 3,14-15. Jean. Le Verbe se fait chair II,66).

2 – L'évangile nous donne l'occasion, en ce temps de pénitence, de réviser notre représentation du jugement divin. Voici la déclaration décisive : celui qui méprise l'amour de Dieu se condamne lui-même. Dieu n'a aucun intérêt à condamner les hommes ; il est pur amour, qui va si loin que le Père livre son Fils par amour pour le monde ; il ne peut absolument pas nous donner davantage. Toute la question est de savoir si nous acceptons cet amour ou si, devant sa lumière, nous nous cachons dans nos ténèbres. Dans ce cas, "nous haïssons la lumière". Et par là nous sommes déjà jugés, non par Dieu, mais par nous-mêmes (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 52).

3 – Au beau milieu de la situation de perdition du monde pécheur, Paul place à présent le mot Dieu (Ep 2,4). Dieu intervient là où tout allait vers la mort, où tout semblait perdu. Ici apparaît Dieu, qui est riche en miséricorde. Il faut l'inconcevable richesse de sa grâce pour opérer là précisément où l'on ne voyait pas d'issue parce que le péché ne faisait qu'engendrer le péché. Dieu nous a aimés bien que nous fussions morts par suite de nos fautes. A cause de l'amour qui l'unit à son Fils, Dieu ne peut nous laisser dans la mort, sinon il frustrerait pour ainsi dire le Fils de la joie de la création, lui qui était présent lors de la création, lui en qui et pour qui il avait entrepris toute la création. Et ainsi le Père, à cause de l'amour qu'il a pour le Fils, doit inclure les hommes dans cet amour, il doit les rendre à la vie avec le le Fils (L’Épître aux Éphésiens 65-66).

4 - Le Seigneur apporte la vie éternelle. Il ne la donne pas après la vie temporelle, il nous en fait le don au milieu de la vie temporelle comme éternité commencée. Il promet qu’il ne cessera pas de nous attirer à lui (Sur 2 Jn 8. Die Johannesbriefe 275).

 

4e Dimanche de carême C (Jos 5,10-12 ; 2 Co 5,17-21 ; Lc 15,1-3.11-32)

1Le père courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. La parabole de l'enfant prodigue est peut-être la plus émouvante de toutes les paraboles de Jésus. La personnalité des deux fils ne sert qu'à révéler le cœur du Père. Jamais Jésus n'a décrit le Père du ciel d'une manière plus frappante qu'ici. L'admirable commence déjà par le geste du père qui exauce la demande du fils et lui remet la part d'héritage qui lui revient. Pour nous, cette part d'héritage donnée par Dieu, c'est notre existence, notre liberté, notre intelligence, notre responsabilité personnelle. Que nous dilapidions tout cela et tombions dans la misère et que la misère nous amène à réfléchir, ce n'est pas cela au fond qui est intéressant. Ce qui l'est, c'est le père qui guette le retour de son fils, c'est sa compassion, son accueil extraordinaire du fils, la fête décidée pour lui. Et même pour le fils jaloux, pour le fils rétif, le père n'a pas de parole dure : ce qu'il lui dit c'est la simple vérité : à celui qui persévère aux côtés de Dieu, tout appartient en commun avec Dieu (HuvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 53).

 

5e Dimanche de carême A (Ez 37,12-14; Rm 8,8-11; Jn 11,1-45)

1 - Le Seigneur annonce que Lazare ne mourra pas, bien qu'en fait il meure tout de même. Mais aux yeux du Seigneur, cette mort de Lazare n'est pas vraiment une mort, non pas tellement parce que Lazare sera bientôt rappelé à la vie, mais bien plutôt parce qu'elle sert à glorifier Dieu. La mort en tant que telle est quelque chose de définitif, une disparition, un terme. Mais ici elle mène à tout le contraire : à un début, à une promesse. Tout le mystère de la rédemption du Seigneur se trouve préfiguré ici. La mort corporelle n'a plus aucun poids en comparaison de la promesse divine qu'elle fait naître : elle est tout simplement dépassée, elle est illuminée de l’éclat de la glorification du Fils (Sur Jn 11,4. Cf. Jean. Les controverses II, 91).

2 - Le Christ est la résurrection et la vie. La résurrection est le passage vers la vie nouvelle lorsque l'ancienne se termine. Or cet achèvement n'est pas une fin, la vie ancienne a plutôt sa place dans la nouvelle. Le Seigneur est la résurrection, et il est en même temps la vie. La résurrection est un moment, une étape à l'intérieur de la vie du Seigneur. C'est l'étape de l’épanouissement subit, direct et réel, le tournant infini, un processus si abrupt qu'on ne lui trouve aucun point de comparaison dans la nature. Ce qui reste de l'ancienne vie ne peut être considéré comme insignifiant parce qu'elle est une vie formée par le Seigneur. Cette ancienne vie n'est pas abandonnée, elle est passée dans la nouvelle. Le souvenir de notre vie passée reste vivant. Nous n'arrivons pas comme des intrus, nous sommes depuis longtemps attendus par lui et donc les bienvenus.  Nous apportons nos dons. Nous apportons tout ce que nous avons reçu du Seigneur au cours de notre vie terrestre, si mal traité que ce soit, car ses dons sont indestructibles et ineffaçables (Sur Jn 11,25-26. Cf. Ibid. II,128-129).

3 - Alors Jésus leva les yeux. Le Seigneur détourne son regard des hommes pour le porter vers Dieu. Il remercie le Père de lui avoir donné ce frémissement devant la tombe car il renferme le prélude de l'accomplissement de sa mission, et donc aussi de sa glorification. Car l'essentiel ne réside pas dans le miracle, mais dans la glorification. L'homme ne sait jamais quand s'accomplit l’essentiel. Le malade ne connaît pas l'acmé de sa maladie. La femme ne sait pas quand elle conçoit. L'homme ne sait pas quand Dieu lui pardonne et quand il le gratifie. Lors même que le Père et le Fils livrent leurs secrets en les révélant, il y aura toujours entre eux des rencontres auxquelles les hommes n'ont pas accès. Le Père et le Fils se réservent une ultime intimité dont les hommes ne peuvent percevoir l'éclair (Sur Jn 11,41. Cf. Ibid. II, 151-152).

4 – La résurrection de Lazare est le denier signe de Jésus avant sa passion. Celui qui va au-devant de la mort, veut auparavant voir la mort en face. C'est pourquoi il laisse expressément mourir Lazare malgré les demandes de ses amies ; il veut se tenir devant le tombeau de son ami, fermé par une pierre, et pleurer, bouleversé à cause de la terrible puissance de ce "dernier ennemi". Sans ces larmes au tombeau, Jésus ne serait pas l'homme qu'il est. Ensuite tout se précipite : d'abord vient l'ordre d'écarter la pierre (en dépit des objections), ensuite la prière adressée au Père, car le Fils implore encore d'en haut tout miracle qu'il opère, jamais ce n'est de la magie. Puis l'ordre : "Lazare, viens ici. Dehors !" Sa puissance sur la mort est une partie de sa mission ; elle ne sera pourtant un "plein pouvoir", même pour nous, que lorsqu'il mourra lui-même en exhalant l'Esprit Saint vers Dieu et vers l’Église. C'est seulement parce qu'il meurt de cette mort d'amour obéissant qu'il peut se nommer lui-même "la résurrection et la vie", et dire de lui la parole dépassant la mort : "Qui croit en moi, fût-il mort, vivra" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 58).

5 Le corps de Lazare est comme la preuve incarnée donnée aux hommes et à Dieu Trinité de la réalité objective de la mort. Il est entouré de l’affliction subjective de ses sœurs, mais objectivement, les sœurs considèrent la mort de leur frère comme définitive. Le Seigneur, lui aussi, pleure et frémit. Il pleure la perte terrestre de son ami humain ; il est tellement humain qu’il prend sur lui l’affliction humaine qui l’entoure, affligé qu’il est de la mort d’un ami et compatissant à l’affliction des personnes amies. La situation est parfaitement humaine et le divin s’y introduit maintenant d’une double manière : par le miracle avant tout, mais aussi par la figure de la résurrection du Fils qui se profile derrière la résurrection de Lazare. Le Fils remet d’abord le miracle au Père : c’est lui qui doit l’opérer. Mais parce que le Père est aussi vivant en lui que lui dans le Père, le Fils, après avoir invoqué le Père, assume la fonction de représentant du Père ici-bas : il est ainsi celui par qui le Père fait sur terre sa volonté, il est le Fils qui laisse s’opérer en lui la volonté du Père (Cf . Le mystère de la mort 68).

 

5e Dimanche de carême B (Jr 31,31-34; He 5,7-9; Jn 12,20-33)

1 - Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. Le Père sait que servir le Fils n'est rien d'autre qu'aimer le Fils. Il y a quelque chose de très délicat dans ce  mystère du Père qui nous honore. Lorsque quelqu''un arrive au ciel, lorsque le Père l'embrasse tout simplement avec amour et le traite comme son enfant chéri, l'homme concerné devrait se demander comment il en arrive à être à ce point surestimé; il pourrait en être gêné et se demander ce qu'il a fait pour mériter cela. Or cette gêne gâcherait tout. A notre grand étonnement, le Père nous compte comme mérite le service que nous avons rendu au Fils. Ce n'est qu'à l'intérieur de l'amour qu'on peut parler de mérite, parce qu'il renferme en lui un des plus beaux mystères de l'amour (Sur Jn 12,26. Cf. Jean. Les controverses II,202-204).

2 - Là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Ce n’est pas le Seigneur qui se trouvera à l'endroit du serviteur, c'est plutôt le serviteur qui se verra assigner un endroit dans le domaine du Seigneur. Il y aura des moments où il saura cela avec précision. Il y aura d'autres moments dans l'obscurité où il ne s'en rendra pas compte. Mais même dans la nuit il retiendra cette parole mystérieuse du Seigneur : que le serviteur sera réellement là où est le Seigneur. Le serviteur peut avoir l'impression de s'être éloigné du Seigneur ou que le Seigneur s'est éloigné de lui, mais s'il est vraiment un serviteur et s'il n'a pas abandonné le service et s'il ne le résilie pas, il se trouve néanmoins là où est le Seigneur (Sur Jn 12,26. Ibid. II, 200).

3 - Celui qui hait sa vie ici-bas, la livre tout entière à Dieu pour qu'il en fasse ce qu'il veut. Lui, qui est la vie éternelle, nous comblera. Celui qui donne sa vie et la garde pour la vie éternelle trouvera sa vie d'ici-bas dans l’au-delà, car même la vie terrestre du Seigneur se poursuit dans la vie éternelle. Celui qui vit sa vie d'ici-bas dans le Seigneur participe déjà actuellement à la vie éternelle. S'il meurt, il emporte sa vie éternelle dans l'éternité comme quelqu'un qui vient de l'éternité, et ainsi sa vie éternelle dans l'au-delà ne pourra pas être sans relation avec sa vie éternelle d’ici-bas. Il continuera donc là-haut à aimer ceux d'ici-bas et à vivre pour eux dans la ciel (Sur Jn 12,25. Cf. Ibid. II,198-199).

4 – Cet évangile est le prélude de la Passion. Des païens veulent voir Jésus : au-delà d'Israël, sa mission englobe toutes les nations., mais elle ne s'achèvera que dans la mort : c'est uniquement de la croix (comme le dit la fin de l'évangile) qu'il attirera à lui tous les hommes. C'est pourquoi le grain de blé doit mourir, sinon il ne porte pas de fruit. Jésus le dit pour lui-même, mais aussi pour tous ceux qui veulent le "servir" et le suivre (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 54).

5 – Le Fils, qui a toujours à l’avance qu’il souffrirait, a cependant si bien laissé l’heure au Père qu’elle a fait irruption sur lui soudainement, violemment, avec la dernière rage. Il ne s’est pas entraîné pour cette heure, il n’a pas essayé de porter toujours plus de choses en direction de la croix comme un fakir qui peut parvenir à développer ses forces à l’étonnement de son entourage ; il aurait déplacé ainsi l’heure de sa mort, elle n’aurait plus été l’heure du Père (Das Licht und die Bilder 67-68).

 

5e Dimanche de carême C (Is 43,16-21; Ph 3,8-14; Jn 8,1-11)

1 - La femme adultère. Au centre se tient la femme dans son angoisse muette. L'importance que le péché avait pour elle n'apparaît pas; ni même si elle est contrite ou seulement honteuse à se trouver ainsi compromise. Elle se tient là comme une personnification de ce péché et doit s'attendre à la peine prévue pour ce péché. Pour elle, tout se passera comme cela doit se passer car la Loi est inexorable. Elle se trouve dans la situation du pécheur damné. Le Seigneur se trouve confronté avec le péché déclaré, tout d'abord avec le péché de la femme dénoncée publiquement, et ensuite avec le péché de tous les autres, dont nul ne souffle mot (Sur Jn 8,3-9. Cf. Jean. Les controverses I, 133).

2 - La seule qui avoue, c'est la femme. Elle ne le fait pas librement mais du fait qu'on l'a prise en défaut, que son aveu lui est extorqué au milieu de cette foule. Son péché est dénoncé et connu. Elle s'est confessée. Le Seigneur peut lui pardonner. En elle, le Seigneur reconnaît l'essence de la confession. Et il voit aussi le sacrifice que ce pardon implique pour lui. Il ne peut exiger du Père de pardonner à ces pécheurs  du simple fait que lui, le Fils, les aime. Il doit répondre d'eux en prenant sur lui leur péché. Dans son amour, il voit cette femme, il voit l'amour possible entre lui et elle. C'est pourquoi il voit en elle, comme en transparence, l'image de sa Mère (Sur Jn 8,3-9. Cf. Ibid. I,134).

3 - Moi non plus, je ne te condamne pas, lui dit Jésus. Après que la femme s'est confessée et que ses ténèbres sont dévoilées, elle comprend soudain qu'il n'y aura d'autre jugement que celui-ci : se présenter à la lumière. Elle sait maintenant que par la seule présence du Seigneur elle est comblée de sa grâce nouvelle. Son péché a disparu. Il ne s'est cependant pas évaporé, ni simplement réduit à néant; il n'a  disparu que parce que le Seigneur était prêt à s'en charger, à s'engager pour lui. Il a pris sur lui le péché de cette femme et c'est celui-ci qu'il veut porter. Où les autres sont allés, la femme ne le sait pas. Elle ne sait que ce qui s'est passé en elle-même. Elle comprend une chose : qu'elle se trouve seule et sans péché avec le Seigneur (Sur Jn 8,9-11. Cf. Ibid. I,138).

4 – L'évangile nous montre des pécheurs qui, sous les yeux de Jésus, accusent un autre pécheur. Jésus qui écrit sur le sol est comme absent. Deux fois seulement il rompt son silence : la première fois pour rassembler les accusateurs et l'accusée dans la communauté de la faute, la seconde fois pour prononcer son pardon – puisque personne ne peut plus condamner un autre. Devant sa souffrance muette pour tous, toute accusation devra aussi se taire, puisque "Dieu a enfermé tous les hommes dans la même désobéissance", non pour les punir, comme le voudraient les accusateurs, mais pour faire à tous miséricorde" (Rm 11,32). Si personne ne peut condamner la femme, ce n'est pas dû seulement à la première parole de Jésus, mais davantage à la seconde : il a souffert pour tous, afin d'acquérir pour tous le pardon du ciel, et pour cette raison plus personne ne peut accuser un autre devant Dieu (Cf. HuvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 55).

5J'oublie ce qui est derrière moi (Saint Paul). Paul est totalement subjugué par ce pardon de Dieu à travers la passion et la résurrection de Jésus. A côté de cette vérité, rien d'autre ne garde encore de valeur : tout est abandonné comme des "balayures" pour gagner l'événement de la passion et de la pâque du Christ. Il sait que ce qui est arrivé est notre véritable avenir, vers lequel notre vie se dirige ; et nous y allons par la voie directe sans regarder à droite ou à gauche, mais seulement avec "les yeux fixés sur le but". Le but est le présent : l'homme a été saisi par le Christ. Il poursuit ce but sans penser l'avoir saisi lui-même. Le chrétien ne regarde pas en arrière, mais toujours vers l'avant : par cette course, toute son existence reçoit son sens. Si nous allons vers le Christ, tout regard en arrière sur une faute passée pour s'en chagriner, ne peut qu'être néfaste, car elle a été pardonnée (Cf. Ibid. 56).

6Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection (Ph 3,10). La connaissance du Christ est le concept le plus large qui se présente au croyant. Car le Christ est celui qui s'est fait homme, qui a vécu une vie parmi nous et comme nous, mais dans la perfection de son être divin et dans la pleine connaissance du Père et de l'Esprit. Il a accepté notre temps. Et tous les mystères du Père sont donnés au Fils, et l'Esprit ne lui cache rien non plus. Et tout l'enseignement que le Fils apporte aux hommes leur est révélé par son humanité, mais toujours de façon à ce que le croyant saisisse quelque chose et qu'il sache que dans ce qu'il a saisi se cache ce qu'il n'a pas saisi, que dans ce qui a des contours bien nets il entrevoit et cherche ce qui est plein de secrets et de mystères, et qu'il se livre lui-même à cette connaissance au point d'être constamment transformé par elle (Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 103-104).

 

Rameaux. Procession des rameaux (Mt 21,1-11 ; Mc 11,1-10 ; Lc 19,28-40 ; Jn 12,12-16)

1 - Un ânon que personne au monde n’a encore monté. Le Seigneur montre donc qu’il sait jusque dans le détail ce qu’ils vont trouver. A savoir, ce dont il a besoin. Il a besoin d’un ânon. Et cet ânon est prêt. Le Seigneur le sait parce qu’il possède en permanence sur terre la pleine vision dont il a besoin pour sa mission. Il a besoin de cet ânon pour accomplir une prophétie de l’ancienne Alliance. Les disciples ne s’étonnent pas. Avec les différents miracles du Seigneur, ils ont perdu l’habitude de s’étonner. Il vient justement de guérir l’aveugle. Pourquoi celui qui peut faire cela ne saurait-il pas qu’un ânon sur lequel personne n’est jamais monté attend les disciples? Il y a des choses qui n’étonnent plus les croyants : on n’a plus besoin de poser des questions (Sur Mc 11,1-3. Cf. Saint Marc 512).

2 - Ceux qui sont là disent aux disciples : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon? » Les disciples ne doivent pas s’effrayer de la présence de témoins. Quelle assurance intérieure n’est pas donnée au croyant quand il reçoit du Seigneur lui-même la parole qu’il doit donner en réponse! Ainsi nous devons prendre la résolution de connaître toujours mieux la Sainte Écriture et toute la doctrine de la foi pour ne pas nous trouver dans l’embarras en présence de témoins qui nous demandent de rendre compte de nos actes (Sur Mc 11,4-6. Cf. Ibid. 515).

3 - La foule criait : Hosanna! Son acclamation est un chant de louange. Les gens louent le Seigneur tel qu’il est à son entrée à Jérusalem. Ils ne louent pas sa Passion; celle-ci n’appartient qu’au Seigneur pour le moment. Et le caractère festif de son entrée dans la ville appartient au Père, de même que sa Passion, sa mort, sa résurrection et son ascension, avec son incarnation et toute sa vie sur terre. Et si le Fils annonce au Père le début de sa passion comme une fête, nous devinons qu’il veut lui montrer qu’il fait volontiers son sacrifice (Sur Mc 11,7-10. Cf. Ibid. 517). 

4 – Combien sont nombreux ceux qui devraient louer Dieu et ne le font pas ! Comme est petit le nombre des saints ! Les autres ne peuvent pas louer, ils ont les cordes vocales enrouées (NB 8,600).

 

Dimanche des rameaux ABC (Is 50,4-7; Ph 2,6-11; Mt 26,14-27,66; Mc 14,1-15,47; Lc 22,14-23,56)

1 - Les trois apôtres à Gethsémani. Le Seigneur va prier seul dans l’angoisse. Il revient vers ses apôtres pour leur en faire part. Ils dorment. Ils sont tiraillés entre l’obéissance : « Priez », et le souci d’eux-mêmes (leur capacité de prière est petite). Ils ne sont pas prêts à entrer avec lui dans son angoisse. Ici se remarque la tiédeur de l’Église, mais aussi la faiblesse du Seigneur devant son Église. Il ne peut employer la force pour briser ce qui lui résiste. Non parce que Dieu serait faible devant sa créature, mais parce qu’il a choisi cette faiblesse pour s’en aller seul sur le chemin de l’abandon (NB 5,98-99).

2 – Les larrons crucifiés avec le Seigneur… sont pour lui des étrangers, des inconnus… Sans se lasser, le Seigneur associe à sa mort les hommes les plus étrangers. Et l’Église n’a pas le droit de refuser l’accès à l’Église et à ses sacrements, au moment de leur mort, à des hommes qui, comme les larrons, étaient apparemment loin de la foi, n’y avaient peut-être adhéré qu’extérieurement  et qui, comme les larrons, après quelques essais, s’en étaient à nouveau détournés. Ceux-là aussi, à l’heure de leur mort, peuvent recevoir la grâce de la conversion et,  par les derniers sacrements, être introduits à l’improviste au centre du mystère de la mort du Seigneur. Et le Seigneur prête assistance aux larrons au moment de leur mort en partageant, de manière divine, leur mort humaine. L’un des deux, il le sauve tout de suite  et de façon visible; l’autre, il le laisse cheminer sur la route des pécheurs, qui demeure invisible; tout ce qu’on sait de lui, c’est que le Seigneur est mort aussi pour lui (Sur Jn 19,18. Jean. Naissance de l’Église I,118).

3 L’un de vous me trahira. Tous se mettent à poser la question, y compris Jean : "Pas moi quand même?" Toute l’Église doit toujours participer à cette incertitude; personne ne peut dire avec assurance : ce n’est pas moi. Et si l’un tombe, tous sont concernés. Leur tristesse est justifiée ; si ce n’est pas eux, c’est l’un de leurs frères. (Sur Mt 26,20-23. Passion nach Matthäus 19).

4 – Chaque péché en particulier aggrave le sort du Seigneur… Il faut que nous sachions que nous rendons sa voie plus douloureuse par chacun de nos péchés… Le pénitent doit savoir que son péché (comme la gifle du serviteur) augmente les souffrances du Seigneur (Sur Jn 18,24. Jean. Naissance de l’Église I,37-38).

5 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? Si le Fils est abandonné du Père, que nul ne songe que le Père lui aussi ne soit pas abandonné du Fils. Car si le Fils ne peut plus atteindre le Père, il est impossible que le Père puisse encore atteindre le Fils. Le Père aussi est abandonné à la croix et séparé de son Fils, séparé de lui.Il en est ainsi parce que l’amour est une unité et que dans l’amour il est impossible que l’un soit frappé sans que l’autre aussi soit frappé (Sur Jn 8,18. Jean. Les controverses I,150-151).

6 – Le Fils a quitté deux fois sa vie pour se mettre à notre service dans l’amour : en quittant la Trinité pour devenir homme, en quittant sa vie terrestre par sa mort. En se dépouillant ainsi deux fois, il a montré ce dont l’amour était capable. Il a montré aussi que l’amour est réduit à un mot sans contenu s’il ne peut aller jusqu’à donner sa vie pour se réaliser (Sur 1 Jn 3,16. Die Johannesbriefe 128).

7 – Placé dans un tombeau neuf, le Seigneur bénit toutes les sépultures jusqu’au jugement dernier. Le Seigneur met sa résurrection comme gage dans tous les tombeaux à partir du moment où, par sa mort, il a vaincu le monde… Le tombeau sert comme d’une sorte de lieu de rencontre secret sur terre entre le Père et le Fils. Le corps est laissé seul dans le tombeau avec la grosse pierre qui le ferme. Il est abandonné à Dieu. Il est inaccessible aux hommes. Les hommes ont fait leur œuvre; ils l’ont tué et mis au tombeau. Ce qui reste, c’est quelque chose de divin. Dans le corps ici couché est continuée une œuvre céleste commencée avant l’Incarnation. Pour Dieu, il n’était pas plus difficile de faire un corps là où il n’y avait pas de corps que de tirer d’un cadavre un corps ressuscité. Le sépulcre intact, jamais utilisé, renvoie à la virginité de Marie. Des deux côtés, quelque chose qui est déposé, semble-t-il par un Joseph. Des deux côtés, Dieu va faire éclater les lois humaines pour manifester sa vie. Il va briser les lois humaines. Le Fils se met à la disposition du Père… (Sur Mt 27,60. Passion nach Matthäus 202-205).

8 – Quand Jésus est tout petit, toute la vie de Marie baigne dans la grâce. Quand Jésus est devenu adulte, le plus dur pour Jésus est qu’il doit faire partager à sa Mère les souffrances incluses dans sa mission (NB 9, 1992).

9 – La plus grande douleur qu’on puisse infliger (au Père), c’est de tuer son Fils; mais en mourant, le Fils lui témoigne un amour si grand qu’il surpasse même cette douleur… Là où l’opprobre du monde infligé à Dieu parvient à son comble, là aussi l’amour du Fils pour le Père et la glorification du Père atteignent leur perfection. Là où le Père est le plus douloureusement touché, le Fils lui enlève toute souffrance. Après la mort du Fils par la main des hommes, le Père est plus riche en amour; car sa création lui est rendue par l’amour plus grand du Fils (Sur Jn 18,32. Jean. Naissance de l’Église I,562).

10Jésus accomplit une petite prophétie : s’asseoir sur le petit d’une ânesse. En accomplissant cette prophétie, il réalise ce qui est grand : la volonté du Père, ce qui est la chose la plus importante… Tout ce qui est petit dans la voie du chrétien participe à ce qui est grand… à condition toutefois que ce qui est grand s’humilie, devienne petit et quotidien et insignifiant (Sur Jn 12,14-15. Jean. Les controverses II,186-187).

11 – Le mystère de la souffrance substitution du Serviteur de Dieu s’étendra par sa grâce à certains des siens qui ont été sauvés par lui… Sans que ce soit de leur faute, il y a des temps où Dieu leur cache son visage : c’est la nuit de Jean de la croix, le crépuscule de Thérèse de Lisieux (Sur Is 54,6-10. Isaias 107).

12 – Sa mort sur la croix ne sera pas un trait final sur tout ce qu’il a réalisé jusqu’ici de sorte que rien d’entièrement nouveau ne pouvait désormais se produire. Sa vie au ciel sera le prolongement de sa vie terrestre et il n’y cessera pas d’agir comme il l’a fait ici-bas (Sur  Mt 5,18. Le sermon sur la montagne 55-56).

13 – La croix du Fils contient aussi en vérité celle du Père; la manière dont Dieu le Père est touché par le péché et comment il y remédie en intervenant constamment contre l’offense qui lui est faite. C’est pour ainsi dire la « croix » du Père que l’image de la colère lui soit attribuée dans l’Ancien Testament jusqu’à ce que le Fils en dévoile sur la croix le sens dernier (Sur Is 59,15-20. Isaias 155).

14 – (Le monde) ne saura pas que le point culminant de cette Passion n’est pas la mort physique du Seigneur, mais son ultime délaissement où, chargé de tous les péchés du monde, il est séparé du Père. Cette séparation qui ne durera que peu de temps aura, pour le Seigneur, le poids de l’éternité. Il se sentira sur la croix délaissé jusqu’à la mort, une mort infinie et éternelle, où tout instant et tout point de vue temporels ont totalement disparu. Ce qui pour les hommes ne sera que peu de temps représentera pour lui une éternité (Sur Jn 14,19. Jean. Le discours d’adieu I,165).

15Le repentir de Pierre. Éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur. Pourquoi suis-je encore en train de parler avec toi? Le souffle de ma bouche te touche comme un poison et te souille. Éloigne-toi de moi et défais ce lien impossible entre nous. Il fut un temps où j’étais un pécheur entre d’autres pécheurs, et je pouvais alors saisir le présent de ta grâce… comme le mendiant reçoit la petite monnaie qu’on lui jette. Je pouvais m’en servir pour acheter du pain et de la soupe, et ainsi vivre par toi. J’avais la joie de goûter la joie du repentir. Il m’était permis de savourer l’herbe amère de la contrition comme un bienfait de ta grâce. La douceur de ta grâce l’emportait sur l’amertume de ma faute. – Mais aujourd’hui? Que faire? Dans quelle cachette me glisser afin que tu ne me voies plus, que je ne te sois plus à charge, que l’odeur de ma pourriture ne t’incommode plus? Je t’ai offensé en plein visage et la bouche qui s’est posée mille fois sur tes lèvres divines a aussi baisé les lèvres du monde et prononcé cette parole : « Je ne le connais pas ». Et en vérité je ne le connais pas, cet homme. Si je le connaissais, je n’aurais pas pu le trahir ainsi : d’une manière si effrénée, si naturelle. Ou, si je le connaissais par hasard, en tout cas je ne l’aimais pas. Car l’amour ne trahit tout de même pas ainsi, il ne se détourne pas de l’air le plus innocent, l’amour n’oublie pourtant pas l’amour. – Que j’aie pu t’abandonner après tout ce qui s’est passé entre nous, prouve seulement une chose : que je n’étais pas digne de ton amour, que moi-même je n’ai jamais réellement possédé l’amour. Ce n’est pas de l’orgueil, ce n’est pas de l’humilité, c’est tout simplement la vérité, si je te dis : c’est assez. Je ne veux pas qu’un rayon de ta pureté s’égare encore dans mon enfer… Il y a une trahison qu’il n’est pas possible de réparer. Éternellement il en restera quelque chose, jamais mon regard ne pourra de nouveau rencontrer ton regard… – Cette fois-ci, je sais qui je suis. Cette fois-ci, c’est définitif… Laisse-moi seul. Que ta mère aussi ne me touche pas. Je ne suis pas pour vous un objet à regarder. Ne gaspillez pas votre pitié en moi, elle serait mal placée. Qu’il m’arrive ce qui doit m’arriver. A celui qui est là, à ta droite, tu as promis le paradis. Je le lui laisse de bon cœur. Il l’a bien mérité. Il ne savait pas ce qu’il faisait. Soyez heureux, tous les deux ensemble, dans votre jardin céleste. Quant à moi, ne te torture pas à mon sujet. Je demeure celui qui est à gauche… Essaie de m’oublier… (HUvB, Le cœur du monde, éd. 1956, 156-161).

16 – Sur la croix, Jésus n’a rien perdu de son pouvoir de toucher les hommes. Ils répondent par la vérité ou le mensonge, l’amour ou la haine. Sa chair est tellement habituée aux hommes qu’il n’oublie à aucun moment de servir le prochain et d’entrer en communion avec eux (Sur Mt 27,38. Passion nach Mathäus 161).

17Les adieux. Il doit prendre congé de ses disciples. Il doit prendre congé de sa mission. Faire ses adieux à ses relations humaines, à sa Mère, au disciple bien-aimé, à tous ces gens touchants qui lui étaient attachés et qui croyaient en lui, pour lesquels il a opéré des miracles, qu’il a aimés de tout son amour humain. Plus il leur donnait, plus il les a aimés. Avec un cœur d’enfant. Il ne sait pas du tout ce qu’il doit leur dire à présent, jusqu’à quel point les préparer à la séparation, afin qu’ils la supportent mieux et conservent fidèlement son enseignement qui pour l’heure ne peut pas encore être entièrement embrassé du regard. Finalement il lui est impossible de se confier à eux parce qu’il ne peut en attendre aucun conseil. Il leur dit dans une certaine mesure ce qu’il doit dire en vertu de sa divinité. Mais en tant qu’homme il continue de se taire à cause de leur incapacité à le comprendre vraiment. Il dit oui au Père tout en étant néanmoins chassé de ce oui et rejeté dans l’angoisse, une sorte d’angoisse surhumaine car tout, que l’on considère le Père ou le péché du monde, est rempli d’angoisse (Cf. Au cœur de la Passion 8-10).

18 Début de la passion. Le Seigneur ne prend pas seulement congé des choses de ce monde, il commence à les voir disparaître morceau par morceau. Jean qu’il aime, il le sent à présent très éloigné ; car le disciple se trouve comme tous les autres de "l’autre côté". Lui est seul du côté de la Passion. Les autres, qu’ils croient ou non, qu’ils l’aiment ou le trahissent, sont tous ensemble de l’autre côté. Tous les ponts sont rompus. Jean, que le Seigneur continue de regarder avec tendresse lui est en même temps étranger parce que, dans le monde du disciple, la Passion n’est pas au centre ; dans les événements à venir, le Seigneur ne pourra jamais sentir qu’il se tient auprès de lui. Plongé dans la souffrance, le Seigneur ne peut comprendre que le disciple n’est pas dans cette souffrance (Cf. Ibid. 11-12).

19 – J’ai vu le Seigneur se rendant au mont des oliviers. Il s’occupe d’abord de ses disciples ; derrière eux, il aperçoit en quelque sorte les soixante-douze autres, et derrière ceux-ci la foule de ceux qui croient déjà et de ceux qui sont sur le chemin de la foi. Mais à chaque pas, il sait plus clairement : voici l’heure où il faut que je règle avec le Père toute la mission. C’est le moment des adieux, il va partir rejoindre le Père. Il était toujours en route vers le Père, mais maintenant, il sent que c’est la dernière fois ici-bas. A la croix, il entrera dans la déréliction totale ; mais pour l’heure, il se rend encore une fois vers le Père pour régler irrévocablement tous les éléments de leur accord. En tant qu’homme et comme celui qui attend la Passion, il est bouleversé au plus profond de son âme. Bouleversé pour le Père qui doit assister à tout cela, bouleversé aussi pour lui-même qui doit l’accomplir d’une manière que nul homme, pas même lui n’a connue jusqu’ici. Il devra donner le maximum d’une chose dont il ne sait pas pour l’instant s’il la possède ( Cf. Ibid. 41).

20 Marie pendant la Passion. La conception immaculée de la Mère, le Fils l'a préparée en tant que Dieu dans le secret, mais il lui faut dans la Passion payer encore le prix de la mission terrestre de la Mère, comme il paie le prix de la sienne. Au mont des oliviers, le Fils paie dans l'angoisse le prix de la mission de la Mère. Parce qu'il a d'abord souffert pour elle, il est permis à Marie de souffrir avec lui. A la croix, elle tremblera et elle sera angoissée, non seulement comme mère humaine, mais aussi comme participante à la même mission. A la croix, elle s'ouvre à ce que lui-même a rendu possible au mont des oliviers : à cette possibilité des croyants de participer à la Passion du Fils (Marie dans la rédemption 66-68).

21La passion. Le moment de la grande purification est arrivé. Certes, le Fils a pris sur lui les péchés tout au long de sa vie, il en a même pardonné là où il le pouvait. Mais ce qui était ainsi effacé n'aurait pas pu simplement disparaître si ce n'était par la grâce de la croix à venir. Pour le pécheur concerné, le péché était effacé ; pour le Seigneur par contre, il s'agissait de continuer à le porter jusqu’à la croix. Souffrir de se sentir délaissé par le Père, c'est le prix qu'il doit prendre sur lui pour le péché. Pendant toute sa vie, cela lui faisait mal que ces péchés aient été commis et aient blessé le Père. Il souffrait de l'éloignement entre le Père et le pécheur. A présent sur la croix, c'est sur lui que pèse le péché. Sur la croix, le Seigneur s'effondre sous le fardeau du péché (Cf. La confession 61-67).

22 – Puisque c’est le Fils qui, dans le plan du salut, aura à souffrir pour justifier que ce monde, même coupable, puisse finalement être jugé très bon, puisque c’est lui qui aura à en porter le poids comme un Atlas spirituel, il ne suffit pas de supposer qu’il acquiesce à la proposition du Père, mais il faut admettre que la proposition procède originairement de lui, que lui-même s’offre au Père pour soutenir et sauver l’œuvre de la création. Et il semble que cette proposition du Fils atteint le cœur du Père, humainement parlant, plus profondément que même le péché du monde ne pourra l’atteindre, qu’elle ouvre en Dieu une blessure d’amour dès avant la création (HUvB, Au cœur du mystère rédempteur 39-40).

23 – La rédemption n’est pas seulement guérison, elle est aussi l’accès de la créature à la vie trinitaire. C’est le dessein entier de Dieu qui veut l’entrée dans la vie trinitaire. Le Christ nous donne vraiment lui-même ce qui est sien parce qu’il a pris sur lui ce qui est nôtre, c’est-à-dire le péché (Cf. Ibid. 44).

24 - Passion du Christ et silence. Le Fils n’aurait aucunement mieux fait de se taire au jardin des oliviers ; le Père a besoin de cette ouverture pour être en communion avec lui. La scène du jardin des oliviers se retourne à la croix où le Fils remet son âme entre les mains du Père (NB 6,473-474).

25 – Jésus devant la croix réfléchit à ce qu’il pourrait faire avec ses membres s’il n’était pas cloué sur la croix (NB 6,244).

26 - Par l’Esprit du Christ, les prophètes ont acquis de plus en plus la certitude que le péché ne pouvait être expié que par la souffrance. Ils voyaient bien que les souffrances et la peine étaient des suites du péché, mais plus comme punition que comme expiation. Mais ils savent aussi que la punition ne suffit pas. Il reste toujours à l’homme, même quitte, sa propension au péché. Par l’Esprit du Seigneur, et non par eux-mêmes, ils comprennent que le Messie devra souffrir, que cette souffrance ne peut pas être la chose dernière, mais qu’elle servira à la glorification de Dieu, qu’elle doit aboutir absolument à la glorification de celui qui souffre (Sur 1 P 1,12. Die katholischen Briefe I,268-269).

27 – Plus le Fils souffre, plus le Père participe intérieurement à son œuvre et à sa souffrance (Sur 1 Jn 4,14. Die Johannesbriefe 174).

28 – Le Père à la croix : il pourrait l’épargner au Fils. Mais c’est comme si c’était lui maintenant qui disait au Fils : "Que ta volonté soit faite, non la mienne". Il y a une impuissance volontaire du Père devant le Fils (NB 3,180).

29 - Le Seigneur entre dans son ultime souffrance comme un humilié. Il porte sa croix non comme un fardeau qu'il a pris lui-même, qu'il a choisi selon ses forces. Il la porte comme quelqu'un qui s'est sacrifié, qui s'est donné, un humilié. Sur son chemin de croix, il nous montre que sa souffrance est une souffrance imposée comme l'est aussi à sa suite notre souffrance, qui finalement est aussi sa souffrance, elle ne nous est que prêtée, elle ne nous est pas remise pour être la nôtre. Il n'entre pas dans la souffrance avec des sentiments élevés, avec le sentiment que finalement il sera vainqueur. Il va à la croix comme un vaincu. Nous n'avons pas le droit de chercher à éviter la croix du Seigneur, même pas avec la conscience que le Père l'a ressuscité. Aussi longtemps que Dieu le veut, nous avons à porter la croix de la manière dont le Fils l'a portée : dans l'humiliation (NB 1/2,103).

30 – Le Fils devient homme, il quitte le ciel mais il reste Dieu tout en étant sur terre. Sa vie éternelle ne peut être touchée par le mal. Mais quand il subit la mort humaine, il s’introduit si profondément dans le mal qu’il souffre même la mort du méchant. Il finit comme peut finir l’homme le plus méchant qui soit, et cela par la force du mal sur la terre. Sa dernière souffrance est souffrance sous le fardeau excessif du mal, à quoi appartient aussi l’expérience d’être abandonné de Dieu. Sous ce rapport, il souffre la mort du méchant (NB 5,76).

31 – Les trois apôtres à Gethsémani. Le Seigneur va prier seul dans l’angoisse. Il revient vers ses apôtres pour leur faire part de son angoisse. Ils dorment. Il sont tiraillés entre l’obéissance ("Priez !") et le souci d’eux-mêmes. Ils ne sont pas prêts à entrer avec lui dans son angoisse. Ici se remarque la tiédeur de l’Église, mais aussi la faiblesse du Seigneur devant son Eglise. Il ne peut employer la force pour briser ce qui lui résiste. Non parce que Dieu serait faible devant sa créature, mais parce qu’il a choisi cette faiblesse pour s’en aller seul sur le chemin de l’abandon (NB 5,98-99).

32 – Finalement le Père aussi est obéissant au Fils quand il le laisse aller à la croix (Cf. NB 11,235-236).

33 – L’état religieux est né à la croix, là où le Fils dit : "Père, en tes mains je remets mon Esprit" (NB 11,390-391).

 

Dimanche des rameaux A (Mt 26,14-27,66)

1 - Prenez, ceci est mon corps. Maintenant il s’agit de contempler le grand miracle, le miracle au milieu des croyants, le miracle qui est là seulement pour eux, le miracle de la foi par excellence : "Prenez, ceci est mon corps". Le pain apparaît aux disciples exactement comme il était auparavant. Il est devenu le Corps du Christ. Et le Seigneur exige de leur foi qu’ils le reçoivent comme son Corps sans laisser place au doute. Il suffit qu’il le dise pour qu’il en soit ainsi. Et ils doivent prendre ce pain comme ils ont jusqu’ici mangé tout morceau de pain. Nous voyons en esprit cette assemblée d’hommes simples auxquels le miracle est présenté de façon inconditionnelle (Sur Mc 14,22-23. Cf. Saint Marc 637).

2 - Le reniement de Pierre. La servante le dévisage et dit : "Toi aussi tu étais avec Jésus le Nazarénien". Pierre le nia. Il ne veut pas être reconnu comme disciple. Il renie. Il fait donc la dernière chose qu’un disciple puisse se permettre, quelle que soit sa situation. C’est l’angoisse qui inspire à Pierre cette réponse pitoyable. Il a oublié que le Seigneur lui a dit qu’il ferait de lui un pêcheur d’hommes. Oublié qu’il est le rocher sur la solidité duquel le Seigneur compte. Au fond, c’est une déclaration d’incroyance. Et pourtant Pierre croit, mais encore très timidement. Et pourtant Pierre est un grand saint; car la croix du Seigneur va venir et alors le Seigneur prendra sur lui toute l’incapacité de l’apôtre ainsi que celle de tous les chrétiens (Sur Mc 14,66-68. Cf. Ibid. 680-682).

3 – Ce qui s’est produit une fois dans l’histoire – car la passion n’est pas un mythe, elle se tient "sous Ponce Pilate", sur le sol ferme de l’histoire – est pourtant la concrétisation de ce qui se produit du début jusqu’à la fin de la tragédie de l’humanité : Dieu est "frappé" et on "crache sur lui" avec mépris, tandis qu’il s’abaisse jusqu’au plus bas pour nous et afin de prendre sur lui nos ordures (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 59).

4 – Jésus sait qu’il doit souffrir le tout dans une solitude complète, en raison de quoi les disciples eux-mêmes dorment au mont des oliviers. Personne ne peut suivre réellement Jésus dans sa passion : "Tu me suivras plus tard" (Jn 13,36). La charge du péché du monde commence,dans la solitude, avec le Père qui disparaît ; le poids est insupportable, l’exigence excessive. Jésus doit prier : "S’il est possible, que cette coupe passe loin de moi" : la coupe de la colère de Dieu contre le péché. Selon la volonté du Père, Jésus doit prendre sur lui ce qui est apparemment impossible : à notre place, "pour nous" (Ibid. 59-60).

5Il s’humilia plus encore (Ph 2,8). Il s’abaisse, il change sa condition divine pour la condition d’esclave, mais il le fait de lui-même, il choisit lui-même ce chemin, il décide, prend la résolution, ne se fait pas pousser. Lui qui est Dieu a, face au Père, la certitude que son amour envers le Père est assez grand pour supporter même cela : l’échange du ciel parfait contre le monde pécheur. Et dans ce choix personnel réside en même temps toute l’expression de son obéissance. Il s’abaisse, dans l’intention d’obéir. Il échange sa liberté divine contre la sujétion humaine, sa vie dans la béatitude contre la mort sur la croix. Il entre dans la mort de l’humilité. Il s’humilie pour être humilié. Il se transforme en esclave. Il veut se révéler lui-même comme un homme parmi d’autres, pour être là pour tous dans sa mort. Aussi vraie est sa vie dans le ciel, aussi vraie et univoque est sa mort sur une croix. Et toute cette vérité a été décidée dans l’obéissance au Père qui le laisse s’abaisser, de même qu’il s’abaisse lui-même. Le Fils a choisi la volonté du Père par obéissance, et cette obéissance le choisit pour le laisser mourir sur la croix (Au service de la joie. Méditations sur l’épître aux Philippiens 60-61).

6 – Au commencement, Jésus dit : "Mon âme est triste à en mourir". L’âme n’est pas pure nature, elle comprend aussi le surnaturel. Mais elle est si fortement unie au corps qu’elle tremble avec le corps, de même que le corps tremble avec elle. Les paroles sont d’abord adressées aux disciples. Il leur parle avant de parler au Père. Ils s’aperçoivent qu’il a peur, peur qui se manifeste sur son visage et dans ce qu’il dit, toute son humanité ne semble plus exprimer que la peur. Le Maître, qui voit plus loin que les disciples, tremble de peur et leur en fait part. Il ne leur cache pas son état d’âme (ce qu’on pourrait faire par pudeur ou par souci pédagogique), mais il leur dévoile le fond de son cœur : "Voilà où j’en suis" (Cf. Au cœur de la Passion 46).

7 Judas. L’amitié entre le Seigneur et Jean pourrait être en soi quelque chose de beau et de fondé. Mais moi, Judas, je sais seulement que lorsque je m’approche de cette réalité, elle m’étouffe. A présent, moi, dans mon opprobre, je ne trouve rien à redire à cette amitié. Naguère elle m’aurait été un motif de jalousie. Maintenant elle m’étouffe seulement et me condamne. A présent toute possibilité de fuite m’est ôtée, toutes les choses m’écrasent de plus en plus. Je reconnais a posteriori que je suis coupable. C’est la prise de conscience de ce qui a été fait de travers. ; on a mal misé, on a mal choisi. Ce n’est pas que Judas se sentirait extérieurement menacé depuis que le Seigneur a été livré et qu’il est conduit à la mort. Mais il est privé de tout soutien, de toute raison de vivre. Une espèce de vision diabolique le,poursuit. A partir de sa peur actuelle, tout le passé, toutes ses relations avec le Seigneur et avec les disciples, jusqu’aux choses les plus insignifiantes, tout baigne dans une lumière diabolique. Partout il voit les signes de la trahison, tout est plein de présages, il voit partout des symptômes de méchanceté, comme s’il s’était constamment empoisonné lui-même. Il se considère comme celui qui a agi pour le diable. Partout il constate que c’est trop tard. Il est bien loin d’un repentir chrétien. Il rejette la faute sur ceux qui l’ont mandaté. Il leur dit qu’il se désolidarise de son acte ; mais eux aussi le rejettent. Il connaît le Notre Père, il sait que Dieu pardonne les péchés, mais il ne va pas vers Dieu. Il entre dans la mort comme un homme traqué. Il éprouve une horreur absolue pour son propre corps. Il voue son corps à la perdition comme son esprit. Il meurt comme une forteresse assiégée de toutes parts et prise d’assaut, qui se dynamite elle-même (Cf. Ibid. 96-99).

8 Pilate. On peut le considérer sous n’importe quel angle, impossible de le classer. Il ne veut pas le mal. Il applique une mesure qui ne manque pas complètement son but, car il conclut que le Seigneur est en règle, qu’il n’y a rien à retenir contre lui. Mais arrivé là, il ne va pas plus loin. Conformément à son objectivité, il réunit le oui des disciples et le non des pharisiens présents. Pilate, sans être chrétien, est pourtant le modèle ayant le plus d’influence sur les chrétiens. Combien sont-ils à répéter après lui : "Je ne vois aucune faute en cet homme". Le Seigneur est très bien comme il est. Une bienveillance indifférente qui rejette la responsabilité sur les représentants de l’Église. Ces indifférents minent l’Église bien plus radicalement que ses ennemis. Lorsqu’un incroyant voit ce que le Seigneur signifie en vérité pour ces chrétiens, il lui est presque impossible de distinguer le Seigneur de cette Église. De vrais Judas sont bien plus rares dans l’Église que ces êtres d’une bienveillance indifférente comme Pilate (Cf. Ibid. 103-104).

9Simon de Cyrène – Simon n’est pas quelqu’un qui prie. Mais il est enrôlé là où le Seigneur n’en peut plus. Là où en quelque sorte il n’a plus la force, ni comme Dieu ni comme homme, de porter ces poutres de bois. Tombant sans cesse sous le fardeau, il montre que ses forces physiques sont semblables à celles de n’importe quel homme du même âge. Pour Simon, qui est bien portant, robuste et non affaibli par la souffrance, il n’est pas pénible d’aider à porter la croix. Son action lui est comptée comme acte d’amour, et donc comme foi vivante, comme prière. Le Père voit la défaillance des forces de son Fils. Il lui envoie de l’aide sous les traits d’un prochain. Et puisque le Fils souffre pour racheter les hommes, il lui envoie quelqu’un qui doit être sauvé, et il fait entrer cet homme, en raison de l’aide qu’il offre au Fils, dans la vie divine de la prière. Simon, qui n’est pas encore croyant, ne refuse pas son aide. Et tandis que Simon apporte son secours, l’Esprit peut prendre possession de son âme (Cf. Ibid. 112-113).

10 – Dans l’obéissance du Fils jusqu’à la croix, il faut bien distinguer : c’est sa volonté de faire la volonté du Père. Mais la raison et la source de sa volonté, c’est son amour pour le Père. Car il aime le Père à ce point que tout en lui est amour, même son obéissance. Lorsque, sur terre, quelqu’un qui aime accomplit la volonté de l’être aimé, il est rare que son obéissance lui pèse, car cet amour a le pas sur tout. Par contre, lorsqu’au mont des oliviers, le Seigneur prie : "Que ta volonté soit faite et non la mienne", il fait voir distinctement la raison de son obéissance. Bien sûr, son obéissance est encore une manifestation de son amour pour le Père, mais ici elle peut être saisie dans sa nudité et sa singularité, comme détachée du contour de son amour (Cf. Disponibilité 14).

11 – Le Fils est en marche vers la croix comme l’agneau du sacrifice qui n’ouvre pas la bouche, qui n’élève aucune revendication, même pas celle de comprendre. Il ne fait pas valoir qu’il serait certainement préférable de pouvoir œuvrer encore quelques années sur la terre, qu’il vient à peine de commencer, qu’il y aurait encore tant d’opportunités à rechercher pour le Père et son royaume. Finalement il renonce à ces opportunités et à toutes les vertus qsu’il pourrait encore développer au service du Père, pour la seule obéissance. C’est cela qui fait essentiellement partie de la croix ; plus essentiellement encore que toutes les souffrances physiques (Cf. Ibid. 71).

12 – La prière du Seigneur au mont des oliviers : "Non pas ma volonté, mais la tienne" est humilité parfaite, soumission de sa propre volonté à celle du Père. Cependant, il est fait état de sa propre volonté. S’il disait simplement : "Que ta volonté se fasse", il apparaîtrait alors comme ne possédant aucune volonté propre, comme si le Père lui avait bien permis de se faire homme, mais sans les difficultés qui résultent de l’opposition entre Dieu et l’homme. Un homme désarmé, sans moyens de défense envers Dieu. La mention de sa propre volonté est donc un signe de sa reconnaissance envers le Père qui lui permet de posséder une nature humaine complète. Ce n’est pas de la faiblesse qui l’amène à prononcer ces mots, ni de l’impuissance, mais de l’amour. Un amour qui sait ce que signifie « ma volonté », mais qui y renonce en faveur du Père. Un amour qui estime ce qui est du Père plus que ce qui lui est propre, qui fait ressortir l’obéissance et la représente dignement (Ibid. 123).

13 – La passion. Il suffirait que le Fils exprime le désir de vouloir sauver le monde d'une manière, il pourrait demander au Père quelque chose que le Père lui donnerait volontiers (douze légions d’anges, par exemple). Ce serait une autre forme d’obéissance, en tout cas plus facile. Mais le Seigneur ne pense pas à exprimer une telle demande. Il est important que Pierre sache et la puissance du Fils auprès du Père et la liberté de son renoncement à cette puissance. Le Fils sait qu’il ne demandera pas au Père les légions d’anges. Rien n’est plus éloigné de lui que de rompre le pacte qu’il a renouvelé au mont des oliviers. Et cependant le Fil garde toujours toute sa puissance auprès du Père. Et le Père est prêt, de son côté, à acquiescer au Fils, et il n’y aurait aucun espace de temps entre sa demande et son exaucement. Aucune circonstance de la vie du Fils ne change quoi que ce soit à ses relations avec le Père (Cf. Passion nach Matthäus 71-72).

14 - Le silence du Seigneur devant ceux qui l’accusent est pour lui une souffrance (Ibid. 115-116).

15 – Dans sa Passion, Jésus renonce à son omniscience (Sur Mt 26,50. Ibid. 67-68).

16 – L’eucharistie. Dernières paroles, dernières consignes avant sa mort. On aurait cru qu’il leur laisserait de grands plans et de grandes perspectives pour l’avenir. Au lieu de cela, tout paraît réduit au plus étroit : manger, boire. Ils ne scellent pas l’alliance avec des plans de dimensions planétaires mais par leur obéissance petite et simple (Sur Mt 26,28. Cf. Ibid. 32).

17 – Jésus devant ceux qui l’accusent. Ces accusations le touchent au plus intime : n’a-t-il donc pas accompli la mission que le Père lui a donnée ? Leurs accusations prouvent qu’ils n’ont rien compris. Aucune étincelle de son amour n’a rejailli sur eux. Il ne peut répondre avec son amour parce qu’ils montrent en tout qu’ils ne veulent rien en savoir (Ibid. 117).

18 – Nous ne pouvons pas demander quelque chose au nom du Fils sans le recevoir. Et de même si on demande quelque chose au Fils au nom du Père. C’est pourquoi quand le grand-prêtre adjure Jésus au nom du Dieu vivant, Jésus répond alors qu’auparavant il se taisait. Ainsi le veut la loi de l’amour du Fils. Par amour, il transmet au Père nos demandes, par amour déférent pour le Père il répond (Sur Mt 26,63. Ibid. 83).

19 – Dieu fait ce que Dieu veut. Il y a les plans des saints : la femme oint le Seigneur, les disciples lui posent une question sur l’endroit où célébrer la Pâque. Il y a le plan des pécheurs qui ont tout préparé par ruse. Le Seigneur est au milieu de tout cela : il obéira totalement au Père et il se rendra en même temps aux désirs des saints et dans les filets des pécheurs. Les pécheurs veulent sa mort, ils l’auront. Les saints veulent que le promesse s’accomplisse en lui, elle s’accomplira (Sur Mt 26,17-19. Ibid. 15).

20 – Le Fils a, toute sa vie, été guidé par le Père. Maintenant, dans la passion, les soldats conduisent Jésus là où ils le veulent, là où le Père doit d’une certaine manière le tolérer pour que la passion de Jésus s’accomplisse jusqu’à son terme. Même quand le Père laisse aux hommes le soin de traîner le Fils là où ils le veulent, le Fils demeure dans la volonté du Père (Sur Mt 27,27. Ibid. 139).

21 La cohorte rassemblée autour de Jésus. Les soldats n’ont jamais rencontré Jésus, ils ne savent rien de lui ni de sa mission. Mais l’heure de la rencontre est là et il faut qu’arrive alors ce qu’ils ont attendu toute leur vie sans le savoir. Ils doivent trouver l’accès à Dieu. Le Seigneur ne peut pas les convertir maintenant, ils ne l’écouteraient pas. Les soldats ont conduit Jésus où ils voulaient. Mais quand ils sont réunis autour de lui, Jésus reprend invisiblement la direction ; il conduit à présent ses ennemis au Père, contre leur volonté. Extérieurement, il sera encore jusqu’à la croix celui qui est conduit. Intérieurement, en son être essentiel, il est le guide qui les conduit tous par la croix jusqu’au Père. Extérieurement, ils sont autour de lui ; intérieurement, c’est lui qui s’empare d’eux (Sur Mt 27,27. Ibid. 139-140).

22 L’un de vous me trahira. Tous se mettent à poser la question : "Pas moi quand même ?" Toute l’Église doit toujours participer à cette incertitude ; personne ne peut dire avec assurance : "Ce n’est pas moi". Et si l’un tombe, tous seront concernés. Leur tristesse est justifiée : si ce n’est pas eux, c’est l’un de leurs frères (Sur Mt 26,20-23. Ibid. 19).

23 – Sur la croix, quand le Père se voile, c’est un service qu’il rend au Fils (Sur Mt 28,1. Ibid. 220).

24 – L’abandon du Fils sur la croix. Non seulement le Fils se croit abandonné, il est réellement abandonné. Il ne comprend pas pourquoi il est abandonné (NB 9,1464).

25 – A la mort du Fils, le chaos exprime la tristesse du Père. Le rideau du temple qui se déchire, le tremblement de terre, les rochers qui se fendent : c’est le contraire du monde bien ordonné lors de sa création. Par le péché, le monde court vers le chaos. Le Créateur pleure sur les hommes, sur le monde, sur toute son œuvre. Le rideau du temple se déchire : ce sont les débris de l’ancienne Alliance devant le visage du Père, voilà ce qu’ont fait les pécheurs avec l’offre du Père de vivre avec eux une Alliance ; c’est le Père lui-même qui déchire le rideau, interrompt l’ancienne Alliance comme n’étant plus valable. Et toute la création tremble devant le pas du Fils pour établir une nouvelle Alliance. Les rochers se fendent : même eux n’ont plus de consistance, ils sont bouleversés par une force plus grande qu’eux ; comme si tous les éléments de la création manifestaient la puissance suréminente de la faiblesse mortelle de la Parole de Dieu. Quelque chose de la sûreté de l’existence terrestre est enlevé aux hommes depuis la mort de la Parole. Une autre sûreté va commencer. Tristesse parce que le Fils que le Père a envoyé a été mis à mort par les hommes. Le ciel lui-même se cache, le Père se cache dans la tristesse. La tristesse appartient à la mort de Dieu-Homme qui est venu pour remplir toute l’espérance du monde et que les siens ont rejeté. Ce n’est qu’au bout de cette tristesse que se trouve la victoire (Sur Mt 27,51. Passion nach Matthäus 190-192).

26 – Toute parole du Fils est une parole de prière (Sur Mt 27,47. Ibid. 180).

27 – La crucifixion. Matthieu expédie le fait en six mots comme une chose sur laquelle il n’a rien à dire de plus parce qu’il veut s’attarder sur le partage des vêtements (Sur Mt 27,35. Ibid. 156).

28 – Prier sert à ne pas tomber dans la tentation ou, ce qui est le même, à accomplir la volonté du Père avec une sécurité intime (Sur Mt 26,41. Ibid. 51-52).

29 – A propos de la femme qui oint le Seigneur chez Simon, juste avant sa passion. Le Seigneur inclut pour toujours dans sa mission ceux qui ont rempli la mission qu’il leur a confiée ; ici cette femme, même si les représentants du Seigneur l’ont méconnue. Le Seigneur aurait pu tout faire tout seul. Mais ce n’est pas ainsi qu’il agit (Sur Mt 26,6-13. Ibid. 13).

30 – Les tombeaux s’ouvrirent (Mt 27,52). De la mort du Fils sort une force plus forte que ce que les hommes ont décidé ; le temps des morts dans les tombeaux est un temps d’attente, ils attendent le signe du Seigneur. La tristesse du Père, qui contient la victoire du Fils, secoue aussi les portes du royaume des morts. Le Seigneur communique la puissance de sa résurrection qui est la même que la puissance de sa mort. Les saints morts avant le Seigneur l’attendaient. Maintenant que le Seigneur est mort, ils sont devenus ses contemporains. Dans la mort du Seigneur s’ouvre le chemin du monde d’en-bas qui doit rendre ses morts (Ibid. 192-193).

31 – Apparition des morts après la résurrection du Christ. C’est quelque chose de réel, d’objectif. C’est l’annonce des apparitions ultérieures des saints dans l’Église. Ces apparitions des morts font partie de l’accompagnement de la résurrection du Seigneur ((Sur Mt 27,53. Ibid. 193).

32 Il y a en tout homme une place qui est préparée pour Dieu. Il y a en tout incroyant une attente de Dieu, plus ou moins consciente, plus ou moins refoulée. Mais ce lieu en lui ne peut pas ne pas être (Sur Mt 27,19. Ibid. 124).

33 – Le Fils est venu pour racheter le monde, et cela signifie : pardon des péchés, rendre les hommes au Père tels qu’il veut les avoir : purs. Cette pureté, seul le Fils peut l’opérer en rachetant les pécheurs par son sacrifice. Il paie le prix : sa vie. Son sang sera répandu pour le pardon des péchés, mais les siens doivent le boire. Prendre son sang, cela veut dire prendre sa croix ; la croix n’est pas un événement entre le Père et le Fils seulement. Prendre la croix, c’est ratifier l’alliance scellée définitivement. Dieu Trinité agit de manière souverainement libre, mais il inclut les hommes comme des invités, comme des hommes qui ont une charge, qui sont emmenés par lui (Sur Mt 26,28. Ibid. 32).

34 - Les trois disciples au mont des oliviers. Les disciples qui accompagnent le Seigneur au mont des oliviers ont certes un désir de lui appartenir qui pénètre tout leur être. Mais la chair est faible, et surtout leur esprit n'est pas encore formé. Le peu qu'ils ont compris est solide. Pour eux ce ne fut pas difficile d'accepter la foi nouvelle. C'était des gens simples, des rustres d'une certaine manière. Maintenant au mont des oliviers, ils sont saisis par le spirituel et ils ne savent que faire. Ils voient que le Seigneur entre dans une grande souffrance. Chacun des trois éprouve les choses de manière très différente. - Pierre ressent la tâche qui est angoissante. Il sait quelque chose de l’Église future, qu'il doit représenter. En voyant la souffrance du Seigneur, l'angoisse le saisit qu'il pourrait lui aussi sombrer dans la souffrance. Il voudrait bien aider, mais il ne sait pas comment. Il éprouve l'angoisse d'un homme qui, devant une catastrophe, voudrait trouver une solution radicale quelconque, mais qui ne voit aucune possibilité. Il ne peut pas surmonter son angoisse. C'est comme l'angoisse d'un paysan qui regarde sa maison en flammes et son bétail brûler. - Jean a l'angoisse de l'amour. Il a de l'angoisse pour le Seigneur. Et il craint de le perdre : il n'a peut-être pas été à la hauteur, il n'a peut-être pas tout donné, il n'a pas su au fond ce qu'était l'amour. Il ferait tout pour sauver l'amour, mais il ne voit pas ce qui peut arriver. - Jacques se trouve entre les deux. Il a une angoisse qui ne peut se formuler, qui ne peut se justifier, un malaise qui le saisit tout entier, corps et âme. Et il est contaminé par l'angoisse des deux autres. Il voudrait venir en aide aux deux pour qu'ils puissent aider le Seigneur. Il voudrait se prodiguer, mais il ne sait pas comment. - Ils dorment par pur désarroi. Ils laissent le Seigneur chercher seul la solution. Jean est tellement accablé d'angoisse et de tristesse que, comme un enfant, il s'endort en pleurant. L'exigence spirituelle démesurée les a tous épuisés (Cf. NB I/2,46-48).

 

Dimanche des rameaux B (Is 50,4-7; Ph 2,6-11; Mc 14,1-15,47)

1Avec un flacon d’albâtre contenant un nard pur de grand prix. C’était très certainement un très joli flacon. Il contient du nard pur et de grand prix. Le flacon et son contenu correspondent. Quand on rencontre le Seigneur, tout doit correspondre harmonieusement. La femme brise le flacon. Elle sacrifie l’objet précieux. Il ne peut servir qu’une seule fois. Nous brisons notre flacon en offrant au Seigneur notre vie. Cela peut se produire de diverses façons. Offrir est toujours un renoncement. Pour pouvoir donner au Seigneur le contenu de notre vie, nous devons renoncer à la forme personnellement choisie, répandre notre vie et attendre du Seigneur lui-même la forme nouvelle. Bien des choses se perdront dans notre vie, mais l’essentiel doit appartenir au Seigneur (Sur Mc14,3. Cf. Saint Marc 613-614).

2 - S’il était possible que cette heure passe. Le Seigneur qui ressent effroi, angoisse et tristesse, a aussi peur de l’heure. Cette peur peut avoir de multiples visages. Il est possible qu’il croie de façon purement humaine ne pas pouvoir tenir. Ce n’est pas seulement en Judas qui l’a trahi qu’il voit le péché, mais en tout homme. Il aura à le porter. Et à travers sa Passion, il éprouve la défaillance de tous. Pas un ne se tiendra dignement à son côté d’une manière tant soit peu chrétienne : même ses disciples ne lui offrent qu’une image de la défaillance.Et si eux déjà qui lui ont donné toute leur vie se conduisent ainsi, de quel poids sera alors le fardeau de tous les pécheurs? (Sur Mc 14,35.  Cf. Ibid. 650).

3 Et l’abandonnant, ils s’enfuirent tous. Cela semble incroyable qu’au moment du plus grand danger tous les disciples s’enfuient. Le Seigneur avait prophétisé la dispersion du troupeau. Et il les avait introduits dans sa Passion à venir tout en leur offrant l’espérance de la résurrection. Et voilà que tous l’abandonnent. Ils espéraient en une victoire du Seigneur qui aurait correspondu à leurs attentes. Cette fuite des disciples nous oblige à toujours reconsidérer que, même si nous avons la certitude de la victoire parce qu’elle appartient au Seigneur et qu’il l’offre aux siens, aucune sorte d’espérance humaine ne peut être attachée à cette certitude. Pâques n’est pas une victoire terrestre (Sur Mc 14,50. Cf. Ibid. 667-668).

4 – Au pied de la croix : Marie Madeleine et quelques femmes. Madeleine avait commencé à suivre le Seigneur dans une ouverture qui ne prévoyait pas de fin. En expulsant d’elle les démons et en la gagnant pour lui, le Seigneur la possède de telle sorte qu’elle le suit sans contrainte et sans questions. Mais l’accompagnement conduit à la croix. Une seule chose était exigée d’elle : suivre, cheminer, accompagner, comme simple conséquence d’avoir été délivrée. Sous la croix, Madeleine contemple le comportement de la Mère, elle se sait un peu portée par elle, de même qu’elle se sent portée par le Fils, mais d’une autre manière. Elle était la pécheresse de laquelle il a expulsé sept démons. S’il l’a purifiée, c’est comme par avance depuis la croix. C’est d’ici que le Seigneur a expulsé ses démons et d’ici qu’il l’a engagée à sa suite (Sur Mc15,40-41. Cf. Trois femmes et le Seigneur 29-37).

5 – L’attitude des hommes dans la passion est comme un amoncellement de tous les péchés concevables que les hommes commettent en Jésus contre Dieu lui-même. D’abord le sommeil des disciples qui devraient veiller et prier : un sommeil qui se prolonge à travers l’histoire de l’Église. Ensuite la trahison ouverte d’un disciple pour l’amour d’un profit matériel, et puis le reniement de l’autre, sur lequel l’Église doit être construite ; finalement la fuite lâche de tous. La fuite générale de ceux qui ont été appelés à suivre Jésus se fait dans une telle panique qu’on y laisse son dernier vêtement. Que la trahison se réalise par un baiser, cela se répétera aussi. Voilà pour les disciples. C’est alors le reniement par le peuple élu, dans le procès public, de son Messie, qu’il livre aux païens. Juifs et païens se surpassent en toute forme de raillerie, d’outrage physique et de torture, de mépris de la mission de salut de Jésus, jusqu’au calvaire (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 57).

6 – Au commencement, Jésus dit : "Mon âme est triste à en mourir". L’âme n’est pas pure nature, elle comprend aussi le surnaturel. Mais elle est si fortement unie au corps qu’elle tremble avec le corps, de même que le corps tremble avec elle. Les paroles sont d’abord adressées aux disciples. Il leur parle avant de parler au Père. Ils s’aperçoivent qu’il a peur, peur qui se manifeste sur son visage et dans ce qu’il dit, toute son humanité ne semble plus exprimer que la peur. Le Maître, qui voit plus loin que les disciples, tremble de peur et leur en fait part. Il ne leur cache pas son état d’âme (ce qu’on pourrait faire par pudeur ou par souci pédagogique), mais il leur dévoile le fond de son cœur : "Voilà où j’en suis" (Cf. Au cœur de la Passion 46).

7 – Pour Judas, l’affaire est totalement réglée. Non qu’il y penserait avec plaisir, mais elle est derrière lui. Les tourments de la décision sont passés. Son seul souci à présent est de la mener à bonne fin. Il est tellement absorbé par son plan et la façon de le réaliser qu’il n’a pratiquement pas le temps de devenir inquiet. Il est encore présent au début du repas et se sent sûr. Mais soudain il est confondu par le Seigneur. Et tandis que la bouchée de pain lui est tendue, il voit Jean appuyé sur la poitrine du Seigneur ; cette image lui inspire l’idée du baiser. C’est maintenant seulement qu’il distingue l’antagonisme total entre amour et trahison. C’est maintenant seulement, confondu par le Seigneur qui a auprès de lui le disciple bien-aimé, qu’il conçoit le projet de se servir de l’amour pour masquer la trahison (Cf. Ibid. 54).

8 – Tous fuient en même temps, mais chacun pour soi. Pierre est encore rempli des paroles qu’il a lui-même prononcées, des assurances qu’il est le premier à avoir données au Seigneur. A présent que le Seigneur manifeste une volonté de souffrir qui ne s’accorde pas avec la volonté de victoire telle que Pierre l’entend, celui-ci se sent dans une situation embarrassante qui, pour le moment, l’empêche de suivre le Seigneur plus avant. Mais entre le Seigneur et lui subsistent un lien et une attirance, c’est pourquoi il décide d’aller voir ce qu’il en adviendra du Seigneur. Tout en fuyant, il prend le chemin du Seigneur. En esprit il dit non, physiquement il le suit. Jean a pris sa décision avec la même hâte que les autres ; chez lui, c’est une sorte de panique d’amour. Il ne peut pas supporter de voir le Seigneur traité de la sorte. Il ne s’imagine pas ce qu’il fait au Seigneur en s’enfuyant lui aussi. Il croyait aussi que la Passion, la mort et la résurrection du Seigneur étaient des expressions purement symboliques. Il lui est impossible de se représenter que tout puisse soudain finir en tragédie (Cf. Ibid. 73-75).

9 Ils emmenèrent Jésus chez le grand-prêtre. Dans le fait d’être emmené, un certain sentiment de soulagement. Comme si la situation était déjà tellement critique qu’il n’y a plus rien à perdre. A l’issue de l’interrogatoire qui va commencer, le Fils de Dieu se retrouvera de toute façon vaincu. Il ne considère pas que les questions qui lui sont posées lui donnent une chance, il est attentif seulement au fait qu’il peut rendre témoignage au Père, même là où ce témoignage n’est pas accepté. L’essentiel au fond n’est même pas qu’il souffre maintenant, car il ne peut de toute façon convertir Caïphe et ses semblables ; il éprouve une joie de pouvoir encore une fois, au milieu de cette souffrance et de son impuissance totale, adhérer au Père. Joie de pouvoir prononcer dans un "au-delà", dans un « toujours-plus », des paroles destinées aux seules oreilles du Opère (Cf. Ibid. 77).

10 – L’intention qui pousse Pierre à suivre le Seigneur dans la maison du grand-prêtre était bonne au départ. Elle révèle son sens de la responsabilité. Mais ce début prometteur n’a pas de suite, il tourne court avant le moment décisif. Pierre n’est certainement pas venu avec l’intention de trahir. Il veut, si possible, apporter son secours. Mais dès qu’il flaire le danger, sa propre personne lui importe davantage que le Seigneur. Pour la première fois, l’idée vient aux disciples qu’il pourrait mourir d’une mort humaine. Ils ne s’y attendaient pas. Ils comprennent cette mort très tard, la résurrection plus tard encore, bien que le Seigneur leur ait annoncé les deux (Cf. Ibid. 80).

11 - Sur la croix, Jésus s’est dépouillé de sa forme divine pour n’être plus qu’un homme dans sa nudité. Au cours de sa vie terrestre, il trouvait le Père quand il le cherchait. Sur la croix, il n’y a plus qu’une recherche qui ne peut pas trouver. Il faut que la divinité diminue pour que l’humanité augmente (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique 152).

12 – Le Fils a la vision permanente du Père ; mais quand il prie le Père au mont des oliviers, il commence à devenir un chercheur. Il cherche le Père avec sa volonté humaine, il cherche la volonté du Père : "Non ce que je veux, mais ce que tu veux". Si au mont des oliviers, le Fils priait ainsi : "Père, nous sommes un, nous avons la même volonté, je veux ce que tu veux, mais tu veux aussi ce que je veux. Et ma volonté maintenant est de ne pas souffrir, c’est pourquoi je puis accepter que ta volonté se fasse", la semence de Dieu ne serait plus en lui. Il renonce à s’exprimer lui-même. Il n’impose pas au Père son humanité, il ne dit pas : "Tu n’es pas homme, tu ne peux pas savoir ce que c’est". Il renonce à ce qu’a d’unique sa personnalité pour la mettre justement à la disposition de la volonté du Père (Sur 1 Jn 3,9. Die Johannesbriefe 110).

13 – La mission de Joseph d’Arimathie vis-à-vis du cors mort du Seigneur est une vraie mission chrétienne. On reconnaît que les missions des croyants peuvent se faire même là où il n’y a plus guère de place pour une action chrétienne féconde. Ici le service d’un cadavre, quelque chose qui n’a plus d’avenir selon les apparences. Mais parce que c’est une mission de Dieu et un service au Seigneur et une œuvre dans la foi, il en sortira une vie chrétienne authentique et un fruit inespéré (Sur Mt 27,58. Passion nach Matthäus 199-200).

14 – Les plans tortueux des hommes veulent tromper Dieu : le serpent au paradis, les chefs juifs lors de la passion de Jésus (Sur Mt 26,1-5. Ibid. 9).

15 – Les enfants jouent tranquillement quand ils savent que leur mère est dans la pièce à côté. Le Fils a toujours su, en tant que Dieu, que le Père était là, comme tout près, on pouvait à tout instant lever les yeux vers lui. Sur la croix, cette conscience n’existe plus ; le Père est voilé. Et maintenant le Fils doit lutter en lui contre la possibilité divine d’aller au-delà et de s’assurer. Et cette possibilité est si bien maîtrisée qu’il n’y a plus là que le Crucifié (NB 3,283).

 

Dimanche des rameaux C (Is 50,4-7; Ph 2,6-11; Lc 22,14-23,56)

1 – Jésus ne se dérobe pas, il s’offre à tous les outrages des hommes. Au milieu de l’histoire des hommes, c’est son dessaisissement de lui-même jusqu’à la mort sur la croix, qui fait de lui le Seigneur de toute l’histoire. La Passion n’est pas un mythe, elle a eu lieu sous Ponce Pilate, elle se tient sur le sol ferme de l’histoire. Ce qui est arrivé une fois dans l’histoire est cependant l’illustration de ce qui se produit du début jusqu’à la fin de la tragédie de l’humanité : Dieu est « battu » et on « crache sur lui » avec mépris, tandis qu’il s’abaisse jusqu’au plus bas pour nous afin de prendre sur lui nos ordures (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 57).

2 – L’institution de l’eucharistie qui annonce la passion est accompagnée d’une déclaration de Jésus qui est une sorte de testament. Les disciples sont chargés de prendre soin de la venue du Royaume de Dieu : "Je vous lègue le Royaume". Mais cette tâche ne peut être assumée que dans l’esprit de Jésus : le plus grand parmi vous doit devenir comme le serviteur, et Jésus lui-même est là comme celui qui sert. Pierre sera le plus grand de par sa fonction, mais il ne pourra être le serviteur qui affermit ses frères que lorsque Jésus aura prié pour lui, le renégat. Ce que sera le service de Jésus en vérité est décrit avec les mots d’Isaïe : "Il sera compté parmi les pécheurs". Ses ennemis ont maintenant sur lui « la puissance des ténèbres ». Dans la force et l’assurance, sa Passion n’aurait pas été une souffrance complète, d’où l’agonie au mont des oliviers, que saint Luc décrit de manière si réaliste (Cf. Ibid. 57-58).

3 – Jésus souffre seul ; les disciples ne l’accompagnent pas. Chez Luc seul, un ange apparaît au mont des oliviers pour réconforter Jésus : un réconfort apporté là pour supporter l’insupportable : devoir boire la coupe de la colère de Dieu contre le péché. L’homme de Cyrène aide Jésus à porter sa croix, du moins extérieurement. Un dernier homme se tourne vers Jésus, l’un des criminels crucifiés avec lui, qui lui adresse une authentique requête. Il subit le même sort que Jésus, mais il distingue bien entre sa souffrance largement méritée et celle tout autre de celui qui n’a rien fait de mal. Ici un peu de la grâce de la souffrance de la croix peut se déverser dans un réceptacle déjà prêt. Elle continue de se déverser après la mort de Jésus : le centurion est touché par la grâce. Il est dit de plus que tous ceux qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. (Cf. Ibid. 58).

4 – Chez saint Luc, les paroles prononcées par Jésus sur la croix sont comme la traduction de ce que Dieu opère. C’est d’abord la prière au Père : "Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font". Les Juifs sont aveuglés, ils ne reconnaissent pas leur Messie ; les païens font ce qu’ils font par devoir professionnel : crucifier sur ordre militaire un prétendu criminel. Personne ne sait qui est Jésus en vérité. La prière de Jésus veut excuser les coupables et en trouve des raisons. La parole adressée au larron est une partie de la grâce du pardon qui est gagnée par la croix. La parole au moment de la mort : "Entre tes mains, je remets mon esprit", tient lieu du cri d’abandon. Même si le Fils ne ressent plus le Père, même si les mains du Père sont devenues insensibles, le Fils n’a pas d’autre endroit où se coucher en mourant. Dans les paroles de Jésus, Luc fait rayonner quelque chose de la grâce acquise par Jésus en souffrant pour nous (Cf. Ibid. 58-59).

5Père, pardonne-leur. Cette première parole du Seigneur comprend sa mission tout entière : n’est-ce pas pour obtenir du Père le pardon des pécheurs qu’il est suspendu à la croix ? Par la parole qu’il est lui-même et qu’il exprime dans cette courte phrase, lui, le Rédempteur, il relie les hommes au Père. Il les confie au Père, à sa miséricorde. C’est la grande confession : le Fils la fait au nom de l’humanité, en se mettant à sa place. En d’autres termes, il prend sur lui toute la faute. Ce qu’il veut, c’est que le Père accueille tous les hommes, qui sont pécheurs, comme des innocents. Par cette parole, le Fils ouvre la porte de la Rédemption. Lorsque la prière du Fils parvient au Père, le Père obéit au Fils, il pardonne réellement aux pécheurs. Cette parole du Fils renferme pour les hommes une promesse infinie. Quand un pénitent plein de contrition regarde vers la croix avant de faire sa confession, il sait que l’aide du Seigneur lui est assurée. Et le Père pardonnera parce qu’il exauce la prière du Fils (Cf. Parole de la croix et sacrement 23-29).

6 – Dans sa demande : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne", le Fils nous révèle quelque chose de son obéissance. Il possède une volonté propre ; boire le calice, pourrait-on dire, ne convient pas à cette volonté. Mais il la surmonte et donne la préférence à la volonté du Père. Il fait cela par amour. Par le même amour dans lequel il a assumé sa mission et l’a menée jusqu’ici, dans lequel aussi il souffrira et remettra son esprit entre les mains du Père (Le livre de l’obéissance 77).

7 - Souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton royaume. Le croyant sait quelque chose qu’Adam ignorait : ce n’est pas seulement sa vie, c’est aussi sa mort qui reçoit en Dieu son sens. Le sens de tout est en Dieu. Sans lui, tout serait littéralement insensé. Mais quand quelqu’un cherche sérieusement à mettre le sens de tout en Dieu, il sera certes beaucoup plus conscient de ses propres limites, mais il rencontrera sans cesse des réalités qui ont leur vie en Dieu, qui ne sont accessibles à la raison ergotante mais uniquement à la prière. Elles s’ouvrent dans le dialogue entre Dieu et l’homme, où Dieu dit sa parole et où l’homme essaie de devenir totalement réponse à cette parole. La prière découvre de la sorte le royaume d’une vie supérieure, un royaume plein de la vie de Dieu, royaume dont le contenu, en dehors de la prière, paraît tout à fait irréel, à l’instar de bulles de savon et d’utopies. Si le sens de la vie humaine paraît déjà si incompréhensible et plonge constamment en Dieu, l’homme comprend alors que sa mort ne peut être exemptée de cette loi. Ce qui devient vivant dans la prière n’est si grand que parce que cela fait partie de la vie éternelle de Dieu qui fait voler en éclats les limites de note vie terrestre. Dieu ne nous a pas créés pour un temps mais pour son éternité (Le mystère de la mort 48).

8 - Entre tes mains je remets mon Esprit (Lc 23,46). L’Esprit qui était pour lui le garant qu’il était dans la volonté de Dieu, dans l’obéissance. En livrant son Esprit le Fils abandonne ce qui lui restait de plus cher. Quand il aura donné son Esprit, il sera vraiment dépouillé de tout. Il lui restera son âme humaine que la mort prendra sous peu (Passion nach Matthäus 184-185).

 

Jeudi saint. La Cène du Seigneur ABC (Ex 12,1-8.11-14; 1 Co 11,23-26; Jn 13,1-15)

1 – Si les chrétiens n’étaient plus conscients qu’ils ont à lutter contre le diable, leur christianisme tomberait dans un optimisme superficiel; une exaltation étourdie prendrait la place du sérieux de l’amour (Jn 13,2. Jean. Le discours d’adieu I,19).

2 – Dans la passion du Fils, c’est le Père qui doit faire la volonté du Fils, car comme tout le reste, il a aussi remis la Passion entre les mains du Fils… Le Père lui-même en quelque sorte accepte difficilement l’abaissement du Fils dans l’Incarnation et dans sa Passion. Il aurait pu atteindre tout à moindres frais, il aurait pu témoigner autrement de son amour subordonné envers les disciples et obtenir du Père plus rapidement l’œuvre rédemptrice. Le fait d’aller si loin, de se présenter face aux disciples comme leur serviteur, et face au Père comme un homme, est une invention de son amour suprême (Sur Jn 13,3-5. Ibid. I,20-21).

3 Vous m’appelez Maître et Seigneur. Reconnaître le Seigneur ne veut pas seulement dire le confesser comme Seigneur et Maître, mais admettre toutes les conséquences qu’implique cette confession : c’est-à-dire se laisser engager dans tout ce que le Seigneur exige de nous, exigences pour lesquelles nous devons nécessairement nous mettre à sa disposition. Reconnaître le Seigneur signifie ouvrir une porte qu’on n’a plus le droit de refermer. Il pourrait se faire que nous soyons engagés plus à fond que nous ne le désirions. Mais le  Seigneur nous ôte cette angoisse, il encourage (Sur Jn 13,13. Cf. Ibid. I, 40-41).

4 – La scène saisissante du lavement des pieds – scène certainement historique – a pour but d’ouvrir les yeux des disciples à ce qui s’accomplit en vérité dans l’institution de l’eucharistie et, à partir de là, en toute célébration eucharistique. Le lavement des pieds est la « preuve de l’amour qui va jusqu’au bout » (Jn 13,1). Pierre ressent cet acte d’amour comme totalement inadmissible, comme le monde à l’envers. Mais justement ce renversement est ce qui est le plus droit, ce que l’on doit d’abord laisser arriver pour soi, en acceptant d’être humilité par cet amour insurpassable, pour en prendre exemple et accomplir le même abaissement d’amour à l’égard de nos frères (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 59-61).

5Le Seigneur Jésus prit du pain (1 Co 11, 23-24). Il pose apparemment un acte tout à fait quotidien, mais par sa parole il y introduit tout le mystère de Dieu. Il le fait après avoir rendu grâce, après avoir établi de manière visible sa relation au Père et avoir inclus, dans son dialogue avec le Père, les personnes présentes, puisqu’elles ont, à présent, prié en union avec lui. Il rompt alors le pain qui est son corps. Il le dit. Lui en comprend le sens global ; les personnes présentes en saisissent aussi quelque chose, même si elles ne perçoivent aucune modification dans le pain qui se trouve là. Aux yeux des disciples le Seigneur demeure le même, tout comme le pain garde le même aspect, et pourtant le pain est devenu le corps du Christ ; il possède une vie, une force, une capacité d’action qui vient du Seigneur. Le pain est son corps. Sa parole a accompli la transformation et la foi des apôtres doit l’accepter. Le pain est mangé comme n’importe quel pain. Le Seigneur ne lui a pas retiré sa forme en tant que nourriture, mais il lui a donné un nouveau contenu. Il lui a donné la force de son corps (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,62-63).

6 – C’est un moment oppressant que celui où ce Verbe qui était au commencement auprès de Dieu, qui s’est fait chair et s’est incarné dans l’humain, n’est tout à coup à nouveau que parole, parole qui déclare : "Ceci est mon corps". La nouvelle et éternelle Alliance, le christianisme tout entier, les événements passés qui y préparaient et ceux qui arriveront encore, tout cela converge maintenant dans cette simple parole : "Ceci est mon corps". Et au moment où elle est prononcée, elle est entièrement accomplie. Et elle est prononcée par le Seigneur qui maintenant se tient "à côté" de son corps. A droite le Seigneur, à gauche le pain, auparavant l’incarnation, ensuite la mort ; au milieu de tout cela, cette parole. Cette parole qui embrasse la mission tout entière et la représente devant le Père. Et ainsi toute la Passion est déjà par anticipation dans cette parole. Une parole qui ne pèse guère ; selon les critères humains, ce n’est absolument rien. Un morceau de pain dans la main et l’ordre de le manger (Cf. Au cœur de la Passion, 16-17).

7 – Le Christ a vécu dans l’attente de l’heure du Père, dont il ne savait rien sinon qu’elle viendrait sûrement et qu’elle serait effrayante, mais dont il remettait le moment au Père. Le Fils ne peut faire des projets à long terme, la volonté du Père le retient par l’ignorance de l’heure. Ou bien, dans ce qu’il projette, il doit intérieurement être prêt à modifier ou abandonner ce qu’il envisage au moindre signe du Père. Par ailleurs, il y a les annonces de l’Ancien Testament, le Fils les connaît, il connaît également celles qui prophétisent sa vie, ses souffrances et sa mort. Il les connaît comme aspects de la volonté du Père. Les prophéties contiennent son inexorable volonté, que le Fils devra laisser s’accomplir (Cf. Disponibilité 24-25).

8 – Tout autre est le problème de savoir si Jésus avait "besoin" de connaître le chemin qu’il avait encore à suivre, ou s’il n’avait pas plutôt à accomplir sa mission dans une obéissance absolue à Dieu et par là à réconcilier le monde avec Dieu (2 Co 5,18) ; on peut se demander également si, à l’heure décisive, dont le contenu restait réservé au Père, il ne suffisait pas de s’en remettre totalement à la volonté divine. Avec le mot d’« obéissance », nous touchons à coup sûr à la disposition la plus intime de Jésus, et il est sans doute plus important et plus salutaire à l’obéissance parfaite de ne pas vouloir connaître à l’avance l’avenir, pour l’accueillir de la main de Dieu avec une parfaite fraîcheur quand il arrive (HUvB, La conscience de Jésus et sa mission, dans la revue Communio janvier-février 1979, p. 37-38).

9 – Dans la cène du lavement des pieds, le Seigneur a inclus tous les hommes : Jean, le disciple bien-aimé, Pierre qui a la charge du ministère, le traître Judas et la multitude de ceux qui lui sont étrangers et se sont détournés de lui. Son exemple est universel, car il a accompli le lavement des pieds pour tout homme (Kostet und Seht 183).

10 – Prière après la communion. Père, tu nous a donné ton Fils vivant et tu permets qu’il ne cesse de venir à nous dans l’hostie. Accorde-nous de l’accueillir dans toute sa force divine. Qu’en dépit de toutes nos déficiences et de nos faiblesses, il se sente en nous chez lui et puisse faire sortir de notre cœur ce que toi, tu veux. Accorde-nous de le suivre avec ardeur autant que nous en sommes capables. Tu donnes à beaucoup d’hommes aujourd’hui la grâce de le recevoir. Permets que chacun d’eux en emmène d’autres avec lui : ceux qui sont empêchés de venir ou ceux qui le connaissent à peine (Sur la terre comme au ciel 15-16).

 

Vendredi saint (Is 52,13-53,12; He 4,14-16; 5,7-9; Jn 18,1-19,42)

1 – (Le Père laisse souffrir le Fils injustement) pour nous le donner en exemple : on peut souffrir injustement (Sur 1 P 2,22. Die katholischen Briefe I,330).

2 – Et lorsque le Verbe de Dieu vit que sa descente en ce monde ne pouvait aboutir qu’à sa mort et à sa perte, lorsqu’il comprit que sa lumière devait s’anéantir dans les ténèbres, il accepta le combat et la déclaration de guerre. Et il imagina cette ruse inimaginable : plonger comme Jonas dans le ventre du monstre, et s’enfoncer jusqu’à la cellule la plus profonde de la mort. Faire l’expérience de la maladie du péché jusqu’en sa prison la plus sombre et vider le calice jusqu’à la lie… - Démontrer l’inanité du monde par l’inanité de sa propre mission. Manifester l’impuissance de la révolte par l’impuissance de son obéissance envers le Père. Mettre en lumière la faiblesse mortelle de cette défense désespérée contre Dieu par sa propre faiblesse mortelle. Laisser le monde accomplir sa volonté et par là accomplir la volonté du Père. Accorder au monde sa volonté, et par là rompre cette volonté… - Avec l’effusion d’une seule goutte de sang jailli du cœur divin adoucir l’océan d’amertume… Car la faiblesse du Verbe serait déjà la victoire de son amour pour le Père, et comme déploiement de sa force suprême cette faiblesse serait si grande qu’elle dépasserait de loin et absorberait en elle la pitoyable faiblesse du monde… Il voulait s’enfoncer à une telle profondeur que toute chute à l’avenir fût une chute en lui-même… - Il n’est pas de combattant plus divin que celui qui peut se permettre de vaincre par la défaite. A l’instant où il reçoit la blessure mortelle, son adversaire tombe à terre, définitivement touché. Car il atteint l’amour et il est ainsi atteint par l’amour. Et c’est en se laissant atteindre que l’amour prouve ce qui était à prouver : qu’il était justement l’amour. Atteint au cœur, celui qu’animait la haine reconnaît ses limites et comprend enfin cette vérité : qu’il se comporte comme il le voudra, partout il se heurtera à un amour plus vaste. Tout ce qu’il peut infliger à cet amour : injure, indifférence, mépris, moquerie, silence mortel, calomnie diabolique : tout ne fera que démontrer la supériorité de l’amour…- Car toute vie du monde s’incline finalement devant la mort et, courbée dans la faiblesse, doit passer sous son porche; et dans cette démarche elle reproduit enfin, bon gré mal gré, le geste du Fils de Dieu qui donne sens et figure à toute faiblesse. Tout autour de nous est tracée une frontière mortelle, et ceux d’entre nous qui croyaient encore pouvoir exclure Dieu de notre monde bien clos, ou l’y tenir enfermé, nous avons par là même démontré la force de son amour qui nous tient enveloppés dans ses bras infranchissables (HUvB, Le cœur du monde, éd. 1956, 38-40).

3 – Mais le plan de Dieu et, si l’on peut dire, la ruse de Dieu ne sont pas encore à leur terme; il y manque encore la pièce médiane, le moyen suprême. Il y manque encore le moyen de pénétrer à l’intime du monde… Alors Dieu créa son cœur et l’installa au milieu du monde. Un cœur humain, connaissant l’élan et la nostalgie des cœurs humains, exercé dans tous les détours et les cheminements, dans toutes les sautes d’humeur et les impulsions subites, dans toutes les béatitudes amères et les amertumes bienheureuses qu’un cœur humain peut goûter. Un cœur, cette créature la plus folle, la moins docile, la plus changeante de toutes. Ce siège de toute fidélité et de toute trahison, cet instrument plus riche que tout un orchestre, plus pauvre que le grésillement de la cigale… - (Mais) où est le cœur qui peut se protéger lui-même? Ce ne serait pas un cœur s’il avait coque et carapaces… Le cœur est sans défense parce qu’il est la source, c’est pourquoi tout ennemi vise au cœur. C’est là que demeure la vie, c’est là qu’on peut la toucher…- Ainsi le Verbe vint dans le monde. La Vie éternelle élut domicile en un cœur humain. Elle résolut d’habiter sous le frisson de cette tente, elle décida de s’y laisser toucher. Ainsi sa mort était-elle chose résolue. Car la source de la vie est sans défense. Dans le château fort de son éternité, dans sa lumière inaccessible, Dieu était inattaquable, les flèches du péché rejaillissaient comme des traits d’enfant sur l’airain de sa majesté souveraine. Mais Dieu dans le frêle abri d’un cœur : comme il est facile maintenant à atteindre! Comme il est vite blessé! Plus facile encore qu’un homme; car un homme n’est pas seulement un cœur; il est os et cartilage, muscle résistant et peau durcie; pour le blesser il faut au moins une intention mauvaise. Mais un cœur : quelle cible de choix! quelle tentation! Presque inconsciemment le canon du fusil se dirige de ce côté. Quelle nudité Dieu ne s’est-il pas donnée, quelle folie n’a-t-il pas commise!… Son cœur qui est sans défense ne le défendra pas…- Ainsi le Fils vint dans le monde, et son cœur l’avait traîné Dieu sait où… Signe incompréhensible érigé au milieu du monde, entre le ciel et la terre… L’océan divin contraint d’entrer dans la source minuscule d’un cœur humain… Dieu  trônant dans la gloire et le serviteur agenouillé dans la poussière désormais indiscernables l’un de l’autre. La conscience royale  du Dieu éternel ramassé dans l’inconscience de l’humilité humaine. Tous les trésors de la sagesse et de la science divines entassés dans l’étroite cellule de l’humaine pauvreté. La vison du Père éternel enveloppée dans l’obscurité de la foi. Le roc de la sécurité divine se risquant sur les flots de l’espérance terrestre… - Lorsque, fatigué et accablé par le poids du jour, le serviteur ici-bas tombe à terre, et dans un geste d’adoration touche le sol de son front, cet acte tout simple enferme le parfait hommage du Fils incréé devant le trône du Père… Mais jamais le Père n’a si bien aimé le Fils pour toujours qu’au moment où il aperçut ce geste las d’agenouillement… Et lorsque le serviteur, jouet de ses bourreaux, ruisselant de sang et couronné d’épines, cachait si bien sa face que le Père lui-même trouvait le meurtrier plus humain et l’absolvait, lorsque la foule grondante hurlait à la mort contre celui qui n’était plus le Fils, jamais n’avaient été accordés à la Majesté divine une gloire et un éclat si achevés, car, dans la face méconnaissable de ce réprouvé, se reflétait immaculée et rayonnante la volonté du Père (Ibid. 43-47).

4 – Je crois que l’expression le "sacrifice de la messe" restera obscure tant que nous n’aurons pas rencontré cette femme voilée sous la croix, qui est la mère du Crucifié et à la fois l’icône de l’Église. Elle assiste à l’autodonation du Fils, ne pouvant intervenir; mais elle est loin d’être passive; une action surhumaine lui est demandée : consentir au sacrifice de cet homme qui est le Fils de Dieu, mais aussi son fils à elle. Elle préférerait mille fois être torturée à sa place. Mais ce n’est pas ce qu’on exige d’elle, elle n’a qu’à consentir. Activement, elle doit se laisser dépouiller. Elle doit répéter son oui initial jusqu’à la fin, mais cette fin était virtuellement incluse dans le premier élan (HUvB, Au cœur du mystère rédempteur, 52-53).

5 – Ce n’est pas de lui-même qu’il s’en va, on l’assassine sauvagement. Sa mort n’est pas naturelle, tout au contraire. Éternellement, les hommes se tiendront devant cet écroulement, le plus terrible de tous, et ils sauront : c’est nous-mêmes qui avons tué Dieu, qui avons réduit au silence le Verbe de Dieu… Sa mort ne nous rappelle rien d’autre que notre propre faute… Jean cite le mot de Caïphe au sujet d’un seul qui meurt pour le peuple, seulement pour faire ressortir plus vivement l’opposition entre la volonté des acteurs et le sens secret du salut… Dans la mort du Christ, il ne saurait être question de tragédie, c’est simplement la révélation du péché (HUvB, De l’intégration, 280).

6 – Les coups de fouet que le Christ a reçus se redoublent et se répètent, car sa Parole est flagellée : "Ils abattaient leurs fléaux sur moi" est-il dit, "et ils ne le savaient pas" (Ps 34,15). Il fut flagellé par les fouets des Juifs, et maintenant il est fustigé par les outrages des faux chrétiens : ils multiplient les coups sur leur Seigneur, et ne le savent pas (Saint Augustin, dans HUvB, De l’intégration 283).

7 – Il faudrait… comprendre aussi le silence de Jésus dans la Passion comme un mutisme du Verbe de Dieu qui ne parle plus ni ne répond; il faudrait considérer la réduction du torrent à une petite rigole, à un écoulement goutte à goutte (comme une « réduction » de la Parole de Dieu)… L’urne de la Parole est vide, parce que la source qui est dans le ciel, le Père, la bouche éloquente a cessé de couler. Le Père s’est retiré (Ibid. 286).

8 - Les lectures de la liturgie d’aujourd’hui tournent autour du mystère central de la croix, qu’aucun entendement humain ne peut saisir complètement. Mais les trois approches de ce mystère ont un point commun : c’est que la merveille inépuisable de l’amour s’est accomplie « pour nous ». Dans la première lecture, le Serviteur de Dieu a souffert les outrages qui lui ont été faits pour nous, infligés pour son peuple ; dans la seconde lecture, le grand-prêtre s’est offert lui-même à Dieu dans la peur et les larmes pour devenir pour nous l’auteur du salut ; et le roi des Juifs, tel que le décrit la passion de Jésus selon saint Jean, a accompli pour nous tout ce que l’Écriture demandait, pour finalement, dans l’écoulement de son côté transpercé, fonder son Église pour le salut du monde (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 62).

9Le Serviteur de Dieu. Que des amis de Dieu intercèdent pour leurs semblables, c’est un thème fréquent dans l’histoire d’Israël : Abraham était intervenu pour Sodome, la ville pécheresse ; Moïse avait fait pénitence pendant quarante jours et quarante nuits devant la face de Dieu pour la faute d’Israël ; des prophètes comme Jérémie et Ézéchiel avaient souffert des épreuves pour le peuple. Mais nul ne l’a fait autant que le mystérieux Serviteur anonyme de la première lecture de ce vendredi saint : homme des douleurs méprisé par tous, que l’on considérait comme frappé de Dieu, mais s’il a été broyé, c’est "à cause de nos péchés". Et ce sacrifice produit son effet : "C’est par ses blessures que nous sommes guéris". C’est une vision anticipée du Crucifié. Pendant des siècles, ce Serviteur de Dieu reste inconnu et oublié par Israël jusqu’à ce qu’il ait trouvé un nom dans le Serviteur crucifié du Père (Cf. Ibid. 62-63).

10Le roi. Dans la passion selon saint Jean, Jésus marche royalement à travers sa souffrance. Souverainement il répond à Anne qu’il a toujours parlé ouvertement ; devant Pilate, il déclare sa royauté, une royauté qui consiste à témoigner de la vérité, c’est-à-dire à attester par son sang que le Père a aimé le monde jusqu’à la fin. C’est comme un roi innocent que Pilate le présente au peuple qui crie : "A mort !". "Dois-je crucifier votre roi ?", demande Pilate. Livrant Jésus pour le supplice, il fait faire l’inscription "le roi des Juifs" ; et ceci dans les trois langues du monde, irrévocablement. La croix est le trône royal d’où Jésus attire à lui tous les hommes. Le "mystère flamboyant de la croix" est la suprême révélation de l’amour de Dieu, l’homme ne peut que se prosterner dans l’adoration (Cf . Ibid. 63-64).

11Tout est accompli. Cette parole ne s’adresse à personne en particulier. Et pourtant elle s’adresse à tous. C’est une parole pour le Père, le Fils et l’Esprit saint, une parole pour tous les bourreaux du Seigneur, une parole pour son Église. Le Fils y récapitule toute son existence, mais aussi son état présent : il est à bout, il n’en peut plus, il meurt. Il témoigne devant le monde du sens ultime de son chemin, de sa mission : tout achever. Et en vérité, sa mission est accomplie. Le chapitre de sa mission sur la terre est terminée. "Tout est accompli" : un peu comme s’il n’y avait aucun rapport entre ce pitoyable événement qui se passe sur la terre et les desseins puissants du Père, aucun rapport entre la rédemption du monde et cette populace autour de la croix. Ce qui est achevé, c’est l’objet de sa mission : mettre fin à tout ce qui était et endurer lui-même cette fin pour libérer ce qui est nouveau : le chemin de la vie éternelle (Cf. Parole de la croix et sacrement 73-74).

12 – Le Fils, sur la croix, crie : "J’ai soif". Une prière, une attente est contenue dans ce qu’il exprime : celle que le Fils nous adresse à nous les hommes ; celle que le Père adresse au Fils de racheter le monde (Disponibilité 110).

13 – On peut donner beaucoup de titres à Marie. Marie, mère de l’Église : il est évident qu’il ne faut pas presser ce nom. On peut lui donner un sens obvie, par exemple en voyant quelque chose de marial dans la Femme de l’Apocalypse, qui est la Mère du Fils et la Mère des autres enfants quelle enfante, qui alors représentent les fidèles, c’est-à-dire au fond, l’Église. Dans ce sens, elle est supérieure, elle est première. Dans un autre sens, que le Pape connaît aussi bien que nous, elle est à l’intérieur de l’Église, membre de l’Église, comme l’a dit saint Augustin et comme on l’a répété : elle n’est pas en dehors de l’Église. On peut prendre ces images que vous connaissez : le cou, ou le cœur, ou autre chose, pour montrer qu’elle a une supériorité. Mais il y a les deux à la fois. Et je pense qu’il est bon et juste de marquer aussi cette supériorité par cet immense manteau de la Vierge qui englobe tous les chrétiens . Elle est vraiment la Mère des chrétiens, et donc de l’Église. Je pense qu’une telle image est indispensable : il nous la faut (HUvB, Au cœur du mystère rédempteur 78-79).

14 – La forme d’amour que le Seigneur a choisie pour notre rédemption est la croix. Le Père en avait réservé l’heure jusqu’au dernier moment et l’avait libérée seulement alors. Au mont des oliviers, le Fils prie pour que le calice s’éloigne ; le calice renferme la souffrance, il a sa forme déterminée et son contenu déterminé, qui doit être vidé dans toute son amertume. Forme et contenu sont assumés par le Fils conformément à son ministère ; que le calice soit vidé jusqu’à la dernière goutte signifie pour lui que, dans la douleur, il sacrifie sa vie jusqu’au bout pour le rachat du monde. Il y a donc là une relation indissoluble : entre Dieu et l’homme, entre le Fils et les pécheurs, entre sa souffrance expiatoire et notre faute… Sa mort est à présent aussi réelle que le fut sa vie, toutes deux dans l’amour (Ils suivirent son appel 97-98).

15 – Sous la croix, pour Marie, c’est une prière sans parole qui n’appartient qu’à la peur. Elle voit son Fils suspendu devant elle. Elle est au bout de ses forces, dans une participation qui ne laisse plus rien reconnaître de ce qui était autrefois. Elle le contemple et vit sa mort. Elle vit la fin de tout. Elle est placée dans la souffrance pour y éprouver des sentiments qu’aucun être humain n’a jamais éprouvés. C’est la nuit, la nuit de son divin Fils ; c’est à sa nuit à lui et non à la sienne quelle participe. Elle ne voit aucun fruit. Pendant qu’il meurt, elle ne voit pas qu’il sauve l’humanité. C’est une fin qui engloutit tout ce qui est avant elle. Elle a dit oui autrefois à l’ange qui lui demandait d’être la Mère du Messie. A ce qui se passe aujourd’hui, elle a dit oui. Oui à toutes ces choses atroces et apparemment oui aussi à cette mort. Son oui lui semble incompréhensible. Elle ne comprend pas que c’est précisément à cela qu’elle a dit oui. C’est son oui, mais elle ne s’imaginait pas qu’il pourrait devenir ainsi. Et pourtant, à présent, à la croix, c’est comme si elle avait toujours su que tel serait l’effet de son oui. Sans le comprendre, elle voit que le péché du monde entier pèse sur son Fils. Que ce péché pèse en même temps sur elle, elle ne l’éprouve pas pareillement. Elle ressent seulement qu’elle doit porter quelque chose qu’elle ne peut pas porter. Elle ne se sent ni protégée ni considérée ni sollicitée d’aucune façon de faire quelque chose. Elle voit la mort. Elle entend son Fils crier. Elle crie aussi. Mais ils crient tous les deux sans s’entendre. Aucun ne dit : "Vois, je suis près de toi", "Regarde, je souffre avec toi". Quand le Fils meurt enfin, elle voit seulement qu’il a fini de souffrir et que, pour elle, une fin a été mise quelque part à cette angoisse, une fin qui, pour le moment, semble définitive (Cf. Le monde de la prière 103-105).

16 - Marie marche avec le Fils sur le chemin de la croix. Elle le parcourt avec toute l’affliction humaine d’une mère devant partager la fin de son fils. Elle n’est pas dispensée de connaître aussi le chemin de la croix tel que le vit ici-bas une femme ordinaire, de goûter jusqu’à la lie la honte de son fils. Elle parcourt ce chemin avec les autres femmes en pleurs ; c’est un chemin difficile et douloureux. Elle aperçoit tous les tourments infligés au Fils, les préparatifs de la crucifixion. Il n’y a de place en elle pour aucune consolation humaine. Tout ce qu’elle peut imaginer n’est rien en face de cette pensée atroce : c’est à mon propre fils que cette fin est octroyée. A mon fils si bon, à mon fils bien-aimé que m’avait offert le Père. Quand le Fils la regarde, pendant un instant ce ne sont plus les horribles pécheurs qu’il voit, pour lesquels et par lesquels il meurt, mais l’humanité comme transfigurée dans la figure de sa mère. Elle aussi, il l’a rachetée, en la préservant du péché. Pour la Mère et le Fils, c’est un cadeau que de pouvoir souffrir ensemble. L’heure tant attendue est maintenant arrivée. Elle est infiniment plus terrible que tout ce qu’on aurait pu se représenter auparavant. Quand la Mère a dit oui à l’ange, elle a consenti à concevoir le Sauveur, mais elle a consenti aussi à sa mort. Marie laisse Dieu tout agencer. Elle le laisse libre de se servir d’elle comme lui le veut, dans la joie et dans la douleur. A la suite de son fils, elle devient la victime totalement sacrifiée. Au cœur de l’angoisse, elle ne fuit pas, elle ne se protège pas contre l’angoisse. Quand tout est accompli, une fécondité nouvelle est offerte à la Mère : parce qu’elle a voulu être sa mère, il lui est permis maintenant de continuer à vivre pour tous comme mère de la chrétienté (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 155-165).

17 - Le mystère de la rédemption. Le mystère est comme une source à laquelle on boit pour retrouver la santé, mais personne ne peut épuiser une source (Sur 53,8-9. Isaias 97).

18 – L’amour du Père. Lors du sacrifice du Fils, le Père s’est comme retiré pour que toute la lumière du salut brille sur le Fils (Themenheft 8).

19 – Le Père veut ce que veut le Fils parce qu’il a accepté toute la volonté du Fils sur la croix et l’a reconnue comme sienne. Même si le Père n’avait pas l’usage de l’incroyable offre d’amour du Fils, il l’accepterait quand même par amour pour le Fils parce que c’est l’amour qui le lui offre. Il ne ferait pas comme s’il pouvait s’en servir parce qu’entre le Père et le Fils il n’y a aucun "comme si" et parce que le Père veut montrer au Fils qu’il ne voit pas en l’offre du Fils une simple surabondance, il voit en elle l’expression de l’amour le plus authentique et le plus précieux (Sur Jc 2,21. Die katholischen briefe I,137).

 

Veillée pascale. Les sept lectures (Gn 1,1-2,2 ; Gn 22, 1-13. 15-18 ; Ex 14,15-15,1 ; Is 54,5-14 ; Is 55,1-11 ; Ba 3,9-15.32-4,4 ; Ez 36,16-28)

1 - De toute éternité, le Père co-existe avec le Fils et le Saint-Esprit ; il se manifeste à eux de manière parfaitement divine et reçoit d'eux une réponse divine. Cependant, lorsque le Père créa le monde, il ouvrit tout grand le cycle de l'éternel pour inclure aussi dans l'existence le cycle de l'éphémère. Il fit sortir de lui quelque chose de son éternité, mais non pas de telle sorte que le créé demeurât sans relation avec l'éternité et formât une unité laissée à elle-même. Ce que Dieu créa, il l'entretint aussi en gardant avec son œuvre une relation continue; sa volonté de Créateur à l'égard du monde demeure inchangée et, dans l'acte de la création, l'être du Créateur devint accessible au monde. Le Créateur ne se retira pas, il ne devint pas indifférent, mais il attendit la réponse du créé (Le Dieu sans frontières 7).

2 – Lors de la création c’était tout spécialement le Père qui s’était manifesté ; c’était également lui qui, au paradis, était en relation avec le premier couple humain. Mais cela se passait en totale union avec le Fils et l’Esprit qui l’accompagnaient ; ce fut dès le commencement une révélation de Dieu, un, éternel et vivant. Lorsque Dieu pose un acte, et un acte aussi significatif que la création, il est évident que lui seul en mesure tous les effets, que celui-ci est à la dimension de son éternité. Il ne fait rien sans que son œuvre ne conserve une relation avec sa propre durée infinie. Il n’abandonne pas la créature à elle-même, il ne la repousse pas loin de lui. Et dès l’instant où il naît à l’existence, l’homme est un être tourné vers Dieu, un être qui sort de l’éternité et se retrouve en elle à la fin (Cf. La face du Père 125-126).

3 – Si le Père, lors de la création du monde, a ordonné toutes choses vers le Fils, le Fils est donc partout présent dans l’univers comme la destination de celui-ci. Le monde est un acte de Dieu, réalisé dans le dialogue entre le Père et le Fils, et l’Esprit qui plane sur les eaux est comme la présence de ce dialogue dans le monde. La présence du Fils comme de l’Esprit lors de l’acte créateur du Père nous fait pressentir à quel point l’amour divin qui s’actualise dans ce dialogue éternel peut être incommensurable ; à quel point aussi est incommensurable en Dieu le mystère auquel nous pouvons donner le nom d’obéissance : consensus d’amour parfait entre Dieu et Dieu (Le livre de l’obéissance 142).

4 - L’homme est à l’image de Dieu. Dieu cherche en l’homme son image. L’homme est une image pour Dieu, non pour lui-même, mais il peut avoir le pressentiment de cette signification qu’il a pour Dieu. Il ne devrait donc que chercher à rester ce que Dieu veut le voir être, persister dans une réponse aimante à Dieu, qui permette à Dieu de voir en lui son image (NB 6,523).

5 – Le mystère de la souffrance de substitution du Serviteur de Dieu s’étendra par sa grâce à certains des siens qui ont été sauvés par lui. Sans que ce soit de leur faute, il y a des temps où Dieu leur cache son visage : c’est la nuit de Jean de la croix, le crépuscule de Thérèse de Lisieux (Sur Is 54,6-10. Isaias 107).

 

Veillée pascale. Année A (Rm 6,3-11 ; Mt 28,1-10)

1Marie Madeleine et l'autre Marie vinrent visiter le tombeau. A la première heure possible, Madeleine se rend au tombeau. Elle a un but fixé ; son dessein est d'embaumer le corps du Seigneur, mais elle veut d'abord aller voir le tombeau. Sa foi se trouve en un étrange suspens. D'un côté, le Seigneur est mort ; elle ne peut pas dire qu'elle agit explicitement sur son ordre. Elle ne peut pas non plus affirmer que c'est sur l'ordre des apôtres qu'elle fait le chemin jusqu'au tombeau. Et néanmoins elle en a l'ordre, comme personnel, donné pour elle. Elle a l'intuition de devoir aller voir le tombeau, sans voir clairement la portée de son acte. En voulant aller voir le tombeau, elle accomplit un acte de la foi, de l'obéissance immédiate à Dieu. Dans un certain sens, elle se rend aveuglément au tombeau afin d'y recevoir la lumière de la foi (Sur Mt 28,1. Cf. Trois femmes et le Seigneur 51-53).

2 – L'ange s'adresse aux femmes. Il les invite à s'approcher et à regarder la place vide où reposait Jésus. "Il n'est pas ici". Il n'est plus visible, tangible, localisable dans l'espace et le temps : il faut y renoncer. Nul dans l'histoire du monde laisse derrière soi une telle "place vide", comme celui qui fut enterré hier ici. Lui qui était entré avec un tel relief dans l’histoire n'est plus saisissable au sein de cette histoire. "Il est ressuscité comme il l'avait dit" ; il a, dans l'histoire close, pratiqué une brèche qui ne se fermera plus. Tous les gardes au tombeau n'ont pu empêcher cette brèche et plus on fait d'essais pour la boucher, plus elle devient surprenante. Ce qui est accordé aux femmes à la place de ce vide, c'est la joie du message aux disciples, une joie qui s'approfondit encore lorsque le Seigneur lui-même leur apparaît et renouvelle la mission. "Ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront". C'est là où tout a commencé, dans le quotidien d'une vie séculière, que la nouvelle vie doit commencer : dans ce qui est sans apparence est l'unique et l'inconcevable (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 67).

3 - Le messager de l’Évangile n’a pas à transmettre ses sentiments. Il n’a qu’à transmettre ; le reste, c’est l’Esprit qui s’en charge (Sur Mt 28,8. Cf. Passion nach Matthäus 233-234).

4 – Jésus vint à leur rencontre. Il s'agit pour l'homme de rencontrer dans sa vie le Dieu vivant et de soutenir le choc de cette rencontre. Il doit se laisser prendre par Dieu et se laisser abriter en lui, toujours par un oui fondamental; il doit donner à la Parole de Dieu plus d'importance qu'à sa propre vérité et se laisser façonner par Dieu avec toutes ses occupations et tous ses soucis profanes. Il vit alors dans la prière, dans la joie et dans la vérité (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique 51).

5 – Le service des femmes pour le corps de Jésus le matin de Pâques est tout à fait pur et aussi tout à fait naturel. Les chrétiens ont souvent perdu ce naturel quand il s’agit du corps du Seigneur, ils se comportent d’une manière très peu naturelle, comme si le Seigneur n’avait pas un corps humain, par exemple dans l’eucharistie. Tout serait si simple si l’on ne pensait qu’au service du Seigneur et aux choses dont il a besoin, comme font les femmes au tombeau (Sur Mt 28,2. Passion nach Matthäus 223).

6 – Partagés entre la foi et le doute, les disciples obéissent aux femmes et vont en Galilée. Il en sera toujours ainsi. La marche des disciples vers la Galilée n’a rien de triomphal. Le Seigneur veut que son Église reste toujours ainsi : prête à recevoir (Sur Mt 28,16. Passion nach Matthäus 245-246).

7 – Le service de l’ange et celui des deux Marie au tombeau. Ce service est un et sans couture. Chacun a sa mission propre. Aucun n’a besoin d’avoir peur de l’autre, de fuir l’autre, d’avoir mauvaise conscience parce qu’il est surpris par quelque chose d’inattendu qui se passe dans son service (Sur Mt 28,5. Ibid. 226).

8 – La mission des femmes le matin de Pâques. Cette mission semble sans importance : regarder du dehors le tombeau vide. Mais elles font ainsi ce qui leur est demandé pour l’instant. Et Dieu leur demandera tout autre chose, leur mission sera tout autre (Sur Mt 28,1. Ibid. 221).

9 – Dieu parle dans la souffrance ou dans la fatigue, tantôt de plus près, tantôt de plus loin, mais il fait entendre sa parole, sauf s’il a décidé de faire entrer quelqu’un dans la nuit complète, de se taire totalement et d’ôter au croyant toute possibilité de trouver une trace de chemin vers lui. Mais cette nuit n’est jamais le dernier mot de Dieu parce que Dieu le Père a ressuscité son Fils de l’enfer et qu’il ne veut pas que le monde sauvé n’ait part qu’à l’atroce de la passion, il veut qu’il ait part à tout le chemin indivisible du Fils. La lumière ne cesse de percer même les ténèbres les plus profondes, il ne cesse d’y avoir un matin, une joie, une résurrection (NB 10,2208).

 

Veillée pascale. Année B (Rm 6,3-11 ; Mc 16,1-8)

1 - Qui nous roulera la pierre? Dès l'aube, les trois femmes arrivent au tombeau, le premier jour de la semaine. Elles ne remettent rien à plus tard. Elles se trouvent devant une grande difficulté. Elles sont bien conscientes que leur force à elles ne suffit pas, même en s'y mettant à trois. Il apparaîtra que tout leur souci était vain. C'est Pâques et elles ne le savent pas. Elles portent encore avec elles pour ainsi dire toutes les peines de la Passion et de la mort, elles se trouvent dans toute la tristesse de Vendredi et du Samedi saints. Au fond tous nos soucis sont toujours des soucis de Pâques dont nous pouvons nous décharger sur celui qui a porté la croix et est ressuscité (Sur Mc 16,1-3. Cf. Saint Marc 701-703).

2 - La pierre roulée. Tout le message de Pâques commence chez Marc par de la stupeur. C'est incompréhensible, mais la tombe est ouverte. Aurait-elle été profanée? Aurait-on enlevé le corps du Seigneur? Aurait-on infligé au Seigneur une offense supplémentaire après la Passion du Vendredi saint et après le Samedi saint? Cela toucherait aussi les femmes, car elles lui sont liées au point que rien ne peut l'atteindre sans aussi les concerner. (Elles avaient du souci pour cette fameuse pierre à rouler, et quand elle arrivent elles constatent que la pierre a été roulée de côté). Il en va ainsi pour tous nos soucis : ils ne sont enlevés qu'une fois qu'on les a vus. Quand nous avons remis au Seigneur tout ce qui nous pèse sur un plan naturel, pour que notre souci devienne le sien, il l'assume (Sur Mc 16,4. Cf. Ibid. 703).

3 - Il est ressuscité. Il a donc accompli ce que nul homme n'a accompli. Il s'est laissé relever par le Père. Le Seigneur a souvent parlé de cet événement. Et pourtant quel effet produiront ces paroles sur les trois femmes? (Le message de l'ange) vient de façon inattendue, soudaine, entière. Il tombe à l'improviste. Et les femmes, ne pourront jamais saisir le contenu des paroles de l'ange. Même lorsque plus tard elles verront le Seigneur, elles ne saisiront jamais tout le contenu des paroles de l'ange. Celles-ci ont la plénitude du divin, du céleste, de l'éternel (Sur Mc 16,6. Cf. Ibid. 706-707).

4 – Les femmes qui (d'après Matthieu) s'étaient tenues comme représentantes de l’Église aimante au pied de la croix, continuent à jouer ce rôle au matin de Pâques. Il est au fond étonnant qu'elles ne se laissent pas décourager par les terribles événements, mais qu’elles poursuivent inébranlablement leur pieux projet d'embaumer le corps de Jésus pour le protéger pour ainsi dire, autant que c'était humainement possible, de la décomposition. Cela a quelque chose d'une naïve piété populaire qui, avec son instinct sûr, poursuit son chemin par-dessus tous les obstacles extérieurs et toutes les objections spirituelles. Et leur piété est récompensée par Dieu, car lui-même enlève les obstacles – la pierre est déjà écartée – et lorsque les femmes pénètrent sans façons et sans hésitation dans le sanctuaire du tombeau ouvert, l'explication qui les pacifiera devant le stupéfiant événement leur est ainsi préparée. Leur effroi est compréhensible, il est vraiment traditionnel dans la Sainte Écriture toutes les fois que l'homme rencontre une manifestation du divin. Le discours de l'ange est d'une beauté supraterrestre, on ne pourrait absolument pas parler d'une manière plus aimable et en même temps plus pertinente. La parole d'apaisement au début permet aux femmes de saisir ce qui est dit. Ensuite on insiste : l'ange sait ce qu'elles cherchent : cet homme déterminé, Jésus de Nazareth, qui est mort avant-hier sur la croix. Vient alors l'affirmation simple, comme si cela allait de soi : "Il est ressuscité ; il n'est pas ici", comme si l'on disait à un visiteur : la personne que vous voudriez voir est sortie. Il y a quelque chose de divin dans cette assurance paisible : c'est dans la logique de la croix que la résurrection suive. "Voici le lieu...", convainquez-vous vous-mêmes que celui que vous cherchez n'est plus là. Et finalement l'ordre d'annoncer la nouvelle aux disciples (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 64-65).

 

Veillée pascale. Année C (Rm 6,3-11; Lc 24,1-12)

1 – Avec la mort de Jésus, la Parole de Dieu est à sa fin, l’Église a veillé silencieusement au tombeau, dans la fatigue de Marie transpercée par tous les glaives de la souffrance ; toute foi vivante, toute espérance vivante, a été déposée auprès de Dieu. Aucun alléluia prématuré ne retentit. L’Église qui veille et qui prie a le temps de se remémorer le long chemin que Dieu, depuis la création du monde, a parcouru avec son peuple à travers toutes les étapes de l'histoire du salut ; elle voit le salut même dans les situations les plus difficiles, comme dans le sacrifice d'Abraham, comme dans le passage étroit à travers la mer partagée, comme dans l'appel à revenir de l'exil ; et l’Église comprend que c'étaient de purs événements de la grâce (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 65).

2 – Se rendant au tombeau de grand matin avec leurs aromates, les femmes trouvent la pierre roulée sur le côté, elles entrent dans le tombeau, mais ne trouvent pas le corps de Jésus qu'elles cherchaient. Elles sont consternées, car ce qu'elles ont trouvé n'a pour elles aucun sens ni humainement ni surnaturellement. Il en sera de même pour Pierre quand il se rendra au tombeau. C'est dire à quel point étaient restées inimaginables pour tous, même pour ceux qui étaient le mieux disposés, les paroles de Jésus sur sa résurrection le troisième jour. Pour aucun homme, pour aucune religion,il n'existe une prédisposition à comprendre un tel événement qui se produit en plein milieu du déroulement de l'histoire ordinaire, dans laquelle les défunts sont morts définitivement. C'est ainsi que les femmes ont besoin d'un rappel surnaturel de la prédiction de Jésus : quand il était encore en vie, il leur avait dit qu'il serait livré aux mains des pécheurs et qu'il ressusciterait le troisième jour. Pour les femmes, c'est comme si elles entendaient ces paroles pour la première fois. Ces paroles autrefois incompréhensibles prennent sens devant le tombeau vide et le rappel explicite qui en est fait. Ce qui autrefois était incompris est transformé par les anges en un pressentiment qui aidera à la compréhension (Cf. Ibid. 66-67).

3 – Du pur radotage. De retour du tombeau, les femmes rapportent aux disciples ce qui leur est arrivé et la rencontre des anges. Pour les disciples, ce n'est pas croyable. Il n'existe, dans l'expérience humaine, aucun cas qui rende vraisemblable une résurrection. Il peut y avoir des hallucinations, mais elles prouvent le contraire. Cette histoire de résurrection ne peut être que pur radotage. Pour beaucoup, elle l'est restée jusqu'à nos jours. - Pierre pourtant court au tombeau, il voit bien le linceul resté là. Que peut-on bien avoir voulu faire du cadavre ? Pierre revient du tombeau "étonné". Le chemin qui conduit plus loin, jusqu'à la foi, s'ouvrira quand le Seigneur donnera la grâce d'être vu et adoré avec les yeux de l'Esprit (Cf. Ibid. 67).

 

Dimanche de Pâques ABC    (Ac 10,34.37-43; Col 3,1-4; Jn 20,1-9)

1 - Tant qu'un homme ne croit pas, il n'a pas le droit à proprement parler de voir le Seigneur autrement que sur la croix, mort. Mon droit de le voir ressuscité commence quand je le laisse vivre en moi (Die Schöpfung 44).

2 - Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu : cela veut dire que moins encore que le Fils nous connaissons notre heure. Demain et tout notre avenir nous sont cachés parce qu'ils se trouvent inclus dans le secret du Fils. Nous ne sommes pas des marionnettes aux mains d'un étranger. Nous sommes des vivants qui vivons de la vie du Seigneur..., capables avec lui d'accomplir la volonté du Père. Si la vie du Fils lui-même, qui était pleinement soumis à la volonté du Père, est demeurée cachée en Dieu, nous n'aurons pas la prétention de vouloir tout connaître de la nôtre. Rendre grâce seulement parce que la vie a un sens dans le Christ qui est assis à la droite du Père (Sur Col 3,3. Der Kolosserbrief 88).

3 - Se savoir liés, de manière vivante, à la vie éternelle par la résurrection (du Christ)... Le Seigneur ressuscité n'a pas disparu dans un ciel inaccessible; tout comme lorsqu'il cheminait sur terre, il est toujours le pont efficace reliant le quotidien humain à Dieu. De même qu'il est près du Père, il est près de nous (Sur 1 Co 15,34. Première épître aux Corinthiens II,223-224).

4 - La résurrection de Jésus d'entre les morts signifie l'absolution pour le monde entier (NB 5,119).

5 - La résurrection est le but de la rédemption. Elle est la rédemption même. L'humanité n'est pas sauvée dans sa vie à elle mais dans la vie ressuscitée du Fils... Le Fils n'est pas une idée, il est le Ressuscité qui fait entrer ses frères dans sa résurrection (Le mystère de la mort 52-53).

6 - Personne n'a vu l'heure de ta victoire. Personne n'est le témoin de la naissance d'un monde. Personne ne sait comment la nuit infernale du samedi s'est transformée en la lumière du matin de Pâques. C'est en dormant que nous avons été transportés sur des ailes par-dessus l'abîme, en dormant que nous avons reçu la grâce de Pâques. Et personne ne sait comment l’événement lui est arrivé. Chacun ignore quelle main a caressé sa joue de telle sorte que soudain le monde blême éclata pour lui en vives couleurs et qu'un sourire involontaire s'épanouit sur son visage à cause du miracle qui s’accomplissait en lui... - Tu étais encore à genoux, il y a un instant, en larmes auprès du tombeau vide. Et tu ne penses toujours qu'à une chose : le Seigneur est mort, la vie si douce entre lui et moi a cessé. Tu te contentes de fixer le vide béant du sépulcre, un souffle glacé qui donne le frisson émane de ton âme, où repose le défunt, où tu l'as embaumé et enveloppé des bandelettes de ton respect qui n'attend plus rien. Tu veux entourer son tombeau d'un culte immortel, prier sans relâche, faire célébrer dans les églises des cérémonies autour d'un absent, un service sans espoir en l'honneur de ton amour défunt. Hélas, que signifie maintenant la résurrection? Qui le sait parmi ceux qui ne sont pas ressuscités? Que signifie maintenant la foi? Elle est scellée dans le tombeau. Que signifie maintenant l'espérance? Une pensée morne sans force et sans élan. Et l’amour? Ah, peut-être encore le regret, la douleur vide et inconsolée, la lassitude qui ne peut même plus s'affliger. - Ainsi tu es fixée dans le vide. Car en fait le tombeau est vide, toi-même es vide, mais, par là-même, tu es déjà pure, seule une raideur t’empêche de regarder en arrière. Tu regardes fixement devant toi, et derrière toi se trouve la Vie! Elle t'appelle, tu te retournes et tu ne la reconnais pas; ton œil désaccoutumé de la lumière est incapable de la percevoir. Et soudain un seul mot : ton nom! Ton nom propre, celui que tu aimes tant, sortant de la bouche de l'amour, ton être, ton essence, toi-même, jailli des lèvres qu'on croyait fermées à jamais. Ô parole, ô nom, ô toi, mon nom propre! Dit à mon adresse, émis dans un sourire et dans une promesse, ô fleuve de lumière, ô foi, espoir, amour!- Dans le temps d'un éclair, je suis devenue l'être nouveau, je le suis, je le peux, j'en ai le droit, je suis rendue à moi-même pour pouvoir me jeter dans le même instant, dans le même transport d'allégresse, aux pieds de la Vie. Je suis la Résurrection et la Vie! Qui croit en moi, qui est touché par moi, qui entend son nom de ma bouche, celui-là vit et il est ressuscité des morts. Et c'est aujourd’hui ton jour de naissance,  le plus neuf, le plus jeune de tes jours, pour toi il n'y en aura jamais de plus jeune que ce jour d'aujourd'hui, où la Vie éternelle t'a appelé par ton nom. - Maintenant je sais qui je suis, maintenant je peux l'être, car mon amour m'aime, mon amour me fait don de la confiance... Va  et annonce à mes frères! Déjà je vois tes ailes battre avec impatience, va, ma colombe, ma messagère de Pâques, va porter l'annonce à mes frères. Car voici l'état de résurrection et la vie : répandre le message, porter la flamme. Être disponible dans ma main pour la construction de mon royaume dans les cœurs...- Et lorsque les disciples ivres de bonheur cherchent à le voir de leurs yeux, à le palper de leurs mains, il s'esquive et leur indique la voie à suivre : Allez et portez le message! Et il les entraîne dans un tourbillon à perdre haleine. Et enfin, le soir, ils sont réunis dans la salle, le cœur brûlant, et, pleins de son amour, ils se racontent les uns aux autres les événements du jour. Et, pendant qu'ils parlaient encore, le voici au milieu d'eux, qui les salue : La paix soit avec vous! (HUvB, Le cœur du monde 169-173).

7 - Marie-Madeleine a le cœur fidèle. De manière féminine, par besoin de se sentir proche du Seigneur, elle se soucie de la tombe du Seigneur. C'est lui qui lui a enlevé ses péchés, lui qu'elle a perdu. Par sa conversion, Marie s'est tellement libérée d'elle-même qu'elle n'est plus qu'un espace pour l'amour. Elle avait péché à cause d'un amour détourné; l'amour véritable l'a libérée. Elle a expérimenté de manière exemplaire que la contrition chrétienne est tout autre chose que le regret stérile d'une faute commise. Marie commence sa besogne tôt le matin, "comme il faisait encore sombre". C'est l'amour qui la pousse à vérifier si la tombe est en ordre. Elle sait de quoi le Seigneur l'a délivrée, de sorte qu'elle est constamment prête au sacrifice, plus que d'autres, et ce n'est pas un hasard si elle apparaît la première près du tombeau (Sur Jn 20,1. Cf. Jean. Naissance de l’Église I, 174-175).

8 - Marie-Madeleine avec son message court chez les deux disciples. C'est une femme simple; elle se sert de son intelligence humaine. Son amour pour le Seigneur, qui est un amour vivant, ne réclame pas de miracle. Il lui suffit de pouvoir œuvrer dans l'amour du Seigneur. Elle ne pense pas à exiger quelque chose d'extraordinaire.  Elle est évidemment prête à accueillir tout miracle qui lui viendrait du Seigneur. Mais sa pensée n'est plus aux miracles. Si le corps du Seigneur n'est plus là, c'est, pense-telle, qu'on l'a emporté. Et elle ne sait pas où on l'a mis. Elle-même ne s'est pas mise à sa recherche. Sa tâche pour le moment, n'est rien d'autre que ce message (Sur Jn 20,2. Ibid. I,179).

9 - Les deux disciples courent, l'un et l'autre aussi vite que possible, mais dans l’Église l'amour court toujours plus vite que le ministère. Il voit plus vite les tâches à remplir, il est toujours prodigue de lui-même. Le ministère, même en déployant sa plus grande rapidité, n'arrive pas à rattraper l'amour. Le ministère doit s'occuper de tous, il doit autant que possible les entraîner tous, tenir compte de tous. Il ne peut pas seulement amener au Seigneur ceux qui se hâtent le plus; il doit se soucier de tout le troupeau qui lui a été confié, de ceux qui sont lents et tièdes (Sur Jn 20,4. Cf. Ibid. I,180-181).

10 - (Le disciple)... ne se met jamais en avant. Il ne demande pas à tout instant à son ami quel service il pourrait lui rendre ou quels sont ses désirs... Par ces questions indiscrètes, il mettrait en lumière plutôt son propre amour au lieu de penser à celui qu'il aime. Ce n'est pas la même chose si quelqu'un prie pour adorer Dieu ou s'il prie pour rappeler au Seigneur qu'il est est là et qu'il attend ses faveurs. Le vrai amour se tient prêt pour le moment où l'on voudra s'en servir. Jean pose sa tête sur la poitrine du Seigneur au moment où le Seigneur a besoin de lui. Maintenant qu'il a reconnu que le Seigneur est vivant, il sait que celui-ci viendra le chercher au bon moment, quand il aura besoin de lui. L'amour ne se fait jamais remarquer (Sur Jn 20,5. Ibid. I,183).

11 – Marie de Magdala, la première, a vu le tombeau ouvert. Pierre et Jean courent ensemble au tombeau, et pourtant pas ensemble parce que l'amour (Jean) est plus rapide, plus insouciant que le ministère (Pierre), le ministère qui doit se soucier de beaucoup de choses. Mais pour l'examen du tombeau, l'amour cède le pas au ministère. C'est Pierre d'abord qui voit le suaire plié et juge qu'aucun vol ne peut avoir été commis ici. Puis le ministère cède la place à l'amour qui voit et qui croit. Les disciples s'en retournent chez eux. Mais la femme ne s'en retourne pas chez elle, elle reste à l'endroit où le mort a disparu et le cherche. La place vide devient lumineuse, délimitée par deux anges qui se tiennent à la tête et aux pieds. Mais le vide lumineux ne suffit pas à l'amour : elle doit avoir l'unique aimé. Elle le reçoit dans l'appel de Jésus : Marie ! Par là tout est comblé, le cadavre cherché est l'éternel Vivant. Mais il ne faut pas le saisir car il est en route vers le Père : la terre ne doit pas le retenir, mais dire oui : comme jadis à son incarnation, maintenant à son retour au Père. Ce qui devient la chance de l'envoi aux frères car donner est plus béatifiant que garder pour soi (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 68-69).

12Célébrons donc la fête (1 Co 5,8). Cette fête est le jour de la victoire éternelle sur le temps. Être chrétien est une fête quotidienne. Le Seigneur lui-même, quand il a fêté la Pâque, ne pouvait adopter une autre attitude que son attitude quotidienne de son obéissance au Père et de cet amour dont il a constamment vécu. La fête, c'est la joie festive de pouvoir accomplir la volonté du Père. La confession a été instituée à Pâques, mais elle a été payée avant Pâques, sur la croix. La confession est née de la souffrance du Seigneur. Par le péché, nous détruisons continuellement notre état de pureté. La confession nous permet d'aspirer de nouveau à la pureté. Nous n'avons pas besoin d'attendre Pâques pour nous confesser ; chaque fois que nous le voulons, nous pouvons faire que se réalise dans notre vie la fête de la résurrection (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I, 138-139).

13 – Le Fils a promis qu'il ressusciterait le troisième jour, une promesse à laquelle plus personne ne croit. Il a lui-même été privé, durant la passion, de toute vue sur la vie de la résurrection. Il pénètre obéissant dans la mort, sans regarder ni à droite ni à gauche. Pour les disciples, il y a une sorte de développement historique de la résurrection : d’abord leur incertitude, leur angoisse, puis, après le récit des femmes, une vacillation entre le doute et l'espérance, et enfin la soudaine certitude : "C'est vraiment lui, il est là !". Et à ce point, ils éprouvent quelque chose du caractère foudroyant de la résurrection. Pour le Fils, la résurrection signifie des retrouvailles avec le Père. Mais parce qu'il a souffert comme homme, c'est aussi dans toute la joie humaine qu'il vit ses retrouvailles avec le Père. Le Fils devait avouer le péché pour tous et recevoir l'absolution à la place de tous. L'absolution signifie que le péché est entièrement éliminé. L'élimination du péché est la parfaite possession du Père. L'absolution, c'est bien moins être détourné du péché qu'être tourné vers Dieu (Cf. La confession 72-74).

14 – Adam devait mourir et il ne pouvait rien contre la mort. Le Fils au contraire apporte la vie qui vient du Père ; et de cela sont un signe les résurrections qu’il a opérées au cours de sa vie. Bien sûr ceux qu’il a réveillés retournent à la même vie transitoire qu’auparavant ; mais il fallait que se manifeste ainsi la puissance fondamentale du Fils sur la mort. Lorsque le Fils lui-même est mort, le Père le ressuscite. Il ne le ressuscite pas pour lui restituer la vie divine, car les relations divines des Personnes n’ont pas été touchées par la mort du Fils. Il le ressuscite pour le constituer Premier-né d’entre les morts et pour se révéler lui-même à nouveau comme l’Origine de toute vie, en un miracle qui fait éclater toutes les mesures de la raison humaine. Car le Père communique la vie au Fils, non point selon les lois de la création établies par lui, mais à l’encontre de celles-ci, en faisant surgir de la mort la vie : de la mort pur nous constatable du Crucifié, la vie pour nous constatable du Ressuscité (Cf. La face du Père 87-88).

15 - Après la Résurrection. La Mère de Jésus est encore sous le coup de tout ce qu’elle a vécu, dans un état physique de complet épuisement. C’est presque en chancelant qu’elle entre dans ce nouveau monde, chancelant de joie et de gratitude et de ne pouvoir comprendre. Sa joie est si grande que, pas un instant, elle ne reste en elle, mais se communique. Elle la donne au Fils, elle la donne aux apôtres, elle la donne tout particulièrement à Jean, elle la donne à quiconque est sur son chemin, même à l’inconnu (Cf. Le monde de la prière 104-105).

16 - A partir du vendredi saint, la Mère souffre dans une nouvelle attente. La passion du Fils est terminée, et elle l’a accompagné jusqu’à ce terme. Elle a goûté jusqu’à la lie la déréliction et la perdition. Et pourtant elle sait qu’il est Dieu et qu’en tant que Dieu, il survit à toute disparition et à toute mort. Elle ne peut pas s’imaginer la résurrection. Elle n’a que la foi qui survit à toute mort. Elle comprend que même la mort ne peut pas mettre un terme à sa vie. Au matin de Pâques, comme jadis à l’apparition de l’ange, elle n’est à nouveau que pure attente. Elle n’attend pas d’apparition précise. Mais sa foi est si ouverte que n’importer quelle apparition peut s’y produire. Et voilà que son fils se tient déjà devant elle dans la gloire divine et il remplit l’espace de sa foi d’une plénitude au-delà de toute conception humaine. Le premier oui de Marie à l’ange, sa première joie à la conception, sa première exultation dans le Magnificat ne sont qu’un très modeste commencement humain, comparés à cette tempête du oui pascal et à ce feu du nouveau Magnificat. Ce qu’elle dit à présent est un cri de jubilation au-delà de tous les mots (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 179-180).

17 - Prière au Ressuscité. Seigneur, nous te rendons grâce pour la fête de Pâques. Nous te rendons grâce qu’après ta mort et ta descente aux enfers, après avoir traversé toute déréliction, tu es revenu chez nous, tu t’es souvenu de notre petite déréliction et tu l’a vaincue par la plénitude de ta présence. Bien que tu aies souffert la mort dont nous étions la cause par le fardeau de nos péchés, tu reviens à nous comme un frère avec le don de ta rédemption. Tu ne nous fais pas payer de t’avoir mené à la croix, tu nous fait partager ta joie, tu fêtes nos retrouvailles comme si nous n’avions jamais été infidèles, comme si nous t’avions toujours attendu dans la foi et la confiance. Accorde-nous d’être des rachetés qui remplissent vraiment toute leur vie de ta rédemption, qui t’accompagnent partout et cherchent à faire ta volonté comme tu fais la volonté du Père. Nous te prions, accorde-nous ta bénédiction pascale et, en elle, la bénédiction du Père et de l’Esprit. Amen (Cf. Sur la terre comme au ciel 24-26).

18 - La résurrection de Jésus est sans doute la plus mystérieuse des œuvres de Dieu. Œuvre à la fois du Père et du Fils. Le Fils se laisse ressusciter par le Père, mais il est tellement lié à sa volonté qu’il s’éveille aussi lui-même dans le Père à cette résurrection. Et tandis que le Père le réveille, il lui rend tout ce que le Fils avait déposé chez lui (Passion nach Matthäus 164).

19 – Le désir que nous avons du Seigneur ne peut se développer et rester vivant si nous ne nous purifions pas de l’inauthenticité, de la fausseté qui nous habite au départ (Sur 1 P 2,2-3. Die katholischen Briefe I,289).

20 – La grâce de la rédemption telle que le Père l’offre au monde le jour de la résurrection, ne peut être pour le monde que le miracle absolu, que personne ne pouvait prévoir (HUvB, AvS et sa mission théologique 191).

21 – Tant que le Fils accomplit sa mission terrestre, il rend témoignage au sujet du Père et de l’Esprit. Dans la résurrection, il se rend témoignage à lui-même. Comme un artiste qui signe sa toile, comme un acteur qui après la pièce se présente devant le rideau. Le Fils peut le faire à la fin, quand il a abandonné tout ce qui lui appartenait : sa divinité dans la souffrance, l’Esprit qu’il a remis à son Père, son humanité qui s’est détachée de lui dans la mort. En ressuscitant, il montre que tout cela était l’œuvre de Dieu, que tout cela il l’a fait en tant que Dieu infini qui est en même temps homme parfait. Dans la résurrection, le Père et l’Esprit ne sont pas seulement agissants mais, comme le Fils, ils reçoivent aussi, ils reçoivent dans leur sein l’Homme-Dieu parfait comme une communion : c’est le don de soi eucharistique à la divinité du Fils devenu homme,il introduit sa chair et son sang dans l’échange trinitaire. Parce que le Fils s’est dépouillé de tout et qu’à la fin il n’a plus rien, il peut donner son tout à tous : au monde et à Dieu lui-même (NB 6,95).

22 – Marie de Magdala. La rencontre de Madeleine avec le Seigneur est pour elle une très grande humiliation. Qu'il voie tout, qu'il sache tout, ce qui a été dit et ce qui n'a pas été dit : que pour ainsi dire il ne voie pas seulement par devant ce qu'elle a dit et fait, mais par derrière ce qu'elle n'a pas dit et pas fait. Elle a en horreur le fait qu'il voie ainsi ce qu'il y a en elle de plus caché. Car tout d'abord elle ne s'attend pas à l'humiliation. Puis elle remarque que ce n'est que par l'humiliation qu'elle est entrée dans la grâce du Seigneur, que c'est par l'humiliation qu'elle est débarrassée de son péché, que c'est par l'humiliation qu'elle est introduite dans l'amour. Maintenant elle aime l'humiliation et dès lors elle cherche à être humiliée partout où c'est possible et elle cherche à s'humilier elle-même. Elle le fait en plaçant l'amour du Seigneur si haut au-dessus de son propre amour qu'en toute occasion elle s'abaisse pour l'élever, lui. Elle fait cela très discrètement. Elle le fait sans se faire remarquer. Dans sa prière, dans son travail, dans son amour. Madeleine aime l'humiliation. Toute sa féminité, tout son don d'elle-même à l'homme ont été repris par le Seigneur et dirigés sur une voie toute nouvelle. Lors de sa conversion, elle se sent touchée physiquement au plus intime d'elle-même. C'est avec son corps qu'elle a péché. Le péché est parti, mais l'humiliation est restée. L'humiliation d'avoir été reprise de cette manière par le Seigneur. Comme si le Seigneur s'était mis au début de son péché. Il le fait spirituellement et pourtant il le fait corporellement d'une certaine manière. Afin qu'elle apprenne le spirituel dans son faux don d'elle-même et son infidélité, il faut justement qu'elle devienne fidèle aussi corporellement. C'est à lui qu'appartient maintenant son corps par la chasteté qu'il lui a rendue. Ainsi, ce qui l'humilie, c'est justement la vertu qu'elle a reçue. Elle se sent comme nue devant Dieu et devant les saints, mais sans qu'il y ait là le moindre péché. Il n'y a là que des sentiments d'humiliation. Que les autres sachent qu'elle était une pécheresse n'a pas la moindre importance. Ce qui est le plus important, c'est qu'elle était une pécheresse devant le Seigneur et qu'il l'a lavée d'un prix qu'elle ne fait que deviner, qu'elle ne connaît pas (NB 1/2,116-117).

23 – Adrienne : Je crois que saint Ignace a parfaitement raison : l’Écriture suppose que nous sommes intelligents et que Marie a été visitée la première par le Ressuscité. Il suffit de le savoir. Pas besoin d’essayer de se représenter la scène : cela n’aurait rien à voir avec l’intelligence de la foi (NB 5,187).

24 – Dieu Trinité a seul été témoin de la Résurrection. Même Marie, qui est si proche du Fils, n’en a pas été témoin ; une fois la résurrection accomplie, elle a été mise au courant. Dieu montre par là qu’il confie à Marie comme à l’Église des mystères qui doivent demeurer mystères. Les croyants doivent croire comme cela leur est donné. Mais mystère ne veut pas dire simplement incompréhensibilité. La raison reconnaît qu’il y a là un sens, mais qu’elle doit en abandonner à Dieu la connaissance, elle comprend qu’elle ne comprend pas ce qui est compréhensible pour Dieu et qu’elle doit se contenter de savoir l’authenticité du mystère. Il est vrai que le simple va moins loin que le croyant cultivé dans la compréhension du mystère. Cependant le croyant cultivé ne comprend jamais tout. Il doit comprendre humblement ce qui lui est donné à comprendre, y compris en scrutant, en réfléchissant, en méditant ; mais en sachant toujours aussi que les limites ne peuvent pas être supprimées (NB 10,2281).

 

2e Dimanche de Pâques ABC (Jn 20,19-31)

1 - Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. (Le Seigneur) ne veut pas que nous nous occupions sans cesse de nos possibilités limitées : "Si j'étais moins pécheur, si j'avais plus de talents, une meilleure santé..." Il faut tout simplement faire ce que nous pouvons, sans déterminer jusqu'où nous irons (Sur Jn 20,21. Jean. Naissance de l’Église I,237).

2 - Les apôtres n'étaient pas au complet lorsque le Seigneur leur est apparu : il manquait Thomas... Thomas n'a pas vécu l'expérience des autres... Les autres ne racontent rien de plus que le fait d'avoir vu le Seigneur... Ils partagent un mystère qu'ils ne peuvent pas lui expliquer, bien que Thomas soit l'un des leurs... Tout ce qu'ils ont le droit de raconter, c'est qu'ils ont vu le Seigneur, et Thomas doit participer à leur joie d'avoir vu le Seigneur... A l'ouverture que lui font les autres, Thomas répond que pour croire il exige des preuves... et des preuves sensibles... Thomas, guidé par sa foi, demande ce qu'il faut demander... Au milieu de son incrédulité, il est vraiment à la recherche de la foi... Il ne dit pas qu'il ne croira pas, mais qu’il veut vérifier pour croire, vérifier par tous les moyens qui sont à sa disposition... "Puis il dit à Thomas : Porte ton doigt ici" (20,27)... Il lui offre ses mains et son côté, et par là sa personne tout entière... Le Fils s'abaisse, dans son humanité, jusqu'à devenir cette preuve que Thomas a fixée lui-même, au service de sa foi... L'humilité du Seigneur est tout humaine. Il agit comme s'il oubliait qu'il est Dieu et surtout que le Père est en lui... L'acte du Seigneur qui se montre est une grâce. "Ne sois pas incrédule mais croyant"... Le Seigneur ne tolère pas que ceux qui ont déjà la foi et ont vécu dans la grâce ne croient qu'à moitié... Tout à l'heure il semblait que le Seigneur s'abaissait et faisait des concessions à l'incroyance. Mais au moment où tout est préparé, le caractère inexorable de son amour devient évident et oblige à se mettre à genoux... "Mon Seigneur et mon Dieu"... L'homme qui était jusque-là avec toutes ses hésitations, n'existe plus; n'existe plus que celui que le Seigneur a fait de lui... Maintenant il vit tout comme dans un éclair : il faut que le Seigneur soit tout en moi (Sur Jn 20,24-28. Ibid. I,252-273 passim).

3 - Jean a vu d'autres miracles qu'il ne relate pas en détail. Le Seigneur a accompli tous ces miracles par amour, il les fit pour le Père et dans le Père, pour faciliter l’œuvre de la rédemption, pour attirer l'attention des hommes sur le fait qu'ici il se passerait quelque chose de plus qu'humain. Jean renonce à une énumération détaillée parce qu'il voudrait intégrer tous ces miracles dans la lumière de l'unique miracle qu'est la vie du Seigneur. Pour Jean, le miracle par excellence c'est que le Fils soit venu comme homme dans ce monde, qu'il ait partagé notre vie, qu'il ait tout fait pour nous montrer que le Père a daigné permettre à son Fils de vivre comme homme parmi les hommes (Sur Jn 20,30. Ibid. I,279).

4 - Il est impossible de ne pas être concerné par l’Évangile. Puisque toute mission du Seigneur s'y trouve, il s'y trouve aussi une tâche pour chaque homme. Qu'il le veuille ou non, chacun est placé par l’Écriture devant une responsabilité. La lecture de l’Écriture nous pousse tôt ou tard à une décision. Même ceux qui ouvrent ce livre pour une raison toute profane, sont saisis quand ils se mettent à le lire. Ils sont touchés par le feu du Seigneur. Ils sont "illuminés". On ne peut pas se dispenser de donner une réponse à l’Évangile, si éloignée que soit l'époque où on le lit (Sur Jn 20,31. Ibid. I, 286-287).

5 - Et toi aussi, Thomas, avance, sors de l'antre de tes douleurs, place ici ton doigt et vois mes mains; tends la main et mets-la dans mon côté. Et ne pense pas que ta souffrance aveugle soit plus clairvoyante que ma grâce. Ne te retranche pas dans la citadelle de tes tourments. A vrai dire tu crois voir plus clair que les autres, tu as en mains des preuves, tu tiens solidement une évidence irréfutable, et ton être tout entier crie : impossible! Tu vois la distance à franchir, tu peux mesurer l’écart entre l'acte mauvais et l’expiation, entre toi et moi. Qui oserait s'attaquer à de telles évidences? Tu te retires dans ta mélancolie, celle-ci du moins est à toi; tu te sens vivre dans le sentiment aigu de tes douleurs. Et si quelqu'un voulait y toucher, s'il essayait d'arracher leurs racines, il t'arracherait le cœur de la poitrine, tellement tu t'es identifié avec ta souffrance. Mais à présent je suis ressuscité. Et ta douleur que tu estimes sensée, ta vieille douleur, dans laquelle tu t'enfonces, par laquelle tu crois me prouver ta fidélité, dans laquelle tu penses être avec moi, elle ne vient plus du tout à son  heure. Car aujourd’hui je suis jeune et bienheureux. Et ce que tu nommes ta fidélité, c'est de l'attachement à toi-même. Possèdes-tu une mesure dans la main? Ton âme est-elle la règle de ce qui est possible à Dieu? Ton cœur, lourd d'expériences, est-il l'horloge sur laquelle tu lis les desseins de Dieu sur toi? Ce que tu tiens pour de la profondeur de pensée n'est qu'incroyance. - Mais puisque tu es si blessé et que la plaie de ton cœur a atteint le fond même de ton être, tends-moi la main et sens à son contact le battement d'un autre cœur; dans cette nouvelle expérience, ton âme s'ouvrira et évacuera son poison. Il faut que je l'emporte sur toi. Je ne peux pas renoncer à exiger de toi ce que tu as de plus cher, ta mélancolie. Rejette-la, même si c'est au prix de ton âme et si ton moi estime qu'il va mourir. Rejette cette idole, ce froid bloc de pierre dans ta poitrine, et je te donnerai à sa place un nouveau cœur de chair qui battra au rythme du mien...- Comprends-le : lorsque ton cœur t'accuse, je suis pourtant plus grand que ton cœur, et je sais tout. Ose accomplir le saut dans la lumière, ne tiens pas le monde pour plus profond que Dieu, ne pense pas que je n'en finirai jamais avec toi. Ta cité est assiégée, tes provisions sont épuisées : tu es contraint de te rendre. Qu'y a-t-il de plus simple et de plus doux que d'ouvrir les portes à l'amour? Qu'y a-t-il de plus facile que de tomber à genoux et de dire : Mon Seigneur et mon Dieu? (HUvB, Le cœur du monde, 176-178).

6 – Pâques est la fête où l’Église reçoit le pouvoir de pardonner tout péché dont on se repent, c'est pour cela qu'elle reçoit de Jésus l'Esprit Saint. La confession n'est pas une pénitence, elle est un don reçu, personnellement, avec le pardon transmis par l’Église, qui nous rend purs comme des enfants nouveau-nés, nous qui sommes souillés (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 70).

7Tout homme à qui vous remettrez ses péchés... A ses apôtres transportés de joie, le Ressuscité est redevable d'une explication. Pour le fait qu'il est mort et néanmoins vivant. Qu'il a échoué et néanmoins vaincu. Qu'il a souffert et se trouve maintenant dans la joie. Qu'il les a abandonnés et se tient à présent au milieu d'eux. Il récapitule cette justification de son comportement dans l'institution de la confession. Comme si ce mot-clé suffisait à expliquer toute sa vie, son action et sa mort. Comme si les disciples n'avaient besoin de rien de plus pour être équipés en vue de leur mission. C'est par ces paroles, et uniquement par elles, que la Passion est expliquée. C'est en partant de la confession que les disciples doivent considérer et comprendre la mort et la résurrection du Fils, sa destinée tout entière (Cf. La confession 105-106).

8 – Le Père révèle la vérité de son être, l’urgence de sa demande, les chemins qui mènent à sa réalisation (chemins qui passent tous par le Fils), mais lui-même se tient caché derrière le Fils afin que la venue du Fils arrive chez les hommes à sa plénitude parfaite. Cette plénitude, nul n’est en état de la voir, c’est à l’Église qu’il revient de la voir et de la réaliser ; le Fils lui laisse en legs sa vision et son accomplissement. Elle peut en disposer comme d’un bien qui lui est légué en propre (même si elle ne peut transmettre la vison du Christ autrement que dans des définitions de foi). L’Église en tant qu’institution peut, dans un même souffle, dire qu’elle a reçu du Seigneur la grâce de voir, et admettre, peut-être à son grand regret, qu’elle ne voit pas. Elle voit, dans la mesure où il lui est permis de voir ce que voit l’Époux ; elle ne voit pas, pour autant que, comme institution, elle n’est pas une personne et n’a pas d’yeux humains pour voir ce qui lui est ouvertement montré et le communiquer sous cette figure (Cf. Le Dieu sans frontière 117- 118).

9Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits (Jn 20,30). Les paroles du Seigneur qui nous été conservées ne sont pas nombreuses, mais elles sont plus que suffisantes pour appeler chaque homme et le provoquer à répondre à Dieu. Et avant que l’homme réponde, il doit accueillir en lui la Parole, la laisser valoir telle qu’elle est, se laisser dilater par sa plénitude, et surtout percevoir sa revendication, le lien, l’obligation qui s’y rattache. Une fois que l’homme a reconnu ces attributs de la Parole, il devient capable d’en goûter la profusion… Il ne pourra jamais accueillir en lui la Parole dans sa totalité, car il n’est qu’une image et un miroir en face de Dieu et il ne pourra jamais rendre à Dieu tout ce qu’il a reçu de lui… L’incapacité de correspondre à l’infini de Dieu demeure. Chaque saint se heurte sans cesse à cette limite. Celui qui suit le Seigneur, celui qui prie en vérité, doit être rempli de son incapacité (Cf. L’homme devant Dieu 54-55).

10 - Il y a des choses du vivant du Seigneur que personne d’autre ne pouvait encore connaître que Dieu et ceux à qui il a donné part à sa mémoire. Jean aussi autrefois ignorait humainement beaucoup de choses qui lui furent montrées et données dans la vision de la mémoire de Dieu (NB 9,1492).

11 – Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur. Il reçoit dans l’amour immédiat même ce que le Seigneur ne lui communique pas avec des mots. Qui appuie la tête sur la poitrine de celui qu’il aime n’éprouve pas seulement son amour qu’il connaît déjà, mais une foule de sentiments et d’intuition se déverse alors en lui, et peut-être atteint-il le plus intime de la conscience de l’être aimé. Quand Jean repose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la grandeur du Père ; quelque chose en dérive jusqu’à Jean, c’est cela qui l’inspire. Il voit quelque chose qui doit être inconditionnellement juste parce que l’amour du Seigneur le lui donne justement maintenant. Et cela n’a aucune importance qu’il n’écrira son évangile que bien plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité, et Jean pense toujours à la grandeur du Père, même cinquante ans plus tard. La plénitude de l’instant de l’inspiration et si grande chez Jean qu’elle déborde sur tous les temps et qu’il peut toujours la ressaisir dans son origine parce qu’il a vu la Parole de vie, qu’il l’a entendue, qu’il l’a touchée. Ce qui sera finalement couché par écrit n’est qu’un petit morceau de ce qui lui a été donné : "Tous les livres du monde ne pourraient le contenir". Sur la poitrine du Seigneur, Jean se livre à l’amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n’accapare pas, il ne cherche pas à saisir l’inspiration. Il prend ce qui lui est donné et il se laisse envahir par l’amour, et l’amour peut prendre la forme de l’inspiration. Jean a en ceci quelque chose de féminin : il attend du Seigneur toute plénitude, sans jamais rien exiger (NB 6,459-460).

12 – Jean se tient sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour croyant (NB 5,266-267).

 

2e Dimanche de Pâques A (Ac 2,42-47 ; 1 P 1,3-9 ; Jn 20,19-31)

1Dans la deuxième lecture, Pierre prononce l'éloge mémorable de ceux qui aiment le Seigneur sans le voir et ceci non dans la contrainte d'une foi imposée. C'est une foi qui est portée par la vivante espérance fondée sur la résurrection de Jésus-Christ. C'est une joie qui ne veut nullement s'attacher à la jouissance du moment présent, mais qui fait l'expérience de lâcher prise constamment et de se hâter en avant vers le but. Ce n'est pas nous qui avons saisi : nous avons été saisis par le Christ (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 70-71).

2 - La joie de la foi : on ne peut pas la perdre même si, pour un temps, il y a devant nous une montagne qui la soustrait à nos regards (Sur 1 P 1,6. Die katholischen Briefe I, 258).

3 - La foi, si elle est reçue parfaitement, donne la certitude parfaite du salut des âmes. Parce que nous ne cessons d’y mêler notre péché, elle doit être sans cesse éprouvée et purifiée. Le Fils, dans la nuit de la croix, a rendu au Père la vision qu’il avait de sa vie terrestre et de sa vie éternelle. Il est mort dans la nuit impénétrable de la croix. Quelque chose de cette nuit est attaché à toute foi chrétienne, aussi vague et impersonnelle soit-elle, et non seulement a ses "plus hauts degrés" (1 P 1,9. Ibid. I,264-265).

4 – Insérer notre foi dans celle du Seigneur, de manière à ce que son but soit aussi le nôtre, et la volonté du Seigneur est le "salut des âmes". La vie du Seigneur est la substance vivante de notre foi. Il est mort pour toute âme, il a tellement "cru" que, dans la foi, il a donné sa vie entière dans ce but. C’est pourquoi Pierre peut dire que "le but de notre foi, c’est le salut des âmes", parce que le but de la vie du Seigneur fut le salut des âmes. C’est aussi la mission de l’Église : travailler au salut des âmes. Pierre invite chacun à y collaborer (Sur 1 P 1,9. Ibid. I,265-266).

5 – La foi est quelque chose de si concret que tous les actes et toute la vie du croyant n’est plus déterminée que par elle. Pas n’importe quelle foi, mais celle que Dieu donne aux chrétiens pour qu’ils soient gardés dans la force de Dieu. On ne peut pas acquérir soi-même la foi, elle est le don visible de la force vivante de Dieu. La foi que le Père donne aujourd’hui a le même caractère concret, la même vérité, la même réalité, que l’incarnation du Fils en son temps. Elle prend possession de l’humain, mais pour le transformer ; elle lie et délivre en même temps, car elle sépare du péché. Délivrance qui se fait suivant la force et le dessein de Dieu, non d’abord selon celles du croyant. Dieu veut que les siens soient gardés pour le salut ; pas n’importe quel salut, mais celui de Dieu, le salut du Père, du Fils et de l’Esprit, le salut que le Fils a apporté dans sa glorification du Père, qui était promis dans l’Ancien Testament et s’accomplit par le Fils en tout croyant, mais qui n’atteindra sa pleine manifestation qu’au ciel, au dernier jour. On sait que Dieu existe, etc., mais la dernière révélation sera beaucoup plus grande que notre plus haute espérance. Cette révélation ne pourra se faire que lorsque nous serons définitivement des élus et que le péché n’aura plus d’emprise sur nous. Par la foi, nous sommes entraînés ici-bas à cette séparation du péché (Sur 1 P 1,5. Ibid. I,256).

6 – La vie chrétienne est impossible sans épreuves. Parlant de la joie, Pierre ne peut pas ne pas parler des épreuves. Pierre croit au Fils tout entier, et les souffrances du Fils font nécessairement partie de lui. Pierre est toujours disposé à accueillir toute épreuve comme le Fils l’a fait pour glorifier le Père et participer ainsi à la mission du Fils (Sur 1 P 1,6. Ibid. I,258-259).

7 – L’espérance de l’héritage dans le ciel (1 P 1,4). C’est le péché qui nous empêche de prendre possession tout de suite de l’héritage et ne permet pas que le temps terrestre s’épanouisse totalement en temps éternel. Il faut qu’on soit adapté progressivement à la vie éternelle, sinon nous y arriverions avec nos petites mesures. Nous ne serions pas adaptés à elle. La foi nous prépare à désirer vraiment et exclusivement l’héritage que Dieu tient pour nous en réserve. Dieu veut nous le donner pleinement, c’est pourquoi il ne nous le donne pas tout de suite. Dieu ne peut nous faire ce présent qu’au ciel ; pour le moment il nous garde soigneusement et nous apprend à le désirer. La dernière préparation, ce sera la mort. L’héritage, ce sera la vie trinitaire éternelle ( Cf. Ibid. I,254-255).

8 La joie fait partie intégrante de la foi (Kostet und seht 405).

9 – Par la foi on vit dans l’éternel : maintenant le Christ est promis, il se fait homme, il est crucifié, enseveli, ressuscité. La foi habilite les chrétiens à la joie ; plus encore, elle les y oblige. Et cela parce que leur joie n’est pas terrestre, elle est participation à la joie divine éternelle du ciel (Sur 1 P 1,8. Dis katholischen Briefe I,262-263).

 

2e Dimanche de Pâques B (Ac 4,32-35 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20,19-31)

1 – L'évangile dépeint l'apparition du Ressuscité le soir de Pâques et huit jours après. Il souhaite la paix aux disciples, la paix qu'il est lui-même. ; il le fait en montrant ses plaies. C'est précisément la plaie mortelle que les hommes lui ont faite qui fonde la paix à partir de lui ; la haine s'est déchaînée sur lui, mais son amour a eu le souffle plus long. Il n'y a pas de scène de réconciliation avec les disciples qui l'ont renié outrageusement et pris la fuite, tout cela est enfoui dans la grande paix qu'il leur offre. Puis Jésus souffle sur eux et leur donne son propre esprit de mission, dans lequel ils sont mandatés pour transmettre aux hommes en vertu de son pouvoir la paix qui leur a été donnée. Tout cela doit se produire dans la foi, d'où l'épisode de Thomas. Ne pas voir, ne pas vouloir expérimenter, est le présupposé de la réception de la paix, l'abandon dans la foi est la condition de toute réception des dons divins. Tant qu'un homme doute et ne veut pas se livrer, il ne peut pas avoir la paix. Il doit se prosterner et dire dans la foi : "Mon Seigneur et mon Dieu" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 68-69).

2Le chrétien est toujours en devenir même quand il ne remarque en lui-même aucun changement (Sur 1 Jn 5,6. Die Johannesbriefe 203).

3 - La grâce est une participation analogue à la génération éternelle du Fils… Être né de Dieu n’est pas un événement qui s’est passé une fois pour toutes comme la naissance selon la chair, c’est un événement qui ne cesse de se réaliser (Sur 1 Jn, 3,9-10. Cf. Ibid. 109-113).

4 – Le croyant ne sait jamais combien de mystères sa foi englobe encore (Sur Jn 5,5. Ibid. 201).

5 – La foi. Dieu peut se retirer tout en étant là ; il semble alors ne pas réagir à mon amour, ou bien il semble absent tout simplement. Un tel retrait peut être partiel. Je peux par exemple faire l’expérience de la grâce que Dieu communique aux autres et pas de la mienne. Ou bien le retrait de Dieu peut être total et s’approfondir dans la "sécheresse" et la "nuit" (Sur 1 Jn 5,2. Ibid. 195-196).

6 – Dieu communique sa vérité autant qu’il lui plaît. Le péché en nous fait obstacle à sa diffusion et à sa réception. Plus nous sommes dans la grâce, plus la vérité nous est accessible ; en croissant dans l’amour, l’amour nous apprend à nous en remettre toujours plus dans la confiance à l’amour du Seigneur et à renoncer à voir totalement ce qu’il advient de notre amour. Posséder la vérité sans avoir la prétention de vouloir la saisir totalement. Ne pas vouloir tout voir nous ouvre au toujours plus de la vérité divine et nous permet ainsi de mieux saisir la vérité qui nous a été révélée. Demeurer conscients que le Seigneur pourrait en dire infiniment plus, dire également des choses qu’il tait totalement, ce n’est qu’ainsi que ce qu’il dit reçoit tout son poids. De même souvent l’homme qui parle indique par son silence qu’il pourrait en dire davantage (Sur 1 Jn 5,6. Ibid. 205).

7 – La foi contient toujours beaucoup plus que ce que nous avons pu en expliciter pour le moment (Sur 1 Jn 5,4. Ibid. 199-200).

8 – Dans le véritable amour, le don de la liberté est absolument nécessaire. Qui aime fait crédit, il ne garde pas anxieusement celui qu’il aime, il lui laisse l’espace nécessaire à sa croissance personnelle, il doit prendre sur lui le risque de laisser à l’autre sa liberté. Une telle confiance entre hommes est le signe d’un grand amour. Si l’amour est présent dans les deux, les dangers de la liberté seront surmontés. S’il est faible, on peut se douter qu’il sera soumis à la tentation, il se peut que les liens déjà noués seront défaits. Cependant l’amour de celui qui aime demeure quelque part intact et plus fort que toute infidélité parce qu’il était assez fort pour ne pas vouloir forcer l’amour de l’aimé contre son gré. Il ne voulait jamais que l’amour se donnant librement ou bien rien. Et si l’amour de celui qui aime est authentique, il attendra l’infidèle ; même déçu, il restera amour, non affaibli et sans conditions. Tout cela, il l’avait déjà en soi quand lui vint à l’idée de faire don à l’aimé de sa liberté. Et peut-être alors prévoyait-il déjà les suites de cette liberté (Sur 1 Jn 5,4. Ibid. 198-199).

 

2e Dimanche de Pâques C (Ac 5,12-16; Ap 1,9-13.17-19; Jn 20,19-31)

1Et tous étaient guéris (Ac 5,16). A son Église, Jésus donne part à sa puissance de résurrection et de vie, c'est ce que montre la première lecture qui raconte les miracles qui se produisent dans l’Église primitive, ceux de Pierre surtout : des vivifications aussi bien spirituelles que corporelles : des hommes et des femmes étaient conduits à la foi, les malades qu'on apportait étaient guéris, pour peu qu'ils soient touchés par l'ombre de Pierre. Les apôtres ne se vantent pas des miracles qu'ils opèrent, Paul ne mentionne qu'accessoirement ceux qu'il accomplit (2 Co 12,12). Bien plus importante est pour lui la force vitale spirituelle de la parole de Dieu annoncée par l’Église. Ce n'est pas la force vitale de l'apôtre qui est efficace, au contraire : "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort". Le Seigneur manifeste sa force divine à travers l'apôtre : "La puissance se déploie dans la faiblesse" (2 Co 12,9s ; 13,4) (HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales C. 72).

2Quand je le vis, je tombai comme mort à ses pieds (Ap 1,17). Après avoir accueilli en lui toute l'image du Seigneur, Jean est terrassé à tel point qu'il tombe à ses pieds comme mort. Dans la vision, on doit d'abord accueillir ce qu'on voit. Ce que le voyant a perçu avec ses yeux et leur prolongement surnaturel doit encore pour ainsi dire être traduit en langage et réalité spirituels pour prendre son sens. Mais le sens, l'interprétation, ce sont ici le terrassement devant le toujours-plus-grand. Tout ce que le Seigneur fait connaître de son mystère contient caché en soi quelque chose de plus grand : la vision conduit jusqu'à un certain point, puis elle a une limite, même la vision surnaturelle. Elle ne peut jamais transmettre le tout du Seigneur, car saisir le tout serait saisir aussi le Père (L'Apocalypse, p. 113-114).

3 - L’Église, c’est la patrie du Seigneur. C’est là qu’on le rencontre, dans l’eucharistie entre autres (NB 6,478).

4 – Il y a des gens en qui la parole de Dieu tombe comme par hasard (NB 8,995).

 

3e Dimanche de Pâques A (Ac 2,14.22-28; 1 P 1,17-21; Lc 24,13-35)

1 – Dans la merveilleuse histoire des disciples d’Emmaüs, nous voyons la foi pascale de l’Eglise croître grâce à la manière dont Jésus explique, dans toute l’Écriture, ce qui le concerne. Cheminant avec l’inconnu, les disciples parlent de Jésus comme d’un prophète seulement qui a été exécuté. Les récits des femmes n’ont pas suffi à supprimer leur découragement. Jésus part de l’Écriture que les disciples connaissent : il ne s’agit pas d’un prophète, mais du Messie lui-même, et toutes les Écritures parlent de sa mort et de sa résurrection. Tout ce qui est raconté prophétiquement indique que souffrance et mort ne sont pas le dernier mot de Dieu sur l’homme. Que Dieu soit un Dieu des vivants et non des morts, Jésus l’avait déjà dit aux sadducéens. Comme preuve de son interprétation suit le récit de la bénédiction eucharistique du pain et de la disparition de Jésus qui laisse à l’Église sa parole et son sacrement (Cf. HuvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 71-72).

2 – Comme un intendant fidèle, le Fils sur la croix remet enfin au Père son Esprit, réalisant ainsi la dernière œuvre qui lui restait à accomplir. C’est l’acte de l’entrée dans la déréliction intérieure totale. C’est sans son Esprit qu’il ira dans la mort. Mais ce n’est pas un acte arbitraire, car il faut qu’il endure jusqu’au bout le délaissement et la déréliction. S’il avait gardé en lui son Esprit, cela lui aurait peut-être procuré un soulagement, ou donné lors de sa mort certaines lumières. Mais tout ce qui soulage et éclaire doit maintenant se retirer, afin que la nuit soit absolue. Il n’y a plus le moindre espace pour autre chose que l’obéissance de la mort... Le Fils n’est pas ressuscité immédiatement à partir de la croix, mais, après sa mort, il est descendu aux enfers. C’est de là que le Père l’a ressuscité, le Père qui donne la nuit et aussi la lumière ; le Père qui, dès la création du monde, séparait la nuit du jour et accordait à l’une comme à l’autre son sens déterminé… L’homme ne peut pas être plus oissant qu’en remettant aussi son âme la plus intime entre les mains du Père, afin que le Père l’accorde à la joie ou à la souffrance (Le livre de l’obéissance 92-93).

3Le Nouveau Testament est "le livre de l’amour", qui, verset après verset, ne fait rien d’autre que de présenter et d’expliquer l’amour (l’amour humain, l’amour chrétien, l’amour divin du Seigneur) (NB 6, 143).

4 – Sur la crainte du Père qui va juger nos œuvres. Pierre nous recommande cette crainte pour le temps de notre vie terrestre. Mais on ne peut pas vivre uniquement dans la crainte ; Pierre sait qu’on ne peut pas être sans amour (Sur 1 P 1,17. Die katholischen Briefe I,274-276).

5 – Le purgatoire : accomplir à la suite du Fils la courbe qui va du Père à la croix et retourne au Père. Le chemin qui va du Père à la croix : dans la purification, au cours d’un temps assez long et caché de contemplation et en suivant le Seigneur de plus en plus, l’âme doit être introduite à la pleine intelligence de la croix, pour ensuite, après la croix, parcourir avec le Seigneur le chemin qui va jusqu’au Père (Sur 1 P 1,20. Ibid. I,279).

6 – L’Église administre tout le mystère depuis la fondation du monde jusqu’à la manifestation du Seigneur au jugement dernier ; elle l’administre au nom du Seigneur qui a tout fait pour nous et qui a confié son mystère à son Église (Sur 1 P 1,20. Ibid. I,280).

7 – L’amour de Dieu veut toujours surprendre (NB 9,1685).

 

3e Dimanche de Pâques B (Ac 3,13-15.17-19 ; 1 Jn 2,1-5 ; Lc 24,35-48)

1 – Dans son apparition aux disciples rassemblés, Jésus leur enlève d’abord la peur d’un fantôme en leur faisant reconnaître sa réalité corporelle d’une manière aussi tangible que possible : ils doivent voir les plaies aux mains et aux pieds, ils doivent les toucher, pour se convaincre de la réalité de son corps ; ils doivent enfin le voir manger une nourriture terrestre : du poisson grillé. Mais tout cela n’est qu’une introduction à son enseignement proprement dit : les disciples doivent comprendre que tout ce qu’il a dit durant sa vie mortelle sur l’accomplissement des Écritures s’est réalisé dans sa mort et sa résurrection. Toute l’histoire d’Israël est l’initiation à l’intelligence de la mort et de la résurrection de Jésus pour le monde entier. Pour cela, Jésus doit d’abord « ouvrir les yeux » de ses disciples (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 70-71).

2 - Dans la communion chrétienne, l’exhortant et l’exhorté sont en même temps père et enfant. Et le tout s’unifie dans le fait que tous sont enfants dans le don que le Seigneur a fait à toute l’Église. Jean appelle les destinataires de sa lettre ses "petits enfants". Lui était l’ami du Seigneur quand le Seigneur vivait sur la terre, et il avait vécu dans cette amitié comme s’il était son enfant ; il sait par là que le fait d’être enfant de Dieu subit dans la communion chrétienne une sorte d’élargissement grâce auquel chacun devient en un certain sens l’enfant de l’autre, et même un petit enfant. Jean rappelle ces choses parce qu’il est occupé à exhorter. Toute exhortation chrétienne est paternelle parce que l’exhortant se sent responsable de l’exhorté (Sur 1 Jn 2,1. Die Johannesbriefe 34).

3 – Petits enfants. L’apôtre (Jean) se trouve entre Dieu et les destinataires de sa lettre en qualité de médiateur qui raccourcit et facilite le chemin entre eux et Dieu (Sur 1 Jn 5,21. Ibid. 242).

4 – Après la résurrection, le Fils séjourne aussi bien auprès du Père qu’il apparaît au milieu de ses disciples (NB 6,51).

5 – Se confesser, c’est demander au Seigneur dans l’amour qu’il prenne sur lui nos péchés : il ne désire que cela (pour les expier), c’est la collaboration qu’il nous demande. Et la passion, qui commence au mont des oliviers, est séparation du Père, il ne peut plus recevoir de lui de consolation ; les hommes aussi sont séparés de lui et il ne sait plus l’influence que son action a sur eux. Il porte le péché (des autres) par amour pour eux et pour le Père à qui il veut ramener les hommes (Sur 1 Jn 3,5. Die Johannesbriefe 100).

6 – Dire qu’on n’a pas de péché serait s’exclure de la rédemption du Seigneur et de la communion des hommes. C’est par la croix que la communion des pécheurs devient la communion des saints (Sur 1 Jn 1,10. Ibid. 32-33).

7 – Aimer Dieu de toute son âme, qui est le premier commandement, ne peut s’exprimer autrement qu’en nouant une conversation avec lui. Cette conversation est, comme toute conversation humaine, expression et réception écoutante, échange (Sur 1 Jn 2,4. Ibid. 41).

8 – De par l’unité de la croix et de la rédemption, le Seigneur a créé la possibilité de la prière pour le prochain et l’a donnée au chrétien. Celui-ci doit donc se souvenir que la prière pour le prochain trouve sa forme primitive et son plus haut sommet dans la croix. C’est là qu’elle s’origine et de là quelle tire sa force. Sur la croix, le Seigneur a dit la prière par excellence parce qu’il parla avec le Père jusqu’à la fin et qu’il se livra totalement à la volonté du Père pour mourir de la mort qui était pour le pécheur et qui était le prix de la rédemption. Prière, les paroles qu’il disait, prière aussi la souffrance qu’il endurait, et la mort fut la dernière conséquence de sa vie terrestre offerte comme prière. Maintenant le Père lui a tout repris : sa vie et sa proximité avec lui ; sa mort fut comme l’Amen dit par le Père à sa prière, une prière qu’il ne pouvait plus dire lui-même. Sa mort signifiait que le Père disait sa prière à sa place, prenant part à cette mort en accueillant l’œuvre de rédemption achevée (Sur 1 Jn 5,16. Ibid. 227).

 

3e Dimanche de Pâques C (Ac 5,27-32.40-41; Ap 5,11-14; Jn 21,1-19)

1Jésus se manifesta de nouveau aux disciples. Le fait que le Seigneur se révèle à ses disciples comprend le mystère de toutes ses apparitions futures dans l’Église. Il se montre à ceux qui aiment. Il choisit, pour apparaître, le lieu où se trouvent ses fidèles, ses disciples. Dans ces apparitions après la résurrection, le naturel côtoie le surnaturel, de sorte que le surnaturel prévaut, de la même manière qu’avant la croix, dans l’aspect visible du Seigneur, c’était le naturel qui avait prévalu (Sur Jn 21,1. Jean. Naissance de l’Église II, 7).

2 Jésus se tient sur le rivage. Les disciples ont passé la nuit au nom du Seigneur; c’était la première fois que, sans le Seigneur, ils passaient la nuit rassemblés en son nom. L’accomplissement de cette nuit consiste dans le fait que Jésus, sans qu’ils le sachent, se tient le matin sur le rivage. Ils ne pouvaient pas attendre plus que cette présence du Seigneur. Cela surpasse toute attente. Même s’ils se trouvaient dans la barque pour s’approcher de Dieu par une voie nouvelle et même s’ils savaient parfaitement que Jésus est le chemin qui mène à Dieu, ils ne s’étaient tout de même pas attendus à le voir ici en personne (Sur Jn 21,4. Ibid. II,23).

3 – Il se tient là où ils abordent; il est donc l’aboutissement du chemin vers Dieu. Il l’est parce qu’il résume dans sa personne tout le chemin du pécheur vers Dieu et qu’il est lui-même ce chemin. Un homme peut avoir fait fausse route pendant cinquante ans avant de rencontrer le Seigneur. Mais dès qu’il l’a trouvé, tout le passé est aussitôt liquidé. Il n’y a pas de comparaison possible entre le chemin qui mène au seigneur et le chemin qu’il est lui-même. Le fait que le Seigneur se trouve là, inattendu, est un don qu’il fait aux disciples. Ils se sont réunis pour mieux le servir, et il y avait là comme une prière, comme une sollicitation pour obtenir ce don du Seigneur. Le Seigneur ne donne que rarement exactement ce qu’on lui demande; souvent il donne quelque chose d’inattendu (Sur Jn21,4. Ibid. II,25).

4Un filet plein de poissons. Les disciples n’avaient la force de le tirer, tant il était plein de poissons. Jamais l’accomplissement opéré par Dieu ne correspond à la mesure de l’attente humaine, quelle qu’elle soit. Par là, les disciples s’approprient un dangereux enseignement : à savoir que le Seigneur donne toujours plus que ce que l’on attend; à la fois davantage et autrement. Il donne comme bon lui semble, de façon imprévisible. Le Seigneur se réserve de donner comme il veut. Il dispense des souffrances et des joies; à l’un qui prie, il donne des cadeaux destinés à être transmis à d’autres (Sur Jn 21,6. Ibid. II, 34-36).

5 – Le paradis de Dieu est si simple que c’est un festin avec un gâteau de miel et un poisson grillé. Si terrestre que c’est un matin de pêche sur le lac de Génésareth, les vagues viennent mourir sur la grève, le soleil matinal brille à travers la brume, sur le rivage un homme est debout, il appelle, il fait signe, on jette le filet du côté droit, et à l’instant c’est un fourmillement de poissons dans le filet. Sur la rive le déjeuner est prêt, tous s’installent pendant que les pierres sèchent, et comme aucun d’eux n’a besoin de demander qui est l’étranger, le silence n’est troublé que par le clapotis des vagues. – Ô paix qui dépasse toute question : c’est le Seigneur. Et tout cela est aussi simple que s’il n’en avait jamais été autrement. Le Maître bénit le pain comme à l’ordinaire, il le leur tend après l’avoir partagé. Comme s’il n’y avait jamais eu la croix, les ténèbres, la mort. La paix soit avec  vous. Comme si la trahison, le reniement, la déroute, ne s’étaient jamais élevés dans leurs cœurs. La paix soit avec vous, je vous donne la paix, non comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’effraye pas. Car voyez : j’ai vaincu le monde (HUvB, Le cœur du monde 173-174).

6 Et toi, Simon Pierre, fils de Jean, m’aimes-tu? M’aimes-tu, ô âme qui m’a renié trois fois? Ne m’as-tu pas toujours aimé, et n’était-ce pas encore de l’amour lorsque tu te glissais à ma suite au lieu de fuir comme les autres dans quelque sûre cachette, de l’amour lorsque, transi de froid et comme hors de sens, troublé et paralysé, tu assistais au bivouac nocturne? Tu te chauffais, mais quelle chaleur s’efforçait de pénétrer dans ton âme engourdie, qui niait sans savoir comment la chose lui arrivait, parce qu’il fallait que vous m’abandonniez tous afin que je puisse aller seul mon chemin – un chemin qu’il faut être seul à parcourir – ton âme qui  niait pour que l’amer torrent des larmes vint me la livrer tout entière au chant du coq. – Tout cela est maintenant lointain et à  peine visible encore, une nouvelle page est tournée. Ce n’est pas seulement la mort que j’ai vaincue, et pas seulement le péché, c’est aussi son opprobre, la honte infâme, la lie amère de ta faute, et ton remords et ta mauvaise conscience : tout cela a disparu sans laisser plus de traces que la neige qui fond au soleil de Pâques. Maintenant tu me regardes si franchement dans les yeux, avec une telle liberté et une mine si innocente (pas même avec l’air affecté de l’enfant qui voudrait cacher sa sottise derrière un visage limpide), tu me regardes avec plus d’aisance encore que ne s’élève un chant de printemps, et ton regard est jusqu’au fond aussi bleu que le ciel pur au-dessus de nous, de telle sorte que je dois bien te croire quand tu dis : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime! » – C’est là mon cadeau de Pâques à ton adresse : ta bonne conscience, et tu dois le recevoir aussi avec une bonne conscience, ce cadeau, car je veux, au jour de ma victoire, ne voir autour de moi aucun cœur aigri… Les parents pardonnent à leurs enfants, et les amis se pardonnent les uns aux autres, eux qui pourtant sont des hommes et ne peuvent créer : comment pourrais-je alors, moi votre Créateur, ne pas accomplir cette action d’une fécondité créatrice au jour de ma naissance glorieuse?  (Ibid. 174-176).

7 – Bien des personnes âgées, à la suite des infirmités de l’âge et des difficultés croissantes de la vie quotidienne, se souviennent de la parole du Seigneur à Pierre : Tu seras conduit où tu ne veux pas (Ils suivirent son appel 47).

8 – L’atmosphère des rencontres de Jésus ressuscité avec ses apôtres est incroyablement tendre et est tout le contraire d’une contrainte. Le Seigneur demande à Pierre : M’aimes-tu? Il ne lui demande pas : Pourquoi m’as-tu trahi? (NB 6,300).

9T’emmener là où tu ne voudrais pas aller. L’évangile de l’apparition du Seigneur au bord du lac de Tibériade finit par l’investiture de Pierre dans son ministère de pasteur. Tout ce qui précède le prépare : la pêche vaine, puis la pêche miraculeuse à la suite de laquelle Pierre se jette à l’eau pour aller rejoindre le Seigneur. Le reste de l’Église leur apporte sa pêche, puis Pierre seul ramène à terre tout le filet. Et finalement la question décisive lui est adressée : "M’aimes-tu plus que ceux-ci ?" Toi, le renégat, plus que ce disciple bien-aimé-là, qui se tenait debout au pied de la croix ? Pierre, conscient de sa faute en entendant la triple question, dit un premier oui repentant, puisqu’il ne peut absolument pas dire non. Sans la déclaration de ce plus grand amour, le Bon Pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis, ne pourrait pas confier à Pierre la charge de faire paître son troupeau. Et pour que l’unité du ministère et de l’amour soit définitivement scellée, la crucifixion est prédite à Pierre, le don de suivre Jésus jusqu’au bout. Désormais la croix restera liée à la papauté, même s’il doit y avoir des papes indignes ; mais, plus un pape assume authentiquement son ministère, plus lourdement il sentira la croix peser sur ses épaules (Cf. HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales C, 73).

10A celui qui siège sur le trône (Ap 5,13) et qu’ils ne voient pas, et à l’Agneau qui est lui aussi sur le trône et qu’ils voient. A celui que nul n’a jamais vu parce que sa gloire est trop éclatante pour le regard de l’homme, et à son Fils unique, dont l’aspect comme d’un agneau égorgé est digne de compassion, parce que l’œil ne retrouve plus rien en lui qui corresponde à ce qui serait du Père, et qui occupe néanmoins la même place que le Père : à eux soit la louange, car il ont racheté le cosmos par leur amour mutuel, dans le sacrifice du Fils et son acceptation par le Père ; l’honneur parce qu’ils ont persévéré dans leur grand décret, et parce qu’ils furent capables d’unir toutes les créatures en sorte qu’elles reconnaissent leur indignité pour sentir d’autant plus profondément la dignité du Père et du Fils ; la gloire, parce que le Fils est venu pour glorifier le Père, et que le Père s’est glorifié dans le Fils ; la puissance, parce que le Père a pu envoyer le Fils et que le Fils a eu le pouvoir de devenir l’impuissance totale. Et ce chant de louange doit durer aux siècles des siècles, donc par-delà tous les temps (L’Apocalypse 301).

11 - Une obéissance morose n’en est plus une. Dieu veut les siens dans la joie. Et à ceux qu’il appelle tout près de sa croix, il ne donne jamais une souffrance pareille à celle qu’il a lui-même endurée. S’il permet qu’ils y goûtent, c’est par grâce, et son but final est toujours la joie. Celle-ci se trouve cachée dans l’obéissance chrétienne (HUvB, AvS et sa mission théologique 268).

12 – Si quelqu’un aime et que son amour est vrai, le lien de l’amour est ressenti comme liberté. Ce qui, vu de l’extérieur, apparaît comme un lien terrestre à Jésus-Christ est, vu de l’intérieur, une libération vers l’éternel, vers une réalité si vaste qu’elle dépasse infiniment tout ce qui est transitoire. Le Seigneur nous fait toujours déboucher au-delà, dans la liberté de l’Esprit, qui nous est donnée avec la foi. C’est l’Esprit Saint qui rend habitable pour nous l’espace du Fils et rend possible dans cet espace l’activité de notre esprit (NB 6,24-25).

13 – L’humilité dans l’Église : pas plus facile pour celui qui commande que pour celui qui obéit. Humilité de Pierre quand il doit prendre la tête de l’Église après son reniement. Humilité du Fils vis-à-vis du Père durant toute sa vie terrestre (Sur 1 P 5,5. Die katholischen briefe I,395-396).

14 – L’adoration est la connaissance aimante de Dieu, qui ne peut faire autrement que de déposer aux pieds de l’Autre, dans un amour infini, son être tout entier (Kostet und seht 423).

15 - Jean. Parce qu'il aime, parce qu'il aime d'amitié son Seigneur et Dieu, il sait que chaque parole qu'il lui dit doit être une parole d'amour. Pour lui, cela va de soi, comme il va de soi entre ceux qui s'aiment qu'on se dit des paroles d'amour. Le tout provient du fait qu'il sait que le Seigneur l'aime, qu'il est son ami et qu'il reçoit en retour l'amour du disciple. La divinité de Jésus, il la connut de très bonne heure, c'est la grâce qui avait mis en lui ce fondement, mais ce fondement n'est employé que lorsque le disciple, par la plénitude de ce qu'il reçoit dans ses relations avec le Seigneur, apprend à comprendre que chaque parole du Christ est une parole d'amour. Quand il a compris cela, la parole qu'il adresse au Seigneur devient une parole de prière. Il ne parle plus autrement avec lui qu'en l'adorant. Et il ne perçoit aucune parole du Seigneur autrement que participant au dialogue éternel du Fils avec le Père. Et ainsi toutes ses relations avec le Fils deviennent facilement une prière (NB 1/2,44).

16 – Peu importe que je fasse ce que je veux ou ce que je ne veux pas du moment que je fais ce que je dois. Au sens ignatien, les deux obéissances sont également bonnes, également parfaites. C’est au fond une obéissance comme celle de Pierre qui va où il ne veut pas quand on le conduit pour le crucifier. Même quand il va maintenant où il ne veut pas, il va cependant sans aucun doute là où il veut puisqu’il a dit au Seigneur qu’il l’aimait (NB 11,192).

17 – Jean qui s’appuie sur la poitrine du Seigneur, le disciple préféré ; il sait qu’il doit porter en lui tous les autres, tous les tièdes, tous ceux qui sont loin, les entraîner dans son ouverture totale au Seigneur (NB 10,2321).

 

4e Dimanche de Pâques A (Ac 2,14.36-41; 1 P 2,20-25; Jn 10,1-10)

1 – Nous avons le devoir de nous laisser mettre par le Seigneur sur les traces qu’il veut nous voir suivre. Si quelqu’un croit vraiment, le Seigneur lui montre d’une certaine manière tout son chemin, l’ensemble de ses traces. On peut être impressionné par telle ou telle partie du chemin; cependant on doit s’offrir pour n’importe quelle partie : il peut nous mettre où il veut, nous utiliser comme il l’entend, non comme nous pourrions l’estimer nous-mêmes. Nous nous sentons fort poussés à le servir dans la prédication ou la science, mais absolument pas doués pour prier au mont des oliviers et encore moins pour vivre au désert et y jeûner. Mais peut-être que c’est justement cela qui nous échoira parce que nous pensons en être incapables. Nous devons, sans montrer de signes de désappointement, nous laisser mettre tantôt sur une trace du Seigneur, tantôt sur une autre (Sur 1 P 2,21. Die katholischen Briefe I,329).

2 – Il n’y a donc qu’une porte qui mène à la bergerie et non plusieurs. Le chemin vers Dieu passe par le Seigneur; il n’y a pas d’autre voie d’accès. Dès que le Seigneur paraît, il n’est plus possible de s’imaginer que l’on peut trouver un autre chemin qui mène vers Dieu, différent de celui dont il s’est servi lui-même. Tout homme qui se trouverait sur d’autres sentiers et détours et prétendrait cependant être en route vers le Père est suspect et objet de méfiance. Certes il existe les chemins les plus divers pour parvenir jusqu’à la porte, mais il n’y a qu’une porte par laquelle on puisse entrer légalement (Sur Jn 10,1. Cf. Jean. Les controverses II, 40).

3 – Le Seigneur ne fait lui-même aucune distinction entre les brebis qui font depuis longtemps partie du troupeau et celles qui viennent à peine d’y entrer, celles qui lui sont plus fidèles et celles qui le sont moins. Il ne les sépare pas en classes et en catégories. Les droits sont égaux pour tous dans le troupeau. Du côté du seigneur, il n’existe pas de degré dans le fait d’être chrétien. Chaque brebis du troupeau, chaque chrétien dans l’Église a sa liberté de vivre comme il l’entend, à condition que cela se fasse dans l’amour du Seigneur. La seule chose demandée, c’est d’entrer par lui dans le troupeau (Sur Jn 10,2. Cf. Ibid. II,42).

4 – Avant que le Seigneur ne s’approche de ce troupeau, le troupeau était là et attendait le berger. Bien des bergers ont déjà essayé de conduire le troupeau. Mais le troupeau ne s’est pas laissé conduire. Il était là et attendait. C’est l’humanité, c’est la masse, qui attend le Seigneur. Sans doute elle n’est pas gagnée au Seigneur, mais elle ne lui est pas non plus si hostile qu’elle ait déjà pris position contre lui. Elle n’est pas dans la grâce, mais elle n’est pas non plus dans l’état de damnation (Sur Jn 10,7-8. Cf. Ibid. II,49).

5 Le Bon Pasteur. Jésus est l’unique berger de ses brebis, c’est pourquoi il les connaît et elles le connaissent, le suivent quand il les appelle. Il est le berger légitime. Ses brebis se distinguent par leur flair pour ainsi dire instinctif pour le vrai berger, et elles reçoivent ce flair par le son de la voix du Bon Pasteur, le son unique de la Parole de Dieu qui les atteint en Jésus. Cette parole résonne tout autrement que tous les sons des conceptions du monde, religions et idéologies purement humaines., et Jésus sait que son appel n’est comparable à aucun autre. "Je suis le Chemin. Nul ne va au Père que par moi" (Jn 14,6). C’est pourquoi toutes les autres voies sont des chemins qui égarent. Celui qui revendique pour lui toute la vérité ne peut faire connaître qu’un intolérance divine pour toutes les voies inventées par les hommes, aucune ne mène au pâturage éternel qui rassasie, à la maison du Père. Sûrement l’intolérance du « Je suis » de Jésus a-t-elle indigné jusqu’à nos jours le monde postchrétien qui oppose à cette soi-disant prétention la doctrine des nombreuses voies et par là des nombreuses vérités. Mais la vérité de Dieu est indivisible, précisément lorsqu’elle se manifeste comme l’amour absolu : le Bon Pasteur donnera sa vie pour ses brebis ; il n’existe pas une vérité plus haute, ni même seulement comparable (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 73-74).

6 - Le Seigneur a porté tous les péchés ; l’ayant fait, il donne à chacun de porter le péché. Même le plus tiède ne peut plus penser que le péché ne le concerne pas. Parce que le Seigneur a suivi pour tous le chemin de la souffrance, il a élargi par là le chemin de tous ceux qui le suivent au-delà de leur sort personnel : tous ceux qui suivent son chemin ont à souffrir pour tous d’une manière ou d’une autre, et cela comme le Seigneur : pour effacer le péché. Non pas jusqu’à s’effondrer sous le poids du péché, mais dans une participation pleine de grâce au sacrifice de la rédemption. Toute souffrance (toute expiation) pour un péché précis est aussi pour toute l’Église ; on ne peut jamais limiter, il faut laisser élargir par Dieu nos intentions (Sur 1 P 2,21. Die katholischen Briefe I, 326-327).

7 – Nous avons le devoir de nous laisser mettre par le Seigneur sur celles de ses traces qu’il veut nous voir suivre. Si quelqu’un croit vraiment, le Seigneur lui montre d’une certaine manière tout le chemin que lui-même a parcouru, l’ensemble de ses traces. On peut être impressionné par telle ou telle partie de son chemin, cependant on doit s’offrir au Seigneur pour n’importe quelle partie : il peut nous mettre où il veut, nous utiliser comme il l’entend, non comme nous pourrions le vouloir nous-mêmes. Nous nous sentons fort poussés à le suivre dans la prédication ou la science des choses de Dieu, mais absolument pas doués pour prier au mont des oliviers et encore moins pour vivre au désert et jeûner. Mais il se peut que c’est justement cela qui nous échoira parce que nous pensons en être incapables. Nous devons, sans montrer de signes de désappointement, nous laisser mettre tantôt sur une trace du Seigneur, tantôt sur une autre (Sur 1 P 2,21. Ibid. I,329).

8 – La contemplation de tableaux, surtout de tableaux conçus dans la foi, conduit l’esprit qui aime la beauté à de nouvelles possibilités de foi, le rend humble et, par là, plus ouvert à Dieu (NB 10,2231).

9 – Sur la croix, le Fils renonce à ses grâces propres pour souffrir simplement comme un homme, dans le délaissement ; librement, il renonce à toutes les preuves de la grâce trinitaire, il ne veut plus en faire l’expérience pour lui-même, il les restitue si bien qu’il n’en ressent plus rien ; il s’éloigne de la conscience qu’il avait lui-même de la grâce pour nous en faire le don d’autant plus largement : expérience de la grâce et de sa certitude (Sur 1 P 2,9. Cf. Die katholischen Briefe I,322).

10 – Sur la croix, le Fils a expié tous les péchés. Toute tiédeur est expiée, même celle dont on n’est pas encore conscient. Les plaies visibles sont là pour que nous comprenions les plaies invisibles qui sont en nous. Elles sont aussi le symbole de la souffrance invisible du Seigneur, de sa passion cachée, que nous n’aurions pas pu deviner autrement, et ce n’est qu’en étant guéris que nous pouvons en deviner quelque chose (Sur 1 P 2,24. Ibid. I,333-334).

 

4e Dimanche de Pâques B (Ac 4,8-12; 1 Jn 3,1-2; Jn 10,11-18)

1 – Le Fils, en tant que bon pasteur, représente le Père et il le représente de manière si plénière qu’il devient le père de ses brebis. Les brebis lui ont été remises par le Père pour qu’il leur donne la vie, c’est-à-dire sa propre vie, la vie du Fils. En leur donnant sa vie, il leur donne la vie. Il perd sa vie humaine dans la souffrance pour que les brebis obtiennent sa vie éternelle dans l’amour. C’est en cela qu’il est le bon pasteur : le pasteur qui mène paître vers Dieu, qui conduit vers le Père (Sur Jn 10,11. Jean. Les controverses II,53).

2 – La puissance de la foi, dans laquelle un chrétien reconnaît le Seigneur par sa grâce, est si grande qu’elle n’est plus de ce monde : elle a son origine dans l’au-delà et est elle-même dans l’au-delà. Dans la sûreté de cette foi, les chrétiens sont à même de reconnaître le Seigneur partout où il est. Il n’est pas nécessaire que cette certitude soit visible pour autrui. Elle peut être toute cachée en Dieu. Le Seigneur sait que sa petite brebis lui appartient, non seulement parce que lui-même la connaît en l’aimant, mais tout autant parce que l’âme qui lui appartient le connaît en l’aimant par la grâce qui lui est infuse (Sur Jn 10,14. Ibid. II,57-58).

3 – Un chrétien peut offrir quelque chose à un autre homme, il peut même lui donner la réalité la plus haute possible : il peut lui procurer la foi. L’autre, qui accepte le don, lui rendra cependant ce don : s’il l’a vraiment reçu, s’il croit vraiment, il ne pourra rien faire d’autre que de prier pour son bienfaiteur, mettre son âme et sa force à la disposition de l’autre, s’offrir pou son apostolat. Ce que le donateur a rayonné lui revient sous forme de lumière. Ce qu’il a planté dans l’amour lui rapporte des fruits d’amour  (Sur Jn 10,17. Cf. Ibid. II,61).

4 – La meilleure chose qu’on puisse attendre d’un autre homme ici-bas est qu’il nous conduise à Dieu (NB 11,342).

5 – Deux caractéristiques sont indiquées concernant le bon pasteur : d’abord le dévouement du berger pour le troupeau jusqu’à la mort, ensuite une connaissance réciproque entre le berger et les brebis, dont la profondeur est ancrée dans le mystère le plus intime de Dieu. Le dévouement du berger pour ses brebis jusqu’à la mort : dans le domaine purement naturel, c’est difficilement imaginable ; dans le domaine de la grâce, par contre, cela se mue en une vérité centrale. Pour la connaissance réciproque : Jésus connaît ses brebis comme ses brebis le connaissent, de même le Fils connaît le Père comme le Père connaît le Fils. La connaissance suprême d’amour entre le Père et lui, Jésus l’applique à la réciprocité intime entre lui et les siens. La connaissance réciproque du Père et du Fils ne fait qu’un avec leur parfait abandon réciproque de même que la connaissance réciproque de Jésus et des siens ne fait qu’un avec le parfait abandon de Jésus aux siens et pour eux jusqu’à la mort. Mais parce que l’amour de Jésus est divin, il a aussi le pouvoir de vaincre la mort, il a le pouvoir de « reprendre la vie » (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 72-73).

6 Dans la mission du Fils, le Père veut comme se laisser étonner par le Fils. Le Fils incarné fait plus que ce que le Père demande, mais qu’il le fasse provient encore une fois d’un don du Père (Sur 3 Jn 4. Die Johannesbriefe 301).

7 - Jean ne demande pas "d’acrobatie spirituelle" à ceux qu’il invite à vivre en communion avec lui, c’est-à-dire avec le Père et le Fils. Ils n’ont qu’à recevoir avec leurs sens ce que lui aussi a reçu et donner par là au Seigneur l’occasion d’entrer en eux et de les remplir de sa vie surnaturelle. Ils verront et entendront, et le Seigneur leur donnera la communion (Sur 1 Jn 1,3. Ibid. 14).

8 – L’amour des croyants pour le Seigneur les pousse à porte sa vérité aux non-croyants (Sur 1 Jn 4,4. Ibid. 153).

9 – Le Fils n’aime jamais autant le Père que lorsqu’il répand sa vie pour les hommes (Sur Is 65,23. Isaias 222).

10 - Être né de Dieu, c’est aussi vivre de lui, aller vers lui, savoir sa présence (Sur 1 Jn 5,19. Cf. Die Johannesbriefe 239-240).

11 – Le Fils invitera les croyants à avoir une attitude filiale envers le Père. Ils ne doivent pas toujours réfléchir à leur indignité, ni s’attarder à la souligner, il leur faut bien plutôt recevoir simplement et naïvement la conscience d’être enfant de Dieu et y demeurer. Ils doivent se mouvoir sans contrainte dans le monde de Dieu, ils ne doivent pas dresser constamment des barrières, penser à leur impuissance, parler de leur inclination au péché. Même s’ils gardent parfois le sentiment de leur péché et de leur indignité, ils peuvent malgré tout recevoir avec reconnaissance le don de leur dignité d’enfant de Dieu. La dignité l’emporte (NB 6,165).

12 – Dans l’ancienne Alliance, il y avait comme un lieu précis en face du Père. Dans la nouvelle, on ne se trouve plus en face, mais entre le Père et le Fils. En un lieu dont on ne voit pas la fin, un lieu dont nous savons seulement qu’il est le lieu de l’amour du Fils pour le Père et du Père pour le Fils, si bien que notre communion ne peut plus à présent porter d’autre nom que le leur. La communion d’amour entre le Père et le Fils embrasse tout ce que Dieu nous donne et tout ce que nous devons lui donner pour que la vie et la mission du Fils soient accomplies. Le Fils nous a introduits dans le tourbillon de la communion divine ainsi que le Père le lui a permis. Ceci a pour conséquence que le Père ne sera plus jamais seul avec le Fils parce que nous faisons partie de leur communion. Leur intimité n’en est pas rompue, seulement nous y sommes initiés dans la mesure où nous sommes nous-mêmes aimants et que nous laissons s’accomplir en nous l’amour du Fils et ses sentiments intimes. Si nous nous trouvons au milieu de l’amour du Père et du Fils, nous sommes en mesure d’y répondre. Et nous correspondrons à l’amour en voyant, en entendant et en transmettant la vie (Sur 1 Jn 1,3. Die Johannesbriefe 14-15).

13 - Dieu peut se servir des hommes pour montrer à d’autres qu’ils sont enfants de Dieu, uniquement par le fait que les premiers manifestent aux autres de l’amour, car l’amour vrai du prochain appartient à Dieu (Sur 1 Jn 3,1. Ibid. 93).

14 – Dieu le Père nous envoie son Fils par amour, à nous qui sommes innombrables. Dieu seul peut nous avoir tous pour ses enfants. L’eucharistie est un don de Dieu à nous tous, les uns à côté des autres. Un supérieur religieux na pas droit à une meilleure eucharistie que le dernier membre de la communauté (NB 9,1685).

15 – Le croyant qui croit vraiment, qui donc parle avec amour, n’a pas la possibilité de rendre méconnaissable la parole de Dieu. Il ne peut non plus faire autrement qu’écouter quand un autre croyant parle ; car celui-ci dit exactement ce que l’autre a besoin d’entendre. Les deux choses, parler et écouter, s’adaptent en Dieu pour faire l’unité désirée. Les deux ont soif, et c’est Dieu qui apaise la soif parce qu’en Dieu se parler et s’écouter se correspondent exactement (Sur 1 Jn 4,6. Die Johannesbriefe 156).

16 – Nous sommes enfants de Dieu (1 Jn 3,1). Même si on ne comprend pas. Notre état d’enfant de Dieu relève de l’amour. Nous devons toujours rester enfants et cependant grandir vers le Père, mais sans avoir l’ambition de devenir jamais adultes et de rattraper le Père. Notre état d’enfant de Dieu est quelque chose de vivant (Cf. Ibid. 92).

 

4e Dimanche de Pâques C (Ac 13,14.43-52; Ap 7,9.14-17; Jn 10,27-30)

1 – Parce que les brebis du Seigneur entendent sa voix, c’est-à-dire croient à son amour, elles se rendent de ce fait accessibles à son amour. La voix du Seigneur comporte certes pour elles l’ordre de le suivre, mais bien davantage encore l’assurance de son amour, qui consiste à le suivre. Elles savent qu’elles doivent exécuter ce que cette voix leur dit, mais que c’est dans l’amour dont cette voix est porteuse qu’elles peuvent l’accomplir. De quelque nature que soit le chemin que le Seigneur choisit pour les siens, il est toujours son chemin. Il l’a choisi pour chacun parce qu’il connaît les siens. Il sait quel service ils peuvent lui rendre en son amour (Sur Jn 10,27. Jean. Les controverses II, 69).

2 – Le Seigneur offre son amour à ses brebis pour l’éternité. Il ne leur offre jamais un amour simplement temporel, simplement passager, toujours par contre un amour définitif. Voilà pourquoi elles ne courent aucun danger de se perdre : elles sont nourries et maintenues dans la vie éternelle par cet amour éternel. Mais nous ne mesurons pas le don de Dieu en cette vie. Nous sentons un instant presque sensiblement que nous sommes aimés, que tout le sens de la vie consiste en cet amour infini de Dieu pour nous et dans notre tentative de l’aimer en retour. Mais ensuite nous retombons dans notre oubli et ne poursuivons pas le chemin frayé (Sur Jn 10,28. Ibid. II,71).

3 – Le Père est la raison dernière pour laquelle nul ne peut ravir les brebis de la main du Seigneur. C’est lui qui les offre au Fils et il les offre de telle manière qu’elles sont définitivement et irrémédiablement à lui. Il ne s’offre pas les âmes à lui-même, il les offre d’abord à son Fils. Car il offre tout à son Fils; lui-même, dans la génération éternelle du Fils et, dans la ligne de cette génération, la création tout entière et chaque âme choisie. Il lui a tout remis : le jugement, la vie, l’amour et en même temps la possession des âmes. Il fait cela parce qu’il  ne veut rien avoir à lui qui n’appartienne en même temps au Fils (Sur Jn 10,29. Cf. Ibid. II,73).

4 Je leur donne la vie éternelle. Cette promesse du Bon Pasteur dépasse toute mesure. Aux brebis de Jésus, qu’il connaît et qui le suivent, il est assuré, à trois reprises, qu’elles appartiendront définitivement à lui et au Père. Et cela parce qu’elles ont reçu dès maintenant le don de la vie éternelle. Car ce que Jésus nous donne ici-bas par sa vie, sa passion, sa résurrection, son Église et ses sacrements, est déjà vie éternelle.Qui la reçoit et ne la refuse pas, ne peut jamais plus "périr", personne ne peut « l’arracher de ma main » ; et ce n’est pas assez dire : personne ne peut l’arracher non plus de la main de Dieu le Père, dont Jésus dit qu’il est plus grand que lui (parce qu’il est son principe), et pourtant qu’il est, lui le Fils, un avec ce Père plus grand. Les brebis abrités entre le Père et le Fils possèdent la vie éternelle ; aucune puissance terrestre, pas même la mort n’a de prise sur elles. Cependant ce n’est pas à n’importe qui, au hasard, que le ciel est promis ici, mais à ceux qui "écoutent ma voix" et "suivent" le berger. Une condition préalable absolument infime pour une conséquence infinie, immensément grande (Cf. HuvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, p.75).

5 Celui qui est assis sur le trône habitera parmi eux (Ap 7,15). Celui qui est assis sur le trône est partout où ils sont., parce qu’ils sont partout où il est. Il est sur eux de manière si uniforme qu’il est entièrement en eux. Sur terre l’eucharistie pouvait être tout extérieure, tout inaccomplie, lorsque l’homme qui la recevait se dérobait à elle, par péché et négligence. Ici, Dieu qui habite en eux assume toute leur relation à lui. Sur terre, il reste malgré la grâce beaucoup d’œuvre humaine dans l’eucharistie, parce que même le chrétien le plus pieux y apporte son moi et ne se laisse pas complètement absorber dans le Seigneur. Au ciel, toute œuvre humaine se fond et disparaît dans l’œuvre divine. Plus rien n’est inachevé, plus rien n’est partiel, car c’est le cœur de la vie céleste que Dieu habite entièrement en eux, et donc que plus rien d’eux ne les sépare de Dieu (L’Apocalypse 345).

6 - Il n’y a aucune humiliation pour le Fils si le Père le précède comme Père, et aucune humiliation pour l’Esprit de procéder du Père et du Fils. Aucune humiliation non plus que l’un puisse recevoir la vérité d’un autre, bien que toujours aussi celui qui reçoit puisse partager avec celui qui donne. Et ainsi, de recevoir la vérité contribue à la plus grande gloire de Dieu, et c’est une égale béatitude de donner ou d’échanger (NB 6,68).

 

5e Dimanche de Pâques A (Ac 6,1-7; 1 P 2,4-9; Jn 14,1-12)

1Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures, je vais vous préparer une place. Y entre celui qui vraiment a été à la recherche. Nul ne trouve la demeure qui n’a pas fait l’effort de la chercher. Et il fait cet effort, il la cherche, parce qu’il voudrait être auprès du Père. Il connaît donc le Père, et s’il le connaît et désire se trouver auprès de lui, alors il ‘aime aussi. Pour ceux donc qui aiment le Père, ces demeures existent, pour tous ceux qui l’aiment, sans distinction. Cependant il n’y a pas qu’une seule demeure, il en existe beaucoup, parce qu’il y a beaucoup de voies qui mènent au Père. L’ancienne Alliance aussi y possède sa demeure, et même les païens qui n’ont pas pu connaître le Christ (Sur Jn 14,2. Jean. Le discours d’adieu I, 101-102).

2 – Certes, après la résurrection il est au ciel, mais il est tout autant auprès de chaque homme et en tout homme qui croit en lui et qui l’aime. Désormais on ne peut plus le localiser, il a la liberté de se trouver simultanément en plusieurs endroits. Il est au ciel, et il est auprès de nous sur terre. Et puisque lui, l’Incommensurable, est avec nous, créatures limitées, nous aussi nous sommes partout où le Seigneur se trouve, que nous le sachions ou non (Sur Jn 14,3. Ibid. I,106).

3 – Le but de toute la rédemption, c’est ceci : que nous soyons là où se trouve le Seigneur…, que le Seigneur ait accompli ce qu’il a promis au Père, à savoir : lui rapporter du monde davantage d’amour qu’il n’en a reçu (Sur Jn 14,3. Ibid. I, 106).

4 – Des miracles, le Seigneur aurait pu en faire beaucoup plus qu’il n’en a fait. Il aurait pu guérir tous les malades de la terre. Et ceux qui croient vraiment pourraient le faire aussi… Mais ils font l’œuvre de Dieu plutôt en s’abstenant de faire des miracles qu’en en faisant. Ils sont pareils au Seigneur quant à son attitude réservée. L’essentiel concernant les miracles consiste dans cette réserve. Car le miracle principal de Dieu sur la terre, c’est la croix. Qui ternirait par l’éclat des miracles la gloire de la croix ne serait plus chrétien. Les miracles ne sont que des signes de Dieu, ils ne sont pas plus que des indications et des allusions discrètes qu’il y a encore plus grand… Il faut qu’ils soient délicats comme l’est l’effleurement du divin. On n’aura aucun égard pour l’instrument du miracle, mais tout égard pour celui qui en est témoin et qui doit être incité à la foi, à l’amour et à l’espérance (Sur Jn 14,12. Ibid. I, 140-141).

5 – Jésus se sait l’Élu de Dieu; c’est pourquoi quand les hommes le rejettent, il sait aussi, douloureusement, que les hommes rejettent Dieu. Dans la conscience de son élection, il doit comprendre le rejet entier et total du Père par les hommes. Il est venu pour glorifier le Père, et il expérimente que, par sa venue, le Père, en lui, est rejeté. Cependant il sait combien il est précieux pour le Père, justement parce qu’il est l’Élu du Père, qui a fait de lui une pierre vivante (Sur 1 P 2,4. Die katholischen Briefe I, 293).

6 – Si un homme désire en convertir un autre, il dispose pour cela de l’action et de la contemplation. De façon active, il peut chercher à le persuader, lui prouver et lui montrer bien des choses, l’initier à l’ensemble de la vie chrétienne. Mais il peut aussi, de façon contemplative, prier pour lui, souffrir pour lui et faire pénitence (Sur Jn 17,9. Jean. Le discours d’adieu II, 231).

7 – Jésus exhorte ses disciples à ne pas se laisser bouleverser : « Croyez en moi ». Ayez confiance : je fais pour vous ce qui est le meilleur. C’est avec le plus grand ménagement que Jésus parle ensuite de son départ : je pars vous préparer une place, et je reviens vous prendre avec moi, ce sera auprès du Père. Les disciples appréhendent le grand éloignement et ils demandent le chemin à prendre. La réponse de Jésus est surabondante : le chemin, il l’est lui-même, il n’y en a pas d’autre. Mais il est bien plus encore : il est aussi le but, car le Père à qui mène le chemin est en lui. Jésus s’étonne qu’un disciple n’ait pas encore reconnu cela après le long temps de vie commune. En lui, qui est la Parole de Dieu, Dieu le Père parle au monde. Les miracles de Jésus devraient vraiment amener tout homme à croire que le Père est dans le Fils, comme le Fils est dans le Père. Pourtant la figure terrestre de Jésus doit disparaître quand il va vers le Père, afin que nul ne confonde cette figure avec Dieu. Jésus ne va pas laisser les siens orphelins ; il habitera avec le Père en secret chez eux, de manière toutefois à se révéler à eux, et l’Esprit Saint de Dieu leur donnera l’intelligence : ils sauront qu’il est dans le Père, « et vous en moi et moi en vous ». L’Eglise fera même des œuvres plus grandes que le Fils : à l’Église est réservée une influence jusqu’au cœur du monde, une influence que lui-même ne voulait pas avoir. Sa mission à lui était d’agir, d’échouer et de mourir ; l’Église, mise en échec et persécutée, renversera toutes les barrières dressées devant elle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 75-76).

8 – L’homme est une pierre à bâtir que Dieu veut utiliser. Il lui donne la forme voulue pour qu’il puisse l’intégrer dans un ensemble dont il a besoin. Par cette forme nouvelle, on se trouve porté au-delà de soi, la résistance qu’on opposait est dépassée. On n’a plus rien à dire, on se tait. Non pas dans l’amertume, mais parce qu’en présence de la vérité de Dieu, on n’a plus d’argument. On doit admettre que ce qu’on voyait noir est en réalité blanc. Maintenant on est passé du côté de Dieu, en fait dans son monde céleste (Disponibilité 92).

9 – Personne n’a vu le Père sinon le Fils. Absolument personne ne peut comprendre l’essence de Dieu. La connaissance négative, qui s’arrête court, fait grandir le respect, l’attention, l’amour. Et il est salutaire au croyant de savoir que sa foi doit toujours demeurer foi. Car dans ce ‘doit’ se situent la liberté d’espérer et d’aimer. Ce qui est inconnu aiguise et avive l’espérance, fait grandir l’amour. Je ne crois pas ce que je sais, mais je crois avant tout ce que je ne sais pas, et cela rend ma foi plus forte, plus profonde, plus éprouvée, plus expérimentée. Le Fils n’a pas voulu connaître l’heure qui était pour lui d’une extrême importance ; ce fut pour gratifier notre foi d’un bel exemple : la grandeur d’un amour tout livré à Dieu, quand on ne veut pas tout connaître, quand on se maintient dans une disponibilité pleinement accueillante, dans une disponibilité qui, finalement, suppose la non-connaissance (L’expérience de la prière 43).

10 – D’une manière générale, celui qui prie ne doit pas avoir le sentiment, lorsqu’il termine sa prière - entendue au sens strict du mot - d’aller se disperser ; il peut parfaitement rester recueilli en Dieu lorsqu’il travaille. Il doit apprécier aussi la valeur du silence et du travail en silence ; il doit laisser Dieu occuper tout l’espace de son travail, même lorsqu’il lui faut concentrer ses pensées sur son travail ; alors, celui-ci terminé, il retournera à Dieu sans effort (Ibid. 48).

11 – Le Fils révèle ce qui est caché dans le Père et destiné par lui au monde. Le Fils est l’instrument de la volonté du Père, la visibilité de son mystère. Le Fils sait exactement qui est le Père, et son savoir est ainsi fait que, même en tant qu’homme et parlant la langue des hommes, il ne perd rien de son savoir filial. Ce qu’il proclame en tant qu’homme est vraiment ce que le Père a décrété. Avec toutes ses propriétés filiales, il remonte au Père pour, à travers tout ce qu’il fait, renvoyer au Père et le glorifier. Le Fils apparaît comme pure parole du Père, mais remplie de tout le sens du Père ; parole qui ne s’exprime pas elle-même mais qui exprime le Père (Cf. Dix-huit psaumes 25).

12 - Ce n’est que par l’accomplissement du Nouveau Testament et par le Seigneur que nous saisissons ce qu’est être vivant : avoir part à la vie éternelle, posséder une vie pour laquelle notre vie terrestre n’est qu’une comparaison. Dans le Fils ici-bas, la vie terrestre était prise et cachée dans la vie éternelle, tandis que pour nous la vie éternelle demeure cachée dans notre vie terrestre (Sur 1 P 2,6. Die katholischen Briefe I,299).

13 – La mission du Fils : révéler le Père et sa propre relation au Père (Passion nach Matthäus 116).

14 – Parce que le Fils a été choisi au sein de la Trinité pour nous sauver, c’est par lui que nous atteignons la vie trinitaire. Le Fils a pris sur lui nos péchés, mais il nous a pris aussi nous-mêmes en même temps. Si nous ne lui permettons pas de nous prendre, nous restons dans notre péché. La vie éternelle nous attend de telle sorte que nous y entrions avec le Fils. Il n’y a que deux possibilités : nous avec notre péché ou bien nous avec le Fils (Sur 1 Jn 5,12. Die Johannesbriefe 218).

15 – Parfois quand on voit un enfant, on dit : c’est tout son père, c’est tout sa mère (pour son intelligence ou pour sa beauté). De même le Fils : c’est tout le Père, le Fils invisible et l’Esprit ; de même aussi c’est tout sa mère : il l’a fait participer au mystère divin, il en a fait un être humain "surélevé", un modèle et le prototype pour nous tous. Et il s’apporte lui-même : par tout ce qu’il fait et donne, il est de plus en plus évident ; il est et demeure toujours Dieu certes, mais au cours de son incarnation il devient comme toujours plus profondément et plus purement un homme, jusqu’à la croix où sa divinité s’est voilée totalement et où son humanité s’est totalement dévoilée (Sur 1 Jn 3,9. Ibid. 110).

16 – Lecture de l’Écriture. "Montre-nous le Père" (à chaque verset) : mieux vaut cela et entendre la correction de Jésus que ne rien demander du tout. Quand, dans l’Écriture, nous pensons avoir compris quelque chose et que cela ne débouche pas sur la Trinité de Dieu, nous pouvons être sûrs que nous ne l’avons pas saisie de manière vivante. Nous ne comprendrons peut-être jamais comment l’Écriture est vivante, notre état de mort nous empêche de voir à quel point elle est remplie de vie (NB 10,2319).

 

5e Dimanche de Pâques B (Ac 9,26-31; 1 Jn 3,18-24; Jn 15,1-8)

1 – Le Père nous fait don du Fils et le Fils nous fait don du Père… Quand des parents reçoivent un enfant, le père peut faire don de l’enfant à la mère, la mère peut faire don de l’enfant au père, mais cela seulement parce qu’ils se sont d’abord donnés mutuellement l’un à l’autre et parce que, par là, ils se sont donné l’enfant l’un à l’autre (Sur 1 Jn 3,23. Die Johannesbriefe 142).

2 – Dans la vie de tout homme vient un moment où l’offre de la grâce de Dieu et la décision de l’homme forment une sorte d’équilibre. C’est en ce moment que se décide si la grâce est acceptée ou non, si l’homme est disposé à porter du fruit ou non. A l’instant même, l’homme doit se jeter sans résistance dans le plateau de la balance pour le faire basculer. S’il ne le fait pas, sa vie restera aride et stérile. Même si plus tard il devient un homme modèle qui accomplit de bonnes œuvres en quantité, qui peut-être vit chastement et essaie d’éviter le péché et toute faute, il lui manquera une chose : la fécondité qui provient uniquement de la grâce acceptée. Cette fécondité peut être tout à fait insignifiante, qui sait, cachée, dans un  modeste ménage chrétien, sans éclat extérieur, mais à l’intérieur elle sera toujours pleine de grâces et rayonnante d’amour (Sur Jn 15,2. Jean. Le discours d’adieu II, 12).

3 - La purification a lieu quand une personne s’abandonne à ce que le Seigneur exige d’elle, même si elle-même ne le comprend pas (Sur Jn 15,3. Ibid. II,15).

4 – Celui qui demeure dans le Seigneur malgré tous les arguments contraires et bien qu’il reconnaisse que dans l’Église beaucoup de choses pourraient être différentes et meilleures que ce qu’elles sont, celui qui demeure en lui comme un enfant de Dieu sait que c’est une grâce que de pouvoir y demeurer et qu’il serait prétentieux de vouloir tout juger et comprendre,celui qui ne désire rien d’autre que de vivre de la grâce et de l’amour du Seigneur, celui-là, outre les grâces déjà reçues, recevra la grâce nouvelle de pouvoir demander ce qu’il veut et d’être sûr de l’obtenir (Sur Jn 15,7. Ibid. II,23).

5 – Dans la parabole de la vigne, il y a d’abord une merveilleuse assurance : nous sommes enracinés quelque part, nous ne sommes pas des enfants abandonnés, des isolés. Nous sommes bien plutôt liés à une Origine qui donne force et produit des fruits, une Origine à partir de laquelle nous pouvons vivre une existence remplie de sens et utile. Mais cette assurance est basée sur l’exigence urgente de persévérer dans cette Origine : "Demeurez en moi comme moi en vous". L’exigence est si pressante qu’elle est assortie d’une menace : qui ne demeure pas, se dessèche, il est coupé, brûlé. Dieu le Père lui-même prend soin de l’unité du Fils avec les rameaux qui sont ses membres. Cette unité est l’événement central du monde et de son histoire ; elle est si étroite qu’elle ne tolère aucune demi-mesure : ou bien le sarment reste attaché au cep, ou bien il en est séparé. "Hors de moi, vous ne pouvez rien faire", quoi que vous pensiez pouvoir réaliser par vous-mêmes (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 75-76).

6 - Dieu est toujours plus grand que ce qu’on a compris de lui. Même chose pour toute parole de Jésus : de son enfance à sa mort sur la croix (Cf. NB 6,19-21).

7 – En raison de la communion avec le Fils, Dieu ne nous donne plus rien qui ne soit destiné qu’à nous seuls. Aucun chrétien ne peut se présenter seul devant Dieu. En nous donnant la confiance, Dieu nous la donne comme quelque chose d’accessible à tous. Il le fait par amour pour le Fils qui a fondé la communauté chrétienne (Sur 1 Jn 3,21. Die Johannesbriefe 139).

8 – Le vrai développement de la créature ne peut se produire que dans sa présence la plus intime au Créateur. Si la créature s’éloigne de lui, elle dépérit, et ce qu’elle a de meilleur, sa liberté, ne vient pas au jour. L’homme n’est pas ouvert à Dieu une fois pour toutes, il doit demeurer toujours attentif à s’ouvrir pour correspondre à l’acte permanent de sa création par Dieu (Sur 1 Jn 3,24. Ibid. 143).

9 – Devenir la personnalité que Dieu a prévue pour nous, correspondre à ses vues, et pour cela renoncer à nous-mêmes : c’est un acte où l’on dit non à soi pour dire oui à Dieu. Un acte qui doit avoir des répercussions dans les petites circonstances comme dans les grandes. Il n’est aucun terrain, que ce soit au plan de la nature ou de la surnature qui resterait réservé à notre libre disposition. Sinon, nous ne ferions que nous abuser nous-mêmes (Sur 1 Jn 3,24. Ibid. 144).

10 – Notre volonté de faire ce que Dieu attend de nous suppose notre volonté de le laisser faire en nous ce qu’il veut. Si nous le laissons agir en nous, il éveille en nous le désir de garder toujours plus ses commandements, et ces commandements, nous les verrons de manière toujours plus claire comme dominés par l’amour. Les commandements ne sont plus alors des exigences extérieures, ils sont ce qui correspond au désir de celui qui aime (Sur 1 Jn 3,22. Ibid. 139).

11 – Aimer aussi celui qui n’a pas la foi. Avec l’amour naturel et surnaturel qu’on a pour lui, il recevra aussi, sans le savoir, l’amour surnaturel. S’il sait par exemple que le croyant prie pour lui, il participe sans le vouloir à un monde de la foi qui lui est fermé mais, parce qu’il ressent l’amour authentique, il s’ouvre aussi à ce qu’il ne comprend pas. De la sorte, le devoir de l’amour des frères s’étend au-delà du cercle des croyants pour inclure tous les hommes (Sur 1 Jn 3,14. Ibid. 124).

12 – Aucun croyant ne se suffit à lui-même. Même l’apôtre a besoin des autres, même le religieux, etc., car le Seigneur est aussi dans les frères. Même si on était parfait, il serait impossible de ne faire que donner (Sur 2 Jn 12. Ibid. 286).

13 – L’incarnation est la plus haute preuve de l’amour du Fils, et pour le Père et pour les hommes. Tout son être, il l’a livré dans le commandement de l’amour. Il l’a vécu avant et après l’incarnation, pour le Père et pour les hommes. Toute sa vie fut l’expression de son obéissance d’amour. Dans son attitude de foi vis-à-vis du Père, il n’y a rien qui ne soit pour nous, sous une forme ou sous une autre, une invitation à le suivre, à l’imiter. Et dans ses expériences avec les hommes, dans les souffrances qu’ils lui infligent, il n’y a rien qu’il ne présente pas continuellement au Père. L’amour chrétien est fait de même. L’amour du prochain est renvoyé à Dieu. Si on dit à un chrétien : "Je t’aime à la folie", il répond : "Aime Dieu". Et d’autre part Dieu qui est aimé renvoie aux hommes celui qui l’aime (Sur 2 Jn 7. Cf. Ibid. 271-272).

14 – Tout ce que l’apôtre Jean rencontre, il le recueille à travers le prisme de l’amour du Seigneur. Quand il entend de la bouche du Seigneur : "Aime ton prochain comme toi-même", cela veut dire pour lui : le Seigneur est mon premier prochain. Pour Jean, en tout prochain, il y a de l’humain et du divin. En tout prochain, il doit chercher l’humain comme le divin. Non seulement le chercher mais aussi le trouver. Quand il parle avec son prochain, il ne parle pas de lui-même sans parler en même temps de Dieu ; s’il lui apporte son aide, c’est toujours une aide double : terrestre et céleste ; quand il prie, il ne se présente jamais seul devant Dieu, mais toujours en compagnie des frères. De la sorte, il n’est jamais seul (Sur 1 Jn 1,1. Ibid. 7).

15 – Hippolyte (+235) : il voudrait que tout homme qui entre en contact avec lui perçoive quelque chose du Seigneur (NB 1/1,266).

 

5e Dimanche de Pâques C (Ac 14,21-27; Ap 21,1-5; Jn 13,31-35)

1La trahison de Judas. Ce péché pourrait constituer pour l’Église un sujet de méditation infinie et épouvantée. Mais le Seigneur ne la laisse pas s’y attarder. Il rappelle aussitôt que rien ne peut entraver sa glorification, il détourne toute l’attention de la trahison et l’oriente vers la glorification. L’Église doit apprendre que c’est son devoir de viser immédiatement plus haut que toutes les nuits de la trahison et de lever les yeux vers la lumière de la gloire de Dieu (Sur Jn 13,32. Cf. Jean. Le discours d’adieu I, 83).

2Vous me chercherez. Où je vais, vous ne pouvez venir. Jésus ne veut pas consoler ses apôtres de son départ. Il leur dit qu’il vont éprouver un vide, car ils vont le chercher et le regretter.  En les appelant petits enfants, il leur a dévoilé son amour; maintenant il leur montre aussi leur amour pour lui, en leur promettent qu’ils le chercheront. Ainsi il les lie encore plus étroitement à lui, non seulement en tant qu’être aimés, mais comme de vrais amants qui le chercheront, lui le bien-aimé (Sur Jn 13,33. Cf. Ibid. I,84).

3A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. La mesure de l’amour, c’est qu’il prend tout sur soi. Il ne calcule pas, il prodigue seulement; tout ce qui peut être porté au nom de l’amour, il le porte. Aimer et souffrir ne connaissent pas de mesure, et il faut pour les hommes que ce soir pareil. Certes les hommes ne posséderont jamais l’amour dans sa véritable plénitude. L’amour reste un commandement, mais cette étoile doit briller au-dessus d’eux. Leur vie doit tendre vers cet amour et y pénétrer. Ils doivent se laisser entraîner progressivement par le Seigneur dans son amour incommensurable qui se prodigue totalement et supporte tout. Le Seigneur livre son commandement comme un commandement infini. Personne n’a jamais eu le pouvoir de s’arrêter sur ce chemin et de dire : ça suffit (Sur Jn 13,34. Cf. Ibid. I,88-89).

4Aimez-vous les uns les autres… A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples. A ceci et à ceci seulement. Aucune autre caractéristique de l’Église ne peut convaincre le monde de la vérité et de la nécessité de la personne et de la doctrine du Christ. L’amour rayonnant vécu par les chrétiens sera la justification de toutes les doctrines, de tous les dogmes et de toutes les prescriptions morales de l’Eglise du Christ (HuvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales C, p. 77).

5 – La voix dit : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes" (Ap 21,3). La voix indique cette demeure de Dieu, ce lieu où il habite, mais qui est aussi un lieu de réunion en tant que demeure avec les hommes. Un lieu où Dieu fait en sorte que les hommes laissent sa volonté se faire en eux. Dans une communion de devenir, de chemin, d’obéissance, de sainteté, où chacun offre à chacun tout ce qu’il possède et où Dieu, le Toujours-plus-grand, met à la disposition des hommes tout ce qui sert à leur accomplissement. Et la demeure promise par la voix est déjà là : Voici ! Ce n’est pas une demeure future ; le futur est ce qui est toujours présent. La demeure est présence, la communion existe, elle est approuvée par Dieu et par tous ceux qui l’accompagnent. C’était depuis toujours la demeure de Dieu, et elle prend maintenant les hommes en elle. Ils sont en communion céleste avec Dieu (L’Apocalypse 828-829).

6 Rapports entre justice, amour du prochain et amour de Dieu. Justice : c’est le minimum dans les relations avec les hommes. Il faut aller jusqu’à les aimer. Et l’amour du prochain, à son tour, doit s’ouvrir sur l’amour de Dieu (Sur 1 Jn 3,10. Die Johannesbriefe 115-116).

7 – Tous ceux qui vivent vraiment dans la grâce se trouvent vis-à-vis du Seigneur dans la situation de l’épouse devant son époux et ont part à la grâce de la Mère de Dieu. L’un peut faire l’expérience de cette grâce à la manière d’un mystique, l’autre non. Cependant la grâce est essentiellement la même, les missions sont différentes. Dieu ne donnera pas les mêmes grâces à la femme qui travaille en usine et à la religieuse qui vit dans un monastère. Et cependant la mission de l’une n’a pas un caractère moins nuptial que celle de l’autre (Cf. NB 5,27).

 

6e Dimanche de Pâques A (Ac 8,5-8.14-17; 1 P 3,15-18; Jn 14,15-21)

1 – Tous nos défauts et tous nos péchés proviennent uniquement du fait que nous n’aimons pas assez (Sur Jn 14,15. Jean. Le discours d’adieu I,148).

2 – Le Fils sait qu’il est  impossible de vivre sur terre sans consolateur. Etre privé du consolateur est à ses yeux l’épreuve suprême qu’il devra supporter, quelque chose d’absolument inhumain. Mourir dans la foi est facile; mais mourir dans la déréliction est atroce. Jusqu’ici sur son chemin terrestre, il avait toujours le Père à sa disposition, il demeurait en lui; et il voit que les hommes eux aussi ont besoin de quelque chose qui demeure en eux, qui les rende capables d’appartenir réellement à lui et au Père, d’accorder à eux deux plus d’espace, et cela ne peut être que l’Esprit Saint (Sur Jn 14,16. Ibid. I,152).

3 – Jamais le Fils n’aurait réussi à imposer ses exigences aux hommes s’il n’y avait pas l’Esprit pour introduire ceux-ci dans la pensée et l’attitude du Fils. C’est l’Esprit qui transplante dans l’attitude du Christ. Et cela ne se fait pas par hasard. Car c’était déjà l’Esprit qui avait préparé la place dans la Mère du Seigneur pour la naissance du Fils. La Mère prononce son oui, elle le dit elle-même. Mais une fois qu’elle l’a prononcé, le Fils s’incarne en elle par l’Esprit Saint. Ainsi nous devons, nous aussi, prononcer notre oui à un moment donné; ensuite le Saint Esprit fait grandir le Fils en nous. L’Esprit est la vivification permanente du Fils, il épanouit dans les âmes l’esprit du Fils (Sur Jn 14,16. Ibid. I, 152-153).

4 – Le Seigneur envoie le Paraclet, non pas comme Esprit d’amour ou d’espérance, de joie ou d’enthousiasme, mais bien comme l’Esprit de vérité. Il nous montre par là que tout ce qui vient du Père est foncièrement vrai et générateur de vérité, et que cela transforme notre vie trompeuse et trompée en vraie vie. – Et cette vérité précisément, malgré l’apparence contraire, est ce qu’il y a de plus existentiel. Pour qu’un homme, dans toute sa perplexité subjective, puisse s’approcher de Dieu, il faut qu’il soit amené d’abord à la vérité objective. La réalité de Dieu, la certitude infaillible, voire prouvable, qu’il existe, la mission du Christ et sa divinité, les signes distinctifs de l’Église authentique, les exigences de la vie chrétienne et de l’apostolat personnel, le contact avec Dieu dans la prière, tout cela forme le cadre solide dans lequel la vie nouvelle peut se développer. – C’est l’Esprit Saint qui place l’homme devant cette vérité inéluctable, par le prochain, par un livre, par une rencontre quelconque, et cette rencontre avec la vérité fait éclater d’un coup le petit univers subjectif de cet homme. L’Esprit vient à la demande du Fils et il conduit au Fils.  La reconnaissance de l’Esprit se fait grâce à la faculté de l’homme de ne pas accepter ses propres limites comme des limites rigides et définitives. Cela vaut pour tout chemin qui conduit au christianisme. Et cela vaut également à l’intérieur du christianisme même. Celui qui a reçu l’Esprit n’a plus la possibilité de prendre du repos. De nouvelles portes s’ouvrent sans cesse là où l’on croit avoir déjà franchi le seuil de la dernière pièce (Sur Jn 14,17. Ibid. I,156-162).

5 – Jésus s’était lu-même désigné comme "la Vérité", dans la mesure où en lui – dans sa vie, sa mort et sa résurrection – l’essence du Père est déployée parfaitement et définitivement. Ce n’est que par le destin humain de Jésus qu’a été prouvée la vérité de la formule inouïe : Dieu est amour (1 Jn 4,8.16), rien d’autre qu’amour ; tous les autres attributs de Dieu sont des formes et des aspects de son amour. Les disciples ne pouvaient pas saisir cette Vérité qu’est le Christ avant de recevoir l’Esprit de vérité. Cette vérité exige des hommes admis dans l’amour de Dieu qu’ils vivent eux-mêmes totalement pour l’amour, sinon ils ne pourraient pas être introduits par l’Esprit dans l’amour divin. C’est que la grâce contient toujours aussi l’exigence de la recevoir pour la comprendre (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 78).

6 – Le chrétien doit être "toujours prêt à la défense contre quiconque demande raison de l’espérance qui est en lui" (deuxième lecture). Le chrétien doit montrer à travers sa vie que l’Esprit de vérité l’anime en tout. Il n’y réussit pas en soutenant avec arrogance qu’il possède la vérité : notre réponse à ceux qui nous sondent doit bien plutôt être modeste et respectueuse. Modeste, parce que nous ne sommes pas les propriétaires de la vérité, mais qu’elle nous a été donnée ; respectueuse, parce que nous devons avoir le nécessaire respect devant l’opinion des autres et leur recherche de la vérité. En outre, le compte que nous avons à rendre ne consistera pas avant tout dans des discours polémiques et dans la manie de vouloir toujours avoir raison, mais en deux choses : une vie droite en face de laquelle les calomnies d’autrui doivent se taire, et la souffrance pour l’amour de la vérité, parce que nous devenons par là davantage encore conformes à la vérité dont nous faisons profession : le Christ lui aussi, le Juste (ce que nous ne sommes pas) est mort pour les injustes ; c’est en marchant à sa suite que nous lui rendons le meilleur témoignage (Cf. Ibid. 78-79).

7 - La souffrance : les croyants n’en ont pas moins que les autres. Mais leur souffrance est comme retournée : ils peuvent l’offrir à Dieu qui la leur rend sous la forme qui correspond à sa volonté. Partout où dans la foi et pour la foi il y a souffrance, des traces ineffaçables de la volonté de Dieu sont à découvrir. Par le refus de la juste souffrance, le pécheur perd non seulement la fécondité de sa propre vie, il cause du tort aussi à l’Église et finalement au Seigneur (Sur 1 P 3,17. Die katholischen Briefe I,357-358).

8 – Dans le don de soi, on cherche à servir Dieu et à montrer ce que Dieu nous donne de montrer ; et en cela je m’accorde tranquillement à la place que Dieu m’accorde (NB 9,1384).

 

6e Dimanche de Pâques B (Ac 10,25-26.34-35.44-48; 1 Jn 4,7-10; Jn 15,9-17)

1 – On ne peut pas être aimé par le Seigneur sans recevoir de lui une grâce, grâce qui est si réelle, quand même elle serait cachée, qu’elle ne peut pas échapper entièrement aux yeux d’un frère dans la foi. Si une personne nous est étrangère, mais que nous savons que le Seigneur l’aime, et si nous-mêmes nous prétendons aimer le Seigneur, alors cette personne ne peut pas nous rester indifférente : nous chercherons en elle l’amour du Seigneur. Nous la regarderons avec les yeux du Seigneur, nous chercherons ce que le Seigneur aime en elle et ce qu’il déposé en elle par son amour. Nous l’atteindrons à travers cet amour du Seigneur et non point par ce qui en elle nous paraît naturellement attirant (Sur Jn 15,12. Jean. Le discours d’adieu II,36).

2 – Tout chrétien doit, à un moment donné, se demander à quel état de vie il est appelé; chacun devrait se mettre une fois à la disposition de Dieu, tant pour l’un que pour l’autre, et se décider d’après le choix de Dieu (Sur Jn 15,14. Ibid. II,41).

3 – L’obéissance n’est pas l’invention de l’Église; elle est ordonnée et vécue par le Seigneur lui-même… Si le Seigneur ne s’était pas fait obéissant jusqu’à la mort sur la croix, alors l’obéissance du chrétien n’aurait effectivement aucun sens. Mais puisque le Seigneur a suivi ce chemin, la vie chrétienne n’a pas de sens en dehors de cette obéissance… Le fondement ultime de l’obéissance est  l’amour : car le modèle de toute obéissance est la relation entre le Père et le Fils. Tout ce que le Père ordonne est amour, même quand c’est dur; tout ce en quoi le Fils obéit est amour, même si, dans la nuit de la Passion, il ne comprend plus le sens du commandement… L’obéissance d’amour du Fils envers le Père est donc la norme de tout ordre et de toute obéissance humaine : on n’a le droit d’ordonner et d’obéir que dans l’amour. Il peut arriver que l’ordre ne soit pas donné dans l’amour, l’obéissance n’ira pas à sa perte… Le Seigneur s’en porte garant (Sur Jn 15,14. Ibid. II, 42-3).

4 – C’est toujours le Seigneur qui appelle le premier; et si nous consentons à l’écouter, notre marche à sa suite n’est qu’une réponse… Il peut, par un appel particulier, nous appeler au sacerdoce ou à la vie religieuse, mais si cet appel ne se fait pas entendre pendant un certain temps, alors il est clair qu’il a choisi pour nous la vie laïque et que nous avons à sanctionner ce choix par un acte explicite… Quant à l’homme qui s’est choisi lui-même son état de vie, le Seigneur lui donne aussi une grâce qui, dans cette voie, lui permet de vivre selon sa volonté. Ce sera toutefois une grâce de pénitence pour une vie de pénitence. Cette grâce peut être si puissante qu’elle nous permet de porter dans la joie du Seigneur la pénitence douloureuse pour notre surdité d’autrefois (Sur Jn 15,16. Ibid. II,46-8).

5 - Dans le Seigneur, il n’y a pas de stérilité. Même dans un mariage sans enfants, le corps ne demeure pas stérile; s’étant mis au service du Seigneur, celui-ci lui  indiquera d’autres possibilités de porter du fruit. (Il y a le fruit du mariage et il y a celui de la continence (Sur Jn 15,16. Ibid. II,48-49).

6Porter du fruit. Le vrai fruit est toujours le fruit d’un dépouillement, d’un désir réel de se donner, de donner même ce que nous aimerions plutôt garder, ce à quoi il est pénible et désagréable de renoncer… Il y a dans les offrandes des hommes à Dieu tant de réserves qu’elles empêchent la fécondité de leur fruit. - Quand l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre en pensant à tout autre chose, ils sont incapables de s’unir vraiment dans l’amour. Il en est de même pour l’amour entre l’homme et Dieu. Bien des choses dans les prières et dans les exercices de pénitence du chrétien son égoïstes, mesquines, détournées de Dieu : tout cela entrave leur fécondité (Sur Jn 15,16. Ibid. II,52-53).

7 – La participation du Seigneur à notre vie s’exprime aussi dans le fait qu’il nous fait participer à tout ce qui est sien. Le Fils, de toute éternité, a reçu du Père le droit de recevoir tout ce qu’il lui demande et de glorifier par là le Père. (Ceux qui appartiennent au Seigneur, les prêtres)… partagent le droit d’aller trouver le Père et de recevoir de lui ce dont ils ont besoin pour leur existence terrestre. Le  Fils est venu pour glorifier le Père, et il invite tous (les hommes) à le faire avec lui (Sur Mt 7,7. Le sermon sur la montagne 212 et 211).

8 – Jésus parle de son plus grand amour, qui repose dans sa mort pour ses amis ; mais pour que nous soyons ses amis, nous devons faire ce qu’il nous demande. Jésus promet à ses disciples que son amour demeurera en eux s’ils demeurent dans son amour, obéissent à son commandement d’amour. Il nous a partagé tout l’abîme de l’amour de Dieu et il nous a choisis pour y vivre ; qu’y a-t-il de plus naturel que nous laissions ce Tout nous suffire ? Et même ce Tout partagé est ce que nous pouvons toujours redemander au Père : si nous demeurons dans le Fils, "tout ce vous demanderez au Père, il vous l’accordera" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 77-78).

9Les païens reçoivent l’Esprit. La grâce de devenir chrétien ne dépend d’aucune tradition purement terrestre, ecclésiale, mais est toujours un libre don de Dieu "qui ne fait pas acception des personnes", à qui, "en toute nation, celui qui le craint et pratique la justice est agréable". C’est ce que montre la première lecture, dans laquelle l’Esprit Saint est conféré au centurion romain et à sa maison avant même qu’il ne soit baptisé. L’Église, représentée ici par Pierre, obéit à Dieu quand elle reconnaît ce choix de Dieu et qu’elle reçoit sacramentellement les élus en elle. La liberté de Dieu, même vis-à-vis de toute institution expressément fondée par le le Christ à son départ, est inculquée à Pierre à la fin de l’évangile de Jean : "S’il me plaît… que t’importe ? Toi, suis-moi". L’Église doit s’efforcer de gagner tous les hommes pour lesquels le Christ est mort et est ressuscité. L’amour surnaturel peut être parfaitement présent hors de l’Église, mais c’est certainement aussi cet amour qui pousse le centurion Corneille à entrer dans l’Église où l’amour de Dieu Trinité se trouve au centre (Cf. Ibid., 78).

10Le commandement de l’amour du Fils n’est rien d’autre que l’expression de l’amour trinitaire. Nous devons nous aimer les uns les autres parce que Dieu nous aime tant et surtout parce que Dieu est amour. La perfection consiste en l’amour miséricordieux et conduit à lui. Un amour du prochain qui s’adresserait exclusivement à l’homme et négligerait l’amour de Dieu aboutirait finalement à un cercle égoïste ; l’amour engendrerait un amour réciproque qui lui correspondrait et, dans cette réciprocité, il s’achèverait et s’épuiserait. L’homme serait écarté de sa destination infinie. Un croyant qui aime un autre croyant l’aime en vue de Dieu ; il aime son prochain pour l’amener à Dieu ; pas seulement dans un amour qu’il pourrait mesurer, contrôler lui-même, mais dans un amour qu’il met au service du Dieu toujours plus grand, qu’il offre comme une adoration, afin que Dieu le parachève. Son amour ne voudrait pas devenir fécond uniquement selon ses propre vues, il le laisse à Dieu pour qu’il l’attire à lui et, du ciel, lui donne son efficacité. Dieu accueille tout véritable amour comme une prière, pour l’employer là où il en a justement besoin (Cf. Le Dieu sans frontière 40-41).

11 - Le Fils ne peut pas faire autrement que d’aimer le Père, il sort du Père pour nous montrer comment on l’aime (Sur 1 Jn 4,10. Die Johannesbriefe 164).

12 - L’amitié de Dieu et celle des saints sont très différentes de l’amitié naturelle entre humains par le fait que celle-ci est toujours réciproque d’une certaine manière, tandis que celles-là par contre demeurent toujours unilatérales. Celui qui est aimé de quelqu’un, si cet amour est sympathie naturelle, peut conclure qu’il est, sur un point ou sur un autre, attirant et digne d’amour. Il a cette qualité. Il peut même s’en réjouir. Cette qualité peut être pour lui consolation et encouragement. Dans l’amour dont Dieu et les saints nous gratifient, l’être humain n’a le droit à aucun moment de tirer la conclusion qu’il est assuré d’avoir en main un gage qui le dispenserait d’un effort quotidien toujours renouvelé. Dieu est allé avec des mystiques jusqu’aux mystères les plus sublimes, mais les choses pouvaient toujours encore se gâter au dernier moment et une grande richesse être outrageusement gaspillée (NB 9, 1579).

13 – Qui ferme son cœur montre que Dieu n’a pas de place en lui, mais qu’en lui-même il est mort. Car l’amour et la vie ne font qu’un (Sur 1 Jn 3,17. Die Johannesbriefe 132).

14 – Pour Dieu, bénir quelqu’un, c’est le prendre en lui, lui indiquer pour ainsi dire la place qui lui est réservée en Dieu Trinité. Quand Dieu bénit quelqu’un, il l’emporte dans sa vie trinitaire. Et ensuite, avec sa mission, être sur terre celui que j’étais en Dieu par sa bénédiction : quelqu’un qui est aimé. Là réside la mission : être quelqu’un qui est aimé (Cf. Die Schöpfung 60-75).

15 – Amour du Père pour le Fils : il y a chez les hommes quelque chose de comparable. Comment penser l’Esprit ? Non seulement le Père aime le Fils et l’Esprit séparément, il aime aussi la relation d’amour du Fils et de l’Esprit, et il en reçoit un fruit. Cette relation est importante pour le Père, elle l’enrichit, il l’aime et compte sur elle. Une mère qui a plusieurs enfants est enrichie à la naissance de chaque nouvel enfant d’une relation nouvelle avec cet enfant, mais aussi par la relation du nouveau venu avec ses frères et sœurs. Dieu le Père trouve si infiniment parfaites sa relation avec le Fils et l’Esprit et leur relation réciproque que, pour en exprimer quelque chose, il a créé l’univers (NB 6,90).

16 – Tant que la foi n’est qu’une espèce de devoir inculqué, il n’y a après la prière d’autre satisfaction que celle du devoir accompli. Mais dès que Dieu a touché vraiment un croyant et que celui-ci a fait l’expérience que, dans la prière, il a réellement affaire à Dieu, que Dieu s’adresse à lui personnellement, ne fût-ce que parce qu’il sait que Dieu exige de lui quelque chose ou parce qu’il comprend que Dieu se laisse appeler et qu’il vient à l’aide quand on a besoin de lui, ou bien que Dieu possède des mystères remplis de joie qu’il veut partager, alors tout change (NB 6,574).

17 – La connaissance de Dieu est connaissance de l’amour. Qui ne connaît pas l’amour ne peut donc connaître Dieu. Connaître Dieu signifie renoncer à son propre point de vue, n’être attaché à aucun lieu, à aucune manière de voir, mais rester disponible pour que Dieu se fasse connaître comme il veut. Nous ne parvenons jamais à connaître l’amour par nos propres moyens. La véritable connaissance est celle que Dieu nous donne par l’effusion de son amour. Car il veut être connu, il veut que tous ses mystères deviennent les nôtres, mais à la base de cette volonté, il y a son intention d’être aimé de tous. La connaissance qu’il nous offre est sa réponse à notre amour ; mais notre amour n’est qu’une tentative de répondre au sien. La connaissance est le noyau de l’amour même (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique 106-107).

18 – En tout ce que le Seigneur nous donne, d’abord faire attention à l’amour. Impossible que quelqu’un dise sérieusement qu’il l’a un jour aimé et qu’il ne l’aime plus ; c’est que, quand il pensait l’aimer, il y avait déjà en lui quelque chose qui n’était pas juste. Le Seigneur ne nous rencontre pas autrement que dans son amour : que cette rencontre nous ménage joie, douleur ou tout autre sentiment. En toute rencontre apprendre à voir d’abord l’amour. Par là, il nous communique la vie éternelle comme signe de son amour immuable (Sur 1 Jn 5,12. Die Johannesbriefe 217).

19 – Que le Fils en tant que Dieu contemple le Père, cela va de soi, mais ici-bas, désormais, il le fait comme quelqu’un qui a changé de "milieu" et qui doit s’habituer à regarder conformément à ce milieu. Il faut qu’il parvienne à une vision du Père accessible à tous les croyants. Sa vision divine doit former, régler, contrôler pas à pas sa vision humaine de Dieu. Et sa vision humaine de Dieu culmine dans la certitude qu’il a de faire la volonté du Père. Il est tout à sa tâche et il regarde le Père pour bien l’exécuter. Il contemple le Père pour apprendre de lui la manière d’exécuter sa mission, de lui obéir (HUvB, AvS et sa mission théologique 139).

20 – Mission. Le Père ne peut envoyer que celui qui se met à sa disposition (Sur 1 Jn 4,9. Die Johannes briefe 162).

21 – Obéir à Dieu, c’est l’aimer. Le premier qui est né de Dieu et qui aime Dieu, c’est le Fils ; son amour réside dans le fait qu’il se laisse engendrer par le Père, et l’expression la plus parfaite de l’amour du Fils pour le Père est qu’il lui obéit. Cette manière aimante de ne vivre que du Père est vie éternelle, mais c’est aussi mort pour toute manière de ne vivre que pour soi, c’est une mort d’obéissance qui est encore beaucoup plus radicale qu’une mort unique. La promesse d’obéissance par amour est la plus douce musique d’amour qui puisse être pensée. C’est très clair pour le oui de Marie, où l’on voit comment la grâce du Seigneur lui fait don de l’obéissance parfaite, la donne avant même qu’il l’exige. Qui se décide pour la vie consacrée, dans laquelle il donne sa vie, devrait le faire avec un cri de joie et non avec le sentiment d’un sacrifice. Se livrer pour être distribué comme le Fils l’a été par le Père (Sur 1 Jn 4,9. Ibid. 162-163).

22 – Par amour pour nous, le Père renonce au Fils dans le ciel. Il assume la séparation qui était incluse dans l’envoi du Fils dans le monde. Qui aime veut que celui qu’il aime fasse l’expérience de l’amour. C’est pourquoi Dieu, qui nous aime, veut que nous soyons accessibles à son amour et il fait tout pour que son amour nous soit sensible. Le Père envoie le Fils et en même temps il lui permet de venir. Notre vie dans l’amour n’est pensable que nourrie par la vie du Fils,son amour nous touchera comme amour compréhensible. L’amour donne tout ce qu’il a, et ce que le Fils a, c’est le Père. Et ainsi le Fils, en se laissant envoyer, nous apporte l’amour du Père (Sur 1 Jn 4,9. Ibid. 160-161).

23 – Au sein de la Trinité, chaque personne honore l’autre parce que chacune sait ce que c’est qu’être Dieu. Ce n’est pas seulement pour honorer le Père et l’Esprit mais aussi par amour pour eux que le Fils est devenu homme ; de ce fait, c’est du sein de la Trinité qu’il a apporté à la nature humaine la loi de l’amour et qu’il en a vécu parfaitement le premier. Par son incarnation, tous les hommes deviennent nos frères et, dans le commandement du Fils, nos frères bien-aimés. Et les deux choses , l’honneur qu’on manifeste à chacun et l’amour fraternel, proviennent de la vie trinitaire de Dieu (Sur 1 P 2,17. Die katholischen Briefe I,319).

24 - Le Seigneur voit la distance entre ce que nous sommes et ce que nous devrions être. La sainteté est un point de départ. Les saints possèdent la vraie liberté de l’amour, ils n’ont plus la liberté de pécher. Leur vraie liberté a absorbé la liberté de pécher. Ils possèdent la liberté qui provient de la liberté de l’amour du Seigneur. Celui qui a atteint cette liberté a part à tout ce qui est au Seigneur, il peut même porter le péché sans le commettre, il a part au sacrifice d’expiation pour le péché (Sur 1 Jn 4,10. Die Johannesbriefe 165-166).

25 – C’est le péché qui nous fait sentir l’amour de Dieu comme lointain, obscur, affaibli (Sur 1 Jn 4,10. Ibid. 164).

26 – Il n’y a de connaissance de Dieu que dans l’amour : une connaissance qui est donnée par Dieu, qui n’est pas acquise par nous-mêmes. Dieu ne peut se donner à connaître que dans l’amour et par amour. La connaissance elle-même est amour, centre de l’amour. Il n’est aucun des mystères de Dieu qui ne soit l’expression de l’amour (Sur 1 Jn 4,8. Cf. Ibid. 159).

27 – Ce que Jean souligne, ce qui est important pour lui, c’est l’amour. Il est le disciple que Jésus aime et lui-même, il aime. On comprend que Jean aime plus encore par ce qu’il ne dit pas que par ce qu’il dit. Sans doute, dans ses lettres, il parle beaucoup de l’amour ; dans l’évangile, il ne mentionne que tardivement son amour pour le Seigneur, et comme en passant. L’essentiel pour lui : il est celui qui à la cène reposait sa tête sur la poitrine du Seigneur : c’est bref, c’est dit en passant, cela suffit pour tout dire, pour dire tout le reste qui n’est pas dit. Et pourtant pour tous ceux qui viendront après Jean, c’est peut-être ce qu’il y a de plus significatif, de plus rempli de sens, dans tout l’évangile (Cf. NB 5,32).

 

6e Dimanche de Pâques C (Ac 15,1-2.22-29; Ap 21,10-14.22-23; Jn 14,23-29)

1 - La cité sainte avait l’éclat d’une pierre très précieuse comme le jaspe cristallin. Tout ce que l’épouse peut faire, c’est de capter autant que possible cette lumière et de la refléter avec la plus grande pureté possible vers celui qui l’a émise. Mieux se laisser irradier par Dieu, voilà la véritable sainteté; tout le reste serait parodie et tromperie. Tous les efforts ne doivent avoir qu’un seul but : que la lumière de Dieu puisse mieux nous irradier et nous traverser. Or la moindre chose faite dans la lumière de Dieu irradie véritablement sa lumière, sans aucun affaiblissement. - Le point de départ, la racine de toute sainteté est donc l’humilité : vouloir se laisser aimer par Dieu et vouloir aimer soi-même dans cet amour de Dieu. Le saint qui voudrait irradier sa propre lumière ne serait pas transparent comme le cristal mais opaque. Il étoufferait la vie de Dieu par sa propre vie. La véritable sainteté est pure instrumentalité : se laisser irradier et traverser par l’unique lumière dans la parfaite transparence (Sur Ap 21,11b. Cf. L’Apocalypse 857-858).

2 Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. Garder la parole du Seigneur veut dire avant tout : laisser sa parole agir en nous. Sa parole est quelque chose de croissant qui doit s’épanouir dans chaque personne. Elle va transformer la nature de l’homme à tel point que le Seigneur sera de plus en plus le principe de la conformation de son moi. Et cela ne se fait que dans l’amour de celui qui accueille la parole. Car c’est en aimant que nous accordons à la parole la place qu’il lui faut pour s’établir et pour s’épanouir toujours davantage. Quand l’amour du Seigneur s’épanouit en nous, notre amour devient capable d’offrir au Seigneur une place en nous de plus en plus importante (Sur Jn 14,23. Jean. Le discours d’adieu I, 179-180).

3 – Dieu ne veut pas convertir le monde en une fois, par un miracle retentissant. Il veut plutôt conquérir des individus et faire d’eux une demeure pour d’autres. Il veut distribuer sa lumière, la faire rayonner dans les ténèbres du monde à partir de nouveaux centres. L’unique condition posée par Dieu, quand il s’apprête à prendre demeure chez un homme, c’est l’amour. L’amour est aussi l’unique signe distinctif qui relie entre eux ces hommes ainsi distingués par Dieu (Sur Jn 14,23. Cf. Ibid. I,181).

4 – Nous avons reçu une invitation si pressante à faire ce chemin (vers le Père, avec le Christ) qu’en fin de compte il importe peu que nous disions oui ou non, car nous sommes obligés de nous y engager, ni plus ni moins. Comme si le Seigneur montrait une montagne très haute et annonçait qu’il monterait là-haut et que nous tous irions avec lui. Il ne demande qui  en a envie ou non, qui espère réussir et qui désespère de jamais y arriver. - La seule chose qu’il nous laisse entendre, c’est qu’il n’aura point de cesse que tout le monde soit arrivé là-haut : les bons alpinistes aussi bien que les boiteux et les malades incapables de faire trois pas, ceux qui sont aussitôt près à marcher avec lui, comme ceux qui d’emblée estiment qu’une telle exigence ne les regarde pas. Par la témérité apparente du Seigneur et son insouciance, tous se voient entraînés dans une aventure qui semble insensée, dirigée vers une hauteur à laquelle un homme raisonnable n’aurait jamais osé songer, où normalement il ne pourrait même pas respirer. Et c’est précisément cette chose excessive qui est à présent l’exigence absolue adressée à chacun (Sur Jn 14,28. Ibid. I,203).

5Nous avons décidé à l’unanimité (Ac). L’Église doit être un lieu de paix dans un monde sans paix. Mais elle a à résoudre en elle-même certains problèmes qui provoquent d’abord des tensions et qui ne peuvent être résolus dans la paix que sous la conduite de l’Esprit Saint, en le priant et en l’écoutant. Le problème le plus grave peut-être qui se posait à l’Église des origines était la coexistence vraiment pacifique entre le peuple élu qui possédait une tradition divine millénaire et les païens de la nouvelle vague. Atteindre ici une coexistence vraiment pacifique exigeait des deux côtés des renoncements. De l’Église primitive, nous pouvons tirer exemple pour les renoncements qui s’imposent à nous afin qu’entre les différentes tendances dans l’Église s’établisse non un simple armistice, mais la vraie paix du Christ. Jamais un parti n’est complètement dans son droit, et l’autre complètement dans son tort. On doit s’écouter les uns les autres au sein de la paix du Christ, peser les raisons du côté adverse, ne pas absolutiser les siennes. Cela peut aujourd’hui comme autrefois exiger de véritables renoncements, mais c’est seulement si nous les acceptons que la paix du Christ nous sera donnée (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, p. 79-80).

6 - L’Esprit qui souffle où il veut s’empare aussi bien de la parole de l’Écriture que de ce qu’il y a de plus personnel dans le Seigneur ou dans l’âme du croyant ou dans la vie de l’Église. Tout ce qui est réel, même ce qui n’est que futur, est inclus dans le souffle de l’Esprit ; et celui qui médite comprend soudain que toute prière et tout objet de méditation peut recevoir de l’Esprit une extension infinie, avec des dimensions que seul connaît l’Esprit et dans lesquelles on doit se laisser conduire (NB 11,28).

7 - Le pécheur est comme un élève aux capacités très limitées, que le professeur doit à tout prix pousser jusqu’à l’examen ; il doit s’adapter à ses connaissances en chaque matière puisqu’on ne peut pas adapter l’examen. C’est tout l’effort de l’Esprit Saint dans l’œuvre du salut. Mais tout cela se fait avec une très grande tendresse, comme un professeur ne peut le faire chaque jour devant la stupidité et les insuffisances de son élève. L’Esprit nous a pris à son école et il a la patience de nous conduire jusqu’au Père (NB 6,561).

8 – Au ciel, il arrive toujours exactement ce que Dieu veut pour chacun en particulier. On n’a plus besoin de s’inquiéter de son propre désir parce qu’il correspond toujours d’avance au désir de Dieu. Si déjà sur cette terre on fait toujours par amour pour quelqu’un ce qu’il désire de nous, combien plus fait-on au ciel par amour de Dieu ce qu’il nous dit. Toute l’atmosphère du ciel est tellement amour que chacun fait ce qu’il veut et qu’il demeure cependant relié de la manière la plus étroite à la volonté de Dieu. Il y a ainsi une certaine manière de faire des plans avec Dieu, et cependant la liberté est infiniment grande. Et tout s’accorde (NB 9,1907).

9 – L’Esprit est ce qui relie, il est le filet qui tient tout ensemble et conduit à l’unité. Le Père nous a donné le Fils par l’opération du Saint-Esprit. Et quand le Fils demeure en nous, l’Esprit Saint aussi demeure en nous. Tout comme en Marie : l’Esprit Saint l’a couverte de son ombre et a mis en elle le Fils, mais en ayant le Fils, elle demeure remplie de l’Esprit Saint. L’Esprit est l’amour qui lie le Père à nous et rend possible notre reconnaissance dans le Fils, mais il est aussi l’amour qui lie le Fils à nous et nous fait don de la foi. Il était auparavant en toute parole de l’Écriture, et il reliait toutes ces paroles à l’unique Parole de Dieu. Détacher une parole de l’Écriture et soutenir qu’elle est inutile, serait défaire l’œuvre de l’Esprit Saint, toucher à l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit Saint en toute parole (Sur Jc 4,5. Die katholischen Briefe I,191).

10 – Dans la doctrine chrétienne, toute parole a une ouverture sur l’infini (Gleichnisse des Herrn 15).

11 – Il n’y a pas de "degrés" sur le chemin qui mène à Dieu S’il y en avait, on ne cesserait de chercher à savoir où on se trouve. On pourrait même aussi calculer combien de degrés il reste à franchir pour arriver tout en haut et on pourrait organiser son travail. Ce qui existe en réalité, c’est qu’on est attiré par Dieu par la pensée, la prière et l’action, avec pour effet que certains domaines sont abandonnés. Je ne pense pas tellement maintenant au fait qu’on cesse de pécher, que le mal cesse d’exercer sur nous une attraction, que nous laissons derrière nous la zone de la tiédeur, mais je pense à un mouvement à l’intérieur du bien. On se sent en sécurité en Dieu et on est conduit par lui à travers différentes régions si bien que le paysage change constamment de la manière la plus inattendue (NB 10,2135).

12 – Dans son effort concernant la vérité, l’Église ne peut toujours que progresser dans la vérité qu’elle possède. A chaque pas, elle sait qu’elle possède bien plus qu’elle n’est capable de connaître, et quiconque, dans la foi, se donne du mal pour la vérité, sait qu’il se trouve dans la même situation que l’Église dans son ensemble ; l’un et l’autre tendent vers la vérité tout entière qu’ils possèdent déjà parce que le Seigneur ne leur a pas fait le don de la vérité partiellement, il leur en a fait le don en sa plénitude (Sur 2 Jn 1. Die Johannesbriefe 255).

13 – On peut imaginer un bon vieux couple de quatre-vingt ans, qui a vécu dans le bien, qui a bien élevé ses enfants, qui a pratiqué, qui a fait des aumônes ; maintenant ce couple jette un coup d’œil en arrière sur une "vie heureuse". On ne peut rien attendre de plus de ces vieux, c’est pourquoi Dieu leur donne la "paix". Peut-être nous la donnera-t-il un jour quand nous serons dans une situation semblable. Mais pour le moment, il n’est pas du tout question d’une paix de ce genre ! Comme si la paix de Dieu pour nous pouvait être autre chose que la flamme et le baptême de feu, des déchirements (NB 8, 274).

14 – Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle, il nous invite chez lui (NB 10,2274).

 

Ascension A (Ac 1,1-11; Ep 1,17-23; Mt 28,16-20)

1 - L'Esprit est envoyé par le Fils en même temps que par le Père. Il confirme premièrement le caractère authentique de la mission du Fils qui a réalisé les promesses de l’ancienne Alliance, et deuxièmement le retour du Fils au ciel, puisque que le Fils avait promis d'envoyer l'Esprit une fois au ciel. En faisant cette promesse, le Fils montre que, même après son Ascension, le ciel demeure ouvert au-dessus de la terre. La sollicitude du ciel pour la terre n'a pas pris fin. Pas plus qu'Adam ne fut abandonné au monde par le Père, les apôtres ne sont livrés par le Fils à leur destin. Le ciel reste ouvert. Les promesses n'ont pas fini de s'accomplir (Les portes de la vie éternelle 107-108).

2 - Mon royaume n'est pas mon royaume. Tout ce qui m'appartient appartient au Père. Vous tous, mes frères créés, je vous aime pour l'amour de mon Père. Vous êtes le butin que je rapporte avec moi au défilé de ma victoire et que je dépose devant son trône. Croyez-moi, le Père vous aime; il vous aime tant qu'il ne m'a pas épargné et m'a livré pour vous. Il est l'ouvrier, je ne fus que son ouvrage. C'est lui qui a planté, créé et fondé, lui qui vous a choisis et prédestinés, qui vous a aimés alors que vous étiez encore des pécheurs, attirés à lui afin que vous receviez, comme une grâce, la mission d'annoncer la grandeur de sa puissance. A lui est le royaume, et c’est pourquoi vous devez prier ainsi : que ton règne arrive... - Le bonheur d'un homme qui a conquis un royaume à la pointe de l'épée pour l'offrir à sa bien-aimée, qu’est-il comparé au bonheur que j'éprouve à l'instant où je remets à mon Père le monde tout entier... Et ainsi c'est là mon bonheur d'être sa propriété et le rayon de sa lumière, et de revenir inaltéré dans son sein à travers le brouillard du monde. Pourtant je reviens au foyer plus riche que je n'étais sorti... - Nous sommes pris, moi et le monde, dans ce jeu de vagues de l'amour, et il n'y a rien au-delà sinon l'honneur toujours plus grand du Père toujours plus grand (HUvB, Le cœur du monde, éd. 1956,  185-187).

3 - A l'Ascension, le Fils retourne en Dieu et il reste, tout de même, continuellement en échange avec le monde, tant avec les individus qu'avec l'ensemble de l’Église, échange fécond qui a pour but de faire participer tous les hommes à l'échange trinitaire (Sur 1 Co 16,19-20. Première épître aux Corinthiens II,280).

4 – La première lecture contient l'évangile proprement dit. Les quarante jours de l'apparition du Ressuscité étaient un passage très mystérieux entre la vie et la mort terrestres de Jésus d'une part et son ascension au Père d'autre part. Dès le début de sa vie, il était celui qui avait été engendré par l'Esprit et qui était rempli par l'Esprit. Maintenant il est le Glorifié entièrement rempli de l'Esprit. Ce qui lui tient à cœur, c'est uniquement le Royaume de Dieu (v. 4) que les disciples auront à proclamer dans l'Esprit Saint jusqu'aux extrémité de la terre. Les disciples n'ont pas encore reçu l'Esprit et, pour eux, c'est toujours de la royauté en Israël qui est importante. Mais le désir des disciples est chassé par deux choses : l'attente priante de l'Esprit et l'envoi dans le monde entier. Ces deux choses constitueront l'essence de l’Église : la prière instante pour demander l'Esprit de Dieu et l'attestation. Ceux qui regardent Celui qui disparaît, les anges les renvoient à la double mission qui leur a été indiquée (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 79-80).

5 – La deuxième lecture décrit le pouvoir illimité que Dieu le Père a remis au Fils transporté au ciel. Et cela non seulement pour le temps éphémère de ce monde, mais aussi pour le monde à venir, glorifié en Dieu. Mais chose étonnante, une distinction est faite entre la puissance de Celui qui a été exalté sut le Tout et sa position comme tête de l’Église, qui est son corps. Ce n'est pas le cosmos qui est son corps, mais l’Église seule, dans laquelle il vit par ses sacrements, son eucharistie, sa parole, son Esprit et sa mission. L’Église n'est pas fermée sur elle-même, elle est ouverte sur le monde qui doit, par l’Église, être intégrée dans la plénitude du Christ et de Dieu. . Le Fils reçoit tout du Père et il transmet ce tout sans condition. La mission de l'Eglise est d'apprendre aux hommes à suivre tout ce que Jésus a dit et fait. Cette mission apparemment surexigeante est rendue possible parce que le Seigneur est tous les jours jusqu'à le fin du monde avec ceux qu'il envoie, garantissant par là la possibilité d'accomplir la mission (Cf. Ibid. 80-81).

6Qu'il vous donne l'Esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître (Ep 1,17). Cet Esprit fait partie lui aussi de la gloire du Père. Car le Père possède en lui depuis toujours toute la sagesse et toute la révélation. Mais il veut les donner. Et le Fils est la révélation de la sagesse du Père, tandis que l'Esprit Saint est celui qui communique à la fois la sagesse et la révélation. Cet Esprit, Dieu ne peut le donner que pour se faire connaître. Dieu confère à la communauté la connaissance de Dieu ; et cette connaissance comprend Dieu le Père sous la forme de la sagesse, Dieu le Fils sous la forme de la révélation, Dieu l’Esprit Saint sous la forme de la transmission de la sagesse et de la révélation, si bien qu'à présent le Père semble jouir d'une sorte de prééminence puisqu'il possède en lui-même la vie tout entière de la Trinité et que la connaissance de l'Esprit et du Fils conduit finalement à la connaissance du Père (Cf. L’Épître aux Éphésiens 49).

7Comprendre l’espérance que donne son appel (Ep 1,18). Dieu appelle et l’homme doit entendre. L’oreille que Dieu le Père a donnée à l’homme est capable de percevoir l’appel venant de Dieu. Dieu appelle dans l’Écriture, Dieu appelle par la prédication, Dieu appelle aussi dans chaque prière. Il n’y a pas de prière véritable où ne retentisse un appel. Que ce soit le Notre Père ou le Je vous salue Marie ou une prière spontanée : à l’arrière-plan il y a la voix de Dieu . Aucune prière ne peut être formulée sans que l’homme prenne conscience : Dieu appelle. Il m’est permis de prier et de croire, d’espérer et d’aimer parce que Dieu appelle, parce que sa voix ne peut se taire, parce que Dieu veut dire à chacun quelque chose de particulier... Mais nombreux sont ceux qui entendent l’appel de Dieu sans le prendre au sérieux (Cf. Ils suivirent son appel 7-8).

8Siège à ma droite jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds (Ps 110). Dieu honore Dieu en le faisant asseoir à sa droite. Il y a le moment où le Fils a terminé son œuvre et où c’est au Père d’œuvrer. Et pourtant le repos du Fils n’est pas sans effet ; s’il trône, c’est comme celui qui, à présent, règne avec le Père, est honoré par le Père, car c’est le Père qui veut, à présent, en finir avec les ennemis. Le Fils a travaillé et souffert sur la terre, son œuvre terrestre est accomplie. Et la glorification du Fils auprès du Père comprend non seulement la place à la droite de celui-ci, mais aussi le combat que le Père veut conduire en faveur du Fils triomphant. Le Père amènera les hommes jusque sous les pieds du Fils ; ensuite le Fils les élèvera par sa croix pour les ramener au Père (Cf. Dix-huit psaumes 203-204).

9 – Par son incarnation, le Fils a établi en lui-même une relation ininterrompue entre le ciel et la terre. Il est entièrement l’un de nous de sorte que tous ceux qui entrent en contact avec lui découvrent quelque chose de la vie du ciel. Et puisque Dieu le Père ne reprend jamais rien de ce qu’il a donné, l’ascension du Fils ne met aucunement fin à ce qui a été révélé. Le Fils retourne au ciel, mai celui-ci ne se referme pas derrière lui. La grâce ne perd rien de sa réalité ni de sa présence. Des signes vivants du ciel subsistent sur la terre. Pas seulement l’exaucement de toutes les prières qui sont faites en son nom en raison du contact personnel du Fils avec le fidèle sur la terre et avec Dieu Trinité dans le ciel. Le Fils lègue aussi à l’Eglise les sacrements comme des signes vivants de la présence du ciel sur la terre (Cf. Les portes de la vie éternelle 45-46).

10 - Le Seigneur voit chacun comme une personne envers laquelle il a une mission personnelle à remplir. Et cette mission ne s’épuise pas entre lui et celui qui se tient devant lui, il ramène toujours au Père. Et quand les disciples, dans leurs prédications et leurs exhortations, auront affaire au peuple, ils doivent toujours voir en lui ceux que le Père et le Fils leur ont confiés (Sur Mt 27,20. Passion nach Matthäus 125).

11 – Quand on reçoit de Dieu une mission, ce n’est pas pour la lui rendre. Il est quand même clair que Dieu veut qu’elle soit réalisée, et il y compte bien (NB 9,1411).

12 – L’Ascension. C’est comme si le Seigneur se disait : "Quand j’étais sur terre, je n’ai presque rien pu faire ; comment cela se passera-t-il quand je serai au ciel où je ne pourrai plus atteindre les hommes immédiatement ? Sur terre, le Seigneur pouvait parler aux hommes avec des mots humains qu’ils pouvaient comprendre. Après, il devra faire entendre sa voix dans l’infini de sa divinité. On n’entendra plus ses paroles dans la frcheur de l’immédiat, on ne les entendra qu’à travers un livre ou la bouche d’un autre. Le Seigneur est seul. Dans la joie la plus pure. Tout est accompli. Toutes les traces de ses peines sont effacées. L’amour en lui et autour de lui est rayonnant, comme si c’était la seule chose qu’il ait apportée aux hommes, comme si l’amour était le seul fruit de ce qui s’est passé (NB 6,304-306).

 

Ascension B (Ac 1,1-11; Ep 1,17-23; Mc 16,15-20)

1 - Allez par le monde entier. La partie décisive du message de Pâques réside en ce que le Seigneur confie aux Onze un mandat de mission illimité : le monde entier et toutes les créatures forment l'espace de ce mandat. Le champ de sa propre action était limité. Le Seigneur est à peine sorti des frontières de son pays. Il n'a converti qu'un petit nombre de gens. Et voilà qu'il donne aux disciples pas moins que le monde entier à convertir. L’Évangile doit être prêché à toutes les créatures. C'est un mandat illimité. S'il avait été donné pendant la Passion, ils auraient croulé sous son poids; Mais le Seigneur utilise la joie des retrouvailles pour leur confier ce mandat au cœur de cette joie (Sur Mc 16,15. Cf. Saint Marc 720-721).

2 - Et il s'assit à la droite de Dieu. Cela l'évangéliste le sait. Le Seigneur a promis de s'asseoir à la droite de Dieu. Et sa parole se réalise. Il s'assied à la droite du Père comme celui qui a fait tout ce que le Père a attendu de lui et qui lui rend tout à son retour au ciel. Ce geste montre la joie du Père et la joie du Fils qui se retrouvent sans s'être jamais perdus. Certes le Fils sur la croix n'a plus su où est le Père. Mais il n'était pas perdu. Il était dans la nuit de la Passion. A présent il retrouve le Père dans la joie de l'Ascension. C'est une joie qui associe le monde, scelle l’œuvre de rédemption : le Fils ramène au Père sa création (Sur Mc 16,19-20. Cf. Ibid. 725).

3 - Et il confirmait la parole par les miracles. C'est le Seigneur qui confirme leurs paroles. Il sait bien que les gens sont capables de comprendre la Parole dans une certaine mesure, mais qu'ils ont peut-être quand même besoin de plus. Il connaît leurs faiblesses. Le Seigneur cherche donc un moyen de conférer une force neuve à la Parole. C'est ce qui se passe dans les miracles. Les miracles ne sont jamais là pour distinguer certains, exciter et satisfaire le goût des gens pour la sensation, ils sont là seulement pour confirmer la Parole. Ils sont une façon de souligner la Parole, de l'expliquer, ils luis confèrent de l'intensité. Un miracle qui ne présenterait pas de rapport avec le Seigneur n'en serait pas un (Sur Mc 16,20. Cf. Ibid. 727-728).

4 – Les lectures d'aujourd'hui tournent autour d'un unique mystère : l'ascension de Jésus est en même temps l'envoi de l’Église dans le monde entier. Les disciples sont attelés à la construction du Royaume : l'Esprit Saint les en rend capables ; ils devront être les témoins de Jésus jusqu'aux confins de la terre. Pour leur ouvrir des espace grands comme le monde, la figure visible de Jésus disparaît : le point central du monde n'est plus désormais là où il était visible, mais partout où l’Église aura à se rendre. Il n'est pas dit aux disciples qu'ils trouveront partout la foi : ce n'est pas eux qui la confèrent par leur prédication, c'est Dieu, dans le cas où l'homme accepte sa grâce. L'homme peut aussi la refuser, par sa propre faute - non par la faute des prédicateurs – et s’exclure lui-même du salut. Il est promis aux disciples une protection particulière, et aussi un pouvoir particulier, si bien qu'ils n'ont pas à attribuer leur succès à eux-mêmes, mais au Seigneur qui les envoie. Et la même chose s'applique à ceux qui viennent après eux par la foi (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 79-80).

5Allez dans le monde entier. Personne ne peut faire tout ce qu'il y aurait à faire. Il faut se contenter de certaines choses. Supposons que je sois le seul chirurgien présent après une bataille et qu'il me faille soigner un millier de blessés : quel que soit l'endroit par lequel je commence, ce sera toujours au détriment du plus grand nombre. Je peux rechercher les cas d'extrême urgence , mais en même temps je ne dois pas perdre trop de temps à réfléchir ; l'essentiel est de prêter main-forte. C'est dans une telle situation que chacun se trouve dans l’Église, où les tâches surabondent, de sorte que l'on ne sait pas trop par où commencer. Nul n'est à lui seul l'ensemble de l’Église. Chacun se met à l'endroit où l'appel le place et essaie, à partir de cet emplacement, de comprendre son travail et de s'y appliquer. Tous les lieux du monde, mais aussi de l'Eglise, donnent sur des perspectives (Cf. Choisir un état de vie 99).

6 - Le Fils a parlé dans l’Esprit Saint ; au prêtre qui donne sa prédication est assuré le même Esprit Saint même si le prêtre est loin d’être lui-même la parole de Dieu. Mais ce qu’il a à dire n’est pas moins parole de Dieu que ce que le Christ a dit, cela provient de la même force de l’Esprit. L’ESprit peut faire que la pauvre parole humaine devienne parole de Dieu (Sur Is 54,14-17. Isaias 113).

 

Ascension C (Ac 1,1-11 ; Ep 1,17-23 ; Lc 24,46-53)

1Tandis qu'il les bénissait, il se sépara d'eux. Le Seigneur rappelle l'essentiel de la Sainte Écriture : la passion et la résurrection du Messie, et c'est ce qui est désormais annoncé à tous les peuples. Pour cette quintessence de toute révélation, les disciples étaient et restent les témoins oculaires, et cette grâce unique ("Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez") fait d'eux les témoins "choisis". Cependant le témoin principal est Dieu lui-même, son Esprit Saint, qui conférera à leurs paroles humaines "la force venue d'en haut". Ils doivent l'attendre, si bien que leur mission exigera une obéissance constante à l'Esprit. Le départ de Jésus vers le Père se produit avec une bénédiction finale qui enveloppe tout l'avenir de l’Église, dont l'efficacité dure à travers les temps et régit toute notre activité (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales, Année C, p. 81).

2Mes témoins jusqu'aux extrémités de la terre (Ac). Les Actes des apôtres élargissent le champ missionnaire jusqu'aux extrémités de la terre. La réconciliation réalisée par Dieu dans le Christ concerne le monde entier, tous les peuples doivent en bénéficier. Les apôtres ne font pas de propagande pour une religion déterminée, ils annoncent un événement divin qui intéresse par avance tous les hommes et les a déjà atteints, qu'ils le sachent ou non. Mais ils doivent le connaître, parce qu'ils peuvent alors placer leur vie dans cette lumière qui lui donne sens et l'ordonner en conséquence (Cf. Ibid. 81-82).

 

7e Dimanche de Pâques A    (Ac 1,12-14; 1 P 4,13-16; Jn 17,1-11)

1 - Seul le Seigneur dispose de sa propre souffrance. L’Église n'a pas son mot à dire dans ce domaine. La décision de laisser quelqu'un participer à la souffrance du Seigneur est entre les mains du seul Seigneur; l’Église peut tout au plus guider celui qui souffre, lui communiquer une meilleure compréhension de sa souffrance. Là où le Seigneur attend le fruit d'une souffrance, l’Église doit veiller à ce qu'il l'obtienne en totalité; et là où quelqu'un qui souffre veut faire don de sa souffrance, elle doit l'aider à la donner en totalité. Et parce que les croyants sont membres de l’Église, le membre qui ne souffre pas doit ouvrir à Dieu celui qui souffre et l'aider à réaliser le plus pleinement possible ce qu'il demande. Celui qui souffre doit être ouvert pour qu'il y ait en lui plus de place pour la souffrance que le Seigneur veut lui envoyer. Il faut aussi lui rendre le Seigneur plus proche pour qu'il reste capable d'accéder à la demande de Pierre qui exige qu'on se réjouisse aussi de la souffrance.  Pour qu'il sache qu'il lui faut accomplir ce qu'il y a de plus difficile dans la joie du Seigneur même s'il ne la ressent pas et que l’Église se contente de garder cette joie pour lui (Sur 1 P 4,13. Traduction dans la revue Communio, mai 1977, p. 41).

2 – Quand les chrétiens sont remplis de la connaissance vivante du Seigneur, ils ne peuvent nourrir pour lui que des sentiments de joie et de reconnaissance. Quoi qu’il puisse leur envoyer, ces sentiments ne se modifieront pas, ne dépendront pas de leur manière d’apprécier ce qu’il leur enverra. C’est ainsi qu’ils se réjouiront même quand il leur sera donné de souffrir, pourvu que ce soit là une véritable participation aux souffrances du Seigneur. Il peut nous associer à sa souffrance, nous faire participer au plus intime de sa souffrance. Nous ne devons pas nous en effrayer et nous laisser retirer, dans la nuit de la souffrance, la joie souterraine devant le droit qui nous est accordé de souffrir avec le Christ. Cette joie peut être à l’arrière-plan, elle peut être devenue insensible, mais il faut bien qu’elle soit là, même dans la souffrance la plus profonde (Ibid. 40).

3 - Foi et souffrance sont devenues un tout par le Seigneur : quiconque veut servir le Seigneur en recevra quelque chose. La souffrance est une marque du Seigneur. Il y a des souffrances qui possèdent dès le début la marque indubitable de quelque chose qui est imposé par le Seigneur. Il en est d'autres qui semblent n'être épargnées à aucun homme mais qui, par la foi, reçoivent également le caractère de souffrances imposées par le Seigneur de sorte que le chrétien peut y reconnaître le signe de la foi et le signe que la volonté de Dieu les permet (Sur 1 P 4,16. Die katholischen Briefe I,384-385).

4 - Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel. Le Seigneur se tourne vers le Père. Il lève les yeux au ciel comme pour mieux regarder le Père. Et pourtant il voit toujours le Père partout où il tourne les yeux. Il quitte le monde et les disciples pour être tout à fait libre pour la prière et pour le Père, et il nous enseigne par là que nous aussi nous devons, pendant la prière, laisser derrière nous tout ce qui nous entoure et nous préoccupe dans le monde. Dans l'entretien avec Dieu, il faut qu'il ait ces moments où il nous trouve, selon son attente, disponibles, uniquement ses enfants. Et même si ce n'est pas facile de se tenir devant Dieu entièrement dépouillé de ses propres préoccupations, cela reste néanmoins la condition indispensable pour obtenir ses dons les plus précieux. Ce n'est pas que Dieu se désintéresse de nos affaires terrestres, mais il faudrait que nous ayons encore plus d'intérêt pour les siennes (Sur Jn 17,1. Jean. Le discours d'adieu II,193-194).

5 - Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie. Cela veut dire avant tout : permets que se réalise en lui ce que tu as prévu pour lui de toute éternité; tu ne peux pas le glorifier mieux qu'en laissant s'accomplir pleinement ce qui a été décidé. Car pour le Fils, il n'y a pas de chose plus grande que de pouvoir faire exactement ce que le Père attend de lui. Si le Père lui permet de consommer l’œuvre parfaite, s'il ne lui épargne rien, ne reprend ni ne lui facilite rien, alors il prouve au Fils qu'il considère son amour comme parfait, qu'il n'y a rien à lui reprocher, que cet amour est si parfait qu'il sera en état de supporter même la passion parfaite (Sur Jn 17,1. Ibid. II,195-196).

6 - La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent. La vie éternelle est donc une connaissance. Le Seigneur prononce ce mot en se tournant vers le Père, pendant qu'il séjourne encore en ce monde; il le dit de la terre vers le ciel et indique par là le mouvement de cette connaissance qui embrasse la vie éternelle. Il ne dit pas quand aura lieu l'entrée dans la vie éternelle. Et pourtant il devient clair que le commencement de la vie éternelle coïncide avec le commencement de la connaissance de Dieu. Elle a donc déjà commencé en ceux qui vivent sur terre dans la foi. Il y a un début de la vie éternelle dans l'homme là où commence sa vraie connaissance de Dieu, c'est-à-dire sa connaissance dans la foi et dans  l'amour (Sur Jn 17,3. Ibid. II, 203-204).

7 - Les croyants sont ceux qui reconnaissent que tous les biens du Fils viennent du Père. Il est évident que toute distinction est impossible entre une simple foi en Dieu et la foi dans le Fils. La foi chrétienne se tient au milieu entre le Père et le Fils (Sur Jn 17,7. Ibid. II,221-222).

8 – L’Église prie pour demander l'Esprit (1ère lecture). L’Église obéit à l'ordre de Jésus : comme disciples de Jésus, avec Marie, les saintes femmes et les frères de Jésus, d'un même cœur ils étaient assidus à la prière pour demander l'Esprit promis. Nous n'avons pas le droit de négliger cette consigne précise de Jésus, par exemple en pensant que celui qui a été baptisé et n'est conscient d'aucun péché grave, possède de toute façon l'Esprit Saint. Celui-ci peut, en tant qu'Esprit Saint, entrer uniquement dans ceux qui sont pauvres en esprit (Mt 5,3), c'est-à-dire ceux qui ont leur propre esprit vide et inoccupé pour faire de la place à l'Esprit de Dieu. La prière de la communauté rassemblée demande cette pauvreté afin d'avoir de la place pour la richesse de l'Esprit. Il est magnifique que Marie, réceptacle parfaite pauvre de l'Esprit Saint, se trouve parmi ceux qui prient pour ajuster toute prière imparfaite et chétive par sa prière parfaite. Par elle, l'imploration pour le don du ciel devient parfaite et elle est infailliblement exaucée (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 82).

9 – L’heure de la croix est l’heure du Père, car c’est l’heure que lui seul connaît. Le Fils, qui pourrait la connaître, renonce à ce savoir. Une des raisons pour lesquelles le Père s’est réservé cette connaissance est sans aucun doute le fait que l’obéissance du Fils doit passer à travers l’épreuve la plus grave qui soit. C’est pourquoi le Fils renonce à une forme d’obéissance qui sait toujours d’avance ce qui va arriver et qui peut s’arranger en conséquence. L’obéissance qui ne sait pas fait précisément ressortir aussi toute la liberté du Fils à chaque moment de sa vie. Lorsqu’il assure expressément à ses disciples que personne ne connaît l’heure, pas même le Fils, mais le Père seul, il montre par là au Père qu’il ne fait rien pour dévoiler le mystère, qu’il est franchement disponible en tout sens, libre par rapport à tout entraînement à une chose particulière, libre pour tout ce que le Père peut ordonner (La face du Père 73).

10 Désormais nous pouvons voir dans notre prochain un être destiné à la vie éternelle. Pour le non-croyant, sa vie en commun avec nous est déterminée par les lois de la nature et de l’humanité ; pour nous, elle est déterminée par quelque chose de bien plus profond : par la destination à la vie éternelle. Le croyant est quelqu’un qui connaît Dieu Trinité, qui l’adore et qui voit dans la prière une forme anticipée de la vie éternelle. Ses paroles, que Dieu entend, atteignent leur destination : Dieu les accueille dans son éternité. Ainsi les notions de notre vie quotidienne se dilatent de façon prodigieuse. Nous le voyons pour le Fils. Apparemment son incarnation est un rétrécissement de son éternité, la croix qu’il porte est un fardeau qui affecte terriblement sa liberté divine. . Mais s’il en fut ainsi, c’est pour opérer en chacun une dilatation correspondante de la vie. Plus le Fils devient simplement un homme, plus il ouvre largement à l’homme la porte de l’infini (Cf. Les portes de la vie éternelle 103).

11 – Souffrance du Christ, souffrance du chrétien. Les comptes avec Dieu. Pas question de justice. Confier à Dieu le soin de gérer la souffrance injuste, comme a fait le Fils (Sur 1 P 2,20. Die katholischen Briefe I,325).

12 – Eucharistie. Le Seigneur nous a donné cette forme de sa présence comme signe de sa vie éternelle, pour que nous puissions nous laisser captiver et transformer par elle. Tous les dons de Dieu ont ceci de commun qu’ils communiquent sa vie, qu’ils cachent et dévoilent : ils sont tout à la fois mystère et don de cette vie. On peut poser mille questions sur la vie éternelle ou sur la manière dont nous verrons Dieu. Mais ce n’est pas parce que nous sommes capables de répondre avec profondeur à des questions de ce genre que nous avons davantage part à la vie éternelle. Y avoir part consiste à dire oui au don de Dieu. La vie éternelle n’est pas l’objet d’un savoir curieux, elle est grâce de la vie trinitaire (Sur 1 Jn 5,11. Die Johannesbriefe 215-216).

13 – Une église, c’est un lieu de communion avec Dieu (NB 8,517).

14 – Nous comprenons ce que Dieu le Père nous donne à comprendre par son Esprit ; mais l’Esprit ne nous donne l’intelligence que si nous l’en prions. Sa grâce est accomplissement de quelque chose qui est déjà là, et illumination d’un présent obscur. Quand nous prions l’Esprit, nous ne sommes pas contraints, et cependant nous y sommes incités par l’Esprit. Il est comme un soufflet qui pousse nos flammes dans une certaine direction et il devient flamme lui-même (NB 6,429).

15 – On ne peut pas aimer le Fils sans aimer en même temps le Père et l’Esprit (Sur 1 Jn 2,27. Die Johannesbriefe 84).

16 – Personne ne parvient au Christ qu’en priant (Lumina 52).

17 – Quand des chrétiens sont remplis de la connaissance vivante du Seigneur, ils ne peuvent nourrir pour lui que des sentiments de joie et de reconnaissance. Quoi qu’ils puissent leur envoyer, ces sentiments ne se modifieront pas, ils ne dépendent pas de ce qu’il leur enverra. C’est ainsi qu’ils se réjouiront même quand il leur sera donné de souffrir pourvu que ce soit une véritable participation aux souffrances du Seigneur. Dans la nuit de la souffrance, nous ne devons pas nous effrayer et nous laisser retirer la joie souterraine devant le droit qui nous est accordé de souffrir avec le Christ. Cette joie peut être à l’arrière-plan, elle peut être devenue insensible, mais il faut bien qu’elle soit là même dans la souffrance la plus profonde comme joie de reconnaissance ; nous la savons ancrée si profond dans le Seigneur quelle ne s’évanouit pas même quand toute notre capacité de sentir est requise par la souffrance. Celui qui ne souffre pas doit aider l’autre à s’ouvrir à Dieu et à l’aider à réaliser le plus pleinement possible ce qu’il demande (Sur 1 P 4,13. Traduction dans HUvB, Au cœur du mystère rédempteur 99-102).

18 – Toute souffrance pour la "justice" (pour une vie conforme aux enseignements du Christ) est incluse dans la souffrance du Seigneur et participe à sa pureté. Se dresser contre la souffrance, c’est refuser de participer à la passion du Seigneur (Sur 1 P 3,14. Die katholischen Briefe I,353).

19 – Beaucoup craignent que dans l’éternité on ne s’ennuie ou qu’on ne se fatigue à chanter sans cesse des cantiques. Mais le "chant" (ou ce que cela pourra être) est simplement donné comme cadeau en même temps que la joie (NB 5,250).

 

7e Dimanche de Pâques B    (Ac 1,15-17.20-26; 1 Jn 4,11-16; Jn 17,11-19)

1 - Dieu est amour; l'amour constitue l'être du Père, du Fils et de l'Esprit. Non pas un être fermé sur lui-même, en opposition à nous, mais communication essentielle et insertion de tous les hommes en lui. Nous sommes introduits dans l'amour du Fils, et le Père ne peut faire autrement que de nous voir inclus dans le Fils, inclus dans son amour pour le Fils, comme des êtres aimés du Fils (Sur 1 Jn 4,16. Die Johannesbriefe 177-178)

2 - Le péché : mieux vaut l'avoir derrière soi - on peut alors s'en repentir - que devant - on a encore l’intention de le commettre (Cf Jn 17,12. Jean. Le discours d'adieu II,241).

3 - Nul croyant véritable n'est de ce monde. Il y en a parmi eux qui aboutissent à une connaissance claire de l'autre monde; d'autres, tout en restant dans ce monde, sentent et devinent par une part d'eux-mêmes qu'il existe quelque chose d'autre que ce monde. Et plus cet autre, ce monde divin, devient transparent à l'homme, plus grande sera pour lui l'obligation de vivre dans l'action et la contemplation au service de l’Église, pour ce monde divin (Sur Jn 17,14. Ibid. II,253).

4 - La vie du chrétien est destinée à être un combat où victoires et défaites sont possibles; mais les victoires ne comptent pas parce qu'il faut les attribuer à la grâce du Seigneur, et les défaites non plus, parce qu'il ne cesse de les effacer et de les compenser. La seule chose qui compte, c'est la volonté de combattre selon l’esprit du Seigneur (Sur Jn 17,15. Ibid. II,257).

5 - L'obéissance est à la fois l'expression et la preuve la plus humaine et la plus divine de l'amour. L'amour veut obéir, il ne voudrait faire que la volonté du bien-aimé, sans être pris lui-même en considération. Et cela nullement par "abnégation", par "sanctification de soi", pas "mortification", ou par un autre entraînement ascétique, mais par la simple nécessité de l'amour lui-même. Dans toute sa faiblesse, mais entièrement résolu, il s'offre : "Fais de moi ce que tu veux!"- Ainsi est l'amour, prêt à tout, disposé à suivre à travers tout, que cela plaise ou non. Il n'a en tête que l'honneur et la gloire du bien-aimé. Il ne pense pas à ce qu'il abandonne et à quoi il renonce, il ne considère pas les difficultés de son entreprise ni ce que les autres font ou disent. Il fait son chemin dans la force de l'amour qu'il a reçu... Et il ne se demande pas davantage s'il est capable ou non. Au pire des cas, il succombe dans l'accomplissement de sa mission. Qu'importe? (Sur Jn 17,18. Ibid. II,266-267).

6 - La prière sacerdotale de Jésus est prononcée pour ainsi dire dans ce passage de ce monde au Père : le passage de sa vie terrestre à la mort en croix et à la résurrection. Pour nous, on peut le comprendre comme passage entre l'Ascension et la Pentecôte : le Seigneur est allé au Père, l'Esprit n'est pas encore venu. Où que nous soyons, nous vivons constamment dans ce passage. La demande de Jésus au Père pour les siens est double : qu'il veuille bien les garder du Mauvais, qui les tentera tant qu'ils seront dans le monde ; et qu'il veuille bien les consacrer dans la vérité, ce qui peut s'appliquer à notre consécration par l'envoi de l'Esprit Saint (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 81-82).

7 - Le besoin qu’a Dieu de nous prendre dans sa lumière signifie aussitôt communication en nous du même désir, de sorte que nous ne voulons pas aller dans la lumière sans les autres (Sur 1 Jn 2,9. Die Johannesbriefe 50).

8 – L’Esprit Saint nous conduit à dire oui à l’invisible de Dieu, à lui faire confiance au-delà de ce qu’on comprend. Mais il faut commencer par faire l’effort de comprendre ce qu’on peut (Sur 1 Jn 4,13. Ibid. 171-172).

9 - Dieu nous donne de son Esprit. Non pas tout son Esprit. Si nous l’avions totalement, nous devrions connaître le Père comme l’Esprit le connaît : tout entier. Nous ne recevons pas l’Esprit une fois pour toutes, mais cela dépend de notre situation. On le reçoit différemment à chaque époque de sa vie. Dieu nous communique de son Esprit autant qu’il le juge juste. Il tient compte aussi de notre accueil. Rarement il donne à l’improviste sans tenir compte de notre réponse ; la plupart du temps, c’est comme s’il attendait notre réponse pour donner à nouveau. Jamais il ne cessera de donner si nous demeurons dans la disponibilité (Sur 1 Jn 4,13. Ibid. 171).

10 – Dans la Trinité, un amour absolu unit le Père et l’Esprit au Fils. Dans cet amour, le Père et le Fils se tiennent à la disposition de l’Esprit pour qu’il rende possible qu’ils soient connus par le monde. Dans cet amour, le Père et l’Esprit se tiennent à la disposition du fils pour qu’il ramène le monde à Dieu. Dans cet amour, l’Esprit et le Fils désirent du Père qu’il les envoie tous les deux en une mission spéciale pour porter aux hommes l’amour réciproque des trois personnes comme l’expression la plus intime de l’amour du Père de manière si durable que l’homme demeure en Dieu comme Dieu demeure en lui (Sur 1 Jn 4,16. Ibid. 179).

11 – L’Église et le dogme ont à d’adapter le plus possible au Seigneur ; chacun doit en comprendre autant qu’il en est capable, mais demeurer toujours ouvert à la vision du Seigneur qui est plus grande et que personne ne peur atteindre, seul le Seigneur voit le Père. Toute introduction à la foi débouche sur l’invisible de Dieu. On ne peut pas conduire tout homme de la même manière : à quelqu’un de peu instruit, on peut expliquer moins de choses qu’à un homme cultivé. Mais tous atteignent finalement le point au-delà duquel il n’y a plus qu le Fils qui voit le Père. C’est pourquoi le dogme n’a pas finalement à être adapté au format de l’esprit de l’homme : petit pour les petits, grands pour les grands, l’Église et le dogme ont à s’adapter le plus possible au Seigneur (Sur 1 Jn 4,12. Ibid. 168-169).

12 – Le Christ et nous. Lui faire de plus en plus de place en nous. De la sorte, il acquiert la possibilité de nous transformer pour nous rendre semblables à lui. Nous prenons nous-mêmes en nous une place plus petite pour lui accorder une place de plus en plus gande ; de manière progressive nous devenons comme une part de lui-même. Et si finalement nous pouvons devenir comme il veut que nous soyons, cela se fait parce qu’il est en nous en permanence. Ce n’est pas quelque chose qui est terminé, cela porte la marque d’une perpétuelle croissance. En lui-même, Dieu ne grandit pas, il grandit en nous tandis que nous nous retirons par sa croissance en nous. Mais personne ne sait et personne ne peut dire la place que Dieu a prise en lui. Renoncer à le savoir fait partie du début du renoncement (Sur 1 Jn 4,17. Ibid. 179-180).

 

7e Dimanche de Pâques C  (Ac 7,55-60; Ap 22,12-14.16-20; Jn 17,20-26)

1 - Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. C'est la première fois que le Fils présente au Père non seulement les siens, mais ceux qui, par les siens, acquièrent la foi en lui, qui sont en route vers lui et se trouvent encore en dehors du seuil de l’Église... Ce sera plus difficile pour eux que pour les disciples... Les disciples ont connu en lui le Messie... Ils pouvaient nettement sentir qu'en lui et derrière lui vit un infini mystérieux qui les regarde et auquel ils se sont sonnés... Mais ceux qui viennent à la foi par les disciples ne voient pas le Seigneur; ils n'entendent de lui que la description des disciples et ne comprennent peut-être que très confusément comment ceux-ci vivent de la grâce du Seigneur... (Le Seigneur) inclut ces éloignés dans sa prière exactement de la même façon que les disciples. Il faut qu'ils soient capables de percevoir le Seigneur par la foi, l'amour et l'espérance, même à travers l'enseignement imparfait des disciples, de discerner aussitôt dans l'apôtre ce qui vient de Dieu et ce qui ne vient pas de Dieu. L'amour priant du Seigneur est assez fort pour leur communiquer cette clairvoyance... Ceux qui cherchent le Seigneur ne doivent pas, dans un premier temps, croire à l'apôtre et l'aimer, pour être conduits dans un second temps auprès du Seigneur. Il faut qu'ils croient dans le Seigneur et l'aiment aussi immédiatement que les apôtres eux-mêmes... Et l'apôtre n'a pas le droit d'accaparer l'amour de ceux qui cherchent; il ne peut pas conduire ses disciples au Seigneur par le détour de son propre amour; tout leur amour doit aussitôt être orienté vers le Seigneur. Si quelque chose en revient à l'apôtre, ce n'est que pure grâce du Seigneur, grâce à laquelle il n'a aucun droit... Celui qui s'approche de l’Église y vient attiré par la prière du Seigneur. C'est lui qui amène au prêtre ceux qui cherchent et celui-ci, à son tour, leur fait passer le seuil (Sur Jn 17,20. Jean. Le discours d'adieu II, 269-271).

2 - Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi. Père, je veux, dit le Seigneur. Il semble s'avancer vers le Père avec une revendication. Il proclame sa propre volonté et cherche à l'imposer au Père. Il n'atténue pas cette volonté, ne la cache pas sous l’humble forme d'une demande. Il lui laisse la forme directe d’une volonté clairement énoncée. Il faut que les siens, ceux que le Père lui a donnés, se trouvent là où il est. Il ne tolère pas de séparation. Il ne veut pas qu'ils soient présents seulement durant sa vie terrestre; il veut qu'ils parent sa vie éternelle dans le Père (Sur Jn 17,24. Ibid. II,293).

3 - Nul ne peut prétendre n'avoir jamais perçu l'exigence du Seigneur, car le Seigneur parle de manière telle que quiconque veut, peut entendre. Sa voix peut aller de l'inquiétude la plus légère à l'exigence la plus retentissante, elle peut être perceptible dans la nuit et l'abîme, elle peut aussi ravir au ciel, jusqu'à la perception physique de ses paroles; elle peut être entendue en lisant l’Écriture ou en écoutant le sermon, en recevant l'exhortation du confesseur ou encore dans le secret du cœur : c'est toujours la même voix du Seigneur, et nul ne peut dire ne pas l'avoir entendue... Même si on entend correctement, il y a dans la parole plus qu'on ne saisit, et ainsi chaque mot est déjà, en soi et comme tel, exigence et injonction de continuer à écouter (Sur Ap 22,17. L'Apocalypse 969).

4Ils verront ma gloire. Jésus termine sa prière sacerdotale au Père par la perspective d'entrer dans la gloire de son Père, sans toutefois laisser les siens en arrière, mais en les prenant avec lui dans cette gloire. Ils doivent pouvoir le suivre dans son passage à Dieu, car Jésus leur a apporté la nouvelle de l'amour de Dieu, et ils l'ont acceptée. Ainsi sont-ils déjà sur terre introduits dans l'amour trinitaire. La volonté de Jésus correspond à celle du Père, qui a envoyé le Fils dans le monde à cette fin. A l'arrière-plan de cette volonté du Père et du Fils se tient l'Esprit Saint qui mènera à son achèvement dans les croyants l’œuvre d'introduction accomplie par Jésus. La tâche de jésus a déjà été accomplie dans cet Esprit Saint, maintenant l'Esprit de Dieu, lien entre le Père et le Fils, a aussi à parfaire le lien entre le ciel et la terre. Alors le monde, quand il s'ouvrira à l'Esprit, pourra reconnaître que l'amour éternel du Père pour le Fils implique déjà l'amour pour les hommes : "Tu m'as envoyé, et tu as aimé les miens comme tu m'as aimé" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, p. 83).

5 La vraie question. Si nous supposons que Dieu fait toujours ce qui est juste, nous pouvons parvenir beaucoup plus facilement à la solution des questions que nous nous posons (NB 6,35-36).

6 - Le Fils est le seul qui comprenne la langue du Père et celle des hommes. C’est pourquoi il pouvait faire comprendre aux hommes la langue du Père (NB 3,154-155).

7 – Il se peut que j’aie à souffrir jusqu’à la fin et que je doive mourir dans l’obscurité de la souffrance et qu’il ne soit nullement question de voir les cieux ouverts comme Étienne. Cela n’a aucune importance, car la manière dont Dieu veut rencontrer le mourant, c’est lui qui en décide. Ce n’est pas le sens de la foi que j’aie une mort facile, mais que j’aille vers la mort que le Seigneur m’accordera. Peut-être dans l’obscurité, la souffrance, l’angoisse et sans plus rien voir. Mais peut-être aussi dans une dernière communication de la Bonne Nouvelle : "Je vois les cieux ouverts" (NB 6,284).

8 – Dans la mystique, il y a de la consolation. La mystique donne à l’homme deux choses qui lui sont nécessaires dans deux directions : l’élever et lui rendre Dieu plus proche. Elle lui donne ce dont il a besoin pour demeurer vivant, mais aussi ce dont il a besoin pour mourir en chrétien. Quand Étienne voit le ciel ouvert au moment de mourir, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour le lui donner, cela rend sa mort plus douce : il entre dans ce qu’il voit et qui correspond à ce qu’il espérait dans la foi. Il suffit que le protomartyr ait eu cette vision. Les martyrs qui le suivront pourront se préparer à la mort en se souvenant de cette vision (NB 5,35-36).

9 – Alphonse de Liguori (+1787) : difficile de dire quand il commence et quand il cesse de prier. Il a besoin de parler à Dieu de son travail (NB 1/1,197).

 

Pentecôte ABC   (Ac 2,1-11; 1 Co 12,3-7.12-13; Jn 20,19-23)

1 - Au cénacle avant la Pentecôte, les apôtres attendent en priant la suite des ordres de Dieu. Par l'Esprit Saint, chacun reçoit une image totale du Seigneur et l'intelligence de la plénitude de Dieu (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 155-156)

2 - Salomon désire ce que Dieu accorde de préférence : un don divin. S'il était possible qu'un envoyé reçoive dans la nouvelle Alliance l'ordre d'exprimer un vœu précis, il comblerait le Père de joie en demandant une grâce filiale... Ainsi le Père pourrait donner précisément ce qu'il préfère donner : l'Esprit (La mission des prophètes 49).

3 - Le Saint-Esprit se tient à la disposition... de l’Église... de telle manière cependant qu'elle doive sans cesse l'invoquer... Qu'elle possède l'attribut de l'infaillibilité ne la dispense pas du devoir de la prière pour demander l'Esprit. L’Épouse, dans son rapport avec l’Esprit, est toujours celle qui supplie (Sur Jn 20,8. Jean. Naissance de l’Église I, 188).

4 - Pour une écoute attentive de la voix et du message de l'Esprit Saint, le présupposé indispensable est une volonté d'ouverture continuelle envers Dieu... Si tu es ouvert à l'appel de Dieu, à l’Esprit Saint..., tu ne peux pas savoir quelle sera la réponse que tu vas entendre... Il y a dans le choix de Dieu une sorte d'absence de choix. Je choisis Dieu, mais lui me choisit dans un choix qui à mes yeux n'en est pas un. Je dis ; "A tes ordres, Seigneur". Et sa réponse peut être tout autre que celle que j'attends (Sur Jn  3,8. Jean. Le Verbe se fait chair II, 59-60).

5 - Comme le Fils s'est fait homme pour témoigner du Père, ainsi l’Esprit agit dans l’Église pour témoigner du Fils. Tout ce qu’il touche, il l'entraîne vers le Fils comme le Fils essayait de tout mettre en mouvement vers le Père (NB 6,419).

6 - Liberté de l'Esprit qui souffle où il veut : on pourrait la comparer à la spontanéité de l'enfant qui, par ses idées - drôles ou sérieuses -, prépare sans cesse à ses parents surprise et joie (NB 5,151).

7 - Tout comme l'Esprit procède continuellement de Dieu et jamais ne cesse d'en procéder, jamais non plus il n'a fini de prendre possession de l'homme... (L’Esprit veut que l'homme) se laisse toujours plus complètement gouverner par lui. L'homme ne peut pas dire : "J'ai l'Esprit", mais tout au plus : "L'Esprit m'a touché, j'essaie de croire". Parce que l'Esprit est éternel, ce qu'il a touché en l'homme porte des traces d'éternité (HUvB, AvS et sa mission théologique 235).

8 - L’Esprit, dans son rapport avec l'homme, a un triple aspect. D'abord il est quelque chose qui remplit l'homme et le stimule dans sa recherche de Dieu. Il est ce qui suscite le désir de Dieu et par là donne aussi le bonheur issu de ce désir, la joie en Dieu, le goût de Dieu, le désir d'être ouvert à Dieu... En second lieu l'Esprit est ce qui éveille en l'homme le désir de la prière. Il est la forme de la prière dont le contenu est l'amour... Enfin troisièmement l'Esprit est la source principale de la mission parce qu'il puise en Dieu le contenu de celle-ci et le pouvoir de l'accomplir. Il est cette source dans la mesure où il amène l'homme à discerner quelle est est sa vocation (Sur Jn 3,8. Jean. Le Verbe se fait chair II,58-59).

9 - L'Esprit, dans sa manière d'apparaître, est comme l'humilité de Dieu, il conduit au-delà de lui vers le Père et le Fils : il est flamme, langue, vent, colombe (NB 9,1566).

10 - L’Esprit Saint sait où l'homme doit regarder et aller pour être en Dieu et pour accomplir un nouveau pas vers Dieu en vérité. Un savoir qui n'exige aucun ravissement en Dieu mais qui est influencé humainement et en même temps influencé par Dieu . Un savoir qui se tient au point de rencontre de la nature et de la surnature et qui fait connaître clairement à l'homme  comment il doit se conduire dans la grâce (NB 6,391-392).

11 - Et maintenant, à la Pentecôte, l'Esprit descend sur eux. L’Esprit, qui auparavant leur parlait par la bouche du Seigneur, leur est à présent dévolu comme l’Esprit du Seigneur, leur parlant du Seigneur et le révélant. Grâce à cela, les liens purement humains, la compréhension toute littérale de ses paroles, sont transposés dans une liberté spirituelle et une intelligence spirituelle tout intérieure. Nul n'a besoin désormais de se rappeler ce qu'il a vécu personnellement avec le Seigneur pour posséder la mesure, la règle de la vérité qu'il doit annoncer sur l'ordre du Seigneur. - Par l'Esprit Saint, chacun reçoit une image totale du Seigneur et l'intelligence de la plénitude de Dieu. Cela les rend libres et majeurs dans leur commerce avec la vérité de l’Évangile. Ils n'ont plus à répéter timidement exactement les paroles reçues. Ils peuvent formuler  eux-mêmes le message sans avoir à craindre de s'écarter de leur mission. Ils peuvent interpréter la parole sans s'éloigner de sa substance (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 155-156).

12 - L'Esprit souffle où il veut : l'homme a souvent l'impression que cela se fait au hasard. L'homme est habitué non seulement à mesurer les choses de ce monde avec ses propres mesures, mais aussi à accueillir les choses de Dieu dans son expérience de chrétien conformément à l'attente qu'il s'en fait. Ce qui pourrait arriver en lui par la grâce de l’Esprit est d'emblée psychologiquement canalisé et réduit. Si le souffle de l’Esprit ne correspond pas à son attente, il dit qu'il ne comprend pas Dieu. C'est qu'il a cessé depuis longtemps déjà d'être avec lui (NB 11,24-25).

13 - L'Esprit Saint peut donner un sens nouveau à un mot de l’Écriture, à un mot que nous disons aux autres, à un acte que l'on pose (Sur 1 Jn 4,13. Die Johannesbriefe 173).

14 - L'Esprit prend toujours ses points de départ là où personne ne les attend ni ne les devine, et ainsi, sans être lui-même agité, il agite tout. Rarement un sermon agira par les moyens que le prédicateur juge efficaces, rarement une éducation chrétienne réussira par ce que l'éducateur considère comme particulièrement réussi. L’Esprit garde ses secrets, et sa grâce n'est pas transparente pour nous (Sur Jn 15,27. Jean. Le discours d'adieu II,83-84).

15 - A tout ce qui est fini et dépourvu de sens dans la vie humaine, l'Esprit Saint procure un sens infini et divin, il est le Paraclet, le Consolateur. Là où humainement il n'y a plus d'espoir, il prend son départ. Et qu'est-ce qui serait plus désespérant que la tâche dont le Seigneur nous a chargés? Il nous a ordonné d'aimer, et il nous donne le Paraclet pour que l'impossibilité de garder ce commandement ne nous désespère point. Le Paraclet est toujours là pour animer le rapport entre le Seigneur et nous, pour le rétablir là où il semble rompu par le péché et l'inconstance, pour le rendre plus vivant encore là où il existe. Rien pour nous n'est jamais du passé; tout reste toujours un avenir vivant. - Grâce à l’Esprit, il n'y a plus de pourquoi humain. L'existence obscure, le sort de la plupart des hommes, le renoncement continuel à maintes choses de la vie, l'absurdité de l'existence en général, l'incompréhensible répartition des biens et des destins, les réalités indéchiffrables, l'ennui de l'existence, les situations humaines sans issue, la désolation de vieillir, la découverte que cette vie ne sera jamais quelque chose d'achevé, l'impossibilité de vivre un autre destin que celui qui nous est imposé contre notre volonté, le temps qui passe irrévocablement, tout cela est résolu d'un coup par le Paraclet. Pourquoi nous sommes laïcs et pas prêtres, prêtres et pas laïcs, chrétiens et pas païens, pourquoi celui-ci fait-il partie de l’Église et pas celui-là... : toutes ces énigmes sont résolues par l’Esprit Saint... - La consolation de l'Esprit consiste dans le fait que dans cette existence unique, tout peut être contenu, que cette étroite vie humaine peut être si riche que l'infinité de Dieu y trouve sa place. C'est cela la consolation, et elle suffit (Sur Jn 14,16. Jean. Le discours d'adieu I,154-155).

16 - Jésus vint. En revenant vers ses apôtres, le Seigneur leur accorde un don infini, illimité, qui n'a aucune fin tant que le monde subsiste, un don offert à chaque croyant. Celui qui dans la foi dit : "Seigneur, reste avec nous", se trouve dans la grâce de cette expérience élargie de ses sens. Le plus petit acte d'adoration véritable touche Dieu. Toutes les possibilités de la foi se déploient ici, depuis la complète absence de contemplation jusqu'à la contemplation complète, elles sont toutes d'une importance secondaire au regard de la réalité primordiale : Dieu, dans la foi, se tient à notre disposition, il vient chez nous, se manifeste à nous, que nous le voyions ou non (Sur Jn 20,19. Jean. Naissance de l’Église I, 226-227).

17 - Il souffla sur eux. Et voilà qu'il souffle sur eux et donne à tout ce qu'il a dit une présence proche et sensible, comme lorsqu'il leur a montré ses plaies; Il leur rappelle encore une fois la réalité de son existence terrestre; bien plus, il les y fait participer par son souffle sensible, qui les touche. Quelque chose de son être le plus intime passe en eux. C'est un signe de l’intimité corporelle absolue. Chose mystérieuse, qui s'enracine dans son être corporel, passe en eux et leur communique quelque chose d’insaisissable. Il les met corporellement au centre de sa vie. Il leur communique immédiatement de sa propre substance, du mystère de sa vie. Le souffle du Seigneur transmet tout son mystère intime. Il contient toutes les réponses qu'on pourrait lui poser sur sa vie (Sur Jn 20,22. Ibid. I, 239-240).

18 - Avant tout, le Seigneur livre un mystère de sa vie, et cette vie qui l'anime, c'est l'Esprit Saint. Ce souffle sensible devient la figure du souffle éternel et spirituel, il manifeste la communication de la vie à l’Église. Dans tous les sacrements, on trouve cet élément sensible, porteur de l’élément spirituel, sans que l'Esprit y soit emprisonné. Dans le baptême, il y a l'eau; dans l'eucharistie, c'est l’hostie, porteuse de vie éternelle. Les figures matérielles sont pleines de signification, mais jamais il n'existe de proportion entre elles et la grâce qu'elles contiennent. Ainsi dans le rien d'un souffle trouve place la grandeur irreprésentable de l'Esprit Saint, le plus insaisissable qu'il y ait en Dieu (Sur Jn 20,22. Ibid. I,240-241).

19 - Recevez l'Esprit Saint. En soufflant sur eux, le Seigneur donne aux siens ce qui constitue sa vie la plus intime de Fils avec le Père, le plus profond de leur communauté divine. Il le leur donne comme un bien qui leur appartiendra, il le leur distribue. Qu'il puisse le faire est un fruit de la croix. Par la croix il a acquis la possibilité de communiquer sa vie sous cette nouvelle forme : dans l'offrande de l'Esprit Saint qui est invisible. Le chemin de l'Esprit Saint pour aller chez les hommes passe toujours par le Fils. Mais le Fils ne leur donne pas l'Esprit de lui-même, comme il l'a reçu du Père. Il le donne comme il l'a décidé avec le Père dès le commencement (Sur Jn  20,22. Ibid. I,241).

20Tous furent remplis de l'Esprit Saint. L'Esprit Saint est la personne le plus mystérieuse en Dieu, c'est pourquoi il peut se manifester sous tant de formes : comme un violent coup de vent et un feu, mais aussi très légèrement et intérieurement comme dans Rm 8,8-17 où il s'agit de se laisser conduire par sa voix et son inspiration intérieures. Quelle que soit la manière dont il se communique à nous, il est constamment l'interprète du Christ ; c'est le Christ qui nous l'envoie pour que nous le comprenions lui-même, sa parole, sa vie et sa passion, dans leur vraie profondeur. La venue de l'Esprit en vent de tempête nous montre sa liberté. "L'Esprit souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va" (Jn 3,8). Et si de plus il arrive en langues de feu qui se posent sur chacun, c'est pour rendre spirituellement de feu les langues des témoins qui se mettent à parler, si bien qu'ils peuvent aussi enflammer les cœurs des auditeurs. Les phénomènes extérieurs ont toujours avec l'Esprit un sens intérieur; son vent de tempête emporte ensemble la masse des auditeurs et son feu permet à tous de comprendre le message dans une langue qui leur est familière : ce message qui les touche n'est pas un message qui leur est étranger, qu'ils devraient d'abord étudier et traduire, il les touche en plein cœur (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, p. 85).

21Tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu. Le trait distinctif de l'Esprit divin est qu'il ne fait pas de nous des hommes spirituels orgueilleux, mais qu'il fait justement retentir en nous le cri du Fils : "Abba, Père !" (Cf. Ibid. 86).

22Il vous enseignera tout. L'Esprit approfondit en nous le souvenir de tout ce que Jésus nous a communiqué de Dieu par sa vie et son enseignement (Cf. Ibid. 86).

23 – Nous ne comprendrons rien à l'événement de la Pentecôte que nous décrivent les Actes des apôtres si nous ne gardons pas constamment devant les yeux que l'Esprit Saint descendant sur l’Église est l'Esprit aussi bien de Jésus-Christ que de Dieu le Père. La tempête et le feu par lesquels l'Esprit, à la Pentecôte, remplit l’Église dans sa totalité et chacun séparément par une langue de feu particulière, sont pour elle la preuve donnée par Dieu le Père et Dieu le Fils de sa fécondité : dans l'Esprit de la fécondité divine, elle pourra elle aussi être désormais féconde, ce qui se manifeste aussitôt miraculeusement dans le fait que tous les peuples comprennent chacun leur langue. (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année A, p. 83-84).

24 – L'évangile nous dévoile la tâche centrale de l'Esprit Saint qui nous a été envoyé : "Il vous conduira vers la vérité tout entière". La vérité dont il s'agit ici est la vérité de Dieu, telle qu'elle s'est révélée définitivement et inépuisablement en Jésus-Christ : elle consiste en ce que Dieu est l'amour et en ce que Dieu le Père a aimé le monde jusqu'à livrer son propre Fils. Cela, les disciples ne l'auraient jamais compris, personne, nous non plus, si l'Esprit de Dieu lui-même ne nous avait pas été donné pour nous introduire dans les sentiments intimes et l’œuvre salutaire de Dieu lui-même. L'Esprit Saint jaillit en Dieu de l'amour infini entre le Père et le Fils, il est cet amour et atteste celui-ci quand, comme "amour de Dieu", il a été répandu dans nos cœurs. Parce qu'il est le fruit de cet amour réciproque en Dieu, il ne révèle pas ce qui lui est propre, mais il expose seulement à travers tous les siècles sans relâche combien insondable et inconcevable est cet amour éternel. Or, dans l'amour, on n'est pas introduit comme dans une science théorique, mais c'est en donnant part à sa réalité qu'on enseigne à aimer au sien de l'amour englobant de Dieu (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 83-84).

25Nous avons été baptisés dans l'unique Esprit (1 Co, 12,13). Le baptême qui est le sacrement de l'entrée dans l’Église, apparaît comme le point de départ d'une évolution, la semence qui donnera un fruit. Nous recevons l'Esprit non pas pour que nous puissions le conserver dans un coin de nous-mêmes, mais afin que nous soyons pleinement abreuvés par lui. C'est un mouvement, une mise en service. De même que le Fils vient continuellement du Père et va vers Lui, nous venons aussi du Fils et allons vers lui grâce à l'Esprit. Mais, en se communiquant, l'Esprit nous renouvelle. Une fois abreuvés par lui, il nous oriente vers le Fils. Dieu a créé le monde pour le faire participer à la réalité divine. Notre être temporel est le point de départ d'un être destiné à être près de Dieu (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 98-99).

26 – Lorsque Marie fut couverte par l'ombre de l'Esprit, elle commença à aimer son enfant. A aimer, de manière toute proche et concrète, ce qui commençait à vivre en elle et vers quoi désormais se portait toute son attente. Son amour provenait de l'Esprit de connaissance, de l'Esprit Saint qui avait déposé en elle ce fruit. A son exemple, nous pouvons aimer l'Esprit dans l'attente ; nous n'aimons pas l'Esprit qui nous a permis d'accomplir tel ou tel acte, nous aimons l'Esprit qui fortifie en nous la foi et l’espérance, qui nous oblige à nous ouvrir et exige davantage de nous, et qui dans cette exigence du davantage, nous aime davantage, si bien que nous devenons capables de rayonner son amour. Sans transition, de personnes qui reçoivent nous devenons des personnes qui donnent, et il n'y a pas d'amour plus puissant que celui qui accomplit cette métamorphose (Cf. L'amour 56-57).

27 – L’Esprit est envoyé par le Fils, mais seulement après son retour au Père. Pour que la mission du Fils par le Père soit pleinement remplie, l’Esprit doit être envoyé. L’arrivée de l’Esprit est le sceau apposé sur la mission du Fils. De même que le Fils est venu révéler, non lui-même, mais le Père, de même l’Esprit est envoyé, non pour se manifester lui-même ou pour agir en son propre nom, mais pour représenter le Père, au nom du Fils, d’une manière nouvelle, afin que l’amour qui est en Dieu soit aussi en nous (Cf. Le Dieu sans frontière 56-57).

28 – L’Esprit souffle où il veut. Mais aussi quand il veut. C’est ainsi qu’il y a toujours dans l’Église des temps où il semble se passer davantage de choses, où l’Esprit souffle plus fort et où l’Église lui fait plus de place (Disponibilité 83).

29 - La révélation divine est progressive : le Père se manifestait dans l’ancienne Alliance avec une certaine réserve ; le Fils, en s’incarnant, apporte proximité et clarté ; finalement l’Esprit met en pleine lumière l’œuvre du Père et du Fils et s’offre lui-même personnellement à la Pentecôte. Dès le premier moment de son apparition, il se présente comme un envoyé. L’Esprit est envoyé par le Fils en même temps que par le Père. En se manifestant, l’Esprit confirme le Fils. Il confirme premièrement le caractère authentique de la mission du Fils qui a réalisé les promesses de l’ancienne Alliance, et deuxièmement il confirme le retour du Fils au ciel, puisque le Fils avait promis d’envoyer l’Esprit une fois au ciel. En faisant cette promesse, le Fils montre que même après son Ascension, le ciel demeure ouvert au-dessus de la terre. La sollicitude du ciel pour la terre n’a pas pris fin. Pas plus qu’Adam ne fut abandonné au monde par le Père, les apôtres ne sont livrés par le Fils à leur destin. Le ciel reste ouvert. Les promesses n’ont pas fini de s’accomplir (Cf. Les portes de la vie éternelle 107-108).

30 - Quand l’Esprit Saint couvrit Marie de son ombre la première fois, il fit naître dans son sein corporel le Fils incarné : un être humain concret, particulier. A la Pentecôte, le Fils enlevé auprès du Père fait de nouveau descendre sure elle l’Esprit Saint afin que, dans cette deuxième descente de l’Esprit, naisse toute la réalité concrète du corps de l’Église. Avant la Pentecôte, la Mère était toute attente, tout avent en vue de cette reprise spirituelle de sa première conception. Ce n’est qu’au moment où la descente de l’Esprit est effective que sa fécondité ecclésiale, de potentielle, devient actuelle. L’Église est le véritable corps spirituel du Seigneur. Ainsi, dans la Mère et par la Mère, le corps du Christ est enfanté deux fois : dans le Chef et dans les membres. Nous sommes membre de ce corps de l’Église. La Pentecôte est pour la Mère le point de départ d’une mission nouvelle, d’une mission devenue à présent véritablement infinie. C’est pour elle une fête sérieuse, une fête de la responsabilité. Elle est investie d’une tâche à perte de vue. Dans l’Église, les apôtres ont des fonctions partielles, réparties en quelque sorte entre eux. La Mère, elle, se porte garante du tout (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 189-191).

31 – Le Christ est comme un fondateur d’ordre : à l’Église il a donné sa règle, l’Esprit Saint (NB 6,420).

32 – L’Esprit souffle où il veut, et sa volonté est l’expression de ce que veulent le Père et le Fils (NB 11,38).

33 La Pentecôte, c’est l’instant où les apôtres reçoivent l’Esprit et en sont ivres ; ils parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles et ils se font comprendre. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Chacun peut se sentir interpeler et collaborer. Chacun peut comprendre (NB 9, 1988).

34 – L’Esprit se reflète dans l’Église. L’Église est capable de refléter l’Esprit (NB 6,438-439).

35 – L’Esprit peut nous rendre réceptifs au langage de Dieu (NB 9,2017).

36 – Parce que le Fils s’est fait homme, on croirait volontiers qu’il vaut mieux se tourner avant tout vers lui dans la prière comme si l’expérience qu’il a de notre monde le rendait plus capable de nous comprendre. Et quand vient la fête de l’Esprit, il nous semble un peu pénible de devoir nous occuper de lui maintenant, de lui confier notre prière. Mais aussitôt qu’on prie l’Esprit Saint, on remarque que la difficulté qu’on redoutait n’existe pas, il n’y a aucune difficulté à le prier. Seulement la prière est différente parce qu’on sait maintenant qu’on est entouré de l’Esprit. Il nous entoure de ses soins et nous abrite en lui. Il sait d’avance ce que nous avons à dire dans la prière, il sait pourquoi on le prie et, parce qu’il sait tout, il rend la prière facile. Mais la prière à l’Esprit a une particularité : plus qu’autrefois on pressent la grandeur et l’infinité de Dieu. Nous devons nous attendre avec certitude à recevoir de lui plus que ce que nous avons demandé. Nous ne savons pas d’avance en quoi va consister ce plus, c’est pourtant un fait. Peut-être aussi que nous ne le saisirons pas nous-mêmes et qu’il sera confié à quelqu’un qui est inconnu de nous ; au fond, peu importe qui sera concerné (NB 5,166-167).

37 – Recevoir l’Esprit Saint. On peut ne pas le recevoir dignement par manque de liberté. Pour le recevoir dignement, il faut renoncer à sa liberté. Si nous étions plus vivants dans la prière, nous pourrions recevoir infiniment plus, comprendre infiniment plus et être infiniment plus que nous ne sommes. En tant que mus par l’Esprit, nous serions des hommes libres. Il y a un choix entre ma compréhension de mon quotidien et la compréhension que m’offre l’Esprit. En général, ce n’est pas dans sa manière de s’imposer. Il ressemble à une mère qui a apporté quelque chose à son enfant ; pour une raison quelconque, l’enfant n’est justement pas en mesure de recevoir le cadeau ; la mère le met pour le moment dans une armoire, elle sait que le moment voulu viendra un jour. L’Esprit également, bien qu’il sache tout, espère que viendra l’heure où il pourra offrir son don. Mais pour le moment, nous préférons ne rien savoir de cette heure (NB 10,2285).

38 - L’esprit humain tourne autour de beaucoup de questions divines sans avancer; il ne cesse de s’y heurter. A peu près comme un Robinson qui ne peut pas se représenter ce qu’est l’amour, qui ne comprend pas non plus la sentence : "Aimez-vous les uns les autres" ; il peut tout au plus échafauder sans cesse de nouvelles théories sur le sujet; mais si, un jour, il rencontrait vraiment le prochain, il apprendrait alors ce que peut être l’amour. Il y a quelque chose de semblable avec la descente de l’Esprit pour la connaissance et l’amour des choses divines (NB 9,1563).

 

Fête de la Trinité ABC

1 - Il n'y a aucune humiliation pour le Fils si le Père le précède comme Père, et aucune humiliation pour l'Esprit de procéder du Père et du Fils. Et que l'un puisse recevoir la vérité d'un autre bien que toujours aussi celui qui reçoit puisse partager avec celui qui donne. Et ainsi de recevoir la vérité contribue à la plus grande gloire de Dieu, et c'est une égale béatitude de donner ou d’échanger (NB 6,68).

2 - Tous ceux qui ont affaire au Père ou au Fils ont affaire au Père et au Fils... Le Fils est le chemin vivant qui mène au Père, il occupe toute la largeur de ce chemin, si bien qu'à côté de lui il ne reste plus d'espace libre (Sur Jn 5,23. Jean. Le Verbe se fait chair II,142).

3 - Par sa révélation, Dieu sort de son silence et de son origine et se manifeste à nous dans le Verbe. Et que non seulement il parle à partir de lui-même, mais qu'il soit encore compris et accueilli par nous, cela relève de l'Esprit Saint qui est la source de toute union vivante. Toute révélation de Dieu est donc trinitaire, et la Bonne Nouvelle ne parle de rien d'autre que de la Trinité. D'un bout à l'autre de l’Évangile, l'unique objet de la parole de Dieu est la Trinité, comme celle-ci est aussi l'unique contenu de la création (Sur Jn 1,2. Ibid. I,28).

4 - Nous pouvons imaginer que nous procurons à Dieu de la joie maintenant, par exemple parce que nous nous réjouissons de son existence, parce que nous nous réjouissons de la joie qu'il nous procure quand il nous fait don de la foi. Mais plus profondément, nous devrions toujours penser à la joie que chacune des trois personnes trouve dans chacune des autres. Une joie superdébordante... Jaillissement perpétuel... - Pour utiliser le langage de ce monde : elle ne cesse d'être nouvelle. Nous pouvons lire cet aspect d'incessante nouveauté de l'être de Dieu dans la multiplicité des choses de ce monde qu'il a créées. Il n'a peut-être créé les nuages que pour que nous ne pensions pas qu'il est éternellement rayon de soleil permanent. Et chaque nuage à son tour est différent des autres; au ciel il n'y a pas un ton unique. Et les nuages deviennent féconds pour la terre; l'hiver comme neige, l'été comme orage; la pluie également a ses particularités. C'est ainsi que la fécondité de Dieu est toujours neuve également (NB 9,1938).

5 - Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu... L’Esprit pousse; il pousse si fortement que celui qui est poussé lui est livré dans la foi de sorte qu'à partir de ce moment il ne peut plus être poussé par quelqu'un d'autre. De l’Esprit il apprend à oublier toujours plus ce qui lui est personnel et à vivre dans le divin. Il se tient comme un disciple, comme un mercenaire, au service de l’Esprit. L’Esprit souffle où il veut, et celui qui est poussé par l'Esprit doit laisser à l’Esprit la possibilité de le faire souffler avec lui où le veut l’Esprit. Il ne comprend pas lui-même le plan et l'action de l'Esprit. Il ne peut que laisser faire. - Toute nouvelle animation de l’Esprit est éclatement d'une nouvelle vie, mais garanti par la vie elle-même qui est l'Esprit... L’Esprit pousse et souffle et accomplit tout ce qui s'appelle vie dans le croyant, et il n'y a ni éloignement de Dieu ni action de l'homme qui ne soit pas inclus dans ce souffle. Même quand s'accroissent les difficultés et que sa présence est moins perceptible, Dieu demeure proche... Dieu reste présent et reconnaissable en tout effort. Le fait d'être fils du Père fonde la poussée de l’Esprit... Solitude, doute, lassitude, fatigue, impuissance, souffrance, tout est inclus dans la poussée de l'Esprit : signes et marques que tout est en ordre sur le chemin (Sur Ro 8,14. Sieg der Liebe 42-44).

6 – Depuis le tout début de l’éternité, le Père a eu besoin d’aimer d’une façon parfaite. Et parce qu’en Dieu besoin et accomplissement sont une seule et même chose, de ce besoin, il a, de toute éternité, engendré le Fils. Et la première chose qu’ils font ensemble, c’est de faire procéder d’eux l’Esprit, de donner cette extension à leur amour devenu divinement objectif. Et comme il était déjà dans la nature du Père d’aimer de telle sorte qu’il devait engendrer le Fils, de même cette extension se trouve à ce point dans la nature du Père que le Fils et l’Esprit possèdent l’un et l’autre la nature du Père. Ils ne sont pas des descendants, des étrangers, des adoptés ; ils procèdent du Père dès le début et partagent sa nature avec lui. Et la première chose que font le Fils et l’Esprit, c’est de remercier le Père (Le monde de la prière 24).

7 La première fois qu’Adam vit la femme, ce fut pour lui une incroyable surprise : il n’était plus seul. Tout d’abord il ne voit pas en elle une copie de lui-même, bien qu’elle soit tirée de lui. Certes, il reconnaît en elle beaucoup de choses, comme les mains et les pieds, le visage. Mais avant tout, il voit l’ensemble de son humanité, un être humain qu’il ne connaît pas, bien que lui aussi soit un être humain. Il en est infiniment surpris. S’il n’était pas tombé dans le péché, cette surprise serait revenue vraiment à chaque rencontre. Leurs relations ne se seraient jamais émoussées. Toute réunion eût été nouvelle, un accomplissement inattendu. Et ce premier état de l’homme concordait avec l’image authentique (qu’il était) du Dieu Trinité. L’éternelle présence du Fils devant le Père est éternellement nouvelle et éternellement autre. Car, par l’amour et le don de soi, la divine délicatesse de la relation persiste éternellement et se renouvelle éternellement en elle-même. Et l’échange divin des deux dans l’Esprit Saint est comme une éternelle communion du Dieu un dans les trois personnes. Communion de l’étonnement. Et chaque fois qu’on est davantage comblé par les autres, on s’ouvre aussi davantage aux autres, comme un vase qui déborde sans mesure (Cf. Ibid. 232-233).

8 – Si le chrétien croit sérieusement dans le Dieu éternel et le connaît comme Père, Fils et Esprit, il sait aussi les relations d’amour qui existent de toute éternité entre les personnes divines. Au commencement était le Verbe, et ce Verbe éternel, c’est l’amour qui subsiste auprès de Dieu et qui dès lors demeure à jamais, sans affaiblissement, sans changement, pur amour. Ainsi est-ce surtout à partir de l’idée d’amour qu’il pourra se faire une idée de l’éternité. Chaque fois que ses rapports avec Dieu se mettent à chanceler, il doit reconnaître qu’il a manqué d’amour, qu’il s’est dérobé à l’amour de Dieu, qu’il l’a traité comme le jouet de son humeur. C’est avant tout par la fidélité et la constance de l’amour qu’on peut déduire et expliquer l’essence de l’éternité. C’est que l’éternité prend ses racines dans l’amour et y ramène, qu’elle est une propriété essentielle de l’amour. Un homme peut, dans son amour pour un autre, s’offrir à lui, il peut tâcher de lui procurer le plus de joie possible, de vivre totalement de cet amour ; mais il connaîtra toujours des moments de faiblesse et de fatigue, des moments où il se détourne de l’autre, ne fût-ce que pour un jour. Rien de pareil n’est possible dans l’éternité, parce que l’amour est omniprésent comme le noyau substantiel de l’éternité. Il est de sa nature de ne pas pouvoir s’arrêter (Cf. Les portes de la vie éternelle, 15-17).

9 - Il est, il était et il vient : c’est le Père. De lui, on ne peut dire qu’une chose, c’est qu’il est (Sur Ap 1,4-5. Die Apocalypse 465).

10 - La foi n’a pas fait son apparition seulement lors de la création d’Adam. En donnant la foi à Adam, Dieu lui a donné quelque chose de lui-même. Si Dieu est l’amour, il doit aussi être la foi, parce que la foi est constante disponibilité, et que celle-ci est la base de l’amour. Quand le Père engendre le Fils, il "croit" en lui. Quand les hommes engendrent un enfant, ils peuvent espérer en lui (parce qu’ils ne savent pas s’ils en auront un), ils ne peuvent pas croire en l’enfant comme le Père céleste étant donné qu’ils ne savent pas quel sera leur enfant. Mais quand Dieu engendre le Fils, il sait qui est le Fils parce que le Fils est Dieu. Car le Père adore aussi le Fils, et cette adoration est issue non seulement de l’amour mais aussi de la foi. Il laisse au Fils toute liberté de se mouvoir dans l’infini de Dieu et de trouver dans sa divinité toutes les réponses d’amour qu’il veut. La foi est comme l’espace qui doit être ouvert pour les réalisations infinies et imprévisibles de l’amour du Fils. Et cette nouveauté est due à la foi qui est plus que le fait limité de savoir une fois pour toutes (Sur Jc 2,22. Die katholischen Briefe I, 140).

11 - Quand un chrétien reçoit des grâces sans paroles (ou qu’il apprend que d’autres personnes en reçoivent), il sait qu’elles proviennent de Dieu Trinité, mais sans pouvoir préciser le côté du triangle trinitaire d’où elles viennent si aucune explication particulière n’est donnée ; les trois personnes y ont part, il faudrait une indication ou un signe pour qu’il sache que l’une des personnes divines en particulier s’est adressée à lui. En Dieu, on ne peut pas préciser l’origine de la grâce s’il ne le fait pas savoir explicitement (NB 6,96).

12 - L’homme qui, par la grâce de Dieu, habite dans la vie trinitaire reçoit dans son esprit la marque de la vie trinitaire. La vie trinitaire se développe en lui de telle sorte que sa conscience aussi en est saisie. Il en est ici comme pour l’avion qui s’élève ; le passager, qui ne comprend rien au vol, est emporté par la force et l’art du pilote. Il sait que l’avion s’élève, mais il vit l’événement davantage pour l’avion que pour lui-même. C’est un symbole de la Trinité qui nous élève, qui nous plonge dans la Trinité. Par la suite, comment traduire cela dans l’action et la mission ? (Die Schöpfung 65).

13 – L’être humain ne peut s’accomplir que dans une double relation mettant en cause une trinité de personnes : Dieu, le moi et le toi. Et le modèle et l’origine de cette relation est la Trinité de Dieu (Ibid. 57-59).

14 – L’amour du Fils s’exprime dans l’obéissance au Père et la liberté de l’Esprit dans le fait qu’il se laisse envoyer (Der Kolosserbrief 11).

15 – Par le Fils et l’Esprit, le monde est en mouvement vers l’éternel mouvement de Dieu - mouvement en DieuTrinité et mouvement de Dieu à la recherche du monde (Cf. NB 6,92-94).

16 – L’Esprit se tient devant le Père et le Fils comme un miroir où chacun des deux connaît le plus clairement ce que l’autre désire. C’est l’Esprit qui montre au Père ce que veut le Fils, et au Fils ce que veut le Père (NB 3,180-181).

17 – Le Père et l’Esprit ont un désir très fort de se communiquer au monde par le Fils (Sur Col 1,19. Der Kolosserbrief 31).

18 – Le but originel de Dieu est de faire participer les hommes au dialogue trinitaire. Toute l’organisation du salut par Dieu tend à ce but : l’incarnation du Fils, la vocation des apôtres, l’envoi de l’Esprit, la fondation de l’Église (NB 6,546-547).

19 – La vie trinitaire est mouvement éternel puisque le Père lui-même est dans l’éternel mouvement d’engendrer et de faire procéder, ne se reposant jamais en lui-même, étant le Père en tant qu’amour qui se communique à jamais. De ce même mouvement du Père surgit aussi sa création. Et comme le Fils et l’Esprit, dans un éternel mouvement, partent du Père et y retournent, le Père veut que sa création aussi entre dans ce mouvement trinitaire qu’il a rendu accessible au monde par la mission du Fils et de l’Esprit. Chaque jour où comme chrétien je ne progresse pas vers Dieu est pour moi une journée de mort ; mais je peux progresser sur ce chemin vers le Père parce que Dieu se communique à moi quotidiennement sous sa forme trinitaire (HUvB, AvS et sa mission théologique 192).

20 – Tout ce qui est visible dans le Fils est l’expression de toute la Trinité. Dans le comportement du Fils, il faut toujours voir aussi le Père et l’Esprit. Il y a des moments où toute la divinité apparaît dans le Seigneur, d’autres moments où c’est son caractère de Fils qui ressort surtout, d’autres où il s’efface en quelque sorte pour laisser le Père ou l’Esprit apparaître plus clairement (NB 6,551).

21 – Le Fils et l’Esprit rendent le Père visible pour nous (NB 6,403).

22 – Il y a en Dieu un tel échange d’amour que chacune des personnes voudrait être redevable à l’autre de ce quelle a en elle de plus caché, de plus intime, et elle sait aussi qu’elle lui en est redevable ; chacune est ce qu’elle est par le don de l’autre en elle, et ce mystère de l’amour est si profond et tellement en son centre qu’il serait absolument impossible de tracer ici des limites. Au contraire, les personnes et leur amour vivent de ce que depuis toujours et pour toute l’éternité ces frontières n’existent pas. Le Fils incarné ne verra jamais dans sa passion son œuvre propre qui serait délimitée vis-à-vis du Père et de l’Esprit, parce que dans sa passion, il ne fait que la volonté du Père. Exactement comme il en fut déjà lors de l’œuvre de l’incarnation elle-même : ici aussi le Père accomplit sa volonté quand le Fils l’accomplit (Sur Jc 2,22. Die katholischen Briefe I,140).

23 – Chaque homme porte en lui un schéma de la vie trinitaire, sa manière propre de participer à ce mystère. Chez l’un c’est la vie dans le Fils, chez l’autre l’amour particulier pour le Père, chez l’autre la compréhension des dons de l’Esprit Saint ; mais toujours ce qui est particulier débouche dans le trinitaire qui inclut tout (NB 9,1311).

24 - Aucun être n’a une relation aussi étroite à la Trinité que Marie. Elle est pour nous de manière précise le chemin et la représentation de la Trinité. Sans elle, le dogme des trois personnes en une nature serait quelque chose de totalement abstrait, de purement conceptuel, avec quoi on ne peut rien faire. Beaucoup de catholiques, littéralement, ne peuvent de fait rien en faire de correct. C’est Marie qui nous montre que l’unité des personnes est réellement l’amour. Quelque chose de chaud, de concret, de proche. Non pas comme si Marie elle-même appartenait en quelque sorte à la Trinité, mais elle est tellement la fille du Père, la Mère et l’Épouse du Fils, le réceptacle de l’Esprit qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes. Il est donc facile à comprendre que c’est seulement dans l’Église, qui connaît Marie, qu’une conscience vivante de ce dogme est possible (NB 8,969).

25 – A cause de l’unité de l’être de Dieu, il est impossible qu’une personne divine reste jamais en retrait par rapport à une autre. Chacune des trois personnes participe tellement à toutes les œuvres de Dieu qu’il nous est permis de nous savoir toujours entourés du mystère des trois personnes. Tout croyant ordinaire, chaque saint, a part au mystère qui fut offert à la mère du Seigneur. Et plus un être humain est pur, plus purement il fera l’expérience qu’il peut prier Dieu comme le plus proche des proches, si proche à vrai dire qu’il ne perçoit plus les différences entre le Père, le Fils et l’Esprit, bien qu’il connaisse la Trinité et bien qu’il reconnaisse la Trinité de la grâce en ce qu’il expérimente et reçoit de grâce (NB 5, 175-176).

26 – La liberté pour l’homme est de pouvoir s’intégrer à la liberté de Dieu. Le Père, le Fils et l’Esprit sont libres étant donné que, dans l’amour, ils font leur volonté qui ne consiste en rien d’autre qu’à faire toujours ce que veut l’autre. Car leur volonté trinitaire est toujours amour, on ne peut pas se la représenter en dehors de l’amour. Le Père, le Fils et l’Esprit sont dans la plus parfaire liberté parce qu’ils sont dans le plus parfait amour. On ne peut donc pas dire qu’ils sont dépendants les uns des autres. En Dieu, la liberté ne fait qu’un avec l’amour, elle naît de la vérité de l’amour (Cf. NB 11,408-411).

27 – Est-ce que le Fils préfère retourner au Père ou sortir du Père ? On comprendrait mieux qu’il préfère retourner au Père. En fait, et c’est à peine compréhensible, il aime autant sortir du Père que retourner à lui. L’indifférence ignatienne est fondée dans la Trinité. Infiniment plus que nous ne le pressentons, tout notre agir chrétien et toute notre passivité chrétienne proviennent de la Trinité. "Aime ton prochain comme toi-même" est finalement fondé dans l’amour trinitaire (NB 9,1997).

28 – Dieu est par essence Trinité. Il est impossible qu’il ne comprenne que le Père et le Fils. A la longue n’être que deux signifie la mort. Un face-à-face éternel de un et un finit toujours par épuiser l’amour. Pour que l’amour entre deux sujets se maintienne en vie, il faut toujours un troisième qui les transcende. Une tâche qui les comble, une source qui alimente leur amour, un intérêt commun, quelque chose qui stimule, prolonge, fasse éclater le cercle et offre à l’amour l’occasion de se renouveler à l’infini. Quelque chose qui les touche tous les deux et maintienne vivante leur relation. L’Esprit Saint est donc en Dieu la source authentique de la vie éternelle. Aussi est-il en Dieu ce qu’il y a de plus insaisissable, quelque chose de si mouvant qu’il n’existe guère de symbole pour lui. Il est la surabondance éternelle, ce qui excède toujours et donc conserve tout en vie (HUvB, AvS et sa mission théologique 108).

 

Fête de la Trinité A (Ex 34,4-6.8-9; 2 Co 13,11-13; Jn 3,16-18)

1- Qui ne croit pas est déjà jugé. Il n'est pas dit que ce "déjà jugé" est définitif, car l'amour du Seigneur est toujours plus grand que le refus de l'homme, et par conséquent lui offre toujours une nouvelle rencontre et un nouveau commencement. Le Seigneur ne cesse d'inviter, de sa part à lui l'invite ne connaît pas de limitation ni d'annulation éternelle (Sur Jn 3,18. Jean. Le Verbe se fait chair II,69-70).

2Deuxième lecture. Jésus a révélé le mystère intime de Dieu en se distinguant lui-même du Père tout en se manifestant comme provenant de Dieu et en distinguant encore une fois très clairement l'Esprit Saint de lui et du Père, bien que l'Esprit soit le lien de leur amour mutuel. L'incarnation du Fils a fait connaître au monde la vie intérieure de Dieu. Et le monde devint participant de cette vie, non du fait qu'il eût été aspiré en Dieu, mais du fait qu'il put entrer dans la ronde éternelle de l'amour en Dieu. La révélation totale de la Trinité commence avec la grâce du Seigneur Jésus-Christ . Cette grâce consiste justement en ce qu'il nous fait connaître l'amour de Dieu le Père ; et il nous la fait connaître par son existence tout entière, précisément aussi par sa passion et sa mort. Tout cela serait pour nous trop élevé et incompréhensible s'il n'y avait en outre pour nous la "communion du Saint Esprit", c'est-à-dire la participation à cet Esprit, par laquelle nous sommes introduits dans les profondeurs de Dieu que lui seul connaît (Cf. HUvB, Lumière de la parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 86).

3 – L’évangile nous fait entrevoir la dimension de l'amour divin. Jamais nous n'aurions pu supposer que le Père éternel pouvait tant aimer le monde qu'il a créé que, pour lui, il pouvait livrer son Fils bien-aimé dans les ténèbres de l'abandon de Dieu et les supplices extrêmes de la croix. Seul cet amour absolu est en même temps la vérité, à tel point que celui qui ne le reconnaît pas s'exclut de la vérité. Si l'amour trinitaire est l'unique absolu, tout homme qui se refuse à lui se juge lui-même (Cf. Ibid. 86-87).

4 – L’Esprit ne veut pas se prouver lui-même, mais prouver la vérité du Fils, qui annonce l’amour du Père. Il dévoile l’origine du Verbe et l’interprète jusqu’au fond. Le Verbe infini a son origine dans la plénitude ineffable du cœur du Père. Jamais Jésus n’a essayé de limiter l’océan de l’amour, dont il est issu, à partir de la rive terrestre, en lui donnant une définition. Il était toujours le Verbe venant de l’ "Ouvert" pour ceux qui s’étaient ouverts à lui. L’Esprit empêche que nous restreignions le Verbe en lui fermant notre cœur (Cf. HUvB, Le Saint-Esprit. L’inconnu au-delà du Verbe, dans la revue Lumière et vie, mars-avril 1964, p. 124-125).

5 – La Mère se donne totalement à Dieu, mais dans ce don est contenu le don d’elle-même aux hommes. Son double don d’elle-même imite, dans la mesure où c’est possible, le don de soi du Fils qui, en tant que Rédempteur, veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde (NB 10,2291).

 

Fête de la Trinité B (Dt 4,32-34.39-40 ; Rm 8,14-17) ; Mt 28,16-20)

1 - Les baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Le Seigneur exalté donne à l’Église l'ordre de baptiser sous le signe de la Trinité de Dieu tous les hommes qu'elle peut atteindre. La Trinité divine n'est pas simplement un mystère impénétrable (ainsi qu'elle est souvent présentée), elle est au contraire la manière dont Dieu a voulu se faire connaître au monde et spécialement et d'abord à nous, chrétiens : il est notre Père qui nous a tellement aimés qu'il a livré pour nous son Fils, et il nous a de plus accordé son Esprit afin que nous puissions connaître Dieu comme l'amour sans limites. Si l'on connaît la vérité chrétienne, il est tout simplement faux de dire que l'homme est incapable de reconnaître Dieu. Ce n'est pas seulement son existence que Dieu nous a fait connaître (de celle-ci, tout homme qui voit que les choses de ce monde ne se sont pas faites toutes seules, a un pressentiment), mais il nous a aussi accordé un regard sur notre essence intérieure. C'est ce que l’Église doit dire "à toutes les nations" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 85-86).

2 – L’Esprit d’amour, devenu libre (par le retour du Verbe temporel au silence éternel), peut maintenant interpréter le mystère double : Père et Fils. Dans l’espérance croyante, nous pouvons oser sortir du bateau avec saint Pierre pour atteindre l’infinité vivante de l’Esprit de Dieu. Il ne veut pas être vu, mais il veut être en nous l’œil voyant de la grâce. Il se soucie peu que nous lui adressions notre prière, il veut seulement que nous priions avec lui "Abba, Père". La transparence désintéressée de l’Esprit d’amour pénètre la Trinité tout entière et ne dévoile le sens dernier de la création que de cette manière ; l’Esprit Saint l’éclaire, non pour se révéler, mais pour révéler l’amour infini entre le Père et le Fils et pour incorporer cet amour dans la création. L’Esprit Saint est comme le plus intime de Dieu et aussi son plus extérieur. L’Esprit reste le Dieu inconnu qui nous révèle Dieu (Cf. HUvB, Le Saint-Esprit. L’inconnu au-delà du Verbe, dans la revue Lumière et vie, mars-avril 1964, p. 120- 124).

3 – L’image du Père est devenue vivante pour nous avant tout dans l’Ancien Testament et par les paroles du Fils. Quant au Fils, nous le voyons d’abord comme incarné, dans toutes situations de sa vie terrestre et de sa mort, il est toujours et partout l’Homme-Dieu. Mais cette rencontre elle-même avec l’Homme-Dieu nous est procurée par l’Esprit Saint ; nous devons être animés par lui pour saisir quelque chose de ce que Dieu peut être comme homme et l’homme comme Dieu. Nous remarquons alors aussi combien nous avons besoin de l’Esprit pour deviner quelque chose du Père et finalement aussi pour que l’Esprit lui-même devienne pour nous une réalité. On ne parvient à l’Esprit que par l'Esprit (NB 6,464).

4 – Ceux qui se laissent conduire par l’Esprit (Rm 8,14). L’Esprit pousse ; il pousse si fortement que celui qui est poussé lui est livré dans la foi de sorte qu’à partir de ce moment il ne peut plus être poussé par quelqu’un d’autre. De l’Esprit, il apprend à oublier toujours plus ce qui lui est personnel et à vivre dans le divin. Il se tient comme un disciple, comme un mercenaire, au service de l’Esprit. L’Esprit souffle où il veut, et celui qui est poussé par l’Esprit doit laisser à l’Esprit la possibilité de le faire souffler avec lui où le veut l’Esprit. Il ne comprend pas lui-même le plan et l’action de l’Esprit, il ne peut que laisser faire. Toute nouvelle animation de l’Esprit est éclatement d’une vie nouvelle, mais garanti par la vie elle-même qui est l’Esprit. L’Esprit pousse et souffle et accomplit tout ce qui s’appelle vie dans le croyant, et il n’y a ni éloignement de Dieu ni action de l’homme qui ne soit pas inclus dans ce souffle. Même quand s’accroissent les difficultés et que sa présence est moins perceptible, Dieu demeure proche. Dieu reste présent et reconnaissant en tout effort. Le fait d’être fils du Père fonde la poussée de l’Esprit. Solitude, doute, lassitude, fatigue, impuissance, souffrance, tout est inclus dans la poussée de l’Esprit, signe que tout est en ordre sur le chemin (Die katholischen Briefe I,42-44).

5 – L’héritage promis aux enfants de Dieu est d’abord caché en Dieu. Mais par l’Esprit, il est communiqué à ceux qui possèdent la foi, non pour les bercer dans une fausse sécurité qui les dispenserait de tout effort, mais pour qu’ils saisissent la grandeur de leur foi et du don de la vie (Sur Rm 8,17. Sieg der Liebe).

6 – Ce n’est pas son royaume que le Christ voulait fonder, mis celui de Dieu Trinité : "De toutes les nations, faites des disciples ; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit" (Mt 28,19) (Kostet und seht 249-250).

7 – La plupart naissent de Dieu dans le sommeil : le baptême des enfants. La conscience d’être né de Dieu n’est pas plus aiguë que la conscience d’une naissance pour une parturiente qui est anesthésiée. Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur. Mais Paul déjà doit faire l’expérience de naître de Dieu d’une manière beaucoup plus violente afin que la foi ecclésiale ne s’embourgeoise pas. Paul doit être un ardent pour que ce qui semblait naturel pour les premiers disciples ne dégénère pas en tiédeur (NB 10,2042).

 

Fête de la Trinité C (Pr  8,22-31; Rm 5,1-5; Jn 16,12-15)

1 - J'ai encore beaucoup à vous dire. Dans ce qu'il y aurait encore à dire sont compris tous les mystères. Le mystère de sa séparation du Père, de sa naissance, de sa jeunesse, de ses activités, de l'institution des sacrements, de sa passion et de sa rédemption. Tous ces mystère dont ils ne connaissent que l'ébauche, chaque fois qu'ils se rapprochent d'eux deviennent plus démesurés et plus béants... Dans toutes les paroles personnelles du Seigneur adressées à un individu particulier, dans tout ce qu'on peut appeler lumière personnelle et révélation privée, il y a toujours deux aspects : quelque chose que l'on peut communiquer et qu'il faut transmettre, et quelque chose qui demeure personnel et est incommunicable (Sur Jn 16,12. Jean. Le discours d'adieu II, 118-119).

2 - L'Esprit de vérité vous introduira dans la vérité tout entière. Il fera comprendre aux chrétiens que la passion du Seigneur est et reste féconde, qu'elle est mise au service et à la disposition de chaque vie et de chaque souffrance, que toute vie chrétienne se vit sous le signe de la croix et est menée par la croix vers le Seigneur. "L'Esprit ne parlera pas de lui-même". C'est l'Esprit Saint qui est à l'origine du corps du Fils dans le sein de la Mère. C'est lui qui a déposé cette origine en elle. Il se trouve donc à l'origine du mystère le plus intime entre la Mère et le Fils. Il fut témoin du choix de la Mère par le Fils et de l'acceptation de Marie de concevoir son Fils. Et c'est lui, l'Esprit Saint, qui les a amenés l'un à l'autre (Sur Jn 16,13 Cf. Ibid. II,121-122).

3 - Dans ce que le Père et le Fils possèdent, il n'y a rien qui soit exclusivement à l'un et non à l'autre. Ainsi en est-il de ce qu'ils possèdent. En ce qu'ils sont, il y a des différences essentielles, pour autant que l'un est le Père, l'autre le Fils. C'est ce qu'ils sont de par leur nature, et de manière irrévocable. Mais en ce qui concerne leurs biens, ils possèdent tous deux tant la paternité que la filiation. - Ce mystère nous apparaît plus clairement dans le Fils que dans le Père. Le Fils possède aussi la paternité. Il possède , par rapport aux hommes, aussi bien les propriétés du Fils que celles du Père. Il se nomme Fils de l'homme, et il est cependant le Père des croyants qu'il appelle aussi ses petits enfants. De même vis-à-vis du Père, il possède, au moment de la séparation, des qualités paternelles : il se sépare de lui comme Fils, mais il emporte avec lui toute sa mission qui lui vient du Père et il l'administre, non en qualité de Fils subordonné, mais comme collaborateur indépendant et finalement comme responsable; parce qu'il accepte une mission, il devient en quelque sorte le préposé de celui qui l'a institué comme tel. Il doit exécuter ici-bas la mission du Père, parce que lui seul s'est fait homme, et non le Père. - Puisque le Père ne s'est pas incarné, le Fils doit pour ainsi dire représenter et administrer le caractère personnel du Père. Par suite de cet état de choses, le Père se charge du rôle du Fils : il laisse au Fils une liberté totale, il ne se mêle pas de ses affaires, ne surveille pas l’œuvre du Fils comme on surveille les faits et gestes d'un mineur; il le laisse agir comme un être pleinement responsable; il ne s'érige pas en juge de l’œuvre rédemptrice du Fils. Il sait l'envergure de la tâche dont le Fils s'est chargé, et que, pour l'accomplir vraiment, il faut qu'il la réalise sans le Père, donc en étant séparé de lui. Sachant cela et se retirant devant l'indépendance du Fils, il place le Fils au-dessus de lui. C'est ainsi qu'il assume le caractère filial (Sur Jn 16,15. Ibid. II, 127-128).

4Il vous guidera vers la vérité tout entière. Cette totalité, c'est le mystère intime de Dieu, sa nature, que lui seul connaît. L’intérieur de Dieu est caché à tous tant qu'il ne le révèle pas lui-même et n'y fait pas participer. Cette ouverture de soi de Dieu est aussi la vérité tout entière, car derrière la vérité de Dieu ou au-dessus d'elle, il ne peut y avoir une autre vérité. Quand le Fils devient homme, il ne peut révéler rien d'autre que l'amour du Père et son amour pour le Père, et leur amour à tous deux pour nous. Mais nous ne pouvons comprendre ce mystère et y participer intérieurement que lorsque l'Esprit est infusé en nous. L'enseignement de l'Esprit est aussi illimité que ce qui est enseigné par le Fils (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, p. 87-88).

5 – Quand le Seigneur Jésus quitte ce monde, tout ce qu’il faudrait encore dire n’est maintenant pas possible, c’est laissé à l’Esprit qui introduira dans la vérité tout entière. Lui aussi, comme le Verbe, ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu (Jn 16,13). Ainsi, dans la révélation du Verbe, est compris un grand renoncement existentiel du verbe lui-même. Ce n’est pas lui qui continuera à prêcher après sa résurrection, plus puissamment qu’avant, le rôle actif est désormais transmis à l’Esprit : c’est lui qui mène l’histoire des apôtres, c’est lui qui dicte les lettres de saint Paul, c’est lui qui fera découvrir aux Pères de l’Église le "sens spirituel" de la lettre à partir des profondeurs de la révélation biblique trinitaire (Cf. HUvB, Le Saint-Esprit. L’inconnu au-delà du Verbe, dans la revue Lumière et vie, mars-avril 1964, p. 118-119).

6 – Chaque fois que s’ouvre à nous dans la foi une vérité, plus se multiplient les questions et se densifie le mystère (Cf. NB 6, 26-28).

7 – Comme le Fils s’est fait homme pour témoigner du Père, ainsi l’Esprit agit dans l’Église pour témoigner du Fils. Tout ce qu’il touche, il l’entraîne vers le Fils comme le Fils essayait de tout mettre en mouvement vers le Père (NB 6,419).

8 – Dieu aime tant le monde qu’il veut lui montrer des aspects toujours nouveaux de son amour. Il le fait encore durant les siècles chrétiens bien que tout soit déjà compris dans la Bible. Tout est là, mais personne ne connaît la plénitude de l’Écriture. Ainsi Lourdes s’y trouvait aussi sans que quiconque pût le soupçonner. Et la petite Thérèse, qui nous dévoile son modeste cheminement quotidien, nous ouvrant de la sorte une nouvelle perspective sur l’amour de Dieu. Et le curé d’Ars, qui nous montre comme pour la première fois ce qu’est la confession. Il la libère de la lassitude des chrétiens et en fait une manifestation rayonnante du Saint Esprit. L’imagination de Dieu est sans cesse à l’œuvre pour tirer l’Église de son embourgeoisement (HUvB, AvS et sa mission théologique 98-99).

9 – Supposons une fiancée dont le fiancé l’aime plus qu’elle ne l’aime. Le fiancé peut alors lui donner de son amour afin qu’elle l’aime en retour avec son amour à lui, il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d’elle en retour. Dieu peut faire de même : il m’envoie son Esprit et je l’aime en retour avec cet Esprit. C’est ainsi que fait le Seigneur avec son Église (NB 4,423).

10 – Dieu donne de temps en temps à son Église de nouveaux aperçus (sur la foi), qui sont comme un coup d’œil sur lui, comme une vision inchoative dont la signification n’est pas encore donnée. Dieu veut que sa vérité éternelle se présente dans l’Église avec des couleurs toujours neuves, avec des aspects auxquels on n’avait pas prêté attention jusqu’alors. Si tous les chrétiens étaient convaincus qu’on ne peut rien découvrir de neuf dans la vérité de Dieu, on ne pourrait pas marcher dans la vérité (Sur 3 Jn 4. Die Johannesbriefe 298-299).

11 – L’Esprit Saint établit le Christ dans une situation vraie vis-à-vis du Père. Le Fils devenu homme se meut dans l’Esprit Saint. Quand nous contemplons des poissons évoluer dans l’eau, finalement nous oublions l’eau qui les entoure, nous ne voyons plus que les poissons et leurs mouvements. Mais l’eau est indispensable pour que ces formes et ces figures existent. Ainsi le Fils incarné existe et se meut dans l’Esprit Saint (NB 6,176-177).

12 - La Révélation. Être prêt à en savoir plus et être prêt à nous contenter de ce que Dieu veut nous donner : les deux attitudes s’appuient et et se stimulent réciproquement (Sur 1 Jn 5,6. Die Johannesbriefe 205-206).

13 – Pour le temps du séjour du Fils sur la terre, le Père remet son Fils dans les bras de l’Esprit comme une mère met son enfant dans les bras d’une nourrice. L’Esprit est le premier christophore (NB 6,402).

 

Fêtes du Saint-Sacrement et du Sacré-Cœur

1 - Le Père permet au Fils de se donner au monde et cela pour tous et chacun, afin de susciter l'amour de Dieu en chaque homme dans le monde. En agissant ainsi, le Père renonce à son Fils et nous fait lui-même le don eucharistique de son Fils : derrière le sacrifice du Fils, il y a l’abandon d'amour consubstantiel du Père comme source de l'eucharistie... La décision du Fils est de se laisser envoyer par le Père pour racheter le monde comme homme. Et le Père permet cela au Fils si pleinement qu’il fait éclater les limites d'une vie humaine au-delà de toutes ses limites pour ménager au Fils l'occasion de pousser son abandon jusqu’au bout, de le faire durer jusqu'aux confins du monde. - Ainsi le Père rend l'eucharistie possible. Le Fils lui demande la durée d'une vie humaine et le Père lui offre  la durée du monde. Il confère à l'existence terrestre du Fils dans l'eucharistie  des formes de présence pour ainsi dire divines et supra-temporelles... L'Eucharistie n'est donc pas seulement l'affaire du Fils... Elle est aussi l'affaire du Père. Et pour cette raison, dans l'eucharistie le Fils nous met en rapport avec le Père et, dans son devenir eucharistique, il est toujours lié au Père, il lui reste toujours uni en se faisant eucharistie. (Sur Jn 21,16, Jean. Naissance de l’Église II, 128-9).

2 - Pour le Fils, c'est une joie que les hommes entrent par lui en communion avec le Père, que le Père lui permette d'ouvrir toute son intimité afin de faire participer les hommes, dans la communion eucharistique, à sa propre communion avec le Père (Au cœur de la passion 30)

3 - Nous sommes habités. "Le Christ vit en moi'. Dans l'hostie, il prend possession de mon âme (NB 5,249).

4 - La communion est une manière de s'approcher de Dieu pour qu'il s'approche de nous afin de nous rendre plus aptes à faire la volonté du Père qui est toujours aussi celle du Fils et de l'Esprit (Sur Jc 4,8, Die katholischen Briefe I,195).

5 - Le Seigneur vit en tous ceux à qui il se donne... dans l'eucharistie (Au cœur de la passion 57).

6 - L’Église est une société  du Seigneur. Le Seigneur ne veut pas d'une Église de solitaires. Il fait célébrer son repas en commun... Il (a choisi) la forme du sacrifice eucharistique qui, en tant que nourriture, correspond à nos besoins corporels et, dans la mesure où l'homme vit en société, il prend volontiers ses repas en compagnie (Sur 1 Co 11,21, Première épître aux Corinthiens II, 58. - Traduction remaniée).

7 - En donnant son corps eucharistiquement à notre corps, le Fils nous communique aussi l'essentiel de son existence dans la chair en présence du Père (HUvB, AvS et sa mission théologique 156-157).

8 - Qu'il habite parmi nous sous la forme du pain et qu'il nous donne son sang n'est pas plus incroyable que le fait qu'il ait séjourné parmi nous comme homme. Dans le mémorial de ce qu'il a fait, nous ne souvenons pas seulement de son séjour terrestre d'autrefois dans un corps concret, nous sommes emportés avec lui dans les mystères de sa vie éternelle (Die heilige Messe 68).

9 - Une personne pourrait avoir apporté à la messe toute sa vie de tous les jours; telle qu'elle est, elle ose à peine s'approcher de la table du Seigneur. A toutes ces hésitations, le Seigneur met fin en donnant sa paix. C'est comme un sourire du Seigneur qui surmonte toutes les différences et établit l’égalité, comme s'il disait : "Tout est bien ainsi, le reste nous nous en occuperons ensemble". C'est l'humilité du Seigneur qui ne veut pas humilier (Sur Jn 20,19, Jean. Naissance de l’Église I,229).

10 - Se conduire vis-à-vis de la réception de la communion comme la femme quand elle reçoit la semence. Non aussi souvent que tu peux. Mais  la simple disponibilité à recevoir. Cela pourrait vouloir dire à  l'occasion ne pas communier pendant un certain temps, offrir ta soif de communion et laisser croître en toi cette soif. Ou bien communier quand le Seigneur te désire et être à ce sujet dans une totale disponibilité. S'abstenir peut faire croître la disponibilité, dans l’amour (NB 12,46).

11 – Le Seigneur regarde ses disciples pendant qu'ils mangent le pain eucharistique. Lors de l'incarnation, le Seigneur, petit enfant sans défense, était déjà celui qui est totalement livré aux hommes. Seulement ses premières années furent préservées de la consommation par sa Mère et son père nourricier. Il arrive dans des mains humaines qui sont de bonnes mains. Elles veillent à ce que son corps se développe et prospère. Maintenant aussi, lorsqu'il est mangé dans l'eucharistie, il vient chez de "braves gens" qui, comme Marie et Joseph, veulent vivre de sa mission. Il leur est aussi livré et ils veulent le manger, afin qu'il se développe et prospère en eux. Les deux formes de son oblation, celle d'être homme en général et celle d'être pain en particulier, sont une oblation par laquelle il veut devenir, parmi les hommes et en eux, l'instrument de la croissance de leur foi (Cf. Au cœur de la passion 28).

12 – Lorsque, dans l'eucharistie, le Fils donne aux hommes son corps, chair et sang, c'est le corps conçu et porté, formé et nourri par sa Mère, le corps qu'elle a reçu de l'Esprit Saint pour l'enfanter et ensuite le livrer à l'humanité. Et il est impossible que l'unité dans la chair entre la Mère et le Fils soit un jour brisée. L'eucharistie n'abolit pas cette unité ; dans la chair du Fils, on peut trouver les traces de la Mère. Le corps eucharistique ne désavoue pas son origine et par là non plus l'union indissoluble avec la Mère que lui-même s'est choisie et grâce à laquelle avant tout il a pu devenir homme. Aucune communion ecclésiale ne laisse la Mère indifférente. Elle est présente chaque fois que l'on reçoit le corps du Seigneur. Elle communique à celui qui le reçoit quelque chose de sa manière à elle de recevoir , elle en éprouve aussi une joie nouvelle. Chaque communion est pour elle comme une fête commémorative de son propre accueil (Cf. Marie dans la rédemption 102-105).

13 – Dieu ne promulgue pas sa loi pour qu’elle soit contemplée du dehors ; dès l’Ancien Testament, la loi ressemble à la future eucharistie du Seigneur ; elle doit être accueillie et savourée pour remplir son but, elle doit vivre en l’homme et si bien le transformer qu’il soit par là amené à l’auteur de celle-ci. Ainsi la lettre de la loi est comparable au corps du Seigneur dans l’eucharistie ; dans l’une et dans l’autre on retrouve le tout, sans que le récepteur veuille prétendre comprendre entièrement le sens et l’esprit de la loi cachés dans la lettre ou, à plus forte raison, le Seigneur présent de façon cachée dans le sacrement. De même qu’il y en avait certains parmi les Juifs qui se disaient fidèles à la loi et n‘entendaient pourtant pas l’admonition de la loi, de même il y en a certains dans l’Église qui reçoivent la sainte communion et pareillement restent sourds. Pour eux, la réception est déjà la chose même, l’accomplissement d’un devoir, l’observation d’une prescription ; ils ne voient pas que l’acte en lui-même contient l’admonition de faire attention au tout, de laisser la loi vivante de l’amour du Christ se déployer dans leur vie (Cf. Dix-huit psaumes 60-61).

14 - Seigneur, je voudrais te remercier d’être ici, caché dans le mystère de l’hostie, mais si présent que c’est toi qui nous apprends et nous aides à vivre. Si présent que nous venons pour recevoir de toi et emporter ce que ta présence nous offre : la certitude de la foi, l’amour de ta présence parmi nous. Seigneur, tu connais notre faiblesse, tu sais comme nous vivons détournés de toi, tenant tout le reste pour plus important que toi ; mais tu nous ramènes toujours ici où tu demeures pour nous transformer. Seigneur, permets que ton Esprit prenne enfin possession de nous, pour que nous sentions ta compagnie sur tous nos chemins, que nous sachions que tu nous aides. Apprends-nous à regarder ta mère, donne-nous de t’aimer de son amour, permets qu’avec elle nous t’adorions et qu’avec elle nous sachions te plaire dans le même service de l’amour (Cf. Sur la terre comme au ciel 21-23).

15 – Quand nous recevons le Seigneur dans l’eucharistie, les yeux de notre foi doivent se tenir fixés sur la vision des quarante jours. On peut très bien expliquer à un enfant : "Tu vas recevoir le Seigneur dans ton cœur" ; il y croit à sa première communion. La foi de l’adulte a souvent pâli et la présence réelle du Seigneur paraît tout à fait irréelle. Il est tellement occupé par son acte d’accueil qu’il ne peut plus recevoir naïvement le Seigneur réel. Il se comporte avec raideur et beaucoup de formalisme, il produit toutes sortes d’actes, mais pas celui de l’amour de l’enfant. Pour recevoir le Seigneur dans l’eucharistie, on doit s’exprimer comme un enfant. Ce n’est pas le miracle de la transsubstantiation qui est la grande affaire et le but de la messe, mais la réalité de l’amour présent du Seigneur. - Si une jeune fille aime le roi d’un amour vrai, l’amour vainc toute distance. Elle l’aime comme elle peut ; le fait qu’il soit roi ne refroidit pas son amour, mais elle ne perd pas de vue qu’il est roi, elle intègre cet élément dans son amour. Par contre si à une fille qui n’aime pas le roi on annonce qu’elle va recevoir sa visite, elle sera angoissée, se montrera formaliste. Si le roi venait souvent, elle se ferait tout un rituel (Cf. NB 6,301).

16 - Marie reçoit le Seigneur en chacun de ceux qui communient. Elle le reçoit parfaitement, tandis que l’homme ne le reçoit pour ainsi dire que partiellement. La Mère le reçoit pour l’homme et pour lui communiquer la grâce de la communion afin que rien de cette grâce ne soit perdue en quelque sorte. Elle garde pour ainsi dire la grâce pour la personne en question afin de la lui apporter quand elle en aura besoin (NB 8,608).

17 - La communion : c’est une manière de s’approcher de Dieu pour qu’il s’approche de nous afin de nous rendre plus aptes à faire la volonté du Père, qui est toujours aussi celle du Fils et de l’Esprit (Sur Jc 4,8. Cf. Die katholischen Briefe I,195).

18 – Par son corps et son sang, qui proviennent de la terre, le Seigneur tire celui qui communie dans son existence céleste (Kostet und seht, 653).

19 – Qu’est-ce que c’est que communier dignement ? Cela consiste à passer sa vie et chacun de nos instants en vue de la venue du Seigneur dans la chair et le sang, à ne pas s’éloigner de lui dans l’entre-deux. Le miracle de son incarnation est un miracle permanent, agissant sans interruption, et celui qui s’y expose doit demeurer à l’intérieur de cette action. Cela est possible si nous avons la foi, donc si nous savons par la foi que l’eucharistie est vraiment le bien suprême, véritablement une rencontre de l’éternité avec notre vie, si donc nous laissons toute notre conduite sous la mouvance de l’eucharistie. Le Seigneur prend chair et sang pour nous rencontrer, et nous devons aller au-devant de lui en nous ouvrant à cette rencontre comme il le veut. Et il veut que nous soyons toujours tels que le Père veut qu’il soit lui-même, de sorte que toute notre attitude soit marquée par son obéissance au Père, par son accomplissement de la volonté du Père. Le chemin du Fils vers l’hostie est comme un anéantissement de sa divinité dans l’hostie. Et il attend de nous dans la foi quelque chose qui correspond à cet anéantissement ; comme il s’anéantit dans l’hostie, pour le recevoir dignement nous devons nous anéantir en lui, c’est-à-dire dans la foi : nous ne pouvons pas le rencontrer avec une vie et une volonté maîtrisées par nous-mêmes, et en ayant notre propre conception du monde. Celui qui passe sa vie en dehors de la foi n’offre aucune surface disponible en son âme pour l’eucharistie (Die heilige Messe 71-72).

20 – Il y a dans l’incarnation une promesse de l’eucharistie, la promesse que Dieu demeure au milieu de nous. L’Esprit est garant de cette promesse. Il y a dans l’eucharistie une confirmation de l’incarnation… S’il n’y avait pas eu l’incarnation je ne serais pas devenu le frère du Christ, il manquerait à ma vie une qualité particulière. Si je recevais l’eucharistie sans croire à l’incarnation, ma réception serait tout à fait incomplète, car il me manquerait l’essence qui est fournie par l’incarnation (Cf. NB 6,528-529)

21 - La semence du Père, par l’Esprit Saint, devient homme que Marie reçoit. Elle le reçoit comme eucharistie du Père, c’est comme une première communion eucharistique. Élue pour cela, Marie reçoit du Père l’être du Fils, qui est si pur don qu’il s’est laissé transformer en un pain du Père. Le pain, c’est ici la substance de la semence dont le femme peut jouir. Dans la parabole, le Père aussi est le semeur ; la semence, le Fils, croît dans la Mère, et maintenant le pain est prêt pour tous : l’eucharistie. Quand la Mère donne le Fils au monde, le pain commence à être partagé. Plus tard, le Fils se donne lui-même en partage aux hommes et il confirme par là l’œuvre du Père et son être propre qui est d’être l’eucharistie du Père. Il confirme aussi la conduite de sa mère qui partage. Dans le corps du Fils sont donc unis l’eucharistie du Père et celle du Fils ; elle est incarnation qui va si loin que le Fils, pour retourner au Père, se laisse partager entre tous. En donnant son corps eucharistiquement, il fait sur terre ce que le Père fit du ciel quand il donna sa Parole comme semence à la Mère. La pensée du Père de laisser le Fils devenir homme était si belle que le Fils ne connaît rien de meilleur à laisser aux hommes en les quittant que l’eucharistie qui prend son origine dans l’incarnation qui est l’eucharistie du Père (NB 6,529-530).

22 – Le Fils ressuscité, c’est la terre dans le ciel ; son eucharistie, c’est le ciel sur la terre (Sur Is 65,17-20. Isaias 217).

23 – L’eucharistie est la présence en nous de la vie éternelle. Une comparaison : deux êtres qui s’aiment habitent dans des chambres voisines. Chacun des deux a le droit d’appeler l’autre à n’importe quel moment. Si l’autre vient, il manifeste son amour par une poignée de main peut-être ou par un baiser. Puis il retourne chez lui. Ce témoignage d’amour n’est pas l’origine de l’amour, il n’en est que la libre expression, un acte qui découle de son existence, qui maintient vivante sa présence constante et la nourrit. Par le baiser, celui qui l’a reçu peut garder pour un long temps en lui la présence de l’aimé. De la même manière, celui qui aime le Seigneur vit réellement de sa présence réelle d’une messe à l’autre. On ne s’éloigne pas de lui, même si on n’est pas en train de le recevoir. On le laisse agir en soi. De même qu’une femme, après s’être unie à son mari, ne s’éloigne pas vraiment de lui, elle laisse agir en elle sa semence (Die heilige Messe 70).

24 – Dans l’eucharistie, il y a comme une revendication corporelle. Le Seigneur tient fermement celui qui communie pour agir en lui. Celui qui communie doit renoncer à disposer librement de lui-même. Il s’est approché librement de la communion, mais voilà l’instant où le Seigneur a besoin de lui. Une femme ne peut pas s’enfuir au cours de l’acte sexuel. Dans l’eucharistie, le corps du Seigneur a besoin du corps et aussi de l’âme de celui qui croit en lui (NB 6,532).

25 – L’eucharistie est un fleuve puissant qui traverse le centre de l’Église et qui fait entrer tous ceux qui la reçoivent dans l’unité du corps du Christ qui est l’Église (HUvB, AvS et sa mission théologique 212).

26 – Jusqu’au moment du don eucharistique, l’Église n’est pas encore vraiment incorporée. Jusqu’alors on voit peut-être le don de soi du Fils au Père et à la mission du Père dans l’Esprit Saint. Sa volonté de racheter le monde apparaît surtout comme l’accomplissement de la volonté du Père. Depuis l’institution de l’eucharistie, l’amour du Fils se montre aux hommes de manière toute nouvelle ; les hommes deviennent maintenant ses membres, maintenant naît dans l’Église son amour pour lui. Pour le Père, ceux qui reçoivent l’eucharistie sont marqués, de la même manière qu’une femme qui a reçu son époux est marquée par lui. Le baptême serait la ratification du mariage, l’eucharistie en serait la consommation. Et ce qui vaut de l’individu est valable, par lui, pour l’Église (NB 6,531-532).

27 – La vie du Seigneur est comme prise entre deux miroirs qui la réfléchissent sans fin : le oui du début et celui de la croix, d’où jaillit ce fleuve infiniment accessible et fécond qu’est l’eucharistie (HUvB, AvS et sa mission théologique 172-173).

28 - Très souvent la communion sacramentelle s’effectue par habitude et avec tiédeur, sans qu’elle soit coupable à proprement parler, tandis que la communion de désir, qui arrive le plus souvent quand on aurait aimé communier et qu’on en a été empêché, ouvre toujours l’âme tout entière au Seigneur. Le Seigneur est plus riche que l’hostie, il la dépasse ; il y a une communion aussi en dehors du sacrement (NB 8,995).

 

Fête du Saint-Sacrement A (Dt 8,2-3.14-16; 1 Co 10,16-17; Jn 6,51-58)

1 - Chaque communion est un essai de recevoir le Seigneur en nous, de nous approcher de lui, de prendre ce qu'il nous donne et de donner ce qu'il veut nous prendre (Sur Jn 6,58. Cf. Jean. Les controverses I,67).

2 - Là où le Fils est essentiellement, véritablement présent, la Mère ne peut être absente. Si c'est véritablement la chair du Christ  que le chrétien reçoit à l'autel, c'est la chair aussi qui a été formée dans la Mère et pour laquelle elle a mis à la disposition de Dieu tout ce qui est sien. Parce qu'elle a dit oui à l'incarnation du Fils, elle dit oui aussi à toute nouvelle venue du Seigneur sur cette terre, qui s'opère dans la transsubstantiation de chaque messe (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 154).     

3Je suis le pain vivant. Celui qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang n'a aucune perspective de vie éternelle. Jésus ne se contente pas d'inviter à ce repas, il pousse, il force à y prendre part. Seul celui qui le reçoit en nourriture a en lui la Parole de Dieu et par là Dieu lui-même. Face à cette révélation la plus dure de Jésus, il n'y a que la séparation totale : le non de la foule qui désormais l'abandonne et un oui aveugle que Pierre exprimera, car il ne voit plus d'autre chemin que Jésus. C'est l'expérience du désert : Dieu mène dans une situation sans issue, où il ne subsiste plus de salut sinon une confiance aveugle en Dieu. Jésus n'explique pas comment le miracle est possible ; il nous présente seulement l'affirmation : "Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson". Et celui qui n'accepte pas cela n'a pas la vie en lui. En recevant l'eucharistie, chacun doit se rappeler qu'au milieu du désert de cette vie, il se jette comme un affamé dans les bras de Dieu (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales.Année A, 88).

4La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ ? (1 Co 10,16). La coupe crée la relation des croyants avec le Seigneur. Le calice est ainsi communion au sang du Christ, une communion que crée le Seigneur et dans laquelle pénètre le chrétien qui y répond. Cette communion est aussi réelle que l'objet visible sur la table. C'est la communion du Fils avec l’Église, et elle se reporte à la communion éternelle au ciel entre le Père, le Fils et l'Esprit. L’Église et les croyants participent à cette communion. Dans la coupe de bénédiction, ils deviennent les convives du Fils par l'entremise du prêtre qui prononce la bénédiction. Dans cette bénédiction, la communion est sans cesse restaurée sous une forme nouvelle, afin que la vie temporelle des croyants se nourrisse constamment de la vie éternelle (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,20-21).

 

Fête du Saint-Sacrement B (Ex 24,3-8; He 9,11-5; Mc 14,12-16.22-26)

1 - Les disciples demandent au Seigneur :  Où devons-nous préparer la Pâque? Ils sont en dialogue avec le Seigneur. Un tel dialogue est comme une prière. Que faisons-nous d’autre dans la prière sinon essayer de présenter nos questions au Seigneur pour recevoir de lui une réponse sous quelque forme que ce soit (qui n'a pas besoin d'être ressentie ni d'être personnelle)? Tout repos et toute joie éprouvés dans une prière pure, mais aussi tout souci, font partie de la réponse du Seigneur (Sur Mc 14,12-13. Saint Marc 625).

2 - Prenez, ceci est mon corps. Il s'agit de contempler le grand miracle, le miracle au milieu des croyants, le miracle de la foi par excellence : "Prenez, ceci est mon corps". Le Seigneur exige de leur foi qu'ils le reçoivent comme son Corps sans laisser de place au doute. Ils reçoivent part au Corps du Christ. Et cette part agit en eux comme un aliment, comme un aliment divin - c'est pour l'offrir que le Seigneur est venu dans le monde - au commencement de la Passion, avant la croix (Mc 14, 22-23. Cf. Ibid. 637-638).

3 - Puis prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna, et ils en burent tous. Si nous comparons ce passage de l'évangile à notre propre communion, nous voyons que celle-ci va aussi de soi pour nous. Elle est contenue dans la Parole du Seigneur : "Ceci est mon corps". Nous voulons demander au Seigneur de nous présenter son eucharistie comme aux apôtres, afin que nous nourrissions vraiment de cet aliment qu'il nous donne et qui est là pour nous, et qu'il devienne lui-même en nous aliment qui  nous fortifie, nous accompagne sur notre chemin, vivifie notre prière, nous donne pour la journée la force de rester tout près de lui. Que, dans la simplicité des gestes, nous n'oubliions pas ce qu'ils ont d'inouï, dans ce qu'ils ont d'inouï, leur simplicité (Sur Mc 14,23. Cf. Ibid. 638).

4 – Pour la célébration de l'eucharistie, Jésus nous laisse le soin d'une certaine préparation, mais tout l'essentiel est formé par lui-même, lui seul est le centre et même l'unique contenu de ce qui est célébré. Pour la communuaté, ce centre est chaque fois d’entièrement imprévisible et stupéfiant : que jésus prenne un morceau de pain ordinaire et le partage en disant : "Prenez, ceci est mon corps" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 87-88).

 

Fête du Saint-Sacrement C (Gn 14,18-20 ; 1 Co 11,23-26 ; Lc 9,11-17)

1Ceci est mon corps livré pour vous. Dans les brèves paroles d'institution que rapporte la deuxième lecture se trouve cachée la plénitude inépuisable du don divin de l'amour. Paul rapporte seulement ce qu'il a entendu des premiers disciples, il n’oserait pas y ajouter un mot personnel. "La nuit où il fut livré" : c'est finalement le Père qui le livre sur la croix pour les hommes et dans l'eucharistie également pour nous. Jésus ne distribue pas seulement le pain rompu qu'il est lui-même, il donne en même temps à ses disciples l'ordre et le pouvoir de continuer à le faire eux-mêmes. Et d'une manière qui n'est pas détachée de son sacrifice, mais "en mémoire de lui". Le pain eucharistique rompu est inséparable de la vie de Jésus brisée sur la croix. Paul n'a pas besoin de mentionner la résurrection, car elle est contenue tout naturellement dans le fait que la mort de jadis ne peut devenir un présent que si cette mort était déjà une œuvre de vie de l'amour suprême (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 89-90).

2Cette coupe est la nouvelle Alliance établie par mon sang (1 Co 11,25). L'enseignement du Seigneur n'est pas une accumulation de maximes de sagesse visant à éclairer les hommes et à leur montrer plus nettement le chemin vers Dieu, qu'ils connaissent déjà en principe. Il est avant tout un pacte conclu par Dieu avec les hommes, une nouvelle promesse de Dieu Trinité, qui va au-delà de l'alliance passée au Sinaï. L'homme, par le péché, avait perdu la dignité de l'alliance avec Dieu, il la reçoit à nouveau "par son sang". L'homme n'aurait pas pu y réussir tout seul. Seul le Fils peut réaliser cette nouvelle Alliance, et il le fait par son sang, son sacrifice, sa mort. . Il n'y parvient pas seulement par sa mort sur la croix, mais en laissant son sang couler dans la coupe, en l'offrant aux hommes. Le Seigneur donne un signe pour que l’événement de la croix demeure véritable et efficace jusqu'à le fin du monde. L'intelligence n'en vient pas à bout, on ne peut l'admettre que dans la foi (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 66-67).

3 – Prière après la communion. Père, tu nous a donné tin Fils vivant, et tu permets qu’il ne cesse de venir à nous dans l’hostie. Tu ne nous le donnes pas comme une vie quelconque, mais comme la vie de ta vie. Accorde-nous de l’accueillir dans toute sa force divine ; permets-nous de nous effacer devant lui de sorte qu’il puisse agir dans ton Esprit. Qu’il puisse faire sortir de notre cœur ce que toi, tu veux. Père, bénis chaque communion, rends le sens de l’eucharistie toujours plus vivant dans l’Église. Dans notre action de grâce, nous sommes unis à tous ceux qui te connaissent. Unis aussi à tous ceux qui essaient de te consacrer leur vie pour te témoigner leur reconnaissance. Que tu puisses te servir de nous selon ta volonté (Cf. Sur la terre comme au ciel 15-17).

4 - Le Seigneur a éternisé le sacrifice de son incarnation et de sa croix par l’institution de l’eucharistie qu’il emprunte à la substance de sa mission temporelle pour en faire durer la substance même après que, selon nos concepts, elles furent terminées et qu’il fut retourné au Père. Il montre ainsi qu’il ne cesse pas d’être l’Envoyé (Sur 1 Jn 5,8. Die Johannesbriefe 207).

5 – Ce que le Seigneur a montré lors de la multiplication des pains, il l’a institué pour toujours dans les sacrements. Les sacrements sont destinés à tous les hommes. Ceux qui reçoivent les sacrements représentent tous ceux qui se trouvent derrière eux, tous ceux qui sont en chemin sans trouver l’accès aux sacrements, ou bien ceux qui se sont détournés d’eux par le péché. Dans l’eucharistie, nous jouissons du corps du Seigneur comme au cours du repas de la dernière cène il a rompu les pain pour les siens et leur a donné sa chair. Pour les disciples, ce repas n’était pas une image mais la réalité. Et quand le Seigneur rompait le pain, c’était un acte qu’il accomplissait réellement ; et les paroles qu’il dit alors étaient d’une efficacité pleinement céleste. L’eucharistie n’est pas seulement l’aspiration de notre foi vers le Seigneur, qui nous fait ouvrir la bouche et recevoir une nourriture au sens spirituel, elle est présence du Seigneur réel et réception de son corps qu’il nous offre. Image et réalité ne font qu’un inséparablement. Il serait ridicule de supposer qu’un affamé, en recevant une hostie, pourrait ensuite accomplir une dur labeur, et pourtant c’est le Seigneur tout entier, corps et âme, nourriture pour la vie éternelle. Il y a eu pourtant des saints qui n’ont été maintenus en vie physiquement que par la réception de la communion. Mais ces saints, comme tous les croyants, ne communient jamais pour eux seuls, ils communient avec tous les autres en offrant leur communion, pour que les anonymes innombrables soient nourris eux aussi avec eux comme lors de la multiplication des pains (NB 6,498-499).

6 – Celui qui communie est tant soit peu conscient qu’il reçoit Dieu, que Dieu s’est penché vers lui (NB 10,2189).

 

Fête du Sacré-Cœur A (Dt 7,6-11; 1 Jn 4,7-16; Mt 11,25-30)

1 - Qui a vu doit témoigner. Il serait inutile que l'apôtre voie et comprenne s'il n'en tirait pas sa mission et ne l'accomplissait pas. La vue et le témoignage sont l’activité de l’Esprit en nous. Il donne de voir et il éveille le devoir du témoignage et, dans la connaissance du devoir, est donnée une sorte de certitude sur la vue. D’autres que Jean ont vu le Seigneur, mais ils n'ont pas compris comme lui sa mission, ils ne l'ont pas vue comme lui avec le devoir de témoigner : ils n'avaient pas l'Esprit. Jean a manifesté qu'il possédait l'Esprit dès sa première rencontre avec le Seigneur, puisqu'il le suivit, parce que l'Esprit l'y poussait (Sur  1 Jn 4,14. Die Johannesbriefe 175).

2 - L’Esprit Saint nous conduit à dire oui à l'invisible de Dieu, à lui faire confiance au-delà de ce qu'on comprend. Mais il faut commencer par faire l'effort de comprendre tout ce qu'on peut (Sur 1 Jn 4,13. Ibid. 171-172).

3 – Pour nous, le mystère trinitaire de Dieu ne se révèle que par le don parfait de Jésus. La fête du Saint-Sacrement comme celle du Sacré-Coeur sont d'ultimes concrétisations de la manière dont Dieu Trinité se révèle à nous. . Le Père donne le Fils dans l'eucharistie produite par l'Esprit ; le cœur du Fils transpercé ouvre l'accès au cœur du Père, et l'Esprit des deux jaillit de la plaie pour le monde (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 89).

4 – La première lecture, tirée de l'ancienne Alliance, qui ne connaît pas encore le mystère de la Trinité de Dieu, sait pourtant déjà, par l'alliance conclue par Dieu avec Israël, qu'il y a en Dieu un mystère d'amour insondable. Toutes les raisons logiques pour lesquelles justement Israël aurait dû être choisi sont écartées, au point que comme raison poussant Dieu à une telle condescendance et une telle élection, il ne reste que l'amour. C'est en contemplant cet amour sans raison de Dieu, qu'Israël a pu formuler le premier commandement, la réponse d'un amour sans condition du peuple à Dieu (Cf. Ibid. 90).

5 - La crainte s’oppose à l’amour parce qu’elle n’ose pas s’ouvrir à Dieu. La crainte détruit l’ouverture, la confiance sûre, diminue le don de soi, laisse l’amour se refroidir. La crainte fait que nous nous occupons davantage de nous-mêmes tandis que l’amour libère toute notre attention pour la vision de Dieu. Si nous aimons Dieu, nous savons que le châtiment de Dieu n’existe que pour nous rendre plus accessible son amour parfait. La crainte du châtiment par contre serait l’effort d’échapper à cette mesure salutaire de Dieu. Le premier pas vers l’amour est de renoncer à décider nous-mêmes et à disposer nous-mêmes des projets de Dieu sur nous. Si nous aimons, nous lui laissons le châtiment comme l’amour, sachant qu’il est l’amour parfait et qu’il emploiera le châtiment comme partie constitutive de l’amour (Sur 1 Jn 4,18. Cf. Die Johannes briefe 185).

 

Fête du Sacré-Cœur B (Os 11,3-4.8-9; Ep 3,8-12.14-19; Jn 19,31-37)

1 - Les Juifs demandèrent à Pilate qu'on brisât les jambes des crucifiés. L'intérêt des Juifs se concentre uniquement sur le fait que le Seigneur soit aussi mort que possible (Sur Jn 19,31. Jean. Naissance de l’Église I, 151).

2 - Les soldats exécutent les ordres machinalement. Ils constatent au premier coup d’œil que le Seigneur est définitivement mort. Ils voient que sa mort a une qualité particulière, qu'elle a quelque chose de si évident que toute preuve est  vaine. Ces hommes ne sont pas riches en esprit mais ils savent discerner. Dans leur discernement il y a ce mystère : que tout homme qui a eu affaire avec le Seigneur a été rendu sensible à quelque chose qui n'est pas en lui. En chacun, même s'il a seulement entendu parler du Seigneur, il y a quelque chose qui pousse à répondre. Personne ne peut rester indifférent en face du Fils. Vis-à-vis d'aucun objet terrestre, d'aucun fondateur de religion, d'aucune conception du monde, d'aucune philosophie, il n'y a rien de pareil. C'est le privilège du Seigneur (Sur Jn 19,32-33. Cf. Ibid. I,151-152).

3 - Un fruit de la rédemption que le Fils a déposé auprès du Père le vendredi saint, c'est le purgatoire. Il a son origine à la croix. Le Père se sert du fruit qui vient de la croix pour tempérer la justice divine par la miséricorde qui est toute nouvelle. C'est de la croix que l'espérance est portée aux enfers, de la croix s'allume un feu mélangé de justice et de miséricorde. Les puissances des enfers sont comme repoussées par la venue du Seigneur jusqu'au fond de l'enfer, et les chaînes du démon sont raccourcies. Le purgatoire naît pour ainsi dire sous les pas du Seigneur; c'est lui qui, dans ce lieu de désolation, apporte la consolation, dans ce lieu glacé, le feu, dans ce lieu où règne la justice, la miséricorde (Sur Jn 19,34. Cf. Ibid. I, 156-157).

4 - Marie se tient là comme la Mère de tous les hommes, la Mère des douleurs, qui elle-même est transpercée et reçoit, par cette transfixion la fécondité parfaite de sa maternité. La blessure de la Mère est à la fois publique et cachée : cachée parce que le Fils seul la connaît, publique parce que tous les hommes récolteront les fruits de ses douleurs. Dans les douleurs de sa Mère, le Fils possède une nouvelle source de fécondité, car pour la remercier de l'avoir accompagné dans sa passion, il la fait participer à tous les mystères de sa propre fécondité (Sur Jn 19,37. Cf. Ibid. I,161).

5 – Le côté de Jésus est transpercé. Le sens de ce transpercement ne se découvre qu'au croyant qui peut apercevoir dans la mort du Fils le signe suprême de l'amour du Père. Les soldats romains qui brisent les jambes et enfoncent des lances dans les cœurs sont, sans en avoir conscience, des instruments de l'accomplissement des prophéties. Ce qui est ouvert ici, c'est le cœur de Dieu lui-même (le cœur de Jésus ne peut être séparé de celui du Père et de l'Esprit), et la plaie reste éternellement ouverte. On ne peut pas dire que la cruauté des pécheurs ait augmenté l'amour de Dieu, mais bien que seul le comportement de la créature envers son Créateur a permis de contempler quels abîmes recèle en soi cet amour (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 91).

6A moi qui suis le moindre de tous les saints... (Ep 3,8). Paul révèle le contraste qu'il y a entre la personne d'un envoyé et sa mission. Il se dit ici le moindre de tous les saints. Et malgré tout, cette grâce lui a été accordée, cette mission inouïe lui a été confiée, d'annoncer le Seigneur aux païens qui, jusqu'à la venue du Christ, ne savaient rien de Dieu ou ne voulaient rien en savoir. Le Seigneur prend les païens au sérieux ; il veut se donner à eux totalement. Et Paul reçoit la mission de leur annoncer ce don total. Il doit leur faire comprendre à quel point Dieu les prend au sérieux, leur montrer le caractère insondable de la richesse du Christ (Cf. L’Épître aux Éphésiens, 104-105).

7 – L’humilité de la foi donne la certitude de comprendre quelque chose (du sens de la vie, des événements) et la certitude de ne pas tout comprendre (NB 9,1934).

 

Fête du Sacré-Cœur C (Ez 34,11-16 ; Rm 5,5-11 ; Lc 15,3-7)

1Il va chercher celle qui était perdue jusqu'à ce qu'il la retrouve. Dans cette fête du Cœur de Jésus, aucun texte ne contient expressément le mot de cœur, mais ces textes nous parlent de la forme particulière d'amour que nous lions à l'idée de cœur. Un berger s'occupe d'une manière égale de tout son troupeau. Comment peut-on comprendre qu'il laisse dans le désert quatre-vingt-dix-neuf brebis pour ne se soucier que d'une seule brebis perdue ? On le voit : ici on ne réfléchit pas sur le risque de laisser le grand nombre sans protection ; on a seulement devant les yeux le danger qui menace une brebis, comme si seule cette brebis importait. A Dieu il n'est pas indifférent que quelques hommes se perdent pourvu seulement que la grande masse de l’humanité soit sauvée. Les croyants qui célèbrent la fête du Cœur de Jésus ne soupçonnent pas le plus souvent combien Dieu aime chacun. A tel point que bien des saints ont émis l'idée que le Christ serait mort sur la croix même s'il n'y avait eu qu'une personne à sauver. L'idée nous paraît saugrenue, mais elle tire sa justification de la parabole de la brebis perdue. On peut cependant dire avec certitude que chacune des quatre-vingt-dix-neuf est aimée de la même manière par le Bon Pasteur, car elles sont toutes les pécheurs pour qui Jésus est mort sur la croix, non comme pour une masse anonyme, mais comme pour des personnes uniques (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C. 91-92).

2Il y a de la joie dans le ciel. L’homme qui croit en Dieu n’a pas le droit d’organiser sa vie comme il lui plaît, de se donner un plaisir purement humain et d’y trouver son repos. Sa vie est au service de la plus grande gloire de Dieu, parce que c’est ainsi seulement qu’il procure à Dieu une joie. Il faut que se produise une dilatation infinie de la joie purement humaine en direction de Dieu. Dieu trouve de la joie dans les hommes quand ils l’honorent, quand ils trouvent leur joie en lui. Et l’on n’a qu’à remplacer ce mot de joie par le mot d’amour pour s’apercevoir aussitôt que toute la relation mutuelle entre Dieu et l’homme a été conçue et créée comme une relation d’amour (Cf. Dix-huit psaumes 279-280).

 

2. Le temps ordinaire

 

2e dimanche A (Is 49,3.5-6; 1 Co 1,1-3; Jn 1,29-34)

1 - Le sens véritable du temps se situe dans l'éternité. Le non-chrétien ne voit dans la vie chrétienne qu'une perte de temps, et avec raison, car il considère le temps du monde comme la durée véritable et essentielle. Le chrétien, par contre, ne voit dans ce temps qu'un emprunt fait à l'éternité; tout ce qui est essentiel repose caché dans le dessein de ce qui est au-dessus du temps (Sur Jn 1,30. Jean. Le Verbe se fait chair II,12-13).

2 - On ne pourra jamais définir le Fils sans dire qu'il est le Fils de Dieu et possède le Saint-Esprit, ni désigner le Père sans dire de lui qu'il a le Fils en lui et envoie l'Esprit; quant à l'Esprit, il est impossible de le décrire par des mots de ce monde, car il est toujours autre chose que ce que l'on voit en lui : il est le lien, la vie, il est ce qui est envoyé et qui va vers l’envoyé, il est celui qui possède les dons et qui les distribue. Le Saint- Esprit comme tel n'est jamais saisissable, sauf pendant la vie terrestre du Fils (Sur Jn 1,32-33. Ibid. II,14).

3 – Jean-Baptiste est tellement axé sur l'attestation de "celui qui est plus grand" que son acte personnel n'est absolument pas digne d'être mentionné : "Il faut qu'il croisse et que moi, je diminue" (Jn 3,30). Tout son être et toute son activité renvoient à l'avenir, à l'être et à l'activité d'un autre ; lui-même n'est compréhensible que comme une fonction au service d'un autre (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 35).

4 – Jean-Baptiste a très vraisemblablement connu Jésus comme homme, à qui il était apparenté. Il dit néanmoins : "Je ne le connaissais pas". Cela signifie : je ne savais pas que ce fils effacé d'un menuisier était le Désiré d'Israël. Cela, il ne le savait pas. Mais il a pour sa propre mission une triple prescience. Il sait d'abord que celui qui vient après lui est le messager important, et même le seul important, puisque "avant lui il était", donc un être qui vient de l'éternité de Dieu. En deuxième lieu, il sait le contenu de sa mission : il est destiné, par son baptême dans l'eau, à faire connaître à Israël celui qui vient. Il connaît sa tâche même s'il n'en connaît pas le but et l'achèvement. Et troisièmement, il a reçu un point de repère pour percevoir l'instant où commence son accomplissement : la colombe-Esprit descendant et demeurant sur l’Élu. Le Baptiste est le modèle du témoignage des chrétiens qui, d'une autre manière, doivent être aussi les précurseurs de celui qui vient après eux et ses témoins. Ils savent de Jésus plus que ce que le Baptiste n'en savait, mais eux aussi ils doivent se contenter des indices qui leur sont donnés, qui sont en même temps des promesses. Au début, eux aussi sont loin de connaître celui qu'ils attestent comme ils le connaîtront plus tard : comme Celui qui est toujours plus grand (Cf. Ibid. 36-37).

5 Moi, Paul, appelé par la volonté de Dieu pour être apôtre du Christ Jésus (1 Co 1,1). En se nommant, Paul se met au centre de la responsabilité dans laquelle Dieu l'a placé. Tout ce qu'il écrira dans l'inspiration portera son sceau personnel. Il reste reconnaissable. Chaque parole qu'il prononce au nom de son Seigneur est à la fois parole du Seigneur et parole de l'apôtre. Elle demeure parole donnée d'en haut, mais elle est en même temps parole qui nous est confiée par l'intermédiaire de Paul. La parole est ici telle que Paul l'entend et la comprend, telle qu'il cherche à la transmettre. Chaque épître de Paul porte cette double marque : d'un côté l'inconditionnel qui vient de Dieu, et de l'autre la personnalité qu'il y met et qui donne la réponse due à la parole. Le côté subjectif de Paul est tout à fait humain, mais en tant que tel il est pleinement réponse, tout entier service (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,9).

6J’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui (Jn 1,32). Le Christ était homme parmi d’autres hommes, mais un homme qui se laissait former et diriger par le Père et l’Esprit Saint. Par amour et par une obéissance continuelle, il voulait nous présenter l’idéal que le Père avait en vue lors de la création ; il ne porte pas en vain le nom de second Adam. Il se mouvait librement, faisait ce que les autres faisaient, il vivait dans la maison de ses parents, apprenait un métier, l’exerçait ; mais quoi qu’il fît, il ne s’écartait pas de cet idéal. Le Fils vit ici-bas la mission du Père et la règle de son accomplissement est l’Esprit Saint. Pas un instant il ne manque à sa mission. Et dans cette obéissance au Père par la règle de l’Esprit, il ramène le monde à Dieu (Cf. Ils suivirent son appel 33-34).

7 - La sainteté consiste à remplir la mission trinitaire qu’on a, même si on garde un fichu caractère. Il ne s’agit que de cela et de rien d’autre (NB 9, 1312). 

8 - Il est impossible de comprendre le Christ sans aller avec lui et sans porter avec lui le poids du péché du monde (NB 3,210).

9 – Avant l’incarnation, chacune des personnes divines ressent surtout l’offense du péché faite aux deux autres ; et le Fils devient homme avant tout pour effacer l’offense faite au Père et à l’Esprit. En tant qu’homme, il montrera au Père qu’un homme peut être bon, et il détournera du Père les traits du péché en les faisant se diriger vers lui sur la croix (NB 6,110).

 

2e dimanche B (1 S 3,3-10.19; 1 Co 6,13-15.17-20; Jn 1,35-42)

1 - Le Père ressuscite le Fils, mais avec le but de nous ressusciter aussi. De la sorte le sens de l'existence humaine se contemple à partir de la résurrection. Depuis que le Fils est ressuscité, le sort de l'humanité est scellé définitivement. L'homme ne peut plus se conduire comme un être purement terrestre, temporel, transitoire. Et si la puissance du pécheur s'arroge le droit de disposer de soi dans le temps, la résurrection du Fils l'avertit que la puissance de Dieu disposera de lui dans l'éternité et en a déjà disposé. Là où l'homme se heurte à sa limite inconditionnelle, la mort, là intervient la puissance inconditionnelle de Dieu. Par la résurrection s'effacent les limites de notre existence. Elles s'effacent pas la puissance de Dieu qui se révèle pleinement là où notre totale impuissance atteint elle aussi sa pleine manifestation. - Notre puissance à façonner notre existence est tout aussi temporelle et transitoire que cette existence elle-même. En raison de la liberté que Dieu nous a donnée, nous pouvons nourrir l'illusion de disposer de toute notre existence. En fait le Père dispose de nous en raison de la résurrection du Fils. Par la résurrection, l'existence chrétienne reçoit un tout autre aspect que celle de l'homme de l'Ancien Testament. Là, on demeurait dans l'incertitude sur ce que Dieu ferait de l'homme qui sombre dans la mort. La résurrection du Fils a mis en route un mouvement irréversible vers le Père, un mouvement qui  nous condamne à la résurrection (Sur 1 Co 6,14. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I, 164-165).

2- Les chrétiens doivent glorifier Dieu dans leur corps, et cela non avec des mines de victimes mais avec des mines d'enfants reconnaissants parce qu'ils peuvent percevoir dans le corps du Christ le prix versé pour qu'ils soient rachetés. C'est le corps qui est le prix. Ils peuvent faire de leurs propres corps des membres véritables de Son corps (Sur 1 Co 6,20. Cf. Ibid. I,172).

3 - Les deux disciples suivaient Jésus. Jésus se retourna et il vit qu'ils le suivaient. Le Seigneur voit venir les disciples; ils marchent vers lui sous son regard. Le Seigneur pose ce regard sur chaque instant de notre vie où nous cherchons à le suivre (Sur Jn 1,38-39. Cf. Jean. Le Verbe se fait chair II, 20).

4 - Jésus se retourne et il dit aux disciples : Qui cherchez-vous? C'est le Seigneur lui-même qui se retourne et s'adresse à eux. Il les laisse s'approcher, il est à leur disposition. A tout homme qui le suit, il donne aussitôt le tout. Nul ne peut dire qu'il a suivi le Seigneur sans que celui-ci se soit retourné ni lui ait prêté attention. Il n'arrive jamais non plus que le Seigneur laisse jamais courir un homme sans qu'il le rejoigne. Bien au contraire tout homme qui le suit voit sa vie comblée et conduite par lui. Non pas dans le sens d'une consolation sensible; il se peut même que ce soit un accomplissement dans la nuit et la sécheresse. Le comment de l'accomplissement est l'affaire du Seigneur. Aussi certain qu'est l’accomplissement même, aussi imprévisible est la manière dont il est réalisé (Sur Jn 1,38-39. Ibid. II,20).

5 - André dit au premier qu'il rencontre, son frère Pierre : "Nous avons trouvé le Messie". Toute grâce du Seigneur doit être aussitôt transmise à d'autres (Sur Jn 1,40-42. Cf. Ibid. II,21).

6 – Dans l'évangile d'aujourd'hui, Jésus commence sa vie apostolique. Pourtant lui-même ne se met pas aussitôt à appeler des disciples à sa suite, c'est Jean-Baptiste, le précurseur, qui lui envoie ses premiers disciples. L'un s'appelle André, l'autre, qui n'est pas nommé, est certainement Jean, l'évangéliste lui-même. Jésus se retourne et les deux disciples, sous son regard, s'avancent vers lui : "Que voulez-vous ?". Réponse : "Où demeures-tu ?" Où es-tu chez toi, afin que nous apprenions à mieux te connaître ? - "Venez et voyez". Simple invitation à accompagner : seul celui qui accompagne verra. "Ils allèrent, virent et restèrent". Rester est chez Jean le mot de l'existence définitive avec Jésus, le mot de la foi et de l'amour. Quant au troisième disciple, il n'est pas appelé, mais amené, presque de force. Jésus fixe son regard sur lui : Je te connais : "Tu es Simon, le fils de Jean". Mais j'ai besoin de toi pour quelque chose d'autre : tu te nommeras Céphas, Rocher, Pierre. Dès le premier chapitre de l'évangile, absolument et définitivement. Non pas une invitation, mais une exigence. Jésus a besoin non seulement de l'homme tout entier, il a besoin de lui comme pierre fondamentale pour tout ce qu'il construira (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 34-35).

7Samuel. Le peuple ne doit pas seulement voir en lui un homme bon, il doit toujours, grâce à lui, ressentir la proximité de Dieu, faire la rencontre et l’expérience du mystère. C’est en cela que Samuel est un médiateur. Il ne l’est pas de son propre fait mais parce qu’il est un envoyé de Dieu… Par sa mission, Samuel devra montrer les rapports qui existent entre le naturel et le surnaturel, entre la raison et l’obéissance. Il lui faut exécuter même ce qu’il n’a pas envie de faire, suivre des voies qui lui sont contraires et qui, pour sa foi, sa conception de la foi, ne sont pas de bonnes voies. Samuel se reconnaît comme un envoyé qui a été trois fois appelé par Dieu. Chaque fois, la voix l’a tiré de son sommeil. Le grand-prêtre interprète mal cet appel. Samuel, qui l’a compris, est ainsi mieux initié à sa mission que si tout s’était passé sans difficulté. Sans cesse il lui faut apprendre à dire : "Non pas ma volonté mais la tienne" (Cf. La mission des prophètes 40-42).

8 – Au début, si on avait demandé à Jean ce que c’est que suivre le Christ, il aurait répondu : "Demeurer auprès du Seigneur, recevoir chacune de ses paroles, se laisser envoyer par lui, lui demander des explications pour ce que je n’ai pas compris". Mais un jour ou l’autre, très vite, sa réponse aurait été autre : "L’amour du Seigneur est si grand que j’accepterai tout ce qu’il dira même si je ne le comprends pas. Ce que je porte en moi est à lui avant que ça ne m’appartienne" (Sur 2 Jn 9. Die Johannesbriefe 279). 

9 - Connaître le nom de Dieu et ne pas l’invoquer est presque comme une communion indigne (Sur Is 65,2. Isaias 210).

10 – Il y a dans le croyant une joie dans la distance (qui le sépare de Dieu), une joie qui n’essaie pas de saisir quelque chose de plus de Dieu, qui n’essaie pas d’exiger, de désirer, mais qui se réjouit des choses telles qu’elles lui sont données (NB 6,575).

11 – Il n’est pas permis de mettre en question la volonté de Dieu quand elle a été reconnue (NB 9,1998).

12 – Marcher selon la parole de Dieu qu’on a entendue, peu importe quand on l’a entendue, comme la femme qui devient enceinte n’a pas besoin de savoir quand exactement elle l’est devenue, elle a simplement à s’adapter à la loi de la vie qui croît en elle ; de même le croyant doit simplement tirer les conséquences de son état de vie et se laisser transformer par la parole qu’il a reçue en lui (Sur 1 Jn 2,7. Die Johannesbriefe 46).

13 – Il est impensable que quelqu’un connaisse l’amour du Seigneur sans se laisser attirer par lui dans son éternité (Sur 2 Jn 2. Ibid. 259).

14 – Comment aider quelqu’un à grandir dans la prière ? C’est comme pour une langue étrangère. On enseigne à l’élève mot après mot la langue de Dieu et des saints. Et tout d’un coup, il parle cette langue couramment. Mais ceci n’est possible que si on lui enseigne très clairement les rudiments, dans une relation de moi à toi. L’élève entend aussi comment le professeur par la langue avec les autres, il écoute et acquiert de l’aisance. Le professeur peut être Dieu lui-même ou la Mère de Dieu ou un prêtre. Ce n’est pas nécessairement une personne humaine. Dieu peut ouvrir le ciel à un enfant (NB 9,1945).

15 – Vouloir parler avec Dieu est déjà une réponse à la volonté qu’il a de parler avec nous (NB 10,2119).

16 – La prière peut être conduite par Dieu, pas nécessairement là où on voulait la conduire (NB 5,182-183).

 

2e dimanche C (Is 62,1-5; 1 Co 12,4-11; Jn 2,1-12)

1 La Mère de Jésus y était (à Cana). C'est la première fois que Jean mentionne la Mère de Dieu. Il est significatif que Jean commence à parler de la Mère et du Fils dans une situation où apparaît l'amour... La réponse du Seigneur à la suggestion de sa Mère est brusque et souligne la différence de leurs points de vue... Et  malgré tout, sans aucune parole d'amour, ils se témoignent l'amour suprême, car le Fils fait par amour ce que la Mère veut par amour... Il donne toujours plus de grâce que l'homme n'en demande et n'en attend. Il en va de même quand nous demandons à Dieu quelque bien déterminé; qu'il l'accorde ou non, il nous donne en tout cas toujours davantage que ce que nous avons sollicité. C'est ce qu'exprime ici le symbole du vin meilleur et, plus tard, la surabondance lors de la multiplication des pains et des pêches miraculeuses (Sur Jn 2,1-12. Jean. Le Verbe se fait chair II,33-37).

2 - Plus Dieu prend possession de l'âme, plus il augmente en elle la soif de lui-même. Mais personne ne peut dire  que son désir de Dieu sera demain plus grand qu'aujourd'hui. L'accroissement se fait uniquement en Dieu et ne se laisse pas répercuter dans le temps (Sur Jn 2,1-12. Ibid. II,38).

3Le vin vient à manquer. Marie s'adresse à son Fils ; c'est étrange, puisqu'elle n'a sans doute encore vu de lui aucun miracle extérieur. Mais il lui suffit de connaître la sainte puissance qu'il porte en lui. Jésus ne veut pas être forcé de jouer le rôle d'un thaumaturge, que lui imposera sans cesse désormais le peuple insatiable. Et c'est le mot sans doute le plus beau de Marie, qui s'en remet à lui en tout et invite en même temps les serviteurs à lui obéir : "Faites tout ce qu'il vous dira". Vraiment, sans que personne le remarque, c'est la splendeur de Marie qui éclate. Jésus ne résiste pas, la parole de la Mère est trop liée à ce qu'il a de plus intime. Il est dit ensuite que ses disciples crurent en lui : c'est là pour lui le seul résultat qu'il apprécie comme tel (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 35).

4 – L'unique Esprit possède tous les dons. Mais il nous appartiennent dans la mesure où Dieu veut nous y faire participer. L’Esprit distribue ses dons comme il l'entend. Il choisit ceux à qui il donne et ne se laisse en rien influencer dans son choix. Aucun croyant ne peut choisir lui-même son charisme. Par rapport à l'Esprit, il demeure toujours celui qui est choisi, distingué par l'Esprit. En vertu de ce choix, il devient capable d'une obéissance particulière. L'Esprit demande à celui qui a été choisi de se conformer à sa volonté..L'Esprit est celui qui nous ouvre la réalité trinitaire. Et ceux qui ont été choisis savent aussi que leur réponse est nécessaire pour que la révélation de la volonté de l'Esprit soit accessible aux autres dans l’Église. L'unique Esprit se donne à voir sous une multitude de facettes (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 94-96).

5 - Les noces de Cana. C’est le premier miracle que fait le Seigneur. La Mère est présente à ce premier miracle du Fils. Le premier miracle du Seigneur est accompli non sur un homme mais sur une chose. Ici, Marie est d’abord la femme qui supervise les choses du ménage comme les femmes savent le faire, qui voit tout de suite les manques. Elle le fait non pas en vertu de quelque inspiration supérieure, mais guidée par un sens féminin tout naturel. D’un autre côté, elle a également connaissance des possibilités divines du Fils. Certes, elle n’a encore vu aucun miracle de sa main. Mais il l’a si bien remplie de son Esprit qu’elle sait très précisément que rien n’est impossible au Fils. Ces deux réalités – sa nature de femme et sa foi surnaturelle – deviennent constitutives du miracle à venir. Elle s’adresse donc au Fils à double titre : d’une part avec ce que la femme a remarqué : "Ils n’ont plus de vin", et d’autre part avec ce que la croyante sait et n’exprime pas : "Tu peux y remédier". Dans un premier temps, le Fils n’est pas enclin à accéder à sa prière. Mais la Mère insiste. Elle s’adresse maintenant aux serviteurs : "Faites ce qu’il vous dira". Elle croit, elle a confiance et, dans cette foi confiante, elle sait avec certitude ce qui lui est permis de croire. Le premier temps de sa demande consiste à montrer ce qui manque. Elle confie, ce faisant, l’affaire au Seigneur et n’y revient plus. Si elle insiste, comme l’exige ici son rôle de femme, ce n’est plus en s’adressant au Seigneur mais aux serviteurs de la maison auxquels elle indique le Seigneur. Et le Seigneur accomplit le miracle. La foi n’est pas déçue ; Dieu répond toujours à la question de la foi, même si sa réponse ne correspond peut-être pas à l’attente humaine du croyant. D’ailleurs la foi elle-même n’attend rien de déterminé, elle attend juste la réponse surabondante de la grâce. Et le contenu de cette réponse n’est jamais prévisible (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 139-144).

6 - Chacun a à recevoir de Dieu ce que Dieu lui donne (NB 9,1993).

7 - Les charismes ne sont pas distribués au hasard, ils sont donnés par Dieu conformément aux besoins et aux nécessités de son Église, dans chaque conjoncture historique (HUvB, AvS et sa mission théologique 79).

8 – Les œuvres de l’Esprit sont insondables, indescriptibles, on ne peut s’en faire une idée complète. Dans une communauté, dans une ville, des milliers de vies se côtoient, partout des efforts à différents niveaux, partout il y a quelque chose de la présence de l’Esprit, et cependant on ne peut le saisir nulle part ; dans une ordonnance qui nous paraît pur désordre, il conduit tout le monde vers le Seigneur. Tous ceux qui ont reçu en eux une semence de Dieu sont touchés par l’Esprit des manières les plus diverses et sont en route vers l’amour trinitaire. Bien que nous soyons chair, malgré nos résistances, nous avons reçu l’Esprit. Toutes les langues que nous ne comprenons pas nous sont compréhensibles dans l’Esprit. Nous ne comprenons rien tant que nous regardons l’autre comme un étranger ; Dieu par contre voit en nous les frères de son Fils par l’Esprit Saint. Et par le Fils et l’Esprit, le monde est en mouvement vers l’éternel mouvement de Dieu (NB 6,93).

9 – Le travail de Dieu (dans l’Ancien Testament) ressemble à celui d’une femme enceinte qui prépare tout pour l’accouchement. Par sa parole prophétique, Dieu prépare l’incarnation du Verbe (Sur Is 62,1. Isaias 186).

10 – Plus un chrétien est saint, plus purement l’Esprit demeure en lui, et plus il peut le voir clairement, le décrire, le transmettre ; tandis que le tiède fabrique un mélange confus d’Esprit et de moi (NB 6,425).

 

3e dimanche A (Is 8,23-9,3; 1 Co 1,10-13.17; Mt 4,12-23)

1 - La grâce et la mission du Seigneur sont toujours claires et absolues. Et plus grande et différenciée est la mission que le Seigneur offre à quelqu'un, plus clair et marqué est l'appel. Celui qui a été ainsi touché par l'épée porte une blessure. Il peut bien tenir tête et résister, faire comme s'il n'était pas blessé, il reste marqué et n'a d'autre choix que de se mettre à la disposition du Seigneur sous peine de mourir d'hémorragie (Sur Ap 2,12. Cf. L'Apocalypse 173).

2 – La Galilée passait pour une région spirituellement obscure, à demi-païenne, et c'est de là justement que la lumière va se lever. De même les lieux où agissent les saints, comme ceux où apparaît la mère de Dieu sont souvent des coins cachés. Que Jésus provienne de cette région mi-juive, mi-païenne, et commence à exercer son activité là-bas, est comme une prédiction. Mais en définitive, jusqu'à présent, les juifs comme les païens ont habité dans le sombre pays, seul l'Unique peut se désigner comme la lumière du monde et comme la lumière de la vie (Jn 8,12). Mais Jésus, la lumière qui se lève, ne veut pas procéder seul. Il cherche aussitôt des aides. Dès l'abord il promet de faire d'eux, simples pêcheurs, des pêcheurs d'hommes. Ils le suivent aussitôt. Ils apprennent d'abord à regarder et à comprendre ce que fait leur maître ; ensuite seulement ils pourront annoncer le message du royaume de Dieu et par là guérir les hommes de leur maux. Ils suivent Jésus, mais aller avec le Christ signifiera finalement suivre le chemin qui mène nécessairement à la croix (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 37-38).

3Le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ (1 Co 1,17). Paul place toute son action sous la croix, de même que toute la vie terrestre du Seigneur est résumée dans la croix; la croix est le point central de cette vie. Le baptême n'est pas le point central de la mission de Paul. Ce qu’il a à faire, dans l'obéissance absolue, c'est d'annoncer l’Évangile. Il tente de mettre entre parenthèses son talent d'orateur afin que ressorte seulement le ministère qu'il a accepté. Ce qu'il a à dire ne doit pas s'imposer à l'auditeur par la force de sa personnalité, par la sagesse et la subtilité du langage qui le caractérisent, mais uniquement par le signe de la croix sous lequel se tient l’Évangile. Dans ce verset, Paul montre deux choses : la supériorité de sa mission, qui consiste à montrer la croix ; mais également le néant de sa propre existence et de son talent. Tout ce que Paul peut entreprendre, c'est essayer d'être à l'écoute du sens de la croix dans le Père et dans l'Esprit. Paul doit tenter de comprendre la croix comme point central de son apostolat, comme le Fils lui-même a vécu dans l'optique de la croix (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,31-33).

4Venez à ma suite (Mt 4,19). Le jeune qui pense percevoir un appel de Dieu peut bien ressentir une joie mystérieuse, mais il se sent incapable de se représenter sa vie actuelle et passée unie à cet appel, à l’intérieur de cet appel. L’appel est le fait absolu, l’objectivité incorruptible ; il est la voix qui s’adresse à une personne déterminée, et par cet appel l’interpellé devient celui qu’il est ; il entre dans la seule lumière qui en vérité l’illumine. L’homme devient un autre. Ce changement est avant tout intérieur, caché ; il concerne surtout sa prière, sa vie intérieure, sa conception du monde et des choses. L’homme est appelé par Dieu en liberté. L’homme peut entendre l’appel et le comprendre, mais il a aussi la possibilité de ne pas écouter et de se détourner. L’appel écarte ce qui lui est incompatible, il exige de lui ce qui lui est favorable (Cf. Ils suivirent son appel 17-19).

5 – Les rencontres racontées dans l’Évangile entre des croyants et le Seigneur ont toujours conduit à une sorte de choix. Certains doivent tout abandonner, et le Seigneur assume toute la responsabilité, tout le souci de la vie qui se confie à lui. Il forme cette vie comme bon lui semble. Ici la rencontre devient plus expressément prière ; car ici l’état c’est d’être auprès du Seigneur, de demeurer dans le Seigneur, et le fait de demeurer en lui contient d’innombrables et fécondes nouvelles rencontres avec lui. Et lorsqu’il rencontre quelqu’un de la sorte, c’est pour toujours (Cf. Le monde de la prière 128).

6 – Qui se donne à Dieu totalement ne tombe pas dans le vide. Il se tient à l’exemple du Seigneur, à son invitation à le suivre et, dans cette invitation, le Seigneur dévoile en même temps ce qu’il a de propre. Qui le voit, voit le Père, et la vision se fait dans l’Esprit Saint. Il n’est pas facile de se représenter que Dieu est devenu totalement homme ; mais plus difficile encore de se rappeler constamment que cet homme est le Fils du Père, la deuxième personne de la Trinité, que celui qui veut le suivre regarde vers l’infini comme par une meurtrière qui ouvre sur cet infini. Ainsi peut-il promettre joyeusement au Fils de le suivre ; mais il voit aussi que bien des choses encore demeurent mystérieuses. S’il veut se mettre authentiquement à la suite du Christ, il n’a pas le droit de s’en tenir à ce qu’il a compris, il ne doit pas seulement vivre pour ce qu’il a saisi, il doit suivre le Christ tout entier. Il peut certes avoir une préférence pour des mystères particuliers, ceux par exemple par lesquels il a perçu l’appel. Mais le Seigneur s’adresse à chacun avec le visage qui correspond à ses possibilités de perception ; personne ne doit s’effrayer de ce que le Seigneur soit si riche, chacun doit au contraire se tenir ouvert à tout, avec respect (NB 6,491).

7 – La parole est une partie essentielle de la mission de Paul ; la même chose vaut pour tous les chrétiens. La parole leur est confiée comme un devoir. Ils ne peuvent pas représenter une Église du silence et de l’ignorance, ils doivent pouvoir parler. Et une parole qui s’appuie sur la Parole qu’est le Seigneur, une parole qui est pleine de sa grâce et de son amabilité, une parole qui est agréable à entendre et qui fait apparaître la foi non comme la conduite solitaire d’un individu mais comme ce qui lie à la Parole de Dieu. La parole du croyant appartient au Seigneur qui est la Parole, elle est un don qui vient du Seigneur ; le croyant ne s’est pas du tout emparé d’une parole dont il pourrait disposer selon son bon plaisir, à laquelle il pourrait imprimer le cachet de sa personnalité,il reçoit la parole en même temps que la grâce, dans l’acte du don que Dieu lui fait (Sur Col 4,6. Der Kolosserbrief).

8 – Pour nous approcher du Seigneur nous dépendons totalement de lui (Das Licht und die Bilder 76).

 

3e dimanche B (Jon 3,1-5.10; 1 Co 7,29-31; Mc 1,14-20)

1 - Quand les évangiles relatent comment les apôtres abandonnent tout avec simplicité pour suivre le Seigneur et que les difficultés qu'ils ont rencontrées ne sont rapportées que plus tard, il ne faut pas conclure que le premier pas leur a été facile; suivre le Christ reste dans la vie une rupture douloureuse. Le renoncement est réel, mais le poids de l'appel l'emporte sur tout. Celui qui est appelé doit tout faire pour demeurer dans cette voix; si elle se tait, il a tout perdu; et il préférerait perdre tout le,reste plutôt qu'elle ne se taise. C'est la voix qui nous permet de suivre le Seigneur. L'idée d'une vie sans cette voix apparaît comme une solitude insupportable. Il nous faut donc obéir, car qui sait si la voix se fera entendre une autre fois? Celui qui dit oui sait qu'il aura bien à lutter. Il ne sera pas toujours dans la joie, il connaitra des heures de doute, ses fautes et ses faiblesses ne le laisseront pas en repos. Il n'a pas le sentiment que le monastère, le séminaire, la communauté qui l'accueillent gagnent grand-chose. Il est un cadeau douteux, moins qualifié pour rendre service que la plupart des autres qui auraient pu se présenter. Toutefois il n'a pas le choix puisque c'est lui que Dieu a désigné (Ils suivirent son appel 23-25).

2 - Après que Jean eut été livré. Marc nous a introduits dans la mission du Baptiste. Et voilà qu'il dit pour conclure, froidement semble-t-il, sans commentaire : "Après que Jean eut été livré". Un envoyé a fait ce qu'il devait, et puis il a été livré : exposé le plus concis possible de la vie d'une saint, d'un martyr. Puis la vie continue. La fin d'un chrétien n'a pas d'intérêt, comparée à sa mission. C'est elle qui a du poids. C'est l'obéissance qui importe, et puis peut-être sera-t-on livré. L’Église ne perd rien par là, au contraire. C'est presque comme si on entendait dire : au suivant, s'il vous plaît. C'est que la mission est plus importante que la vie et que la mort ne signifie pas achèvement, mais prolongement, voire commencement (Cf Mc 1,14. Saint Marc 30-31).

3 - Et aussitôt ils laissèrent là leurs filets. Ils laissent là leurs instruments et ils viennent. Ils ne font pas de préparatifs, ils n’essaient pas de gagner du temps, ils n'interrogent pas. Ils suivent. Parce qu'ils ont été appelés. Ils suivent parce que le Seigneur leur a dit de le suivre. C'est une obéissance absolue, une obéissance difficile parce qu'elle signifie l'adieu à ce qui existait jusque là et l'aventure complète avec le Seigneur. Pour l'avenir, rien n'est assuré, aucun plan n'est proposé, rien, on demande seulement un changement dans la profession. Le Seigneur exige tout : subitement, totalement, et pour toujours (Sur Mc 1,18. Cf. Ibid. 36).

4 - Le Seigneur laisse dans la barque Zébédée avec ses ouvriers. Zébédée aurait préféré garder ses fils plutôt que ses ouvriers. Mais il se soumet et il accepte ce que le Seigneur lui laisse. Toute cette situation ne manquera pas de se répéter, elle intervient aussi dans notre destin personnel : il y a un appel, on suit, on sait qu'il y en a d'autres qui ne sont pas appelés mais qui demeurent sous le regard du Seigneur. L'appel dépend de son bon plaisir. Notre devoir est de le suivre si nous avons été appelés. Ceux qui restent en arrière doivent demeurer dans leur tâche; c'est une obéissance qui n'est pas moindre ni plus facile. Et il n'est pas rare qu'elle puisse être pour notre obéissance un modèle et un aiguillon (Sur Mc 1,20. Cf. Ibid. 40).

5 – La prédication de Jonas : "Encore quarante jours, et Ninive sera détruite". Dieu veut toujours le bien, et jamais la destruction ; c'est là seulement où l'on se moque de la conversion que Dieu doit anéantir le mal par amour du bien (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 96).

6 – Quatre disciples sont appelés par Jésus à quitter leur activité profane, et ils obéissent sans broncher à cet appel. Ce sont des vocations exemplaires, mais pas à proprement parler des exceptions. Des chrétiens aussi, qui restent dans leur profession séculière, ont été appelés au service du Royaume que Jésus annonce. De même que les fils de Zébédée quittent leur père et leurs ouvriers pour suivre jésus, ainsi le chrétien qui demeure dans le monde doit laisser beaucoup de ce qui lui paraissait indispensable s'il veut suivre Jésus sérieusement (Cf. Ibid. 37-38).

7 – Paul parle aux frères dans le Seigneur et dans la foi, des frères pour lesquels le Seigneur est mort comme pour lui. Ils devraient se comprendre dans cette mort ; elle est en effet la condition préalable à la compréhension. Le temps de la création vient de Dieu, mais rien n'a été formulé au sujet de sa longueur. Aujourd'hui il y a la mort vers laquelle toute chose se précipite rapidement. Il y a la mort parce qu'il y a le péché. Paul tente d'aiguiser chez ses frères la perception de cet aspect éphémère du temps et ainsi de les dilater suffisamment pour qu'ils puissent recevoir la vie éternelle qui n'est pas accessible autrement qu'à travers l'étroitesse du temps. Pour Paul, celui qui n'est pas marié est déjà libre. Même celui qui est marié doit, dans la mesure du possible le devenir. Il doit donc, au milieu de la possession, tendre à réaliser la non-possession. Paul ne dit pas qu'à cause de la brièveté du temps les frères doivent dès maintenant cesser leurs activités. Cependant ils ne doivent pas attribuer à la réalité qui passe une valeur permanente. Ils doivent s'approcher de Dieu dans le même dépouillement que celui qui était le leur lorsqu'ils ont été créés. L'éternité ne connaît aucun terme et rapporte tout à Dieu (Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,202-204).

8 – Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle (Mc 1,15). Se convertir ne veut pas dire se tourner vers Dieu en tournant le dos au monde. Car nous sommes dans le monde et nous sommes créés en tant que partie du monde ; si nous changeons de direction, quelque chose change dans le monde. Au moment de notre rencontre avec Dieu, nous ne devons pas oublier la destination de tous les autres hommes. Cette solidarité universelle, le Seigneur l’a soulignée dans son commandement de l’amour du prochain. Et notre prochain, c’est le monde entier. Il faut le prendre avec soi sur le chemin personnel qui mène à Dieu. Assurément nul homme, fût-ce François Xavier, ne pourra convertir tous ses frères de la terre. Mais dans l’esprit de la mission propre au Carmel, il prendra avec lui le monde, afin que lui aussi rencontre Dieu. Il les prendra dans tous les actes de sa vie quotidienne, mais plus spécialement dans la prière et où l’orientation de toute chose devient parfaitement claire, là où la piété vit encore et où le monde peut trouver la guérison (L’homme devant Dieu 73).

9Jonas. Dieu appelle ; Jonas ne veut pas obéir. Dieu n’a pas seulement une voix pour appeler, il dispose de nombreux et puissants stratagèmes devant lesquels toute ruse humaine s’effondre. L’homme paraît de plus en plus petit devant l’appel toujours plus grand de Dieu. Le non de Jonas l’éloigne de Dieu, mais il va se briser contre l’implacable volonté divine. Son oui ne correspond pas aux plans qu’il s’est forgés lui-même. Tout est entre les mains de Dieu. L’exemple de Jonas doit montrer à l’envoyé que l’homme est toujours dépassé par Dieu, aussi bien dans la révolte que dans l’obéissance. Dieu voulait lui faire comprendre qu’il est plus grand que toute mission et que sa volonté dépasse tout consentement humain. Les paroles de l’homme sont sans importance, ce qui importe c’est l’action du Dieu tout-puissant (Cf. La mission des prophètes 81-82).

10 – Il est absolument certain que Jésus a exprimé sa relation personnelle et unique à Dieu dans le mot intime "Abba". Il fut sans équivoque "le Fils". C’est sans aucun doute un fait historique que Jésus a appelé des disciples, qu’il les a initiés à le suivre dans sa propre vie d’une manière toute personnelle, et par là a érigé consciemment son propre être en modèle, montrant comment on parvient à la véritable relation avec Dieu. Les prophètes de l’Ancien Testament disaient : "Ainsi parle le Seigneur; le type de celui qui se conduit comme le Seigneur de la vérité ("mais moi je vous dis") n’existe pas dans l’histoire de l’humanité ( HUvB, La conscience de Jésus et sa mission, dans la revue Communio, janvier-février 1979, p. 33-34).

11 Les sacrements sont issus de la vie éternelle et y lient toujours plus étroitement la vie de chacun. Ils aident l’éternité à s’implanter plus profondément dans le terrestre (Sur Jc 3,12. Die katholischen Briefe I,171).

12 – Le grand danger dans le mariage est de surestimer la communauté conjugale : le Je et le Tu semblent produire une sorte d’absolu alors qu’il s’agit en réalité de l’union de deux finitudes. Le mariage chrétien est une forme de vie qui devrait faire participer à l’infini de Dieu au sein de ce monde fini, mais dans le mariage, cette participation est beaucoup plus difficile à réaliser que dans la vie selon les conseils évangéliques (Cf. NB 11,356).

13 – Plus un homme est croyant, plus Dieu lui montre le chemin qu’il doit suivre. Dieu ne demande à personne une œuvre dont il n’est pas capable. Ne pas faire ce que Dieu demande, c’est commettre un péché. Et le péché serait la mort, la fin de la foi vivante. La foi n’est jamais sans mission, et la mission se manifeste dans une œuvre accomplie selon le dessein de Dieu (Sur Jc 4,17. Die katholischen Briefe I,210-211).

14 – Tout chrétien a une mission propre, à lui donnée par le Fils qui a reçu tout pouvoir au ciel et sur la terre (Sur Mt 28,19. Passion nach Matthäus 252-256).

15 – Il est beaucoup plus facile qu’on ne le croit de servir le Seigneur et l’Église (NB 9,1668).

16 – Tout ce que m’imposent la vie, les circonstances, c’est vraiment providentiel parce que la volonté de Dieu y est évidente. Quand le choix m’est laissé, il est plus difficile de savoir où est le bon choix (Cf. NB 11,352).

 

3e dimanche C (Ne 8,1-6.8-10; 1 Co 12,12-30; Lc 1,1-4. 4,14-21)

1Cette parole de l’Écriture, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit. Jésus applique à lui-même les paroles d'Isaïe. Les gens qui sont dans la synagogue connaissent bien Jésus. Tout d'un coup, de l'obscurité de ses années de jeunesse, il surgit devant eux dans une lumière inouïe, exactement dans le rôle du Messie. L'évangile de dimanche prochain racontera comment les paroles de Jésus furent reçues par les auditeurs : non pas avec des larmes et dans l’allégresse, mais avec irritation. On peut noter ici deux choses : le courage de Jésus, qui s'en tient à sa mission, et de son humilité, car il désigne son activité comme une simple obéissance à l'Esprit du Seigneur qui repose sur lui. Sa mission est l'accomplissement de toutes les promesses suprêmes de Dieu, mais il l'exécute comme le vrai serviteur de Dieu (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 37-38).

2 - Les dons spirituels suscitent le désir ardent de l'Esprit Saint, le désir de le posséder pour pouvoir mieux lui correspondre. Les dons de l'Esprit Saint éveillent le sens que Dieu est toujours plus grand, ce qui veut dire que, du côté de l'homme, ne peut correspondre qu'un mouvement continuel... Et le mouvement vers le Seigneur est toujours prière, dialogue avec lui, par quoi celui qui est en marche acquiert la certitude  d'être sur la bonne voie (Sur 1 Co 12,31. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 113-114).

3 – Le baptême est le sacrement de l'entrée dans l’Église, il est le point de départ d'une évolution, il est la semence qui donnera un fruit. Nous sommes baptisés en un seul Esprit, par un processus qui nous donne l'Esprit, non pas pour que nous puissions le garder dans un coin de nous-mêmes, mais afin que nous soyons pleinement abreuvés par lui. C'est un mouvement, une mise en service. De même que le Fils vient continuellement du Père et va vers lui, nous venons aussi du Fils et allons vers lui grâce à l'Esprit. En se communiquant, l'Esprit nous renouvelle. Une fois abreuvés par lui, il nous oriente vers le Fils. Ce que nous étions auparavant n'a plus d'importance : nous renaissons et nous recherchons le Seigneur (Cf. Ibid. II, 98).

4 - Cela n’aurait chrétiennement aucun sens que mon "moi" existe s’il n’était un "moi-avec-le-monde-entier" dans la communion de l’amour trinitaire. Toute pensée qui s’occupe de mon moi séparé est chrétiennement une pensée perdue, si le sens de ce moi n’est pas en liaison avec le tout, n’est pas donné et n’est pas au service du tout. Nous sommes réellement tous avec le Seigneur eucharistique , en qui Dieu fait exister son être trinitaire dans le monde de manière à se prodiguer à tous (NB 6,101).

5 – Jean se sait toujours responsable de Gaïus et de sa mission, il considère que Gaïus lui est confié. Personne n’est responsable que de sa propre mission, il l’est toujours aussi pour la mission de ceux qui dépendent de lui. Pour Jean, tout ce qui concerne Gaïus est fonction de sa mission : sa santé, l’état de sa foi, l’état de son âme. Le but, c’est la mission. Il ne suffit pas que deux chrétiens savent l’un de l’autre que chacun a sa mission et y est fidèle. Ils ont l’un pour l’autre la responsabilité de l’amour. L’Église est un lien entre les hommes et ils ont une responsabilité les uns pour les autres. L’amour ecclésial inclut le prochain dans la mission. Si Gaïus va bien, il ne peut aller bien pour lui tout seul. Son bien-être spirituel doit aussitôt s’exprimer dans sa mission (Sur 3 Jn 2. Die Johannesbriefe 293-294).

6 – Nous sommes baptisés dans le seul Esprit par un rite qui nous donne l’Esprit Saint, non de manière à pouvoir le conserver dans un coin de nous-mêmes, mais pour en être complètement imprégnés (HUvB, AvS et sa mission théologique 208).

7 – Le péché des autres : quand je le vois, il y a quelque chose comme une communion dans la faute : moi pécheur, je n’ai pas empêché mon frère de pécher. Dans mon attitude de confession, je dois inclure sa confession à lui. Toute réception d’un sacrement inclut les frères d’une certaine manière : personne ne peut recevoir l’absolution pour lui seul en voulant exclure les autres de cette grâce. De même pour la communion eucharistique (Sur 1 Jn 5,16. Die Johannesbriefe 229).

 

4e dimanche A (So 2,3; 3,12-13; 1 Co 1,26-31; Mt 5,1-12)

1Heureux ceux qui ont une âme de pauvre. Les premiers que le Seigneur proclame bienheureux sont les pauvres. Ceux qui ne possèdent rien, parce qu'ils n'ont rien, et surtout parce qu'ils ont renoncé à tout. Les pauvres sont bienheureux parce qu'ils n'ont rien qui les sépare de la béatitude : ils sont ouverts, ils sont livrés nus et sans résistance. Leur pauvreté n'est pas simplement une absence de biens, c'est la pauvreté de celui qui est libre, qui s'est libéré pour l'Esprit Saint. De celui qui a renoncé à opposer son propre esprit à l'Esprit Saint, qui s'est si bien préparé à le recevoir que d'avance il lui a cédé et a dégagé en lui-même toute la place. (Sur Mt 5,3. Le sermon sur la montagne 8-9).

2Heureux les miséricordieux. Les miséricordieux ne calculent pas. Ils ne mesurent pas. Ils donnent. Ils donnent d'abord leur amour à leur frères et à leur prochain, à leur manière. Ils donnent à chaque instant et ils donnent tant que bientôt ils ne savent même plus qu'ils donnent. Ils se tiennent tout simplement disponibles. Ils sont heureux chaque fois qu'ils découvrent quelque chose qui leur permet de faire plaisir à quelqu'un, de porter secours (Sur Mt5,7. Cf. Ibid. 17-18).

3Heureux les cœurs purs. Les cœurs purs sont ceux qui ne cessent d'ouvrir leur cœur tout entier devant Dieu de façon qu'il puisse tout voir. Dieu peut, puisqu'il voit tout, percer l'homme à jour, même contre sa volonté. Et il discerne aussi bien ce qui est dissimulé que ce qui est à découvert. Si quelqu'un présente son cœur à Dieu et lui montre tout ce qu'il est, il sait que Dieu le purifiera et le délivrera ainsi purifié de tout souci le concernant lui-même. Personne ne reçoit de Dieu un cœur pur pour le posséder pour lui-même. Il n'est donné qu'avec l'exigence divine de s'en servir. - C'est le Fils de Dieu qui confère cette pureté à nos cœurs. Le Fils, dans son cœur pur, ne cesse de contempler le Père. Et il assure à ceux qui ont le cœur pur qu'eux aussi contempleront le Père. Il sait que contempler le Père de toute éternité est le don le plus grand qu'il puisse nous faire. La pureté du cœur qui nous est demandée se présente comme un petit effort tout à fait insignifiant par rapport à une récompense infinie (Sur Mt 5,8. Cf. Ibid. 20-23).

4 - Est pur celui qui veut ce que Dieu veut (Sur Mt 7,15. Ibid. 229)

5Heureux les pauvres de cœur. Ce que Jésus expose ici, c'est la pure expression de sa mission et de son destin les plus personnels. Il est celui qui est devenu pauvre pour nous, celui qui pleure sur Jérusalem, le non-violent contre qui toute la violence du monde se déchaîne et se brise, celui qui a faim et soif de la justice divine, jusqu'à ce que, mourant de soif, il l'ait apportée en ce monde. Il est celui qui révèle et réalise sur terre la miséricorde du Père, il a le cœur pur qui regarde sans cesse le Père. Il est celui qui est persécuté par le monde entier parce qu'il incarne la justice divine. Sous tous ces rapports, il est le bienheureux parce qu'il incarne parfaitement le salut pensé par Dieu pour le monde, et qu'il le lui procure. Il commence toute sa prédication par une présentation de lui-même qui invite à le suivre. La pauvreté volontaire, l'ancienne Alliance ne la connaissait pas encore, pas plus que le renoncement volontaire à toute violence. Seule la mission nouvelle et particulière de Jésus les justifie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 39-40).

6Afin que personne ne puisse se glorifier devant Dieu (1 Co 1,29). Par l'incarnation du Fils, la chair a reçu une nouvelle dignité : celle du Fils qui, dans sa chair, se tient devant le Père pour le glorifier. Le Fils n'a jamais porté sa nature humaine autrement que dans l'obéissance au Père. Parce que le Christ est le Verbe incarné, il s'offre à nous également sous la forme de l'eucharistie ; elle aussi est glorification du Père. Dans la chair, le Verbe a voulu nous parler sous une forme qui nous était connue, il a voulu nous rappeler ce qu'il y a de plus urgent : que nous devions glorifier le Père en communion avec sa chair présente dans notre chair. Cette chair nous est offerte dans l'eucharistie. De même que quelque chose change dans la chair d'une vierge lorsqu'elle est fécondée par un homme, de la même manière l'eucharistie transforme quelque chose en nous, de telle sorte que nous ne pouvons plus nous glorifier que dans le Fils du Père et non plus en nous-mêmes (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,46-47).

7Une âme de pauvre. Celui qui choisit de suivre le Christ, il faut qu’il renonce aux biens matériels ; et même les biens spirituels qu’il possède, il n’est plus sûr de pouvoir s’en servir. Dieu ne veut que lui. Il le veut dépouillé de toutes ses garanties terrestres, nu. Une nouvelle vie commence, et Dieu y mettra lui-même ce qu’il juge bon. Dans ce geste du dépouillement de soi, il suit strictement le Seigneur, c’est un geste chrétien, c’est un geste divin. Le Christ a été attaché à la croix, il est venu au monde, nu. Il a vécu dans la pauvreté et il a tout remis au Père, même son esprit. Plus la pauvreté est parfaite, plus on est à la suite du Christ. Le critère n’est pas la privation extérieure, c’est l’attitude spirituelle. Désormais il dépend du Père comme les oiseaux du ciel, comme les fleurs des champs qui sont vêtues par lui. Le pauvre vit dans la dépendance directe de Dieu. Il le fait sans se poser de questions, avec insouciance (Cf. Ils suivirent son appel 41-43).

8Heureux l’homme qui ne marche pas au conseil des impies (Ps 1,1). De même que Dieu, à la création, a trouvé bonnes toutes choses, surtout l’homme, ainsi le psalmiste commence-t-il lui aussi par déclarer que l’homme est heureux. Cet homme a depuis lors pris de l’âge ; il a péché. Cependant il peut être heureux s’il essaie de faire ce que Dieu attend de lui. Sa béatitude n’est plus celle que Dieu lui avait offerte au commencement… A présent, pour déclarer l’homme heureux, le psalmiste doit d’abord lui retirer des voiles, l’extraire de conditions de vie dans lesquelles il ne peut être que malheureux. Heureux, il l’est à condition que soit retiré ce qui le sépare de Dieu… L’homme qui veut être heureux doit se détourner de la voie des pécheurs. Or, puisqu’il ne peut faire autrement que de marcher sur la terre, qui est remplie d’impies, il doit vivre dans un constant discernement des esprits (Dix-huit psaumes 9-10).

9Il y a des hommes qui ont le droit de s’approcher du Seigneur. Celui qui a le droit de s’approcher du Seigneur doit posséder quelque chose : avoir des mains pures et un cœur limpide (Ps. 24, 3-4). Celui qui s’avance vers Dieu doit lui apporter quelque chose. Mais puisque c’est Dieu qui l’a créé, ce qu’il apporte à Dieu est aussi ce qu’il reçoit de Dieu. Et ainsi la mesure de la pureté des mains et de la limpidité du cœur se trouve en Dieu même qui doit y reconnaître sa propre possession (Cf. Ibid. 104-105).

10 – C’est quoi la pureté ? C’est très simple. C’est qu’on est créé pour Dieu tout d’abord, et ensuite seulement pour les hommes. C’est aussi qu’on est créé pour ce que Dieu veut et non pour ce que je veux. C’est ça ce que je comprends par pureté (NB 7,241).

 

4e dimanche B (Dt 18,15-20; 1 Co 7,32-35; Mc 1,21-28)

1 - Aucun croyant ne peut façonner son service de telle sorte qu'il y trouve d'abord son bon plaisir et secondairement qu'il serve le Seigneur. Le service du Seigneur et le bon plaisir du croyant se présupposent réciproquement et se complètent. Cela veut dire aussi que celui qui est vierge porte du fruit pour le Seigneur et qu'une vie stérile est impensable dans la foi. Chacun a une mission propre qui réside dans le Seigneur et qui est en mesure de combler sa vie; cette mission peut combler sa vie non seulement s'il a de la chance, mais de manière absolue et catégorique, et elle la comble réellement (Sur 1 Co 7,32-33. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,206).

2 - On était frappé par son enseignement. Ils le connaissent. Ils savent d'où il vient. Ils savent qu'il a été pendant trente ans charpentier dans la maison de Joseph. Ils ont une certaine opinion d' l'artisan qu'il était et de ses autres aptitudes. Ils le connaissent. Ils savent à quoi il a été formé. Et voilà qu'il enseigne comme si c'était son métier d'enseigner, comme s'il y avait été préparé. Ils sont stupéfaits. Il n'est pas un prophète, mais il semble inspiré. Il ne parle pas de choses dont on ne comprend rien. Cela surprend : d'où peut-il tenir cela, ce charpentier inculte? (Sur Mc 1,21-22. Saint Marc 41).

3 - Tais-toi et sors de lui! C'est le premier miracle du Seigneur dans l'évangile de Marc. Il l'opère en sachant que l'esprit impur doit lui obéir. Qu'il connaisse sa puissance sur l'esprit est déjà un miracle. Le Seigneur sait qu'il a pouvoir sur l'esprit impur. Il n'y a ici ni palabres, ni longues déclarations, ni prières, ni patientes discussions. Le Seigneur expulse l'esprit, il le rudoie. Ce n'est pas une affaire paisible. C'est un dur combat. Tout en le menaçant, il lui donne deux ordres différents : d'abord de se taire, ensuite de sortir. Ici est fondé quelque chose qui ne se perdra pas dans le christianisme, et l’Église forgera même pour cela des formules propres (Sur Mc 1,25. Cf. Ibid. 45-46).

4 - Ne pas considérer l'événement comme un épisode parmi beaucoup d'autres, mais être conscient de l'importance de ce premier miracle relaté par Marc : hostilité déclarée du Seigneur à l'égard du diable et défaite de l'esprit impur; et dans la défaite il est encore laissé à celui-ci la possibilité de montrer sa colère.  Il n'est pas tué mais vaincu. Il se retire en vaincu, mais comme tel il continuera à s'élever contre le Seigneur (Sur Mc 1,25-26. Ibid. 47).

5 – L'enseignement de Jésus est reconnu comme un enseignement nouveau. Ce que réclame la nouvelle doctrine, c'est un radicalisme de l'obéissance à Dieu. Ce radicalisme ne demande nullement une fuite du monde mais, au milieu du monde, de son travail et de ses peines, une vie sans partage pour Dieu et conforme à son commandement. Ce commandement est à la fois infiniment simple et infiniment exigeant : aimer Dieu par-dessus tout et le prochain comme soi-même. Telle est la perfection accessible à l'homme (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, 38-39).

6 - Dans la deuxième lecture, Paul vise le même radicalisme. S'il distingue apparemment deux catégories d'hommes : les non mariés qui ont souci des affaires du Seigneur et les gens mariés qui ont souci des affaires du monde, des moyens de plaire à leur femmes, il ne veut certainement pas détourner du mariage ou d'une profession séculière, mais tout au plus montrer ce qu'on observe habituellement chez les gens animés pas l'esprit du monde. Il peur bien accorder au célibat une certaine prééminence, il ajoute pourtant aussitôt que chacun reçoit de Dieu son don particulier, grâce auquel il est absolument possible, même dans le monde et le mariage, de servir Dieu et d'aimer son prochain sans partage. On peut parfaitement se demander si cela est plus facile dans l'état des conseils évangéliques que dans un mariage chrétien bien vécu (Cf. Ibid., 39).

7 - Celui qui renonce au mariage doit le faire dans la claire conscience de la beauté inouïe du don de Dieu qui réside dans la sexualité ; il doit renoncer parce que c’est si beau et parce qu’il est reconnaissant de pouvoir offrir à Dieu quelque chose de si beau (Sur 1 Jn 2,15. Die Johannesbriefe 60).

8 – Ceux qui sont vierges doivent savoir remercier Dieu pour le don de la sexualité qu’ils peuvent lui rendre (NB 9,1646).

9 – Celui qui se décide pour les conseils évangéliques, où il abandonne sa vie, devrait le faire avec un cri de joie et non avec le sentiment d’un "sacrifice" (Kostet und seht 409).

10 – Sur la terre, le Fils ne parlera pas autrement qu’en conversation avec Dieu et pour le glorifier. Toute parole qu’il exprime tire toute sa substance de la parole qu’il est ; elle est remplie de la parfaite vérité de Dieu. Il pensera ses paroles comme il les dit, il les remplira comme il les connaît. Les hommes les comprendront et les transmettront sans les changer extérieurement, comme ils les ont apprises de lui, mais ils ne peuvent leur donner la plénitude divine quelles avaient dans la bouche de Jésus, ils ne peuvent les comprendre comme il les comprenait (NB 6,157).

11 – Suivre les conseils évangéliques, c’est donner au temps une autre valeur, c’est lui donner les marques de l’éternité. Pauvreté, chasteté, obéissance : ce sont des armes que le Christ donne pour dépasser le temps et le péché, c’est ce que le Seigneur a apporté d’éternité dans le monde. C’est ce par quoi il a rendu crédible sa vie en tant qu’accomplissement de la volonté du Père et il nous a montré par là que notre temps a reçu le sceau du temps immortel et l’expression de la volonté éternelle une et trine. Qui suit le Fils et sa Mère en suivant les conseils évangéliques introduit sa vie tâtonnante dans la vie déjà éternisée du Seigneur et de sa Mère, il intègre sa vie dans une vie qui est déjà intégralement au ciel (NB 10,2357).

 

4e dimanche C (Jr 1,4-5.17-19; 1 Co 12,31-13,13; Lc 4,21-30)

1Aucun prophète n'est bien reçu dans son pays. Les gens disent : "N'est-ce pas le fils de Joseph ?" Que peut-il dire de nouveau ? Et Jésus provoque ses parents et ses concitoyens : il leur dit qu'il sait bien qu'aucun prophète n'est bien reçu dans son pays. N'aurait-il pas mieux fait de leur dire d'abord des choses qu'ils pouvaient supporter et accepter pour passer peu à peu à des choses plus difficiles ? Plus tard aussi la prédication chrétienne imitera la technique de Jésus. Dans son discours au Temple, Pierre dira aux Juifs : "Vous avez renié le Saint et vous avez réclamé la grâce d'un assassin, vous avez tué l'auteur de la vie". La prudence diplomatique parvient très vite au point où pourtant seul le saut dans la vérité aide encore. Paul peut bien citer aux sages d'Athènes des poètes païens, il doit pourtant parler soudain de Jésus, de la résurrection des morts et du Jugement. Aucune "inculturation" ne permet d'éluder ces vérités (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 39-40).

2 - L'obéissance est la quintessence de la réponse d'amour du Fils au Père (Sur 1 Co 13,3. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,120).

3 Vous cherchez à obtenir ce qu'il y a de meilleur (1 Co 12,31). Lorsque Dieu dévoile à l'homme la distance qui le sépare de lui, il éveille en l'homme un ardent désir d'accéder à lui, de le voir après la délivrance du péché. Les dons que Dieu a donnés à l’Église et qui portent tous la marque de l'Esprit Saint, ne cherchent pas avant tout à organiser une corporation terrestre statique, mais à faire de l’Église un chemin vers Dieu, un chemin qui est emprunté par ceux qui aspirent à lui et qui forment ensemble la communauté ecclésiale. Les dons spirituels suscitent le désir ardent de l’Esprit Saint, le désir de le posséder pour pouvoir mieux lui correspondre. Paul voudrait que la modestie, recommandée précédemment, ne soit pas comprise comme satiété, mais comme pauvreté et humilité spirituelles qui ne s'attribuent rien de manière définitive et demeurent toujours en chemin vers Dieu. Les dons éveillent le sens que Dieu est toujours plus grand, à quoi ne peut correspondre chez l'homme qu'un mouvement constant. Le mouvement vers le Seigneur est toujours prière, dialogue avec lui, dans lequel celui qui chemine acquiert la certitude d'être sur le bon chemin (Cf. Ibid. II,113-114).

4 Jérémie. Sa mission lui est imposée dès avant sa naissance, avant qu'il ait pu dire un oui ou un non ; il était élu, chargé de mission depuis toujours. Et quand Dieu lui fait connaître sa tâche du moment, il se défend, se croit indigne, pense que les choses se passeront mal ou n’aboutiront à rien. Ce n'est pas qu'il doute de la vérité déposée par Dieu dans sa prophétie, mais il ne se sent pas capable d'en transmettre les paroles. Au moment où il prophétise et exerce sa mission, il possède toujours l'assurance de l'homme de Dieu; mais dès que la mission est achevée, toute cette assurance le quitte. Il est alors le souffre-douleur du peuple, mais il se prend avant tout pour le souffre-douleur de Dieu qui, pense-t-il, le maltraite. Et Jérémie gémit parce qu'il est obligé de persévérer dans cette situation insupportable. Sa nature aspire à une vie plus confortable. Cependant même lorsqu'il se révolte contre Dieu, il sait qu'il est déjà vaincu, qu'il a déjà dit oui. Ce qu'il craint le plus, c'est qu'il est obligé de dire chaque fois ce qu'il ne voudrait pas dire, ce que la prudence aussi conseille de taire parce qu'il sait que le peuple va encore se dresser contre lui. Sa prière se formule à peu près ainsi : "Que ta volonté soit faite, mais que la mienne soit faite aussi de temps à autre". Comme si Dieu n'avait pas l'intelligence que lui, Jérémie, possède en tant que prophète et homme. Il lui faut discuter avec Dieu. Jérémie n'atteint pas à la soumission du Fils et de ses saints (Cf. La mission des prophètes, 61-63).

5 - Dieu m’a créé, toi aussi, tu as donc les mêmes droits que moi dans la vie. Et nous deux, nous tous, nous devons vivre les uns avec les autres dans une certaine bonne intelligence. Il y a une limitation des prétentions les uns vis-à-vis des autres. La moindre des choses que je puisse faire pour toi est de t’attribuer devant la face de Dieu la même chose qu’à moi-même (NB 9,1401).

6 – Aimer le prochain. Accomplir ce commandement, c’est aller au Père, mais aussi à notre prochain avec son Esprit. Notre prochain est imparfait, il est même pécheur ; c’est pourquoi nous devons apprendre à le regarder avec les yeux de l’amour du Seigneur, et ce n’est que grâce à son amour que nous pourrons l’aimer réellement (Das Licht und die Bilder 77).

7 – On doit aimer le menteur en Dieu pour l’aider (NB 9,1409).

8 – Au ciel, on est tellement lié à Dieu que notre propre désir de voir davantage de Dieu se limite au désir de ne voir que ce que Dieu nous montre (NB 6,569).

9 – Nous sommes invités aujourd’hui à vivre avec le Seigneur qui séjourne parmi nous. Nous participons en toute simplicité à la vie des contemporains du Seigneur, il nous est permis de goûter sa présence parmi nous (NB 6,530).

10 – La Trinité dans la Révélation. Dans l’Ancien Testament, le Père a comme préparé la révélation du Fils. Ce fut un don du Père au Fils de lui avoir laissé le soin de venir dans le monde en tant qu’amour. Pour lui, le Père, humainement parlant, ce fut un service plus dur parce qu’il semblait fondé entièrement sur la justice (Sur 1 Jn 2,22. Die Johannesbriefe 76).

11 – Si nous ne faisons pas attention, un danger nous menace : ne voir en Jésus que l’homme et considérer comme quelque chose d’abstrait et d’irréel sa connaissance du Père et son existence dans l’Esprit. D’où l’importance primordiale d’une contemplation trinitaire du Fils, il est pour nous la lumière trinitaire. Pas plus que le prêtre ne perd son caractère de prêtre quand il n’exerce pas son ministère, le Christ ne peut se couper de la Trinité. A aucun moment on ne peut faire abstraction de la Trinité quand il s’agit du Fils (NB 6,115).

12 – Dans l’ancienne Alliance, il arrive que Dieu s’empare d’un croyant pour en faire un instrument de sa révélation. Il peut lui faire connaître des choses de manière soudaine, des choses qui dépassent la foi ordinaire, des choses qui ne correspondent pas à l’attente de la foi et qui montrent au voyant, en le bouleversant, que Dieu a établi pour lui d’autres normes que celles de la foi. Le prophète est lié comme tout le monde à la loi de Dieu, mais il est introduit au-delà de la loi, dans une sphère qui a tous les caractères de la mystique. Dieu agit d’une manière unique, il ouvre des chemins qui, sans lui, seraient impraticables, des chemins où on ne pourrait avancer. Le peuple n’a accès à ces révélations de Dieu que dans la foi ; c’est la foi qui est la clef qui introduit dans la mystique des prophètes et des voyants. Les croyants ne participent pas à l’expérience mystique, mais ils comprennent la signification de la mystique pour leur foi, ils comprennent que la mystique n’est pas en contradiction avec la foi ; bien plus, ils comprennent que la mystique donne à leur foi une vigueur nouvelle qui vient d’une source inaccessible (NB 5,49).

13 – Le saint rencontre Dieu dans la foi. Là il expérimentera l’amour de Dieu et il essaiera de l’aimer en retour dans l’Esprit. Il espérera que la grâce de Dieu lui accordera une rencontre durable, éternelle, avec Dieu. Jamais il ne fera de sa propre sainteté un droit à rencontrer Dieu, et cependant ce que Dieu exige de l’homme avec le plus d’absolu, c’est la sainteté ; le Fils l’a exprimé dans son commandement d’être parfait comme le Père au ciel (NB 2,198).

 

5e dimanche A (Is 58,7-10; 1 Co 2,1-5; Mt 5,13-16)

1Sur le sel devenu bon à rien. La mission de chacun est unique et donnée par le Seigneur. On ne la choisit pas soi-même… La chute d’un orgueilleux est toujours plus ridicule que celle d’un humble; et quand celui qui a reçu une mission abandonne sa mission, il fait preuve d’orgueil; il veut montrer qu’il est plus haut que Dieu qui lui avait fait le don du oui à sa mission (Sur Mt 5,13. Cf. Le sermon sur la montagne 35-36).

2 – Le monde entier, dans sa totalité, est destiné à devenir Église (Sur Mt 5,14. Ibid. 38).

3 – Qui a reçu une mission ne peut plus disposer de soi et il doit éclairer ce que le Seigneur veut éclairer. L’extension de la mission dépend entièrement du Seigneur : lumière du monde ou lampe sur le lampadaire dans une chambre. Quand Dieu allume une lampe, c’est pour s’en servir. C’est toujours la désobéissance seule qui peut empêcher de remplir sa mission. Ce que le Seigneur commence porte la marque de son sérieux. Dieu invite donc les hommes à demeurer à sa disposition. – La mission dure tant que dure l’Église : celui qui est lampe l’éclaire à travers tous les temps. Tous les saints éclairent la maison du Seigneur. – Lumière du monde, mais ils sont plongés par le Seigneur dans l’humilité. Ils n’ont plus de droits sur eux-mêmes. Ils ne peuvent plus avoir de préférence personnelle qui ne serait pas la préférence de Dieu. Ils ne peuvent plus se retirer dans des espaces privés. Dieu prend les hommes avec leurs fautes, et c’est aussi pour eux une cause d’humiliation. Personne ne peut attendre de se sentir parfait pour accomplir sa mission, même s’il lui semble être une fausse lumière (Sur Mt 5,15-16. Cf. Ibid. 41-44).

4 - La foi chrétienne ne peut jamais s’arrêter au Fils, puisque c’est par lui que le croyant est rendu capable de croire au Dieu Trinité (Sur Mt 5,15-16. Ibid. 46).

5Les trois images : le sel, la lumière, la ville. Le sel n’est pas là pour lui-même, mais pour assaisonner ; la lumière n’est pas là pour elle-même, mais pour éclairer son entourage ; la ville sur la montagne est élevée afin d’être visible pour d’autres et indiquer le chemin. Le privilège de chacun consiste dans la possibilité de prodiguer quelque chose à d’autres êtres. Dans la deuxième lecture, la lumière et la force de saler de l’apôtre devient manifeste du fait qu’il ne veut rien savoir sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié. C’est là son don spirituel. Le disciple doit être sel, mais il peut perdre sa force de saler, il n’assaisonne alors plus rien et toute la nourriture a un goût fade pour la communauté qui l’entoure. Un chrétien qui ne vit pas les béatitudes ne rayonne plus rien. Saint Paul craindrait de répandre une fausse lumière par le prestige de la parole, ce ne serait plus la lumière de Dieu. Celui qui se met en lumière fait immédiatement s’éteindre la lumière de Dieu. Le chrétien doit avoir la conscience la plus profonde que tout ce qu’il peut transmettre lui a été offert par Dieu pour les autres (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 41-43).

6Quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage humain ou de la sagesse (1 Co 2,1). Paul porte un éclairage nouveau sur son ministère d’apôtre. La première chose qu’il affirme à ce sujet c’est qu’il ne s’est pas détaché des autres par un "plus" de talent, par une supériorité dans le maniement de la parole. Pour ce qui est de l’aptitude à la prédication, il se place simplement parmi les autres. S’il est devenu apôtre, ce n’est pas qu’il est différent des autres. Ce n’est pas en raison de son talent qu’il a accepté le ministère. La raison est absolue, même si elle est ici implicite : l’obéissance à sa mission. Tel qu’il est et sans avoir la garantie que sa charge se développera à la mesure de son aptitude, il doit assumer la mission qui lui est assignée. On ne lui promet pas de fruits, pas de renommée : on l’envoie en réalité avec la seule certitude qu’il aura à souffrir. Mais cela ne le concerne pas non plus ; la seule chose qui compte, c’est la mission à accomplir (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,50).

7 – Si Jésus est notre chemin et notre vie, on ne peut certainement pas le connaître réellement si on ne participe pas un peu à ses souffrances (NB 10,2253).

 

5e dimanche B (Jb 7,1-4.6-7; 1 Co 9,16-19.22-23; Mc 1,29-39)

1 - Il guérit beaucoup de malades. Nous pouvons méditer sur la forme que prennent aujourd’hui les rencontres du malade avec le Seigneur. Les jours de maladie deviennent très souvent des jours de grâce, parce que le Seigneur s’occupe de manière particulière des malades. Peut-être ne leur enlève-t-il pas chaque fois leur maladie corporelle; peut-être permet-il que cette maladie conduise à la mort, non à la mort spirituelle mais à la mort corporelle. Cependant qu’elle que soit la forme de la maladie qui conduit les malades à lui, ce qu’il donne c’est la guérison, toujours la guérison en lui. Il guérit les malades de leur incroyance, de la tiédeur de leur foi, de leur manque de temps aussi, dont ils souffraient et qui les empêchaient de le chercher. Toute rencontre d’un malade avec le Seigneur signifie aujourd’hui encore une guérison (Sur Mc 1,34. Saint Marc 55).

2 – Il prie sans cesse. Dans son dialogue ininterrompu avec le Père, il se réserve des temps où, en tant qu’homme, il s’adresse exclusivement au Père et se consacre à l’entretien intime avec lui. Et de même le Père est seul avec lui dans l’Esprit Saint. Quelle forme intérieure prend cet entretien, quel amour rayonne de lui, quelle oblation totale est offerte et reçue, cela dépasse notre entendement.  La réponse aux prières du Fils, c’est l’acceptation de son sacrifice par le Père. Le Père répond au Fils en lui permettant à nouveau de donner sa vie sur la croix pour les hommes. Nous pouvons être sûrs que le Fils, à chaque prière,  ne cesse de s’offrir. Nous voulons essayer d’introduire quelque chose de l’esprit de cette prière dans la nôtre, et prier Dieu de bien vouloir accepter ce que nous lui offrons, même si c’est avec de faibles forces, par amour pour son Fils (Sur Mc 1,35. Cf. Ibid. 57-58).

3 – Le Seigneur Jésus prépare sa prédication : dans la prière, dans la contemplation. Il sort du monde pour être seul avec le Père. Il s’accorde un temps  qui nous apparaît peut-être comme un temps perdu puisqu’il est la Parole même, qui n’a rien à apprendre dans la solitude et dans la préparation de la prédication. Pourtant il retourne vers le Père et se prépare en priant. Il a besoin de cette force, de cette proximité. En se rapprochant du Père, il ne s’éloigne pas des hommes. Pour nous, nous devons en tirer la conclusion que nous avons besoin d’une contemplation sérieuse, de silence, de prière, pour oser entreprendre quelque action chrétienne (Sur Mc 1,38-39. Ibid. 60-61).

4 – Devenir la personnalité que Dieu a prévue pour nous. Correspondre à ses vues et, pour cela, renoncer à nous-mêmes. C’est un acte où l’on dit non à soi pour dire oui à Dieu. Un acte qui doit avoir des répercussions dans les petites comme dans les grandes circonstances de la vie. Il n’est aucun domaine, que ce soit au plan de la nature ou de la surnature, qui resterait réservé à notre seule disposition. Sinon, nous ne ferions que nous abuser nous-mêmes (Sur 1 Jn 3,24. Die Johannesbriefe 144).

5 – Pendant que Jésus guérit la belle-mère de Pierre, la « ville entière » est rassemblée devant la porte, il distribue ses bienfaits. Bien avant l’aube, il se lève pour pouvoir enfin prier dans la solitude, mais déjà on le poursuit à nouveau pour lui dire : "Tout le monde te cherche". Il ne s’excuse pas en alléguant qu’il voudrait maintenant prier, mais il s’adonne à un nouveau travail : dans les bourgs voisins "afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti". Et les villages ne sont qu’un commencement, « il s’en alla à travers toute la Galilée ». Le vrai messager chrétien de la foi peut prendre pour exemple le zèle inlassable de Jésus ; même si toute la tâche qu’il entrevoit reste, d’un point de vue humain, inaccessible, il en accomplira autant que ses forces le lui permettent, le reste sera complété ou par ses souffrances ou du moins par son obéissance de jugement. Mais cette disposition n’est nullement une excuse pour qu’il ne fasse pas tout ce qui est en son pouvoir (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 40).

6 – Jusqu’à présent, Paul a dit beaucoup de choses sur sa liberté de chrétien et d’apôtre. Il fait maintenant culminer cette liberté dans une nécessité. Ce n’est pas une nécessité d’en-bas, une nécessité qui restreindrait la liberté, c’est une nécessité d’en-haut, qui vient de Dieu. Car personne n’est aussi libre que Dieu. Personne non plus n’est aussi libre que le Fils dans l’acceptation de sa mission confiée par le Père. Et pourtant il y a une nécessité dans cette acceptation. Une nécessité de l’amour dans lequel le Dieu trinitaire a décidé de sauver le monde et de le ramener au Père. Une nécessité qui est un attribut de la liberté. Tout comme le Père était libre de créer le monde, et le Fils libre de se faire homme, de même Dieu est libre de confier à des hommes des missions qu’ils acceptent d’assumer à partir de cette même liberté de grâce qui est liée à la nécessité. Ils pourraient dire non, mais ils doivent dire oui, car c’est Dieu qui le demande (Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,238-239).

7 – Job commence une vaste plainte sur la vie humaine, qu’il décrit comme étant sans valeur. Dieu a placé les hommes dans l’existence et déposé en eux un désir qui n’est jamais rassasié. Ils ont besoin d’un salaire et ne le reçoivent pas ; ils soupirent après l’ombre et n’en trouvent pas. La vie est une corvée, accomplie pour autrui, sans repos et sans satisfaction. Job a complètement oublié le temps de son bonheur et, maintenant, il considère toutes choses à partir de sa seule misère. Job décrit le temps comme un déroulement dans lequel rien ne se passe qui délivre de la souffrance. Il dépeint la destinée humaine comme un enfer éternel. Tout tend vers la mort, tout n’est qu’un souffle. Puis soudain, il est question à nouveau de Dieu : toute la souffrance se déroule sous le regard de Dieu. Dieu prouve à Job que sa souffrance lui importe. Mais Job ne comprend pas en quoi. Job voudrait amener Dieu à le laisser en paix… Mais Dieu peut renouer le dialogue d’une manière entièrement nouvelle, insoupçonnée de Job. Il peut se laisser atteindre, devenir cible. Il est capable dans la seule et unique nuit de la croix, de souffrir bien plus profondément que n’a souffert Job durant de longues périodes. Job n’est pas capable de laisser faire. Il faudra le Fils de Dieu pour que nous commencions à comprendre qu’il faut laisser faire en nous ce que Dieu veut. Nous voulons toujours comprendre. Dans le laisser-faire, il y a une grande part de non-compréhension(Cf. Job 67-72).

8 - En souffrant, tu ne peux pas te tromper, car tu laisses à Dieu le soin d’agir, tu lui donnes comme prix tout ce que tu portes en son nom, et ainsi l’action est beaucoup plus sûre que si tu l’avais dirigée toi-même (Lumina 36).

9 – La souffrance de substitution est une pensée qui remplit totalement Adrienne et autour de la quelle pour elle tout est centré. Cette pensée est tout son bonheur. Ce qui donne le plus de joie en ce monde est de savoir que la souffrance peut être pleine de sens pour les autres, et qu’on peut prendre sur soi la souffrance des autres ou l’abréger. Elle dit qu’en certains cas on doit diriger sur soi la foudre de Dieu (NB 8,77).

10 – Dans la vie chrétienne, il y a la consolation de savoir que toute souffrance vient du Seigneur, mais aussi que le Seigneur ne laisse pas souffrir uniquement ; à d’autres moments, selon qu’il le,juge bon, il donne part à d’autres mystères, il donne des ouvertures sur d’autres mystères. Et même si le ton fondamental d’une mission demeure la souffrance, celle-ci ne sera pas sans joie ; la souffrance chrétienne ne peut jamais rester totalement fermée sur elle-même parce que le Seigneur l’a ouverte et que, dans cette ouverture, il se manifeste à celui qui souffre (Sur 1 P 2,21. Die katholischen briefe I,328).

 

5e dimanche C (Is 6,1-8 ; 1 Co 15,1-11 ; Lc 5,1-11)

1Me voici, envoie-moi. Tous les textes parlent aujourd’hui d’élection. De grandes missions nous sont présentées, d’autres sont inapparentes, mais tout croyant est un élu de Dieu pour une mission. Dans le première lecture, c’est l’élection la plus solennelle de l’ancienne Alliance : celle d’Isaïe, qui voit le Seigneur sur un trône élevé. Cette vision ne peut que le rejeter en arrière : "Malheur à moi, je suis perdu". La mission commence toujours en réalité par l’expérience de la distance absolue, de l’indignité totale. Ensuite, envoyé par Dieu, le séraphin purifie les lèvres d’Isaïe épouvanté : il ne doit pas s’enfermer par dépit dans son indignité. Puis une question de la part de Dieu, ce n’est pas un ordre : "Qui enverrai-je ?" Là-dessus, plus de réflexion sur digne ou indigne, mais : Dieu a besoin de quelqu’un, donc : "Envoie-moi" (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 41).

2Désormais ce sont des hommes que tu prendras. Pierre, comme Isaïe, sera subjugué par la Toute-Puissance. Mais la différence avec Isaïe, c’est que Pierre doit commencer par un acte d’obéissance. Contrairement à son expérience de pêcheur, il obéit à l’ordre de jeter le filet. Et alors se répète l’expérience de la distance infranchissable : "Éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur". Aucune mission authentique ne peut renoncer à l’expérience de la distance entre moi et Dieu. Ce n’est que dans ce vide de la distance que Jésus donne à Pierre la mission de devenir pêcheur d’hommes. La mission de pêcheur d’hommes est pour Pierre disproportionnée avec son "moi". Il n’a plus qu’à obéir sans paroles. "Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent" (Cf. Ibid. 41-42).

3 - Il est même apparu à l’avorton que je suis. Le persécuteur de l’Église et du Christ voit bien la disproportion entre sa personne et sa tâche. "Je suis le plus petit de tous les apôtres". Sa mission plus que d’autres fut un acte de violence de Dieu : devant Damas, il est renversé, aveuglé, et on doit le faire entrer par la main dans la ville. Pour son humiliation, la mission lui est donnée non pas en particulier mais par l’intermédiaire d’un autre : "Va dans la ville, et l’on dira ce que tu dois faire". De telles humiliations poursuivent Paul tout au long du chemin de sa mission, il est traité comme "l’ordure du monde, l’universel rebut" (1 Co 4,13). Et comme si ce n’était pas assez, s’ajoute un fléau particulier de Dieu : les soufflets de l’ange de Satan, "afin que je ne m’enfle pas d’orgueil" (2 Co 12,7 s.). Aucune supplication à Dieu n’écarte l’ange : "Ma grâce te suffit". Quand il constate qu’il a travaillé plus que tous les autres, il doit aussitôt ajouter : "Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi" (Cf. Ibid. 42).

4Il a été mis au tombeau. (1 Co 15,4). Une fois mort, le Fils est remis entre les mains des hommes, qui le mettent au tombeau selon leur coutume, le séparant ainsi du royaume des vivants pour le remettre au royaume des morts. Il est mort sous le poids de leur péché. Sur la croix, il a laissé s’opérer en lui la volonté du Père jusque dans la mort. Et maintenant que son corps mort est remis entre les mains des hommes, il les laisse, encore une fois, libres de disposer de lui selon leur volonté, dans l’obéissance du cadavre. Mais le Fils est ensuite ressuscité. Par la force, le miracle et l’amour du Père, en union avec lui et avec l’Esprit ; et cette force contient toute l’obéissance du Fils et toute la grâce divine destinée à l’humanité. L’obéissance du Fils, qui le lie au Père même une fois mort, fait partie intégrante de la résurrection. Il n’est ressuscité que le troisième jour. Ceux qui déplorent sa perte, vivent sa mort dans toute son étendue : la mort, la descente de croix, l’embaumement, l’ensevelissement, la fermeture du tombeau, le silence de la mort durant trois jours, et, enfin, la résurrection. Ceux qui l’aiment doivent expérimenter combien cette mort est sérieuse et pleine. Sans qu’ils s’en doutent, le temps du deuil est déjà une préparation de leur âme à la joie de la résurrection. La grâce de la résurrection, telle que Dieu le Père la donne au monde dans la résurrection du Fils, ne peut être, pour eux, que le miracle parfait que personne ne pouvait escompter (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 189-190).

5 - Les trois conseils évangéliques résument dans la foi tout l’amour qu’on doit avoir pour le Seigneur. Ils expriment la perfection de l’amour et deviennent par là une source nouvelle d’amour pour l’ensemble de l’Église, même pour les autres qui ne les ont pas suivis (Sur 2 Jn 5. Die Johannesbriefe 266).

6 – L’activité que nous avons choisie en suivant le Seigneur prend le visage que Dieu veut (HUvB, AvS et sa mission théologique 333).

7 - Un chrétien, voulant se distinguer pour le Seigneur, aurait bien la possibilité d’augmenter ses œuvres de sa propre initiative. Mais, de cette manière, il n’irait pas loin. Pour véritablement se distinguer, il doit se mettre sans réserve à la disposition de la volonté encore inconnue du Seigneur (Ibid. 248).

8 – Il n’y a pas d’objection qui tienne devant l’appel de Dieu. Il faut laisser tant de place à sa voix qu’elle fasse taire tous les arguments, si ce n’est tout de suite, du moins avec le temps, et que toute décision soit prise en faveur de ce que Dieu a décidé : au-delà du bien, le meilleur. Quand les évangélistes relatent que les apôtres abandonnent tout pour suivre le Seigneur avec simplicité, et qu’ils ne parlent que plus tard des difficultés qu’ils rencontrent, cela ne permet pas de conclure que le premier pas leur a été facile ; suivre le Christ reste dans le vie une rupture douloureuse. Le renoncement est réel, mais le poids de l’appel l’emporte sur tout (Ibid. 249).

9 – Adrienne est dominée et comme possédée par l’idée que Dieu est celui qui est "toujours plus grand". Tout concept se brise au contact de sa richesse, et seul le petit esquif de la prière nous porte, au-delà de tous les concepts, sur son océan infini (Ibid. 51).

10 – Prière d’Adrienne dans sa jeunesse protestante. Montre-moi, dans l’idée que je me fais de toi, ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Ne te lasse pas de tout me montrer jusqu’à ce que je sois sûre que tu es le vrai Dieu. Ô je te prie, montre-moi comment tu est autrement (NB 7,141).

11 – Si quelqu’un est appelé par Dieu, cela dépend des besoins du royaume de Dieu qu’il devienne médecin ou juriste ou prêtre ou autre chose (NB 9,1722).

12 – Le prophète s’étonne de ce qui lui arrive. Les limites des sens, des yeux, des oreilles, semblent reculer pour lui au-delà de la normale ; il entend "comme" une voix, il voit "comme" une flamme, il entend "comme" le tonnerre. Quelque chose "comme" ceci ou cela. Cela veut dire que les mots humains ne sont pas capables d’exprimer le divin ; cela veut dire que les formes que l’intelligence humaine est habituée à percevoir sont dépassées ; cela veut dire que la foi la plus éveillée n’a plus de mots justes pour exprimer ce qu’elle expérimente. Devant ces interventions fulgurantes de Dieu, les hommes de l’ancienne Alliance comprennent que leur foi est quelque chose de provisoire, d’inchoatif. Les hommes de l’ancienne Alliance doivent toujours s’attendre à ce que Dieu puisse faire éclater leur foi, leur foi dont ils pensaient avoir fait le tour, qu’ils pensaient pouvoir embrasser d’un seul coup d’œil (NB 5,49-50).

 

6e dimanche A (Si 15,15-20; 1 Co 2,6-10; Mt 5,17-37)

1 – Il serait ridicule de prétendre que la grâce rend tous les hommes égaux devant Dieu, les pécheurs et les justes, les obéissants et les désobéissants (à la loi de Dieu), et qu’à ses yeux une tâche accomplie n’est pas motif à distinction (Sur Mt 5,19. Le sermon sur la montagne 59)

2 – Lorsque le Seigneur menace de l’enfer (Mt 5,22), ce n’est qu’en étant prêt à porter pour nous et à notre place, de même qu’il a assumé tout péché, le châtiment ultime, la séparation d’avec le Père, un châtiment qui commence au tribunal de Ponce Pilate, jusqu’au tribunal du Père (Sur Mt 5,19. Ibid. 69).

3 – L’ancienne Alliance prescrivait de ne pas commettre l’adultère. Mais voilà que le Seigneur se présente avec sa revendication absolue de l’âme tout entière du croyant. Comme il est lui-même en tant qu’homme parfaitement pur, il essaie par son amour, par un don jaillissant de sa pureté, de susciter chez ses frères aussi la pureté, afin que le Père reconnaisse vraiment en eux ceux qu’il a rachetés. Il ne peut rien tolérer en eux qui masque la vue du Père. – Il n’y a pas que l’acte qui soit péché, mais déjà le désir, l’intention de le commettre. Il oppose concupiscence et pureté, cette pureté de cœur qu’il a proclamée bienheureuse, qui est le fondement du véritable amour du prochain et qui ne doit être nullement concupiscente. L’amour même n’est jamais tentation, il est toujours sauvegarde. Seule la concupiscence est tentation et toujours défiguration de l’amour. Seule la concupiscence nous appauvrit, l’amour pur est toujours accomplissement. Dans la nouvelle Alliance, tout est infiniment différencié. Le Fils apparaît comme l’homme parfaitement pur. Mais sa pureté n’est pas un raffinement humain, elle procède, parce qu’il est Dieu, de la pureté divine, de la pureté de sa relation au Père. – Le Père en quelque sorte est comme gâté par le Fils : en lui il a vu ce qu’un homme sait faire, qu’il est capable de réaliser les pensées, les desseins et les désirs les plus intimes de Dieu. Et le Père voudrait pouvoir appliquer aux chrétiens cette mesure du Fils qui, de son côté, se tient prêt à supplier, à secourir, à faire de nos mauvaises intentions des bonnes. Il s’offre même en tant que bonne réalisation pour se substituer à nos mauvaises réalisations, en se manifestant par exemple à celui qui renonce à satisfaire un mauvais désir, pour le réconforter et le consoler (Sur Mt 5,27-28. Ibid. 83-84).

4 – Il existe en Dieu des choses que les sens humains sont incapables de recevoir, des choses que l’on ne peut pas percevoir d’un point de vue purement humain.Il y a des choses que Dieu nous prépare mais qui ne nous sont pas accessibles maintenant parce qu’il veut exiger de nous la foi et il veut révéler son mystère à notre foi. Ce n’est qu’en nous donnant à lui que que nous apprendrons les projets qu’il a pour nous, ce qu’il a l’intention de nous donner. Mais, dans la foi, nous comprenons que ce mystère de Dieu est un mystère d’amour : amour de Dieu pour l’homme et amour divin du Fils pour le Père, mystère que par amour pour le Père et pour nous il révèle sur la croix (Sur 1 Co 2,9. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,58-59).

5 – L’Esprit accompagne le Fils dans toutes ses expériences à la fois humaines et divines et il le révèle. Il parle en chaque parole qu’exprime le Fils, il agit en chaque miracle du Fils.  Il est tellement proche du Fils que, sur la croix, celui-ci pour expérimenter dans la mort de sa nature humaine la déréliction  la plus absolue, le remet explicitement entre les mains du Père (Sur 1 Co 2,10. Cf. Ibid. I, 61-62).

6 – Celui qui veut demeurer dans l’alliance avec Dieu doit correspondre à son attitude et sa pensée ; tel est le but des dix commandements. Il ne nous est demandé rien d’impossible. "Cette Loi que je te présente aujourd’hui n’est pas au-delà de tes moyens" (Dt 30,11). Ou bien je me cherche moi-même et ma performance (comme les scribes et les pharisiens), ou bien je cherche Dieu et son service. Qui suit Dieu, le trouve et parvient à son Royaume ; qui ne cherche dans la loi que sa perfection personnelle, perd Dieu. L’Esprit Saint scrute les profondeurs de Dieu et par là aussi les profondeurs de la grâce qu’il nous offre dans sa loi d’alliance (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 43-45).

7C’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse (1 Co 2,10). Dieu révèle. Il se révèle lui-même et tout ce qui se trouve en lui et près de lui, la vie éternelle, le Fils, le ciel. L’acte de révélation de Dieu est intimement lié à sa création:il a créé les hommes afin qu’ils reçoivent une révélation. Lorsqu’il nous a créés, il avait d’emblée l’intention de faire éclater les limites de notre existence humaine naturelle en déposant au cœur de notre être un sens capable de recevoir sa révélation. Après le péché, Dieu s’est révélé à nouveau dans le Fils, mais pour laisser la révélation du Fils s’accomplir dans la révélation de l’Esprit. L’Esprit Saint est celui qui fait que se réalise en permanence cette révélation du Dieu trinitaire. Il est le révélateur permanent du Père et du Fils (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,60-61).

8 - Le Seigneur ne contraint pas, il propose ; il dit : voilà ce qui est, voilà ce que tu dois faire, voilà ce que tu peux faire ; à toi de tirer les conclusions (Gleichnisse des Herrn 133).

9 – Vivre dans l’ouverture à Dieu afin de pouvoir entendre l’Esprit (NB 10,2149).

10 – Dans sa manière d’apparaître, l’Esprit est comme l’humilité de Dieu : il nous mène, au-delà de lui-même, au Père et au Fils (NB 9,1566).

11 – Pour comprendre quelque chose au divin, il faut toujours la grâce, et celle-ci requiert toujours du croyant un renoncement à lui-même : renoncement à ratiociner, à chipoter et à tout savoir mieux que tout le monde. La grâce inonde, c’est sa nature. Elle répand sa lumière comme le soleil. L’homme devrait renoncer à un équilibre, à un dialogue d’égal à égal entre lui et Dieu ; il ne devrait plus être que pur récepteur, avec les bras ouverts, qui cependant n’arrivent jamais à tout saisir parce que la lumière coule à flots partout et demeure insaisissable et est beaucoup plus que ce qu’un homme peut recevoir. Comme si on tenait un petit récipient sous un puisant jet d’eau ; le récipient ne peut jamais se remplir parce que le jet est trop fort (NB 6,520).

12 – L’Église ne doit pas vouloir savoir ce que le Seigneur accomplit en elle, sauf dans la mesure où le Seigneur lui-même le veut. Elle doit se tenir dans l’obéissance du don de soi. Beaucoup de mystères en elle n’appartiennent qu’au Seigneur, par exemple beaucoup de ce qui concerne les saints. Aucune discrétion n’est plus grande que celle du Seigneur, et il voudrait que son Église aussi soit discrète. Malheureusement souvent elle ne l’est pas, il y a en elle beaucoup de bavardage (NB 6,467).

13 – Tout croyant qui se sent la mission de mettre en lumière des aspects de la révélation divine devrait posséder, en même temps que de profondes connaissances, un sens très profond du mystère. On peut fort bien résoudre des questions concernant la Bible, l’Église ou la vie chrétienne : voilà ce qu’il en est ! Mais derrière chacune de ces affirmations émerge d’innombrables fois cette autre question : "Comment cela est-il ?" Justement parce que l’affirmation est claire, la place est libre pour la question du comment. La réponse permet à la nouvelle question de s’exprimer (NB 6,27).

14 – Tout ce que peuvent apporter à l’Église ceux qui ont reçu une mission ne peut jamais être quelque chose qui n’aurait pas été là auparavant ; ce qu’ils apportent, c’est l’ancien qui, par leur mission, reçoit une nouvelle forme, comme le Seigneur le veut en donnant la mission. Si ce n’était pas quelque chose qui existait depuis le début, ce ne serait pas catholique, ce ne serait pas nouveau. Et cela ne mériterait pas d’être annoncé. Mais le renouvellement éternel de l’ancien se fait par le Seigneur qui n’est pas seulement en lui-même la vie éternelle, qui était au commencement le plus reculé et qui est toujours nouvelle, il veut l’être aussi dans son Église et pour cela il utilise des envoyés (Sur 2 Jn 5. Die Johannesbriefe 264-265).

15 – On devrait prier davantage l’Esprit Saint. On peut lire un livre religieux avec une totale indifférence, et on ne sait plus guère ce qu’on a lu. On n’a pas prié l’Esprit Saint pour qu’(il nous donne l’ouverture. Et pourtant l’Esprit est toujours là et prêt à montrer. Il suffirait de prier et de frapper, de s’ouvrir à l’Esprit comme au guide qui connaît mieux que nous toutes les rues de la ville et qui pourrait nous conduire en des lieux inattendus, à l’une ou l’autre perspective imprévue. Il y a un arrière-fond de l’âme qui ne peut être touché que par l’Esprit, il est prêt à le faire, c’est une propriété particulière de l’Esprit, qui fait partie de sa personne (NB 9,2050).

16 – Nous ne chercherions pas Dieu s’il ne nous avait pas trouvé, s’il n’avait pas mis en nous les conditions voulues pour le trouver. Ses inspirations sont pour nous compréhensibles. Il peut suivre plusieurs chemins : nous éclairer soudainement comme frappe la foudre, transformer et réorienter notre vie tout entière. Il peut, avec la même soudaineté, nous montrer quelque chose qui était déjà connu mais, à présent, cela nous apparaît irrévocable et urgent, et cela a des conséquences beaucoup plus profondes que nous ne le pensions. Mais il peut aussi procéder tout autrement : nous donner, dans un clair-obscur, les unes après les autres, des intuitions, des considérations, des suppositions auxquelles on ne donne pas suite. Mais une fois qu’un nombre suffisant de foyers sont allumés, il y a un embrasement soudain de l’ensemble. Pendant longtemps il n’y avait que de la fumée, l’esprit humain ne percevait pas l’Esprit Saint, il demeurait imbu de ses propres pensées qui ne paraissaient pas particulièrement éclairantes, ni alléchantes. Mais tout d’un coup jaillit la flamme parce qu’il ne manquait plus que très peu de choses pour la libérer (NB 10,2148).

17 – Même quand il se révèle, Dieu demeure inaccessible. Quand un homme renonce volontairement au mariage pour se donner à Dieu dans le célibat, il sait qu’il aura part aux mystères de Dieu dans une plus large mesure. Une mesure à laquelle il peut se préparer en se mettant à la disposition de Dieu, mais une mesure qui dépend de la liberté de Dieu et de sa libre volonté. Dieu partage à chacun ce qu’il veut de lui-même, mais il laisse toujours aussi pressentir ce qu’il ne partage pas afin que le croyant sache qu’il se trouve devant un mystère auquel il n’a pas accès. Et devant ce mystère, il est dans la même situation que l’Église (NB 5,20).

18 – L’Esprit explore aussi les profondeurs de Dieu : Dieu le Père n’a pas de secret pour l’Esprit ; il lui montre tout ce qu’il y a en lui. D’où le rôle de l’Esprit dans la révélation : il peut constamment présenter aux cœurs des croyants ce qu’il voit. Dans ce sens-là, l’Esprit est liaison entre Dieu et les hommes, le va-et-vient continuel, ce qui communique et distribue (HUvB, AvS et sa mission théologique 117-118).

 

6e dimanche B (Lv 13,1-2.45-46; 1 Co 10,31-11,1; Mc 1,40-45)

1Je le veux, sois purifié. Le Seigneur fait de la volonté du malade sa propre volonté. Cela est possible parce que, auparavant, le malade a déjà été touché par la grâce du Seigneur et que la grâce reçue a entraîné la grâce de la guérison. La grâce appelle la grâce. Dans toutes nos prières, dans nos maladies et dans nos péchés, nous savons que nous devons d’abord accorder notre volonté à la volonté du Seigneur, afin qu’il puisse faire sienne notre volonté. Cela rappelle l’autre fiat : "Qu’il me soit fait selon ta parole". La prière du lépreux s’appuie sur le fiat de la Mère et par là sur la demande du Notre Père (Sur Mc 1,41. Saint Marc 63).

2Garde-toi de rien dire à personne. L’ordre est strict : Garde-toi! Le Seigneur ne donne pas de longues explications, il ordonne seulement : tais-toi! Un ordre clair qui doit être exécuté sans de plus amples explications. Il y a des raisons que le lépreux guéri peut deviner : le Seigneur ne veut pas favoriser les rumeurs à son sujet. Mais pour l’instant, il ne communique pas ses raisons à l’homme guéri. Il ne s’excuse pas non plus de demander quelque chose. Cela ne veut pas dire qu’il est facile pour des humains d’obéir sans explication (Sur Mc 1,44. Ibid. 65).

3 - Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Le lépreux guéri n’a pas respecté la consigne de silence que Jésus lui avait imposée. Il s’était mis à proclamer partout la nouvelle de sa guérison. On ne voit pas jusqu’à quel point cette désobéissance contrarie les projets du Seigneur. En tout cas, il ne peut plus entrer ouvertement dans une ville sans que les gens affluent vers lui : cela voulait dire qu’il avait ses raisons de vouloir resté ignoré. Ce n’est plus possible maintenant. La désobéissance est un poids pour le Seigneur, elle l’empêche de faire ce qu’il projetait. Il n’en va pas autrement aujourd’hui. Il n’y a aucun doute que tout ce que nous faisons contre la volonté du Seigneur lui pèse, qu’il ne lui est nullement indifférent  que nous restions ou non à l’intérieur de son plan et de ses recommandations (Sur Mc 1,45. Ibid. 67-68).

4 – Jésus laisse le lépreux s’approcher de lui et il fait quelque chose d’impensable pour un Juif : il le touche de la main. En touchant le lépreux, Jésus indique qu’il ne craint pas la contagion, plus encore, qu’il prend consciemment sur lui la maladie des hommes, leur péché. Que l’homme guéri n’observe pas le silence qui lui est imposé, est une désobéissance qui rend plus difficile l’activité de Jésus : il ne veut pas être tenu pour un guérisseur (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 42-43).

5Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu (1 Co 10,32). Tout homme peut facilement devenir un sujet de contrariété pour autrui, et souvent, à travers le même acte, toucher de manière différente les hommes les plus divers. Il se peut qu’un même acte soit pour l’un un motif d’édification et pour l’autre un motif de scandale. Pour Paul, l’exemple des chrétiens devrait être attirant pour tous les groupes humains. La connaissance croissante que Paul exige volontiers demeure toujours une connaissance qui doit tenir compte de ceux qui restent en arrière. Chacun reçoit l’ordre de progresser aussi loin que possible dans la connaissance, mais jamais au point de perdre le contact avec la masse qui ne peut suivre. Paul exige les deux : toujours plus de connaissance et toujours plus de charité respectueuse. Il exige des performances pour élever le niveau moyen. Mais ce faisant, les efforts de ceux qui avancent dans la connaissance doivent toujours être compris et vécus de manière ecclésiale (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,36-37).

6 - Tant qu’il y a du péché, il doit y avoir de la souffrance comme contrepoids. Celui qui pèche installe nécessairement de la souffrance. Quelle mesure de souffrance pour tel péché ? La mesure se trouve uniquement dans le Seigneur qui a beaucoup souffert. Nous n’avons pas la mesure, nous ne pouvons jamais dire : "Maintenant j’ai souffert suffisamment pour faire passer une âme du péché à la grâce". Qui sait ce qu’opère une souffrance précise et combien il en faut pour obtenir un tel résultat ? Tout cela, Dieu nous le cache totalement. Il ne veut pas que nous calculions et marchandions avec lui, et nous devons savoir aussi que c’est lui qui fait tout. Ce n’est que dans son activité à lui que nous pouvons parfois coopérer, mais les deux activités ne peuvent jamais se comparer (NB 10,2062).

7 – Le mystère suprême du Père créateur du monde est la puissance qu’il a laissée au diable de séduire le genre humain. Dieu aurait été assez puissant pour faire briller partout sa lumière, pour ne pas laisser le mal s’établir ou pour simplement l’étouffer. Qu’il ne l’ait pas fait est ce qu’il y a de plus impénétrable en lui. Mais les hommes devaient être libres, ils n’ont pas été créés tout faits, il leur fallait grandir eux-mêmes pour s’approcher de Dieu. Dieu ne voulait donner son ciel qu’à des fils adultes. Cet espace de liberté renferme les ténèbres divines et le moyen de pécher. Mais les ténèbres de Dieu, elles aussi, étaient un mystère d’amour (HUvB, AvS et sa mission théologique 189).

 

6e dimanche C (Jr 17,5-8; 1 Co 15,12.16-20; Lc 6,17.20-26)

1Bienheureux. Que signifie "bienheureux"? Certainement pas "heureux" au sens que les hommes donnent à ce mot. Ce n’est certainement pas un appel à aller son chemin, tranquille et de bonne humeur. Le mot ne signifie rien qui appartienne à l’homme, mais quelque chose en Dieu qui concerne cet homme. Il s’agit de la valeur que cet homme a pour Dieu et en Dieu, quelque chose qui apparaîtra en son temps. « Heureux les pauvres… Heureux ceux qui sont haïs à cause du Christ », parce que Dieu les possède et qu’ils possèdent Dieu. Ils sont aimés par le Père dans le Christ qui lui aussi a été haï et persécuté par les hommes à cause du Père. Si les pauvres doivent passer pour pauvres en Dieu, les riches doivent passer pour riches sans Dieu, riches pour eux-mêmes, repus et hilares, loués par les hommes ; ils n’ont pas de trésor dans le ciel ; tout ce qu’ils possèdent n’est qu’une apparence passagère (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 43).

2Béni soit l’homme (Jérémie). L’homme béni est celui qui met sa confiance dans le Seigneur, qui a ses racines dans le ciel comme dit saint Augustin. L’antithèse toute simple du prophète partage les hommes en deux camps, sans se soucier de finesses psychologiques : ou bien ils vivent par Dieu et pour Dieu, ou bien ils cherchent à vivre pour eux-mêmes et par eux-mêmes. Dans le jugement de Jésus aussi il n’y a que deux classes d’hommes : les brebis et les boucs (Cf. Ibid. 44).

3 – La deuxième lecture aussi partage les hommes en deux catégories : ceux qui croient à la résurrection du Christ et à la nôtre, et ceux qui n’y croient pas. Tous les textes de la célébration d’aujourd’hui réclament de nous une décision : nous suffisons-nous à nous-mêmes ou nous devons-nous sans cesse à notre Créateur et Rédempteur ? Une troisième voie n’existe pas (Cf. Ibid. 44-45).

4 – La résurrection du Christ est le point central de tout l’enseignement chrétien, et peut-être aussi le point qui, pour celui qui cherche à comprendre la foi est chargé du sens suprême. La résurrection donne à la vie de celui-ci et à son quotidien l’espérance, la joie, le courage, la persévérance et aussi le devoir de lutter constamment contre le mal. La croyant découvre que, même une situation qui paraît être absolument sans issue et désespérée comme la mort du Fils abandonné par le Père sur la croix, n’est, malgré tout, qu’un passage. Et ainsi, aucune de se ses situations de vie ne sera difficile au point de na pas pouvoir être surmontée par la foi en la résurrection. La joie de la résurrection espérée parvient à surpasser infiniment toutes les joies qu’un chrétien doit nécessairement se refuser, parce qu’elles sont liées au péché. La résurrection du Seigneur est devenue la propriété la plus intime de la foi du chrétien (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II. 202-203).

5 – La foi, on peut la comparer à la conception de la Mère de Dieu qui a reçu en elle la semence de Dieu par l’Esprit Saint : cette semence vit et veut vivre en puisant dans la vie de Marie. Et la Mère doit se consacrer physiquement et spirituellement à la vie qui se développe en elle. Elle se met à sa disposition telle qu’elle est, sans réserve. D’une manière semblable, nous devons recevoir la foi et la laisser vivre en nous comme une vraie semence de Dieu, lui ouvrir tout l’espace qu’elle veut occuper (Cf. Ibid. II,203).

6Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur. Si l’homme qui a un jour prié essayait de renoncer à la prière et de l’oublier tout à fait, il devrait savoir que, comme il a retrouvé Adam, Dieu pourra le retrouver, lui, après chacune de ses dérobades. Ne plus penser à Dieu, c’est fuir devant la parole de Dieu au ciel, mais c’est tout autant fuir devant la parole qui, à peine sortie de la bouche, est imperceptiblement captée par Dieu, comme si celui qui ne prie plus avait déjà retouché Dieu rien qu’en y pensant. Ce simple fait de penser à Dieu tire son origine de ce même fait chez Adam, et Adam sait bien que Dieu se promènera encore dans le paradis. Qui, un jour, a conversé avec Dieu en reste marqué pour toujours ; il n’est point de défection qui puisse faire oublier Dieu (L’expérience de la prière 63).

 

7e dimanche A    (Lv 19,1-2.17-18; 1 Co 3,16-23; Mt 5,38-48)

1Te requiert-il pour une course d’un mille, fais-en deux avec lui. Si quelqu’un me contraint à parcourir un mille avec lui, c’est qu’il veut m’imposer son chemin et désire être accompagné. Mais cette compagnie est une contrainte car je ne me suis pas offert à l’accompagner ni à suivre son chemin, surtout si loin. Le Seigneur m’avise d’accepter non seulement toutes les conditions de l’autre, mais d’en faire en plus le double. S’il veut marcher, parler avec moi, je lui fais savoir qu’il peut prolonger son chemin, sa conversation, qu’ils ont aussi pour moi de l’importance. En tant que croyant, je suis habitué qu’on dispose de moi. En constatant que c’est en tant que chrétien que je me tiens disponible, il comprendra que ma disponibilité provient de ma foi (Sur Mt 5,41. Cf. Le sermon sur la montagne 108).

2Bénissez ceux qui vous maudissent. Chacun de nous reçoit dans la foi le pouvoir de bénir. La bénédiction est mise dans la main de chacun de nous ; chacun désormais peut bénir, en vertu de l’amour et de la puissance du Seigneur, non seulement ceux qui le demandent, mais aussi ceux qui nous maudissent et qui, à travers nous, cherchent à attaquer le Seigneur. La bénédiction du Père, sa propre bénédiction et celle de l’Esprit saint, le Seigneur nous la confie à tous sans hésiter pour que nous la fassions parvenir à ceux qui se sont détournés et qui maudissent, sans hésiter (Sur Mt 5,43-44. Cf. Ibid. 113-114).

3Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Dieu traite les hommes de la même façon pour autant que cela dépend de lui. Il leur donne son soleil et sa pluie, sans tenir compte de leur mérite. Le Seigneur vient de montrer aux fidèles à faire du bien aux méchants. Il montre à présent que ce qu’il exige des fidèles avait déjà son fondement dans la création du Père, que les grâces de la création sont destinées aux bons aussi bien qu’aux méchants, sans distinction, indifféremment. Le Seigneur n’attend pas que quelqu’un devienne bon pour le sauver. Le Fils est mort pour tous et il offre à tous sa grâce rédemptrice (Sur Mt 5,45. Cf. Ibid. 118).

4 - Pour l’homme sans Dieu, la mort est la limite de sa vie, de sa puissance et de sa sagesse. Dans la foi, l’homme possède la vie et la mort. Dans la même foi, il peut vivre et mourir. Et la mort n’est plus l’interruption de son existence, elle est remodelage de la vie en Dieu. Elle est un don de Dieu tout autant que la vie terrestre. Là où la mort appartient à l’homme, et non plus l’homme à la mort, le monde temporel est brisé, l’éternité émerge (Sur 1 Co 3,21-23. Cf. Première épître aux Corinthiens I, 103).

5 – Si Dieu est amour, il ne peut rien haïr de ce qu’il a créé. Son amour ne se laisse pas déconcerter par la haine, l’aversion, l’indifférence de l’homme ; il fait régner sa grâce sur les bons et les méchants, que ces grâces apparaissent aux hommes comme le soleil ou comme la pluie. Il tolère qu’on l’accuse, qu’on l’insulte ou qu’on le nie tout simplement ; s’il le tolère, ce n’est pas en vertu d’une indifférence sublime, car il se laisse toucher au plus profond par l’affection ou l’aversion de l’homme. Quand un homme repousse d’une manière bien arrêtée l’amour de Dieu, ce n’est pas Dieu qui le condamne, l’homme se condamne lui-même parce qu’il ne veut pas connaître ce que Dieu est : l’amour. La justice de Dieu n’est pas "œil pour œil, dent pour dent" ; au contraire, si l’homme ne dépasse pas la justice pénale terrestre (qui est nécessaire), il ne comprend pas Dieu et donc aussi il ne veut pas être auprès de Dieu. Dieu n’aime jamais partiellement, il aime totalement. – Jésus est le Fils unique de Dieu, qui nous a fait connaître ce qu’il a vu et entendu auprès du Père (Jn 3,32) : à savoir que Dieu n’aime pas partiellement. Au contraire, à l’attaque des pécheurs contre lui, ce n’est pas par le retrait de son amour qu’il répond. Il manifeste cela humainement en n’opposant pas à la force une force contraire, mais en offrant, dans la Passion, l’autre joue, en faisant deux mille pas avec les pécheurs, et même tout le chemin. Il se laisse enlever par les soldats non seulement son manteau, mais aussi sa chemise. Toute la violence du péché se déchaîne contre lui. Mais sa non-résistance a plus de souffle que toute la violence du monde. Le Christ présente en ce monde de violence, une forme, divine, de non-violence (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 45-46).

6Vous êtes le temple de Dieu (1 Co 3,16). Dans l’Ancienne alliance, un temple était érigé pour Dieu et les hommes voyaient dans ce temple la matérialisation de la liaison entre le ciel et la terre. Mais par la suite Dieu s’est incarné ; il a donc habité dans un corps humain. Jésus-Christ était devenu le temple vivant du Dieu trinitaire sur terre, et Dieu habitait en lui. Par son eucharistie et par le don de la foi vivante, il a livré à ses frères quelque chose de son être. Mais si Dieu habite en nous, nous sommes sa maison. La demeure de Dieu en nous n’est pas quelque chose d’extérieur ; elle s’accomplit dans notre esprit, notre attitude, toute notre vie intérieure. Chaque connaissance qui nous est offerte dans la foi nous ouvre davantage les yeux à la grâce du Seigneur qui demeure en nous (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I, 95-96).

7 - Bénir les autres (tous pécheurs et tous sauvés) veut dire à proprement parler : montrer de l’amour, et davantage l’amour bénissant de la croix et de la rédemption que son propre amour (Sur 1 P 3,9. Die katholischen Briefe I,350).

8 – Prière : Bénis tous ceux j’aime et bénis aussi ceux que je ne peux pas supporter (NB 8,47).

 

7e dimanche B    (Is 43,18-19.21-22.24-25; 2 Co 1,18-22; Mc 2,1-12)

1Ils défirent le toit de l’endroit où Jésus se trouvait. Ceux qui accompagnent le malade doivent employer une ruse pour l’amener devant le Seigneur. Sur le chemin habituel, ça ne va pas, alors ils trouvent un autre chemin, inhabituel. Nous ne savons pas exactement comment il était possible d’ouvrir simplement le toit, et de faire descendre le grabat. L’important, c’est que l’amour anime ces porteurs et leur montre cette issue. Ils auraient pu dire au paralytique : "Cette fois-ci, ça ne va pas, il y a trop de gens, nous avons fait ce qui était humainement possible, tu dois t’en satisfaire". Mais non, il y a en eux une grâce plus forte, qui les rend capables de surmonter les obstacles. Les porteurs (et leurs semblables), par la grâce,  inventent des chemins pour conduire les hommes à Dieu, à la vérité. Plus que jamais, notre intelligence et nos efforts chrétiens doivent être mis en œuvre, non seulement sur un chemin facile et balisé, mais, au-delà, quand il devient difficile (Sur Mc 2,4. Cf. Saint Marc 71-72).

2Tes péchés sont remis. Jésus offre au paralytique quelque chose qui d’abord dépasse de loin son attente, qui ne se trouve pas en rapport avec ce qui était attendu. Quelque chose de très grand, de très beau, mais qui est sans rapport. Le malade vient pour être libéré de sa paralysie et le Seigneur lui pardonne ses péchés. Il en est finalement toujours ainsi quand on s’adresse au Seigneur, quand on attend quelque chose de lui : il répond mais chaque fois à sa manière, qui ne concorde guère avec la nôtre, parce que la sienne  nous dépasse toujours de loin. Et comme cela nous dépasse, nous avons le sentiment que cela tombe à côté. Dans l’Évangile, une réponse du Seigneur n’est que rarement adaptée à la question de l’homme ou mieux : la question n’est pas adaptée à la réponse que le Seigneur veut donner (Sur Mc 2,5. Ibid. 73).

3 - Je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton grabat et va-t-en chez toi. Le Seigneur ne demande pas : veux-tu ou ne veux-tu pas, il ordonne. Le malade est près du Seigneur, et cela signifie qu’il croit et espère. Sa foi qui espère et l’amour de ceux qui l’accompagnent forment une sorte de présupposé pour l’intervention du Seigneur. Ici gît un homme qui s’est préparé dans l’attente. Chaque fois que le Seigneur donne un ordre à quelqu’un, il se trouve déjà quelque grâce en celui qui doit obéir. Fondamentalement l’obéissant a la liberté de ne pas obéir, mais en fait il n’est plus enclin à s’opposer à l’ordre parce qu’il a déjà commencé à croire et que l’obéissance signifie l’accomplissement de la foi (Sur M, 2,11. Ibid. 79).

4 – Toute la scène décrite par cet évangile s’achève par l’assurance solennelle que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, ce qui est prouvé par la guérison du malade. Naturellement les hommes s‘étonnent de cette guérison. Jésus commence par guérir la maladie la plus grave, la paralysie spirituelle qu’est pour l’homme son refus de Dieu, dont il ne peut se guérir lui-même. Seul le Dieu offensé a le pouvoir et la grâce de pardonner l’injustice qui lui a été faite, et il a envoyé son Fils dans le monde pour proclamer et opérer ce pardon. Il a ce pouvoir parce que lui qui est sans péché a pris sur lui la faute : le prix suprême de la grâce du pardon est la croix. Le pardon décharge l’homme d’un fardeau dont il ne peut se défaire tout seul. Le pécheur impose à Dieu un travail : tout l’amour divin est requis pour nous décharger de ce fardeau (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année B, p. 44-45).

 

7e dimanche C    (1 S 26,2.7- 9.12-13.22-23; 1 Co 15,45-49; Lc 6,27-38)

1 – Soyez miséricordieux… Aimez vos ennemis. Jésus s’élève expressément au-dessus de la magnanimité humaine limitée qui aime en retour ceux qui aiment, donne des cadeaux pour en recevoir. Il donne comme modèle la magnanimité divine absolue qui dispense son amour à ceux qui le haïssent maintenant et le méprisent. Jésus ose dire ces choses parce qu’il est lui-même le don de Dieu à tous ses ennemis, le don d’un amour qui ne calcule pas. David n’a pas voulu tuer son ennemi Saül dans son sommeil parce que Saül avait reçu « l’onction du Seigneur ». Ce qu’était Saül pour David, tout homme l’est maintenant pour nous, car il a reçu l’onction par la mort expiatrice de Jésus. Le chrétien se sait lui-même un produit de la magnanimité divine. Tout autre homme l’est aussi. En aimant mon ennemi, je lui rappelle simplement que nous sommes tous redevables à la magnanimité divine (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 45-46).

2 – En portant le premier Adam sur la croix, le second Adam fait davantage qu’évacuer tous les péchés et tout ce qui en l’homme est freiné et dénaturé par le péché ; il ne se contente pas d’effacer, il crée quelque chose de nouveau. Chacun voit en soi les forces du vieil Adam, des sentiers qui renvoient à la terre au travers d’Adam. Mais chacun voit aussi les forces du nouvel Adam, qui indiquent le ciel à travers celui-ci. Chaque homme peut mettre son esprit à la disposition des choses terrestres, mais également voir en elles la contradiction avec le spirituel : il peut ainsi se décider entre ces deux pôles, mais sa décision ne pourra jamais être en faveur des deux, pour un juste milieu. Il ne peut que choisir l’un ou l’autre. Le Fils dit : "Celui qui n’est pas pour moi est contre moi". Le milieu est par là même aboli, nous devons être ou froids ou chauds. Mais celui qui s’est décidé pour l’esprit ne cesse pas de porter en lui la réalité terrestre. Il doit s’en accommoder : c’est l’aiguillon dans la chair, et c’est en même temps un aiguillon pour l’esprit, lui qui n’en a jamais définitivement terminé avec la chair, mais doit continuellement lui assigner sa place dans la hiérarchie des valeurs (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 245-246).

3 - Que Dieu se promène dans le paradis quand il lui plaît, cela ne pose aucun problème pour Adam, il est toujours rempli d’attente tout en n’attendant rien. Il est rempli d’attente parce que l’homme sans péché est toujours heureux de rencontrer Dieu à nouveau et qu’en même temps il ne s’arroge pas le droit d’obtenir une nouvelle rencontre en raison d’une rencontre précédente. Et d’autre part Adam n’attend rien, parce ce que tout ce qui est, est bon pour lui, et il n’évalue pas la mesure de la proximité ou de l’éloignement de Dieu. Entre deux rencontres, Adam s’occupait des choses qui font partie de la bonne création de Dieu, il était occupé à des pensées qui ne lui rendaient pas Dieu étranger. De la sorte, les allées et venues de Dieu prenaient dans la vie d’Adam une place "naturelle" (NB 6,186-187).

 

8e dimanche A (Is 49,14-15; 1 Co 4,1-5; Mt 6,24-34)

1Nul ne peut servir deux maîtres (Mt 6,24). Nous ne pouvons pas servir deux maîtres : d’une part la lumière, dans son exigence exclusive, et d’autre part ce que nous nous sommes réservé. Le service de Dieu demande la foi entière, la charité entière, l’espérance entière, et en les exigeant, Dieu est prêt à les accomplir pleinement. Rien ne reste inaccompli dans la foi, l’espérance et la charité, pour autant qu’elles sont données par Dieu. Si Dieu est notre maître, il ne pourra souffrir aucun autre à côté de lui. Lui seul est maître. Il exige de nous de ne connaître aucun partage. Il est maître surtout en comblant tout désir et tout amour si pleinement que nous pouvons dans sa lumière partager sa propre prodigalité. Il nous donne tout ce qui est sien dans une telle surabondance et démesure qu’en l’acceptant nous ne pouvons que le transmettre (Sur Mt 6,24. Cf. Le sermon sur la montagne 175-176).

2Cherchez d’abord son Royaume. Le Royaume de Dieu est son ciel, sa vie éternelle, sa volonté. Tout ce royaume est personnifié dans le Fils, de sorte que s’ils cherchent le royaume de Dieu, ils trouveront le Fils. Ce Fils qui vient du Père et va au Père, il vient du ciel et va au ciel. Il nous parle de son chemin, et ce chemin d’abord ne nous paraît perceptible que dans sa parole. Sa Mère, il l’emmènera la première sur son chemin vers le ciel, et non pas elle seulement, mais tous ceux qu’il est venu racheter. Il nous montre son chemin de retour comme à des invités qui peuvent s’y engager avec lui. Et en nous y engageant, nous prouvons que nous cherchons le Royaume du Père, le ciel (Sur Mt 6,33. Cf. Ibid. 196).

3 – A chaque jour suffit sa peine. Demain nous serons entourés de la même grâce qu’aujourd’hui, nous pourrons nous tenir dans la même obéissance d’amour. Chacune de nos journées, dès l’instant où nous obéissons au Seigneur, est déjà un jour de notre vie éternelle; par la grâce du Seigneur, elle participe à l’actualité toujours présente de la vie éternelle. Le Seigneur conduit les siens de telle manière qu’ils savent à tout instant ce qui est exigé d’eux. Nous devons donc abandonner tout souci de nous décider nous-mêmes pour répondre dans une parfaite obéissance à l’attente de Dieu. Le Seigneur ne nous accompagne pas un bout de chemin pour ensuite nous laisser libres. Il n’attend pas notre obéissance aujourd’hui pour nous laisser faire demain ce que nous voulons. Il ne nous fait pas faire aujourd’hui la volonté du Père pour que demain nous ayons à nouveau la joie de faire la nôtre. Il demande dès maintenant l’absolu (Sur Mt 6,34. Ibid. 201 et 200).

4 – Deux maîtres qui, dans leur disposition de fond, sont inconciliables. Entre les deux, il faut choisir. L’un de ces maîtres est Dieu, de qui proviennent tous les biens. L’autre maître est le bien-être comme valeur suprême, et un bien suprême est toujours élevé au rang d’une divinité. L’homme ne peut avoir en même temps deux biens suprêmes, deux buts ultimes, il doit choisir. Il doit les hiérarchiser de telle sorte que, dans le cas d’une épreuve décisive, il apparaisse clairement quel bien il préfère (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 91).

5Qu’on nous regarde seulement comme des serviteurs du Christ (1 Co 4,1). Paul, et avec lui tous ceux que le Seigneur a chargé d’une mission. Ils sont chargés par le Christ d’une fonction et d’un ministère qui les lient envers Dieu, mais qui engage également la communauté vis-à-vis d’eux. Les tâches qu’ils accomplissent ne dépendant pas de leur bon vouloir, elles leur sont attribuées dans le cadre de leur service par le Seigneur pour qui ils travaillent. L’appel du Seigneur qu’ils ont suivi est devenu pour eux un métier dans le monde, un métier qui les façonne de manière aussi visible que le métier séculier des autres hommes. Ils sont des intendants des mystères de Dieu. Ils distribuent ce qu’ils ont eux-mêmes reçu. Et ce qu’ils administrent, ce sont véritablement les mystères de Dieu. Quand Dieu se sert de ses serviteurs pour donner aux mystères une forme qui puisse être partagée, ils ne perdent rien de leur caractère de mystères divins (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,104).

6 - Nul ne peut servir deux maîtres (Mt 6,24). Le Fils qui séjourne sur terre au nom du Père, vit entièrement tourné vers le Père… Il ne peut être rien d’autre que ce que sa mission exige de lui ; et il veut également n’être rien d’autre que cela. De même le chrétien qui marche à la suite du Seigneur devrait être ainsi unifié ; il ne peut pas se permettre de mener la double vie d’un homme qui vit à la fois dans la joie et dans l’indolence. Personne ne peut servir deux maîtres : Dieu et Mammon ; la phrase indique que le chrétien doit vivre dans l’unité, celle de la joie ; la joie de mener une vie guidée par Dieu et de persévérer sur le sentier de la fidélité, de la confiance, de la foi. C’est précisément cela la joie parce que ce sentier passe par le Fils pour aller au Père : c’est le chemin de l’obéissance d’amour…, le chemin que le Fils nous a ouvert afin que nous le parcourions dans la joie de la grâce (L’homme devant Dieu 104-105).

7 - Si nous pouvons remettre chaque instant à la Providence, nous savons alors que ce qui n’a pas de sens n’existe pas (Lumina 11).

8 – Le prêtre est pour Dieu un gérant. Le prêtre n’a pas le droit de revendiquer pour lui les fruits de son travail : il travaille pour Dieu, il montre Dieu aux âmes, il les éduque pour Dieu. Il est comme le chien de chasse qui va chercher le gibier et le dépose intact aux pieds du chasseur (Gleichnisse des Herrn 92).

9 – Adrienne se faisait un jour du souci au sujet de la manière dont elle exécutait sa mission. Le P. Balthasar : "Au nom de l’obéissance, je lui interdis ces soucis, je l’exhorte à avoir confiance et à remettre la chose à Dieu" (NB 9,1621).

10 – D’une lettre d’Adrienne au P. Balthasar le 13/09/1941). C’est l’époque où les patients apportent des fleurs de leurs jardins, de toutes sortes, de toutes les couleurs ; j’en ai des quantités, et hier j’ai passé un long moment à les arranger, la pièce était magnifique ; j’ai retiré la plupart des tableaux pour n’avoir que les fleurs ; également des roses magnifiques, dans un vase en cuivre ; souvent il me semble que les fleurs parlent si clairement de Dieu, davantage encore peut-être de la Mère de Dieu (NB 8,179).

11 – On dit sans cesse : "Que ta volonté soit faite", mais on ne fait pas très attention à ce qu’on dit parce qu’il est quand même difficile de se représenter la volonté du Père. Souvent on souhaite quelque chose pour soi et on trouve qu’on ne devrait quand même pas importuner Dieu à ce sujet. Ce sont justement les petits riens qui sont difficiles à supporter, mais ils sont si petits qu’on n’aime pas en faire le contenu d’une demande particulière, on garde en quelque sorte sa "dignité" devant Dieu, et c’est sans doute juste. On devrait savoir prendre avec soi dans la prière les petits riens et les laisser là se dénouer dans ce qui est plus grand. Seulement cela ne réussit pas toujours parce que les petits riens nous assaillent et obscurcissent en quelque sorte la claire vision des choses (NB 10,2305).

12 – Dieu a fait don à l’homme de la foi qui embrasse tout ce qui est à Dieu. Par elle, Dieu est en relation avec l’homme et il fait de lui un chrétien. Au chrétien, Dieu offre la plénitude de l’Écriture, la vie de son Fils, son Esprit Saint. Mais en tant que croyant, le chrétien doit en même temps gérer ce qu’il a expérimenté et appris humainement en vue de ce qu’il cherche à attendre, mais cette sphère terrestre n’a pas le droit de se fermer sur elle-même, elle est une fonction de l’homme qui est ouvert à Dieu. En beaucoup de points, il se fait que le croyant se heurte à une sphère de mystère qui appartient à Dieu, et la réponse de Dieu peut être tout autre que celle qui était attendue. Dieu ne se laisse pas capturer, on ne le maîtrise pas rationnellement. Dans une surabondance qui réserve les plus grandes surprises, il fait don à l’homme des mystères de son amour (NB 10,2210).

13 – Quand on se trouve comme moi devant de si belles roses, on pense sans cesse à celui qui les a données. Et là, au mur, le tableau de la mer est si vivant qu’on pense à la Bretagne : on voit devant soi la mer et la création de Dieu tout entière, et il n’est pas difficile de trouver Dieu en toutes choses. On n’a pas besoin de se donner du mal pour cette recherche, on est porté vers Dieu et, quand on a trouvé, cela se transforme tout de suite en amour – pour Dieu et pour les hommes – et en prière. La beauté des choses a forcément pour le croyant l’effet de le diriger vers Dieu, de faire sourdre la prière. C’est pour Dieu une joie de savoir qu’il y aura dans son monde une fleur comme cette rose devant moi, qu’elle répandra ce parfum. Comment Dieu ne serait-il pas déjà ivre de joie à l’avance en y pensant ? Et que pourrait-il faire d’autre que de créer l’homme pour que lui aussi ait part à cette joie en ce monde ? On comprend, à partir d’une fleur, que c’était la volonté de Dieu que l’homme soit aussi beau, l’être le plus beau du monde, en son corps et en son âme (NB 10,2152).

14 – Il n’y a pas de distance là où il y a l’amour. Même les processions en Dieu ne créent pas de distance : elles sont dépassées par l’amour. Et si les hommes avaient pas péché, ils n’auraient jamais pensé à parler d’une "distance" dans leur relation avec Dieu (NB 12,79).

 

8e dimanche B     (Os 2,16-17.21-22; 2 Co 3,1-6; Mc 2, 18-22)

1Pourquoi les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnent-ils alors que tes disciples ne jeûnent pas? Derrière cette question se cache un enchevêtrement de motifs, et la question elle-même renvoie à une situation tout à fait opaque pour l’observateur. Où se placent les pharisiens, où les disciples de Jean, où les disciples du Christ? Pour nous aussi, la place où un homme se trouve par rapport au Seigneur et à l’Église reste souvent incertaine. Mais en tant que disciples du Christ, nous n’avons pas besoin de toujours sonder cela, il faut plutôt nous demander où nous sommes situés nous-mêmes, non pas en ce qui concerne la prescription du jeûne, mais quant à notre résolution d’observer sans réserve le commandement du Christ, son premier commandement (Sur Mc 2,18. Saint Marc 93).

2Jésus leur répondit. Dans le fait que Jésus leur réponde, il apparaît clairement que le Seigneur s’occupe toujours d’une manière ou d’une autre de celui qui interroge. Il y a là une très grande consolation pour nous. Car il peut se produire, il se produira et il doit se produire, que nous priions sans entendre de réponse, que nous demeurions dans la prière sans éprouver aucune consolation, et même que la prière augment encore en nous la sécheresse et que nous avons le sentiment qu’à nous précisément le Seigneur ne veut pas répondre. Nous pouvons être sûrs qu’il répond toujours. Ce ne sera peut-être pas la réponse que nous attendons, mais une réponse vient toujours (Sur Mc 2,19. Cf. Ibid. 94).

3 - Tant qu’ils ont l’époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. L’attitude du Seigneur lui-même doit nous être un exemple. Nous pourrions nous demander : le Seigneur est-il davantage avec nous quand il festoie avec les publicains et les pécheurs ou quand, sur la croix, il souffre pour nous? A la question ainsi posée, la réponse serait : le Seigneur est toujours parmi nous. Il n’est pas seulement parmi nous pour célébrer des fêtes, mais aussi en souffrant durant sa Passion, voilé, caché. Mais qu’il souffre pour nous ou qu’il nous fasse entrer dans sa joie, son attitude est toujours la même : l’amour gratuit, le renoncement pour l’amour du Père et des hommes (Sur Mc 2,19. Cf. Ibid. 95-96).

4 – Jésus ne rejette pas le jeûne, comme le montrent ses consignes sur ce point dans le sermon sur la montagne (Mt 6,16-18). Seulement il est d’abord Dieu et homme, le signe de l’alliance nuptiale entre le ciel et la terre, son existence est le suprême cadeau de noces du Père à Israël et au monde entier. Face à la longue attente qui a duré jusqu’au Baptiste, il est le vêtement neuf qui ne peut pas être cousu sur de vieux chiffons, le vin nouveau qui ne doit pas être versé dans de vieilles outres. Quand Israël aura laissé passer ces jours de noces et repoussé son Messie, alors aux disciples de Jésus l’époux sera enlevé et un jeûne chrétien pourra commencer., un jeûne qui se rattache à la passion du Seigneur. Alors l’Église vivra en même temps de la passion et de la résurrection du Christ ; elle connaîtra un temps de carême et un temps de Pâques. L’alliance qui est conclue dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus est indissoluble, parce que maintenant l’Esprit Saint de Dieu a été déposé dans les cœurs des croyants (Cf. HUvB, Lumière de la Parole… Année B, 91-93).

5 - Pour posséder la parole, il faut l’avoir acquise en luttant dans la prière. Pour la transmettre, on doit se l’approprier. Celui qui vend la parole de Dieu en sous-main, comme une marchandise, est devenu indigne de sa charge de serviteur du Christ (HUvB, AvS et sa mission théologique 382).

6 Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils : elle l’a renié, mais il garde avec elle une infinie patience, il ne cesse de lui envoyer de nouveaux messagers qui doivent lui apprendre à devenir une véritable épouse qui ne peut plus faire défection. L’Église est les deux : l’épouse infaillible et celle qui ne cesse de faire défection, qui est dure d’oreille (NB 9, 1925).

7 – L’égoïsme peut aussi s’immiscer dans nos relations avec Dieu. Tout comme dans le mariage. On peut conclure un pacte avec Dieu dans la prière : je fais quelque chose pour lui faire plaisir et il me rendra service, il me protégera et finalement il me procurera le ciel. Mais le ciel est un échange d’amour et aucun égoïste ne peut y entrer. Il doit d’abord avoir mis son centre en dehors de lui-même (NB 5,172).

 

8e dimanche C     (Si 27,4-7; 1 Co 15,54-58; Lc 6,39-45)

1 – Jésus nous donne un double avertissement : d’abord l’homme qui doit juger un autre homme, doit être un voyant spirituel, non un aveugle ou quelqu’un qui, aveuglément, croit ou ne croit pas. Ensuite il doit examiner son propre rapport entre le cœur et la bouche, avant d’entreprendre de corriger un défaut chez un autre. Puisque les hommes peuvent mentir et se dissimuler, chacun doit être observé sur l’authenticité du rapport entre son cœur et sa bouche (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 93-94).

2 – Toutes les paroles du Père (dans l’Ancien Testament) qui nous apparaissent souvent comme des paroles de menaces, le Fils devient homme parmi nous pour les accomplir de telle sorte que nous puissions les comprendre comme des paroles de miséricorde (Sur 1 Co 15,54. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,550).

3 – Le Père sait que pour les hommes il n’est pas toujours facile d’avoir les trois personnes également vivantes devant les yeux (Sur 1 Co 15,57. Cf. Ibid. II,555).

4Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Jésus Christ, notre Seigneur (1 Co 15,57). Dieu ne donne pas la victoire à notre Seigneur, mais à nous ! Toute la vie du Seigneur paraît dans une lumière nouvelle grâce à cette parole : tout ce qui relie le Père et le Fils dans l’Esprit Saint nous est offert dans le Fils. Ce que le Fils révèle, ce qu’il montre, ce qu’il voit, de même que ce qu’il souffre, sa mort, sa descente aux enfers et enfin sa résurrection, tout cela est un don que Dieu le Père nous adresse. Le Fils est l’outil de la rédemption du monde. Il révèle l’amour du Père pour nous, sous tous ses angles, avec toutes ses nuances, dans toutes ses dimensions et dans tous ses effets (Cf. Ibid. II,262).

5 – L’aiguillon de la mort se trouve dans le péché ; tant qu’il y a des pécheurs, la relation entre péché et châtiment n’est pas supprimée. Mais il faut dire en même temps : tant que Dieu se trouve en face des pécheurs. Alors le châtiment est une étape vers la sanctification par la mort du Seigneur. Chaque mort de pécheur en particulier doit renvoyer à la mort du Seigneur et elle est vaincue par elle. En réalité, personne ne meurt de sa propre mort parce que la mort dont il devrait mourir est engloutie dans la mort du Seigneur et parce qu’il y a, grâce à l’action commune du Père, du Fils et de l’Esprit, par l’Église, une gérance de la mort qui est en rapport avec la gérance des prières. Certes nous pouvons dire : le Seigneur est mort pour moi ; par la confession il m’a accordé à moi le pardon de mes péchés. Mais il en aussi fait don aux autres, et c’est le devoir suprême de notre foi de renoncer non seulement à toute exclusivité mais d’une manière générale à des privilèges personnels (Cf. Le mystère de la mort 59-60).

6 - Rien n’est plus sûr pour l’homme que son existence, et cependant rien n’est plus incompréhensible (Sur Is 63,7-9. Isaias 196).

7 – Il y a un lien étroit entre la langue et l’enfer. La langue peut empoisonner la vie. L’individu harcèle dans l’anonymat. Une maladie contagieuse gagne tout un groupe, toute une foule : impossible d’y échapper. Le bateau sans gouvernail ne peut plus garder le cap, il est livré aux tempêtes. L’enfer envahit la vie par la langue, et la langue remplit l’enfer. Par notre propre décision, nous livrons le monde au feu de la langue, qui devient le feu de l’enfer et le monde de l’injustice. Il y a un infini du mal comme il y a un infini de création de la part de Dieu (Sur Jc 3,6. Die katholischen Briefe I,159).

8 – Le vrai péché ne se trouve pas, la plupart du temps, là où on le cherche. Il ne se trouve certainement pas dans les dix commandements. Ce qu’on appelle des crimes, souvent ce ne sont pas des crimes ; par contre un refus de Dieu, intérieur et tout à fait caché, est beaucoup plus terrible et plus nuisible que tout le reste (NB 8,12).

 

9e dimanche A (Dt 11,18.26-28.32; Rm 3,21-25.28; Mt 7,21-27)

1 - Les faux prophètes : les pires de tous les humains. Ce qu'ils apprennent du Seigneur, ils en abusent pour leurs propres fins, de sorte que ce qui se présente comme une parole chrétienne ne contient que leur propre iniquité. Ils ont abusé du nom du Seigneur au point de s'en servir pour assouvir leur soif de gloire et de publicité... Ils ont souillé la source de la grâce en se donnant l'air de l’avoir fait jaillir. Ils se sont approprié ce qui appartenait au Seigneur (Sur Mt 7,22. Le sermon sur la montagne 242-243).

2 – La maison fondée sur le roc. Si cette maison est la foi, toute force terrestre qui n'est pas force de la foi, se dressera contre elle. La foi qui écoute et cherche à réaliser ce qu'elle a entendu est toujours exposée en ce monde. Si la maison, c'est l’Église, la pluie serait alors tout ce qui s'oppose au dogme, au principe de la réalité chrétienne. Le vent, c'est tout ce qui se dresse contre l'Eglise en tant que corps et épouse du Christ ; le torrent, c'est tout ce qui se rue sur le divin, sur ce qu'il y a de primordial en elle. Pour l’Église, comme pour chacun, il n'y a qu'un seul moyen de se protéger de cet assaut, c'est d'écouter et d'agir; Dieu laisse à chacun le soin de bâtir sa maison sur le roc, et il le laisse aussi à l’Église. Certes, c'est Dieu qui bâtit la maison, celle de la foi personnelle comme celle de l’Église. Mais il ne la construit qu'en accord avec la foi de chacun et la foi de l’Église. Pierre doit professer sa foi pour devenir le roc, et ce faisant, il est lui-même bâti par Dieu (Sur Mt 7,25. Cf. Ibid. 248-249).

3 – L'insensé qui a bâti sa maison sur le sable. Son comportement insensé consiste dans le fait qu'il entend et ne met pas en pratique. Entendre, au sens du Seigneur, veut dire comprendre. Comprendre veut dire accéder par la parole à la vérité. A la vérité indivisible du Seigneur qu'il déclare au nom du Père et de l'Esprit et en son nom propre. Il parle en tant qu'homme et il sait avec quelles paroles on peut arriver à toucher les hommes. Il parle en tant que Dieu et sait quel sens il donne à chaque parole. Ainsi toute vérité est à la fois une vérité accessible à l'homme et une vérité qui le surpasse, divine. L'homme avisé qui comprend et agit, se met d'emblée avec sa foi là où la vérité du Seigneur est à la fois humaine et divine (Sur Mt 7,26. Cf. Ibid. 250).

4Bâtir sa maison sur le roc. Tout ce qui naît pour durer, tout ce qui réussit, vient de Dieu. Les hommes qui essaieraient de travailler sans Dieu peineraient en vain (Cf. Ps 127). Il n’y a donc pour l’homme qu’une seule manière correcte de travailler, et celle-ci se trouve en Dieu ; Dieu qui travaille, qui bâtit la maison et invite les siens à bâtir avec lui. Ils travaillent de façon sensée s’ils se coulent dans le sens que Dieu donne à sa construction. Une participation sensée, bénie. Et une fois l’œuvre accomplie, Dieu la protège (Cf. Dix-huit psaumes 231-232).

5 - Ceux-là sont des nôtres qui essaient de faire la volonté de Dieu, qui accueillent la parole comme parole de Dieu et, ce faisant, imposent silence à leur propre parole. Ils soumettent leur propre parole à la parole de Dieu. Ils ont dit oui au Seigneur pour mieux dire non à eux-mêmes, et ils ont dit non à eux-mêmes pour mieux dire oui au Seigneur. A part cela, ils seront forts et faibles, ils ne se distinguent pas beaucoup des autres. L’antichrist par contre reste dans son "non". Demeurer dans le oui, c’est accueillir toujours mieux la volonté du Fils en union avec la volonté du Père et de l’Esprit Saint (Sur 1 Jn 2,19. Die Johannesbriefe 69-70).

6 – Importance de la fidélité. Je ne peux pas arranger ma vie autrement tous les jours. Ne pas faire un pas vers Dieu aujourd’hui pour m’en éloigner à nouveau demain. Une certaine persévérance dans la ligne perçue comme juste est nécessaire ; et cette fidélité ouverte à Dieu est une certaine manière de se tenir à la disposition de Dieu. Ne pas se raidir contre sa volonté (NB 9,1401).

7 – On doit se tourner vers Dieu, on se fait alors proche de Dieu (NB 9,1352).

8 – Il n’est pas facile pour Dieu et pour l’Église de vaincre la résistance persistante des pécheurs et leur manie de toujours savoir mieux (Cf. NB 11,302-304).

 

9e dimanche B (Dt 5,12-15; 2 Co 4,6-11; Mc 2,23-3,6)

1 - Et non l'homme pour le sabbat. La loi n'est donc pas première. Dieu n'a pas d'abord pensé la loi et ensuite créé l'homme; il a créé l'homme et lui a offert la loi comme lien vivant entre l'homme et lui, comme ce que l'homme peut considérer avec sa raison, comprendre avec son esprit, suivre avec sa volonté, pour rester le plus possible dans la proximité de Dieu. La loi est une aide. Derrière elle, c'est Dieu qui se tient. C'est pourquoi chacun doit veiller à rester toujours à l'intérieur de la loi et, ce faisant, savoir pourtant qu'elle lui a été donnée comme une aide seulement, que les difficultés de la loi, ce qui fait obstacle en elle, lui sont une occasion de grandir intérieurement. (Sur Mc 2,27. Cf. Saint Marc 105).

2 - Et ils l'épiaient. Ce sont les spectateurs qui surviennent toujours quand le Seigneur est là et qu'il se passe un événement chrétien. On n'a pas le droit de les ignorer, car leurs desseins sont presque toujours opposés à ceux du Seigneur. Et il ne faut pas non plus les prendre trop au sérieux, car le Seigneur possède et communique une force qui leur est supérieure. Mais on doit savoir qu'ils sont là. Nous devons être conscients qu'on observe ce que nous faisons au nom du Seigneur, ou du moins ce que nous essayons de faire. Seulement il faut savoir par avance qu'avec la meilleure intention du monde, nous ferons maintes choses de travers. Ici les spectateurs et les critiques nous seront utiles. Nous devons reconnaître la critique comme un moyen salutaire qui nous est donné pour notre progrès (Sur Mc 3,2. Cf. Ibid. 109-110).

3 - Alors promenant sur eux un regard de colère... Il nous est difficile de nous représenter le Seigneur en colère. Si nous contemplons sa vie, de l'enfance jusqu'à la croix et la résurrection, nous voyons surtout son union avec le Père; mais nous connaissons d'un autre côté la colère de Dieu sur les pécheurs, et nous comprenons donc que le Fils peut aussi représenter la colère du Père. Et pourtant le Père ne l'a pas envoyé par colère, mais par amour. Et voilà que la colère du Seigneur devient visible à tous : il ne peut plus comprendre ni supporter. De cela nous pouvons tirer une grande leçon. Dans la vie, nous faisons assez souvent des expériences qui suscitent en nous une colère justifiée, mais dans notre agir plus rien ne doit en paraître. Une colère qui traverse le creuset de la prière et se maintient est une colère justifiée, peut-être même exigée chrétiennement. La colère qui découle d'une humeur ne supporte pas la prière (Sur Mc 3,5. Cf. Ibid. 115).

4 – Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit qu'il est souvent au bord de la ruine. Il y a des périodes où il languit en prison, réduit à l'inaction. Il doit éprouver avec Jésus le paradoxe de la Passion, à savoir que l’œuvre de Jésus atteint son sommet précisément quand tout mouvement est rendu impossible à celui qui est cloué sur le bois. "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (2 Co 12,10) : cette parole de Paul pourrait avoir été dite par Jésus sur la croix (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 95).

5 - L’intelligence de la foi est diverse selon les personnes, la mission, l’ordre dans l’Église. L’Esprit souffle à travers toute l’Église, mais il coule toujours aussi par les canaux des ministères (Sur 3 Jn 5, Die Johannesbriefe 304).

 

9e dimanche C (1 R 8,41-43; Ga 1,1-2.6-10; Lc 7,1-10)

1Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. La manière dont le centurion païen demande à Jésus de guérir son serviteur est émouvante. Il se sent indigne de se présenter devant lui et il envoie des amis juifs qui le recommandent. Et lorsque Jésus s'approche de sa maison, de nouveau il ne sort pas de chez lui, mais il envoie d'autres amis qui feront connaître à Jésus la grande confiance du centurion : de même que ses soldats lui obéissent, il est convaincu que la puissance elle-même de la maladie est soumise à Jésus. Cette confiance exprimée deux fois à distance "étonne" Jésus, car elle se distingue du comportement des Juifs qui souvent ne reconnaissent pas en Jésus un envoyé de Dieu. La vraie foi n'est pas limitée à Israël, on peut la trouver en dehors du peuple élu sous une forme plus pure encore. Dans la prière de Salomon au temple (première lecture) retentit déjà cet accent universaliste. Salomon élargit sa prière aux étrangers qui, venant de loin, prieront dans cette maison de Dieu. Que Dieu veuille les exaucer "afin que tous les peuples de la terre, comme ton peuple Israël, reconnaissent ton Nom et t'adorent". La volonté salvifique de Dieu est universelle, de manière patente, depuis l'incarnation de sa Parole qui a pouvoir "sur toute chair" (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 95-96).

2 - Quand Dieu envoie la maladie à quelqu’un, il intervient dans sa vie personnelle et lui rappelle qu’il est créé et mortel. Soustrait à ses activités, le malade ne peut pas ne pas penser aux fins dernières (Arzt und Patient 99).

3 – Il y a des gens qui renient leur religion parce qu’ils sont devenus soi-disant plus avisés alors qu’en fait ils s’abêtissent parce qu’ils n’ont plus de réceptivité spirituelle pour Dieu (NB 9,1740).

 

10e dimanche A (Os 6,3-6; Rm 4,18-25; Mt 9,9-13).

1 - La parole du Seigneur est nette : Toi, suis-moi. Suis-moi dès le premier instant, sans conditions, sans degrés, sans étapes. Dieu n'aime pas qu'on s'approche de lui par étapes. Le meilleur exemple est celui de Marie auquel répond aussitôt la venue de l'Esprit Saint qui la couvre de son ombre. Cela se fait en un instant. Les fruits viendront en leur temps, selon les besoins de Dieu, non selon les besoins de Marie (NB 5,26).

2Suis-moi ! Matthieu (Lévi) laisse tout et suit. Il ne quittera plus le groupe des Douze. L'appel de Dieu et du Christ ne contraint pas l'homme mais lui donne aussi bien la liberté que la force de suivre de son propre mouvement. Dans l'appel, il y a un son qui contient les deux choses en même temps : ici quelqu'un parle qui me rend capable de prendre la décision la meilleure possible pour moi, et qui tout en ayant besoin de moi me donne aussi le contenu le meilleur possible de ma vie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 95).

3 – Si Jésus a des amis aussi différents que Jean et le publicain, il offrira pourtant toujours à l'un et à l'autre, au disciple bien-aimé et au publicain, de nouvelles surprises, pas seulement des grandes, qui tiennent à son message et à sa mission,, mais aussi des petites, qui résident dans son visage, ses gestes, ses préférences. Il célébrera des fêtes avec eux, des fêtes de l'amitié et de l'amour, qui certes, culmineront toutes dans sa disponibilité au don total de lui-même, mais qui pourtant, en tant que fêtes, posséderont chacune son empreinte, celle de ses fêtes. Quand l’Église reprend les fêtes et les célèbre en son nom, elle ne doit pas oublier que ce sont des fêtes de l'amitié ; elle n'a pas le droit de laisser s'effacer les traits de l'ami, qui est le Seigneur (Cf. L'amour 16).

4 – Le Seigneur dit à deux disciples : "Suis-moi", et ils le suivirent en silence. Il ne leur donna aucune explication. Ils allèrent parce qu’ils devaient aller, parce que quelque chose de neuf était en eux à quoi ils ne pouvaient encore donner aucun nom mais qui était pur. Et ils ne voulaient pas répondre au Seigneur par une question, mais par un acte. Ils suivaient celui qui restait silencieux. Tout se passait d’abord sans rien dire et était dans un ordre parfait, parce que le Seigneur avait créé en eux, par sa demande, le vide et la réceptivité qui étaient nécessaires pour qu’ils puissent plus tard comprendre la parole. Il agissait sur eux uniquement par son être, son comportement, son injonction. Même sans explication, les disciples étaient comblés par l’événement, dans le sens du Seigneur (Disponibilité 120).

5Un homme rencontre la Parole du Christ et s’y conforme. Il renonce à quelque chose qu’il a désiré, à quoi il tient, il réprime en esprit un désir mauvais, il s’applique sans cesse à adopter une nouvelle manière de penser, il va peut-être jusqu’au don total de sa vie en suivant les conseils évangéliques. En se conformant ainsi à la Parole, il remarque combien celle-ci est devenue concrète pour lui. C’était une Parole de l’Écriture, écrite pour tous, et voilà qu’elle est devenue la Parole du Seigneur qui lui est personnellement adressée, qui le guide et imprègne toute sa vie, qui existe là où l’on ne s’y attend pas, qui détermine de nombreuses petites choses de la vie quotidienne, ainsi que les grandes décisions qui engagent la vie (L’homme devant Dieu 63).

6 - "Suis-moi", dit le Seigneur, et cet appel est une parole dite par obéissance au Père, sous la direction du Saint-Esprit. Lorsque des hommes choisissent une vie d’obéissance et la mènent à la suite du Fils, il est clair pour eux qu’ils peuvent être envoyés où peut-être ils ne veulent pas aller. Ils ont ainsi à vivre constamment dans l’obéissance à l’Esprit, et cela signifie la véritable imitation du Seigneur. C’est une imitation de chaque instant, elle ne se manifeste pas seulement dans les grandes occasions, mais en chaque petit détail, jusque dans ce qui est invisible, et dans les moments où personne n’est présent en dehors de Dieu (Le livre de l’obéissance 112).

7 – Quand le Fils dit à quelqu’un : "Toi, suis-moi !", c’est une invitation à suivre personnellement celui qui, venant du Père, est en route vers le Père. Celui qui est appelé est chargé d’une mission, mais qu’il ne peut pas interpréter de manière à vouloir à l’avance savoir à quoi et pour quand il s’engage, mais dans le cadre d’un engagement que le Seigneur seul déterminera. Son consentement est donc un vœu de fidélité, et il attend de la foi et du Seigneur qu’ils l’aident à garder ce qu’il a promis. L’envoyé, qui a accepté sa mission, a désormais à se conduire en tout d’après le Seigneur, sachant qu’il aura sans doute à vivre au-delà de ses forces, mais que le Seigneur veille sur lui et sur sa mission (Le mystère de la mort 83).

8 - La foi d’Abraham. Notre foi ne nous appartient pas, elle appartient à Dieu, de telle manière qu’elle reste ouverte sur Dieu et qu’elle peut sans cesse être nourrie et dilatée par lui (Das Licht und die Bilder 113).

9 – Le péché, ce n’est pas seulement ce qui enfreint les dix commandements. Le péché proprement dit n’est pas, la plupart du temps, là où on le cherche. Souvent un acte de refus de Dieu, tout intérieur et caché, est beaucoup plus terrible et plus blessant que tout le reste (NB 8,12).

10 – Notre réaction à la vue du péché du frère doit être la prière. Pas une prière de repos, une prière de combat (Sur 1 Jn 5,19. Die Johannesbriefe 240-241).

11 – Nous n’avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu ne change pas, qu’il est toujours bienheureux et qu’il ne peut être blessé par sa créature. Et cependant il serait inconcevable que Dieu demeure insensible à la faute et au malheur de ses propres créatures, lui qui est l’amour éternel (NB 6,266).

12 – Celui qui se confesse se sait protégé et accompagné par la Mère ; chaque confession est comme une nouvelle présence de la croix et donc aussi de la Mère qui souffre avec son Fils ; elle ne s’irrite pas contre les pécheurs, elle en répond pour eux avec son Fils (NB 6,518).

13 – L’acte qui nous fait avouer notre péché appartient déjà au Royaume ; du moins la confession exige-t-elle de l’âme une parfaite nudité, même si l’Église jette un manteau sur ce qui a été dit (NB 6,514).

14 – Une partie de l’obscurité du Père provient de ce que nous avons péché ; sans la grâce, nous nous détournons toujours davantage de Dieu. Le péché porte en lui le dynamisme d’un accroissement incessant. Il laisse derrière lui beaucoup plus de boue que nous ne le pensons (NB 3,236).

15 – Quand le Fils ressuscité, il est pur, mais comme celui qui a porté le péché. Et quand l’homme arrive au ciel, il doit aussi être pur bien qu’il ait commis le péché, son visage doit être dégagé de la grimace du péché (NB 3,233).

16 – L’essentiel du péché : ne pas suivre l’appel de Dieu. Péché également : ne pas prendre au sérieux le péché et son poids. Personne ne connaît mieux le péché que le Christ et sa mère (et celui qui est pur) (NB 8,274).

17 – L’Église porte le péché des pécheurs (NB 6,507).

18 – Celui qui est humble de cœur arrivera beaucoup plus vite à la parfaite pureté (NB 1/1,65).

 

10e dimanche B (Gn 3,9-15; 2 Co 4,13-5,1; Mc 3,20-35)

1 - Au paradis, Adam et Eve, après leur péché, ont cherché à se cacher pour échapper à Dieu... Mais ils n'ont pas réussi. Le croyant sait maintenant que Dieu le voit, qu'il vit devant le visage de Dieu. Il pourrait seulement chercher à se cacher de Dieu en reniant ou en perdant la foi, en s'imaginant qu'il est pour Dieu un inconnu. Le croyant bâtit sa vie de foi sur la certitude qu'il a que Dieu le voit. Il peut s'approcher de Dieu, l'adorer, le prier. Et Dieu se révèle à tout croyant de la manière qui lui plaît (NB 5,48).

2 - C'est l'Esprit de Dieu qui éveille en nous le sens de Dieu et le désir de Dieu. Et ce désir trouve son expression dans notre quête sérieuse de Dieu. Nous cherchons Dieu le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Ce n'est pas un tâtonnement approximatif, ni une aspiration trouble en nous, cela prend une forme très concrète. Nous voulons chercher. - L’Esprit se joint en quelque sorte à notre volonté, la met en mouvement et la dirige. L'Esprit éveille en nous la question de la quête et trouve en même temps en nous quelque chose qui est réponse. Cette quête grandit avec la volonté de prier... L'Esprit nous offre le premier élan vers la prière... Nous devons, pour notre part, tout faire pour que l'Esprit saisisse les gens; nous ne pouvons faire plus, car finalement une conversion est affaire de la grâce. (Sur Mc 3,29-30. Saint Marc 156-158).

3 - Sa mère et ses frères... Marie se trouve devant la porte avec les gens de sa parenté. Nous contemplons surtout l'angoisse et lesouci de la mère pour son fils, toute la préoccupation d'une femme dont le fils a pris son indépendance, et ce d'une manière qui lui est incompréhensible. Marie a dit oui à sa tâche et, par là, à la mission du Fils aussi. Or le Fils est parti. Il a quitté la maison paternelle et les nouvelles qui circulent à son sujet sont extrêmement troublantes. Bien peu viendront chez sa mère porteurs d'une nouvelle réjouissante. La plupart parlent d'extravagances, de comportement incompréhensible. Même le terme de possession a pu venir jusqu'à ses oreilles. Et elle entend ces nouvelles. Elle les entend en espérant que ce n'est pas vrai (Sur Mc 3,31. Cf. Ibid. 160).

4 - Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m'est un frère et une sœur et une mère. Quiconque fait la volonté de Dieu reçoit des liens de parenté avec le Seigneur. Il n'est plus isolé. Aucun chrétien, aucun de ceux qui cherchent à faire la volonté du Père n'est isolé. Comme premier parent, il gagne le Seigneur. Il devient son frère et sa sœur et sa mère. Quiconque entre en une telle parenté avec le Seigneur, participe en même temps à la relation du Fils au Père. Il entre dans la communauté familiale trinitaire (Sur Mc 3,35. Cf. Ibid. 165).

5 – Dans l'évangile, un double reproche s'élève contre Jésus : sa famille le tient pour hors de sens et veut se saisir de lui, les scribes, eux, lui reprochent d^être possédé, parce que manifestement il n'agit pas comme un dément, mais comme un homme doué de pouvoirs surhumains, inquiétants à leurs yeux. Pour ces deux accusations, Jésus n'a qu'une réponse : ce qu'il fait relève de la puissance de Dieu et de l'Esprit Saint. Partout où des hommes agissent – dans l’Église aussi -, leur action peut être critiquée comme contraire à l'ordre de Dieu ; mais là où Dieu lui-même est à l’œuvre, l'homme qui s'oppose à lui se condamne lui-même. Toujours l'homme qui s'oppose à Dieu par son péché – c'est ce qu'enseigne la première lecture - , veut échapper à la condamnation en accusant un autre. Adam rejette la faute sur Ève, Ève la rejette sur le serpent (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 96-97).

6 Puisque l’homme pèche et se rend indigne de l’amour de Dieu, Dieu crée le châtiment et avec celui-ci – comme nouveau signe de son amour – ce qui alors seulement doit être signifié comme l’expérience proprement dite de la finitude : la mort. A la créature qui a opté pour le péché, Dieu, par la mort, impose une fin pour que l’état de pécheur ne se prolonge pas indéfiniment. La fin imposée est à la fois châtiment et miséricorde et porte sur elle, indélébile, le sceau d’une mesure divine comptant par avance sur la future mort rédemptrice du Fils. S’il fallait à l’homme, tel qu’il est devenu, continuer sans fin à vivre ici-bas, sa situation serait alors totalement désespérée. Il serait, une fois pour toutes, devenu pécheur, incapable de trouver un chemin de retour. Mais voici comment, de deux manières qui sont liées entre elles, s’ouvre un chemin de retour vers Dieu : par la grâce dans la vie mortelle et par la grâce dans la mort. La grâce de Dieu peut toucher le pécheur vivant : par la grâce de Dieu il se convertit, met fin au péché et vit désormais dans la grâce, tout en sachant pourtant qu’à tous les hommes Dieu a assigné la mort comme fin. Il la traversera comme quelqu’un qui déjà dans sa vie a été touché par la grâce et, dans la mort, trouvera le Dieu de l’amour ; mais cela uniquement parce que le Fils a pris sur lui-même la fin qu’est la mort (Cf. Le Dieu sans frontière 20-21).

7 – Marie a un rapport singulier au péché : partout où le péché dit oui, elle dit non. Quand le Fils était petit, elle avait espéré – à vrai dire, contre tout ce qu’elle savait – qu’il pourrait partout frayer son chemin. Et voilà qu’elle perçoit le non qu’on lui oppose, l’endurcissement. Pour elle c’est incompréhensible. Le péché du monde qui l’entoure ne lui est d’aucune façon matière à méditer. Elle peut très bien prier pour les pécheurs, mais le péché n’a rien à voir avec elle, il ricoche. Et quand elle prie pour que le péché décroisse, elle ne voit pas diminuer le péché, elle voit la grâce devenir toujours plus pénétrante et l’agir de Dieu toujours plus puissant. Elle considère tout sous l’angle positif, lumineux, divin. Et quand elle entend la parole du Fils, une parole de prédication ou une simple parole chrétienne, elle se sent tellement entraînée en elle qu’elle ne comprend pas qu’on puisse y être indifférent ou s’y opposer (L’expérience de la prière 96-97).

8 – Adam a mangé le fruit défendu ; il n’a pas seulement posé par là un acte de désobéissance, il a reçu aussi en bouche un goût que Dieu ne lui destinait pas : le goût de l’absence de Dieu, de la vie sans l’Esprit divin, de l’existence purement transitoire. Une telle existence ne devait pas lui plaire. Sa relation avec les choses de ce monde, sur lequel il devait régner, était pensé comme une vie dans l’ordre et dans l’Esprit de Dieu. Or, au lieu de cela, c’est la démesure, le désordre entre Dieu et l’homme qui est entré et, par là, la position originaire de l’homme, la situation à laquelle il est destiné, sa durée, son espace, sont devenus équivoques. A la place du cosmos de l’Esprit, l’homme a mis le chaos du péché… Et c’est ainsi que le Père de l’ancienne Alliance doit prendre des mesures toutes nouvelles vis-à-vis de son enfant désobéissant pour tout de même le fléchir : à travers la souffrance et l’angoisse et l’impasse absolue (La face du Père 39-40).

9 – Arrivent sa mère et ses frères. Durant les années que Marie avait passées avec son Fils, il était si près d’elle que sa prière était visiblement – visiblement pour elle – entretenue par sa présence. Elle participait à sa prière et lui à la sienne. Cette prière allait de soi, elle y était habituée. Prier faisait partie de sa vie, lui était nécessaire et jamais elle ne ressentait cela comme un devoir ou une contrainte. Prie lui était aussi naturel que parler avec son Fils. Maintenant qu’il est parti, sa prière est devenue un ministère. Elle sait peu de choses à son sujet. Elle le voit rarement et n’a pas beaucoup de nouvelles. Le travail qu’il accomplit, sa vie active, elle ne peut pas se les représenter exactement. Elle ne sait pas dans quelle mesure son environnement lui est favorable ou hostile, de quelle façon il annonce au peuple le message du père ; si les gens sont attirés, s’il a des disciples, s’il reçoit l’assistance nécessaire. Elle se sent seule et elle sait que l’aide qu’elle peut fournir à présent ne peut être que celle de la prière (Cf. Le monde de la prière 101).

10 - La mère et les frères. Le Seigneur est parti depuis longtemps déjà ; il est au cœur de sa mission active. Un jour qu’il se trouve avec ses disciples au milieu d’une grande foule, on lui annonce que sa mère est là dehors et qu’elle le cherche. Elle le cherche avec les autres membres de sa famille, poussée par une véritable inquiétude féminine. Elle a toujours été consciente de la mission de son fils. Mais elle s’était imaginé pour lui un tout autre chemin. Elle s’attendait à ce qu’il montre sa royauté, sa divinité, sa gloire avec toujours plus d’éclat. Quelque part au bout du chemin, il y aurait la passion, la croix. Mais elle continue à penser qu’entre-temps, et jusqu’à l’heure de la passion, de grandes choses vont se produire, un éclat et une force d’attraction sans pareils vont émaner de lui. Elle suit de loin sa route qui prend cependant un tout autre cours que celui qu’elle avait supposé. Elle commence à craindre que quelque chose ait eu lieu qui empêche, retarde, occulte sa mission. Elle ne comprend plus ; elle voudrait au moins parler avec lui pour qu’une lumière illumine à nouveau son âme. Elle se met donc en route pour aller le retrouver et tente de l’atteindre. Mais elle trouve le chemin qui mène à lui barré par une foule anonyme qui l’entoure et a maintenant sur lui plus de droits qu’elle. Il y a surtout le Fils lui-même qui, apprenant qu’elle et les siens le demandent, étend la main vers ses disciples et proclame publiquement : "Voici ma mère et mes frères". Il ne reconnaît plus en Marie sa seule et unique mère. Pour Marie, ce renvoi, comme tout ce que fait son fils, a quelque chose de définitif. Jusqu’à la mort du Fils, elle ne pourra comprendre ce qui se passe ici, et cette incompréhension sera une part essentielle de sa souffrance. Et ce qui lui est ôté est aussitôt distribué à une foule inconnue. Il lui faut faire ce dur apprentissage. Il lui faut éprouver cette souffrance en se laissant passivement arracher tout ce qui est nécessaire à la rédemption. Elle doit maintenant le servir de manière éminente dans la croix. Sur la croix, il ne sera pas le seul à devoir crier : "Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?" Elle-même devra se sentir tout autant abandonné de lui : "Fils, pourquoi m’as-tu abandonnée ?" C’est à cette condition qu’ils ne seront plus qu’un dans la même nuit et que leur passion commune montrera sa pleine fécondité (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 147-153).

11 – Dans la nouvelle Alliance, depuis la croix, il y aura toujours une raison à la souffrance (Sur Is 52,4-6. Isaias 85).

12 – Il peut se faire que par une catastrophe (frappant une ville durant la guerre, par exemple) quelques-uns au moins se tournent vers Dieu (NB 9,1206).

13 – Tout chrétien doit prendre sur lui dans la pénitence une part de la souffrance et de l’humiliation du Seigneur. L’Église d’aujourd’hui est trop vite d’accord pour que le Seigneur prenne tout sur lui tout seul. Saint François-Xavier prenait la discipline à la place de ses pénitents (NB 9,1958).

14 – Ici-bas on ne sait jamais si ce qu’on demande est vraiment la volonté de Dieu (au ciel, on le saura). Quelles sont les règles d’après lesquelles le Père nous accorde ceci et nous refuse cela ? Et pour accorder quelque chose pourquoi a-t-il besoin de tant et et tant de prières, de tant et tant de souffrances et de sacrifices ? (NB 8,195).

15 – La Mère a certainement vu plusieurs fois son Fils pendant le temps de son apostolat. Mais rarement. Son devoir était avant tout de prier pour le oui de ses disciples, pour leur compréhension, pour leur ouverture spirituelle. Qui devait assumer la solitude contemplative dans la foi et la prière pendant que le Fils prêchait, sinon la Mère. Pendant les trois années de sa vie publique, le Fils entraîne sa mère dans son existence non lui laissant le soin de se dévouer pour lui avec beaucoup d’amour et de sollicitude comme pourrait le faire une femme toute simple. L’exigence de l’Esprit pour elle n’était pas qu’elle préparât dans les différents lieux où il se rendait des habits de rechange et d’autres choses de ce genre. Il n’était pas exigé d’elle ces petites choses, mais la persévérance dans une grande contemplation (NB 5,186-187).

 

10e dimanche C (1 R 17,17-24; Ga 1,11-19; Lc 7,11-17)

1Le Seigneur fut saisi de pitié pour la femme. Le miracle n'est pas demandé à Jésus. Il n'agit que par compassion. Pour accomplir le miracle, il n'a pas besoin d'une prière spéciale de supplication ; il arrête simplement le cortège funèbre et ordonne au mort de se lever. Jésus se montre ici le maître de la vie et de la mort. La résurrection d'un mort n'est pas plus difficile pour lui que la guérison d'un malade. Dans l'épisode de Mc 2,1-12, Jésus remet d'abord les péchés du paralytique puis le guérit. "Quel est le plus facile, de dire au paralytique : tes péchés sont remis, ou de lui dire : Lève-toi, prends ton grabat et marche ?" En mourant sur la croix, Jésus a reçu le pouvoir de pardonner les péchés, il a aussi le pouvoir "plus facile" de guérir physiquement les malades et de ressusciter corporellement les morts (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 97-98).

2 Un jour Dieu a trouvé bon de me révéler son Fils. La souveraineté du Seigneur glorifié apparaissant à Paul est encore bien plus élevée que son geste terrestre sur la civière du jeune homme de l'évangile. Ici, c'est toute une existence qui est transformée en son contraire spirituel. Paul persécutait la nouveauté de la prédication de Jésus au nom de la "tradition des pères". Il est maintenant arraché à cette tradition de son peuple pour annoncer un évangile qu'il n'a pas appris par la tradition, mais qu'il a reçu par révélation de Jésus-Christ. Paul est exproprié pour le service de quelque chose d'étranger ; pour cela Dieu l'a "mis à part dès le sein de sa mère". La violente aliénation qui se produit devant Damas est en réalité ce qui ramène Paul à sa vocation primitive (Cf. Ibid. 98).

3La femme dit à Elie : Qu'est-ce que tu fais ici, homme de Dieu ? Tu es venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ? Elle reconnaît sa faute, mais elle en fait une accusation contre le prophète. Nous ignorons ce qu'elle a fait ; nous savons seulement qu'elle se sent coupable. Elle voit que la mort de son fils est en rapport avec l'arrivée du prophète et son séjour sous son toit. La pureté d'Elie et son propre péché sont incompatibles, et son fils en est la victime. Maintenant que la veuve a confessé son péché, Elie peut demander à Dieu d'opérer le miracle. Elie s'étend par trois fois sur l'enfant, une fois ne suffit pas. C'est comme s'il invoquait Dieu Trinité. Le retour de la vie est un mystère entre la pureté du Seigneur et celle d'Elie. Le mystère de la résurrection ne tolère pas de témoins. Tout se déroule entre le Seigneur et son prophète. Ensuite, dès que le Seigneur a agi et que l'enfant a repris vie, l'enfant est rendu à sa mère. Dans le réveil opéré par Élie s'annonce déjà quelque chose de la résurrection du Seigneur, mais cela reste encore voilé (Cf. Élie, 34-41).

4 – Dieu ne se révèle pas aux hommes selon leur mesure à eux. Là où l’homme désire croire et voir davantage, Dieu souvent ne l’accorde pas. Ce qui vaut pour les prophètes et les justes de l’ancienne Alliance peut aussi valoir pour les mustiques de la nouvelle. Dieu reste le maître dans la distribution de sa plénitude. Il donne selon qu’il lui plaît. Pas plus que les prophètes ne pouvaient arracher quelque chose de plus à voir, les mystiques ne peuvent vouloir voir davantage que ce que Dieu leur accorde parce que, par la venue de son Fils, il leur a déjà fondamentalement tout donné. Et si l’un reçoit à voir plus qu’un autre, cela demeure un secret de la grâce, et cependant les deux font l’expérience de la plénitude de l’Évangile. Ce qui veut dire que les mystères qui sont montrés aux voyants de la nouvelle Alliance sont finalement identiques aux mystères de la foi qui son accordés à tous les entendants et à tous les voyants qui sont au Seigneur. Les expériences des voyants profitent également à ceux qui écoutent et voient dans la foi (Gleichnisse des Herrn 23).

5 – La vision de Damas est décisive pour que Paul accède à la foi. Mais c’est un cas infiniment rare qu’une vision donne accès à la foi. Le plus souvent la vision n’a pas pour but d’engendrer la foi du visionnaire ou de l’augmenter, elle vise à enrichir le trésor de la foi de l’Église (NB 6,190).

6 – Marie a une relation toute particulière avec les mères qui ont perdu un enfant. C’est elle qui donne les enfants au Seigneur et réconcilie les mères. Ces sacrifices des mères sont toujours, ou pleuvent être, une bénédiction pour la mère elle-même, pour les familles, pour les enfants à venir qui sont offerts plus sincèrement à Dieu par les mères ; souvent aussi le sacrifice d’une mère se trouve à l’arrière-plan de la vocation des enfants au sacerdoce, à la vie religieuse ou à tout autre engagement particulier à la suite du Christ (NB 8,697).

7 – Nous devons voir dans notre mort l’ultime récapitulation de notre abandon à Dieu. Il appartient aux mystères de Dieu que notre mort prenne le visage qu’il lui donne. Renoncer à une mort personnelle que nous aurions prévue et dont nous aurions disposé n’est que le pendant du renoncement à une vie que nous aurions nous-même organisée (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique 333).

8 – La peur de la mort est due au péché. Dans la mesure où nous sommes sauvés, nous n’avons pas peur de la mort. Mais nous sommes pécheurs et sauvés. Les saints n’ont pas peur (NB 6,248).

 

11e dimanche A (Ex 19,2-6; Rm 5,6-11; Mt 9,36-10,8)

1 - Et il leur donna pouvoir de chasser les démons. Dans sa lutte avec les possédés, le Seigneur a opposé son esprit à l'esprit impur et s'est montré le plus fort. Force nous est de remarquer que le Seigneur qui envoie ses disciples pour prêcher, leur accorde comme don premier et le plus important le pouvoir de chasser les démons. Au fond, il ne sépare guère la prédication de ce pouvoir. Il envoie les disciples non seulement pour œuvrer avec leur parole, mais pour lutter aussi avec une fore qui les habite. Cette force ne peut être que la sienne (Sur Mc 3,15.  Cf. Saint Marc 132).

2 - Les noms des douze apôtres. Il y en a quelques-uns dont nous connaissons le chemin. Il nous est raconté comment le Seigneur rencontre Pierre et André en train de pêcher, et les deux frères Jacques et Jean en train de réparer leurs filets. Nous connaissons l’appel de Lévi. Nous ne connaissons pas le chemin des autres, ils ont sûrement été différents. En général, on ne nous rapporte que de brèves rencontres : le Seigneur s'adresse à ceux qu'il a choisis, et ils suivent. Aujourd'hui encore des chemins très divers conduisent au Seigneur. Il y a des hommes qui, de prime abord, sans problème, connaissent et suivent leur chemin. D'autres doivent parcourir une longue route avant de devenir de véritables chrétiens, c'est-à-dire avant que l'unité entre leur foi et leur vie soit établie (Sur Mc 3,16-19. Cf. Ibid. 136).

3 - Judas Iscariote. Ce qui se passe de plus grave dans l’Église, provient toujours de ses propres rangs. Quand il s'est mis à écrire, l'évangéliste savait que le traître avait été Judas, c'est pourquoi il le mentionne en dernier. Cette place qu'il lui attribue fait ressortir son forfait mais aussi sa réelle appartenance au groupe des douze élus. La trahison venue des propres rangs, entre amis, à l'intérieur d'un parti, fait partie des choses les plus douloureuses. Si c'était un étranger qui avait livré le Seigneur, cela porterait davantage le caractère du hasard. Mais rien ne relève du hasard en ce qui concerne le destin du Seigneur. C'est de toute manière significatif, caractéristique, incontournable, que la trahison soit issue du cercle le plus intime (Sur Mc 3,19. Cf. Ibid. 135).

4 – Tous ceux qui sont envoyés en mission, qu’on le leur ait demandé ou non, sont des instruments de Dieu. Ils ont dit oui à Dieu, à la foi, à l’Église, à la mission à remplir, et c’est à partir de là qu’ils doivent suivre une certaine route. Une route au cours de laquelle ils doivent établir des plans et prendre des dispositions. Mais Dieu peut interrompre tous leurs plans et disposition et, sans avertissement préalable, les orienter dans une tout autre direction. Les temps que Dieu se réserve pour ses plans à lui peuvent, d’un point de vue humain, être considérés comme du temps perdu. Ils sont pleins d’incompréhensible et d’imprévisible. Les fils du tapis qu’on venait de tisser sont défaits et utilisés pour une nouvelle composition. De telles interruptions obligent ceux qui sont envoyés en mission à s’en remettre d’une façon plus vivante à Dieu. Tout ce qui était devenue habituel disparaît de nouveau et on se retrouve en face du oui du début. On redevient un enfant devant Dieu. On apprend à se laisser faire (Disponibilité 97).

5 - La seule chose qu’on puisse toujours mieux établir avec la grâce de Dieu, c’est son propre péché et son indignité (NB 8,64).

6 - Dieu nous aime plus que nous ne pouvons l’imaginer., et nous devrions l’aimer davantage que nous ne le faisons. Il a souffert infiniment plus que nous ne pouvons l’imaginer. La souffrance sur la croix est l’expression de l’amour qu’il y a en Dieu. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour pouvoir se révéler, l’amour souffre (NB 6,329).

7 – Il y a en Dieu un besoin d’être aimé de l’homme (NB 5,44).

 

11e dimanche B (Ez 17,22-24; 2 Co 5,6-10; Mc 4,26-34)

1 - Le royaume de Dieu est une réalité pleine de mystère. L’Église tout entière, le royaume de Dieu tout entier a le devoir de semer. Chrétienté et stérilité sont incompatibles, ce qui signifie à nouveau que personne ne peut être chrétien pour soi tout seul... Si la semence vient réellement de Dieu, et a été réellement semée en terre, alors que le semeur dorme ou non, la semence germe, elle a en elle-même la force de germer. La grâce de Dieu pourvoit la parole semée d'une force absolue de croissance. Si une parole pleine de grâce, une parole qui possède quelque chose de la force de Dieu tombe en nous, elle germera. Nous n'avons pas besoin de regarder à tout moment avec angoisse si le semeur s'occupe de nous ou pas. La semence germe si elle est et demeure semence divine (Sur Mc 4,26-7. Cf. Saint Marc 198).

2 - Nous nous sommes mis à la disposition du Seigneur comme une terre. La semence est déposée par le Seigneur lui-même. La terre ne fait que se mettre à la disposition du Seigneur. Notre volonté de laisser mûrir le fruit du Seigneur doit être aussi constante que possible... C'est le Seigneur qui décide si le fruit est mûr, et on le lui remet quand il le demande... Le Seigneur a laissé le fruit croître là où il l'a apporté et semé. Et quand celui-ci lui paraît mûr, il l'enlève... Le fruit, il l'utilise selon son bon plaisir, ailleurs, près ou loin. - Cela veut dire que si nous avons grandi sur un terrain précis, servi en un lieu déterminé, cela ne nous donne pas le droit de considérer ce lieu comme notre résidence définitive. Le Seigneur nous utilise comme il le veut. On ne demande jamais au fruit à quoi il veut servir. Ce qui a mûri sur mission de Dieu reste sa propriété. Il nous a en quelque sorte prêtés à son terrain choisi par lui jusqu'à ce que nous soyons mûrs et qu'il puisse y mettre la faucille. Une telle opération est toujours quelque chose de douloureux, du moins c'est ainsi que nous le ressentons. Mais c'est le Seigneur lui-même qui inflige cette douleur. Il fixe le jour de la moisson... Il choisira certes le jour selon son bon plaisir, mais pas de façon arbitraire. Quant au fruit, on ne lui demande rien (Sur Mc 4,29. Cf. Ibid. 202-203).

3 - La plus petite de toutes les semences. De nous-mêmes, nous ne sommes pas en état de recevoir quelque chose de très grand, nous sommes petits, et chez nous, tout commence toujours par ce qui est petit... Nous pouvons constater comment pousse un grain de sénevé. Il pousse dès qu'il en reçoit la force... De même toute parole du Seigneur possède la force de la croissance si nous l'accueillons de façon suffisamment abandonnée et passive.. Passive ne veut pas dire indifférence, mais attentive à rien d'autre...- De tous les points de vue, on devrait reconnaître que le Royaume de Dieu est plus grand que toutes les grandeurs  de ce monde... Si nous sommes vraiment chrétiens, nous pouvons faire de la Parole de Dieu notre nourriture, mais nous pouvons aussi habiter en elle, être si bien entourée de la Parole qu'elle devienne notre abri et notre demeure, qu'en elle seule nous nous sentions libres et bien (Sur Mc 4,31-32. Ibid. 206-207).

4Deux paraboles sur la croissance du Règne de Dieu. L'intention des deux paraboles est différente. La première met l'accent sur la croissance même de la semence. Le cultivateur n'a pas donné à la semence la force de croître et il ne peut pas non plus influencer la croissance à ses différents stades. C'est d'elle-même que la terre produit son fruit. Cela ne veut pas dire que l'homme n'ait rien à faire : il doit préparer le champ et jeter la semence. Pourtant ce n'est pas lui qui fournit le travail principal, c'est Dieu, que l'homme dorme ou se lève, jour après jour. Le Règne de Dieu a ses lois propres qui ne lui sont pas imposées par l'homme. C'est ce que montre la deuxième parabole : la semence, qui paraissait au début si ridiculement petite à l'homme, va produire finalement quelque chose de plus grand que ce que l'homme aurait pu produire lui-même. La moisson sera celle de Dieu, mais en faveur de l'homme qui a préparé le sol et jeté la semence (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 98).

5 - Ici-bas, aucune certitude du salut ; l’exigence de croître est constamment vivante il est toujours possible de s’approcher du Seigneur. L’Église ne connaît qu’une exigence pour les croyants : qu’ils cherchent la proximité du Seigneur et la supportent. S’approcher pour toujours mieux percevoir sa parole, goûter sa présence vivante et sa manifestation dans l’Église (Sur 1 P 2,2-4. Die katholischen Briefe I,290-291).

6 – Chaque parole de Dieu participe à son infinité, et il peut la rendre si accessible que nos propres paroles peuvent l’exprimer (HUvB, AvS et sa mission théologique 102).

7 – Naissance et mort des ordres religieux. Peut-être ont-ils rempli leur mission qui n’était que pour un temps. Peut-être que Dieu leur redonnera vie, peut-être que leur esprit revivra plus tard dans un autre ordre sous une autre forme (NB 6,557).

8 – Dieu n’a rien dit en vain. Dans l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament, pas de centre, pas de périphérie, chaque parole en elle est au centre. Même ce qui semble moins important demeure en accord le plus étroit avec ce qui est important si bien qu’on peut atteindre le centre de tout côté (Sur Jc 4,5. Die katholischen Briefe I,189-190).

9 – La parole de l’Évangile et de l’Écriture est un cadeau que Dieu a fait aux hommes. Cette parole est assez puissante pour s’interpréter elle-même. Il faut la méditer et prêcher à l’intérieur de cette parole même. Il serait présomptueux, sous prétexte des exigences modernes, d’introduire tout le jargon de l’époque pour l’"adapter", comme si elle avait besoin, pour l’humanité actuelle, d’un nouveau costume, d’une amélioration. La vie du chrétien, telle que la décrit et la demande l’Écriture, est sa vie devant Dieu et dans son aspiration vers lui. Le chrétien doit apprendre à considérer cette vie qui est la sienne dans la lumière de Dieu, c’est-à-dire dans la lumière de la parole que Dieu lui a donnée (HUvB, AvS et sa mission théologique 349).

 

11e dimanche C (2 S 12,7-10.13 ; Ga 2,16.19-21 ; Lc 7,36-8,3)

1 - Marie, appelée Madeleine, qui avait été libérée de sept démons. Nous ne savons pas à quel moment Marie-Madeleine a été prise en charge de cette manière par le Seigneur. Son histoire antérieure se trouve dans l'obscurité, mais cette obscurité même est déjà traversée de lumière pour le Seigneur : celle-ci est connue de lui, formée par lui de la manière dont il en sa besoin. De son histoire, il sait avec certitude ce qui lui est nécessaire de savoir. Si cela nous reste caché, c'est parce que le Seigneur le veut ainsi et pour que nous sachions que, dans le Seigneur, tous les chemins cachés et inconnus conduisent à la foi (Sur Lc 8, 2-3. Cf. Trois femmes et le Seigneur 13-14).

2Il y avait aussi Jeanne, la femme de Chouza, un intendant d'Hérode, Suzanne et beaucoup d'autres encore qui les assistaient de leurs biens. Pour les femmes qui sont mentionnées en même temps que Marie, leur passé reste voilé. Madeleine est la seule qui soit mise à nu ; elle ne l'a certainement pas désiré elle-même, la grâce l'a distinguée de cette façon. La tache de son passé et la grâce de sa délivrance restent indissolublement liées à son nom. Elle était possédée par des démons, elle se tient maintenant dans la plus grande proximité du Seigneur. La grâce veut ici se manifester de telle sorte que le point de départ ne soit pas oublié (Sur Lc 8,2-3. Cf. Ibid. 20-21).

3 – Madeleine est proposée à notre méditation comme une sainte dont il nous est permis d'apprendre certains traits avec précision, tandis que Dieu tient d'autres si voilés que nous ne pouvons aucunement les connaître. Dieu nous éduque par Madeleine à ne pas vouloir demander ni savoir plus que ce qu'il nous montre. Il est extrêmement important que Dieu ne découvre pas simplement tout mais, à son gré, ouvre et ferme, montre et voile de nouveau. Quelque chose de la vie des saints est tourné vers les hommes ; le reste, la plus grande part, ne s'ouvre que sur Dieu, dans la solitude et le secret (Sur Lc 8,2-3. Cf. Ibid. 24-25).

4Elle a beaucoup aimé. A la pécheresse qui dérange le festin du pharisien, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mystérieuse déclaration ! Bien sûr, qu'elle ait beaucoup aimé, cela ne signifie pas les péchés qu'elle a commis par amour charnel. Elle était une amante coupable. Mais d'une certaine manière elle aimait : elle n'était pas "installée dans sa justice". Celui qui se croit juste n'a qu'un petit amour, et l'amour de Dieu qui pardonne ne peut que difficilement s'y accrocher. - David doit expier son péché. Dans la nouvelle Alliance, le Seigneur Jésus qui pardonne les péchés prend sur lui le châtiment de la faute. - Paul est un pharisien et un pécheur qui a été pardonné. Jésus l'a convaincu de son péché : "Pourquoi me persécutes-tu ?" Le zèle de Paul contre les chrétiens et contre Dieu a été transformé par la grâce en un zèle authentique, qui plaît à Dieu. Paul a été converti non par ses propres lumières mais par la grâce de celui qui s'est révélé à lui comme le Crucifié (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 99-100).

5 - La mission de David prépare la venue du Seigneur. C’est une mission intermédiaire. David n’est ni le premier Adam ni le second. Il est placé entre le monde du péché et celui de la foi. Il est pris entre l’immensité de Dieu et sa misère d’homme ; David en état de grâce et David pécheur. Aussi loin que la fuite entraîne David (loin de Dieu), Dieu le poursuit de sa grâce ; quand bien même le serviteur oublie Dieu un instant, Dieu le rattrape. Dieu ne cesse pas de faire la lumière quand l’homme s’obscurcit. Dieu montre qu’il peut une fois tout accepter, tout supporter, parce qu’en fin de compte il sortira vainqueur. David est devant Dieu comme un enfant devant sa mère, il sait que sa mère lui pardonnera toujours, qu’elle sera toujours sa mère et que le temps n’entamera pas sa parole d’amour (Cf. La mission des prophètes 46-48).

6 - Le Christ et le péché sur la croix. Le Seigneur pourrait retourner le mot de saint Paul et dire : "Ce n’est plus moi qui vis, ce sont les pécheurs qui vivent en moi" (Sur Mt 27,39-40. Passion nach Matthäus 165).

7 – L’apôtre Jean ne peut jamais avoir l’intention de saisir le Seigneur à fond ; il lui suffit de savoir que le Seigneur le saisit. Dans sa foi, il ne va donc pas toujours poser des questions et creuser, il va au contraire intégrer sa foi dans sa mission. Il ira dans la recherche de la foi aussi loin que le Seigneur l’exige pour l’exécution de sa mission (Sur 3 Jn 4. Die Johannesbriefe 302).

8 – La raison peut-elle connaître Dieu sans la foi ? La raison peut aller jusqu’à la question de l’origine de tout . Là, elle essaie par elle-même différentes solutions en différentes directions. Si elle rencontre alors la révélation biblique de Dieu, elle peut comprendre qu’ici seulement se trouve la juste réponse à sa question (NB 6,32-35).

 

12e dimanche A (Jr 20,10-13; Rm 5,12-15; Mt 10,26-33)

1 – A trois reprises on trouve dans l'évangile le "ne craignez pas". On ne doit pas craindre tout ce qui arrive dans l'esprit de la mission de Jésus. D'abord de proclamer "sur les toits" ce qui leur a été enseigné par le Seigneur "dans le creux de l'oreille". Car c'est destiné à être connu par le monde entier, et rien ne s'opposera à cette transmission. Naturellement le prédicateur se met par là en danger ; il est une brebis au milieu des loups, il doit s'attendre au martyre à cause de sa prédication. C'est alors aussi qu'il peut ne pas craindre : ses ennemis ne peuvent pas s'en prendre à son âme. Enfin , le chrétien apôtre ne craindra pas parce qu'il est à l'abri dans la main du Père beaucoup plus qu'il ne le pense : lui qui prend soin des plus petits animaux, du cheveu le plus insignifiant, combien plus encore prend-il soin de ses enfants. L'homme est en sûreté aussi longtemps et aussi largement qu'il remplit sa mission chrétienne, même si extérieurement il peut avoir l'air d'être un risque tout (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 99-100).

2 – La mort est le châtiment du péché. Qu’elle soit entrée dans le monde par le péché, le cas d’Abel le montre clairement. La réponse de Caïn à Dieu qui lui demande où se trouve son frère n’est pas seulement la parole cynique du meurtrier ; elle est aussi à la base de l’opinion générale selon laquelle la mort dégage de l’obligation de garder son frère. Si cette obligation existait de son vivant, on en est dégagé en tout cas à partir de ce moment-là. Cette opinion est en opposition totale non seulement avec la promesse de la vie éternelle par le Fils, mais aussi avec le commandement néotestamentaire de l’amour du prochain. Il y a dans l’Ancien Testament une terrible solitude dans la mort, un abandon qui n’est encore atténué par aucune promesse. La mort est un terme. Un terme dont l’horreur intrinsèque est mise en lumière par l’acte de Caïn : celui qui est plongé dans la mort sans promesse est également abandonné par son frère et prochain (Le mystère de la mort 38).

3 - Adrienne voit comment tout ce qui aujourd’hui est horrible et atroce est enveloppé et porté par l’amour. Certes à l’arrière-plan, c’est le péché qui est responsable de toutes les misères. Mais pour le moment, il ne s’agissait pas de cela; il s'agissait du fait que, sans ces souffrances, les hommes n’arriveraient pas à l’amour de Dieu. Elle vit comment les séparations des familles, les décès, les privations, les blessures ouvrent les hommes et leur apprennent à quitter leur égoïsme étroit et à penser un jour à Dieu et à leur prochain (Cf. NB 8, 523).

4 – Le Fils et Marie. Le Fils choisit sa mère. Il prouve par là au Père qu’une femme aussi pouvait correspondre totalement à lui. Nouvel Adam et nouvelle Eve. A deux, ils sont le germe de la nouvelle communauté à partir de laquelle la grâce se répand sur la multitude des hommes. Pour cela était nécessaire le chemin de la croix sur lequel le Fils emmène sa mère et sur lequel il porte en vérité les péchés de tous les hommes comme s’ils étaient les siens. Au début de sa vie, le Fils est un anonyme dans la masse. Trente ans inconnu. De même qu’il choisit "n’importe quelle femme" pour être sa mère, pour faire cependant de celle qui n’a pas d’apparence l’Immaculée Conception et lui faire partager le mystère qui est le sien de porter sur lui tous les hommes. Le Fils inclut tous les hommes en lui ; au cours de sa vie et particulièrement en sa passion, il fait l’expérience de la vie de chacun, il les porte tous, et il apprend à les connaître tous de l’intérieur. Il les inclut tous dans sa vie et il devient par là le Fils de l’homme. Il connaît toutes les possibilités de l’humanité, et pas seulement théoriquement mais en toute vivante vérité (Sur Jc 2,9. Die katholischen Briefe I,104).

5 – Il y a des vérités que tout croyant doit posséder totalement et d’autres qui ne sont pas destinées à tous. Il y a une distance essentielle entre la vérité que Jean possède et la vérité que possèdent les frères. Et cependant ils sont unis dans la même foi et dans le même amour pour le Seigneur.Mais l’apôtre a besoin d’une intelligence précise de la vérité dont les autres n’ont pas besoin et ne doivent pas avoir. Ils n’ont pas besoin de pouvoir établir eux-mêmes leur situation. Ils n’ont pas besoin de savoir exactement pourquoi le monde les hait, et ils ne doivent pas perdre de temps en supputations inutiles à ce sujet. C’est pourquoi l’apôtre attend d’eux cette obéissance : ne pas s’étonner. S’étonner serait pour eux rechercher une connaissance superflue tandis qu’en ne s’étonnant pas ils manifestent leur obéissance vis-à-vis de Jean (Sur 1 Jn 3,13. Die Johannesbriefe 121).

 

12e dimanche B    (Jb 38,1.8-11; 2 Co 5,14-17; Mc 4,35-41)

1 - On ne peut pas s'embarquer avec le Seigneur sur le lac pour une traversée sans s'exposer nécessairement à la tempête. Si nous comprenons cela, la tempête ne nous inquiète pas par avance (Sur Mc 4,37-8. Cf. Saint Marc 212).

2 - Pourquoi avoir peur? Nous avons peur quand la vue d'ensemble nous échappe. Mais si nous savons que la vue d'ensemble sur notre vie, notre foi, nos actes se trouve dans le Seigneur, alors nous ne connaissons pas la peur. Nous savons que nous n'avons pas besoin de nous informer auprès de qui que ce soit sur les minutes, journées, semaines ou années à venir, puisque c'est lui qui embrasse tout du regard. Il nous donne la foi, nous n'avons pas à avoir peur... Jamais peur et foi ne vont de pair (Sur Mc 4,40. Ibid. 217-218).

3 - Après la tempête apaisée. Comment n'avez-vous pas encore la foi? Le Seigneur est plus grand que nous le pensons, et il peut à tout moment fournir de nouvelles preuves de sa puissance toujours plus grande. Personne ne peut dire qu'il connaît désormais exactement la grandeur de la puissance du Seigneur; il montrerait par là qu'il connaît aussi exactement la grandeur de sa propre impuissance. Il ne suffit pas non plus de dire que je sais que le Seigneur possède la toute-puissance. Car qu'est-ce que cela veut dire être tout-puissant? Mais si nous savons que la toute-puissance de Dieu agissant à son service est bien plus grande que tout ce que nous pouvons nous représenter comme toute-puissance, nous savons que le Seigneur est toujours plus grand et que notre foi doit aussi s'adapter à ce toujours plus grand.- Personne ne peut dire : je crois aujourd'hui ceci et cela, demain ce sera un peu plus, dans un an bien davantage, et dans cinq ans plus encore; car de la sorte il prétendrait avoir une vue d’ensemble de sa foi, or personne ne peut en avoir une. On doit laisser au Seigneur la vue d'ensemble. Mais la foi, la foi chrétienne est reçue par le Seigneur de telle façon qu'il la fait croître avec une intelligence des choses qu'il accorde et qui provient de sa vue d'ensemble. Intelligence des choses de Dieu et foi en lui croissent l'une par l'autre parce que le Seigneur ne cesse de se donner toujours davantage au croyant (Sur Mc 4,40. Cf. Ibid. 217-218).

4La tempête apaisée. Il a été donné au Fils de l'homme de dompter les forces naturelles ; il en est si bien le maître qu'il dort sur le bateau au plus fort de la bourrasque ; il repose sous la garde du Père qui veille sur sa vie et sa mission, et ne permet pas qu'une force naturelle les domine. Et quand, sur les instances de ses disciples à bout de courage, il ordonne à la tempête : "Silence ! Tais-toi !", ce n'est pas pour montrer sa puissance ni parce qu'il avait peur lui-même, mais à cause de la crainte des gens de peu de foi : "Pourquoi avez-vous peur ainsi ? Comment n'avez-vous pas la foi ?" En fait Jésus est venu pour apaiser une tempête bien autrement furieuse : le chaos de notre péché, et ceci par sa mort sur la croix ; ce qui nous fait maintenant réellement nous poser la question : "Qui est-il donc celui-là ?" La tempête a été apaisée à cause de leur foi défaillante, afin qu'ils commencent à placer leur confiance en Jésus. La mort sur la croix qui apaise une tempête bien plus grave exige de chaque croyant, même timoré, qu'il ne vive plus du tout pour lui-même (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 100-101).

5Job 38. Dieu lui-même prend la parole. Il montre sa puissance. L'homme peut exercer son intelligence sur les choses créées par Dieu, mais il ne peut, par cet exercice, être conduit loin de Dieu. Quand les hommes cherchent à comprendre progressivement les lois de la création, ils finissent toujours par butter sur Celui qui a fait ces lois, qui crée, maintient et guide tout à la fois. L'homme n'en aura jamais fini avec les choses qui viennent de Dieu. Tout le discours de Dieu est une vaste vision déployant les multiples chemins qu'il nous ouvre pour que nous parvenions à comprendre (Cf. Job 171-172).

6 - La foi a comme une faim du sens du Seigneur, elle cherche partout à y pénétrer, car elle se sent chez elle auprès du Christ (Gleichnisse des Herrn 16).

7 – Dans la foi des hommes se cache encore toujours un morceau d’incroyance (Sur Is 41,11-12. Isaias 48).

8 – Le sommeil fait partie de la vie telle que Dieu en a disposé (Gleichnisse des Herrn 27).

 

12e dimanche C (Za 12,10-11 ; Ga 3,26-29 ; Lc 9,18-24)

1Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup. La scène de l'évangile forme chez les synoptiques un sommet, et comme la ligne de partage des eaux dans la vie de Jésus. Jusqu'à présent, conformément à l'ordre du Père, il a exercé une activité messianique ; dans ses disciples surtout, il a éveillé un pressentiment sur la nature de sa personne. Jésus pose maintenant la question de son identité, profitant de cette occasion pour dévoiler le centre de sa mission. Les idées des gens à son sujet sont si vagues qu'il ne peut s'y rattacher. La déclaration de Pierre : "Tu es le Messie de Dieu", touche la vérité, bien que la manière dont Pierre se représente le Messie soit encore tout à fait vétérotestamentaire et déterminée par les idées de son temps : le Messie est le libérateur d'Israël. D'où le clair exposé de la véritable mission du Messie : être rejeté, mourir, ressusciter. La conséquence immédiate pour tous ceux qui veulent être disciples est de prendre la croix chaque jour et ainsi de suivre le Messie. La foi inclut de suivre Jésus par un renoncement sans condition : Qui perdra sa vie pour moi... (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année C, 101).

2Jésus priait à l’écart. Devant le Père, le Fils se tient comme un petit enfant devant son père, qu’il voit devant lui et dont il saisit les possibilités illimitées. Comme un enfant qui commence à marcher d’une chaise à une autre et qui voit son père aller sans peine d’une chambre à l’autre, qui disparaît et apparaît ; et comme un enfant plus grand qui, lentement, aligne des lettres et voit le père remplir des pages entières ; comment lui, pourrait-il parvenir à un but de peu d’importance quand il s’imagine que son père peut réaliser tout ce qu’il veut. Et surtout, comme un enfant qui soumet à son père son propre projet et attend du père qu’il l’accomplisse. Les limitations qui existent pour l’enfant ne sont plus là dès que le père fait quelque chose. Ainsi le Fils se tient-il devant le Père éternel : dans une admiration aimante sans limite, plein d’étonnement et avec la volonté de se laisser partout dépasser par le Père (Le monde de la prière 215-216).

3 – Il est impossible de servir de manière confortable un Dieu qui, pour nous, s’est rendu la vie si inconfortable (NB 9,1721).

4 – Quand un chrétien prie pour un autre chrétien, l’instant peut arriver où il le lui avoue. Le bénéficiaire expérimente un don dont il jouissait depuis longtemps sans en être vraiment conscient. Maintenant il est rempli d’action de grâce et aussi d’obligation. Il se sent obligé de deux manières : il se sent obligé d’une manière nouvelle vis-à-vis de Dieu à qui il a été recommandé particulièrement, et aussi envers celui qui a prié pour lui. S’il réfléchissait par la suite à cette obligation, il comprendrait que tous les chrétiens sont dans le même cas. Ils sont obligés vis-à-vis du Seigneur, vis-à-vis de son Église et vis-à-vis de tous les priants et de tous les croyants (NB 5,126).

 

13e dimanche A (2 R 4,8-11.14-16; Rm 6,3-4.8-11; Mt 10,37-42)

1 – Dans le Christ, Dieu donne tout à l'homme ; d'où l'exigence de mettre de côté tout ce que l'on a pour accorder à ce "Tout" l'espace nécessaire. La conscience que Jésus a d'être ce "Tout" est étonnante : "Celui-là n'est pas digne de moi". L'exigence inclut expressément le chemin de croix, le risque de perdre sa vie. Saint Paul, dans la deuxième lecture, montre que cette mort et cet ensevelissement avec Jésus contient l’espoir d'une vie de résurrection avec le Christ pour Dieu. Le Christ vit pour Dieu, dans l'abandon sans réserve à Dieu et à sa volonté de salut concernant le monde. Dans le même sens, il est exigé que nous aussi, en tant que morts au péché, nous vivions pour Dieu dans le Christ Jésus, que nous cherchions comme lui à nous tenir à la disposition de l’œuvre de salut de Dieu dans le monde (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 101-102).

2 - Adrienne est dans le "trou" (Dieu permet qu’elle ait l’impression d’être éloignée de lui à tout jamais). Elle voit toute sa vie comme une unique chaîne de trahison envers Dieu : elle s’est constamment refusée tout en l’assurant de son amour, elle a constamment dormi, c’est une tiédeur qui est bien pire qu’un péché déclaré. "Maint péché qui peut paraître petit aux yeux du confesseur est souvent aux yeux de Dieu infiniment grand" (NB 8, 535).

3 – Qui a rencontré vraiment le Dieu vivant a désappris à souhaiter quelque chose pour lui-même ; ou bien s’il le fait, ce qu’il demande a un rapport avec sa mission. Il s’oublie lui-même, il laisse faire Dieu (NB 6,574).

4 – Le chrétien sans péché : un homme qui vit totalement dans la grâce de Dieu (NB 9,1752).

5 – Vianney voudrait rendre à la confession ce caractère qu’on y laisse parler Dieu, qu’on y laisse Dieu regarder. Pour lui, la confession est avant tout un regard de Dieu sur l’âme, et toute l’ouverture de l’âme à Dieu ne sert en cela que d’instrument pour ainsi dire (NB 10,2303).

6 – Il y a un"travail de Dieu" dans l’âme qui a commencé à se tenir à sa disposition. L’âme ainsi travaillée doit coopérer activement à ce travail, "laisser faire Dieu" en elle-même, sans contrôle, en renonçant à son propre esprit, en laissant à l’Esprit toute liberté (NB 9,1273).

7 – Le péché de l’homme est avant tout un péché de l’esprit, qui se répercute dans le domaine du corps et reçoit constamment de l’esprit de nouveaux aliments (Gleichnisse des Herrn 17).

8 – Dans l’enfer, le samedi saint, derrière chaque péché, le Fils ne voit qu’une chose : le Père n’y est pas. Plus il pénètre dans le péché, plus il perçoit l’absence du Père. Il ne voit dans le péché que ce qui est définitivement rejeté par le Père, séparé du Père, ce qui n’a plus aucune relation avec le Père (NB 3,105).

9 – Dans le mariage aussi et dans l’amitié, on ne peut s’appartenir réciproquement que si on s’aime en Dieu et si on se pardonne réciproquement dans la miséricorde de Dieu (NB 3,75).

10 – On devrait avertir beaucoup plus clairement les gens qu’en tant que chrétiens ils sont appelés à porter quelque chose de la croix du Seigneur (NB 11,377).

 

13e dimanche B  (Sg 1,13-15; 2,23-24; 2 Co 8,7-9.13-15; Mc 5,21-43)

1 - Une force est sortie de moi. Toute fatigue offerte, Dieu peut l'utiliser dans la communion des saints, on ne sait comment; de même toute nuit, toute absence de Dieu dans la prière (NB 10,2208).

2 - Car elle se disait : Si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. La foi de la femme est si grande qu'elle est sûre qu'un contact suffira. Ce n'est pas qu'elle voudrait se limiter au vêtement, il n'est en aucun cas une fin en soi  ni un but, elle veut seulement par là entrer en contact, avoir accès au Seigneur tel qu'il est vraiment. Le contact est pour elle comme un porche qu'elle franchit. Ainsi sa foi est évidemment juste, elle est foi catholique. Il peut y avoir des choses matérielles auxquelles une bénédiction particulière est attachée, pourquoi pas même des reliques qui ont appartenu à un véritable saint. Et nous savons que de tels objets n'ont pas de forces magiques en eux-mêmes, mais conduisent plus loin. Ils ont appartenu à une existence pleine de grâce, et une telle existence a donné sur terre de l'espace à quelque chose de céleste, et le céleste ne se volatilise pas. Il ne renie pas la maison qu'il a habitée (Sur Mc 5,28. Saint Marc 250-251).

3 - Aussitôt Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui. Le Seigneur reconnaît ce qui s'est opéré à ce qu'une force est sortie de lui. L'action du Seigneur coûte quelque chose, et cela nous montre combien il est engagé dans ses miracles. Parce qu'il s'est fait homme, il fait l'expérience de la fatigue humaine, d'une perte de force, non pas à distance, mais dans son propre corps. Il est plus fatigué qu'avant. Il n'a pas donné quelque chose qui n'était pas à lui ou qui débordait d'une source infinie, il a donné quelque chose qui maintenant lui manque. Il a moins qu'avant parce qu'il a donné. Ici se trouve un des plus grands mystères de l'incarnation et de l'humanité du Seigneur (Sur Mc 5,30. Cf. Ibid. 252-253).

4 - Le plus important dans cette méditation est la parole du Seigneur à Jaïre, la parole... qui précède la foi avant qu'il y ait quelque chose à voir. Quand nous sommes dans l'obscurité, abattus par une nouvelle sans plus savoir comment continuer la route, nous le prions de pouvoir entendre sa parole de confiance. Elle doit nous enlever la crainte et nous offrir la foi en lui (Sur Mc 5,36-38. Cf. Ibid. 262).

5 – Les lectures d'aujourd'hui posent des questions redoutables. Le Christ guérit une malade, ressuscite un mort. C'est sa vocation. Pourquoi alors tant de gens après lui seront-ils de nouveau malades, pourquoi tous devront-ils mourir ? Dieu veut-il la mort ? Si rien ne change dans le monde, à quelle fin alors le Christ est-venu ? Dieu n'a pas fait la mort, nous dit la première lecture. La présence de la mort dans le monde est attribuée à la jalousie du diable. Comment le sage peut-il dire cela alors qu'il sait bien que tous, justes ou injustes, doivent mourir ? Comme Jésus, il distingue une double mort : une mort naturelle, donnée avec la finitude de l'existence, et une mort non naturelle provoquée par la révolte des hommes contre Dieu. Si Dieu a créé l'homme fini, l'homme a, par son péché, créé la seconde mort, la vraie. Surmonter cette œuvre de destruction de l'homme n'est pas pour Dieu une bagatelle. La deuxième lecture le dit : "Jésus-Christ, de riche qu'il était s'est fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir par sa pauvreté". Ce n'est pas par sa toute-puissance qu'il a vaincu notre mort, mais en descendant dans l'impuissance de cette mort. C'est de l'intérieur seulement que cette seconde mort pouvait être vaincue, elle ne pouvait l'être que par la force divine qui sortait de Jésus pour couler en nous à la croix et dans l'eucharistie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 102-103).

6 – Lorsque le Fils de l’homme opère des miracles, "une force sort de lui" ; l’œuvre le consume, cause en lui un certain épuisement ; il y met quelque chose qui appartient à son bien et à son sang les plus personnels et qui fait de chaque miracle un pas vers la croix. C’est ainsi que l’exige l’ordre de l’incarnation. Pour le Créateur cependant, la création du monde n’est aucunement un acte affaiblissant, épuisant. En créant le monde, Dieu accroît son règne. Il glorifie comme Père sa relation au Fils et à l’Esprit, car, en créant, il établit aussi entre eux et le monde des relations nouvelles qui font rayonner, en soi-même et aussi pour nous, sa paternité d’une nouvelle et plus profonde lumière. La création du monde est pour lui une expansion de sa qualité de Père, mais, comme il est conforme à la nature divine, nullement au détriment des autres personnes, en associant au contraire le Fils et l’Esprit, et même l’homme, à la glorification (Cf. La face du Père 21).

7 - Dans la manière dont le Fils use de sa vision du Père réside une grande part de son ascèse. Son ascèse n’est pas d’abord dans ses jeûnes et ses veilles, dans les coups qu’il reçoit sur son visage, mais dans le fait qu’il se trouve près de la source et qu’il n’y puise pas. Librement, à cause de nous, il renonce à jouir du Père (NB 6,200).

8 – Le chrétien devrait mourir sans crainte. Mourir en claquant des dents est une forme de repli sur soi, donc quelque chose qui n’est pas chrétien. Le christianisme est espérance. L’angoisse de ce qui peut nous arriver après la mort est indigne d’un chrétien. Celui qui meurt dans l’espérance est beaucoup plus sûr d’être bien reçu par Dieu. Car alors Dieu reconnaît au moins l’espérance dans le pécheur même si, à part cela, il n’y avait pas en lui beaucoup de bien. On ne doit pas considérer la peur comme un moyen de purification. On doit laisser à Dieu les moyens de nous purifier. Humilité et espérance sont très proches l’une de l’autre (NB 9,1631).

9 – Et si c’était la volonté de Dieu que vous ayez une maladie mortelle, peut-être justement celle que vous avez redoutée toute votre vie, vous devez la porter et y acquiescer, et cela ne serait pas du tout un acte héroïque, mais ce serait essayer, dans l’humilité, de montrer à Dieu que votre foi est pour vous quelque chose de sérieux et que, sur ce point au moins, vous avez compris quelque chose de son exigence (Arzt und Patient 106).

 

13e dimanche C  (1 R 19,16.19-21; Ga 5,1.13-18; Lc 9,51-62)

1 – Personne ne peut, par ses propres forces, amener quelqu’un à croire au Seigneur tel qu’il est; par ses propres forces, on ne peut l’amener qu’à une fausse image du Seigneur. Le passage est souvent imperceptible entre le désir de convertir quelqu’un au Seigneur et celui de le convertir à soi (Sur Ap 19,20. Cf. L’Apocalypse 763-764).

2Laisse les morts enterrer leurs morts. Trois hommes offrent à Jésus de le suivre. Le premier, il le renvoie à son destin et à son exemple propres : il n'a plus de maison. Même la maison dans laquelle il a grandi, la maison de sa mère, ne compte plus. Il ne regarde pas en arrière. Il est plus pauvre en cela que les animaux, il vit dans une insécurité totale. Il ne possède rien d'autre que sa tâche. Et où le mène sa tâche ? A la croix ? Au ciel ? Luc laisse la question ouverte. - On ne reçoit pas Jésus dans le village samaritain où il voulait s'arrêter. Il est donc inutile de faire descendre le feu du ciel. Que "les siens ne le reçoivent pas" (Jn 1,11), c'est normal. - Le deuxième homme veut enterrer son père. Alors le Seigneur de la vie répond : "Laisse les mort enterrer leurs morts". Les morts sont les mortels qui s'enterrent les uns les autres. Jésus est élevé au-dessus de la vie et de la mort ; il meurt et ressuscite "pour être le Seigneur des morts et des vivants" (Rm14,9). - Le troisième homme veut prendre congé de sa famille. Ici Jésus va plus loin qu’Élie. Pour celui qui est l'objet d'un appel radical, il n'y a pas de compromis entre la famille et le décision pour le Royaume. La décision exigée est indivisible et immédiate (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales C, 103-104).

3 – La rencontre d'Elie avec Élisée est une conséquence de la rencontre d'Elie avec Dieu. Elle est une part de cet événement mystérieux qui s'est passé entre Dieu et lui. Sa rencontre avec Élisée fait partie de cet entretien. Elie jette son manteau sur Élisée, et ce geste est un signe, une invitation à participer, à entrer dans le mystère dans lequel lui-même vit. Elie comprend qu'il a trouvé un successeur. Il permet à Élisée de prendre congé de son père et de sa mère, ce que le Seigneur ne permettra plus aux siens (Cf. Élie 87-89).

4 - Exemple : Un enfant possède un trésor, par exemple une image que sa maîtresse lui a donnée et qu’il a cachée en lieu sûr. Puis il se laisse si bien convaincre par son frère qu’il en vient à perdre toute méfiance et lui montre le trésor. Ce dévoilement du trésor est une extrême concession. Mais le frère lui arrache l’image des mains et l’emporte avec des cris de triomphe. Le point de comparaison ne réside pas dans le sentiment d’avoir été abusé éprouvé par l’enfant. Mais en ce ce que notre offre la plus extrême n’est jamais qu’un tout petit morceau de ce que l’Esprit Saint projette pour nous et qu’il lui reste toujours à faire l’essentiel. Et le fait d’emporter quelque chose est une plus grande grâce que le simple fait qu’on lui permette de voir, concession extrême. Chaque fois que l’homme soupire : "Je ne comprends pas", l’Esprit pourrait lui répliquer : "Enfin tu l’as compris !" (NB 6, 446-448).

5 – Rôle de l’Esprit Saint auprès du Fils devenu homme. L’Esprit rend pour ainsi dire supportable au Fils en tant qu’homme sa divinité et au Fils en tant que Dieu son humanité ; il lui assure : oui, tu es Dieu ; oui, tu es homme (NB 6,181).

6 – La grande et fatale erreur de l’Église aujourd’hui est de croire qu’on peut enfermer et emprisonner l’Esprit. Tous les chrétiens sont un jour ou l’autre fécondés par l’Esprit Saint, mais il ne leur est pas permis de se refermer sur ce fruit. L’Esprit a des modes de fructification que nous ne connaissons pas. Ce qui est sûr, c’est que ses fruits mûrissent pour le vie éternelle, c’est pourquoi finalement ils ne sont pas connaissables sur terre (NB 6,162).

7 – S’il n’y avait pas eu de péché, l’Esprit aurait été le don permanent du Père aux hommes. Le Père aurait gardé auprès de lui dans son Esprit sa création et tous les hommes qui en font partie. L’Esprit aurait été pour les hommes ce qui était saisissable en Dieu. Ils seraient restés, comme Adam et Eve au paradis, avec une perception continuelle de Dieu, que communique l’Esprit. C’est ce qui aujourd’hui distingue les saints ; qu’ils soient des récepteurs de l’Esprit aurait été le signe distinctif des hommes en général (NB 6,393).

8 – Il n’y a que deux possibilités ; ou bien je fais ce que je veux (en accord avec l’Esprit ou contre lui), ou bien je fais ce que veut l’Esprit (en accord avec ce que je veux ou contre mon gré). Il n’y a pas de milieu, ni de compromis possible. Il peut arriver que je veuille le bien (parce que je ne suis pas si mauvais que je ne veuille que le mal). Naturellement, je le veux avec la grâce. Mais il peut se produire un jeu de l’Esprit qui me laisse d’abord faire le bien que je veux, quelque chose qui correspond à moi, à mes dons, à ma personnalité, à mon orientation. Certes dans un cadre de vie chrétien. Mais cette volonté qui est la mienne peut être soumise par l’Esprit à un examen (NB 6,445).

9 – Quand je sens la grâce dans la prière, quand je me sais saisi par la surnature ou quand je reçois de Dieu une mission et m’y trouve confirmé parfois d’une manière qui demeure naturellement inexplicable, ou bien quand une manière de faire m’est suggérée qui s’avère juste, quand une vérité m’est donnée à laquelle je n’avais jamais pensé jusque-là, j’expérimente alors du terrestre, mais qui est conditionné par le céleste. Peut-être qu’un succès confirme la justesse de mon obéissance, mais ce n’est pas nécessaire, je puis aussi sans cela être sûr de mon affaire. Il se peut que plus tard un mot de l’Écriture me montrera la vérité de ce que je fus amené à faire. Je comprends que par la grâce quelque chose se passe en moi. Je vois les résultats d’une conduite surnaturelle parfois en événements extérieurs, parfois en intelligences et en clartés intérieures. Mais ce que Dieu accomplit en nous ne peut ni se comparer, ni se mesurer. Il se peut qu’arrive un moment où le poids de la surnature l’emporte tellement que Dieu peut vouloir que les sens aussi soient mus par la grâce, que le monde céleste se fasse accessible, que soit franchie la frontière de la mystique (NB 6,62-63).

10 – Dieu demeure toujours libre et ne se laisse jamais immobiliser (NB 9,1276).

11 – L’homme doit s’adapter à Dieu, se mettre à la disposition de Dieu. L’homme doit être prêt à toutes les formes d’obéissance que Dieu peut exiger de lui, des formes auxquelles il ne s’attend pas, des formes qui sortent de nos habitudes (NB 5,18).

 

14e dimanche A (Za 9,9-10; Rm 8,9.11-13; Mt 11,25-30)

1 – La révélation aux tout-petits. Tout vient du Père. Jésus est le révélateur, il remercie le Père de ce qu'il puisse l'être; il est prévu déjà dans le plan du Père que Jésus n'atteindra pas "les sages et les savants" avec sa révélation, car ceux-ci pensent déjà tout savoir et savoir mieux que les autres; il atteindra les "tout-petits" , c'est-à-dire ceux qui ne baignent pas dans la théologie des docteurs de la Loi. Les "pauvres en esprit" ont un esprit ouvert et non bourré de mille théories, même s'ils sont méprisés par les savants. Dieu les a réservés comme destinataires de sa révélation (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 103).

2 – C'est justement parce que Jésus, et lui seul, connaît les sentiments du Père, qu'il peut prononcer le mot souverain : "Tout m'a été confié par mon Père". La conséquence est que le Fils seul connaît le Père jusqu'au fond : cette déclaration soulève le voile du mystère trinitaire, et la transmission qui suit des sentiments du Fils aux hommes indique l'Esprit Saint, qui nous met dans le cœur les sentiments des deux, du Père et du Fils. Grâce au regard qui nous est accordé dans la relation réciproque la plus intime du Père et du Fils, nous connaissons encore quelque chose de décisif : le Fils n'exécute pas tout simplement les ordres du Père, il a en tant que Fils qui est Dieu, sa propre volonté souveraine ; il révèle le Père et lui-même seulement à ceux qu'il a élus pour cela. Quelles sont ces personnes ? La fin de l'évangile nous le dit (Cf. Ibid. 103-104).

3Humble de cœur. La plénitude qui vient de Dieu a pour effet de rendre l’homme tel que Dieu le veut avoir. Son cœur n’est pas superbe (Ps 131). On ne parle pas d’un mérite, seulement d’un état : de pouvoir être devant Dieu comme Dieu le veut, parce que Dieu l’a donné ainsi. C’est un état de grâce et de gratitude pour la grâce offerte. Nul autre désir ne s’éveille, sinon de pouvoir être humble et reconnaissant envers Dieu, même pour tout ce qu’il pourrait exiger, ouvert sous tout rapport, parce que Dieu lui-même a mis l’homme qui prie dans cet état d’ouverture. Lorsque le Fils se fera homme, il pourra se tenir constamment devant Dieu dans cette ouverture (Cf. Dix-huit psaumes 237-238).

4 – La foi, c’est s’habituer lentement aux mœurs de Dieu, à la langue de Dieu, aux usages et aux habitudes de Dieu, à son monde divin. Et pas à pas, petit à petit, le croyant doit essayer de se sentir à l’aise dans le pays de la vérité divine. Ce ne sera possible quand dans un acte de la plus profonde obéissance (Das Licht und die Bilder 15).

5 – L’Esprit n’est pas quelque chose de vague qui accompagne l’homme sur son chemin et dont l’homme pourrait se saisir à certaines heures pour se procurer aide ou appui. L’Esprit est point central, il habite l’homme et peut lui suggérer les actes grâce auxquels l’homme est capable de faire les choses de Dieu avec la force de Dieu. Dieu fait aux hommes le don de son Esprit qui ne possède pas moins la possibilité d’agir divinement que le Fils devenu homme a acquis la possibilité d’agir humainement (Sur Rm 8,13. Der Sieg der Liebe 41).

 

14e dimanche B (Ez 2,2-5; 2 Co 12,7-10; Mc 6,1-6)

1 - D'où cela lui vient-il? Les gens étaient frappés d'étonnement en l'entendant, ils ne peuvent pas se représenter l'origine de tout cela. Il y a tout ce qu'ils connaissent depuis longtemps de la ville, de l'entourage, du voisinage. Et tout le monde sait que les voisins sont toujours mieux informés  qu'on ne le pense : comment la vie de la famille de Nazareth se déroulait; les moyens dont ils disposaient et ce qui leur manquait. C'étaient de pauvres gens. Et voilà qu'ils doivent reconnaître la sagesse. L'enseignement leur paraît étonnant, mais assurément grand. Leur reconnaissance est mêlée d'étonnement, plutôt remplie de stupéfaction inquiète que d'admiration. Et pour se calmer, ils se disent : "N'est-ce pas le fils du charpentier?" (Sur Mc 6,2. Cf. Saint Marc 271).

2 - Le fils de Marie, le frère de Jacques, etc. Il ne suffit pas aux gens de situer Jésus comme voisin et charpentier, ils le situent aussi dans sa famille : le fils de Marie. Ils savent que c'est vrai, qu'il est le fils de Marie. Et en dehors de la pureté, de la bonté, de la simplicité de la Mère de Dieu, probablement rien de particulier ne les a frappés. Elle vit comme n'importe quelle femme, elle a ce fils, et il n'y a rien de plus à en dire. Elle ne se fait pas remarquer. Elle n'a jamais attiré sur elle les regards au point que son entourage en serait venu à penser qu'elle avait une destinée spéciale. Elle vit dans la discrétion de la vie chrétienne. Bien plus tard seulement, on verra ce qu'elle est vraiment (Sur Mc 6,2-3. Cf. Ibid. 271-272).

3 - Et il s'étonnait de leur manque de foi. En se faisant homme, pour le salut de tous, il voulait évidemment sauver aussi les gens de sa patrie. Et il s'est rendu spécialement à l'endroit où vivait sa famille, sa venue était liée au souhait de pouvoir œuvrer là aussi. Pour un homme de foi, c'est toujours une expérience douloureuse de voir que cette foi qui remplit sa vie et signifie tout pour lui, est repoussée par les autres. Cette expérience douloureuse, tout croyant la partage avec le Seigneur. Et maintenant il en tire la conséquence. Il ne perd pas son temps avec une occasion manquée, il va plus loin et il enseigne (Sur Mc 6,6. Cf. Ibid. 274).

4 - Personne ne peut, par ses propres forces, amener quelqu'un à croire au Seigneur tel qu'il est; par ses propres forces, on ne peut l'amener qu'à une fausse image du Seigneur. Le passage est souvent imperceptible entre le désir de convertir quelqu'un au Seigneur et celui de le convertir à soi (Sur Ap 19,20. Cf. L'Apocalypse 763-764).

5 – Les gens de la patrie de Jésus ne peuvent faire autrement que de s'étonner de son enseignement ; ils ne comprennent pas d'où cela lui vient. Sa sagesse et surtout ses miracles les dépassent. Il était un simple menuisier ; d'où pouvait-il avoir tout cela subitement ? Jésus généralise cette objection, il l'étend au destin de tout prophète dans son pays, sa famille et sa propre maison. Telle est bien la situation que doit endurer celui qui est envoyé par Dieu. C'est ce que montre la première lecture. Dieu envoie expressément le prophète Ézéchiel vers des renégats, des révoltés, des rebelles, ceux qui ont le cœur endurci. Que le prophète ait du succès grâce à sa prédication ou non, ne le concerne en rien, cela n'atteint pas non plus sa mission. L'énigme de cette disposition de Dieu s'éclaire dans le destin total de Jésus qui détermine ensuite aussi celui de ses successeurs. Nul ne fut refusé aussi radicalement que Jésus : trahi par un de ses disciples, rejeté par les Juifs, condamné à mort par les païens. Telle était la mission de Jésus, à la fois humaine et divine : prendre sur soi le refus des siens et obtenir le oui pour leur coeur. "La puissance se déploie dans la faiblesse". La croix était la puissance du Christ. A partir de là, ceci est vrai pour le chrétien : "Lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" ; le destin victorieux du Christ produit aussi tout son effet en moi (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 104-105).

6N’est-il pas le charpentier ? (Mc 6,3). La vie du Seigneur est une unité : depuis le travail d’artisan qui fut le sien dans sa jeunesse, en passant par le rude travail de ses années de vie publique, jusqu’au travail encore plus dur du chemin de croix qui débouche sur la Résurrection et l’Ascension, tout cela est un retour unique et visible de l’homme vers Dieu, dans le quel nous, les hommes, sommes emmenés par le Fils de l’homme vers sa propre divinité, vers le Père et le Saint-Esprit. Rien de ce que le Christ réalise n’est séparé de nous ; il nous entraîne et nous marchons avec lui. Le travail chrétien tente de participer consciemment à l’accomplissement de ce mouvement. Quel que soit le travail que fournit l’homme, il peut le faire pour Dieu ; chaque fois qu’il se donne du mal, qu’il fait un effort, aussi minime soit-il, il peut être sûr que Dieu reçoit l’ouvrage de ses mains et de son esprit, que par conséquent le travail n’est jamais inutile parce qu’aucun mouvement dirigé vers Dieu n’a jamais été vain. Le travail a un sens d’éternité qui lui a été conféré à la Résurrection et à l’Ascension (L’homme devant Dieu 82).

7 - Il y a deux temps de la vie du Seigneur dont on sait peu de chose : l’enfance et le"temps" après la résurrection. Entre deux, il y a le temps du bois. Il apprend à le connaître dans l’atelier de Joseph et puis il meurt dessus. Ce bois de sa vie est un symbole de la punition que Dieu a imposée à l’homme. Lui-même, il trime comme un pécheur pour finalement mourir sur le bois comme représentant des pécheurs (NB 3,282).

8 – Dans la foi, il y a une grande confiance, et cette confiance est l’espérance que Dieu fera tout dans l’amour (NB 10,2225).

9 – Si on parle trop de la sainteté du travail, on n’est plus en conformité avec la Révélation. L’Écriture met peu en relief le travail à Nazareth. Le Fils a accompli son travail dans l’humilité et le silence, comme une "petite chose" dont il n’y a pas à faire étalage. Nazareth est tout d’abord un lieu de contemplation, et le travail y rendait possible cette intériorité (Sur Is. 65,23. Isaias 220-221).

10 – Les bons gérants de la grâce de Dieu que chacun a reçue : toujours laisser voir l’origine de ce qu’on a reçu : Dieu (Sur 1 P 4,10. Die katholischen Briefe I,376-377).

11 – Paul a certes l’avantage d’être apôtre et ses révélations sont d’un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l’Église. Cependant le mystère qui lui est montré n’est pas épuisé par ce que Paul en dit ; plus tard, Dieu peut à nouveau en rendre visibles d’autres aspects, non plus certes avec l’autorité de l’apôtre ; l’Église aura alors compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu’elle n’a pas le droit de faire pour l’apôtre (NB 10,2087).

 

14e dimanche C (Is 66,10-14 ; Ga 6,14-18 ; Lc 10,1-12.17-20)

1Comme des agneaux au milieu des loups. Dans le grand discours évangélique de mission, Jésus envoie ses disciples "comme des agneaux au milieu des loups". Image effrayante quand on se la représente concrètement ; humainement considérée, une telle mission pourrait apparaître comme l'acte d'un irresponsable. Jésus peut oser quelque chose de semblable parce que le Père lui-même l'a envoyé comme "l'Agneau" parmi les hommes. Ceux-ci se comportent envers lui comme des loups, afin que soit remportée cette victoire de "l'Agneau comme égorgé", qui le rend digne et capable de briser tous les sceaux de l'histoire du monde (Ap 5). Jésus est venu parmi les hommes complètement désarmé. Lui-même désarme complètement ceux qui doivent annoncer son message, les "ouvriers peu nombreux" ; ils doivent d'abord souhaiter la paix, peu importe qu'elle soit acceptée ou non ; si elle n'est pas acceptée, on ne doit pas l'imposer par quelque violence, on doit se rendre ailleurs. Mais à ceux qui les accueillent comme à ceux qui les refusent, ses messagers doivent annoncer que le Royaume de Dieu est proche afin que tous, compte tenu de la brièveté du temps, se préparent à sa venue. Du succès ou de l'échec, ils ne doivent pas se réjouir ou se troubler ; le succès n'est pas inclus dans la mission, et le vrai succès se trouve uniquement dans le Seigneur des missions, qui par sa croix a jeté Satan hors du ciel. L'Agneau de Dieu seul a vaincu. C'est uniquement en lui et non en eux-mêmes que les envoyés ont "plein pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi". Cette certitude doit suffire aux envoyés comme consolation (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 105-106).

2Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux : Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom (Lc 10,17). Se donner au Seigneur sans conditions est un acte qui devrait embrasser tout ce que les desseins de Dieu avec l’homme peuvent impliquer. La première chose dans cet acte est donc la disponibilité ; une disponibilité qui ne cherche pas constamment à supputer ce qui nous est possible. Une disponibilité si ouverte qu’elle a le courage d’abandonner au Seigneur ce qui est à lui. Ce n’est pas le moment de chercher à savoir jusqu’où on peut aller. La disponibilité doit tout laisser dans l’ouverture de l’Esprit, mais aussi du corps et du temps. On ne sait pas encore dans quel sens et pour quel but on est appelé, on sait seulement que c’est Dieu qui parle, que sa parole est perceptible (Cf. Ils suivirent son appel 26-27).

 

15e dimanche A (Is 55,10-11; Rm 8,18-23; Mt 13,1-23)

1 - Le semeur sortit pour semer. Cela commence comme un conte : il était une fois un semeur. C'est un semeur parmi d'autres. On ne dit pas où il se rend, sinon l’endroit où il peut semer, et on ne décrit pas ce qu'il sème.Il sème parce que c'est son métier. Tout à coup nous remarquons que nous avons peut-être tous ce métier, que nous devrions sortir pour semer. C'est de nous tous qu'il s’agit, de l'un de nous, de  celui dont le Seigneur se sert pour raconter cette parabole (Sur Mc 4,3. Cf. Saint Marc 169-170).

2 - La Parole semée au bord du chemin. La semence qui est tombée au bord du chemin n'arrive pas à porter du fruit.C'est presque comme si cette semence avait été gaspillée. Il n'est dit nulle part que le semeur aurait pu ou dû faire mieux. La semence tombe sur un sol impropre. L'accent est mis ici sur la qualité du sol. C'est le Seigneur qui sème et la semence est sa Parole. Et cette semence atteint des âmes qui n'en font rien. Nous sommes tous chargés de semer. C'est à nous tous que la Parole a été confiée de quelque manière. Et si le Seigneur déjà comme premier semeur laisse tomber sa Parole là où il n'y a pas de fruit à espérer, combien plus devons-nous nous attendre à ce que notre parole aussi puisse tomber dans le vide, que nous rencontrions des gens qui ne savent rien faire de notre semence. Il n'est écrit nulle part que nous devons éviter ces gens-là (Sur Mc4,15. Cf. Ibid. 183-184).

3 - Porter du fruit. Dans toute mission chrétienne, le plus important est toujours de porter du fruit. Accueillir la Parole simplement pour soi ne sert à rien. Le Seigneur fait trois demandes : écouter sa Parole, l'accueillir, et porter du fruit. Dans toute Église, on trouve des gens qui courent d'un office à l'autre, qui veulent constamment recevoir. Peut-être cela vaut-il particulièrement pour les vieilles demoiselles parce qu'elles ont du temps. Dans la plupart des cas, la volonté d'entendre toujours plus n'est pas exempte d'avidité. Or amasser constamment rend stérile et se situe aux antipodes d'un accueil véritable, qui a pour but de donner à son tour et d'ainsi porter du fruit (Sur Mc 4,20. Cf. Ibid. 189).

4Pourquoi parles-tu en paraboles ? La réponse de Jésus indique que dans les cœurs des auditeurs il doit se trouver au moins un début de compréhension des choses divines si la "Parole du Royaume" doit porter du fruit en eux. Celui dont le cœur est endurci, ou n'est pas prêt à comprendre à cause des soucis du monde ou de son esprit superficiel, celui-là ne peut pas parvenir à la réalité divine signifiée dans les paraboles. La grâce de Dieu est comme la pluie qui féconde la terre, donne au semeur la semence et le pain comestible. Le chrétien ne peut pas entendre ce cri de victoire de dieu sans penser à la croix du Fils : si l’œuvre de sa vie a paru échouer devant la dureté de cœur de ses auditeurs, la croix qui supplée fut la pluie qui abreuva la terre desséchée (Cf . HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 105-106).

5Quand un chrétien cherche à amener quelqu’un à la foi, il lui montre les vérités de la foi. Si ce chrétien est un mystique, il ne parlera pas à l’autre de ses visions pour l’amener plus rapidement à la foi. Le maître lui transmettra la vérité générale de la foi, non sans lien, bien sûr, avec son expérience religieuse personnelle. Il y a donc aussi pour le Fils ici-bas une forme d’expérience de ce qu’il lui faut transmettre à ses disciples comme foi chrétienne. La vérité qu’il nous apporte est liée intimement à ce qu’il vit en tant qu’Homme-Dieu. Il ne dit pas : contemplez le Père comme je le contemple, il invente dans l’Esprit Saint des paraboles et des expressions capables d’interpeller les hommes, d’agir sur l’esprit humain. Dieu le Père avec le Fils et l’Esprit est si infini que cette infinité ne lui pose aucune limite mais qu’il arrive au contraire, par la descente du Fils dans la finitude humaine, à faire de celle-ci une expression adéquate de son infinité. Cette expression que le Fils nous offre, c’est la foi (Cf. Le Dieu sans frontière 64-66).

6 – C’est une vraie détresse qui pousse beaucoup de nos contemporains à se demander si l’on peut faire une quelconque expérience de Dieu. Car si je ne le rencontre nulle part dans mon existence, comment puis-je croire en lui ? Dieu n’est pas une chose à côté d’autres, comme il s’en trouve à l’intérieur du monde, que l’homme peut saisir par les sens ou l’esprit. Il faut donc s’attendre à ce que l’on ne puisse faire l’expérience de Dieu comme d’une chose du monde ou même comme d’un autre homme. Dieu est fondamentalement l’origine dont nous sommes sortis par l’acte d’une liberté souveraine qui nous pose dans notre autonomie et notre liberté de créature. Non pas bien sûr pour nous abandonner mais pour qu’en une recherche libre nous nous mettions en route vers notre origine "pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver, aussi bien n’est-elle pas loin de chacun de nous" (Ac 17,27). L’Ancien Testament comme le Nouveau Testament sont l’un et l’autre l’histoire de la Révélation de Dieu aux hommes. La Révélation vient par l’intermédiaire de certains hommes, dont on peut dire que, comme prophètes ou comme visionnaires, ils possèdent de Dieu une connaissance autre et plus expérimentale que ceux qui "viennent à la foi pour avoir entendu la prédication" (Rm 10,17). On sait aussi que les yeux et les oreilles des apôtres sont bienheureux, eux qui voient et entendent ce que tant d’autres avant eux ont brûlé de voir et d’entendre (Mt 13,16 ss.). Pourtant cette béatitude ne reçoit vraiment sa force qu’après Pâques, au moment où le Seigneur échappe aux apôtres. Saint Jean expliquera plus tard la mission des apôtres : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché, nous vous l’annonçons afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous (1 Jn 1,1-3). (Cf. HUvB, Quand Dieu rencontre l’homme, dans la revue Communio, novembre 1976, p. 10-11 ; 18-19).

7 – Le temps donné à l’homme par le créateur, tout comme l’espace dans lequel il est placé, est quelque chose d’approprié à sa nature limitée, quelque chose où il trouve justement l’espace et le temps pour réfléchir à sa nature et reconnaître qu’elle a été destinée à aller bien au-delà des espaces et des temps limités, c’est-à-dire à déboucher dans le monde de Dieu. Et déboucher en Dieu n’est pas une chute, mais un commencement qui nous assume et nous sauve. La résurrection de la chair témoigne de ce mystère le plus profond de l’homme, c’est elle qui montre que l’espace de l’homme débouche sur le ciel, son temps fugitif sur l’éternité (HUvB, AvS et sa mission théologique 334).

8 – La création tout entière crie sa souffrance (Rm 8,22). Toute souffrance aussi est une parole d’amour du Père. Pas un jeu. Elle mène à une proximité plus grande avec le Fils souffrant, et il n’est pas assuré qu’elle doive toujours aboutir à une joie ressentie. Dans le sérieux de la souffrance, un homme apprendra à connaître le Fils à une profondeur toute nouvelle. Dieu lui-même a formé cette profondeur. Dieu garde la libre disposition de tout ; il peut transformer une prière de souffrance en prière d’amour et de joie, il peut faire d’une prière de joie à nouveau une prière de nécessité, et d’une prière à la limite du doute une prière de la parfaite confiance (NB 6,23-24).

9 – Aucune grâce mystique ne vit uniquement de la nuit de la croix ; elle vit aussi de la résurrection du Seigneur. La prière peut être quelque chose que le mystique offre à Dieu dans l’obscurité la plus complète et Dieu peut transformer cette nuit en résurrection à l’insu du mystique lui-même qui prie. Un Jean de la croix peut prier dans la nuit la plus obscure, dans le sentiment d’être totalement abandonné de Dieu, et sa prière mourante peut se transformer en un instant en jaillissement de vie pour l’Église et pour l’éternité ; la vie peut jaillir d’une semence qu’on pouvait estimer tout à fait stérile (NB 5,19-20).

10 – Notre foi sait quelque chose, mais Dieu sait infiniment plus que ce que notre foi saisit (Gleichnisse des Herrn 35).

11 – Lors de l’incarnation, l’Esprit est porteur de la semence du Père. Il l’est pour toujours dans le monde. Il est souvent une semence qui tombe d’abord sur un sol pierreux, qui ne peut pas lever, à laquelle on ne prête pas attention. Personne ne sait si en ce lieu, derrière cette parole ou cet acte, n’est pas cachée une semence de Dieu. L’Esprit entraîne toujours avec lui le Père et le Fils (NB 6,425-426).

12 – La semence de Dieu opère partout et aucune limite ne lui est donnée. D’où la mission pour le chrétien de laisser partout des traces de l’amour afin que ceux qui viennent après lui et les étrangers puissent se diriger d’après cela. En tout ce qu’il fait, en tout ce qu’il dit, en tout ce qu’il laisse, le chrétien aura devant les yeux le désir de Dieu (Sur 3 Jn 6. Die Johannesbriefe 306).

13 – Aucune rencontre avec le Seigneur n’est pour rien. Tout se décide dans la rencontre avec le Seigneur, elle est toujours féconde si l’homme demeure prêt (Gleichnisse des Herrn 84).

14 – Les disciples savent par expérience que le Seigneur attend leurs questions pour les introduire plus profondément dans la vérité. Ils posent une question pour s’approcher un peu plus du Seigneur. Leur question suppose chez eux une disposition fondamentale à la prière. Ils attendent du Seigneur une vérité, quelle qu’elle soit. Ils savent qu’il peut leur donner la vérité parce qu’elle habite en lui, parce qu’il l’est lui-même (Ibid. 10-11).

15 – L’homme peut être ouvert à Dieu, mais il peut se faire aussi que, dès sa jeunesse, il fasse tout pour ne pas rencontrer Dieu (NB 8,801).

16 – La parole de Dieu existe aussi quand elle se fait discrète. Il y a des semences qui lèvent tout d’un coup, d’autres lentement. La loi de la croissance est cachée en Dieu (NB 10,2161).

17 – Au paradis, Adam et Eve ont cherché à se cacher de Dieu après leur péché, ils ont cherché à lui échapper. Mais ils n’ont pas pu se cacher. Le croyant sait maintenant que Dieu le voit, qu’il vit sous le regard de Dieu. Il pourrait seulement essayer de se cacher en reniant Dieu ou en perdant la foi, en s’imaginant qu’il est pour Dieu un inconnu. Le croyant bâtit sa vie de foi sur la certitude que Dieu le voit. Il peut s’approcher de Dieu, l’adorer, le prier. Et Dieu se révèle à tout croyant de la manière qui lui plaît (NB 5,48).

18 – Les visions dans l’Église enrichissent la foi de l’Église. Il revient à l’Église ministérielle de rendre fécond ce bien vivant pour la foi de tous (NB 5,28).

 

15e dimanche B (Am 7,12-15; Ep. 1,3-14; Mc 6,7-13)

1 - Si on ne reçoit pas les disciples quelque part, qu'ils aillent plus loin... La mission ne s'arrête jamais. Si quelqu'un la refuse, elle cherche plus loin. Personne ne peut dire : je possède une vérité qui appartient au Seigneur, mais personne n'en veut. Il y a toujours quelqu'un qui la cherche : peut-être le cinquantième, le centième, le millième. En poursuivant son chemin, la mission cherche celui peut recevoir le message et le messager (Sur Mc 6,9-11. Cf. Saint Marc 279).

2 - Cela leur servira de témoignage. Pour le Seigneur, pour lafoi chrétienne, il y a un témoignage composé de deux parties : une partie consiste en paroles, l'autre en action. Le Seigneur veut que les croyants soient distincts des incroyants. On doit reconnaître sans aucun doute possible à son comportement si quelqu'un croit ou ne croit pas. La tiédeur, l’indécision, le "tout se vaut" ne sont jamais acceptés par le Seigneur et ne servent de rien au témoignage. Et les disciples qui viennent d'être envoyés ont à porter témoignage, encore et toujours, sans pouvoir déterminer eux-mêmes où celui-ci commence et où il cesse (Sur Mc 6,11-3. Cf. Ibid. 279).

3 - Ils s'en allèrent. Nous pouvons nous imaginer que bien des chemins partent de Nazareth. Les disciples cheminent deux par deux, dans toutes les directions, sur des voies bien tracées, sur des chemins montagneux, et bien que leurs directions diffèrent, ils vont tous sur l’unique chemin de l'obéissance, qui ne connaît qu'un seul but : Dieu. Et ce chemin est le chemin de Dieu quel que soit son aspect terrestre. Le chemin humain d'un chrétien ne se distingue en rien de celui d'un autre chrétien quand on le considère du point de vue de la mission. Tout chemin doit être parcouru dans la mission pour conduire à Dieu et la mission elle-même vient de Dieu. C'est un chemin qui va de Dieu à Dieu (Sur Mc11-13. Cf. Ibid. 280).

4 – Jésus appelle les Douze sans aucune autre explication. Pourquoi ceux-ci justement ? On ne dit rien à ce sujet. Ni vertu, ni sagacité particulière, ni don d'orateur ne les distinguent. S'il leur manque quelque chose pour l'accomplissement de leur mission, cela leur sera donné par surcroît. Il leur manque très certainement ce qui leur sera donné lors de leur envoi en mission : l'habilitation à proclamer le Règne de Dieu, et ceci avec le pouvoir de chasser les esprits impurs, ce qui n'est possible que si l'on a l’Esprit Saint qui, en se répandant, refoule la sphère d'action de l'esprit impie. Ce dont les Douze sont chargés, c'est la prédication, l'appel à la conversion, pas le succès. Fait-il défaut, cela ne les concerne en rien, ils doivent simplement continuer leur chemin et faire une tentative ailleurs. Amos n'a pas choisi d'être prophète, les pêcheurs de Galilée n'ont pas désiré pour eux leur mission : ils ont simplement été mis sur le chemin comme Amos : "Va, prophétise à mon peuple". C'est la vocation originelle, dans laquelle l'homme ne réfléchit pas longtemps pour savoir s'il doit ou non, s'il peut ou non (par exemple devenir prêtre ou entrer dans un ordre). Dieu le pousse ; s'il ne résiste pas, il le remarquera. Continuer sa route comme Jésus le recommande peut parfois aussi consister simplement à continuer ce qu'on fait. Ce que je suis et dois être a été fixé de toute éternité avant la création du monde. Nul n'est une île, mais chacun n'est compréhensible qu'inséré dans un paysage qui s'étend à perte de vue et où tout réfléchit "la louange de gloire de la grâce de Dieu" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 106-107).

5Béni soit Dieu (Ep 1,3). Nous sommes capables de bénir Dieu parce que nous sommes bénis, sa grâce nous permet de rendre grâce. Dieu le Père, en son Fils, a réalisé cette réciprocité. Bénir Dieu, c'est le premier moyen donné à l'homme pour s'approcher de Dieu. Il ne peut pas se contenter d'attendre, il lui faut donner. Donner ce qu'il a reçu. L'homme ne doit pas craindre de bénir Dieu : en bénissant Dieu, il accomplit quelque chose de nécessaire qui correspond à une invitation de Dieu. Paul précise ce qu'est cette bénédiction en ajoutant : Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Il indique aussitôt la relation du Père et du Fils, parce que c'est par le Fils que nous sommes en mesure de bénir le Père (Cf. L’Épître aux Éphésiens 18).

6 – L’homme Amos vit dans un domaine qu’il peut tenir son son regard. Il possède une terre, une famille, il a un travail. Et voici qu’il doit apprendre à connaître la pauvreté. Elle le frappera à deux reprises. Il sera apatride, un appel l’éloignera de son troupeau, il sera chassé et vivra désormais dans l’incertitude… Il est un instrument dans la main de Dieu, un instrument fait de pauvreté. Dieu a tout pris à Amos pour qu’il sache ce que veut dire être dépourvu de tout. Le prophète est un instrument dont Dieu dispose, un instrument aveugle pour lui-même afin de mieux servir les autres. Amos a tout quitté, voilà la grandeur de son existence. C’était sa folie à lui d’avoir suivi Dieu si aveuglément. Une folie qui, au début, ne sera nullement récompensée mais entraînera pour Amos les conséquences les plus douloureuses. Malgré sa dure destinée, il aime et vénère Dieu bien au-delà de ce que le Seigneur lui a fait subir. Amos ne défaille pas, il ne se lasse pas ; même lorsque le fardeau est lourd, il demeure vivant devant la face de son Dieu (Cf. La mission des prophètes 76-78).

7 - Ne pas revendiquer d’autre place que celle qui nous a été départie par l’amour (Sur Col 2,2. Der Kolosserbrief 49).

8 – Quand un chrétien accomplit une mission du Seigneur comme le Seigneur l’attend de lui, il devient libre pour une mission plus grande, plus étendue (Sur Mt 28,13. Passion nach Matthäus 242).

9 – L’un des aspects les plus caractéristiques de la mystique est la rencontre en elle de l’éternité et du temps, l’irruption du maintenant éternel dans les limites du temps qui passe. Les visions sont comme des extraits, comme des tranches du monde céleste, elles transmettent quelque chose du mystère de Dieu ; dans ces visions, Dieu communique ce qu’il veut. Les visite du monde éternel dans notre temps ne sont pas soumises aux lois de notre monde passager. Le mystique (le voyant, le prophète) doit s’efforcer de se mettre à la disposition de Dieu avec la plus grande pureté possible, c’est l’essentiel (Cf. NB 5,26).

 

15e dimanche C (Dt 30,10-14; Col 1,15-20; Lc 10,25-37)

1 - Nous n'avons plus besoin de nous faire de souci, de nous plaindre du non-sens de l'existence, de perdre courage : de chaque chose et de chaque relation nous pouvons supposer qu'elle a été créée pour lui, le Fils. Tout possède en lui sa vérité... Rien n'existe qui aurait son sens en dehors du Fils (Sur Col 1,16. Der Kolosserbrief 26).

2Va, et fais de même. La parabole du bon Samaritain est apparemment une histoire dans laquelle Jésus n'apparaît pas. Et pourtant elle porte sa marque, et nul autre que lui ne pouvait la raconter telle quelle. Le prêtre et le lévite devraient éprouver de la pitié, mais ils poursuivent leur route. C'est l'étranger qui a de la compassion pour le malheureux. Seul Jésus peut raconter cette histoire. Ce que fait l'étranger, Jésus l'a opéré lui-même pour tous au-delà de toute mesure. Le Samaritain est un pseudonyme de Jésus. Un humanitaire aurait fait quelque chose, il aurait peut-être alerté un poste de secours, fait son rapport et poursuivi sa route. Dans la surabondance de l'engagement se trouve la marque du Christ. Le Bon Samaritain a versé son sang pour tout le monde. "Aime de tout cœur", dit Jésus : pas seulement Dieu, mais aussi le prochain (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 107-108).

3Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Dieu nous a mis entre les mains quelque chose d’infiniment précieux : l’amour du prochain. Il faut qu’il soit constamment et consciemment devant nos yeux ; non pour que nous nous y reflétions, que nous nous y arrêtions, que nous en fassions l’objet de notre réflexion ; mais pour que nous le distribuions, que nous nous mettions à la recherche de ceux qui ont besoin, que nous ne dressions aucun mur entre nous et le prochain, que nous abolissions au contraire toutes les barrières existantes. Et cela non pas dans l’indifférence et dans la banalité d’un amour général et collectif, mais dans un amour qui tient compte de l’individu particulier, qui se soucie de lui, qui nous éduque et nous apprend à faire de toute rencontre une rencontre d’amour, même là où les conditions de l’autre, peut-être son antipathie, nous rendent la tâche plus difficile. Car l’amour du prochain est une tâche que Dieu nous a confiée, pour nous rendre perméables à l’amour de Dieu (Ils suivirent son appel 119).

4 - Et qui est mon prochain ? Ta femme ou ton enfant, ton père ou ton frère ? Tel homme précis ? Le premier qu’on rencontre le matin, ou le suivant dans la rue, ou le dernier le soir ? (Gleichnisse des Herrn 130).

5 – Le Père et l’Esprit désirent beaucoup se communiquer par le Fils au monde (Sur Col 1,19. Der Kolosserbrief 31).

 

16e dimanche A (Sg 12,13.16-19; Rm 8,26-27; Mt 13,24-43)

1 Le bien et le mal. La bonne semence et les mauvaises herbes. Souvent le juste ne peut empêcher l’œuvre des non-justes, l'amour doit supporter à côté de lui le non-amour, l’Église doit supporter les non-saints à côté des saints, Dieu lui-même doit supporter dans son monde ceux qui le nient et ceux qui lui disent oui (Gleichnisse des Herrn 30).

2 – Sur terre, on ne peut parler du ciel autrement qu'en images. Les images d'aujourd'hui montrent toutes quelque chose du paradoxe de la croissance de ce Royaume de Dieu en ce monde si peu préparé au divin. D'abord la semence de Dieu croît au milieu de l'ivraie. Ce n'est pas Dieu, c'est son ennemi qui l'a semée dans le champ. Et Dieu la laisse croître pour ne pas mettre en danger le bon grain prématurément. Et puis le Royaume de Dieu est la plus petite de toutes les semences ; mais finalement elle dépasse toutes les autres plantes (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 107).

3 - Ne pas entraver l’action de Dieu par la mienne (Cf. Arzt und Patient 104).

4 - Toute prière va à Dieu. Et il arrive qu’un croyant, qui a prié avec tiédeur, se voit tout à coup rempli au-delà de toute attente. Peut-être priait-il sans grande conviction pour obtenir quelque chose, uniquement parce que quelqu’un peut-être lui avait indiqué ce moyen. Et maintenant il n’arrive pas à comprendre comment ses paroles ont pu avoir une influence sur Dieu (NB 6,46).

5 – Qui n’assimile pas les grâces qu’il reçoit, sa vie intérieure ne demeure pas stable, elle décroît. Le corps forme toujours un ensemble qui va en déclinant s’il ne mange pas. De même il y a des taches qui se forment dans l’âme et on doit recevoir de nouvelles grâces pour se purifier. Mais l’action de la grâce peut s’étendre à des choses qui sont totalement soustraites à la connaissance de l’homme et qui sont malgré tout présentes en lui. Le corps aussi reçoit sa vie d’une manière qui lui demeure inconsciente. Naturellement là où l’âme comprend et le peut, elle doit coopérer à la grâce (NB 6,496).

6 – Prier au nom de Jésus, c’est prier dans son Esprit, attendre de lui qu’il accorde son Esprit à notre prière, que dans une certaine mesure il la traduise dans son sens à lui de sorte que finalement la demande comme son exaucement correspondent à son Esprit. Pour la demande : nous retirer devant lui en lui laissant le soin d’entendre notre demande de telle sorte qu’elle lui soit agréable ; l’exaucement : il sera une conséquence de son écoute ; pour nous, l’exaucement apportera rarement ce qu’on attendait (Kostet und seht 427).

7 – Tout est utile dans la vie du Seigneur. Les paraboles, comme une détente, comme une conversation légère et cependant enracinées au centre de l’enseignement du Seigneur. Le Seigneur se sert de choses de tous les jours pour enseigner l’éternel. Pénétration de l’éternel dans le temps, préparation du temps à l’éternel (Cf. Gleichnisse des Herrn 7-9).

8 – Ce qui compte, ce ne sont pas les plans, les considérations, le jugement, mais de laisser faire le levain dans la pâte. L’homme sait en toute prière que sa conversation avec Dieu est une rencontre ; c’est comme s’il n’avait qu’à étendre les mains et à confier son âme à Dieu dans un acte filial qui veut trouver Dieu pour que se produise réellement ce qui pour l’homme est incompréhensible, mais ce qui est attendu manifestement par Dieu (Cf. Ibid. 41).

9 – Si on lutte trop contre le mal, le bien aussi peut en souffrir (à propos du bon grain et de l’ivraie : ne pas arracher l’ivraie tout de suite pour ne pas faire de tort au bon grain). Pour le Seigneur, il est plus important de préserver ce qu’il y a de bon que de détruire le mauvais. Il y a là une indication pastorale : une indication pour l’attitude des chrétiens au milieu des incroyants (Cf. Ibid. 36).

10 – Essayons-nous seulement d’être vrais devant Dieu ? Laissons-nous remplir nos balbutiements par son Esprit ? (Lumina 43).

11 – Les pensées viennent de l’Esprit Saint et sont mises à la disposition des chrétiens afin que chacun comprenne les pensées de Dieu et se les approprie. Par là, la pensée devient une pensée personnelle de cet homme sans qu’elle cesse pour autant d’être une pensée venant de Dieu (Sur 1 P 3,8. Die katholischen Briefe I,346).

12 – En toute demande que nous adressons à Dieu, il est inclus que, de notre côté, nous sommes prêts à correspondre à Dieu (NB 9,1401).

13 – Nous percevons par l’un ou l’autre sens, par l’œil ou par l’oreille, ce qui nous est communiqué du Seigneur par l’Église, pour dilater notre intelligence de Dieu. Mais nous nous contentons tout de suite de la signification la plus évidente. Nous sommes tellement enchantés d’avoir enfin compris quelque chose que nous ne faisons aucun effort pour nous conformer au sens toujours grandissant de la parole. Nous nous comportons, à l’égard du Seigneur et de l’Église, comme avec un ami, à la présence et à la conversation duquel nous sommes si bien habitués que nous ne nous efforçons plus du tout de le comprendre plus complètement (HUvB, AvS et sa mission théologique 346).

14 – La prière, c’est la clef du ciel, c’est l’essentiel qui doit être entretenu assidûment. Les destinataires de la lettre de Paul doivent fréquenter la prière comme un joyau, veiller sur elle, et cela dans l’action de grâce. Toute leur âme doit se tourner vers elle, tout leur être. Paul le dit en termes sobres ; ce qu’il dit de la prière figure parmi bien d’autres choses, et pourtant les croyants doivent l’entendre comme quelque chose d’essentiel. La prière n’est pas un surplus, c’est quelque chose qui requiert toute l’attention éveillée de leur esprit ; les priants doivent surveiller leur vigilance, ils doivent vaincre leur fatigue, leur tendance à se livrer à d’autres occupations, vaincre leur tiédeur à prier de manière vraiment éveillée, avec toute la force de leurs pensées et de leur foi (Sur Col 4,2. Der Kolosserbrief 117-118).

15 – Prière d’Adrienne à Bâle vers 19-20 ans. Allume ton amour dans toute cette ville. Fais qu’en chaque église il y ait quelqu’un qui prie vraiment. Permets qu’en chaque maison il y ait une flamme qui fait penser à toi. Sois tous les jours avec ceux qui te prient (NB 7,67).

16 – Comprendre que nous ne pouvons prier comme il faut que poussés par l’Esprit, que nous ne pouvons souffrir autrement qu’en souffrant avec le Fils. Partout où nous touchons nos limites, nous en remettre au Fils et à l’Esprit qui les transformeront en leurs demandes qui seront écoutées et reçues par le Père, et ils auront alors le droit de disposer de notre corps et de notre esprit selon leur bon plaisir (Sur Rm 8,26. Sieg der Liebe 71).

17 – Pour le Christ, il n’y a pas de limites, il ne peut y avoir de barrière définitive. Il a toujours une possibilité qui dépasse la possibilité de celui qui n’aime pas. Même quand il est éconduit, il a la possibilité de laisser tomber sa grâce dans un coin caché de l’âme où plus tard elle pourra germer. L’amour humain doit toujours se presser d’utiliser le temps. Le Seigneur a le temps, il peut nous atteindre de toutes sortes de manières : par lui-même, mais aussi par tout l’humain, par tout ce qui est dans le monde, et nous conduire par là à l’éternité. L’infini de ses chemins nous fait pressentir ce qu’est l’éternité (Kostet und seht 52-53).

18 – Nous savons que sans l’Esprit Saint nous ne pouvons pas prier. Si nous sommes vrais et si nous prions vraiment, il nous donne le contenu de la prière : parole et sens en même temps. Il nous forme lui-même comme il a formé la personnalité du Fils lors de l’incarnation. Et c’est lui qui, dans la prière, nous présente au Père et au Fils, qui transforme notre esprit pour qu’il reçoive les traits que le Fils veut lui donner afin que le Père reconnaisse en nous le Fils (NB 6,431).

 

16e dimanche B (Jr 23,1-6; Ep 2,13-18; Mc 6,30-34)

1 - Ils partirent dans la barque vers un lieu désert, à l'écart. De l'avis du Seigneur, il serait temps pour lui et ses disciples de se reposer. Sans bruit, ils se mettent en route, afin de se reposer sans être dérangés. Et le Seigneur compte sûrement se consacrer là-bas à la prière silencieuse. Il y a des temps où il a besoin de plus de prière. Il en a besoin pour des raisons humaines ou divines, moins pour lui que pour les autres, afin qu’ils reçoivent et apprennent toujours mieux le bienfait de la prière, afin qu'ils fassent l'expérience de la prière silencieuse. Il leur faudrait plus de temps calme pour la prière, la solitude avec lui, avec le Père et avec l'Esprit (Sur Mc 6,32. Cf. Saint Marc 301).

2 - Le Seigneur veut se retirer à l'écart et, quand il arrive au lieu visé, il trouve une grande foule. Son dessein est donc contrarié. Le Fils a agi ici comme n'importe quel homme : il avait un but, il a cherché à le réaliser, mais il n'a pas réussi... Pour le moment il n'y fait pas attention. Il agit comme un croyant qui dispose d'une saine raison, qui fait des projets, cherche à les réaliser et en est empêché par les autres. Le Seigneur se lance dans ce projet humain en dépit de sa science divine. Il y a dans ce décalage un mystère fondamental du christianisme. - En agissant ainsi, le Seigneur nous oblige nous aussi à entreprendre des choses selon notre foi, conduits par notre raison : nous faisons qui peuvent être voués à l'échec. Cet échec n'est pas une défaite personnelle du Seigneur pas plus qu'elle n'est la défaite de celui qui marche à sa suite; il est l'expression de la rencontre du divin et de l'humain auquel souvent la pleine connaissance des desseins divins n'est pas donnée. Finalement toute la Passion du Seigneur, par laquelle il sauvera le monde récalcitrant, sera composée par des oppositions à ce qu'il aurait voulu atteindre humainement sur cette terre, et c'est dans cet échec humain que s'intégrera tout le dessein de Dieu (Sur Mc 6,34. Cf. Ibid. 303).

3 - Et il se mit à les instruire longuement. Il n'y a pas de compassion chrétienne ni de consolation chrétienne qui ne contienne en même temps un enseignement.Le Seigneur ne joue pas le rôle d'un consolateur qui abreuve de paroles douces et apaisantes; il donne aux hommes quelque chose d'utile, de substantiel, en les instruisant longuement. Si le Seigneur compatissant instruit longuement la foule, celle-ci doit reconnaître par son enseignement qu’il est leur berger, qu'il se tient au milieu de ses brebis et ne les abandonne jamais, indépendamment du fait qu'il soit visible ou non. Ils sont sous sa garde (Sur Mc 6,34. Cf. Ibid. 304).

4 – Jésus apparaît dans l'évangile comme le vrai berger vers lequel la foule accourt. Les gens sentent instinctivement en lui le bon pasteur envoyé par Dieu, qui ne veut pas exercer son pouvoir sur eux, mais les rassemble et les soigne pour eux-mêmes. Jésus voudrait avoir un instant de repos, mais on le poursuit et on l'accapare tellement qu'il ne trouve même pas le temps de manger. Il est là non pour se reposer, mais pour se laisser user jusqu'à la fin. "Je donne ma vie pour mes brebis" (Jn 10,15). Ses disciples sont avec lui. La conséquence du modèle que Jésus leur donne, c'est qu'à leur niveau de disciples, il ne leur arrivera essentiellement rien d'autre qu'à leur maître (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 108-109).

5 – Depuis l'incarnation du Fils, il n'y a plus qu'un seul accès auprès du Père, et cet accès passe par le Fils. C'est en lui seul et par lui qu'il nous faut aller au Père. Si nous choisissions une autre voie, nous ne serions pas reconnus par le Père. Car le Père ne cesse de regarder le Fils. Une fois le Fils apparu et devenu l'accès, il y a en lui comme un pont enjambant tous les abîmes, grâce auquel il peut nous ramener définitivement au Père. Et même si l'on vit déjà dans le Fils, on n'en est pas moins en ce monde toujours en route vers le Père qui est le terme ultime du passage, le point d'arrivée. Et l'accès au Père par le Fils, nous l'obtenions dans l'Esprit Saint qui nous fait trouver l'accès au Fils et, avec le Fils, il nous conduit au Père (Cf. L’Épître aux Éphésiens 87-88).

6 – Dieu prend sur lui tous nos soucis si nous les lui confions, tout ce qui assombrit hier et demain : ce qui est lié au péché, ce qui est sans rapport avec le péché. Si Dieu prend, porte et dirige toute notre vie, il est compréhensible qu’il ne mésestime pas nos soucis. Dieu se soucie beaucoup de nous, il se soucie donc aussi de nos petits soucis. Pierre a le droit et le devoir d’exiger de nous de nous livrer au Seigneur, d’exiger de nous que nous lui livrions nos soucis, car celui qui pense venir à bout lui-même de ses soucis crée un obstacle entre lui et Dieu, il connaît un lieu où il ne permet pas à Dieu d’entrer. C’est le devoir de l’Église et de Pierre d’aplanir le chemin des croyants vers Dieu et d’écarter tous les obstacles (Sur 1 P 5,7. Die katholischen Briefe I,397-398).

 

16e dimanche C (Gn 18,1-10 ; Col 1,24-28, ; Lc 10,38-42)

1 - Marie, la sœur de Marthe, aux pieds du Seigneur. Marie s'assied tout naturellement aux pieds du Seigneur. C'est la première chose qu'on apprend d'elle, ce qui l’introduit, ce qui la distingue. C'est son caractère, son tempérament. Elle occupe le bon endroit pour l'écoute de la parole du Seigneur. Elle ne veut pas seulement écouter la parole, mais, en écoutant, accueillir le Seigneur en elle, être pour lui réceptacle. Marthe l'a accueilli dans sa maison extérieure. Marie le reçoit dans la maison qu’elle est. Elle a cet espace, il devient libre en elle parce qu'elle l'apporte avec elle dans son amour (Sur Lc 10,38-42. Cf. Trois femmes et le Seigneur 115).

2 - Dis-lui donc de m'aider . Marthe continue à agir par amour et tout ce qu'elle fait a pour but de servir le Seigneur. Mais cela doit le servir en proportion de ce qu'elle se propose elle-même. Elle ne voit absolument plus rien d'autre que son service, qui a pris entièrement la forme de ses propres désirs. Elle s'est en quelque sorte séparée de l'essentiel ; elle ne va plus directement au Seigneur. Elle s'adresse au Seigneur, non pour faire attention à lui mais pour qu'il prête attention à ce qui la concerne et fasse sa volonté. Elle met dans sa bouche les paroles qu'elle souhaite entendre de lui (Sur Lc 10,28-42. Cf. Ibid. 119-121).

3Marthe, Marthe, tu t'inquiètes... Le Seigneur montre à Marthe qu'elle a trop chargé son programme, qu'elle fait trop de choses, qu'elle détermine trop de choses par elle-même. Sans l'exprimer, elle réclame du Seigneur lui-même qu'il en vienne à se taire pour que Marie soit libre pour l'action. Marthe n'est pas très éloignée du Seigneur, elle veut finalement le bien, elle a la foi et elle aime à sa manière, elle entend le blâme, mais elle entend aussi – comme en récompense d'avoir entendu le blâme – cette parole importante : "Une seule chose est nécessaire". Une seule chose dont elle n'est pas exclue (Sur Lc 10,38-42. Cf. Ibid. 124-125).

4Une seule chose est nécessaire. Ce n'est pas l'hospitalité affairée de Marthe qui occupe la première place, mais la parole de Dieu dite par Jésus. Aucune œuvre accomplie pour Dieu ne mérite qu'on reçoive sa parole, celle-ci est donnée gratuitement à Marie, parce qu'elle y est ouverte et peut l'écouter. L'homme ne peut pas agir correctement s'il ne s'est pas auparavant mis à l'écoute de la parole de Dieu. Déjà dans l'ancienne Alliance, tout commence par : "Écoute, Israël". L’acte suprême de Dieu, le don de son Fils pour nous, est la substance de la parole qu'il nous adresse (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 109-110).

5 - Le Seigneur nous fait participer à sa souffrance. A proprement parler, ce n’est pas lui, c’est le Père qui le fait : c’est lui qui partage les destinées et attribue les souffrances. Le Christ préférerait nous les épargner. Il y a ici comme une légère fissure dans la Trinité ; ce n’est que parce que le Père le veut que le Fils le veut aussi. Il préférerait ne nous donner que le bien contenu dans sa souffrance, mais il doit aussi nous y faire participer. Cette participation est déjà sa grâce (NB 3, 38).

6 – Dieu n’empêche pas que nous fassions l’expérience du mal. Ce mal doit comme tel être vécu et souffert comme une suite du péché, que nous avons mérité par nos propres fautes mais que nous ne supportons pas seuls : nous le supportons avec le Seigneur, en communion avec tous les croyants ; malgré la réconciliation avec Dieu, le péché continue de vivre (Sur 1 P 3,9. Die katholischen Briefe I,348).

7 – Toute souffrance a un rapport avec nos propres péchés et avec l’Église. On ne sait pas quand c’est pour ses propres péchés et quand c’est pour l’Église. Il y a des choses qu’on peut désigner comme justes ou injustes d’un point de vue humain. Mais ce qui nous paraît injuste peut, dans la grâce et l’amour de Dieu, avoir sa pleine justification, avant tout parce que dans l’administration de Dieu aucune souffrance subie dans la foi ne reste étrangère à la "foi" du Fils. C’est pour le croyant une grâce de pouvoir souffrir injustement. Toutes nos mesures sont remplacées par la mesure de la grâce du Fils qui est la mesure de la grâce du Père (Sur 1 P 2,19. Ibid. I,323-324).

8 - Je vois Marie, comment elle écoute le Seigneur, plus encore avec son esprit qu'avec ses oreilles. En chaque parole elle voit au fond le Seigneur tout entier. Chacune de ses paroles est pour elle la parole. Elle est chaste et obéissante et pauvre. Et chaque parole qu'elle entend la rend encore plus chaste et encore plus obéissante et encore plus pauvre. Elle est donnée à l'Esprit autant qu'on peut l'être. Et elle est là, dans une parfaite chasteté, comme une femme qui est possédée tout entière par son mari, qui se donne totalement à son mari pour tout recevoir de lui et ne plus rien avoir d'elle-même. Comme une femme à qui son mari montre son amour et qui dit oui à chaque parole d'amour, à chaque signe d'amour, à chaque don d'elle-même qui est reçu. Le Seigneur pourrait s'élever au-dessus de toutes les hauteurs et il pourrait s'abaisser jusqu'aux plus grandes humiliations : il reste pour elle la Parole indivisible. La Parole qui doit devenir féconde en elle, la Parole de la prière contemplative. Avec chacune de ses paroles, le Seigneur l'introduit dans la parfaite contemplation (NB 1/2,40-41).

9 – Saint Paul, comme tout chrétien, vit en présence de Dieu, en face de Dieu, avec les limites de sa connaissance de Dieu, même là où cette connaissance nous paraît énorme ("Voyez quelle connaissance j’ai du mystère du Christ"). Il y a un domaine où Dieu seul habite, qui appartient à Dieu seul ; c’est cette sphère que Paul cherche à atteindre, c’est une sphère d’obéissance aussi, et Dieu seul peut inviter les siens à entrer dans cette sphère, personne ne peut y entrer de lui-même. Entre Adam et Dieu, il n’y avait pas cette distance, Adam approchait de Dieu sans effort. Pour Paul, la connaissance de Dieu est devenue un combat. Même quand Paul a des visions et qu’il entend des paroles de Dieu, il sait que ces visions et ces paroles lui indiquent en même temps une limite. Même quand il atteint le troisième ciel, il sait qu’il n’a pas atteint le dernier mystère de Dieu. C’est comme la vision d’un château-fort imprenable. Il est parfaitement conscient que ce qu’il a vu, c’est du réel, ce ne sont pas des fantômes, ni des produits de son imagination. Ce sont des réalités de Dieu qu’il voit, c’est-à-dire que Dieu lui montre (Cf. NB 5, 31-32).

10 – Toute prière authentique connaît des instants où le croyant se sent transporté, d’une manière ou d’une autre, dans un monde qui n’est pas le sien (NB 5,38).

 

17e dimanche A (1 R 3,5.7-12; Rm 8,28-30; Mt 13,44-52)

1Le trésor dans le champ et la perle précieuse. Celui qui comprend la valeur de ce qu'offre Jésus n'hésitera pas à se dépouiller de tous ses biens, à devenir un pauvre en esprit pour acquérir ce qui est offert. . Mais ce n'est pas tout homme qui trouve le trésor et la perle, ce n'est pas tout homme qui se décide à l'engagement total. La troisième parabole en tire les conséquences : le filet qui est tiré sur le rivage contient du bon et du moins bon, les mauvais poissons sont rejetés. Cela signifie que derrière l'offre de Dieu, la chance unique, se trouve le sérieux de l'avertissement de ne pas la négliger. Il en va de tout le sens de l'existence humaine. Comme le négociant ou le paysan qui n'hésite pas un instant à tout perdre pour tout gagner, ainsi le chrétien, qui a compris de quoi il s'agit, saisira aussitôt l'occasion (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 109).

2 - Le Fils de Dieu est venu pour remplir toutes les espérances du monde et les siens ne l’ont pas reconnu ou l’ont rejeté de propos délibéré (Kostet und seht 221).

3 – En tant qu’enfants de Dieu, nous pouvons demander à Dieu de nous conduire comme des enfants de Dieu (Sur Rm 8,28. Sieg der Liebe 70).

4 – Dieu n’a pas créé le monde au hasard. Il a pour ce monde un plan éternel. Toutes les choses ont leur place dans son Esprit Saint. Le monde ne peut échapper à ce plan, il est maintenu par l’Esprit. Ainsi compris, le monde n’est pas fastidieux mais plein de vie, car ce plan même est vie de Dieu Trinité. Rien dans ce monde n’est laissé au hasard, puisque le monde vit dans le plan de Dieu (HUvB, AvS et sa mission théologique 121).

5 – La grâce, c’est le don de Dieu à l’homme que Dieu a créé et dont il connaît les besoins mieux que l’homme lui-même. Elle pénètre son intérieur et le remplit au plus profond. La grâce est ouverte à tous. Le souhait de Dieu est que tous les hommes se servent de ses trésors et en jouissent. L’ouverture des trésors de Dieu est comme l’essence de toute la Révélation (Sur Is 55,1-5. Cf. Isaias 114).

6 – Tout a un sens, rien n’est hasard, tout sert immédiatement le grand plan de Dieu (NB 8,509).

7 – Pour Dieu, le bonheur suprême est de se révéler (HUvB, AvS et sa mission théologique 213).

8 – Dieu peut, en raison d’une prière faite aujourd’hui, corriger quelque chose qui s’est passé il y a des milliers d’années, de même qu’un passage de l’Ancien Testament qu’on n’avait jamais compris, Dieu peut le mettre en lumière aujourd’hui et en montrer la plénitude (NB 1/2,170).

 

17e dimanche B (2 R 4,42-44; Ep 4,1-6; Jn 6,1-15)

1 - Jésus disait cela pour le mettre à l'épreuve. Le Seigneur sait d’avance ce qu'il va faire; le disciple, lui, n'a pas besoin de le savoir. Philippe se tient prêt, mais il ignore à quoi il va servir. Il ne sait même pas qu'on se sert déjà de lui. Et il n'est pas nécessaire non plus qu'il le sache, car la décision qui le concerne repose entre les mains du Seigneur. Le Seigneur éprouve constamment quiconque participe à son œuvre. Dieu n'attend pas comme réponse que l'homme appelé sonde les plans divins, mais qu'il soit prêt sans cesse et aveuglément à laisser Dieu disposer de lui comme de son instrument (Sur Jn 6,6. Cf. Jean. Les controverses I, 13).

2 - Jésus leur dit : Faites s'étendre les gens. Le Seigneur désire que la foule soit à l'aise. Il faut qu'elle se considère comme son invitée, personne ne doit avoie le sentiment qu'on se débarrasse de lui rapidement ou comme en passant. Ce repas doit être une fête, même s'il est préparé en pleine campagne. Là où se trouve le Seigneur, il est chez lui. Tout lieu lui appartient et partout il est celui qui reçoit. Il ordonne aux disciples de faire s'étendre les gens. Leur tâche est de préparer le miracle. C'est un travail très modeste, tout extérieur. Ils doivent apprendre comment traiter une foule qui n'a pas encore la foi. Il faut créer autour d'elle une atmosphère, éveiller même une certaine curiosité, se servir de son attente. Ensuite elle recevra la foi et l'amour; pour commencer, elle doit se sentir bien (Sur Jn 6,10. Cf. Ibid. I,15).

3 - Le Seigneur rend grâce. C'est le geste par lequel il remet tout au Père. C'est la parole de bénédiction par laquelle ce qu'il touche il le transforme en quelque chose qui est du Père. Dans cette action de grâce, le Fils fait voir son intimité avec le Père et sa manière d’agir, puisqu'il ne fait rien sans la collaboration du Père; il montre son humilité, car il ne reçoit rien de quiconque sans en rendre grâce au Père. Extérieurement on ne voit que l'homme qui tient les pains dans sa main et rend grâce avec des paroles humaines. Mais cette action rejoint aussitôt l'éternelle action de grâce du Fils de Dieu au Père. Puis le Seigneur fait distribuer le pain (Sur Jn 6,11. Cf. Ibid. I,16).

4 – La première lecture raconte un miracle de multiplication de nourriture accompli par le prophète Élisée. Ce miracle est manifestement une sorte d'image anticipée de la multiplication des pains racontée dans l'évangile. Les œuvres que Dieu avait commencées dans l'ancienne Alliance par le ministère des prophètes sont achevées par son Fils dans la nouvelle Alliance en vertu de sa toute-puissance. Dans l'évangile, Jésus donne à manger à cinq mille hommes : c'est un symbole de la surabondance de la grâce divine offerte à l'humanité. A la fin, on recueille les restes : il ne faut pas que se perde cette surabondance inconcevable pour que les disciples (l’Église) possèdent une provision éternelle qui puisse être distribuée à tous les indigents. Si, à Cana, le maître du repas voit dans les six jarres de meilleur vin une folie, ici la folie divine qui donne beaucoup plus que ce qui peut être consommé est en même temps sa sagesse qui fait durer cette "folie" à travers toute l'histoire : tous ceux qui ont soif reçoivent de l'eau "gratuitement". La véritable multiplication des pains par Jésus est celle de son corps dans l'eucharistie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 110-111).

5Vous supportant les uns les autres avec amour, en toute humilité, douceur et patience (Ep 4,2). Humilité et douceur doivent distinguer les croyants parce qu'elles sont le propre du Seigneur. Le Fils est avant tout humble devant le Père parce qu'il a reçu de lui la mission d'entrer dans la condition humaine, et son humilité est douce. Et nous, ses serviteurs, qui avons à refléter ses vertus pour que tout le monde puisse reconnaître à qui nous appartenons, nous devons être humbles et doux ; tout ce qui en nous offenserait ces vertus serait une violation de notre service ; on aurait alors l'impression que nous avons un autre maître, qui exige de nous une autre mentalité (Cf. L’Épître aux Éphésiens 123).

6 – A l’origine, Adam est né de Dieu. Dieu avait séparé le chaos et quand Adam naquit de Dieu, cela se fit totalement dans la lumière. C’est Dieu seul qui le créa, Adam n’eut aucune part à cette naissance. Par le péché, l’homme a créé un second chaos. Maintenant il ne peut plus naître de Dieu sans sa collaboration, il doit y acquiescer lors du baptême. Depuis la chute, les hommes naissent dans les douleurs et quelque chose de cette souffrance est sensible aussi quand ils naissent de Dieu (NB 10,2041).

 

17e dimanche C (Gn 18,20-32; Col 2,12-14; Lc 11,1-13)

1 - Le Notre Père est un don du Seigneur pour tous les jours; on ne peut pas l'épuiser; et il est toujours capable de nous tenir éveillés dans notre foi (NB 5,29-30).

2 - Quand le Fils nous apprend le Notre Père, il nous montre sa manière d'aimer le Père, et il aime le Père avec l'expression et le contenu de l'amour qu'il a reçus du Père lui-même (Sur 1 Jn 3,22. Die Johannesbriefe 140).

3 - Demandez, vous obtiendrez; frappez, la porte vous sera ouverte (Mt 7,7). Si on frappe vraiment à la porte de Dieu, on ne sait pas ce qu'on va recevoir... S'en remettre totalement (NB 1/2,280-281).

4 - Quiconque reçoit, qui cherche trouve. Le Seigneur livre ici un secret du ciel. Il montre l'attitude Dieu vis-à-vis des hommes. Une attitude immuable, éternelle, par laquelle il révèle constamment sa disposition à accueillir ceux qui croient et ceux qui cherchent... Comme si Dieu conformait continuellement ses possibilités à celles des hommes... Dieu demeure prêt à les recevoir tels qu'ils sont et à se conformer le premier. Ils peuvent donc d'abord rester eux-mêmes, puis Dieu, en les accueillant, les formera... - Avec Dieu, ce qui est personnel est pris en considération... Dieu est assez libre et assez puissant pour s'y conformer afin de le façonner ensuite selon sa volonté. Sa vérité, sa doctrine, son Église auront de la place pour ceux qui ont la vie facile et pour ceux qui ont des difficultés. Bien que Dieu soit unique, sa volonté d'adaptation est infiniment variée... Qu'ils viennent à lui avec le sentiment de faire la chose la plus naturelle du monde. Qu'ils ne pensent pas qu'il leur faut tout mettre sens dessus dessous pour être de bons chrétiens. Qu'il leur faut se transformer radicalement pour devenir peu à peu dignes de Dieu. Dieu s'occupera lui-même de la dignité. Il leur suffit de venir, de rester simples, sachant que dans la simplicité toutes les voies sont ouvertes (Sur Mt 7,8. Le Sermon sur la montagne 214-215).

5 - Beaucoup de demandes seront adressées au Père au nom du Fils, et le Fils ne les appuiera pas. Il n'appuiera aucune demande égoïste, se cachant sous le manteau du Fils. Il n'appuiera pas la demande de ces pécheurs qui, détournés de Dieu, se souviennent il est vrai de la prière, mais l'exercent en dehors de la foi et de l'amour comme une formule magique (Sur Jn 16,20. Jean. Le discours d'adieu II,177).

6 - Prenons l'exemple de quelqu'un qui croit que Dieu est son Père. Il examine comment les pères s'occupent de leurs enfants, combien les parents aiment que leurs enfants leur demandent quelque chose pleins de confiance et de reconnaissance, et comment ceux-ci acceptent, sans faire de manières, les dons qui leur sont faits. Alors il demande à Dieu : donne-nous notre pain de ce jour. Il lui demande tout ce dont sa famille et lui-même ont besoin. Il connaît ses besoins, et sa prière est fonction de ceux-ci. - Quelqu'un d'autre peut aller plus loin et implorer la foi de personnes qu'il ne connaît pas du tout. Il essaie aussi de prier pour que la volonté de Dieu se fasse dans des situations qu'il ne connaît pas et qu'il n'a absolument pas besoin de formuler. Dans la prière, plus on s'éloigne de ses idées et de ses besoins, plus on s'approche du domaine de Dieu; on franchit les limites de son propre domaine pour entrer dans les idées et les besoins de Dieu (Choisir un état de vie 143).

7Vas-tu vraiment faire périr l'innocent avec le coupable ? (Gn 18). L'intercession d'Abraham pour les justes de Sodome est le premier grand exemple, et reste le modèle, de la prière de demande. Elle est aussi humble qu'insistante. Elle progresse à petits pas : de cinquante justes qui suffiraient pour empêcher la destruction de la ville, à quarante-cinq, à quarante, à trente, à vingt, à dix. Le demande ne peut finalement pas être exaucée, parce que même ces dix font défaut ; pourtant le récit ne peut être compris que comme une incitation pour les croyants à pénétrer dans le cœur de Dieu aussi loin qu'il le faut pour que la compassion qui est en lui commence à se répandre. Dieu peut se laisser "retourner". L'homme qui se tient dans l'alliance avec Dieu a reçu de Dieu pouvoir sur le cœur divin (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, 111).

8 – Dans la parabole de l'homme qui, à minuit, réveille son ami endormi et lui demande trois pains, il faut que l'homme se fasse importun pour obtenir ce qu'il demande. Avec Dieu, ce n'est pas l'indiscrétion qui est nécessaire, mais la constance dans la demande, la recherche, les coups frappés à la porte, afin que Dieu le Père ouvre à ses créatures. Dieu ne dort pas, il est prêt à "donner l'Esprit saint à ceux qui le demandent", mais il ne gaspille pas ses dons les plus précieux à ceux qui ne les désirent pas ou ne les demandent qu'avec tiédeur ou négligence. Ce que Dieu donne, c'est son propre amour ardent, et celui-ci ne peut être reçu que par ceux qui en ont une vraie faim. "Si nous demandons quelque chose à Dieu selon sa volonté, il nous écoute" (Cf. Ibid. 111-112).

9Quand nous, les hommes, nous tentons, dans la foi, d’entrevoir quelque chose du Père, il nous faut choisir pour chemin le Fils ; le Fils qui est visible dans la nouvelle Alliance, uni au Père et à l’Esprit dans l’ancienne Alliance, mais qui vit aussi avec le Père et l’Esprit dans l’éternité, avant la création. La création du monde n’a pas altéré l’essence du Père. Celui-ci nous a produits et s’est en même temps révélé à nous. Mais il était de toute éternité celui qu’il devint pour nous dans le temps : le Dieu qui confère l’existence, l’Origine qui se manifeste elle-même dans ce don. Ce qu’il devint pour nous dans le temps, il l’est éternellement pour le Fils. Le Fils nous a enseigné la prière du Notre Père. C’est sa prière, la prière qui révèle sa position vis-à-vis du Père, une prière qui ne renvoie pas seulement à un Père comme celui qui se donne à nous aujourd’hui, à l’intérieur de la nouvelle Alliance, mais au Père tel qu’il est de toute éternité (La face du Père 8-9).

10 - Seigneur, apprends-nous à prier. Si celui qui prie est un vrai croyant, conscient de la signification de ses actes, il sait qu’il parle en présence de Dieu ; il laisse sa parole atteindre son interlocuteur, il est pénétré par le fait que celle-ci est entendue, comprise, et qu’elle produit un effet sur Dieu. Ainsi , saisi par la grandeur et la Toute-Puissance de Dieu, il lui faut s’abaisser ; il dirige son regard ébloui vers une lumière trop intense. Soudain, il perçoit confusément ce qu’est la vie de Dieu. Peut-être commencera-t-il par ne percevoir que cette vie par laquelle Dieu gouverne le monde, le dirige et, dans sa providence, en ordonne le cours ; puis il comprendra plus profondément la vie éternelle comme amour intérieur, trinitaire, fait d’échange mutuel. Une vie procédant de l’amour même… S’y introduire, s’y mêler par la parole, cela lui paraît déplacé. Mais il y a été invité ; c’est pourquoi il doit demeurer dans cette attitude de prière aussi longtemps que Dieu le jugera nécessaire (L’homme devant Dieu 18).

11Pardonne-nous nos péchés. Dieu se tourne constamment vers les hommes et les voit sans cesse pécheurs devant lui. On pourrait penser que Dieu forme de cet état de fait récurrent un système permanent où chacun de nos péchés possède sa place précise dans sa colère. Mais ce n’est pas ce qu’il fait. Il ne nous traite pas selon nos péchés ; il ne les prend pas comme point de départ et comme étalon pour son propre comportement, il ne fait pas peser sur sa miséricorde ce rétrécissement et cette limitation. Il ne cesse de submerger la mesure de nos péchés dans la démesure de son pardon. Le Père ne veut pas du tout nous quereller, le Fils n’a pas besoin de passer d’abord par la croix pour le faire changer de disposition; c’est seulement dans la démesure de son amour qu’il veut souffrir pour nous, expier pour nous. La croix est la révélation de l’infinie volonté d’amour du Père (Dix-huit psaumes 191).

12 – Si la foi de l’homme est faible, il verra avant tout en Dieu un appui et lui soumettra ses petits problèmes personnels. Mais plus il croit, plus il est ancré dans la confiance et l’amour, plus sa demande devient impersonnelle, non pas qu’il se désintéresse de ce qui lui est propre, mais parce qu’il doit le vivre au service de Dieu, et que tous ses besoins sont dans une dépendance de la volonté de Dieu. Toutes ses demandes, d’une certaine manière, rencontreront la volonté de Dieu. Il emploiera toute sa force de prière à implorer Dieu de faire sa volonté divine, à prendre pitié du monde et de l’Église pour qu’ils se soumettent toujours davantage à sa volonté et sse placent au service de ses intentions (Le monde de la prière 191-192).

13 – Quand le Fils nous apprend à prier, nous mettant sur les lèvres ces paroles lourdes d’éternité qu’il prononce lui-même pour que nous les répétions, ce sont dans notre bouche des paroles évanescentes, mais qui s’adressent au Père éternel : chacune d’elles devient un pont jeté entre le temps et l’éternité. "Que ta volonté soit faire sur la terre comme au ciel". La volonté du Père est divine et éternelle. Le Fils sait que la volonté du Père peut se faire ici-bas. Et, dans le cadre de son savoir de voyant, il nous convie à inviter cette volonté à se faire sur la terre, à offrir celle-ci au Père pour demeure. Le Père a créé cette terre et l’homme y habite ; mais nous, pécheurs, nous nous sommes détournés de lui. Le Fils nous convie à retourner vers le Père, à lui assurer que nous voulons faire sa volonté, pas simplement en tant qu’individus. Nous invitons le Père à faire aussi sa volonté dans l’Église. L’Église, comme chaque chrétien, doit devenir un lieu du Père, un lieu pour la volonté immuable de Dieu au sein du temps transitoire (Cf. Les portes de la vie éternelle 33-35).

14 - Prière du matin. Père du ciel, tu as séparé le jour de la nuit, afin que l’un et l’autre soient pour nous un rappel et une joie : un rappel à ne pas t’oublier, une joie de te servir en tout. - Que ce jour qui commence t’appartienne lui aussi. Qu’il soit un jour de ton Église, un jour de tes enfants. - Ce jour est encore tout neuf, et tout semble pouvoir y prendre forme. Nous savons qu’il est à toi, car c’est toi qui l’as créé, et qu’il nous en faut faire, dans l’obéissance, un jour choisi, un espace où tu puisses toujours et partout faire ta demeure, un espace que tu remplis, mais où tu nous demandes aussi de servir la mission que tu nous confies. - Rends-nous purs, inspire-nous de bonnes résolutions et accorde-nous de faire d’un cœur joyeux tout ce que réclame notre service. - Fais-nous accepter tout ce qu’apportera cette journée comme venant de ta main. Avec reconnaissance et avec joie, fais que nous y participions intimement et en fassions ce que tu as prévu. - Fais-nous vivre de ton amour, fais qu’il agisse en nous, et qu’avec ton Fils nous te présentions notre labeur quotidien, pour qu’il soit accompli dans ton Esprit. Amen (Cf. Sur la terre comme au ciel 7-9).

15 – Adrienne a vingt ans. Une femme (à l’hôpital psychiatrique) lui dit qu’elle a perdu Dieu. Adrienne lui répond : On ne peut pas perdre Dieu, parce que c’est lui qui nous trouve et non pas nous qui le trouvons (NB 7,71).

16 - Tout homme peut chercher Dieu avec la certitude que Dieu se laissera trouver si l’homme le veut sérieusement. L’acte de la recherche est divisé en deux : une part revient à Dieu qui reste accessible, une part à l’homme qui a le droit de chercher. Mais les hommes n’utilisent pas la possibilité qu’ils ont de chercher. Ils n’interrogent pas Dieu. Dieu est là, mais personne ne vient à lui (Sur Is 65,1. Isaias 209).

17 – Dieu nous trouve avant que nous le cherchions (NB 6,434).

18 – Il est plus difficile pour nous en quelque sorte de parler avec le Père qu’avec le Fils parce que le Fils est devenu homme. C’est pourquoi le Fils facilite pour nous la conversation avec le Père. Et de même la Mère facilite notre conversation avec le Fils même quand elle n’est pas mentionnée explicitement dans notre prière (NB 11, 33-34).

19 – La vie éternelle s’oppose en l’homme à son attachement à la vie passagère. La tentation se situe dans le choix entre la vie éternelle et la vie présente. La conscience de la tentation favorise la croissace de la grâce. Dans la tentation, il y a une expérience et une maturation qui sont vécues. De même que les exercices physiques développent les muscles, l’âme se fortifie en vainquant la tentation qu’elle traverse (Sur Jc 1,12. Die katholischen Briefe I,49-51).

20 – Quand le Fils nous apprend le Notre Père, il nous montre sa manière d’aimer le Père, et il aime le Père avec l’expression et le contenu de l’amour qu’il a reçus du Père lui-même (Kostet und seht 418).

21 – L’homme peut crier, comme Dieu aussi crie. Mais le cri de l’homme sonne creux ; s’il veut que son cri soit entendu, il doit demander à Dieu le contenu qu’il doit avoir. Dieu répond à toute vraie demande (Sur Is 40,1-8. Isaias 36).

22 – La pénitence chrétienne est un grenier d’où la prière peut sans cesse tirer de nouvelles forces (Lumina 44).

23 – Il nous est donné la possibilité meurtrière de réduire Dieu au silence par nos interminables bavardages pendant la prière (HUvB, AvS et sa mission théologique 353).

24 – Pour les chrétiens qui suivent vraiment le Christ, la prière commence quand ils ne peuvent plus prier. C’est le tremblement de terre, comme à la croix (NB 3,209).

25 – Dans l’Ancien Testament, la prière n’a pas encore été pré-priée par le Fils dans le Notre Père. Elle est donc pour une part une prière individuelle, détachée de la personne du Christ qui prie de manière essentielle dans le chrétien ; pour une part aussi, elle est une prière générale, perdue en quelque sorte, parce que le juif souvent ne connaît pas bien le Dieu qu’il adore ; il ne le connaît pas encore dans le Fils qui réduit la distance et abolit en lui sur la croix les facteurs d’aliénation (Themenheft 18).

26 – Dieu accorde tout ce que demande celui qui désire quelque chose dans son esprit. Il le donne toujours, mais avec une extension gracieuse, comme il a décidé de le faire dans son vouloir divin, à sa manière, qui ne correspond peut-être pas à la manière de celui qui prie. Mais si celui qui prie est humble et qu’il désire sérieusement la volonté du Père, il sait que c’est dans l’amour du Fils qu’il reçoit ce que le Père lui accorde (Sur Jc 4,3. Die katholischen Briefe I,187).

27 – Pour les apôtres, au mont des oliviers, la prière n’est pas encore un acte comme de se lever et de le suivre. Il est plus facile pour eux de se lever et de le suivre que de prier ; Jésus leur demande de prier avec lui, et ils s’endorment. Deux fois (Sur Mt 26,46. Passion nach Matthäus 59).

28 – D’une manière habituelle, nous nous prenons tellement pour la mesure des choses que notre sens de Dieu est presque éteint. Mais Dieu ne perd pas son sens de l’homme et il nous cherche pour nous prendre auprès de lui en nous donnant son sens et son Esprit Saint, pour nous convertir à lui, pour nous rendre plus aptes à recevoir ses dons, plus aptes aussi à le prier et à être introduits dans l’échange éternel entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint. Dans son échange d’amour, Dieu a une place pour le priant : celui-ci n’a qu’à entrer pour être exaucé et accueilli (Sur Lc 11,11-13. Gleichnisse des Herrn 140).

29 – Qui prie par amour ne priera pas avec calcul ; c’est pourquoi jamais il ne priera pour obtenir une expérience mystique ; il prie parce qu’il aime Dieu, qu’il voudrait faire la volonté de Dieu et être auprès de lui (NB 6,63).

30 – Dans la prière, on commence peut-être par saluer Dieu, on invite les saints, les anges, la Mère de Dieu, à être présents et à permettre qu’on ait part aussi à leur prière. Et si c’est une prière contemplative, on s’approche peut-être de Dieu et on réfléchit à la manière dont Dieu nous parlera, à ce que cela veut dire adorer Dieu (NB 10,2051).

31 – Dans la plus simple prière, Dieu peut tout à coup faire découvrir une profondeur toute nouvelle, et on ne pourra plus jamais redire cette prière sans penser à la lumière reçue un jour. Le Notre Père est un don du Seigneur pour tous les jours, on ne peut pas l’épuiser, il est toujours capable de nous tenir éveillés dans notre foi (NB 5,29-30).

32 – Quand je prie, je parle avec Dieu ; il entend et reçoit mes paroles dans le sens de la foi, c’est-à-dire avec une dimension que j’ignore. Et cela non seulement parce que Dieu traduit ma prière dans le sens et la langue de son éternité, mais aussi parce que je prie dans la communion d’innombrables croyants qui peuvent mieux prier que moi, qui ont des relations plus intimes avec Dieu et qui ont pour ainsi dire habitué Dieu à entendre des prières de plénitude. Pour ces deux raisons, les paroles de ma prière n’ont pas besoin d’être identiques à ce que Dieu entend. D’autre part je sais, dans la foi, que mes paroles arrivent jusqu’à Dieu ; il les entend et il y répond dans le silence selon qu’il le juge bon. Et si ma prière avait un but précis – pour quelqu’un d’autre par exemple -, j’ai maintenant déposé mon désir entre les mains de Dieu. Je m’attends donc à ce que Dieu fasse quelque chose ; il est évident pour moi que celui que j’ai recommandé à Dieu ressentira de quelque manière que ce soit les effets de ma prière (NB 5,209).

33 – Le Fils est toujours en liaison avec le Père, il le voit. Par cette vision, il est fixé comme homme dans la zone du Père de sorte qu’il la saisit partout, mais que bien plus encore il est saisi par elle. Quand il prie, même quand il prie dans le plus extrême abandon, même dans le cri de la mort, il sait qu’il se trouve dans la zone du Père, peu importe qu’il perçoive ou non la réponse du Père ou que la zone du Père soit comme morte. C’est la zone d’activité du Père et aussi la zone des mérites des hommes parce que le Père accepte ces mérites et les utilise dans son œuvre propre (NB 5,225).

34 – Toute vraie prière veut ce que Dieu veut : l’union du monde avec lui (NB 10,2292).

35 – Pour Benoît Labre, la prière est aussi naturelle et aussi simple que le sommeil ou le manger pour un homme en bonne santé (NB 1/1,201).

36 – Pour Thomas a Kempis (+ 1471), prier est plus important que de manger ou de dormir (NB 1/1,109-110).

 

18e dimanche A (Is 55,1-3; Rm 8,35.37-39; Mt 14,13-21)

1 - Cinq pains et deux poissons. Plus de pain que de poissons, comme c'est le cas probablement dans un repas ordinaire. Les cinq pains et les deux poissons étaient prévus pour le repas de quelques personnes. Il ne s'agit certainement pas de  restes.Ce sont sans doute les provisions des disciples pour le repas du Seigneur et le leur. Il n'est pas prévu qu'une multitude en soit rassasiée. Comment cela serait-il possible? Les disciples font simplement savoir ce qu'ils possèdent. A la brièveté de leur réponse, nous reconnaissons que toutes nos réponses chrétiennes à la parole du Seigneur se trouvent dans un rapport analogue à celui qui s'établit entre cette parcimonie et une plénitude infinie. Le contenu de ce que nous possédons de chrétien est sans rapport avec ce que le Seigneur nous offre (Sur Mc 6,37-38. Cf. Saint Marc 307).

2 - Il rompit les pains. Il donne les pains et les poissons à partager : on ne voit d’abord rien d'une multiplication. Mais il a été question de bénédiction : le miracle procédera de cette bénédiction. La bénédiction telle qu'il la donne montre qu'il reconnaît les auditeurs comme les siens, qu'il se sent obligé à leur égard, qu'il contracte avec eux un lien qui n'aura pas de fin. C'est étonnant que l’évangéliste ne rapporte rien sur la multiplication elle-même, comme s'il craignait de montrer tout le contour de la grâce. Le miracle lui-même reste non mentionné, comme la grâce à jamais incommensurable (Sur Mc 6,41. Cf. Ibid. 310-311).

3 - Au nombre de cinq mille hommes. Essayons d'abord de nous représenter ce nombre. Quelles dimensions devrait avoir une église pour les contenir! Tous ont profité de la grâce du Seigneur. Bien plus : ils ont coopéré, dans la mesure où, par eux, la nourriture a été produite pour d'autres. Ils sont participants non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour donner à leur tour. Avec les restes, ils ont coopéré à la surabondance de grâce, sans le savoir. Là où agit la grâce du Seigneur, elle agit aussi à travers ceux qui y participent (Sur Mc 6,44. Cf. Ibid. 310-311).

4 – Depuis Cana - la première révélation publique de Jésus - l'homme a trop peu, et Dieu lui offre trop. Il n'y avait plus de vin, et puis il y en a en surabondance. Ici, cinq pains, et après le rassasiement de milliers de personnes, douze corbeilles avec les restes. Le paradoxe matériel n'est qu'un signe. Paradoxe que Dieu devient pauvre pour nous enrichir tous de sa richesse inconcevable : pauvreté de l'homme et richesse de Dieu. La gratuité de la grâce rassasie la faim insondable de l'âme (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 111-112).

5 - Tout amour est vulnérable et sans défense (Kostet und Seht 307).

6 – La vie essentielle de l’homme, c’est la vie devant Dieu, en liaison avec Dieu, en alliance avec Dieu (Sur Is 55,1-5. Isaias 115).

7 – Des gens simples, par exemple une jeune femme tracassée, chagrinée, qui va à l’église, recevra certainement de Dieu consolation et joie. Pour les membres des ordres religieux, il en va autrement bien sûr. Au début, ils sont pleins d’enthousiasme ; cet enthousiasme se refroidira certainement un jour, ils courront alors le danger de faire des réductions dans l’offrande parfaite. Pour eux, des temps de sécheresse doivent venir qui seront tout à la fois de leur faute et un moyen d’éducation voulu par Dieu pour les sevrer (NB 8,268).

8 – Aucun chrétien ne peut vivre que de la joie de la résurrection, aucun ne peut vivre que de l’illumination de la Pentecôte. La nuit fait partie intégrante du parcours chrétien. La nuit, c’est quand on ne sait plus que le Seigneur en dispose et qu’il y aura encore un jour de la lumière (NB 9,1736).

 

18e dimanche B     (Ex 16,2-4.12-15; Ep 4,17.20-24; Jn 6,24-35)

1 - Vous me cherchez. Ils cherchent le Seigneur bien qu'ils soient devant eux et l'aient trouvé. Un côté de son être sera toujours l'objet d'une recherche, même si on l'a déjà trouvé. Ici cela ne veut pas dire : qui cherche trouve, mais : qui cherche, devra chercher éternellement. Celui qui reconnaît le Seigneur devra le chercher comme le Toujours-plus-grand. Celui qui a commencé à le chercher se trouve pris dans un mouvement qui, en ce monde, ne cessera plus, parce que c'est le mouvement vers Dieu; de ce fait il reste ouvert et s'ouvrira toujours plus aux possibilités divines toujours plus grandes (Sur Jn 6,26. Jean. Les controverses I, 30-31).

2 - L’œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. L’œuvre de Dieu comporte deux éléments : ce que Dieu fait et ce que nous devons faire. L'union des deux, c'est la foi, qui cependant a son origine en Dieu. Dieu éveille en l'homme la foi en son Fils. Et l’œuvre que nous avons à accomplir  n'est rien d'autre que cette œuvre de Dieu : croire en son Fils. Et la foi va agir en l'homme de manière que tout le reste en découle : aussi bien l'amour que l’œuvre. La foi sera si puissante qu'elle devient l'origine de toute chose (Sur Jn 6,29. Ibid. I,36-37).

3 - Qui vient à moi n'aura jamais faim. Tout d'abord cette parole signifie que quiconque est dans le péché ne peut véritablement croire ni s'approcher du Seigneur. Peut-être tente-t-il de croire, s'efforce-t-il d'avancer. Mais ces tentatives n'aboutissent pas et, en ce sens, elles éveillent une faim et une soif humaines à l'intérieur du péché. L'accomplissement de la foi et de la marche vers le Seigneur ne se réalisera qu'au ciel pour la plupart des hommes. Car c'est là seulement qu'ils seront délivrés de leur péché (Sur Jn 6,35. Ibid. I,41).

4 – Des cailles et de la manne dans le désert : le souci suprême de Dieu n'est pas de garder ses mortels un peu plus longtemps en vie mais, comme Jésus le dira, de leur donner le pain céleste pour la vie éternelle. La miraculeuse multiplication des pains dans l'évangile est passée. Les hommes courent maintenant après le thaumaturge pour être à l'avenir nourris par lui. Exactement comme la Samaritaine au puits de Jacob : "Donne-la moi cette eau-là, afin que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à passer ici pour puiser" (Jn 4,15). Cela aussi est humainement compréhensible. Jésus leur enjoint de "travailler" à autre chose : à gagner la nourriture pour la vie éternelle, ce qui sera évidemment une action de Dieu. Ce qu'il faut faire ? L’œuvre de Dieu est que l'homme croie au lieu de produire, qu'il s'abandonne. La faim spirituelle n'est plus apaisée par rien d 'autre que par la réception croyante de Jésus, que Dieu envoie au monde comme le pain du ciel, le vrai. Le croyant, lui aussi, devra agir, mais uniquement à cause de la foi. La foi est un abandon parfait à Dieu qui réalise, elle n'est pas une réalisation humaine (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 112-113).

5Mais vous, ce n'est pas de cette manière que vous appris le Christ (Ep 4,20). Paul sépare nettement les siens des incroyants. Il sait que les siens ont appris à connaître le seigneur, qu'ils l'ont reçu avec son être et sa doctrine, de sorte qu'il vit en eux et qu'il se développe pour ainsi dire à partir de l'intérieur d'eux-mêmes. On pourrait comparer leur accueil du Seigneur à l'assimilation d'un médicament par le corps. Le médicament produit son effet, déploie ses propriétés en transformant et en stimulant toutes les parties du corps avec lesquelles il entre en contact. L'apprentissage du Seigneur a sur l'homme un effet si décisif qu'à partir de ce moment le croyant ne peut que le reconnaître en vertu de la foi. Les païens aussi acquièrent de nouvelles connaissances. Le païen domine ce qu'il a appris parce qu'il en fait une fonction de lui-même. Le chrétien se trouve en dessous et à l'intérieur de ce qu'il a appris. Il sait que ce qu'il a appris est plus grand que lui et il est reconnaissant de ce que cela le dépasse et l'entoure. Chez les païens tout tend à enrichir leur propre personne, est mis au service de leur plaisir et de leur satisfaction. La pensée ultime du chrétien est le service du Seigneur (Cf. L’Épître aux Éphésiens 151-152).

6 - Jean ne veut plus voir et entendre que dans le Seigneur. "Ce que nous avons vu et entendu" : Jean ne parle plus comme un homme naturel, mais en tant que chrétien qui a part à la vie surnaturelle, qui est transporté dans la vie du Fils et qui a renoncé à tous ses sens propres pour l’amour du Fils ; non pour que le Christ voie et entende avec les yeux de Jean, mais pour qu’à l’avenir Jean ne voie et n’entende plus que dans le Christ, qu’il ne voie plus qu’avec les yeux du Christ et n’entende plus qu’avec les oreilles du Christ. Jean saisit tellement le Seigneur avec les sens du Seigneur qu’il est lui-même comme un aveugle et un sourd ; finalement, et irrévocablement, il ne veut plus voir ni entendre autrement que dans le Seigneur (Sur 1 Jn 1,3. Die Johannesbriefe 11).

7 – Dans la foi, il nous est permis de participer à tout ce qu’on aime, à tout ce qui nous intéresse, et ce tout en Dieu c’est le monde entier parce que Dieu aime tous les hommes ; par la foi, sur terre, on peut passer du particulier au tout, ; par exemple, par celui qu’on aime, on passe à tous ceux qui aiment ; par quelqu’un qui souffre à tous ceux qui souffrent ; par quelqu’un qui est joyeux à tous ceux qui sont joyeux (NB 10,2065).

 

18e dimanche C (Qo 1,2; 2,21-23; Col 3,1-5.9-11; Lc 12,13-21)

1Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ? Jésus fait la distinction entre l'avoir et l'être. L'être est la vie et l'existence de l'homme, l'avoir est la fortune plus ou moins grande qui lui permet de continuer à vivre. L’avertissement est simple : l'homme ne doit pas faire du moyen le but, ni identifier la signification de son être avec l'augmentation de ses moyens. L'absurdité de cette identification ne saute aux yeux que si l'on ne considère pas seulement la mort de l'homme, mais qu’il doit répondre de sa vie devant Dieu. En présence de Dieu, ce qui importe, ce n'est pas la quantité de l'avoir, mais la qualité de l'être. "Là où est ton trésor, là est ton cœur" (Mt 6,21). Si Dieu est notre trésor, nous devons être aussi intimement convaincus que la richesse infinie de Dieu consiste dans son don d'amour et son dépouillement de soi, donc qu'elle est le contraire de toute volonté d'avoir. Dans le souci constant de l'éphémère se trouve une contradiction qui se renouvelle à chaque génération et montre ainsi clairement la vanité de toute volonté terrestre d'avoir. La vérité de notre être se trouve dans le Christ. Il est "notre vie". Car tout ce que nous sommes en Dieu et pour Dieu, nous ne le devons qu'à lui, en qui sont cachés tous les trésors. (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 113-114).

2 – Dieu a créé le temps sans porter le moins du monde atteinte à l’existence de l’éternité. Le temps éphémère s’écoule en face d’une éternité intacte. Quand, au paradis, Dieu rendait visite à l’homme, quand, dans l’Ancien Testament, il se faisait connaître par la voix des prophètes, quand il envoya son Fils, quand il répandit son Esprit, il révélait par là la relation vivante du ciel à la terre. Depuis toujours, le temps était sous la mainmise de l’éternité. La relation de l’homme au ciel fait partie du domaine intangible de l’éternité. Le croyant sait donc que sa sphère de vie à lui est placée devant la sphère de vie de l’éternité, que Dieu non seulement souhaite la rencontre, mais qu’il la réalise. C’est par l’éternité que l’éphémère reçoit son sens : la mort devient l’accès de l’homme auprès de Dieu. Et le croyant ne peut pas attendre la mort physique pour donner à sa vie cette valeur fondamentale (Cf. Le mystère de la mort 33-34).

3 - Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu : cela veut dire que moins encore que le Fils nous connaissons notre heure. Demain et tout notre avenir nous sont cachés parce qu’ils se trouvent inclus dans le secret du Fils. Nous ne sommes pas des marionnettes aux mains d’un étranger. Nous sommes des vivants qui vivons de la vie du Seigneur, capables avec lui d’accomplir la volonté du Père. Si la vie du Fils lui-même, qui était pleinement soumis à la volonté du Père, est demeurée cachée en Dieu, nous n’aurons pas la prétention de vouloir tout connaître de la nôtre. Rendre grâce seulement parce que notre vie a un sens dans le Christ qui est assis à la droite du Père (Sur Col 3,3. Der Kolosserbrief 88).

4 – Le Fils de Dieu s’est présenté aux hommes de telle manière que même si un homme tourne le dos à Dieu, il le voit devant lui et il doit marcher vers lui. Le Fils de Dieu s’est placé à l’autre bout du chemin, si bien que le pécheur, même s’il ne le sait pas et ne le veut pas, doit aller vers Dieu. L’incarnation ne veut pas dire que le Fils circule plus ou moins sans but parmi les hommes, mais qu’il s’est consciemment placé en face de l’homme de telle sorte que, dans tous les cas, il est le bout du chemin. Sa faculté divine d’omniprésence, il l’a utilisée dans l’incarnation pour être partout où aboutit un chemin humain. Même ceux qui ne veulent pas, même ceux qui pensent qu’ils se sont éloignés sans condition et détournés définitivement, même eux le rencontreront avec certitude sur leur voie parce qu’il ajustement choisi comme emplacement le lieu imprévu, le lieu renié et rejeté (Kostet und seht 552).

5 – La foi inclut toujours qu’on est prêt aussi à la transmettre (Sur 1 Jn 4,2. Die Johannesbriefe 148).

6 – Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. Le retour du Seigneur dans la gloire est un événement qui a beaucoup plus de sens que le croyant ne peut le savoir. Toutes les vies que nous connaissons sont vouées à la mort. Dans le Christ est la plénitude de la vie éternelle qu’il partage avec le Père et l’Esprit, et à laquelle il nous convie (Sur Col 3,4. Der Kolosserbrief 88-89).

7 – Il y a quantité de discussions, de conférences, sur des questions religieuses. Mais partout on se cherche beaucoup plus soi-même que le Seigneur. On est très amical les uns avec les autres, on a tous les égards possibles, mais l’ultime arrière-pensée, ce n’est pas Dieu, c’est d’imposer sa propre tendance (NB 9,1380).

8 – Plus grande est notre innocence, plus grande est notre ouverture sur tous les aspects de la Révélation de Dieu et des choses du ciel (NB 5,189).

9 – Les trois vœux de religion : tout homme les professe en naissant et en mourant. Sa naissance : 1/ On lui impose de naître. 2 /Il naît nu. 3/ Et pauvre. - Sa mort : 1/ On ne lui demande pas s’il veut mourir. 2/ Il quitte tous ses biens. 3/ Y compris sa femme (Cf. NB 11,346-347).

 

19e dimanche A (1 R 19,9.11-13); Rm 9,1-5; Mt 14,22-33)

1 - Jésus dans la montagne pour prier. Il retourne pour un temps dans la solitude, la solitude de sa vie éternelle trinitaire. Non que son humanité signifierait une séparation de l'Esprit et du Père, mais malgré tout sa prière est un retour. Un retour dans lequel Dieu le Fils emmène également l'homme qu'il est, à la place qu'il a dans la Trinité en tant que Dieu le Fils. Lors de la guérison de la perte de sang, il disait qu'une force était sortie de lui. Dans tous ses actes, il s'engage et laisse ses dons lui coûter. Mais dans la prière, il retrouve ce qu'il a perdu dans l'action (Sur Mc 6,46. Cf. Saint Marc 314).

2 - Ils crurent que c'était un fantôme. Du bateau, les disciples voient quelqu'un venir vers eux, toujours plus proche, plus net et plus inconcevable. Dans cette dimension toujours plus incompréhensible de sa proximité se trouve quelque chose qui peut avoir du sens pour nous. Plus nous appartenons au Seigneur, plus nous nous tenons près de lui, plus nous voyons nettement la différence entre Dieu et nous. Nous nous débattons, nous avons le vent contraire. Le Seigneur fait ce que nous ne pouvons faire, il se rapproche de nous par un chemin que nous tenons pour impraticable (Sur Mc 6,50-51. Cf. Ibid. 317).

3 - Courage, c'est moi, n'ayez pas peur. D'abord le courage. Il est exigé par le Seigneur. Mais il ne peut l'exiger que lorsque le courage a un sens, quand il peut s'enraciner dans une confiance en lui. Cette confiance, c'est lui qui la fonde en ajoutant : "C'est moi". Simplement moi. Cela suffit. Lui seul est le motif. Parce que c'est lui, ils doivent prendre courage. Il se trouve un profond mystère dans le fait que le Seigneur a vu l'angoisse et l'enlève provisoirement. Il entreprend quelque chose contre elle, et l'on ne sait pas ce qu'elle deviendra (Sur Mc 6,50-51. Cf. Ibid. 319).

4 – Jésus qui marche sur les eaux, Jésus qui permet à Pierre d'en faire autant, puis sa puissance souveraine sur le vent et les flots : tout cela montre à ses disciples combien il est élevé au-dessus de leur humanité, sans pourtant être un fantôme. Il est simplement un homme comme eux, c'est ce que prouvera irrésistiblement sa passion, mais il l'est dans un libre vouloir qui révèle son origine divine. Il peut appartenir à sa mission de dévoiler sa divinité, mais il appartient à cette même mission de la voiler le plus souvent (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 113).

5 – Dès qu’Élie arrive au mont Horeb, il perçoit la voix de Dieu. Dieu reprend le dialogue, cela veut dire qu'il impose à nouveau à Elie sa mission. Dans la rencontre du prophète avec Dieu, il y a quelque chose de définitif. Elie est en quelque sorte le dernier homme sur qui Dieu peut compter. Et Dieu donne un ordre à Élie : il doit sortir de la grotte, il faut qu'il fasse l'expérience immédiate de Dieu. La grotte n'est pas le lieu où Dieu peut se montrer à son serviteur. Et Elie sort, sans faire de commentaires. Il doit sortir pour rencontrer Dieu qui veut le rencontrer. Puis surviennent les signes qui sont autant de présages : l'ouragan, le tremblement de terre, le feu. On ne dit pas quelle est la peur d'Elie durant ces événements. A l'intérieur de ces menaces se cache la bonté de Dieu. Puis survient une brise légère, et le prophète se voile le visage. Cette rencontre n'a pas lieu sous forme de vison, car Dieu ne s'est pas encore fait homme. Il ne se montre pas, il est dans la brise légère. Le prophète n'a pas reçu d'autres directives que celle d'être présent. Mais il sait qu'il doit voiler son visage, que la vision serait insupportable. Il laisse Dieu passer devant lui. Comme si Dieu devait le regarder de près pour le voir exactement tel qu'il est. Le prophète se tient là où Dieu l'a placé, il reconnaît sa présence, sans plus. Il a reconnu Dieu sur le champ, la plénitude de sa présence. Une seule rencontre de cette espèce suffit ; le prophète ne voudrait rien solliciter de plus. Mais c'est en même temps un signe de l'amour de Dieu pour son prophète (Cf. Élie 77-84).

6 – La mission d’Élie est avant tout celle de la vie contemplative. C'est dire qu'il est à tout instant ouvert à Dieu. Dieu parle. Élie doit écouter. Son écoute doit chaque fois répondre à la parole divine, permettre à Dieu de connaître l'ouverture du cœur d’Élie. Élie a un désir si fort d'exécuter la volonté de Dieu que cette passion engendre une disponibilité constante. Élie vit dans un monde qui a rompu les barrières terrestres, son contact avec Dieu est immédiat. Élie connaîtra cependant aussi la crainte. La crainte de Dieu, la crainte de la réponse à donner à Dieu, la peur pour sa propre vie. Il est constamment ballotté entre sa propre indignité et la puissance qu'il a reçue. Il est jeté de-ci, de-là pour servir Dieu et lui rendre témoignage dans l'adversité comme dans la prospérité (Cf. La mission des prophètes 52-54).

7 – Pour Élie, Dieu n’est pas dans l’ouragan, mais dans le doux murmure ; il se montre dans une telle douceur qu’elle reste incompréhensible à l’homme et ne trouve son explication que dans le fait que le Père, de sa communion avec le Fils et l’Esprit, vient jusqu’à l’homme. Il revêt la douceur du Fils et la délicatesse de l’Esprit pour se présenter au prophète ; et cette communication fait deviner un amour infini et réciproque où tout apparaît commun et interchangeable. Que le Père s’approche dans cette figure est déjà un rapprochement du Fils et de l’Esprit, propre à apaiser l’homme et non à l’effrayer (Cf. Le Dieu sans frontière 77).

8 - A l’intérieur de la révélation biblique s’accomplit un mouvement inverse de celui de l’homme qui cherche Dieu en transcendant le fini : c’est Dieu qui, de lui-même, veut rencontrer l’homme. Il est très significatif que Dieu ne se révèle jamais en réponse à la demande d’un homme, à son désir d’une révélation divine. Il va vers Abraham avec une promesse que celui-ci n’attendait nullement ; il va vers Moïse avec une tâche que celui-ci n’espérait pas, qu’il ne souhaitait pas, qu’il refuse même avec entêtement (au point que Dieu se fâche) ; il va vers Isaïe, à qui la vision de sa gloire fait crier : "Malheur à moi, je suis perdu" (Is 6,5), là encore avec une mission pénible et qui lui apportera force désagréments. Ce qui commence ainsi dans l’Ancien Testament se poursuit dans le Nouveau, quand Dieu rencontre l’homme en Jésus-Christ : s’il appelle des hommes à lui, c’est pour qu’ils le quittent, envoyés dans le monde entier, chargé d’une mission et des pouvoirs correspondants. L’expérience de rencontre qu’ils font sans nul doute, est point de départ et fonction de leur mission (HUvB, Quand Dieu rencontre l’homme, dans la revue Communio, novembre 1976, p. 11).

9 – Que le Fils parle ou se taise, il est toujours en conversation avec le Père ; le Père le comprend et il est d’accord avec lui. Le Fils voudrait nouer aussi avec le priant une union de ce genre. Qu’il parle ou qu’il se taise, qu’il remercie ou qu’il souffre, le priant doit être en accord avec lui. Être compris par le Seigneur et être aimé par lui est la constante de cette relation, c’est à elle que tient le priant pour être en bonne intelligence. Mas quand l’accord est-il parfait ? (Das Licht und die Bider 46).

10 – Pour apprendre à parler à un enfant, on commence avec des mots très simples. D’autres mots que l’enfant utilise, il les a empruntés à ses parents mais sans en comprendre le sens. Et la mère doit veiller à ce que l’enfant ne répète pas des syllabes vides de sens, mais qu’il emploie les mots avec leur sens juste. Le Fils apprend la langue des hommes pour leur montrer ce que leur langue veut dire exactement ce que les mots signifient en vérité, c’est-à-dire quelle vérité ils possèdent en Dieu. Sans doute y avait-il la langue de l’Ancien Testament, mais le Fils leur donne leur sens plénier. Un enfant peut apprendre comment on dit "amour" en russe et il peut décliner le mot. Mais il ne sais pas encore ce qu’est l’amour en vérité, il ne l’apprendra que beaucoup plus tard, longtemps après avoir utilisé le mot. Ainsi les concepts de l’Ancien Testament ne reçoivent que dans le Nouveau Testament leur sens profond (NB 6,158).

11 – Quand on médite longuement les choses à partir de Dieu, il peut y avoir le danger qu’on commence à vouloir tout exprimer en propositions vagues. On se trouve en train de "planer" et on ne doit pas s’attendre à ce que cette manière de voir et de penser puisse être suivie sans façon par les autres. C’est pourquoi, au cœur de la prière, je dois garder suffisamment de liberté et d’ouverture pour voir les hommes de manière réaliste afin de répondre à leurs attentes, et je dois surtout me garder de parler de Dieu avec "onction". Offrir certes aux gens une aide authentiquement chrétienne, mais sans faire de "discours pieux". On cherche à être en Dieu et on doit en même temps être près des gens. Se faire tout à tous. Garder humour et esprit. Personne ne doit avoir l’impression qu’il n’a pas accès à ce "monde sublime". Personne ne doit voir le sentiment que ceux qui prient sont emportés au loin par la prière. Rester naturel ! Et une fois qu’on a essayé d’aider les gens dans leurs problèmes, on portera ensuite ces problèmes au Seigneur dans la prière (NB 10,2093).

12 – Le présupposé pour entendre correctement la voix et le message de l’Esprit Saint est toujours la volonté d’être ouvert vis-à-vis de Dieu. Si tu t’es ouvert à l’appel de Dieu, à l’Esprit Saint, tu ne peux pas savoir ce que tu recevras comme réponse. Il y a dans le choix de Dieu une sorte d’absence de choix. Je choisis Dieu, mais lui me choisit dans un choix qui à mes yeux est du hasard. Je dis : "Ce que tu veux, Seigneur !" La réponse peut être tout autre que celle que j’attendais (Kostet und seht 298).

13 – Il est nécessaire de perdre pied à un moment donné pour trouver le Seigneur, pour être sauvé par lui (Cf. NB 5,77-80).

 

19e dimanche B (1 R 19,4-8; Ep 4,30-5,2; Jn 6,41-51)

1 - Tout l'amour du Père et toute la mission du Fils en ce monde se ramènent à ceci : que par le Fils les croyants participent à la gloire éternelle du Père. Que tous ceux qui se sont éloignés parce qu'ils ne voulaient pas rencontrer le Fils, ne voulaient pas croire en lui ni revenir à Dieu, que tous ceux-là soient malgré tout atteints par la mission du Fils, parviennent à la foi, trouvent l'amour et soient finalement ramenés à l'origine : au Père. Et cela en sorte que le Fils les ressuscite (Sur Jn 1,40. Jean. Les controverses I,47).

2 - Ne murmurez pas entre vous. Par cette parole, Le Seigneur ne rejette pas la critique comme telle, mais la critique qui murmure et se soustrait au dialogue. Tant que la critique est murmure, il lui est loisible de s'étendre secrètement, d'avancer peu à peu des affirmations, d’inventer des arguments qui s’éloignent toujours plus de la base objective d'une discussion. La critique fait bien sûr partie de la vie, mais elle doit garder l'honnêteté de laisser remonter jusqu'à la source (Sur Jn 6,43. Cf. Ibid. I,50).

3 - Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire... Le Seigneur réaffirme sa mission reçue du Père. Personne ne peut comprendre cette mission, sinon celui que le Père attire... Que les auditeurs ne croient surtout pas que c'est le Fils qui attire à lui et cherche à gagner des adeptes, car l'attirance ne se fait que par le Père... Celui qui va au Fils n'y parvient qu'en raison d'un désir du Père que celui-ci a suscité en lui. Personne ne peut arriver au Fils, personne ne peut trouver le Fils, sinon celui qui cherche le Père. Or le Fils facilite cette recherche en éveillant chez l'homme le désir de chercher; et c'est comme s'il aidait à la fois le Père à attirer les hommes, et les hommes à se laisser docilement attirer (Sur Jn 6,44. Cf. Ibid. I,51).

4 – Dans la première lecture nous recevons la merveilleuse image vétérotestamentaire qui annonce l'eucharistie. Le prophète Elie est au bout de ses forces physiques et spirituelles : tout ce qu'il a fait lui paraît vain, il ne désire plus que la mort. Alors lui est offerte au milieu du désert une merveilleuse nourriture : du pain cuit sur la braise et une cruche d'eau. Et le cadeau lui est imposé : il doit se nourrir sinon le chemin jusqu'à la montagne de Dieu serait pour lui trop long. Soutenu par cette nourriture, il peut marcher quarante jours et quarante nuits. Il se voyait à la fin ; la nourriture que Dieu lui offre le rend capable de faire de la fin un nouveau commencement. Non de son propre gré, mais dans l'obéissance. L'événement survenu au prophète doit nous aider à laisser apparaître comme non impossibles le don et l'exigence de Jésus (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 114).

5 – L'apôtre nous montre que nous ne sommes pas sans avoir de l'influence sur Dieu. L'Esprit de Dieu, qui au nom du Père et sur son ordre, a permis l'incarnation du Fils sur la terre, n'est pas seulement intimement lié à la destinée terrestre du Fils, il l'est tout autant à la nôtre. Et quand nous faisons un mauvais usage de la parole, nous montrons que nous ne comprenons pas sa sainteté et son rapport au Fils. En usant mal de la parole, nous outrageons d'une certaine manière le Fils et nous attristons ainsi l'Esprit Saint. En outrageant le Fils, nous attristons à la fois le Père et l'Esprit. Si nous attristons l'Esprit, nous renions en fait son œuvre et, à travers elle, l’œuvre du Fils en nous (Cf. L’Épître aux Éphésiens 160-161).

6 – Elie fuit l'hostilité de Jézabel. Elie a peur. Dieu ne protège pas ses serviteurs de manière à les délivrer de toute crainte. Elie sait bien, par sa prière, que Dieu est partout ; sa fuite ne pourra jamais être une fuite devant Dieu. Il fuit le mal. Mais comme tout fugitif, il fuit dans la peur et le découragement. Il supplie Dieu d'en finir. Lui-même en a assez. Elie avait obtenu un pouvoir sur la pluie, il n'en a aucun sur sa propre vie. Celle-ci appartient à Dieu. La prière qu’Élie lui adresse maintenant, à l'heure de l'humiliation, Dieu ne l'exauce pas. Il fait la sourde oreille. Pour l'instant Dieu n'accorde pas au prophète de voir sa mission dans sa totalité. Il le laisse dormir, reprendre des forces. Et tout à coup, l'ange est près de lui, qui le réveille sur l'ordre de Dieu et il lui dit de manger et de boire. Pour l'instant, Dieu n'a qu'une chose à lui dire : il doit se fortifier. Elie en déduit que sa mission n'est pas terminée, mais pour le moment elle est pour lui impénétrable (Cf. Élie 71-75).

7 – Dieu vous a pardonné dans le Christ. Que tout homme soit un pécheur, voilà qui est présupposé ; mais il n’est pas dit que le péché commis doive créer en l’homme un état permanent duquel naîtrait toujours une nouvelle faute. Il y a une fin au péché. Une fin qui se trouve dans le pardon. L’homme pardonné est un homme heureux. Le bonheur provient de celui qui pardonne, du Seigneur qui ne compte plus la faute. Mais c’est seulement si le pécheur se reconnaît coupable que le Seigneur peut pardonner. Et heureux l’homme dont le cœur est sans fraude dans cet aveu, parce qu’il avoue ouvertement, et même en aimant, et reconnaît son péché. L’homme est purifié par le pardon de Dieu. Par l’ouverture devant Dieu est opérée une nouvelle naissance (Cf. Dix-huit psaumes 111-112).

8 - Dieu a aussi doté le corps de nerfs qui peuvent un jour être à bout (NB 10,2139).

9 – L’amour des frères vient toujours du Seigneur. L’amour authentique qui donne et prodigue sans attendre d’être aimé en retour, mais aussi sans le moindre mépris, l’amour qui reste toujours prêt à recevoir avec reconnaissance mais ne calcule pas, cet amour provient uniquement du Seigneur (Sur 1 Jn 2,9. Die Johannesbriefe 49).

10 – Pour aimer l’invisible de Dieu, il nous faut aimer aussi le visible qu’il nous a donné : le Seigneur et le prochain. L’essentiel dans le prochain, ce sont ses souhaits, ses désirs, ses efforts vers Dieu. Si nous aimons Dieu dans son invisibilité, nous lui laissons la possibilité de se révéler comme il lui plaît : dans la visibilité de notre prochain ou du Seigneur, ou dans sa pleine invisibilité. Et si nous aimons parfaitement son invisibilité, il va de soi que nous englobons dans le même amour les formes de sa manifestation dans le monde. Si nous n’aimons pas le visible, qui est aussi dans le prochain le visible de Dieu, nous nous privons de toute possibilité d’aimer l’invisible de Dieu (Sur 1 Jn 4,20. Ibid. 189-190).

11 – Notre condition de pécheurs a la tendance effrayante à éliminer partout l’Esprit (NB 6,551).

 

19e dimanche C (Sg 18,6-9; He 11,1-2.8-19; Lc 12,32-48)

1 - Alors il leur faut tout de même amasser des trésors; mais à savoir là où est le Père, là où va le Fils et d'où il vient : dans le ciel. Car dans le ciel, il n'y a rien de périssable, au ciel tout participe de la vie éternelle... Le Seigneur ne dit pas que les voleurs n'y vont pas, mais seulement qu'ils n'y volent pas. Supposons qu'un voleur arrive au ciel parce que, en somme, c'est un brave type, il n'y volera plus. Car il se trouve au ciel où Dieu habite, et au ciel l'homme se conformera à Dieu. Parce que Dieu est ainsi, il n'est plus possible au ciel de voler (Sur Mt 6,20. Le Sermon sur la montagne 165-166).

2 – L'évangile fait de multiples variations sur l'exigence adressée aux chrétiens de vivre en état constant de départ. La tâches de Dieu sont le mieux remplies quand le serviteur n'oublie jamais qu'à tout instant il peut être appelé à en rendre compte. Donc quand chacun de ses instants temporels est immédiatement vécu et rempli face à l'éternité et orienté vers elle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 116).

3 - Le croyant véritable sait qu’il n’est qu’un serviteur de Dieu, qui à chaque instant doit mettre ce qu’il a de meilleur à la disposition de Dieu. M ais comme un semeur : il n’a qu’un instant sa semence en main ; ce qu’il fait n’est qu’une partie de l’ouvrage ; quand il a semé, il est comme un priant qui confie sa prière à l’Église, la dépose entre les mains de Dieu (Gleichnisse des Herrn 26).

4 – Les âmes qui cherchent à vivre totalement en Dieu expérimentent la présence de Dieu même dans les plus petites choses de chaque jour (Lumina 43).

5 – Le jour et la nuit. Le pourquoi de leur existence : pour que nous ne nous prenions pas pour Dieu. Chaque soir, nous nous dévêtons de ce que nous avons acquis dans la journée pour le retrouver le lendemain matin quelque peu changé par la distance de la nuit (Die Schöpfung 24-26).

6 – L’homme qui sème, la femme qui prépare le pain, font quelque chose d’humainement raisonnable. Vis-à-vis de Dieu, le croyant fait ce qu’il y a de plus raisonnable quand il s’abandonne à l’incommensurable. C’est renoncer à ses propres mesures. S’abandonner à Dieu, c’est ce que Dieu demande (Cf. Gleichnisse des Herrn 42).

7 – Derrière toute mission il y a tout l’amour du Seigneur. Chacun a la possibilité de faire exactement le pas que Dieu attend de lui, dans le jeu de la hiérarchie et de la subordination. Quand on a fait ce pas, ne plus s’en occuper et le confier au Seigneur, le confier à l’unique vérité de la mission du Seigneur. Toute action est le résultat d’un libre oui du chrétien. Dieu n’est pas dépendant de ce oui, mais la possibilité du oui demeure le plus haut accomplissement de toute mission chrétienne (Sur 3 Jn 3, Die Johannesbriefe 293-294).

8 – Joies et tristesses intérieures. Même si on a le caractère le plus égal qui soit, Dieu peut nous envoyer des tristesses (pour qu’on ait quelque chose à lui offrir). L’incroyant pensera que ces hauts et ces bas sont quelque chose de purement naturel. Leur véritable origine lui reste cachée (NB 9,1851).

9 – Dispersion de l’homme d’aujourd’hui : temps du travail, heures de loisir et, après celles-ci, à nouveau récupération. Le temps est toujours distribué mécaniquement. Ce qui fait l’unité du temps et de la vie est toujours oublié et rendu impossible, le tableau se décompose en pièces de mosaïques isolées. L’unité de notre temps, c’est que nous sommes devant Dieu. Quand, après la chute, Dieu a rendu notre temps éphémère, ce qui nous rend supportable cette fugacité, c’est la conscience de la présence de Dieu, l’orientation vers sa présence de toutes nos pensées, de tout notre travail et de toute notre détente (NB 10,2234).

10 – Continuer à travailler tout paisiblement comme Dieu en décide. Et ne désirer de lui rien qui ne se trouve dans sa volonté (NB 9,1602).

 

20e dimanche A (Is 56,1.6-7; Rm 11,13-15.29-32; Mt 15,21-28)

1 - Une femme vint se jeter à ses pieds. Cette femme était païenne, Syro-phénicienne de naissance. En tant que païenne, cette femme n'a pas la foi. Mais elle a entendu parler du Seigneur et, puisqu'elle le cherche, elle trouve un chemin vers la foi. Elle a entendu dire qu'il faisait des miracles, chasse les esprits mauvais, elle a l'espoir qu'il l'aidera. Même en tant que païenne, la femme sait ce qu'est un esprit impur. Elle connaît ses effets et elle les a en horreur. Elle voudrait que son enfant en soit libérée. Nous prions pour tous les hommes qui cherchent un chemin de l'impureté vers la pureté. Ils sont à la recherche de ce qu'ils ne connaissent pas encore (Sur Mc 7,24-26. Cf. Saint Marc 341-342).

2 - Elle le priait d'expulser le démon hors de sa fille. Elle voudrait un miracle du Seigneur. Elle espère que le Seigneur peut l'aider. En tant que païenne, elle ne connaît pas le Dieu vivant de l'Ancienne Alliance qui a annoncé la venue d'un Sauveur. Mais elle n'est pas fermée à la grâce de Dieu qui veut sauver tous les hommes. Elle est remplie d'espérance. Et parce que la foi, l'espérance et l'amour sont proches l'un de l'autre, rien ne s'oppose à ce que  l'espérance ouvre le chemin vers la foi, le chemin vers l'amour (Sur Mc 7,26-28. Cf. Ibid. 342).

3 - Le miracle. La mère n'est pas témoin du miracle en tant que tel. Elle en verra l'effet. Le Seigneur lui dit : "A cause de cette parole, va. Il montre par là qu'il comprend sa parole comme une parole de foi. Et il dit : "Le démon est sorti" non pas : "Il sortira", mais : "Il est sorti". Et cela parce que le Seigneur a créé une simultanéité entre la foi de la femme et le miracle. Le mauvais esprit est sorti au moment où la grâce dans la foi de la femme et la grâce dans le Seigneur se sont rencontrées (Sur Mc 7,29-30. Cf. Ibid. 344-345).

4 – Nous oublions facilement que la mission terrestre de Jésus concerne réellement Israël : il est le Messie du peuple élu, autour duquel ensuite, une fois le peuple sauvé et parvenu à la vraie foi, les peuples païens devaient se rassembler. La mission de Jésus est accomplie à la croix, où, rejeté par Israël, il souffre non seulement pour Israël, mais pour tous les pécheurs. Dans l'évangile d’aujourd’hui Jésus trouve une confiance parfaite en dehors d'Israël, et cette juste réponse faite à Dieu le force pour ainsi dire à accueillir finalement la demande de la Cananéenne (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 115-116).

5 – En toute prière, on doit rester totalement ouvert, simple, malléable, car Dieu peut la conduire tout autrement qu’on ne le pensait. On voulait prier pour une communauté, et tout à coup il n’y a plus là qu’une seule personne pour qui on doit prier, qu’on la connaisse ou non. Ou bien au contraire, on voulait prier pour quelqu’un et on doit prier pour un groupe ou pour la communauté dont cette personne fait partie (NB 5,182).

 

20e dimanche B (Pr 9,1-6; Ep 5,15-20; Jn 6,51-58)

1 - Les œuvres du chrétien sont aussi en rapport avec le temps... Tout temps est en relation avec l'éternité et, même si seule l'éternité a de la valeur, Dieu a cependant attribué à chaque instant une valeur précise du point de vue de l'éternité... "Car les jours sont mauvais". Ils s'écoulent sans que les hommes leur donnent cette plénitude voulue par Dieu... Ils ne veulent pas mettre le temps au service de l'éternité, ils voudraient laisser au temps son cours apparemment naturel sans lien avec Dieu... C'est pourquoi les jours sont mauvais parce qu'ils les utilisent dans le sens de leurs intentions de pécheurs. Ils se font indifférents non seulement au Fils et à son message, mais en même temps au Père et  au temps dont il leur fait présent, temps qui, comme don de Dieu, devrait toujours servir ses intentions saintes et éternelles.- Mais parce que les jours sont mauvais, mal remplis, mal utilisés, les chrétiens doivent racheter le temps. D'emblée ils sont avertis qu'ils ont un surplus à acquitter : racheter non seulement leur propre temps, mais aussi le temps en général, le temps de ceux qui le gaspillent; ou mieux : ils ont à l'acheter au prix de leur sacrifice, de leur parole, de leur obéissance, toutes choses qui n'ont de valeur qu'en Dieu, de même que le temps, lui aussi, n'a finalement sa valeur qu'en Dieu. Il y a dans cette requête de Paul l'idée d'expiation (Sur Ep 5,16. L'Épître aux Éphésiens 177-178).

2 - La vie que le Seigneur veut transmettre est  vie à l'intérieur de la foi, de l'amour et de l'espérance. Lui-même en est l'accès. Ce qu'il souligne à présent, c'est que tous, nous avons toute vie par lui et en lui seul. Et cette vie veut dire mouvement vers le Père. Cette vie qu'ils accueillent est si vivante que non seulement elle devient déterminante pour ce qu'ils ont vécu jusqu'ici, mais que désormais tout en eux est jugé en fonction de cette vie nouvelle (Sur Jn 6,53. Cf. Jean. Les controverses I,60).

3 - Ma chair est vraiment une nourriture. L'âme ne saurait se développer sans le Seigneur. Il voudrait éveiller en nous un désir de lui incessant et sans limite. Il voudrait que nous le considérions comme l'unique réalité dont nous avons besoin (Sur Jn 6,55. Cf. Ibid. I,63).

4 - Au cours de sa vie avec le Seigneur, tout chrétien, qu'ils soit enfant ou adulte, devra progressivement ou par un brusque discernement passer d'une conception de l'eucharistie en tant que fête, cérémonie extérieure, à la compréhension de son essence comme nourriture intérieure de l'amour et ainsi à une vie toute simple avec le Seigneur et dans le Seigneur (Sur Jn 6,57. Ibid. I,65).

5 - Chaque communion individuelle est une tentative de recevoir en nous le Seigneur, de nous approcher de lui, de prendre ce qu'il nous donne et de donner ce qu'il veut nous prendre (Sur Jn 6,58. Ibid. I,67).

6Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? Dans le monde de la folie, c'est une objection extrêmement compréhensible. Voici un homme parmi d'autres et il s'offre comme nourriture : qu'est-ce qui pourrait être plus insensé ? La sagesse de Dieu incarnée ne répond pas à l'objection, elle renforce au contraire ce que son offre a d'absolument inadmissible : "Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous".Les fous aux yeux de Dieu sont encore dépassés par la folie de Dieu : on les oblige à ce qui leur paraît totalement absurde. Pour avoir une explication, il faut s'avancer jusqu'au mystère ultime, impénétrable de dieu : de même que le Fils vit uniquement par le Père, "de même celui qui me mange vivra par moi". Ceux qui se croient sages sont placés devant le mystère de la Trinité, qui leur est incompréhensible, pour saisir qu’eux-mêmes ne peuvent parvenir qu'en vertu de ce mystère à leur vie définitive. L'amour de Dieu n'a sans doute jamais parlé plus durement aux hommes à la vue courte. Il ne s'avance pas avec eux pas à pas, mais les place d'emblée devant l'absolu (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 117).

6Laissez-vous plutôt remplir par l'Esprit Saint (Ep 5,16). Aussi bien par son passé que par sa connaissance générale de l'homme, Paul sait que l'homme aspire nécessairement à une plénitude. Il a besoin de quelque chose qui le comble, qui l'accomplisse. Si ce qui doit l'accomplir ne pénètre pas en lui, il souffrira toujours d'un manque. Il ressent alors son propre vide qui le rend à tout instant conscient de ses limites. C'est pourquoi il cherche des moyens d'oublier ses limites et de les dépasser. S'il recherche l'ivresse du vin, il tombe dans la débauche. Il vit dans l'illusion. La réalisation de son désir s'éloigne encore beaucoup plus. "Laissez-vous remplir par l'Esprit Saint". L'Esprit Saint est ce moyen merveilleux que le Créateur a mis à la disposition de chacune de ses créatures pour suppléer à ses manques et à ses insuffisances. Et l'Esprit ne comble pas l'homme dans ses limites étroites de créature, il le comble en le faisant entrer dans la plénitude de Dieu. Etre rempli de l'Esprit signifie toujours renoncer à ses propre projets, qu'on peut embrasser du regard, pour être amené, par l'Esprit, à obéir au Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit (Cf. L’Épître aux Éphésiens 179-180).

7 - Avec toutes les données diverses de notre vie, nous devons former une unité dans le Seigneur. Ma dernière confession, mon programme de travail, mes relations avec ma famille, ma prière d’hier, quelques rencontres inattendues, une lettre commencée : tout cela doit s’intégrer à mon existence d’aujourd’hui, se refléter dans mon aujourd’hui, sans contradiction, sans causer de rupture dans ma vie, même si l'aujourd'hui est tout différent de la journée d’hier. La substance de la mission demeure identique (Cf. NB 6, 171).

8 - Le bon moment (le moment propice) pour Dieu est toujours le moment présent (NB 3, 386).

9 – "Si le Seigneur le veut" : pour beaucoup, c’est une formule qui ne veut plus rien dire. Suivre les voies de Dieu, oui, mais avec sa propre intelligence. Et tout doit être montré à Dieu pas après pas, tout doit lui être offert, rendu. Pour tout, il faut le consentement de Dieu. Si Dieu nous donne une mission précise, il faut l’accomplir. Ne pas y rester plus longtemps qu’il ne faut sous prétexte par exemple qu’on aime bien ce qu’on a à faire. Accomplir ce qu’on a à faire afin d’être prêt pour d’autre tâches (Sur Jc 4,15. Die katholischen Briefe I,208).

10 – Douceur de la sagesse parce qu’elle attend tout de Dieu. Le principal devoir de la sagesse est de rende les hommes capables de servir Dieu, et cela requiert aussi de la douceur. Douceur du Fils qui est souple vis-à-vis de la volonté du Père. La sagesse provient du Père qui la donne par l’Esprit. La douceur ne fait qu’un avec la foi qui attend tout de Dieu ; elle n’essaie pas de s’emparer de quelque chose par la force. La sagesse inclut l’humilité. Mais l’exigence principale de la sagesse, c’est le service. Et celui-ci doit se faire dans l’humilité. L’humilité vraie de la sagesse ne regarde que le service. Elle fera ce que Dieu veut (Sur Jc 3,13. Ibid. I,172-174).

11 – Bien sûr l’homme peut se détendre, mais même sa détente doit s’appuyer sur Dieu ; il n’y a pas de détente loin de Dieu . Ce qui au début paraît neutre offre très vite au diable une arme (Sur 1 Jn 4,1. Die Johannesbriefe 146).

 

20e dimanche C (Jr 38,4-6.8-10; He 12,1-4 ; Lc 12,49-53)

1Non pas la paix mais plutôt la division. Le feu que Jésus est venu jeter sur la terre, est le feu de l'amour divin qui doit saisir les hommes. Mais tous ne se laisseront pas saisir par l'exigence absolue de ce feu, loin de là, si bien que cet amour qui voudrait conduire les hommes à l'unité les divise à cause de leur résistance. Plus nettement et plus inexorablement qu'avant le Christ, l'humanité se divisera en deux royaumes, qu'Augustin appelle deux cités : la cité de Dieu dominée par l'amour et la cité de ce monde dominée par la convoitise. Mais pour Jésus comme pour saint Paul, ce n'est pas une fatalité tragique, c'est un combat qui doit être mené jusqu'à la victoire : l'amour et la haine ne sont pas deux principes également éternels, nous pouvons "vaincre le mal par le bien" (Rm 12,21), c'est pour cela que nous avons reçu la force de la grâce divine (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 117).

2 - Il s’agit uniquement d’accomplir ce qui vient de Dieu (NB 8,291).

3 – Qui vit de la foi vit en Dieu; il n’a pas besoin de craindre que sa vie prendra fin en Dieu, cette vie est défintive, tandis que l’amour humain ici-bas, qui se veut éternel, sait bien au fond qu’il ne l’est pas. Dieu a créé l’homme fini, mais il lui a mis dans le cœur le désir de l’infini. Vivre en Dieu et de Dieu est donné toujours plus profondément à l’homme. Il est impossible pour l’homme de demeurer neutre en face de Dieu. S’il entend parler de Dieu, il est obligé de dire oui ou non (Sur 1 Jn 5,10. Die Johannesbriefe 211-212).

4 – Le souhait du Seigneur serait que nous apprenions à vivre de la vie éternelle au milieu du temps, que nous ne nous ouvrions pas le ciel seulement en recevant les sacrements, mais que nous demeurions aussi dans l’entre-temps dans l’état de celui qui les reçoit. Il nous a montré par sa vie quotidienne comment il est possible de ne jamais s’habituer. Il n’a rien renié de sa vie éternelle en raison de sa vie terrestre quotidienne, mais il a tout considéré comme une expression de la vie éternelle, en tout il a vu le Père, et il voudrait que nous aussi nous donnions à notre vie quotidienne la marque de l’éternité (Sur 1 Jn 5,12. Ibid. 218-219).

5 – La prière : il n’est pas difficile de savoir ce que Dieu veut et donc de désirer ce qu’il veut. C’est l’amour qui nous fait sentir sa volonté comme l’objet de notre désir. S’intégrer dans la volonté du Seigneur ne détruit pas la personnalité, au contraire cela permet d’être le réceptacle de la personnalité du Seigneur. Renoncer à sa propre volonté devant Dieu n’est pas un préjudice mais une croissance authentique en Dieu même si elle est cachée pour le monde (Sur 1 Jn 5,14. Ibid. 223).

6 – Dieu a avec chacun une relation particulière même là où elle n’est ni vue ni comprise, même là où on la rejette. Dieu est partout beaucoup plis intéressé que nous ne le pensons (NB 10,2044).

7 – Des milliers de gens ont connu Dieu mais n’en ont pas voulu. Ou bien ils ont trouvé que la foi était une solution trop médiocre, ou bien ils se sont contentés d’une vérité inférieure alors qu’une plus haute leur était réservée. Le tout grossit jusqu’à devenir une armée contre Dieu (NB 9,1568).

8 – Toute prière authentique veut ce que Dieu veut : l’union du monde avec lui (NB 10,2292).

 

21e dimanche A (Is 22,19-23 ; Rm 11,33-36 ; Mt 16,13-20)

1 – Deuxième lecture : Combien riches et insondables sont les décisions de Dieu, également en ce qui concerne l’Église ! (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 118).

 2 – Pour que la Révélation divine ne soit pas altérée par l’homme au cours des temps, le Fils a fondé l’Église et, en elle, le sacerdoce auquel, par ministère, il revient d’administrer et de transmettre la Révélation dans une validité suprapersonnelle que garantit le Seigneur. Il est vrai que dans la Tradition, il y aura toujours des événements qui dépassent le format habituel : des théologiens de premier rang ouvrant par leur recherche de nouvelles perspectives, des révélations privées, des surprises, des développements dans l’intelligence des vérités ; mais toutes ces choses témoignent de leur authenticité par le fait qu’elles se laissent toujours réintégrer dans la continuité. Ce qui au premier abord peut paraître complètement nouveau, voire même contrariant, et ne se laisse absolument pas calculer par des lois mathématiques, va pourtant, une fois correctement formulé, occuper la place qui lui était réservée à l’intérieur de la Tradition, manifestant de multiples connexions avec des vérités voisines et s’intégrant organiquement à ce qui est depuis longtemps connu (Les portes de la vie éternelle 58).

3 – Depuis que j’ai connu le Christ, j’ai beaucoup appris. Je me suis beaucoup rapproché de lui, je sais mieux que Dieu est toujours dans le même lointain. Il n’y a aucun rapprochement même si on apprend toujours à mieux l’aimer et à mieux le louer (NB 8,130).

 

21e dimanche B    (Jos 24,1-2.15-18; Ep 5,21-32; Jn 6,60-69)

1 - Judas. Le Seigneur sait depuis le commencement qui était celui qui le livrerait. Judas a été appelé bien que le Seigneur, dès le commencement, ait prévu sa trahison. Il l'a accueilli parce que le Père le lui avait remis, mais aussi pour donner un exemple à l’Église. Si une trahison se produit en son sein, elle ne doit pas s’inquiéter ni être troublée : il se peut que le traître ait eu une véritable vocation et ait failli à sa mission sans que ce soit la faute de l’Église. En accueillant le traître, le Seigneur témoigne au Père la plus grande fidélité. Il assume en pleine conscience la responsabilité aussi de celui dont il prévoit la faute. Il est disposé à se porter garant vis-à-vis du Père aussi de cette faute, à couvrir de son propre avoir la malversation de celui qu'il sait avec certitude être voleur et traître. Il prouve ainsi le caractère inconditionnel de son amour envers le Père comme envers les pécheurs (Sur Jn 6,64. Cf. Jean. Les controverses I,73-74)

2 - Beaucoup de ses disciples se retirèrent et cessèrent d'aller avec lui... Il est significatif que ceux qui se sont retirés ne reviennent plus. Leur cas est réglé. Ils ont entendu l'appel de la grâce, ont parcouru un petit bout de chemin, puis se sont détournés. La grâce est à ce point inexorable. La Seigneur a appelé une fois, il n'appelle pas une seconde fois. Qui l'a trouvé une fois, qui l'a rencontré de manière sûre et évidente, ne doit plus le quitter, car il se peut que la première rencontre soit aussi la dernière et que l'appel ne retentisse pas une seconde fois (Sur Jn 6,66. Ibid. I,75).

3 - A qui irions-nous? Simon-Pierre sent très nettement que dans sa vie, quelque chose a fait irruption qui n'y était pas auparavant : qu'il a une patrie en quelqu'un, qu'il appartient à quelqu’un, vit pour quelqu'un et que, sur terre, il ne peut plus disposer de sa propre vie. Il appartient à celui qui, à ses yeux, est le seul capable de mener à Dieu. Simon-Pierre ne veut plus rien savoir des garanties de l'ancienne vie... Tu as les paroles de la vie éternelle... La seule chose qui l'intéresse encore, c'est la vie éternelle... Et très exactement cette vie que le Seigneur a promise : foi, amour et espérance... Dans ses paroles, il perçoit la vie éternelle (Sur Jn 6,68. Ibid. I,75-76).

4 - Voulez-vous partir, vous aussi ? Après sa promesse de l'eucharistie, Jésus place ses auditeurs devant une décision inexorable. Il n'y a pas de neutralité possible. L'évangile indique que nombre de ses disciples s'éloignent alors. Judas n'est pas le seul à ne pas croire. Jésus place alors spécialement les Douze devant le choix : "Voulez-vous partir, vous aussi ?" Pierre prononce alors pour la petite troupe de ceux qui restent fidèles la parole de foi, il déclare que Jésus est "le Saint de Dieu". La foi l'a conduit à la connaissance, et la connaissance a rendu possible une foi tout aveugle, qui est exigée dans cette décision (Cf. HUvB, Lumière de la parole... Année B, p. 119).

5 Maris, aimez vos femmes (Ep 5,25). C'est un impératif qui ne connaît pas de restriction : "Aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église". Aimez-les de l'amour concret que le Seigneur porte à son Église. Celui qui vit dans l’Église, et donc de la foi, vit de l'amour du Seigneur qui l'accompagne partout. Il est entouré de tous côtés par cet amour. C'est sur cet amour, dont tous font l’expérience, que les maris doivent calquer les rapports qu'ils ont avec leurs femmes. Et puisque l'amour réciproque de l'homme et de la femme provient de l'amour du Seigneur, tout amour conjugal doit ramener au Seigneur et renforcer chez l'homme comme chez la femme leur amour pour le Seigneur. Mais Paul met en relief un trait particulier de l'amour du Seigneur pour le donner aux hommes comme un exemple à imiter : le Seigneur s'est livré pour son Église par amour. C'est en se donnant de la sorte que les maris doivent aimer (Cf. L’Épître aux Éphésiens 188).

6Dans le mariage, la vie en commun devant Dieu est si grande qu’il n’est pas nécessaire de beaucoup prier ensemble. La prière commune a davantage pour but de se rappeler mutuellement qu’on mène une vie de prière. Chacun des époux doit respecter la prière de l’autre et le laisser prier comme Dieu le lui inspire et comme lui-même aime le faire et, pour le reste, ne pas fixer de règles rigides. Il peut y avoir des époux qui éprouvent le besoin de beaucoup prier ensemble, pour lesquels cela signifie peut-être une aide dans les moments décisifs ou difficiles, lorsque leurs prières s’unissent de manière visible et audible. Mais cela restera plutôt l’exception. La prière ne doit en aucun cas être exclusivement commune, comme il n’est pas exclu par principe qu’elle puisse l’être (Le monde de la prière 171).

7 - Il y a une certaine analogie entre l’Église et son Seigneur, l’épouse et son époux. L’Église doit être clouée sur la croix par les clous. Elle doit aussi apprendre à connaître la totale impuissance. Toute envie de critiquer le Seigneur qui la cloue ainsi solidement lui passe, et toute question se rentre pour lui demander pourquoi il doit en être ainsi. Elle est entièrement dépouillée. Ce n’est pas elle qui va dire au Seigneur ce qu’il y a en elle ; c’est le Seigneur qui va montrer à l’Église ce qu’il peut tirer d’elle. La plus extrême humiliation ? Ce n’est qu’ainsi qu’elle trouve le plein contact avec la terre où elle vit, que tombent tous les murs de séparation ; elle marche nu-pieds sur le sol dur et pierreux. L’Église est systématiquement éprouvée par le Seigneur, mais selon un plan dont elle n’a pas une vue d’ensemble. L’humiliation est poussée jusqu’aux limites du doute. L’Église doit apprendre à nouveau le repentir (NB 6,278-281).

 

21e dimanche C (Is 66,18-21; He 12,5-7.11-13; Lc 13,22-30)

1Et même je prendrai des prêtres et des lévites parmi eux (Is 66). Pour Israël, c'est un devoir très difficile de se savoir le peuple élu et de se relativiser cependant de manière à apprendre cette vérité : la même élection en touchera d'autres, au temps que Dieu connaît. Les autres, qui étaient le plus souvent considérés par Israël comme des ennemis de Dieu, sont maintenant appelés par lui "vos frères". Mais les chrétiens eux aussi, peuvent, comme les Juifs, s'enorgueillir de leur élection et de leurs prétendues prérogatives, et pour cela précisément être laissés devant la port et relégués à la dernière place (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 119-120).

2Je ne sais pas d'où vous êtes (Lc 13). L'évangile s'adresse en première ligne à cet Israël qui ne veut pas tenir pour vrai l’élargissement annoncé par Isaïe. Que des inconnus viennent de l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi, prendre place avec les ancêtres d'Israël au festin du royaume de Dieu paraît intolérable à ceux auxquels Jésus s'adresse ; c'est avec des grincements de dents qu'ils apprennent qu'ils seront les derniers alors qu'ils étaient les premiers, et même qu'ils ne seront pas admis à entrer. Il leur faut entendre dire qu'ils faisaient le mal lorsqu’ils s'obstinaient à s'appuyer sur leur prétendue prérogative. Les dures paroles de Jésus sont des paroles d'avertissement, de mise en garde, elles ne peuvent provenir que de son amour. Et s'il leur est dit finalement qu'ils seront les derniers, cette dernière place est une place d'humiliation, non de désespoir. Il a y a une espérance pour tout Israël (Cf. Ibid. 119-120).

3 - Un croyant ne peut être malade pour lui tout seul. Sa maladie fait partie du domaine de la mission et du service de la communauté et de Dieu. Il doit faire appeler les prêtres : cela veut dire que le malade est conscient de son impuissance et de ses besoins, que l’Église dispose de sa maladie pour la mettre au service de tous et donc aussi de lui-même. Personne ne peut souffrir seul ; par l’onction des malades, il est en communion avec le Seigneur (Sur Jc 5,14. Die katholischen Briefe I,234-235).

4 – Comment fait-on quand on voudrait beaucoup aimer quelqu’un ? J’espère que le Bon Dieu sent que je l’aime… Ce que Dieu veut vraiment, on le fait volontiers. Sur le moment, cela peut être très désagréable, mais rétrospectivement c’est quand même ce qu’on fait le plus volontiers. Supposons que j’aie une tumeur qui me fait très mal ; le médecin me dit qu’il doit la couper sans anesthésie ; sur le moment, c’est tout à fait désagréable. Mais quand, après cela, je peux de nouveau mouvoir librement mon bras, je trouve que le tout a été très judicieux. Avec le Bon Dieu, c’est encore beaucoup plus judicieux ; c’est pourquoi avec lui on ne peut pas faire de réserves (NB 10,2052).

5 – Le même péché peut être commis par deux personnes ; extérieurement les deux péchés sont les mêmes, mais le péché est d’autant plus grave qu’on est plus proche de Dieu. Je pardonne peut-être plus facilement à un étranger qu’à un ami, même s’il m’a volé sérieusement. Si le voleur est celui en qui j’avais le plus confiance, le pardon est dix fois plus pénible, mais il est aussi plus précieux et plus personnel que s’il s’agissait d’un étranger. Les petits péchés qu’on commet par inattention sont souvent très sérieux pour Dieu. C’est pourquoi justement le pardon de Dieu déborde l’aspect "matériel" de ces fautes (NB 8,257).

 

22e dimanche A     (Jr 20,7-9 ; Rm 12,1-2 ; Mt 16,21-27)

1 – Quand Jésus, dans l'évangile, présente son programme de mission décisif, la croix, ce n'est pas seulement le monde qui se scandalise, c'est d'abord ses disciples. Les hommes voudraient tous, autant que possible et aussi longtemps que possible, échapper à la souffrance. Toutes les religions, en dehors du christianisme, répondent à ce programme : comment l'homme peut-il échapper à la souffrance ? Par le stoïcisme, en se libérant de la "roue des renaissances", en se plongeant dans la méditation, etc. Le Christ, au contraire, est devenu homme pour souffrir. Celui qui veut l'en empêcher est un adversaire. Et cet homme ne va pas entendre dire : "Sois heureux que je souffre pour toi", mais : "Prends toi-même ta croix par amour pour moi et en faveur de tes frères, pour le salut desquels il faut souffrir". Il n'existe pas d'autre voie de salut que moi-même. Ton salut ne consiste pas à te dépouiller de ton moi, mais à sacrifier sans cesse ton moi pour les autres. C'est sur la croix justement que Jésus a été raillé et blasphémé comme jamais auparavant. Et c'est justement ainsi qu'il a pris sur lui le refus du monde et l'a, au plus intime, vaincu et surmonté (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 119-120).

2 – Quand Jésus annonce par avance à ses disciples sa Passion, c'est dans l'espoir de trouver en eux des alliés. Ils attendraient ensemble et finalement assumeraient avec lui. Un peu comme si, en tant qu'homme, il oubliait chaque fois qu'eux aussi sont une part du monde déchu, que pour cette raison eux aussi sont sur le point de fuir la souffrance, de s'en protéger, de la refuser ; que ses paroles, qui toutes procèdent de son dialogue avec le Père et qui, à ce titre, sont des paroles divines, ne parviendront aux disciples dans toute leur plénitude qu'après avoir vaincu bien des résistances. Ainsi fait-il de tous côtés l'expérience des faiblesses du monde déchu, bien avant de souffrir véritablement. Or ces disciples justement, auxquels il a communiqué quelque chose de sa foi rayonnante, seront les premiers à ne pas comprendre la Passion (Cf. Au cœur de la Passion 14-15).

3Il n’est aucun instant où Dieu n’ait pas à notre endroit une volonté. Il n’y a pas à choisir entre plusieurs volontés de Dieu (Sur Jc 3,4. Die katholischen Briefe I, 156).

4 – Dieu n’est peut-être jamais aussi inexorable que pour accepter des sacrifices. Il veut ce que Lui veut, et rien d’autre ; pas d’ersatz. On pourrait se flageller jusqu’au sang sans que Dieu s’en soucie. Mais il peut se faire aussi que le premier coup apporte déjà la pleine réconciliation (NB 8,805).

5 – La prière. Le droit pour l’homme d’appeler Dieu à l’aide repose sur le devoir d’écouter Dieu et de demeurer dans un état de disponibilité. La raison de l’homme, qui le pousse à prendre des décisions, doit se tenir ouverte à la vérité divine de telle sorte que cette raison ne sache pas seulement de manière vague que Dieu existe, mais qu’à chaque instant il demeure sensible à son appel (Sur Is 66,3-4. Isaias 231).

6 – La nouveauté de chaque instant est fondamentale pour toute vie chrétienne. Toute communion devrait être comme la première. Pour le croyant, tout homme rencontré devrait être l’unique. Toute minute dans la vie du Fils doit être immédiatement soumise à la volonté du Père, elle ne doit pas être affaiblie par des souvenirs ou des comparaisons (NB 6,136).

7 – Le temps de la nuit nous aide à chercher Dieu de manière simple ; l’âme est convaincue que sa présence est remplie de grâce, convaincue de la nécessité d’implorer sa venue, d’en faire l’expérience de manière renouvelée, de se livrer à elle sans vouloir entrer de force dans ce que Dieu ne veut pas donner lui-même. L’âme alors ne peut être touchée par lui que si elle s’en remet de tout à lui. On se réjouit seulement d’être seul avec Dieu (NB 10,2176).

8 – Les anges sont situés entre Dieu et les hommes. C’est en Dieu que les anges voient quand ils ont à intervenir auprès des hommes. Et quand les hommes appellent les anges à l’aide, c’est en Dieu aussi que les anges voient l‘appel des hommes et ils savent alors ce qu’ils ont à faire. C’est en Dieu aussi qu’ils voient le péché des hommes, et ils comprennent alors leur mission (NB 6,41).

9 – Toute inspiration venant de Dieu oblige à une adéquation dans notre vie. La raison pour laquelle Mélanie s’est tant écartée plus tard de sa première mission réside dans le fait qu’elle n’était pas disposée à adopter la conduite prescrite par l’inspiration. Mélanie, et beaucoup d’autres qui lui ressemblent, n’eurent pas de fécondité parce que qu’ils n’offrirent pas le terrain voulu pour la semence de l’inspiration déposée en eux. Comme la femme enceinte est toute au service du fruit qui se forme en elle (NB 6,172).

10 – Ce qui est important pour Adrienne : Ne pas causer de peine à Dieu (NB 9,1844).

11 – La foi est une force telle qu’elle ne supporte rien à côté d’elle. Nous sommes faibles dans la foi du fait que toujours quelque chose d’autre que Dieu veut prendre place en nous. Pour le croyant, être et être chrétien ne font qu’un ; si on essayait de séparer les deux, ou même de les délimiter, on devrait quitter la vie (Lumina 10).

12 – Dieu dispose du temps. Il ne nous dit pas ce que sera demain. Au dernier instant, il peut modifier ce que nous attendions avec le plus de certitude. Lui-même ne change pas ses desseins, mais nous les avions mal compris et nous avons attendu des choses qu’il ne voulait pas nous accorder. Nous ne devons pas voir l’ensemble du jour qui vient. Nous ne devons pas disposer de nous-mêmes, de notre temps et de notre vie. Nous devons nous livrer entre les mains de Dieu. C’est de cette manière que nous participons à la vie éternelle (Sur Jc 4,14. Die katholischen Briefe I,206).

13 – Notre obéissance doit pouvoir se laisser déborder par les vues de Dieu. De la sorte, arriver à faire ce qui nous semblait tout à fait impossible de manière à ce qu’on sache après coup qu’on l’a fait dans la force de Dieu (Cf. NB 11,264-265).

 

22e dimanche B     (Dt 4,1-2.6-8; Jc 1,17-18.21-22.27; Mc 7,1-8.14-15.21-23)

1 - Les usages des pharisiens. Leurs divers pratiques un sens raisonnable. Ils ne mangent pas sans s'être lavé les mains; ils les lavent en revenant de la place publique, etc. Pourquoi pas? Toutes ces pratiques sont sensées à l'origine, mais elles sont devenues un rite et le rite un but en soi, qui a donc perdu de son sens. L'amour a disparu et a été remplacé par la complication de l'appareil, de l'appareil de pensée, de justification, de discussion. Et cette justification de la coutume est bien éloignée de son origine. Devant cela, nous voulons demander au Seigneur de nous garder toujours dans l'amour. Toute loi que nous accomplissons ne doit être accomplie que pour servir l'amour, parce que, dans tout notre service, seul l'amour du Seigneur doit apparaître clairement (Sur Mc 7,1-4. Saint Marc 326-327).

2 - Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur cœur est loin de moi. Entre les paroles sur leurs lèvres et la foi en leur cœur, ils n'ont pas fait l'unité. Un service de la Parole sans la foi du cœur, un service qui ne s'oriente pas sur la Parole de Dieu, mais sur des règles que l'on se donne à soi-même. Des échafaudages que les hommes ont érigés eux-mêmes pour y trouver un appui humain. Et devant l'abondance des appuis humains, ils ne voient plus la foi et Dieu. Ils sont à tel poins empêtrés dans leur formalisme qu'ils prennent la loi pour la vie (Sur Mc 7,5-7. Cf. Ibid. 328).

3 - Vous mettez de côté le commandement de Dieu. Le commandement de Dieu est avant tout le commandement de l’amour, un commandement qui ne peut être observé que si on le vit en permanence. Le commandement de l'amour est finalement l'expression des sentiments du Père, du Fils et de l'Esprit. Nulle part l'amour n'est aussi parfaitement réalisé qu'en la Trinité. Rien d'autre n'est exigé de nous que de chercher toujours et partout l'amour, l'amour de Dieu qui nous est offert par sa grâce. De chercher seulement à faire la volonté de Dieu, qui consiste à revenir à son commandement d'amour. Ce qu'il reproche aux pharisiens, c'est de ne plus considérer l'amour de Dieu comme le plus grand commandement et de s'éloigner de cet amour (Sur Mc 7,8. Cf. Ibid. 329).

4 – La parole de Jésus est aujourd'hui, pour des chrétiens formalistes, aussi actuelle que jadis pour les pharisiens (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 121).

5Comprendre sa vie comme une entrée dans l’éternité, non comme une réalité séparée d’elle. Faire de l’éphémère terrestre une porte de l’entrée en Dieu. Alors on construit immédiatement ses plans en Dieu et on reconnaît dans la seule volonté de Dieu ce qui est constant dans sa vie (Sur Jc 1,10. Die katholischen Briefe I, 47).

6 – Garder en soi la parole qu’on a entendue, sinon la parole se dessèche. La parole qui, au début, leur paraissait étrangère deviendra, par les soins qu’ils lui apportent, le contenu essentiel de leur vie (Sur 1 Jn 2,24. Die Johannesbriefe 79).

7 – La meilleure obéissance est toujours l’amour parfait. Si j’aime Dieu, je fais ce qu’il veut. Si Adam et Eve étaient restés dans l’amour, ils n’auraient aucun problème avec l’arbre de la connaissance. La règle de Dieu leur aurait été aussi naturelle que le fait qu’ils étaient là et qu’ils étaient vivants ((NB 9,1685).

 

22e dimanche C (Si 3,17-18.20. 28-29; He 12,18-19. 22-24; Lc 14,1.7-14)

1La dernière place. On pourrait dire que l'évangile traite de l'humilité. Mais il est difficile de définir l'humilité comme vertu. On ne peut pas vraiment chercher à l'acquérir, car on voudrait alors être quelque chose ; on ne peut pas s'y exercer, car on voudrait alors arriver à quelque chose. Ceux qui la possèdent ne peuvent ni le savoir ni le constater. On peut simplement dire négativement : l'homme ne doit rien rechercher pour lui-même. Alors il ne se met pas de lui-même à la place éminente où l'on est vu, remarqué, hautement estimé ; il ne doit pas non plus calculer qui il doit inviter à un repas pour être invité en retour. S'il se met à la dernière place, ce n'est pas pour être jugé humble, et si on le prie de monter plus haut, cela ne le réjouit pas pour lui-même, mais comme témoignage de la bienveillance de celui qui l'a invité. Il ne s'évalue pas du tout lui-même, parce qu'il n'attache pas d'intérêt au rang qu'il occupe parmi les hommes. Et si le maître lui dit que son attitude lui sera rendue à la résurrection des justes, il ne verra là probablement que la promesse qu'il sera près de Dieu. Car voilà seulement ce qui l'occupe : que Dieu le dépasse infiniment en bonté puissance et majesté (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lecture dominicales. Année C. 121).

2Les humbles rendent gloire au Dieu vivant (Si). Dieu n'est honoré que par ceux qui ne font pas les importants, car Dieu lu-même ne fait pas l’important. Il est simplement celui qu'il est, le Seigneur, le Puissant. Il est celui qui distribue tous les biens, l'homme ne doit pas se comporter devant lui comme le magnanime, celui qui distribue ses dons. Il peut avoir reçu de nombreux biens, être considéré par les hommes comme important ; lui-même sait qu'il doit tout ce qu'il a à l'unique Magnanime. Pour la sagesse de Dieu, il est tout oreilles, car il s'en réjouit, tout en s'oubliant lui-même (Cf. Ibid. 122).

3 - La vérité chrétienne est inséparable de l’humilité (Lumina 24).

4 – Quand on est aimé par quelqu’un, même si on trouve que ce n’est pas justifié, si on accepte d’être aimé, il faut nécessairement qu’on s’aime soi-même, qu’on reconnaisse à l’autre le droit de nous aimer tel que nous sommes. Si nous sommes aimé (c’est ainsi!), c’est qu’il y a en nous quelque chose qui peut être aimé (NB 9,1997).

5 – Si Dieu me donne une place de servante, il ne peut pas être plus parfait pour moi de vouloir être reine. Je ne ferais alors au contraire que m’écarter de la volonté de Dieu et me rendre coupable de désobéissance. Quand Dieu a besoin de quelqu’un pour lui donner des visions, c’est un service comme un autre, et personne d’autre ne doit se permettre de vouloir s’introduire artificiellement dans ce service (NB 9,1289).

 

23e dimanche A (Ez 33,7-9 ; Rm 13,8-10 ; Mt 18,15-20)

1 – Au centre de l'évangile d'aujourd'hui : l’exhortation mutuelle dans l'amour. Mais l'homme reste libre. Même la meilleure exhortation elle-même - soit l'exhortation personnelle en tête à tête, soit celle, plus officielle, du représentant établi de l’Église – peut parvenir à une limite, celle d'un refus net. Ici la première lecture est significative. : quand celui qui avertit a fait son devoir et que le coupable ne veut cependant pas renoncer à sa fausse route, il a rempli son devoir et, comme il est dit, il a sauvé sa vie. Le devoir d'avertir est inculqué très sérieusement, mais qu'il aboutisse n'est pas promis par Dieu. C'est ainsi qu'il y a aussi dans tout le Nouveau Testament une ligne frontière indiquée par Dieu, au-delà de laquelle un pécheur ou celui qui se tient à distance ne peut plus se considérer comme appartenant à l’Église de Dieu. Ce n'est pas l’Église qui exclut, c'est lui-même qui s'excommunie (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 121-122).

2Deux ou trois. Nous ne pouvons nous tenir devant le Père dans une autre solitude que celle qui s’appuie sur la communauté de l’Église. De façon consciente, nous pouvons faire valoir cette communauté et nous présenter avec elle devant le Père. Nous pouvons également la laisser de côté, pour être seuls avec Dieu, mais elle reste présente à l’arrière-plan. Le Fils est la tête et le corps, nous restons ses membres et nous ne pouvons pas nous séparer de la communion des saints. Quand nous sommes seuls devant Dieu qui nous forme et nous modèle selon son gré, alors il forme et modèle aussi indirectement son Église. Elle n’est pas seulement témoin de ce façonnage des hommes, elle y participe elle-même, elle doit recevoir quelque chose de cette opération. Celui qui prie n’a pas besoin de penser à l’Église, il ne doit même pas le faire. Il doit pouvoir effectivement se tenir seul devant Dieu, sans penser à un profit pour lui et pour la communauté. Ce n’est pas de l’égoïsme que d’être seul devant Dieu. C’est une manière pour Dieu d’honorer l’homme que de le lui permettre et de ne pas voir seulement en lui une fonction du général (Le monde de la prière 218).

3 – Il peut y avoir dans la prière une espèce de rencontre anonyme avec l’Église tout entière. Qui prie chrétiennement sait qu’il n’est jamais seul, quel que soit l’endroit où il prie. D’autres prient aussi, et il y a un accès quelque part à chaque prière. En priant, on entre dans le monde de la prière de tous les croyants, de l’Église dans son ensemble (NB 5,178).

 

23e dimanche B     (Is 35,4-7; Jc 2,1-5; Mc 7,31-37)

1 - On amène à Jésus un sourd-muet. Où qu'il aille maintenant, le Seigneur est reconnu, une tâche l'attend, et pas forcément toujours une tâche qui se trouve dans ses plans. Il ne fait pas seulement des choses de lui-même, mais aussi des choses qui, sans contredire ses intentions, doivent venir de l'initiative des hommes. "Le Seigneur emmena le sourd-muet à l’écart, lui mit les doigts dans ses oreilles et, prenant de la salive, lui toucha la langue". S'écarter de la foule, c'est comme s'écarter de l'incroyance. Peut-être est-ce un lieu où ne se trouvent que des croyants afin que les disciples puissent voir le miracle et le communiquer, car il n'y a pas de miracle qui ne se produise qu'en faveur du seul bénéficiaire. Et ce miracle est visiblement  de ceux qui doivent être rapportés, sinon il ne se trouverait pas dans l’Évangile. - "Puis levant les yeux au ciel, Jésus poussa un gémissement et lui dit : Effata, ce qui veut dire : Ouvre-toi". Il lève les yeux vers le Père. C'est comme s'il ne voulait pas accomplir un miracle tout seul, mais toujours dans la Trinité. Le Père et l'Esprit sont au ciel. Et lui, comme homme dans le monde, a toujours accès au ciel. Bien plus il attire le ciel pour ne pas agir seul, pour être approuvé, pour faire participer. Cette manière divine, réciproque, de faire participer, est ce que le Seigneur, par toute sa vie, nous donne aussi... C'est déjà une sorte de miracle eucharistique... Il ne refuse pas l'aide des hommes. Mais en regardant vers le ciel, il cherche la présence du Père et de l'Esprit et du ciel tout entier... Il soupire parce qu'il est fatigué, parce que de nouveau une force sort de lui. Il soupire dans l'obéissance. Sur Mc 7,32-34. Cf. Saint Marc 348-350).

2 - Et Jésus leur recommanda de ne dire la chose à personne. Plus le Seigneur interdit fermement, plus ils s'étendent en bavardages, comme des gens qui ne comprennent pas, qui savent donc mieux que les autres, et pensent que s'ils racontent, une lumière tombera aussi sur eux, puisqu'ils étaient témoins. S'ils avaient bien compris le miracle, l'Ephphata du Seigneur aurait aussi produit ses effets en eux. Ils se seraient tus. Bien des choses restent impénétrables dans les intentions du Seigneur. Pourquoi ces gens doivent-ils se taire? Peut-être pour correspondre à ce besoin de repos que le Seigneur a fait connaître. Peut-être parce qu'il ne peut opérer ses œuvres que dans le secret et en serait empêché par la publicité. Peut-être pour une autre raison connue de lui seul. En tout cas pour une raison très pertinente : car le Seigneur a donné l'ordre strict de se taire (Sur Mc 7,35-37. Cf. Ibid. 351).

3 - Au comble de l'admiration, ils disaient : Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. Il est peu probable que les autres, ceux qui entendent le bavardage interdit, soient sur le bon chemin. Leur excitation et leur enthousiasme sont l'expression de leur goût du sensationnel et d'autres besoins plus bas. Et même s'ils disent qu'il fait bien toutes choses, et même si c'est vrai qu'il fait entendre les sourds et parler les muets, ce sont là, parce que la véritable bonne nouvelle ne leur est pas parvenue, des mots vides de la désobéissance qui offrent d'avance une fausse image du Seigneur : une image terrestre venant de gens avides de sensations (Sur Mc 7,37. Cf. Ibid. 351-352).

4 – L'évangile raconte la guérison d'un sourd-muet par Jésus. Il est clair qu'il ne s'agit pas pour lui seulement d'un défaut corporel ; c'est un symbole du peuple d'Israël qui lui-même représente toute l'humanité. Comme l'ont souvent dit les prophètes, Israël est sourd à la parole de Dieu, incapable donc aussi d'une réponse valable. Jésus emmène le sourd-muet à l'écart. Les deux touchers (les oreilles et la langue) forment le prélude à son regard vers le Père (tout miracle qu'il accomplit est un acte du Père par lui) et à son soupir, qui indique bien qu'il est rempli de l'Esprit Saint. L'ordre que Jésus donne : "Ouvre-toi", ne concerne pas simplement une guérison corporelle, il vise un effet de grâce pour Israël et pour l'humanité (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 122).

5 - Le riche a beaucoup plus de mal que le pauvre à voir l’autre monde, l’éternité. De même que les Juifs de l’Ancien Testament, qui étaient en possession de l’Alliance et de la Loi, le riche n’est plus ouvert à l’imprévisible de la grâce. Il possède. D’où l’exigence pour le riche comme pour le Juif d’être prêt à se laisser abaisser, à abandonner ses possessions au Seigneur. Ce n’est pas une faute d’être Juif ou d’être riche tant qu’on n’a pas rencontré l’Évangile. Jacques veut que celui qui se donne à Dieu reconnaisse les conséquences que cela entraîne pour lui et pour sa vie passée (Sur Jc 1,11. Die katholischen Briefe I, 48).

6 – Les innombrables paroles de Dieu sont nécessaires pour éveiller un écho dans l’âme (NB 12,46).

 

23e dimanche C (Sg 9,13-18 ; Phm 9-10.12-17 ; Lc 14,25-33)

1Qui ne renonce pas à tous ses biens. Telle est l'exigence de Jésus lorsque quelqu’un veut être son disciple. Les "biens", dans ce contexte, c'est aussi la relation aux autres hommes, jusqu'à ses plus proches parents et sa propre famille. Puisque Jésus est le représentant de Dieu le Père sur terre, il réclame cet amour sans partage qu'exigeait pour Dieu la Loi ancienne : tout le cœur, toutes ses forces. Rien ne peut entrer en concurrence avec Dieu, et Jésus est la face visible du Père. Jésus lance cette exigence choquante à une grande foule de gens, qui le suit de manière extérieure : mais qui dans cette masse est prêt à prendre sur lui sa croix ? Jésus avait renoncé à tout : à ses parents, à sa mère ; il n'a pas d'endroit où reposer la tête. Il fait peu de cas de sa vie, il portera lui-même sa croix (Jn 19,17). Seul celui qui a tout quitté peut, dans la mission reçue de Dieu, tout recevoir en retour, "avec des persécutions" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 123).

2 - Le Fils de l’homme prend possession de moi et me tire de l’anonymat pour me mettre dans la lumière de sa grâce, et je sais en même temps que tous les autres ont part à ce mystère de la bénédiction de la grâce, qu’il y a donc un mystère de communion. Je sais que ma foi, qui est cette participation, ne se distingue pas essentiellement de ta foi, que l’attachement au Seigneur dans la foi est le même pour tous (Sur Jc 2,9. Die katholischen Briefe I,105).

3 – La petite chose que fait l’homme est recueillie par l’infini de Dieu. En louant Gaïus, Jean sait que le Seigneur entend et reconnaît sa louange. Et il sait aussi que sa louange correspond à une mission du Seigneur. Il sait que tout ce qu’il fait accomplit sa mission et que celle-ci vient toujours de Dieu et donc qu’elle doit porter, dans son exécution, le caractère de Dieu et essayer d’en être digne (Sur 3 Jn 6. Die Johannesbriefe 309).

4 – Il est impossible que la prière de celui qui suit le Seigneur soit toujours l’action de grâce émerveillée de l’enfant gâté par ses dons ; elle doit aussi pouvoir prendre les caractères de la souffrance du Seigneur, dans la mesure où celui-ci en dispose ainsi. Cela fait partie de l’ombre de la vie d’un chrétien, mais aussi de sa lumière, parce que cette ombre qu’il assume en dissipe d’autres (HUvB, AvS et sa mission théologique 289).

5 – L’amour pour Dieu et pour les hommes n’est jamais en paix, il est toujours brûlant et inquiet. Il fut un temps où Adrienne pensait qu’on ne pouvait aimer que quelques personnes de toute son âme. Maintenant elle voit qu’on peut en aimer d’innombrables, et chacune autrement, et ce n’est pas être infidèle que de se donner tout entier à un grand nombre (Cf. NB 8,376).

6 – Ce qui en nous est vide ne doit plus être rempli de décombres humains, cela doit rester libre et ouvert pour le Seigneur qui peut alors le remplir selon son bon plaisir avec ce qui lui appartient. Toute prière est faite pour créer un espace pour sa présence, et cet espace, nous le sommes nous-mêmes quand nous nous effaçons. Ainsi toute mort, spirituelle ou corporelle, reçoit son sens de la résurrection du Seigneur en nous. Toute mort est une fin pour que le Seigneur puisse commencer (NB 6,282).

7 – La prière n’est pas avant tout mon activité dont je détermine et remplis moi-même le contenu, elle consiste à m’offrir, pour me laisser déterminer et remplir par le Seigneur (NB 6,368).

8 – Dans la relation entre Dieu et l’homme existe le danger énorme que l’homme puisse être infidèle à Dieu (NB 10,2287).

 

24e dimanche A (Si 27,30-28,7 ; Rm 14,7-9 ; Mt 18,21-35)

1 – Nous récitons distraitement la demande du Notre Père : "Pardonne-nous nos offenses comme nous aussi...", mais nous ne réfléchissons pas combien peu nous renonçons à notre justice terrestre, bien que Dieu renonce en notre faveur à la justice céleste. La lecture tirée de l'ancienne alliance sait déjà tout cela très exactement. Si un homme est sans compassion pour un homme, son semblable, comment peut-il prier pour ses propres fautes ? Déjà pour le sage de l'ancienne Alliance, c'est une impossibilité qui saute aux yeux. L'homme sans amour qui ne laisse pas entrer en lui la miséricorde divine se condamne clairement lui-même. L'amour de Dieu ne condamne personne, mais il arrive que l'homme n'accepte pas l'amour de Dieu. Jacques résume tout cela dans une courte sentence : "Le jugement est sans miséricorde pour qui n'a pas fait miséricorde, mais la miséricorde se rit du jugement". Et Jésus lui-même : "De la mesure dont vous mesurez, on mesurera pour vous en retour" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 123-124).

2 - Habitant en nous, le Seigneur nous fait don de sa vue spirituelle des choses (NB 6,284).

 

24e dimanche B     (Is 50,5-9; Jc 2,14-18; Mc 8,27-35)

1 - Alors il leur enjoignit sévèrement de ne parler de lui à personne. Maintenant que Pierre, au nom des disciples et de l’Église future, a reconnu le Seigneur comme le Messie et l'a désigné par son nom, l'éducation des disciples change. Ils se trouvent à un tournant. Tout d'abord le Seigneur reconnaît la réponse de Pierre comme la bonne réponse, mais il leur commande en premier lieu de se taire, de garder leur savoir pour eux. Se taire est très souvent inopportun dans l’Église, on ferait mieux de parler. Le Seigneur dira lui-même quand le temps sera venu d'annoncer sa messianité. En attendant, il faut se taire pour que personne ne soit au courant trop tôt et n'empêche par là le Seigneur d'accomplir ses autres devoirs (Mc 8,30. Cf. Saint Marc 380-381).

2 - Passe derrière moi, Satan! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. L’Église doit entretenir les pensées de Dieu, les pensées des hommes sont en elle sataniques. Il faut qu'apparaisse au grand jour que le trop humain existe dans l’Église, dans son Église. Un disciples est rabroué, qui a reçu un ministère difficile, peut-être trop lourd à porter, et qui ne sait pas encore l'administrer. Mais l’essentiel, c'est qu'il soit rabroué par le Seigneur lui-même, pour qu'il apprenne à discerner entre les pensées de Dieu, que l’Église peut et doit avoir, et les pensées des hommes qui sont pour Pierre les pensées du diable (Sur Mc 8,33. Cf. Ibid. 383).

3 - Sauver sa vie en la perdant. Qui aime le Seigneur et son message plus que sa propre vie, perdra celle-ci librement en l'offrant au Seigneur. Et cette vie sera sauvée. Un échange aura lieu. Nous perdrons notre vie mortelle et nous recevrons en échange la vie éternelle du Fils; nous perdons quelque chose de limité, d'humain, pour participer en échange au divin incommensurable (Sur Mc 8,34-35. Cf. Ibid. 385).

4 - A la question de Jésus demandant à ses disciples pour qui ils le tiennent, Pierre a donné une réponse à peu près juste : "Tu es le Messie". Oui, mais un Messie tel que Pierre et certainement la plupart des disciples se le représentent : un thaumaturge qui libérera Israël du joug des Romains. Mais dès qu'il est question de Messie, Jésus arrête aussitôt : il défend à ses disciples de répandre ce titre ; au lieu de cela, il leur annonce pour la première fois le sort du Fils de l'homme : souffrir beaucoup, être rejeté, être tué et ressusciter. Pierre qui n'en veut rien entendre se fait rabrouer comme Satan, le séducteur et l'adversaire. Ici Jésus dévoile l’œuvre décisive pour laquelle il a été envoyé, une œuvre accomplie non pour lui seul, mais pour tout homme qui veut le suivre dans la foi. La foi sans l’œuvre de la passion n'est pas une foi chrétienne : "Si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 124-125).

5 - La parole de Dieu est comme un mors pour les chevaux : pour nous faire accomplir le service que le Seigneur nous demande (Sur Jc 3,3. Die katholischen Briefe I, 154-155).

6 – Pas de foi sans les œuvres. C’est ce que montre le Fils quand il dit au Père avant sa passion : Que ta volonté soit faite. Il n’y a plus deux volontés mais une seule, celle du Père. Jusqu’au sommet donc de ce que nous comprenons de Dieu, jusqu’à la croix, la "foi" et les œuvres forment une unité ; et la foi triomphe toujours ; bien qu’il n’en puisse plus, le Fils peut continuer à souffrir parce que, dans son service, il n’y a que la volonté du Père qui se réalise. Et de la sorte l’œuvre aussi triomphe parce que là où le Fils n’agit plus, le Père accomplit en lui toute sa volonté et il accomplit tout ce qu’il veut (Sur Jc 2,18. Ibid. I,126-127).

7 – Répondre à la question de Dieu, c’est dire oui à la vie ; et pour pouvoir le faire, l’homme doit être vivant dans la foi, il doit – c’est la même chose – posséder une âme qui obéit à Dieu. Il doit permettre à Dieu d’habiter constamment son âme selon son plan et la faire croître (Sur Jc 2,26. Ibid. I,150).

8 – Celui qui exerce un ministère dans l’Église doit être prêt à tout ministère, à toute mission dans l’Église (NB 3,94).

9 – La foi est impossible sans les œuvres. Dieu est en moi : tout lui appartient, tout ce qu’il veut que cela me plaise ou non, que ce soit ce que j’ai toujours fait ou quelque chose que je ne comprends pas. La foi, c’est rendre à Dieu tout ce qu’on a, comme le Fils l’a fait sur la croix. Mais cette indifférence n’est pas le produit de ma seule réflexion, elle fait partie du don de l’amour et n’est compréhensible que dans l’amour : je suis vaincu (Sur Jc 2,20. Die katholischen Briefe I,132-133).

10 – Quel que soit le travail qu’on ait à faire pour Dieu : avoir le plus grand apostolat extérieur ou être cloué sur un lit de malade, l’important est que ce travail soit fait dans l’amour ; il recevra sa pleine récompense, celle d’être accueilli par Dieu (Sur 2 Jn 8. Die Johannesbriefe 277).

11 – La prière ne dispense pas de l’action. Il peut arriver qu’on prie trop et qu’on n’agisse pas assez. On ressemblerait alors à quelqu’un qui est assis sous un arbre, qui supplie Dieu de bien vouloir faire tomber une pomme pour lui et qui préfère avoir faim plutôt que d’étendre la main. Cela s’appelle jouer avec la grâce (NB 8,476).

 

24e dimanche C (Ex 32,7-11.13-14 ; 1 Tm 1,12-17 ; Lc 15,1-32)

1 – L'évangile raconte les trois paraboles de la miséricorde divine. Dieu n'est pas seulement le Dieu bon qui pardonne quand un pécheur revient, il va chercher la brebis perdue jusqu'à ce qu'il la retrouve. Dans la troisième parabole, le père n'attend pas à la maison le fils perdu, il court à sa rencontre et se jette à son cou. Que Dieu recherche celui qui était perdu, cela ne signifie pas qu'il ignore où celui-ci se trouve, mais bien qu'il recherche les voies sur lesquelles le pécheur pourrait revenir. C'est là l'effort de Dieu, qui se manifeste finalement dans le risque suprême consistant à donner son Fils pour le monde perdu. Quand le Fils descend dans la plus profonde déréliction du pécheur, jusqu'à la perte du Père, c'est là la recherche la plus astreignante pour Dieu à l'égard de celui qui est perdu. "Alors que nous étions encore pécheurs, Dieu a eu pitié de nous par l'abandon de son Fils" (Rm 5,8). Aucun exil d'Israël ne peut être définitif (Cf . HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 125-126).

2 - Le voleur qui se confesse pour lui-même et pour tous les voleurs qui ne se confessent pas : après l’absolution, il ne se sépare pas des autres (Cf. NB 6,27-28).

3 – Pour un catholique, est péché tout ce qui ne se fait pas en direction de Dieu, tout ce qui, dans ma vie, ne peut pas être mis en relation avec la volonté de Dieu (NB 3,144).

4 – On ne peut pas se confesser sans amour. On ne peut se confesser que si on aime Dieu, que si on possède au moins un commencement d’amour de Dieu, même si l’on ne reçoit l’amour parfait que par l’absolution. La confession c’est l’amour qui cherche, l’absolution c’est l’amour trouvé (NB 3,92).

5 – Aussi longtemps qu’on est prêt à se confesser au Seigneur et à son prêtre, même si on n’est pas en situation de se confesser, on n’a pas honte devant le Seigneur. Ce n’est que lorsqu’on veut consciemment garder son péché pour soi, quand on refuse consciemment d’être ouvert, qu’on commence à s’éloigner sérieusement du Seigneur (Sur 1 Jn 2,28. Die Johannesbriefe 88-89).

6 – On n’a pas le droit de pécher et on doit aimer Dieu (NB 8,609).

7 – Il y a auprès de nous un ange qui est là comme un envoyé de Dieu, qui est comme l’exhortation à lever les yeux vers Dieu, à penser à lui (NB 8,991).

8 – La prière de Jésus sur la croix est si extensive qu’elle inclut toute prière future provenant de la vue du péché du frère. Le Seigneur exige du chrétien qu’il prie pour le pécheur, mais le Seigneur garantit cette prière : il la prend sur la croix (Sur 1 Jn 5,16. Die Johannesbriefe 229).

9 – Quand on s’approche de Dieu, et plus on s’approche de lui, plus on se voit petit, laid, insignifiant et non existant. Mais plus on s’approche des autres créatures, et également des saints, plus on se sent fondamentalement égaux. Cela ne me fait aucune impression de me trouver à table à côté d’un conseiller fédéral ou d’un roi. Je pense à part moi que c’est le roi d’Angleterre et que je suis Madame le Professeur Kaegi (NB 8,512).

10 – Tous, nous et les autres, nous ne cessons pas d’être ceux pour qui le sang du Christ est versé ; jamais nous ne pouvons rencontrer un homme sans savoir que pour lui aussi il a été versé (Die heilige Messe 77).

11 – Aucune vraie prière n’est jamais perdue. Toute prière atteint un but connu de Dieu et de la personne atteinte par la prière, souvent - le plus souvent - à l’insu de celui qui prie (NB 5,209-210).

 

25e dimanche A (Is 55,6-9 ; Ph 1,20-24.27 ; Mt 20,1-16)

1 – La parabole des ouvriers à la vigne a pour but de montrer que Dieu, dans sa libre bonté, peut très bien dépasser la mesure de la justice qui mesure et qu'il le fait aussi continuellement. "Faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon" ... pour d'autres? On peut certainement appliquer la parabole au judaïsme et au paganisme : les juifs ont travaillé depuis le petit matin, les païens ne sont venus qu'à la onzième heure. Et les deux peuples reçoivent leur salaire conformément à une bonté libre et hors de toute mesure de Dieu. Mais la parabole est significative pour tous les temps et tous les peuples qui veulent comprendre la pensée fondamentale de Jésus. Dieu a toujours déjà franchi le plan de la simple justice distributive et c'est pourquoi il demande dans le Christ qu'on agisse de même. Les pensées du maître de la vigne dépassent celles des ouvriers qui travaillent plus ou moins longtemps ; en tout cas elles sont les meilleures pour tout homme et donc aussi les plus riches de grâces (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 125-126).

2 Pour moi vivre, c'est le Christ (Ph 1,21). Depuis que le Fils a été enfanté sur terre, toute vie n'est plus que vie en lui. Vie créée par le Père mais offerte de nouveau par le Fils. A présent, vivre ne signifie plus seulement être créé par le Père, mais également être nouvellement créé par le Fils ; la vie jaillit tout autant de la naissance du Fils que de la création. Le nouvel Adam apporte avec lui un état, une vie qui est durée, une vie de racheté, qui ouvre la vie éternelle aux êtres temporels, si bien que la durée de la vie humaine, mesurée à partir du Seigneur, s'étend à toute l'éternité. Dorénavant, le croyant ne peut plus vivre simplement sa propre vie dans la durée de son temps et dans l'espace de la terre, il doit savoir que l'espace et le temps se sont infiniment élargis, que toute l'infinité du ciel y est incluse, que son temps est le point de départ de l'éternité (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 29).

3 – Nous ne pouvons pas éclairer Dieu simplement à partir de nous-mêmes. La lumière qui l’illumine vient de lui. C’est lui qui éclaire le tout. C’est en cela que consiste l’éternel imprévu de Dieu. A partir des prémisses de Dieu, on ne pourra jamais tirer les conclusions que lui-même envisage. A partir de ses promesses, nous ne pouvons jamais prévoir comment elles se réaliseront. La véritable portée de la promesse n’est révélée que par son accomplissement (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique 100).

4 – Ce qu’Adrienne éprouve mystiquement avec une intensité particulière, l’absence de barrière entre le ciel et la terre, n’est étranger à aucun vrai croyant. Que les routes menant de la terre au ciel soient si nombreuses, que l’au-delà ne soit pas loin de nous mais soit réellement présent, c’est pour l’époque actuelle un message essentiel (Ibid. 51).

5 – Les différents exercices du chrétien – prier, méditer, faire pénitence, lire, etc. - n’ont tous un sens que par rapport à l’instant de l’union immédiate et simple avec le Seigneur. Pour la plupart des chrétiens, ceci a un nom : bonheur de la proximité, certitude de la mission, participation dans la foi à la vision de Marie et à celle de son Fils. La certitude de la foi est quelque chose de si beau que si l’on devait choisir entre elle et la vision, on ne sautait que choisir. Pour tous les chrétiens, c’est la même expérience jaillissante : soudain le Seigneur est là. Du passé au présent il n’y a pas de chemin. C’est une pure irruption de la grâce (NB 6,160).

6 – Aucune révélation n’appauvrit le mystère de Dieu, aucune révélation ne lui fait perdre sa liberté de révéler de lui-même ce qu’il veut et de garder pour lui ce qu’il veut. Sans doute les croyants sont-ils incités à se dépenser pour comprendre la parole, et cependant ils sont doucement avertis qu’ils ne doivent pas oublier que Dieu est incompréhensible et qu’il est le Tout-Autre (Sur Is 55,6-11. Isaias 117).  

7 – Dans les choses de Dieu, il faut renoncer à toutes les considérations de temps. En raison d’une prière faite aujourd’hui, Dieu peut corriger quelque chose qui s’est passé il y a des milliers d’années, tout comme un passage de l’Ancien Testament auquel on n’avait jamais prêté attention ou qu’on n’avait jamais compris peut faire surface et se laisser saisir (Kostet und seht 280).

8 – Les vues de Dieu ne sont pas si profondément voilées au croyant qu’il ne saurait pas ce qu’il a à faire dans l’instant présent. La plupart du temps, il ne voit pas l’ensemble du plan de Dieu ni où il le conduit mais, s’il est obéissant, il voit ce que Dieu exige de lui maintenant Le grand oui à Dieu inclut les innombrables petits oui de tous les jours (Sur Jc 4,7. Die katholischen Briefe I,193).

9 – Porter dans sa prière ce que Dieu a commencé à nous révéler et qui n’est pas encore tout à fait clair. Prier pour obtenir la clarté. Ou simplement emporter le secret dans sa prière. Cela trouvera sa place dans l’ordonnance générale. C’est comparable à la mission du Fils qui n’est pas apparu tout à coup comme un homme parfait. Il a suivi un cheminement. D’abord les promesses, puis le sein de sa mère, puis sa croissance sur terre, puis la croix, puis par la mort vers l’Ascension. Le cheminement est parfaitement logique, mais cette logique n’est visible que de Dieu seul, et il n’en montre quelque chose que selon sa volonté (NB 5,193).

 

25e dimanche B    (Sg 2,12.17-20; Jc 3,16-4,3; Mc 9,30-37)

1 - De quoi parliez-vous en chemin? Naturellement Jésus sait de quoi ils ont parlé. Mais il ne craint pas de poser la question. Il sait que la réponse leur sera pénible. Le Seigneur voit ce qui peut s'améliorer en eux, ce qu'il peut leur apporter là où ils en sont. Il pose donc une question, et une question qui exige une réponse. C'est un dialogue incessant avec le Seigneur; nous sommes tentés parfois de l'interrompre ou de ne pas répondre. - Mais le Seigneur reprend toujours le dialogue interrompu et il pose une fois encore la question, la même peut-être : toute la vie chrétienne est faite de ce dialogue avec le Seigneur. Nous demandons au Seigneur de bien vouloir ne jamais cesser de nous interroger et la grâce d'y répondre en toute vérité (Sur Mc 9,32-33. Cf. Saint Marc 427).

2 - Eux se taisaient, car ils avaient discuté en chemin la question de savoir qui était le plus grand. Ils mesurent comme on a l'habitude de mesurer en toute communauté. On connaît ses propres vertus, ses propres fautes aussi, et l'on connaît les fautes des autres et leurs qualités. Pendant leurs longues marches en commun, les disciples ont assez de temps pour comparer entre eux leurs progrès et leurs reculs. Ils mesurent. Mesurer est une activité humaine. Si Dieu juge à son tribunal, il ne mesure pas comme les hommes. Il a d'autres mesures. Les hommes ne peuvent pas concevoir que tous sont égaux. Ils ont une soif de hiérarchie. Ils savent déjà en quelque sorte, ou le pressentent tout au moins, qu'il y a de grands saints et des gens avec de petites missions. Ils ont posé la question que l'on ne doit pas poser dans la communauté du Seigneur. Car la première chose que le Seigneur attend de nous dans son amour est une réponse de notre amour, qui ne peut se faire que dans l'humilité. Or l'humilité, pas plus que l'amour, n'applique de mesure (Sur Mc 9,34. Cf. Ibid. 428-429).

3 - Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit... Le Seigneur prend un enfant qui est dans la maison. Cet enfant n'est pas là par hasard; il sert sans en être conscient. Ce que le Seigneur utilise est sanctifié par le fait même qu'il l'utilise. Et il met l'enfant au milieu des disciples. Peut-être l'enfant a-t-il peur parce qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il était peut-être plongé dans une occupation enfantine. Et tout à coup il est contraint, il est pris par le Seigneur et placé au milieu des disciples. Jésus ne lui pose pas de questions. On ne sait rien non plus de ses impressions, de sa peur, de ses résistances. On sait seulement qu'il est là, que le Seigneur peut le prendre et le placer au milieu de ses disciples. - Et on voit alors quelque chose de très beau. Quand le Seigneur se sert de quelqu'un pour lui faire comprendre une vérité ou un chemin nouveau, il le serre dans ses bras. Il prend l'enfant de telle sorte que l'enfant sent combien le Seigneur lui veut du bien. Et ainsi il ne se sent pas étranger au milieu des disciples... Il ne sent qu'une chose, c'est que le Seigneur l'entoure solidement de ses bras, qu'il l'a pris réellement, qu'il ne se sert pas de lui pour le renvoyer quand il n'en aura plus besoin, mais que désormais il l'assure de son amour. Quand on est embrassé par le Seigneur, il n'est pas difficile de s'abandonner à sa volonté et de se laisser mettre par lui à la place et au rang qu'il a prévus (Sur Mc 9,36. Cf. Ibid. 431-432).

4Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes, ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. Les disciples ont entendu cet enseignement sans en comprendre un mot. Ils discutent alors entre eux pour savoir qui est le plus grand. Là-dessus, Jésus prend un enfant dans ses bras : le plus grand, Dieu, manifeste sa grandeur en s'abaissant et en se mettant, comme le serviteur de tous, à la dernière place ; le Fils est humilié dans son service d'esclave, mais le Père aussi est humilié, lui qui a consenti à cette humiliation de son Fils. Qui a le courage de l'imiter ? (Cf. HUvB, Lumière de la parole... Année B, 126-127).

5 - La foi suppose toujours l’enfance. Qui veut demeurer croyant doit rester un enfant vis-à-vis de Dieu (Sur 1 Jn 2,28. Die Johannessbriefe 87).

6 – La parole de Dieu, l’Évangile : ne pas voir en eux essentiellement des commandements et des défenses, sinon on ne rencontrera jamais l’Esprit Saint qui est le centre de tout. Toute la vie des apôtres avec leurs petits conflits, leurs petites actions et leurs trop courtes réflexions : le Seigneur les dilate ; l’ensemble est une "petite voie" sur laquelle l’Esprit du Fils, l’Esprit du Père, est rencontré, au moins autant que dans les événements extraordinaires et frappants (Sur Mt 27,64. Passion nach Matthäus 214-215).

7 – Il y a l’essai d’être tout à tous et avec cela pourtant, comme première condition, la relation verticale à Dieu : il doit regarder à l’intérieur "sans effort", nous devons devenir transparents, nous tenir toujours sous son regard (NB 8,485).

8 – Sur terre, le Fils est tout à la fois sans protection - on peut l’outrager, le tuer – et protégé : le Père est toujours avec lui et il est dans le Père. Ainsi Dieu est également vulnérable et invulnérable (NB 10,2287).

 

25e dimanche C (Am 8,4-7) ; 1 Tm 2,1-8 ; Lc 16,1-13)

1 – Le gérant qui a gaspillé les biens de son maître nanti et qui doit rendre compte de sa gestion, choisit la malhonnêteté comme issue "prudente". Il sait se tirer d'embarras : menacé de perdre sa gérance, il espère être reçu chez ceux dont il a diminué les dettes. Le Christ ne loue pas la malhonnêteté, mais l'habileté qui, dans le domaine terrestre, dépasse très souvent l'habileté des chrétiens, bien qu'il s'agisse pour eux aussi d'être ou de non-être. Ils devraient entreprendre quelque chose pour être reçus dans les demeures éternelles au lieu d’attendre passivement le jugement et le renvoi éventuel. - Le plan divin de salut inclut tous les hommes. L’Église doit, au-delà de son domaine propre, se soucier de l'humanité tout entière. L’Église doit donc prier pour le grand domaine non chrétien (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 127-128).

2 - Nous devons laisser à Dieu la liberté d’utiliser nos prières selon ses plans. Il se peut que vous demandiez la convesion de votre collègue, un Chinois est converti à sa place ! (La mission ecclésiale d’AvS. Actes du colloque romain 63).

3 – Épaphras lutte dans sa prière pour les chrétiens de Colosses. Celui qui prie a le pouvoir de rapprocher les siens de Dieu, de recommander pour la vie éternelle ceux qui lui sont confiés de sorte que quelque chose de cette vie terrestre soit introduit dans la vie éternelle, soit mis sous la protection de Dieu. Ceux qui sont concernés par cette prière n’ont pas besoin de le savoir pour le moment, mais le fruit de cette prière sera quand même là (Sur Col 4,13. Der Kolosserbrief 129).

4 – L’infini n’est pas négation de ce que nous sommes. Pendant la courte journée qu’est notre vie présente, on ne comprendra pas. Mais le fait de ne pas saisir est déjà dans la prière ouverture, disponibilité, acquiescement. On peut se demander : qu’est-ce que que c’est que la disponibilité, le don de soi (à Dieu), la foi ? Qu’est-ce que le simple oui à Dieu ? La réponse sera : ce sont de purs élans que Dieu recueille et auxquels il peut donner une plénitude, un visage. On est rempli d’action de grâce de ce que Dieu nous fasse don sur cette terre de choses qui paraissent de quelque manière finies et saisissables, comme une préparation à la vie éternelle, comme une montée vers ce qui en lui sera sans fin. Et l’on comprend que toute prière, tout acte de volonté chrétienne, tout essai de vie ecclésiale appartient aux élans qui sont accueillis par Dieu (NB 6,60).

5 – Toute croissance dans la connaissance de Dieu inclut une obligation (NB 9,1401).

6 Le Seigneur avant sa passion : il avait pensé pouvoir devenir homme et conduire à Dieu le monde et tout homme, mais cela s’avère impossible, parce que personne ne veut (NB 9,1774).

7 – Quand dans une église, quelque part, un ptre se prépare à distribuer la communion et quand il montre d’abord l’hostie, c’est certes à ceux qui assistent à la messe, mais certainement aussi à ceux qui aujourd’hui, pour une bonne raison, sont empêchés de communier et qui pourtant tiennent leur âme prête pour une communion spirituelle. Mais le prêtre montre aussi l’hostie à ceux qui n’avaient pas l’intention de communier plus souvent qu’à Pâques et à ceux qui, par une sorte de conscience de la tradition, veulent encore se compter comme étant de l’Église bien qu’ils ne pratiquent plus, et à ceux qui sont incroyants et se tiennent dehors ; et l’un d’eux, par hasard peut-être, attiré par la beauté de l’édifice, est entré dans l’espace de l’église. Doit-on dire que le premier groupe, et peut-être le second, soient les seuls qui soient atteints par le geste de bénédiction de l’Église ? Dans l’intention du Seigneur, la bénédiction va à tous, et de plus elle doit être reçue par ceux qui croient vraiment et par eux aussi transmise aux autres. En tout cas, la bénédiction a une force sociale qui veut atteindre tout le monde, également ceux qui ne se sentent pas concernés, les absents au-delà des murs et des frontières, peut-être aussi ceux qui ne sont pas encore nés et ceux qui sont morts depuis longtemps. La bénédiction du sacrement n’est pas liée au temps pas plus qu’à un espace. Quand Dieu le Père créa Adam, il pensait en lui au monde entier. Et ce n’est que le second Adam qui a cherché vraiment à ramener à la maison le monde entier (NB 6,499-500).

8 – Ce qu’un être humain peut donner de plus profond à son prochain, c’est sa prière ; et ce qu’il donne est si profond qu’il est incapable de le montrer ; c’est un don sans intermédiaire à l’intimité de l’autre de quelque chose qui provient de ce qu’il y a en lui de plus secret (Sur Jc 2,22. Die katholischen Briefe I,139).

9 – Le rôle du prêtre et de tout chargé de mission dans l’Église se trouve dans le prolongement de la mission de Jean. Lui, il a eu le privilège de vivre avec le Seigneur, ce fut le grand privilège de sa vie. Il y a vu aussitôt une obligation : y faire participer tout le monde, faire parvenir à tous les autres le don de Dieu. Si ceux qui reçoivent sa lettre entrent dans sa communion, ils reçoivent aussi Dieu. Il veut leur montrer combien est naturelle la relation avec le Seigneur (Sur 1 Jn 1,3. Die Johannesbriefe 12-13).

10 – Dans la Trinité, chacun a le souci de l’autre. Caïn : "Suis-je le gardien de mon frère ?" Dans la Trinité, c’est oui depuis toujours. Le zèle pastoral (l’aide spirituelle) n’a pas été inventé dans le monde (NB 6,474).

11 – Le Seigneur voit en tout homme quelqu’un à sauver, et tous les autres points de vue lui sont subordonnés. Sous ce regard, l’homme est ce qu’il dot être. L’espérance de l’homme ne peut pas être plus parfaite que celle du Seigneur (Kostet und seht 182).

 

26e Dimanche A (Ez 18,25-28 ; Ph 2,1-11 ; Mt 21,28-32)

1 – Cette parabole des deux fils, avec sa conclusion, contient deux enseignements. Le premier est qu'une conversion tardive est meilleure que le pharisaïsme qui s'imagine n'avoir besoin d'aucune conversion : ce ne sont pas ceux qui se croient en bonne santé, mais les malades, que Jésus est venu appeler et guérir (Mt 9,12 ss.). Le second enseignement distingue nettement entre le dire et le faire., entre de pieuses assurances à l'égard de Dieu, avec lesquelles on se trompe soi-même parce qu'on pense qu'elles suffisent, et l'exécution effective qui souvent est accomplie par ceux dont le comportement extérieur ne la ferait pas présumer (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 127).

2 – La lecture d’Ézéchiel tient compte de la conversion tardive. Les chemins de la vie sont souvent inextricables. On se perd d'abord un jour dans les champs du péché, loin de Dieu. On dit peut-être un non clair au Père, comme le second fils de la parabole. Mais pouvoir dire ce non, il faut d'abord avoir entendu un jour l'exigence divine, et parce qu'elle résonne en écho, la conduite du pécheur le met mal à l'aise. La mauvaise conscience le poursuit et lui gâte le plaisir du péché. Il murmure, comme Israël, contre le Dieu trouble-fête et il sait pourtant que Dieu ne peut avoir tort. C'est ce qui est arrivé à la pécheresse qui s'est convertie aux pieds de Jésus dans la maison du pharisien (Lc 7). L'événement d'une conversion, même tardive – qu'on pense au larron sur la croix - est pour Dieu si essentiel que tout ce qui est de travers est effacé dans le silence ; et Dieu commence avec celui qui s'est tourné vers lui un compte de vie entièrement nouveau. C'est pourquoi les publicains et les prostituées peuvent parvenir au Royaume des cieux avant les pharisiens (Cf. Ibid., 127-128).

3 - N'accordez rien à l'esprit de parti, rien à la vaine gloire (Ph 2,3). Les choses que fait le chrétien, les plus extérieures comme les plus secrètes, mais également son être, son attitude, ses relations et ses conditions de vie : tout cela a reçu un nouveau sens grâce à l'humilité. Si le Fils vient dans le monde et remplit toute sa mission, il la remplit dans l'extrême obéissance au Père, dans une obéissance qui ne se relâche pas un instant, qui est considérée comme le plus grand bien, qui attribue toute gloire au Père et la refuse pour soi-même. L'attitude du Christ envers le Père est une attitude d'humilité. En toutes choses, il estime le Père plus que lui-même ; en toutes choses, il cherche le Père, et cette recherche et cet accomplissement de la volonté paternelle sont l'expression de l'humilité divine du Fils, pour qui rien n'a de valeur que ce qui vient du Père (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 50).

4 - Devenu semblable aux hommes (Ph 2,7). Le Fils de Dieu prend la nature humaine comme elle se présente à lui, avec les conséquences du péché, mais sans le péché. La lassitude qu’il ressent à la suite de longues marches ou de veilles nocturnes, il la surmonte dans la force d’une obéissance humaine à Dieu, qui ne peut passer pour une force qu’il aurait puisée dans sa divinité. Il ne s’accorde pas la liberté de hisser constamment la nature humaine qu’il a reçue au-delà de ses limites. Il supporte davantage que d’autres parce qu’il aime davantage, il souffre plus parce que son obéissance est plus grande ; et il nous fait don de cet amour, de cette obéissance, afin que nous apprenions à ne pas trébucher continuellement sur nos limites, mais que nous arrivions au contraire à les faire reculer quelque peu, pour mieux servir Dieu et être davantage accordés à notre mission (L’homme devant Dieu 10).

5 - La joie constitue le fondement de la mission du Seigneur. Il s’est abaissé, il s’est fait homme et a parlé un langage humain pour élever l’homme et lui accorder la grâce de comprendre avec le cœur la parole de Dieu (Cf. Gleichnisse des Herrn 20).

6 – Celui qui comme Jean vit totalement dans la mission ne peut rien faire, même pas écrire une lettre, si ce n’est en rapport avec la mission, même si demeurent les relations les plus amicales. "Gaïus que j’aime en vérité: tout cet amour est caché dans la vérité, la vérité en Dieu, dont Jean est si pénétré qu’elle englobe tout ce qui lui appartient. Et parce qu’il aime dans la vérité, il sait qu’il aime réellement dans l’amour du Seigneur. Celui qui croit n’aime plus seulement avec son propre amour limité, mais avec l’amour qu’il reçoit du Seigneur dans ce but. La note personnelle et la note divine de l’amour ne se détruisent pas l’une l’autre, elles collaborent et s’influencent mutuellement. Si on voulait dire à un autre son amour uniquement dans le Seigneur, cela sonnerait faux et inauthentique. Dieu ne fait pas de nous des marionnettes dans notre amour (Sur 3 Jn 1. Die Johannesbriefe 291).

7 – Que Dieu devienne homme veut dire qu’un homme vivra comme Dieu sur terre, quelqu’un qui possède toute la richesse de la nature divine, et qui renonce à en jouir pour partager notre existence comme un homme pur et simple, pour apprendre à connaître nos tentations et à y résister (Sur 1 Jn 5,5. Ibid. 201).

8 – Le Père et le Fils lors de l’incarnation. Le Père comme un possédant, le Fils comme un mendiant. Le Fils mendie au Père de pouvoir lui donner la dernière preuve de l’amour, par exemple devenir homme. Le Possédant peut lui accorder cette possibilité puisque tout lui appartient. C’est comme l’ouverture du cœur du Père vis-à-vis du Fils qu’il lui laisse prendre le chemin de l’homme. - Mais le Fils, dans la comparaison, peut aussi être celui qui possède et le Père le besogneux. Le Père sent que son monde lui manque : l’échec de sa création. Et le Fils lui ouvre son cœur et lui offre ses richesses par la possibilité qu’il a de devenir homme (Sur 1 Jn 3,17. Ibid. 133).

9 – Il y a des chrétiens qui se mettent totalement à la disposition de Dieu et de l’Église. Ils sont inclus en Dieu (NB 8,684).

10 – L’obéissance se fonde sur l’amour, car le modèle de toute obéissance est la relation du Père et du Fils. Tout ce que le Père ordonne est amour, même lorsque c’est quelque chose de pénible. Tout ce à quoi se soumet le Fils est amour, même lorsque, dans la nuit de la souffrance, il n’en saisit plus le sens. L’obéissance est l’expression de l’amour, son expression peut-être la plus forte, mais l’amour reste toujours la mesure et il embrasse tout. La soumission d’amour du Fils au Père est donc la mesure pour toute obéissance humaine : ce n’est que dans l’amour qu’on peut donner un ordre et être obéi (HUvB, AvS et sa mission théologique 272).

 

26e dimanche B (Nb 11,25-29; Jc 5,1-6; Mc 9,38-48)

1 - Les chrétiens doivent toujours se souvenir que, par leur foi, ils font partie de l’Église et donc que c'est en tant que membres de l’Église qu'ils peuvent scandaliser le Juif, le païen et même celui qui partage leur foi; ils peuvent les scandaliser et par là faire du tort à l’Église (Sur 1 Co 10,32. Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,37).

2 - Un de ces petits qui croient. Le Seigneur considère tous ceux qui croient comme petits, car la foi comporte un renoncement à la fausse maturité. Est faussement mûr celui qui se figure posséder une maturité qui lui permet de mener sa vie selon son bon vouloir. Le croyant sait, quant à lui, qu'il doit oser essayer de prendre le chemin que le Seigneur lui indique, et de ne pas prétendre savoir mieux que lui. La fausse maturité signifie se targuer d'une fausse liberté qui ne vient pas de Dieu; car la liberté que Dieu nous donne est la liberté du Fils de l'homme de faire la volonté du Père (Sur Mc 9,42. Saint Marc 439).

3 - Mais si quelqu'un doit scandaliser. Nous pouvons tous inciter au péché, parce que nous sommes tous pécheurs nous-mêmes. Mais il n'y a pas pire péché que d'entraîner au péché d'autres qui sont purs, qui ne connaissent pas encore certains péchés, au lieu de leur montrer le chemin vers le Seigneur. Et il y a pour nous un nombre incroyable de façons d’entraîner les autres à pécher. Comme chrétiens, nous sommes exposés. Les non chrétiens nous observent, ils veulent savoir ce que notre foi fait de nous. Et s'ils constatent que nous commettons même des péchés que ne font pas ceux qui affichent moins leur foi, nous devenons pour eux cause de scandale (Sur Mc 9,42. Cf. Ibid. 440).

4 - Il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d'être jeté à la mer. Une mort inévitable serait pour le chrétien qui scandalise une plus grande grâce que ce qui l'attend. Nous devons vivre et demeurer dans une proximité de Dieu telle que tout ce qui nous éloigne de Dieu doit nous faire craindre d'être en route vers le péché. Dieu nous a pris dans ses bras, il nous donne sa grâce. Mais nous devons aussi toujours vouloir recevoir cette grâce (Sur Mc 9,42. Cf. Ibid. 440).

5 – Première partie de l'évangile : un homme qui n'appartient pas à la communauté du Christ peut faire quelque chose de salutaire au nom de Jésus. La communauté doit le savoir : ce n'est pas seulement en elle qu'il y a une pensée et une action chrétiennes. Dieu est assez puissant pour faire naître une certaine disposition chrétienne – le verre d'eau offert – même en dehors de l’Église, et pour en récompenser le bienfaiteur. - Deuxième partie de l'évangile : le sort de celui (chrétien ou non) qui en séduit d'autres qui ne sont pas affermis spirituellement ou moralement (des "petits"). Faire tomber le croyant simple est satanique et mérite un châtiment sans pitié. Mais l'homme peut aussi se séduire lui-même : sa convoitise mauvaise peut se loger dans sa main, son pied ou son œil. Ce qui séduit est à détruire. Un homme spirituellement partagé ne parvient pas à Dieu ; ce qui est anti-divin en lui a sa place en enfer (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 128-129).

6 - Quand la foi prend possession d’un homme de manière vivante, elle le force à demander à Dieu de lui donner toujours plus selon sa volonté. Plus Dieu répond, plus il exige, plus il charge, plus le croyant est obligé d’obéir à Dieu de manière inconditionnelle. Si par la suite l’homme se détourne de Dieu, son péché est d’autant plus grave, et Dieu ne peut que le punir en conséquence. Dieu doit lui enlever tout ce qui l’empêche de croire, soit en ce monde, soit lors du jugement, mais personne n’échappera à la punition. Celle-ci sera d’autant plus sévère que le croyant aura laissé davantage croître en lui les empêchements (Sur Jc 5,1. Die katholischen Briefe I, 212).

7 – Un homme simple, un prêtre, n’importe quel croyant, pourra faire facilement de son non à Dieu un oui total à la foi. Un autre, qui a une grande mission, peut s’attacher à lui-même dans un petit coin de son âme et se trouver lui-même plus important que sa mission. En ce petit coin de son âme, il a dit non. Cette place est si petite qu’elle lui semble totalement dénuée d’importance. Et cependant ce non va s’étendre comme une maladie à toute sa mission. Des gens simples ont pu accomplir totalement leur mission. D’autres l’ont gâchée totalement : dans leur mission divine, ils ont introduit subrepticement leur propre moi. Plus quelqu’un connaît l’Esprit, plus grand sera son péché contre l’Esprit. Il peut se faire aussi que quelqu’un est riche de quelque chose à quoi il s’accroche, mais que Dieu n’a pas prévu pour lui (Sur Jc 5,1. Ibid. I,212).

8 – Comprendre quelque chose de Dieu oblige au don. Si on comprend sans se donner entièrement, la fécondité est perdue. Naturellement il y a aussi une fausse compréhension. Il y a finalement ce que Dieu fait de toute manière, que nous écoutions ou non. Dieu parle, l’Esprit parle, mais si celui-ci à qui il est parlé se ferme, il n’entend rien. Beaucoup d’hommes pourraient entendre s’ils le voulaient. C’est un préjugé de penser que peu d’hommes seulement pourraient entendre (NB 5,242).

 

26e dimanche C (Am 6,1.4-7 ; 1 Tm 6,11-16 ; Lc 16,19-31)

1Le riche mourut aussi et on l'enterra. L'évangile souligne avant tout le fossé infranchissable entre la vie de bombance du riche et la misère du pauvre qui est couché devant le portail et voit donc tout ce qui se passe à l'intérieur sans que personne ne se soucie de ses plaies, sinon les chiens sales et vagabonds. Dans l'au-delà, le fossé devient l'abîme définitif, infranchissable entre le repos dans le sein d'Abraham et la torture dans les enfers brûlants. L'abîme est insurmontable pour Abraham lui-même. La parabole de Jésus est simplement une concrétisation de la parole que nous ne comprenons peut-être que difficilement : "Heureux vous les pauvres. Malheur à vous, les riches" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. 129-130).

2Conquiers la vie éternelle (1 Tm). Conquérir la vie éternelle ne signifie pas chercher à se saisir de Dieu. Dieu habite une lumière inaccessible, personne ne l'a jamais vu, personne ne peut le voir, il ne peut qu'être adoré, il ne peut jamais être saisi par l'homme. Se décider pour lui, porter témoignage pour lui, signifie au contraire que l'on a été saisi par lui et que l'on se tient à sa disposition (Cf. Ibid. 130).

 

27e dimanche A (Is 5,1-7; Ph4,6-9: Mt 21,33-43)

1 - Il la loua à des vignerons. D'une certaine manière, le Père donne en location au Fils le monde créé. Mais on peut dire qu'il le loue aussi aux hommes. Tout homme peut considérer sa tâche comme un fermage de Dieu, surtout la tâche qu'il a reçue de Dieu à l'heure où celui-ci l'a appelé et convoqué à la fécondité. Selon son plan, Dieu nous a plantés, soignés entourés d'attention. Il a planté en nous son enseignement, l'amour chrétien,  et en lui nous devons porter du fruit. Notre mission ne nous appartient pas. Elle nous est confiée, il la remet à notre propre responsabilité. C'est nous qui devons porter du fruit pour lui. Nous prions instamment le Seigneur de bien vouloir nous montrer à nouveau notre mission afin que nous reconnaissions comment il souhaite que cela porte du fruit (Sur Mc 12,1. Cf. Saint Marc 544-545).

2 - Allons-y, tuons-le. La suite nous fait comprendre que le fils, c'est Jésus. On le saisit, on le tue, on le jette hors de la vigne. On se débarrasse de lui en l'empêchant de rester ne serait-ce que comme prisonnier dans la vigne. C'est Jésus lui-même qui raconte ici son arrestation, sa mort, son rejet, avant même d'aller à la croix. Il le raconte comme s'il l'avait déjà vécu, donc dans une connaissance tout à fait claire de ce qui vient. Cette situation drastique de l'arrestation, de la mort et du rejet du Fils revient sans cesse. Au fond, c'est notre défaillance constamment renouvelée qui l'actualise. Nous sommes ces vignerons, nous rejetons la grâce, nous tuons, ne fût-ce qu'un instant, le Fils dans notre coeur et l'empêchons de récolter le fruit sur lequel il a un droit (Sur Mc 12,6-8. Ibid. 551).

3 - Ils cherchaient à l'arrêter. Ils voudraient arrêter le Seigneur, le mettre en prison, l'empêcher d'agir. On voit bien qu'à leurs yeux il n'est qu'un homme qu'on peut prendre et rendre inoffensif. Pour eux, il n'est en aucun cas l'homme-Dieu, mais un simple être humain. S'il peut être arrêté, il apparaîtra que le peuple a bien trop attendu de lui, toute distinction surnaturelle lui fera défaut. Ils ne croient pas qu'après son arrestation des signes puissent se produire qui leur rappelleraient à eux-mêmes, aux gardes et au peupla qu'il est le Messie. Nous devrions nous examiner et voir si nous sommes toujours conscients, quand nous prions et pensons au Seigneur, qu'il est vraiment Dieu (Sur Mc 12,12. Cf. Ibid. 554).

4 – Sans aucun doute la parabole des mauvais vignerons a été prononcée d'abord à propos du comportement d’Israël dans l'histoire du salut. Mais la parabole ne se trouverait pas dans le Nouveau Testament si elle ne concernait en rien l’Église. Demandons-nous si Dieu reçoit réellement de l’Église le fruit qu'il en attend. Il le reçoit avant tout des saints chargés de mission, qu'ils soient canonisés ou non. Mais la question qui nous est adressée demeure : comment l’Église les a-telle reçus et comment les reçoit-elle encore ? Le plus souvent mal, très souvent pas du tout ; beaucoup (parmi eux aussi des papes, des évêques, des prêtres) vivent un martyre au sein de l’Église elle-même : refus, suspicion, moquerie et mépris. Et si on les canonise pour cela après leur mort, combien de fois leur image est-elle faussée selon les désirs des gens : Augustin devient le promoteur de la persécution des hérétiques, François un enthousiaste de la nature, Ignace un stratège rusé, etc. La parole de Jésus reste vraie à travers les temps : "Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, sa parenté et dans sa maison (Mt 6,4). Et chacun dans l’Église doit se demander si la déception de Dieu à l'égard de la vigne qu'il a plantée ne le concerne pas personnellement, lui qui est habitué à critiquer l’Église comme telle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, 129-130).

5Ne soyez inquiets de rien (Ph 4,6). A travers l'exhortation à n’entretenir aucun souci, l'homme semble être arraché à tout son espace vital sur terre. Il doit considérer sans souci tout ce qui fait son quotidien, ce qui concerne ses besoins, devenir libre intérieurement de tout ce qui est extérieur. Si libre qu'il peut s'en remettre à Dieu pour tout ce qui est sien ; ses requêtes, il les a confiées à Dieu, son quotidien n'est plus à sa charge, mais élevé dans une sphère qui appartient à Dieu. Le quotidien n'est pas oublié mais transformé. L'homme doit à présent se faire du souci pour ce dont Dieu se soucie. Tout ce qui auparavant paraissait manqué et sans issue ne peut plus l'être. L'action de grâces est le mot de la fin : l'homme remercie parce que quelque chose lui a été confié, parce qu'il est désigné pour gérer une chose à laquelle Dieu attache de l'importance (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 134-135).

6 - Les croyants ne doivent pas se perdre en spéculations pieuses sur le mal et sur ce qui est anti-chrétien, mais prier pour recevoir du Seigneur l’explication des tenants et aboutissants. La prière est une part de leur service, aussi bien leur droit que leur devoir (Gleichnisse des Herrn 31).

7 – Quiconque vit dans le Seigneur vit dans la paix du Seigneur (Sur 1 P 5,14. Die katholischen Briefe I,405).

8 – L’amour, pas la crainte ou l’angoisse de mal faire ou d’avoir mal fait (Sur 1 Jn 5,13. Die Johannesbriefe 220).

9 – Le Seigneur loue sa vigne à des vignerons. Le gérant sent la joie et le poids d’un travail en commun avec Dieu : il lui est permis de travailler pour Dieu. Dieu exigera de lui un vrai revenu ; cette pensée l’honore, l’encourage, le récompense (Gleichnisse des Herrn 91).

 

27e dimanche B (Gn 2,18-24; He 2,9-11; Mc 10,2-16)

1 - Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. De même que le péché met en danger l'unité entre l'homme et la femme dans le monde, voire peut la déchirer au point qu'il n'en reste plus rien, de même tout péché déchire notre unité avec Dieu. Sans le péché, il y aurait eu la possibilité pour Adam et Eve d'être parfaitement un en Dieu, chacun pour soi en Dieu et tous les deux dans l'unité parfaite avec l’autre en Dieu, si bien que la question du mariage ou du célibat ne se serait pas posée, mais tous auraient suivi l'unique chemin préparé par Dieu (Sur Mc 10,8. Saint Marc 451).

2 - On lui présentait des enfants pour qu'il les touchât. "On", c'est-à-dire des personnes anonymes, manifestement convaincues que les enfants recevront une sorte de bénédiction en étant touchés par le Seigneur. Il est remarquable qu'ils ne demandent pas à être touchés eux-mêmes. Pour eux, les enfants qui n'ont pas encore l'intelligence ont besoin d'un contact corporel. Un contact qui doit agir comme une caresse, avec la différence qu'il vient du Seigneur et a donc bien plus d'effet. Ils souhaitent la bénédiction du contact, ils aimeraient procurer à leurs enfants quelque chose de l'Esprit Saint du Seigneur. Il y a quelque chose de grand dans le désir de la foule que soient touchés des enfants qui ne sont pas malades ni infirmes, mais à qui simplement par ce contact du Seigneur, doit être procuré pour leur avenir un don rempli de grâce (Sur Mc 10,13. Ibid. 456).

3 - Car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu. Le Royaume est donc pour les enfants, ceux qui ne font pas de problèmes, les naïfs, ceux  qui aiment. Le Royaume n'est pas là comme un problème pour esprits surdoués, pour questionneurs hyper intellectuels, mais tout simplement pour des enfants aimants. Et le Royaume est la réponse à l'attente des enfants. Le Seigneur lui-même avec son amour, avec sa soif de voir venir à lui les enfants, forme ce Royaume, incarne le Dieu Trinité à qui appartient le Royaume de Dieu (Sur Mc 10,14. Cf. Ibid. 458).

4 – L'évangile règle la question du mariage : l'homme et la femme deviennent une seule chair. L’union, qui remonte à un acte de Dieu, est définitive, elle ne peut être dissoute par l'homme. L'évangile ajoute alors l'épisode de la bénédiction des enfants. Les enfants sont expressément le modèle de tout homme qui reçoit le royaume de Dieu, donc précisément aussi des gens mariés qui, s'ils gardent en face de Dieu une attitude d'enfant, ne peuvent pas adopter l'un envers l'autre l'attitude supérieure de l'adulte. Rester ensemble comme des enfants devant Dieu, rend possibles une entente et une bienveillance réciproques qui survivent aux inévitables tensions de l'existence (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, 130-131).

5 – Dans le mariage, les sentiments amoureux aident à surmonter les difficultés des premiers temps et facilitent l'adaptation mutuelle, surtout s'ils sont étayés par un amour véritable. Il se peut qu'au début certaines oppositions se manifestent plus intensément que ce que l'on avait supposé, mais si les deux êtres sont de bonne volonté et que leur amour est désintéressé, ils s'habitueront chaque jour davantage l'un à l'autre. Les époux attendent le remède non pas tant de l'état que de l'effort personnel fourni par chacun en vue de préserver l'entente mutuelle, cet effort étant une exigence d'autant plus sérieuse que les sentiments de départ perdent en intensité (Cf. Choisir un état de vie 108-109).

6Le psalmiste sait qu’il est comme un enfant, mais sa tâche est néanmoins de louer la majesté de Dieu (Ps 8,2). Il ne s’en plaint pas ; ce n’est pas grave du tout d’être enfant si on a le droit de chanter Dieu. Tout se joue au sein de la relation originaire entre le souverain glorieux et celui qu’il gouverne. Il se trouve quelque chose d’heureux, de joyeux dans cette relation : louer le nom de Dieu sur toute la terre. Le regard pour l’instant ne se porte pas sur le péché ; tout se passe comme si nous étions replacés dans la création originaire : les distances entre Dieu et l’homme sont réglées par Dieu lui-même, elles ne représentent pas un éloignement ; quoi qu’il ait créé, tout est glorieux, parce que plein de son nom (Dix-huit psaumes 34).

7 - Maris et femmes ont à trouver dans l’amour qui vient de Dieu la solution des problèmes qui naissent de la vie commune (Sur Col 3,19. Der Kolosserbrief 107).

8 – Le Christ : une infinie tendresse humaine pour tous ses frères vit en lui, elle repose totalement sur sa tendresse pour le Père (Kostet und seht 266).

9 – Dieu est par essence Trinité. Il est impossible qu’il ne comprenne que le Père et le Fils. A la longue n’être que deux signifie la mort. Un face-à-face éternel finit toujours par épuiser l’amour. Pour que l’amour entre deux sujets se maintienne en vie, il faut toujours un troisième qui les transcende : une tâche qui les comble, une source qui alimente leur amour, un intérêt commun, quelque chose qui stimule, prolonge, fasse éclater le cercle et offre à l’amour l’occasion de se renouveler à l’infini (HUvB, AvS et sa mission théologique 108).

10 – Notre vie est un souffle. Oui, mais un souffle qui s’offre au souffle de l’Esprit pour qu’il nous emporte dans l’éternel. Note temps très bref demeure alors valable pour l’éternité parce que l’Esprit nous fait demeurer dans la volonté du Père et dans la parole de vérité. Séparés de Dieu, nous sommes sans importance. En tant que chrétiens, nous sommes les frères du Christ (Sur Jc 4,14. Die katholischen Briefe I,207).

11 – Il est possible de porter les souffrances avec le Seigneur parce qu’il les a toutes portées lui-même sur la croix (Sur Jc 3,9. Ibid. I,165).

12 – Tout en l’homme et dans le monde a un sens pour Dieu. Dieu a fait à l’homme le don de la sexualité pour lui apprendre à communier eucharistiquement en vérité ; l’homme devrait apprendre à désirer Dieu avec autant d’ardeur que se désirent l’homme et la femme (NB 9,1742).

 

27e dimanche C (Ha 1,2-3 ; 2,2-4 ; 2 Tm 1,6-8.13-14 ; Lc 17,5-10)

1Prépare-moi à dîner. La foi ne consiste pas à s'asseoir et à attendre que le Seigneur vienne et nous serve avec sa grâce. Il ne peut pas souffrir qu'on se laisse servir par lui sans agir. Au contraire, le Seigneur trouve tout naturel qu'on serve avec lui, c’est-à-dire qu'on le serve. Et cela non en pensant orgueilleusement que l'apport de mes services sera utile au Seigneur, mais inversement, dans la modestie de celui qui sait : "Sans moi, vous ne pouvez rien faire" (Jn 15,5). La juste manière de nous apprécier est prescrite par le Seigneur : "Nous sommes des serviteurs quelconques, nous n'avons fait que notre devoir" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 132).

2 – Un incroyant ne peut se représenter la foi dans les fins éternelles que comme un jeu de l’imagination, combiné avec une secrète insincérité qui dissimule à l’homme l’existence telle qu’elle est en fait vécue dans sa réalité. Comme il ne peut se contenter de son existence et finalement de sa disparition, il s’évade dans un monde fictif… Il n’en va pas de même du croyant. Celui-ci sait que sa foi lui donne accès au monde de Dieu, un monde qui ne connaît aucune sorte de ternissure et où il n’y a de place que pour ce qui est divin et éternel. Sa foi a le pouvoir de lui ouvrir des sphères qui ne sont pas celles de l’entendement et de ce que peut atteindre la spéculation humaine… Plus il se détache de lui-même en priant, plus le monde de Dieu s’ouvre largement à lui… De ce que Dieu lui offre, il ne veut rien laisser échapper ; non par égoïsme, mais par simple esprit chrétien de service, sachant que ce que Dieu montre est toujours destiné à l’Église entière (Cf. Les portes de la vie éternelle 81-83).

3 – Si l’on vit dans la foi, on est constamment, quoi qu’on fasse - prière ou action concrète dans le monde - dans le courant de la vie trinitaire (Sur Jc 3,11. Die katholischen Briefe I,170).

4 – Coopérer à l’œuvre de Dieu. C’est comme si un génial professeur de mathématiques, dans son cours, traçait au tableau un calcul énorme ; tout est rempli de chiffres, des choses incroyablement compliquées auxquelles les élèves ne comprennent plus rien depuis longtemps ; ils sont là simplement et ils regardent. Ils se donnent un mal prodigieux pour happer un soupçon de quelque chose, mais ils ne suivent plus l’ensemble depuis longtemps. Survient alors, au beau milieu d’une énorme dérivée : deux fois deux. Un élève particulièrement zélé, emballé d’avoir compris quelque chose, crie de derrière : ça fait quatre ! Et le professeur le remercie d’un sourire pour le lui avoir rappelé si aimablement. Et il continue ses calculs. Telle est notre coopération aux calculs de Dieu. Nous ne faisons rien que ce que Dieu pourrait aussi faire lui-même et plus simplement. Et cependant nous sommes associés… "Quand vous aurez tout fait, dites : nous sommes des serviteurs inutiles" (NB 8,94).

5 – Le croyant qui, en tant que créature, se trouve en dehors de la nature de Dieu, a part dans la foi au monde intérieur de Dieu. Lui qui, par nature, ne voit pas les choses de Dieu, reçoit part à la vison que Dieu a. La foi est le don de Dieu, qui lui ouvre le monde de l’intra-divin. Les choses que le Père offre au Fils et à l’Esprit, il les ouvre aussi aux hommes et les leur fait comprendre (Das Licht und die Bilder 14-15).

6 – Adrienne et l’une des filles de l’Institut Saint-Jean en ses débuts. Cette fille se plaignait d’une faiblesse dont elle ne pouvait venir à bout. Adrienne lui dit :"Vous n’avez pas assez de foi. Il faut que vous croyiez plus fort au Christ. Il faut croire qu’il est si réel qu’il pourrait ouvrir la porte de cette pièce d’un instant à l’autre et entrer" (Cf. La mission ecclésiale d’AvS. Actes du colloque romain 62).

7 – Comment le credo, toujours le même, peut rendre ma foi plus vivante. Mon moi peut toujours grandir dans le contenu de cette profession de foi si l’amour du Seigneur, qui se trouvait à l’origine de de ce credo et l’a fait naître, vit aussi en moi. Si cela est, il y a certainement croissance, et mon credo d’aujourd’hui est tout autre que celui d’il y a un an. Mon moi a été pris par ma foi, par le Seigneur qui est la parole vivante de la foi (Sur 1 Jn 3,14. Die Johannesbriefe 125).

8 – Le croyant est mort à la vie terrestre, il vit une vie éternelle qui l’habite par la foi. Le Fils était celui dont la vie n’était que foi. Il fut déjà appelé à l’existence terrestre par l’acte de foi de sa mère. La foi est la racine de toute vie chrétienne. La foi exige dans notre vie une place toujours plus grande. Elle ne montrera son entière vérité et sa plénitude que lors de la manifestation du Seigneur Jésus, quand le Fils apparaîtra (Sur 1 P 1,7. Die katholischen Briefe I,261).

9 – Le Fils n’est venu que pour glorifier le Père ; il le fait depuis toujours et pour toujours. La glorification du Père est tellement démesurée que le Fils doit faire une œuvre infinie. Le Fils le fait par les sacrements : les sacrements nous ouvrent la vie éternelle et nous font déboucher sur l’éternité de Dieu Trinité. Dieu s’ouvre à nous dans le Fils et dans les sacrements (HUvB, AvS et sa mission théologique 208).

10 – Vue de l’extérieur, la foi lie comme l’amour lie deux amoureux. Vue de l’intérieur, la foi permet de participer aux temps et aux espaces éternels de Dieu. C’est l’Esprit Saint qui rend habitable pour nous l’espace du Fils et rend possible l’activité de notre esprit dans cet espace (NB 5,24-26).

11 – Dieu nous demande toujours ce que nous sommes capables de lui offrir, même dans la plus grande impuissance (NB 9,1869).

12 – Faire la pleine volonté de Dieu dans le cadre limité de sa vie. Il ne désire rien de plus (NB 8,586).

13 – Si quelqu’un veut essayer d’aimer Dieu et de vivre pour lui, il prévoira pour sa vie un règlement, il aura des projets, il essaiera d’édifier quelque chose et d’accorder alors son projet avec ce que Dieu veut de lui ; mieux encore, il essaiera de concevoir son projet à partir de ce que Dieu exige de lui. Mais Dieu demeure libre de bousculer sans cesse toutes les constructions et tous les projets. Il peut exiger aussi une disponibilité qui n’aboutit jamais à un résultat. Il peut faire préparer à quelqu’un ceci et cela, et il n’en sortira rien. Et à la place du travail que non seulement on espérait mais qu’on pensait aussi prévoir dans la prière, Dieu ne laisse survenir rien d’autre que souffrance, maladie, impuissance, fatigue démesurée. Dieu veut l’égalité d’humeur dans la sérénité. Dieu détermine sans cesse la mesure de ce qui est à supporter, également la mesure de la rencontre avec la souffrance (NB 10,2217).

14 - Vianney a eu dans sa jeunesse une expérience de prière. Un jour, il a dit un Notre Père sans beaucoup d'insistance, avec la disposition d'esprit où l'on se dit : je vais encore vite prier un peu maintenant. Et tout d'un coup il remarque que la prière devient vivante en lui. Qu'elle devient en lui la clef qui ouvre toute la richesse de Dieu. Que, par la prière, Dieu nous donne la possibilité d'avoir part à ses trésors. Comme si quelqu'un ouvre une armoire pour prendre une pièce de monnaie et il en tombe des sacs entiers. Mille fois plus. Mais pour qui a de l'argent les besoins s'accroissent. J'économise vingt francs pour acheter une robe. Mais si je reçois un million, je peux en quelque sorte tout me payer. Celui qui reçoit les trésors de prière de Dieu comprend qu'il peut oser les choses les plus folles. Vianney comprend tout d'un coup qu'il a part au pays tout entier de la grâce. En priant, il peut s'emparer de tout. Il s'enhardit, avec la grâce de Dieu, à regarder dans les cœurs des pécheurs. Il le fait aussi avec certitude. - Pour la plupart des chrétiens, la formule : "Dieu peut tout" est une affirmation vide de sens. Ils n'ont pas le courage d'entrer dans ce tout. Mais Dieu se réjouit quand nous le dévalisons. Ce fut dans la vie de Vianney une expérience unique. Une expérience inaugurale. Ce qui y fut décisif demeure toujours vivant par la suite, il peut y revenir. Vis-à-vis de Dieu, l'homme peut toujours revenir à des grâces déjà reçues (NB I/2,88).

15 – La foi doit rester ouverte sur Dieu au-delà de tout ce qu’elle a compris, et ainsi recevoir toujours de nouveaux développements. Au paradis, aux heures où Dieu s’y promenait, Adam pouvait vivre avec lui et toujours apprendre de lui du nouveau. Quand Dieu parlait, l’homme pouvait répéter ce qu’il avait entendu ; il appartient au sens de la parole de Dieu d’être toujours plus grande que ce qu’on en a compris et il appartient au sens de l’homme de demeurer dans une foi toujours ouverte à de nouveaux développements. Tout cela est troublé par le péché. Le sens de l’homme s’émousse s’il n’est pas continuellement nourri par le sens de Dieu. Ce que Dieu dit d’illimité, l’homme y met aussitôt ses limites, sa foi ne croit plus qu’à ce qui, dans les paroles de Dieu, lui semble adapté à sa nature finie. Il établit un certain rapport entre ce que Dieu "peut" dire et ce qu’il est capable de comprendre ; il enlève ainsi à la parole de Dieu son infinité et à la foi son ouverture sur ce qu’elle ne connaît pas encore de Dieu (Cf. NB 5,42-43).

 

28e dimanche A    (Is 25,6-9; Ph 4,12-14.19-20; Mt 22,1-14)

1 - La grâce du Seigneur demeure grâce là même où elle impose épreuve et privation (Sur Ph 4,12. Cf. Au service de la joie. Méditation sur l'épître aux Philippiens 143).

2 – Le roi, dans l'évangile, est Dieu le Père. Il prépare un repas de noce pour son Fils. Dans la célébration eucharistique, c'est le Père qui est le dispensateur : "J'ai apprêté mon banquet, venez aux noces". Dans la prière eucharistique, l’Église remercie le Père pour son don suprême : le Fils comme pain et vin. Le Père donne son don extrême et le meilleur, il n'en a pas de plus grand, c'est pourquoi celui qui méprise ce don le plus précieux ne peut rien attendre de plus. Il se juge lui-même, il se perd (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 131).

3 – Dédaigner l'invitation, c'est soit mépriser l'invitation à la noce, soit y participer indignement. Matthieu lie ces deux manières d'être indigne du don suprême du Père. La première, c'est l'indifférence : les invités ne se soucient pas de la grâce qui leur est offerte, ils ont quelque chose de plus important à faire, leurs tâches terrestres sont plus urgentes. Mais Dieu ne peut pas laisser passer pareil mépris de son offre. La seconde forme d'indignité, c'est l'indifférence de l'homme qui vient en promenade à la fête, à l'eucharistie, comme s'il entrait dans un cabaret. A quoi bon se donner la peine de mettre l'habit de fête, le roi doit être heureux que je vienne somme toute, que je pratique après tout, que je me donne la peine de quitter mon banc pour mettre un petit morceau de pain dans ma bouche. Il est amené à rendre compte : as-tu le moindre pressentiment que tu participes à la fête suprême du roi du monde, à l'aliment le plus précieux que lui seul peut offrir ? "L'autre resta muet". Peut-être est-ce seulement après son expulsion que lui apparaîtra ce qu'il a négligé par sa grossièreté (Cf. Ibid. 131-132).

4Je puis tout en celui qui me rend fort (Ph 4,13). Le tout dont parle Paul embrasse les situations les plus radicales et les plus extrêmes qui peuvent se présenter dans la vie humaine, mais aussi les plus quotidiennes et les plus ennuyeuses. Paul est au bord d'une source inépuisable qui est à sa disposition, à laquelle il peut puiser sans cesse pour rencontrer ce que le Seigneur lui envoie. Le Seigneur met sans compter ses moyens à sa disposition et ne semble pas préoccupé de savoir combien il en faut, du moment que la charge est remplie. Paul est l'administrateur à qui sont confiés les biens du Seigneur afin qu'il acquière, qu'il se procure ceci ou cela comme l'exigent les intérêts du Seigneur. Et l'administrateur paraît encore une fois comme sans importance et transparent, parce que toute la vigueur vient du Seigneur. Si Paul peut, ce n'est que réponse à l'authenticité et à la justesse de sa mission (Cf. Au service de la joie. Méditations sur l'épître aux Philippiens 143-144).

5 - Le Père ressemble à un homme riche qui voudrait tout donner à son Fils bien-aimé, mais son Fils lui a amené dans sa maison un tas de mendiants qu’il faut vêtir et nourrir. Et finalement le Père a permis au Fils de lui amener chez lui tous les pauvres qu’il a ramassé n’importe où. Le Père doit donc maintenant partager. Il a engendré ce Fils, il lui a partagé ses biens. Le monde qu’il a créé a une ressemblance avec le Fils qu’il a engendré, et le Fils est attaché au monde même après qu’il s’est détourné du Père. Les mendiants ont causé beaucoup de dégâts dans la maison et le Fils veut lui-même tout remettre en état. Situation très complexe dont le Père doit tenir compte (NB 6,268).

6 – Ne plus avoir un coin en soi qui ne soit rempli de la volonté de Dieu (Sur Col 1,9. Der Kolosserbrief 16).

7 – Le goût de Dieu est un appel de Dieu (NB 11,367).

 

28e dimanche B    (Sg 7,7-11; He 4,12-13; Mc 10,17-30)

1 - Suis-moi. Suivre le Seigneur veut dire marcher sur ses pas, faire ce qu'il veut et ce qu'il montre. Et il permet que cette vie à sa suite devienne une vie pleinement dans sa grâce. C'est qu'il veut façonner le tout. A l'homme qui a eu le courage de devenir pauvre en réponse à son appel, il offrira de le suivre d'une façon inouïe.Il lui montrera tout ce qu'il est, et lui donnera tout ce dont il a besoin en tant que chrétien. Il le lui donnera en puisant dans sa propre plénitude, pour que l'homme puisse vraiment le suivre. Nous ne sommes pas traités comme des inconscients, nous devenons des invités qui sont autorisés à entrer, à qui sont révélés tous les mystères qui peuvent être révélés en ce monde (Sur Mc 10,21. Cf. Saint Marc 467-468).

2 - Le Seigneur ne nous promet pas que nous porterons toujours notre sacrifice avec plaisir, joyeusement et le cœur léger. Il nous promet la vie éternelle que nous désirons et qui se trouve tout à fait ailleurs. Il se peut qu'il attende de nous que nous accomplissions toujours la plus petite chose le cœur lourd et que, malgré cela, il nous accorde de pouvoir le faire dans un don total de nous-mêmes (Sur Mc 10,22-23a. Cf. Ibid. 471).

3 - Je pense que nos pensées sur la toute-puissance de Dieu sont souvent trop théoriques. Nous ne voyons pas la force qu'il a de pénétrer dans notre vie, de transformer notre âme de telle sorte qu'il puisse l'utiliser, de vivifier nos actes de telle sorte qu'ils puissent témoigner vraiment de sa vie divine, de façonner chacune de nos pensées pour qu'elles soient telles qu'il veut les avoir dans sa toute-puissance. Et Dieu peut introduire chacun de nous dans chacun des domaines de sa vie. Et non seulement chacun de nous, mais tous les hommes et toutes les choses qui nous sont accessibles, et non moins celles qui ne le sont pas, et tous les temps et tous les lieux si bien que Dieu, peut, quand il le veut, faire de tout le créé un élément constitutif de son royaume (Sur Mc 10,26-27. Cf. Ibid. 478).

4 - Le jeune homme riche de l’Évangile n'a pas prié dans la pleine nudité de l'âme. Une prière dans la pleine nudité de l'âme dirait ceci : "Tel que je suis, Seigneur, et tel que je peux devenir par toi, je voudrais te servir. Mais ce que je peux devenir par toi se trouve tellement et si exclusivement dans ta seule main que rien de ce que j'ai été jusqu'à présent n' plus d'importance pour moi; tout ce que je suis et tout ce que j'ai est à ta disposition" (Cf. Le monde de la prière 129).

5 – L'évangile, c'est l'histoire de l'homme qui ne veut pas renoncer à sa fortune et des disciples qui ont tout quitté pour l'amour du Christ. Celui qui est attaché à sa fortune : la grandeur que cette fortune peut avoir est sans importance. Il peut fort bien y avoir des riches qui ne s'attachent pas à leurs biens (Jésus en a certainement connus et les femmes qui l'assistaient de leurs biens étaient-elles probablement fortunées), et il peut y avoir des pauvres qui ne sont pas prêts à renoncer au peu qu'ils possèdent. Pour Jésus il est impossible d'entrer dans le royaume de Dieu si on n'est pas disposé au renoncement, à tout abandonner au pouvoir souverain de Dieu. Il n'est pas question de mépriser les biens terrestres, mais de les faire passer derrière pour un motif précis : "à cause de moi et de la Bonne Nouvelle". Celui qui se dépouille de ses biens ne parvient pas à un port sûr ; le centuple qu'il recevra n'est définitivement promis que pour la vie future. Suivre Jésus n'est vrai qu'ainsi : la croix en ce monde, la résurrection dans l'au-delà (Cf. HUvB, Lumière de la parole... Année B, p. 132-133).

6 – Le plus souvent il y a dans la mémoire d’un homme quelques dates religieuses qui y sont gravées, peut-être le souvenir de sa première communion ou de son mariage ou de son ordination. Il se peut qu’un homme, à un moment donné, se soit senti engagé vis-à-vis de Dieu de manière absolue, comme quelqu’un qui a essayé de répondre en se donnant lui-même sérieusement, et qu’aujourd’hui il doive admettre qu’il n’a pas tenu sa promesse... Aujourd’hui c’est un homme d’affaires marié qui sourit de son enthousiasme perdu et ne peut plus croire sérieusement qu’il ait été un jour tellement en dehors du monde. Quoi qu’il en soit, il possède toujours une mémoire religieuse. Il sait que dans le temps fugace qu’il a passé, il y a eu des amorces de rapports avec Dieu ; dans la foi et la prière, il a confiance que l’avenir lui apportera encore des moments où il pourra repartir de nouvelle et meilleure façon. Voilà l’espoir et les hésitions de l’homme devant Dieu (Cf. Les portes de la vie éternelle 24-25).

7 – Curieux que, dans une amitié, par amour de l’autre, on devienne tel que l’autre l’attend, et que, dans l’amitié avec Dieu Trinité, on ne se laisse pas transformer comme Dieu le voudrait pour qu’on lui soit conforme. Et pourtant on a un e image de ce que Dieu attend d’un chrétien (NB 10,2244).

8 - Les conseils évangéliques sont l’expression de l’amour de Dieu et ils ne peuvent se comprendre et se vivre que dans l’amour. Ils sont une réponse à l’amour de Dieu (NB 10,2268).

 

28e dimanche C (2 R 5,14-17 ; 2 Tm 2,8-13 ; Lc 17,11-19)

1Où sont les neuf autres ? Il est clair que Jésus seul accomplit le miracle qui se produit quand les lépreux vont se présenter aux prêtres ; mais pour les Juifs, le geste liturgique prescrit par la Loi est si décisif qu'ils placent tout le sens de la guérison dans la cérémonie prescrite. De même bien des chrétiens considère le fait de "pratiquer" comme le centre de la religion, et oublient alors tout à fait la grâce reçue de Dieu, qui est l'origine et le but de la "démarche à l'église". Le but disparaît dans le moyen, qui n'a souvent plus guère de rapports avec ce qui est spécifiquement chrétien, et qui devient pure coutume, tradition irréfléchie. Il faut un "étranger", c'est-à-dire celui qui n'est pas habitué à ce qui est traditionnel, pour percevoir la grâce comme telle qui est donnée sur le chemin, avant même d'arriver aux prêtres, et en remercier qui de droit. On a besoin de prendre de la distance par rapport à l'accoutumance religieuse pour apprendre ce qu'est le miracle et quelle reconnaissance lui est due. Si nous traitons Dieu comme un automate, il nous montrera qu'il n'est pas cela, mais qu'il est le Dieu libre et vivant (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 133- 134).

2 – Dans la mesure où nous sommes pécheurs, nous craignons la mort ; dans la mesure où nous sommes sauvés, nous l’espérons ; dans la mesure où nous sommes les deux, crainte et espérance demeurent mêlés. L’amour parfait bannit la crainte chez celui qui est vraiment saint (NB 6,247).

3 – Il y a des grâces que des hommes refusent dans la maladie : des hommes qui, jusqu’au dernier instant, se refusent à voir la mort en face, qui préfèrent n’importe quel mensonge, qui ne se résignent aucunement à l’inévitable, qui refusent de penser à Dieu bien qu’ils aient peut-être eu durant leur vie une faible foi en lui, pensant que la mort les épargnera plutôt s’ils persistent dans leur refus. Se tenir à Dieu leur semble trop dangereux (NB 9,1859).

 

29e dimanche A (Is 45,1.4-6; 1 Th 1,1-5; Mt 22,15-21)

1 - Pour le prendre au piège dans sa parole. Ils voudraient empêtrer le Seigneur dans une déclaration à laquelle il ne puisse plus se soustraire, pour pouvoir dire au tribunal qu'il les a séduits. Ils voudraient pouvoir l'accuser d'avoir voulu les séduire. Le Seigneur est suffisamment homme pour que les pharisiens ne voient que l'homme. Mais il est aussi suffisamment homme pour que nous, les croyants, recevions de lui un exemple d'humanité chrétienne et apprenions de sa conduite à puiser, quand nous sommes attaqués, à la même source fortifiante que lui (Sur Mc 12,13. Cf. Saint Marc 556).

2 - Payer l'impôt à César? Ceux qui interrogent Jésus ne savent à peu près rien du Royaume de Dieu, mais ils savent quand même que Jésus l'incarne d'une certaine manière dans le monde. Le Seigneur pénètre leurs pensées. Ils n'ont pas du tout accueilli son Royaume. Ils n'ont aucune idée de ce que signifie un oui total à Dieu. Ils sont au fond juste bons à payer leurs impôts, puisqu'ils ont refusé son Royaume. Mais le Seigneur sait tout aussi bien que s'ils vivaient vraiment de la foi, la réalité du monde n'en serait pas abolie pour autant; elle resterait là avec ses exigences terrestres pressantes, car le Fils n'est pas venu pour abolir la création du Père mais pour l'accomplir par sa venue (Sur Mc12,14-17. Cf. Ibid. 558-559).

3 - Apportez-moi un denier. Le Seigneur sait bien que le denier porte l'image de l'empereur. Il connaît la pièce. Il n'a pas besoin de demander ce qu'est un denier et combien il vaut. Il le sait depuis l'époque où il était encore à la maison avec sa mère. Lui qui connaît les exigences du Royaume de Dieu, vit sur terre de telle manière que les soucis de ce monde sont eux aussi tout à fait réels pour lui. Il est l'homme qui vit auprès du Père, et le Dieu qui vit auprès des hommes. Jésus leur demande : "Quelle est cette effigie? Quelle est cette légende?" Et ils disent : "C'est  de César" (Sur Mc 12,14-17. Cf. Ibid. 559-560).

4 – Jésus échappe au piège. Il demande à voir un denier avec l'effigie et la légende de César. "Rendez donc à César ce qui est à César". La puissance du souverain antique s'étend aussi loin que s'étend son argent. Cette puissance est limitée, elle est très inférieure à la puissance de Dieu. "Rendez à Dieu ce qui est à Dieu". A Dieu tout appartient parce que l'homme a été créé non pas à l'image de César, mais à l'image de Dieu, et que Dieu est le souverain de tous les rois terrestres. Les rois se prennent pour des dieux. Jésus désenchante cette sacralisation. Dieu est le seul Seigneur. L'unique chose qui intéresse Jésus, c'est que Dieu reçoive tout ce qui lui revient, c'est-à-dire réellement tout. Aux seigneurs terrestres est léguée dans le meilleur des cas un fief divin. Jésus reconnaît à Pilate le pouvoir de le crucifier, mais seulement comme un pouvoir qui lui est donné d'en haut : cela correspond – ce que Pilate ne pressent pas – à la volonté du Père (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 133-134).

5 - Nous sommes toujours obligés de séparer en nous ce qui vient d’en bas de ce qui vient d’en haut (Sur Jc 3,15. Die katholischen Briefe I,177-178).

6 – Je ne chercherai pas le Seigneur s’il ne m’avait pas trouvé, et justement dans cette angoisse (NB 6,364).

7 – Un croyant ne veut se comprendre que dans la foi, c’est-à-dire en Dieu Trinité. Et donc on ne peut non plus le comprendre que dans le Dieu vivant (NB 6,428).

8 – Il y a des gens qui croient savoir ce qu’est la foi ou l’espérance. En fait on n’en a jamais fini avec les choses de Dieu. On n’en a jamais fini non plus avec la Bible (NB 2,18).

 

29e dimanche B    (Is 53,10-11; He 4,14-16; Mc 10,35-45)

1 - Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire. Ils montrent qu'ils connaissent sa gloire; ils l'ont déjà vue en effet avec Pierre sur la montagne. Ils montrent aussi qu'ils savent qu'il possède tout pouvoir et peut dans sa gloire faire ce qu'il veut. Et voilà qu'il doit vouloir ce qu'ils veulent : les avoir tout près de lui, et c'est ce que le Seigneur veut aussi. Quant à la préséance qu'ils réclament, elle prendra une forme qu'ils ne connaissent pas encore, à savoir laisser aux autres la préséance, s'il y en a une. Ils aimeraient retenir d'avance les meilleures places, ce qui obligerait les autres disciples à se tenir derrière. Grâce à leur amour, ils sont sûrement capables de sentir que leur demande contient quelque chose de trop humain et ne fait pas partie de ce que le Seigneur accorde dans sa gloire (Sur Mc 10,37. Cf. Saint Marc 490-491).

2 - Vous ne savez pas ce que vous demandez. Le Seigneur se trouve face à une demande des disciples dont le contenu et la portée leur échappent. Foncièrement, les disciples ne se tiennent pas autrement que nous devant le Seigneur. Nous demandons, et même lorsque notre demande est réfléchie, nous ne savons jamais ce que nous demandons. Nous pouvons bien insérer toute demande dans cette parenthèse : si c'est ta volonté. Mais justement cet essentiel, la demande que la volonté de Dieu se fasse, nous ne le saisissons pas (Sur Mc 10,38. Cf. Ibid. 491).

3 - Celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur. Vouloir devenir grand est une intention que les chrétiens aussi peuvent avoir : gagner de la considération, s'assurer une place, être au sommet d'une hiérarchie, ou bien , s'il n'y a pas de hiérarchie, se distinguer de quelque manière. En tant que chrétiens, qui essayons de vivre aussi entièrement que possible pour le Seigneur, cette tentative nous semblera a priori très risquée. Si nous pouvons faire un peu plus que d'autres, fournir un plus grand travail, être remarqués peut-être par notre façon d'être, être pris en exemple, ce n'est jamais pour nous assurer un avantage dans la hiérarchie de la vie chrétienne, mais toujours pour aider les autres à servir le Seigneur (Sur Mc 10,43. Cf. Ibid. 500).

4 – La demande des fils de Zébédée dans l'évangile n'est pas repoussée par Jésus, mais Jésus leur dit qu'ils ne savent pas ce qu'ils demandent. Il leur dit cela en parlant de sa coupe et de son baptême, c'est-à-dire de sa Passion. Inconscients, les deux disciples assurent qu'ils pourraient soutenir l'une et l'autre. Là-dessus Jésus leur promet une participation à sa Passion expiatrice de la croix. Puis Jésus parle de son propre service : donner sa vie en rançon pour une multitude. Par là, la souffrance chrétienne authentique – que ce soit la souffrance spirituelle ou la maladie ou la torture – est incluse dans la fécondité rédemptrice de sa Passion expiatrice (Cf. HUvB, Lumière de la parole... Année B, p. 134-135).

5 - Le Christ, le maître du château, se trouve, avec tous ses serviteurs, serviteur lui-même du bien de son Père (Sur Jc 1,4. Die katholischen Briefe I,36).

6 – Dans la souffrance, Dieu demeure voilé (NB 10,2216).

 

29e dimanche C (Ex 17,8-13; 2 Tm 3,14-4,2; Lc 18,1-8)

1 - Le droit pour l'homme d'appeler Dieu à l'aide repose sur le devoir d'écouter Dieu et de demeurer dans un état de disponibilité. Sa raison, qui le pousse à prendre des décisions, doit se tenir ouverte à la vérité divine de telle sorte qu'elle ne sache pas seulement d'une manière vague que Dieu existe, mais qu'à chaque instant il demeure sensible à son appel (Sur Is 66,3-4. Isaias 231).

2Écoutez bien ce que dit ce juge sans justice. Souvent, dans ses paraboles, Jésus prend son point de départ dans des situations immorales de ce monde : ici, le juge injuste, ailleurs l'intendant malhonnête, l'enfant prodigue, le riche insensé, le jouisseur, les mauvais vignerons. Et de là, Jésus passe aux lois du Royaume de Dieu. Le point de comparaison est ici l’insistance de la demande, inopportune, mais pas injuste. Jésus veut nous le faire comprendre : Dieu veut se laisser solliciter, et même importuner par l'homme. Il donnera toujours à celui qui demande ce qui est le meilleur pour lui : de bonnes choses (Mt 7,11), l'Esprit Saint (Lc 11,13). Mais demander suppose la foi et ici l'évangile nous laisse perplexes : à son retour, le Seigneur trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? C'est à nous que la question s'adresse (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 135).

3Quand Moïse tenait les mains levées, Israël était le plus fort (Ex). C'est ainsi qu'est constituée la chrétienté : les uns combattent au dehors pendant que les autres, à l'intérieur, prient pour les combattants. Mais les mains levées des priants dans l’Église doivent être soutenues, car sans prière l’Église ne peut pas vaincre dans les luttes spirituelles qui lui sont imposées. Nous devons tous prier nous-mêmes et aider les autres à prier avec persévérance ; il ne faut pas mettre sa confiance dans un affairement tout extérieur si l'on veut que l’Église ne soit pas vaincue dans les durs combats de notre temps (Cf. Ibid. 136).

4Tous les passages de l’Écriture sont inspirés par Dieu (2 Tm 3,16). Le croyant ne peut pas méditer l’Écriture uniquement par sa foi. Certes, elle l’instruit, mais elle a été elle-même confiée par le Seigneur à son Épouse, l’Église ; l’inspiration, qui a obligé les évangélistes à écrire, continue de rayonner dans l’Église : l’Église est inspirée par l’Écriture, elle transmet l’Écriture, l’accompagne de sa tradition, suscite des commentaires, en fait la matière de son enseignement, bien que l’Écriture contienne toujours davantage que ce qui est effectivement expliqué… L’Écriture est un tout, et nul n’épuisera jamais son sens plénier… La parole, un simple signe sur le papier, est pourtant aussi la parole de Dieu ; toute parole de l’Écriture s’ouvre en une projection sans fin dans la plénitude de Dieu (Ils suivirent son appel 85-86).

5 - Se rendre disponible à tout ce qui peut arriver doit pouvoir être exigé de tout chrétien parce que la grâce du Nouveau Testament dépasse fondamentalement toutes les attentes de l’Ancien Testament, toutes les perspectives des prophéties. Regardant maintenant le passé à partir de la vie du Seigneur, nous pouvons établir qu’il y a eu un accomplissement dans le prolongement de l’attente. Mais le mode de l’accomplissement ne pouvait absolument pas être pressenti par l’Ancien Testament (NB 6,453).

6 – La prière est quelque chose qui exige de l’esprit des croyants la plus vive attention, de sorte que pour prier vraiment, ils doivent contrôler leur vigilance, surmonter leur fatigue, leur penchant pour d’autres occupations, leur tiédeur, afin de prier dans un état véritablement éveillé et attentif, dans la pleine force de leurs pensées et de leur foi. Ils ne doivent pas ressentir la prière comme un devoir désagréable parmi d’autres, mais bien comme un cadeau dont ils ont à rendre grâce (HUvB, AvS et sa mission théologique 298-299).

7 – Quand un chrétien prie, il implore avec la dignité du mendiant qui n’a rien et qui a besoin de beaucoup, avec la dignité de l’enfant à qui il n’est pas donné de pouvoir donner quelque chose en échange de ce qu’il doit recevoir. Quand le chrétien adore, c’est avec la dignité de celui qui sait ; il ne pourrait dire sa reconnaissance si la grâce ne s’était révélée à lui comme celle qui abolit toutes les distances et franchit tous les obstacles qui viennent du péché (NB 6,165).

8 – Lire l’Écriture avec la conscience que cela me concerne, non comme on lit un roman, encore moins comme une histoire morale qu’on s’applique à soi-même. Non, l’Écriture est là pour moi. Dieu lui-même, dans l’inspiration des prophètes ou de la nouvelle Alliance, me parle à moi personnellement, même si sa parole s’adresse à l’individu dans sa relation avec la communauté des saints tout entière (Themenheft 33).

9 – Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans la plénitude de l’Esprit ; et quand nous disons sa parole après lui – le Notre Père par exemple -, nous le disons parfois dans l’Esprit, mais très souvent nous ne faisons que répéter la lettre de ses paroles. D’où l’absolue nécessité de la prière méditée et l’importance de fréquenter la parole de l’Écriture qui ne peut être comprise que par la foi (NB 6,551).

10 – Quand on prie, on sait que la plus grande part de la prière est un don de Die. Même quand on prie quelque chose d’aussi appris que le Notre Père, même quand on est convaincu d’avoir pris soi-même la décision de prier, même quand on se recueille personnellement dans sa chambre pour prendre en soi les pensées et les dispositions du Fils, on reconnaît pourtant tout de suite que tout nous est donné. Toute parole que l’on dit signifie beaucoup plus qu’on ne le saura jamais, toute parole a une plénitude qu’on ne pourra jamais lui donner soi-même, Dieu doit l’entendre d’une manière divine. Et même si l’on ne reçoit pas le don de voir la forme et le contenu que la prière revêt devant Dieu, on sait cependant que cette transformation a lieu et qu’elle est un pur don. La source d’où tout découle et de laquelle tout est formé réside en Dieu, on le pressent (NB 6,287).

11 – Nous voudrions être devant Dieu aussi clairs que ce cristal. Dans la prière, on peut se rattacher à tout, également à une joie ou à une souffrance qu’on a éprouvée et par laquelle on apprend à mieux connaître Dieu (NB 10,2058).

12 – Lorsque Dieu ne répond pas tout de suite à nos prières, ses réponses ultérieures ne sont pas moins fermes que ses réponses immédiates. Elles gardent toute leur plénitude même quinze ans, seize ans, dix-sept ans après (NB 9,1661).

13 – Dieu laisse dans l’obscurité la manière dont il utilisera la prière (NB 10,2221).

14 – Un croyant qui n’a pas de grâces mystiques a lui aussi la possibilité de vivifier sans cesse à neuf ses plus simples prières comme le Notre Père. Il peut méditer le sens de chacun des mots et de chacune des phrases, il peut en rapprocher des vérités qu’il connaît par ailleurs, il peut trouver nouvelle matière pour sa prière dans ses lectures, dans la rumination des prédications qu’il entend, dans ses conversations. Il recevra souvent aussi de Dieu lui-même des lumières et des consolations qui influeront sur sa prière (NB 5,29).

 

30e dimanche A (Ex 22,20-26; 1 Th 1,5-10; Mt 22,34-40)

1 - Qui a le commandement du Seigneur et le garde, qui aime donc son prochain, celui-là aime le Seigneur. Il peut connaître ce rapport, il peut aussi l'ignorer complètement. Peut-être le Seigneur est-il un étranger pour lui, peut-être ne le connaît-il pas réellement. Mais s'il aime vraiment les autres, il aime le Seigneur, et le Seigneur l'attire à lui (Sur Jn 14,21. Jean. Le discours d'adieu I,175).

2 – L'ordre dans la loi. Jésus rétablit l'ordre de la manière la plus claire : avant tout l'amour envers Dieu, comme la réponse de l'homme tout entier : la pensée, le cœur et l'âme. Et ensuite l'amour du prochain comme inséparable de l'amour de Dieu. Le plus significatif de la réponse de Jésus à la question posée est sans doute qu'il fait dépendre toutes les autres lois de ce double commandement : il est la norme et la règle de toute moralité. Aucune norme particulière n'a de valeur sans l'amour du prochain, et celui-ci n'a pas la préséance sur l'amour de Dieu (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 135).

3 – Le psalmiste est consumé du désir d’être auprès de Dieu (Ps 84,2-3). Le croyant se consume corps et âme après les parvis du Seigneur. Dieu a créé le corps et l’âme, ils lui appartiennent. Et que l’homme se consume ainsi après les biens de Dieu, est voulu par Dieu lui-même. Il a insufflé à l’homme l’aspiration vers lui. C’est une aspiration qui saisit l’homme tout entier et, en tant qu’aspiration, embrasse et approuve par avance toute l’œuvre de Dieu. Les demeures de Dieu sont à même d’apaiser et de combler toute aspiration, toute langueur de l’homme dans l’âme et dans le corps. Cette aspiration n’a rien de triste, car l’esprit et le corps à cette occasion crient de joie vers Dieu. Dans l’aspiration réside l’amour. Un amour jubilant parce qu’il connaît Dieu. Dieu est vivant, il a donné de sa vie aux créatures; les vivants savent qu’il vit, et les amants expérimentent qu’il aime, et ceux qui soupirent qu’il comble l’aspiration (Cf. Dix-huit psaumes 165-167).

4 – La foi n’est pas une consolation pour gens résignés. Le prochain n’est pas d’abord quelqu’un qui, avant moi, à côté de moi et après moi, est attelé à la même corvée ; il est quelqu’un qu’il faut aimer, quelqu’un à qui je dois transmettre quelque chose du rayonnement de la foi. Où que paraisse ce prochain, à la maison, au travail ou ailleurs, on ne peut le rater, l’amour le désigne, sa présence pose une question qui ne trouvera sa réponse que dans le domaine de la foi. L’obéissance chrétienne ne cesse de s’actualiser par le commandement d’amour du Seigneur : le prochain doit être aimé parce qu’il est le prochain. Il doit être l’objet de mon attention, il doit être pris en considération. Ce qui doit s’imposer, c’est le commandement lui-même (Le livre de l’obéissance 15).

5 - Le premier pas pour apprendre à aimer les autres, c’est d’essayer de les comprendre. Comprendre les hommes, c’est toujours les voir avec l’œil que Dieu nous donne, ce n’est pas de la science, c’est simplement une grâce (Lumina 10).

6 – Dieu reçoit tout amour vrai comme une prière pour l’utiliser là où il en a besoin (Kostet und seht 408).

 

30e dimanche B (Jr 31,7-9; He 5,1-6; Mc 10,46-52)

1 - Quand il apprit que c'était Jésus le Nazarénien, il se mit à crier : Fils de David, Jésus, aie pitié de moi. Et voilà l'inespéré, l'événement dans la vie du mendiant. Le Seigneur passe par là. Il y a une rencontre avec le Seigneur, une rencontre telle qu'elle peut nous être accordée dans la prière, dans la vocation, mais ici de façon visible. Et le mendiant, dont c'est le travail de mendier, se met à crier : "Aie pitié de moi!" Il ne dit pas du tout d'abord ce qu'il souhaite. Il ne souhaite que la pitié du Seigneur. Et en ne souhaitant rien de concret, il nous donne un exemple. Il nous montre le saut dans la confiance (Sur Mc 10,47. Cf. Saint Marc 504-505).

2 - Rabbouni, fais que je voie! Un aveugle parle, qui ne sait pas ce qu'est la lumière, qui demande donc quelque chose qu'il ne connaît pas, mais qui lui semble pourtant désirable parce que d'autres, la connaissant, la lui ont décrite, et qu'il puise dans leur expérience pour nourrir ce désir. Il est difficile d’imaginer combien grande doit être la foi de cet homme qui résume en une phrase tout son désir : "Fais que je voie!" C'est comme si un incroyant se présentait devant le Seigneur et lui demandait : donne-moi la foi. Ou comme si un croyant implorait du Seigneur une foi plus grande (Sur Mc 10,51. Cf. Ibid. 509).

3 - Va, ta foi t'a sauvé. C'est comme si tout d'abord le Seigneur ne le liait pas du tout à lui : "Va!" Aller où? Probablement son chemin. Celui-ci ne lui a pas été expressément défini. Mais c'est sûrement un chemin de foi. Et le Seigneur lui accorde la grâce de la vue comme une grâce qui était déjà contenue dans sa foi. Sa foi était assez forte, non seulement pour demander la grâce, mais pour l'obtenir : elle a sauvé. C'est donc la foi qui a conduit l'aveugle au Seigneur, c'est la foi qui le lie à lui. Voir signifie pour nous : avec la foi que le Seigneur nous donne, essayer d'accomplir ce qu'il attend de nous pour qu'il puisse nous dire : "Va, fais ton devoir, ta foi t'a sauvé" (Sur Mc 10,52. Cf. Ibid. 510).

4Le mendiant aveugle à la sortie de Jéricho. Les gens cherchent à faire taire le fâcheux, alors il crie encore plus fort. Jésus s'arrête, ordonne qu'il approche et il lui demande ce qu'il veut. Une seule chose : voir ! Le désir de la lumière est quelque chose d'élémentaire : désir de la bonne voie qu'un aveugle ne trouve pas, désir du chemin qui mène à Dieu. Et l'aveugle guéri se mit à suivre Jésus sur la route. Jésus s'est désigné comme la lumière du monde : "Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie". La lumière ne se trouve pas en notre pouvoir, pas plus que le soleil, qui se couche de nouveau. Le Seigneur ne se dérobe pas à nous, mais nous n'avons pas le droit de vouloir le tenir comme quelque chose qui nous appartient, qui dépend de notre bon vouloir. Tant que nous le suivons, la Lumière ne se dérobe pas à nous (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 136-137).

 

30e dimanche C (Si 35,12-14.16-18 ; 2 Tm 4,6-8.16-18 ; Lc 18,9-14)

1Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis. L'évangile des deux hommes qui prient dans le temple, le pharisien et le publicain, nous montre quelle prière monte jusqu'à Dieu. L'un des deux hommes prie la tête haute comme si le Temple lui appartenait, l'autre se tient à distance comme s'il avait franchi le seuil d'une maison qui n'est pas du tout la sienne. Le premier prie en lui-même, au fond il ne prie pas Dieu du tout, mais il fait devant ses propres yeux un étalage de ses vertus, dont il pense que, si lui-même les voit, Dieu surtout les verra, les remarquera, les admirera. Et il le fait en se distinguant résolument des autres hommes dont aucun n'a atteint le degré de sa perfection. L'autre ne trouve en lui-même que péché, un vide de Dieu qui, dans sa prière de supplication : "Prends pitié de moi", devient un vide pour Dieu. Quiconque prend pour but ultime sa propre perfection, ne trouvera jamais Dieu (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 137).

2 - La première lecture confirme l'évangile : "La prière du pauvre traverse les nuées". Le pauvre dont il s'agit n'est pas celui qui n'a pas d'argent, mais celui qui a consicnece d'être pauvre en vertu, de ne pas correspondre à ce que Dieu demande de lui. Mais ce vide ne suffit pas ; il est précisé : "Celui qui sert Dieu de tout son cœur est bien accueilli". C'est le service accompli avec l'humilité du serviteur inutile, ce n'est pas l'attente inactive du serviteur paresseux qui enfouit son talent. C'est le service qui est accompli en sachant bien que l'on travaille avec le talent remis par le Seigneur (Cf. Ibid. 137-138).

3 – Dans le dialogue avec Dieu, il se passe maintes choses qui font progresser notre connaissance de Dieu. Grâce à ce que Dieu transmet et livre de sa personne, nous apprenons à la connaître. Il arrive, il est vrai, que l’on s’illusionne : en priant, je peux supplier Dieu de donner une réponse précise : par exemple qu’il me montre si je dois agir de cette manière ou bien d’une autre ; mais si mon désir propre de faire ceci et non cela est très fort, alors la réponse de Dieu peut facilement se trouver ensevelie. Je ne le laisse pas réellement prendre la parole, mais je m’écoute moi-même comme à travers un porte-voix. Une telle attitude ne permettrait en rien d’avancer dans la connaissance de Dieu. L’homme a abaissé Dieu à son niveau et, de surcroît, il confond ce que Dieu a à lui dire avec ce qu’il voudrait entendre. Mais si la prière est vraiment dialogue, je dois alors me tenir devant Dieu de façon à le laisser parler comme un interlocuteur très illustre qui me dépasse infiniment, mais qui daigne néanmoins se rendre compréhensible à moi… Dieu est disposé à exprimer ce qui doit absolument être compris, de telle manière que le croyant puisse le saisir et se l’approprier (L’homme devant Dieu 34).

4 – Dans la prière, le chrétien peut comprendre certaines choses ; il comprend pourquoi il s’agenouille devant Dieu, pourquoi il reçoit un sacrement, mais il sait aussi que ce qu’il connaît par la foi est infiniment surpassé par la connaissance divine de l’Esprit Saint. Rien ne lui est plus évident que le fait que son intelligence ne saura jamais rejoindre la substance de la foi. La bigoterie mesquine que l’on rencontre si souvent dans l’Église et qui fait de la foi quelque chose de bien gentil et de sentimental et la rend ridicule aux yeux des autres, a toujours sa source dans la tentative de ramener le divin aux dimensions de l’humain. L’homme ne se tient plus devant la face de son Dieu mais devant une image que sa raison a fabriquée selon les mesures de sa propre essence (Cf. Ils suivirent son appel 77-78).

5 - Seul ce qui est abordé d’une manière humainement "correcte" peut procurer une relation correcte à Dieu. Ce n’est pas facile (NB 6,116-118).

6 – Si on s’offre à Dieu, on peut être sûr qu’il va nous recevoir. Mais le service de Dieu inclut qu’on reste sérieusement à son affaire, sans égard à ce qu’on est capable de faire, à ce qu’on veut, à ce qu’on désire, sans choisir soi-même arbitrairement les temps où on est plein de zèle et ceux où on est plein de tiédeur (Sur Jc 4,4. Die Katholischen Briefe I, 14-16).

7 – Le pécheur compte ses bonnes œuvres (NB 2,21).

8 – Le vrai chemin, le chemin de l’Esprit Saint, est à certains égards toujours le plus difficile. Celui qui écarte fondamentalement ce qui est plus dur pour choisir le plus facile s’est détourné intérieurement de l’Esprit (Sur 1 Jn 4,1. Die Johannesbriefe 146).

9 – En toute exigence du Fils à notre égard se trouve un cadeau, et en tout cadeau une exigence (Sur 1 Jn 3,16. Ibid. 130).

10 – Il est décisif qu’on entre dans l’Église avec humilité et non la tête haute, qu’on n’ait pas l’impression de rendre service à l’Église. C’est l’Église qui nous rend service en nous accueillant (NB 6,471).

11 – Le feu de l’épreuve : tout croyant en fait l’expérience comme Pierre l’a faite lors de son reniement. Ce n’est pas toujours une épreuve visible, ce peut être le doute, la lassitude, le vide, l’impuissance, l’ignorance. L’épreuve a toujours pour but d’éprouver et de purifier (Sur 1 P 4,12. Die katholischen Briefe I,380).

12 – Semblant de religion : tous ceux qui ne désirent qu’une chose, c’est que Dieu les laisse en paix (NB 8,578).

13 – Souvent je pense que Dieu est si peu content de moi (NB 10,2244).

14 Qui se vante de ce qu’il fait ne peut pas louer Dieu comme il convient. Au contraire, nous sommes invités à nous considérer comme des instruments à la disposition de Dieu avec les dons qu’il nous a faits. La gloire n’appartient qu’à Dieu. Il nous faut accorder à Dieu une si grande place qu’il ne reste plus rien pour ce qui nous est propre. Se vanter, c’est dérober à Dieu ce qui est à lui. Se vanter favorise l’incroyance en soi, mais aussi en ceux qui entendent ces vantardises. L’important, c’est que la volonté de Dieu s’accomplisse en nous, donc que nous lui offrions la place qui lui convient. En tout ce qui concerne la foi, il n’y a aucun répit. On se décide toujours pour ou contre Dieu. Toute perte de temps, toute décision remise à plus tard est déjà une manière de gaspiller le temps donné par Dieu (Sur Jc 4,16. Die katholischen briefe I,209-210).

15 – On peut s’entraîner en quelque sorte au travail de la perfection, comme un alpiniste qui emporte la satisfaction d’avoir vaincu un sommet, même si celui-ci reste dans la brume : "Je l’ai vaincu". Dans la vie spirituelle, il est facile de donner à ce sentiment le nom de grâce et de ressentir dans le fait d’être en haut le mérite de la montée. Il est facile de se donner de l’importance et de s’éloigner de Dieu, de se construire un Dieu qui nous justifie nous-mêmes (NB 9,1559).

16 – Un grand pécheur, qui connaît le vrai repentir, est beaucoup plus agréable à Dieu que cette vase indéfinissable de petits péchés minuscules qui recouvre l’âme d’une peau qui la rend insensible à Dieu (NB 8,801).

 

31e dimanche A (Ml 1,14-2,2.8-10 ; 1 Th 2,7-9.13 ; Mt 23,1-12)

1 – Tous les textes de ce jour concernent la position du clergé dans le peuple de Dieu. Dans la deuxième lecture, Paul nous donne une image idéale de la pratique chrétienne du ministère ; il aime la communauté qui lui est confiée, comme une mère son enfant. Il se comporte à son égard non comme un fonctionnaire, mais d'une manière personnelle : il fait participer les frères à sa vie, comme le Christ l'a fait. En plus, il ne veut pas être à la charge de la communauté, son service ne doit pas être pour elle une charge matérielle, c'est pourquoi il travaille. Et sa plus grande joie consiste en ce que les gens le reconnaissent réellement comme un serviteur. Ce qu'il cherche uniquement, c'est que la Parole de Dieu reste active "en vous, les croyants". Il sera, lui aussi, l'objet de fausses accusations, mais il sait que de pareilles choses font partie du service sacerdotal. 1 Co 1,13 : "On nous calomnie, et nous consolons. Nous sommes devenus comme l'ordure du monde, jusqu'à présent l'universel rebut" (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 137-139).

2 - Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité de Dieu. Nous sommes enclins à l’oublier. Beaucoup de nos prières ne voient plus la majesté de Dieu et ne sont qu’un produit de notre imagination et de nos pieux désirs. Nous disons sans y penser : "Je suis un rien entre tes mains, tu es tout". Ou bien "Parce que je veux tout ce tu veux, tu veux tout ce que je veux". Ces derniers temps, je lisais des choses énervantes de ce genre, qui jouent avec le don de soi, qui semblent très élevées, mais qui cependant réduisent tout à ma propre mesure. Avec cette manière de projeter le Seigneur dans toutes nos vues et tous nos actes, de mettre en rapport avec sa croix nos petits désagréments, nous limiterions le Seigneur à notre dimension humaine et nous nous rendrions toujours plus étrangers au véritable esprit du don de soi (NB 6,116).

 

31e dimanche B    (Dt 6,2-6; He 7,23-28; Mc 12,28-34)

1 - Un scribe demanda : Quel est le premier de tous les commandements? Nous voulons essayer de nous mettre à la place de ce scribe qui assiste à la scène, et de suivre ses pensées. Il entend par hasard une conversation qui d'abord ne le concerne pas directement. Il entend la réponse pertinente du Seigneur. Soudain il est attiré, le sujet l'intéresse, surtout qu'il a lui aussi une question. Sa question correspond sans doute au besoin de montrer au Seigneur qu'il veut entrer en contact avec lui. Il est intelligent et sa question aussi est intelligente (Sur Mc 12,28. Cf. Saint Marc 567-568).

2 - Aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même. On peut d'abord se demander, en commençant par la fin : avons-nous le droit de nous aimer nous-mêmes? Comment comprendre cela chrétiennement? Dieu nous a aimés le premier; si nous aimons Dieu de toute notre âme, nous avons toujours part à son amour; et s'il nous aime, nous n'avons pas le droit de nous haïr. De là découle aussi l'amour du prochain. Car lorsque nous le mettons en pratique, nous aimons les hommes pour lesquels le Fils est venu dans le monde et a donné sa vie. Nous les aimons parce qu'ils sont entourés de l'amour de Dieu (Sur Mc 12,32-34. Cf. Ibid. 570-571).

3 - Jésus voyant qu'il avait fait une remarque pleine de sens, lui dit : Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu. C'est le premier scribe dont on nous dit qu'il a fait une remarque sensée. Tous les autres sont restés dans leur entêtement. Selon le jugement du Seigneur, il n'est pas loin du Royaume de Dieu. Il est en route  parce qu'il a compris la sainteté. Il n'y a pas d'autre chemin pour parvenir à la sainteté, sinon l'amour. Le scribe a acquiescé intérieurement à la sainteté qui lui est apparue dans le Seigneur (Sur Mc 12,34. Cf. Ibid 571-572).

4 Quand le Père permet veut l’incarnation, il montre que chaque personne divine est au service de cette nouvelle révélation de l’amour. La Trinité est ouverte et expliquée pour nous. Cette sorte de "désintégration" de l’amour se trouve au service de notre intégration dans l’amour. Notre prochain doit sentir que l’amour que nous avons pour lui découle de l’amour de Dieu, et Dieu doit savoir que, quand nous l'aimons, nous aimons aussi notre prochain (Sur 1 Jn 4,10. Die Johannesbriefe 165).

5 – Dans l'évangile d’aujourd’hui il est clair qu'entre le judaïsme et le christianisme, il eût été de nécessité de ne pas en arriver à une discorde. Il subsiste une unité à propos du commandement le plus important, même sur l'adjonction du commandement de l'amour du prochain à celui de l'amour de Dieu qui surpasse tout. Même la nouvelle Alliance ne pouvait pas mieux l'exprimer (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 138-139).

6 - L’homme ne peut pas se considérer comme un être à l’abandon, mais comme quelqu’un qui doit aimer Dieu parce que Dieu l’a aimé. L’amour de Dieu est toujours amour obéissant Aimer Dieu, c’est tout mettre à la disposition de Dieu, tout ce dont il peut avoir besoin en nous. Tout mettre à la disposition de Dieu, y compris ce que nous ne connaissons pas en nous et dont Dieu voudrait se servir (Cf. Gleichnisse des Herrn 128-129).

7 – L’amour chrétien du prochain ne fait qu’un avec l’amour de Dieu, c’est l’amour de Dieu lui-même qui se répand à travers l’amour chrétien. C’est pourquoi on ne peut pas suspendre temporairement son amour de Dieu pour le remplacer par un intense amour du prochain, par des bonnes œuvres (NB 8,978).

8 – L’amour a toujours un désir. Si j’aime quelqu’un, je veux être avec lui. Si j’aime Dieu, je veux être avec Dieu. Je veux pouvoir mettre en œuvre mon amour. C’est Dieu qui me donne l’amour, il veut être avec moi dans l’amour qu’il me donne. C’est une exigence de l’amour de Dieu. C’est le désir qui me donne l’amour, le désir que Dieu a d’être avec moi. Et alors l’amour devient aussi en moi le désir d’être avec Dieu. Tout ce que Dieu aime est comme du feu ; ce qui est tiède n’est pas de Dieu (NB 7,33).

 

31e dimanche C (Sg 11,23-12,2 ; 2 Th 1,11-2,2 ; Lc 19,1-10)

1Zachée, descends vite. C'est un tableau singulier que nous brosse l'évangile : l'homme très riche qui monte sur un arbre pour voir Jésus. En tant que chef des collecteur d'impôts, il est considéré comme un grand pécheur, mais c'est justement chez lui que Jésus veut être reçu. Jésus sait que, partout où il arrive, il apporte la grâce avec lui. "Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison". Et cela parce que le Fils de l'homme est venu sauver ce qui était perdu. Il est reçu chez Zachée parce qu'il y a là quelque chose à sauver. Certainement pas parce qu'ici de bonnes œuvres seraient exécutées, qu'il faudrait récompenser, mais parce que Zachée, lui aussi, est un fils d'Abraham, qui ne doit pas être exclu de l'amour de Dieu. L’évangéliste s'intéresse uniquement au salut que Jésus apporte dans cette maison. Il est bon de savoir que lui aussi entre chez des gens très riches quand le salut chrétien doit leur arriver. Il y a des pauvres qui sont riches - en esprit de convoitise - et il y a des riches qui sont pauvres - en esprit de service, grâce à leurs biens (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 140).

2Tu épargnes tous les êtres parce qu'ils sont à toi (Sg). La merveilleuse déclaration de la première lecture dit que Dieu aime tout ce qu'il a créé, sinon il ne l'aurait pas créé. Bien des hommes, bien des chrétiens mêmes, ne veulent pas le croire devant les maux sans nombre qui apparaissent dans le monde. La preuve que le livre de la Sagesse apporte pour soutenir son affirmation est simple et lumineuse : "Tu aimes tout ce qui existe, tu n'as de répulsion pour aucune de tes œuvres, car tu n'aurais pas créé un être en ayant de la haine pour lui". Sans doute le péché appelle-t-il nécessairement un châtiment, mais le pécheur est puni de telle sorte qu'il peut y reconnaître une exhortation à la conversion. Dieu ne châtie les pécheurs que par amour et pour leur conversion à l'amour. Le Seigneur ne vient pas simplement vers nous comme une menace, comme un voleur dans la nuit, mais également comme celui qui nous accompagne sans cesse sur notre chemin vers le ciel, nous éclaire dans sa marche avec nous, comme les disciples d'Emmaüs, et nous délivre de toute crainte devant lui (Cf. Ibid. 139-140).

3 - Ne pas revendiquer d’autre place que celle qui nous a été départie par l’amour (Sur Col 2,2. Der Kolosserbrief 49).

4 – Dans les pécheurs, il nous faut voir des hommes qui sont empêchés d’aimer Dieu. C’est pourquoi il nous faut les aimer aussi. En soi, ils auraient le droit aussi d’aimer Dieu, mais ils sont privés de l’exercice de ce droit par le péché. Notre frère, qu’il soit pécheur ou saint, est notre frère du fait qu’il a le droit de tendre vers Dieu. Nous devons rendre possible sa mission, qui est d’aimer, et mettre notre amour au service de sa mission (Sur 1 Jn 4,20. Die Johannesbriefe 187).

5 – D’une lettre d’Adrienne au P. Balthasar le 16/04/1941. L’amour est si grand que je voudrais le partager sans faire de choix ; il est suffisamment grand, tous peuvent en avoir leur part. Au cours des consultations, il y avait toujours ceux ceux que j’aimais et ceux que je supportais : les maniérés, les compliqués, qui font tout un drame de leurs bobos ; et maintenant je remarque que ce sont justement ceux-ci qui ne connaissent pas assez l’amour, qui sont privés de la grâce, et elle leur manque, et il faut leur donner de l’amour pour remplacer la grâce que Dieu ne leur a pas encore accordée (NB 8,56).

6 – Il n’y a pas de distance entre le ciel et la terre. Le ciel commence toujours là où je suis et où se trouve Marie avec son enfant (NB 9,1668).

7 – Dans la contrition, lors de la confession, on ne doit pas seulement regretter le négatif qu’on a fait mais voir aussi l’écart qui me sépare de l’image positive que Dieu a de moi. Et l’image de perfection que Dieu a de moi a en elle le souffle de la vie éternelle. Dans ce qui me sépare de l’image de la perfection, je ne vois pas seulement mes lacunes mais aussi ce que Dieu espère de moi (NB 10,2065).

8 – La vraie nature du péché : ne pas suivre l’appel de Dieu. Le péché : ne pas prendre au sérieux le péché et son poids. Le péché : l’aspect irrémédiablement mesquin, libidineux, sale, égoïste, mercantile de nos sentiments vis-à-vis de Dieu (NB 8,274).

 

32e dimanche A (Sg 6,12-16 ; 1 Th 4,13-18 ; Mt 25,1-13)

1 – Avec l'année liturgique qui touche à sa fin, le regard se tourne vers la conclusion de l'histoire et le retour du Christ. Ce que saint Paul fait entrevoir, ce n'est ni l'anéantissement ni la transmigration des âmes, c'est la participation à la résurrection du Christ qui a réfuté l'irrévocabilité apparente de la mort. Saint Paul a la certitude que tous ceux qui appartiennent au Christ seront avec le Seigneur pour toujours. Il s'agit donc de veiller et d'être prêt pour le jour et l'heure du retour du Christ (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 139).

2 – L'enseignement fondamental de l'évangile des vierges sensées et des vierges sottes, c'est qu'il faut veiller et attendre dans l'espérance ; même si c'est la nuit, c'est de la prudence ; ne pas se tenir prêt pour l'heure, c'est de la folie. A l'heure de la mort, l'homme doit avoir l'huile de sa disponibilité, il ne peut pas revenir en arrière pour aller se procurer quelque part cette disponibilité. Que les heures de la nuit et de l'incertitude puissent être longues, c'est expressément reconnu. La disponibilité à Dieu peut à tout instant, même au milieu des affaires terrestres, être vivante. La parabole des vierges qui, arrivant trop tard et frappant à la porte, sont repoussées comme des inconnues, n'indique pas une dureté de cœur de Dieu, qui ne voudrait pas pardonner aux pécheurs ; elle indique uniquement que, pour notre tiédeur et notre indifférence, il peut y avoir un jour un véritable "trop tard". Cette possibilité nous est mise sous les yeux afin que nous comprenions le sérieux de l'exhortation finale : "Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure" (Ibid. 140-141).

3 - Il est difficile de décrire l’Esprit et de dire quelque chose de lui parce qu’il est capable des plus petites choses comme des plus grandes. Là où on commence à savoir quelque chose de l’Esprit, là se termine ce qui nous est propre ; on est accueilli et pris en charge, l’Esprit témoigne, on est son hôte. Nous devenons tellement les hôtes de Dieu que nous finissons par être dans notre propre maison non seulement en Dieu ou dans l’Église, mais là aussi où rien ne nous dépossède parce que "l’hôtel" consiste à demeurer libre pour la rencontre. Parce que l’Esprit ne s’est pas fait homme, on ne peut donner une forme à aucune de nos rencontres avec lui. Pour l’Esprit, la paix est en même temps mouvement. Les vierges qui vont à la rencontre de l’Époux avec leurs lampes connaissent l’Époux, mais les vierges sages sont poussées par l’Esprit sans pour autant le connaître assez pour pouvoir décrire sa présence ; et après la rencontre avec l’Époux, elles sont poussées plus loin avec lui jusque dans la salle des noces (NB 6,464-465).

4 – Le Seigneur nous demande un service. Les dix jeunes filles attendaient l’époux dans la nuit. Qu’elles dorment, cela ne fait rien. Mais dès que l’époux est annoncé, il faut qu’elles soient là avec leur lampe allumée. Le Seigneur leur demande un service : faire de la lumière et aller à sa rencontre avec de la lumière (Gleichnisse des Herrn 104).

 

32e dimanche B (1 R 17,10-16; He 9,24-28; Mc 12,38-44)

1 - Gardez-vous des scribes. Est-ce grave de porter des robes spéciales, ou d'être salué, ou de prendre les premières places dans les synagogues et les premiers divans dans les festins? Pas forcément. En soi, ils avaient le droit de se distinguer par leurs vêtements, le droit d'occuper des places particulières. Ces droits faisaient partie de leur ministère légitime. Toute la mise en garde du seigneur vise à montrer que personne n'a le droit de revendiquer la dignité du ministère s'il n'a pas le sens du ministère, la foi, l'amour (Sur Mc 12,38. Cf. Saint Marc 575).

2 - S'étant assis face au Trésor, il regardait la foule mettre de la petite monnaie dans le Trésor. L'offrande des gens ne lui est manifestement pas indifférent. Il les regarde faire, probablement sans être remarqué. Et les riches et les pauvres ne se seront pas comportés autrement qu'aujourd'hui dans les églises. Peut-être faut-il le regard surnaturel du Seigneur pour faire la distinction en toute assurance entre les riches et les pauvres. Il y a eu peut-être parmi eux de faux riches et de faux pauvres. Le Seigneur regarde attentivement. Dans tout ce qui est rapporté du Seigneur, nous pouvons être sûrs qu'il a des raisons importantes, divines finalement. Cela vaut pour toutes ses paroles et ses actions que nous ne comprenons pas pour le moment et qui nous resteront peut-être mystérieuses jusqu'à la fin des temps (Sur Mc, 12,41. Cf. Ibid. 577).

3 - Elle, de son indigence, a mis tout ce qu'elle possédait. Le Seigneur est dans le temple et il enseigne. Et quelque part se trouve le Trésor, un accessoire du temple. Et voilà que la conduite de la veuve est intégrée dans son enseignement comme une incitation venue de l'extérieur, et elle rentre dans l'attitude des disciples et de l'Eglise. C'est justement ce que le Seigneur avait attendu pour exposer plus profondément à ses disciples son enseignement sur le sacrifice (Sur Mc 12, 44. Cf. Ibid. 577-578).

4 – Les riches jettent de leur superflu dans le tronc de l’offrande, ce qui pour eux ne représente aucun dommage et les distingue devant les hommes. La veuve y jette, avec ses deux piécettes, tout ce qu'elle a pour vivre ; elle le fait spontanément et sans que personne, sauf Dieu, ne le remarque. Aucune parole n'est échangée, pas même entre Jésus et elle, mais Jésus la pose en exemple. Il ne dit même pas un mot de la récompense ; l'acte de la femme est tellement resplendissant qu'il a sa récompense en lui-même. Derrière le don que Jésus fait de lui-même sur la croix, on aperçoit le sacrifice du Père qui est tout à fait comparable à celui de la pauvre veuve : lui aussi jette tout ce qu'il a, non seulement son bien le plus cher, mais aussi son bien le plus nécessaire, dans le tronc des offrandes : "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Cf . HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 141-142).

5 – Elie se met en route et, à l'entrée de la ville, reconnaît la veuve. La volonté du Seigneur, c'est qu’Élie et la veuve fassent ce qu'il attend d'eux. Elie doit quémander pour lui-même, pour sa nature, à partir du surnaturel. Elle réplique avec des arguments purement naturels. Elle a quelqu'un à sa charge, son fils, et elle ne peut plus prendre soin de lui, car elle n'a plus rien. Elle voit la fin toute proche. Et au moment précis où elle s'apprête à préparer le dernier repas, cet étranger survient avec son exigence. Mais elle devine sans doute qu’Élie lui parle de la part de quelqu'un de plus grand. Elie rencontre la veuve alors qu'elle fait les préparatifs de son dernier repas. Elle connaît la mesure nécessaire d'huile et de farine. Son expérience lui dit qu'il n'y en a plus que pour une fois. Lorsque le miracle surviendra, rendant farine et huile inépuisables, elle perdra le sens de toute mesure. Dieu ôte toujours la mesure à celui qui obéit. Dès qu'un homme vit de sa grâce, les mesures, les poids et toute considération humaine sont abolis (Cf. Elie, 26-32).

6 - Les saints ne sont pas tous également saints – bien loin de là ! - et maint brave chrétien, certainement "du genre saint", a été élevé à l’honneur des autels en vertu de considérations où la politique ecclésiastique était prédominante, tandis qu’une foule d’autres, dont la sainteté propre était et est beaucoup plus authentique, sont restés dans l’ombre et peut-être sont demeurés totalement inconnus. Qui sait si, dans l’Évangile, la plus grande sainte ne fut pas cette veuve que Jésus remarqua près du tronc des offrandes, lorsqu’elle y mit non pas "de son superflu", mais, "sur sa misère, tout ce qu’elle avait pour vivre" (Cf. HUvB, Les saints, croix de l’histoire, dans la revue Communio, novembre-décembre 1979, p. 30).

7 – Quotidien et Trinité s’accordent difficilement. Et cependant le Christ a vécu lui-même dans une ouverture continuelle au Père et à l’Esprit, et il nous a laissé sa vie à imiter. La solution consiste à se renier vraiment soi-même, sans réfléchir à tout ce que nous faisons et sans se regarder dans un miroir (apparemment pour le Seigneur). Le Christ et sa mère prennent les humiliations pour ce qu’elles sont. Il les reçoivent dans l’obéissance, comme elles doivent être vécues. Sans les minimiser, ni avec enthousiasme, ni tumultueusement ; ils laissent aux choses ordinaires le sens que Dieu leur donne. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut vivre en Dieu le quotidien, qu’on peut faire l’expérience de Dieu Trinité dans les petites choses, tel qu’il est et non tel que je me le représente. Il se peut fort bien que beaucoup des événements du quotidien doivent être accueillis simplement comme ils se présentent, sans pieuses distorsions qui veulent à tout prix et d’une manière artificielle les mettre en relation avec le Seigneur. Seul ce qui est abordé d’une manière humainement juste peut aussi procurer une relation juste à Dieu. Ce n’est pas facile (NB 6, 116-117).

 

32e dimanche C    (2 Mc 7,1-2. 9-14 ; 2 Th 2,16-3,5 ; Lc 20,27-38)

1Duquel d'entre eux sera-t-elle la femme ? C'est naturellement une question insoluble, et les sadducéens qui ne croient pas à la résurrection veulent justement qu'elle soit insoluble. Au fond, ce n'est pas du tout une question., car nous ne pouvons pas transposer au ciel toutes nos relations terrestres et penser que Dieu au ciel est lié par nos lois terrestres. Il y a des lois qu'il nous impose pour que nous vivions dans un ordre voulu par lui aussi longtemps que nous sommes ici-bas. Au ciel, cet ordre sera aboli, parce qu'il ne sera plus nécessaire lorsque nous vivrons avec nos corps ressuscités dans son ordre céleste (Sur Mc 12,23. Cf. Saint Marc 562).

2Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. C'est ainsi que Dieu se présente dans les paroles de son Fils. Il dit qui il est : "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob", donc un Dieu unique, permanent, identique, immuable. Mais il n'est pas le Dieu d'un Abraham défunt, d'un Isaac ou d'un Jacob défunts. Il n'est pas un Dieu de morts mais un Dieu de vivants. Mais pour le reconnaître comme le Vivant, ils doivent se tenir vis-à-vis de lui dans une relation vivante. Il y a une continuité de la vie des croyants qui procède de la continuité de Dieu et est donc un cadeau de sa grâce ; une vitalité par-delà la mort qui est plus forte que notre conception de la mort (Sur Mc 12,26-27. Cf. Ibid. 566-567).

3Vous êtes grandement dans l'erreur ! Le Seigneur les a éclairés. Il a dessiné les contours de la résurrection des morts, autant que les hommes peuvent la comprendre. Après avoir constaté leur erreur, il cesse de discuter. "Vous êtes dans l'erreur". Point. S'ils veulent rester dans l'erreur, libre à eux. Le chemin dans la vérité de Dieu leur est ouvert. C'est comme si le Seigneur les avait pris par la main et conduits jusqu'à sa vérité. Il n'est pas question de contrainte, mais plutôt d'une pure révélation du chemin. La liberté leur est offerte. Mais c'est à eux de la saisir (Sur Mc 12,27. Cf. Ibid. 567) .

4Dieu n'est pas le Dieu des morts. Dans l'évangile, Jésus écarte simplement la stupide casuistique des sadducéens racontant l'histoire de la femme mariée sept fois. Sans doute la résurrection des morts sera-t-elle une résurrection corporelle, mais le mariage et la génération d'enfants n’auront plus de signification puisque les ressuscités ne mourront plus. Cela ne veut pas dire que l'on ne pourra plus distinguer entre homme et femme et qu'il n'y aura plus dé fécondité. Les ressuscités auront part à la fécondité du Dieu vivant, fécondité connue de Dieu seul et de ses anges. Les hommes qui attendent fermement le retour du Christ et la résurrection, ceux dont le cœur aime Dieu et reçoivent de Dieu la force pour tout ce qu'ils peuvent faire et dire de bien, peuvent dès maintenant par leur intercession participer à la fécondité éternelle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C. p. 141-142).

5 - Le mystique peut être entraîné par le Seigneur en toutes sortes d’états : de la nuit intérieure la plus profonde à l’amour le plus brûlant. Tout cela fait partie de son unique mission. Tant qu’il obéit, le mystique ne peut pas perdre cette mission, aussi il n’a pas besoin de s’inquiéter car le lieu de sa mission est en Dieu. Il peut y demeurer en se laissant faire et en obéissant. Il vit dans sa mission comme un nomade ; il ne sait pas à quel moment les tentes seront démontées, il ne sait pas à quel moment il devra aller ailleurs. Mais ce qu’il sait très bien, c’est que Dieu a sa mission en main et que c’est lui qui la dirige et la règle (NB 5,18).

6 – L’Église n’est pas un écran entre Dieu et les hommes, elle est pure médiation, elle relie à Dieu lui-même. Elle n’enchaîne pas la conscience des croyants à elle-même, elle renvoie à Dieu tout leur liberté (Sur 1 P 2,19. Die katholischen Briefe I,323).

7 – Résister au diable en se soumettant à Dieu. Mais la fuite du diable n’est jamais une fois pour toutes. Il ne cessera jamais de tenter même ceux dont le oui central à Dieu est très fort (Sur Jc 4,7. Ibid. I,193-194).

8 – La vie terrestre doit s’ouvrir au ciel qui est la patrie définitive de l’homme (Kostet und seht 174).

 

33e dimanche A (Pr 31,10-13.19-20.30-31;1 Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30)

1 Les talents. Aux créatures, le Créateur a confié sa fortune, à chacun selon ses capacités, donc d'une manière tout à fait personnelle. Les talents spirituels sont donnés personnellement aux individus : nous les avons reçus et nous n'avons pas le droit de travailler avec eux pour nous, pour notre épanouissement personnel, mais pour Dieu. Car nous-mêmes, avec tout ce que nous avons, nous nous devons à Dieu. Il est dans la nature du talent qu'il ait à produire quelque chose. Le serviteur paresseux ne veut pas voir en cela la bonté du maître mais sa sévérité : "Tu moissonnes où tu n'as pas semé ; j'ai été enfouir ton talent dans la terre". A nous qui sommes des vivants, Dieu offre ce qui est vivant et qui doit croître : l'enfouir dans la terre comme ce qui est mort, est absurde. Aux serviteurs au contraire qui lui rapportent son don avec les fruits, il donne comme salaire une fécondité incalculable, éternelle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 141-142).

 

33e dimanche B    (Dn 12,1-3; He 10,11-14.18; Mc 13,24-32)

1 - Et alors on verra le Fils de l'homme venir dans les nuées avec grande puissance et gloire. Si nous regardons le Seigneur dans la prière, il se montre parfois à nous entouré d'une splendeur inouïe. Il ne garde pas celle-ci pour lui, il nous la communique. Mais souvent il se communique aussi dans la prière en nous faisant sentir sa proximité. Cette expérience n'est accompagnée d'aucun phénomène extraordinaire, mais elle offre une assurance. Nous sommes consolés. Nous savons que le Seigneur est là. Et il n'est nulle part aussi présent que là où l'on cherche à se rapprocher de lui (Sur Mc 13,24-27. Cf. Saint Marc 601).

2 - Et alors il enverra les anges et ses élus pour rassembler... Ses anges et ses élus sont envoyés pour la même mission. Si nous contemplons cette grande promesse, nous devrions vivre en communion avec les anges, de façon toute nouvelle, de la mission du Seigneur. Nous pouvons être fermement assurés que le Seigneur est auprès de nous; et nous devons essayer toujours plus dans tout ce que nous faisons, dans toute conversation que nous menons, dans chaque livre que nous lisons, dans tout travail qui nous incombe, aussi profane soit-il, de vivre de la pensée qu'il est avec nous, que nous avons part à sa mission et que nous devons l'accomplir avec les anges (Sur Mc 13,24-278. Ibid. 601-602).

3 - Quant à la date de ce jour... Après avoir dit que ses paroles ne passeront pas, le Fils remet le tout, la fin du monde et tout ce qui s'y rapporte, au Père. Il y a donc un mystère du Père que le Fils lui laisse. Le Fils, homme et Dieu en même temps, les anges et plus encore tous les hommes croyants remettent finalement tout au Père. Le Père connaît toute heure. En croyant et en nous insérant dans la volonté du Fils, nous remettons comme le Fils au Père l'heure de la croix et de la persécution, l'heure des grandes décisions, l'heure de l'apparition dans la gloire... et cela non par entêtement ou découragement, mais dans une attitude qui rejoint le renoncement du Fils. Il y a des mystères que le Père garde pour lui en accord avec le Fils (Sur Mc 13,32. Cf. Ibid. 604).

4 – L'évangile de la fin du monde est étrangement multiforme. Il n'est pas un reportage sur les événements à venir, il unit des aspects différents dont nous ne voyons pas comment ils se concilient. Ne pas vouloir réunir tout cela en un système donnant une vue d'ensemble ; laisser à chaque affirmation sa signification propre. Avant tout l'imminence constante de la fin, valable pour toutes les générations. Cette parole est plus impérissable que nous et que toutes les générations. De plus la possibilité de discerner les signes avant-coureurs : non pas des menaces ou des catastrophes historiques, mais un état du monde comme tel, qui indique sa fin. Nous ne pouvons rien calculer puisque le Fils lui-même ne connaît pas l'heure. Une disponibilité permanente est l'exigence inconditionnelle (Cf. HUvB, Lumière de la Parole... Année B, p. 143).

5 – Vivre dans l’espérance, c’est vivre dans un avenir qui appartient à Dieu (Sur Col 2,20. Der Kolosserbrief 81).

6 – Le sens du jugement est que l’homme doit alors comparer ce qu’il a fait à ce qu’il aurait dû faire, il reçoit la lumière dé l’éternité sur ce qui manque ; le jugement, c’est donc le don de comprendre ce qui manque. L’homme verra le refus de la grâce. Toute son ancienne vie doit maintenant être mise en ordre (Kostet und seht 547).

 

33e dimanche C     (Ml 3,19-20 ; 2 Th 3,7-12 ; Lc 21,5-19)

1Quelles pierres ! Quelles constructions ! Un des disciples veut faire remarquer quelque chose à son maître. Ce n'est pas sans importance. Un disciple ne doit pas s'en tenir à ce que le Seigneur lui donne ; il peut aussi montrer quelque chose au Seigneur. Le disciple ne peut évidemment pas s'attendre à enrichir le Seigneur par sa remarque sur les pierres et les constructions, comme si celui-ci n'avait pas remarqué leur beauté. Il le rend attentif dans une attente précise. Lorsque nous venons au Seigneur avec une demande, ce n'est pas non plus avec le sentiment que le Seigneur n'aurait pas remarqué ce qui nous manque ou oublié que nous sommes dans le besoin ; malgré son omniscience, nous le rendons attentif à des choses qui nous tiennent à coeur, dans l'espérance que quelque chose d'essentiel et d'utile sortira de ce dialogue (Sur Mc 13,1. Saint Marc 578).

2Il n'en restera pas pierre sur pierre. Le Seigneur répond encore une fois tout autrement que ne l'attend celui qui le questionne. Il prédit l'effondrement total. Toute cette magnificence est seulement pour le Seigneur l'occasion d'en prophétiser la destruction. En enseignant dans le temple, le Seigneur a édifié, mais des choses qui appartiennent au royaume du Père. Mais puisque le disciple parle des édifice visibles, le Seigneur annonce leur fin, il fait apparaître un abîme entre son enseignement qui édifie et les œuvres humaines qui sont périssables. Nous demandons au Seigneur de bien vouloir fortifier en nous le sens de ce qui demeure vraiment (Sur Mc 13,2. Cf. Ibid. 579-580).

3Beaucoup viendront en mon nom qui diront : C'est moi. Ce sont ceux qui prétendent mieux savoir. Ils abusent du nom du Seigneur et veulent remplir, dans et hors de l'Eglise, un ministère qui ne leur revient pas et pour lequel ils ne sont pas qualifiés. "C'est moi", disent-ils, et pourtant ils ne le sont pas. Ils mentent et ils s'y entendent à donner à leur mensonge tant de poids qu'on est porté à les croire. Nous sommes aussi continuellement en dialogue avec des gens qui croient autrement ou pas du tout. Ils pensent être la vérité, avoir la recette avec laquelle on peut aujourd'hui sauver le monde ; pour eux, l'enseignement chrétien ne compte plus. Nous demandons au Seigneur la force de ne pas succomber aux guides trompeurs. Personne n'est à l'abri d'une heure de faiblesse ou de doute. Restons fermes dans notre foi pour qu'elle triomphe partout. Mais que ce soit dans un esprit d'humilité, en demandant au Seigneur de bien vouloir nous guider lui-même, et être forts, non de notre propre force, mais de la sienne (Sur Mc 13,6-7. Cf. Ibid. 584-585).

4 – Nous avons ici le regard de Jésus sur l'histoire du monde venant après lui. Jésus voit les constantes théologiques au-dedans de l'histoire. La prédiction de la destruction du Temple semble n'être qu'un prélude. Tant que le Temple est debout, il est la maison du Père, qui doit être gardée pure pour la prière. Mais Jésus ne s'attache pas aux temples de pierre ; pas non plus aux cathédrales et aux édifices baroques prestigieux, ni à l'entretien des monuments qui y est lié, mais seulement au "temple de son corps" qui sera l’Église. - Sur le destin de celle-ci, trois choses sont prédites : d'abord les schismes, ils sont inévitables. Les schismes sont inévitables "pour permettre aux hommes de vertu éprouvée de se manifester (1 Co 11,19). Celui qui a supplié le Père pour l’unité des chrétiens ne pourrait pas prévoir quelque chose de plus douloureux. Les scissions sont-elles guérissables ? Ici une seule consigne est donnée : "Ne marchez pas derrière eux". - Vient ensuite la prévision de guerres, de soulèvements de nation contre nation. Ceci est la conséquence du fait que Jésus n'est pas venu apporter la paix terrestre, mais le glaive et la division jusqu'au sein des liens familiaux (Mt 10,34). Jésus a déclaré bienheureux les faibles et les artisans de paix, mais justement leur présence fait se dresser toujours plus haut les vagues de l'histoire du monde. Sa doctrine et sa personne paraissaient déjà intolérables aux hommes d'autrefois : "A mort ! A mort !" A sa prétention d'être la vérité, l’histoire du monde répond par une révolte plus violente. - C'est pourquoi la persécution ne sera pas un épisode occasionnel pour l’Église du Christ et les chrétiens individuels. On "vous" persécutera, vous, les représentants de l’Église qui êtes présents, donc toute l’Église. Que doit donc faire le chrétien ? Dans la deuxième lecture, Paul donne une réponse laconique : travailler. L'engagement du chrétien dans l’Église et dans le monde est ce qui lui est demandé ; du point de vue de la providence de Dieu, "pas un cheveu de votre tête ne se perdra (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année C, p. 143-145).

5 – Si un homme ne veut absolument pas travailler, il perd une voie d’accès essentielle à l’éternel (Kostet und seht 811).

6 – Dieu dispose de beaucoup de manières de se faire connaître et il peut utiliser beaucoup de moyens pour atteindre le même but. Il est important de le savoir pour ne pas s’attacher à une manière plus qu’à une autre (NB 5,189).

7 – On ne cherche les vertus que parce qu’elles nous conduisent à Dieu. On ne cherche pas à être vertueux, on enlève ce qui empêche Dieu d’être libre à notre égard. Pour pouvoir entendre la voix de Dieu, ôter tout ce qui nous empêche de l’entendre (NB 9,1936).

 

34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers A (Ez 34,11-12.15-17; 1 Co 15,20-26.28; Mt 25,31-46)

1 - Le Seigneur permet le culte de sa royauté et de son cœur bien qu'il sache qu'on va en abuser. Ce ne sont pas les abus possibles qui sont le plus déplorable dans l’Église, mais avant tout l'orgueil spirituel se croyant supérieur à de tels abus. Aux vrais chrétiens il revient de mettre en évidence le vrai sens des signes de l’Église, celui d'une vraie vie chrétienne (Sur Jn 19,23. Jean Naissance de l’Église I,127).

2 – L'année liturgique s’achève par le grand tableau du Jugement dernier du Christ. Au centre : tout ce que nous faisons ou ne faisons pas au plus petit de ses frères, lui est fait ou ne lui est pas fait à lui-même. Le roi glorieux, qui juge, se sent solidaire des plus petits de ses frères. Ce n'est que dans cette solidarité qu'il est roi. C'est cela que tout homme dont la vie sera un jour examinée par le juge, doit constamment méditer : dans son prochain le plus misérable, il rencontre toujours déjà son juge (Cf. HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. Année A, p. 143-144).

3 – Le péché originel apparaît comme la chaîne qui enchaîne l'homme à la faute d'Adam, de telle sorte que chacun de nous porte Adam en soi. Adam a mérité la mort et il nous a englobés dans ce mérite : à travers Adam, chacun de nous a mérité la mort avec Adam. Mais, dès la sortie du paradis terrestre, Adam a reçu une promesse : un homme doit venir qui mourra avec Adam et nous tous. Mais la mort du Fils n'est pas une fin, elle est le passage à la vie éternelle de la résurrection. Le lien avec Adam est désormais dépassé par la résurrection. Le Christ ressuscité intervient comme présence vivante dans notre présent afin de lui donne un futur véritable. Dans les sacrements, ce Christ vivant a posé des bornes vivantes grâce auxquelles nous sommes assurés qu'il nous accompagne réellement et nous prodigue sa vie (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 208-209).

4Tous les peuples, battez des mains. Car le roi, le très-haut est redoutable (Ps 47, 2-5). Le caractère redoutable de Dieu crée une distance qui sépare l’être de Dieu de toutes les créatures. Dieu est ainsi mis à part, il devient celui qui est hors de toute comparaison. Et tout pouvoir se trouve auprès de lui. La seule manière qui nous reste de nous comporter envers ce pouvoir, c’est de le reconnaître, de pousser un cri de jubilation. Tout notre consentement s’y trouve. La particularité de notre rapport à Dieu apparaît ici en pleine lumière. Le psalmiste connaît le caractère redoutable de Dieu, sans le ressentir comme menaçant, mais comme quelque chose de si absolu qu’il signifie la victoire sur toute opposition et qu’à l’égard de Dieu, nous ne nous comportons correctement qu’en l’acclamant comme le roi victorieux sur le monde entier en raison de son être même (Cf. Dix-huit psaumes 145-146).

5 - L’enfer est mon moi intime en présence du péché. Quand Dieu est en moi – par exemple dans la prière -, c’est le ciel. Quand je suis seul avec mon moi devant le péché, c’est l’enfer. Dans toute confession, en toute considération du péché, il y a le moment où l’homme, avant de se jeter dans les bras de Dieu, en sortant de l’enfer, passe à travers le chaos (Cf. NB 3,249).

6 – Le Fils ne pense qu’à une chose : augmenter dans le monde l’amour pour le Père (NB 11,20).

7 – Le Christ : ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas en tant qu’homme, mais que le Fils, en tant que roi, sait. On ne doit pas oublier que le Fils est totalement homme, que, pour lui, être Dieu ne signifie jamais facilité (Cf. NB 6,192-194).

8 – Le Seigneur se trouve derrière toute souffrance et il lui donne son sens dernier. C’est pourquoi il se donne à reconnaître en toute souffrance humaine comme celui qui attend aide et amour (Sur Mt 25,42-46. Gleichnisse des Herrn 121).

 

34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers B (Dn 7,13-14; Ap 1,5-8; Jn 18,33-37)

1 - Pilate va tout de suite au centre : "Tu es le roi des Juifs?" Au moment où le Seigneur est livré et totalement renié par les Juifs. Pilate lui demande malgré tout s'il est leur chef. Il est bien conscient que si Jésus était vraiment leur roi, il serait très proche de Dieu. Seul un homme qui vient de Dieu pourrait être roi des Juifs. Par sa question, Pilate vient au devant du Seigneur. Il lui donne l'occasion de lui donner une réponse décisive (Sur Jn 18,33. Jean. Naissance de l’Église I, 53).

2 - Jésus à Pilate : "Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi?" Cette même question se pose à chacun de nous : T'es-tu vraiment ouvert à la grâce ou n'as-tu suivi que des rumeurs? Si quelqu'un a réellement la foi, il s'est ouvert à la grâce comme à une puissance qui, dans l'âme, sera aussitôt plus forte que moi. Si on ne croit pas réellement, on essaie de faire de sa foi une espèce de réserve condamnée à tarir tout de suite, car elle n'est pas enracinée dans une âme vivante. La foi chez l'homme a droit d'asile; si elle n'est pas accueillie, elle dépérit forcément. Elle veut être accueillie comme ayant et exigeant aussitôt tous les droits dans l'âme, car c'est l'âme tout entière qu'elle veut conduire à Dieu (Sur Jn 18,34. Ibid. I, 55).

3 - Mon royaume n'est pas de ce monde. Le Seigneur possède donc un royaume. C'est le royaume de son Père, le royaume de l'amour. A qui ne croit pas, à qui n'aime pas, il est totalement fermé. Seul l'amour, qui implique la foi, peut y donner accès. C'est un royaume dans le Père, un royaume sans frontières, parce que les frontières du royaume et celles du Père se perdent dans la même infinité.  Le Fils connaît ce royaume dans sa totalité. Lui seul est capable, dans le Père, de l'embrasser et de le circonscrire. Quiconque a l'amour peut en trouver le chemin. Il sera accueilli par le royaume de façon qu'il en deviendra lui-même une partie (Sur Jn 18,36. Cf. Ibid. I, 56-57).

4 - Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Mais le Seigneur ne donne aucune précision sur son royaume, car finalement toute région fait partie de son royaume, puisque toutes appartiennent au Père. Sa puissance est la toute-puissance du Père et le nombre de ses sujets est égal à celui de tous les hommes, qui tous appartiennent au Père. Son royaume appartient à l'éternité et peut attendre jusqu'à ce que toute résistance temporelle ait pris fin. Le Fils règne partout où il y a le Père qui l'a investi du pouvoir total, il règne en tous lieux et à tous les moments de l'espace et du temps qui sont du Père; et ses sujets sont tous les hommes créés par le Père, c’est-à-dire les hommes dans l'éternité (Sur Jn 18,37. Cf. Ibid. I,65-66).

5 – Le Christ ne se confesse roi que dans sa passion. Auparavant, quand on voulait le faire roi, il s'était dérobé, comme s'il s'était agi d'un malentendu (Jn 6,15). Mais maintenant qu'il marche vers sa crucifixion, il peut et doit justifier celui qu'il est : origine et terme du monde, comme l'Apocalypse le nomme. Les inévitables malentendus n'importent plus maintenant. Pilate ne comprendra pas l'essence de sa revendication de royauté, les Juifs la repousseront. Mais il la maintient : "Tu le dis ! Je suis roi" ; L'inscription sur la croix, dans les trois langues du monde, placée par Pilate, atteste sans le savoir cette vérité. On peut assurément dire que Jésus , l'humilié jusqu'à la mort de la croix, fut institué, par sa résurrection des morts, souverain du monde entier. Mais ceci est possible uniquement parce que, de toute éternité, il avait été choisi pour cette royauté, et même l'avait toujours détenue. Il est institué dans une royauté qu'il possédait depuis toujours (Cf. HUvB, Lumière du monde... Année B, p. 145).

6Le souverain des rois de la terre (Ap 1,5) : celui vers qui les rois tournent leur regard, celui auquel ils doivent obéissance. Il y a dans ce titre une double anticipation. Jean a vécu la vie du Fils, sa fin dans la déréliction de la croix et son retour, et il a vu combien peu nombreux étaient les croyants qu'il laissait après lui. Sa foi est pourtant si forte qu'il sait avec certitude que le Seigneur est le souverain des rois de la terre, qu'il doit l'être et le sera. Il sait en plus maintenant, au début de l'Apocalypse, et avant même de l'avoir vu, qu'il verra le Seigneur en souverain des rois de la terre. Les rois sont petits en comparaison du Fils (L'Apocalypse 56).

 

34e dimanche. Fête du Christ Roi de l'univers C (2 S 5,1-3 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43)

1Celui-ci est le roi des Juifs. L'inscription placée au-dessus du Crucifié a été rédigée par Pilate comme un défi lancée aux Juifs ; les soldats qui la lisent se moquent de Jésus exactement comme les chefs du peuple et s'écrient : "Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même". Dans l'évangile de saint Luc, il y a au moins un homme qui prend au sérieux cette inscription, c'est l'un des deux larrons crucifiés avec Jésus ; il s'adresse à Jésus pour lui dire : "Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume".Peu importe comment le larron se représente ce roi Jésus, en tout cas il pense que ce roi peut l'aider vraiment, lui, le pauvre agonisant, grâce au pouvoir qu'il lui attribue. Premier pressentiment de la royauté universelle de Jésus. Sur la croix, Jésus est publiquement proclamé roi - dans les trois langues du monde d'après saint Jean (HUvB, Lumière de la Parole. Commentaire des lectures dominicales. C, p. 145-146).


 

3. Les fêtes de l’année liturgique

 

2 février. Présentation du Seigneur au temple (Ml 3,1-4 ; He 2,14-18 ; Lc 2,22-40)

1 - La Mère porte l’enfant dans ses bras au temple. C’est bien son enfant qu’elle porte ainsi, il est Dieu, et le petit enfant dont elle peut encore prendre soin deviendra l’adolescent puis l’adulte, avec sa mission autonome vers le Père. Elle se présente donc devant Syméon qui reçoit la mère et l’enfant, reconnaît la mère et l’enfant dans l’Esprit Saint. Dès qu’il tient l’enfant dans ses bras et comprend que s’accomplit toute l’attente d’ Israël, il devient chrétien. Il voit le chemin qui attend le Fils. La Mère a achevé la première partie de son travail : le fruit de son oui est là, et il pourrait sembler que l’essentiel est fait et que la mission s’éloigne d’elle. Mais les paroles de Syméon font que sa mission retourne en elle. Il n’y a pourtant pas de rupture entre les deux phases de sa mission. Aujourd’hui, dans le même oui, elle est mise au service de tout le cheminement terrestre du Fils. Ce sera un chemin de souffrance, et elle est prête à recevoir de lui également ce qui est lourd à porter, en participation à sa mission. Syméon voit que le Fils ne grandira pas en s’éloignant de la Mère, mais en l’intégrant à nouveau dans son propre chemin. Il aura encore besoin d’elle. Elle recevra la blessure du glaive avant même que le Fils ne reçoive à la croix celle des clous et de la lance. Parce que le Fils souffre pour tous, et que la compassion de Marie - sa souffrance physique comme sa souffrance spirituelle - est une part de la passion du Fils, elle aussi souffre pour tous. Il ne veut pas opérer la rédemption universelle sans elle. Par sa souffrance, elle amène au Fils le secret des cœurs ; elle les ouvre parce que le sien a été ouvert par le glaive. Et non seulement Marie amène au Fils des hommes qui ont de lui un désir encore imprécis, mais nombreux également sont les chrétiens qui rendent témoignage en raison des souffrances de la Mère. Ils seront toujours nombreux à être amenés à la Mère par le Fils comme Jean, mais nombreux également à être amenés au Fils par la Mère, comme Joseph. Innombrables sont ceux qui ne seront mis sur le chemin du Fils que par l’exemple de la Mère : les simples surtout, qui doivent parvenir à Dieu par les choses humaines, parce que Dieu en soi leur semble trop élevé. Et loin de faire un détour en passant par Marie, c’est l’accès direct qu’ils emprunteront ainsi, la voie tracée et prévue par Dieu lui-même (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 99-104).

2 – Marie sait depuis le début qu’un jour viendra une catastrophe, que son fils lui sera enlevé, et elle tremble déjà pour lui. Quand enfant ou jeune homme, il s’en va pour un certain temps et ne revient pas à la maison, la pensée lui vient chaque fois que ce pourrait être déjà maintenant (Dans une vision, Adrienne avait vu la Mère à Nazareth, cherchant son fils) (NB 8,836).

3 - Chandeleur dans l’attente des souffrances : moitié fête, moitié regard à l’avance sur la souffrance. Pour Marie, la fête se trouvait dans un demi-jour. Le Fils de Dieu est béni au temple : une cérémonie dont il n’avait aucunement besoin. Et la Mère avait tout aussi peu besoin de purification. Mais dans le fait qu’ils n’ont pas besoin de cette cérémonie, réside pourtant aussi le fait qu’ils "peuvent" s’y soumettre. De ce point de vue, les deux choses annoncent la croix. On se laisse bénir et purifier à l’ombre de la croix. Comme le Seigneur se laisse finalement crucifier pour le péché des autres. Par cette ouverture sur la croix, la fête reçoit un caractère sublime. On promet de prendre sur soi ce qui appartient aux autres. Ce sont les autres qui doivent être purifiés et bénis. De toute fête chrétienne il tombe une lumière aussi bien sur le ciel que sur l’enfer; partout sont créés des passages entre le pécheur et Dieu NB 9,1473).


 

19 mars. Saint Joseph (2 S 7,4-5.12-14.16 ; Rm 4,13.16-18.22 ; Mt 1,16.18-21.24 ; Lc 2,41-51)

1 - Marie et Joseph se fiancent comme des gens voulant servir Dieu et s'appartenir l’un à l'autre. Ces deux intentions ne se situent pas pour eux sur le même plan : c'est la volonté de servir qui est déterminante et qui fonde leur union. Leurs fiançailles et toute leur vie sont consacrées à ce service... L'ouverture mutuelle qui leur vient de leur promesse ne porte pas préjudice en leur cœur à leur amour de Dieu; après comme avant, celui-ci occupe la première place. Jusqu'ici leur première pensée à l'un comme à l'autre a été de servir Dieu et telle sera aussi la première pensée de leur vie commune. Ce n'est que dans cette pensée que leur amour prend son sens...- (Pour Joseph) les fiançailles signifient... le prélude à un mariage terrestre normal. Il est chaste et juste; il vit selon la justice de ses pères. Sa chasteté n'a rien à voir avec la fade impuissance que semblent lui attribuer la plupart des images. Quand il devra renoncer, c'est dans toute la vigueur de son sexe qu'il le fera et, par ce renoncement, sa virilité elle-même se trouvera fortifiée... Ce n'est pas un homme languissant que Marie aura à ses côtés, mais quelqu'un qui connaît sa force et l'a sacrifiée en toute simplicité, généreusement...- Mais au moment des fiançailles, il fait l'expérience de l'amour réel d'une femme, et cet amour de sa fiancée l’enrichit comme seul l'amour d'une femme peut combler un homme. A la lumière de cet amour, il voit devant lui la vie qu'une fois marié il aura à organiser pour sa famille.  Il a choisi le mariage en toute liberté et responsabilité, et c'est le mariage qu'il recevra de Dieu, non l'état religieux. Et au sein de ce mariage, Dieu lui imposera la continence. Il n'est pas mis pour autant au couvent. Il vit dans sa maison avec femme et enfant, semblable en apparence à tout autre époux. Il est chaste et il le restera toujours. Mais il se prépare à un mariage ordinaire. Aussi lui faudra-t-il revenir sur ses plans et ses attentes...- Son amour pour Marie est un amour pleinement humain en Dieu. Et quand il va devoir s'effacer devant le miracle de l'Esprit Saint, ce sera pour lui un renoncement... L'épreuve sera difficile mais jamais amère; elle l'ouvrira au contraire aux mystères de Dieu (La Servante du Seigneur, éd. 1980, p. 61-65).

2 – Les années de jeunesse du Seigneur sont un temps où il s'acclimate à sa condition humaine et à sa mission, mais où il acclimate aussi les personnes qui l'entourent à une relation à Dieu qui corresponde à la sienne. Dans le oui de sa mère se trouvait déjà la disponibilité totale ; de Joseph, nous savons qu'après l'apparition en songe de l'ange, il reconnut sa voie chrétienne et s'y engagea. Si l'un et l'autre avaient été interrogés au moment même ou plus tard sur la manière dont ils pensaient manifester leur fidélité, ils auraient peut-être été embarrassés. Mais c'est dans leur enfant que ses parents vont trouver la force de demeurer fidèles dans la voie de Dieu. C'est une attitude d'ouverture sans réserve que le Seigneur offre à Marie et à Joseph comme son attitude existentielle permanente. C'est vers lui qu'ils tournent leurs yeux au moment des décisions importantes, mais aussi pour toutes les petites choses de la vie. Ils le soignent et l'élèvent, et dans ce contact permanent avec lui, ils s’initient à son attitude. Joseph est un saint homme qui, au contact de la mère et de l'enfant, saisit l'attitude de la Nouvelle Alliance presque en se jouant. De toute éternité, Joseph avait été élu pour épouser cette vierge et trouver en elle et en son enfant le centre de ses préoccupations extérieures et de ses occupations intérieurs (Cf. La confession 90-91).

3 – Dès l’instant où Joseph a compris qui était son épouse et qui était l’Enfant, il se fait totalement disponible et veut, dans une obéissance radicale, endosser le rôle qu’il doit jouer. Il sait bien que son obéissance à lui ne consiste pas à se figer ni à faire des concessions – en tout respect d’ailleurs -, mais à assumer sa tâche et la responsabilité qu’elle entraîne. Il n’est pas un simple figurant. Il doit faire tout ce que ses forces permettent pour maintenir la Mère et l’Enfant dans la prière, pour les y introduire plus avant. Et c’est à partir de sa prière personnelle qu’il doit découvrir les lignes de force de son agir. Il est le gardien du présent ; il doit veiller à ce que le présent soit supportable pour la Mère et l’Enfant. C’est pour cela qu’il lui faut prier sans relâche ; il ne peut pas, pour ainsi dire, se laisser déborder par la pensée de la grandeur de la Mère et de l’Enfant ; il ne peut pas non plus se soumettre à eux au point de recevoir d’eux les consignes que lui-même doit donner. Au fond, il lui est demandé d’avoir plus de discernement qu’il ne peut humainement en posséder ; la prière est le lieu où il acquiert un discernement toujours plus grand. La Mère et l’Enfant ont leur destinée, mais ils lui sont confiés à lui, l’homme simple et ignorant (Cf. L’expérience de la prière 70-71).

4 – Pendant les longues années de Nazareth, enfant, adolescent, jeune homme, le Fils est soumis à Marie, il place son obéissance sous son obéissance à elle. Quand elle, la Mère qui sait, instruit le petit enfant, bien qu’il soit Dieu et sache tout, il est impossible de tracer les articulations de cette obéissance. C’est quelque chose d’aussi unique et parfaitement un que la manière dont le Fils réalise en lui l’unité de Dieu et de l’homme. De certaines choses, on peut dire qu’il les fait plutôt comme Dieu, d’autres plutôt comme homme, mais finalement tout s’absorbe si bien en son mystère que la distinction dans la plupart des cas est totalement impossible. Il en est de même de son oissance à l’égard de ses parents. Sachant qui il est, ils lui obéissent en lui enseignant l’obéissance. Quand ils l’élèvent comme sont élevés les enfants des autres, ils lui obéissent. Et quand soudain à douze ans, il fait des déclarations dans le temple et accomplit les choses qui sont celles de son Père dans le ciel, ce n’est pas par désobéissance, mais pour révéler la source plus profonde de son obéissance. Non pour se détacher de l’obéissance envers ses parents – il continuera de leur être soumis -, mais pour leur montrer par cet exemple combien l’obéissance l’engage fortement. Et comme ils ne comprennent pas ce qu’il dit, ils sont eux aussi engagés dans une obéissance plus étroite (Le livre de l’obéissance 48-49).

5 – Marie et Joseph : ils sont tous les deux devant un mystère. Ils ne cherchent pas à scruter ce que Dieu a gardé pour lui, ils n’ont pas la curiosité d’Adam et Eve. Ils laissent Dieu agir (NB 6, 128).

6 – Marie a dit son fiat à Dieu sans mettre Joseph au courant. Il en résultera une étrange situation : elle avait un engagement humain et en même temps un engagement divin. Et à partir de ce moment-là elle maintiendra l’apparence d’un mariage humain, mais intérieurement elle sera totalement vierge devant Dieu (NB 9,1199).

 

25 mars. Annonciation du Seigneur (Is 7,10-14 ; He 10,4-10 ; Lc 1,26-38)

1 - Le oui de Marie est le "berceau de toute la chrétienté" (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 76).

2 - Dans toutes les situations et toutes les décisions de sa vie, et bien que Dieu dispose entièrement d'elle, elle se heurtera toujours à ce oui comme au fondement essentiel de son existence. Elle veut être et rester celle qui a dit oui. Elle s'en laisse toute imprégner, justement parce que c'est le premier oui chrétien. Son oui à l'abandon de soi est le contraire de la perte de soi dans le désespoir. Il contient toute la plénitude de la foi, de l'amour et de l'espérance... _ Obéissance, chasteté, pauvreté ne sont pas un suicide de l'esprit humain; elles le font vivre dans une nouvelle grâce (Ibid. 17).

3 - Quand Marie dit oui à l'ange, elle prononce son oui avec tout son corps et toute son âme; elle ne calcule pas ce qu'elle donne, ni combien Dieu veut lui prendre. Le don qu'elle fait d'elle-même n'a pas de limites. Elle ne se demande pas si elle va se réserver quelque chose, elle ne calcule pas la somme de ce qu'elle perd. Son oui n'est que oui. Dieu est libre de disposer d'elle totalement. - A l'annonce de l'ange, elle a donné une réponse digne de Dieu : qu'il me soit selon ta parole. "Selon ta parole" : une parole aussi grande que Dieu peut la vouloir, "qu'il me soit fait tout ce que tu veux". Aussitôt elle livre son esprit tout entier. Et l’Esprit Saint la couvre de son ombre si bien que son corps aussi sera impliqué dans son don (NB 5,23-24).

4Voici la servante du Seigneur. Par cette parole, Marie engage tout le monde. Elle est celle qui a été choisie, celle que l'ange a visitée, mais elle aimerait comprendre son service de manière que, par elle, tous les croyants y soient associés. En prononçant cette parole, elle espère pouvoir le dire au nom de tous ceux qui sont prêts à croire. Marie s'abandonne en tant que femme à l'Esprit Saint, pour qu’il la couvre de son ombre et, dans ce même geste, elle transmet son abandon et l'ouvre à tous les autres. Elle est Mère de Dieu et épouse de Joseph, elle ne fait pas de différence entre elle et les autres croyants. En accueillant la mission de l'ange dans sa propre mission, Marie reçoit le ciel en elle pour le transmettre ici-bas (Cf. Marie dans la rédemption 9-10).

5 – Lorsque, corps et âme, Marie s’est offerte tout entière à l’Esprit Saint et en a été saisie tout entière, sa vie terrestre, dans le service de l’obéissance, a reçu par avance le sens de l’éternité (Cf. Disponibilité 34-35).

6 – La virginité de Marie tient avant tout à son laisser faire jusqu’au plus intime de sa chair. C’est le don qu’elle a reçu de Dieu. Quelque chose de correspondant est donné, venant d’elle, à tous ceux qui sont chrétiennement vierges. La virginité consiste à recevoir du Seigneur un de ses états pour qu’on soit prêt à s’y soumettre sans défense parce qu’il veut nous prendre entièrement. Beaucoup de femmes ne donnent à leur mari qu’une partie de leur corps, gardant pour elles une part importante de leur âme. Un don de soi de ce genre à l’égard du Seigneur n’en serait pas un. Le don de soi doit être sans partage, du moins dans l’intention de donner toujours davantage pour finalement pouvoir tout donner (Ibid. 102-103).

7 -En disant oui à l’ange, Marie est la première à coopérer à une prière nouvelle. Elle-même l’exprime dans le fiat, mais elle en est inondée comme de quelque chose quelle n’a jamais connu et que Dieu lui-même lui accorde, maintenant. Le oui de Marie est la première prière chrétienne. Marie prononce cette parole, mais Dieu la remplit de sa plénitude à lui. Marie jette son oui dans le oui du Fils. Et par son oui, elle est introduite, de manière imprévisible, dans le mystère de la Trinité. Non qu’elle ait soudain obtenu une compréhension plus profonde de la vie trinitaire ; mais elle sent pourtant que sa prière gagne en élévation et en profondeur, qu’elle est amplifiée et soulevée d’une manière que ni l’ancienne Alliance ni elle-même ne connaissait. Ce qui se révèle là dépasse tout ce qu’elle savait de Dieu et pouvait connaître de lui. Elle prie maintenant dans une élévation qui est un pur don de la grâce (Cf. L’expérience de la prière 67-68).

8 – Quand Marie acquiesça à la parole de l’ange, son oui concernait en fait l’Esprit Saint qui, avec le Fils, venait à elle. Elle a réellement vu l’ange, réellement entendu sa voix ; et l’Esprit qui parlait à travers l’ange était si réel qu’en toute vérité elle entra en relation avec lui. Depuis lors elle sait qu’elle a accueilli le Fils et qu’entre le Fils et elle, il existe une relation identique de vérité et de réalité. Elle sait enfin que ces deux relations se rencontrent dans le Père, que l’Esprit comme le Fils vient de lui (Ibid. 84).

9 - "Comment est-ce possible, puisque je suis vierge" demande Marie à l’ange. Elle justement, en sa qualité de vierge, devra porter le Fils. La plus grande intimité d’un être humain avec un autre, d’un enfant porté par sa mère, est concédée à Marie en vertu de sa virginité. Tout le reste passe provisoirement au second plan, viendra plus tard. En tant que vierge, elle devient Mère du Seigneur et Épouse et Église. En tant que vierge, elle parcourra les états et les étapes naturelles et surnaturelles de la vie d’une femme. Elle va concevoir, mettre au monde et élever le Fils, puis s’adapter insensiblement au rôle de l’Épouse du Christ et devenir première origine de son Église. Tout est inclus dans son premier oui, parce que son oui était sans réserves. Et il pouvait l’être parce que le Seigneur avait racheté Marie d’avance, l’avait choisie de toute éternité et l’avait jugée digne (Ils suivirent son appel 61).

10 – La conception d’Isaac dans le sein stérile de Sarah (Gn 21,1-7) est enveloppée d’un mystère, de même l’incarnation du Fils dans le sein d’une vierge (annoncée par la naissance de Jean-Baptiste, né de la stérile Élisabeth) renverra à des mystères qui appartiennent au seul Père. Dans la Promesse, le Créateur rompt avec les lois qu’il avait édictées pour sa création ; il les brisera également pour son accomplissement… Le choix de la Vierge destinée à enfanter nous amène jusqu’aux intentions toutes premières conçues au paradis par le Créateur (Cf. La mission des prophètes 9-10).

11 – L’ange apparaît de manière absolument subite. Elle n’a pas pressenti sa venue ni qu’elle pourrait devenir la mère du Messie. Jeune fille grandissante, elle a appris à se soucier de son futur ménage, elle se trouve à présent requise pour une nouvelle tâche. Elle dit oui, pleine qu’elle est de la grâce divine, mais elle demande aussi : "Comment est-ce possible puisque je ne connais pas d’homme ?" Cela la caractérise comme étant une jeune fille calme, normale, instruite, sage, qui, en même temps se donne totalement. Qui calcule humainement et qui jette tout dans le plateau de la balance divine. "Qu’il me soit fait selon ta parole". Le naturel et le surnaturel sont en équilibre. Le monde de tous les jours et le monde de Dieu ont leur place en elle. L’un n’exclut pas l’autre, l’un parachève l’autre. Sa surnature ne s’étonne pas de voir un ange. Ce regard est mûr et il est naturel à sa surnature de voir l’ange. Mais sa raison normale n’oppose aucune barrière au surnaturel. Rien n’est forcé en elle. Son oui correspond en quelque sorte à l’abandon d’une épouse à son époux. Et ici, c’est Dieu lui-même qui a éduqué l’épouse à pouvoir être épouse, en veillant jalousement sur sa foi et son amour, et en les nourrissant (Cf. Le monde de la prière 89-90).

12 – Quand Marie dit à l’ange : "Qu’il me soit fait selon ta parole", elle se laisse introduire dans la Parole. Et la Parole, c’est le Fils. Elle n’ignore rien de la grandeur de la promesse, mais à aucun moment elle ne se soucie que c’est elle, l’élue. Elle n’essaie pas de prendre conscience de la grâce de son rôle à tel point qu’un mérite pourrait lui en revenir ; elle laisse simplement la Parole s’accomplir. Elle dit oui à un amour, mais elle dit oui par amour. Tout d’un coup elle n’est plus la petite jeune fille presque inconnue dont la vie appartenait encore à l’ancienne Alliance, elle est devenue la porteuse de la nouvelle Alliance, sa co-fondatrice. Elle portera le Fils dans son humanité parce qu’il a décidé dans sa divinité de se laisser porter dans son humanité. Elle le mettra au monde parce qu’il l’a choisie pour cela. De ce choix personnel elle ne tirera aucune gloire, pour n’être libre que pour aimer. C’est avec ce très grand amour qu’elle vit, tout humaine, au milieu de ses semblables, mais comme quelqu’un à qui il est permis de vivre avec le Fils, faisant connaître peu de choses d’elle, afin que toute la lumière tombe sur lui et que les yeux des croyants se tournent vers lui. Si, à l’occasion, elle doit dire un mot ou se montrer, c’est uniquement pour renvoyer à lui (Cf. Le mystère de la mort 120-122).

13 – Parce que le oui de Marie à l’ange est une parole de grâce, il est de manière particulière un acte de l’Esprit Saint : c’est par son opération qu’elle offre à Dieu son esprit et son corps. L’Esprit qui la couvrira de son ombre est déjà en elle, et c’est lui qui permet à Marie de prononcer le oui avec lui. C’est le Saint Esprit qui élargira le oui de son esprit en un oui de son corps. Il peut le faire parce que son oui est illimité, qu’il est une matière malléable dont Dieu peut former ce qu’il veut (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 9).

14 - Marie devient mère par son oui. Elle porte à présent l’enfant en elle. Elle le porte physiquement et spirituellement. Physiquement il se développe en elle et a besoin de sa substance pour grandir. Mais spirituellement, c’est plutôt l’enfant qui développe et forme la mère. Dans son oui, elle était prête à devenir spirituellement la Mère du Seigneur. La maternité est une clé pour tous les autres mystères de Marie. Tous les mystères de Marie ont en effet leur essence, leur cœur et leur solution dans le Fils. La Mère les possède en partie sans les connaître ou du moins sans les pénétrer elle-même ; elle n’a pas besoin de la vue d’ensemble pour faire ce qu’elle a à faire, pas plus qu’elle n’a besoin de comprendre l’enfant qu’elle porte. Sa tâche consiste à laisser le mystère avoir lieu. Elle a donné son oui en toute disponibilité, sans vouloir voir tout ce à quoi elle consentait (Cf. Ibid., 43-44).

15 - Plus un être est pur, plus il est proche des anges. Avant de voir l’ange, Marie vivait très proche des anges sans les percevoir… Il y a un lien singulier de Marie avec les anges. Elle semble avoir une joie spéciale à mêler sa mission à celle des anges en réponse au fait qu’un ange lui a apporté sa mission… Les anges s’adaptent à l’âge des hommes qu’ils servent. Les anges peuvent nous souffler des choses, comme notre conscience (Cf. NB 6, 43-45).

16 – Sans doute Marie a-t-elle vu l’ange, et par là son horizon s’est dilaté à l’infini. Mais justement par cet élargissement de son horizon elle sait de manière définitive qu’elle doit toujours rester à sa place, qu’il ne convient pas qu’elle cherche à savoir à l’avance ce qui va se passer, mais qu’elle a à se tenir à tout instant disponible pour le Seigneur dans une attente virginale (NB 5,22).

17 – La Mère se donne totalement à Dieu, mais dans ce don d’elle-même est contenu le don d’elle-même aux hommes (NB 10,2291).

18 – Marie : tout ce qu’elle aime, elle l’aime à cause de Dieu. Elle ne veut pas posséder les choses, elle veut que Dieu les possède. Elle aime les choses permises de ce monde dans la pauvreté. Aimant et possédant dans la pauvreté, elle possède et aime la pauvreté (Themenheft 13-14).

19 – Pour les chrétiens, le principal signe distinctif de l’œuvre de la foi est l’obéissance, l’acceptation de la volonté de Dieu à la place de la leur propre (Sur 1 P 4,19. Die katholischen Briefe I,389).

20 – Tout chrétien dit son oui en l’appuyant sur le oui de la Mère par lequel elle mit sa vie à la disposition de Dieu (NB 3,141).

21 – Voyez les bateaux : si grands soient-ils, on les mène avec un tout petit gouvernail (Jc 3,4). Il y a une disproportion apparente entre la masse du bateau et la petitesse du gouvernail. Et cependant ce petit gouvernail suffit, entre les mains d’un connaisseur, pour assurer la direction du navire. Le point où l’homme met en œuvre ses projets, sa volonté et sa force est infiniment petit par rapport à ce qui est brassé par lui. Mais cela suffit. Jacques montre par là combien il faut peu de choses pour faire la volonté de Dieu, pour ne pas tomber dans le péché, pour exécuter les plans de Dieu ; il suffit de toucher au bon endroit. Les vents signifient tout ce qui s’oppose à l’obéissance à Dieu ; le bateau symbolise toute la vie humaine. Les deux peuvent être tenus en ordre par le don de soi à Dieu, par le oui qu’on lui dit, par la fidélité au oui, par tout ce qui est donné et montré par Dieu (Die katholischen Briefe I,155-156).

22 – Habituellement l’Esprit opère à l’inrieur de l’Église de manière extrêmement silencieuse. Mais il y a toujours les deux choses : un véritable effort accompli en secret, puis parfois un soudain accent tombant du ciel comme la foudre. Marie, dans le silence de ses années de jeune fille, avait été préparée par l’Esprit Saint, qui n’est jamais un esprit d’assoupissement. Marie était éveillée (HUvB, AvS et sa mission théologique 349-350).

23 – Marie doit être prête à toute venue de l’Esprit comme la femme doit l’être pour son mari. Comme une femme qui a conçu ne peut plus échapper à la grossesse, Marie ne peut plus échapper à l’exigence toujours plus grande. Elle reconnaît cette croissance au fait qu’elle ne comprend pas et au signe de la souffrance. La croix grandit en elle avec l’enfant. Son oui consiste avant tout à laisser faire d’une manière toujours plus illimitée l’œuvre de l’Esprit en elle qui apporte le Fils et la croix. Elle remet toujours tout au Père car c’est de lui déjà qu’est venu l’ange (NB 6,119-120).

24 – Étrange comme Marie est partout dans le monde où se fonde quelque chose de nouveau (NB 9,1304).

25 – Ce qui est trsè important dans la sainteté de Marie, c’est qu’elle n’a pas besoin de se faire du souci pour les choses que Dieu ne veut pas lui montrer. Elle reçoit avec son intelligence humaine ce qu’elle doit recevoir, elle ne refuse pas non plus de comprendre autrement si Dieu le demande. C’est la caractéristique de la pureté de son esprit (NB 9,2034).

26 – Peut-on imaginer Marie si elle avait refusé l’offre de Dieu ? Elle serait devenue une juive pieuse, elle aurait mené une vie sans angoisse et aurait été d’une grande beauté (intérieure?). Mais il y aurait eu en elle un vide immense (NB 8,857).

27 – Marie a vécu deux vies pour ainsi dire, qui toutes deux étaient claires et transparentes : un jour, l’attente de l’ange (sans qu’elle en eût une prescience réelle), et puis le quotidien, et les deux dans l’unité. Et pourtant elle ne pouvait avoir une vue d’ensemble de ce qui se passait maintenant : l’enfant se faisait en elle et souvent il lui causait de l’angoisse. Comme si elle suivait deux chemins : un chemin vers Joseph et un autre vers Dieu ; mais Dieu a fait que, par lui, les deux chemins s’intègrent parfaitement (NB 9,1645).

28 – Marie était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l’accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l’amour de Dieu sans ombre aucune ; elle était ainsi la manifestation visible de l’amour de Dieu pour sa créature comme de l’amour de la créature pour Dieu. Un foyer d’amour (NB 10,2154).

29 – Voici la servante du Seigneur. Par ces mots, Marie met tout dans le service. Elle est l'élue, celle qui a été visitée par l'ange, mais elle voudrait comprendre son service de telle manière que tous les croyants y soient associés par elle. En disant ce mot, elle espère pouvoir le dire au nom de tous ceux qui sont prêts à croire. Elle est pleine de grâce, mais en répondant selon cette grâce, elle voudrait s'effacer dans l'anonymat du service : simple servante! Sa disponibilité veut inclure tout ce que Dieu peut exiger. Elle se donne de manière féminine à l'Esprit Saint pour qu'il la couvre de son ombre. Le service auquel elle est prête concerne en même temps ce qu'il y a de plus intime et des choses tout à fait superficielles. Dans l'obéissance à l'ange et en considération de l'enfant, il fera partie de sa mission que, par exemple, elle se mette à table simplement avec les siens. Elle ne fait pas de différence entre sa nouvelle obéissance à Dieu et l'obéissance qui lui était habituelle jusqu'à présent, de même que le monde céleste des anges, en bloc, lui était familier jusque là, si bien que l'ange lui apparaît presque comme un ami, et pourtant, en qualité de simple croyante, elle n'a attendu ni vision, ni ange. Tout entre dans l'unité de son service : elle y est Mère de Dieu et fiancée de Joseph, elle ne fait aucune différence entre elle et les autres croyants. Celui qui la contemple comprend qu'elle a en elle un morceau de ciel; mais il comprend aussi qu'elle porte en elle le Fils de Dieu qui, lui aussi, a le ciel en lui à sa manière à lui; et ces deux cieux n'en font qu'un naturellement. C'est ainsi aussi que l'obéissance du Fils lors de son incarnation ne fait qu'un avec l'obéissance de sa Mère qui dit oui à l'ange. L'obéissance du Fils et l'obéissance de la Mère s'accordent l'une avec l'autre pour le don de soi commun et permanent à Dieu le Père. C'est du oui donné au début que découle tout ce qui sera fait plus tard. Il est inutile de chercher de quelconques subdivisions, car la Mère est uniquement servante et jusqu'au moindre détail, tout en elle s'efforce de correspondre aux attentes du Seigneur divin. En chaque geste qui est demandé dans l'obéissance peut se trouver aussi bien ce qu'il y a de plus élevé que le plus bas sans que la servante y prête attention. Son oui implique tout service dont Dieu peut avoir besoin. Il peut faire d'elle tout ce qu'il lui plaît. Dans l'ange, la Mère rencontre la surnature, mais l'ange a éveillé en elle la disponibilité pour être servante. Dès ce moment-là, la réponse est donnée jusqu'à la mort : à l'ange et, par l'ange, au Fils devenu homme. Les deux, l'ange et le Fils, se trouvent, vis-à-vis du Père, dans le même service du salut; bien qu'ils aient deux missions, leur service est le même. Quand une nouvelle servante arrive dans une maison, le maître de maison lui montre toutes les pièces et tous les coffres, etc., et s'il a confiance en elle, il ouvrira tout : ici le linge, là les ustensiles de cuisine. Marie a d'emblée la mentalité de la parfaite domestique. L'ange est le premier directeur de conscience chrétien, car il conduit une âme qui veut se laisser diriger totalement, qui ne veut vivre pour rien d'autre que pour le service du Seigneur, peu importe ce qu'il pourra être : elle servira avec son corps aussi bien qu'avec son âme. D'habitude, on demande à une servante un service limité, fixé d'avance. Le service de Marie peut prendre les formes les plus variées, le service se transforme suivant l'âge et les besoins du Fils. Quand elle est jeune mariée, elle est sa mère; plus tard, quand elle n'est plus jeune mariée, elle devient son épouse, sans cesser d'être sa mère. Son service est sans limites, il ne privilégie aucun point de vue; tout - corps et âme, jeunesse et vieillesse, mère et épouse, etc. - tout peut être changé selon le bon plaisir du Seigneur (Cf. NB 1/2,141-144).

30 – L’ange parle à Marie, l’Esprit par l’ange. Et elle doit répondre en esprit. Aussitôt naît une liaison spirituelle : "Qu’il me soit fait selon ta parole". Son esprit, son intelligence, son être tout entier se soumet à l’Esprit. Son oui traduit sa disponibilité spirituelle qui comprend aussi la disponibilité de son corps. Son corps aussi dit oui par son esprit. Par là, elle ressemble aux prophètes qui sont prêts, par amour de la voix, à mettre de côté leurs conceptions et leurs habitudes anciennes pour faire place à l’exigence de l’Esprit. L’Esprit exige du prophète qu’il soumette son esprit, qu’il s’estime lui-même sans importance, pour que Dieu seul ait de l’importance, et ceci, avant tout en se soumettant à la voix. Marie donne aussitôt tout ce qu’elle a ; elle n’a rien d’autre qu’elle-même et on ne lui demande rien d’autre que son être en sa totalité. L’Esprit reconnaît ce don en la prenant et en la couvrant de son ombre. Et c’est ce qu’il y a de plus concret qui arrive : l’enfant vient en elle, pousse, naît, en dehors des lois de la nature puisqu’elle est restée vierge. Dieu a créé le monde du néant : c’était une image pour la création d’un homme par l’Esprit, avec la parole de l’ange et la réponse de Marie (NB 5,61-62).

31 – Marie voit d’abord dans l’Esprit une exigence ; l’ange l’a représenté pour elle, désormais il sera sans cesse présent dans sa vie. Elle devra toujours être prête pour l’Esprit... On n’en a jamais fini avec l’Esprit. L’Esprit qui exige maintenant de Marie une disponibilité totale ne cessera de se présenter encore à elle (Cf. NB 5,119).

32 – Dieu a besoin de Marie : il veut qu’elle soit la mère du Seigneur. Elle est si proche du Fils qu’elle le nourrit de son sang, elle est si proche aussi de l’ange à qui elle a dit oui qu’elle comprend et porte tout ce qu’elle peut comprendre du mystère céleste, et elle donne au mystère la réponse que son service lui demande de donner. Les mots qu’elle dit à son enfant sont dits au Fils de Dieu, qui est la deuxième personne de la Trinité ; ils ont donc un rapport immédiat avec la Trinité. Elle ne se tient pas comme sur le seuil pour parler à Dieu, elle qui n’est que créature. Elle parle là où elle est et toute la Trinité l’entoure et l’entend là où elle est ; il ne peut y avoir là aucun désordre parce qu’elle a la foi, et la foi lui permet de dire avec justesse tout ce qu’elle a à dire. En tant que médiatrice de la grâce, elle nous montre comment nous devons prier, comment il nous est possible de parler au Fils, à l’Esprit et au Père sans souligner la distance qui nous sépare d’eux, cela ne ferait que nous éloigner de Dieu. Nous comprenons que si nous sommes vrais et simples en priant le Seigneur, toute la Trinité donne à notre prière ses justes dimensions, et la réponse nous vient de la plénitude de l’amour trinitaire. Cela nous incite, dans notre prière, à ne pas perdre de vue cette plénitude divine (NB 5,175).

33 – Dieu peut changer nos plans brusquement. Pour que nous retrouvions le oui originel et redevenions comme un enfant devant Dieu (Cf. NB 11,306).

34 – Le oui de Marie à l’Annonciation : il ne sera jamais repris même quand elle sera sans courage et que la prière lui sera difficile. Son moi lui importe peu, il ne lui sert qu’à atteindre le "Toi" de Dieu et de son Fils (NB 10,2312).

 

24 juin. Saint Jean-Baptiste. Veille au soir (Jr 1,4-10 ; 1 P 1,8-12 ;Lc 1,5-17)

1 - Marc nous a introduits dans la mission du Baptiste. Il nous l'a montrée à sa source en la parole prophétique d'Isaïe, dans son accomplissement en l'activité de Jean, dans son fruit, le baptême. Et voilà qu'il dit pour conclure, froidement semble-t-il,  sans commentaire : "Après que Jean eut été livré". Un envoyé a fait ce qu'il devait, et puis il a été livré : exposé le plus concis possible de la vie d'un saint., d'un martyr. - Puis la vie continue. Combien de fois cela ne s'est-il pas déroulé ainsi dans l'histoire chrétienne! On pense devoir sûrement obéir encore un nombre incalculable de fois, tenir bon de toutes ses forces dans l'obéissance, et que se passe-t-il? On est livré. Mais la fin d'un chrétien n'a pas d'intérêt comparée à sa mission. C'est elle qui a du poids. C'est l'obéissance qui importe, et puis peut-être sera-t-on livré. L’Église ne perd rien par là; au contraire. C'est presque comme si on l'entendait dire : au suivant, s'il vous plaît. - Cette déclaration sonne dur, elle est abrupte. Personne ne s'intéresse à la fin d'un chrétien. Il est livré, et après cela l'histoire continue. Comment est-ce possible? C'est possible uniquement parce que la mission est plus importante que la vie et parce que la mort ne signifie pas achèvement, mais prolongement, voire commencement. C'est pourquoi l'évangéliste a raison de ne pas s'étendre sur la disparition du Baptiste (Sur Mc 1,14, Saint Marc 30-31).

2 - Les prophètes recevaient des promesses concernant le Christ, mais sans le voir. Leur manière de recevoir la promesse a une certaine similitude avec la manière dont les chrétiens reçoivent l’eucharistie : eux non plus ne voient pas le Seigneur, mais la foi sait très exactement sa présence. Les chrétiens ont cependant un avantage sur les prophètes : ils savent que le chemin du Christ sur la terre a été visible. Les prophètes ont vu ce chemin d’une manière toute surnaturelle (Sur 1 P 1,11. Die katholischen Briefe I,268).

3 – Depuis que le monde est créé, il n’y a qu’un salut, et celui-ci se trouve en Dieu Trinité qui le donne à ceux qui lui appartiennent. Dans l’ancienne Alliance, il y eut sans cesse des prophètes pour qui, un instant, le voile s’est déchiré - le voile derrière lequel le salut était caché – si bien qu’ils pouvaient voir des fragments du salut. Après cet instant, parce qu’ils continuaient à vivre au milieu des hommes, le voile s’est refermé, mais il faisait partie de la mission des prophètes qu’une conscience nouvelle du salut vécût en eux et demeurât en eux intacte. Dieu n’a pas voulu ce voile. Si Adam n’avait pas péché, Dieu lui aurait donné de voir le salut à venir. Cette vision aurait été provisoire, remplaçant la vision de Dieu dans le ciel, qui n’avait pas encore été accordée, mais dont on aurait expérimenté la réalité. La foi aurait gardé un caractère concret que tout croyant aurait possédé. Maintenant le caractère concret du péché a évacué le caractère concret du salut, la certitude personnelle ; en choisissant le caractère concret du péché, l’homme a renoncé à la vue sûre de son salut. Dieu a donné par instant aux prophètes une vue du salut pour qu’ils soient capables d’attirer l’attention des hommes sur ce salut de manière neuve et selon les lois de leur temps (Sur 1 P 1,10. Ibid. I,266).

4 – Dieu ne pense jamais à quelqu’un sans penser à tous les autres (Sur 1 P 1,12. Ibid. I,270).

5 – L’Esprit Saint est le même chez les prophètes et chez les apôtres. Il est indispensable pour comprendre la vie du Seigneur et l’enseignement de la nouvelle Alliance. Sans l’Esprit, l’homme demeure étranger à la vérité, à cause du péché, et parce que l’Esprit Saint doit toujours être reçu à nouveau (Sur 1 P 1,12. Ibid. I,270).

6 – L’Ancien Testament vient du Père, d’où l’importance pour les chrétiens de le connaître afin qu’ils apprennent quelque chose de la réalité du corps du Christ par son ombre, pour approfondir leur foi dans le Christ. Toutes les paroles du Seigneur ont leur racine dans l’Ancien Testament. L’Esprit que révèle le Fils et qui montre le Père est le même qui parlait par les prophètes pour indiquer aussi bien la volonté du Père que la venue du Fils (Sur Col 2,17. Der Kolosserbrief 77).

 

24 juin. Saint Jean-Baptiste. Messe du jour (Is 49,1-6 ; Ac 13,22-26; Lc 1,57-66.80)

1 - Tout homme qui veut vivre chrétiennement doit d’abord s’être trouvé et être "mort" avec le Christ dans la relation immédiate avec Dieu. C’est pourquoi les envoyés de Dieu viennent toujours de quelque manière du désert. Le Christ vient de trente ans de vie cachée et de quarante jours de combat au désert dans la relation immédiate avec Dieu. Le Baptiste vient du désert. Paul vient de trois années passées en Arabie. Et celui qui, fatigué et découragé par le bavardage vide de prière, si fréquent dans la chrétienté actuelle, sort comme Élie dans le désert, peut se trouver soudain devant l’Horeb, la montagne de Dieu, où il a le droit de rencontrer Dieu directement pour être envoyé à ses frères avec de nouvelles missions (Cf. HUvB, Relation immédiate avec Dieu, dans la revue Lumière et vie, n° 29, 1967, p. 48).

2 - Un jour s'éveille en Jean-Baptiste la conscience de sa mission. Il sait ce qui s'est passé à sa naissance : qu'il est entouré d'un mystère, qu'il doit croître en lui, que Dieu lui-même y a part. Dans ses jeunes années, il est au courant de ces choses comme un fils de roi qui est élevé en vue de la royauté, mais qui ne voit pas le roi, son père. Partout il remarque : il en va pour moi autrement que pour les autres et il se résigne. De plus il n'a ni la force ni la volonté de faire autre chose que ce qui est décidé. Il n'a pas encore l'intelligence pour cela. Il est exigé de lui une disponibilité à croire sans qu'on lui montre ce qui va se réaliser. Le contenu de la foi, il ne le voit pas. Il ne sait pas qu'il est le précurseur. Mais il doit se tenir ouvert à toutes les possibilités. Il sait même qu'il ne sait pas. Tout suit son cours dans un calme détaché parce que sa foi est totale même si elle n'a pas de contenu. Il est chargé d'une grâce qu'il suit comme s'il était entraîné et sans poser de questions. Il ne veut pas du tout poser de questions. Il renonce à sa propre certitude, il met celle-ci dans sa foi en Dieu. Il la met aussi dans le mystère de Jésus, son parent. Il sait d'une certaine manière que son mystère est plus grand que le sien, mais il ne sait pas exactement qui est ce Jésus. La question ne se pose pas. Il laisse simplement tout ouvert. Il attend certes un sauveur qui doit venir, et son désir de ce sauveur est si grand qu'il ne lui vient pas à l'esprit que lui-même pourrait être son précurseur. Puis un jour lui sont donnés, de l'intérieur, par Dieu lui-même, mission et certitude. Et il commence tout de suite. Auparavant il n'y avait eu aucune espèce de progrès; c'était un pur état d'attente. Puis tout d'un coup le saut dans la certitude que la nouveauté de Dieu est en route. Intérieurement Jean fait partie du Nouveau Testament et il apprend alors aussi qui est celui qui doit accomplir l'attente. Possédant en lui la nouveauté, il doit préparer la voie au Seigneur. Il ne perd pas un instant; il met ses sandales et il part (NB 1/2, 35-38).

 

29 juin. Saint Pierre et saint Paul. Veille au soir  (Ac 3,1-10; Ga 1,11-20; Jn 21,15-19)

1 - M'aimes-tu? Le Seigneur s'informe de l'amour à son égard et non de celui à l'égard du Père. Il s'arroge le droit de disposer de l'amour du Père comme si c'était le sien propre. Il s'attribue cet amour pour montrer que c'est le sien. Il sait que son amour pour lui, le Fils, comprend tout, aussi bien la Trinité que le monde. Il faut que l'amour de Pierre soit un amour exprimé, qu'il n'y ait aucune équivoque entre lui et le Seigneur. Sans la réciprocité totale dans l'amour, rien ne peut être édifié (Sur Jn 21,15. Jean. Naissance de l’Église II, 99-100).

2 - Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime. Mais le Seigneur ne permet pas à Pierre de s'attarder à cette question, ne le laisse pas s'épancher. Il ne lui laisse aucun temps. Il continue aussitôt à parler du ministère en lui donnant l'ordre : "Pais mes agneaux". L'amour plus grand de Pierre n'a pas d'autre tâche que de paître les agneaux du Seigneur, de les protéger, d'en prendre soin, de façon qu'aucun mal ne puisse les atteindre et que surtout ils restent des agneaux du Seigneur (Sur Jn 21,15. Ibid. II, 114-115).

3 - Simon, fils de Jean, m'aimes-tu? Le Seigneur pose encore une fois la même question relative à l'amour de Pierre, mais de manière plus brève et nette. Il apparaît nettement que la question va s'appuyer sur le triple reniement de Pierre qui, par son triple oui, doit réparer plus que largement son triple non. Mais Pierre lui-même ne peut rien réparer, c'est uniquement le Seigneur qui peut le faire en lui (Sur Jn 21,16. Ibid. II,118).

4 - Pierre a renié trois fois le Seigneur, et le Seigneur ne se contente pas de passer autre par son amour rédempteur. Il lui montre tout de même que son amour connaît la justice. "Pierre fut peiné de ce qu'il lui eût dit pour la troisième fois : M'aimes-tu?" Pierre discerne clairement le rapport entre son reniement et la triple interrogation. Il la ressent comme une accusation, comme une insistance du Seigneur sur un point qu'on pourrait considérer comme réglé. Il pense qu'une réponse unique aurait pu suffire (Sur Jn 21,17. Ibid. II,133-135).

5 – L’homme qui, tout en trébuchant, cherche à suivre le Christ, constatera à chaque faux pas qu’une main invisible le relève chaque fois, non seulement le relève, mais le mène plus loin, imperturbablement, comme si Dieu n’avait rien remarqué du tout, comme si Dieu comptait sur la puissance de son oui si faible et considérait celui-ci dans sa pleine valeur. Il est vrai que Pierre, par la triple question du Seigneur : "M’aimes-tu ?", dut faire l’expérience du rappel de son triple reniement. Toutefois il n’eut pas besoin d’en faire mention, mais simplement d’en intégrer les conséquences dans son amour (Cf. Le Dieu sans frontière 130).

6 - L’atmosphère des rencontres de Jésus ressuscité avec ses apôtres est incroyablement tendre et est tout le contraire d’une contrainte. Le Seigneur demande à Pierre : M’aimes-tu? Il ne lui demande pas : Pourquoi m’as-tu trahi? (NB 6,300).

7 – Les pécheurs connaissent leur propre honte, c’est pourquoi ils sont en mesure d’indiquer et de dénoncer ce qu’il y a de plus honteux dans l’Église. Si j’inflige une blessure à un ami et qu’il porte un vêtement qui la cache, je puis lui dire où il est blessé et où il pourrait encore être blessé facilement. La même Eglise est composée de Marie et de Pierre qui renie : Pierre qui ne cesse au cours des siècles de nouer des compromis avec le monde. L’Église ne se prostitue pas elle-même, de son propre gré. Ce sont les pécheurs qui la prostituent, les pécheurs qu’elle doit tolérer en son sein (NB 6, 507-508).

8 – Il y a des saints dont le chemin est très abrupt, d’autres dont le chemin est plus lent, plus sinueux. Sans doute pour ne pas effaroucher une âme, Dieu peut avance très doucement et s’adapter à ses états d’âme. Cela dépende de lui, et il peut aussi agir tout autrement. Paul est atteint d’un seul coup par une lumière qui l’aveugle, il est renversé par terre, il entend la voix, il demande ce qu’il doit faire. Pour lui, il n’y a pas de chemin à franchir par étapes, il n’y a pas de signes avertisseurs. Quand les trois disciples sont au Thabor et que tout à coup ils voient devant eux une image de la réalité céleste, le Seigneur n’a pas utilisé des degrés, des étapes, qui auraient permis aux disciples de monter jusqu’à l’apparition (Cf. NB 5,27).

 

29 juin. Saint Pierre et saint Paul. Messe du jour (Ac 12,1--11; 2 Tm 4,6-8.17-18; Mt 16,13-19)

1 - Dans l'événement mystique de sa conversion, Paul reçoit la quintessence de la doctrine. Quelques expériences suivront encore. Mais déjà ce que lui enseigne Ananie n'est plus mystique. Tout ce que Paul reçoit dans l'expérience mystique doit aussitôt rechercher le contact avec ce que la révélation chrétienne générale veut réaliser ou montrer par lui. Le troisième ciel lui montre certainement des choses destinées à lui uniquement de sort qu'il ne lui est pas permis d'en parler, mais ce sont cependant des assurances concernant sa mission. Parfois le mystère qu'il a à annoncer est fondé plus profondément... Paul reçoit parfois comme un appel téléphonique du ciel qui lui donne des indications complémentaires (NB 5,34).

2 - Peu importe que je fasse ce que je veux ou ce que je ne veux pas, du moment que je fais ce que je dois. Au sens ignatien, les deux obéissances sont également obéissance, également bonnes, également parfaites. C'est au fond une obéissance originairement ecclésiale comme celle de Pierre qui va où il ne veut pas (Jn 21,18) quand on le conduit pour le crucifier. Même s'il va maintenant où il ne veut pas, il va cependant sans aucun doute là où il veut puisqu'il a dit au Seigneur qu'il l'aime (NB 11,192).

3 - Lorsque Paul est jeté à terre à Damas, il s'agit d'un événement mystique dont les conséquences sont imprévisibles; c'est une mystique suprême car non seulement il rencontre directement le Seigneur, mais au-delà de sa propre volonté, la volonté de Dieu s'empare de la sienne et la détermine pour tout l'avenir; parce que tout ce Paul sera et fera par la suite part de cet événement. Mais ce fut en même temps le simple commencement de sa vie de foi, car la foi vivante est l'obéissance à la vérité et à la volonté de Dieu (Sur 1 Co 5,7. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,137).

4 – Paul a dû traverser les âpretés de la conversion. Il était ennemi, il devient ami. Son hostilité lui faisait problème ; son amitié lui fait à nouveau problème. Il y avait un choix à faire. Il a choisi ce que Dieu lui demandait. Mais il y a toujours un élément de lutte quand il choisit telle chose et non telle autre, quand il se met à la suite du Seigneur. Sa prière est une prière de lutte, une prière consciente, une prière de situation. Il est débordé par la grâce et il en a conscience. Il aime, mais pas dans cette naïveté sans questions de celui qui reçoit pour donner à son tour ; pour lui, c’est toujours aussi une lutte pour aimer. Il lui faut faire de son amour une construction. Sa prière garde quelque chose de construit, de délibéré, d’éprouvé, de contrôlé. Il est parfois subjugué par ce dont il a fait l’expérience. Il garde le souvenir de la manière dont il a été terrassé. Ainsi sa prière est-elle une œuvre d’homme mûr, tandis que celle de Jean était la prière d’un jeune ami. Si Paul sait que ce n’est plus lui qui vit mais le Christ en lui, il doit toujours veiller à ne pas reprendre la place que le Christ revendique pour lui-même. Chez Jean, pas de conflit de cette sorte. Jean recueille en lui le Seigneur et il le garde ; et cette attitude a toujours la forme d’un repos confiant (Cf. L’expérience de la prière 105-106).

5"Il est tout aussi ridicule qu’irrespectueux de se demander ce que cela peut bien vous faire d’être Dieu fait homme" (E.L. Mascall). Quand après avoir suffisamment agi et parlé, Jésus pose à ses disciples la question décisive : "Pour vous qui suis-je ?", cela suppose qu’il savait lui-même qui il était, et que d’autres, dans un pressentiment, pouvaient le savoir et, dans un balbutiement, l’exprimer. Mais au cas où il est vraiment venu de Dieu, unique, sans précédent ni répétition possible, on comprend que Pierre n’a pu en prendre conscience par des réflexions psychologiques ("ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révéle cela"), mais par une lumière venant de la région même d’où provient la personne de Jésus et dans laquelle il est chez lui ("mais mon Père qui est dans le cieux"). Pour donner la vraie réponse à la question posée par Jésus, l’exégète (spécialiste ou non) a besoin lui aussi de la même lumière que celle que Pierre a reçue (Cf. HUvB, La conscience de Jésus et sa mission, dans la revue Communio, janvier-février 1979, p. 31-32).

6 – La grâce et la mission du Seigneur sont toujours nettes, absolues. Et plus la mission que le Seigneur confie à quelqu’un est grande et différenciée, plus clair aussi et plus net est l’appel. Celui qui a été touché de cette façon par son glaive porte une blessure ; il peut bien sûr regimber, résister, faire comme s’il n’était pas blessé : il reste marqué et n’a que le choix de se soumettre à la volonté du Seigneur ou de perdre tout son sang par sa blessure (HUvB, AvS et sa mission théologique 249-250).

7 – Pierre dans les Actes des apôtres. Pierre est toujours "en Esprit". Il dit toujours des choses qui le dépassent. Quand il ouvre la bouche, l'Esprit parle en lui. Il est sans doute réfléchi quand il parle aux Juifs, mais c'est l'Esprit qui réfléchit en lui. Pierre est honnête; il a compris exactement sa défaillance. Il est terriblement prévenu. C'est pour cela qu'il est si ouvert à la grâce, et la grâce, c'est l'Esprit Saint. Pierre et les apôtres ont reçu l'Esprit Saint et ils peuvent désormais rester en état de garder l'Esprit. C'est une attitude de prière optimale. Ils n'ont pas besoin de faire un effort sur eux-mêmes pour prier, ils n'ont pas besoin de se détacher d'eux-mêmes avec violence. Ils restent ouverts pour l'Esprit parce que c'est l'Esprit qui produit leur attitude, qui leur permet de lui être ouverts. C'est l'Esprit que le Seigneur leur a envoyé à la Pentecôte. Quand on attend un grand événement, on le vit la plupart du temps de manière plus vraie et plus réelle que s'il nous surprend à l'improviste. Et celui qui a saisi l'événement dans cette vérité est plus préparé pour une prochaine fois. Ainsi en est-il pour les apôtres : la réception de l'Esprit à la Pentecôte les rend ouverts et dociles pour une nouvelle réception de l'Esprit (NB 1/2,50-51).

 

6 août. Transfiguration du Seigneur (Dn 7,9-10.13-14 ; 2 P 1,16-19 ; Ev : année A : Mt 17,1-9 ; année B : Mc 9,2-10 ; année C : Lc 9,28-36)

1Le Thabor. Les trois disciples n'étaient pas là par hasard, ils avaient été invités, emmenés pour être avec lui sur la montagne. Le Fils savait ce qu'il devait leur partager : la voix du Père qui lui était adressée, la parole qui devait les confirmer, lui et les siens, sur leur chemin. Et il les a emmenés sans les prévenir de ce qui allait se passer, sans rien leur dire de l’assurance et de la connaissance préalables qui étaient les siennes. Sans préparation, il sont dû faire l'expérience du Thabor, sans y être aucunement familiarisés, exercés, entraînés. Et pourtant suffisamment préparés, parce que le Fils les a jugés dignes d'être emmenés. Ils devaient donc être dans l'attitude du parfait abandon. Ils ne pouvaient pas être effrayés au point de ne pas percevoir la voix ou de la percevoir dans la saisir. Et pourtant, il fallait d'un autre côté qu'ils soient complètement dépassés par la voix (Cf. L’avènement du Seigneur 49).

2 - Le Fils savait que sa passion était une part de l’amour du Père pour lui et de son amour pour le Père. C’est le grand paradoxe de la vérité que le Fils se sépare du Père pour lui montrer son plus grand amour, qu’il renonce à sa forme divine pour n’être plus qu’une image du Père (comme le sont justement les créatures), qu’il fasse pénétrer sa parole divine dans l’obscurcissement des paroles, des sentences et des comparaisons humaines (Sur 3 Jn 12. Die Johannesbriefe 324).

 

15 août. Assomption de la Vierge Marie. Veille au soir (1 Ch 15,3-4.15-16 ; 16,1-2;1 Co 15,54-57 ; Lc 11,27-28)

1 - Ô mort, où est ta victoire ? (1 Co 15,55). La mort avait été instituée par Dieu comme châtiment. L'homme était tellement endurci dans sa faute que le fait de penser à l'arrêt de sa vie ne suffisait pas à le convertir. C'est alors que Dieu a entouré la mort de cette atmosphère d'obscurité, de fatalité, de perdition. Il est juste que celui qui a dédaigné la lumière de Dieu, la joie de Dieu, l'obéissance aimante à Dieu soit banni de la vie éternelle de Dieu, soit jeté dans les ténèbres et les tourments. Il est juste qu'il ait constamment soif de ce que Dieu lui avait offert et qu'il a refusé, par suffisance et arrogance. Mais maintenant un nouveau combat doit être mené entre Dieu et l'homme, un combat dans lequel ce que Dieu fait sera plus puissant que l’œuvre de l'homme. Le Fils a pris sur lui la mort, avec toutes ses ténèbres et son délaissement par Dieu. Il est descendu de la croix dans cette nuit de la mort. Et, en ressuscitant de cette nuit, il a enlevé à la mort son atmosphère de désespoir et de perdition (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,259-260).

2 - L’âme de la Mère est toute simple. Toutes les questions et toutes les réponses forment en elle une unité. Son être est irréductiblement un. Cette extrême simplicité de son âme toutefois ne vient pas d’elle-même mais de la proximité de Dieu, qui lui permet de se redonner sans cesse de façon telle que tout le multiple et l’incompréhensible est assumé par Dieu lui-même. Dieu lui est si proche qu’il apporte avec lui la réponse toute simple à toutes les questions ; il aplanit et résout tout ce qui paraît embrouillé, il modèle toutes les situations de la vie d’une manière si limpide et plénière qu’un mystère persiste certes, mais jamais d’énigme angoissante (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 21).

3 – Pour croire comme il faut, je dois avoir l’amour (NB 6,36).

4 – Pour que nous puissions percevoir la voix de Dieu, il faut que soit enlevé ce qui nous empêche de l’entendre. J’enlève tout, non pour être vertueux, mais pour que Dieu soit libre à mon égard. En moi, il y a comme une grille par les trous de laquelle je regarde Dieu. Si les trous sont bouchés, je vois moins bien, je vais chercher à les nettoyer. C’est dans la prière qu’on remarque le mieux où on a failli et ce qu’on doit changer, et non en se contemplant soi-même. A l’expression de Dieu, je vois ce qui est souillé dans mon âme. Les vertus se trouvent en Dieu et c’est là qu’on doit les contempler. On doit les rechercher parce qu’elles conduisent à Dieu, elles ouvrent un accès à son amour (NB 9,1936).

5 – La vie est une belle journée en Dieu malgré tout ce qu’il y a de laborieux, parce que Dieu se sert de tout pour se révéler (NB 10,2135).

 

15 août. Assomption de la Vierge Marie. Messe du jour (Ap 11,19 ; 12,1-6.10 ; 1 Co 15,20-26 ; Lc 1,39-56)

1 - Dans ses relations quotidiennes avec son Fils devenu adulte, dans ses paroles d'homme, elle reçoit quelque chose de nouveau de son Fils. Elle est prête à être mise par lui partout où il a besoin d'elle, même si souvent elle ne comprend pas ses desseins, même si elle ne se trouve pas placée là où elle s'y serait attendue (Qui sont ma mère et mes frères?). Son entrée dans les vues de son Fils a le caractère fondamental de l'obéissance. Une obéissance qui est en même temps un échange, mais un échange rempli de mystère. - Et Marie n'est pas introduite dans le mystère. On pourrait aussi bien dire qu'elle est introduite dans le mystère de l'absence d’échange. D'une manière bien plus profonde que tout croyant, Marie a conscience du caractère mystérieux de Dieu et du monde de Dieu, sans qu'elle y soit introduite elle-même plus que le Fils ne le veut... Elle a vu l'ange..., mais elle sait définitivement qu'elle doit rester à sa place... Elle sait qu'à chaque instant elle doit rester disponible pour le Seigneur dans une attente virginale (NB 5,21).

2 - Marie ne vit pas qu'au ciel, elle continue tout autant à vivre dans l’Église (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 169).

3 - Dans le christianisme, partout où la Mère apparaît, ce qui est abstrait et crée des distances est supprimé, tous les voiles tombent et chaque âme est immédiatement touchée par le monde céleste. Marie, l'être le plus pur qui se puisse penser, ne communique rien de la vérité céleste sans la collaboration des sens. Ce qu'elle a vu, entendu et senti, ce qu'elle a éprouvé des mouvements de l'enfant en elle et sur son sein, toute l'évidence sensible de l'existence corporelle de son Fils, continue de vivre dans ce qu'elle révèle de lui.- Elle est femme et elle comprend les choses comme une femme... Elle a la grâce de nous rendre sensiblement proche ce qui est lointain pour nous le faire comprendre (Ibid. 191).

4 - Quand on prie Marie ou un saint, on participe à sa grâce. Ne pas souhaiter être reine si Dieu a prévu de faire de nous une servante (NB 9,1289).

5 - Pour chaque individu et pour tout groupe d'hommes, il y a un chemin précis visiblement tracé, qui va de la Mère à eux et d'eux à la Mère. Cela suppose toujours chez l'homme, il est vrai, une disponibilité à se donner, mais elle se trouve déjà incluse dans la grâce débordante de la Mère... A qui lui reste fidèle, elle gardera une fidélité à toute épreuve. Jamais son aide n'a manqué, jamais quelqu'un ne s'est perdu, qui ne se soit expressément et volontairement détourné d'elle. - Il n'est pas dit que la Mère nous conduira toujours sur le chemin le plus facile et le plus agréable. Elle ne peut ni ne doit le faire, car elle doit conduire les hommes au Fils qui a suivi le chemin de la croix et l'a emmenée avec lui sur ce chemin... Elle ne veut pas donner l'impression d'avoir de meilleures intentions que lui sur les hommes. Elle sait à quel point il a raison en réclamant l'abnégation et l'ascèse. Elle-même a pratiqué l'une et l’autre à la perfection.- Tout chemin que nous ménage la Mère est un chemin de renoncement, de pénitence intérieure et extérieure. Mais du fait qu'on la rencontre sur ce chemin, il perd tout caractère triste et inhumain. Elle nous rend doucement attentifs à la nécessité de la croix (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 193-195).

6 - L’Incarnation du Fils... est l’œuvre par excellence. Et pourtant cette œuvre est  liée étroitement avec une autre: qu'il s'est créé une Mère... Il a aussi déterminé l'action et le devenir de sa Mère... Il l'a faite telle que, partout où elle se trouve, où elle est recherchée et vénérée, c'est lui qui se tient à l'arrière-plan... Elle n'est pas seulement sa Mère, mais la Mère éternelle de tous les croyants parce que, maternellement, elle montre toujours le Fils et le remplace là où sa présence n'est pas encore reconnue. - On peut s'approcher de la Mère dans un ignorance presque complète, et par elle se laisser guider jusqu'au Fils. Car la dévotion qui la vénère comme Vierge ou comme Mère, comme femme qui comprend, ou comme jeune fille pleine de confiance, ou comme consolatrice dans les dures épreuves, n'a jamais sa fin en soi. De même que personne ne peut jamais s'approcher du Fils sans être mené par lui au Père, de même on ne s'approche pas de la Mère sans qu'elle nous indique le Fils (Sur Jn 21,25, Jean. Naissance de l’Église II,181).

7 - Marie. C'est donc un mystère d’amour quand sa vie qui ne diffère en rien de celle du reste des hommes, s'incline vers la vieillesse et la mort. La petite vie ordinaire, qui fut celle de sa jeunesse, reprend, et les années passées avec le Fils, de l'apparition de l'ange jusqu'à l'Ascension, ont l'air à présent d'un épisode prodigieux, extraordinaire, presque invraisemblable dans sa sa vie de femme si paisible. Elle a commencé dans l'humilité et l'obscurité, fut brusquement mise en lumière, puis elle rentre dans l'ombre et l'obscurité.- Tant qu'elle vit, elle n'est l'objet d'aucun culte dans l’Église, elle est écartée, presque oubliée. Elle reprend la tâche qu'elle avait avant la venue du Fils. Elle ressemble à la petite Bernadette ou à Lucie qu'on met au couvent après les grandes apparitions et qui ne savent pas comment les choses évoluent au dehors. On n'entend plus parler d'elle. Quand elle sera morte et que sa vie aura été totalement sacrifiée, toute la lumière de son existence éclatera et commencera à briller irrésistiblement (La Servante du Seigneur, éd. 1980, 164).

8 - Marie meurt et est accueillie au ciel et, dans la vision de Dieu, sa propre apparence a reçu une forme tout à fait nouvelle. Elle qui était la servante du Seigneur est maintenant devenue la reine du ciel. Et elle doit se comporter aussi volontairement et aussi naturellement comme reine que comme servante, car le Seigneur a fait d'elle l'une et l'autre. Et peut-être s'est-elle faite davantage servante qu'elle ne pouvait se faire reine dans l'obéissance. - Peut-être sa contribution personnelle est-elle bien plus importante dans la servante que dans la reine. Mais cela n'a aucune importance; elle sera les deux pleinement. Pour la Mère, d'être servante était comme un but, tandis que pour le Fils ce n’était que comme un épisode; pour lui le but était qu'elle soit reine, et la servante a dû faire preuve de l'obéissance la plus complète à se laisser faire reine. Et plus elle devenait servante, plus peut-être le Fils l'a-t-il ressentie comme reine (Marie dans la rédemption 63-64).

9Et une couronne de douze étoiles sur la tête (Ap 12,1). Le chiffre douze exprime à la fois une quantité bien précise et une multitude infinie d'étoiles, qui accompagnent et couronnent la femme, comme un nouveau signe céleste qu'elle est digne de porter et de se choisir comme parure. Comme nombre précis, c'est celui des apôtres qu'elle donnera au Fils. En mettant son corps à la disposition de l'Esprit, elle donne au Fils sa propre fécondité humaine et physique. Et c'est dans une sorte d'accompagnement de son service maternel que les apôtres serviront le Fils, ils diront oui pour suivre le Seigneur, ils accompagneront, ils feront ce qui est exigé d'eux, comme Marie a fait ce que l'Esprit demandait. Dans cette optique, l'effusion de l'Esprit sur les apôtres est l'ultime conséquence de la descente de son ombre sur la Mère, la fin de ce qui a été initié dans la femme. La question de l'Esprit transmise par l’ange est le point de départ de tout, et la descente de l'Esprit sur les apôtres, sur l’Église, est la conclusion. Marie porte donc à proprement parler le vêtement de soleil comme un tout, comme l'expression même de son être, et les étoiles des apôtres comme sa parure. Elle n'enlève rien à l'autonomie des apôtres, elle ne fait que l'enrichir (L'Apocalypse 161-162).

10 – La mort du Christ sur la croix n'était pas un semblant de mort ; elle a duré assez longtemps pour le faire participer au monde des morts. Il y a les heures et les jours où le Christ était mort, un mort parmi les autres morts ; son corps était enseveli comme tous les autres. Ce n'est qu'à partir de là que se produit la résurrection qui le distingue comme le premier de tous les mortels, et qui s'opère en Dieu, pour Dieu et par Dieu le Père. Il y a ce moment fulgurant où le Père relève le Fils d'entre les morts et où le Fils réalise l'obéissance de se laisser ressusciter. Ce moment est entre les mains du Père. Il le décide. Il le provoque... En ressuscitant, le Fils devient les prémices de ceux qui se sont endormis : par son acte vertical d'obéissance au Père, il ouvre horizontalement, à tous les morts, la porte de la résurrection. Cet acte comporte quelque chose d'analogue à l'eucharistie, qui est l'action de grâce absolue rendue au Père et, en même temps, le don absolu fait à l'humanité (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II, 206-207).

11 – En offrant sa mère à notre vénération, le Fils nous fait un cadeau de son amour. Il nous la donne comme médiatrice de toutes grâces ; la puissance de sa médiation réside cependant dans le fait qu'elle est immaculée. Par le fait qu'elle se tient exactement là où elle doit se tenir, elle nous ouvre un chemin vers la compréhension du Fils et de son amour. Elle est sans doute la meilleure préparation pour aller à lui. Marie aime son Fils avec toute la force de son être. Elle l'aime parfaitement et elle sait qu'en lui elle aime en même temps son Dieu. Et quand maintenant, à notre tour, nous aimons la mère, nous n’avons pas le droit de faire halte auprès d'elle, nous devons plutôt reconnaître, dans notre amour, ce qui fait le sien dans la relation qui la lie au Fils. Sinon notre amour ne serait que bavardage. Si le Fils et lui seul signifie ouverture au Père, la porte et le chemin, nous ne pouvons mieux comprendre cette qualité qu'en regardant la mère, porte ouverte sur le Fils (Cf. L'amour 74-75).

12Dieu est gracieux (Ps 145) et plein de miséricorde ; il sait donc que sa créature a besoin tant de la grâce que de la miséricorde, et il les lui remet toutes deux avec profusion. La grâce est ce qu’il donne sans que la justice joue un rôle. Et la miséricorde se répand à nouveau en faisant abstraction de la justice, parce que Dieu voit combien l’homme est malheureux dans son péché ; Dieu ne regarde pas seulement le péché comme un acte dirigé contre lui, il considère aussi surtout quelles conséquences il a pour l’homme lui-même. Et Dieu est lent à la colère (Ps 145), il ne se lasse pas de montrer sa bonté. Il possède une patience infinie. Et cela parce qu’il est riche en amour. C’est un amour qui donne tout son effet au ciel et qui est cependant assez riche pour se révéler aussi sur la terre. Le Seigneur est bon envers chacun. Nul ne peut dire que Dieu n’a rien voulu savoir de lui. Peut-être que chacun n’est pas capable de saisir immédiatement les signes de Dieu, et peut-être aussi que tout signe particulier n’est pas destiné à chacun, mais comme signes ils concernent en tout cas la communauté, car ils sont toujours signes de la bonté de Dieu envers chacun (Cf. Dix-huit psaumes 248-249).

13 – Dès sa mort, Marie est reçue avec son corps dans le ciel. Le corps qui a porté le Fils, les mains qui l’ont entouré de soins, le visage de la Vierge qu’il a connu ici-bas, toute son apparence extérieure telle qu’il la voyait dans la maison de Nazareth et telle que les apôtres la connurent, toute sa manière d’être telle que Dieu l’avait créée pour qu’elle soit digne du Fils, se révèle à présent digne de la vie éternelle. Et de la sorte, cette rencontre du Fils avec sa Mère dans le ciel se trouve être des retrouvailles de celle qu’il a toujours connue, non seulement telle qu’il l’a appréciée, suivie du regard depuis toujours en tant que Dieu, mais telle qu’il l’a connue humainement, étant homme lui-même. Sa Mère apporte avec elle une part de terre et de monde et d’humanité dans un prolongement de ce que le Fils était ici-bas. En tant que vierge devenue la Mère du Seigneur, elle entre au ciel avec le corps qui ici-bas a suffi à faire d’elle la médiatrice des grâces (Cf. Le mystère de la mort 116-117).

14 – De son corps, Marie a donné naissance à un enfant qui va au-devant de la mort ; elle-même le suit dans ce destin, parce que tout ce qui est corporel est périssable hors du paradis et voué à la mort. Son fils a volontairement choisi la fugacité de la vie et de la mort douloureuse et elle ne connaît pas d’autre volonté que la sienne. Elle meurt parce que son fils est mort ; elle meurt par amour et par obéissance envers son enfant. Elle ne supporterait pas de le voir mourir sans être elle-même autorisée à le suivre dans la mort. Le temps de sa mission visible est derrière elle. Il est vrai qu’elle-même n’était déjà plus tout à fait sur la terre. Le Fils a pris avec lui au ciel le meilleur de sa mère. En le rejoignant elle se retrouvera elle-même. Sa vie ici-bas est une vie de pauvreté qui trouve dans la mort sa nécessaire conclusion. Mais c’est alors que se dévoilera la richesse incommensurable de cette pauvreté (Cf. La Servante du Seigneur, éd. 2014, p. 193-195).

15 - On peut être invité par le ciel à être totalement prière devant Dieu, comme Marie inclinée vers Dieu dans l’adoration et la prière de demande : une demande infiniment pressante pour de grandes choses ; elle désire tellement que, de toute son âme et de toute son existence, elle n’est plus que prière (NB 8,862).

16 – Jamais un être humain n’a été plus proche de Dieu que Marie (NB 10,2189).

17 – Marie est la mère de Dieu non seulement sur la terre mais encore dans le ciel. Un espace demeure ouvert pour son action et son amour. Elle aussi peut surprendre Dieu d’une manière toujours neuve comme le font entre elles les personnes de la Trinité. Et bien que Dieu connaisse tout, il se laisse surprendre. Ce n’est pas lui qui va gâcher pour ses créatures les joies de l’amour en leur montrant que pour lui "il n’y a rien de neuf sous le soleil". Les joies les plus profondes de la terre sont certainement un reflet des joies du ciel. Et si sur terre les joies du don, de la surprise, la joie de se laisser dépasser sont les plus grandes, les saints du ciel possèdent cette liberté, et à combien plus forte raison les personnes divines elles-mêmes (Sur Jc 2,22. Die katholischen Briefe I,141).

18 - Avant l'apparition, la prière de Bernadette à Marie - son Ave Maria - était celle d'une enfant qui est pure. Après l'apparition, elle sait désormais à qui elle s'adresse, elle a vu la dame, c'est au fond toute la différence. Elle est comme un enfant pauvre qui fait des ourlets pour les mouchoirs d'une riche dame : si une fois elle a vu la dame, elle sait ensuite pour qui elle fait le travail. Elle n'y réfléchit pas, elle ne peut pas s'imaginer pourquoi la riche dame a besoin de tant de mouchoirs. Mais elle sait maintenant qui les reçoit, et on lui a dit que la dame en a besoin, bien que l'enfant n'en comprenne pas mieux la raison avant qu'après. Bernadette continue à dire ses Ave Maria à la dame qu'elle a vue. Elle lui dit combien elle l'a trouvée belle et aussi qu'elle souffrirait volontiers pour elle. Et cela d'une manière si absolue et avec une telle manière de ne pas se poser de question que cela tiendrait presque du fanatisme si ce n'était le simple effet de la grâce, la sainteté (NB 1, 222).

19 – L’Assomption de Marie. La joie de Marie dans le ciel se nourrit de la joie que les autres ont à cause d’elle, et elle leur redonne cette joie. La joie de Dieu, des anges et des saints est si grande qu’elle ne peut rien faire d’autre qu’accepter cette joie. La pure acceptation de la joie est sa réponse la plus profonde à Dieu et à tous. Elle ne veut accepter la joie que Dieu et tous lui offrent que pour donner à Dieu et à tous une joie parfaite (NB 9,2021).

20 – Le grand dragon lutte contre le grand ange, les petits démons contre les petits anges. Ce n’est pas Dieu qui s’abaisse à lutter personnellement contre le diable, il engage pour cela un archange qui est du même rang que le dragon (Sur Ap 12,7-9. Cf. NB 9,1338).

21 – Au sujet des apparitions de la Vierge. Quand la Mère se montre, elle accomplit une mission de Dieu pour nous, qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère (NB 9, 1991).

 

14 septembre. La croix glorieuse (Nb 21,4-9; Ph 2,6-11; Jn 3,13-17)

1 - C'est par la grâce du Fils et à travers son humanité que la vie éternelle nous devient accessible et saisissable, puisque sa vie dans l'au-delà nous fait comprendre le sens de notre vie d'ici-bas. Sans la foi en Dieu et l'amour pour le Fils, notre vie terrestre reste si absurde que toute notre intelligence mise à contribution s’épuise à en venir à bout et qu'ainsi la vie éternelle nous demeure d'autant plus incompréhensible et fermée. Sans Dieu la vie humaine commence dans la solitude, s'ouvre au monde et se ferme à nouveau dans la mort; elle vient de la terre et y retourne en une courbe d'abord ascendante et qui redescend brusquement, irrévocablement. C'est en cela qu'elle est absurde. La vie en Dieu part de la terre en courbe ascendante, mais une fois le sommet atteint, elle débouche dans l'infini et ne retombe plus à terre. Le croyant ne va pas à sa perte, mais aura la vie éternelle où nous verrons Dieu (Sur Jn 3,16. Jean. Le Verbe se fait chair II,69).

2 - Les hommes oublient sans cesse... combien tout dans l’Église doit se tenir sous le signe de la croix, doit être compris et se dérouler à partir de la croix. Or, la croix n'est pas quelque chose d'obscur, c'est la grâce de la rédemption à travers le sacrifice corporel du Seigneur. Toutes les dispositions de l’Église doivent être portées par la pensée de la rédemption réalisée sur la croix (Sur 1 Co 11,17. Première épître de saint Paul aux Corinthiens II,54).

3 – Dans le bois de la croix, le Seigneur voit réunis l'arbre et le travail humain. Les hommes doivent travailler parce qu'ils ont péché... Ils fabriquent la croix pour y clouer celui qui apporte la rédemption... Il est évident que le Christ devait être charpentier, car il lui fallait abattre l'arbre de la connaissance. En tant que second Adam, il devait, comme le premier, avoir affaire avec l'arbre... Le premier Adam eut affaire au fruit ; en le mangeant, il a rendu l'arbre stérile. Le second Adam doit en finir avec l'arbre mort. Il prend la matière déchue, morte, de l'arbre, pour en faire le travail de sa vie durant ses années de contemplation. L'arbre profané lorsque la pomme fut mangée, il doit à nouveau le consacrer pour qu'il puisse devenir croix. L'arbre croix a été jugé digne de porter le Seigneur. En mourant sur l'arbre de la croix, le Seigneur fait mourir en nous le péché (Cf. Au cœur de la Passion 121-122).

4 – La foi enseigne combien l’amour divin est éternel et infini. Elle nous enseigne aussi que l’amour de Dieu n’est pas quelque chose que Dieu se réserve, quelque chose qui fait son plaisir exclusif et dont il a le privilège au ciel ; son amour est si vivant qu’il déborde sur tout ce qui existe. Révélation ne veut pas dire qu’à nous, enfants de la terre, il est permis de jeter de loin un regard sur l’immensité de Dieu, sur son inaccessible hauteur, mais que lui se penche sur la terre et immerge son amour dans le cœur de toute personne qui aime. Il lui offre son propre trésor. Il donne à l’amant les yeux de l’amour, qui lui permettent de reconnaître ce que Dieu a déposé dans l’aimé et ce qu’il apprécie en lui (Cf. Dix-huit psaumes 121-122).

5 - Le Père n’a pas fait le monde pour produire un contraste avec le ciel, mais pour établir une relation avec lui. La terre fait partie du ciel. Et les hommes ont été créés pour entrer au ciel. Le ciel de Dieu Trinité a suffisamment de place pour accueillir la terre et ses habitants de la manière que fixe le Père. Dans leurs visions, les prophètes de l’ancienne Alliance virent de petites tranches d’un ciel plein de mouvement et de vie. Par la venue du Fils sur la terre, le chemin de la terre vers le ciel se modifia encore une fois. La parole de la croix : "Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis", montre que la distance de la vie transitoire à la vie éternelle peut être surmontée dans l’aujourd’hui. Le Fils en a réduit l’écart. Beaucoup de croyants, face à leur mort ou en certaines occasions de leur vie, ont vu le ciel ouvert (comme le diacre Étienne), ils ont participé aux fêtes du ciel. Si on rassemblait tout ce que des chrétiens ont vu du ciel, il s’en détacherait certaines choses qui reviennent toujours. Par exemple, que le Fils aime à montrer des images de la glorification de sa Mère qui sont aptes à procurer dès ici-bas aux siens une idée de la vie éternelle (Cf. Les portes de la vie éternelle 116-117).

6 - Dieu n’est que pureté. Il n’a pas besoin d’être purifié par son feu. Quand le Fils devenu homme souffre sur la croix, il donne aux hommes la possibilité non seulement d’être rachetés, mais de porter avec lui quelque chose de la souffrance. A la croix, Dieu ne veut pas agrandir l’écart qui le sépare des pécheurs, ce qui serait le cas si lui seul pouvait souffrir pour nous et si nous-même ne pouvions souffrir que pour nous. Dans le feu de la croix naissent les nombreux mystères de la solidarité : le trésor de l’Église, la libre utilisation par Dieu de toute vraie prière chrétienne, tout l’excédent qui s’amasse dans l’Église, toutes les actions et toutes les souffrances qui dépassent les obligations. L’effet le plus décisif de la souffrance de la croix, c’est qu’elle donne à l’homme de compatir dans le sens du Seigneur et par là de se libérer de la tendance durable à se faire centre de tout, pour apprendre en souffrant à regarder Dieu et ses désirs (NB 6,266-267).

7 – La croix est le signe de la plus haute bénédiction prononcée par le Fils sur le monde (Sur 1 P 3,9. Die katholischen Briefe I,349).

8 – Le Père voit bien que sur la croix le Fils souffre beaucoup plus qu’il est nécessaire. Mais le Fils le veut ainsi parce qu’il est dans la lumière de l’amour du Père et dans la souffrance de l’obscurité du Père. C’est pourquoi pour le Fils il n’y a pas d’excès. Il voit "le plus grand" du Père, qui l’accompagne toujours, l’oblige, le stimule à faire encore plus dans l’amour. Ainsi tout s’équilibre. Ce qui aux yeux des autres paraît superflu est pour lui plutôt trop peu (Sur 3 Jn 6. Die Johannesbriefe 307).

9 – Impossible de croire à l’amour du Seigneur sans être invité à le partager. On n’a pas le droit de voir le péché de ses frères sans y avoir part, participation qui a avant tout la forme de la prière, prière fondée sur la prière du Seigneur allant jusqu’à la mort. Le croyant doit prier appuyé sur la prière de la croix, car il sait que la croix fut le résultat de la vison du péché par le Fils (Sur 1 Jn 5,16. Ibid. 228).

 

1er novembre. Fête de tous les saints (Ap 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12)

1 - Au ciel on ne perd pas purement simplement le sens du temps. Les fêtes de l’Église ont au ciel quelque chose qui leur correspond. On y fête encore Noël et Pâques et l'Ascension. Il y a encore au ciel de la musique, de la poésie et des couleurs. Toutes les fêtes chrétiennes sont présentes au ciel, mais en plus beau. Ciel et terre sont l'un dans l'autre. Sur terre, le ciel est présent dans les fêtes, et donc aussi la terre est présente aux fêtes du ciel. Par son péché au paradis, l'homme a perdu le sens de la présence, à chaque seconde, de l'éternité (NB 9,1397).

2 - L’Église sait que ses membres qui meurent ne l'oublieront pas une fois dans la vision de Dieu, lui rendront son amour, lui viendront en aide. Finalement on ne sait pas si l’église... pourrait subsister si tous les saints - ceux qui sont encore en ce monde, ceux qui ne sont pas encore nés et tous ceux qui un jour ou l'autre iront au ciel - n'aidaient pas efficacement l’Église à préparer les hommes à la vision de Dieu. L'éternité étant un éternel présent, l’Église peut, dans sa préparation à l'éternel-présent, se référer sans problèmes aussi bien à l’avenir qu'au passé; Dieu met tout à sa disposition, le futur tout autant que le passé. - Pas plus que je ne puis dire si la prière que je fais maintenant aura un effet au Canada dans cinq minutes, on ne sait avec l'aide de quel amour du ciel l’Église bâtit maintenant son œuvre. Les aides de tous les temps participent à un endroit ou à un autre à ce qui se passe actuellement. L'événement temporel est imbriqué dans l'éternel et Dieu, dans son omniscience, peut faire agir toutes les causes qu'il veut (NB 5,181).

3 Le problème pour certains, c’est qu’ils veulent entrer au ciel sans passer par le purgatoire : ils trouvent qu'ils n'en ont pas besoin, ils ont fait suffisamment de bonnes œuvres sur terre, etc. Adrienne voit ces choses et elle souffre pour aider ces âmes à faire le pas qui les libérera (NB 9,1467).

4 - Nous aurions peur du purgatoire si nous ne comprenions pas qu'il s'agit ici d'un mystère d'amour. Mais puisqu'il en est ainsi, nous nous soumettons volontiers à ce processus, et même avec un vif désir de participation; nous comprenons, à l’intérieur de l'amour, qu'il faut satisfaire la justice (Sur Jn 17,8. Jean. Le discours d'adieu II,223).

5 - Le Seigneur veut ... que ses saints soient en lumière. Il veut en décorer l’Église... Ce que le Seigneur fait dans l'éternité du ciel, l’Église doit le faire sur la terre en lien avec le ciel, en octroyant à ses saints une espèce d'éternité dans l'aujourd’hui vivant de l’Église. Et embellir les saints consiste moins pour elle à organiser des manifestations extérieures en leur honneur qu'à les imiter... L'extérieur est justifié tant qu'il est l’expression de l'intérieur. - Ce que l'ange montre à l'apôtre est plénitude de gloire, merveilleuse beauté céleste, pureté, fraîcheur, spontanéité. La vénération des saints sur la terre doit en refléter quelque chose. Tout ce qui est suranné, kitsch, douceâtre et faux contredit profondément cette vision de Jean. Et c'est avant tout l'humilité des saints, le verre transparent qui se transforme en splendeur de l'or et des pierreries, une humilité si grande quelle ne peut qu'être glorifiée par le Seigneur (Sur Ap 21,19-20. L'Apocalypse 894-895).

6 - (Le Fils est venu dans le monde pour nous) initier doucement au goût et au style du Père, afin que lorsqu'un jour Dieu nous fera entrer dans la plénitude de son unité, nous nous sentions chez nous dans notre royaume céleste (Sur Mt 5,10. Sermon sur la montagne 27).

7 - La sainteté ne consiste pas en ce que l'homme donne tout, mais en ce que le Seigneur prend tout... L'homme offre peut-être tout en paroles, il fait cette offrande avec les lèvres. Mais il a toujours en tête quelque chose de limité... Cependant, le Seigneur entend (l’offrande) comme elle aurait dû être dite. Et quand il prend ensuite tout dans son sens à lui, peut-être l'homme pousse-t-il un cri et pleure-t-il ce qu'on lui a pris, mais la grâce de la sainteté consiste justement en ce que le Seigneur permet la méprise... - Au moment où quelqu'un renonce à tout et s'est mis entièrement à disposition, même si c'est avec une profonde joie, il est jugé et recevra en conséquence quelque souffrance à porter... La vie de tout saint est une vie difficile qui porte le sceau du jugement... Le chrétien ordinaire peut en quelque sorte constater sa croissance dans le bien, elle ne lui est pas cachée... (Mais le saint) ne peut se mesurer qu'à l'absolu, où l'on ne peut voir de progrès (Sur Ap 20,6. L'Apocalypse 779-781).

8 - Dieu sert de la sainteté pour illuminer le monde. Et sa sanctification de la cité et des divers saints est un cadeau au monde. Et ce que Dieu a donné comme grâces aux saints, c'est au monde qu'il l'a offert; en comptant que les saints le transmettent, et que le monde soit assez humble pour l’accepter de la main des saints qui agissent en médiateurs de Dieu, sans passer outre, dans une espèce d'orgueil, à la médiation instaurée par Dieu, pour s'arroger ou dérober une lumière de Dieu obtenue sans l'intermédiaire de la ville (Sur Ap 21,24. Ibid. 906).

9 - Le propre du faux prophète est de se donner de l'importance; il veut toujours paraphraser ce que Dieu dit. Il a peut-être une vraie mission, mais il ajoute trop du sien parce qu'il veut se mettre en vedette. Le saint disparaît dans sa mission : Bernadette (Sur 1 Jn 4,1. Die katholischen Briefe II,148).

10 - Quand le Fils ressuscite, il est pur, mais comme celui qui a porté le péché. Et quand l'homme arrive au ciel, il doit aussi être pur bien qu'il ait commis le péché. Son visage doit être libéré de la grimace du péché (NB 3,233).

11 - L’Église ne doit pas compléter artificiellement la perfection des saints. Elle doit souffrir de leurs lacunes : c'est meilleur pour les croyants. Pas trop de perfections partout (NB 4,454-455).

12 - Les saints ont implanté sur terre l'amour céleste; pour eux, sur terre, le céleste était plus essentiel que le terrestre. Ils ont mené une existence prophétique en proclamant par leur amour le ciel sur la terre, l'éternité dans le temps. Il est faux de louer la relation conjugale terrestre comme la plus haute forme de l’amour. Le faire serait le signe que l’Église n'a plus une conscience vivante de son devoir d'être l’Épouse du Seigneur (NB 10,2125).

13 - Les saints ne nous serviraient à rien s'ils ne nous rendaient pas le ciel plus proche (Sur Is 11,10-16, Isaias 30)

14 - Le saint est celui qui, sérieusement, ne vit qu'en Dieu, qui n'aspire qu'à Dieu, qui, dans tout ce qu'il fait, cherche Dieu et s'efforce de se tenir devant lui. Il sait que, par sa propre force, il ne peut rien; c'est pourquoi il voudrait tout faire par la force de Dieu, de sorte qu'il ne fasse rien d'autre que ce que veut  Dieu et ne réclame rien de plus et rien de moins de la force de Dieu, que ce que Dieu veut lui donner. - Son désir de vivre uniquement de la force de Dieu ne l'amène pas à réclamer cette force exagérément et de façon indiscrète; il a l'humilité de ne vouloir demander que ce que Dieu veut lui accorder. Dans sa prière, il cherche à comprendre de Dieu tout ce que Dieu veut lui montrer... (Le saint) apprend à prier auprès des saints... (Saint Ignace par exemple) voit comment les autres  ont prié, il prie Dieu de lui donner une prière semblable pour sa plus grande gloire, mais il se sent si maladroit qu'il se tourne vers les saints pour qu'ils l'aident à prier (Le monde de la  prière 195-196)

15 - Un saint peut agir davantage lorsqu'on l'invoque que lorsqu'on le laisse dans l'oubli (Ibid. 204).

16 - Celui qui vit sa vie d'ici-bas dans le Seigneur et pour lui vit une vie que le Seigneur lui donne pour qu'il la vive comme sa vie. Un tel homme participe déjà actuellement à la vie éternelle... S'il meurt, il emporte sa vie éternelle d'ici-bas dans la vie éternelle de l'au-delà, il entre dans l'éternité comme quelqu’un qui vient de l'éternité; aussi sa vie éternelle ne pourra être dans l'au-delà sans relation avec sa vie éternelle d'ici-bas. Il continuera donc là-haut à aimer ceux d'ici-bas et à vivre pour eux au ciel. Les deux ne font qu'un dans le Seigneur, qui contient en lui toute vie éternelle (Sur Jn 12,25. Jean. Les controverses II,199).

17 - Tous se tenaient devant le trône et devant l’Agneau (Ap 7,9), qui se trouve en effet au milieu du trône du Père. Ils ne voient pas le Père ; ils voient le trône et l’Agneau. Mais ils savent que c'est le trône du Père autant que de l’Agneau. Ce savoir est parfaitement sûr ; ils sont les croyants inébranlables. Ils n'exigent pas de voir autre chose, ni plus que ce qu'ils voient. Debout le trône, ils se savent debout devant Dieu. Debout devant l'Agneau, ils savent qu'au ciel, le Père et le Fils sont ensemble. L'invisibilité du Père ne leur cause pas d'inquiétude, ils ne tentent aucunement de faire en sorte que le Père soit visible à la manière du Fils. Ils connaissent la consubstantialité des Personnes en Dieu. Cette connaissance les comble, ils n'ont besoin d'aucune preuve et définition. Ils sont sauvés, qu'ils vivent encore dans le monde ou soient déjà morts (L'Apocalypse 334).

18Quand nous vénérons des saints, quand nous aspirons à saisir quelque chose de leurs réflexions les plus intimes, quand nous prions avec les mots de leur prière, quand nous cherchons à imiter leur attitude, alors nous apprenons que ce qui qualifie leur mission, ce qu’ils ont à donner au monde, n’appartient pas à ce monde ; ils représentent quelque chose qu’ils puisent dans l’éternité du Père, dans le colloque éternel des personnes divines, pour le communiquer au monde (Cf. Le Dieu sans frontière 30).

19 – Quand l’homme se tient devant Dieu dans la vie éternelle, il est comblé par Dieu d’un tel amour et d’une telle force d’adoration que l’obéissance en résulte comme d’elle-même. L’homme ne se demande plus s’il doit obéir à Dieu ; l’obéissance est une forme accomplie de l’amour, de l’existence même devant Dieu et en lui. Tout ce qui sur terre rendait l’obéissance difficile : ce moi propre qui veut autre chose, la question : "Cela me convient-il ou non ?", le péché, tout cela s’est évanoui dans le ciel. L’homme produit de lui-même l’obéissance, comme un arbre un fruit mûr : le fruit de la rédemption par le Fils, le fruit de l’être créé par le Père pour le Fils. Dans le ciel, l’obéissance accomplit l’amour de l’homme encore plus que sur la terre, et lui donne la force d’adorer en vérité. L’obéissance dans le ciel est en même temps le résultat de la dernière purification ; l’homme est si bien purifié qu’il ne peut plus qu’aimer et oir ; les deux choses ont complètement perdu le caractère d’une obligation, elles n’ont plus que le sens d’une reconnaissance infinie pour la prodigalité du Fils de Dieu à l’égard des hommes (Le livre de l’obéissance 68).

20 – Le croyant choisira les saints qu’il invoque en quelque sorte suivant sa tendance d’esprit, suivant ses besoins, suivant les réponses que Dieu lui a déjà données, suivant ce que Dieu attend de lui. La médiation des saints est pour lui une aide pour le contact direct avec Dieu. Toute amitié d’un saint avec un chrétien sur terre est placée au service de la plus grande gloire de Dieu. Le saint n’a ni le droit ni la volonté de conserver quoi que ce soit pour lui-même. Il est celui qui mène à Dieu. Le croyant tentera de faire ce que fait le saint : s’ouvrir totalement à Dieu et avoir avec lui des rapports aussi directs que le saint sur terre et au ciel (Le monde de la prière 208-209).

21 – Se tenir devant Dieu dans la foi signifie présenter rapidement sa vie à Dieu, s’en libérer ensuite et tenter de se trouver devant lui ouvert à tel point qu’il puisse se montrer et se révéler lui-même. Le contempler, lui, et non pas soi-même. Ne pas donner aux mots dont on se sert le sens acquis, mais celui qu’ils avaient à l’origine en Dieu de façon première. C’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile pour le croyant que de se trouver réellement dans la foi, devant Dieu et non pas comme un homme de ce monde, un homme bourré de ses représentations et de ses propres projets. Le saint veut ce que Dieu veut. C’est sa définition. Il ne cesse de se précipiter dans l’abîme de Dieu (Cf. Ibid. 236).

22 – L’Esprit parle à l’Église par ses saints et en eux, pour l’animer à nouveau. Les saints sont une ouverture du monde divin et, dans cette mesure, ils font partie de ce qui ne peut jamais être complètement contrôlé par la sphère terrestre. Ils sont une forme du souffle de l’Esprit (Ibid. 261).

23 – Seul le saint est peut-être capable de renoncer à tout sans jamais chercher de contreparties, sans se refaire un nid dans un milieu. Mais il reste une différence entre la mort d’un chrétien ordinaire et celle du saint. Le saint renonce parce qu’il se conforme si bien à la volonté de Dieu que celle-ci est toujours pour lui le bien suprême. Et mourir dans la volonté de Dieu est le présent le plus grand que Dieu lui a préparé parce qu’il n’entretient aucun doute au sujet de cette volonté de Dieu, ni que le Père ait préparé son ciel pour les siens par le sacrifice de son Fils (Le mystère de la mort 88).

24 - Tel ou tel saint (la grande Thérèse par exemple) peut être pour quelqu’un un chemin vers Dieu (NB 9, 1549).

25 – Tous les saints appartiennent à Marie. Mais elle ne veut pas garder tout le travail pour elle. Elle leur en confie une part (NB 8,557).

26 – Les saints nous donnent le Christ et Dieu, ils sont comme des lunettes par lesquelles nous nous approchons de Dieu, nous pouvons le voir (NB 8,875).

27 – Sans les saints, maintes choses resteraient pour nous des réalités inaccessibles ; mais, par eux, Dieu nous donne ce qu’on peut recevoir de son amour, sans dispersion mais cependant d’une manière compréhensible et, si ce n’est pas d’une manière appropriée, c’est du moins d’une manière aimable (NB 8,486).

28 – Dieu nous envoie ses saints pour que nous trouvions le chemin vers lui (NB 11,62).

29 – Tous les vrais saints sont l’expression de l’incarnation de Dieu (NB 9,1794).

30 – Le chemin vers la sainteté est long et pénible (NB 9,1733).

31 – Les saints sont pour nous des signes que le Christ est vivant. Sur terre, les saints sont consumés du désir de voir Dieu. Ce que nous comprenons des saints doit nous faire comprendre l’amour entre le Père et le Fils, ce qui ne peut jamais rester une contemplation esthétique mais est l’exigence d’y participer, d’en être, d’aimer, avec le Fils, et les hommes et le Père. Nous sommes comme des invités qui peuvent participer par le Fils à la perfection du Père (La sainteté au quotidien, dans la revue Communio 27, sept.-déc. 2002, p. 48).

32 – Les saints ne nous serviraient à rien s’ils ne nous rendaient pas le ciel plus proche (Sur Is 11,10-14. Isaias 30).

33 – Adrienne, protestante encore, à 19-20 ans, dans l’église catholique du Saint-Esprit à Bâle, explique à son petit frère : "Un saint, c’est quelqu’un qui a en lui tellement d’Esprit Saint qu’il n’a pas besoin de le garder pour lui. L’Esprit Saint doit être très, très, très fort en quelqu’un pour que les autres en soient touchés" (NB 7,65).

34 – Le ciel est ainsi fait que chacun est à sa place si bien que personne n’attire l’attention et que quequ’un n’est remarqué que si Dieu dirige son regard sur lui ou s’il est question d’une mission particulière ou d’une "fête" particulière ; et ensuite tout rentre dans la discrétion d’une manière toute naturelle et comme allant de soi. Il n’est pas de lieu où moins de "pose" soit possible qu’au ciel. Et quand il y a des "fêtes", la beauté et la dignité ne sont troublées par aucun genre de "pose". Tout se déroule avec une dignité qui va tout à fait de soi et qui est en même temps parfaitement pure (NB 6,573).

35 – Baudelaire : "Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles". Il suffit de remplacer "nations" par "Église", et "hommes" par "saints" pour comprendre notre situation (L’Église n’a de grands saints que malgré elle) (Lumina 29).

36 – Invoquer un saint qui est au ciel, c’est presque le déranger. En tout cas, ce n’est pas lui faire un cadeau particulier que de l’obliger à détourner son attention vers la terre et ses souffrances (NB 9,1235).

37 – Les saints ont eu leurs imperfections. Le dire n’est pas contraire à l’amour. Il est très utile de relever les imperfections des saints pour qu’on ne canonise pas leurs imperfections avec leur sainteté (NB 9,1395).

38 – Au ciel aussi il y a encore une attente : il n’y a pas d’esprit blasé, saturé. On n’a jamais reçu l’Esprit à satiété ; au ciel, on l’attend encore. Même dans l’accomplissement il y a encore et toujours un désir. Car la vision de Dieu dans le ciel n’est jamais quelque chose de terminé, comme si l’accomplissement de mon existence terrestre ne réservait plus rien pour l’éternité. Il y a la plénitude dont on est rendu digne par la vie terrestre et le purgatoire et la rédemption, mais cette plénitude qui est atteinte n’est pas un point final, elle est un point de départ de la vie céleste. Seulement, au ciel, le désir ne va plus jamais dans le vide, il débouche toujours dans une nouvelle plénitude (NB 9,1562).

39 – Quand on demande à un saint d’intercéder pour nous, on prie Dieu par lui pour ainsi dire (NB 8,87).

40 – Nous ne devrions invoquer un saint que d’une manière "désintéressée", non pour imposer nos propres plans et souhaits. En tout cas, nos propres souhaits doivent être saisis par la volonté de Dieu. Et les saints qui donnent l‘apparence de se soucier de l’une ou l’autre petite chose (examens, objets perdus, etc.) sont tenus de faire quelque chose pour rapprocher de Dieu les solliciteurs (NB 9,1887).

41 – Un saint, sur terre, connaît de sa sainteté ce que le chrétien connaît de lui-même. Par la grâce du Christ, il est dans la main de Dieu, la foi le protège pour l’empêcher de se perdre. Il doit vivre sa foi de manière active, mais il doit aussi la laisser opérer en lui de manière passive. Le saint, quand il subit des affronts et des reproches, sait, dans la grâce, que Dieu s’en occupera, que Dieu est assez fort pour le défendre (NB 9,1607).

42 – La sainteté consiste pour quelqu’un à remplir la mission trinitaire qu’il a. Il ne s’agit que de cela et de rien d’autre. Il peut se faire, par exemple, que cet homme soit défaillant sous maint autre aspect, que par exemple il ait et garde un fichu caractère, mais que ce qui est central en lui soit en ordre : il a correspondu à sa mission, il s’est si totalement jeté en Dieu qu’il a laissé en Dieu une empreinte exacte de lui-même et Dieu s’est exprimé en lui, dans la mission accomplie, autant qu’il l’avait prévu. C’est naturellement une œuvre de la grâce ; cependant très peu d’hommes seulement correspondent à la grâce, ce sont les saints (NB 9,1312).

43 – Le vrai saint devrait avant tout être humain étant donné que le Fils, sur terre, fut avant tout un homme (NB I/2,91-92).

44 – Les saints au ciel continuent la mission qu’ils avaient sur la terre et ils lui demeurent fidèles (NB 1/2,152).

45 - Dans l'éternité, chaque saint doit découvrir à nouveau le visage de chaque saint, bien que ce ne soit sans doute qu'une manière de dire d'ici-bas pour quelque chose qui se passe dans l'au-delà. Certes la mission propre est déjà digne d'être aimée, et chacun la considère avec gratitude et avec un sentiment d'émerveillement. Et il croit qu'il a tiré le gros lot. Mais voilà que tout d'un coup c'est comme si tous les autres aussi avaient tiré le gros lot et comme si Dieu avait choisi tous les lots de manière tout à fait personnelle si bien que chaque bénéficiaire éprouve une joie pleine, incomparable. Et tout cela se passe dans la lumière qui sort verticalement de la Mère de Dieu. Comme si toute la sainteté était une zone qui était essentiellement déterminée par sa lumière. Tous ceux qui se trouvent dans cette zone sont saints et peu importe à présent qu’ils soient grands ou petits. Et on vit alors que les saints tous ensemble portent l’Église et que l’Église se trouve au-dessus des saints. Ils la portent comme un fardeau, ils font tous leurs efforts pour la porter. Et ils la portent comme une couronne; elle forme leur auréole commune (NB 10,2278).

 

2 novembre. Commémoration de tous les fidèles défunts (Premier groupe de lectures Is 25,6-10; Ap 21,1-7; Mc 15,33-46 - Deuxième groupe de lectures Sg 3,1-6.9; Rm 8,31-35.37-39; Lc 24,13-26 - Troisième groupe de lectures Sg 4,7-15; 1 Th 4,13-18; Jn 11,17-27)

1 - Puisque nous arrivons dans l'au-delà avec bien des choses qui sont encore terrestres et qui déplaisent à Dieu, il y a le feu du purgatoire. Tout doit y brûler de ce qui en nous ne correspond pas à la grâce du Seigneur : notre disposition foncière pour le péché, toutes ces suites de notre état de pécheur sur terre. En nous préparant une demeure chez le Père, le Seigneur nous prépare aussi une antichambre où, une fois entrés, nous pouvons nous purifier. Ici, il faut se défaire de tout égoïsme : aussi bien de l'égoïsme qui s'occupe de son propre péché et de sa propre vertu (car il faudrait ne nous occuper que de l'amour de Dieu et du prochain), que de l'égoïsme qui considère les fautes du prochain au lieu de le regarder à la lumière de l'amour du Seigneur. - Mais ce double égoïsme ne sera consumé par le feu que si le Seigneur et sa Passion pour chaque pécheur deviennent présents en nous de façon de plus en plus personnelle et inéluctable. L'âme ne peut plus se contempler que dans son miroir à lui, et cela si longtemps et si intensément qu'elle s'oublie finalement, plongée dans le Seigneur et dans son amour. Celui qui se trouve en état de purification ne s'aperçoit ni du prochain ni de ses fautes, il n'est occupé que de Dieu et de lui-même. Il n'apercevra à nouveau le frère qu'au moment où lui-même sera si totalement purifié par l'amour du Seigneur qu'il deviendra capable de le regarder avec les yeux du Seigneur. - C'est alors qu'il sera en mesure de supporter le prochain sans envie ni critique, dans sa demeure qui diffère de la sienne, de comprendre la diversité des voies du Seigneur et de les admettre par amour, de se réjouir du caractère différencié des demeures auprès du Père. Dans toutes les demeures, il verra le Seigneur; ses voies personnelles, les missions, les directions, les ordres, tout ce qui lui a paru singulier, étrange et peut-être même insupportable, aura maintenant plein sens dans l'amour du Seigneur (Sur Jn 14,2. Jean. Le discours d'adieu I,104-5).

2 - En priant pour les mourants, l’Église veut les préparer à voir Dieu. Ceux qui prient pour les mourants ne voient pas Dieu mais, par la foi, ils savent que la vision existe. La prière contient une sagesse de la vision, une connaissance de la vision. En soi, il peut paraître étrange que des non-voyants préparent d’autres hommes à la vision. Mais il fait partie de la plus ancienne tradition de l’Église que certains de ses membres, dès ici-bas, commencent à voir et que c'est à l’Église que revient le soin de "gérer" leur vision... - Personne ne sait quand un mourant commence à voir Dieu. Mais l’Église sait qu'elle a à l'y préparer. La jalousie ne joue là aucun rôle, ni le désir de voir avec le mourant; l’Église agit avec l'amour le plus simple qui fait qu'un mère partage à ses enfants le pain qu'elle-même ne veut pas manger, dont elle prendra peut-être elle-même quelque chose quand ses enfants seront rassasiés (NB 5,180-181).

3 - Le purgatoire, qu'est-ce que c'est sinon s'ouvrir par le Seigneur à la nécessité de lui correspondre les yeux dans les yeux (Sur 1 P 4,6. Die katholischen Briefe I,373).

4 - Toute la vie du chrétien devrait être vécue de telle manière que la mort devienne un don du mourant à Dieu (NB 3,181).

5 - Dans l'homme créé,... le premier balbutiement du petit enfant est pur... Avant que la concupiscence et l'égoïsme ne ternissent le langage fondé en Dieu, ... le balbutiement de l'enfant est un parler en Dieu et avec Dieu. Il est amour immédiat. Et la dernière parole de l'homme, son dernier soupir, dans lequel il s’abandonne et dépose son égoïsme et son mensonge pour retourner à Dieu, est à nouveau pur, parce qu'il s'exprime en Dieu. C'est un retour à la première parole balbutiée par l'enfant. C'est de nouveau une parole d'amour immédiat. - Ces deux paroles sont prononcées dans la faiblesse, dans l’impuissance face à l'amour de Dieu... Entre les deux se situe cette durée que nous appelons "notre vie", au cours de laquelle l'homme s’éloigne de Dieu, pour vivre sa propre vie, où il ne prononce plus sa parole en Dieu, mais tente de la dire en lui-même... Le Paradis, c'est la vie en Dieu, possible aussi pour l'esprit conscient de soi (Sur Jn 1,3. Jean. Le Verbe se fait chair I,36)

6 - Dans la vie chrétienne, le vieillissement n'existe pas, car chaque instant de la vie temporelle s'ouvre sur la vie éternelle. Chaque fin devient un nouveau commencement... Le Seigneur a pu, par sa mort, abolir la mort terrestre et la transformer en vie. Dans le monde, la mort est un terme, une limite, une fin. En Dieu, elle n'est toujours que le point de départ d'une vie nouvelle. - Quand, de notre point de vue, un homme meurt, il continue de vivre en Dieu, qui est la vie éternelle... Du point de vue humain, la mort de quelqu'un suscite toujours un vide dans le cercle de ses amis, chez ceux qui l'aiment. Mais ce vide crée dans les cœurs une place pour Dieu... Depuis que le Christ est mort, toute vie éternelle jaillit de la mort (Sur Jn 1,4. Ibid. I, 47-49).

7 - Toute heure est la dernière parce que chacune exige une décision pour le Seigneur. Si on vit de la sorte, l'heure de la mort ne sera pas différente des autres, sauf quelle mettra un terme à une succession de dernières heures (Sur 1 Jn 2,18. Die Johannesbriefe 68).

8 - Mourir, cela ne doit  pas être plus difficile que de naître : se laisser faire (NB 6,152)

9 - Aux enfers, pendant la purification, le pécheur est confronté de manière brute et solitaire au seul le Seigneur et à son propre péché (Sur Ap 5,3. L'Apocalypse 287).

10 - Au purgatoire, l'âme est plongée dans une souffrance à laquelle elle ne comprend rien, car ce n'est que peu à peu, à travers cette souffrance, qu'elle apprend à juger de la gravité de sa propre faute et en est purifiée (Sur Jn 16,26. Jean. Le discours d'adieu II,178).

11 - Le purgatoire est un état de solitude dans lequel l'âme s'occupe d'elle-même et de sa relation à Dieu. Mais dès que l'âme arrive au ciel, une relation vivante s'établit entre elle et toutes les autres âmes, qu'elles se trouvent au ciel, sur terre ou au purgatoire... Les hommes, au ciel, deviennent capables de se comprendre même dans les facettes de leur être qui leur étaient restées incompréhensibles sur la terre... - Le ciel... est pur mouvement en Dieu... A présent je suis tel que Dieu m'a pensé à l'origine; non plus prisonnier de la matrice du temps, mais né à la liberté de la vie éternelle (Sur Jn 16,21. Ibid. II,157-158).

12 - Le geste par lequel le Fils nous offre au Père est le même geste que celui d'une mère qui présente son enfant... De nous, il désire en ce moment d'abandon que nous soyons pareils à lui dans les bras de sa mère : rien qu'un enfant et confiance absolue. Que nous ne soyons que ce que nous sommes : des enfants de Dieu qui, par la grâce du Fils, retournent chez leur Père, sans aucune angoisse, ni devant cette reddition, ni devant la mort, ni devant l'amour. Tout ce que l'on ferait encore dans l'angoisse et le souci de notre salut ne ferait que nous détourner du Seigneur... La seule chose qu’il exige de nous est de nous laisser remettre par lui au Père (Sur Jn 14,6. Ibid. I,123).

13 - La mort, c'est une invention de Dieu, qui finalement empêche le pécheur de se défendre contre sa grâce (Lumina 47).

14 La souffrance des âmes au purgatoire, Dieu la façonne aussi courte que possible, et la prière de l’Église peut toujours venir là en aide. Souvent ce qui dure le plus longtemps, c’est qu’une âme en vienne à comprendre qu'elle doit aller dans le feu, que tout ce qu'elle a fait est de travers, qu'elle doit prendre maintenant un tout autre chemin, le chemin de l'amour. Beaucoup comprennent cela tout de suite, d'autres après un temps qui semble infiniment long. Une fois qu'une âme s’est livrée aux flammes, la purification avance très vite (NB 9,1196).

15 - (Au purgatoire)... je serai contraint de dire oui à ce à quoi j'ai dit non jusqu'à présent. Je devrai accepter de voir que toute ma vie passée, ordonnée à son bien-être, était vide (NB 9, 1548).

16 - Marie accueille (les âmes) à la sortie du purgatoire. Elle a un art incomparable pour les recevoir quand elles entrent au ciel. Personne n'est perdu, personne n'est oublié (NB 9, 1315).

17 - Les saints meurent de telle manière qu'en présence du Seigneur ils passent de la vie terrestre à la vie céleste - ce qui n'est pas vraiment une mort, l'événement physique ne s'accomplit qu'à la périphérie tandis que le centre est lumière et vie - ou bien ils meurent une vraie mort dans l'obscurité (ils la subissent peut-être mille fois pendant la vie terrestre et n'ont plus besoin de mourir à la fin de leur vie), ils meurent de la mort du Seigneur (Sur Jn 11,21-22. Jean. Les controverses II,124).

18A celui qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie (Ap 21,6). Il y aura donc encore des assoiffés. Il y aura encore une soif sur la nouvelle terre, mas ce sera une soif céleste. Et cette soif existera pour pouvoir être étanchée par le Seigneur. Et ce que Dieu donnera pour étancher cette soif, ce sera de l'eau de la vie, de l'eau que Dieu tirera de la source qui est en lui. En lui le Père, en lui le Fils, et en lui l'Esprit. Et cette source se trouve dans ce qui fait leur unité ; la source devient une métaphore du mouvement trinitaire. Et cette eau, partout où elle court, coule directement de la source. Et comme cette eau émane du mouvement trinitaire, Dieu en dispose directement dans ses trois Personnes. Cette eau répond à la soif. (Cette soi et son apaisement est vie en Dieu). Cette soif est en lien avec Dieu, elle ouvre toujours plus loin, elle rend toujours plus apte à saisir le toujours-plus-grand de Dieu. Dieu qui est commencement et fin provoque la soif et l'apaise (L'Apocalypse 840-841).

19 – Un homme qui considère sa vie, la fugacité de ses jours, la vanité de ses efforts, mais qui tente malgré tout de maintenir de façon durable et continuelle le contact avec Dieu et la prière, possède la consolation de savoir qu’il essaie de reproduire dans l’Église d’ici-bas ce qui éternellement réussit à ceux d’en-haut, et que par là son temps transitoire a une place dans le temps éternel du Père. Le Père s’emploie depuis la création, et jusqu’à la fin du monde, à préparer le ciel pour les hommes, à prolonger son action créatrice jusque dans la rédemption et la glorification. Cela permet aux hommes de reconnaître qu’ils ne peuvent interpréter leur vie de créature et son mouvement de transit vers le ciel que comme une parabole de ce qui les attend un jour auprès du Père (La face du Père 108).

20 – L’homme vit à présent tourné vers la mort. Il ne lui sert à rien de n’en pas connaître l’heure. Il ne peut cependant pas vivre comme si cette heure ne le concernait pas, comme si elle n’allait pas sonner pour lui ou (car elle doit bien sonner un jour) comme si elle était tellement en la possession de Dieu qu’il ait le droit de vivre sans se soucier de rien. Au contraire, il doit vivre dans la perspective de cette heure, la tenir devant les yeux, lui laisser le sens que Dieu lui a donné depuis toujours : le sens d’un châtiment ; juger, estimer l’importance de sa mort à la lumière de cette relation à Dieu, à l’ombre de cette relation avec le péché. En tout ce qui est fini, en toute séparation qui lui arrive, il doit redécouvrir un châtiment que Dieu impose. Dieu a banni l’homme du paradis et, de propos délibéré, il l’a laissé vivre tourné vers la mort. Il a jugé bon pour l’homme cet état de choses et l’homme doit donc s’en trouver aussi satisfait (Cf. Le mystère de la mort 9).

21 - La mort peut émettre des messages avant-coureurs en un temps où on ne les attend pas. Celui qui est concerné est libre de se fermer à cet avertissement. L’objectivité dont il fait preuve quand il s’agit de la mort et de la maladie des autres lui fait défaut quand il est question de lui-même. Il trouve toujours de nouvelles échappatoires et de nouvelles excuses aux symptômes évidents de son vieillissement et de son déclin ; en face de la mort, il garde le dernier mot. Sa mort surviendra ainsi dans un tissu de mensonges. Sa mort correspond à sa vie ; il ne veut rien savoir d’une rencontre inévitable avec Dieu. Il a fait de toute sa vie un mensonge ; à présent, il fait de sa mort un mensonge. Dès sa naissance, il était en fait la chose de Dieu, mais de cela il ne voulait rien savoir et de ce non-savoir il ne veut pas se départir. Il a mille raisons de ne pas vouloir mourir. Il ne trouve rien dans sa vie qui puisse être compté comme une préparation à cette rencontre du Dieu vivant. Jamais il ne s’est ouvert à la grâce de mourir avec la confiance du pécheur qui connaît la miséricorde de Dieu (Cf. Ibid. 22-23).

22 – (Après la mort), chacun se présente comme l’être unique qu’il est devant le tribunal de Dieu ou du Christ (qui juge à la place de Dieu), et le juge "rendra à chacun selon ses œuvres" (Ro 2,6). Chacun doit passer, tout seul, à travers un feu qui l’éprouve ; aussi seul qu’il était à sa naissance et à sa mort. Dans cette solitude, chacun saura dans l’épreuve du feu s’il a construit quelque chose de précieux, par la grâce, sur le fondement du Christ, ou bien si son existence n’a été rien d’autre que "du foin et de la paille". Paul ajoute : "Si l’œuvre bâtie sur le fondement résiste, son auteur recevra une récompense ; si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu (1 Co 3,10-15). Tous les passages de l’Écriture ne sont pas aussi confiants en ce qui concerne ce "lui-même sera sauvé" ; il y a aussi des passages dans lesquels certains, avec tout leur être, sont précipités définitivement dans le feu (Ap 20,15). Dans cette situation de jugement et de feu, il est absolument impensable que le regard de celui qui est jugé se détourne du juge et regarde autour de lui comment les choses peuvent se passer – mieux ou plus mal - pour d’autres qui sont dans la même situation, ou que, pour se justifier aux yeux du juge, il se réfère au comportement d’autres personnes qui lui auraient fait ceci ou cela, ou qui l’auraient entraîné à telle ou telle action. Le juge sait tout cela et il n’a besoin d’aucune explication (HUvB, Jugement, dans la revue Communio, mai-juin 1980, p. 23).

23 - Dans le feu du purgatoire tout est purifié et égalisé. Toute négligence a été reprise. On ne vient pas au ciel avec la pensée qu’on a négligé quelque chose sur la terre. Il y a égalité de tous, mais demeurent des différences conditionnées par la vie terrestre. Les mesures et les comparaisons n’ont cependant plus cours. On peut seulement dire que les uns sont autrement que les autres. La petite Thérèse est certainement une grande sainte, mais elle a, comme nature humaine, un petit format comparé à celui d’un saint Paul. De ce que Dieu lui a donné, elle a fait la plus grande chose qu’elle pouvait faire, c’est en cela que réside la grandeur de sa sainteté... A la sortie du purgatoire se trouve la Mère de Dieu, comme l’hôtesse du ciel, qui introduit les invités dans la salle (Cf. NB 3,85).

24 – Au purgatoire, il arrive un instant où l’âme n’en peut plus, où tout en elle crie vers Dieu, où tout n’est plus qu’un espace vide et brûlant, où la croix est devenue en elle vérité ; à cet instant-là, cela se termine et Dieu apparaît. Maintenant l’âme sait ce qu’est la grâce (NB 8,1040).

25 – Le sens de la mort est la vie. Tout ce qui n’est pas capable de vie, tout ce qui me tient éloigné de la vie éternelle doit mourir. Avant de mourir, je ne sais peut-être pas du tout encore le nom de tous les obstacles qui se dressent sur mon chemin vers Dieu, peut-être n’en ai-je encore aucune idée, ou bien je pense que ce ne sont pas des obstacles. Quand je dois me séparer d’eux, je vois tout d’un coup leur nombre et leur importance. Par le purgatoire, Dieu me donne la possibilité de vivre par lui et pour lui. La mort signifie finalement qu’il n’y a qu’une vie, la vie éternelle dans la vision de Dieu devenue possible (Themenheft 36).

26 – Prière pour les défunts à la messe. Les défunts sont en route, on ne sait pas s’ils sont déjà arrivés, s’ils ont encore des efforts à faire ou s’ils peuvent déjà se reposer. Les défunts sont partis, marqués du signe de la foi, donc du Christ ; il sont en route entre lui tel qu’il est présent sur terre dans l’eucharistie, et lui tel qu’il les attend au ciel. C’est lui, le même, qui rend possible tout le voyage et l’accompagne (Die heilige Messe 83).

27 – Il n’est pas juste que les assistants abandonnent le mourant, se préparent déjà au deuil à venir pour ainsi dire avant même qu’il soit mort. Cela peut provoquer chez le mourant un sentiment de désarroi et de désespoir. Ce qui est juste, c’est d’accompagner le mourant et de le remettre à Dieu à la porte. Et on doit toujours tenir compte qu’un mourant est subjectivement très sensible à un manque d’accompagnement, qui est un manque d’amour ; sa foi peut être menacée, car mourir peut être pour le croyant quelque chose de très accablant (NB 9,1631).

28 – Au purgatoire, le pécheur acquiert une image objective de lui-même, il se voit tel que Dieu le voit, il reconnaît l’offense faite à Dieu, la sienne, et finalement, celle de tous les hommes (NB 9,1633).

29 – Le but du purgatoire est à proprement parler d’ouvrir l’intelligence et de montrer le péché dans l’expiation. Et le péché, ce n’est pas seulement le fait d’avoir péché, c’est aussi le fait de le minimiser et de ne pas m’être préparé à en faire pénitence. La prière la plus profonde dans le purgatoire est par conséquent la plus grande disponibilité à se laisser montrer son péché par le Seigneur et, de la sorte, à devenir capable de comprendre le mystère de la croix (NB 6,367).

30 – Dans le purgatoire, tous doivent apprendre à se juger selon la mesure de la justice et de l’amour de Dieu. Tous ne commencent pas au même niveau. Les uns oint derrière eux une vie de péché, les autres une vie dans la grâce. Pécheurs, ils le sont tous, mais de la grâce ils ont reçu et saisi plus ou moins. Tous cependant doivent changer leur façon de penser et s’adapter à l’atmosphère de Dieu. Ils doivent s’habituer à la justice du Père et à l’amour du Fils. Ils ne sont pas simplement passifs, ils ne sont pas purifiés sans qu’ils le veuillent. Le côté passif du purgatoire consiste en ce qu’ils sont placés maintenant devant une seule possibilité : se laisser purifier, capituler devant la justice du Père et l’amour du Fils. Aucun recoin de l’âme ne peut se soustraire à la justice, aucun à l’amour. L’âme doit s’offrir tout entière à la justice et tout entière à l’amour (NB 3,93).

31 – Le purgatoire est le passage de la liberté humaine (capable de pécher) à la liberté céleste (de ne plus pécher). La première liberté est vaincue et dépassée. Le purgatoire tout entier est dépassement de notre égoïsme par l’amour du Seigneur. - Le purgatoire est un acte d’amour du Seigneur. Et donc celui qui entre au purgatoire sait bien sûr qu’il va y faire pénitence, mais il sait aussi qu’il est aimé. Le pécheur ne connaît pas la mesure de sa pénitence, ni au début, ni pendant, jusqu’au moment où le vieux moi devient un nouveau moi en Dieu. La consolation au purgatoire est de savoir qu’il s’agit de la purification décisive (NB 6,340-341).

32 – Quand on arrive au purgatoire, on ne voit plus tout d’abord le détail des péchés qu’on a commis. Ils ne sont plus qu’un sourd empêchement de l’intelligence. On se sent plus mauvais que coupable. Mauvais, c’est-à-dire que je suis tout autre que ce que j’imaginais. Je me vois comme quelqu’un qui ne s’est jamais regardé dans une glace ; je pensais que j’étais encore tout à fait présentable, mais je dois l’avouer : je suis une ruine. C’est si inattendu que je me demande si c’est bien un miroir. Je reconnais bien quelques traits, mais l’ensemble me paraît tellement incroyable. Le plus important, c’est l’humiliation (NB 6,348).

33 – Joseph d’Arimathie met le corps de Jésus dans le tombeau qu’il s’était préparé. Dans la vie chrétienne, il faut toujours céder la place à l’imprévu du Seigneur malgré les bonnes choses raisonnables qu’on avait projetées. Le Seigneur montre comment un corps de vrai chrétien se comporte et se laisse faire. Placé dans un tombeau tout neuf , le Seigneur bénit toute sépulture jusqu’au jugement dernier. Le Seigneur met sa résurrection comme gage dans tous les tombeaux à partir du moment où, par sa mort, il a vaincu le monde. Le tombeau de Jésus est comme une sorte de lieu de rencontre secret entre le Père et le Fils. Le corps est laissé seul dans le tombeau avec la grosse pierre qui le ferme. Il est abandonné à Dieu. Il est inaccessible aux hommes. Les hommes ont fait leur œuvre : ils l’ont tué et mis au tombeau. Ce qui reste, c’est quelque chose de divin. Pour le corps ici couché est continué une œuvre céleste commencée avant l’incarnation. Pour Dieu, il n’était pas plus difficile de faire un corps là où il n’y avait pas de corps que de tirer d’un cadavre un corps ressuscité. Le sépulcre intact, jamais utilisé, renvoie à la virginité de Marie. Des deux côtés quelque chose semble déposé par un Joseph. Des deux côtés, Dieu va faire voler en éclats les lois humaines pour manifester sa vie (Sur Mt 27,60. Passion nach Matthäus 202-205).

34 – Au purgatoire, avec chaque pécheur, le Seigneur va son propre chemin pour le délivrer de lui-même et l’introduire dans la liberté de Dieu et du ciel (NB 6,314-315).

35 – La mort, c’est une invention de Dieu, qui finalement empêche le pécheur de se défendre contre sa grâce (Lumina 47).

36 – Quand, au purgatoire, les âmes souffrent pour être purifiées, vient un moment où elles ne souhaitent plus aucun changement, et c’est alors justement l’instant où arrive le changement et que la souffrance débouche sur la béatitude (NB 6,563).

37 – Au purgatoire, plus l’âme se purifie, plus elle voit combien tout péché - le sien, celui des autres - a offensé Dieu. Elle serait prête à rester dans le feu jusqu’à la fin du monde si Dieu pouvait en être moins offensé. Tout le poids des choses passe de son moi à l’amour de Dieu et, par l’amour de Dieu, à l’amour du prochain. Elle ne veut plus être qu’un instrument de l’amour. A l’instant où cette pensée la remplit, elle est sauvée. Le purgatoire, c’est le moi ; le ciel, c’est les autres. Le passage se fait dans l’amour du Seigneur. A l’instant où l’âme voit que l’amour du Seigneur est eucharistie, c’est-à-dire partage infini avec les frères, elle est sauvée ; elle passe de l’état de confession à celui de communion, qui est le ciel (NB 3,97).

38 - 2 novembre. Tous les fidèles trépassés. Adrienne voit tout le mystère du jour du point de vue de l’aide qu’on peut apporter. Non seulement vis-à-vis des âmes des défunts qui sont maintenant dans le feu mais aussi vis-à-vis de ceux qui, dans le monde, sont sur le point d’y aller. Elle voit comment ces âmes sont inquiètes, occupées d’elles-mêmes, se tournant pour ainsi dire autour de leur propre axe, comme des bulles de savon, qui par leur châtiment indiquent quelle vie il y a en eux: c’est celles-là qu’on peut aider. Les âmes elles-mêmes ne peuvent recevoir que passivement; elle ne peuvent pas rendre maintenant le bien qu’on leur fait. Mais elles sont étonnées qu’on puisse leur venir en aide, elles pensaient devoir venir à bout de tout toutes seules. Mais la grâce les aide et fait avancer le tout. Il est possible, dit Adrienne, de souffrir le feu pour les autres (NB 8,876).

39 – Quand, à la fin du purgatoire, l’âme "fait irruption" dans la prière parce qu’elle ne peut plus faire autrement, le pardon de Dieu aussi est là, les bras de Dieu sont ouverts (NB 8,584).

 

9 novembre. Dédicace de la basilique du Latran   (Ez 47,1-2.8-9.12; 1 Co 3,9-11.16-17; Jn 2,13-22)

1 - Jésus arrive au temple et y trouve deux choses : la marchandise et les vendeurs. Mais il ne fait pas de distinction et il jette dehors aussi bien la marchandise que le vendeur. C'est une action tout élémentaire : pas de sermon, pas d'avertissement, pas de mise en demeure, mais une tempête qui balaie tout. Il aurait pu chasser les vendeurs et épargner la marchandise; ou encore jeter dehors la marchandise et épargner et instruire les vendeurs. Mais il ne veut ni l'un ni l'autre. Lui qui d'ordinaire est toujours prêt à accueillir les pécheurs, à encourager ceux qui cherchent, ne connaît ici aucun compromis possible. Le Seigneur pourtant s'intéresse à tout le monde et se met à la portée de quiconque a une question à poser, une demande à formuler ou une peine à confier. Mais avec ces gros repus, qui n'ont de souci que pour leurs intérêts mercantiles, il ne veut pas avoir affaire. Il est dur comme la pierre, inflexible. Ce qui n'est pas admis, c'est qu'il y ait dans l’Église des gens sans foi pour qui rien n'est sacré, qui n'aspirent à rien de divin et ne se soucient que de leurs propres intérêts. Jamais le Seigneur n’aurait chassé du temple quelqu'un qui l'eût cherché réellement (Sur Jn 2,13-15. Jean. Le Verbe se fait chair II,41-42).

2Vous êtes la maison que Dieu construit (1 Co 3,9). Le travail terrestre du Fils n'était pas pour Dieu un temps d'exception, une brève interruption dans son repos éternel. Il était la manifestation compréhensible pour nous les hommes de l'action éternelle de Dieu : il s'intègre dans son travail éternel. Dieu aura encore beaucoup de travail à fournir avant que tous les hommes soient devenus croyants et que tous les croyants soient devenus des hommes spirituels. Pour cela, il a besoin de serviteurs qui l’aident, qui travaillent à partir du même Esprit que lui. C'est avant tout l'Esprit même de Dieu qui travaille. Il ne ressemble pas au châtelain qui se contente d'envoyer travailler ses domestiques et qui leur verse un salaire. Dieu l’Éternel vient lui-même au champ avec eux. Dieu lui-même monte l'édifice avec eux (Cf. Première épître de saint Paul aux Corinthiens I,85-86).

3 – L’Église ne peut jamais être tout à fait débarrassée des obscurcissements et des grimaces du péché ; même chez les hommes sanctifiés, le combat entre la lumière et les ténèbres fait rage, et toute institution d’Église n’est pas seulement là pour faire passer les pécheurs dans la sphère de la sainteté, mais, gouvernée par des pécheurs, donne aussi lieu à des abus qui vont souvent jusqu’à la rendre méconnaissable. L’histoire de l’Église ne peut que parler simultanément des deux aspects : des obscurcissements toujours renouvelés de cette présence du Christ dans ses "saints" et dans ses voies de salut visibles, mais tout autant de l’irruption toujours nouvelle de l’authentique, de la lumière qui surgit non seulement des Évangiles et de tout le Nouveau Testament, mais aussi de la présence permanente de cette origine dans le moment présent (HUvB, Les saints, croix de l’histoire,

dans la revue Communio, novembre-décembre 1979, p. 29).

4 – Si Bernadette voit la Mère de Dieu, c’est pour qu’on vénère davantage Marie dans l’Église ; et cependant une vision mystique ne se limite jamais à Marie, elle renvoie par Marie au Fils, et par le Fils au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but tout à la fois trinitaire et ecclésial ; tout ce qui est en lisière, tout ce qui est complément, décor, doit toujours être ramené et lu au centre : l’amour trinitaire qui veut, par la révélation chrétienne, créer une nouvelle compréhension et une nouvelle vie (NB 5,85).

 

8 décembre. Immaculée Conception de la Vierge Marie (Gn 3,9-15.20 ; Ep 1,3-6.11-12 ; Lc 1,26-38)

1 - La prière de Marie, enfant. Marie possède une attitude prière qui lui a été donnée au départ, qui est l’expression de son être tourné vers Dieu, avant même qu’elle ne prie, longtemps avant qu’elle ne connaisse Dieu. C’est l’attitude de l’enfant qui, n’étant pas touché par le péché originel, prend les choses avec un grand sérieux et le cœur léger. Et lorsque pour la première fois elle apprend quelque chose de Dieu et entend prononcer son nom, lorsqu’on lui apprend à prier, lorsqu’elle est emmenée à des cérémonies religieuses, tout cela correspond à ce qu’elle connaît déjà sans paroles. Tout ne la pénètre pas encore complètement, c’est seulement en grandissant en âge, alors qu’elle entend davantage parler de Dieu, qu’elle cherche à faire entrer sa prière et son attitude de prière dans sa manière de vivre. Elle prie volontiers, elle prie avec zèle, mais parce qu’elle est parfaitement pure, elle aime aussi les moments sans prière expressément formulée. Quoi qu’elle fasse, elle laisse toujours une porte ouverte à Dieu. Tout est naturel : l’attitude dans la prière orale aussi bien que l’attitude en dehors (Cf. Le monde de la prière 86).

2 - La prière de Marie adolescente. Elle sait qu’elle doit être prête. Quoi qu’elle fasse, elle le fait le plus possible devant Dieu. Ouvertement devant lui. Elle ne laisse rien s’établir qui pourrait constituer le plus petit obstacle entre elle et Dieu. En priant, elle se donne, elle se consacre à Dieu dans la prière. Elle apporte à Dieu ses petites expériences pour qu’il les bénisse. Peut-être les lui offre-t-elle comme de toutes petites pierres à bâtir, comme si elle sentait que Dieu a pour elle un projet pour lequel il lui faut quelque chose comme de la disponibilité, et elle lui offre celle-ci en toute simplicité et naïveté, mais en sachant que Dieu lui demande précisément cela (Cf. Ibid. 87-88).

3 – L’Immaculée Conception de Marie est intimement liée au mystère de la naissance éternelle du Fils qui ne cesse d’être engendré par le Père. Il demeure en Dieu, ne veut que ce qu’il veut, ne peut donc pas pécher. Et il fait don aux croyants de ce qui lui est si uniquement propre. Le Fils et la Mère communiquent sans cesse leur grâce aux croyants. Tous ceux qui sont nés de Dieu seront intégrés dans l’engendrement du Fils. Le Fils leur fait don de ce qui fait partie de son être et de son devenir, de la question que Dieu lui pose et de sa réponse à Dieu, pour leur permettre de garder Dieu. Jean parle de ces choses parce qu’il sait qu’il est lui-même né de Dieu, parce qu’il ne sépare pas sa naissance de Dieu de l’engendrement du Fils par le Père et parce qu’il essaie de dire oui au Père avec lui. Aucun regard sur lui-même, sur son propre mérite, son propre bien-être n’est ici possible parce que le regard est fixé tout entier sur la naissance du Fils au sein de Dieu (Sur 1 Jn 5,18. Die Johannesbriefe 237).

4 – Marie a une relation unique au péché et au pécheur, car c’est au péché et au pécheur qu’elle est redevable de son Fils ; c’est pourquoi, d’une certaine manière, elle aime les pécheurs aussi en tant que pécheurs (NB 8,565).

 

Mise à jour 01/01/2022. A suivre.