III. Thèmes théologiques II

 

 

LA VIE ET L’ŒUVRE D’ADRIENNE VON SPEYR (1902-1967)

Aperçus divers

III

 

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Balthasar&Speyr

 

 

Thèmes théologiques II

 

Plan

 

1. Une certaine idée de Dieu

2. L’Esprit Saint (version 2022)

3. L'amour (version 2022)

4. Les lois du Royaume

5. Le diable

6. La foi

7. Marie

8. L'Église

9. La vie éternelle

 

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 1. UNE CERTAINE IDÉE DE DIEU

 

 

Plan : Introduction. 1. Le mystère de Dieu. 2. Accueillir Dieu

 

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Introduction

 

Un petit livre d’Adrienne a pour titre L’homme devant Dieu ; un autre : Le Dieu sans frontières. A part cela, Adrienne aurait aimé composer une dogmatique, nous dit Hans Urs von Balthasar, et d’ajouter : "A sa manière, elle l’a composée, ou du moins elle a fourni d’importantes contributions à une telle œuvre" (Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 70).

Adrienne von Speyr a connu d’innombrables visions, extases et ravissements, au cours desquels ou après lesquels elle a eu la grâce de pouvoir dire ce qu’elle avait compris des choses de Dieu. L’essentiel de que disait alors Adrienne, le P. Balthasar l’a recueilli dans ce qu’il appelle les Œuvres posthumes : treize volumes (5.000 pages). Pour le P. Balthasar, ces Œuvres posthumes sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes des œuvres "ordinaires" d’Adrienne (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 9o-92). Ces Œuvres posthumes constituent le cœur brûlant de l’œuvre.

Les textes reproduits ci-dessous essaient de donner l’essentiel de ce qui y est dit de Dieu. Ils ne sont pas tous d’Adrienne elle-même ; le ciel a permis à Adrienne de connaître de l’intérieur la vie devant Dieu d’un certain nombre de saints, de saintes et de personnages de l’histoire, et elle a pu aussi en communiquer quelque chose au P. Balthasar.

Dieu pour Adrienne, c’est toujours Dieu Trinité, même quand cela n’est pas dit explicitement. Dieu, ce n’est jamais « Dieu en soi », mais Dieu et les hommes, l’homme devant Dieu, l’homme en relation avec Dieu, Dieu infini, Dieu vivant, Dieu qui aime, Dieu qui vient, Dieu qui se révèle, Dieu qui attend. Dans les extraits des œuvres d’AvS qui sont reproduits ci-dessous, il sera donc surtout question de Dieu et de l’homme, des relations de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu. Dieu parle aux hommes, aux milliards d’hommes, qui vivent ou ont vécu depuis les origines. Quand Dieu parle – par lui-même ou par l’intermédiaire d’hommes et de femmes choisis par lui –, c’est toujours pour indiquer à l’humanité comment nouer avec lui des relations qui soient justes. Et la juste relation à Dieu commence quand on découvre que tous les humains sont "programmés" pour rencontrer Dieu, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils le sachent ou non aujourd’hui. Il resterait à poursuivre l’enquête dans l’ensemble de l’œuvre d’Adrienne.

Patrick Catry

 

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Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue.

 

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I

 

Le mystère de Dieu

 

 

Plan. 1. Léternel. 2. La grandeur de Dieu. 3. Dieu aime. 4. Dieu si humain. 5. Le Créateur. 6. Le dessein de Dieu. 7. La grâce de Dieu. 8. Les trois personnes. 9. Le Fils. 10. Dieu se révèle.

 

 

1. Léternel

La nature de Dieu est faite d'actes éternels

1. Le fait que les actes de Jésus révèlent l'être supra-temporel de Dieu, nous ouvre les yeux sur le fait que la nature elle-même de Dieu est faite d'actes éternels. C'est continuellement que Dieu le Père engendre le Fils. C'est continuellement que l'Esprit Saint procède des deux. Dieu se réjouit tellement de ses actes intra-divins - et des réponses qui leur sont données dans l'abandon du Fils et de l'Esprit - qu'il leur donne les dimensions de la vie éternelle. Tout ce que notre pensée - par suite de notre éloignement de Dieu lié à notre péché et au péché originel - introduit de limité dans ces actes divins est sans cesse à exclure ; et ce que les mots de l’Écriture font apparaître en Dieu de limité d'une certaine manière n'est qu'une concession à notre compréhension bornée. Par notre éloignement de Dieu, nous sommes tellement immergés dans notre temporalité avec son cloisonnement de jours et de nuits, d'heures et d'événements, que si Dieu nous emportait pour un instant, tels que nous sommes, dans l'événement éternel de la Trinité, nous ne pourrions même pas remarquer qu'il s'y passe quelque chose (NB 6,99).

 

Dieu est l’éternellement vivant

2. Dieu est, Dieu Trinité est, et ce qui en lui est "devenir" est le signe qu'il est éternellement vivant. Le Père engendre éternellement le Fils mais, dans l'engendrement, le Fils ne "devient" pas, il est. Le "devenir" en Dieu est confirmation de son être. C'est aussi parce que Dieu est immuable que le caractère vivant de son "devenir" ne peut être rien d'autre que son être. (NB 6,104-105).

 

Le mouvement éternel de Dieu

3. Dieu, par l'Esprit Saint, voit en nous les frères de son Fils. Et par le Fils et l'Esprit le monde est en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu (NB 6,93).

 

Dans la vie éternelle on est totalement ouvert à Dieu

4. La vie éternelle en présence de Dieu veut dire aussi une vie après une confession parfaite, non seulement parce qu'on a laissé derrière soi tous ses péchés, mais aussi parce qu'on est maintenant totalement ouvert à Dieu (NB 6,519).

 

S'exercer à la vie éternelle avec Dieu

5. Dans le temple, les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu (NB 6,311-312).

 

Tout est toujours neuf en Dieu : l’éternel nous est offert

6. Nouvelle année. Il n'y a pas que l'année que Dieu veut nous offrir qui est nouvelle ; toujours neuf aussi est son amour pour nous, toujours neuve sa volonté de nous recréer, toujours neuve la pitié qu'il a pour nous. Le neuf signifie l'éternel qui nous est offert de la manière qui est celle de Dieu (NB 10, n. 2177).

 

Dans la vie éternelle de Dieu, tout reste toujours ouvert

7. Il se fera sans doute que dans la vie éternelle de Dieu, il y aura toujours tellement à adorer et tellement à regarder bouche bée que tout restera toujours ouvert et plein de promesses et de suspense (NB 10, n. 2225).

 

L’éternité. La fécondité toujours neuve de Dieu

8. Nous pouvons imaginer que nous offrons maintenant à Dieu une joie par exemple en nous réjouissant de son existence, en nous réjouissant de la joie qu’il nous procure quand il nous offre la foi. Mais plus profondément nous devrions toujours penser à la joie procurée à chacune des trois personnes par les autres. Une joie débordante. Cette plénitude débordante n’est jamais unilatérale et elle n’a pas besoin d’être complétée par la douleur et la tristesse pour ne pas dégénérer en ennui. Elle est en continuel jaillissement, elle ne cesse d’être différente, pour parler le langage de ce monde. Nous pouvons lire cette manière que Dieu a d’être toujours autre dans la profusion des choses de ce monde qu’il a créées. Peut-être n’a-t-il créé les nuages que pour que nous pensions pas qu’il est éternellement rayon de soleil. Et chaque nuage à son tour est différent, il n’y a pas au ciel de monotonie. Et les nuages fécondent la terre, l’hiver comme neige, l’été comme orage ; chaque pluie également a son caractère propre. Ainsi la fécondité de Dieu n’est bien comprise que comme toujours neuve (NB 9, n. 1938).

 

L’infini et l’éternité de Dieu

9. Étienne regarde ce qu'il y a dans le ciel et il voit ce qui est infiniment sublime, son exclamation en témoigne. Il ne prête pas attention au fait que quelque chose se passe pour lui, qu'il vit une expérience, que se dilatent ses connaissances jusque-là limitées, c'est pourquoi il ne dit rien de lui-même ni de son expérience ; il voit ce qui est autre, ce qui est nouveau. Il indique par là son chemin à la mystique future : ne pas parler de soi, mais de ce qu'il y a de nouveau en Dieu et qui doit être transmis. Étienne doit montrer que le ciel est infiniment grand et ouvert afin que les chrétiens n'aient pas la tentation de le présenter selon leurs propres mesures et rempli de leurs banalités derrière lesquelles disparaîtraient l'infini et l'éternité de Dieu (NB 5,36).

 

10. Il est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu (NB 12,50).

 

La vie éternelle : participation infinie à l’amour

11. Dans le ciel, sans doute aurons-nous certains traits, mais nous serons tous aussi les uns dans les autres, parce que nous serons tous en Dieu. On vivra là dans une communion perpétuelle, ce sera plus qu'une fraternité, ce sera une unité dans le Seigneur. Ici-bas, on doit faire un choix parmi les initiés, les amoureux : lui pourrait le savoir, etc. Au ciel, un choix ne sera pas nécessaire parce que tout le monde connaîtra les choses de l'amour. Par cette participation infinie à l'amour qui remplira chacun totalement et le changera continuellement, ce qui est personnel ne sera pas étouffé; chacun restera lui-même, mais dans le sens donné par Dieu, parce que tous porteront en eux la semence de Dieu (NB 6,305-306).

 

Dans la vie éternelle, nous serons en face de Dieu dans l’amour

12. Dans la vie éternelle, nous serons en face de Dieu dans une continuelle disponibilité dont il fera un jeu d'amour toujours renouvelé, inlassablement (NB 6,566).

 

Dans l’éternité nous ne vivrons plus que de Dieu

13. Dans l'éternité, réellement, nous ne serons plus que dans la lumière de Dieu et nous ne vivrons plus que de Dieu (NB 6,563).

 

 

2. La grandeur de Dieu

 

Ce que Dieu est en lui-même

14. Dieu Trinité qui est sur le point de créer est encore tout à fait seul ; aucun homme n'est là qui pourrait répondre à cet acte trinitaire ; personne ne peut observer l'Esprit planant sur l'abîme ni la présence du Fils et, encore moins, sa propre création par Dieu. Ce que Dieu est en lui-même dépasse tellement la créature qu'il lui est impossible de l'enfermer dans des notions et dans des termes finis, ce n'est qu'indirectement qu'elle peut saisir et transmettre quelque chose de la lumière que Dieu veut bien lui communiquer (NB 5,41).

 

Dieu est Celui qui est toujours plus grand

15. Dieu est Celui qui est toujours plus grand , qui a toujours plus à donner, mais il ne met pas ce plus entre nos mains, il le garde dans les siennes (NB 12,30).

 

16. Zacharie et Jean d’Avila : ils font l'expérience, par ceux qui leur sont confiés, que Dieu est toujours plus grand, qu'il est un Dieu de grâce et qu'en même temps il est inexorable (NB 2,142).

 

17. Dans la parole de l'ange, Marie saisit la parole que lui adresse toute la Trinité de Dieu. En se livrant à cette parole qui lui est adressée, elle se sait accaparée totalement par Dieu, y compris son corps. Mais ce Dieu qui se fait connaître dans l'ange visible est pour le moment l'Invisible, Celui qui est toujours plus grand : Marie ne peut se représenter ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit. Et pourtant elle a senti dans l'ange l’atmosphère divine ; il se produit en elle une vraie connaissance de Dieu, bien que Dieu soit infiniment plus grand que ce qui apparaît dans l'ange (NB 12,163).

 

18. Sainte Catherine de Sienne a cette ligne unique : toujours devant Dieu, un Dieu de la contemplation et un Dieu de la mission. Sa difficulté personnelle la plus grande consiste dans le fait qu'elle ne perçoit pas exactement la relation entre les deux. Sa contemplation lui fait apparaître Dieu toujours plus grand et elle-même toujours plus petite (NB 2,112).

 

Dieu : inconcevablement grand

19. Marie de l’Incarnation : Dieu lui apparaît comme Celui qui est inconcevablement grand (NB 2,103).

 

Dieu reste celui qui domine tout

20. Dans le domaine de la mystique bien des éléments n'atteignent pas dans l’Église leur plein effet. Mais Dieu n'est pas lié au temps terrestre ; ce qui a été interrompu prématurément, des choses qui n'ont pas eu le temps de se déployer comme il fallait ou des choses dont on a interdit le développement (ces trois possibilités sont des conséquences du péché), il peut sans cesse les continuer par une nouvelle mission mystique qui commence au même point. Dieu Trinité n'est pas réduit à arriver à ses fins avec un petit nombre de missions mystiques ; devant tous les refus de l’Église et de certains croyants, il reste celui qui domine tout, qui connaît les refus de l'homme et qui est capable de l'accueillir avec sa grâce surabondante (NB 5,74).

 

Tout a son centre de gravité en Dieu

21. Est vrai ce qui est réel, et Dieu est réel. Et toute réalité que l'homme saisit, de quelque manière que ce soit, a son prolongement et son centre de gravité en Dieu lui-même (NB 5,72).

 

La vérité de Dieu

22. La vérité surnaturelle de Dieu, en tant que telle, l'homme n'est jamais en mesure de la voir totalement (NB 4,365).

 

La lumière de Dieu

23. Pour saisir quelque chose du divin, il faut toujours la grâce, et celle-ci requiert toujours du croyant qu'il renonce à lui-même. Qu'il renonce à ratiociner et à ergoter et à tout savoir mieux que les autres. La grâce submerge, c'est sa nature. Elle n'explique pas point par point, mais elle prodigue sa lumière comme le soleil. L'homme en qui Dieu se prodigue de la sorte devrait chanceler puisqu'il ne pourrait plus voir que la lumière de Dieu et non plus sa propre faiblesse. Il devrait renoncer à un équilibre, à un dialogue entre lui et Dieu comme entre partenaires, n'être que pur bénéficiaire, avec les bras ouverts, sans jamais pourtant pouvoir tout contenir parce que la lumière coule à flots partout, qu'elle demeure insaisissable et qu'elle est beaucoup plus que ce que peut saisir une seule personne. Comme si on tenait un petit récipient sous un puissant jet d'eau : il ne peut jamais se remplir parce que le jet est trop puissant (NB 6,520).

 

24. La lumière que Dieu crée au premier et au quatrième jour est la bonne lumière, celle qui guide, dont nous sommes reconnaissants ; elle n'a rien à faire avec le feu. Il n'est question pour le moment ni de justice ni de châtiment. La voix de Dieu, sa présence, ne sont accompagnées d'aucune "liturgie" comme au Sinaï avec des éclairs et de la fumée. Dieu est beaucoup plus proche que là, au sommet de la montagne, il est au milieu des hommes (NB 6,315).

 

25. Au commencement, quand Dieu créa le jour et la nuit, l'un et l'autre étaient remplis de lui. Toutes les aurores également et tous les crépuscules entre deux étaient remplis de lui. Si bien que l'homme ne pouvait jamais dire que les changements de la lumière le rapprochaient de Dieu ou le lui rendait étranger. Tous les changements appartenaient à Dieu, il en était si proche qu'il n'y avait pas de fluctuations. Quand les humains furent chassés du paradis, Dieu ne fut plus pour eux dans la lumière. Ce n'est que lorsqu'ils cherchent à s'approcher à nouveau de Dieu qu'il leur rend dans sa grâce quelque chose de la vraie lumière, afin qu'ils voient dans la lumière de Dieu la lumière terrestre et les choses terrestres (NB 6,234).

 

Une confiance infinie en la lumière de Dieu

26. Didyme l'aveugle est comme un enfant. Il l'est déjà sans doute du fait de sa cécité et plus encore peut-être parce que, avec la conscience qu'il a de sa cécité, il possède une confiance infinie en la lumière de Dieu. L'obscurité où il vit lui semble être en opposition absolue à la lumière de Dieu, mais cette opposition est dépassée par la connaissance de la lumière de Dieu dans la grâce de Dieu. C'est presque comme si Dieu, en lui retirant la lumière des yeux, lui avait donné la faculté toute gracieuse de vivre dans la lumière de sa connaissance. Il ne s'attribue pas pour autant un avantage par rapport aux autres, mais il a une conscience très nette du don excellent de Dieu. Le fait qu'il soit sans lumière est devenu pour lui par Dieu un chemin vers Dieu. Dieu ne lui a pris la vue que pour fortifier son œil intérieur et lui donner une certitude concernant les choses cachées en Dieu. C'est quelque chose de fondamental dans son œuvre bien que d'habitude il fasse peu de retours sur lui-même. Ce que Dieu lui a donné à voir, il cherche à le réaliser en toute sa personne en présence de Dieu et à ne plus jamais se regarder lui-même. Il ne pense pas que la lumière extérieure lui a été retirée pour pouvoir pénétrer en quelque sorte plus avant dans son propre intérieur par la lumière de la grâce, mais seulement pour transmettre la lumière de Dieu qu'il a reçue. Dieu l'a débarrassé d'entraves pour que, dans sa théologie, pour le profit de beaucoup, moins d'entraves soient perceptibles. Ce qu'il aime surtout en Dieu, c'est qu'il est lumière quand il se communique, dans la vie trinitaire, et il aime beaucoup aussi les relations de Dieu aux hommes qui débouchent chaque fois dans le commandement de l'amour (NB 1/1, 52).

 

La mesure de Dieu

27. Bien des chrétiens pour qui tout est en règle ici-bas cherchent à se tailler les choses de la Révélation et de l’Église à leur propre mesure, à les rapetisser, à les rendre sans surprises et banales, pour s'installer non seulement ici-bas mais déjà par avance dans l'au-delà, pour se mettre à l'abri de tout imprévu. C'est contre cela surtout que se tourne la mystique. Les choses de Dieu doivent garder la mesure de Dieu. Il faut que toute installation soit ébranlée. La nouveauté de Dieu ne doit pas seulement être annoncée, elle doit être manifeste. Cette nouveauté se trouve toujours dans le ciel et dans l'éternité; mais déjà les petits aperçus qui en sont accessibles au mystique sont si inattendus et si hors normes que tout croyant comprend que dans l'éternité il faut encore s'attendre à des choses beaucoup plus inconcevables, non avec une vague et molle attente de l'esprit qui consentirait à cette possibilité, mais avec la joyeuse espérance de celui qui est au courant. Le mystique se rend bien compte - et tout chrétien devrait le savoir avec lui - que sa parole est éloignée de la Parole de Dieu de toute la distance qui sépare l'homme de Dieu et que non seulement chaque parole de la vie éternelle signifie plus que ce qu'on peut en penser et en dire, mais aussi plus que toute vision et toute expérience qui en sont accordées à un homme ici-bas (NB 5,36-37).

 

La démesure de Dieu

28. La joie au ciel a quelque chose de la démesure de Dieu. Elle n’est pas fermée ; dans la plus haute plénitude, il y a toujours un espace ouvert pour l’espérance et l’attente (NB 9, n. 1865).

 

29. Dans les mots de l’Écriture se reflète la démesure de Dieu (NB 2,20).

 

La plénitude de Dieu

30. Jésus enfant grandit et dit ses premiers mots. Sa mère les lui apprend, mais la mesure de leur vérité se trouve en Dieu. Les mots que sa mère lui dit sont vrais. Mais chaque mot que le Fils reprend en tant que Parole du Père contient une vérité plus grande parce que divine. Chaque mot subit une extension qui va jusqu'à la plénitude divine. Quand sa mère perçoit quelque chose de cette plénitude, elle mesure la distance qui sépare Dieu de l'homme, mais aussi que la vérité de la foi est toujours plus grande (NB 6,19).

 

31. L'Ave Maria quotidien, même répété d'innombrables fois, ne s'use jamais. Le mystère se rapproche, dans son caractère de mystère il devient plus digne d'être aimé, il nous fait pressentir la plénitude de Dieu. Surtout son amour (NB 6,60).

 

32. Pour saint Augustin, Dieu est d’emblée une idée de plénitude, de grandeur, de vie (NB 2,98).

 

La sainteté de Dieu

33. Les saints : par elle-même, leur sainteté ne serait rien si elle n’était nourrie constamment par la sainteté de Dieu (NB 9, n. 1889).

 

34. Aucun saint n'est pensable en dehors de Dieu. Les faux prophètes cherchent à se donner sans Dieu l'apparence de la sainteté (NB 2,15).

 

35. L’âme d’un saint a toujours sa place en Dieu ; on ne peut aucunement la détacher de Dieu. Partout où l'on voudrait isoler un phénomène particulier de sa vie spirituelle, on rencontrerait cette relation avec Dieu. Chaque saint est saint par Dieu. Et on ne peut pas pénétrer Dieu du regard pour s'approcher du saint de ce point de vue. Pour s’en approcher par derrière pour ainsi dire. On ne peut pas non plus aborder un saint de front parce qu’il ne peut se décrire en dehors de Dieu. Là où l'on penserait avoir saisi une bribe de lui, on aurait dû saisir aussi une bribe de Dieu, ce qui est impossible (NB 1/2 28).

 

L’homme n'est pas capable de saisir le Dieu vivant tel qu'il est en lui-même

36. Pour les hommes de l'ancienne Alliance, il est important qu'en présence des irruptions fulgurantes de Dieu, ils éprouvent toute leur foi comme quelque chose de provisoire et d'inchoatif. Ils doivent toujours s'attendre à ce que Dieu peut, d'en haut, forcer à nouveau les limites de leur foi dont ils peuvent avoir en quelque sorte une vue d'ensemble. Même la sphère des prescriptions de la Loi, strictes et explicites, reste dans son ensemble un monde de pressentiment et de provisoire. Pas seulement parce que l'ancienne Alliance doit rester ouverte à la nouvelle qui va venir, mais parce que, de toute évidence, aucune lettre ni aucune Loi n'est capable de saisir le Dieu vivant tel qu'il est en lui-même. La lettre et la Loi de l'ancienne Alliance sont davantage le signe que Dieu a saisi l'homme plutôt que la garantie que l'homme est arrivé à des relations définitives avec Dieu (NB 5,50).

 

37. Les pensées de Dieu sont toujours plus grandes que les nôtres (NB 6,447).

 

Une sphère qui appartient à Dieu seul

38. Paul devenu chrétien fait l'expérience de Dieu dans une sorte de ravissement, il ne peut pas se rendre compte exactement de ce qui lui est arrivé, de ce qui s'est passé en lui pour qu'il devienne capable d'entendre et de voir. Comme tout chrétien, il vit en présence de Dieu avec les limites de sa connaissance même si sa connaissance nous paraît énorme. Ce qu'il doit atteindre, c'est la sphère qui appartient à Dieu seul, cette sphère est en même temps celle de l'obéissance où seul Dieu peut inviter les siens, il n'est donc permis à personne de s'introduire de force. Dieu, qui ravit les siens des manières les plus diverses, ne donne pas à Paul de comprendre le mode de son propre ravissement. Paul sait qu'il s'est passé quelque chose et il sait ce qu'il a appris. Sa vision est pour lui le souvenir qu'il a en quelque sorte atteint un certain degré ; une ouverture lui a été accessible mais qui ne livre pas son dernier secret. C'est au fond la vision d'un château fort imprenable. Il est tout à fait conscient que l'état, la vision, le château fort sont des réalités. Pas du tout des fantômes, ni des produits de ses rêveries ou de son imagination. Des réalités de Dieu, que Dieu montre, pas plus. Dieu ravit Paul pour lui faire voir quelque chose de précis : le ciel, afin qu'il ait la certitude de sa réalité mais aussi de ses propres limites (NB 5,31-33).

 

La grandeur de Dieu

39. Jésus peut nous apparaître. Mais si magnifique que ce soit, ce n'est finalement pas commensurable avec ce que Dieu est en lui-même. Plus on perçoit quelque chose de la grandeur de Dieu, plus on voit aussi qu'on est soi-même néant. Il y a une comparaison incessante. Mais justement avec le désespoir de ne jamais pouvoir être à la hauteur, on apprend également la grande nécessité de se donner un mal maximum et d'être totalement disponible (NB 8, n. 94).

 

40. Au ciel, nous devenons participants de Dieu ; la distance entre l'homme et Dieu n'est pas supprimée, au contraire la vénération est plus achevée et par là plus profonde. Bien qu'au ciel nous ne soyons plus des pécheurs, mais des enfants de Dieu purs, la distance entre nous et Dieu est encore plus évidente qu'ici-bas. Ce n'est pas non plus le souvenir de notre péché d'autrefois - qui souligne la distance - qui nous empêcherait de sentir une plus grande proximité de Dieu, mais c'est notre connaissance de Dieu qui sera plus grande et le sens que Dieu est toujours plus grand en sera augmenté au-dessus de tout. Nous pourrons alors voir aussi Dieu dans sa grandeur quand il sera tout proche de nous. Et même plus il sera proche de nous, plus il sera élevé au-dessus de nous (NB 11,340-341).

 

 

L’Église prépare les mourants à la vision de Dieu

41. Dans les prières pour les agonisants, l’Église veut préparer les mourants à la vision de Dieu. Ceux qui disent les prières et ceux qui les répètent ne voient pas Dieu mais, dans la foi, ils savent que cette vision existe (NB 5,180).

 

Quand un homme meurt, son âme vit en Dieu

42. Quand le chrétien meurt, sans doute son cadavre est-il là, mais ce n'est pas lui. Il vit dans le souvenir des hommes et son âme vit en Dieu (NB 6,533).

 

C'est Dieu qui détermine la manière dont il veut rencontrer le mourant

43. C'est Dieu qui détermine la manière dont il veut rencontrer le mourant. Le sens de la foi n'est pas que j'aie une mort facile, mais que j'entre dans la mort comme un vivant, de la manière dont le Seigneur me l'accordera. Peut-être dans l'obscurité, la souffrance et l'angoisse et en n'y voyant plus rien. Mais peut-être aussi dans une dernière annonce de la Bonne Nouvelle (comme Étienne) : "Je vois le ciel ouvert" (NB 6,284).

 

Comment Dieu prépare notre place dans le ciel

44. Dieu prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour, une place toute personnelle. Si un ami m’annonce par courrier sa visite et dit qu'il s'en réjouit, sur quoi porte sa curiosité et ce qu'il souhaiterait surtout voir de mes affaires, je lui préparerai sa chambre et j'y mettrai les affaires qu'il souhaite voir. Il doit les trouver en son lieu propre, pas seulement d'une manière impersonnelle en quelque sorte. C'est ainsi que Dieu prépare notre place. Si nous arrivons à lui dans l'amour, ce qui nous attend là c'est l'amour que Dieu aussi a mis là en nous attendant de sorte que cela ressemble à une nouvelle rencontre (NB 6,308).

 

Être mûr pour la vision de Dieu

45. Au purgatoire, quand on a fini de brûler, on est mûr pour la vision de Dieu. On fait déjà l'expérience de Dieu avec une telle proximité qu'elle est la porte de la vision (NB 6,384).

 

Voir Dieu au ciel

46. Au ciel, on ne voit pas Dieu du tout mais tout est rempli de lui. Et on a le sentiment qu’on ne devrait faire que deux pas ou un pas en direction de Dieu pour percer le voile très fin qui nous sépare encore de lui (NB 9, n. 1130).

 

47. "Voir Dieu" doit se comprendre dans le sens qu'au ciel l'amour nous inonde et nous touche si fort, nous remplit tellement, que tout est entrepris et réalisé par lui. Au ciel, tous sont porteurs d'amour. Ils le portent comme une possession, mais une possession qui est destinée à être échangée. Ce principe d'unité dans l'amour sera sans doute toujours la première chose que comprendra de Dieu celui qui entre dans l'éternité (NB 6,72-73).

 

48. Car la vision de Dieu au ciel n’est jamais quelque chose de terminé, comme si l’accomplissement de mon existence terrestre ne réservait plus rien pour l’éternité. Il y a la plénitude dont on est rendu digne par la vie terrestre et le purgatoire et la rédemption ; mais cette plénitude qui est atteinte n’est pas un point final, elle est un point de départ de la vie céleste. Seulement, au ciel, le désir ne va plus jamais dans le vide, il aboutit toujours à une nouvelle plénitude (NB 9, n. 1562).

 

49. Pour la vision de Dieu au ciel, il y a sûrement une différence encore entre les saints et les autres rachetés (NB 9, n. 1799).

 

50. Au ciel, Dieu se communiquera à chacun d'une manière si unique qu'en regardant une créature, nous découvrirons sans cesse de nouveaux aspects de la vision de Dieu. Nous découvrirons sans cesse de nouveaux aspects de la vision de Dieu. La relation de Dieu à chaque personne sera elle-même si variée, si inépuisable, qu'elle se répercutera à l'infini et que, dans toute l'éternité, elle ne pourra jamais devenir quelque chose de routinier (NB 6,564).

 

La grandeur de Dieu

51. La prière à l'Esprit Saint a une particularité : plus que d'habitude on pressent la grandeur et l'immensité de Dieu (NB 5,167).

 

L’humiliation de Dieu

52. Quand on a pu deviner la grandeur de Dieu, il est d'autant plus affreux de voir sur la croix à quoi il a été réduit. L'amour de Dieu comme tel doive être déshonoré, humilié (NB 10, n. 2060).

 

La grandeur de ce que Dieu veut montrer

53. Il y a des saints qui n’arrivent que par ceux qui les dirigent à saisir toute la grandeur de ce que Dieu veut leur montrer (NB 2,143).

 

La gloire de Dieu

54. Le danger des miracles extérieurs se trouve toujours dans la curiosité, dans la sensation, dans toute l'agitation qui se forme autour du miracle. Ce sont des choses que Dieu n'a pas méritées en quelque sorte et qui ne peuvent servir à augmenter sa gloire. Mais ce qui appartient à sa gloire, il peut toujours le susciter en un lieu de pèlerinage ou ailleurs en faisant bon accueil à la foi de petites gens et à leurs espérances pour en faire quelque chose de plus grand, quelque chose d'apostolique, d'efficace, une semence qui lève là où le sol est préparé, mais où peut-être aucun œil ne voit le fruit sauf justement l’œil de Dieu (NB 10, n. 2210).

 

55. Il n’y a dans notre destinée rien de fâcheux, rien qui ne contribuerait pas à la gloire de Dieu (NB 9, n. 2006).

 

56. Seigneur, je voudrais te servir et, pour la plus grande gloire de Dieu, je voudrais faire tout ce que tu attends de moi (NB 11,29).

 

57. Saint Basile : il tend à faire le maximum pour la plus grande gloire de Dieu (NB 2,164).

 

Le mystère de Dieu

58. Abraham : il est l'homme devant le mystère de Dieu. Le mystère lui est confié comme un tout. Et au départ, il doit le porter sans savoir où il va. Le fardeau voilé dont il est chargé reste pour lui inexpliqué. Il doit vivre en vénérant ce qui lui a été confié, il doit grandir près de la connaissance du mystère sans l'entamer, sans l'explorer, sans se creuser la tête. Et le mystère ne gagne pas en évidence avec le temps. Il doit apprendre à vivre avec le mystère intouchable. Il est éduqué pour qu'il vive en vénérant ce qui reste mystère. Il y a sans doute peu d'hommes à qui il a été autant demandé de ne faire qu'un avec leur mystère et qui durent acquérir cette union au mystère en obéissant à Dieu. Quelqu'un qui a l’expérience de l'obéissance, qui dit oui au contenu de la promesse parce qu'il veut déjà ce que Dieu veut (NB 2,177).

 

59. Paul a l'avantage d'être apôtre et ses révélations sont d'un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l’Église. Cependant le mystère qui lui est montré n'est pas épuisé par ce que Paul en dit ; plus tard Dieu peut à nouveau en rendre visibles d'autres parties, non plus certes avec l'autorité de l'apôtre, si bien que l’Église aura compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire pour l'apôtre (NB 10, n. 2087).

 

60. Saint Robert Bellarmin. Pour lui, prier, c'est chercher. Chercher Dieu et chercher le chemin que Dieu prévoit pour l'orant. Pour lui, Dieu demeure mystère même quand il se donne (NB 1/1, 151).

 

61. Gerson (1363-1429) : pour lui, la vérité de Dieu n'est pas expérimentée surtout comme une vérité qui a des conséquences dans le monde, mais comme le mystère qui demeure impénétrable et qui pourtant se reflète essentiellement dans le monde sans que le croyant puisse dire comment. Dans les mystiques, il voit des personnes qui ont eu la chance de posséder réellement l'au-delà dès ici-bas ; ils pouvaient voir s'ouvrir les mystères de Dieu, quelque chose de l'être illimité de Dieu leur était accessible dans la foi ; comme créatures de Dieu, ils pouvaient être introduits dans la vérité de leur Créateur. Il prie beaucoup et avec application, en ce sens qu'il fait attention à percevoir réellement la voix de Dieu et à ne pas confondre ses propres désirs avec les plans de Dieu ; il voudrait être toujours, sous la main de Dieu, celui que Dieu désire (NB 1/1, 105-107).

 

Notre mystère et le mystère de Dieu

62. Notre mystère, que nous ne connaissons pas, nous devons le remettre dans le mystère de Dieu, que nous connaissons encore beaucoup moins (NB 4,64).

 

Caractère mystérieux de la relation de Dieu à l'homme et du croyant à Dieu

63. Saint Jean de la croix doit constamment signaler le caractère mystérieux non seulement de la relation de Dieu à l'homme, mais aussi du croyant à Dieu (NB 2,75).

 

Nous ne savons ni ce qu'est Dieu, ni ce qu'est l'homme

64. Nous ne savons ni ce qu'est Dieu, ni ce qu'est l'homme, ni ce qu'est l'acte créateur de Dieu qui engendre l'homme, ni pourquoi l'homme n'est pas bon si Dieu l'a créé bon. Au ciel, ces voiles seront un peu levés, nous verrons en Dieu comment l'homme était pensé et, en l'homme, comme Dieu se révèle en lui. Le mystère du Christ, qui est Dieu et homme, et qui guide notre foi ici-bas, restera au ciel ce centre qui éclairera toute chose (NB 6,565).

 

65. Les mystères des âmes devant Dieu et les mystères de l’être de Dieu lui-même (NB 9, n. 2015).

 

L'être inépuisable de Dieu

66. Au beau milieu de l'ancienne Alliance, Dieu peut déjà révéler à des voyants sa nature d'avant le monde, il peut le faire d'une manière si vivante que le voyant expérimente quelque chose de l'être inépuisable de Dieu lui-même tel qu'il était avant même qu'Adam soit, quelque chose qui n'a ni espace ni temps, quelque chose qui est au-dessus de toute la création ; l’infini absolu de Dieu apparaît au-delà des conditions limitées de la créature (NB 5,43-44).

 

Comment est Dieu ?

67. Adrienne, étudiante en médecine : « Je ne sais pas du tout qui sont les hommes qui savent comment est Dieu. Il y a des moments où je pense : peut-être quelques protestants, quelques catholiques, quelques juifs » (NB 7,136).

 

Des mystères réservés à Dieu

68. Le Christ est Dieu. Quand il prophétise de sa voix humaine, une parole est émise que les hommes entendent certes comme parole venant de Dieu, ils pensent la saisir avec une certaine profondeur - comme les prophètes -, alors que lui-même, comme Dieu, en connaît bien plus et tout ce qu'il y a de caché dans cette parole, ses ultimes mystères au sein de l'éternité, et il sait en même temps que ces mystères ultimes sont réservés à Dieu et ne peuvent être saisis par les croyants. Il doit donc adapter sa parole à sa mission humaine, il doit se résigner à ce que la foi des hommes reste grevée de faiblesse et d'hésitation, et qu'elle impose à sa parole des limites et des réductions (NB 5,65).

 

Ce que Dieu ne veut pas montrer

69. Ce qui est très important dans la sainteté de Marie, c’est qu’elle n’a pas besoin de se faire du souci pour les choses que Dieu ne veut pas lui montrer. Elle reçoit avec son intelligence humaine ce qu’elle doit recevoir, elle ne refuse pas non plus de comprendre autrement si Dieu le demande. C’est la caractéristique de la pureté de son esprit (NB 9, n. 2034).

 

70. Ne pas vouloir y voir plus clair que Dieu ne l'a prévu (NB 1/2, 39).

 

Le jardin de Dieu

71. Si, dans la contemplation, nous ne sommes pas à nous-mêmes un obstacle, le Fils nous prend avec lui vers le Père, il nous donne des ailes pour voler aussi loin que la foi le permet. Il nous ouvre le jardin de Dieu et là tout est beau. On peut s'arrêter aux premières roses autant qu'on veut, puis aller au parterre suivant, toujours plus loin dans le jardin. Il n'est rien dit par là de la qualité de la contemplation ; il n'est question que de son objet. Nous avons la liberté de nous arrêter à loisir auprès des mystères de Dieu. Il n'est pas plus parfait d'avoir atteint le dernier parterre que de rester auprès du premier (NB 10, n. 2116).

 

Les mystères de Dieu

72. Saint Joachim apprend la grossesse de sa femme à une époque où il s’était éloignée d’elle. Si déjà auparavant il était rempli de vénération pour les mystères de Dieu, il sait maintenant que Dieu est encore plus mystérieux qu'il se l'était imaginé (NB 1/2, 32).

 

73. Dieu a l'absolue liberté de communiquer, de la manière qui lui plaît et à l'heure qui lui plaît, des mystères qu'il n'avait pas communiqués jusqu'alors (NB 5,52).

 

Comment Dieu se comporte envers les hommes

74. Comment Dieu - Père, Fils et Esprit - se comporte envers le monde, nous ne pouvons pas nous en faire une idée. En tant que croyants, nous pouvons croire aux mystères de Dieu et les tenir pour vrais. Mais Dieu, quand il le veut, peut donner très soudainement à l'homme une illumination sur la manière dont Dieu se comporte envers les hommes, et non seulement sur la manière dont l'homme vit pour Dieu (NB 5,41).

 

En Dieu, des mystères insondables

75. Le bien et le péché demeurent en Dieu des mystères insondables qu'on ne peut pas non plus percer à jour dans la confession et que personne n'a le droit de vouloir pénétrer totalement (NB 3,91).

 

Le caractère mystérieux de Dieu

76. Beaucoup plus profondément que tout autre croyant qui suit le Christ dans l’Église, Marie voit le caractère mystérieux de Dieu et de son monde sans qu'elle soit introduite dans ce monde là où le Fils ne le veut pas. Certes elle a vu l'ange et, par cette apparition dans sa sphère à elle, elle a été infiniment dilatée ; mais justement c'est par cette dilatation unique qu'elle sait définitivement qu'elle a toujours à se tenir à sa place ; il ne lui appartient pas de réfléchir plus qu'il ne faut et de savoir à l'avance ce qui va se passer, mais d'être toujours prête pour le Seigneur à tout instant, dans une attente virginale (NB 5,21-22).

 

Dieu est inconcevable

77. Dieu est inconcevable. S'il accepte pour nous le titre de roi, c'est pour nous être plus concevable et donner à notre service davantage de dignité et de joie (NB 10, n.2277).

 

Dieu dans le lointain

78. Adrienne : « Depuis que j'ai connu le Christ, j'ai beaucoup appris. Je me suis beaucoup rapprochée de lui. Mais en me rapprochant de lui, je sais mieux que Dieu est toujours dans le même lointain. Il n'y a aucun "rapprochement", même si on apprend toujours à mieux aimer et à mieux louer » (NB 8, n. 130).

 

L’incompréhensible en Dieu

79. Dieu confie à Marie comme à l’Église des mystères qui doivent rester tels. Mais mystère ne veut pas dire simplement incompréhensibilité ; la raison reconnaît sans doute qu'il y a là un sens, mais elle doit en laisser la connaissance à Dieu en fin de compte ; elle comprend qu'elle ne comprend pas ce qui pour Dieu est compréhensible et qu'elle doit se contenter de savoir la véracité du mystère. C'est pourquoi il n'est pas question non plus que l'homme puisse constamment repousser les limites de l'incompréhensible jusqu'à ce que cet incompréhensible soit tout à fait clair et que lui-même possède une foi libérée du mystère. Certes le domaine du mystère sera d'une certaine manière plus étendu pour des hommes tout simples que pour des croyants cultivés ; leur intelligence porte moins loin. Mais celui qui comprend davantage ne comprend jamais tout. Il doit comprendre humblement ce qui lui est donné de comprendre, également en cherchant, en réfléchissant, en méditant, mais tout en sachant que les limites ne peuvent être supprimées (NB 10, n. 2281).

 

La totalité n'est qu'en Dieu

80. Tant que nous sommes ici-bas, nous ne pourrons jamais mesurer pleinement la portée d'une seule sentence du Seigneur. Nous voyons un reflet. Dans ce qu'il dit, nous voyons une vérité, nous l'ajoutons à d'autres, mais la vérité en sa totalité n'est qu'en Dieu. Nous voyons des fragments qui proviennent tous de la vérité, nous ne voyons pas l'ensemble (NB 6,408).

 

Ce qui est voilé en Dieu est beaucoup plus grand que ce qui est dévoilé

81. Il nous est difficile de dire dans quelle mesure nous pouvons comprendre une personne, en tout cas notre compréhension reste limitée. Quoi que nous comprenions, la certitude reste en nous qu'il y a beaucoup de choses que nous n'avons pas comprises et que l'ultime mystère de la liberté de l'autre nous demeure caché. A combien plus forte raison cela vaut-il pour Dieu. Si nous regardons le Fils comme notre prochain, ce qui est voilé en lui reste beaucoup plus grand que ce qui est dévoilé ; si nous le regardons comme Dieu, tout ce qu'on peut concevoir de lui est encore beaucoup moins à la hauteur (NB 6,78).

 

Un aspect de Dieu

82. Une vie chrétienne peut être comparée à une méditation. Toute vie de saint peut ainsi être regardée comme une méditation, à savoir comme l'aspect de Dieu que Dieu a imaginé pour la personne concernée (NB 1/2, 265).

 

La liberté de Dieu

83. Dieu demeure toujours libre et ne se laisse jamais immobiliser (NB 9, n. 1276).

 

84. Dieu demeure toujours libre aussi de faire se dérouler les événements autrement que nous ne l'attendions, et ceci également éveille en nous le sens de la vie éternelle (NB 3,199).

 

85. Dieu peut toujours agir de manière totalement libre et tout à fait autrement par rapport à nos habitudes. Le sens de ce qui est exigé se trouve toujours en Dieu, il le donne, il le met dans ce qu'il exige. Nous devons prendre soin surtout de ne fermer à Dieu aucun accès, de ne pas canaliser à l'avance ses voies. Qu’on reste toujours prêt aussi à accueillir ce qui est tout à fait inattendu, s'il en est décidé ainsi soudainement. Même si cela devait être lié au sentiment que tout ce qui s'est passé jusqu'à présent était vain. Laissons à Dieu la vue d'ensemble du passé comme de l'avenir (NB 11,332).

 

Le choix de Dieu pour nous

86. Dans le choix de Dieu pour nous se trouvent les sexes : lui-même a choisi irrévocablement pour l'être humain qu'il soit homme ou femme (NB 3,190).

 

Dieu exige toujours de l'homme quelque chose de nouveau

87. Dieu exige toujours de l'homme quelque chose de nouveau. Autre chose de celui qui a vingt-et-un ans que de celui qui en a vingt-deux. L'homme devrait constamment s'adapter à la foi (NB 6,36).

 

Les trésors de Dieu

88. Vianney a eu dans sa jeunesse une expérience de prière. Un jour, il a dit un Notre Père sans beaucoup d'insistance, avec la disposition d'esprit où l'on se dit : je vais encore vite prier un peu maintenant. Et tout d'un coup il remarque que la prière devient vivante en lui. Qu'elle devient en lui la clef qui ouvre toute la richesse de Dieu. Que, par la prière, Dieu nous donne la possibilité d'avoir part à ses trésors (NB 1/2, 88).

 

Dans la main de Dieu

89. Marie sait qu'on ne lui demande rien d'autre que son oui. Et Dieu s'occupera de tout ce qu'il faut. Et ce oui n'est pas simplement au-dessus de ce monde et au-delà de ce monde. Il y a aussi dans ce oui un achèvement de son état de créature, de sa manière personnelle de dire oui à tout ce qui est bien dans le monde et dans sa vie. Une soumission totale à Dieu, la volonté de se mettre totalement au service de Dieu, mais aussi un acquiescement à tout ce qui est bon dans son œuvre. Elle sait naturellement que, dans l'attente d'Israël et dans sa propre foi, il s'agit des choses les plus sérieuses, les plus importantes : c'est dans ces choses qu'elle s'engage par son oui. Mais, à part cela, elle sait aussi qu'elle est une créature de Dieu à laquelle le Créateur reconnaît sa nature et ses joies et sa vie humaine quotidienne, elle sait aussi que Dieu ne lui parle pas seulement par les grands événements mais aussi par les plus insignifiants. Et parce qu'elle est totalement une, ces deux sphères ne sont pas séparées. Il n'y a pas en elle une part consacrée à Dieu et une autre qui lui est laissée ; il n'y a que des manières différentes de considérer son unité intacte. Par son oui à Dieu, elle ne choisit pas une existence claustrale éloignée du monde ou une forme particulière d'ascèse. Ce qui, en elle, était et reste n'est pas renié, car cela provient de Dieu et est relié au bien qui vient de lui. Il y a dans son oui une telle totalité que tout a sa place dans cette totalité. Sans doute devra-t-elle passer par des renoncements et des moments difficiles, mais tout se trouve dans la main de Dieu et, d'elle-même, elle ne fera rien pour offrir à Dieu quelque chose d'autre qu'il veut lui laisser. Elle ne reniera ni sa nature, ni ses aptitudes, ni sa vie telles que Dieu les lui a donnés aussi longtemps que Dieu ne le demande pas expressément. Elle ne précipitera pas son don d'elle-même, ni ne disposera de choses dont Dieu, pour le moment, ne veut pas disposer apparemment, mais dont cependant il peut disposer à tout instant : peut-être dans le sens du renoncement, mais peut-être aussi dans le sens d'un encouragement plus grand. Dans la servante du Seigneur subsiste donc aussi l'être humain tel que Dieu l'a créé et tel que, selon sa volonté, il doit être et rester (NB 1/2, 150).

 

90. Mes actes sont marqués par l'Esprit si je suis dans la main de Dieu (NB 11,39).

 

91. Si l’Église n'était pas tellement dans la main de Dieu, Dieu aurait peut-être inventé d'autres formes, plus claires, d'action commune. Mais elle est l'épouse du Christ (NB 10, n. 2208).

 

92. Adrienne : « Ce que je vis personnellement est entièrement et réellement dans la main de Dieu - je puis le dire aussi objectivement qu'on peut l'être vis-à-vis de soi-même. C'est pour moi un tel cadeau, infiniment grand, immérité, et je ne fais vraiment rien pour cela » (NB 8, n. 45).

 

93. Fidèle de Sigmaringen : il est tellement dans la main de Dieu que son propre destin lui importe peu ; il en arrive pour lui-même à une totale indifférence (NB 1/1, 166).

 

94. Saint Jean Fisher se sait tellement dans la main de Dieu que tout ce qu'il rencontre, il le regarde comme permis par Dieu (NB 1/1, 123).

 

95. Se savoir comme un jouet dans la main de Dieu ; Dieu peut abîmer le jouet et puis le réparer de telle sorte qu’il ne reste aucune couture (NB 9, n. 1644).

 

96. Un saint sur terre connaît de sa sainteté ce que le chrétien connaît de lui-même. Par la grâce du Christ, il est dans la main de Dieu, la foi le protège pour l’empêcher de se perdre (NB 9, n. 1607).

 

Le bon moment pour Dieu

97. Le bon moment pour Dieu, c'est toujours le moment présent (NB 3,386).

 

Le lieu de Dieu

98. Quand Dieu créa le monde, il fit pour l'homme un lieu qui devait être en même temps un lieu pour Dieu lui-même. Dieu se promène dans le paradis où vit Adam. Dieu a créé le monde à partir du chaos et l'a établi dans une proximité intime avec lui ; il y a l'instant où le monde arrive à l'existence, et Dieu peut se reposer en lui. Le lieu de Dieu est aussi bien le ciel éternel que la terre temporelle qui vient de naître (NB 6,50).

 

La distance qui nous sépare de Dieu

99. Parce que nous sommes des élus et que nous n'avons le devoir de servir que dans le cadre de notre élection, Dieu nous offre à l'origine la joie de la louange et, pour pouvoir apprécier cette joie comme il faut, le respect. Dans le concept de respect est résumée toute la distance qui nous sépare de Dieu. Il est le Saint, nous sommes pécheurs. Mais pour que cette pensée ne nous écrase pas, Dieu nous offre la louange, l'amour et la joie avant même que nous ayons conscience de la distance (NB 11,339).

 

100. Quand, dans l'ancienne Alliance, les prophètes entendent des voix ou qu'il leur est donné de voir des images, quand Élie est nourri au désert ou quand, dans un duel, un homme de guerre reçoit une force extraordinaire, les rencontres de ce genre avec le monde divin ne sont toujours qu'inchoatives. Elles restent le signe de la distance entre Dieu et l'homme, elles augmentent la crainte d'un Dieu vivant et terrifiant, même si c'est l'expérience d'une victoire, d'un bonheur ou d'un amour. Le monde de Dieu apparaît comme un monde prodigieux, les expériences qui en sont faites sont ponctuelles et elles ne peuvent absolument pas former un tout. Elles sont certes comptées comme expériences mystiques dans lesquelles s'est manifestée la force de Dieu, quelque chose est arrivé qui a forcé les limites du monde de l'homme, mais l'image du monde divin ne devient pas un tout avec tous ces fragments. Toute rencontre avec le surnaturel se passe en un lieu nouveau et imprévu ; le contraste est souligné entre la puissance de Dieu et l'impuissance de l'homme même quand, pour un instant, l'impuissance de l'homme est si bien utilisée par la puissance divine qu'elle paraît puissante (NB 5,50-51).

 

101. Dieu ne veut pas que l'homme puisse évaluer la distance qui le sépare de lui

Un chérubin à l'épée de feu va garder le paradis : il est l'instrument du châtiment de Dieu. Les relations de l'homme avec Dieu le Père sont suspendues ; mais les anges servent de médiateurs, plus tard ce sera le Fils, puis l'Esprit Saint qui parlera aussi bien dans le Fils que par les anges. Dieu lui-même chasse les hommes du paradis, il les met à distance, mais il place aussi l'ange pour garder la distance afin que les hommes ne s'éloignent pas toujours plus de Dieu. L'ange porte les armes de Dieu - l'épée et le feu - ce qui coupe et ce qui brûle. Il coupe, et à vrai dire de telle manière que les hommes ne puissent pas évaluer la distance qui les sépare de Dieu. Ni maintenant qu'ils sont séparés, ni plus tard quand ils seront réunis par le Fils, Dieu ne veut que l'homme puisse évaluer la distance qui le sépare de Dieu et ce qu'il faudrait pour revenir à lui (NB 6,315-316).

 

Ne pas souligner la distance qui nous sépare de Dieu

102. En tant que médiatrice de la grâce, Marie nous montre comment nous devons prier, comment nous pouvons parler avec le Fils et avec l'Esprit et avec le Père, sans souligner la distance qui nous sépare d'eux, cela ne ferait que nous éloigner de Dieu (NB 5,175).


 

103. Il y a toujours la différence infinie, inouïe, entre le saint et Dieu (NB 3,381).

 

Ce qu’il y a d’inépuisable en Dieu

104. Les tentations doivent être là pour pouvoir ensuite diminuer s'il s'ensuit un attachement plus ferme au devoir, à Dieu. Elles remplissent donc leur but en apparaissant comme en disparaissant. On reconnaît là ce qu'il y a d'inépuisable en Dieu, qui peut tirer profit tout autant de l'existence des choses que de leur non-être, qui a besoin tout autant de ce qu'il donne que de ce qu'il prend (NB 11,136).

 

Dieu infatigable

105. Le chrétien peut se fatiguer et s'engourdir dans son être de chrétien mais, dans le ministère, il y a pour le prêtre une force qui ne peut pas se fatiguer parce qu'elle vient du Dieu infatigable. C'est un fruit de la mort du Seigneur qui est mort en tant qu'homme afin que nous vivions et que, dans sa mort, nous possédions déjà le germe de la résurrection. Dans le Seigneur, la vie et la mort sont également l'expression de l'amour, de la vie éternelle (NB 6,111).

 

Dieu peut toujours demander davantage

106. Dieu peut toujours demander davantage ; avec un oui qu’on exprime, une quantité d'autres oui peuvent apparaître et se présenter l'un après l'autre. Quand on se met à suivre le Christ, des questions toujours nouvelles réclament une solution. Et face à l'infini de Dieu, les efforts sont sans fin. Plus je fais, plus je reconnais clairement que l'honneur de Dieu est plus grand que ce que je pensais quand je commençai (NB 11, 109).

 

Dieu est toujours capable de donner davantage

107. Si l'on définissait la méditation à partir du désir de Dieu qu'a notre propre esprit, le moment viendrait trop vite où l'âme serait remplie et voudrait s'arrêter. Elle est satisfaite beaucoup plus rapidement que Dieu. Dieu promet et accorde plus, mais il exige aussi davantage. C'est lui seul qui décide de la mesure de ce qu'il veut nous donner. On ne peut jamais non plus assez demander à Dieu parce que lui-même est toujours capable de donner davantage et il est disposé à le faire (NB 10, n. 2060).

 

108. Ce que Dieu accomplit est toujours plus grand que ce qui est attendu (NB 1/2, 268).

 

109. L'être humain appartient d'abord à Dieu. C'est à lui qu'il doit accorder dans sa vie le temps et la place qui lui reviennent (NB 12,61).

 

110. Dieu emprunte toujours une voie particulière (NB 12,90).

 

111. Dieu n'est pas lié à ses propres lois (NB 12,241).

 

112. Il est stérile de s'imaginer que Dieu pourrait se conduire tout autrement (NB 6,429).

 

Dieu est autrement

113. Adrienne à 30 ans : « Si je pouvais mourir maintenant, je pourrais alors voir de quelle manière Dieu est autrement et alors tout mon tourment serait terminé » (NB 7,279).

 

114. La vision de la Mère de Dieu par Adrienne en 1917 eut comme résultat pour elle la connaissance que le monde divin se montre. Depuis lors elle sut aussi toujours plus clairement que Dieu est autrement. Et pénible aussi était alors, dans les nombreux cours de religion où il était question de Dieu, d’entendre toujours parler une langue qui n’était pas la langue de Dieu (NB 9, n. 1637).

 

La grande décision de Dieu

115. La mission vient du Dieu infini, imbibée d'éternité, et elle se fractionne en décisions et en réponses actuelles et rapides. Lhomme ne peut prendre ses petites décisions qu'à l'intérieur de la grande décision de Dieu, et cela lui donne aussi un sentiment de sécurité. Les nombreuses actions de ceux qui appartiennent à Dieu sont abritées dans son activité englobante, elles ont là leur constance et leur demeure (NB 10, n. 2229).

 

Dieu est omniscient

116. Dieu est omniscient. Dieu sait tout. Mais il n'est pas dit qu'il fait toujours usage de son omniscience. Il peut pour ainsi dire la mettre parfois de côté (NB 11,411).

 

117. Celui qui prie sait que Dieu est omniscient. Non seulement Dieu le voit parfaitement, il voit aussi le prochain pour lequel il lui faut prier maintenant. Dieu peut révéler à celui qui prie une image plus complète de son prochain s'il le juge nécessaire, mais il se peut aussi que son savoir divin lui demeure fermé comme une inaccessible sphère de mystère. Celui qui prie doit alors demeurer dans l'abstrait ; tout se déroule dans un acte où il se donne lui-même et où il est reçu par Dieu ; il serait indiscret d'appeler les choses par leur nom, Dieu laisse dans l'obscurité la manière dont il utilisera la prière. Mais ce qui pour l'homme est abstrait est concret en Dieu et est toujours susceptible, si Dieu le veut, de devenir concret aussi pour celui qui prie, de représenter quelque chose qui lui est connu, qui lui sert d'indication pour sa conduite future (NB 10, n. 2221).

 

118. Maint péché qui peut paraître petit aux yeux du confesseur est souvent aux yeux de Dieu infiniment grand (NB 8, n. 535).

 

Dieu peut lire en moi

119. Dieu peut lire en moi, il peut tout connaître de moi, le dit et le non-dit, le connu et l'inconnu (NB 6,354).

 

Présence de Dieu

120. Dieu est là et n'est pas vu (NB 10, n. 2206).

 

L’omniprésence de Dieu

121. On est dans la solitude d'une forêt près de la mer ; on ne voit pas la mer, mais on sait qu'elle est là, on sait aussi l'omniprésence de Dieu et de son amour (NB 10, n. 2228).

 

Dieu seul sait ce qu’est la Parole divine

122. Ce qui est propre au Fils appartient au Père. Et Dieu seul sait ce qu'est la Parole divine, le contenu qu'elle a ; lui seul la voit nue et infinie et éternelle, dans sa portée divine illimitée. Et ces profondeurs de la Parole qui nous restent inaccessibles, il se peut d'ailleurs qu'elles ne soient pas exprimées ; elles font partie du silence de Dieu et de son mystère trinitaire, elles font partie de ce qui est issu de l'être de Dieu pour les autres personnes divines et n'ont de sens que pour elles, si bien que nous ne les percevons pas. Cette Parole secrète, qui n'est perceptible que dans l'échange divin en Dieu, pour Dieu, par Dieu, appartient au mystère du toujours-plus divin. Mais il peut se faire que Dieu enlève tout à coup un voile pour nous montrer l'une de ses paroles dans toute sa profondeur. Si nous voulions exprimer quelque chose de cette Parole secrète, nous pourrions seulement dire qu'elle est divine (NB 6,38).

 

La mémoire de Dieu

123. Il y a des choses du vivant du Seigneur que personne d’autre ne pouvait connaître que Dieu et ceux à qui il a donné d’avoir part à sa mémoire. Jean aussi autrefois ignorait humainement beaucoup de choses qui lui furent montrées et données dans la vision de la mémoire de Dieu. Dans l’Apocalypse il est en mesure de les transmettre (NB 9, n. 1492).

 

Les miracles

124. Il existe dans le christianisme une résistance aux saints : ils rendent trop proches la réalité de Dieu et de ses exigences, ils sont incommodes. Ce n'est que lorsqu'ils sont morts qu'ils peuvent vaincre en quelque sorte cette résistance par leurs miracles. S'ils ont quelque chose à dire, il est toujours tôt assez d'en prendre connaissance après leur mort (NB 11,441).

 

Les hommes confrontés à l’absolu de Dieu par les miracles

125. Le miracle majeur que le Fils de Dieu nous apporte est celui de l'amour et de la foi : par sa venue, l'amour et la foi peuvent devenir des miracles manifestes pour la rencontre de l'homme avec le ciel. Ses miracles matériels ne sont ainsi que des coups d’œil rapides dans le ciel, peut-être pour que nous puissions voir quelque chose plus facilement. Ou bien aussi pour que ceux qui viendront après, ceux qui cherchent, ceux qui doutent, ne cessent d'être confrontés à l'absolu de Dieu. Si nous étions comme la Mère, la rencontre avec le Fils nous suffirait totalement, comme pour elle a suffi sa rencontre avec l'ange. Ce n'est que parce que nous sommes pécheurs que nous avons besoin de preuves si manifestes (NB 6,227).

 

Les hommes en présence des miracles de la puissance de Dieu

126. La réception des miracles est double : il y a les croyants qui y voient l'expression de la puissance de Dieu, et il y a les non croyants qui, par l'expérience certaine de quelque chose d'étonnant, sont introduits dans quelque chose de plus grand. Les premiers sont fortifiés dans la foi, les seconds sont acheminés vers la foi. Il y a aussi ceux qui refusent : ils sont témoins d'un miracle ou ils en ont entendu parler et, a priori, sans discussion, ils l'expliquent d'une manière naturelle ou comme un hasard. Les miracles contribuent ainsi à la division des esprits (NB 6,226).

 

Les miracles de Dieu

127. Quand Dieu opère aujourd'hui un miracle ici-bas, on ne peut pas dire si c'est le Père, le Fils ou l'Esprit qui l'opère. Mais tant que le Fils vit ici-bas, nous savons que ce sont le Père et l'Esprit qui opèrent les miracles du Fils. Ce sont finalement des miracles de l'obéissance, des miracles qui sont l'expression du pur accomplissement de la volonté paternelle (NB 6,134).

 

Absolue faiblesse de l’homme vis-à-vis de la puissance de Dieu

128. Si l’Église était vraiment l’Église des saints, son attitude ne pourrait être autre que celle de l'absolue faiblesse vis-à-vis de la puissance de Dieu : obéissance absolue au Fils qui représente la volonté trinitaire de Dieu. Si elle accueillait la volonté de Dieu comme la puissance absolue, elle tiendrait sans cesse ouverte sa faiblesse pour y être réceptive de toute manière. Vis-à-vis de Dieu, elle ne devrait jamais lui montrer un amour indépendant, elle devrait au contraire toujours vivre et aimer unie au Fils (NB 4,429).

 

La force de Dieu

129. Saint Pierre Claver a peut-être senti comme nul autre le mystère de la force de Dieu, une force qui rend l'impossible possible en l'homme, qui écarte constamment les limites possibles, celles de l'esprit et de la pensée tout autant que celles du corps (NB 2,78).

 

130. Adrienne avait senti la force de Dieu qui agissait à travers elle (NB 8, n. 457).

 

La force de Dieu soutient les chrétiens

131. Les chrétiens doivent porter du fruit, s'offrir en sacrifice avec le Seigneur, coopérer aussi à ses miracles, ils doivent sentir que la force de Dieu les soutient, que des forces qui sortent d'eux entrent aussi dans l’Église afin qu'elle se révèle être vivante selon la mission qu'elle a reçue du Seigneur (NB 5,75).

 

Dieu triomphe du diable

132. Par sa mort sur la croix et sa descente aux enfers, le Fils montre qu'il est capable de porter plus de péché que l'enfer n'en peut contenir. Dieu triomphe du diable. Marie met son pied sur le serpent (NB 3,211).

 

Ce n’est pas Dieu qui s’abaisse à lutter contre le diable

133. Dans l’Apocalypse, ce n’est pas Dieu qui s’abaisse à lutter personnellement contre le diable, il engage pour cela un archange qui est du même rang que le dragon (NB 9, n. 1338).

 

La foudre de Dieu

134. La souffrance de substitution, pensée qui remplit totalement Adrienne et autour de laquelle tout est centré, est tout son bonheur. Ce qui donne le plus de joie en ce monde est de savoir que la souffrance peut être pleine de sens pour les autres, et qu'on peut prendre sur soi ou abréger la souffrance des autres. Elle dit qu'en certains cas on doit diriger sur soi la foudre de Dieu (NB 8, n. 77).

 

Les profusion des possibilités de Dieu

135. Le jour de la Pentecôte les apôtres reçoivent l’Esprit, ils en sont ivres et ils parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles qui cependant sont comprises. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Et chacun peut se sentir interpellé et peut collaborer. Chacun peut correspondre. Quand l’Esprit souffle vraiment, personne ne peut dire : “Moi, il ne m’a pas atteint” ; ou : “Je n’ai rien compris, c’était pour moi irréalisable”. Chacun doit comprendre (NB 9, n. 1988).

 

136. Supposons que deux personnes aient le même recueillement, la même bonne intention, la même prière, Dieu pourrait quand même utiliser leur intercession de manière toute différente. Pour l'un, faire comme si c'était peu, pour l'autre, comme si c'était beaucoup. Mais que cela ne soit pas une cause de tristesse, car on doit toujours partir du fait que c'est pure grâce d'une manière générale que Dieu accepte quelque chose. Et il est essentiellement libre justement. Cela donne aussi une image beaucoup plus juste de la profusion des possibilités de Dieu. Supposons que je prie pour la pluie, tu pries pour avoir du beau temps ; Dieu envoie du beau temps ; ma prière pour la pluie a pu être ajoutée à ta prière pour le beau temps (NB 10, n. 2088).

 

137. En raison d'une prière faite aujourd'hui, Dieu peut corriger quelque chose qui s'est passé il y a des milliers d'années, de même qu'il peut faire s'ouvrir et se remplir de sens un passage de l'Ancien Testament auquel on n'avait jamais prêté attention, qu'on n'avait jamais compris (NB 1/2, 170).

 

138. Dans les situations les plus diverses, saint Ignace est conduit de telle sorte qu'il a fait l'expérience par lui-même des diverses possibilités de Dieu (NB 11,116).

 

139. Madame Acarie a plusieurs manières de prier, mais chaque manière l'introduit plus profondément dans la multiplicité des manières qu'a Dieu de se conduire vis-à-vis de l'homme (NB 1/1, 158).

 

Ce que Dieu veut

140. Quand, par suite de la maladie par exemple, on ne peut plus prier ni méditer comme il faut, l'amour de Dieu est présent comme quelque chose d'infiniment tendre et en même temps rigoureux. On peut être tenu par cet amour de Dieu, se remettre entre ses mains sans problème et sans avoir une claire conscience de sa propre situation. On est faible et on sait quand même que tout est comme Dieu le veut (NB 10, n. 2178).

 

141. Nous ne choisissons pas (notre état de vie : mariage ou vie consacrée), nous n’avons qu’à regarder où Dieu nous veut. Dieu a choisi depuis toujours (NB 9, n. 1953).

 

142. Saint Jean de la croix : on devrait être totalement et exclusivement occupé du but où Dieu veut nous conduire (NB 1/1, 148).

 

143. Lukardis d'Oberweimar, cistercienne, stigmatisée (1276-1309) : Dieu la conduit par des chemins qui lui répugnent. Ils lui répugnent tellement qu'au début elle pense toujours que cela n'ira pas. Et qu'il n'est pas possible qu'elle doive être éduquée et conduite par cette sorte d'obéissance à Dieu. Comme si le tout était une erreur ou pensé pour une autre. Alors qu'elle voudrait une grande trajectoire, elle est conduite très à l'étroit sans qu'il lui reste aucune latitude. Elle doit faire les plus petits pas, l'un après l'autre, et chacun de ces tout petits pas doit lui apparaître comme sept lieues. Pour elle, c’est comme marcher sur place, comme piétiner ; il n'y a pas le moindre signe qu'on avance. Et quand ses yeux s'ouvrent et qu'elle comprend que Dieu veut réellement d'elle qu'elle soit tenue si étroitement, elle se soumet de manière touchante. Et elle essaie d'en rajouter encore, d'avancer encore plus lentement, de ne plus demander un vol de l'âme. Ne rien désirer d'autre que ce que Dieu lui mesure si parcimonieusement à ce qu'il semble (NB 1/1, 91-92).

 

144. L'ange a donné à Joseph la certitude que ce qui se passe est juste, il sait désormais : c'est ma route et ma route vient de Dieu. Et il prie toujours plus que Dieu lui montre les chemins qu'il doit suivre, non qu'il lui donne de comprendre parfaitement (NB 1/1, 35).

 

145. Saint Ephrem ne dirait jamais de lui-même : "Dieu m'a appelé à faire cela", mais : "J'espère humblement que c'est le chemin sur lequel Dieu m'a placé" (NB 1/1, 51).

 

En Dieu, il n'y a pas d'incertitudes

146. Pour Dieu, il n'y a pas d'incertitudes dans ce qui est à choisir. Dans ses desseins non plus (NB 6,153).

 

La vérité absolue ne se trouve qu’en Dieu

147. En péchant, l'homme devient l’esclave de la multiplicité et d'une dispersion incessante ; mais il sait que, pour sortir du mensonge, il doit s'accrocher à une vérité absolue qui ne se trouve qu'en Dieu (NB 2,198).

 

Une réponse de Dieu

148. Dans les coups du sort qui frappent Job toujours plus durement, il y a comme une réponse de Dieu à l’offre qu’il a faite de porter ce qu’on exige de lui. Job offre naïvement et simplement, Dieu prend effectivement (NB 1/2 29).

 

Dieu est au ciel

149. Le Fils apprend aux siens le Notre Père et il y range les unes après les autres les vérités de la foi : Dieu est au ciel, son royaume doit venir, etc. (NB 6,188).

 

 

3. Dieu aime

Dieu est amour

150. Quand on dit : "Dieu est amour", on exprime sans doute une idée humaine, mais Dieu qui entend cette phrase la remplit, fait qu'elle a en lui un effet, il réalise quelque chose à cause de cette phrase : comme s'il était obligé de ne causer dans le croyant aucune désillusion. Il prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour, une place toute personnelle, et cela en raison de la foi (NB 6,308).

 

151. Dieu est amour, il est vraisemblablement encore plus haut que toutes les finesses théologiques (NB 8, n. 184).

 

L’amour, c’est Dieu

152. L'Esprit donne son témoignage pour la constance de notre âme, pour l'éternité à laquelle nous appartenons. Il nous dit que nous sommes aimés et que nous avons le droit de rester dans l'amour, et l'amour, c'est Dieu (NB 10, n. 2219).

 

Amour et connaissance en Dieu

153. En Dieu, l'amour n'est jamais sans la connaissance, ni la connaissance sans l'amour (NB 6,433).

 

Dieu aime les hommes

154. Dieu aime les hommes parce qu'il les a créés. La raison pour laquelle il les aime est totalement divine, c'est sa propre satisfaction (NB 6,142).

 

Dieu aime tous les hommes

155. Dans la foi, il nous est permis de participer à tout ce qu'on aime, à tout ce qui nous intéresse ; et ce tout, en Dieu, c'est le monde entier parce que Dieu aime tous les hommes ; par la foi, on passe du particulier au tout ; par exemple par celui qu'on aime, on passe à tous ceux qui aiment ; par quelqu'un qui souffre à tous ceux qui souffrent ; par quelqu'un qui est joyeux à tous ceux qui sont joyeux (NB 10, n. 2065).

 

156. Dieu Trinité se penche vers l'homme, vers tous les hommes (NB 2,77).

 

L’amour personnel de Dieu pour moi

157. A la fin du purgatoire, rien d'autre n'apparaît que l'amour personnel de Dieu pour moi (NB 6,372).

 

Amour de Dieu et amour du prochain

158. Dieu exige notre amour pour lui comme notre amour du prochain ; cela veut dire que nous avons à lui témoigner cet amour à l'occasion de tout prochain, car il ne peut plus être séparé de tous nos autres prochains. Et si nous voulions entrer au cloître pour ne vivre que de l'amour de Dieu, nos frères et nos sœurs seraient encore là pour exiger irrévocablement de nous cet amour sous la forme de l'amour du prochain, et notre amour de Dieu devrait se laisser former par lui. Il n'y a aucune possibilité de fuir ce commandement, il reste là et il ne cesse de nous jeter dans les bras son objet, le prochain (NB 3,371).

 

L’amour de Dieu pour les hommes est aussi communication de sa vérité

159. L'amour céleste de Dieu est un amour qui est mû et qui met en mouvement. Un amour de communication, qui donne et qui prend aussi, qui est inséparable de la vérité et de la doctrine de Dieu. L'amour que Dieu nous donne n'est pas différent de celui par lequel il s'offre dans la vie trinitaire. Il est donc aussi communication de sa vérité, c'est un amour qui donne et qui prend en communiquant la vérité ; tout cela en Dieu ne fait qu'un et nous attire dans son unité (NB 6,443).

 

Dieu aime l'homme depuis toujours

160. Dieu aime l'homme depuis toujours. Il l'aime pour que l’homme, dans son amour, saisisse la foi. En dehors de l'amour de Dieu, l'homme ne peut pas croire. Il ne peut pas non plus y avoir une foi qui n'engendre pas l'amour. La foi et l'amour sont fondées sur l'espérance, une espérance qui est toujours comblée en ne cessant d'engendrer la foi et l'amour (NB 2,215).

 

Dieu veut nous accueillir

161. De Dieu qui est tout et que nous ne pouvons pas comprendre, il faut savoir aussi qu’il veut nous accueillir nous aussi dans son tout (NB 3,328).

 

Dieu ne laisse personne de côté

162. Dans l’Église, il y a de la place pour tout le monde : pour ceux qui sont doués et pour ceux qui ne le sont pas ; Dieu n'a laissé personne si inapte qu'il ne pût trouver un accueil dans l’Église (NB 5,195).

 

Le désir de Dieu pour les hommes et des hommes pour Dieu

163. Adrienne, interne en médecine : « Du Bon Dieu, je ne sais presque rien. Et du désir de Dieu qu'ont les gens, je ne sais presque rien non plus. Et du désir que Dieu a des hommes je ne sais rien non plus » (NB 7,192).

 

Dieu nous permet de l’aimer

164. L’auteur du Nuage de l'inconnaissance : chacune de ses prières se termine au fond par un merci. Pour le fait qu'on a le droit de prier, que Dieu ne nous repousse pas mais qu'il nous prend avec lui dans le combat, et que Dieu nous permette de l'aimer, de l'acclamer (NB 1/1, 118).

 

Dieu infiniment bon

165. Il y a chez le croyant une joie dans la distance, une joie qui ne cherche aucunement à en saisir davantage sur Dieu, à exiger, à désirer fiévreusement, mais qui se réjouit des choses telles qu'elles lui sont données. Parce qu'elles ont en Dieu leur pleine grandeur et parce que Dieu en dispose. Et Dieu est si infiniment bon qu'il nous en montre quelque chose. Celui qui trouve sa joie en Dieu sait qu'il ne sera jamais capable de se faire une idée du tout ; sa joie n'en devient que plus grande parce que, dans le fait qu'il comprend qu'il ne peut percevoir qu'un fragment, il y a aussi une part de la vérité divine. Trouver sa joie en Dieu repousse sans cesse nos limites parce que ce n'est pas nous qui créons cette joie, c'est Dieu infini qui la fait descendre en nous toujours plus profondément (NB 6,575).

 

Dieu est communion d’amour et de vie

166. Dieu est toujours communion d'amour et de vie. Et non seulement Dieu possède tout, il transmet aussi tout ce qu'il est et tout ce qu'il a : Dieu donne Dieu (NB 1/2, 156).

 

167. L'amour de Dieu s'abaisse à s'occuper de l'infâme saleté du péché (NB 6,493).

 

L’amour de Dieu veut toujours surprendre

168. Les hommes (avant la révélation de Dieu par le Fils) n’en savent pas plus de la Trinité qu’un enfant qui est baptisé. Ils n’ont pas été instruits. Il y a une invitation, mais ils ne savent pas à quoi Dieu va les initier. L’amour de Dieu veut toujours surprendre (NB 9, n. 1685).

 

L'amour chrétien provient de Dieu

169. L'amour de Dieu n'a rien de calculateur parce que, dans la Trinité, tout est pure surabondance. Le Fils incarné aussi aime de la même manière malgré toutes les déceptions qu'il connaît avec nous. Le commandement de l'amour du prochain qu'il édicte n'est pas une concession à notre faiblesse et à notre finitude ; l'amour qu'il ordonne découle immédiatement de son amour et il doit présenter, comme sa marque distinctive, la forme de la surabondance divine qui ne calcule pas. Le chrétien voit dans son prochain le cadeau que Dieu lui fait. Il est l'œuvre du Créateur, le frère du Rédempteur et, comme tel, il est confié au chrétien pour être aimé. Et cela de telle manière que le prochain, en éprouvant l'amour, soit incité à l'amour. L'amour chrétien provient de Dieu et, par là, il lui est assuré de se répandre inépuisablement, et même d'être d'autant plus abondant qu'il est plus utilisé. Notre amour du prochain qui provient de Dieu doit aller plus loin que le prochain, il doit retourner à Dieu, il doit aussi emmener le prochain dans ce passage à Dieu. Et cela en l'incitant à l'amour de Dieu (NB 6,113).

 

Nous représenter quelque chose de l’amour de Dieu pour le monde

170. Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Et ce n'est qu'à partir d'ici que nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils, de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

La vie, un don de Dieu

171. Une vie humaine est un don de Dieu, quelque chose qui a beaucoup de valeur (NB 7,85).

 

Recevoir autant que Dieu veut donner

172. Saint Syméon le nouveau théologien : par la prière, il a acquis la faculté de recevoir autant que Dieu veut lui donner (NB 1/1, 280).

 

Dieu crée l’homme par amour

173. C'est dans l'amour que Dieu le Père crée l'homme, mais l'homme le déçoit et fait tout ce qu'il peut pour échapper à l'ordre établi par Dieu, un ordre qui faisait partie de l'amour de Dieu, qui unissait l'homme à Dieu. Le diable incita l'homme à se détacher de cette unité avec Dieu. Il se produit alors cette chose prodigieuse que Dieu le Père, dans son amour, envoie son Fils à l'humanité égarée (NB 6,98).

 

Dieu : ouverture constante de l’amour

174. Le mode d'être de Dieu Trinité est d’être jusqu'au fond ouverture constante de l'amour (NB 6,101).

 

Dieu vivant, Dieu amour

175. Dieu est éternellement vivant parce qu'il est l'amour. Non seulement il est capable de stimuler ce qu'il y a en nous d'éphémère par son existence éternelle, mais surtout il se maintient lui-même de manière inlassablement neuve dans la joie d'être éternellement toi et moi. Donc dans la joie commune. Si tu me fais plaisir sans en ressentir toi-même du plaisir, le plaisir pour moi aussi cesse très vite. En Dieu, l'amour n'est pas une aumône, une charité ; il n'est amour qu'en étant joie commune (NB 12,144).

 

Dieu l’a aimé le premier

176. "Charité bien ordonnée commence par soi-même". Naturellement, saint Ignace n'aime pas ce dicton. Il était radicalement d'avis que l'amour vrai commence par Dieu, et parce que Dieu l'a aimé le premier, Dieu prendra aussi soin de lui tant qu'il restera sur le chemin de Dieu (NB 11,162).

 

L'amour entre l’homme et la femme est créé par Dieu

177. L'amour entre l’homme et la femme n'est en rien étranger à Dieu mais, en tant qu'image de la vie divine, il est quelque chose qui est créé par Dieu et même quelque chose qui lui appartient (NB 12,36).

 

Dieu aime : Dieu permet nos œuvres et nos pensées

178. Dieu nous permet, dans son amour, que nous dessinions nos œuvres et nos pensées, notre foi et notre disponibilité, et il prend tout en lui, et il les fait appartenir à son ciel (NB 10, n. 2230).

 

Dieu fera tout dans l’amour

179. Il y a aussi dans les jours de maladie des moments où la mort semble toute proche ; on ne se plaint pas alors de tout ce qui est imparfait, inachevé, indésirable. Il y a la grande confiance qui a sa place dans la foi, et cette confiance est l'espérance que Dieu fera tout dans l'amour (NB 10, n. 2225).

 

Nous confier à l’infini

180. Parce que Dieu nous tient, nous n'avons pas besoin de nous attarder à calculer quoi que ce soit anxieusement, nous pouvons nous confier à l'infini (NB 10, n. 2113).

 

Au ciel, devant la face de Dieu, dans l’amour

181. Tous les habitants du ciel se trouvent devant la face de Dieu, Dieu les voit et eux le savent. Il arrive toujours exactement ce que Dieu veut maintenant pour chacun en particulier. Mais il n’y a en cela aucun ennui, tout est événement plein. Et on n’a plus besoin de s’inquiéter de son propre désir parce qu’il correspond toujours d’avance au désir de Dieu. Si déjà sur cette terre on fait toujours par amour pour quelqu’un ce qu’il désire de nous, combien plus fait-on au ciel par amour de Dieu ce qu’il nous dit. Tout l’air du ciel est tellement amour que chacun fait ce qu’il veut et qu’il demeure cependant relié de la manière la plus étroite à la volonté de Dieu (NB 9, n. 1907).

 

La patience de Dieu

182. Thérèse d’Avila a de la patience pour ses sœurs qui ne peuvent pas encore faire aussi bien qu’elle, mais Dieu a aussi de la patience avec elle en quelque sorte : il lui passe bien des choses à cause des difficultés qu'elle a eues au début et qu'elle a surmontées vaillamment (NB 1/2, 61).

 

183. Nous avons tous été sauvés par Dieu (NB 1/2, 22).

 

Le pardon de Dieu

184. Adrienne dit tout à coup : “Savez-vous ce qu’est le pardon de Dieu?” Elle m’explique plus précisément ce qu’elle veut dire : du matin au soir, à proprement parler, Dieu ne fait rien d’autre que pardonner, globalement et en détail, des choses grandes, moyennes et petites, toujours et partout. Et l’aspect douloureux du pardon ! Le secret de celui qui pardonne, il ne le montre pas à celui qui reçoit le pardon (NB 8, n. 278).

 

La miséricorde de Dieu est plus grande que le péché

185. Si je dois confesser un meurtre et que je le fasse le cœur contrit et affligé pour l'avoir commis, l’Église, au nom de Dieu, aura pitié de moi et montrera que la miséricorde de Dieu est plus grande que le péché et elle me pardonnera (NB 1/2, 204).

 

 

4. Dieu si humain

Les désirs de Dieu

186. Il est souhaitable que ma prière devienne comme "libre" (c’est-à-dire non centrée sur mes désirs), afin qu'elle soit utilisable pour les propres désirs de Dieu, qu’elle puisse être intégrée dans l’œuvre de rédemption du Fils (NB 3,200).

 

187. L'effet le plus déterminant de la souffrance de la croix est qu'elle obtient pour l'homme la grâce de souffrir avec le Seigneur dans son sens et, par là, de se libérer de son constant repli sur lui-même pour apprendre, en souffrant, à regarder Dieu et ses désirs (NB 6,267).

 

Les besoins de Dieu

188. L'homme est une pierre à bâtir que Dieu veut utiliser ; il la taille selon ses besoins et elle reçoit effectivement telle forme et elle peut être employée dans l'ensemble dont Dieu a besoin (NB 11,303).

 

189. Dieu a besoin, pour le monde, de l'amour du Fils sur la croix. Il a besoin de l'amour de celui qui est conduit par l'Esprit, il en a besoin pour celui qui est conduit, mais tout autant pour le monde (NB 6,449).

 

190. Dieu ne veut pas qu’on s'approche de lui par étapes. Le meilleur exemple est le oui de Marie auquel il est répondu par le fait que l'Esprit Saint prend possession d'elle totalement. En un rien de temps éternel, sans égard pour les lois humaines. Cette totalité produit alors des fruits selon les besoins de Dieu et non selon les besoins de Marie. Marie suit les chemins uniques que Dieu a tracés pour elle (NB 5,26).

 

191. Au ciel aussi Dieu a besoin d'êtres - et en premier lieu de la Mère du Seigneur - qui, sans questions, sans impatience, uniquement dans la parfaite humilité de l'amour, ne font rien d'autre que l'attendre (NB 6,568).

 

192. Dieu a besoin de gens qui vivent sa Parole avec soin (NB 1/2, 92).

 

Dieu a besoin d'être aimé par l'homme

193. L'un est devenu ermite parce qu'il sait que Dieu a besoin d'être aimé par l'homme. Et il rencontre un Dieu qui lui offre des choses qui étaient prêtes avant même que le monde existe. L'amour et la libéralité de Dieu sont si infinis qu'il n'hésite pas à partager à l'homme des trésors qu'il avait pour lui seul avant qu'il fût question d'un monde (NB 5,44).

 

L’amour dont Dieu a besoin

194. Saint Joseph de Cupertino : il voit l'amour de Dieu, le non de l'homme. Il aime et il voudrait aider. Et c'est de sa mission personnelle qui est d'aimer, de sa contribution à l'amour dont Dieu a besoin, que proviennent ses visions et toute sa mystique. Il vit dans une prière qui est si active dans la contemplation qu’elle pénètre partout où Dieu veut lui montrer quelque chose, elle inclut tout, elle supprime la limite entre ce monde-ci et l'au-delà. Quand il prie, il peut se trouver tout de suite au milieu des plus grands mystères de Dieu qui se révèlent sans problème à lui qui est une âme d'enfant, au milieu desquels il vit incontestablement comme s'ils étaient ses propres vérités (NB 2,157).

 

Dieu a besoin des hommes

195. David : il croit que Dieu a besoin de celui qui s'est tourné vers lui pour regagner ceux qui se sont détournés de lui (NB 2,167).

 

Dieu a besoin de chaque âme

196. Saint Pierre Claver (1581-1654) : dans sa prière et la vision céleste qui l’accompagne, ce qui le frappe à chaque fois de manière neuve et tout particulièrement, c'est que chaque âme ressort individuellement, c'est qu'à chacune une place est indiquée, que Dieu compte chacune, qu'il aime chacune et qu'il a besoin de chacune. Chaque âme est importante pour Dieu. Il voit dans ses protégés ceux qui sont attendus par Dieu (NB 1/1, 168-169).

 

Dieu a besoin de beaucoup de prière

197. Saint Otton de Bamberg : il prie presque tout le temps parce qu'il ne voudrait jamais se séparer de la mission de Dieu qu'il sent vivre très fort en lui. Son grand désir est de rester fidèle. Cependant il ne prie pas avec étroitesse d'esprit pour cette fidélité, il n'a pas le souci anxieux d'obtenir par sa prière un maximum de bénédictions pour lui ; il prie par la nécessité de l'amour. Cette nécessité est étroitement liée pour lui à la fonction qu'il exerce. Il est convaincu que, lorsque quelqu'un exerce une fonction dans l’Église, Dieu lui donne la grâce non seulement de l'exercer comme il faut mais aussi d'atteindre une plus grande intelligence dans l'amour et une plus grande intelligence de sa nécessité. Mais cette intelligence ne peut lui venir de nulle part ailleurs que de Dieu et donc par la prière. Il sait bien que Dieu a besoin de beaucoup de prière, mais il est également convaincu que lui, Otto, a besoin de beaucoup de prière pour percevoir la voix et les instructions de Dieu et s'y conformer (NB 1/1, 69-70).

 

Dieu a besoin d’elle (Marie)

198. Dans son destin de femme, de croyante qui a dit oui, Marie se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle : être la mère de son Fils (NB 10, n. 2318).

 

Dieu a besoin de plus d’amour

199. Thomas a Kempis (1379/80 – 1471) : dans la prière, il apprend toujours plus profondément non seulement que Dieu a besoin de plus d'amour, il apprend aussi les voies que Dieu utilise pour entretenir la prière. Ainsi il veut conduire toujours davantage les hommes à Dieu par la Parole, les amener à la prière par la Parole. Le "Livre de l'Imitation" doit être une voie à cet effet, il doit remplir l’esprit humain de la prière, l'initier à la présence de Dieu. Il comprend absolument que Dieu a besoin de saints et que le premier devoir d 'un chrétien c'est d'être un saint (NB 1/1, 109).

 

Dieu peut en avoir besoin

200. Si Dieu donne la santé, c'est qu'il peut en avoir besoin ; là aussi il y a une grâce qu'on n'a pas le droit de gaspiller (NB 11,137).

 

Quand Dieu a besoin

201. Si Dieu me donne une place de servante, il ne peut pas être plus parfait pour moi de vouloir être une reine. Je ne ferais alors au contraire que m’écarter de la volonté de Dieu et me rendre coupable de désobéissance. Quand Dieu a besoin de quelqu’un pour lui donner des visions, c’est un service comme un autre, et personne d’autre ne doit se permettre de vouloir s’introduire artificiellement dans ce service (NB 9, n. 1289).

 

Dieu a besoin de ce qui m’appartient

202. Pour l’homme de l’Ancien Testament, Dieu prend afin de montrer sa puissance. Il demande : Pourquoi Dieu a-t-il justement besoin de ce qui m'appartient ? Réponse d’un chrétien : Bien sûr que Dieu a besoin de ce qui m'appartient, mais pourquoi se sert-il justement de mon indignité ? (NB 2,181-182).

 

Dieu a besoin de la réponse de l’homme

203. Dieu lui-même contribue de manière décisive à former en l'homme la réponse qu'il attend et dont il a besoin (NB 1/1, 494).

 

Dieu est reconnaissant

204. Récemment devant l'église Sainte-Marie (à Bâle), beaucoup de gens bavardaient amicalement et avec animation ; quand les gens entrent ensuite dans l'église et prient, ils ne sont sans doute pas tout à fait quittes, dans la prière, de leurs pensées précédentes. Et pourtant Dieu est reconnaissant qu'ils soient là au moins un instant et qu'ils représentent extérieurement des gens qui prient. Dieu est reconnaissant pour tout sacrement même quand l'homme ne fait pas tous les efforts qu'il faut pour correspondre (NB 10, n. 2244).

 

Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin

205. Dieu sait de combien de lumière ses créatures ont besoin. Cela console saint Ignace de penser que Dieu lui donnera à lui aussi, sa créature qui cherche à le servir, la lumière nécessaire pour que son chemin soit visible (NB 11,93).

 

La protection de Dieu

206. Ignace sait à quel point il se trouve sous la protection de Dieu (NB 11,129).

 

La paix de Dieu

207. Qui veut vivre dans la paix de Dieu, il est impossible qu’il vive dans la paix du monde (NB 9, n. 1971).

 

208. Saint Basile sait qu'en priant il ne cesse de recevoir la paix comme un don de Dieu. Parce que sa prière est humble, Dieu lui donne dans la prière la connaissance et il lui donne aussi de faire passer dans son travail, en toute humilité, la sûreté de sa juste intuition. Il sait chaque jour à nouveau qu'il ne peut compter sur lui-même, qu'il doit chercher auprès de Dieu toute assurance (NB 1/1, 54-55).

 

La discrétion de Dieu

209. Il aurait suffi à Dieu de faire un léger mouvement, Adam et Ève n’auraient pas mangé la pomme. Mais il y a une discrétion dans la présence de Dieu qui fait partie du réel de la création ; c’est pourquoi l’homme doit toujours se contenter de ce qui lui a été attribué pour son intelligence et aussi pour sa foi (NB 9, n. 1990).

 

Le travail de Dieu

210. C’est un vrai travail pour Dieu de se faire entendre sur terre, et plus encore de devenir homme. Notre endurcissement et notre manque d’intelligence sont si grands qu’il doit comme s’ouvrir un passage de force: avec les voix et les visions des prophètes, etc. Il faut beaucoup d’efforts à Dieu pour qu’il en arrive au point d’oser venir dans le monde. Et plus tard les saints sont chargés de réaliser son œuvre (NB 9, n. 1880).

 

211. Le saint : un homme en qui Dieu travaille (NB 2,84).

 

Dieu nourrit l'homme tout entier

212. A propos des saints qui ne se seraient nourris que de l'eucharistie (inédie) : Dieu assume simplement l'affaire. C'est la plupart du temps destiné à des personnes particulières, non à un grand cercle ; on en a fait trop de bruit pour saint Nicolas de Flüe. Souvent le signe est là pour mettre en lumière la sainte communion : on voit que Dieu nourrit l'homme tout entier, qu'il ne prévoie pas pour lui d'autre nourriture que sa propre nourriture ; pour quelque temps ou pour la vie, selon son bon plaisir (NB 11,442).

 

Les époux sont confiés l'un à l'autre par Dieu, ils sont responsables l'un de l'autre (NB 12,57).

 

Dieu a mis la main sur eux

213. A propos de la lévitation : il y a des saints qui doivent un jour s'apercevoir physiquement qu'ils vivent en dehors du monde fermé de l'espace et du temps. Dieu leur montre, presque pour les avertir, qu'il a mis sa main sur eux. D'autres fois cela peut se faire pour que ce soit vu par d'autres (NB 11,442).

 

La joie de Dieu

214. La joie de Marie lors de son Assomption au ciel : elle vit de la joie que les autres ont à son sujet, et elle leur fait don de sa joie. La joie de Dieu, la joie des saints, est si grande que la Mère ne peut faire autrement que de recevoir cette joie. Le pur accueil de la joie est sa réponse la plus profonde à Dieu et à tous les habitants du ciel. Et elle n'accueille au fond toute la joie du ciel qui lui est offerte que pour faire totalement plaisir à Dieu et aux autres (NB 10, n. 2333).

 

215. En créant le monde, Dieu le Père était heureux car il créait une œuvre qui devait trouver constamment son assentiment. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie. Le péché a ruiné la joie et apporté la souffrance. Puis Dieu, par l'ange, a voulu entendre le oui de la Mère et ce oui devait résonner joyeusement parce qu'elle pouvait accomplir la promesse et voir le Messie, et parce que la rédemption et la nouvelle vérité au sujet de Dieu venaient dans le monde (NB 10, n. 2157).

 

216. Dieu le Père éprouve une joie éternelle à regarder son Fils qui, par son amour sur la croix, lui a ramené le monde entier (NB 6,574).

 

La joie en Dieu

217. La joie physique aussi peut servir à faire comprendre la joie en Dieu (NB 9, n. 1917).

 

Dieu se réjouit

218. Pour la plupart des chrétiens, la formule : "Dieu peut tout" est une affirmation vide de sens. Ils n'ont pas le courage d'entrer dans ce tout. Mais Dieu se réjouit quand nous le dévalisons (NB 1/2, 88).

 

La "souffrance" de Dieu

219. Nous n'avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu est immuable et toujours bienheureux et qu'il ne peut être lésé par sa créature. Et d'autre part il serait pourtant incompréhensible qu'il ne soit pas touché par la faute et par les malheurs de ses propres créatures, lui qui est l'amour infini. Cet amour est le feu que le Fils est venu jeter sur la terre et qui s'est transformé sur la croix en feu de la Passion. Dès le commencement il était là comme latent, on ne le remarquait pas ; ce n'est que dans l'explosion de la Passion et dans ses résultats - notre rédemption - qu'il devient perceptible et qu'on peut le suivre maintenant jusque dans l'éternité de Dieu (NB 6,266).

 

Dieu vulnérable et invulnérable

220. Sur terre, le Fils est tout à la fois sans protection (on peut l'outrager, on peut le tuer) et protégé : le Père est toujours avec lui et il est dans le Père. Ainsi Dieu est également vulnérable et invulnérable (NB 10, n. 2287).

 

L’humilité de Dieu

221. L’Esprit est, dans sa manière d’apparaître, comme l’humilité de Dieu : il nous mène, au-delà de lui-même, au Père et au Fils (NB 9, n. 1566).

 

Dieu et l’humour

222. Adrienne a le sentiment que Dieu joue avec elle à l'occasion. Comme s'il voulait la taquiner. Le P. Balthasar lui dit que l'humour ne manque certainement pas à Dieu et qu'il aime en faire usage à l'égard de ceux qui le comprennent. Elle rit et acquiesce (NB 8, n. 102).

 

 

5. Dieu créateur

223. Chaque œuvre de Dieu Trinité est faite en commun, mais de telle manière que c'est une personne qui agit et que les deux autres accompagnent et collaborent. Le Père est le Créateur du monde parce que l'acte du Créateur correspond à l'acte d'engendrer. De même qu'il engendre le Fils, il crée le monde. Les actions des personnes divines ad extra sont certes communes, mais elles sont opérées par une personne avec l'accompagnement des autres (NB 6,80-81).

 

224. Par la création du monde, Dieu est devenu un "Créateur" qu’il n’était pas "auparavant" (NB 9, n. 1562).

 

225. Lors de la création, Dieu a placé un être fini face à son infini (NB 12,108).

 

Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde

226. Au commencement, Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde pour qu'ils le gèrent, et cela en toute liberté. L'homme doit organiser librement le domaine que Dieu lui a confié (NB 6,540).

 

227. Dieu a créé les humains les uns pour les autres à des points de vue très différents (NB 9, n. 1993).

 

228. Quand Dieu créa le monde, il était d’humeur créatrice. Il fit quelque chose qui correspondait à sa force. Il se donna à lui-même pour la première fois la preuve de ce qu’il pouvait faire. Puis vint le péché et son œuvre fut pervertie par l’homme. Mais la force créatrice originelle de Dieu ne faiblit pas : il créa les sacrements d’où cette force continue à se répandre, et chaque sacrement recrée le pécheur en Dieu (NB 9, n. 1718).

 

229. Aux origines, Dieu a pris de l'argile pour façonner l'homme. Dans la main de Dieu, on est cette chose qui par elle-même n'a aucune prétention. Et tout ce qui est façonné par Dieu est toujours le meilleur (NB 11,283).

 

Comment Dieu nous a imaginés

230. Pas plus qu'on ne peut se représenter Dieu, nous ne pouvons nous représenter comment il nous a imaginés. D'Adam et Ève, nous ne connaissons que des bribes. Nous ne pouvons pas nous les représenter avant la chute. Pour nous les représenter, nous partons de nous-mêmes : comment nous aurions été si nous n'avions fait aucun péché. Mais justement alors nous n'aurions pas été nous-mêmes, nous aurions été tout différents. Nous ne savons donc pas comment au fond nous avons été pensés ; nous savons seulement avec certitude que l'image que Dieu avait de nous était autre que le chemin que nous suivons maintenant (NB 4,24).

 

Dieu a créé

231. Dieu a créé un monde magnifique. Ce n'est pas lui qui s'est détaché, c'est l'homme (NB 3,345).

 

Dieu n'a pas créé le monde dans la colère

232. La colère de Dieu, avec son caractère absolu, est pour ainsi dire incoercible. Elle est tellement entière, elle est tellement pure essence de colère, qu'il ne semble pas qu'elle puisse être influencée par d'autres propriétés de Dieu. Et pourtant Dieu n'a pas créé le monde dans la colère, et l'homme pourrait contribuer à ce que Dieu regarde sa création avec faveur. C'est dans cette possibilité que le Fils s'engage par son incarnation. Sur lui, le Fils éternel, le regard bienveillant du Père est posé depuis toujours ; maintenant il se dépouille de sa divinité et revêt l'humanité mais, avec lui, il attire aussi le regard d'amour du Père sur le monde (NB 6,311).

 

La joie de Dieu quand il crée

233. En Dieu rien ne se perd. Quelle qu'ait pu être l'activité de Dieu de toute éternité avant la création, les traces s'en trouvent dans les trois personnes quand elles créent le monde. Pour Dieu, il n'y a pas de passé, tout souvenir est présence. Rien ne finit en Dieu, mais tout continue d'être fécond dans un éternel présent. La joie de Dieu quand il crée exprime tout ce que contient sa vie éternelle. Et la force créatrice de Dieu, chargée de sa fécondité éternelle, est si grande que les choses qu'il crée portent aussi les traces de cette fécondité permanente, d'une manière cachée peut-être, si bien que sa fécondité interne n'apparaît pas tout de suite dans ses conséquences (NB 5,41-42).

 

C’est Dieu qui crée l’âme

234. Dieu s'est réservé depuis toujours de créer l'âme de l'enfant engendré. Dieu crée l'âme et lui donne en même temps un corps qui provient d'un acte humain de procréation. Dieu permet aux hommes d'engendrer un corps quand lui crée une âme (NB 6,56-57).

 

C’est Dieu lui-même qui a créé ce qui est personnel

235. Le ciel ne sera jamais quelque chose de purement général. Il sera pour chacun l'accomplissement de son amour personnel, préparé spécialement pour lui. Il n'y aura rien de monotone dans cette attente parce que c'est Dieu lui-même qui a créé ce qui est personnel et il le favorise (NB 6,308).

 

La création, un signe du Dieu éternel

236. Quelle était la contemplation de Dieu avant la création, nous ne le savons pas ; nous pouvons dire seulement avec certitude que le monde qui commençait est un signe du Dieu éternel qui ne commence jamais. Puis Dieu se repose de son œuvre quand elle est achevée. Ce qui a été fait est durable et Dieu peut pour ainsi dire jouir du fruit de son travail (NB 6,324).

 

237. Dieu veut le bien de sa créature (NB 6,353).

 

Dieu a créé l ‘homme ouvert à lui

238. Dieu a créé l'homme ouvert à lui, avec des questions qu'il adresse à Dieu et auxquelles il veut répondre. Dieu a prévu une conversation avec l'homme (NB 1/2, 157).

 

L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné

239. Dans sa conversation avec Dieu, tout en étant dépassé par Dieu, Adam peut malgré tout garder avec lui une certaine intimité. Adam croit comme quelqu'un qui est dépassé par la nature et la surnature. Les limites assignées à sa pensée ne sont pas du tout pour lui occasion d'angoisse et de doute parce que ce qui le dépasse absolument, c'est Dieu, qui le rencontre vraiment, qui lui fait bon accueil, qui le garde et se soucie de lui. Dans la suite des jours, il apprend à connaître l'éternité de Dieu qui accompagne et réalise tout changement. L'homme limité, qui vit dans ce qui est limité, est cependant créé par Dieu, il est devant Dieu, pour Dieu, et tout le fini est pour lui occasion et préparation de relations avec Dieu. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné, il est placé par Dieu dans un monde qu'il a créé (NB 6,49-50).

 

Le temps, une invention de Dieu

240. Dieu lui-même est sans commencement ni fin. De son centre il pose l'acte de la création par laquelle le monde commence et l'homme en lui. Le temps qui s'écoule est une invention de Dieu, lui-même est dans l'éternité (NB 6,69).

 

241. La division du temps est un don de Dieu aux hommes (NB 6,138).

 

Dieu libre crée librement l’homme libre

242. Avant la création du monde, Dieu est libre. Mais dans son plan du monde, la création est nécessaire. Lui-même est engagé. Dieu donne à l'homme la liberté. Dans l'action créatrice de Dieu, il y a le fait qu'il ose (NB 12,68).

 

243. En laissant Adam agir librement, Dieu renonce à quelque chose. Il ne le retient pas auprès de lui, il ne fait pas valoir tout de suite son pouvoir absolu (NB 12,72).

 

Dieu et l’homme qui s’interroge sur l’origine

244. Dans toute la nature, la question de l'origine est constamment perceptible et s'impose au chercheur. Il pourrait aussi se faire que lorsque l'homme qui s'interroge se heurte à ce commencement et qu'il l’appelle "Dieu", ce soit déjà une réponse à une question précise que Dieu lui a adressée. Il se peut donc que dans cette révélation de l'origine, qui peut sembler purement scientifique, Dieu ait déjà touché celui qui pose la question d'une étincelle vivante de son être divin réel, de son être spirituel éternel. Il se peut que, sous le prétexte et sous le couvert de cette question d'origine, Dieu ait déjà saisi l'homme d'une saisie qui maintenant devrait être appelée nettement surnaturelle (NB 6,31).

 

245. Supposons que plusieurs chercheurs dans différents pays, s'occupant du même objet, travaillant avec les mêmes méthodes et les mêmes instruments, mais sans aucun rapport avec la culture chrétienne, rencontrent tous le même jour la question du commencement : l'origine de la vie. Tous en arriveraient à la pensée de quelque chose comme Dieu ; l'un l'appellerait Dieu, un autre l'incompréhensible ou la puissance de l'être, etc. Cette rencontre les obligerait tous à s‘engager, tous devraient s'occuper de la question, car leur propre vie est liée à cette cellule primitive. Chacun alors, selon son caractère et son tempérament, se ferait une idée de l'origine et l'honorerait d'une manière ou d'une autre, l'un en l'adorant, un autre en y renonçant, un troisième au contraire en la combattant et en la provoquant, et celui-ci irait peut-être si loin qu'il en arriverait à nier totalement l'origine, pour la provoquer. Chacun se ferait de l'origine l'une ou l'autre "idole", une "image taillée", parce qu'il serait convaincu de l'existence de cette origine, mais il ne reçoit de l'origine aucune indication obligatoire pour son image. Par contre si l'un d'entre eux découvre l’Écriture sainte, s'il apprend à connaître le christianisme, il voit alors que son image n'a nul besoin de se trouver en opposition à ce qui se révèle ici, que lui et les autres chercheurs ont tous un commencement. Il peut par là arriver à la foi (NB 6,33).

 

Dieu fait toujours ce qui est juste

246. Dieu ne désire qu'une chose, c'est qu'on soit de la manière dont il le veut, que toute question soit simplement mise de côté en lui ; il suffit d'être en lui pour trouver la réponse. Si nous avions répondu à ce désir de Dieu, nous aurions pu poser beaucoup de questions, et les questions auraient toujours été justes ; nous ne serions jamais sortis de nos problèmes avec de fausses hypothèses parce que Dieu lui-même aurait été le point de départ et, avec nos questions, nous aurions eu aussi la paix et la certitude que Dieu lui-même nous aurait données. Si nous supposons que Dieu fait toujours ce qui est juste, nous pouvons trouver beaucoup plus facilement les réponses à nos questions (NB 6,35-36).

 

Tout ce que Dieu décide arrive pour le bien de l'homme

247. Un homme peu croyant admet certes que Dieu le voit et l'entend. Il peut être mécontent de Dieu parce que sa volonté propre est pour lui bien établie et que Dieu ne s'y conforme pas. Il peut trouver Dieu "injuste". S'il est un croyant authentique et qu'il lui arrive une souffrance naturelle, il peut poser à Dieu la question du sens de cette souffrance ; mais il n'en restera pas moins soumis : il sait finalement que tout ce que Dieu décide arrive pour le bien de l'homme (NB 5,105).

 

6. Le dessein de Dieu

 

248. L'Esprit qui était présent à la création connaît dès le début le dessein originel de Dieu qui n'a été changé ni par le mal ni par le bien que les hommes ont fait par la suite. Mais pour réaliser le projet originel, le Fils devait rassembler en lui tout le bon et tout le mal du monde et mourir sur la croix en tant qu'homme, nu et abandonné par Dieu (NB 6,549).

 

249. Dans l’Église, chaque appelé a une responsabilité dans le Seigneur, dans l'Esprit, dans la lumière, dans les desseins de Dieu. De faux groupes, de faux ordres ont une faute collective (NB 4,41).

 

250. Saint Jean Eudes : pour lui, l'obéissance aussi bien que le zèle sont tout à fait liés à Dieu. Il obéit à un Dieu dont souvent il ne perce pas les desseins, il est zélé pour un service dont le sens n'est pas clair pour lui. Il doit faire beaucoup de choses, mais tout cela n'est pas totalement clair pour lui. Il obéit comme un enfant, il est zélé comme un enfant, mais ce qu'il construit sur l'ordre de Dieu, ne reçoit jamais dans son esprit la dernière netteté (NB 2,175).

 

251. Un ami d’Adrienne et du P. Balthasar, Robert, est très malade. Réflexion d’Adrienne au P. Balthasar : N’est-ce pas que nous ne voulons pas prier pour la vie de Robert, mais tout confier à Dieu ? S’il veut nous en faire cadeau, ce sera pour nous une joie, mais nous ne voulons pas essayer de prolonger sa vie contre le dessein de Dieu (NB 9, n. 1519).

 

252. Les anges conseillers sont au courant des desseins profonds de Dieu (NB 9, n. 1560).

 

253. Les enfants (innocents) meurent par la puissance maligne d'Hérode et pourtant le sens de leur mort n'est pas épuisé par ce fait. Si Hérode avait pensé avoir atteint le Messie par le premier enfant qu'il a fait massacrer, s'il l'avait atteint de fait, les autres meurtres n'auraient pas eu lieu. Il ne pouvait certes pas atteindre le Seigneur parce que aucun homme ne peut contrecarrer les desseins de Dieu (NB 10, n. 2156).

 

254. Le dessein de Dieu : se communiquer au monde par amour (NB 6,533).

 

255. S'il est vrai que le dessein de Dieu est parfait et que, avec notre existence, nous correspondons à un dessein de Dieu, il doit aussi y avoir une perfection qui nous est destinée, une perfection en devenir parce que nous sommes des êtres en devenir. Et comme nous sommes dans la détresse, Dieu nous envoie son Fils qui reste Dieu tout en étant homme, il lutte avec nos difficultés et en vient à bout, mais il en est tellement harcelé que finalement il meurt sur la croix, et pourtant, tant qu'il était homme, il n'a jamais cessé un seul instant d'être parfait (NB 6,105-106).

 

256. Connaissons-nous vraiment les desseins de Dieu ? (NB 8, n. 163).

 

Le plan de Dieu

257. Le plan de Dieu inclut le monde entier et le monde ne pourra plus jamais sortir de ce plan (NB 5,279).

 

258. On pourrait parler jusqu'à la fin du monde de la sphère de la sainteté qui est celle de Dieu, cela ne servirait à rien parce que l'impénétrabilité fait ici partie du plan de Dieu (1/2,23).

 

259. Quand quelqu’un entre dans l’éternité, au fond il y était déjà éternellement. Il se trouve bien dans le plan de Dieu, il y a son origine, et le plan de Dieu dure depuis l’éternité (NB 9, n. 1714).

 

260. Le premier homme fut placé dans l'existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s'éloignant de lui ; il ne lui a pas été demandé s'il voulait être créé. Il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître (NB 10, n. 2155).

 

Le projet de Dieu sur nous

261. Au ciel, nous serons totalement tels que Dieu nous a projetés. Là il nous aura introduit totalement en lui tandis que maintenant c'est en tant qu'êtres en devenir, en route vers l'éternité, que sa grâce nous est offerte (NB 6,107-108).

 

L’accès à Dieu prévu pour nous

262. Pour chacun : trouver l'accès à Dieu qui est prévu pour lui (NB 2,19).

 

 

7. La grâce de Dieu

 

La grâce unit le monde à Dieu

263. La grâce est une sorte de voie lactée qui se répand du ciel sur la terre et unit le monde à Dieu. Celui qui prie est sur terre, Dieu est au ciel, et la grâce est la distance toujours franchie. Elle va, elle souffle, elle se répand. On ne peut pas préciser le lieu où la grâce quitte l'espace céleste pour entrer dans l'espace terrestre. On peut seulement dire : ici la grâce sort de Dieu le Père, ici tel ou tel saint y collabore, ici se trouve l'homme qui la reçoit. Ce que Dieu fait et ce qui se passe en nous ne peut ni se mesurer ni se comparer (NB 6,61-63).

 

L’atmosphère de grâce qui émane de Dieu

264. Le regard sur l'égalité de nature des personnes nous rappelle Dieu tout entier avec l'atmosphère de grâce qui émane de lui (NB 6,80).

 

La grâce de rencontrer l’absolu de Dieu

265. Quand Dieu, le Très Saint, crée des saints et les forme, il leur ouvre, à partir de points de départ les plus variés, la voie qui mène à lui, dans son absolu, et ils les rend capables par sa grâce de rencontrer ce qui est absolu (NB 2,198).

 

L'offre de la grâce de Dieu est toujours là

266. La décision de Dieu de nous sauver et l'accroissement de notre péché se superposent sans cesse ; sous la garde de Dieu, qui ne veut pas que nous péchions, nous ne cessons de le faire. Nous ne voulons pas ce qu'il veut ; mais nous savons que sa volonté prévaut sur la nôtre. Nous sommes libres, mais nous savons très bien que notre liberté devrait se diriger d'après la volonté divine ; nous nous lions dans le péché, mais nous restons conscients que nous aurions la liberté de ne pas pécher. Il s'ensuit une sorte de course entre la volonté salvatrice de Dieu et notre volonté de pécheur. Dans tous nos excès, l'offre de la grâce de Dieu est toujours là parce que le Christ a fondé son Église pour qu'elle ne cesse de présenter cette offre à l'humanité, de lui présenter dans le temps la volonté supra-temporelle de salut de Dieu qui était présente depuis toujours (NB 6,265).

 

La grâce de Dieu

267. La grâce de Dieu s'offre des manières les plus diverses à ceux qui sont choisis pour l'expérience mystique, mais en tout cas de telle manière que le but premier est une obéissance absolue (NB 5,17).

 

268. Quiconque vit vraiment dans la grâce se trouve dans une relation "sponsale" avec le Seigneur et il a part à la grâce de la Mère de Dieu. L'un peut expérimenter cette grâce de manière mystique, l'autre non ; et pourtant la grâce est essentiellement la même. Les missions sont différentes. A une ouvrière d'usine ou à celle qui vit dans un autre milieu prolétaire Dieu ne donnera pas les mêmes grâces qu'à une religieuse dans un cloître fermé ; et pourtant la mission de l'une n'est pas moins sponsale que celle de l'autre (NB 5,27).

 

269. A la Pentecôte, les apôtres ne reçoivent pas chacun sa grâce, ils reçoivent aussi l'effet de son feu dans les autres. Dieu donne toujours plus que ce qui revient à chacun, il donne d'une manière ecclésiale (NB 10, n. 2153).

 

270. Celui qui est dans la grâce ne veut plus, pour rien au monde, se disperser dans l’infini du péché. Il veut avoir part à la grâce unique et immédiate de Dieu (NB 4,76).

 

271. Saint Jean Eudes et saint Pierre Canisius : ils se sentent devant Dieu comme de petits enfants ; les deux connaissent aussi, dans leurs heures les plus pénibles, la certitude de la grâce et en même temps aussi la certitude de comprendre, dans le cadre des limites que chaque fois Dieu impose à leur esprit (NB 2,175).

 

272. Nos actions, même les plus désespérées, peuvent soudain, par la grâce de Dieu, devenir les plus fécondes (NB 2,140).

 

273. Saint Basile : il implore la grâce de Dieu pour les pécheurs, pour lui-même, pour le monde entier (NB 2,165).

 

274. Marie, la Mère de Jésus, et Marie de Béthanie font toutes deux ce qu'elles peuvent en laissant faire ; les deux ne font qu'ouvrir les écluses pour l'afflux des grâces de Dieu (NB 1/2, 44).

 

275. Pour tout ce qu'il exige, Dieu donne aussi sa grâce (NB 1/2,133).

 

276. La grâce, c'est ce que Dieu tient de lui-même à la disposition des hommes, mais aussi ce que l'homme demande à Dieu (NB 1/2, 156).

 

277. Malgré tout le mystère qui l'entoure et qui se passe en elle, Marie n'oublie pas qu'elle est une créature à qui Dieu montre la force de sa grâce. Dieu la porte dans sa grâce autrement qu'il a porté Ève parce que le Fils veut accomplir avec elle le sacrifice de sa vie parmi nous et de sa mort pour les hommes (NB 1/2, 185).

 

278. Marie occupe une place particulière parmi les saints : elle est celle qui fut si comblée de grâce que Dieu a habité en elle, celle par qui il est devenu homme. Par son oui, elle est intégrée dans le plan de l'incarnation de Dieu, qui est le fondement de l'ancienne comme de la nouvelle Alliance (NB 2,32).

 

279. Une ouvrière d'usine, qui est dans une situation difficile, peut recevoir de Dieu des grâces particulières pour le supporter et rayonner quelque chose. On ne fera peut-être pas d'elle une grande sainte, mais on parlera d'elle dans sa commune et elle sera peut-être ainsi pour beaucoup, discrètement, une lumière et un réconfort (1/2, 232).

 

280. La seule chose qu'on peut toujours mieux établir avec la grâce de Dieu, c'est son propre péché et son indignité (NB 8, n. 64).

 

281. On ne peut pas recevoir une grâce de Dieu et lui demander ensuite : explique-la moi. La grâce est comme telle remplie et on doit se laisser remplir de sa plénitude (NB 9, n. 1724).

 

282. La grâce de Dieu peut être une réponse à la disponibilité générale de l'âme tout entière (NB 12,131).

 

283. Il ne manque rien bien sûr à la grâce de Dieu, ce n’est qu’en moi qu’il manque quelque chose, moi qui ne la laisse pas entrer ! L’accueil de la grâce aussi doit se faire avec la grâce de Dieu (NB 8, n. 260).

 

284. Les grâces de Dieu portent en elles-mêmes leur interprétation. A Dieu qui m'a accordé une grâce, je ne peux pas demander : "S'il te plaît, explique-moi maintenant cette grâce !" La grâce porte en elle son inspiration et sa mission (NB 12,130).

 

C’est sur le priant qu’arrive la grâce

285. C'est toujours tourné vers quelqu'un que Dieu est tourné, vers un priant, c'est sur lui qu'arrive la grâce. Dans la prière, on ne saisit toujours que quelque chose de Dieu mais, dans ce quelque chose, on reçoit la grâce de Dieu tout entière (NB 10,110).

 

Un cadeau de Dieu

286. Souvenir d’Adrienne : « Quand je me rappelle mon enfance ou certaines années de ma jeunesse, chaque minute au fond était un cadeau de Dieu, ou du moins une relation avec lui » (NB 7,250).

 

287. Saint Ignace commence au fond chaque nouvelle tranche de sa vie avec le même enthousiasme. Comme si, chaque fois, il réalisait quelque chose de grand, comme s'il recevait chaque fois de Dieu un cadeau particulier, quelque chose qu'il avait désiré le plus passionnément (NB 11,134).

 

288. Dieu fait aux époux un cadeau merveilleux en les remettant l'un à l'autre (NB 12,60).

 

 

8. Les trois personnes

 

De toute éternité Dieu est trois personnes pour être l'amour

289. De toute éternité Dieu est trois personnes pour être l'amour. Sans doute l'amour pose-t-il des actes mais, pour cela, il lui faut du temps, beaucoup de temps, mais du temps qui ne rend pas les amoureux étrangers l'un à l'autre, au contraire le temps les rapproche toujours plus l'un de l'autre afin qu'ils reçoivent toujours plus pour pouvoir donner plus abondamment. En partant de l'amour, on comprend que Dieu ne veut pas connaître d'autre temps que l'éternité (NB 6,103).

 

La relation des personnes en Dieu est toujours comblée

290. Le Fils qui, de toute éternité et pour toute l'éternité, vit avec le Père en tant que Parole du Père ne perd jamais sa propriété d'être Parole. Pour le Père, le Fils est toujours également digne d'être aimé, toujours également précieux ; entre eux, rien ne s'épuise, rien n'est jamais dépassé, rien de la Parole de Dieu ne perd de sa force. La relation des personnes en Dieu est toujours également comblée, et ainsi la Parole de Dieu, qu'elle soit exprimée ou secrète, est toujours également actuelle, en service, adorante, disponible (NB 6,39).

 

Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième

291. Au Thabor, les trois disciples qui perçoivent la voix du Père parlant du Fils assistent à une révélation de Dieu Trinité, car pour que la voix sorte de la splendeur, l'Esprit doit être là. C'est toujours l'Esprit qui ménage l'échange entre le Père et le Fils. Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième (NB 6,94).

 

Le mystère de Dieu Trinité

292. L’Église est une institution publique dans laquelle le Christ a mis le mystère de Dieu Trinité (NB 5,45).

 

293. Une béatitude sans la Trinité n'a rien à voir avec Dieu (NB 4,43).

 

Penser Dieu concrètement : les trois personnes

294. Quiconque pense concrètement "être humain" pense soit à l'homme soit à la femme. Quiconque pense Dieu concrètement pense le Père, le Fils ou l'Esprit (NB 6,96).

 

Imaginer Dieu en lui-même : les trois personnes

295. Nous sommes trop habitués à imaginer Dieu, dans sa plénitude et dans sa grâce, tourné avant tout vers le monde, et nous oublions alors que cette plénitude et cette grâce s’adressent d’abord à Dieu lui-même, se déversent et se comblent constamment en lui-même. Chacune des trois personnes est constamment occupée à combler : elle comble le ciel, la durée, l’adoration, l’amour, la réciprocité et finalement aussi le monde. Mais que le monde soit comblé n’est qu’une chose parmi d’autres (NB 9, n. 1938).

 

 

9. Le Fils

Le Fils et la logique de Dieu

296. Quand le Fils de Dieu s'est incarné, il n'a pas été là tout de suite un homme fait, il a suivi un chemin. Il fut d'abord là dans les promesses, puis dans le sein de sa Mère ; il connut ensuite sa croissance ici-bas, il est allé vers la croix et, par sa mort, jusqu'à l'ascension. Tout son chemin est un chemin logique, bien que cette logique, Dieu seul la connaisse totalement, et il nous en montre quelque chose selon qu'il lui semble bon (NB 5,193-194).

 

Mieux connaître Dieu par le Fils 

297. Le Fils de Dieu est devenu homme afin que par ce qu'il a d'humain nous apprenions à mieux connaître Dieu. L'image de Dieu en Israël était celle d'un Dieu unique ; dans son passage au Nouveau Testament, cette image prend les traits beaucoup plus précis de Dieu Trinité ; par le Nouveau Testament nous sommes initiés à une connaissance plus profonde de Dieu. Bien des paroles des prophètes semblent en être restées à un niveau de compréhension de Dieu qui ne correspond plus à notre foi néotestamentaire et ne lui permet guère de s'enrichir parce qu'il leur manque le visage du Christ. Ce n'est que la foi néotestamentaire qui donnera à ces paroles leur plénitude. D'autres paroles de l'Ancien Testament sont déjà en route vers cette plénitude (NB 6,97).

 

Le Fils renvoie au Père

298. Pour nous approcher du Père dans la foi, nous devons partir de la parole de Dieu : parole de l'Ancien Testament qui parvient à son sommet dans le Fils. Et de même que nous devons considérer les paroles de l'Ancien Testament comme agrandies, dilatées, dépassées par le Fils, de même toutes les paroles humaines du Fils sont ouvertes sur l'infiniment plus grand de Dieu. Le Fils renvoie au Père. Nous avons les concepts humains de paternité et de filiation, mais nous ne pouvons les employer que comme des indices du mystère de Dieu. Le Fils lui-même désire cette application, il veut nous mettre sur le chemin du Père (NB 6,79).

 

L’absolue vérité de Dieu dans les paroles du Fils

299. Ici-bas le Fils ne parlera pas autrement qu'en conversation avec Dieu et pour le glorifier. Chaque parole qu'il exprime tire toute sa substance de la Parole qu'il est ; elle est remplie de l'absolue vérité de Dieu (NB 6,157).

 

Par le Fils, notre temps est devenu la demeure de Dieu

300. Par l'incarnation du Fils, notre temps est devenu la demeure de Dieu, le temps éternel s'est déversé dans notre temps ; et puisque le Fils est retourné au ciel, il a emmené avec lui notre temps dans le temps éternel (NB 10, n. 2177).

 

La révélation de Dieu par le Fils

301. Nous n'avons pas d'instinct naturel pour la révélation surnaturelle de Dieu dans le Christ. C’est l'Esprit en nous qui entreprend en quelque sorte la révélation de toute la Trinité (NB 10, n. 2054).


 

302. Le but du Fils : éveiller chez les hommes de l'intérêt pour Dieu (NB 6,158).

 

Le Fils veut nous introduire dans le mystère de Dieu

303. Le Christ veut nous introduire dans le mystère de la Trinité de Dieu. "Qui me voit voit le Père" et "Personne ne va au Père sans passer par moi". Certes le divin s'est tellement approché de nous dans le Fils de l'homme que nous sommes enclins à oublier la divinité du Fils au sein de la Trinité. Maintes formes de notre prière sont presque des familiarités bien souvent, elles ne regardent pas la majesté divine infinie, elles sont un produit de notre imagination et de nos pieux désirs (NB 6,116).

 

Le Fils invite les croyants à se mouvoir avec naturel dans le monde de Dieu

304. Le Fils invitera les croyants à rester comme des enfants devant le Père. Ils ne doivent pas constamment se poser des questions et souligner leur indignité, mais recevoir simplement et comme des enfants la conscience d'être des enfants de Dieu. Ils doivent se mouvoir avec naturel dans le monde de Dieu et ne pas mettre constamment des limites dans leur prière, parler de leur impuissance, de leur inclination au péché ou d'y penser. Même s'ils gardent quelque part le sentiment de leur tendance au péché et donc de leur indignité, il leur est quand même permis de recevoir avec gratitude le don de leur dignité d'enfant devant Dieu (NB 6,165).

 

Dieu dépose le Fils dans le sein de Marie

305. Dans l'incarnation, le ciel et la terre se rencontrent. Le Fils a besoin pour cela d'une aide humaine, sa Mère. Dieu le dépose dans son sein et elle devient un symbole de l'humanité qui accueille le Fils. Et en même temps le symbole de l'humanité qui est adoptée par le Fils. Elle est la créature qui est disposée à apporter sa contribution à l'incarnation de Dieu et qui reconnaît ici-bas le Fils comme Dieu (NB 6,183).

 

Dieu se penche sur nous : le Fils

306. Le Fils, en tant qu'incarné, nous montre la grandeur de l'amour de Dieu, à quel point il se penche sur nous (NB 6,185).

 

S’engager vraiment vers Dieu par le Fils

307. Sur la croix, le Fils de Dieu porte le péché de tous ceux qui ne veulent pas s'engager vraiment vers Dieu (NB 6,262).

 

Dieu a choisi la souffrance du Fils pour nous montrer son amour

308. En regardant la souffrance du Seigneur sur la croix, nous apprenons que la souffrance sur la croix est l'expression de l'amour intra-divin. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour pouvoir se révéler, l'amour souffre (NB 9,329).

 

309. Plus j'ai à m'occuper profondément des choses de Dieu, plus je dois me tenir humblement devant la croix (NB 4,227).

 

310. Il est impossible de servir de manière confortable un Dieu qui, pour nous, s’est rendu la vie si inconfortable (NB 9, n. 1721).

 

311. La foi nous dit : "C'est pour toi que Dieu est entré dans la souffrance". Dieu a souffert du péché pour les pécheurs (NB 6,359).

 

Le Fils est le fondement posé par Dieu

312. Le Christ est le fondement posé par Dieu lui-même de manière définitive ; c'est suivant ce fondement que nous devons concevoir notre construction, notre vie personnelle, et il n'y a de vie véritable que si elle s'accorde avec le fondement. Ainsi le Christ, en tant que fondement, est juge des vivants et des morts ; en construisant, nous remettons à son jugement notre vie et notre mort. Dans tout ce que nous construisons durant notre vie, il y a une relation au fondement ; tout ce que nous construisons aboutit à son tribunal. Il n'est aucun instant qui n'ait ce jugement à l'arrière-plan de même qu'il n'en est aucun qui n'ait à l'arrière-plan la mort (NB 6,319-320).

 

Le Fils ouvre une porte sur la vérité de Dieu

313. En chacune des circonstances de sa vie, le Fils ouvre une porte sur la vérité de Dieu Trinité (NB 6,433).

 

Dieu est devenu homme

314. Il y a le mystère que Dieu soit devenu homme. Celui qui est devenu homme ne cesse pas d'être Dieu (NB 6,479).

 

315. Il n'est pas facile de se représenter que Dieu est devenu totalement homme (NB 6,491).

 

L’incarnation du Fils de Dieu : pour que Dieu devienne pour nous une réalité

316. L’existence historique du Fils de Dieu dans le temps est là pour nous montrer sa réalité éternelle. Nous n'étions plus sensibles à la réalité et à la vérité cachées en Dieu, sa Parole devint donc chair pour que Dieu devienne à nouveau pour nous une réalité (NB 6,497).

 

Dieu reste au milieu de nous

317. Il y a dans l'incarnation une promesse de l'eucharistie, la promesse que Dieu reste au milieu de nous (NB 6,529).

 

Le Fils est venu pour planter en l’homme la semence de Dieu

318. Le Fils va devenir homme, il apprendra ainsi à connaître la nature et le mode de pensée des hommes, leurs désirs, les limites de leur intelligence, leur humeur, les points d'ancrage en eux pour la foi ; en tant qu'homme il agira sur les hommes et il pourra ainsi planter en eux la semence de Dieu pour qu'elle lève (NB 6,558).

 

La révélation de Dieu par le Fils

319. Dans la nouvelle Alliance, du fait de la révélation de Dieu par le Fils, le monde de Dieu est presque comme un monde connu dans lequel on ne cesse de pénétrer plus profondément (NB 5,51).

 

L’expérience de Dieu par le Fils

320. Le Christ concentre en lui toutes les expériences de Dieu faites ici-bas avant lui et la somme de toutes les expériences chrétiennes qui suivront (NB 5,53).

 

Voir Dieu dans le Fils incarné

321. Dans l'ancienne Alliance, la connaissance de Dieu authentique et profonde était rare, isolée. Dans la nouvelle Alliance, ce n'est pas seulement le mystique qui voit Dieu dans le Fils incarné, c'est l’Église en tant que telle. Son savoir est sûr même si humainement elle peut encore beaucoup se tromper dans le détail (NB 5,54).

 

Par le Fils, Dieu s’est fait tout proche de nous

322. Le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous les hommes (NB 2,162).

 

Le Fils a libre accès à notre existence

323. Le Ressuscité arrive les portes fermées. On remarque maintenant que son corps, son lieu, ses déplacements ne sont plus soumis aux lois de notre monde : il a changé de condition par rapport à notre temps. Auparavant nous aurions pu fermer nos portes pour nous protéger de lui, maintenant nous ne le pouvons plus, il entre dans notre espace, il fait irruption dans notre temps avec son temps à lui. Dieu a maintenant libre accès à notre existence ; il n'y a plus de souci à avoir : notre fin lui appartient (NB 6,70).

 

L’incarnation : un mouvement du ciel vers la terre

324. Sens de l’Épiphanie. L'incarnation est un mouvement du ciel vers la terre ; Marie est le lieu où ce mouvement s'arrête un instant, l'auberge accueillante où le Fils passe ses années cachées. Les rois qui viennent l'adorer sont le début d'un mouvement opposé, du monde vers le Seigneur et, par lui, vers le Père, qui ne cesse de s'étendre. Les rois sont ainsi, pour le Fils, la preuve que ça a réussi pour Dieu de se rendre visible dans un homme. C'est une première reconnaissance, autre que celle de la Mère (NB 10, n. 2159).

 

Le Fils veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde

325. Marie se donne totalement à Dieu, mais dans ce don est contenu le don d'elle-même aux hommes. Son double don d'elle-même à Dieu et au prochain imite, dans la mesure où c'est possible, le double don de soi du Fils qui, en tant que Rédempteur, veut apporter le monde à Dieu et Dieu au monde (NB 10, n. 2291).

 

Le Fils veut ramener le monde à Dieu

326. Par sa mort et sa résurrection, le Fils va rechercher fondamentalement le monde pour le ramener à Dieu ( NB 10, n. 2292).

 

La vie du Fils sur terre, sa mort, sa résurrection : une œuvre de Dieu

327. Le Fils a livré tout ce qu'il avait : il a déposé sa divinité dans les souffrances, il a rendu l'Esprit au Père, il s'est défait de son humanité dans la mort. En ressuscitant, il montre que tout cela était une œuvre de Dieu (NB 6,95).

 

Par le Fils, une certaine idée de Dieu

328. L'incarnation est précieuse comme possibilité d'interpréter Dieu ; son sens est de nous donner une occasion de nous faire une idée de Dieu (NB 11,237).

 

La langue de Dieu : la croix

329. Apprendre la langue de Dieu, qui est la langue de la croix du Seigneur (NB 11,250).

 

 

10. Dieu se révèle

Dieu nous invite chez lui

330. Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle, il nous invite chez lui (NB 10, n. 2274).

 

Dieu a donné aux hommes de participer à sa vie divine

331. Dieu a créé les premiers humains en un lieu de ce monde, mais en même temps il les a fait participer à sa vie divine de l'amour trinitaire. Il se promenait dans le paradis, donc en un lieu du monde, et il donna aux hommes des sens pour le voir et comprendre sa présence et sa parole (NB 5,48).

 

Des dons célestes que Dieu veut partager

332. L'Esprit est ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et crée pour nous, et qu'il veut partager. Ce n'est jamais la divinité qu'il partage, ce sont ses attributs qui ne perdent rien de leur origine divine en étant transmis, mais qui le font venir en nous pour qu'il agisse (NB 6,442).

 

Le but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire

333. Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église, organisation des formes d'ordres - est clairement destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,546-547).

 

Les idoles, première étape vers la reconnaissance du Dieu vivant

334. Les dieux des païens sont une preuve qu'il existe une connaissance naturelle de Dieu, mais ils révèlent en même temps les impasses où s'engage cette connaissance si elle reste en dehors de la révélation centrale de Dieu. Mais si le Dieu vivant se révèle dans l'histoire d'Israël et dans le Christ et dans toutes les voies du salut qui s'y rattachent, il montre ainsi qu'une révélation "naturelle" ne suffit pas à l'homme. Elle peut être une première impulsion, une chiquenaude qui met tout en branle ; mais s'il n'y avait rien de plus, l'homme, très vite, mettrait à nouveau à la place de Dieu ses propres images, des images de lui-même. Les idoles sont le signe évident que l'homme sait que Dieu s'est réservé son lieu, mais il sait aussi qu'il est incapable de garder libre pour Dieu cette place. La connaissance naturelle de Dieu peut le conduire jusqu'au point où la connaissance surnaturelle doit commencer si cela doit rester authentique (NB 6,32-33).

 

Dieu veut offrir au monde ses mystères divins

335. C'est dans son éternité que Dieu a prévu de donner au monde qu'il allait créer les mystères de ses échanges divins (NB 5,22).

 

Dieu peut ouvrir son infinité

336. Toute parole de Dieu participe à son infinité, il peut aussi ouvrir son infinité de telle sorte que nos propres paroles peuvent en manifester quelque chose (NB 5,30).

 

Dieu utilise comme il le veut la parole dite en son nom

337. Celui qui, dans un dessein d'apostolat, dit une parole de foi ne sait jamais exactement comment cette parole sera reçue. Il prie pour qu'il la dise comme il faut et qu'elle soit reçue comme il faut et qu'elle agisse selon la volonté de Dieu. Mais même si la parole qu'il dit est pour lui tout à fait objective et claire, elle est rarement utilisée par Dieu pour agir selon l'idée limitée que s'en faisait celui qui l'a dite. Cette parole est donc chargée d'un contenu que Dieu lui donne ; elle agit dans l'auditeur autrement qu'on ne s'y attendait, elle sera peut-être utilisée pour servir de base à d'autres mots et pour comprendre d'autres choses (NB 5,213).

 

La langue de Dieu. Dieu peut ouvrir le ciel à un enfant

338. Comment peut-on faire comprendre aux gens qu’ils doivent grandir dans la prière ? C’est comme pour une langue étrangère : on enseigne à l’élève mot après mot la langue de Dieu et des saints. Et tout d’un coup il parle cette langue couramment. Mais ceci n’est possible que si on lui enseigne très clairement les rudiments. Dans une relation de moi à toi. L’élève entend aussi comment le professeur parle la langue avec d’autres, il écoute et il acquiert de l’aisance. Le professeur peut être Dieu lui-même ou la Mère de Dieu ou un prêtre. Ce n’est pas nécessairement une personne humaine. Dieu peut ouvrir le ciel à un enfant (NB 9, n. 1945).

 

Le langage de Dieu

339. Par l’Esprit, Marie a comme été rendue réceptive au langage de Dieu (NB 9, n. 2017).

 

Dieu est libre de se communiquer comme il veut

340. Dieu est libre de se communiquer de manière mystique à un humain avant qu'il ait reçu le baptême. C'est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, et il n'est baptisé qu'après ; dans les Actes des apôtres, d'autres reçoivent l'Esprit Saint comme le signe qu'ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême (NB 5,139).

 

La Parole de Dieu s'adresse aux hommes

341. Que dans le Dieu éternel il y ait une Parole est l'expression de l'amour en Dieu : la Parole est engendrée dans l'amour, il lui est répondu dans l'amour, elle sert à l'échange de l'amour trinitaire. Ce que le Fils fait au ciel en tant que Parole, il continuera à le faire sur terre en devenant homme, d'une manière adaptée aux hommes. Mais maintenant c'est réellement la Parole de Dieu qui en lui s'adresse aux hommes, qui s'exprime, que nous accueillons comme Parole de Dieu et à laquelle nous répondons quand nous prions, quand nous vivons par elle (NB 6,21).

 

La correspondance entre Dieu et l’homme

342. Il y a entre l'homme et Dieu une sorte de correspondance (NB 6,429).

 

Dieu doit mesurer sa révélation à l’homme

343. Dieu ne peut pas se permettre de faire exploser l'être humain avec ses forces divines, il doit mesurer sa révélation à l'homme (NB 4,404).

 

344. Les innombrables paroles de Dieu sont nécessaires pour éveiller un écho dans l'âme (NB 12,46).

 

La révélation de la vérité de Dieu

345. La "Révélation" est la vérité de Dieu et ce qu'il enseigne au monde. Elle reste sommaire à bien des égards, elle ne remplit pas tous les coins du domaine spirituel. La "mystique" dans l’Église peut développer bien des points qui à l'origine ne sont qu'esquissés. Le critère principal de l’authenticité de la mystique est qu'elle rende plus vivant le contenu de la révélation (NB 5,34-35).

 

Toute révélation naturelle de Dieu est un aspect de sa révélation surnaturelle

346. Il ne peut pas y avoir de révélation naturelle de Dieu qui ne serait pas un aspect de sa révélation surnaturelle. On peut considérer la création comme un tout composé d'êtres purement naturels, mais tous, par eux-mêmes, en tant qu'images et signes de Dieu, renvoient au-delà de leur nature. Chaque plante, chaque pierre. Dans quelle mesure l'homme, avec sa raison naturelle, est capable de lire ce langage des signes est une autre question (NB 6,29).

 

La volonté fondamentale de Dieu est de se faire connaître, déjà dans la création

347. On ne peut pas dire que la création en tant qu'acte de Dieu est une affaire naturelle ; car derrière elle se trouve la volonté libre et puissante de Dieu de se révéler lui-même. Et dans toute la création - en dehors de l'homme comme en lui-même - cette volonté de Dieu de se faire connaître jusqu'en ses profonds mystères intérieurs apparaît cachée et pourtant évidente. Quand Dieu se révèle à Adam au paradis et plus tard au peuple d'Israël et finalement à tous les hommes dans le Christ, c'est sans doute quelque chose de nouveau, mais ce nouveau aussi correspond à la volonté fondamentale de Dieu, qui est une et la même, de se faire connaître et de se communiquer (NB 6,31).

 

Dieu s’exprime

348. Le Fils est la Parole du Père : en lui Dieu s'exprime (NB 6,37).

 

Le contenu divin de la parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons

349. Nous avons une idée de l'être des choses, et même de la parole de Dieu, mais nous ne pouvons ni la saisir, ni la décrire, ni l'assimiler. Plus une vérité est en Dieu, plus elle est élevée, plus elle lui appartient, moins nous pouvons la comprendre. Le ciel de Dieu, tel qu'il est réellement, est aussi élevé au-dessus de nos représentations de son ciel que le contenu divin de la parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons (NB 6,40).

 

Dieu se voile ou se dévoile

350. Le chrétien sait par la foi que Dieu est Père, Fils et Esprit. Les théologiens essaient une foule de définitions et aucune cependant ne convient réellement. Pour chaque personne ils énoncent des propositions qui sont exactes, et qui cependant ne le sont pas, parce que les personnes sont les unes dans les autres en une seule nature et elles ont tout en commun. Dans le ciel non plus on ne pénètre pas directement dans le mystère de Dieu. On ne peut pas dire au fond que Dieu se voile ou se dévoile. Qu'il se dévoile, cela veut dire très souvent qu'il répand sa lumière, quelque chose de son savoir ou de sa décision sur les êtres. Ils se trouvent maintenant dans cette lumière et ils la reflètent. Ils sont à chaque fois ce que Dieu veut. En tout cas il leur donne sa lumière afin qu'on doive penser à Dieu quand on les rencontre (NB 6,65).

 

Les anges, intermédiaires entre Dieu et l’homme

351. Les anges servent d'intermédiaires de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu, et il est impossible de marginaliser leurs missions (NB 6,45).

 

Dieu se révèle par ses saints

352. Dieu Trinité se sert d'un saint pour se révéler ici-bas de manière plus évidente. Et le Fils de Dieu est le saint par excellence (NB 6,95).

 

Dieu se sert de tout pour se révéler

353. La vie est une belle journée en Dieu malgré tout ce qu'il y a en elle de laborieux, parce que Dieu se sert de tout pour se révéler (NB 10, n. 2135).

 

Le Fils s’exprime par l’Eglise

354. Le Fils qui est devenu homme est vivant, il ne peut s’exprimer que par une Église vivante. Tous les vrais saints sont l’expression de l’incarnation de Dieu (NB 9, n. 1794).

 

Dieu ne cesse de se révéler

355. Dieu ne cesse dans toute l’éternité de se révéler et de se donner (NB 9, n. 2023).

 

356. Dieu est infini et il veut révéler à ceux qui s'aiment des traits toujours nouveaux de son amour (NB 12,106).

 

La puissance d'imagination de Dieu pour se révéler dans l’Eglise

357. Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. Il le fait aussi tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît toute la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession. Il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

Le lieu où Dieu habite : l’Eglise

358. L’Église est le lieu où Dieu habite particulièrement dans le monde (NB 5,151).

 

Dieu demeure dans le monde. LÉglise

359. L’Église est le lieu où, par Jésus Christ, Dieu demeure dans le monde : aussi bien dans la communauté que dans l'individu. La plénitude de l’Église serait que toutes les créatures se tiennent devant Dieu. Les vrais chrétiens se tiennent ouverts devant Dieu, réceptifs à son Esprit, attentifs à ses directives. Également vis-à-vis des autres, ils se tiennent ouverts et prêts à vivre en communion avec eux. Dans cette situation, ils sont aussi bien milieu que passage : milieu en tant qu'ils donnent Dieu au monde et les hommes à Dieu par l’Église ; passage, puisqu'ils transmettent aux hommes qui ne croient pas encore le milieu qui est Jésus Christ et qu'ils portent devant Dieu les préoccupations de l'humanité (NB 6,466).

 

360. C'est justement là où est l’Église que Dieu est le plus (NB 1/2, 259).

 

Devoir de l’Église : rendre aussi purement que possible l'image de Dieu

361. Tout ce que Dieu fait vit de son sens, de sa vérité, de son être. L’Église est vraie dans la mesure où elle accueille sa vérité. Moins elle s'occupe d'elle-même, plus elle est perméable à l'action et au sens de Dieu, plus elle devient le miroir de Dieu. Elle n'a pas besoin de se faire une image d'elle-même ; en tant que miroir, elle doit seulement rendre aussi purement que possible l'image de Dieu (NB 6,494).

 

Donner à l’Église une impulsion vers Dieu

362. Si l’Église était comme elle devrait être, chaque saint aurait le pouvoir de donner à l’Église une impulsion vers Dieu(NB 4,455).

 

L’Église. Le jardin de Dieu. L’entretien avec Dieu

363. Henri de Nördlingen (+ après 1379) : en dirigeant les âmes, il se laisse en même temps diriger parce que, en chaque âme qu'il dirige, il voit une âme tournée vers Dieu, qui livre sans bruit les mystères que Dieu lui confie et les transmet à lui, le directeur, afin que ce qui lui est confié soit utile à l’Église. Il a une grande vénération pour les âmes : il les aime et il voit en elles le jardin de Dieu qu'il doit en quelque sorte arroser pour pouvoir en cueillir les différentes fleurs et les porter à d'autres. Partout où Dieu est aimé, il voit l’Église et il voudrait qu'elle se développe, qu'elle atteigne son plein accomplissement. Il voit la plus haute vérité dans l'amour et le plus haut amour dans l'entretien avec Dieu (NB 1/1, 101-102).

 

La beauté doit révéler Dieu

364. L'être humain est comme ébloui par la beauté de la forme de l'autre sexe : elle doit lui révéler Dieu (NB 12,147).

 

Comment Dieu se révèle

365. Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière, Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut. Un peu comme il en est pour les amoureux : peu importe qu'ils soient habillés ou déshabillés, à moitié ou totalement, l'amour n'est pas moindre dans un cas que dans l'autre (NB 6,99).

 

366. Plus nous sommes innocents, plus grande est notre ouverture à tous les modes de révélation de Dieu et des choses célestes. Dieu a différentes manières de se faire connaître et il peut arriver au même but de différentes façons. Il est important de le savoir afin qu'on ne s'attache pas à une manière plutôt qu'à une autre. Ce que Dieu donne et la manière dont il le donne est toujours ce qu'il y a de mieux (NB 5,189-190).

 

367. Même la révélation la plus simple (saint François avec ses oiseaux) doit nous conduire à Dieu et nous faire souvenir de lui (NB 4,371).

 

Entendre la voix de Dieu : les prophètes

368. Les prophètes entendaient la voix de Dieu de telle sorte qu'ils comprenaient, dans un domaine déterminé, de quoi il s'agissait, et ils pouvaient aussi l'exprimer. Ce qu'ils disent laisse entendre leur étonnement d'avoir été choisis pour entendre et transmettre ; même quand ils étaient convaincus qu'une parole leur avait bien été adressée, elle n'avait cependant jamais cessé de les surprendre eux-mêmes ; il y avait en elle des dimensions entières qui n'appartenaient qu'à Dieu et qui leur restaient inaccessibles (NB 5,65).

 

L’ancienne Alliance

369. Dans l’ancienne Alliance, Dieu prépare la rédemption non seulement par des mots qui descendent du ciel, mais tout autant par des actes d'hommes, par des signes avant-coureurs, des préparations, de petits événements qui portent la signature de Dieu et révèlent ses plans et ses chemins (NB 1/2, 168).

 

L’Ancien Testament : quelques voix isolées en provenance du monde de Dieu

370. Avant l'incarnation, l'homme pécheur était trop faible pour se détacher efficacement du péché. Dans l'Ancien Testament, il avait sans doute la promesse et la Loi, mais la grâce n'avait pas encore la pleine réalité présente que possédaient le monde terrestre, le péché et la tentation. Quelques voix isolées se faisaient entendre en provenance du monde de Dieu par la tradition et par les prophètes. Mais l'effort pour mettre un terme à la désunion entre Dieu et le monde des hommes dépassait les forces de l'homme. En devenant homme, le Fils a surmonté la distance (NB 6,115).

 

Quand un prophète entend la voix de Dieu

371. Les prophètes obéissent à la Loi, cela va de soi pour les Juifs. Mais quand un prophète entend la voix de Dieu et reçoit une mission, son devoir d'obéissance reçoit un tout autre visage. Son obéissance devient personnelle, elle est difficile à faire comprendre aux autres, étant donné qu'elle l'oblige d'abord lui-même. Il peut la reconnaître tout de suite ou rester longtemps incertain ou se défendre avec entêtement jusqu'au moment où il se soumet. Mais l'obéissance du prophète le dépasse toujours lui-même. Que le Dieu juste puisse trop en demander est, pour chaque prophète, presque incompréhensible et souvent insupportable. Car en tant que Juif croyant, il essaie au moins, dans sa fidélité personnelle à la Loi, dans ses obligations de prière et dans ses obligations rituelles, d'observer la juste mesure entre Dieu et l'homme, entre l'exigence et la pratique. Il sait certes que Dieu est infiniment plus grand et plus puissant que lui, qu'il voit beaucoup plus loin ; mais le pacte d'alliance, il semble pourtant d'une certaine manière qu'on peut en faire le tou ; Dieu apparaît comme le partenaire qui doit, tout comme l'homme, s'en tenir aux clauses du contrat, et qu'on aurait pour ainsi dire le droit de l'avertir au cas où il semblerait oublier une clause (NB 6,167).

 

Discuter avec Dieu dans l’Ancien Testament

372. Dans l’Ancien Testament, une certaine discussion des prophètes avec Dieu est pardonnée qui n'est plus permise quand on suit le Christ. Parce que, dans l'ancienne Alliance, Dieu apparaît comme un partenaire qui se trouve en vis-à-vis, il concède que le prophète se comprenne aussi comme un partenaire et discute avec Dieu. Des explosions de rébellion, une conduite hésitante, même la désobéissance restent souvent impunies, pour mettre finalement en évidence la plénitude de la grâce qui sera offerte aux chrétiens (NB 6,168).

 

Dans l’Ancien Testament, Dieu renoue des liens avec les hommes

373. Dans l'ancienne Alliance, Dieu renoue des liens avec les hommes, et d'abord par la foi (NB 5,48).

 

374. Dans l'ancienne Alliance, pour toute extension de la foi, Dieu intervient lui-même par une révélation nouvelle. En revenant avec les tables de la Loi, Moïse apporte la volonté de Dieu comme il l'a apprise, avec des précisions et des dimensions nouvelles. L'homme a davantage part à Dieu et on exige davantage de lui (NB 5,67-68).

 

375. Toute parole de Dieu stimule et ouvre (NB 5,188).

 

Nouvelle Alliance : Dieu est entré dans notre temps

376. Par la nouvelle Alliance Dieu est entré dans notre temps et l'a adapté à son éternité (NB 10, n. 2177).

 

De l’Ancien au Nouveau Testament : apprendre à mieux connaître Dieu par le Fils

377. Le Fils de Dieu est devenu homme afin que par ce qu'il a d'humain nous apprenions à mieux connaître Dieu. L'image de Dieu en Israël était celle d'un Dieu unique ; dans son passage au Nouveau Testament, cette image prend les traits beaucoup plus précis de Dieu Trinité ; par le Nouveau Testament nous sommes initiés à une connaissance plus profonde de Dieu. Bien des paroles des prophètes semblent en être restées à un niveau de compréhension de Dieu qui ne correspond plus à notre foi néotestamentaire et ne lui permet guère de s'enrichir parce qu'il leur manque le visage du Christ. Ce n'est que la foi néotestamentaire qui donnera à ces paroles leur plénitude. D'autres paroles de l'Ancien Testament sont déjà en route vers cette plénitude (NB 6,97).

 

Les apôtres reçoivent un cadeau qui vient de Dieu 

378. Les apôtres sont des croyants qui tout d'un coup, d'un ciel serein, reçoivent un cadeau qui les comble, dont Dieu seul est l'origine. Ils ne reçoivent pas ce don selon leurs mérites ou leurs efforts, mais sans conditions. Ce n'est pas non plus leur personnalité propre qui fait l'expérience d'un complément ou d'une surélévation, tout l'accent est mis sur l'intervention de Dieu (NB 5,145).

 

Comprendre ce que Dieu a fait depuis Adam

379. Ce n'est que l'enseignement chrétien qui ouvre au pécheur, par un regard rétrospectif, la compréhension de ce que Dieu a fait depuis Adam et dans l'ancienne Alliance pour préparer la rédemption par le Christ et la rendre possible (NB 12,155).

 

La "Révélation" : une entreprise de Dieu

380. La "Révélation" est une entreprise de Dieu contre le péché. Dans l'ancienne Alliance, le monde est retenu dans sa chute loin de Dieu et ensuite, dans la nouvelle Alliance, il est ramené au Père par le Christ. Il rattrape la boule qui roulait en suivant les lois de la pesanteur du péché et il la rapporte au Père. Mais le monde - chose curieuse, justement aussi en tant qu’Église - auquel la révélation de Dieu a déjà été adressée fait la tentative d'échapper à nouveau à tout prix aux mains de Dieu (NB 5,71).

 

Dieu nous ouvre l’éternel

381. Si, au cours du temps, Dieu ne cesse de rendre visible de manière neuve l'ouverture sur l'éternel, c'est parce qu'il connaît notre inconstance et la force d'attraction qu'exerce sur nous tout ce qui est frais. Mais quand il s'agit de la force d'attraction de l'éternel sur l'éphémère, nous devrions comprendre que rien n'est obtenu avec un bref enthousiasme, mais seulement avec une persévérance dans le temps face à l'éternité qui persiste au-delà de tous les temps, une persistance qui devient nécessairement un accueil toujours nouveau de l'éternité dans le temps (NB 10, n. 2177).

 

Une manière pour Dieu de s’exprimer

382. Une apparition de la Mère de Dieu est pour Dieu une manière de s'exprimer (NB 5,185).

 

Dieu communique à chacun ce qu'il veut

383. Celui qui renonce librement au mariage afin d'être vierge pour Dieu sait qu'il aura part aux mystères de Dieu dans une plus large mesure. D'une manière à laquelle il peut sans doute se préparer en se mettant totalement à la disposition de Dieu, mais que Dieu réalisera totalement comme bon lui semblera. Dieu communique à chacun ce qu'il veut mais, dans ce qu'il communique, il y a aussi des allusions à ce qui n'est pas communiqué, à ce que Dieu ne donne qu'à pressentir et dont il omet de parler afin que le croyant sache qu'il existe un mystère auquel il n'a pas accès (NB 5,20).

 

384. Dieu a offert aux hommes la foi, l'espérance et l'amour (NB 6,188).

 

Les fleurs parlent de Dieu

385. Adrienne : « C’est l’époque (13 septembre) où les patients apportent des fleurs de leurs jardins, de toutes sortes, de toutes couleurs ; j’en ai des quantités, et hier j’ai passé un long moment à les arranger ; la pièce est magnifique ; j’ai retiré la plupart des tableaux pour n’avoir que les fleurs ; également des roses magnifiques dans un vase en cuivre ; souvent il me semble que les fleurs parlent si clairement de Dieu » (NB 8, n. 179).

 

386. Dieu nous est ouvert pour que nous nous élevions en lui (NB 12,107).

 

387. Rôle de l’Esprit : adapter le monde à Dieu (NB 6,399).

 

La mystique : Dieu se révèle

388. Le mystique voit Dieu qui se penche, Dieu qui se révèle (NB 2,76).

 

389. Toute expérience mystique authentique est une réponse à une offre de Dieu de faire connaître quelque chose de nouveau, de plus profond, du mystère caché de son amour (NB 5,77).

 

390. Parce que le Seigneur a confié l’Église aux hommes et que les hommes restent pécheurs, il doit donner à cette Église une vie constamment jaillissante. Une vie donc qui se dérobe aux idées des hommes. C'est ici que la mystique chrétienne est un cadeau à l’Église, un don qui échappe à toute mainmise, que Dieu distribue librement à ceux qu'il a choisis pour cela. La vie mystique est un plus qui est donné, une surabondance qui est soustraite au péché, soustraite à la finitude, soustraite à l'éphémère, mais qui est pourtant distribuée dans le fini et l'éphémère pour que l'infini et l'éternité rayonnent pour la foi d'une lumière nouvelle (NB 5,73).

 

391. L’Église ne peut pas sombrer. Cependant si la somme des péchés dépasse un certain seuil (qui n'est jamais humainement mesurable, Dieu seul le connaît), l’Église risque d'être soumise à nouveau aux lois de la pesanteur, c'est un combat pour sa survie qui s'engage. Dieu fait intervenir ici les éclairs de la mystique, Dieu intervient avec le contrepoids de la mystique (NB 5,71).

 

392. L'extase des mystiques est donnée par Dieu pour que son bénéficiaire ait part à quelque chose de la nature divine que Dieu désire communiquer. La manière dont est uni à Dieu celui qui qui se trouve en extase est totalement réglée par Dieu. Il choisit les hommes, il leur donne la disponibilité de l’obéissance pour accepter de lui tout ce qu'il veut donner, même si c'est lié, absolument et en tout premier lieu, à une dépossession d'eux-mêmes (NB 5,197).

 

393. Dieu est capable de dilater l'esprit humain et de le rendre capable de choses qui sont surnaturelles. Ainsi un prophète ou un mystique, dans l'extase, peut faire savoir des choses qui ne sont pas seulement des vérités humaines pieuses, mais des vérités divines absolues (NB 1/2, 170).

 

394. La prière du mystique est tellement absorbée par sa mission et soumise à elle qu'elle est très souvent infléchie : il voulait demander ceci et il doit demander cela. Quand ce genre d'impératif survient dans la prière, l'orant sait alors en toute certitude que Dieu veut lui communiquer quelque chose d'unique, au moins pour lui (NB 5,19).

 

395. La pure forme de la mystique chrétienne est un don de Dieu qui envahit des gens tout à fait indignes. Les signes d’authenticité sont d’une part la participation aux souffrances du Christ, d’autre part l’obéissance ecclésiale. Uniquement des visions et d’autres états extraordinaires sans participation à la Passion sous une forme ou sous une autre, cela n’existe pas (NB 8, n. 195).

 

396. Dans la mystique, il y a une consolation. Une consolation qui est adaptée aussi bien à la grandeur de Dieu qu'à la faiblesse de l'homme. Elle lui communique des choses qui sont nécessaires dans pour l'encourager et le rapprocher de Dieu ; elle lui donne ce dont il a besoin pour rester vivant, mais aussi ce dont il a besoin pour pouvoir mourir en chrétien. Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir ; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer. Il n'est pas nécessaire de montrer encore une fois la même chose aux martyrs qui viendront par la suit ; il suffit que le premier martyr l'ait vu. C'est en le sachant qu'ils peuvent se préparer à la mort (NB 5,35-36).

 

Les inspirations de Dieu

397. Les inspirations sont en sommeil en Dieu, et c'est lui aussi qui décide du moment où il va les communiquer à quelqu'un. Pour Dieu, une inspiration ne peut jamais se perdre ; il peut arriver tout au plus que quelqu'un se refuse à l'instant Dieu a décidé de se communiquer. La liberté de l'être humain est si grande qu'il peut toujours décider de se comporter vis-à-vis de Dieu de manière féconde ou stérile (NB 12,131).

 

 

II

Accueillir Dieu


 

Plan. 1. Écouter Dieu. 2. S’ouvrir à Dieu. 3. Chercher Dieu. 4. A la disposition de Dieu. 5. Ce que Dieu veut. 6. Le oui à Dieu. 7. Vivre en communion avec Dieu. 8. Dieu nous éduque. 9. La mission. 10. Le refus de Dieu.


 

1. Écouter Dieu

 

L’homme interpellé par Dieu

398. Le plan de la création de Dieu ne doit pas être séparé de son plan d'amour ; l'unité des deux réside dans le fait que l'homme est image de Dieu. Par ses propres forces, l'homme n'est pas en mesure de déchiffrer cette image, mais grâce à elle il se sent interpellé par Dieu, il sait qu'il porte en lui un mystère qui le dépasse et qui met en son être une tension qu'il ne peut pas apaiser ; il n'est pas livré à lui-même mais, avec sa liberté, il doit toujours penser aussi à l'infinité de Dieu, se tourner vers elle ou s'en détourner dans le péché (NB 6,523).

 

Écouter Dieu

399. Il faut seulement qu'une certaine attention à la voix de Dieu soit atteinte (NB 1/2 32).

 

Percevoir la voix de Dieu

400. Pour que nous puissions percevoir la voix de Dieu, il faut que soit enlevé ce qui nous empêche de l’entendre. J’enlève tout, non pour être vertueux mais pour que Dieu soit libre à mon égard. En moi, il y a comme un crible par les trous duquel je regarde Dieu. Si les trous sont bouchés, je vois moins bien, je vais chercher à les nettoyer. C’est dans la prière qu’on remarque le mieux où on a failli et ce qu’on doit changer, et non en se contemplant soi-même (NB 9, n. 1936).

 

Recevoir la voix de Dieu

401. Les chrétiens devraient cheminer sans exiger quoi que ce soit ; toute espérance leur est permise, mais Dieu seul peut prétendre à quelque chose ; l'homme doit recevoir la voix et le jugement de Dieu sans rien revendiquer : que sa parole se fasse reconnaître sous la forme d'une guérison physique ou seulement en esprit (NB 10, n. 2210).

 

Accorder plus d'attention à la voix de Dieu

402. Toute vraie prière connaît des instants où le croyant, de quelque manière que ce soit, se sent transporté dans un monde qui n'est plus le sien : certaines limites - de ses capacités, de sa compréhension, de ses sentiments, de ses attentes - disparaissent pour laisser place à quelque chose qu'il ne connaît pas, mais dont il est sûr dans la foi que cela appartient à Dieu. Ces instants peuvent avoir pour but de lui donner consolation et courage, de lui inspirer davantage de confiance ou peut-être de l'accompagner simplement dans la foi afin qu'il sache que son chemin est sûr. Le croyant comprend que ces expériences sont quelque chose qui lui est donné par Dieu lui-même, elles peuvent parfois atteindre un tel développement que ce qu'il a de personnel n'a plus d'importance. Il est totalement pris dans sa mission, et les expériences de Dieu lui sont données pour cette mission : elle en a besoin. Par ce qui est personnel, il a été entraîné à accorder plus d'attention à la voix de Dieu, à s'y adapter, à l'interpréter, à se laisser conduire par elle (NB 5,38).

 

403. Saint François de Sales exige de ceux qui lui sont confiés plus d’écoute de la parole de Dieu (NB 2,128).

 

Désirer entendre ce que Dieu a à dire

404. Saint Pierre Damien : sa prière est la prière d'un enfant. Il se tient devant son père, il sait qu'il est un enfant qui n'a rien d'autre à présenter que sa foi en la volonté paternelle de Dieu, rien d'autre que son obéissance, son don de lui-même, son désir d'entendre ce que Dieu a à lui dire pour s'y conformer (NB 1/1, 67).

 

405. Adrienne en vacances à Saint-Quay. Prière près de la mer. « A Bâle, après les consultations, quand on voudrait se reposer, on ne cesse encore d'être dérangé. Ici, c'est le repos si bien qu'on peut beaucoup prier. On n’est plus tourné vers le monde, on se tient constamment sans voile devant Dieu. On peut simplement écouter ce que Dieu dit, même si cela ne se laisse revêtir d'aucune parole et qu'il n'y ait que de l'amour qui soit communiqué » (NB 10, n. 2203).

 

Écouter Dieu dans la prière

406. Au sujet d’un homme d’Église : il n’est plus habitué à écouter Dieu vraiment dans la prière, celle-ci devient une sorte de pieux sommeil (NB 8, n. 786).

 

Accueillir la parole de Dieu

407. L'endroit où le ciel touche la terre en tel moment précis paraît insignifiant et secondaire. Une femme malade touche la frange du vêtement de Jésus et une force sort de lui. Une foule a faim et il la nourrit miraculeusement de pain et de poisson pour que les gens ne meurent pas dans le désert, ou simplement pour qu'ils aient la force d'écouter et d'accueillir sa parole. Et c'est pourtant dans ce secondaire que se révèle en même temps la grandeur de sa puissance. Il y a toutes ces rencontres apparemment fortuites avec des gens qui attrapent quelque chose de lui – une guérison, une parole de pardon – par quoi la vérité de Dieu entre dans leur vie. C'est par un petit coin qu'il commence et qu'il communique toute la grande joie de Dieu (NB 12,136-137).

 

Une réponse aimante à Dieu

408. L’homme devrait chercher à rester tel que Dieu veut le voir, à persévérer dans une réponse aimante à Dieu (NB 6,523).

 

409. Toute inspiration qui vient de Dieu oblige à une réponse adéquate dans notre vie (NB 6,172).

 

 

2. S’ouvrir à Dieu

 

L’homme est ouvert à Dieu

410. Job est comme un vase ouvert en face de Dieu. Pour lui, l'homme est béant et Dieu est béant. L’homme est ouvert à Dieu (NB 2,181).

 

Se tenir ouvert à toute révélation authentique de Dieu

411. La connaissance naturelle qu'on peut avoir de Dieu fait partie d'un ordre provisoire qui n'est pas mauvais en tant que tel. Dans quelle mesure l'homme et son image se projettent dans cette relation est secondaire par rapport au fait premier qu'il en voit les limites et en tient compte aussi longtemps qu'il n'est pas entré en contact avec la révélation plénière. Le mieux qu'il peut faire est de reconnaître que l'image de Dieu qu'il s'est faite est quelque chose qui lui correspond et, en tant que croyant qui en sait si peu sur Dieu, de se tenir le plus possible ouvert à toute révélation authentique de Dieu par lui-même (NB 6,33-34).

 

L’ouverture de l’âme à Dieu

412. Il y a l'adoration, l'ouverture totale de l'âme devant Dieu et l'amour pour lui au-delà de toute mesure et, dans l'amour, on se laisse remplir par Dieu (NB 6,76).

 

Se tenir ouvert à Dieu

413. Il y a des hommes auxquels le feu du purgatoire aura peu à faire parce que, depuis toujours, ils se seront tenus prêts pour Dieu, sans vouloir non plus devancer ses décisions. Ils voulaient rester ouverts à Dieu sans tout connaître à l'avance (NB 6,326).

 

Être ouvert à Dieu

414. Étienne, en mourant, voit le ciel ouvert et rien d'autre. Il le fait savoir à tous parce que sa mission le requiert ; il ne voit plus de distance entre le ciel et la terre, il ne voit plus que l'invitation et le ciel qui vient à sa rencontre. Étienne est tout ouvert à Dieu et Dieu s'ouvre à lui maintenant d'une manière visible (NB 6,283).

 

415. Quand Adam est créé, il reçoit de Dieu son corps et, dans ce corps, il n'y a rien qui l'empêche d'aller vers Dieu. Sa chair n'est pas opaque à Dieu, il n'y a pas non plus en elle de mise en garde. Adam ne se sentira pas à l'étroit du fait de son humanité. Il est doté de tout ce que Dieu lui fait connaître, de la manière dont Dieu veut être connu par l'homme (NB 12,169).

 

416. Marie : elle est ouverte à tout ce qui vient de Dieu (NB 1/2, 149).

 

417. Marie partage quelque chose de son mystère à ceux qui essaient de s'ouvrir totalement à la volonté de Dieu dans leur mission, sont reçus par Dieu et peuvent être féconds avec la Mère (NB 1/2, 274-275).

 

418. Combien d'entre nous sont ouverts à la Parole de Dieu, ouverts à la réponse de Dieu, enclins à l'amour de Dieu? (NB 4,341).

 

419. L’homme est ouvert à Dieu. Mais il arrive souvent que l’homme, dès sa jeunesse, fasse tout pour ne pas rencontrer Dieu (NB 8, n. 801).

 

420. Vivre ouvert à Dieu afin qu'on puisse entendre l'Esprit (NB 10, n. 2149).

 

S'ouvrir à Dieu (NB 3,44).

 

421. La contemplation de tableaux, surtout de tableaux conçus dans la foi, conduit l'esprit qui aime la beauté à de nouvelles possibilités de foi, le rend humble et par là plus ouvert à Dieu. On comprend que Dieu a besoin de tout et que tout a son sens en lui, que tous les dons qu'il fait aux hommes il voudrait les recouvrer développés afin qu'ils soient insérés dans l'échange de l'amour éternel (NB 10, n. 2231).

 

422. Saint François-Xavier ne peut pour ainsi dire rien penser, rien sentir, sans se heurter à Dieu. C'est en agissant dans l'amour que l'amour s'épanouit en lui et, dans cet amour, il s'ouvre à Dieu par le Christ (NB 2,96).

 

423. Pour saint Jean-Marie Vianney, la confession est avant tout un regard de Dieu sur l'âme, et toute l'ouverture de l'âme à Dieu ne sert en cela que d'instrument pour ainsi dire (NB 10, n. 2303).

 

424. Si aujourd'hui un chrétien est naïvement pieux, il dit les simples prières de l’Église qu'on lui a enseignées ; elles ont quelque chose de clair, de rassurant. Et voilà qu'il doit apprendre la contemplation. On lui dit : Ouvre-toi totalement à Dieu, fais-toi silencieux pour qu'il puisse te parler. Il ressentira alors aussi de la peur : y a-t-il vraiment ici un chemin ? Peut-on faire apprendre Dieu de cette manière ? Ne rencontrera-t-on pas que soi-même, ne s'induira-t-on pas soi-même en erreur ? (NB 10, n. 2090).

 

Être ouvert à la grâce

425. L'aveu dans la confession n'est pas dans ma bouche la compréhension totale de mon péché, mais l'acte par lequel je me livre à Dieu. Cet acte doit s'effectuer parce que je dois me dévoiler devant Dieu pour être ouvert à sa grâce. Mais ni le pécheur, ni même le confesseur n'ont besoin de peser et de mesurer le péché dans sa pleine objectivité et dans toute sa portée ; Dieu seul peut le connaître totalement, on ne doit jamais aspirer à cette totalité (NB 3,75).

 

L'Église : le lieu où l'on se rassemble pour s'ouvrir à Dieu

426. C’est si étrange d’adorer un enfant : Jésus enfant, tantôt seul, tantôt dans les bras de sa Mère. Mais il est Dieu justement. On voit en lui ce que serait une parfaite ouverture, comment on pourrait être totalement ouvert à Dieu si on voulait. Et c'est cela l'Église : le lieu où l'on se rassemble pour s'ouvrir. Quiconque fait partie de l'Église devrait faire ce que l'Église fait vis-à-vis du Seigneur. Il l'a fondée comme le lieu de l'ouverture (NB 10, n.2290).

 

Une ouverture à tout ce que Dieu donne

427. Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607) : tant qu'elle est seule avec Dieu, son extase est bonne, dans le cadre d'une obéissance stricte et une ouverture à tout ce que Dieu donne (NB 1/1, 157).

 

S’ouvrir totalement à Dieu

428. L'âme peut s'ouvrir totalement à Dieu. Tout ce qu'elle reçoit de Dieu est pure substance féconde (NB 12,111).

 

Transparents à Dieu

429. Au paradis, Adam et Eve étaient transparents à Dieu et l'un vis-à-vis de l'autre (NB 12,158).

 

430. Marie était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l'accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l'amour de Dieu sans ombre aucune. Et elle était ainsi la manifestation visible de l'amour de Dieu pour sa créature comme de l'amour de la créature pour Dieu. Un foyer d'amour (NB 10, n. 2154).

 

431. On devrait avoir la certitude qu'entre Dieu et nous il n'y a rien qui fasse de l'ombre (NB 7,76).

 

432. L’empereur Constantin : il cherche à être clair et honnête devant Dieu (NB 1/1, 46).

 

Entrer dépouillés devant Dieu

433. Dans la contemplation, nous abandonnons ce qui est nôtre, ce qui nous trouble, et nous entrons dépouillés devant Dieu afin qu'il dispose totalement de nous (cela fait partie des exigences de la foi) et, dès lors, c'est lui qui guide notre prière. Il nous est possible de prendre avec nous quelque chose qui nous est propre, mais seulement comme quelque chose qu’on offre et que Dieu peut accepter ou aussi négliger. Et si dans la prière il nous montre quelque chose de nous-mêmes, nous donne conscience de nous-mêmes, c'est alors une conscience qui vient par lui : elle n'est pas produite par nous, elle provient de la grâce qu'il met en nous (NB 5,173).

 

Être nus devant Dieu

434. Est fausse toute relation qui menace le naturel, qui empêche que nous soyons nus devant Dieu (NB 1/2, 99).

 

435. Être devant Dieu aussi clair que du cristal (NB 10, n. 2058).

 

Ne pas craindre de paraître devant Dieu

436. Adrienne, étudiante en médecine : « On devrait vivre de telle sorte qu'à aucun moment on ait à craindre de paraître devant Dieu » (NB 7,152).

 

La perméabilité à Dieu. L’humilité

437. L’humilité est le retrait de l’homme devant l’amour de Dieu, la simple perméabilité à Dieu, et le positif de cette attitude est donné dans l’amour de Dieu lui-même (NB 8, n. 878).

 

Humilité : ce qu’il fait est si minime devant Dieu

438. Il faut du temps à saint François de Borgia pour qu'il comprenne que ce qu'il fait est si minime devant Dieu que cela n'entre guère en ligne de compte (NB 11,401).

 

Humilité : une femme toute simple

439. La femme rencontrée par Ignace à Manrèse : « C'était une femme toute simple mais qui vivait tout près de Dieu » (NB 11,110).

 

Modestes devant Dieu

440. Plus sont grandes les exigences de Dieu, plus nous avons à nous montrer modestes devant lui (NB 4,453).


 

3. Chercher Dieu

 

La recherche de Dieu

441. Le Fils voit en l'homme une recherche de Dieu qui n'a pas encore abouti, il voit en Dieu la recherche de l'homme. Lui, le Fils, connaît la réponse des deux côtés, puisqu'il réalise par amour l'unité Dieu-homme. Mais pour cela il a besoin de l'Esprit, pas tellement comme le sien, mais comme l'Esprit qui demeure en Dieu et dans les hommes (NB 6,94).

 

442. Saint Ignace veut donner aux hommes le goût de la recherche de Dieu (NB 11,141).

 

443. La quête humaine de Dieu est toujours la réponse à une grâce divine (NB 6,529).

 

444. Dans ma recherche de Dieu, je ne m’arroge pas le droit d’établir moi-même des lois (NB 9, n. 1401).

 

Chercher Dieu

445. Au fond, ce que nous cherchons à tâtons, c'est toujours Dieu finalement (NB 6,236).

 

446. Je pourrais peut-être vous aider à chercher Dieu (NB 3,100).

 

447. Dieu nous trouve avant que nous le cherchions (NB 6,434).

 

448. Le Créateur attend de la créature qu'elle cherche Dieu, se tienne devant lui, revienne à lui (NB 1/2, 161).

 

449. On devrait apprendre à chercher Dieu en tout, à l'adorer aussi dans les prières obligatoires qui me plaisent peut-être moins (NB 11,248).

 

450. Un conseiller spirituel peut se chercher lui-même plutôt que Dieu (NB 1/2, 237).

 

451. Chercher Dieu et sa volonté (NB 7,274).

 

452. "Nous ne chercherions pas Dieu s'il ne nous avait pas trouvés", s'il n'avait pas mis en nous les conditions voulues pour le trouver. Ses inspirations sont pour nous compréhensibles. Il peut suivre plusieurs chemins : nous éclairer soudainement comme frappe la foudre, transformer et réorienter notre vie tout entière. Il peut, avec la même soudaineté, nous montrer quelque chose qui nous était déjà connu mais, à présent, cela nous apparaît irrévocable et urgent, et cela a des conséquences beaucoup plus profondes que nous ne le pensions. Mais il peut aussi procéder tout autrement (NB 10, n. 2148).

 

Désirer Dieu

453. L’Église désire Dieu ardemment en quelque sorte, et elle ne sait pas exactement si c'est au Fils qu'elle aspire ou à l'Esprit Saint ou à Dieu le Père. C'est l'Esprit qui clarifie les besoins de l’Église (NB 6,405).

 

454. Adrienne, étudiante en médecine : « Je voudrais entendre la voix de Dieu et je ne l'entends pas » (NB 7,129).

 

455. Les rapports avec le prochain devaient apprendre aux hommes à avoir des rapports avec Dieu, à désirer Dieu au moins autant que le prochain (NB 9, n. 1742).

 

456. Saint Ignace : son désir est devant Dieu comme une prière (NB 11,103).

 

457. Adrienne, 14 avril 1945 : elle ressent un très grand désir d’être unie à Dieu (NB 9, n. 1298).

 

Une soif de Dieu

458. Pour l'évangile, quelqu'un a soif et il reçoit à boire. Et s'il n'a pas encore soif, l'évangile lui indique au moins qu'il y a en l'homme une source scellée de soif de Dieu et que l'évangile peut l'apaiser (NB 4,49).

 

Le désir d’arriver à Dieu

459. Au début du purgatoire, le Seigneur éveille en moi un désir d'arriver à Dieu (NB 6,351).

 

Se languir de Dieu

460. Adrienne, interne en médecine : « Maintenant je parle peu dans ma prière. Souvent pas du tout. Comment dire ça ? Quand mon père vivait encore et que j'étais une toute petite fille, souvent, comme tout d'un coup, il m'arrivait de me languir de lui. Il était dans sa chambre, occupé à lire, ou bien il faisait des comptes ou autre chose. Alors j'entrais, toute seule, il y était habitué et il ne disait rien. Et je restais là simplement. Sans parler, parce qu'il était occupé. C'est ainsi que je pense souvent : je m'approche un peu du Bon Dieu, tout doucement. Je ne veux pas le déranger, seulement être un peu avec lui. Parce que je me languis de lui » (NB 7,196).

 

Aspirer à Dieu

461. On peut rassembler des saints, par exemple saint Ignace et la petite Thérèse et Marie de l'Incarnation et Jean de la croix et Catherine et Jeanne d'Arc, et dire d'eux : ils voulaient tous la même chose, ils n'aspiraient qu'à Dieu (NB 4,439).

 

Attiré par Dieu

462. Ce qu'il y a réellement, c'est qu'on est attiré par Dieu : par la pensée, par la prière et par l'action avec pour effet que certains domaines sont abandonnés. Je ne pense pas tellement maintenant au fait qu'on cesse de pécher, que le mal cesse d'exercer sur nous une attraction, que nous laissons derrière nous la zone de la tiédeur. Mais je pense à un mouvement à l'intérieur du bien. On est en sécurité en Dieu et on est conduit par lui (NB 10, n. 2135).

 

463. Sainte Madeleine-Sophie Barat : une femme qui est attirée par Dieu (NB 2,88).

 

Quelque chose qui rend attentif à Dieu

464. Les hommes construisent pour Dieu des demeures où il doit se sentir bien, et il leur donne la grâce de la beauté ; elles sont vraiment quelque chose qui rend attentif à lui (NB 10, n. 2230).

 

Se tourner vers Dieu

465. Paul est sur le chemin de Damas, un chemin qui l'éloigne de Dieu. Puis Paul entend la voix ; au même instant il se convertit. Il est maintenant devenu si fort qu'il peut mettre un terme à sa fuite et se tourner vers Dieu plus rapidement qu'il ne le fuyait (NB 12,254).

 

Tourner notre visage vers Dieu

466. La distance qui sépare Dieu de la créature s'est agrandie par le péché ; en péchant, Adam a tourné le dos au Père et, en s'habituant au péché, l'humanité s'est toujours plus éloignée de Dieu, cela la contraint aussi par conséquent à devoir faire des efforts toujours plus grands pour surmonter l'éloignement du péché. Parce que le pécheur a perdu la mesure de la juste distance, il n'est plus capable d'apprécier ce qui serait nécessaire pour la retrouver. Alors le Père envoie le Fils, et celui-ci nous montre l'unique véritable possibilité de tourner à nouveau notre visage vers Dieu, de l'aimer à nouveau et de rester réceptif à l'amour. Il nous offre l'état de grâce (NB 6,196-197).

 

Regarder vers Dieu

467. Celui qui pense à ses péchés s'empêche lui-même de regarder vers Dieu. Celui qui regarde vers le haut est plus proche de Dieu que celui qui regarde vers le bas (NB 11,62).

 

468. Saint Louis de Gonzague : dans son zèle paulinien - qui est un résultat de sa réponse continuelle à Dieu -, il s'oublie totalement lui-même par la grandeur du mystère dont il fait l'expérience, qui se communique et se manifeste. Son monde est pour lui tellement le monde de Dieu, de sa révélation et de son amour que Louis a l'impression d'être comme une minuscule pièce de mosaïque dans le monde créé par Dieu et qu'il faut rendre à Dieu. Il voit si nettement la distance entre Dieu et l'homme que son regard se tourne toujours plus vers Dieu pour se laisser conduire par Dieu. Il vit dans l'obéissance et dans le bonheur paisible de celui qui aime et qui est aimé (NB 2,105).

 

N’avoir d’yeux que pour les choses de Dieu 

469. L'authentique transparence dans la vie religieuse ressemble par avance à l'état céleste où l'on n'a plus d'yeux que pour les choses de Dieu, où l'on ne se regarde plus soi-même (NB 11,329).

 

S'orienter totalement vers Dieu

470. Nécessité de s'orienter totalement vers Dieu malgré tout. Regarder en face la réalité de Dieu (NB 7,83).


 

Trouver Dieu

471. Si un jeune de vingt-cinq ans affirme : "J'ai toujours fait ce qui était mon devoir, mais je n'ai jamais trouvé une joie quelconque en Dieu", ce n'est certainement pas vrai. La vérité est peut-être que, dans sa famille, la religion était une affaire superficielle ; et quand le jeune commença à devenir autonome, il se mit, en dehors de son fonctionnement superficiel, à se chercher lui-même au lieu de chercher Dieu. Mais s'il a cherché Dieu, il a certainement ressenti l'une ou l'autre consolation avant de se trouver dans la désolation (NB 11,378).

 

472. Il y a des sensations agréables et il y en a de désagréables, mais les deux sortes de sensations peuvent être un accès à Dieu. La chaleur est agréable, on en a besoin pour faire son travail, on remercie Dieu pour cela. Être réchauffé veut donc dire quelque chose comme être éclairé par la grâce de Dieu, être rapproché de lui. Le froid est pénible ; mais il se peut que, pour le service de Dieu, je doive avoir froid à l'occasion. Je peux aussi sans doute m'exposer un jour au froid comme pénitence si bien que le froid aussi peut me rapprocher de Dieu. Les deux possibilités - ce qui est agréable et ce qui est désagréable - peuvent servir pour la relation avec Dieu. Il est présent des deux manières, on peut le trouver des deux manières (NB 6,236).

 

Tout quitter pour trouver Dieu seul

473. Le monachisme en ses tout débuts, l'ermite : il quitte tout pour trouver Dieu seul. Il sait que dans sa prière et dans les effets de sa prière il participe au Dieu qui a créé toutes choses. Ce qu'il rencontre en réalité, ce n'est pas seulement l'origine de toutes choses, mais Dieu, tel qu'il était et tel qu'il est avant d'avoir créé le monde (NB 5,44).

 

Trouver Dieu en toutes choses

474. Au mur, le tableau de la mer est si vivant avec son eau, qu'on pense à la Bretagne ; on voit devant soi la mer et la création de Dieu tout entière, et il n'est pas difficile de trouver et de chercher Dieu en toutes choses. On n'a pas besoin de se donner du mal pour cette recherche, on est porté vers Dieu et, quand on a trouvé, cela se transforme tout de suite en amour - pour Dieu et pour les hommes - et en prière. La beauté des choses a forcément pour le croyant l'effet de le diriger vers Dieu, de faire sourdre la prière. C'est pour Dieu une joie de savoir qu'il y aura dans son monde une fleur comme cette rose devant moi. Qu'elle répandra ce parfum. Comment Dieu ne serait-il pas déjà ivre de joie à l'avance en y pensant ? Et que pourrait-il faire d'autre que de créer l'homme pour que lui aussi ait part à cette joie en ce monde ? On comprend, à partir d'une fleur, que c'était la volonté de Dieu que l'homme aussi soit beau, l'être le plus beau du monde, en son corps et en son âme (NB 10, n. 2152).

 

475. Celui qui voudrait trouver Dieu en toutes choses en voulant jouir de tout – même si c'était en tout bien tout honneur – s'éloignerait très vite de Dieu. C'est pourquoi il est clair que l'expression : "Trouver Dieu en toutes choses" ne veut pas dire se tourner vers le monde pour jouir du monde. Je dois au contraire trouver Dieu en toute situation : dans le plaisir comme dans le renoncement. Il se trouve en tout ce qu'il offre, dans la joie et dans la tristesse, dans le plaisir et dans le renoncement, s'ils sont accueillis chrétiennement (NB 11,412).

 

Toujours continuer à chercher Dieu

476. "Qui cherche trouve". Remercier Dieu qu'on trouve en le cherchant. Mais on doit toujours continuer à chercher quand on a trouvé afin que l'obéissance vis-à-vis de Dieu ne s'alanguisse pas, mais que tout reste vivant dans une relation constante avec le Fils, et le Fils le conduit au Père. L'obéissance se trouve dans le oui à Dieu, qui est adopté une fois pour toutes, mais elle se trouve également dans tous les petits oui de la journée qui font partie de la grande ligne (NB 11,30).

 

Perdre Dieu ?

477. On ne peut pas perdre Dieu parce que c'est lui qui nous trouve et pas nous qui le trouvons (NB 7,71).

 

Arriver à Dieu

478. Ici-bas, l'homme pense rarement à la mort, plus rarement encore au purgatoire. Et s'il lui arrive de s'en souvenir, il pense à tout ce qui n'est pas net dans son âme, à tout ce qui l'empêche d'arriver à Dieu, il cherche à le discerner et à la rigueur à le combattre (NB 6,343).

 

Les nombreuses possibilités d'accès à Dieu

479. L'Esprit aime ouvrir de manière nouvelle les nombreuses possibilités d'accès à Dieu (NB 6,552).

 

Connaître Dieu : « Dieu, montre-moi qui tu es »

480. Prière d’Adrienne étudiante en médecine : « Mon Dieu, je voudrais connaître ta vérité ! Seulement ta vérité et rien d'autre ! Afin que je puisse servir ta vérité en vérité. Et c'est pourquoi je te le demande, enlève de moi tout ce qui n'est pas à toi, ce qui n'est pas vrai, ce qui n'est pas compatible avec ta vérité. Je te le demande : montre-moi qui tu es. Montre-moi, dans l'idée que je me fais de toi, ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Ne te lasse pas de tout me montrer de telle sorte que je sois sûre que tu es le vrai Dieu et comment tu es le vrai Dieu. J'ai besoin de cette vérité non seulement pour moi, j'en ai besoin pour tous ceux qui viennent, et pour tous ceux qui s'en vont, et pour tous ceux que je connais, et pour tous ceux que je ne connais pas. Je voudrais avoir cette vérité afin que la vérité du monde devienne ta vérité. Oh! Je t'en prie, montre-moi comment tu es autrement et révèle-moi cet autrement jusqu'à ce que ce soit la vérité de manière irrévocable comme tu es véritablement (NB 7,141).

 

Connaître Dieu 

481. Dieu peut à tout moment nous mettre en situation d'apprendre par une expérience intérieure des vérités de Dieu que nous connaissons et que nous devons annoncer (NB 6,265).

 

482. Un « saint » de l’époque moderne : il veut apprendre à connaître Dieu (NB 2,101).

 

483. Celui qui prie fait connaissance de manière nouvelle avec l'être de Dieu (NB 12,174).

 

Mieux connaître Dieu

484. Dans la prière, on peut se rattacher à tout. Également à une joie ou à une souffrance qu'on a éprouvée et par laquelle on apprend à mieux connaître Dieu, ou à une histoire qui m'a été racontée, ou à quoi que ce soit dans la création. On peut se laisser conduire plus loin par tout. Un beau paysage : beauté et clarté en général. Un plan que j'ai : le plan de Dieu avec nous et avec le monde. Quand les choses de ce monde s'ouvrent sur Dieu, on n'est plus soi-même le point de référence, on devient le point de réception de ce que Dieu donne (NB 10, n. 2058).

 

Connaître Dieu plus profondément

485. Tous les hommes sont pour saint Ignace l'occasion de connaître Dieu plus profondément (NB 11, 229).

 

Regarder Dieu de manière toujours plus vivante

486. Dieu offre sa sainteté à tout le monde. Mais Dieu l'offre aussi de manière particulière à ses élus. Tous les humains - les pécheurs et les saints - sont réellement compris dans la sainteté de Dieu, mais pour regarder Dieu de manière toujours nouvelle et toujours plus vivante, ils ont besoin des élus de Dieu qui se sont si bien décidés une fois pour toutes pour la sainteté de Dieu qu'ils se sont laissé prendre par elle, qu'ils vivent en elle et meurent en elle (NB 2,34).

 

Comprendre Dieu

487. Le souffle de l'Esprit "où il veut" semble souvent à l'homme se faire au hasard. L'homme est habitué non seulement à mesurer les choses de ce monde avec ses propres mesures, mais à accueillir même les choses de Dieu dans son expérience chrétienne selon ce que lui-même attend. Ce qui pourrait se passer en lui par la grâce de l'Esprit est d'emblée psychologiquement canalisé et réduit. Si le souffle de l'Esprit ne correspond pas à son attente, il dit qu'il ne comprend pas Dieu. C'est qu'il a cessé depuis longtemps déjà de marcher avec lui. Si toute une pastorale, ou peut-être même toute une théologie, est bâtie sur une telle attitude, la différence entre le Dieu qui est et celui que l'homme imagine ne fait que s'accroître, l'écart devient toujours plus tragique. Ce n'est pas seulement de la largeur, de la longueur et de la profondeur de la vérité qu'il s'agit, c'est sa nature même qui est changée. Le "Dieu" qui finalement est projeté sur le mur n'est plus qu'une image que l'homme a ébauchée d'après sa propre nature. Dieu est devenu "image et ressemblance" de l'homme. Et alors, pour remettre les choses en ordre, l'Esprit doit souffler dans l'homme qui est encore en train de mûrir avant même que ses propres possibilités l'aient rendu incapable de Dieu. Ou bien l'Esprit doit l'atteindre de manière à faire s'écrouler sa construction (NB 11,24-25).

 

De la connaissance de Dieu

488. Il peut très bien se faire que quelqu'un, pendant sa méditation ordinaire, soit gratifié des connaissances de Dieu les plus profondes sans qu'on en remarque rien extérieurement (NB 5,199).

 

Croître dans la connaissance de Dieu

489. Toute croissance dans la connaissance de Dieu inclut une obligation (NB 9, n. 1401).

 

Être illuminé par la lumière de Dieu

490. Saint Ignace sait une fois pour toutes ce que cela veut dire être illuminé par la lumière de Dieu, une lumière qui, par la force de son rayonnement, peut transformer en sagesse même ce qu'il y a de plus stupide (NB 11,98).

 

Un mystère de Dieu lui a été confié

491. Saint Charles Borromée : on lui a confié un mystère de Dieu pour qu'il le garde vivant ; ce mystère semble d'abord le concerner lui seul ; ce mystère doit grandir en lui avant qu’il puisse en façonner efficacement son apostolat et sa personne. Suivre le Christ, c'est cela le mystère, c'est un mystère absolument divin parce que l'obéissance originelle est prêtée par le Fils au Père. Ce saint a vu ce mystère dans le Seigneur et il a prêté obéissance avec lui dans l'Esprit (NB 2,147-148).

 

Avoir part au mystère de Dieu

492. Plus la carmélite a part au mystère de Dieu, plus aussi son attitude doit être claire, plus les petites actions de sa vie quotidienne doivent avoir un but, plus elle doit avoir l'oreille fine dans l'attention à ses sœurs (NB 10, n. 2221).

 

493. Un accueil toujours plus grand du mystère de Dieu (NB 2,80).

 

Saisir quelque chose de Dieu

494. Ici-bas, les connaissances de Dieu que nous avons par la foi, nous les portons dans des dogmes et des concepts donnés et, avec eux, nous expliquons aussi aux autres notre foi. C'est dans l'espace et le temps et dans notre esprit limité que nous saisissons quelque chose de Dieu. Au ciel par contre, nous serons complètement ceux qui sont saisis, nous vivrons totalement en la présence de Dieu et de sa présence, nous serons comme perdus dans sa contemplation et absorbés par elle (NB 2,204).

 

Comprendre ce que Dieu veut dire

495. Le saint fait la volonté de Dieu grâce à un discernement que Dieu lui donne en l'incitant à s'améliorer, à faire le bien ; mais pour comprendre ce que Dieu veut dire, il doit regarder les autres et apprendre d'eux (NB 6,41).

 

Être discret vis-à-vis de Dieu en cherchant à le comprendre

496. La Parole infinie nous invite à reconnaître nos limites, à être discret vis-à-vis de Dieu et à ne pas chercher à lui extorquer ce qu'il ne veut pas dire. Quand nous chercherons à comprendre, nous ne serons plus tentés de nous engager dans des chemins qu'il nous interdit pour une raison ou pour une autre (NB 6,38).

 

Mieux comprendre Dieu

497. Les saints sont ceux qui aiment vraiment. Ils sont ceux qui aident les pécheurs à mieux comprendre Dieu et à lui être unis. Ils ne sont pas le centre, celui-ci se trouve en Dieu et dans le Christ ; ils ne sont le centre que comme médiation et communication. Ce qu'ils reçoivent continuellement du Seigneur, c'est pour le transmettre et, ne gardant rien pour eux, ils ne cessent de recevoir de l'amour à distribuer (NB 6,467).

 

498. En tant que pécheurs, nous avons tellement perdu l'intelligence des choses de Dieu que Dieu Trinité nous offre de multiples voies pour nous familiariser avec ses attributs et avec ses grâces (NB 2,198).

 

499. Saint Ignace doit maintenant se faire de Dieu une idée plus riche grâce aux perspectives d'autres personnes (NB 11,144).

 

500. Saint Augustin : dès qu’il comprend que Dieu l'aime d'un amour personnel, il lui devient presque difficile de le trouver aussi grand qu'auparavant ; dans son habitude de Dieu, en tant qu'habitué de Dieu, il lui devient presque difficile de garder de la crainte respectueuse devant ses mystères. Il s'approche de Dieu comme un adolescent enthousiaste se fait disciple d'un maître éminent et adoré : c'est un moment dangereux pour la relation à Dieu d'autant plus que lui et ceux qui lui ressemblent ont l'habitude de charmer les humains. Pourquoi aussi ne pas charmer Dieu un jour pour le comprendre, pour découvrir ses mystères ? Il est parfois sur le point de le faire (NB 2,100).

 

501. Ce que nous sommes capables de comprendre de Dieu, ce que Dieu exige de nous (NB 10, n. 2054).

 

502. Je prie par exemple pour que le monde comprenne mieux les mystères de Dieu (NB 10, n. 2059).

 

503. Dieu a créé le monde pour révéler sa sainteté et il y a placé l'homme pour qu'il ait part à cette sainteté des manières les plus diverses. Il lui a fait connaître sa sainteté pour qu'il apprenne qui est Dieu (NB 2,33).

 

504. L’un des premiers moines comprit un jour qu’il devait aller dans la solitude (il n’y avait pas encore de monastères en ce temps-là) pour y chercher, y prier et y apprendre Dieu (NB 9, n. 1980).

 

La connaissance mystique : Dieu la donne à qui il veut et comme il veut

505. La connaissance mystique reste en la possession de Dieu et à sa disposition, il la donne à qui il veut et comme il veut et dans la mesure où il le veut (NB 5,41).

 

Des chemins vers Dieu

506. Le Fils veut se communiquer aussi complètement que possible, ouvrir partout des chemins vers Dieu (NB 6,196).

 

507. Sur terre, le grand commandement du Seigneur est de nous aimer les uns les autres. Par l'amour du prochain, l'amour de Dieu est garanti et établi toujours plus solidement. Le chemin décisif vers Dieu passe par l'amour du prochain (NB 3,97).

 

508. La joie du Seigneur Jésus : montrer à beaucoup d'hommes le chemin vers Dieu (NB 3,388).

 

509. Par sa prière, sainte Monique prépare un chemin vers Dieu pour tous ceux qu'il veut appeler (NB 2,49).

 

510. Sainte Thérèse de Lisieux montre ce que l'âme doit faire si elle veut être en chemin vers Dieu, mieux encore : si elle ne veut pas s'écarter du chemin mais rester vigilante et prête (NB 2,67).

 

511. Saint Athanase : il est celui qui a dit oui pour se laisser conduire ensuite sur les chemins que Dieu seul détermine (NB 2,158).

 

512. L’Écriture est un mystère d'amour parce qu'elle est un moyen que Dieu prend pour se communiquer à nous et se rapprocher de nous. Tant que des hommes sont créés par le Père, l’Écriture reste un accès à lui. Elle doit être vivante pour chacun et elle contient pour chacun personnellement ce qui est important pour lui et pour son chemin vers Dieu (NB 1/2, 241).

 

513. Tite demeure plein de vénération devant Paul et plein de vénération devant le Seigneur sur le chemin que Dieu lui a destiné (NB 1/1, 38).

 

514. Fra Angelico (+ 1455) : il aime le chemin qui conduit à Dieu et il est constamment occupé à contempler ce chemin. Toute sa prière vit sur ce chemin et s'il est devenu religieux et s'il a choisi Dieu en somme, c'est pour rester sur ce chemin. Tout ce qu'il apprend dans la prière et dans sa vie quotidienne, tout se rapporte toujours à ce chemin qui conduit à Dieu. C'est le chemin de l'esprit d'enfance et des enfants de Dieu. C'est le chemin de la sainteté, le chemin du renoncement dans l'amour, dans l'amour du prochain (NB 1/1, 107).

 

515. Pâques 1941. Adrienne : « Je dois dire dès maintenant que je suis prête à passer par tous les chemins que Dieu voudra me faire emprunter ; il sait combien cela peut être dur, mais il sait aussi dans sa bonté combien il peut exiger de quelqu'un ; qu'il me donne seulement la grâce de le servir vraiment » (NB 8, n. 53).

 

516. Trouver le juste chemin vers Dieu (NB 8, n. 93).

 

517. A supposer que je n’aime pas telle sainte mais que tu l’estimes beaucoup, elle est pour toi un chemin vers Dieu, je n’ai pas le droit de la critiquer devant toi, je peux tout au plus t’aider à dépasser un certain niveau dans ta relation avec elle (NB 9, n. 1549).

 

518. Trouver le chemin qui a été choisi par Dieu pour nous. Il n’y a toujours qu’une seule chose que Dieu a choisie ; tout le reste s’y ramène (NB 9, n. 1953).

 

519. Durant la nuit, je demande à Dieu de me montrer le chemin (NB 10, n.2190).

 

520. Durant la nuit, le chemin vers Dieu est plus ouvert (NB 10, n. 2262).

 

521. Le chemin de Dieu est plein de dangers (NB 11,132).

 

522. Saint Ignace voudrait passer lui-même par quelque chose qui ressemblerait à une obéissance. Avoir entre lui et Dieu quelqu'un qui lui indique les chemins pour aller à Dieu (NB 11,133).

 

Au ciel, un cheminement joyeux vers Dieu

523. Dieu Trinité nous attire à lui, dans la forme de son existence divine. Au ciel, tout ce qui est perçu, tout ce qui est dit, est contenu dans le fait que Dieu attire tout à lui. Et pourtant il reste quelque chose qu'il ne serait pas juste d'appeler désir mais qui, au sein de la vision de Dieu, est un cheminement joyeux vers lui. Nous aimons et nous sommes aimés, et l'échange d'amour est mouvement vers Dieu : on est toujours arrivé au but tout en demeurant en mouvement. Comme un ruisseau dans la forêt : on est charmé par sa présence et on peut en même temps le longer ; c'est tout aussi beau qu'il soit ici comme il était là et qu'il continue à couler ; tout ne fait qu'un. Rien que le mouvement de l'eau, qui fait partie de sa nature, nous charme, mais aussi que nous puissions nous déplacer avec lui. Que le ruisseau coule continuellement est aussi une surprise toujours nouvelle, car de l'eau nouvelle coule toujours dans le même ruisseau. De même au ciel, il y a l'éternelle surprise que Dieu nous appelle constamment et que nous nous trouvions constamment devant lui dans la réponse. Et parce que ceci est un état, on ne peut pas dire que celui qui est au ciel depuis longtemps et se trouve en chemin vers Dieu soit plus joyeux et plus comblé que celui qui vient d'arriver (NB 6,74-75).

 

Obstacles sur le chemin vers Dieu

524. Il y a des moments où le problème des obstacles qui nous empêchent d'aller vers Dieu ne se pose pas. Quand par exemple je dois manger pour pouvoir travailler pour Dieu. Ou aussi à l’occasion d'un pur plaisir. Il est interdit d'être indifférent quand on doit offrir un consentement joyeux parce qu'un don vient de Dieu et que Dieu attend de nous que nous le recevions avec joie. Ce serait faire preuve d'ingratitude à l'égard de Dieu que d'être indifférent à ce don. Mais même cette réception joyeuse doit avoir un arrière-plan d'indifférence qui laisse tout ouvert, qui pense que Dieu peut en disposer à nouveau autrement, qui ne préjuge de rien (NB 11,347).

 

Marcher vers Dieu

525. Dieu a créé les hommes et il les a rendus capables de faire des pas vers lui, des pas qui sont une marche avec Dieu et dans la force de Dieu (NB 6,34).

 

526. Au ciel on est si attaché à Dieu que le désir personnel qu'on a d'en voir davantage de Dieu disparaît totalement dans le désir de ne voir que ce que Dieu nous montre. L'aspiration à Dieu est sans ambition, c'est une marche en avant sans faire de pas. Le ciel tout entier est en marche vers Dieu (NB 6,569).

 

Marcher derrière Dieu

527. Saint François de Borgia : sa prière est tout à fait humble, sans relief, effacée. Il se tient devant Dieu et il sait que Dieu voit tout en lui. Il éprouve une grande douceur à être dans la prière, mais sa prière a peu de contours. Sa prière quotidienne est pur service, sans rien de sensationnel. Il marche derrière Dieu comme un petit enfant qui suit sa mère à petits pas (NB 11,403).

 

Se rapprocher de Dieu

528. Quelqu’un a perdu ses amis dans un accident. Ils sont morts. Mais parce qu'il avait offert le sacrifice comme il fallait, il s'est rapproché de Dieu par cette perte (NB 4,21).

 

529. Les saints sont comme des lunettes par lesquelles nous nous approchons de Dieu, par lesquelles nous pouvons le voir (NB 8, n. 875).

 

Arriver en Dieu

530. En devenant "participants de la nature divine" (2 P 1,4), notre nature est élevée, ses limites sont rompues, pour arriver non dans le vide mais en Dieu (NB 12,140).

 

Paul : Dieu m’a rencontré

531. Le Paul surnaturel prend naissance là où le Saul naturel s'abandonne dans la foi. Saul tombe par terre avec son corps pour que l'esprit de Paul reconnaisse cette chute comme son point de départ et pour qu'il reconnaisse dans son naturel un cadeau de Dieu, car les actes surnaturels s'enracinent dans les actes naturels de l'esprit. Paul pourrait dire : "Quand Dieu m'a rencontré, je suis tombé à genoux et je me suis fait mal. Je fus saisi si puissamment par Dieu de manière surnaturelle que mon moi naturel s'est évanoui" (NB 6,34).

 

Quand Adam rencontrait Dieu

532. Quand, au paradis, Adam rencontrait Dieu et parlait avec lui, il savait qu'il se trouvait en présence de l'infini, de la démesure, comme un être créé devant son Créateur. Mais la différence infinie entre le monde de Dieu et le monde créé n'était pas pour lui une question inquiétante. Il ne ressentait pas du tout la distance comme un abîme infranchissable (NB 6,49).

 

L'homme sans péché est toujours heureux de rencontrer Dieu

533. Pour Adam avant le péché, la relation à Dieu était quelque chose de tout à fait évident, même si ce n'était pas formulé. Bien qu'il y eût dans cette relation beaucoup de surnaturel, Adam, qui avait encore le don de discernement, devait néanmoins la considérer comme quelque chose de "naturel", de donné, comme faisant partie de son existence telle que Dieu la voulait. Que Dieu se promène dans le paradis quand et comme il lui plaît ne faisait aucun problème pour Adam qui était tout à la fois rempli d'attente et sans attente. Rempli d'attente, parce que l'homme sans péché était toujours heureux de rencontrer Dieu à nouveau, et cependant il ne prétendait pas avoir droit à une nouvelle rencontre du fait d'une rencontre précédente. Sans attente, parce que tout ce qui était, tel que c'était, était bon et que l'homme ne portait pas de jugement sur la proximité ou l'éloignement de Dieu. Entre-temps Adam s'occupait de choses qui faisaient partie de la bonne création de Dieu, avec des pensées qui ne l'éloignaient pas de Dieu. Si bien que les allées et venues de Dieu prenaient dans la vie d'Adam une place "naturelle" (NB 6,186-187).

 

Rencontrer Dieu

534. Adam a tourné le dos à Dieu. Marie reprend en quelque sorte la tâche originelle d'Adam et elle garde son visage tourné vers Dieu. Elle ne se détourne pas de Dieu comme Adam. Elle est investie par Dieu et elle le rencontre de tous côtés (NB 6,180).

 

535. Saint Nicolas de Flue doit tout quitter afin qu'il soit prêt, dans la solitude, pour une rencontre mystique telle que Dieu veut la lui donner. La manière dont a lieu la rencontre dépend de Dieu. La personne concernée doit s'adapter, elle doit seulement être consciente que Dieu peut à tout instant changer ses habitudes et exiger de nouvelles formes d'obéissance (NB 5,18).

 

536. Il y a les faibles pour qui la foi est une sorte d'assurance, et il y a les forts qui cherchent à régler toute leur vie selon la foi. Tous ont eu d'une manière ou d'une autre des rencontres avec Dieu (NB 5,211).

 

537. Quand je commence à prier avec des mots, un Notre Père par exemple, je m'adresse à Dieu que je connais et je lui dis les mots que je sais. Je suis à genoux dans cette pièce, les mains jointes, j'ai telle journée derrière moi. Toute la journée, j'ai été un enfant de Dieu, tantôt plus, tantôt moins, et je prie maintenant avec les mots que le Fils nous a donnés. Aucun Notre Père pourtant ne ressemble à un autre. Dieu m'attire tantôt d'une manière, tantôt d'une autre. Il me touche tantôt superficiellement, tantôt au cœur. Dieu donne à notre rencontre avec lui une forme toujours différente (NB 5,251-252).

 

538. Le saint rencontre Dieu dans la foi. C'est là qu'il fait l'expérience de l'amour de Dieu et qu'il essaie de répondre à son amour divin dans l'Esprit. Il espère que la grâce de Dieu lui permettra une rencontre durable avec Dieu. Jamais il ne s'inventera le droit de rencontrer Dieu à partir de sa propre sainteté. Et pourtant la sainteté est ce que Dieu requiert de l’homme de la manière la plus absolue ; le Fils l'exprime dans son commandement d'être parfait comme le Père du ciel (NB 2,198-199).

 

539. Adrienne : dès qu’elle se réveille, sa première pensée, c’est Dieu, sans effort. Elle se souvient encore précisément d’un jour, il y a quelques années, où il y eut une exception : elle dut d’abord se recueillir pour penser à Dieu. Mais tandis que d’habitude elle vole pour ainsi dire à la rencontre de Dieu (NB 9, n. 1523).

 

540. Les rencontres avec Dieu dans la prière, la lecture, la visite à l’église, la dévotion à la Mère de Dieu (NB 9, n. 1647).

 

541. Le silence en Dieu peut avoir le même sens que l'échange de paroles avec lui. Chaque rencontre avec Dieu - en paroles ou en silence - est prière (NB 10, n. 2109).

 

542. Si les humains n'avaient pas péché, il ne leur serait jamais venu à l'idée de parler de "distance" dans leur rencontre avec Dieu. N'aurait toujours été visible que leur différence de condition. L'être humain aurait été simplement tel que Dieu l'a voulu (NB 12,79).


 

4. A la disposition de Dieu

 

Disponibilité de Marie 

543. La disponibilité de Marie la fait apparaître ouverte à tous les désirs de Dieu (NB 2,217).

 

544. Marie a offert à Dieu sa disponibilité et son don d'elle-même, et elle voudrait y demeurer aussi parfaitement que Dieu le souhaite (NB 1/2, 39).

 

Se tenir à la disposition de Dieu

545. Une vraie prière, c'est-à-dire une prière qui se met, dans la grâce, à la disposition de Dieu (NB 3,67).

 

546. Je ne veux pas arranger ma vie autrement tous les jours. Ne pas faire un pas aujourd’hui vers Dieu et m’en éloigner demain. Se tenir à la disposition de Dieu, ne pas se raidir contre sa volonté (NB 9, n. 1401).

 

547. La disponibilité ne peut pas être limitée, elle doit s’étendre en principe à tout ce que Dieu peut vouloir. Pour cela est requis de cesser totalement toute réflexion sur ce qui peut arriver (NB 9, n. 1553).

 

548. L'esprit tout entier et tous les sens doivent se tenir à la disposition de Dieu (NB 11,357).

 

549. Au purgatoire, l'âme doit s'offrir tout entière à la justice et tout entière à l'amour, elle doit apprendre à connaître l'unité du Père et du Fils, elle n'a pas le droit d'être le moins du monde éclectique, elle doit apprendre à se tenir totalement à la disposition de Dieu, on ne choisit pas soi-même (NB 3,93).

 

550. L'harmonie absolue avec Dieu est comme la forme fondamentale de chacune des vertus. Cette forme, on peut l’appeler disponibilité. Disponibilité vis-à-vis de Dieu, pour laisser faire ce que Dieu veut, et aussi le faire. C'est par la disponibilité qu'on se trouve près de Dieu (NB 2,207).

 

551. Quelle est la nature du chrétien? Sa vocation? S'il perçoit la volonté de Dieu, s'il croit, s'il a acquis le nom de chrétien, sa vocation serait que sa vie tout entière peut recevoir une forme dans la mesure où il la ressent comme une vie, et cela dans deux directions, en arrière jusqu'à sa naissance, et en avant jusqu'à sa mort ; sa vocation serait qu'il comprenne ce tout comme une ligne qui va vers Dieu, dont le début, le milieu et la fin sont situés en Dieu. Il devrait être d'avis que dès qu'il commence à penser sérieusement à Dieu, il a droit à une réponse. Il pourrait renoncer à conduire lui-même sa vie comme il l’entend pour laisser à Dieu le soin de la façonner. Il offrirait sa vie en cadeau à Dieu et il la recevrait en retour en cadeau de la main de Dieu. Par son oui, qui serait emprunté à celui de Marie, il ferait donc de sa vie une ligne unique, allant de Dieu à Dieu, une ligne tortueuse peut-être mais quand même une ligne convenable. Tout chrétien dit son oui en l'appuyant sur le oui de la Mère par lequel elle a mis sa vie à la disposition de Dieu (NB 3,141).

 

552. Dans la prière, on se met tout entier à la disposition de Dieu et de l’Église, avec une disponibilité qui n'exclut rien, qui fait aussi changer de direction quelqu'un qui était déjà sur la bonne voie. Plus la prière est profonde, plus on se met sans conditions à la disposition de Dieu pour être travaillé par lui, et ce travail de Dieu peut aussi consister à nous planter là. Une seule chose est sûre, c'est qu'on accomplit sa volonté (NB 12,111-112).

 

553. Se tenir avec toute sa vie à la disposition de Dieu, de l’Église (NB 9, n. 1644).

 

554. Il y a des croyants ceux qui se mettent totalement à la disposition de Dieu et de l’Église (NB 8, n. 684).

 

555. Saint Étienne : une fois pour toutes, il a fait à Dieu le don de sa vie, et Dieu peut disposer de son corps et de sa vie sans que lui-même ne puisse faire autre chose qu'approuver (NB 1/1, 261).

 

556. Celui qui est appelé au sacerdoce ou à l'état religieux doit se mettre totalement à la disposition de l'appel tel que Dieu le fait entendre (NB 1/2, 282).

 

557. Dans l'état des conseils évangéliques on est totalement à la disposition de Dieu (NB 5,148).

 

558. Chez saint Ignace et Charles de Foucauld, il y a la volonté vivante d'être aussi disponibles que possible pour les desseins de Dieu (NB 2,126).

 

C’est à Dieu d’en disposer

559. En 1939, Adrienne ne veut pas prier pour que la Suisse soit épargnée par la guerre. « C'est l'affaire de Dieu d'en disposer » (NB 8, n. 37).

 

S’offrir à Dieu

560. Quand nous nous offrons à Dieu, c'est la plupart du temps à partir d'un aujourd'hui que nous comprenons plus ou moins en vue d'un avenir qui nous est scellé. Nous demandons à Dieu qu'il complète et mène à bonne fin un plan qui peut être purement humain, mais aussi un plan dans la foi, que nous voudrions réaliser au mieux sous la forme que nous avons projetée. Mais nous devrions apprendre à nous offrir sans avoir aucune idée de la manière dont notre offre sera reçue (NB 11,26-27).

 

561. A un certain moment de sa vie, saint Ignace sait beaucoup mieux comment on peut s'offrir à Dieu dans la méditation et quel chemin on peut prendre pour regarder les mystères de Dieu (NB 11,106).

 

562. Avril 1941. Revient sans cesse la question de savoir ce qu'on pourrait vraiment faire pour Dieu. Adrienne a un besoin très fort de s'offrir à Dieu de cette manière, et elle a souvent le sentiment qu'on doit être des paratonnerres de la grâce comme de la colère de Dieu (NB 8, n. 59).

 

563. Essayer de s'offrir totalement à Dieu (NB 6,473).

 

Laisser faire Dieu

564. Un religieux de l’époque moderne : il lui manque l'ingénuité qui, simplement, laisserait faire Dieu (NB 2,152).

 

565. Saint François de Paule : quand il se trouve dans la nuit, il a besoin de beaucoup de prière pour trouver la paix qui laisse faire Dieu et y demeurer (NB 1/1, 120).

 

Se laisser faire par Dieu : Marie

566. Dans son destin de femme, de croyante, et de croyante qui a dit oui, Marie se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle : être la Mère du Seigneur (NB 5,175).

 

Se donner à Dieu sans limites : Marie

567. Quand Marie donne à l'ange son consentement, elle dit oui de tout son corps et de toute son âme sans faire de différence entre ce qu'elle donne et ce que Dieu lui prendra. Son don d'elle-même est sans limites. Elle ne réfléchit pas pour savoir si elle garde quelque chose, elle ne calcule pas la somme de ce qu'elle perd. Son oui n'est rien que oui. C'est à Dieu qu'il revient d'en disposer totalement (NB 5,23).

 

Comment mieux se donner à Dieu

568. Quand pour la première fois Ignace voit la Mère de Dieu et fait l'expérience des consolations de l’Esprit Saint, il est seul et il n'a quasi personne pour l'aider. Il se débat avec Dieu pour savoir comment il pourrait mieux se donner à lui (NB 1/2, 70).

 

Me donner toujours davantage à Dieu

569. Sainte Marie de l’Incarnation : « Je voudrais me donner toujours davantage à Dieu. Je ne peux pas dire si je lui ai tout donné, mais je voudrais bien le faire »(NB 1/2, 132).

 

Se livrer à Dieu

570. Marie reprend la mission d’Ève en se livrant tout de suite à Dieu. L'ange se tient pour elle à la place du commandement de Dieu à Ève. Elle reçoit le commandement et elle y saisit sa mission, elle fait aussitôt sienne la volonté de Dieu venue par l'ange, elle façonne sa mission pour Dieu avec la grâce que Dieu lui a donnée. Marie ne veut rien, si ce n'est que la parole de Dieu se réalise. Sa mission ne consiste au fond qu'à se donner totalement à cette voix en jetant tout dans sa réponse : « Selon ta parole » (NB 1/2, 162-163).

 

Pleinement donnée à Dieu

571. Sainte Cunégonde cherche à organiser sa vie quotidienne à partir de la prière, à être pleinement donnée à Dieu et à l'aimer totalement. Ses dons de l'esprit, qui ne sont pas minces, elles les refrène en cherchant à concentrer sur Dieu tout son intérêt (NB 1/1, 66).

 

Se rendre à Dieu

572. Le premier mot du nourrisson, son premier balbutiement, est pur, pour ainsi dire en Dieu et dans le Verbe de Dieu ; ensuite, avec la convoitise qui s’éveille, le péché trouble et fausse cette parole ; et enfin la dernière parole de l’homme, son dernier soupir, revient à la pureté du commencement : quand l’homme, dans la faiblesse de la mort, se rend de nouveau à Dieu (NB 9, n. 1102).

 

Se jeter en Dieu

573. Le saint : quelqu’un qui s’est totalement jeté en Dieu (NB 9, n. 1312).

 

Être livré à Dieu

574. Je ne crois pas que cela puisse être dangereux d'être livré à Dieu (NB 1/2, 258).

 

Tout abandonner à Dieu

575. Sainte Hildegarde : en abandonnant tout à Dieu, elle devient la grande et célèbre femme qui est en mesure de conseiller tout le monde, etc. Cela ne lui coûte pas beaucoup puisque toute la gloire appartient maintenant à Dieu seul (NB 1/1, 75).

 

Appartenir à Dieu

576. 16/04/1941. Adrienne : « Il y a des instants, très fugitifs seulement, indescriptibles, où je saisis tout à coup presque totalement ce que cela veut dire appartenir totalement à Dieu, être possédée par lui ; la plénitude est alors si grande que la respiration en devient difficile » (NB 8, n. 56).

 

Le corps appartient à Dieu

577. Le patient (le malade) doit avoir le sentiment que le corps est quelque chose de saint qui appartient à Dieu (NB 9, n. 1670).

 

La constance dans le don de soi

578. La constance dans le don de soi est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à atteindre. Au début, il y a presque toujours une certaine passion pour le Bon Dieu, pour la nouvelle vocation ; on promet légèrement plus que ce qu'on peut tenir, on déforme aussi un peu ce qui est demandé. Et peut-être aussi l'avenir. On voudrait faire toutes choses à la perfection, il y a des instants où l'on pense que c'est possible, et que cela restera toujours lumineux. Et cela doit aussi rester lumineux, même dans l'obscurité, non de notre fait mais par la grâce (NB 10, n. 2263).

 

Offrir quelque chose à Dieu

579. Adrienne se sent malheureuse de ce qu'elle ait si peu à offrir à Dieu pour ses grâces surabondantes (NB 8, n. 5).

 

580. Adrienne avait offert à Dieu de prendre sur elle une agonie difficile si par là la mort était facilitée à d’autres (NB 9, n. 1601).

 

Marie donne tout de suite tout ce quelle a

581. L'Esprit exige du prophète qu'il soumette son esprit, qu'il se donne à lui-même peu d'importance afin de permettre à Dieu d'être important. Pour Marie, d'emblée c'est le tout qui doit être tenu prêt : l'esprit et le corps ; elle reconnaît la priorité de la voix en donnant tout de suite tout ce qu'elle a et elle n'a rien d'autre qu'elle-même, et rien d'autre ne lui est demandé que son existence en sa totalité. L'Esprit reconnaît ce don qu'elle fait d'elle-même en la prenant et en la couvrant de son ombre, et elle devient la mère d'un être humain qui est Dieu (NB 5,61-62).

 

Faire le maximum de ce que Dieu a donné

582. La petite Thérèse : de ce que Dieu lui a donné, elle a fait le maximum qu'elle a pu, c'est en cela que réside la grandeur de sa sainteté (NB 3,85).

 

Un don à Dieu

583. Toute la vie du chrétien devrait être vécue de telle sorte que la mort devienne un don du mourant à Dieu (NB 3,181).

 

Ce qu'un homme est capable de donner à Dieu

584. Jean repose sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour de croyant. La réponse du Seigneur est la surabondance de son amour divin. Le Seigneur voit en Jean ce qu'un homme est capable de donner à Dieu : un champ l'amour divin peut porter du fruit (NB 5,267).

 

Donner à Dieu

585. "Prends, Seigneur, et reçois". Tout ce qui appartient à l'homme doit passer en la possession de Dieu. Dieu doit prendre et recevoir ; Dieu doit savoir qu'il peut avoir tout ce qui est mien. Il est en mesure de me le rendre s'il le veut, s'il en a trop. Mais d'abord il faut qu'il le garde un jour parce qu'il a trop peu reçu de nous à cause de notre péché (NB 11,37).

 

Donner à Dieu une joie

586. Il est facile de donner quelque chose à un enfant pour voir son visage rayonner. Il est plus difficile de procurer la même joie à Dieu dont on ne voit pas le visage rayonner avec nos dons (NB 10, n.2200).

 

 

5. Ce que Dieu veut

 

Ce que Dieu veut : l’union du monde avec lui.

587. Toute prière authentique veut ce que Dieu veut : l'union du monde avec lui (NB 10, n. 2282).

 

Adam savait ce que Dieu voulait de lui

588. Le premier Adam, Dieu le Père l'a créé par sa volonté et il l'a façonné avec de la glaise ; par son origine, Adam est lié au Dieu créateur, mais Dieu l'a placé devant lui comme un être libre et indépendant. Par les prévenances de Dieu, Adam a une connaissance suffisante, il n'a pas besoin d'une vision directe, car Dieu reste en communication avec lui. Adam sait qu'il est dépendant et il sait ce que Dieu veut de lui (NB 6,189-190).

 

Marie, la nouvelle Ève telle que Dieu la veut

589. Physiquement, Marie était là avant la venue du Fils mais, par lui, elle devient la nouvelle Ève telle que Dieu la veut (NB 6,183).

 

Marie veut tout ce que Dieu veut

590. En couvrant Marie de son ombre, l'Esprit lui apporte le Fils vivant. Mais il la place aussi devant lui, l'Esprit, dans un face-à-face que Dieu prévoyait comme une conséquence de son oui. Ce face-à-face est absolument voulu par Dieu et par Marie également parce qu'elle veut tout ce que Dieu veut. Quand Marie dit oui, c'est à quelque chose de précis, mais qui est si ouvert que dans ce quelque chose de précis est libre pour le Seigneur tout l'espace qu'il exige (NB 6,126-127).

 

Comme Dieu l’a voulu

591. Pour Marie, il n’y a qu’une chose qui est importante : c’est que ce soit comme Dieu l’a voulu (NB 9, n. 2034).

 

Ce que Dieu veut

592. Dieu demande la vigilance de mon esprit pour que je comprenne ce qu'il veut. Quand Dieu demande une collaboration au sens actif, on doit coopérer ; quand il requiert un pur laisser faire, c'est cela qui doit s'ensuivre (NB 11,311).

 

593. Apollos est humble dans la prière, il cherche sérieusement à apprendre de Dieu ce qu'il doit faire et il ne se laisse pas troubler par le prestige qu'il possède humainement (NB 1/1, 39).

 

594. Saint Stanislas Kostka : que se fasse pour lui ce que Dieu veut. Il ne s'agit pas de planer, mais d'accepter ce qui est donné pour le porter à Dieu (NB 2,163).

 

595. Sainte Jeanne-Françoise de Chantal : elle a en elle comme un sens pour comprendre la réponse totale qu'il est possible de donner à Dieu avant même que l'appel de Dieu ne se soit clairement manifesté. Pour elle, les personnes peuvent s'entraider jusqu'au bout à condition que chacun soit totalement ce que Dieu veut (NB 1/1, 163).

 

596. Le oui de Marie à l’ange va à tout ce que Dieu veut. Quand il est dit, il est pris par Dieu. Mais toutes les expériences de sa vie, la conception, la naissance, etc., elle les recevra comme le monnayage de son oui sans qu’en recevant chacune des parties de sa mission elle ait eu à faire autre chose que de rester telle qu’elle était devant l’ange (NB 9, n. 2004).

 

597. Ce que Dieu veut vraiment, on le fait volontiers. Sur le moment, cela peut être très désagréable, mais rétrospectivement c'est quand même ce qu'on fait le plus volontiers. Supposons que j'aie une tumeur qui me fait très mal ; le médecin me dit qu'il doit la couper sans anesthésie ; sur le moment, c'est tout à fait désagréable. Mais quand après cela je peux de nouveau mouvoir librement mon bras, je trouve que le tout a été très judicieux. Avec le Bon Dieu, c'est toujours encore beaucoup plus judicieux ; c'est pourquoi avec lui on ne peut pas faire de réserves (NB 10, n. 2052).

 

598. Faire tout ce que Dieu veut peut aussi vouloir dire : ne rien faire somme toute. Ou bien ce que Dieu veut de moi est à mes yeux peut-être comme rien (NB 11,348).

 

La volonté de Dieu

599. Continuer à travailler tout paisiblement comme Dieu en décide. Et ne désirer de lui rien qui ne se trouve dans sa volonté ! (NB 9, n. 1602).

 

600. La volonté de Dieu est que nous allions vers son amour infini (NB 6,330).

 

601. Sainte Véronique Giuliani : quand quelque chose d'extraordinaire se produit dans sa prière, elle y voit sans doute une réponse de Dieu, mais la forme lui paraît secondaire ; le principal reste que Dieu doit faire ce qu'il juge à propos (NB 1/1, 154).

 

602. Nous ne devrions invoquer un saint que d’une manière “désintéressée”, non pour imposer nos propres plans et souhaits. En tout cas, nos propres souhaits doivent être saisis par la volonté de Dieu. Et les saints qui donnent l’apparence de se soucier de l’une ou l’autre petite chose (examens, objets perdus, etc.) sont tenus de faire quelque chose pour rapprocher de Dieu les solliciteurs (NB 9, n. 1887).

 

603. Guillaume de Saint-Thierry : il se tient devant Dieu, il ne s'éloigne pas de lui, il s'efforce de percevoir en tout la volonté de Dieu (NB 1/1, 71).

 

604/ L'inclination au péché n'est surmontée que lorsque la volonté de Dieu est devenue ce qui détermine la volonté de l'homme (NB 6,528).

 

605. Je dois demander à Dieu : est-ce que ce que je fais se trouve au centre de ta volonté sur moi ? (NB 6,445).

 

606. Je n'ai rien voulu d'autre que la volonté de Dieu (NB 3,52).

 

607. Il y a grand danger que je confonde ma volonté avec la volonté de Dieu (NB 7,130).

 

608. Notre idéal (à nous, jésuites) est quand même toujours la volonté de Dieu et sa gloire (NB 8, n. 572).

 

609. Il n’est pas permis de mettre en question la volonté de Dieu reconnue (NB 9, n. 1998).

 

610. Marie traverse la vie avec la simplicité d'un enfant mais aussi avec la dignité d'une reine qui croit et qui sait que tout correspond à la volonté de Dieu, et qu'elle-même finalement n'est rien d'autre qu'une expression de cette volonté divine, c'est-à-dire de l'amour (NB 10, n. 2154).

 

611. Le hasard ne peut pas contrecarrer la volonté de Dieu (NB 11,117).

 

612. Le don de soi constant à la volonté de Dieu est toujours aussi prière. Les saints du ciel vivent dans une unité parfaite avec la volonté de Dieu (NB 10, n. 2226).

 

613. Si la volonté de l'homme est de faire la volonté de Dieu, sa volonté est modelée par la volonté de Dieu. Si l'homme a une foi vivante, il ne fera rien qui soit contraire à la volonté de Dieu (NB 12,29).

 

614. Discerner réellement la volonté de Dieu dans les possibilités. Malgré et contre la volonté des hommes, malgré les conseils contraires de tout l’entourage, malgré les circonstances et le manque de goût (NB 8, n. 663).

 

Le besoin de faire la volonté de Dieu

615. Au purgatoire, en arriver au besoin de faire la volonté de Dieu, le besoin de la pureté de Dieu (NB 6,379).

 

Aller aussi loin que Dieu le veut

616. Une fois que Marie est devenue enceinte corporellement, elle n'a pas mis fin à son oui. Elle est prête à aller aussi loin que Dieu le veut ; sa mission la conduira beaucoup plus loin qu'elle pouvait l'imaginer (NB 6,423).

 

Accomplir la volonté de Dieu

617. Dans la vie ordinaire, je ne peux jamais dire avec certitude : j’accomplirai la volonté de Dieu s’il demande ceci et cela (NB 4,126).

 

Aller où Dieu le veut

618. La conduite de Dieu est obscure ou elle est claire. Les hommes doivent aller où Dieu le veut (NB 6,318).

 

Laisser à Dieu l'espace que Dieu veut occuper

619. L'homme qui se met à prier s'attend à trouver en Dieu un partenaire du dialogue. S'il est suffisamment rempli de crainte respectueuse, il cherche à laisser à Dieu l'espace que Dieu veut occuper au lieu d'utiliser ses propres idées comme des vases qui devraient être remplis par Dieu. Et pourtant, en tant que croyant ordinaire, il ne pourra pas s'empêcher d'attacher à sa prière certaines attentes, il arrive avec des désirs précis, il se présente devant un Dieu qui, par la foi, a pour lui un visage et il n'est guère conscient que justement en tant que croyant il n'est pas en mesure de préciser ce visage (NB 5,45).

 

Faire ce que Dieu veut

620. Devant Dieu on doit posséder la liberté de faire ce qu'il veut. Pas plus que je ne peux dire : « Je veux être toujours dans la nuit », je ne peux dire : « Je veux être toujours dans la lumière ». Je dois apprendre à être toujours justement ce à quoi Dieu m'a destiné, comme un enfant et simplement et dans l'amour (NB 4,452-453).

 

Le rôle que Dieu lui a destiné

621. Lors de la présentation de Jésus au temple, Siméon a à jouer le rôle que Dieu lui a destiné (NB 1/2, 40).

 

Dieu veut quelque chose de moi

622. Quel est le sens de la vie si Dieu n'existe pas? Le néant ruine tout sens, il est plus horrible que l'enfer. Il n'y a pas de raison évidente pour laquelle je dois avoir été si par la suite je ne suis plus... Mais si Dieu existe, il est sûr qu'il voulait quelque chose de moi ; d'abord ce qu'il requiert de tout être humain : l'amour et l'obéissance (NB 10, n. 2145).

 

Tout ce que tu veux

623. Prière d’Adrienne (elle a vingt ans environ) : « Je t'en prie, mon Dieu, enlève de moi tout ce qui n'est pas à toi, arrache-le et mets à la place tout ce que tu veux » (NB 7,66).

 

Vouloir ce que Dieu veut

624. La liberté céleste consiste à ne vouloir que ce que Dieu veut (NB 6,340).

 

625. Vouloir ce que Dieu veut (NB 6,450).

 

La volonté du Créateur : que l'homme ait tout ce qui est utile pour un dialogue avec Dieu

626. Était inclus dans l'amour du Créateur sa volonté de doter l'homme de tout ce qui était utile à un dialogue avec Dieu. Le péché a rendu ces facultés inutilisables, mais le Seigneur, en s'incarnant, en fera usage à nouveau, et l'Esprit sera le témoin du nouveau dialogue et il sera en même temps le gardien de toutes les possibilités humaines de dialogue imaginées par le Créateur. Car dans le dialogue éternel, le Père, le Fils et l'Esprit ont d'infinies manières d'entretenir des échanges ; ce n'est jamais une répétition du même. Entre eux coule la vie, et une vie divine illimitée, qui ne cesse de jaillir, neuve, de la source originaire. C'est à cette source inépuisable que les hommes devraient avoir part, et Dieu leur avait laissé ouverts beaucoup d'accès (NB 6,547).

 

Se laisser façonner par Dieu

627. Le Fils voit en sa mère ce comment un être humain de son temps peut se laisser façonner par Dieu de telle manière que se fasse par lui la pure volonté de Dieu (NB 5,66).

 

Cheminer dans la volonté de Dieu

628. Quand le croyant prie, la présence de Dieu est pour lui certaine dans la foi ; quand il entreprend quelque chose de difficile, il se sent porté par l'amour de Dieu. Le croyant sait où il va, il sait qu'il chemine dans la volonté de Dieu et que cette volonté est amour (NB 5,90).

 

La volonté de Dieu dépasse toujours à l'infini la volonté de l’homme

629. L'homme attend aussi de Dieu de l'inattendu, ou s'il ne l'attend pas, il lui laisse du moins une place dans sa foi et son obéissance. L'obéissance a une souplesse, une plasticité, qui laisse à Dieu toute liberté de changer son orientation. L'obéissance peut être orientée dans une direction, y marcher à grands pas, et il se peut qu'elle doive faire machine arrière et qu'un tout autre chemin lui soit enjoint. Car la volonté divine dépasse toujours à l'infini la volonté humaine ; la volonté humaine ne pourra jamais saisir totalement la volonté divine, entre nature et surnature il y a un écart qu'on ne peut pas combler (NB 5,93).

 

Si Dieu le veut

630. Le mystique n'est qu'un instrument dans la main de Dieu, et tous ses efforts doivent consister à ne pas troubler la transparence dont Dieu a besoin. Et si Dieu veut lui attribuer une nouvelle compréhension, le mystique n'a pas à opposer ses propres exigences (par humilité par exemple) à cette exigence de Dieu. Il ne doit pas seulement accepter de disparaître si Dieu le veut, mais aussi accepter de se laisser totalement réduire et reconstruire. Il serait mauvais pour lui, par un faux zèle, de vouloir assurer une place à ses propres désirs ou à ceux qu'il tient pour tels. C'est Dieu seul qui organise et dispose. C'est Dieu aussi qui dirige la vision : il la donne telle qu'il l'a prévue et en même temps telle qu'elle doit être reçue (NB 5,237).

 

Vouloir tout ce que Dieu veut

631. Marie veut tout ce que Dieu veut et elle voudrait que l’Église aussi veuille tout ce que Dieu veut. Quand elle remarque des résistances, elle demande au Fils de bien vouloir la prendre pour vaincre les résistances (NB 5,269).

 

Ce qui dans ma vie ne peut pas être mis en relation avec la volonté de Dieu

632. Pour le chrétien, tout ce qui ne se fait pas en direction de Dieu, tout ce qui dans ma vie ne peut pas être mis en relation avec la volonté de Dieu est péché. Je vais par exemple en vacances. Si j'y vais en tant que chrétien, c'est pour pouvoir ensuite mieux travailler pour Dieu. En tant que non croyant, j'y vais peut-être simplement pour prendre du plaisir, pour prendre une détente dont je n'ai peut-être pas besoin. Avec une telle disposition, je suis d'une certaine manière dans le péché. Par contre, ce qui est utile pour Dieu n'est jamais péché. Il peut se faire que deux actions paraissent tout à fait semblables : prendre des vacances. Mais les unes sont des vacances chrétiennes, les autres sont des vacances de péché, selon que je cherche Dieu ou que je me cherche moi-même (NB 3,144).

 

Ce que Dieu veut d’elle

633. La tâche de Marie consiste à garder l'ouïe fine pour faire dans l'obéissance toujours exactement ce que Dieu veut d'elle. Dans son oui, elle doit se laisser parfaitement faire et elle doit demeurer toujours la même dans cet état (NB 1/2, 42).

 

634. Édith Stein : pour elle, ce n'est pas un sacrifice, même pas de l'esprit, de renoncer à sa profession antérieure et de devenir ce que Dieu veut d'elle (NB 1/1, 250).

 

Faire la volonté de Dieu

635. La petite Thérèse a comme catégorie sa "petite voie" à laquelle elle rapporte tout : à chaque instant faire la volonté de Dieu (NB 1/2, 93).

 

636. Benoît XIV (1675-1758) : il ne voudrait qu'une chose : faire la volonté de Dieu. Dans la prière, il se tient devant Dieu à peu près comme un serviteur devant son maître, pour recevoir des ordres qu'il exécute ensuite avec le plus grand soin, comme quelque chose de saint qui lui est confié (NB 1/1, 194-195).

 

Est-ce voulu par Dieu ?

637. Saint Grégoire VII : quand en dehors de la prière il voit une tâche devant lui, quand quelqu'un lui dit quelque chose d'important, son premier soin est d'obtenir la certitude que c'est voulu par Dieu et que cela fait partie de sa tâche. Il montre l'affaire à Dieu, en toute simplicité, mais sous tous les angles, comme s'il devait montrer à Dieu le pour et le contre tels qu'ils apparaissent humainement afin que Dieu ait la possibilité d'examiner les choses à sa place. Et Dieu choisit. Ceci ou cela. Et il rejette (NB 1/1, 67).

 

Aussi longtemps que Dieu le veut

638. Aussi longtemps que Dieu le veut, nous avons à porter la croix de la manière dont le Fils l'a portée : dans l'humiliation (NB 1/2, 103).

 

Infatigable pour faire la volonté de Dieu

639. Clément d’Alexandrie : il redoute de se suivre lui-même plutôt que Dieu et d'inventer pour ainsi dire ses propres règles au lieu de faire ressortir les règles de Dieu. Il est infatigable dans ses efforts pour faire la volonté de Dieu (NB 1/1, 263-264).

 

Où est la volonté de Dieu ?

640. On ne sait jamais si ce qu’on demande est vraiment la volonté de Dieu. Quelles sont les règles d’après lesquelles il nous accorde ceci et nous refuse cela ? Et pour accorder quelque chose, pourquoi a-t-il besoin de tant et tant de prières, de souffrances et de sacrifices ? Mais il ne vient pas à l’esprit d’Adrienne de vouloir regarder les cartes de Dieu (NB 8, n. 195).

 

Un chemin voulu par Dieu

641. Vous pouvez bien me dire que ce chemin est voulu par Dieu et conduit à me purifier (NB 8, n. 525).

 

On est créé pour ce que Dieu veut

642. Adrienne en 1927, dans les premiers temps de son mariage : « On est créé pour ce que Dieu veut. On est créé avant tout pour le Bon Dieu et ensuite seulement pour les autres. On est créé pour ce que Dieu veut et non pour ce que je veux » (NB 7,241).

 

Comme Dieu veut qu’on soit

643. Vis-à-vis de Dieu on doit être le plus possible comme il veut qu'on soit personnellement (NB 7,277).

 

Que Dieu fasse d’elle ce qu’il veut

644. Adrienne, le13 juillet 1943 : elle se leva et commença à prier et à tout offrir ; que Dieu fasse d’elle ce qu’il veut, qu’il prenne ce dont il a besoin (NB 8, n. 730).

 

Nous ouvrir à la volonté de Dieu

645. Nous sommes libres de nous ouvrir totalement à la volonté de Dieu (NB 10, n. 2177).

 

646. Saint Ignace a beaucoup appris pour rester ouvert à la volonté de Dieu. On a le droit de faire des plans, mais non de les fermer, on doit au contraire se tenir prêt pour ce qui est plus grand et qui est contenu dans ce qui est projeté avec justesse (NB 11,125).

 

647. Rester ouvert à toute nouvelle volonté de Dieu (NB 11,228).

 

Comprendre la volonté de Dieu

648. Saint Ignace cherche à comprendre la volonté de Dieu (NB 11,127).

 

La volonté de Dieu et ma liberté

649. Je choisis certes librement, mais ma liberté consiste toujours à choisir la volonté de Dieu, à m'adapter à la liberté de Dieu. Je ne peux donc choisir que si la volonté de Dieu, qui est plus forte, m'a précédé et porte la mienne (NB 11,352).

 

Acquiescer à la volonté de Dieu

650. L'homme qui appartient totalement à Dieu commence ses œuvres en Dieu. Il acquiesce d'abord à la volonté de Dieu et il ne s'affirme lui-même que dans la mesure où il sert cette volonté (NB 11,407).

 

Choisir la voie que Dieu a voulue pour nous

651. Si l'on considère les talents de l'être humain, chacun aurait à sa disposition un grand nombre de missions possibles. Il pourrait embrasser les professions les plus diverses. Arrive le temps où chacun, sans aucun orgueil, doit passer en revue les possibilités où il se trouve "à l'aise", pour opérer le bon choix. Le choix doit se faire avec Dieu mais en laissant à Dieu la préséance. Le choix une fois fait, peu importe ce qu'on aurait encore pu devenir. Nous ne pouvons pas regretter les possibilités que nous n'avons pas choisies, car Dieu a choisi. Bien sûr si notre choix n'a pas été laissé ouvert au choix de Dieu, pauvres de nous ! Nous ne saurons jamais le bon choix que nous aurions dû faire et ce sera amer pour toute notre vie. Mais celui qui – comme les saints – sait qu'il a reçu de Dieu une mission, qu'un jour il a été totalement transparent devant Dieu et qu'il a opéré son choix selon le choix de Dieu, celui-là n'aura jamais l'occasion de douter de la fécondité de sa vie (NB 12,56).

 

Marie:ajustée à la volonté de Dieu

652. Ici-bas, Marie était parfaitement pure et totalement ajustée à la volonté trinitaire de Dieu (NB 6,565).

 

653. Utiliser chaque instant terrestre comme Dieu le veut (NB 5,280).

 

Correspondre à Dieu

654. Joseph vit avec Marie sans s'approcher d'elle parce que Dieu ne l'a pas voulu. Mais il n'est pas question de sexuel entre eux. De la part de Marie certes pas, bien qu'elle sache ce que c'est qu'être un homme et bien qu'elle aime Joseph ; mais la volonté de correspondre à Dieu la remplit si totalement qu'il ne reste en elle aucun espace pour un désir qui ne soit pas inspiré par Dieu. Pour elle, la continence n'est pas un sacrifice (NB 4,362).

 

655. Saint Célestin V : il pense ainsi que le mieux qu'il puisse faire, ce par quoi il peut le mieux correspondre à Dieu, c'est de prier sans relâche, prier autant qu'il est possible de le faire, ne faire en somme que prier (NB 1/1, 88).

 

656. Quand l’Église ne sera plus dans le temps mais dans l'éternité et que sa relation au Seigneur ne sera plus remise en cause par rien, elle se laissera diriger de manière parfaite, elle correspondra totalement à l'idée que Dieu a d'elle (NB 12,41).

 

S’insérer dans la volonté de Dieu

657. La force chrétienne, voulue par Dieu, consiste à s'insérer sans cesse dans la volonté de Dieu qui exige plus que ce qui est "normal". Quand l'exigence de Dieu se manifeste comme telle, elle a toujours des proportions divines, c’est-à-dire plus qu'humaines. C'est pourquoi lui obéir signifie toujours un risque parce qu'il semble qu'il n'y ait pas de garantie qu'on en sortira (NB 2,211).

 

Ce que Dieu demande

658. Le commandement de l'amour du prochain nous fera toujours répondre à une demande pressante et justifiée d'un miséreux. Mais derrière le prochain qui demande se trouve Dieu avec sa demande (NB 11,314).

 

659. Possibilité de s'adapter toujours plus à la volonté de Dieu et d'accomplir ce que Dieu demande (NB 11,241).

 

660. Dieu a raison (même contre moi). Il peut me demander des choses qui échappent totalement à mon contrôle (NB 11,303).

 

Ce que Dieu attend de nous

661. Prêter attention à tout ce que Dieu attend de nous (NB 6,518).

 

662. Le Pseudo-Denys : il mène un combat violent avec lui-même, avec sa nature… pour ne faire que ce que Dieu attend de lui. Le combat serait épuisant si, malgré son désir de gloire, ne demeurait intacte, au plus profond de lui-même, son humilité en face de Dieu. Il a devant Dieu une humilité authentique. Et il prie jusqu'à ce que Dieu élimine en lui ce qui l'empêche d'aller à Dieu. Il appartient à Dieu avec son temps et sa tâche précise. Il est enthousiasmé par ce que Dieu lui communique. Il sert d'instrument, un instrument qui vient de Dieu et qui opère par Dieu. Sans doute se sent-il subjugué par tout ce qu'il peut saisir de la grandeur de Dieu, il n'est pas seulement étonné, il est bouleversé par ce que Dieu lui permet de dire de Dieu (NB 1/1, 58-60).

 

663. Saint Henri II voit qu'il doit se remettre entre les mains du Seigneur dans la seule manière de le suivre que Dieu attend de lui. Tous ses amis, chacun de ceux qu'il rencontre par hasard, il veut les rendre attentifs à Dieu, à leur responsabilité et à leur mission. Il est le semeur qui confie à Dieu la moisson et qui accepte pour les semailles toutes les semences que Dieu lui confie. Il sait qu'il doit seulement se donner lui-même à Dieu, le prier et l'implorer, et Dieu l'emploiera personnellement comme ferment pour opérer dans le royaume d'une manière impersonnelle, supra-personnelle (NB 1/1, 64-65).

 

664. Saint Nicolas de Cues est toujours prêt à faire ce que Dieu lui inspire et attend de lui (NB 1/1, 111).

 

665. Marie de l'Incarnation (1599-1672) : elle a une intelligence extrêmement pratique et une rapidité extraordinaire pour saisir ce que Dieu attend d'elle. Elle cherche Dieu partout et en tout (NB 1/1, 173).

 

666. Angelus Silesius (1624-1677) : là même où amertume et critique se font jour, il reste joyeux dans la main de Dieu, sûr de faire ce que Dieu attend de lui, sûr qu'il ne le fait pas suffisamment, mais la direction prise est si totalement la bonne que distance et insuffisance ne doivent plus l'affliger. Il doit prier et aimer et rester là; il ne lui est seulement pas permis d'être infidèle (NB 1/1, 181).

 

667. Avril 1941. Adrienne est plus disposée que jamais à faire ce que Dieu attend d'elle (NB 8, n. 58).

 

668. Un homme rencontre le Seigneur et il comprend tout d'un coup qu'il avait fait jusqu’alors tout le contraire de ce que Dieu attendait de lui (NB 10, n. 2146).

 

669. Lors de la visite de Marie à sa cousine Élisabeth, la conversation des deux femmes ne tourne pas autour des femmes elles-mêmes mais autour de ce que Dieu attend, de ce que leurs fils deviendront, de ce que les femmes veulent en commun laisser faire ; et laisser les choses ainsi se faire est une contribution des plus actives (NB 10, n. 2339).

 

670. La mystique de la grande Thérèse est sans doute une élévation de son âme vers Dieu, mais elle est en même temps une élévation de tous ceux qui lui sont confiés et une explication de ce que Dieu attend d'eux. Cela s'étend tout de suite ; son enseignement doit agir tout de suite, il doit éveiller en beaucoup d'âmes davantage de prière et d'abandon à Dieu (NB 5,39).

 

Ce que Dieu désire

 

671. Saint Louis de Gonzague ne s'intéresse au fond qu'à ce que Dieu désire de lui (NB 4,284).

 

Vivre selon les exigences de Dieu

672. Dans le monde, il y a bien des choses qu'on ne comprend pas, mais le principal est que, dans l'obéissance, dans l'amour, dans la foi, on continue à vivre selon les exigences de Dieu (NB 3,270).

 

673. Pour sainte Élisabeth de Hongrie, son domaine et son étendue ne posent pas de problèmes, elle a à accomplir sa tâche, elle doit agir et aider. Toute tâche nouvelle qui s'y ajoute ou quand elle est chassée de chez elle, tout est supporté comme naturellement. Une chose ne se distingue pas beaucoup de l'autre tant qu'elle a la possibilité d'aimer et de vivre selon l'exigence de Dieu (NB 2,135).

 

674. Une sainte du Moyen Âge : "Je n'aurais pas dû prétendre savoir où se trouvent les limites des exigences de Dieu" (NB 1/2, 135).

 

675. Il est utile de savoir que Dieu veut m'avoir pour lui, qu'il a pour moi des exigences précises (NB 11,264).

 

 

5. Le oui à Dieu

 

Marie a dit oui à Dieu

676. Marie a un corps comme toutes les jeunes filles ont un corps ; mais tout d'un coup elle ne possède plus ce corps parce qu'il est pris par Dieu qui en a besoin. C'est son corps à elle, mais il est le corps que Dieu a choisi pour que sa Parole y devienne homme. Elle sent combien son mystère de jeune fille est élevé pour devenir un mystère de maternité, et comment son corps se donne à la semence de Dieu, et comment son don d'elle-même est simplement reçu par Dieu. Elle a dit oui avec ses lèvres, avec son cœur ; mais ensuite Dieu a pris son corps ; elle sent que Dieu le possède et y dépose sa semence. Il ne le fait pas dans une extase mystérieuse, ni en l'emmenant pour le faire ailleurs, mais elle reçoit tout simplement dans son corps la semence du Père apportée par l'Esprit. Cela se passe tout simplement. Tout d'un coup elle est mère. Elle est heureuse, très heureuse de recevoir ce qu'elle a reçu parce que à l'instant même elle sait qu'elle est prise, reçue, accueillie, passée en la possession de Dieu, et c'est ce qu'il y a de plus beau pour une femme croyante (NB 1/2, 274).

 

La communauté de ceux qui disent oui à Dieu

677. Dans la réponse de Marie à l’ange, Marie se reconnaît d’abord comme celle à qui Dieu s'est adressée, corps et âme, comme celle qui doit se tenir prête pour une œuvre de l'amour divin. Elle est ainsi introduite de fait dans la communauté de tous ceux qui aiment Dieu et qui mettent leur existence à sa disposition, de tous ceux qui disent oui à Dieu et se décident pour lui. Ce oui spirituel est ce qui est fondamental (NB 12,163-164).

 

Un oui donné à Dieu dans l’amour

678. Les trois conseils évangéliques ne veulent dire que l'amour. Et si le religieux ou la religieuse devient malade ou sans force, il sait quand même qu'il a donné son oui à Dieu dans l'amour et que, tant qu'il ne reprend pas ce oui, tout est en ordre (NB 10, n. 2260).

 

Dieu habite en l’homme qui lui a dit oui

679. Saint Pierre Claver se sent dominé en tout ce qu'il fait par l'habitation de Dieu en lui ; cette habitation de Dieu en lui, il a collaboré à la rendre possible par son oui qui l’ouvre à la grâce. Il fait l’expérience de saint Paul : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". C'est un un christophore. Quand une tâche paraît impossible, il sait qu'il lui suffit d'avoir recours au Christ pour que ça marche (NB 2,78).

 

Un oui à tout ce que Dieu peut faire de son oui

680. Marie a dit son oui, dans sa foi, sa pureté, son joyeux don d'elle-même. C'était un oui de l'élue qui se laisse lier par son vœu. Et un oui à tout : à ce qu'elle voit et à ce qu'elle ne voit pas, un oui au difficile comme au facile, à tout ce que Dieu peut faire de son oui (NB 1/2, 189-190).

 

Celui qui a dit oui à Dieu

681. Celui qui a dit oui à la volonté de Dieu doit chaque jour examiner rapidement ce qu'il en est de son oui. Sinon avec le temps il dévie de sa route imperceptiblement (NB 1/2, 288).

 

Un oui total à Dieu

682. Certains reçoivent au dernier moment la grâce d’un oui total à Dieu. Et ce oui fait qu’ils entrent là-haut comme s’il n’y avait rien eu, et que toutes leurs lacunes étaient oubliées. Tandis que d’autres ne reçoivent pas cette grâce (NB 8, n. 592).

 

683. Quand je dis oui à Dieu, c'est naturellement une grâce (NB 3,270).

 

684. Dieu attend notre oui (NB 8, n. 312).

 

S’adapter à Dieu

685. Marie s'adapte totalement à Dieu dans le don d'elle-même le plus ouvert. La Trinité et Marie vont ensemble ; en étant enceinte du Fils par l'Esprit Saint, elle s'est placée totalement dans la lumière de la Trinité (NB 4,35).

 

Obéir à Dieu

686. Quand Dieu accorde une vision, il veut l'obéissance. Il veut que le voyant voie exactement ce qu'il plaît à Dieu de lui montrer. En soi, le voyant pourrait voir moins, faire moins d'efforts pour comprendre, volontairement ne pas donner suite, d'une certaine manière repousser la vision. S'il est obéissant, il se tient exactement là où Dieu veut qu'il soit, non seulement avec son expérience mais avec toute sa foi, toute son appartenance à Dieu (NB 5,81).

 

L’obéissance absolue du Fils

687. Par l'obéissance absolue (aveugle) qui existe dans l’Église, Dieu donne à ses saints d'avoir part à la disposition d'esprit du Fils (NB 6, 192).

 

688. L'homme obéissant reste à la recherche de Dieu (NB 6,464).

 

689. Qu'est-ce que c'est que l'obéissance? Adaptation à la volonté de Dieu (NB 4,431).

 

Obéissance : pour être saisi par Dieu

690. L'obéissance, c'est ce que les gens ont à faire pour que Dieu puisse les saisir (NB 7,130).

 

Obéissance : se tenir totalement à la disposition de Dieu

691. Saint Jean Eudes doit apprendre par l’obéissance à se tenir totalement à la disposition de Dieu (NB 2,145).

 

L’obéissance : priorité de la voix de Dieu

692. Le prophète qui reconnaît la priorité de la voix de Dieu fait un acte d'obéissance et se soumet à l'Esprit de son plein gré en se portant à sa rencontre (NB 5,62).

 

Obéir à Dieu

693. Une conversation paisible entre Marie et Élisabeth dont le fond est le désir d'obéir toujours mieux à Dieu (NB 1/2, 39).

 

694. Adrienne : « Par mes études de médecine en fin de compte je voulais obéir à Dieu » (NB 1/2, 255).

 

695. L'homme est créé pour obéir à Dieu ; et le Fils, dans son incarnation, remplit ce vœu (NB 10, n. 2317).

 

Obéir à Dieu : qu’il mette en nous sa clarté

696. Il est exigé de nous que nous soyons totalement transparents devant Dieu. Nous ne devons pas contraindre Dieu à porter sa lumière dans notre confusion, mais permettre à son amour de mettre en nous de la clarté. C'est cela obéir à Dieu, il n'y a pas là le moindre fatalisme. Ne pas dire : Dieu doit me prendre tel que je suis. Mais : je dois laisser faire afin que je ne sois plus mais que je devienne (NB 12,70).


 

7. Vivre en communion avec Dieu

 

Eucharistie : recevoir Dieu

697. Quand le chrétien communie, il est tant soit peu conscient qu'il reçoit Dieu, que Dieu s'est penché vers lui (NB 10, n. 2189).

 

Dieu en nous

698. Par l'eucharistie, nous avons Dieu au milieu de nous et en nous, dans une proximité à laquelle on ne s'attendait pas jusque là (NB 1/2,240).

 

Qu’il n’y ait plus que Dieu en nous

699. On devrait pouvoir s'effacer totalement pour qu'il n'y ait plus que Dieu en nous et qu'il rayonne par nous (NB 7,312).

 

Transformé en une chose de Dieu 

700. La mystique n’a jamais le moi comme centre, un moi qui serait orné de grâces extraordinaires ; dans la mystique, le chrétien est bien plutôt dépersonnalisé et transformé par l’amour en une chose de Dieu et un complément de son royaume dans la communion des saints (NB 9, n. 1289).

 

Vivre pour Dieu 

701. A cause du péché, nous devons passer par la mort pour retourner à Dieu définitivement. Tant que nous vivons, presque tout demeure confus, l'essentiel est empêtré dans l'accessoire, le permanent dans l'éphémère. Si nous vivons pour Dieu, nous sommes dans la vérité, mais on ne peut pas l'obtenir de manière pure. La nécessaire séparation, c'est la mort qui l'apporte (NB 6,284).

 

Vivre en la compagnie de Dieu

702. L'être humain a besoin de la croix pour vivre en la compagnie de Dieu (NB 2,60).

 

Dès ici-bas Dieu peut me donner part à sa vie éternelle

703. Si Dieu, dans sa grâce, veut dès ici-bas me donner part à sa vie éternelle, celle-ci devient alors une partie essentielle de mon existence. Il est sûr que la vie éternelle ne commence pas seulement après la mort (NB 4,126).

 

Vivre avec Dieu et apprendre toujours du nouveau de lui

704. Dieu crée l'homme à son image, c'est-à-dire avec une multitude de possibilités fécondes. Adam peut nouer des relations avec le monde qui l'entoure, avec Ève, avec sa progéniture, avec Dieu lui-même. Il porte en lui la lumière de l'Esprit, qui lui permet de nouer toutes ces relations et de les organiser. Et il reçoit deux ordres de Dieu : régner sur le monde, mais ne pas manger de l'arbre. Dans le cadre de ces ordres, il est libre d'organiser ses relations avec Dieu selon les possibilités que Dieu lui donne. Aux heures où Dieu se promène dans le paradis : vivre avec lui et apprendre toujours du nouveau de lui. Et cela sans distinguer ce qui est possible dans le bien : ce qui est bien n'est pas limité par ce qui est bien, il n'est pas question non plus de comparer, de préférer un bien à un autre, de les additionner ; tout reste dans le simple fait qu'il est juste que les choses soient ainsi et pas autrement. L'homme est en ordre et heureux, il n'a pas besoin d'aspirer au bonheur. Les limites dont il fait l'expérience lui ont été données par Dieu de telle sorte qu'il n'est pas conscient d'avoir des limites. Une limite ne se fait sentir que dans le commandement négatif de ne pas goûter du fruit. Mais tant que dure l'obéissance, cet aspect négatif reste quelque chose d'étranger, un "ne me touche pas", qui ne pose pas de problème. Et comme l'homme ne ressent pas de limite en tant que telle, il n'y a rien en lui qui pourrait se révolter ; il éprouve une reconnaissance joyeuse pour ce que Dieu lui accorde (NB 5,42).

 

Plus facile de vivre avec Dieu qu’avec les hommes

705. Bède le vénérable : quand il est empêché de prier, il est malheureux. Il lui est plus facile de vivre avec Dieu qu'avec les hommes ; le commerce des hommes est toujours pour lui un peu comme un exercice de pénitence, mais qu'il offre à Dieu comme un sacrifice (NB 1/1, 61).

 

706. Je pense que je dois vivre pour Dieu (NB 1/2, 252).

 

707. Celui qui se donne totalement à Dieu ne tombe pas dans le vide (NB 6,491).

 

Vivre en Dieu

708. Quand l'homme vit en Dieu, il est donné à Dieu et il apprend dans la prière l'obéissance de l'amour et ce qui la favorise (NB 12,80).

 

709. Il n'est pas sans danger de vouloir amener les personnes à une vie en Dieu réellement vivante (NB 11,143).

 

La vie et Dieu, c’est quand même la même chose au fond ?

710. Adrienne, interne en médecine, prend des vacances pour la première fois. Le premier soir, après le repas, elle se trouve dans le hall de l’hôtel (il faisait encore très froid, personne ne pouvait sortir), elle entend les gens se parler entre eux. De tous les groupes elle entendait quelque chose. Elle pense : "Tout ce qu'ils disent est très étranger à la vie. Étranger à Dieu. La vie et Dieu, c'est quand même la même chose au fond ?" (NB 7,206).

 

Immergée en Dieu

711. Adrienne est immergée en Dieu. Il y a aussi des degrés très différents dans ce genre d’immersion (NB 8, n. 263).


 

L’homme était familier de Dieu avant de rencontrer le serpent

712. L'humanité a été créée pour vivre dans la paix de Dieu, pour servir Dieu dans l'obéissance. Chacun de ses membres avait sa légitimité par le Créateur : il était parfaitement apte à faire la volonté du Père. Au commencement, Dieu parlait avec ses créatures et cette conversation était une initiation à l'obéissance. L'homme était familier de Dieu avant de rencontrer le serpent (NB 6,150-151).

 

Une parfaite harmonie avec Dieu

713. Saint Antoine de Padoue : son amour pour Dieu est comme celui d'un enfant, simple, sans rien de dissimulé ; il ne peut rien cacher, et quand il remarque que sur un point il n'a pas totalement correspondu, qu'il n'a pas tout livré jusqu'au moindre détail, il est alors incroyablement appliqué à tout porter devant Dieu et à s'excuser auprès de Dieu d'avoir hésité si longtemps, et à demander à Dieu de le rendre tel que Dieu puisse accomplir par lui tout ce qu'il a décidé. S'il fait quelque chose qui ne plaît pas absolument à Dieu, il s'en aperçoit instantanément. Il vit dans une parfaite harmonie avec Dieu (NB 1/1, 286).

 

L’omniprésence de Dieu

714. Nous connaissons l'omniprésence de Dieu dans toute la création. Et pourtant, en maints endroits, cette présence semble comme plus dense : là où l'on prie, là où s'élève sa maison et partout aussi où un chrétien, un homme, vit dans la grâce. Et encore, dans un autre sens, là où quelqu'un - prêtre, religieux, religieuse - a consacré sa vie à Dieu. Même rencontrée dans la rue en passant, cette personne rappelle la présence de Dieu (NB 6,70).

 

La présence de Dieu

715. La nuit des chrétiens peut devenir totale sécheresse et totale désorientation quand se trouve éteint tout sentiment de la présence de Dieu (NB 6,293).

 

716. C'est comme si Dieu m'avait encore davantage fait don de sa présence (NB 8, n. 40).

 

717. Et en même temps cette présence de Dieu me rendant incroyablement heureuse (NB 8, n. 47).

 

718. À certains moments, Dieu touche l'âme, alors elle est sans voiles et totalement pure par la présence de Dieu. Dans cet état, si elle mourait, elle irait aussitôt au ciel. Il n'y a sans doute aucun état en ce monde où l'on supporte d'être nu durablement devant Dieu. Nous ne cessons de mettre quelque chose. On peut avoir des écrans plus ou moins épais, plus serrés ou plus lâches. Mais il y a aussi de fins écrans qui sont très serrés et de très grossiers qui sont très lâches. Ainsi les prostituées précèdent les pharisiens dans le royaume des cieux (NB 8, n. 128).

 

719. On aimerait tant créer quelque chose, une hymne, une symphonie qui révélerait au moins l'ombre de Dieu, qui serait un indice signalant que Dieu est beaucoup plus grand que tout ce qui est saisissable, plus grand aussi que les belles œuvres que les hommes ont créées pour sa gloire. Créer quelque chose devant quoi les hommes ne font pas qu'échanger des propos sur l'histoire de l'art, mais devant quoi ils devraient sentir un peu la présence de Dieu, également en ce temps qui ne bâtit plus de cathédrales parce que les hommes n'aiment plus regarder en direction de Dieu (NB 10, n. 2230).

 

720. J’ai réfléchi à la dispersion de l'homme d'aujourd'hui : temps du travail, heures de loisir, utilisation des heures de loisir et à nouveau récupération après celles-ci ; le temps est toujours distribué mécaniquement. Ce qui fait l'unité du temps et de la vie est toujours plus oublié et rendu impossible, le tableau se décompose en pièces de mosaïque isolées. L'unité de notre temps, c'est que nous sommes devant Dieu, c'est la conscience de la présence de Dieu, l'orientation vers sa présence de toutes nos pensées et de tout notre travail et de toute notre détente (NB 10, n. 2234).

 

Au ciel, on ne peut jamais oublier la présence de Dieu

721. Au ciel, à aucun instant, on ne peut oublier la présence de Dieu. L'essentiel n'est jamais qu'on voie la Mère de Dieu ou des anges ni même le Fils, ou qu'on parle avec quelqu'un ou qu'on regarde ce qu'il fait. Quelle que soit la scène, peuplée ou sans personne, on doit absolument penser à Dieu. C'est l'atmosphère de Dieu. C'est la gloire, la splendeur, la beauté de Dieu, quelque chose qui ravit et transporte, qui est aussi d'une infinie tendresse (NB 6,65-66).

 

Se tenir devant Dieu

722. Se tenir devant Dieu comme devant un père dont on attend précisément ce qu'il veut donner (NB 1/2, 228).
 

S’adapter à l’atmosphère de Dieu

723. Au purgatoire, toutes les âmes sont pécheresses, mais elles ont saisi et reçu plus ou moins de la grâce. Toutes pourtant doivent mettre à jour leurs connaissances et s'adapter à l'atmosphère de Dieu. Elles doivent s'habituer à la justice du Père et à l'amour du Fils. En la matière, elles ne sont pas simplement passives, elles ne sont pas purifiées sans qu'elles le veuillent (NB 3,93).

 

Respirer dans l’atmosphère de Dieu

724. Le Fils parle de l’unité de l’homme et de Dieu dans les mots de sa prière, dans une langue de Dieu, qui est totalement reçue par Dieu. Pour les chrétiens, ceci est une invitation à prier avec lui dans l'unité, à respirer dans l'atmosphère de Dieu Trinité et à exhaler la vérité de Dieu dans la foi. Si l'on est dans cette atmosphère où Dieu s'adresse à nous, tout le reste devient secondaire, surtout notre propre moi (NB 6,102).

 

Demeurer dans la sphère de Dieu

725. Dans la grotte, Bernadette a vu son ciel sur terre. Elle a eu son grand bonheur au début de sa vie au lieu de l'avoir à la fin. Mais il y a en elle quelque chose de beaucoup plus frappant : elle n'est pas consciente qu'elle demeure dans la sphère de Dieu (NB 1/2, 23).

 

Sentir Dieu?

726. Adrienne, interne en médecine, est alitée cinq jours pour une bronchite aiguë : « J’ai seulement pensé au Bon Dieu durant ces cinq journées. Pendant quelques jours, je n'ai vécu qu'avec Dieu. Un peu prié et entre-deux pensé à lui. Naturellement c'est beau, mais infiniment triste. Peut-être à cause de mon péché qui m'empêche de sentir le Bon Dieu totalement. Il y a pourtant des gens qui sentent le Bon Dieu. Je ne veux pas dire sentir avec les sens ; comment dire ? Ils s'approchent de lui parce qu'ils font exactement ce qu'il veut. Et il y a les autres. Dont je fais partie » (NB 7,190).

 

Faire l’expérience des choses de Dieu

727. On n'accorde jamais assez d'importance à la prière d’un saint ; c'est là qu'il vit ses heures les plus belles quand il peut faire l'expérience des choses de Dieu (NB 1/2, 22).

 

Avoir le sens de Dieu

728. Quand Adam, au paradis, entend Dieu se promener et qu'il parle avec lui, il perçoit Dieu de la manière dont cela lui a été donné. Dieu l'a pourvu du sens de Dieu comme d'une faculté qui est à sa disposition (NB 10, n. 2155).


 

Être en communion avec Dieu

729. Les hommes ont toujours édifié des temples pour Dieu, afin d'être en communion avec lui. Le vrai temple, c'est l'homme Jésus Christ en qui Dieu habite en personne (NB 1/2, 16).


 

La liberté de l’homme

730. Au paradis, Dieu avait laissé à l'homme la libre disposition de toutes choses, sauf du fruit de l'arbre. Mais même s'il savait que Dieu s'était réservé quelque chose, l'homme n'avait nul besoin de s'occuper continuellement de cette limite. Après la chute, il en est tout autrement. Le paradis a disparu, où la limite ne se faisait ni sentir ni remarquer, la limite est maintenant constamment voyante. On s'y heurte sans cesse (NB 6,143).

 

731. Nous sommes depuis toujours des élus de Dieu, destinés par lui à une place précise, et nous devons seulement veiller à nous y rendre. Naturellement, nous pouvons pécher. Nous avons la liberté de nous détourner de Dieu. Ne devrions-nous pas aussi parler de la liberté de nous tourner vers lui ? Et aussi de “choisir” efficacement ce qu’est la volonté de Dieu pour nous ? On devrait se contenter de dire : Dieu nous donne la grâce de regarder ce qu’il a choisi pour nous (NB 9, n. 1953).

 

732. Dieu Trinité a accordé une certaine latitude à la liberté de l'homme et au diable (NB 6,174).

 

733. La liberté pour l'homme est qu'il peut s'adapter à la liberté de Dieu (NB 11,408).

 

Être libre pour Dieu

734. Chacun doit se débarrasser de son péché afin d'être libre pour Dieu (NB 1/2, 228).

 

735. Saint François Jérôme, s.j. (1642-1716) : il est très enclin à voir partout l’œuvre de Satan et aussi à la montrer, pour que les hommes se convertissent et soient libres pour Dieu et pour sa grâce (NB 1/1, 186).

 

736. Sainte Catherine de Ricci : elle commence chaque fois sa prière en se présentant à Dieu de la même manière qu'une servante offre ses services à une personne de haut rang. Elle n'a pas la possibilité de prévoir ensuite le cours de sa prière, de pressentir, ne fût-ce que vaguement, sa forme ou son contenu. Car dès qu'elle est là et libre pour Dieu, l'Esprit Saint prend totalement possession d'elle et il fait d'elle ce qu'il juge bon, ce qui pour elle est inimaginable (NB 1/1, 138).

 

Enfants de Dieu

737. Dieu seul peut nous avoir tous pour ses enfants (NB 9, n. 1685).

 

738. Le fait d'être enfant de Dieu est si puissant dans l'amour que même le plus adulte des humains aime se savoir enfant et, pour garder ce savoir intact, assume volontiers aussi des sacrifices (NB 11,253-254).

 

739. La longueur du temps que Dieu se réserve pour ses plans peut sembler, humainement parlant, être du temps perdu. Cela donne à ses envoyés l’occasion de faire confiance à Dieu de manière beaucoup plus vivante Les plans de Dieu sont remplis d'incompréhensible, d'imprévisible. On redevient un enfant devant Dieu. On apprend à se laisser faire (NB 11,306).

 

L’enfant qui s’endort en priant

740. Un père tient dans ses bras son fils tout petit ; il prie avec lui et, pendant qu'il prie, l'enfant s'endort ; le père ne va pas réveiller l'enfant, il va même trouver qu'il est beau de pouvoir s'endormir en priant, avec sa dernière pensée pour Dieu (NB 10, n. 2051).

 

Naître de Dieu : la foi

741. La plupart des gens naissent de Dieu dans le sommeil : le baptême des enfants. La conscience d'être né de Dieu n'est pas plus aiguë que la conscience de la naissance pour une parturiente qui est anesthésiée. Les premiers disciples sont nés de Dieu lors de leur rencontre avec le Seigneur, sans exhibition. Mais Paul déjà doit faire l'expérience de naître de Dieu d'une manière beaucoup plus violente afin que la foi ecclésiale ne s'embourgeoise pas. Paul doit être un ardent afin que ce qui semblait naturel pour les premiers disciples ne dégénère pas en tiédeur mais garde à tout instant le caractère de la décision (NB 10, n. 2042).

 

La foi

742. La foi vivante n'est pas la même chose qu'une foi morte plus l'amour. Parce que la foi n'est pas un savoir. Pas un simple savoir appuyé sur l'autorité de Dieu. Pas simplement tenir pour vraies des propositions abstraites, les dogmes de l’Église. Il fait partie essentiellement de la foi d'accepter ce que Dieu a préparé pour moi de vérité et, pour cela, l'amour est nécessaire. Pour croire comme il faut, je dois avoir l'amour (NB 6,37).

 

743. Souvent je pense que Dieu est si peu content de moi (NB 10, n. 2244).

 

744. Apprendre à tout regarder avec le regard de Dieu (NB 6,374).

 

745. Dans la foi, l’homme devient la possession de Dieu, il est remis à Dieu, il travaille pour Dieu, il vit de ce que la Trinité lui offre de son unité et de son amour. Ce qu'un homme en reçoit est destiné à être transmis (NB 6,102).

 

746. Nous les hommes, nous sommes là pour devenir. Mais, en devenant, nous ne sommes pas des abandonnés, des réprouvés dans un no man's land. Si nous avons la foi, notre devenir est inséré dans l'être de Dieu et orienté vers cet être toujours plus grand. C'est pourquoi il n'est jamais désespéré. Et les choses que Dieu nous donne pour rendre possible notre devenir en lui, c’est la foi, l'espérance, l'amour ; ce sont des choses qui sont en lui, il nous les donne pour que, portés par elles, nous tendions vers son absolu (NB 6,106-107).

 

747. Tous les dons humains, là où ils sont employés dans la foi, Dieu les accueille comme moyens pour parvenir à lui (NB 6,154-155).

 

748. Tu es un humain, un pécheur comme moi, mais ta foi ardente fait de ton moi une porte ouverte sur Dieu (NB 4,333).

 

749. En ce qui concerne le sens de la vie et le sens de Dieu, beaucoup de liberté est laissée pour les comprendre ou non. On peut considérer des événements en dehors de la foi, et alors on ne comprend rien. On veut aussi alors ne pas comprendre. Si par contre quelqu’un veut comprendre dans la foi, Dieu lui révélera au moins quelque chose du sens. L’humilité de la foi procure deux choses : l’assurance de comprendre quelque chose et l’assurance de ne pas tout comprendre (NB 9, n. 1934).

 

750. Dieu a fait don à l'homme de la foi qui embrasse tout ce qui est à Dieu. Par elle, Dieu est en relation avec l'homme et il fait de lui un chrétien. Au chrétien, Dieu offre la plénitude de l’Écriture, la vie de son Fils, son Esprit Saint. Mais, en tant que croyant, le chrétien doit en même temps gérer ce qu'il a expérimenté et appris humainement car cette sphère n'a pas le droit de se fermer sur elle-même, elle est une fonction de l'homme qui est ouvert à Dieu. En beaucoup de points il se fait que le croyant se heurte à une sphère de mystère qui appartient à Dieu, et la réponse de Dieu peut être tout autre que celle qui était attendue. Dans une surabondance qui recèle les plus grandes surprises, il fait don à l'homme des mystères de son amour (NB 10, n. 2210).

 

751. Un miracle pourrait devenir un moyen pas cher pour réduire la foi. "Si Dieu opère le miracle, je croirai à son pouvoir". Cela veut dire exactement : "Je crois si Dieu fait le miracle" ; et par là l'homme voudrait en fait exercer une pression sur Dieu. L'homme réclame des miracles pour ne pas douter, pour éprouver une joie, pour expérimenter une fois quelque chose qui le dépasse totalement. Mais il réclame souvent un miracle là où il n'est pas permis qu'il se produise parce qu'il pourrait nuire à la foi de l'homme. L'adaptation inconditionnelle à la volonté de Dieu n'est sans doute jamais aussi parfaite que là où l'homme dit oui à la non réalisation d'un miracle. Il a fait un pèlerinage dans l'espérance de faire l'expérience d'un miracle en lui-même ou dans une personne qui est proche de lui. Et Dieu n'en a pas opéré. A la place, Dieu lui donne une foi nouvelle, il lui donne la force de continuer, il lui donne d'être content de cette disposition de Dieu et par là d'être sauvé intérieurement plus profondément (NB 10, n. 2210).

 

752. Dans toute foi qui est vraie, le croyant vit à partir de son centre qui a été pris par la Parole de Dieu : "Ce n'est pas moi qui vis, c'est lui qui vit en moi". "Il faut qu'il croisse et que je diminue". Et Dieu doit désormais rester en ce centre. Le croyant ne doit pas occuper à nouveau la place. Il ne lui est plus permis d'être actif au fond, il doit rester dans l'attente. Le croyant se met à la disposition de la croissance de la foi : "Voici la Servante du Seigneur" (NB 12,89).

 

753. On pourrait dire qu'une mort chrétienne normale devrait être la conclusion d'un passage en Dieu qui s'est étendu sur toute la vie, de sorte que Dieu, en recevant le mourant, ne trouverait plus en lui que ce qui lui appartient, ce qu'il avait lui-même semé en lui et qui a poussé durant toute sa vie (NB 6,283).

 

754. Si, pour les non croyants, à la mort nous devenons des morts, pour les croyants nous sommes pourtant vivants : élevés par Dieu quand les autres nous imaginent disparus ; sauvés quand les autres nous considèrent comme punis ; ressuscités à l'instant même où les autres pensent voir notre cadavre (NB 6,292).

 

Pour une foi plus vivante : la mystique

755. Dans la mystique, il y a une consolation. Une consolation qui est adaptée aussi bien à la grandeur de Dieu qu'à la faiblesse de l'homme. Elle communique à l’homme des choses qui sont nécessaires pour l'encourager et le rapprocher de Dieu ; elle lui donne ce dont il a besoin pour rester vivant, mais aussi ce dont il a besoin pour pouvoir mourir en chrétien. Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir ; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer. Il n'est pas nécessaire de montrer encore une fois la même chose aux martyrs qui viendront par la suite ; il suffit que le premier martyr l'ait vu. C'est en le sachant qu'ils peuvent se préparer à la mort (NB 5,35-36).

 

La foi engourdie

756. Pour nous, créatures, pour nous chrétiens également, l'être ne nous est donné que comme un devenir. Nous devons "devenir" ce que Dieu "est". Ce n'est que si nous nous desséchons et que notre foi s'engourdit, que nous nous imaginons aussi "être" et avoir atteint quelque chose d'une manière ou d'une autre. Tous nos efforts devraient viser à correspondre dans l’obéissance à tout ce que Dieu attend de nous et que pourtant nous ne comprenons jamais totalement et donc que nous ne pouvons pas non plus atteindre (NB 6,105).

 

Le croyant a remis à Dieu le mystère de sa vie

757. Pour le croyant, bien des limites peuvent être très étroites. Il les connaît. D'autres lui semblent de peu d'importance, car sa vie ne lui appartient plus, il ne demande pas l'heure, il a déjà remis à Dieu la part la plus importante du mystère de sa vie. Il fait partie de la sagesse de vie du chrétien de laisser à Dieu ses secrets et de se conformer à sa volonté dans l'obéissance (NB 6,72).

 

Le croyant participe à l'avance au temps éternel de Dieu

758. Quand un homme pèche, il n'est plus dans l'amour de Dieu. Ni non plus dans le temps de Dieu. Mais si un homme est racheté pour l'amour chrétien, il fait de son temps éphémère quelque chose qui appartient déjà au temps éternel, dans son temps humain il participe à l'avance au temps éternel de Dieu (NB 6,103-104).

 

Quand Dieu touche véritablement un croyant

759. Tant que la foi n'est qu'une sorte de devoir inculqué, il y a après la prière un soulagement qui provient du sentiment naturel du devoir accompli. Mais dès que Dieu touche véritablement un croyant et que celui-ci a su qu'il a réellement affaire à Dieu dans la prière, que Dieu s'adresse à lui personnellement - qu'il se sache requis par Dieu, ou qu'il comprenne que Dieu se laisse appeler et qu'il vient en aide à qui a besoin de lui, ou que Dieu possède des mystères remplis de joie qu'il veut nous communiquer -, alors tout change (NB 6,574).

 

Le croyant peut recevoir de Dieu des inspirations

760. Tout croyant a la possibilité de vivifier sans cesse ses prières les plus simples comme le Notre Père. Il peut méditer longuement chacun des mots et chacune des phrases, il peut y rattacher des vérités qu'il connaît par ailleurs, il peut trouver nouvelle matière pour sa prière dans des lectures et des conversations, dans les prédications qu’il entend. Souvent aussi il recevra de Dieu des inspirations et des consolations qui auront des répercussions sur ses autres prières (NB 5,29).

 

Dieu se révèle à chaque croyant de la manière qui lui plaît

761. Au paradis, qui était le "lieu" de Dieu dans le monde, l'homme ne pouvait pas se cacher de Dieu. Dans le monde présent, l'homme croyant n'en est pas non plus capable parce qu'il sait par la foi qu'il vit en présence de Dieu, que Dieu le regarde. Il ne pourrait essayer de se cacher de Dieu qu'en reniant la foi ou en la perdant, en s'imaginant qu'il est pour Dieu un inconnu. Mais c'est en sachant que Dieu le voit que le croyant va structurer sa vie de foi. Il lui est permis de se présenter devant Dieu, de l'adorer et de lui adresser ses demandes. Et Dieu se révèle à chaque croyant de la manière qui lui plaît (NB 5,48).

 

Ce que Dieu donne à ceux qui croient en lui

762. Les croyants ont une obligation de s'approcher de Marie, de se nourrir de sa vie, de comprendre qu'elle incarne ce à quoi aspire tout croyant, de percevoir en elle la totalité de ce que Dieu donne à ceux qui croient en lui (NB 1/2, 175).

 

La communauté de ceux qui connaissent Dieu

763. Joie de pouvoir exister en tant que croyant dans la communauté de ceux qui connaissent Dieu, et même en tant que créature de Dieu (NB 10, n. 2206).

 

764. Dieu vit en chacun de ceux qui croient en lui (NB 4,265).

 

Notre existence temporelle est appelée à être unie à l’existence éternelle de Dieu

765. L'eucharistie peut nous aider à nous rendre compte de la disponibilité constante du Seigneur à s'unir à nous, ou mieux à unir notre existence temporelle à son existence éternelle de Dieu Trinité. Par le mystère de l'eucharistie, le croyant est amené non seulement à l'incompréhensible de Dieu mais, par la réalité du don de soi du Seigneur, à la réalité de Dieu lui-même qui est le don de soi absolu. L’eucharistie est ainsi révélation de l'amour de Dieu, qui est un amour illimité et infini (NB 6,100-101).

 

L’espérance d’être bien reçu par Dieu

766. Le christianisme est espérance. L’angoisse de ce qui peut nous arriver après la mort est indigne d’un chrétien. Celui qui meurt dans l’espérance est beaucoup plus sûr d’être bien reçu par Dieu. Car alors Dieu reconnaît au moins l’espérance dans le pécheur, même si à part cela il n’y avait pas en lui beaucoup de bien (NB 9, n. 1631).


 

Essayer d’aimer Dieu

767. Si quelqu'un veut essayer d'aimer Dieu et de vivre pour lui, il prévoira pour sa vie un règlement : il ne se proposera pas de prendre seulement ce que le hasard du jour lui apporte, il aura des projets ; à partir de la somme de ses expériences, bonnes et mauvaises, de ses rencontres, de ses lectures, etc., il essaiera d'édifier quelque chose et d'accorder alors son projet à ce que Dieu veut de lui ; mieux encore, il essaiera de concevoir son projet à partir de ce que Dieu exige de lui. Mais Dieu demeure libre de bousculer sans cesse toutes les constructions et tous les projets. Il peut exiger aussi une disponibilité qui n'aboutit jamais à un résultat. Il peut faire préparer à quelqu'un ceci et cela, et il n'en sortira rien. Et à la place du travail que non seulement on espérait mais qu'on pensait aussi prévoir dans la prière, Dieu ne laisse survenir rien d'autre que douleur, maladie, impuissance, fatigue démesurée (NB 10, n. 2217).

 

Aimer quelqu’un en Dieu

768. Le facteur d'infini est donné à l'âme par Dieu ; c'est pourquoi on ne peut aimer quelqu'un que si on l'aime en Dieu et que si on le laisse libre pour Dieu. Et on ne peut ainsi le conduire à lui-même que si on l'arrache à la psychologie et si on le rende attentif à Dieu (NB 3,75).

 

S’aimer en Dieu

769. Dans le mariage et l'amitié également les hommes ne peuvent s'appartenir l'un à l'autre que s'ils s'aiment en Dieu et se pardonnent mutuellement dans la miséricorde de Dieu. Je ne peux pardonner à mon débiteur que parce que Dieu lui pardonne (NB 3,75).

 

Savoir qu’on est aimé par Dieu

770. Il est parfois difficile de reconnaître uniquement l'amour dans les paroles du Seigneur parce que le mystère y joue toujours dans une certaine mesure. Et pourtant l'ultime vérité du mystère divin aussi est toujours amour, et toutes les paroles du Seigneur, de la première jusqu'à la dernière lors de son Ascension, ne veulent toujours dire que de l'amour. Mais pour découvrir l'amour, on doit d'abord déjà aimer soi-même, c'est-à-dire savoir qu'on est aimé par Dieu (NB 3,384).

 

Nous devrions aimer Dieu plus que nous ne le faisons

771. Quand nous approchons de l'amour divin avec nos concepts d'amour, nous reconnaissons que Dieu nous aime plus que nous ne pouvons l'imaginer. Et que nous devrions l'aimer plus que nous ne le faisons (NB 6,329).

 

Devenir capable d’aimer Dieu

772. Le pénitent doit se confesser de telle manière qu'il devienne capable d'aimer Dieu. Il doit se confesser dans l'espérance d'être à nouveau aimé par Dieu et d'avoir le droit de l'aimer à nouveau (NB 2,56).

 

Témoigner à Dieu son amour

773. Par le vœu d'obéissance, on exprime sa volonté de témoigner à Dieu son amour (NB 11,308).

 

La prière : démonstration d’amour pour Dieu

774. La prière peut être une démonstration d'amour pour Dieu dont celui qui prie a déjà reçu l'amour. Celui qui prie sait qu'il n'est pas seul, il se tient devant Dieu comme devant l'Autre, et il le sent. Mais le sens de sa prière se trouve dans son don de lui-même plus que dans l'attente d'être accueilli par Dieu (NB 11,423).

 

Brûler d’amour pour Dieu

775. Saint Antoine le Grand : il brûle pour Dieu de l'amour le plus saint, mais dans cet amour est inclus l'amour des hommes (NB 1/1, 269).

 

Enflammé d’amour pour Dieu

776. Il y a des saints qui, ici-bas, ne font pas grand-chose de visible. Le pécheur qui vit à côté d'un saint de ce genre, reconnaîtrait aussi ce saint, s'il n'était pas un pécheur, et, par lui, il serait enflammé d'amour pour Dieu (NB 11,439).

 

Être uni à Dieu dans l’amour

777. Si nous sommes unis à Dieu dans l'amour et si nous reconnaissons l'Esprit d'amour dans l'Esprit Saint qui nous est donné, il va de soi que cet Esprit doit agir en nous selon ce qu'il est dans le ciel. Pour que cet Esprit demeure en nous, nous n'avons pas le droit de le dépouiller de ses qualités pour mettre les nôtres à leur place. Nous devons lui être si bien disponibles que, malgré nos défaillances, il puisse agir par nous d'une manière tant soit peu reconnaissable. Il doit rester l'Esprit d'amour (NB 6,443).

 

Un début d’amour de Dieu

778. On ne peut se confesser que si on aime Dieu, que si on possède du moins un début d'amour de Dieu, même si on ne reçoit à nouveau l'amour parfait que par l'absolution. La confession est l'amour qui cherche, l'absolution est l'amour trouvé (NB 3,92).

 

Aimer Dieu

779/ Si j'aime quelqu'un, je veux être avec lui. Si j'aime Dieu, je veux être avec Dieu (NB 7,332).

 

Se rapprocher de l’amour de Dieu

780. Le repentir vous rapproche de l’amour de Dieu (NB 4,65).

 

L’amour de Dieu

781. L'obéissance chrétienne doit être prêtée à cause d'un bien absolu, et ce bien, c'est l'amour de Dieu (NB 11,312).

 

782. Sans souffrances, des hommes n’arriveraient pas à l’amour de Dieu. Les séparations des familles, les décès, les privations, les blessures ouvrent les hommes et leur apprennent à quitter leur égoïsme étroit et à penser un jour à Dieu et à leur prochain (NB 8, n. 523).

 

C’est l’amour de Dieu qui est le centre

783. Nous nous mettons au centre et nous fermons le monde autour de nous. Nous oublions que c'est l'amour de Dieu qui est le centre et que nous devrions rester ouverts à l'Esprit Saint. Dieu devrait garder la possibilité d'agir là aussi où notre esprit planificateur n'a plus accès. Nous devrions laisser à l'Esprit la liberté de souffler où il veut, sur nous et sur nos œuvres, même s'il commence par notre foi et notre action (NB 10, n. 2230).

 

Dieu comme un ami

784. Nous savons certes que Dieu est amour, qu'il possède tout ce que nous n'avons pas et ne savons pas. Et notre désir se porte vers lui comme vers un ami que nous admirons parce qu'il a beaucoup de choses, qu'il sait ce qui nous manque et dont pourtant nous pouvons jouir de l'amitié. Mais une vue de ce genre reste humainement limitée. C'est inévitable ici-bas si nous devons finalement percevoir quelque chose de Dieu. Le commandement de l'amour du prochain, que le Christ édicte, est le véritable accès qu'il a créé pour que nous fassions l'expérience de l'amour de Dieu : il nous donne par là une possibilité d'exprimer notre amour pour lui. Si un homme veut expliquer à un autre ce qu'est Dieu pour lui, il cherchera à donner aux mots plus de poids qu'ils n'en ont par eux-mêmes, à les faire apparaître plus remplis de grâce. L'homme que nous admirons, nous le mettons en opposition à ce que nous sommes ; nous l'admirons d'autant plus qu'il a plus de choses que nous et qu'il est capable de plus que nous. Et Dieu a tout ce que nous n'avons pas. C'est pourquoi nous l’admirons en comparant le tout au rien (NB 11,342).

 

Avec Dieu, la déception est impossible

785. L'amour de Dieu ne connaît pas la résignation. De la part des hommes on doit supporter beaucoup de choses, mais avec Dieu la déception est impossible (NB 10, n. 2269).

 

Le goût de lamour de Dieu

786. Le Fils est devenu homme pour enlever ce qui éloigne les pécheurs de Dieu, pour donner à la créature le goût et le sens de l'amour de Dieu (NB 6,197).

 

Aimer Dieu et aimer les gens

787. Adrienne, interne en médecine : « Si j'aime le Bon Dieu, cela m'oblige à aimer aussi les gens » (NB 7,190).

 

Si j’aime Dieu

788. La meilleure obéissance est toujours l’amour parfait. Si j’aime Dieu, je fais ce qu’il veut (NB 9, n. 1685).

 

J’aime prier Dieu

789. Je connais des formules qui sont vraies : Dieu est grand, Dieu est bon. Je peux dire aussi des choses qui sont subjectivement vraies : j'aime Dieu, j'aime prier Dieu. La vérité du fait que j'aime prier a beaucoup de visages. Tantôt j'aime prier devant le Saint-Sacrement exposé, tantôt devant le tabernacle fermé. Tantôt je peux laisser tomber tous mes soucis pour n'être qu'à Dieu, tantôt j'ai besoin justement de mes soucis pour prier avec eux. Tantôt je m'entretiens avec un saint dans la prière, et il sert alors en quelque sorte de pont vers le tabernacle. Il voit Dieu, et mon champ visuel atteint le saint qui voit Dieu. La vérité de la prière a pour moi beaucoup de visages, mais j'apprends par là que cette vérité est infiniment plus grande et plus riche que ce que j'en expérimente, même là où elle me comble totalement (NB 10, n. 2135).

 

L’amitié avec Dieu

790. Curieux que, dans une amitié, par amour de l'autre, on devienne tel que l'autre l'attend, et que, dans l'amitié avec Dieu Trinité, on ne se laisse pas transformer comme Dieu le voudrait pour qu'on lui soit conforme. Et pourtant on a une image de ce que Dieu attend d'un chrétien (NB 10, n. 2244).

 

791. L’amitié de Dieu et celle des saints sont très différentes de l’amitié naturelle entre humains par le fait que celle-ci est toujours réciproque d’une certaine manière, tandis que celles-là par contre demeure toujours unilatérales. Je comprends les choses comme ceci : par l’amour de quelqu’un, si cet amour est sympathie naturelle, l’aimé peut conclure qu’il est, sur un point ou sur un autre, attirant et digne d’amour. Il a cette qualité. Il peut même s’en réjouir. Cette qualité peut être pour lui consolation et encouragement. Dans l’amour dont Dieu et les saints nous gratifient, et qui peut être d’une tendresse et d’une chaleur incroyables, d’une familiarité qui comme intentionnellement abolit les distances et fait semblant de ne pas les voir, l’être humain n’a le droit, à aucun moment, de tirer la conclusion qu’il est assuré d’avoir en main un gage qui le dispenserait d’un effort quotidien toujours renouvelé (NB 9, n. 1579).

 

La relation avec Dieu

792. Adam, d'une certaine manière, était le confident de Dieu. Non en raison de sa propre connaissance, mais parce qu'il était issu uniquement de la main de Dieu. Il a avec Dieu une relation si naïve et si peu réflexive qu'il correspond au vouloir et aux desseins de Dieu avec une obéissance toute primaire ; c'est pourquoi quelque chose en lui, dont il n'a pas besoin d'être totalement conscient, approuve tout ce que Dieu fait (NB 12,153).

 

793. Au commencement, Dieu a fait des hommes les maîtres de la création et il attend d'eux qu'ils mettent toutes leurs facultés au service de ce pouvoir. Ils ne doivent pas seulement recevoir le cadeau que Dieu leur fait avec le monde, ils doivent comprendre que cette prise en charge est un service qu'ils sont capables de rendre. Ils ont, dans leur intelligence spirituelle, tout ce qu'il faut pour répondre aux questions qui se posent. Ils doivent exercer leur pouvoir sur ce qui leur a été confié par Dieu, en lui en étant reconnaissants. Après la chute, la relation des hommes aux dons de Dieu est perturbée : ils ne veulent plus comprendre leur situation de maîtrise du monde comme un service et une voie pour entrer en relation avec Dieu (NB 5,116).

 

794. Les relations de Marie avec Dieu, sa prière, avec la plénitude et les pensées qui y vivent, lui sont inspirées par l'Esprit (NB 1/2, 270).

 

795. Le pire qui pût lui arriver saint Ignace) serait que se trouble sa relation avec Dieu (NB 11,111).

 

796. Adrienne, à 27 ans, au contact avec les malades : « A l'hôpital, j'ai eu très fort le sentiment que je devrais avoir davantage le souci que les autres aient une relation avec Dieu. Personne ne devrait venir dans mon service sans que quelque chose change dans sa relation à Dieu » (NB 7,254).

 

Une juste relation à Dieu

797. Le Christ et sa Mère supportent les humiliations pour ce qu'elles sont. Ils les reçoivent dans l'obéissance telles qu'elles doivent être vécues. Sans les minimiser ni les majorer, ni avec enthousiasme, ni dans l'agitation ; ils laissent aux choses de la vie quotidienne le sens que Dieu leur donne. Ainsi seulement le quotidien peut être vécu en Dieu, alors aussi même dans les plus petites choses sera perçu Dieu Trinité tel qu'il est, non tel que je me le façonne. Il se peut que bien des événements de la vie quotidienne doivent être reçus simplement comme ils s'offrent, sans pieuses déformations qui veulent à tout prix, de manière artificielle, les mettre en relation avec le Seigneur. Seul ce qui est abordé "de manière juste" peut procurer une juste relation à Dieu. Ce n'est pas facile (NB 6,116-117).

 

Une relation particulière de Dieu avec chacun

798. La grandeur de Dieu : il possède avec chacun une relation particulière même là où elle n'est ni vue ni comprise, même là où on la rejette. Dieu est partout beaucoup plus intéressé que nous ne le pensons (NB 10, n. 2044).

 

Une relation vivante avec Dieu

799. La fatigue des croyants et leur faiblesse trouvent toujours sinon un contrepoids du moins une détente, un sens provisoire peut-être mais important quand même, dans le dialogue avec Dieu, dans une relation vivante avec lui. Dieu parle dans la souffrance ou dans la fatigue, tantôt de plus près, tantôt de plus loin, mais il fait entendre sa parole (NB 10, n.2208).

 

800. Les saints qui accomplissent des miracles, les croyants qui gardent une relation vivante au Dieu Trinité, tous ceux qui usent de la parole dans le sens du Seigneur, ne font rien d'autre que faire de l'obéissance la réalité de leur vie ; ils ne délibèrent pas arbitrairement contre Dieu, ils prennent tout comme le Fils lui-même l'acceptait et comme il le leur présente (NB 11,26).

 

801. Avant de créer le monde, Dieu ne se révélait qu'au sein de sa Trinité. La nature trinitaire de Dieu est si infinie et si parfaite qu'elle suffit éternellement à Dieu Père, Fils et Esprit. Mais le Père, avec le Fils et avec l'Esprit, décide en toute liberté de donner à leur éternel échange d'amour une nouveau mode d'expression. Cet échange avait lieu jusqu'alors à l'intérieur de la nature trinitaire infinie ; Dieu met maintenant en dehors de lui une création qui doit rester avec lui dans un échange constant. Placée en dehors de lui et habitée par les hommes, elle s'appellera "terre" ; avec Dieu qui est au "ciel", elle est dans une relation vivante et pleine d'attente. Le don de Dieu aux hommes, qui leur rend possible le contact avec le ciel de Dieu Trinité, sera la foi (NB 5,40).

 

Entre l’homme et Dieu, de vraies relations

802. Dieu exige de l'homme la foi. L'homme peut, par la grâce, rester ouvert à la grâce et, de la sorte, mener une authentique vie surnaturelle en croyant, en aimant et en priant. La foi le rend capable de faire l'expérience de Dieu, de comprendre sa parole dans la prière, de percevoir ses exigences comme exigences divines même s'il ne peut pas les expliquer totalement, et d'engager tout son moi créé dans l'obéissance surnaturelle. En vertu de la foi, il y a donc entre l'homme et Dieu de vraies relations surnaturelles qui correspondent à une exigence de Dieu. La foi crée en l'homme des espaces nouveaux, plus que naturels, pour rencontrer Dieu. C'est pourquoi on pourrait dire qu'il est "naturel" pour l'homme de ressentir le surnaturel parce qu'il est "naturel" aussi que Dieu, quand il demande à l'homme quelque chose de surnaturel, lui donne aussi un champ de conscience où celui-ci peut le rencontrer et lui correspondre de manière humaine. D'où les consolations dans la prière, la conscience d'être exaucé par Dieu, une certaine intuition de la présence de Dieu avec qui parle l'orant (NB 5,203-204).

 

La relation à Dieu et au terrestre

803. Marie a le juste savoir au sujet de sa relation à Dieu et au terrestre (NB 6,391).

 

Des relation personnelles avec Dieu

804. L’Église et l'eucharistie contiennent toujours la parole de Dieu vivante et personnelle. La sainteté dans l’Église n'est jamais possible sans une relation personnelle à la parole personnelle de Dieu à moi (NB 2,27).

 

805. Un envoyé comme Paul a appris un grand nombre de choses dans ses relations personnelles avec Dieu (NB 1/2, 286).

 

806. Multiplicité inouïe des relations humaines à Dieu (NB 9, n. 1787).

 

Une fausse intimité avec Dieu

807. Dans sa prière, saint François-Xavier craignait toujours une fausse intimité avec Dieu (NB 11,399).

 

La proximité de Dieu

808. Le monde angélique représente la proximité de Dieu. Quand Marie, dans sa prière, a des pensées qui viennent de Dieu, elle vit dans l'atmosphère des anges. Ce n'est pas seulement la proximité de Dieu qui caractérise Marie, mais aussi le caractère propre de ce qui est angélique. Les anges ont apporté à sa vie sur terre une proximité de Dieu et une connaissance de Dieu (NB 6,43).

 

Dieu peut faire à un humain le don de sa proximité

809. Saint Louis de Gonzague a une ressemblance avec le Seigneur dans le fait qu'il est constamment si obéissant que Dieu lui fait continuellement le don de sa proximité, et là où Dieu laisse ses traces, Louis les reconnaît. Il n'a pas besoin de les voir de ses yeux et de les toucher de ses doigts, mais il les reconnaît comme le chemin de Dieu, avec une sorte de sûreté surnaturelle (NB 4,159).

 

Le sens de la proximité de Dieu

810. L'homme croyant sait que Dieu vit, qu'il est omniprésent, qu'il exauce sa prière, voit tout ce que fait l'homme. Cependant ce genre de savoir est en général une connaissance qui provient de la foi en la doctrine chrétienne sans que ce soit ressenti naturellement. Chez certains élus, Dieu se sert aussi de différentes formes sensibles et quasi sensibles de ressenti et d'expérience pour leur communiquer le sens de la proximité de Dieu (NB 2,156).

 

Éprouver la proximité de Dieu

811. Saint Pacôme : il prie avec amour et plénitude ; il est plein de l'espérance qu'il pourra toujours aimer, que son amour sera fécond, que Dieu se sert réellement de lui. Il emporte les hommes avec lui dans sa prière ; c'est comme s'il ne voulait pas se permettre de se tenir seul devant Dieu. Il emporte toujours les hommes sur qui il a des desseins, mais toujours aussi quelques inconnus. Et alors il demande à Dieu de rendre son amour fécond, et aussi de rendre fécond l'amour de ceux qu'il emporte avec lui, les connus et les inconnus. Quand il emporte des inconnus dans sa prière, il sait qu'ils sont connus de Dieu, que Dieu peut les choisir, que Dieu lui-même les a associés à sa prière. Il voudrait que ceux qu'il a emportés dans sa prière éprouvent aussi la proximité de Dieu et ses effets (NB 1/1, 268).

 

Marie, si proche de Dieu

812. Marie était si proche de Dieu que les hommes qui la rencontraient expérimentaient quelque chose de cette proximité au genre de grâce qu'elle transmettait. Marie, dans sa pureté, ne transmet que ce que Dieu est et ce que Dieu veut transmettre ; elle participe par la grâce à la vie intime de Dieu (NB 1/2, 158-159).

 

813. Jamais un être humain n'a été plus proche de Dieu que Marie (NB 10, n. 2189).

 

S’approcher de Dieu

814. Moïse veut tout savoir mieux que les autres : il veut s'approcher de Dieu, Dieu le lui interdit et il lui donne en retour une mission, mais Moïse n'en veut pas. Il se dit en quelque sorte : si tu ne m'accordes pas ce que je veux, je ne fais pas non plus ce que tu veux. Dieu a éveillé son attention par le feu, le feu l'a mis en conversation avec Dieu, mais parce que Dieu met des limites, Moïse se sent autorisé à en mettre aussi de son côté. La confession et le purgatoire sont offerts au pécheur, mais celui-ci veut y entrer avec ses propres mesures. Le feu brûle mais ne consume pas, Moïse en conclut : il ne va pas non plus me consumer. Mais ici Dieu crie : "Halte !" Le buisson est une créature de Dieu : Dieu peut y habiter; le pécheur en tant que tel n'est pas la créature de Dieu : Dieu devrait le consumer. En tout cas, il faut que soit brûlé totalement le repli du pécheur sur lui-même (NB 6,318).

 

Se maintenir auprès de Dieu

815. Saint Benoît a conscience de l'existence du mal, il faut le combattre ; l’homme doit résister vigoureusement pour pouvoir se maintenir auprès de Dieu (NB 2,66).

 

Prier : être auprès de Dieu

816. Il y a un chemin de prière qui commence au centre et peut être conduit à la périphérie. Par exemple, je dis un Notre Père tout haut, je le dis en Église, d'une manière impersonnelle, par devoir, comme la prière que le Seigneur a donnée à chaque chrétien, je suis auprès de Dieu avec tous les saints et tous les croyants, je le dis avec une application qui fait partie de la nature de toute prière faite avec foi, je fais ce qui est requis dans l’Église (NB 5,231).

 

Crainte d’oublier Dieu trop longtemps

817. Saint Bernard craint toujours d'oublier Dieu trop longtemps quand une fois ou l'autre il est joyeux pendant un certain temps. Il sait sans doute que Dieu permet la gaieté, mais il se méfie de lui-même parce qu'il craint de s'éloigner de la prière (NB 1/1, 426).

 

La confiance en Dieu

818. Marie représente la confiance en Dieu et l’œuvre en elle de la grâce (NB 10, n. 2155).

 

819. Le vœu de pauvreté est un acte de confiance intime en Dieu (NB 10, n. 2103).

 

820. Sur le navire des pèlerins, saint Ignace n'emporte encore une fois avec lui que sa confiance en Dieu (NB 11,118).

 

En laisser le soin à Dieu

821. A Venise, saint Ignace ne se soucie pas d'une place dans un bateau, il a le sentiment qu'il doit en laisser le soin à Dieu qui vient de lui donner justement de nouvelles preuves de sa Providence. Ce serait faire preuve d'ingratitude et d'un manque de correction envers Dieu que d'intervenir maintenant tout d'un coup avec méfiance et de lui "venir en aide" (NB 11,116).

 

822. Tout voir comme venant de Dieu (NB 11,215).

 

823. Chacun a à recevoir de Dieu ce que Dieu lui donne (NB 9, n. 1993).

 

Dépendant de Dieu

824. Qui mendie pour l'amour de Dieu doit aussi un jour ne rien recevoir pour être encore plus dépendant de Dieu (NB 11,210).

 

Ce qui est envoyé par Dieu

825. Être prêt à accepter tout ce qui est envoyé par Dieu. Ne pas avoir peur de ce que Dieu pourrait nous envoyer (NB 11,188).

 

Recevoir une semence de Dieu. Être touché par l’Esprit

826. Les œuvres de l'Esprit sont immenses. Dans une communauté, dans une ville, etc., des milliers de vie se côtoient, partout on peut reconnaître quelque chose de l'Esprit et pourtant on ne peut le fixer nulle part ; dans un ordre qui nous semble un pur désordre, il conduit tout le monde au Seigneur. Tous ceux qui ont reçu en eux une semence de Dieu sont touchés par l'Esprit des manières les plus variées, ils sont en chemin vers l'amour trinitaire (NB 6,93).

 

Faire un pas avec Dieu grâce à l’Esprit Saint

827. L'Esprit sait où l'être humain doit regarder et où il doit aller pour être en Dieu et pour faire comme il faut le pas suivant avec Dieu. Un savoir qui ne requiert pas une extase, qui ne requiert pas d'être dans l'Esprit, mais qui est simplement humain et qui est pourtant en même temps influencé par Dieu. Cela se trouve au point de rencontre de la nature et de la surnature, et cela donne à l'être humain de voir clairement comment il doit se conduire dans la grâce (NB 6,392).

 

Entendre Dieu grâce à l’Esprit

828. S'il n'y avait pas eu de péché, l’Esprit aurait été le don permanent du Père aux hommes. Dans son Esprit, Dieu aurait gardé près de lui sa création et en elle chaque homme. Pour les hommes, l'Esprit aurait été ce qui en Dieu était le plus compréhensible. Comme Adam et Ève au paradis, ils auraient sans cesse entendu Dieu grâce à l'entremise de l'Esprit, ce qui aujourd'hui caractérise surtout les saints ; leur marque distinctive aurait été d'être des récepteurs de l'Esprit (NB 6,393).

 

L’Esprit rend Dieu présent

829. Pour l'incarnation, l'Esprit est le porteur de la semence du Père. Il reçoit ainsi la propriété générale d'être dans le monde la semence de Dieu, de rendre Dieu présent. Il peut désormais venir en n'importe quel lieu du monde comme prémisse de Dieu. Personne ne sait qu'en cet endroit, derrière ce mot ou cet acte est cachée une semence de Dieu. Un jour arrive quelqu'un qui remue un peu le sol, qui arrose ce qui était sec, et maintenant, sans changer de place, la semence peut lever et pousser (NB 6,425-426).

 

L’Esprit Saint, source de l’amour

830. Quand la vérité de Dieu est devenue si évidente pour un chrétien qu'elle définit sa vie, elle façonne avant tout son amour : pour Dieu, pour les commandements de Dieu, pour le prochain. Celui qui vit dans la vérité de Dieu est conduit de lui-même à l'amour effectif. En mettant l'amour en œuvre, il essaie d'imiter le Fils incarné. L'apostolat est un fleuve qui coule de lui-même à partir de la source de l'amour. Et parce que l'Esprit Saint est cette source, tout apostolat chrétien vivra d'emblée des dons de l'Esprit (NB 6,443).

 

L’Esprit sait ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu

831. L'Esprit, en tant que gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture, sait pour chaque époque de l’Église et du monde créé ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu. A vrai dire, il n'y a pas tellement de différence entre ce qui est vraiment actuel aujourd'hui et ce qui l'était au temps du Christ ; il ne s'agit pas de la culture moderne, il y a le fait que le Rédempteur est venu et que nous vivons dans la tension entre notre péché et son œuvre de rédemption (NB 6,549).

 

832. Dans l'Esprit Saint, toutes les paroles de Dieu sont également importantes, les positives et les négatives (NB 4,161).

 

Pourquoi Dieu nous envoie son Esprit ?

833. Que fait une fiancée si son fiancé l'aime plus qu'elle ne l'aime ? Il peut alors lui donner de son amour à lui afin qu'elle l'aime en retour avec son amour à lui. Il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d'elle en retour. Dieu peut faire de même : il m'envoie son Esprit et je l'aime en retour avec cet Esprit (NB 4,423).

 

834. L’Esprit inspire les disciples ou les prophètes pour qu'ils mettent par écrit ce qu'ils ont vécu avec Dieu et avec le Seigneur (NB 1/2, 239-240).

 

L’Esprit comme une étoile que Dieu donne à ceux qui croient en lui

835. L'Esprit, dans lequel les mages risquent leur voyage, est déjà l'Esprit de l'apostolat futur. Il est premier semis, qui deviendra un jour une grande moisson : signe toujours nouveau que Dieu donne une étoile à ceux qui croient en lui, réponse toujours nouvelle à un appel mystérieux de Dieu. Sans cesse un savoir et un non-savoir confiant sont étroitement associés, et ceci non dans un demi-oui hésitant, mais dans un vrai départ qui emporte avec lui dans le voyage vers le Seigneur toutes les questions pendantes pour seulement adorer (NB 10, n. 2159).

 

La prière à l’Esprit

836. Dans la prière à l'Esprit on pressent plus que d'habitude la grandeur et l'immensité de Dieu (NB 10, n.2304).

 

La joie de l’union de la créature avec Dieu

837. Dieu a donné à l’homme et à la femme un corps différent, accordé l’un à l’autre, afin que, dans leur union et leur joie commune ils reçoivent un pressentiment de ce que sera la joie de l’union de la créature avec Dieu (NB 4,128).

 

La joie en Dieu

838. La joie en Dieu ne peut être sans souffrance en ce monde (NB 4,354).

 

La joie donnée par Dieu

839. Les jours du chrétien doivent être des jours de joie, des jours où il est assumé par Dieu et des jours de don chrétien. L'enrichissement dont chacun fait ainsi l'expérience est toujours aussi l'enrichissement d'une joie donnée par Dieu. Cette joie n'est nullement opposée à la souffrance chrétienne ; bien plus, celle-ci fait partie de la joie. Une fois pour toutes, le chrétien est libéré du domaine du désespoir, de la sourde résignation et de la cécité. Si, pour une raison ou pour une autre, la joie sentie lui est retirée, objectivement elle se maintient malgré tout, et elle peut aussi être employée à rendre supportables les plus grandes souffrances. Non en diminuant la souffrance, mais par le fait que celui qui souffre reçoit de porter dans l'esprit du Fils ce qui est imposé (NB 10, n. 2157).


 

Prier et penser à Dieu

840. Parfois on est trop fatigué pour prier, on pense seulement à Dieu d'une manière ou d'une autre et on se réjouit en pensant à lui. On est saisi aussi par le fait que maintenant réellement, en cet instant, tant de gens prient tout à fait simplement dans la joie et que, face au rayonnement de Dieu, ils ont oublié leur propre destin, leurs soucis personnels, leurs responsabilités, ils sont devenus pour eux-mêmes peu importants. Tout l'humain est oublié comme futile, dans un vrai don de soi, et c'est cela qui est beau et qui sonne juste (NB 10, n. 2282).

 

841. Il y a une manière de penser à Dieu qui se trouve très proche de la prière vocale ; on ne dit peut-être alors toujours que "Dieu", ou "Toi", ou bien on est simplement ébahi ou on ne fait qu'adorer. Des relations comparables à celles d'une mère avec son enfant ; on parle avec lui, puis on se tait, et on est quand même toujours occupé avec lui (NB 10, n. 2059).

 

Prière : avoir du temps pour le Bon Dieu

842. Adrienne : « Quand j'étais malade (double pneumonie en 1933), nous avions du temps l'un pour l'autre, le Bon Dieu et moi. Je ne sais pas si on appelle ça prière. Je veux dire : je pouvais être heureuse avec lui » (NB 7,280).

 

Une demi-heure pour Dieu

843. Adrienne : « Puis une demi-heure pour moi seule, c'est-à-dire pour Dieu, sans activité. Puis consultation » (NB 8, n. 47).

 

Balbutier devant Dieu

844. Simplement balbutier devant Dieu, tout lui abandonner (NB 6,377).

 

Devant Dieu comme un enfant

845. Charlemagne peut prier comme un enfant, avec la joie de l'enfant qui prie, qui a part tout d'un coup à un monde étranger, beau, grand, mystérieux ; il est, vis-à-vis de Dieu, comme un enfant dans les bras de son père, il reçoit tout de sa main, il s'en réjouit et il veut faire honneur aux choses qu'il reçoit. Comme un enfant qui reçoit de la main de son père un objet qui n'a de sens que pour le père, mais il est fier que le père lui laisse quelque chose de ce qui lui appartient. Si, pendant un certain temps, il peut confondre ce qui est à Dieu et ce qui est à lui, suivent toujours cependant des heures d'humilité et de transparence authentiques où il s'accuse de son orgueil et de sa fierté (NB 1/1, 62-64).

 

Comme s'il était constamment assis avec Dieu

846. Saint Patrick : toute sa vie est une prière. Et cette prière est très pure, comme angélique ; elle trouve Dieu tout de suite, elle est comblée et elle porte aussi à l'extérieur cette plénitude. Ce qu'il apporte aux hommes n'est rien d'autre que sa prière, et quand il réfléchit à ses tâches ou à quelque autre problème, tout est toujours prière. Comme s'il était constamment assis avec Dieu et décidait avec lui de toutes ses affaires. Il est dans les mains de Dieu comme un jouet qu'on doit toujours remonter. Et il est toujours remonté avant de s'arrêter ; ainsi il ne tourne jamais au ralenti. Il aime les autres, car ils sont les créatures de son Dieu. Et quand ils ne croient pas, il les plaint terriblement, il a pour eux une compassion infinie (NB 1/1, 274).

 

Être quelque chose qui a le droit de vivre dans l'amour de Dieu

847. Souvent dans la prière on est interrompu par un motif extérieur : on est dérangé, on doit terminer un travail ou on est trop fatigué. On s'engage alors dans un monde clos de réflexions, de raisonnements, d'attentes. Et tout d'un coup on se souvient qu'on a le droit de prier et, pour un instant, tout le reste disparaît. La prière nous envahit de tous côtés comme le parfait rafraîchissement de l'esprit sans qu'on ait contemplé quelque chose de particulier, sans qu'on y ait pensé, ni même sans qu'on ait eu un thème précis de prière. C'est simplement le monde de Dieu qui fait irruption dans le monde de l'homme, qui fait sentir qu'on est un être humain et qu'on a un corps et des sens, qu'on est et signifie quelque chose qui a le droit de vivre dans l'amour de Dieu, et qui fait maintenant l'expérience d'être immergé dans le monde de Dieu (NB 10, n. 2166).

 

Il ne perd jamais le contact avec Dieu

848. Saint Anselme : il a une prière si pure, si totalement inspirée par Dieu, qu'elle ne diminue pas même quand il reste longtemps à son travail. Il ne perd jamais le contact avec Dieu. Il est absolument convaincu que tout ce qui est bon dans son travail provient de Dieu, que tout ce qui est mauvais vient de lui (NB 1/1, 421).

 

Une existence en Dieu

849. Le chemin chrétien commence par le fait qu'on vit "de la foi", qu'on pense, qu'on veut et qu'on ressent à partir d'elle ce que Dieu a dans sa conscience trinitaire. Ceci n'est possible que par la grâce de Dieu, mais celle-ci m'est toujours offerte. Peu importe alors pour moi de préciser où je commence et où je finis, et quelles sont mes possibilités propres de créature. Le fondement apporté par la foi dans le chrétien ne se développe logiquement que dans sa prière : plus celle-ci est vivante et plus elle est réelle pour lui, plus sa conscience de lui-même s'efface et plus effective est son existence en Dieu (NB 5,172).

 

Quand Dieu est en moi

850. Quand Dieu est en moi - dans la prière par exemple - c'est le ciel. Quand je suis seul avec moi, devant le péché, c'est l'enfer(NB 3,249).

 

Saisir quelque chose de Dieu

851. On peut réellement saisir quelque chose de Dieu. On peut se raccrocher au nom du Fils pour accéder au Père invisible. Et pourtant la prière se met en mouvement vers Dieu tout entier, bien que ce soit plutôt Dieu qui se met en mouvement. Dieu entre dans l'âme, il assume tout l'événement ; la personne laisse faire (NB 12,111).

 

Quelque chose qui est offert à Dieu

852. La prière peut être quelque chose que le mystique offre à Dieu, dans l'obscurité la plus profonde peut-être, pour qu'elle soit éveillée à ce que le Seigneur exige d'elle (NB 5,19).

 

Se donner à Dieu

853. Quand le chrétien prie, il a une certaine volonté de se donner à Dieu comme il le demande (NB 9, n. 2011).

 

Prier est un don de la grâce de Dieu

854. Le fait pour nous de pouvoir prier est un don de la grâce de Dieu, car sans cette grâce nous ne serions pas différent de Judas (NB 5,88).

 

Mettre quelque chose entre les mains de Dieu

855. Les croyants ordinaires prient dans la joie ou dans une souffrance, avec des intentions qu'ils recommandent à Dieu, ou bien aussi tant soit peu par habitude et sans goût. Et il peut se faire que soudainement ils fassent l'expérience qu'ils sont exaucés : ce qu'ils ont mis entre les mains de Dieu devient une réalité qui correspond à leurs vœux dans la foi (NB 10, n. 2153).

 

Un entretien avec Dieu

856. En toute demande adressée à Dieu, il est inclus qu’on est prêt à correspondre à Dieu. De même aussi tout entretien avec Dieu signifie toujours une ouverture, jamais une fin, et donc un acte qui va vers l’avenir (NB 9, n. 1401).

 

Se laisser traîner dans la prière là où Dieu le veut

857. Sainte Brigitte (1302/3 – 1373) : elle a une manière touchante de se laisser porter, de se laisser traîner dans la prière là où Dieu le veut ; elle a des heures entières où elle oublie qu'elle est là, où en priant elle ne fait que servir Dieu, dans le plus complet désintéressement (NB 1/1, 96).

 

Dieu peut conduire la prière comme il le veut

858. En toute prière on doit rester totalement ouvert et malléable, car Dieu peut la conduire tout à fait ailleurs qu'on ne le pensait (NB 5,182).

 

Prier Dieu en toute proximité

859. Plus un être est pur, plus purement il fera l'expérience qu'il peut prier Dieu en toute proximité, le prier de manière si proche au fond que, dans la prière, il ne perçoit plus lui-même les différences qu'il y a entre le Père, le Fils et l'Esprit, bien qu'il connaisse la Trinité et que, dans ce qu'il expérimente de la grâce et en reçoit, il reconnaisse la Trinité de grâce (NB 5,176).

 

Comment Dieu réagit à notre prière

860. Comment Dieu réagit, nous ne savons pas. Ses temps et ses espaces sont autres, ses conclusions et sa manière d'avancer également. Ce n'est que dans la foi et dans l'amour que nous savons que nos actes sont gardés chez lui et que chez Dieu tout a son effet en son lieu et à son heure. Nous le savons : si notre prière et nos actes sont chrétiennement en ordre, au ciel correspond un ordre semblable même si nous ne voyons pas la correspondance (NB 6,22).

 

Comment Dieu entend la prière

861. Chaque mot de la prière représente beaucoup plus que ce qu'on ne saura jamais, chaque mot a une ampleur qu'on ne pourra jamais lui donner soi-même, Dieu doit l'entendre divinement et ainsi seulement en faire un mot pour lui. Et s'il ne nous est pas donné de voir la forme et le contenu que la prière reçoit auprès de Dieu, on sait quand même que cette transformation a lieu et qu'elle est un pur don. La source de laquelle tout découle, qui donne forme à tout, se trouve en Dieu (NB 6,287).

 

Dieu entend ma prière

862. Je sais dans la foi que ma parole arrive à Dieu ; il l'entend et il y répond en silence dans son sens à lui. Cela me donne une certaine certitude et un certain apaisement ; et si ma prière avait une intention précise, si peut-être elle était faite pour une autre personne, cette intention est maintenant déposée en Dieu et reçue par lui. Je m'attends donc à ce que Dieu s'y intéresse ; il va de soi pour moi que celui qui a été recommandé à Dieu ressentira d'une manière ou d'une autre les effets de ma prière (NB 5,209).

 

Lorsque Dieu ne répond pas tout de suite à la prière

863. On doit apprendre que, lorsque Dieu ne répond pas tout de suite, ses réponses ultérieures ne sont pas moins vigoureuses que ses réponses immédiates, qu’elles gardent toute leur plénitude même quinze ans, seize ans, dix-sept ans après (NB 9, n. 1661).

 

Quand Dieu va-t-il prendre les soucis ?

864. “Jetez sur lui vos soucis car lui-même prend soin de vous” (1 P 5,7). Je dois être disposé à les porter aussi longtemps et aussi bien que je le peux jusqu’à ce que Dieu les prenne (NB 9, n. 1688).

 

Dieu se penche sur celui qui prie

865. Celui qui prie ici-bas, sa prière est entendue par le ciel tout entier. Dieu se penche sur celui qui prie : il crie peut-être vers Dieu dans sa détresse, il se débat dans des difficultés apparemment sans issue, et Dieu veut l'exaucer et lui faire réussir sa mission chrétienne ; le ciel tout entier participe à cette rencontre et elle est pure joie pour le ciel, même si celui qui prie ne le sent pas pour le moment (NB 6,71).

 

Dieu attend la moindre prière

866. Un homme ne se met à prier que parce que innombrables sont ceux qui prient, prieront ou ont prié, parce que Dieu ne se lasse pas de prodiguer des forces de prière, de remplir de contenu les prières des hommes, d'exaucer et d'utiliser dans son éternité la moindre prière pourvu qu'elle émane d'une foi authentique. Il l'accueille volontiers comme si cette toute petite contribution justement complétait la somme qu'il attendait. Il est bon de ressentir à travers toute chose l'amour de Dieu et de pouvoir retourner à cet amour (NB 10, n. 2229).

 

La prière : se tenir devant Dieu

867. Saint Justin : il éprouve tant de joie de la prière qu'il voudrait y demeurer toujours : se tenir devant Dieu, entendre directement de lui toute sagesse, recevoir tout ce que le Seigneur donne aux siens (NB 1/1, 262).

 

Prier : être seul avec Dieu

868. "Quand tu veux prier, va dans ta chambre et ferme la porte..." Se cacher extérieurement : ce n'est qu'une manière de rappeler que nous sommes invités à nous cacher intérieurement. Se cacher de cette manière, ce n'est pas s'isoler de son prochain, c'est être seul avec Dieu, ce que Dieu exige tout autant qu'il exige l'amour du prochain (NB 11,31-32).

 

869. Si sérieusement on veut prier, chercher la proximité de Dieu, percevoir ce qu'il a à nous dire, on doit créer en soi un vide, placer les choses dans l'invisible, ce qui ne veut pas dire les détruire mais leur assigner une autre place dans notre monde intérieur. Le temps de la nuit aide à chercher Dieu d'une manière simple ; l'âme est convaincue que sa présence est remplie de grâce, convaincue de la nécessité d'implorer sa venue, d'en faire l'expérience de manière renouvelée, de se livrer à elle sans vouloir entrer de force dans quoi que ce soit que Dieu ne veut pas donner lui-même. On se réjouit seulement d'être seul avec Dieu (NB 10, n. 2176).

 

Toute prière va à Dieu

870. Toute prière va à Dieu. Et il arrive qu'un croyant qui prie avec tiédeur se voit tout d'un coup comblé au-delà de toute attente; il peut être comblé tellement au-delà de son attente que même ce qu'il désirait semble maintenant sans importance. Peut-être avait-il demandé quelque chose sans grande conviction, seulement parce que quelqu'un avait attiré son attention sur ce remède. Et maintenant il ne peut pas s'imaginer comment ses mots ont pu faire impression sur Dieu (NB 6,46).

 

Saluer Dieu dans la prière

871. Dans la prière, on commence peut-être par saluer Dieu, on invite les saints, les anges, la Mère de Dieu à être présents et à permettre qu'on ait part aussi à leur prière. Si c'est une prière contemplative, on s'approche peut-être de Dieu et on réfléchit à la manière dont Dieu nous parlera, ce que veut dire adorer Dieu, etc. (NB 10, n. 2051).

 

Prier : chercher l’aide de Dieu

872. Il arrive souvent qu'une personne entre dans une église parce qu'elle a à porter quelque chose de lourd dans sa destinée personnelle et qu'elle cherche l'aide de Dieu. Au fond il faudrait toujours qu'une autre personne soit là pour recueillir cette prière solitaire et la faire devenir pleinement catholique (NB 12,123).

 

Louer Dieu

873. Combien sont nombreux ceux qui devraient louer Dieu et ne le font pas ! Comme est petit le nombre des saints ! Les autres ne peuvent pas louer, ils ont les cordes vocales enrouées (NB 8, n. 600).

 

Commencer par louer Dieu

874. Saint François d’Assise : dans toutes les difficultés qu'il rencontre, il commence par louer Dieu ; et quand il a loué Dieu, il est certain que la difficulté doit avoir son sens. Alors seulement il commence à réfléchir à la manière de lui faire face (NB 1/1, 83).

 

La prière : adorer Dieu

875. En étant parmi nous, Marie crée l'espace pour ce qui est le plus essentiel : l'adoration de Dieu. Elle ne se fait pas petite pour qu'on remarque combien elle est humble, mais elle se fait toute proche de nous pour que tous ensemble, avec elle, nous adorions le Fils, le Père, l'Esprit (NB 10, n. 2109).

 

Merci à Dieu

876. Adrienne : « Avant de m'endormir, la dernière chose est toujours un merci à Dieu » (NB 10, n. 2143).

 

Des conversations avec Dieu

877. Comme la conversation avec Dieu, la prière participe à tout, il est bon qu'elle provienne aussi bien de la souffrance que de la joie (NB 6,24).

 

Saint Pie V : la prière est pour lui non seulement une conversation avec Dieu, la conversation personnelle d'un pécheur avec son Dieu, mais une sorte de confession devant le juge (NB 1/1, 132).

 

878. Alphonse de Liguori : il a besoin de parler de son œuvre avec Dieu C'est une joie et un besoin pour lui d'être influencé dans sa nature par la surnature de Dieu au moyen de la conversation avec Dieu (NB 1/1, 198).

 

879. Sainte Marie-Françoise des cinq plaies (1715-1791) : elle est en conversation ininterrompue avec Dieu. Mais la conversation elle-même est aussi déjà une manière de se tenir à la disposition de Dieu. Elle voudrait donner tout ce qui est en elle, mais donner aussi le monde entier, donner toutes choses. Il ne devrait y avoir aucune limite dans ce que Dieu prend (NB 1/1, 198-199).

 

880. Sainte Élisabeth de Hongrie a un constant besoin d'être en conversation avec Dieu. Tout ce qu'elle vit et souffre fait partie de son existence en Dieu (NB 1/2, 59).

 

881. Le Pseudo-Macaire : Il a une manière singulière d'entrer en contact avec Dieu : il le cherche et le trouve en chaque mot, et en même temps il demeure très conscient de son indignité ; il est triste aussi pour une part de ne pas pouvoir prier plus spontanément, de ce que son âme ait sans doute constamment soif de Dieu mais que c'est quand même pour lui comme une pénitence de prier. A chaque fois ou presque, c'est pour lui une victoire. Une fois la victoire acquise, il prie volontiers. Il dit les prières de l’Église, mais il prie aussi librement ; ses méditations sont plus des conversations avec Dieu (NB 1/1, 47).

 

S’expliquer avec Dieu

882. Saint Philippe Neri : sa prière est sereine parce qu'il aime tellement Dieu que c'est pour lui un besoin et une joie de s'expliquer avec lui, sereine aussi parce qu'il conçoit son service avec certitude comme un service serein de l'amour. Il donne à Dieu dans la prière autant d'amour qu'il est possible. Son amour porte un caractère très humain mais qui plaît à Dieu : il a le souci de la variété. Il devrait en quelque sorte se mépriser s'il adorait Dieu chaque jour de la même manière. Il ne voudrait pas fatiguer Dieu. Et comme lui-même ne se sent jamais fatigué par Dieu, il voit par là que les chemins de l'amour de Dieu sont infiniment variés (NB 1/1, 135-136).

 

S’en remettre à Dieu

883. Saint Charles Borromée : il aime Dieu comme un enfant et, pour lui, cela va de soi de tout porter à Dieu. Il porte devant Dieu toutes ses demandes et tout ce qu'on lui a apporté, tout ce qui l'occupe. Et souvent il lui recommande tout cela avec fougue. Souvent aussi il laisse simplement mûrir tout cela sous les yeux de Dieu. Il sait qu'il se trouve directement devant le toi de Dieu et il sent une ardeur d'amour qui lui est donnée directement. C'est sa manière de s'en remettre à Dieu (NB 1/1, 300).

 

884. Saint Ignace : il examine l'affaire avec Dieu (NB 11,111).

 

Une manière toute simple de dire à Dieu ce qu’il a à dire

885. Épiphane de Salamine : sa prière est simple et recueillie. Elle est tout à la fois le balbutiement de la créature qui sent en elle-même la distance qui la sépare de Dieu et qui sait qu'elle n'est pas en mesure de trouver ou de façonner les mots justes, et en même temps une manière toute simple de montrer et de dire ce qu'elle a à dire à Dieu. Tout ce qui lui semble incompatible avec la volonté de Dieu lui est non seulement étranger mais odieux (NB 1/1, 53).

 

Il présente à Dieu tout ce qui lui tient à cœur

886. Saint Martin : il présente à Dieu tout ce qui lui tient à cœur avec le sentiment que Dieu l'exaucera, et Dieu l'exauce constamment parce que le Christ le considère comme un de ces petits qu'il invite et appelle auprès de lui (NB 1/1, 271).

 

Accéder au toi de Dieu

887. Qui veut prier aspire avant tout à accéder au toi de Dieu. Il se préparera à discerner la volonté de Dieu, il se disposera intérieurement à se donner à Dieu et à être reçu par lui (NB 12,62).

 

Répondre à Dieu

888. Tout ce qui se passe chez un croyant est important dans le cadre de sa réponse à Dieu (NB 10, n. 2099).

 

Celui qui prie par amour prie parce qu’il aime Dieu

889. Celui qui prie par amour ne le fera pas par calcul, c'est pourquoi il ne demandera jamais une expérience mystique ; il prie parce qu'il aime Dieu et qu'il voudrait faire la volonté de Dieu et être auprès de Dieu. C'est l'amour qui ouvre la visibilité du monde de l'amour et qui offre à celui qui prie certaines certitudes dans les choses de l'amour (NB 6,63-64).

 

Parler à Dieu

890. L'homme est capable de parler ; par là il est à même d'une double parole : à Dieu et à son prochain. Par la parole, il peut s'entendre avec Dieu : entendre la parole de Dieu et lui répondre. C'est ainsi que se forme la prière. La parole est le moyen pour échanger de l'amour (NB 6,21).

 

891. La prière est vie de l’homme en Dieu. L’homme doit nécessairement dire à Dieu cette parole ; s’il n’a pas ce dialogue, s’il ne parle pas à Dieu, il est nécessairement sans vie (NB 9, n. 1103).

 

Parler avec Dieu

892. Vouloir parler avec Dieu est déjà une réponse à la volonté qu'il a de parler avec nous (NB 10, n. 2119).

 

893. Adrienne : « Hier, j'étais sur la terrasse et je parlais avec Dieu » (NB 10, n. 2191).

 

894. Quand je prie, je parle avec Dieu de telle manière qu'il entend et reçoit mes paroles dans le sens de la foi, c'est-à-dire qu'elles ont pour lui une dimension plus grande que je ne le sais. Et cela non seulement parce que Dieu traduit les prières dans le sens et la langue de son éternité, mais aussi parce que je prie en la compagnie d'innombrables orants qui peuvent mieux prier que moi, qui ont une relation plus intime avec Dieu et qui ont pour ainsi dire "habitué" Dieu à entendre des prières de plénitude. C'est pour ces deux raisons que les mots de ma prière ne sont pas nécessairement identiques à ce que Dieu entend (NB 5,209).

 

895. Adrienne, étudiante en médecine : « On n'a pas idée comme le Bon Dieu peut être simple. De temps en temps je parle vraiment avec lui. Ce n'est pas une prière. C'est lui parler. Dans la prière, on ne sait jamais ce que pense le Bon Dieu. Quand on lui parle, on le sait » (NB 7,185-186).

 

896. Adrienne a, comme elle dit, parlé avec Dieu, sans prier à proprement parler. Lui expliquer ce que naturellement il connaît mieux que nous, mais qu’on aime lui raconter et lui dire : « Tu vois cette femme ? Elle n’a pas eu une vie comme il faut, seulement une vie médiocre. Elle serait si malheureuse si maintenant tout était déjà fini » (NB 8, n. 280).

 

897. Grégoire le thaumaturge est totalement plongé dans la solitude ; il oublie le monde, il parle avec Dieu mais, si on s'adresse à lui de l'extérieur, il est aussitôt à nouveau en mesure de répondre et de s'occuper des questions qui affluent. Il oscille entre le monde des autres et le monde de Dieu et de sa prière. Il cherche toujours à faire passer tout ce qui est possible du monde de Dieu et de sa prière au monde des autres, un peu à la manière de quelqu'un qui irait chercher dans sa maison des provisions et des vêtements pour les pauvres et des gens qui ont froid. Il doit parler avec Dieu, il doit lui demander son avis. S'il pouvait faire ce qu'il voulait, il ne sortirait jamais de la solitude de la prière et, avec les années, grandit son désir de paix, la paix de la voix de Dieu, si bien que cela devient pour lui un tourment de se tenir dans la foire des hommes et de leurs requêtes (NB 1/1, 43).

 

Utiliser les mots justes vis-à-vis de Dieu

898. Quand on prie, on peut d'emblée recommander sa prière à tous les anges et à tous les saints ; ils voudraient nous soutenir et nous aider à utiliser les mots justes vis-à-vis de Dieu Trinité (NB 10, n. 2226).

 

Pas nécessaire de parler sans cesse à Dieu

899. Il n'est pas nécessaire de parler sans cesse à Dieu pour être en prière, il y a une attitude de prière qui inclut tout le travail quotidien, il y a un état dans lequel chaque acte de prière ne jaillit pas comme quelque chose de nouveau mais comme l'expression de ce qui est toujours présent (NB 1/1, 403).

 

Laisser Dieu parler

900. Savez-vous ce qu'est la prière? Laisser Dieu parler (NB 4,350).

 

901. Osuna (+ vers 1540) : il prie avec passion, toujours avec passion, mais de manière très irrégulière. Il prend avec lui toute sa passion dans la prière et alors il n'est plus là que pour Dieu, réellement pour Dieu seulement, il laisse Dieu parler, il laisse Dieu agir et le purifier (NB 1/1, 124).

 

902. La libre utilisation par Dieu de toute vraie prière chrétienne (NB 6,266).

 

Prier Dieu pour les autres

903. La prière pour différentes personnes : demander à Dieu de soutenir celui-ci, de relever celui-là, d'ouvrir un autre. Ou bien, pour quelqu'un que je voudrais aider, dire un chapelet ou dix Notre Père (NB 10, n. 2059).

 

Prière : que Dieu bénisse

904. Nous prions ensemble un long moment pour que Dieu bénisse l’offre de nous-mêmes que nous lui faisons (NB 8, n. 273).

 

Prière : Mon Dieu, bénis...

905. Mon Dieu, je t'en prie, bénis tous ceux pour lesquels je te prie d'habitude (NB 8, n. 53).

 

Prier Dieu dans l’au-delà

906. Les enfants tués dans le sein de leur mère prient Dieu dans l'au-delà pour leur pardon (NB 3,79).

 

Penser à Dieu

907. Adrienne, à 27 ans, au contact avec les malades à l’hôpital : « Il y a tous ceux qui n'ont pas l'habitude de penser à Dieu, mais cela les soulage si quelqu'un leur apprend à penser à Dieu » (NB 7,252).

 

Ne plus penser qu’à Dieu

908. Comment ce serait si on renonçait tout à fait devant Dieu à être fort ou à être faible pour ne plus penser qu'à Dieu ? (NB 6,376).

 

S’occuper de Dieu

909. Louis de Gonzague : dès sa jeunesse, il veut s'occuper de Dieu et il le fait aussi. Pour lui, Dieu est tout : dans la Trinité, dans l'incarnation aussi bien qu'en Marie. Il est toujours le Dieu unique à qui il doit obéir. Cela ressemble à une obsession et c'est pourtant l'expression d'une pureté de vie incroyable, d'une conviction ; on voit sur cette ligne qu'il possède déjà, tout enfant, une haute sainteté, et que cette représentation enfantine de Dieu se révèle néanmoins être une relation tout à fait personnelle (NB 2,105-106).

 

910. Adrienne voit les gens divisés en quatre catégories : ceux qui s’occupent d’eux-mêmes, ceux qui s’occupent de Dieu, ceux qui s’occupent des autres (profession, famille, etc.) et ceux qui ne s’occupent de rien, qui sont vides et n’ont pas encore fait de choix (NB 8, n. 434).

 

Essayer de ne pas oublier Dieu

911. Crescentia Höss (1682-1744) : ce qu'il y a de particulier dans sa piété, c'est qu'elle ne cesse de s'avancer vers Dieu, moins dans une authentique prière que dans un essai de ne pas oublier Dieu, de prendre Dieu avec elle en tout ce qu'elle fait, de dire quelque chose de pieux, qui se rapporte à Dieu, en tout ce qu'elle dit. Elle comprend surtout que l'être humain seul ne peut rien, qu'il a besoin de Dieu, d'un Dieu qui l'accompagne constamment pour accomplir ce qu'il ne peut pas accomplir lui-même (NB 1/1, 196).

 

 

8. Dieu nous éduque

 

La personnalité de chacun est un don de Dieu

912. Les miracles que Jésus opérait faisaient partie de son quotidien ; il faisait la première chose qui se présentait à faire et cela sous une forme personnelle qu'il gardait pour que les siens ne méprisent pas leur propre personnalité qui est un don de Dieu, pour qu'ils ne se renient pas eux-mêmes et ne se conduisent pas de manière anonyme quand ils sont appelés par leur nom (NB 6,294).

 

Dieu éduque chaque personne de manière différente

913. Quand un professeur raconte une histoire à sa classe, il adapte son récit aux enfants. Malgré cela, chaque enfant entendra l'histoire à sa manière. Il fait partie de la grandeur de Dieu de donner à chaque personne d'expérimenter la foi de manière différente. De plus, pour un homme vivant, la foi n'est jamais close. Si Dieu lui donne la foi aujourd'hui, il espère que demain et après-demain l'homme va tirer de sa foi de nouvelles conséquences et la comprendre ainsi de manière nouvelle. Pour reconnaître Dieu dans la foi, nous devons essayer de suivre le rythme de son amour pour nous (NB 6,37).

 

914. Dieu a une décision pour chaque personne (NB 11,365).

 

Dieu nous éduque

915. Dieu, pour nous éduquer, peut nous amener à un crépuscule ou à la nuit ou nous donner l’impression d’être abandonné par lui (NB 11,252).

 

916. C'est lentement que saint Ignace apprend à l'école de Dieu (NB 11,86).

 

917. Les humiliations suprêmes viennent de Dieu (NB 11,66).

 

918. On doit prendre ce que Dieu nous donne (NB 7,30).

 

919. Considérer toutes choses à partir de Dieu (NB 11,382).

 

920. L'enfant de quatre ans qui arrive dans l'éternité avec l'état de conscience qui est le sien doit aussi être éduqué pour Dieu selon ses capacités de compréhension jusqu'à ce qu'il soit mûr pour l'éternité avec la maturité de conscience qui est la sienne. Un enfant de cet âge aussi doit être préparé pour Dieu : se réjouir de Dieu, avoir l'envie de lui faire plaisir, être devant lui propre et net, avoir l'espérance de le voir ; tout cela peut être éveillé en lui (NB 6,386).

 

Dieu soumet un homme à l’épreuve pour le faire grandir

921. Job est un homme pieux qui cherche à faire la volonté de Dieu et qui, dans la volonté qu'il a de se donner à Dieu, est capable de faire davantage que ce qui a été exigé de lui jusqu'à présent. Job sera mis à l’épreuve, et quand Dieu soumet un homme à l'épreuve, c'est pour le faire grandir (NB 5,54).

 

Dieu se communique à moi

922. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6,87).

 

Possibilité pour l’homme de croître vers Dieu

923. L'homme croyant est l'homme qui est toujours en devenir, qui se tient devant le Dieu toujours plus grand ; mais du fait que Dieu est toujours plus grand, Dieu ne fait pas seulement sentir à l’homme la distance, il lui ouvre aussi la possibilité de croître vers lui en un sens humain. Et la croissance s'effectue dans les trois vertus théologales que Dieu offre à l'homme pour faire de lui un vrai chrétien (NB 2,215).

 

Les vertus conduisent à Dieu

924. Les vertus se trouvent en Dieu et c’est là qu’on doit les contempler. On doit les rechercher parce qu’elles conduisent à Dieu, elles ouvrent un accès à son amour (NB 9, n. 1936).

 

Dieu nous éduque : les tentations

925. Quand les chemins deviennent plus difficiles, grandissent aussi les consolations. Dieu ne nous laisse pas tenter au-delà de nos forces (NB 11,132).

 

Se mettre entre les mains de Dieu

926. Louis de Gonzague a possédé à la perfection l'art de mettre entre les mains de Dieu son âme et son corps. Il laisse Dieu se promener dans son âme (NB 11,310).

 

Devant Dieu, comme de petits enfants

927. Dans sa prière, saint Pierre Canisius a beaucoup de ressemblance avec Newman bien que celui-ci soit plus réfléchi. Les deux ont le même esprit d'enfance vis-à-vis de Dieu. Vis-à-vis des hommes, ils sont supérieurs, réfléchis, prudents, mais vis-à-vis de Dieu ils sont comme de petits enfants qui ne savent pas s'ils sont capables de s'habiller eux-mêmes(NB 11,403).

 

Devant Dieu, les mains vides et les mains pleines

928. On devrait se trouver devant Dieu à la fois les mains vides et les mains pleines ; pleines, en ce sens que Dieu doit reconnaître dans nos "mérites" ses dons ; et vides en ce sens que tout ce qui serait notre "mérite" débouche et disparaît dans ce qui est sa grâce (NB 11,103).

 

Des choses qui sont employées par Dieu

929. Il y a bien des choses qui restent justes aussi longtemps qu'elles sont employées par Dieu et qui deviennent fausses quand l'homme les emploient à sa guise (NB 1/2, 100).

 

Aller au pas que Dieu nous donne

930. Nous n'allons pas au pas de Dieu, mais nous allons vers lui avec le pas qu'il nous donne (NB 4,347).

 

Être conduit par Dieu

931. Saint Ignace est conduit par Dieu si lentement que maintenant il comprend qu'il doit rapprocher de Dieu certaines âmes choisies (NB 11, 122).

 

Être conduit par Dieu comme un écolier

932. Dieu voulait conduire saint Ignace comme un écolier qui doit se fier à son maître et qui ne sait pas ce qu'on va lui apprendre (NB 11,90).

 

Dieu conduit et inspire

933. Il y a des périodes où Dieu conduit saint Ignace et lui inspire lui-même la matière de sa prière (NB 11,217).

 

Des souffrances utilisées par Dieu

934. Il y a sans doute certaines très grandes souffrances qui ne sont utilisées que par Dieu : il en dispose et il les reçoit et, à la fin, on ne sait absolument pas pour quoi il les utilise. D'autres souffrances, il s'en sert aussi pour nous faire comprendre quelque chose (NB 5,96).

 

935. Une souffrance que Dieu impose (NB 10, n. 2151).

 

Dieu et la souffrance

936. Dieu détermine sans cesse la mesure de ce qui est à supporter, également la mesure de la rencontre avec la souffrance, son actualité et son intensité. Il peut aussi se faire que Dieu veuille faire sentir un jour à quelqu'un de la tristesse ; mais alors il ne laisse pas à cette tristesse la mesure de la sphère personnelle, elle sera proche du mont des oliviers, elle communiquera une intelligence de la mort du Seigneur ou de sa descente en enfer (NB 10, n. 2217).

 

Dieu offre aussi les souffrances de l'amour

937. L'amour que le Père nous donne dans son Fils est si grand qu'il embrasse non seulement les joies mais aussi les souffrances de l'amour. Toutes les privations, toutes les souffrances, toutes les difficultés recevront ainsi un double visage si elles sont vues dans le Seigneur : du fait qu'il nous les offre, elles sont "parole" et par là expression de l'amour et elles doivent être reçues avec reconnaissance. Mais parce que les dons de Dieu sont vrais et sérieux, la souffrance offerte n'est pas un jeu d'enfant, elle rapproche l'être humain du Fils souffrant et il n'est pas garanti qu'elle débouchera toujours sur une joie ressentie. Mais dans le sérieux de la souffrance, l'être humain apprendra à connaître, avec une profondeur toute nouvelle, le Fils qui est homme et Parole ; c'est Dieu lui-même qui a préparé cette profondeur et elle est insondable (NB 6,23-24).

 

Des choses qui ne sont accessibles que par la souffrance

938. L'être de Dieu est pure vérité. Nous aussi nous le sommes, mais d'une manière impénétrable, équivoque. Nous tendons vers la vérité et nous ne l'atteignons pas. Nous faisons tout pour l'éviter et nous restons marqués par elle. Et ainsi le fait que nous n'atteignons pas la vérité nous place finalement devant la question : est-ce que le meilleur moyen pour atteindre la pure vérité n'est pas de souffrir ? Nous aspirons à des choses qui ont en Dieu et dans le Christ leur patrie, mais qui ne nous sont peut-être pas accessibles autrement que par l'incongruité de la souffrance (NB 6,260).

 

Supporter pour Dieu

939. Saint Ignace sait qu’il doit supporter pour Dieu ce qui est difficile (NB 9, n. 2004).

 

La nuit n’est jamais le dernier mot de Dieu

940. Dieu fait entendre sa parole sauf s'il a décidé de faire entrer un croyant dans la nuit complète et de se taire totalement et d'ôter au croyant toute possibilité de trouver une trace de chemin vers lui. Cette nuit cependant n'est jamais le dernier mot de Dieu parce que Dieu le Père a ressuscité son Fils de l'enfer et qu'il ne veut pas que le monde sauvé n'ait part qu'à l'atroce de la Passion. La lumière ne cesse de percer même les ténèbres les plus profondes, il ne cesse d'y avoir un matin, une joie, une résurrection (NB 10, n. 2208).

 

9. La mission

L’appel de Dieu

941. Barnabé a conscience d'être appelé par Dieu à une mission bien précise (NB 1/1, 36).

 

942. Suivre vraiment l’appel de Dieu (NB 8, n. 274).

 

943. Si quelqu’un est appelé par Dieu, cela dépend des besoins du royaume de Dieu qu’il devienne médecin, juriste, prêtre ou autre chose (NB 9, n. 1722).

 

944. Celui qui a réellement entendu l'appel de Dieu et le suit doit persévérer dans la grâce, apprendre la patience jusqu'à ce qu'il acquière la fidélité (NB 10, n. 2263).

 

945. L'homme ne peut pas toujours prier expressément, mais il peut rester dans une attitude de prière. Dans la prière, il peut si bien sentir en lui le désir de l'éternité qu'il perçoit dans le temps qui s'écoule des signes de l'éternel. Il a la certitude d'être entouré par la vie éternelle. Il ne peut pas forcer la durée éternelle de Dieu de venir à lui. Il ne peut pas non plus faire lui-même des brèches dans le temps. Mais le désir est là et, s'il est authentique, il provient de Dieu et n'est pas sans rien exiger de l'homme. Dieu le force à vivre dans l'éternel. Et la caractéristique principale de l'éternité, c'est un toujours-maintenant. Maintenant prier, maintenant répondre, maintenant suivre l'appel de Dieu (NB 10, n. 2264).

 

946. Dieu n’appelle pas toujours avec la même force. Parfois Dieu frappe très légèrement à la porte, il peut laisser son soleil très loin dans la brume. Dans d'autres cas, il ouvre brusquement les portes tout simplement. Mais souvent il veut qu'on apprenne à donner son oui graduellement. Un rayon de soleil nous a touché, et on est exhorté à ne cesser d'y revenir. Dieu peut vouloir avoir quelqu'un tout de suite ou après tout un long combat. Il peut se faire que quelqu'un repousse sans péché l'appel parce que la volonté de Dieu ne se manifeste pas assez clairement à lui. Mais alors ou bien Dieu va rappeler lui-même et se manifester plus clairement, ou bien il fera connaître sa volonté à d'autres qui pourront alors compléter. Ce peut être la volonté de Dieu que la question de l'appel reste ouverte pendant tout un temps. Il appelle doucement à le suivre. Quoi qu'on choisisse, on est en tout cas responsable devant Dieu de son choix. Aucun chrétien ne peut dire : Dieu me commande de venir ; je crois certes en Dieu, mais je ne veux pas lui obéir, ou plus tard seulement (NB 11,360-362).

 

947. Il y a bien des personnes qui un jour ou l'autre ont entendu ou vu quelque chose de Dieu. Elles en ont connaissance comme d'une curiosité en quelque sorte. Il y avait peut-être là-dessous une révélation importante. Mais la personne concernée ne s'est pas montrée suffisamment disponible. C'est très souvent la raison pour laquelle elle ne perce pas. Apprendre quelque chose de Dieu oblige à se donner soi-même. Si on apprend sans se donner totalement, la fécondité se perd. Il y a naturellement la fausse perception qui ne peut pas non plus percer. Il y a enfin ce que Dieu fait dans tous les cas, que nous entendions ou non : Dieu parle, l'Esprit parle, mais si celui à qui s'adresse la parole se ferme, il ne peut pas entendre justement. Non seulement Dieu cherche des personnes à qui parler, il y a, en plus du fait qu'il a été entendu, tout ce qu'il y a au-delà de sa parole. Beaucoup plus de personnes pourraient entendre si seulement elles le voulaient. C'est un préjugé de penser que très peu de personnes seulement pourraient entendre (NB 5,242).

 

La mission

948. Le Fils devenu homme façonne sa relation au Père de la même manière que n'importe quel chrétien croyant peut façonner sa relation à Dieu en vue de l'accomplissement de sa mission chrétienne (NB 6,140).

 

La mission de Moïse

949. Quand j'ai vu brûler le buisson ardent, il me semblait incompréhensible que le feu de Dieu puisse brûler sans consumer. Mais j'ai compris que c'était le feu de la pureté et de la sainteté de Dieu dont il n'est pas permis de s’approcher avec ses propres mesures. C'est de lui que proviennent les missions ; Moïse reçoit la sienne du sein de ce feu extraordinaire ; Moïse est gardé à distance, Dieu est seul dans son feu qui brûle et ne consume pas ; toute mission commence là où le feu de Dieu devient visible en sa nature qui nous est incompréhensible. En chaque mission s'ouvre une distance entre Dieu et l'envoyé ; celui-ci voudrait la franchir parce qu'il se sent appelé, attiré, interrogé, mais Dieu fixe la distance, on n'entrera pas dans son domaine, c'est de là qu'il fait le don de la mission (NB 6,316).

 

Dieu veut donner à tout homme une mission

950. A l'origine, lors de la création, Dieu voulait donner à tout homme en chemin une mission précise que chacun aurait reconnue, gardée et exercée comme venant de Dieu. Il n'y aurait pas eu le sentiment que Dieu était loin. Maintenant, par le péché, la distance a fait son apparition, d'abord comme signe que Dieu se détourne du péché, mais aussi dans le cadre de ses nouvelles dispositions dont le dessein est de ramener à lui les pécheurs (NB 6,316).

 

Mission mystique

951. L'expérience de Dieu particulière qu’on peut appeler mystique doit être aussitôt utilisée pour une mission qui concerne les hommes : ils doivent être conduits à Dieu d'une manière plus profonde que jusqu'alors. L'expérience mystique produit en elle-même une nouvelle plénitude de connaissance trinitaire. Dieu veut la révéler plus profondément, comme un but en soi pour ainsi dire. Et celui qui reçoit cette révélation doit s'appliquer à interpréter ce qu'il a vu et entendu, non pour parvenir pour lui-même à une intelligence plus claire, mais pour les autres. C'est sa mission de s'appliquer à la connaissance de Dieu. Et le fruit, Dieu le prodiguera de manière nouvelle, il donnera à d'autres ce surcroît de connaissance, et le chemin qui mène à lui sera visible pour d'autres générations ou pour des lieux tout autres qu'au point de départ (NB 5,38-39).

 

Mission de rapprocher l’homme de Dieu

952. La mission de saint Bonaventure est de rapprocher l'homme de Dieu par le Dieu-Homme. Il doit choisir ses mots pour qu'on les comprenne et pour qu'ils renvoient pourtant toujours au mystère de Dieu (NB 2,85).

 

Remplir sa mission pour obéir à Dieu

953. La mission que Dieu a préparée à saint Bernard, il ne doit pas la remplir pour lui-même mais pour obéir à Dieu et conduire ceux qui lui sont confiés dans la voie de la foi et de la prière (NB 2,132).

 

La mission des saints

954. Nous voyons certains effets de la mission des saints, mais non son enracinement en Dieu, l'endroit où leur action sort de leur contemplation (NB 1/2, 24).

 

La mission d’un saint ouvre un accès à Dieu

955. Si nous n'étions pas pécheurs, le Seigneur aurait, durant sa vie, converti tous ceux qu'il rencontrait. Tous se seraient jetés à genoux parce que devant eux se trouvait la sainteté parfaite. De même, s'ils n'étaient pas pécheurs, tous tomberaient aussi à genoux devant Dieu et devant le Seigneur en présence de la mission d'un saint. Car elle ouvre un accès à Dieu. Mais comme nous sommes pécheurs, l’Église est contrainte de mettre les saints en évidence, surtout ceux qui sont morts afin qu'on voie leur chemin, la manière dont ils sont allés vers Dieu (NB 11,439).

 

La mission d’un saint : faire comprendre aux autres quelque chose de Dieu

956. Il fait partie de la mission d’un saint que, par sa vie, son don de lui-même, sa foi, son sacrifice, il fasse mieux comprendre aux autres croyants quelque chose de l'essence du Dieu unique (NB 2,24).

 

Recevoir une mission de Dieu

957. Quand on reçoit de Dieu une mission, ce n’est pas pour la lui rendre. Il est quand même clair que Dieu veut qu’elle soit réalisée et il y compte bien (NB 9, n. 1411).

 

Une mission chrétienne est donnée par Dieu

958. Une mission chrétienne est donnée par Dieu de telle manière que sa réalisation par l’homme puisse et doive être poursuivie (NB 9, n. 1683).

 

Marie accomplit une mission de Dieu

959. Quand Marie apparaît, elle accomplit une mission de Dieu pour nous qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère (NB 9, n. 1991).

 

Les missions de Dieu

960. Toutes les missions données par Dieu, même si elles semblent humainement monotones, sont toujours infiniment variées (NB 12,107).

 

Aucune mission n’est jamais finie

961. Notre relation à Dieu n'est plus celle de l'ancienne Alliance où l'on était encore capable d'arrêter, de mettre un point final ; dans la nouvelle Alliance, aucune mission n'est jamais finie, elle peut tout au plus mal tourner au cas où l'homme s'y refuse. Le fait que le monde ait été orienté vers Dieu par le Christ et par l'Esprit fait espérer et recevoir toujours du nouveau à ceux qui croient de manière vivante (NB 10, n. 2116).

 

Mission : devenir celui que Dieu veut que je sois

962. Quiconque a un jour rencontré le Seigneur a la possibilité de devenir celui que Dieu a prévu. Donc de remplir sa mission, de s'éloigner de plus en plus du péché pour s'approcher toujours davantage du Fils. Mais cette approche du Fils ne se réalise pas de telle manière que lui, l'homme, s'approche pas à pas jusqu'à ce qu'il puisse toucher le Seigneur. Le toucher vient toujours du Seigneur. Ceci est à retenir. Mais ensuite, si je dois m'approcher pour devenir celui que Dieu veut que je sois, je dois simplement m'ouvrir. Et entrer avec le Seigneur dans une relation personnelle dans laquelle c'est lui qui a la préséance. Si je lui ouvre ma demeure, c'est justement parce que c'est sa demeure. Elle doit être sa demeure et le sera. C’est seulement si je ne reçois pas seulement le Seigneur sous les espèces de la communion mais par ma vie, si je fais de ma vie une sorte de réception du Seigneur, que je deviens ce que Dieu a voulu faire de moi : un ami de son Fils, un frère de son Fils (NB 4,244).

 

Une tâche assignée par Dieu

963. L'homme ne doit pas laisser sa liberté se perdre dans le vide ni la gaspiller dans des choses qui ne mènent nulle part, il doit la mettre dans la lumière de la révélation chrétienne pour un but plus élevé : choisir un état de vie qui vaut la peine d'être vécu en présence de Dieu Trinité parce qu'il se met au service d'une tâche assignée par Dieu (NB 6,540).

 

Une tâche que Dieu impose

964. Origène : sa tâche est de faire comprendre la condescendance de Dieu pour l'homme, l'insertion de l'homme dans les plans de salut de Dieu, l'habitation de Dieu parmi nous, mais sans dommage pour sa grandeur. Une tâche spirituelle qui occupe totalement son esprit pour dévoiler les aspects essentiels du divin qu'il doit présenter. Quelle que soit la manière dont se présente le problème auquel il s'attelle, il a toujours l'obligation d'y voir une tâche qu'il ne se donne pas lui-même mais que Dieu lui impose, pour qu'il s'en occupe et trouve quelque chose de substantiel qui vaille la peine d'être transmis (NB 2,161).

 

Offrir à Dieu sa tâche

965. Dans sa prière, le saint ne cesse d'offrir à Dieu sa tâche et il agit selon ce qu'elle requiert (1/2, 24).

 

Le service de Dieu

966. Quand Marie a dit oui à l'ange, elle a disposé de son corps et de toute son existence. Elle les a donnés pour le service de Dieu (NB 6,480).

 

967. Saint Ephrem se fait une sorte de devoir de mettre ses capacités au service de Dieu, d'examiner ses possibilités et de faire son choix. Il se dit : je ne suis pas moins doué que d'autres, je peux prendre la responsabilité de mettre au service de Dieu le don qu'il m'a fait (NB 1/1, 51).

 

968. Rupert de Deutz : obéissance, amour, recherche de la volonté de Dieu sont pour lui des choses toutes simples. Il suffit de comprendre comme un enfant la nécessité de ce service ; alors au fond cela devrait aller. Il cherche lui-même à servir ainsi ; mais il voit qu'une partie de son service consiste à inciter les autres au même service. Dieu est tout pour lui ; et pour pouvoir rester dans ce tout, il prie. Il va son chemin inébranlablement, car il expérimente la présence de Dieu d'une manière qui lui interdit toute tiédeur, toute hésitation (NB 1/1, 71).

 

969. Sainte Catherine de Bologne a, par sa prière, la force de répandre de la sérénité et de la bonne humeur qui sont destinées à faire apparaître pour les autres le service de Dieu comme une affaire joyeuse (NB 1/1, 117).

 

970. Quand saint François parle avec ses frères, il doit se défaire de sa rigueur ; il doit certes les conduire à la rigueur, mais aussi leur montrer ce qui est léger, serein, joyeux, dans le service de Dieu (NB 10, n. 2209).

 

971. L'homme aime la joie plus que tout et Dieu nous l'a donnée avec l'existence. Mais en fin de compte nous ne sommes pas là pour nous-mêmes mais pour Dieu. Bien que le service soit un renoncement à la seule existence pour soi, il est pourtant l'unique manière réelle de donner la joie. Si Dieu demande le service de l'homme, c'est aussi parce que son salut se trouve là. Du point de vue de Dieu, le service et le salut ne font qu'un. Le salut de l'âme dépend certes pour l'homme de son service mais Dieu, en l'acceptant, opère le salut de l'âme (NB 11,339).

 

972. Dans le don de soi, on cherche à servir Dieu (NB 9, n. 1384).

 

973. Nous voulons servir Dieu, mais nous savons toujours que nous pourrions faire plus (NB 4,303).

 

974. Dimanche des rameaux 1943. Adrienne demande au P. Balthasar ce qu'elle doit faire à présent. Il dit: « Laisser faire pour que Dieu se serve d'elle » (NB 3,51).

 

Apostolat

975. Le zèle d’une Marie de l’Incarnation n'a rien de faussement viril, il est exactement le zèle que Dieu requiert d'elle en tant que femme et qui est utilisé pour l'apostolat que Dieu lui montre (NB 2,102).

 

976. Charles de Foucauld : la majeure partie de son apostolat consiste dans le fait qu'il est en Dieu (NB 2,110).

 

Amener tous les hommes à Dieu

977. Saint Benoît Labre : pour lui, ce n'est pas un problème de se tenir devant Dieu, ce n'en est pas un non plus que Dieu se contente de lui malgré son indignité. Il est si pénétré de la grâce de Dieu que son indignité ne l'angoisse plus au moment de la communion. Il sait qu'elle est vaincue en Dieu. Mais dans ses échanges avec les hommes il n'en va pas de même. Malgré cela, il voudrait les amener tous à Dieu ; et s'il visite avec eux tant de sanctuaires, c'est parce qu'il voudrait donner Dieu à chacun ; et parce qu'il ne sait pas bien donner le Dieu qu'il possède, qu'il ne sait pas comment faire, il cherche à leur faire mieux comprendre Dieu d'une manière qui leur soit accessible : les amener par le pèlerinage à un plus haut degré de réceptivité joyeuse. C'est comme s'il élevait les hommes et abaissait Dieu, non en un sens répréhensible, mais dans le sens d'un rapprochement tel qu'il l'imagine et comme cela découle immédiatement de sa propre manière de se tenir devant Dieu (NB 1/1, 201-202).

 

Amener à Dieu davantage de croyants

978. Saint Louis : rien ne lui serait plus cher que de pouvoir faire de la France un pays parfaitement chrétien, un pays heureux et aimant. Tout ce qu'il entreprend porte le sceau de la plus grande gloire de Dieu. Il voudrait amener à Dieu davantage de gens aimants, davantage de croyants, dans l'esprit de la consigne : "Allez et enseignez tous les peuples" (NB 1/1, 90).

 

Offrir ses amis à Dieu

979. Quelqu’un a essayé d’offrir toujours plus ses amis à Dieu, d'en faire toujours plus des amis de Dieu. Sans doute arrive-t-il ainsi dans la solitude, mais dans la solitude du Seigneur, dans une solitude partagée, étant donné que ses amis aussi sont allés dans la solitude pour chercher le Seigneur qu'ils avaient déjà trouvé (NB 4,21).

 

Transmettre à d’autres l’amour de Dieu

980. L'amour de Dieu, transformé en nous en amour humain, peut aider à attirer sa grâce. Et cela fait partie du plus grand don que Dieu nous a fait. Combien est beau le peu de vie qui se trouve devant nous si nous pouvons transmettre vraiment l'amour de Dieu jusqu'à la fin (NB 8, n. 56).

 

981. Un rapport intime existe entre la foi et l'amour du prochain, entre la foi et l'amour tout simplement : la foi veut et doit transmettre à d'autres l'amour de Dieu (NB 4,215).

 

Transmettre la foi

982. Marie de l’Incarnation : dès qu'elle s'occupe de Dieu, l'exigence divine de transmettre est claire pour elle. En tout cas elle sera apostolique et elle fera ce qui est tout à fait juste (NB 2,103).

 

Apporter Dieu aux hommes et les hommes à Dieu

983. Saint Camille de Lellis : il aime les hommes pour leur apporter Dieu et il aime Dieu et il lui apporte les hommes (NB 1/1, 301).

 

Parler de Dieu

984. Grégoire de Nysse estime que si même les anciens païens se donnaient tant de mal pour exprimer soigneusement des choses sur Dieu, à combien plus forte raison devrions-nous le faire (NB 1/1, 48).

 

985. Ici-bas, celui qui parle de Dieu sait qu'il parle d'un sujet qui est beaucoup plus grand que ce qu'il peut saisir. Il espère que celui qui l'écoute le comprendra dans le même sens et qu'il sera agrandi par sa parole. Quand on dit une parole au sujet de Dieu, elle est chaque fois nouvelle même si on l'a déjà souvent dite, car chaque fois elle ouvre pour donner l'auditeur au Dieu plus grand. Quand un chrétien dit : "Dieu est amour", il sait d'une certaine manière ce qu'il veut dire et il sait en même temps qu'il n'a saisi et défini ni Dieu ni l'amour (NB 6,307).

 

Parler de Dieu avec onction

986. Au cœur de la prière, je dois garder suffisamment de liberté et d'ouverture pour voir les hommes de manière réaliste, pour répondre à leurs attentes, je dois surtout me garder de parler de Dieu avec "onction". Offrir certes aux gens une aide authentiquement chrétienne, mais sans faire de "discours pieux". On cherche à être en Dieu et on doit en même temps être près des gens. Se faire tout à tous. Garder humour et esprit (NB 10, n. 2093).

 

Ce que Dieu veut entreprendre avec nous

987. Nous sommes enseignés par Dieu, examinés par lui, nous devons lui rendre un certain compte du fait que nous comprenons ce qu'il veut entreprendre avec nous (NB 4,347-348).

 

Donner Dieu aux hommes

988. En donnant tout à Dieu, on peut aussi donner Dieu aux hommes avec le moi prodigué (NB 11,129).

 

Intéresser les gens à Dieu

989. Dans toutes les rencontres que fait saint Ignace, il intéresse les gens à Dieu. Il embauche pour Dieu (NB 11,203).

 

Rendre Dieu vivant dans le monde

990. Quelqu'un peut vivre totalement pour l'amour, constamment il y pense ainsi qu'à la manière dont il pourrait rendre Dieu vivant dans le monde par son amour du prochain (NB 10, n. 2103).

 

Conduire des gens à Dieu

991. La meilleure chose qu'un homme ici-bas peut attendre d'un autre est que celui-ci le conduise à Dieu. La meilleure chose qu'au ciel il peut attendre de lui est qu'il lui amène Dieu. Bien qu'au ciel chacun ait tout, tous les biens demeurent pourtant comme dans un mouvement perpétuel : chacun peut tout donner, car tous ont part au don éternel entre le Père, le Fils et l'Esprit (NB 11,342).

 

992. Adrienne : elle doit conduire des gens à Dieu (NB 8, n. 532).

 

993. Adrienne : elle voudrait rendre les hommes plus purs et les conduire à Dieu (NB 3,41).

 

994. Aider les hommes à aller vers Dieu (NB 3,61).

 

Ramener les créatures à Dieu

995. La résurrection rend toutes choses bonnes parce qu'elle apporte la fin en assumant tout le mauvais pour l'anéantir et ramener les créatures à Dieu (NB 3,396).

 

Le souci du royaume de Dieu

996. Il est bon de n'avoir pas d'autre souci sur terre que le souci du royaume de Dieu (NB 3,193).

 

Instrument de Dieu

997. Dans le ministère de la consolation, on est comme l'instrument ou le porte-parole de Dieu (NB 8, n. 75).

 

Instruments de la Révélation

998. Dans l'ancienne Alliance déjà, Dieu peut se saisir de croyants en particulier pour se servir d'eux comme instruments de sa révélation. Il peut leur faire connaître soudainement des choses d'une manière si pressante et si actuelle qu'elles dépassent la foi ordinaire. Des choses qui ne correspondent pas à ce que la foi attend habituellement, des choses qui montrent au croyant en le bouleversant que Dieu établit pour lui d'autres normes. Le prophète est, lui aussi, lié à la loi de Dieu ; mais il est introduit au-delà, dans une sphère qui a un caractère mystique. Dieu agit ici de manière absolument unique, il s'ouvre des chemins qui ne sont pas praticables habituellement. Ce n'est que par sa foi que le peuple a accès à ces révélations de Dieu ; la foi est la clef de la mystique des prophètes et des voyants. Les croyants ne participent pas à l'expérience mystique, mais ils comprennent la signification de la mystique pour leur foi : elle n'est aucunement en contradiction avec la foi, elle lui apporte au contraire une nouvelle vitalité en provenance d'une source inaccessible (NB 5,49).

 

Employé par Dieu

999. On est préparé par Dieu pour l’usage de l’Église et, par l’Église, pour être employé par Dieu (NB 9, n. 2015).

 

Collaborer à l’œuvre de Dieu

1000. Le plus beau est toujours qu'on peut vraiment faire quelque chose pour les autres, qu'on est appelé à collaborer à l’œuvre de Dieu (NB 8, n. 93).

 

1001. Sans le savoir parfois, des saints agissent en collaboration avec Dieu (NB 1/2, 26).

 

1002. L'obéissance plus profonde consiste à ce qu'on laisse faire tout ce que Dieu veut ; c'est justement en laissant faire Dieu qu'on peut collaborer plus profondément et plus largement à ses desseins (NB 11,310).

 

En faire davantage pour Dieu

1003. Si un homme et une femme ont vécu leur mariage en bons chrétiens, quand ils avanceront en âge, ils chercheront peut-être à en faire davantage pour Dieu, à lui consacrer plus de temps et plus de prière et, en jetant un regard en arrière, à regretter que tout était resté si médiocre, qu'il n'y avait pas eu de progrès, que leur choix à l'instant où ils l'ont fait n'était peut-être pas devant Dieu tout à fait clair et transparent (NB 6,540-541).

 

Servir Dieu

1004. Dieu est la vérité et je voudrais le servir dans son être de vérité, l'aider à donner à sa vérité de l'espace parmi les hommes. Et cette vérité m'attire à elle, corps et âme (NB 6,258).

 

Associés à Dieu

1005. Nous ne faisons rien que ce que Dieu pourrait aussi faire lui-même et plus simplement. Et cependant nous sommes associés (NB 8, n. 94).

 

 

10. Le refus de Dieu

 

Mourir le poing levé contre Dieu

1006. Le genre du purgatoire est fonction de la gravité du péché. Celui qui meurt en se détournant de Dieu, le poing levé contre Dieu, devra être rossé de telle sorte qu'il en perde l'ouïe et la vue jusqu'au moment où elles pourront commencer enfin à l'orienter vers Dieu (NB 6,386).

 

Vivre sans Dieu

1007. Si un homme vit sans Dieu, il se heurte constamment à ses limites. Ou bien il vit alors résigné dans son enclos, il organise son cadre de vie de telle sorte qu'il oublie ses limites, que ses mouvements n'aient pas besoin de ressentir constamment les barrières connues. Ou bien il cherche à repousser les limites, parfois à sauter par-dessus, à les braver ou à faire semblant tranquillement de ne pas les voir, ce qui suppose toujours qu'on les connaît. Il se sert des dons de son esprit pour prolonger sa vie et la rendre la plus agréable. Des deux manières, il est malheureux : qu'il se contente de se résigner ou qu'il secoue avec rage les barreaux de son cachot (NB 6,71-72).

 

Le Père a créé les hommes libres

1008. Le Père a créé les hommes si libres qu'ils peuvent se perdre loin de Dieu (NB 2,107).

 

1009. Le pécheur abandonne Dieu (NB 3,227).

 

Essayer de se cacher de Dieu

1010. Les premiers humains commirent le péché et ils essayèrent de se cacher de Dieu, c'était une conséquence de leur péché. Et ils furent chassés aussi du lieu où Dieu se promenait, ils furent chassés dans le monde des pécheurs où Dieu ne peut plus se promener de la même manière (NB 5,48).

 

La peur de se trouver nu devant Dieu

1011. Il y a l’Église des pécheurs. Ceux-ci se ferment, ils se réservent leurs heures, ils portent des vêtements épais pour ne pas se trouver nus devant Dieu, ils ne donnent rien, ils veulent tout pour eux. L'infidèle se garde lui-même, remet au lendemain son don de lui-même (NB 5,267).

 

Une relation à Dieu troublée par le péché

1012. Pour l'homme, Dieu avait créé la foi qui s'accordait au mieux avec sa raison, son mode de vie, toute sa nature humaine. Mais il devait rester ouvert à Dieu au-delà de tout ce qu'il avait compris. L'homme était capable d'entendre la parole du Père sans la réduire. Dieu ne cessait de dire cette parole et l'homme était capable de la répéter et, parce qu'il fait partie du sens de la parole de Dieu qu'elle soit toujours plus grande, il faisait partie du sens de l'homme que sa foi restât capable d'extension. Cette relation est troublée par le péché. Le sens de l'homme s'émousse s'il n'est pas constamment nourri du sens de Dieu. L'homme met alors des limites quand Dieu dit quelque chose qui n'a pas de limites ; sa "foi" ne croit plus qu'à ce qui, dans la parole divine, lui semble conforme à sa nature finie. Il établit une certaine relation entre ce que Dieu "peut" dire et ce qu'il peut comprendre; il a privé par là la parole de Dieu de son caractère illimité et la foi de son ouverture (NB 5,42-43).

 

Détruire la relation à Dieu

1013. Adam pèche, il fait un mauvais usage de sa souveraineté sur la terre créée, il répand ainsi le péché sur tout le domaine qui lui est confié. Et chaque descendant à nouveau, en tant que pécheur individuel et en tant que participant au péché originel, détruit la relation à Dieu. Chaque abandon individuel de Dieu ne reste pas concentré dans le pécheur, il se propage dans tout le domaine. Les différents abandons s'accumulent d'une manière difficile à préciser (NB 3,196).

 

Être en désaccord avec Dieu

1014. Par le péché, l’homme est en désaccord avec Dieu. La nuit du péché conduit à la nuit qui le rend étranger à Dieu (NB 3,206).

 

Le non de Dieu à Adam

1015. Quand Dieu montra à Adam ce que celui-ci au fond savait déjà - qu'il s'était éloigné de Dieu -, il lui indiqua quelque chose qui jusqu'alors n'avait pas de nom et qui désormais s'appellerait péché. Le petit enfant qui veut faire quelque chose d'interdit se trouve en face du non des parents, qui l'en empêche ou non. Le non de Dieu vis-à-vis de notre père Adam a la force et l'efficacité d'un interdit de ce genre vis-à-vis de l'enfant : elle est une mesure de l'autorité vis-à-vis d'un savoir trop court (NB 3,232-233).

 

Le péché, offense à Dieu

1016. Dieu étant infini, il peut certes se sentir offensé de manière infinie par le péché, mais il peut aussi s'élever au-dessus du péché en vertu de son invulnérabilité, lui déclarer la guerre où nécessairement le péché aura le dessous. Quand Dieu devient homme, il peut aussi, à cause de cette offense illimitée, souffrir en quelque sorte de manière illimitée et être vaincu : offense illimitée parce qu'il demeure Dieu, souffrir parce qu'il est homme. Ce pouvoir unique du Christ fait de lui le Médiateur, le centre de liaison entre Dieu Trinité et toute l'humanité. Ce ministère de Médiateur, le chrétien, comme chaque homme, en est le bénéficiaire ; il doit y coopérer s'il comprend l'amour comme le Seigneur le fait dans le premier commandement (NB 6,110-111).

 

1017. Voilà un homme qui a une grande tentation ; le péché l'attire ; cet homme pense que Dieu lui en demande trop ; il se dit : commettre ce péché, ça ne devrait pas être très grave, les autres font la même chose sans sourciller. Puis, soudainement, il est touché par la grâce, il ne commet pas le péché, il comprend combien par là il aurait offensé Dieu. Il est reconnaissant à Dieu de l'avoir protégé et, parce qu'il n'est pas égoïste, il voudrait en même temps aider ceux qui ont la même tentation (NB 3,200).

 

L’aversion de Dieu pour le péché

1018. Quand, sur terre, le Fils commence à rencontrer les péchés, ils sont pour lui douloureux, il voit surtout l'offense faite au Père. Le péché est insupportable pour Dieu, et quand l'Esprit prend possession d'un homme, il lui fait comprendre avant tout l'aversion de Dieu pour le péché (NB 3,224-225).

 

Ne pas penser à Dieu

1019. Le péché : j'ai oublié d'aimer. Pendant de longs moments je n'ai pas pensé à Dieu et pas du tout au prochain. C'était ça le péché (NB 4,365).

 

Le péché est dirigé contre Dieu

1020. Le péché est le contraire de la vérité parce qu'il est dirigé contre Dieu (NB 4,365).

 

Désespérer de Dieu

1021. Le suicide comme manque absolu d'amour et de confiance : désespérer de Dieu (NB 3,61).

 

Dieu est sensible à tout péché

1022. Pour le Fils devenu homme, tout péché doit être aussi sensible qu'il l'est pour Dieu, le toucher humainement comme une offense, comme elle le touchait quand il était auprès du Père (NB 6,138).

 

1023. Chaque péché prive Dieu de quelque chose, ne serait-ce que de notre pureté (NB 2,75).

 

Le saint apprend à voir le péché humain comme Dieu le voit

1024. Le saint, qui est en quelque sorte converti à Dieu définitivement, reçoit pour son action des indications de deux côtés : du côté des hommes et du côté de Dieu, mais c'est Dieu qui a le plus d'importance : il apprend à voir le péché humain et à l'évaluer comme Dieu le voit, il apprend à regarder l'amour du prochain avec les yeux du Christ (NB 6,42).

 

Saisir la voix de Dieu de bonne grâce ou à contrecœur

1025. En plus des menaces de Dieu, les prophètes de l’Ancien Testament doivent transmettre ses promesses. Ils saisissent la voix de Dieu de bonne grâce ou à contrecœur, mais ils sont centrés sur cette voix qui se fait entendre de telle manière et pas autrement, et donc dans une forme d'obéissance qui annonce celle du Fils (NB 168).

 

Éloignement de Dieu

1026. De même que la distance entre Dieu et la créature devient par Adam un éloignement de Dieu, la même distance devient par le Christ une proximité de Dieu (NB 6,180).

 

Loin de Dieu

1027. Tous les péchés tiennent les hommes éloignés de Dieu (NB 4,126).

 

Être rejeté de la présence de Dieu

1028. Par le péché, Adam fut rejeté de la présence de Dieu. Le pécheur est abandonné par Dieu (NB 3,207).

 

Préférer sa volonté à celle de Dieu

1029. Avec le péché, Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu, il essaya de se construire lui-même un monde dans lequel il donnerait satisfaction à ses désirs et à ses appétits sans que Dieu y mette le nez. Avant la chute, Dieu n'avait pas besoin de montrer sa force ; maintenant, il la montre comme étant la force capable de faire paraître au grand jour l'homme qui se cache (NB 6,187).

 

Résister à la volonté de Dieu

1030. Lors de sa vocation mystique, Moïse résiste à la volonté de Dieu, il doute, il discute, et Dieu, pour arriver à ses fins, doit briser finalement sa résistance (NB 5,92).

 

Tout péché est contre Dieu

1031. Un péché inclut tous les péchés dans la mesure où tout péché est contre Dieu (NB 3,400).

 

1032. Le péché est toujours dirigé contre l'homme et contre Dieu (NB 3,162).

 

Le péché, une déception pour Dieu

1033. Quand le Père avait installé les premiers humains dans le paradis, il avait été plein d'espérance, et le péché que les hommes ont répandu ensuite sur la terre fut pour Dieu une déception (NB 6,228).

 

Une tristesse de Dieu

1034. Bien que Dieu ait toujours su que l'homme allait pécher, il y a une blessure, une offense et une tristesse de Dieu, ce que Dieu ressent du fait du péché (NB 6,558).

 

Le mal en l’homme en a fait un ennemi de Dieu

1035. Il y avait l'arbre interdit et, dans l'interdiction, était inclus tout ce que Dieu ne voulait pas laisser au libre usage de l'homme parce qu'il estimait que ce n'était pas bon pour lui. Après avoir été séduit par le serpent, l'homme a part à ce qui était réservé : les plantes deviennent toxiques et les animaux dangereux ; de l'inimitié se fait jour entre l'homme et la nature : tout cela parce que l'homme a pénétré en ennemi dans l'espace de Dieu et qu'il a transgressé les limites protégées. Le mal en lui en a fait un ennemi de Dieu et de la nature, et l'a brouillé avec l'un et avec l'autre (NB 6,246).

 

L’homme pécheur a tourné le dos à Dieu

1036. Ce n'est que lorsque le Christ apparaît que se révèle à quel point le mal éveille chez les hommes l'angoisse en présence de ce qui est devenu mauvais dans la nature. Quand le Seigneur porte leurs péchés sur la croix, il se charge aussi de toute l'angoisse du monde, il la porte comme l'angoisse dont l'homme a hérité en tant que pécheur et qui le tient loin de Dieu à qui il a tourné le dos. L'angoisse devant Dieu, le Christ l'a prise sur lui. De ce fait,l’homme n'est plus livré à l'angoisse du péché ; au sein de ce monde, il peut avoir confiance en Dieu, dans la foi. Que l'angoisse soit avant tout motivée par la mort, c'est évident à la croix (NB 6,246-247).

 

Quelqu’un qui a perdu le sens de Dieu

1037. Quelqu'un pourrait dire : Je ne vois pas les traces de l'Esprit mais je vois bien celles de l'esprit malfaisant. Il montrerait par là qu'il a perdu le sens de Dieu et qu'il est un grand pécheur. Un autre pourrait dire : Je ne vois rien tout simplement. Ce ne serait peut-être pas un grand pécheur, mais quelqu'un qui est endormi, quelqu'un qui ne s'entraîne plus, quelqu'un pour qui l'obéissance et la foi signifient quelque chose de tout à fait secondaire (NB 4,159).

 

La colère de Dieu

1038. Jusqu'à l'incarnation, le pécheur ne fait qu'un avec son péché au regard de Dieu, et il semble ainsi qu'on ne peut pas imaginer comment la colère de Dieu peut toucher le péché sans qu'en même temps le pécheur tombe raide mort. Cependant il y a maintenant en Dieu un niveau où l'amour de Dieu distingue le péché et le pécheur, un niveau d'attente où le pécheur racheté est ramené tandis que derrière lui brûle l'enfer en tant que quintessence de tous les péchés, de ce qui offense Dieu continuellement et avec quoi il n'y a pas d'arrangement possible (NB 6,310).

 

1039. Quand, dans le temps présent, un homme est touché directement par la colère de Dieu, il a besoin d'une explication dans la foi pour que tout malentendu soit écarté. La colère de Dieu est comme la réaction de Dieu vis-à-vis du péché (NB 6,312).

 

La colère de Dieu et la grâce

1040. Parce que le Fils, dans sa Passion, a dirigé sur lui absolument toute la colère de Dieu, après la résurrection et dans le temps de l’Église, la colère de Dieu sur le péché, qui continue d'exister, est comme mise entre parenthèses dans la rédemption de l'humanité. Non que la colère de Dieu n'ait simplement plus cours, mais elle brûle au sein du feu de l'amour : quand un chrétien commet un péché, cette colère brûle extérieurement même si à l'arrière-plan se trouve la grâce. Une mère peut corriger son enfant avec une véritable colère sans renier son amour pour lui ne fût-ce qu'un instant (NB 6,314).

 

La réponse de Dieu au péché de l'homme

1041. Le châtiment est la réponse de la justice de Dieu au péché de l'homme. Dieu éveille dans le pécheur un désir de réparer. Quand l’œil de Dieu poursuit Caïn partout, celui-ci comprend qu'il a fait le mal et que cela l'oblige à un rejet du péché, à une expiation. C'est le maximum qu'on puisse dire sur le sentiment de châtiment ; ce serait trop dire que d'affirmer que Caïn ressent que sa relation à Dieu est perturbée et qu'il souhaite la remettre en ordre (NB 3,197).

 

Toute correction provenant de Dieu est de l’amour

1042. En Dieu, toute correction, c'est de l'amour ; quand Dieu châtie le pécheur, c'est pour Dieu une manière de s'approcher de lui. Dans le purgatoire, l'amour de Dieu sera si grand qu'il ira par les chemins les plus courts et qu'il ne se laissera plus arrêter, comme ici-bas, par aucune "considération" (NB 6,494).

 

Quand Dieu châtie

1043. C'est sans doute un signe de la magnanimité divine que Dieu montre aussi son amour quand il châtie (NB 6,355).

 

Au purgatoire, le pécheur se sent attiré par Dieu

1044. Le dialogue paradisiaque des hommes avec Dieu n'est plus possible après le péché ; pour le renouer, le Fils doit obtenir le samedi saint que les hommes soient autorisés à entrer dans le feu du Père. Ils doivent le désirer et le vouloir, faire effort pour sortir de leurs propres limites et de leurs propres idées, et être plongés dans le monde du feu divin où Dieu maintient sa puissance souveraine. Le purgatoire tout d'abord ne force rien ; le pécheur se sent attiré par Dieu, mais il se voit lui-même totalement détourné de Dieu (c'est de cette manière qu'il sent le non de Dieu à son état de péché), et maintenant il doit dépasser son éloignement de Dieu pour être sensible au feu qui brûle sans consumer (NB 6,317).

 

Au purgatoire, entrer dans le feu de Dieu

1045. Si Moïse était entré dans le feu qui ne consume pas le buisson, il aurait été brûlé tout entier. Cela caractérise l'ancienne Alliance. C'est le Fils qui apportera la condition permettant que le pécheur ne soit pas consumé par le feu de Dieu. Jusque-là Dieu garde jalousement cette propriété du feu. Vis-à-vis de Moïse, il se fait reconnaître comme Dieu, il l'intéresse aussi par le feu, mais il ne le laisse pas s'approcher. Cela ne lui est pas possible, sinon Moïse se précipiterait dans ce que Dieu a de consumant, dans sa justice. Qu'un homme puisse se précipiter dans le feu de Dieu, ce n'est que le samedi saint du Fils qui l'a obtenu. Il y a là un mystère trinitaire (NB 6,317).

 

La nature de Dieu repousse le péché

1046. Le péché est devant Dieu ce qui est exclu radicalement et absolument. C'est la nature de Dieu qui, en elle-même et par tout elle-même, repousse totalement et éternellement tout ce qui s'appelle péché. C'est pour cette nature du péché absolument opposée à Dieu que le Fils souffre sur la croix, et il souffre de manière absolue (NB 6,336).

 

1047. Dieu seul sait quand il a suffisamment purifié quelqu'un (NB 6,473).

 

Les purifications de Dieu

1048. Dans les vraies purifications de Dieu, on ne sait jamais exactement ce qui arrive ; on parlerait plutôt d'un tremblement de terre que d'une purification (NB 6,520).

 

L’égoïsme peut se glisser dans la relation avec Dieu

1049. L’égoïsme peut se glisser aussi dans la relation avec Dieu. Comme deux égoïstes qui se marient concluent un accord et délimitent leurs sphères, on peut de même conclure avec Dieu un pacte dans la prière. Je fais quelque chose par amour pour lui et il me rendra service, il me protégera, il m'aidera finalement à gagner le ciel. Mais le ciel de Dieu est son échange d'amour et aucun égoïste ne peut y entrer. Il doit d'abord avoir placé son centre en dehors de lui (NB 5,172).

 

S’assurer contre Dieu

1050. Il y a ceux qui ont vécu une double vie : l'une, religieuse mais fausse, par laquelle ils s'assurent contre Dieu ; l'autre, égoïste, pour eux-mêmes. Ils se confessent, mais non en vérité. Pour la confession, ils ont tout un code chiffré : pour leur péché réel, ils disent tel autre péché précis ; pour quelque chose de profondément personnel, ils signalent quelque chose de commun, qui n'engage à rien. Ils font comme s'ils dévoilaient, mais ils cachent l'essentiel. Ils ont une sorte de vague repentir, mais qui ne va nulle part jusqu'au fond (NB 3,81).

 

Dieu laisse au diable la permission de tenter

1051. Le diable a la permission de tenter, Dieu lui laisse cette liberté. Nous ne pourrions pas être tentés si Dieu n’avait pas la possibilité de mettre un terme à la tentation (NB 4,104).

 

Conversation du diable avec Dieu

1052. La dernière conversation vivante du diable avec Dieu a eu lieu lors de la tentation au désert. Le Fils a toujours vu le démoniaque dans sa relation aux hommes comme le principe le plus intime de leur non à Dieu (NB 3,234-235).

 

Le diable et l’enfer

1053. Le diable et l'enfer, c'est ce qui ne peut exister dans le domaine de Dieu (NB 6,237).

 

1054. Le chemin du pécheur vers Dieu

Le chemin du pécheur vers Dieu est devenu autre par le Fils : c'est le chemin de quelqu'un qui est sauvé (NB 3,341).

 

L’homme qui n’est pas croyant est, lui aussi, une créature de Dieu

1055. L'homme qui n'est pas saint, qui n'est pas croyant, ne perçoit pas la sainteté de Dieu. Il se détourne, il est aveugle pour la sainteté de Dieu parce qu'il ne sent pas qu'il a été atteint par la grâce, peut-être aussi parce qu'il ne veut pas le savoir et il étouffe ainsi la semence de la connaissance. Bien qu'il soit une créature de Dieu, il reste en dehors de la sainteté. Mais la sainteté de Dieu est si puissante qu'elle passe au-dessus des incroyants et remplit tout l'espace de la création si bien que les témoignages objectifs de la sainteté divine sont présents en dépit des incroyants et sont visibles pour celui qui est ouvert et de bonne volonté. Visibles même dans celui qui n'est pas saint, car le croyant sait que celui-ci aussi est une créature de Dieu et le reste, qu'il est dans le oui de Dieu à sa création, un oui qui couvre le non de l'homme (NB 2,34).

 

« J’ai trop peu aimé Dieu »

1056. Il est requis que le pénitent découvre son manque d'amour. Et pas seulement de manière abstraite : j'ai trop peu aimé Dieu (ce que chacun peut et doit toujours dire), mais le manque évident d'amour du prochain qu'il aurait absolument fallu éviter. Chercher alors les voies d'une amélioration (NB 2,55).

 

Je ne me suis pas soucié de Dieu

1057. D’un inconnu devant Dieu, au-delà de la mort : On pourrait trouver Dieu par des possibilités infinies d'intelligence ou de misère, etc. Mais au fond on ne les voit qu'en présence de la mort. Je serais maintenant tenté de dire : au fond, tout au long de ma vie je ne me suis pas soucié de Dieu, la religion ne m'est jamais devenue intérieurement familière. Mais comme je me trouve devant Dieu, je vois tout d'un coup le nombre infini d'essais que Dieu a entrepris pour m'inviter. Je le savais bien ; mais je voulais toujours être vainqueur, je voulais me rendre maître de toute situation. J'ai peut-être trouvé intéressante mon explication avec le Seigneur, mais ce qui était intéressant là-dedans, c'était moi-même, ma prise de position (NB 1/2, 210).

 

Faire quelque chose qui serait contre Dieu

1058. Saint Léon : il a une peur constante de faire quelque chose qui serait contre Dieu, qui pourrait nuire sérieusement à son Église (NB 1/1, 273).

 

Tout pour Dieu – Rien pour Dieu

1059. Trois filles parlent de ce qu'elles vont faire dans la vie. L'une dit : « Tout pour Dieu ». La deuxième : « Moitié, moitié ». Les deux autres demandent : « Qu'est-ce que ça veut dire : moitié, moitié ? » Elle dit : « Moitié pour Dieu et les hommes, moitié pour moi ». La troisième dit : « Rien pour Dieu, tout pour moi ». Les trois sont tout à fait honnêtes, elles disent exactement ce qu'elles pensent (NB 7,83).

 

Croire au Bon Dieu lors des enterrements

1060. Adrienne, jeune médecin : « Il y a les gens qui croient au Bon Dieu lors des enterrements » (NB 7,273).

 

« Les petits péchés »

1061. Les petits péchés qu’on commet par inattention sont souvent très sérieux pour Dieu (NB 8, n. 257).

 

Ne pas prendre le péché au sérieux

1062. On peut toujours et toujours cataloguer et confesser ses petites et ses grandes fautes, et n’avoir encore rien vu du tout de la vraie nature du péché. Il se trouve tout à fait ailleurs, dans l’attitude la plus profonde, la plus essentielle de l’homme, cachée mais tout à fait réelle : ne pas suivre l’appel de Dieu. Et le péché, c’est justement cela : le fait de ne pas prendre au sérieux le péché et son poids (NB 8, n. 274).

 

L’amour de Dieu est méprisé

1063. Conscience insupportable que l’amour de Dieu est méprisé (NB 8, n. 290).

 

Jouer avec la grâce

1064. Il y a celui qui est assis sous un arbre, qui supplie Dieu de bien vouloir faire tomber une pomme pour lui et qui préfère avoir faim plutôt que d’étendre la main. Cela s’appelle jouer avec la grâce (NB 8, n. 476).

 

Par amour pour Dieu ou par égoïsme

1065. Il y a les actions des hommes qui sont faites absolument par amour de Dieu et les actions qui paraissent bonnes extérieurement mais qui sont accomplies par égoïsme ou convoitise (NB 8, n. 495).

 

Le monde n’est pas près de Dieu

1066. Je suis angoissée pour le monde parce qu’il n’est pas près de Dieu (NB 8, n. 530).

 

Que Dieu les laisse en paix !

1067. Il y a des âmes qui font de leur relation à Dieu un commerce, un mensonge ou quelque chose d’abject. Is cherchent à l’écarter, ou bien, si cela ne va pas, ils passent un accord, un arrangement avec Dieu, sous forme de religion. Ils montrent à Dieu un amour sale qui ne veut qu’une chose : que Dieu les laisse en paix (NB 8, n. 578).

 

Faire la sourde oreille à la volonté de Dieu

1068. Faire définitivement la sourde oreille à la volonté de Dieu (NB 8, n. 582).

 

Une humanité sans Dieu

1069. L’expérience effrayante d’un monde et d’une humanité sans Dieu (NB 8, n. 621).

 

1070. N’être pas ouvert à la volonté de Dieu (NB 8, n. 658).

 

Être fermé à Dieu

1071. Adrienne voit des âmes : leur fermeture à Dieu et à sa vérité (NB 8, n. 736).

 

Une femme qui ne voulait pas rendre son enfant à Dieu

1072. Dans une vision, Adrienne voit une mère avec son enfant mort. La mère se révoltait, ne voulait pas rendre l’enfant à Dieu. Elle en avait quatre autres, mais celui-ci lui était le plus cher (NB 8, n. 697).

 

1073. Contrarier tous les plans de Dieu par son indignité (NB 8, n. 750).

 

Insensible à Dieu

1074. Un grand pécheur qui connaît le vrai repentir est beaucoup plus agréable à Dieu que le pécheur coupable d’une quantité indéfinissable de petits péchés minuscules qui recouvrent l’âme d’une peau qui la rend insensible à Dieu (NB 8, n. 801).

 

Dieu ne peut pas respirer dans cette maison

1075. Un soir, Adrienne est invitée dans une maison pour le souper. Une maison avec beaucoup d’argent, mais sans Dieu. Dans une telle maison, Dieu ne peut pas respirer (NB 8, n. 926).

 

Le refus de Dieu

1076. Le chemin de la sainteté est ouvert à l’homme. Il peut choisir entre faire la volonté de Dieu et la refuser. Je dois permettre à Dieu d’implanter en moi la foi totalement et de m’utiliser comme un instrument de cette foi, de faire de ma conversation avec lui quelque chose qui me lie à lui définitivement. Nos péchés sont un refus de Dieu (NB 9, n. 1402).

 

1077. Un refus de Dieu, intérieur et tout à fait caché, est beaucoup plus terrible et plus nuisible que tout le reste (NB 8, n. 12).

 

Des passages entre le pécheur et Dieu

1078. De toute fête chrétienne il tombe une lumière aussi bien sur le ciel que sur l’enfer ; partout sont créés des passages entre le pécheur et Dieu (NB 9, n. 1473).

 

Une armée contre Dieu

1079. Des milliers de gens ont connu Dieu mais ils n’en ont pas voulu, ou bien ils ont trouvé que la foi était une solution trop médiocre, ou bien ils se sont contentés d’une vérité inférieure alors qu’une plus haute leur était réservée. Le tout s’enfle jusqu’à devenir une armée contre Dieu (NB 9, n. 1568).

 

Dieu enlève les résistances

1080. Ce que Paul a vécu dramatiquement à Damas se produit aussi sans bruit dans mainte vie chrétienne. Dieu enlève les résistances et met à la place grâce et mission (NB 9, n. 1579).

 

L’opposition à Dieu

1081. Le péché a apporté l’opposition à Dieu et comme conséquence tout de suite aussi l’opposition au prochain. Nous pouvons à peine nous imaginer ce que pourrait être une vie sans cette opposition. Ce qui nous est propre ne nous réjouirait et ne nous intéresserait que dans la mesure où nous pourrions l’offrir à Dieu et au prochain (NB 9, n. 1737).

 

Refuser de penser à Dieu

1082. Adrienne voit les grâces refusées dans la maladie : des hommes qui, jusqu’au dernier instant, se refusent à voir la mort en face, qui préfèrent n’importe quel mensonge, qui ne se résignent aucunement à l’inévitable, qui refusent de penser à Dieu bien qu’ils aient peut-être eu durant leur vie une faible foi en lui, pensant que la mort les épargnera s’ils persistent dans leur refus. Se tenir à Dieu leur semble trop dangereux (NB 9, n. 1859).

 

Ils ne connaissent pas Dieu

1083. Rencontrer des gens dans la rue est maintenant douloureux pour Adrienne : ils ne connaissent pas Dieu (NB 9, n. 2026).

 

Une froide amitié avec Dieu

1084. Il y a des gens qui n'ont certainement plus la foi, qui entretiennent avec Dieu une sorte de froide amitié. Comme on met dehors non sans raison quelqu'un dont on était autrefois l'ami ; on le voit encore parfois mais on n'a plus rien à lui dire. Il y a une tradition, mais on ne se sent plus obligé profondément par elle, on n'a pas besoin non plus de mettre forcément de l'ordre en soi (NB 10, n. 2043).

 

1085. Je ne voudrais pas faire obstacle à Dieu (NB 10, n. 2066).

 

1086. Fermer son oreille à Dieu (NB 10, n. 2262).

 

Faire jouer sa liberté contre Dieu

1087. En tant qu'être spirituel, l'homme possède une liberté qu'il est toujours enclin à faire jouer contre Dieu (NB 11,25).

 

L’homme infidèle à Dieu

1088. Dans la relation entre Dieu et l'homme, existe le danger énorme que l'homme puisse être infidèle à Dieu. Face à ce danger, Dieu prend pour ainsi dire des mesures, non pas extérieurement, mais au plus intime de sa Trinité. Celles-ci sont comme un feu à l'intérieur de l'amour trinitaire. Ce feu doit être parce qu'il y a nous, les hommes. A ce feu appartient la disposition prise en Dieu que le Fils aille dans la souffrance et l'abandon (NB 10, n. 2287).

 

Tromper Dieu

1089. Saint Ignace considère que ses études sont une affaire privée entre lui et Dieu, et s'il voulait briller en quelque matière, il aurait justement l'impression de tromper Dieu (NB 11,143).

 

Dieu et les pécheurs

1090. Il n'est pas facile pour Dieu de vaincre la résistance perpétuelle des pécheurs et leur manie de vouloir toujours avoir raison (NB 11,303).

 

Les objections de Dieu

1091. Là où l'homme élève des objections, les objections de Dieu sont plus fortes que les siennes (NB 11,326).

 

Le péché empêche de voir Dieu

1092. Le péché est quelque chose en moi qui obscurcit l'esprit, qui se met au-dessus des yeux de mon esprit et m'empêche ainsi de voir Dieu. Le péché me cache ce qui est en haut : la face de Dieu ; je ne vois plus à quel point il est élevé (NB 11,341).

 

Ne pas vouloir écouter Dieu

1093. Adam ne savait pas ce que ça a comme conséquences de ne pas vouloir écouter la parole de Dieu (NB 11,372).

 

Ne plus vouloir entendre la voix de Dieu

1094. Avant la chute, Adam et Ève aimaient beaucoup entendre la voix de Dieu quand il se promenait dans le jardin. Qu'ils se cachent après la chute veut dire qu'ils fuient Dieu qui arrive, ils ne veulent plus entendre la voix de Dieu (NB 12,169).

 

Une punition de Dieu

1095. Il peut y avoir une punition de Dieu pour des péchés qu'on a confessés depuis longtemps (NB 11,376).

 

Les petits arrangements avec Dieu

1096. Quelqu'un peut vivre dans la bonne humeur parce que tout marche pour lui selon ses désirs, et il pourrait aussi souhaiter cet état pour ses proches (peut-être seulement pour qu'il soit lui-même encore plus joyeux, encore plus "consolé"), et toute sa religion consisterait en de petits arrangements avec Dieu : si je te donne ceci, tu me donnes cette réussite, ce moral, cet état. Il aurait fait de la religion une composante de sa fringante agitation (NB 11,378).

 

Dieu a le dessein d’aller rechercher l’homme

1097. Quand l'homme pèche, il trace des limites entre lui et Dieu, des limites qui ne le font pas différent mais qui font de lui un étranger. Mais depuis toujours Dieu a le dessein d'aller rechercher l'homme et de lui donner une nouvelle complicité. Dieu lui-même crée pour l'être humain des issues à cette existence pécheresse de fermeture et de limites (NB 12,153-154).

 

1098. Dieu vomit les tièdes (NB 12,187).

 

Faire des réserves vis-à-vis de Dieu

1099. Qui fait des réserves vis-à-vis de Dieu, ne sait rien de la foi, de l'amour et de l'espérance (NB 12,245).

 

Rejeter l’offre de Dieu

1100. Des croyants refusent d’obéir à Dieu du fait de la tiédeur de leur foi. Ce refus revient alors à rejeter l'offre de Dieu à le suivre de plus près, donc à effectuer un choix de vie qui n'est pas selon la volonté de Dieu. Ici, on choisit de ne pas le suivre ; là, une fois pour toutes et malgré la grâce offerte par Dieu, on choisit de ne pas voir, de ne pas se livrer, de persister dans le domaine de la pure raison, de ne pas abandonner le contrôle de soi (NB 5,213).

 

Prétendre qu'on fait la volonté de Dieu sans la faire

1101. L'homme peut se précipiter dans l'abîme de la volonté de Dieu : c'est l'amour total. Il pourrait aussi se précipiter dans l'abîme du refus de cette volonté, et ce serait en quelque sorte une solution claire. Mais cela, il ne le fait pas ; il peut détailler cette volonté de Dieu dans les mille détails de sa vie quotidienne en degrés et en étapes. Il peut en faire des exigences séparées, disparates, et dire oui aux unes et non aux autres. Il peut dire oui et penser non. Il peut dire un oui limité derrière lequel se trouve le refus de ce qui suit. Cet abandon graduel de Dieu est plus grave. Car il est pire de prétendre qu'on fait la volonté de Dieu sans la faire que de se rebeller. De cette manière, on se détourne beaucoup plus radicalement et d'une manière beaucoup plus assurée (NB 4,46).

 

Détruire la volonté de Dieu

1102. Ma liberté est si grande qu'elle possède la liberté de détruire la volonté de Dieu (NB 4,153).

 

Le rejet de Dieu par le monde

1103. L'enfer est fait du rejet de Dieu par le monde. Dans la mesure où le monde rejette Dieu, il ne reste plus à Dieu qu'à laisser le chaos revenir là où est le refus ; la somme de tous les refus forme le chaos, l'enfer (NB 3,106).

 

Se détourner toujours plus de Dieu

1104. Si nous avons péché une fois, sans la grâce nous nous détournons toujours plus de Dieu. Le péché a en lui cette dynamique du toujours-plus. Ainsi la boue qu'il laisse derrière lui est infiniment plus grande que nous ne le pensons (NB 3,236).

 

Le rejet de Dieu

1105. L’Église accueille les pécheurs et les inclut en elle ; assez souvent on lit sur son visage le péché, la tiédeur, le rejet de Dieu. Et pourtant, derrière ce visage, apparaîtra toujours la face de la Mère, de la toute pure, de l'Immaculée, de la toujours Vierge (NB 1/2, 185).

 

Une négation pratique de Dieu

1106. Qu'un incroyant dise n'importe quel mot, c'est une chose ; qu'un croyant utilise le même mot, c'est autre chose, car le croyant est obligé d'accorder sa place à Dieu dans la plus petite chose qu'il dit. S'il néglige de le faire, il s'éloigne de la vérité, il laisse le mot se réduire et il l'utilise finalement comme le fait le non croyant, dans une négation pratique de Dieu, dans un rejet de sa foi et de sa responsabilité existentielle (NB 6,20).

 

Un Dieu qu’on imagine

1107. La vérité qui vient de Dieu est quelque chose de vivant  et elle doit rester vivante. Par le péché, elle se dessèche parce que nous ne voulons plus l'exposer à la lumière trinitaire, nous en avons peur, nous ne voulons pas être nus devant Dieu. Et parce qu'on ne veut pas se considérer dans la lumière de Dieu, on préfère se considérer dans sa propre lumière et on ne donne tout qu'à un Dieu qu'on imagine (NB 4,34).

 

Le refus de la grâce

1108. Il y a ceux qui tout en connaissant l'amour de Dieu ont refusé la grâce (NB 3,47).

 

Dire non à un appel de Dieu

1109. Peut-être étaient-ils dans la vie des bourgeois tout à fait convenables et, du dehors, on n'a rien remarqué. Mais quelque part à l'intérieur, ils ont dit non à un appel de Dieu (NB 3,60).

 

Renier sa religion

1110. Adrienne passe toute une nuit pleine d’angoisse pour ceux qui renient leur religion parce qu’ils sont devenus soi-disant plus avisés alors qu’en fait ils s’abêtissent parce qu’ils n’ont plus de réceptivité spirituelle pour Dieu (NB 9, n. 1740).

 

L’homme fuit dans la malédiction

1111. Plus l'homme morcelle sa vie, plus se fortifie son impression de vivre dans un temps maudit. Mais il continue à rationaliser son temps et il pense aujourd'hui devoir faire de son temps un temps de l'homme et de la planification humaine et supprimer tout ce qui le fait apparaître comme un temps de Dieu et de la volonté de Dieu. C'est pourquoi le langage de Dieu est de moins en moins compris parce que la parole de Dieu n'atteint plus l'homme qui fuit dans la malédiction (NB 10, n.2234).

 

 

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2. L'ESPRIT SAINT

 

Version 2022

 

Plan : Introduction. 1. La Pentecôte. 2. LEsprit parle, l’Esprit inspire. 3. L’Esprit et l’Écriture. 4. L’Esprit. 5. Les dons de l’Esprit. 6. S’ouvrir à l’Esprit. 7. L’Esprit Saint et le péché. 8. LEsprit Saint et l’amour. 9. L’Esprit et la prière. 10. L’Esprit et la connaissance. 11. L’Esprit et l’Église. 12. L’Esprit et Marie. 13. L’Esprit et le Fils. 14. L’Esprit dans la Trinité.

 

Introduction

Toute l’œuvre d’Adrienne von Speyr est remplie d’Esprit Saint. Le plus souvent sa présence est voilée comme en fait l’expérience le personnage de l’Ancien Testament : Dieu était là et il ne le savait pas. Des œuvres peuvent être remplies d’Esprit Saint sans qu’il soit nommé explicitement. Ce peut être tout un climat qui est rempli de lui, ce qui correspond bien à sa nature : présence et communion.

Adrienne von Speyr n’a jamais composé de traité de l’Esprit Saint. Elle n’a composé aucun traité. B. Bobrinskoy soupirait : "Que l’Esprit nous préserve des pneumatologues" (Communion du Saint-Esprit, p. 378). Adrienne von Speyr n’est pas pneumatologue. Mais, par la grâce de Dieu, elle portait sans doute l’Esprit, elle était pneumatophore. C’est goutte à goutte que l’Esprit Saint s’imprimait en elle, incidemment. Au gré des circonstances et des événements, au hasard de ce qu’elle disait ou faisait, au hasard de Dieu, des choses lui étaient données d’en haut.

L’Esprit Saint, c’est comme pour Dieu. On ne peut accéder à son mystère que par une multitude infinie d’approches. Tout en sachant que ce ne sera jamais tout à fait adéquat. On peut au moins commencer. "Plutôt que de se lamenter sur les ténèbres, allumer une lumière" (Proverbe sans doute chinois dans G. Siegwalt, Dieu est plus grand que Dieu, p. 248). Dieu ne se prive pas d’allumer des lumières, mais "notre regard peut manquer à la lumière" (G. Thibon).

Au terme du colloque romain concernant Adrienne von Speyr, en 1985, il revenait à Hans Urs von Balthasar de conclure. Il commençait comme ceci : "Je veux bien essayer de faire une conclusion. La ‘synthèse’ (promise dans le programme) me paraît chez Adrienne aussi impossible que si l’on voulait tenter une synthèse de la mer. J’ose même lancer un défi à quiconque tentera plus tard de coincer la pensée d’Adrienne dans un système quelconque : il se sentira toujours débordé" (La mission ecclésiale d’Adrienne von Speyr. Actes du colloque romain 27-29 septembre 1985, p. 187).

Les textes d’Adrienne proposés dans cette fenêtre n’essaient pas de faire une synthèse de la mer. Ils permettront tout au plus de se faire une certaine idée de la manière dont Adrienne comprenait l’Esprit Saint. D’autant plus que les extraits qui suivent n’ont été puisés que dans ses Œuvres posthumes qui n’ont pas encore été traduites en français. Tout ce qui est dit de l’Esprit Saint dans ces Œuvres n’a pas été retenu ici. Ce n’est pas qu’il y en ait trop, c’est que les relations du Père et du Fils et de l’Esprit sont infiniment complexes. Un jour des théologiens de métier essaieront de tracer des chemins dans ce domaine mystérieux. Ici, il a paru préférable de s’en tenir à ce qui peut être plus directement utile pour enrichir la foi du plus grand nombre.

Patrick Catry

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Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes). Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

 

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"Les chemins de l’Esprit pour interpréter la Révélation demeurent toujours ouverts,

sont sans cesse actualisés de manière neuve. Tout au long de l’histoire de l’Église,

l’Esprit Saint plonge sans cesse de nouveaux élus dans le contenu et les événements

originels pour vivifier et approfondir par eux la foi de l’Église dans son ensemble"

(Hans Urs von Balthasar dans NB 5, p. 10-11)

 

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1. La Pentecôte


 

1. Pentecôte - Une immense flamme – Le feu reçu ou non

(Pentecôte 1941. Du journal du P. Balthasar). A l'église, vers onze heures et demie, Adrienne vit comment devant elle sur un banc un garçon fut touché par un rayon de soleil oblique comme il y en a souvent à cette heure dans l'église Sainte-Marie. C'était un phénomène purement naturel. Pourtant elle vit ensuite tout à coup comme se rattachant à cette lumière, une immense flamme qui remplit toute la partie supérieure de l'église, s'inclina vers le bas et se dispersa là en de nombreuses petites flammes. Celles-ci descendaient sur les têtes des personnes présentes. Mais le feu ne fut "reçu" et absorbé que par un petit nombre. La plus grande part des flammes se retiraient en haut "déçues" (comme elle disait), parce qu'elles étaient éconduites. Cela remplit Adrienne d'un double sentiment étrange. D'un côté certainement une grande joie. Elle ne réfléchit pas pour savoir si elle-même était parmi les élus. Elle ne remarqua personne en particulier qui ait reçu la flamme, tout au plus que, dans une partie de l'église, elle fut davantage reçue que dans une autre. Ce n'est qu'en sortant après la messe, qu'elle sut qu'elle aussi avait reçu quelque chose. Sous le porche de l'église, elle vit une jeune fille qui avait reçu le feu, puis aussi un jeune couple. Le revers du bonheur était une grande douleur à cause des nombreux rejets. Elle s'était crue, dit-elle, comme en présence d'un accident dans une mine. On sait qu'il y a beaucoup de morts sous terre, il n'y a que peu de survivants. Les morts et les vivants sont remontés peu à peu, les femmes sont là et attendent. Le nom des morts est annoncé. Le voisin en fait partie, l'oncle, cet ami et celui-là... Est-ce que son propre mari, son fils, en seront aussi ? On attend dans l'incertitude. Finalement il s'avère que les proches parents sont en vie. C'est une joie au milieu de la catastrophe, une joie qui en quelque sorte est honteuse parce que tant d'autres tout autour sont dans la peine et on se sent solidaire de ceux qui ont été touchés. C'est dans ce double état qu'elle passa tout le jour de la Pentecôte (NB 8, n. 90).  

 

2. Le feu de l’Esprit - Ceux qui possèdent l'Esprit

Pentecôte 1944. Adrienne voit deux fois l’Esprit : à la messe de communion et à la messe de 11H30 ; elle voit comment son feu se répand sur l’assemblée et, pour la première fois aussi, que ceux qui possèdent déjà l’Esprit et l’amour collaborent à cette distribution (NB 9, n. 1139).

 

3. L’Esprit descend sur l’homme - L’homme ne saisit jamais complètement l’Esprit – L’homme reçoit l’Esprit selon ses capacités – L’Esprit descend comme une flamme

Pentecôte 1946. Tous les croyants vivent la Pentecôte. Les uns en priant et en luttant ; d’autres dorment et reçoivent leur part dans le sommeil. Quand l’Esprit descend sur l’homme, il ne se fait pas un assemblage d’Esprit et d’homme, car d’un côté l’homme ne saisit jamais complètement l’Esprit : il le reçoit selon ses capacités ; mais d’un autre côté, l’Esprit saisit l’homme totalement. L’Esprit Saint qui vit ainsi en l’homme retourne comme don de lui-même à l’Esprit Saint. Non seulement l’Esprit descend comme une flamme, mais une nouvelle flamme venant d’en bas se précipite à sa rencontre. Tout ce que les croyants peuvent faire dans leur vie de foi retourne ainsi en possession de l’Esprit Saint. Et la descente toujours nouvelle de l’Esprit Saint se fait en fonction de ce que le croyant apporte à l’Esprit Saint. De même qu’un chercheur remonte aux recherches antérieures dans le même domaine, de même l’Esprit se répand non sans tenir compte de ce qui est arrivé par lui dans l’Église. L’Esprit de science descend sur ce qui, dans l’Église, vit de l’Esprit de science (NB 9, n. 1562). 

 

4. La descente de l’Esprit pour la connaissance et l’amour des choses divines - La démesure de l'Esprit

Pentecôte 1946. Parler en langues par l’Esprit. L’esprit humain tourne autour de beaucoup de questions divines sans avancer ; il ne cesse de s’y heurter. A peu près comme un Robinson qui ne peut pas se représenter ce qu’est l’amour, qui ne comprend pas non plus la sentence : « Aimez-vous les uns les autres » ; il peut tout au plus échafauder constamment de nouvelles théories sur le sujet ; mais si, un jour, il rencontrait vraiment le prochain, il apprendrait alors ce que peut être l’amour. Il y a quelque chose de semblable avec la descente de l’Esprit pour la connaissance et l’amour des choses divines. Supposons que je te voie faire quelque chose dont le sens m’est caché ; je n’y reconnais aucun dessein compréhensible. Je pourrais imiter tes mouvements et si tu me regardais, tu reconnaîtrais là quelque chose de tes desseins (inconnus de moi) et tu m’expliquerais ce que tu fais. Ou bien peut-être que j’imite tes gestes simplement par amour, pour te montrer ma bonne volonté et, par mes efforts, j’arriverai par moi-même à comprendre le sens de ce que tu fais. Finalement une longue éducation et une longue expérience peuvent m’apprendre que, jusqu’à présent, tu as toujours agi judicieusement et qu’on fait bien de t’imiter ; le fait alors de ne pas comprendre tout de suite ne cause pas d’inquiétude profonde ; ce que tu fais est certainement intérieurement plein de sens même si pour le moment c’est pour moi incompréhensible. Il y a ainsi des degrés différents d’adaptation de l’esprit humain à la démesure de l’Esprit divin (NB 9, n. 1563).  

 

5. Les apôtres à la Pentecôte – La grâce de l’Esprit Saint entre en eux

Adrienne fait l’expérience de la descente de l’Esprit sur les apôtres. Ils n’étaient certainement pas sans défauts, mais la fidélité qu’ils gardaient malgré tout au Seigneur les rend capables de recevoir l’Esprit à la Pentecôte. Leur carrière jusque là était d’une certaine manière un mérite - fondé sur la grâce de l’appel - et maintenant la grâce de l’Esprit Saint entre en eux et en fait des saints. Adrienne voit exactement comment tout d’un coup la langue de feu descend sur eux et prend possession d’eux, trouve là à son arrivée, pour tout transformer, comme un sol préparé. Tous reçoivent une sorte de connaissance qui ne peut pas être réalisée maintenant mais qui demeure comme une disposition. Ils ont cette connaissance en tant qu’Église du Seigneur. Leur connaissance potentielle s’actualise chaque fois que la question se pose. Ils forment désormais une unité dans l’Esprit ; de même qu’ils étaient réunis, ils gardent l’Esprit ensemble et dans une certaine infaillibilité. En tant qu’isolés, il y a beaucoup de choses qu’ils peuvent ne pas savoir mais, en tant qu’organisme, ils ont la connaissance nécessaire pour résoudre les questions ecclésiales. Des questions peuvent être soulevées par certains, mais l’ensemble les examine et les résout, y compris par celui qui les a soulevées. Pierre a une position particulière qui ne lui est donnée cependant que dans le cadre du collège des apôtres. Ce n’est qu’à l’intérieur de l’Eglise qu’il a la possibilité d’être infaillible, par une fonction dans la communion des saints (NB 9, n. 1800).

 

6. La Pentecôte et l’Esprit – L’Esprit d’amour

Considérer la relation au Père du Fils devenu homme. L'Esprit d'amour est dans le Fils et dans le Père et, quand c'est nécessaire, il devient visible aussi comme Esprit pour ceux qui vivent sur terre. Lui qui, en soi, pourrait rester invisible se manifeste pour confirmer la mission du Fils. Dans la relation entre le Christ et l’Église, on peut sans doute présenter le Christ comme l'Homme-Dieu qui dirige et l’Église comme son épouse qui est dirigée, mais l'amour qui règne entre les deux, on ne peut le décrire que dans leur relation mutuelle. On ne peut se faire une idée ni du Seigneur ni de l’Église sans penser aussi à cet amour qui existe réellement. C'est ainsi qu'à la Pentecôte l'Esprit est donné visiblement à l’Église. Mais cette visibilité exceptionnelle est seulement le signe que le Seigneur possède l'Esprit d'amour et qu'il ne cesse de l'envoyer à son Église. L'amour en tant qu'Esprit, on ne peut pas se le représenter comme planant librement dans l'absolu, mais comme un amour qui veut se prodiguer à quelqu'un, comme un amour qui s'offre, qui cherche pour ainsi dire un partenaire. C'est un amour qui est attaché aux personnes comme, en Dieu, l'Esprit est attaché au Père et au Fils (NB 12,96-97).

 

7. La Pentecôte - Quand l’Esprit du Créateur rencontre le croyant - L’Esprit et la mystique

La rencontre de l’Esprit Saint avec les apôtres le jour de la Pentecôte ne peut pas être comprise autrement que comme une rencontre mystique. Ils sont ivres, hors d’eux-mêmes, en extase. Quand Dieu crée un homme, on peut d’une certaine manière prévoir à quoi ressemblera le résultat : il présentera les caractéristiques de tout homme. Quand l’Esprit du Créateur rencontre le croyant, on ne peut pas prévoir ce qui en sortira. Pour la saine raison humaine, la Pentecôte est un spectacle de désordre, d’aliénation, de trouble dans l’homme : ce n’est pas l’homme lui-même qui le provoque et rien de naturel ne peut le causer, il est un signe d’une invasion du divin, le signe que l’Esprit de Dieu souffle en l’homme où il veut et qu’il transforme tout ce qui est habituel. Les limites de l’esprit humain sont supprimées, les disciples parlent des langues qu’ils n’ont jamais apprises, ils parlent même plusieurs langues en même temps sans les avoir étudiées. C’est ici, dans l’accès à quelque chose d’inaccessible, dans ce qu’il est impossible d’obtenir même si on le voulait, que se trouve un point essentiel de la mystique. Ce dépassement des limites sans qu’on l’ait voulu soi-même et sans s’y être exercé caractérise tout le domaine de la mystique. La manière dont Dieu conduit alors peut rendre inutile tout degré apparemment nécessaire, le rend de fait réellement inutile. Les apôtres sont des croyants qui tout d’un coup, d’un ciel serein, reçoivent un cadeau qui les comble, dont Dieu seul est l’origine. Ils ne reçoivent pas ce don selon leurs mérites ou leurs efforts, mais sans conditions. Ce n’est pas non plus leur personnalité propre qui fait l’expérience d’un complément ou d’une surélévation, tout l’accent est mis sur l’intervention de Dieu. Et la transformation qui se produit dans l’apôtre n’est pas seulement perceptible pour lui, il la remarque aussi chez les autres, et il reconnaît que leur transformation est causée par l’Esprit (NB 5,144-145). 

 

8. Pentecôte et discernement des esprits – Tous placés sous le souffle de l’Esprit

C’est à la Pentecôte que la mystique a son point de départ pour la suite des temps. D’autres phénomènes certes apparaîtront, mais on peut cependant les faire tous remonter à l’Esprit lors de la confirmation originelle. Et si Dieu offre à l’Église son Esprit de Pentecôte avec une telle abondance et que chacune des personnes présentes apparaît comme un réceptacle parfaitement adapté, l’Église possède à partir de là non seulement un trésor d’expérience mystique mais également un trésor de discernement mystique des esprits : l’Esprit reconnaît l’Esprit, et le discernement des esprits a désormais sa forme définitive, même si ce discernement était déjà présent auparavant d’une certaine manière parce qu’un apôtre reconnaissait un autre apôtre et qu’un croyant était tout près de l’autre. Le discernement ne consiste plus maintenant à évaluer selon certaines règles, c’est un souffle de l’Esprit qui enveloppe celui qui examine comme celui qui est examiné. La première fois que l’Église a été saisie mystiquement, elle l’a été d’emblée d’une double manière : elle en a fait elle-même l’expérience et elle a connu d’expérience l’expérience des autres ; c’est ainsi qu’apparaît sa fécondité : plus personne n’a besoin de s’évaluer lui-même ni d’avoir de l’ambition. Les disciples ne font qu’un avec Dieu, mais ils reconnaissent aussi que leur frère ne fait qu’un avec Dieu. Ils n’ont pas besoin de garder jalousement leur propre expérience ni d’envier celle d’un autre étant donné qu’ils ont été placés ensemble sous le souffle de l’Esprit. Il y a ici un parallèle avec la communion puisque chacun de ceux qui la reçoivent sait qu’il participe aux autres communiants. Le parallèle va encore plus loin : il s’étend à toute la prière des croyants dans l’Église : chacun a part à la prière des autres, mais il donne aussi à la prière des autres quelque chose de sa propre prière. Plus personne n’est isolé. Cela n’empêche pas que, plus tard, la plupart des mystiques feront leurs expériences dans une profonde solitude, peut-être dans l’abandon, car on ne doit pas penser non plus la Pentecôte sans le vendredi saint. C’est en partant de la Pentecôte que l’expérience mystique montre de manière nouvelle son sens dans l’Église – son sens pour l’individu et pour tous – sans perdre la dimension du vendredi saint. C’est une fête à laquelle on n’arrive que par les épreuves supportées en suivant le Christ au temps de sa Passion ; on ne peut pas supprimer ces conditions. Plus l’expérience de la Pentecôte est pleine, plus aussi sa condition doit avoir été remplie profondément, plus le temps de la Passion doit avoir été vécu à fond. Marie et Jean ressentiront leur joie mystique dans l’Esprit de la confirmation d’autant plus candidement et d’autant plus pleinement qu’ils ont participé plus profondément aussi à la croix du Seigneur (NB 5,145-146).  

 

9. Pentecôte et confirmation

Que le Fils puisse envoyer l'Esprit et l'envoie de fait, nous l'apprenons par sa parole. Nous voyons cette parole accomplie le jour de la Pentecôte et nous recevons l'Esprit dans le sacrement de confirmation (NB 10, n. 2147).

 

10. Fatima et l’Esprit de Pentecôte

L'apparition de Marie à Fatima est véritable. Y compris le miracle du dimanche. C'est un miracle qui devait toucher une foule en tant que telle. Il n'en est pas né de nouvelles missions pour des personnes, ce sont les masses en tant que telles qui devaient être amenées à prier. Ce miracle a augmenté le trésor de prière de l’Église. Car les masses ne priaient pas seulement personnellement, chacun pour soi, elles priaient dans un sens ecclésial, saisies par l'Esprit Saint comme à la Pentecôte (NB 11,435).

 

11. L’Esprit est donné aux hommes par le Fils, mais aussi par le Père

L'Esprit est donné aux hommes par le Fils, comme le Fils leur fut donné par le Père. Ainsi quand le Fils souffle l'Esprit dans l’Église et dans le monde, cela provient finalement aussi du Père (NB 6,414).

 

12. L’Esprit et la Pentecôte – Les trois personnes agissent ensemble

Dans la solitude de la croix aussi, le Fils ne fait qu'un avec le Père et avec l'Esprit. Et en toute action de Dieu, par exemple à la Pentecôte, les trois personnes agissent ensemble (NB 12,71).

 

 

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2. L’Esprit parle, l’Esprit inspire

 

L’Esprit parle

 

13. L’Esprit parle : écouter attentivement

Pendant que l'Esprit parle, Marie l'écoute attentivement, elle veut se familiariser avec sa parole (NB 1/2, 162-163).

 

14. L'Esprit parle en Pierre

Pierre est toujours "en Esprit". Il dit toujours des choses qui le dépassent. Quand il ouvre la bouche, l'Esprit parle en lui. Il est sans doute réfléchi quand il parle aux Juifs, mais c'est l'Esprit qui réfléchit en lui (NB 1/2, 50).

 

15. « Que ton Esprit parle par moi »

D’une prière de saint Augustin : « Père, quand je me tiens devant toi et qu'il m'est permis de te donner le nom de Père, à chaque fois je ne peux me défendre du sentiment que c'est à peine possible que tu m'aies réellement fait le don de toute cette plénitude de foi qui m'accompagne jour et nuit et me fait voir dans une lumière nouvelle tout ce que je rencontre. Père, je voudrais te remercier, mais non sans te demander en même temps : fais que cette connaissance soit communiquée par moi à tous ceux auxquels tu penses. Fais que j'aie toujours davantage part à la vie de ton Fils et permets que ce soit vraiment ton Esprit qui parle par moi. Amen » (NB 1/1, 408).

 

16. Convaincu que l’Esprit Saint doit parler par lui

Saint Fidèle de Sigmaringen est tout près de vivre dans une prière incessante. Dans son grand zèle pour le salut de l'âme de tous ceux qu'il rencontre il n'oublie jamais qu'il a à rester un instrument, en étant tel qu'il puisse faciliter le travail de Dieu. Il n'est pas particulièrement doué pour la parole, mais il se donne beaucoup de mal ; il est si convaincu que l'Esprit Saint doit parler par lui qu'il fait constamment aussi déboucher sa prière sur une double demande : qu'il ne soit pas un obstacle pour l'Esprit Saint et que l'Esprit Saint opère lui-même dans les personnes (NB 1/1, 166).  

 

17. Les paroles de l'Esprit : y faire attention ou non

Il y a bien des personnes qui, dans le cadre d'une révélation qu'elles ont entendue, ne veulent pas continuer... Dieu parle, mais je suis si occupée à parler moi-même, à prendre part à la conversation, à couper la parole, que je n'écoute plus, que j'entends tout au plus quelques mots qui manquent alors de cohérence. Et si par la suite j'essaie de reconstruire ce que Dieu a dit, cela sonne faux, en mettant les choses au mieux. Ou bien on ne laisse pas à Dieu le temps de parler, on lui coupe la parole, on sait mieux que lui comment il doit terminer ses phrases. Il y a dans la mystique toutes les inconvenances que peuvent avoir les hommes dans leurs dialogues. Il peut se faire que l'Esprit ait parlé et qu'à ce moment-là je n'étais pas capable de comprendre totalement ce qu'il a dit. Comprendre veut toujours dire aussi traduire. Si une traduction n'a pas lieu par ma faute, parce que actuellement je ne veux pas, l'Esprit ne va pas répéter la même révélation. Je ne peux pas dire à Dieu : "Écoute, ce que tu as dit tout à l'heure est peut-être quand même plus intelligent que je ne l'avais pensé tout d'abord, répète-le encore une fois, je t'en prie". Mais il peut aussi se faire que les paroles de l'Esprit sont si grandes que je ne suis pas en mesure de les enregistrer convenablement malgré toute ma bonne volonté. Je ne trouve pas de forme pour les rendre. Je suis incertaine ; les pierres qui me sont présentées paraissent trop grosses pour être insérées dans la mosaïque actuelle. Il m'est permis alors de demander qu'on me renseigne (NB 5,243). 

 

18. L'Esprit Saint parle : se rendre disponible

Il y a bien des personnes qui un jour ou l'autre ont entendu ou vu quelque chose de Dieu ; mais elles ne sont pas en mesure d'aller plus loin. Elles en ont connaissance comme d'une curiosité en quelque sorte. Il y avait peut-être là-dessous une révélation importante, mais la personne concernée ne s'est pas montrée suffisamment disponible. C'est très souvent la raison pour laquelle elle ne perce pas. Apprendre quelque chose de Dieu oblige à se donner soi-même. Si on apprend sans se donner totalement, la fécondité se perd. Il y a naturellement la fausse perception qui ne peut pas non plus percer. Il y a enfin ce que Dieu fait dans tous les cas, que nous entendions ou non : Dieu parle, l'Esprit parle, mais si celui à qui s'adresse la parole se ferme, il ne peut pas entendre justement. Non seulement Dieu cherche des personnes à qui parler, il y a, en plus du fait qu'il a été entendu, tout ce qu'il y a au-delà de sa parole. Beaucoup plus de personnes pourraient entendre si seulement elles le voulaient. C'est un préjugé de penser que très peu de personnes seulement pourraient entendre (NB 5,242).  


 

L’Esprit inspire

 

19. L’inspiration de l’Évangile

Saint Marc. L'inspiration de l'évangile, il en a eu peur. Il est le seul qui a su à l'avance qu'il devrait écrire. Il s'est montré réticent parce qu'il pensait qu'il ne serait pas docile sous la conduite de l'Esprit. Et puis, au fond, cela s'est très bien passé. Quand vint l'inspiration, elle réalisa en lui beaucoup de choses qu'il avait désirées depuis longtemps. Maintes choses se sont éclaircies pour lui quand il a mis son évangile par écrit. La simplicité de son évangile est comme une « obligeance » de l'Esprit Saint à son endroit : pour que tout soit très clair et nettement précisé, que rien ne se perde en réflexions et interprétations (NB 1/1,350).

 

20. Donne-moi ton Esprit d’inspiration

D’une prière de saint Athanase : « Chaque jour, à chaque instant, je vois la tâche ; je ne puis y suffire, je ne peux même pas savoir tout ce que tu attends de moi et ce dont tu as le plus urgent besoin pour affermir ton Église. Je voudrais alors te demander : donne-moi ton Esprit d’inspiration, donne-le moi de telle sorte qu'il fasse de l'instrument inutile que je suis un instrument utilisable, qu'il me retire l'habitude que j'ai de me diriger moi-même pour me remettre toujours plus entre tes mains » (NB 1/1, 396-397).  

 

21. L’inspiration de l’Esprit

D’une prière de saint Benoît : « Père, l’œuvre que ton Esprit m'avait inspiré d'entreprendre est commencée. Tu vois les difficultés que je rencontre bien que je me donne du mal » (NB 1/1, 413).

 

22. Se laisser inspirer par l’Esprit

Richard de Saint-Victor commence parfois sa prière avec l'intention de régler en priant un certain problème, de le présenter à Dieu Trinité, de se laisser inspirer par l'Esprit, c'est-à-dire de rechercher dans l'obéissance auprès de l'Esprit ce qui pourrait être agréable à Dieu pour qu’il corresponde à sa mission (NB 1/1, 77).

 

23. Le souffle intérieur de l’Esprit – Accompagné par l’Esprit – Marcher vers l’Esprit

Il y a en François Xavier un souffle intérieur de l'Esprit qui lui permet d'accomplir sa tâche dans l'obéissance la plus authentique, la plus large en même temps que la plus stricte. Il est accompagné par l'Esprit de telle sorte que ce qu'il fait est vrai et juste et voulu ainsi par Dieu. Dans toutes ses difficultés, il est si bien accompagné par l'Esprit qu'il peut le regarder pour être dirigé en toute sécurité dans la foi et accomplir sa juste tâche. C'est en agissant dans l'amour que l'amour s'épanouit en lui et, dans cet amour, il s'ouvre à Dieu par le Christ. Comme si l'amour devait se développer en lui pour qu'il puisse continuer à marcher vers l'Esprit et vers Dieu (NB 2,95-96).

 

24. L’important, c’est que l’Esprit inspire

(Réflexions d’Adrienne quand elle dictait au P. Balthasar son commentaire sur l’épître aux Philippiens). Quand je dicte, je vais en un lieu très précis où je me fatigue, où il y a une tension de l’esprit que je ne peux pas fournir moi-même. Elle est fournie, mais en faisant appel à toute ma force spirituelle. Non comme si j’attribuais à celle-ci une valeur très importante, très positive, mais elle est un tout, mon tout. Naturellement, c’est « inspiré », et rien n’est forcé. Dans les dictées, ce qui est important, c’est l’Esprit. L’Esprit requiert en quelque sorte de moi ma collaboration jusqu’au point où je peux aller, mais alors il complète. L’Esprit accepte le peu que l’être humain est en mesure d’offrir, et il va ensuite le compléter. La conduite de l’Esprit peut aussi être telle qu’elle mène à quelque chose de plus grand ; et je ne peux pas distinguer si c’est le sien ou le mien. Sans doute le sien en moi et avec moi (NB 10, n. 2128).  

 

25. Dieu inspire par l’Esprit Saint

Racine. Dieu lui inspire par l'Esprit Saint des choses qui doivent absolument entrer dans son œuvre de sorte qu'après coup il ne reconnaît plus guère comme sien ce qu'il a écrit. Il reconnaît peut-être les rimes ; mais le sens intérieur est plus grand qu'il ne le pensait, il lui est plus étranger. Le sens plus profond peut être si grand qu'il lui donne l'impression d'être l’œuvre de quelqu'un de tout autre. Il n'a pas voulu en dire autant. Il n'avait pas cru tant de choses, la rigueur de Dieu ne peut pas être si inexorable, ni son amour aussi impressionnant, ni ses dispositions aussi claires ! (NB 1/1,185).

 

26. Une parole intérieure venant de l’Esprit

Si on a perçu un jour comme venant de l'Esprit une parole intérieure, on essaiera d'adopter l'attitude qui correspond à l'Esprit. Mon moi devient secondaire, car il ne s'agit pas de moi mais de ce que veut l'Esprit. J'ai compris ce qu'il voulait dire, où il voulait intervenir ; désormais j'orienterai mon esprit de telle sorte que la rencontre avec l'Esprit soit possible (NB 10, n. 2148).

 

27. Il y a des paroles intérieures de l’Esprit Saint, fortes et sûres (NB 9, n. 1484).

 

 

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3. L’Esprit et l’Écriture


 

28. L’Esprit Saint dans l’ancienne Alliance – Être mûr pour l’Esprit

Quand le Père envoie son Fils dans le monde, il remet l’œuvre de l'incarnation à l'Esprit Saint. Et celui-ci commence dans le sein de la Vierge l’œuvre de l'incarnation de Dieu que le Fils accomplira et achèvera sur la croix. L'Esprit sort ainsi de la latence dans laquelle il était resté dans l'ancienne Alliance ; il était dans la loi du Père et dans la voix du Fils, il participait aux deux, mais dans l'ombre. Dans l'ancienne Alliance, les hommes étaient attachés à la Loi comme à une règle qui ne permettait pas de relation immédiate à l'Esprit. Ils n'étaient pas encore mûrs pour l'Esprit ; la maturité ne se manifeste que lorsque l'Esprit dépose la semence de Dieu dans le sein de la Mère (NB 12,181).

 

29. L’Esprit et l’Ancien Testament

Beaucoup de choses de l'Ancien Testament donnent déjà une certaine connaissance de l'Esprit : les paroles des prophètes, ce qui se passe quand l'Esprit est donné et le fait que déjà lors de la création l'Esprit de Dieu planait sur l'abîme (NB 10, n. 2147).

 

30. Les prophètes : comprendre la voix de l’Esprit par la présence de l’Esprit

Dans la voix que les prophètes ont perçue, l'Esprit ne pouvait être saisi que par l'Esprit lui-même. Le prophète devait déjà être rempli de l'Esprit pour comprendre la voix de l'Esprit. Dans l'ancienne Alliance, sa présence se limitait à ceux en qui il était ; c'est en eux qu'il agissait (NB 6,441).

 

31. Le oui à l'Esprit Saint de tous les prophètes de l'ancienne Alliance

C'est par la foi des hommes que la plénitude des temps est conditionnée bien que Dieu, dans sa liberté et dans sa pure grâce, l'ait arrêtée de toute éternité. Mais il ne le fait pas sans tenir compte de tous ceux qui, durant le temps de la promesse, devaient croire et obéir. Justement parce qu'il s'agissait d'une incarnation de Dieu, Dieu voulait inclure dès le début la foi humaine dans l'œuvre de la rédemption du Fils ; par-dessus tout la foi de sa Mère, mais une foi qui incluait clairement aussi dans son oui le oui à l'Esprit Saint de tous les prophètes de l'ancienne Alliance, récapitulé par l'ange qui interroge Marie. C'est justement pour ce oui de Marie que l'Esprit lançait les prophéties et pour ce oui que les prophètes osaient leur mission (NB 1/2, 165).

 

32. Le prophète : se soumettre à l’Esprit

Le prophète qui reconnaît la priorité de la voix de Dieu fait un acte d'obéissance et se soumet à l'Esprit de son plein gré en se portant à sa rencontre (NB 5,62).

 

33. La voix de l’Esprit

Les prophètes et leur relation à la foi et à l’Esprit. Pour nombre d’entre eux, la parole de mission retentit soudainement ; ils l’entendent avec leurs sens humains, comme une voix humaine, et c’est la voix de Dieu, de l’Esprit (NB 5,58).

 

34. L’Esprit et le prophète

La première fois que le prophète entend quelque chose, il entend comme une voix humaine, il n'y a pas de doute possible : il a entendu. Quand il est au milieu des hommes, il perd son assurance. Les hommes n'en veulent rien savoir, il se dit en lui-même : pourquoi vouloir autre chose que les autres ? Pourquoi entrer dans cette solitude effrayante ? Élie pense aux erreurs qu'il a commises durant sa vie. Que de fois il a pensé devoir faire quelque chose et il s'est trompé. La fréquentation des hommes lui a appris à se méfier de lui-même. Pour la voix, il devrait au fond être encore plus méfiant : il n'a fait qu'entendre et il n'a rien vu. Il pourrait se faire quand même que Dieu s'adresse à lui. Et il y a des confirmations, des choses se passent dont il avait entendu parler auparavant. Ou bien l'appel se répète, se fait plus fort, et l'Esprit l'y pousse tellement qu'il doit tenir compte davantage de l'Esprit que des hommes. La voix l'oblige à se mettre totalement au service de l'Esprit si bien que ses hésitations et ses questions se font toujours plus faibles. Le poids du surnaturel s'accroît si bien que tout ce qui est naturel en devient une fonction. Et si Dieu, comme pour un aveugle, lui enlevait réellement son sens naturel, ce serait d'une certaine manière plus facile (NB 5,59).

 

35. L'Esprit Saint et l'évangéliste

Un évangéliste doit écrire "son" évangile et pour cela utiliser de manière critique tout ce qu'il a appris du Seigneur lui-même ou des apôtres ou par la tradition ; mais il doit en même temps ouvrir à l'Esprit Saint toutes ses facultés qui sont restreintes et limitées, car "son évangile" doit devenir "l’Évangile", il doit contenir tout l'enseignement de Dieu fait homme, donc beaucoup plus que ce qu'un homme peut comprendre avec toutes ses connaissances et toutes ses études. Un évangéliste écrit sous l'inspiration. Il a son plan, il suit un fil conducteur, il a sous les yeux une certaine image du Seigneur, il met en ordre tout ce qu'il a appris par lui ou sur lui. Il a une forme et il a les matériaux. Que des deux il en sorte quelque chose de valable, c'est l'Esprit Saint qui l'obtient. L'hagiographe est conduit par l'Esprit. Si, par la suite, il relit ce qu'il a écrit, il reconnaîtra certes son plan, c'est donc bien ce qu'il avait l'intention de faire ; dans son travail d'écriture, il savait sans doute ce qu'il écrivait, mais il est étonné quand même parce qu'il y a dans l'œuvre achevée beaucoup plus que ce qu'il aurait pu faire lui-même (NB 6,454).  

 

36. Le souffle de l’Esprit dans la rédaction des évangiles – Au service de l’Esprit

En relisant son évangile, Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel reçoit un caractère ecclésial, il est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon… Pour le travail de rédaction des évangélistes, l'Esprit Saint s'est servi de leurs idées et de leurs mots pour en façonner une image de Dieu dans ce qu'ils écrivaient. Ils ont conscience qu'avec ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont pas, ils sont intégrés dans une certaine réalisation de Dieu ici-bas. Le souffle de l'Esprit en eux a eu suffisamment de force créatrice pour être présenté d'une manière valable. Dans ce but, l'Esprit a réalisé une unité inséparable entre lui et leur esprit humain. Et cette unité s'est faite là où déjà il y avait la foi, la vie surnaturelle qu'ils avaient reçue du Seigneur. L'inspiration des évangélistes n'est qu'une manière d’agir pour l'Esprit, son souffle traverse l'ensemble de l'histoire de la révélation. Au fond les évangélistes ne deviennent conscients de la force de l'Esprit qui les a dirigés qu'à la vue de l'œuvre achevée (NB 6,457-459).

 

37. L’Esprit inspirateur des évangiles

Dans les différents évangiles, les événements sont éclairés de manière très différente ; les déplacements de point de vue empêchent que le tout puisse être ramené à un seul dénominateur. Ces déplacements ne doivent pas être imputés en fin de compte aux caractères différents des auteurs humains, mais aux intentions de l'Esprit Saint (NB 6,548).

 

38. L'Esprit Saint n’inspire rien aux évangélistes sur la descente du Fils aux enfers

Ce qui est curieux, c'est que l'Esprit Saint n'inspire aux évangélistes au sujet de la descente aux enfers rien de plus que le fait qu'elle ait eu lieu. Comme si l'Esprit s'en tenait strictement au fait qu'il a été rendu au Père par le Fils sur la croix ; comme s'il ne disait rien, conformément à sa mission, comme s'il ne voyait rien et n'entendait rien, comme si le Seigneur aussi se taisait quand les évangélistes mettaient leurs évangiles par écrit. C'est un silence dans le silence du Père. Silence du Fils, silence de l'Esprit, il n'y a aucun mot à ce sujet ; le Fils, qui dès le début était la Parole, est maintenant une Parole silencieuse et discrète (NB 3,287).

 

39. L’Esprit et l’Écriture de la nouvelle Alliance

L’Écriture de la nouvelle Alliance est là pour montrer que l'Esprit est toujours vivant et que le Fils vit toujours en lui. Elle est un signe que le Fils continue à agir sur terre (NB 1/2, 242).

 

40. L’Esprit Saint du Nouveau Testament

Jean Baptiste vient avec la force d’Élie : en unissant la force prophétique de l'Ancien Testament à l'Esprit Saint du Nouveau Testament, il est le point d'union des deux Testaments (NB 1/2, 33).  

 

41. L’Esprit et l’Écriture - L'Esprit souffle de toute sa force - Méditer sous le souffle de l’Esprit - L’Esprit souffle où il veut - Se laisser conduire par lui

Quand je réfléchis au fait que, dans telle scène de l'évangile, l'Esprit Saint est présent, lui qui accompagne toujours le Fils, et que le Fils de l'homme qui parle et agit est Dieu, qu'il fait la volonté du Père, que la Trinité vivante a donc coopéré à réaliser ce tableau - ce tableau d'autrefois qui nous est apporté et présenté aujourd'hui par le souffle et l’inspiration de l'Esprit -, je prends soudain conscience que ce tableau a des dimensions inconnues et que chacun de ses aspects doit être médité sous le souffle de l’Esprit. Les vides qui restent béants dans la parole figée de l’Écriture, plus encore les vides ouverts par ma compréhension limitée, sont franchis par l'Esprit qui était toujours inséparable de la parole du Fils et de toutes les circonstances de sa vie ; l'Esprit souffle aussi de toute sa force dans ma foi, dans ma mission, dans ses exigences à mon égard. Soufflant où il veut, l'Esprit se saisit aussi bien de la parole de l’Écriture que de ce qu'il y a de plus personnel dans le Seigneur, aussi bien de l'âme du croyant que de la vie de l’Église. Tout ce qui a une réalité, même si ce n'est que du futur, est inclus dans ce souffle, et ainsi celui qui médite comprend tout d'un coup que tout acte de prière et tout objet de méditation dans l'Esprit peut faire l'expérience d'une dilatation infinie dans des dimensions que seul connaît l'Esprit et dans lesquelles on doit se laisser conduire par lui (NB 11,28).  

 

42. L'Esprit Saint a inspiré l’Écriture et il inspire constamment

L’Écriture est aujourd'hui aussi vivante qu'autrefois lorsqu'elle fut composée. Elle n'est pas du passé. L'Esprit l’a inspirée, en ce sens elle est terminée, et il inspire constamment, en ce sens elle n'est pas terminée, mais elle est éternellement et continuellement en train de s'accomplir (NB 1/2, 241).

 

43. L’Esprit a déposé dans les mots de l’Écriture une plénitude de sens

Luis de Leon, moine augustin. Tout d'un coup, avec la rapidité d'une inspiration, il s'aperçoit que les mots de la prière liturgique ont une plénitude de sens, et une plénitude qu'ils avaient déjà dans l’Écriture et qui dépassait l'intelligence de ceux qui les mettaient par écrit, une plénitude de sens qui y fut déposée par l'Esprit lui-même et qui n'est pas d'origine humaine. Les mots signifient toujours plus qu'on ne le pense ; ils signifient même tellement que toute la foi est contenue en chaque mot : la foi de l’Église, la foi des autres chrétiens mais tout autant sa propre foi. A partir de là il se familiarise avec chaque mot et par le mot il trouve la grâce : il est pris dans la plénitude du mot pour en faire l'expérience, pour en vivre, pour être capable aussi désormais, avec l'attitude de celui qui est porté par la plénitude de la Parole, de confirmer les autres dans leur foi (NB 1/1,141).

 

44. Les chemins de l’Esprit pour interpréter la Révélation

Les chemins de l'Esprit Saint pour interpréter la Révélation demeurent toujours ouverts, sont sans cesse actualisés de manière neuve, c'est la raison pour laquelle on ne peut pas les systématiser (HUvB dans NB 5,10).

 

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4. L’Esprit

 

45. Le mystère de l’Esprit

Aplanir les chemins pour le souffle de l'Esprit, pour un accueil toujours plus grand du mystère de Dieu… L'Esprit Saint dilate, fortifie les aptitudes, ouvre de nouvelles façons de voir… Le mystère de Dieu, c'est avant tout le mystère de l'Esprit, mais parce que l'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils, le mystère est aussi celui de l'amour (NB 2,80).

 

46. Que peut-on dire de l'Esprit ?

Pour prier l'Esprit Saint, on doit toujours le faire avec une certaine disponibilité. La grâce du Fils peut saisir quelqu'un d'une manière inattendue, comme Paul à Damas. La grâce de l'Esprit Saint par contre reste une réponse. C'est dans le sens de l'Esprit Saint et en son nom que le Seigneur dit : Priez et vous recevrez, etc. Quand la foi est donnée soudainement à un non croyant, c'est davantage l'œuvre de Dieu Trinité au nom du Fils incarné. L'Esprit par contre - en ce qui le distingue du Père et du Fils - est toujours celui qui comble, celui qui éclaire quelque chose qui est déjà commencé. Parler du Fils ne nous est pas difficile parce que nous l'avons vu en tant qu'incarné et que nous connaissons ses paroles et son amour. Mais que peut-on dire de l'Esprit ? Nous pouvons tenter une comparaison : nous, les hommes, nous sommes corps, âme et esprit, et nous voyons en quelque sorte notre esprit comme issu de notre existence corps et âme. Et il s'avère que l'Esprit Saint aussi est quelqu'un qui ne cesse de procéder, il provient d'une source qui est Dieu. Sans un corps animé par une âme, nous n'aurions pas un esprit dans le monde ; l'Esprit divin non plus n'existerait pas sans sa source , même s'il n'y a entre les deux relations qu'une vague ressemblance. Il y a comme un jeu entre notre corps doté d'une âme et notre esprit. Peut-être que le Père aussi joue un peu avec le Fils et l'Esprit Saint. Avec le Fils, en le prenant si bien au sérieux que, sur la croix, il se dérobe à sa vue. Et avec l'Esprit (qui est liberté) aussi, de telle manière qu'il le fait sortir sans cesse de lui, comme s'il le tenait par là dans une dépendance. Le jeu consiste justement dans le fait que cette dépendance est pour l'Esprit parfaite liberté (NB 6,428-429). 

 

47. Ce qui est le plus caché et le plus évident

Pour penser l'Esprit, nous avons comme point de départ notre propre esprit créé, qui est ce qui est le plus mystérieux, le plus inconcevable que nous connaissions dans le monde. Nous savons que son origine doit se trouver en Dieu parce qu'il dépasse toutes les choses créées et qu'il est orienté vers Dieu. Il est en même temps ce qui est le plus caché et ce qui est le plus évident, ce qui se connaît lui-même et qui pourtant aussi ne se connaît pas, ce qui reflète ce qu'il y a de plus personnel dans le prochain et à quoi nous le reconnaissons, et ce qui cependant nous en demeure toujours encore voilé. Si nous pensons à l'Esprit de Jésus, qui rayonne de lui, son Esprit sur lequel on ne peut se méprendre et qui est pourtant incompréhensible, nous commençons alors à regarder en direction de l'Esprit Saint et, parce que l'Esprit du Fils nous met toujours sur le chemin du Père, nous pressentons que l'Esprit des deux ne fait qu'un (NB 6,79).

 

48. Nous ne pouvons pas imaginer l’Esprit Saint

Il n’est pas facile de décrire l’état d’âme des apôtres entre Ascension et Pentecôte. Et cependant en même temps ce n’est pas difficile parce que c’est aussi l’état d’âme des chrétiens d’aujourd’hui : quelque chose entre le regret et l’espérance, entre l’angoisse et l’amour, entre l’occultation et l’évidence. Ce qui est attendu arrivera, mais cela aura un autre poids que l’attente. Nous n’arrivons pas à vivre totalement dans le jour présent, à ne porter que le souci d’aujourd’hui et à nous interdire tout coup d’œil sur l’avenir. Le Seigneur va aller au ciel, il va quitter ses disciples, il va envoyer l’Esprit promis : tout cela semble si étrange. Lui qui a comblé tant de nos désirs, qui nous a accordé sa proximité comme le plus grand des cadeaux, va nous quitter. Et comme il connaît nos lacunes et notre peu de courage, il va nous envoyer l’Esprit Saint que nous ne pouvons pas imaginer. Il l’a en quelque sorte rendu au Père comme son propre Esprit et maintenant il va demander qu’il lui soit rendu afin qu’il nous transforme d’une manière qui ne sera pas la manière du Fils : il ne va pas prendre chair pour engager avec nous des entretiens. Le fait de ne pouvoir se représenter l’Esprit Saint qui va venir ajoute à l’accablement des apôtres : ils ont participé à la Passion, ils ont vécu le retour du Seigneur qui fut si difficile à accepter pour Thomas. Et voilà que maintenant un nouveau départ est en vue avant même qu’ils soient seulement venus à peu près à bout de ce qui est arrivé : la croix et la résurrection. Est-on un converti ? Un disciple du Seigneur ? Mais comment cela s’il nous laisse tomber ? Et il dit pourtant qu’il va au Père pour tout accomplir ; nous devrions donc être enchantés de son départ, nous devrions voir dans la nouvelle séparation une nouvelle grâce. Mais nous ne sommes pas habitués à renoncer à nos propres réflexions pour accepter simplement ce que le Seigneur dit et demande (NB 10, n. 2184).  

 

49. La démesure de l’Esprit

Les dons sont sept et ils sont évidents pour que nous ne désespérions pas de la démesure de l'Esprit (NB 2,93).

 

50. Les mesures et les proportions de l'Esprit

« Prends, Seigneur, ma mémoire, mon intelligence, toute ma volonté ». Mémoire : donc tout ce qui était avant la venue de l'Esprit et aussi dès l'instant où il fut là. C'est maintenant une mémoire dans l'Esprit ; si je me souviens de ceci et de cela dans l'Esprit, ce souvenir sera un service de l'Esprit, il se répercutera dans mon service de l'Esprit. Ce dont le chrétien se souvient n'a plus de sens pour lui que dans l'Esprit. Intelligence : en tant qu’intelligence naturelle, elle doit être reprise par l'Esprit pour être sensée devant Dieu, et d'autant plus si elle est perspicacité en tant que fonction de ma mission. Dans la foi, il n'est pas possible de s'en tenir à un entendement naturel inchangé, il doit être restitué pour être géré selon les mesures et les proportions de l'Esprit, dans sa grâce. Volonté : c’est une demande à l'Esprit d'assumer ma volonté, cela veut dire y renoncer déjà fondamentalement. Car cette réception de la volonté qui est en moi est déjà en moi une demande de l'Esprit. D'un point de vue humain, c'est une demande pleine de gratitude et de perspicacité que l'Esprit soit l'unique "lieu" où peut au fond être ma volonté. Naturellement, cela ne veut pas dire qu'est enlevée à l'homme sa force de volonté pour qu'elle passe dans l'Esprit ou qu'elle soit remplacée par l'Esprit (sinon l'homme ne serait plus un homme), mais ma volonté est de faire la volonté de Dieu, qu'elle soit façonnée par l'Esprit Saint de telle manière que sa volonté se fasse dans ma volonté. L'Esprit n'est pas en mesure de purifier la volonté de l'homme à l'extérieur de l'homme. Et à l'intérieur de l'homme, cette purification est douloureuse et elle doit l'être : je dois aussi vouloir que l'Esprit accomplisse en moi ce que je "ne veux pas" (NB 11, 38).  

 

51. Les mesures infinies de l’Esprit

L'homme naturel a des mesures précises, sa taille, etc. Mais quand Dieu nous livre quelque chose de son Esprit, notre système de mesure se brouille. On n'a pas de mesure précise pour la relation qui existe entre les mesures infinies de l'Esprit et notre mesure terrestre finie. Avec quels mots doit-on l'exprimer ? S'il faut quand même dire quelque chose, est-ce que le silence ne serait pas plus important et plus efficace ? De toute rencontre avec l'Esprit il reste surtout une disponibilité et une perméabilité plus grandes, et c'est ainsi qu'elle ne semble pas perdue (NB 5,229-230).

 

52. L’ampleur de l’Esprit Saint

Une religieuse du XVIIIe siècle. Elle prie, c'est vrai. Mais elle est d'un esprit assez étroit, en un certain sens très ergoteur. Elle ne peut pas se laisser dilater par l'ampleur de l'Esprit Saint. Elle cultive en elle une sorte de crainte qui lui rend impossible le parfait don d'elle-même. Elle répète une prière vocale, mais son esprit ne suit pas réellement parce qu'elle redoute de comprendre la plénitude des paroles (NB 1/1,195).

 

53. La liberté de l’Esprit Saint

Celui qui exerce un ministère dans l’Église doit être prêt, de soi, à tout ministère, à toute mission dans l’Église. Il n'a pas le droit de faire des réserves parce que la répartition des ministères ne dépend pas finalement de la mesure des qualités et des aptitudes propres, mais de la liberté de l'Esprit Saint et de l'obéissance à son endroit (NB 3,94).

 

54. L'Esprit est comme l'humilité de Dieu

Celui qui a reçu l’Esprit commence par l’adorer. Avant que l’Esprit ait commencé à agir en nous, il nous est étranger et nous ne le cherchons pas, ni en nous ni en dehors de nous. Mais parce que l’Esprit est l’amour, sa caractéristique est de transformer notre adoration de l’Esprit en adoration du Père et du Fils. Un signe en est qu’il ne reçoit jamais un symbole digne de lui : il apparaît comme flamme, langue, vent, colombe, dans des paraboles qui, en disparaissant, montrent peu de choses en comparaison de sa nature. Tout autre chose que lorsque le Fils paraît. Le Fils est l’enfant du Père et sa visibilité. L’Esprit est, dans sa manière d’apparaître, comme l’humilité de Dieu : il nous mène, au-delà de lui-même, au Père et au Fils (NB 9, n. 1566).  

 

55. L’humilité de l'Esprit lors de l’incarnation

De même que le Fils sur la croix renonce à savoir qu'il est Dieu - il ne souffre que comme un homme -, il y a de même chez le porteur de la semence du Père, l'Esprit Saint, un renoncement correspondant quand, sur mission du Père, il ne veut plus se sentir que comme porteur de la semence et qu'il s'abaisse au rôle de féconder la Mère, non seulement jusqu'à devenir homme comme le Fils dans son incarnation et son humanité, mais jusqu'à n'être que le spermatozoïde d'un homme. Et ceci bien que l'Esprit soit Dieu et qu'il porte Dieu sur mission de Dieu. Il abandonne donc totalement sa divinité pour remplir sa mission divine afin que la glorification du Père par le Fils soit parfaite et qu'ainsi la Mère également participe à la rédemption du monde par le Fils. Il est comme réduit à n'être qu'une fonction, ce qui inclut qu'il renonce à son être propre jusqu'à l'ignorer. L'Esprit d'amour n'est plus que le porteur de l'amour, il en est tellement le pur porteur qu'il n'est comme pas touché par ce qu'il porte, il l'insère dans la Mère comme un tout venant de Dieu le Père. Comme si rien n'en adhérait à lui, comme s'il ne pouvait rien détourner de cet amour pour le faire entrer dans son être propre. Et comme s'il ne voulait rien non plus y ajouter de propre, pour le laisser tel que le veut celui qui a donné l'ordre, le Père (NB 5,281-282).  

 

56. L’humilité de l’Esprit

Il y a le mystère divin de l'humilité du Fils, mais au-delà se trouve encore l'humilité de l'Esprit Saint qu'on ne peut pas mettre en concepts. L'Esprit se laisse envoyer sans apparaître visiblement (NB 11,37).

 

57. L'abaissement de l'Esprit : il se laisse envoyer par le Fils devenu homme

L'Esprit souffle où il veut. Et il veut aller là où le Père et le Fils conjointement l'envoient. Et c'est directement, en spirant l'Esprit, qu'ils l'envoient. C'est en procédant du Père et du Fils que l'Esprit est envoyé. C'est en étant envoyé qu'il procède. Mais comme le Fils s'est abaissé et s'est en quelque sorte "diminué" pour devenir homme et pour accomplir la volonté du Père en tant qu'homme tout en étant Dieu, il y a pour l'Esprit un abaissement correspondant par lequel il cherche dans le Fils devenu homme la volonté du Père. Son abaissement réside dans le fait qu'il se laisse envoyer par le Fils devenu homme. Il ne croit pas devoir rester attaché à être envoyé par la divinité du Père et du Fils mais, par une sorte de renoncement, il se laisse en même temps envoyer par Dieu dans sa forme humaine. Quand il est ainsi envoyé, il exerce aussi son activité dans l'humiliation et le renoncement. Il souffle où il veut, mais maintenant cela dépend en partie des besoins du Fils. C'est une action intérieurement humble, effacée, toute au service du Fils (NB 6,405). 

 

58. Liberté de l’Esprit : il veut ce que veulent le Père et le Fils

« Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté ». Ma liberté, je la vois très liée à moi, je ne peux pas m'imaginer moi-même sans elle. Je la vois même dans les plus petites choses qui n'ont plus guère de rapport avec ma personne. Je pense par exemple à la liberté que j'ai de m'occuper à choisir telle ou telle robe, de me demander si je dois m'accorder cette distraction, etc. Mais si je rends à l'Esprit ma liberté, je ne dispose plus à mon gré de ces choses minimes ; elles sont réglées selon les lois de mon service. Mais je perds aussi ma "grande" liberté, par exemple celle de défendre telle ou telle idée, telle ou telle conception du monde. L'Esprit de Pentecôte reçoit ma liberté de régler mes idées. Il souffle où il veut, et sa volonté est l'expression de ce que veulent le Père et le Fils. Non pas qu'il convoiterait d'avoir la liberté du Père et du Fils, mais il ne veut pas avoir d'autre liberté que d'être là pour la liberté du Père et du Fils. Et c'est en cela que réside sa béatitude. Cette forme de la liberté de l'Esprit est comme quelque chose à quoi nous devrions tendre. En quelque sorte comme si l'Esprit avait assumé entre le Père et le Fils l'attitude idéale du monde et de l'humanité sauvés, comme s'il se l'était appropriée pour représenter maintenant l'humanité devant Dieu. Quand l'intelligence de l'homme est une intelligence dans la foi, elle est représentée par l'Esprit devant Dieu (NB 11,38). 

 

59. L’Esprit Saint, mémoire de Dieu

Ce qui est important, c’est qu’en toute expérience surnaturelle (mystique) l’Esprit Saint est là comme témoin. Cette fonction correspond à sa situation dans la Trinité. Cela veut dire plus qu’une présence de l’Esprit, qui va de soi, quand se produit quelque chose de spirituel : cela indique son attitude particulière de témoignage vis-à-vis du Père et du Fils. Par l’Esprit, il y a au ciel une image absolument fidèle de ce qui se déroule « ici-bas » (ou bien partout où peut se produire une expérience mystique). Cette image de l’événement qui est présent dans l’Esprit n’est pas mise de côté quelque part où elle n’a pas de signification, ni non plus là où elle n’est plus vivante que dans ses effets ultérieurs ; aux yeux de Dieu, l’image conserve sa présence pour qu’elle soit utilisée plus tard avec toute la fraîcheur de ce qu’elle a d’unique. Elle peut être reproduite ici-bas des siècles plus tard sans qu’il soit besoin d’en rassembler un à un tous les éléments. C’est ainsi que l’Esprit Saint montre à l’apôtre Jean des images qui étaient en partie identiques ou semblables à celles qu’avaient vues les prophètes qui l’avaient précédé dans l’ancienne Alliance (NB 5,176-177). 

 

 

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5. Les dons de l’Esprit

 

60. La grâce, c’est l’Esprit Saint

Pierre est honnête ; il a compris exactement sa défaillance. Il est terriblement prévenu. C'est pour cela qu'il est si ouvert à la grâce, et la grâce, c'est l'Esprit Saint (NB 1/2, 50-51).

 

61. Recevoir beaucoup de grâces par l'Esprit

La prière de saint Barnabé est tout à la fois bien réfléchie et pleine de pensées. Il voudrait plaider parfaitement la cause du Seigneur, mais il se sent loin de lui et il lui demande de mieux l'introduire auprès de lui, de lui donner la grâce de correspondre pleinement. Il prie beaucoup aussi Dieu le Père, et il voudrait recevoir beaucoup de grâces par l'Esprit Saint pour pouvoir les partager (NB 1/1, 36).

 

62. Dieu offre son Esprit Saint

Au chrétien, Dieu offre la plénitude de l’Écriture, la vie de son Fils, son Esprit Saint (NB 10, n. 2210).

 

63. Dieu offre aux hommes son Esprit Saint sous la forme d’une règle

Dans la règle d’un ordre religieux vit l'Esprit Saint qui est en même temps l'Esprit de Dieu et l'Esprit de l’Église. Dieu offre aux hommes son Esprit Saint sous la forme d'une règle, et quand les hommes l'adoptent et la suivent, ils répondent à Dieu et ils lui rendent son Esprit Saint. La règle devient une voie sur laquelle ont lieu les relations entre Dieu et les hommes, et finalement ces relations participent à l'échange entre le Père et le Fils dans l'Esprit Saint qui vient du Père et va vers le Père. Ou plus exactement : la règle incarne pour l'homme quelque chose de l'Esprit du Fils et, quand elle s'ouvre à l'Esprit (dans les membres concrets de l'Ordre), elle est couverte par lui de son ombre si bien qu'elle devient féconde (NB 11,295).

 

64. Attendre l’Esprit et le recevoir

A la première Pentecôte, ceux qui se sont rassemblés pour attendre l'Esprit et le recevoir l'ont fait instruits par l'Esprit. Et après coup, ils peuvent rendre grâce par l'Esprit Saint d'avoir été réunis de manière si merveilleuse (NB 10, n. 2197).

 

65. Recevoir l’Esprit Saint avant le baptême ou par le baptême

Dieu est libre de se communiquer de manière mystique à un humain avant qu’il ait reçu le baptême. C’est ainsi que Paul entend la voix et voit la lumière, il n’est baptisé qu’après ; dans les Actes des apôtres, d’autres reçoivent l’Esprit Saint comme le signe qu’ils doivent être baptisés. La mystique appelle le baptême. Normalement personne ne peut rester mystique à la longue sans désirer le baptême, sans savoir qu’il doit le recevoir. Le contact avec le Seigneur en tant que source première de la grâce s’effectue dans le baptême (NB 5,139).  

 

66. Recevoir à nouveau l’Esprit

D’une prière de saint Irénée : « Je sens que je dois maintenant recevoir à nouveau ton Esprit » (NB 1/1, 385).

 

67. Personne ne possède l'Esprit de la même manière

(1942. Du journal du P. Balthasar). Dimanche après-midi. La conversation (avec Adrienne) tourne autour de l’Esprit Saint. Elle pense : “Le rapport avec l’Esprit Saint est différent de celui qu’on a avec les deux autres personnes : on peut appartenir totalement au Père, on peut posséder totalement le Christ, lui appartenir totalement. Mais pour cela même, pendant longtemps encore on ne doit pas posséder l’Esprit Saint. L’Esprit est en quelque sorte l’ultime, l’accomplissement. Il est également essentiellement différent en tout. Par exemple, saint Ignace et saint François ne le possèdent pas du tout de la même façon. Les leaders et les champions le possèdent d’une manière particulière. Un cantonnier par exemple n’en a guère besoin comme un prêtre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas être un très brave homme qui ira tout de suite au ciel. L’Esprit Saint est étroitement lié au ministère et à la mission de chacun et, suivant la fonction des uns et des autres, chacun possède l’Esprit d’une manière ou d’une autre (NB 8, n. 454).

 

68. Percevoir l’Esprit - Être conduit par l'Esprit - Désirer l’Esprit - Chercher à connaître l’Esprit - La force de l’Esprit

Par le baptême, l'homme devient capable de percevoir l'Esprit. Mais pour que l’homme soit aussi conduit par l'Esprit, deux choses sont nécessaires : la première est qu'il désire ardemment l'Esprit, qu'il le veuille réellement, la deuxième, qu'il cherche à le connaître. Dès le baptême, les germes de ces deux efforts sont déjà semés. Plus tard, en toute rencontre de l'Esprit, un nouveau germe sera implanté ; l'homme est comme un champ qui a besoin de beaucoup de graines pour que les semences poussent. Les germes s'entraident secrètement. Le Fils crée différents accès tandis que l'Esprit se donne comme un tout. Mais pour arriver à ce tout, il y a encore une fois différents modes d'action de l'Esprit destinés à nous y introduire. A l'école, je peux avoir entendu dire quelque chose sur la vérité chrétienne, plus tard un prêtre me dit ceci, un autre cela. Et quand on a été suffisamment stimulé, l'étincelle peut jaillir. Pour pouvoir lever, un germe attend le suivant et aussi celui qui vient après. Il y a dans notre esprit humain une certaine ressemblance avec l'Esprit divin ; c'est pourquoi, avant d'intervenir, l'Esprit Saint s'assure pour ainsi dire que nous ne le confondions pas avec notre propre esprit. Sinon nous risquerions de penser, à toute idée qui nous vient, que nous avons compris et, avec notre pouvoir d'imagination, nous construirions un tout fictif qui ne tiendrait pas. Nous ne devons pas disposer nous-mêmes des germes de l'Esprit Saint ; ils doivent certes lever mais, pour le moment, ils ne nous sont confiés que pour les garder. Il revient à l'Esprit de les faire se développer. Il s'en réserve le soin comme aussi lui appartiennent les réserves qu'il dépose en nous. Et quand quelque chose lève réellement, nous reconnaissons alors la force de l'Esprit et nous sommes plus disposés à nous laisser conduire par lui. On a souvent besoin de faire l'expérience de sa propre impuissance ; nous connaissons certes les différentes vérités, mais nous ne sommes pas en mesure d'en tirer profit. Elles sont les points de garantie de l'Esprit en nous, ses points d'ancrage. Au début, c'est déjà quelque chose que nous reconnaissions qu'ils lui appartiennent (NB 6,434-435).  

 

69. Nous avons certes part à l'Esprit Saint

Trinité 1941. Adrienne comprend que ce que nous saisissons de la Trinité de Dieu et de tout ce qui est caché en Dieu, ne ressemble qu'à une petite poussière, comparé à ce qu'on ne comprend pas. Nous avons certes part à l'Esprit Saint. Et Jésus peut nous apparaître. Mais si magnifique que ce soit, ce n'est finalement pas commensurable avec ce que Dieu est en lui-même. Mais tout cela n'est pas inquiétant ni triste comme on pourrait le penser. Seulement sérieux. Et plus on perçoit quelque chose de la grandeur de Dieu, plus on voit aussi qu'on est soi-même néant. Il y a une comparaison incessante (NB 8, n. 94).  

 

70. La descente de l’Esprit au baptême

Une vision mystique de l’événement du baptême n’est jamais aussi concrète qu’une vision concernant l’eucharistie ou la confession. L’éclair de l’origine demeure inaccessible et, en tout baptême, l’événement par lequel on est plongé dans la nouvelle naissance où l’on naît de Dieu demeure le mystère le plus profond entre Dieu et l’âme. Lors d’un baptême, un mystique pourrait sans doute voir certaines images de ce que veut dire être baptisé, par exemple la descente de l’Esprit et sa réception dans l’âme de l’enfant ; mais les images restent à la périphérie ; ce qui est premier, et qui provient du mystère qui se passe entre le Fils et le Père, est donné par le Seigneur dans le mystère (NB 5,141). 

 

71. L’Esprit vient à nous

Dans l'Esprit, qui était là depuis toujours, la réponse que nous lui donnons est toujours aussi déjà supposée et cela de telle sorte que l'esprit humain puisse être adéquatement ouvert à l'Esprit Saint. Cette adéquation à l'Esprit n'est pas établie de nous à l'Esprit mais de l'Esprit à nous. Car quand le Père et le Fils font procéder l'Esprit et que le Fils l'envoie, quand donc l'Esprit divin, qui était aussi l'Esprit créateur lors de la création du monde, vient à nous, ce n'est pas une image, un symbole de Dieu qui vient dans notre esprit mais l'Esprit de Dieu lui-même (NB 10, n. 2147).

 

72. Une vraie rencontre de l’Esprit

Là où il y a une vraie rencontre de l’Esprit, il y a une conversion, il y a une orientation vers Dieu Trinité, qui est portée et produite par l’Esprit. Celui qui prie posséderait alors la possibilité d’expérimenter d’innombrables choses dont il n’avait jusque là aucune idée, la possibilité aussi de faire beaucoup de choses et de rayonner ce qu’il vient de recevoir de l’Esprit ; ce serait un nouvel amour, une nouvelle vie (NB 10, n. 2285).

 

73. Être élevé dans l’Esprit Saint

Quand l’Esprit Saint se présente et se montre sous une forme ou sous une autre, il y a dans la rencontre avec lui le fait qu’on est élevé en lui (NB 10, n. 2285).

 

74. La venue de l’Esprit

La manière dont l'Esprit veut venir, que ce soit pour ma gloire ou pour ma honte, pour m'élever ou pour m'humilier, ce n'est plus un souci pour moi. Tout fait partie de la joie de sa venue parce que tout fait partie de sa venue. Et sa venue ne fait qu'un avec la venue du Père et du Fils, et sa joie est comme un aperçu de la joie de Dieu. Elle est comme une explication de la joie avec laquelle Dieu a créé le monde : pour sa joie, qui est amour ; la joie avec laquelle il a créé aussi le corps afin que, par lui également, nous puissions recevoir l'Esprit. Et je ne sais pas si cette venue a lieu maintenant ou si elle a eu lieu, car c'est comme un aujourd'hui éternel (NB 10, n. 2316).

 

75. L’Esprit est toujours en train de venir

Celui qui prie sait que l’Esprit est toujours en train de venir, et que cette venue signifie un mouvement de Dieu qui doit être continué dans l’Église et dans le monde (NB 10, n. 2285).

 

76. L’Esprit ne cesse de visiter le monde - Le monde appartient à l’Esprit

Le tissu du monde est si fortement attaché par ses deux extrémités à l’Esprit dans le ciel qu’on comprend aussi que le monde appartient à l’Esprit et que l’Esprit ne cesse de visiter son monde. Le monde n’est pas quelque chose qui est largué par le ciel comme quelque chose de complet, il est quelque chose qui doit se compléter pour le ciel. Et c’est l’Esprit qui fait que la tendance du monde à la convexité soit transformée par la grâce en concavité pour Dieu. Ainsi le monde demeure maintenant constamment dans l’acte, provenant du Père, d’être conçu et vivifié par l’Esprit et le Fils, parce que l’Esprit et le Fils ont attaché indissolublement le monde au ciel du Père. L’Esprit de la Pentecôte tombe toujours sur un monde tourné vers Dieu. Parce que le monde est ainsi orienté, nous nous trouvons toujours avec l’exigence de recevoir. Notre relation à Dieu n’est plus celle de l’ancienne Alliance où l’on était encore capable d’arrêter, de mettre un point final ; dans la nouvelle Alliance, aucune mission n’est jamais finie (elle peut tout au plus mal tourner au cas où l’homme s’y refuse). Le fait que le monde ait été orienté vers Dieu par le Christ et par l’Esprit fait espérer et recevoir toujours du nouveau à ceux qui croient de manière vivante (NB 10, n. 2116).

 

77. L’Esprit vit dans les hommes et leur fait connaître ce qui est divin - L'angoisse de l'Esprit - L’Esprit est invisible dans les hommes : il sera méconnu

En Dieu tout est possible, et Dieu le Père permet au Fils et à l'Esprit de visiter les hommes sur terre, le Fils en s'incarnant, l'Esprit en vivant dans les hommes, en habitant en eux et en leur faisant connaître ce qui est divin, mais ils le mépriseront et le repousseront. L'angoisse de l'Esprit sera qu'en chaque croyant il aura part à l'angoisse de la croix du Fils, à son angoisse chaque fois qu'il rencontrera le péché. Mais l'Esprit connaîtra aussi sa propre angoisse. Pour la raison qu'il est invisible dans les hommes, il sera méconnu et tourné en dérision. Il saura qu'il s'agit d'un ultime combat en chaque créature de Dieu ; il ne lui est pas possible de retourner seul au Père, mais seulement s'il réussit à faire de l'homme rebelle un homme de bonne volonté. De même que le Fils connaît une unique grande angoisse qui résulte de la somme de tous les péchés et qu'il les traduira alors seulement dans la mesure divine, ainsi l'Esprit connaît un nombre infini d'angoisses particulières. De même que dans l'eucharistie le Fils se fractionne et se prodigue, de même l'angoisse de l'Esprit se fractionne et se prodigue dans les innombrables petites angoisses des hommes, qu'il porte avec eux, qui doivent être portées comme individuelles. Et si on compare l'angoisse du Fils et celle de l'Esprit, on ne peut pas dire que l'une est plus grande que l'autre ; chacun a connu sa propre angoisse dans toute l'ampleur que le Père lui a offerte (NB 1/2, 221-222).  

 

78. L’Esprit vit en chaque croyant - Il a tant d'Esprit Saint qu'il n'a pas besoin de le garder pour lui – Les personnes en qui l’Esprit vit réellement

(Adrienne a 19-20 ans; elle est allée à l'église du Saint-Esprit avec son petit frère Willy et elle lui explique) :  Cette église s'appelle l'église du Saint-Esprit, donc le Saint-Esprit doit y vivre. Tu peux donc imaginer qu'il vit dans l'église, qu'il vit dans la foi, mais aussi qu'il vit en chaque croyant. Et de là tu arrives aux saints, à ceux qui sont tout à fait vraiment saints. Je veux dire ceci : il y a cinquante personnes dans cette église et, parmi elles, il y a celles qui prient vraiment, en qui l'Esprit Saint vit réellement. Il y en a beaucoup d'autres pour qui l'Esprit Saint est un souvenir. Et alors l'Esprit Saint doit être encore très, très, très fort en quelqu'un pour que les autres soient touchés. C'est celui-là qu'on appelle un saint parce qu'il a tant d'Esprit Saint qu'il n'a pas besoin de le garder pour lui (NB 7,65). 

 

79. Que l’Esprit Saint habite en moi - L'Esprit Saint est plus important que la santé

(Réflexion d’Adrienne à 19-20 ans dans l'église du Saint-Esprit). Dans l'église du Saint-Esprit, j'ai dit dans ma prière que je voudrais devenir une sainte. Seulement pour pouvoir donner. Je voudrais aussi devenir médecin pour donner, mais il y a des choses beaucoup plus importantes que la santé. Je pense que l'Esprit Saint est plus important que la santé. Si l'Esprit Saint habite en toi, alors, s'il te plaît, prie pour moi, pour qu'il habite aussi en moi. Car je suis très pauvre (NB 7,66).  

 

80. En tout véritable croyant l'Esprit Saint joue un rôle primordial

Quand le Fils meurt, il remet au Père son Esprit. En tout véritable croyant l'Esprit Saint joue un rôle primordial. Mais il est impossible de préciser ici la limite entre raison naturelle et compréhension grâce à l'Esprit. Quand quelqu'un souffre terriblement, toute compréhension cesse. Dans une opération sans anesthésie par exemple, il ne sert à rien d'assurer au malade que cette souffrance extrême lui sera utile. La souffrance l'emporte sur toute explication. Pour que le calice du Seigneur soit vidé jusqu'au bout, il doit rendre l'Esprit. Sinon l'Esprit serait toujours capable encore de suggérer un sens à la souffrance (NB 3,219-220).  

 

81. Un passage de l’Esprit dans sa vie

Un pénitent parmi beaucoup d’autres est touché, il comprend, il veut se confesser honnêtement, recevoir une absolution qu’il peut regarder comme un passage de l’Esprit dans sa vie, comme une réponse que Dieu lui fait. Ou bien on a le sentiment qu’on devrait justement prier encore davantage pour ceux qui ont été touchés parce que souvent ils se referment si vite à nouveau. Très vite, ils ne veulent plus l’admettre, ils ne veulent plus se souvenir, ils rejettent tout derrière eux comme s’ils avaient honte de s’être confessés une fois comme il faut et d’être sortis de leur pharisaïsme (NB 10, n. 2266).  

 

82. Être animé par l’Esprit pour pressentir quelque chose du Père ou pour que l’Esprit devienne pour nous une réalité - Difficile de dire quelque chose de l’Esprit - L'Esprit Saint et l’œuvre d'art – L’amour du Père continue à brûler grâce à la présence de l’Esprit

Pour nous, l'image du Père est vivante surtout dans l'Ancien Testament ou par les paroles du Fils. Le Fils, nous le voyons d'abord comme celui qui est devenu homme, dans toutes les situations de sa vie et de sa mort, partout où il apparaît comme Homme-Dieu. Mais cette rencontre justement, c'est l'Esprit Saint qui nous la ménage ; nous devons être animés par lui pour saisir au moins quelque chose de ce que Dieu peut être comme homme et l'homme comme Dieu. Nous remarquons aussi alors à quel point nous avons besoin de lui pour pressentir quelque chose du Père et finalement aussi pour que l'Esprit lui-même devienne pour nous une réalité. Ce n'est que par lui que nous arrivons à lui. Il est difficile de le décrire et de dire quelque chose de lui parce qu'il est capable du plus petit comme du plus grand. C'est pourquoi il se peut qu'on ne puisse le saisir nulle part ailleurs aussi bien que dans les œuvres d'art. Il présuppose en nous un certain sens pour que nous arrivions à son sens. C'est justement cela qui est le plus frappant dans l'art : un tableau, un chant, une cathédrale signifient une unité de sens dans laquelle doit entrer celui qui contemple une œuvre d'art. Et s'il a fallu des siècles peut-être pour construire une cathédrale, si les mains ont changé, si le plan primitif a été abandonné, un espace pourtant est resté ouvert pour l'Esprit dans la vénération et la prière, et ceci expressément compte tenu de l'unité de l'œuvre : afin que la prière ici ne cesse pas, que la foi demeure vivante, que l'amour de Dieu pour l'Eglise et l'amour de l'Eglise pour Dieu continuent à brûler dans son œuvre d'art, de même que l'amour que le Père allume dans sa créature continue à brûler grâce à la présence de l'Esprit Saint (NB 6,464). 

 

83. Être animé par l’Esprit – L’Esprit qui conduit – La visibilité de l’Esprit - L'Esprit Saint et les hautes mathématiques – L’Esprit aide à assumer le quotidien dans un sens chrétien

Si on veut rapprocher un enfant du Seigneur, on lui racontera des histoires tirées de l’Évangile et on en éclairera sa vie. Il était indocile, on lui montre à quel point Jésus enfant était docile ; et parce qu'un enfant aime aimer et être aimé, il cherchera à ne pas faire de la peine à Jésus enfant. L'adulte qui le guide doit en quelque sorte être animé par l'Esprit pour savoir comment le lui présenter. Pour l'enfant, l'Esprit reste caché derrière le Christ enfant. Par la manière de se conduire du Christ enfant, il apprend à connaître ce qui est bien et qui appartient au Christ enfant. C'est ainsi que, grâce à son éducateur, l'enfant est conduit aussi bien par le Seigneur que par l'Esprit Saint. Mais quand l'Esprit requiert pour lui celui qui devient adulte, il y aura alors de vastes domaines où on ne peut plus prendre aussi concrètement l'exemple du Christ ; les vérités deviennent "plus abstraites", et maintenant c'est l'Esprit avant tout qui conduit. Un étudiant chrétien qui voudrait devenir médecin a sans doute dans le Christ un certain modèle, mais il en a une certaine "idée" qui est formée et contrôlée par l'Esprit. Pas simplement dans le prolongement du Christ. Il y a des transformations et de nouveaux domaines et de nouvelles formes dans lesquels l'Esprit se présente comme dans une certaine visibilité. Quand un chrétien désire avoir l'esprit d'enfance, il peut sans doute considérer Jésus enfant et l'attitude du Fils vis-à-vis du Père ; mais il doit aussi s'adresser en même temps à l'Esprit de connaissance qui n'est jamais totalement compréhensible. On ne doit pas penser qu'on ne peut s'adresser à l'Esprit que lorsqu'il s'agit de "hautes mathématiques" ; il aide également à assumer le quotidien dans un sens chrétien (NB 6,435-436).  

 

84. Les possibilités pour l’Esprit de se saisir d’une âme

Irénée doit avoir décrit quelque part (peut-être dans des écrits perdus) le chemin du choix définitif, le chemin d’une connaissance croissante, des exigences croissantes de Dieu et des manières de lui correspondre, le chemin des possibilités pour l’Esprit Saint de se saisir d’une âme (NB 9, n. 1402).

 

85. L’être humain dans la main de l’Esprit de Dieu

L'instrument corporel et intellectuel qu'est l'être humain, justement aussi en tant qu'instrument, est dans la main de l'Esprit de Dieu (NB 12,15).

 

86. Possédé par l’Esprit de Dieu

Ignace, à un certain moment de sa vie, est tellement possédé par l'Esprit de Dieu que l'Esprit est son maître, et il sent et il sait que cette possession est définitive (NB 11,100).

 

87. Le saint : quelqu’un qui a été rempli de l’Esprit Saint - Possédé par l’Esprit

Le Seigneur appelle quelqu'un, Jean par exemple ou la petite Thérèse ; mais c'est la descente de l'Esprit Saint qui le rend apte au service, qui le rend saint. Il lui laisse sa personnalité qu'il a de par la création, mais il l'élève pour en faire une personnalité sainte. Si on cherche à déterminer et à vénérer chez un saint l'une ou l'autre qualité humaine particulière, on le rabaisse, car sa sainteté se trouve avant tout dans le fait qu'il a été rempli par l'Esprit Saint et qu'il lui appartient. C'est l'Esprit qui s'empare des forces du saint. Par l'Esprit Saint, elles dirigent elles-mêmes quelque chose sur une voie déterminée ; le fait qu'il souffle où il veut s'exprime dans le caractère d'ensemble, mais elles ont la possibilité de le diriger sur un point précis. Qu'un saint soit possédé par l'Esprit, on le remarque particulièrement à sa patience ; mais cette qualité ne sort pas de l'unité qu'elle forme avec les autres qualités conditionnées par l'Esprit (NB 10, n. 2117).

 

88. L'Esprit prend possession d'elle

Sainte Catherine de Ricci commence chaque fois sa prière en se présentant à Dieu de la même manière qu'une servante offre ses services à une personne de haut rang. Dès qu'elle est là et libre pour Dieu, l'Esprit Saint prend totalement possession d'elle et il fait d'elle ce qu'il juge bon, ce qui pour elle est inimaginable. Il l'accompagne à travers toutes les visions possibles, il lui fait entendre beaucoup de choses, des choses terrifiantes et des choses qui font plaisir et des choses belles, le tout pêle-mêle, où il lui est impossible de se retrouver. Il ne lui est pas laissé d'autre moyen d'obéir que de se rendre totalement disponible au début de sa prière. Ce qui vient après, c'est qu'elle doit purement et simplement se laisser faire (NB 1/1, 138-139). 

 

89. L’atmosphère de l’Esprit

Quand le Fils en tant que Ressuscité apparaît aux siens, comme expression de l'amour divin trinitaire, il s'en remet aussi à l'Esprit, en tant qu'il est l'Esprit d'amour, pour souffler où il veut. Cela donne aux apparitions du Seigneur leur transparence et à sa parole l'ampleur de la vie nouvelle qui fait transparaître partout l'Esprit. Pour ceux qui voient le Seigneur et en font l'expérience, une atmosphère nouvelle les entoure : il est maintenant spirituellement dans l'Esprit Saint. Le Seigneur aussi bien que celui qui le voit laissent à l'Esprit ce que leur rencontre a de spirituel, il est le paysage, l'atmosphère dans laquelle elle se déroule, davantage même, il est l'accomplissement lui-même. Quand le Seigneur dit une fois encore à Pierre : "Suis-moi", c'est dans l'atmosphère de l'Esprit qu'il attire le disciple. Avec une force presque sensible qui se communique aussi dans l'Esprit à l'intelligence de Pierre de sorte que toute résistance est vaincue par la volonté agissante du Seigneur. Tout cela dans l'atmosphère de la résurrection qui est si incroyablement tendre et qui n'a rien d'écrasant. Le Seigneur demande à Pierre : "M'aimes-tu ?", il ne demande pas : "Pourquoi m'as-tu trahi ?" (NB 6,300). 

 

90. Une certaine familiarité avec l’Esprit – Noter où et quand agit l’Esprit

Quand quelqu'un a fait l'expérience de la manière dont l'Esprit peut agir et qu'il se décide alors à s'abandonner à sa conduite - car il sent que quelque chose pourrait lever en lui -, l'instant arrive bientôt où il perd la mesure de ses propres capacités. Il voit que la semence lève autrement qu'il se l'était imaginé. Il n'a plus la possibilité de mesurer la grandeur du champ, ni l'étendue de la moisson. Et pourtant si l'Esprit assume la direction, il veut que nous ayons une certaine relation à ce qu'il fait. Nous ne sommes pas capables de mesurer les progrès que nous faisons chaque jour, et nous ne devons pas non plus le faire. Mais nous devons faire attention aux moments et aux phases de sa conduite. Notre esprit doit être réceptif et noter où et quand l'Esprit a agi ; nous devons acquérir avec lui une certaine familiarité (NB 6,435).

 

91. L’Esprit : la colombe et les langues de feu – La suprême réalité de l’Esprit

Le Fils devient porteur de l'Esprit et l'envoie, mais l'Esprit prend des formes concrètes : la colombe lors du baptême, les langues de feu à la Pentecôte. Mais celles-ci sont surtout là pour montrer sa suprême réalité et sa suprême efficacité afin qu'on ne confonde pas le Fils et l'Esprit, ou qu'on ne les mette pas au même niveau, alors qu'en réalité chacun des deux suppose l'autre et le remplace à l'occasion. Les deux sont intimement associés, mais les personnes et leurs modes d'action restent distincts (NB 6,441).

 

92. La colombe et les langues de feu

L'Esprit choisit des signes de peu d'importance (comme la colombe, la langue de feu) pour souligner que la supériorité de son action se trouve dans l'invisible. Il nous incite par là à toujours chercher dans tous ses signes la grandeur et la totalité (NB 10, n. 2117).

 

93. L’Esprit comme une flamme

L’Esprit est présent sous la forme de la flamme et il touche tous ceux pour lesquels il est venu (NB 10, n. 2183).

 

94. Un jet de feu

(1942. Du journal du P. Balthasar). Quand Adrienne me quitte, je lui donne une bénédiction. D’habitude elle ne ressent rien de spécial à ce moment-là. Mais cette fois-ci, elle dit en se relevant que ce fut comme si un jet de feu l'avait traversée. J’avais aussi pensé particulièrement à l’Esprit Saint (NB 8, n. 395).  

 

95. L’Esprit n’est ni colombe, ni langue de feu

Le Père, personne ne l'a jamais vu ; le Fils est visible en tant qu'homme, en tant que Ressuscité, en tant qu'apparaissant, visible à côté de son invisibilité. L'Esprit Saint n'est ni invisible comme le Père, ni visible comme le Fils. Il peut ou bien n'être qu'invisible ou bien prendre une sorte de visibilité indirecte, quand il comble le monde et les hommes. Mais il n'est ni colombe, ni langue de feu, etc. Il dresse des signaux de lui-même : Attention! L'Esprit est à l’œuvre! (NB 10, n. 2117).

 

96. Affinité de l’Esprit avec l’eau : fluidité, transparence, lumière

Adrienne n’aime pas la montagne. Elle aspire à l’eau, surtout la mer. Le mouvement, la lumière, l’infini. Elle a particulièrement aimé les nénuphars de Monet à Paris parce que le monde entier est là dans l’eau, monte de l’eau… Elle ne cesse dire : je comprends maintenant que la mer m’a appris à méditer…. Elle parle de l’affinité de l’Esprit Saint avec l’eau : fluidité, incompréhensibilité, transparence, lumière. Elle a séjourné deux jours dans un hôtel de Lucerne ; elle en a goûté le plaisir parce qu’elle avait une vue directe sur le lac. Les montagnes lui semblent bornées, imposant des limites (NB 10, n. 2068).  

 

97. L’Esprit comme semence

Le Fils est devenu compréhensible pour nous par l'incarnation et, de la sorte, le Père l'est devenu aussi d'une certaine manière, en tant qu'il est le Père de celui qui s'est incarné. L'Esprit Saint ne devient pas compréhensible pour nous parce qu'en partant de ce qu'il fait, il ne nous est pas possible de nous faire de lui une idée claire et nette . "Le boulanger" n'est pas seulement celui qui fait le pain ou "le prêtre" seulement celui qui donne la communion, de même "l'Esprit" n'est pas seulement celui qui couvre Marie de son ombre, qui descend sous la forme d'une colombe lors du baptême de Jésus ou qui a les sept dons, etc. Nous nous approchons peut-être davantage de lui si nous partons de la propriété qui est la sienne d'être semence : aussi bien quand il se dévoile expressément avec la force de la semence que là où il personnifie en tant que semence l'unité du Père et du Fils si bien qu'il n'apparaît qu'uni à eux et qu'il n'est plus représentable isolément (NB 6,431).

 

98. L’Esprit invente du neuf

Pour les apôtres, l’Esprit doit inventer et réaliser quelque chose de totalement neuf (NB 2,94).

 

99. L’Esprit est l’imprévisible

Dans l’Église du Fils, il y a une tradition. Dans l'Esprit, il n'y a pas de tradition : à l'intérieur de la tradition, il est l'événementiel toujours nouveau, il est l'imprévisible même dans le cadre bien structuré de l’Église terrestre (NB 6,418).

 

100. Le caractère imprévisible de l'Esprit

Celui qui s'offre à l'Esprit de Dieu, le fait dans une certaine incertitude. L'Esprit garde toujours pour l'homme son caractère imprévisible et il présente aussi cette caractéristique pour l'homme qui s'est livré à lui. Cela provient du fait que l'Esprit procède éternellement du Père et du Fils ; c'est pourquoi, dès l’origine, il est caractérisé comme celui qui s'adapte au dessein du Père et aux vues du Fils bien qu'il soit Dieu et, qu'en tant que Dieu, il sache toujours ce qu'il fait. Il le sait, mais il le fait en s'adaptant. Il agit en toute liberté de telle manière que, dans ses plans, il y a toujours un espace qui est libre pour s'adapter (NB 11,26).  

 

101. Le "pur désordre" de l'Esprit – Touchés par l’Esprit

Les œuvres de l'Esprit sont immenses. Dans une communauté, dans une ville, etc., des milliers de vie se côtoient, partout il y a des approches, à des niveaux très divers, partout on peut reconnaître quelque chose de l'Esprit et pourtant on ne peut le fixer nulle part ; dans un ordre qui nous semble un pur désordre, il conduit le monde entier au Seigneur. Tous ceux qui ont reçu en eux une semence de Dieu sont touchés par l'Esprit des manières les plus variées, ils sont en chemin vers l'amour trinitaire. Bien que nous soyons chair, malgré notre esprit rebelle, nous avons reçu l'Esprit qui conduit à l'unité. Toutes les langues que nous ne comprenons pas nous deviennent compréhensibles dans l'Esprit. Nous ne comprenons rien tant que nous ne voyons l'autre que comme un étranger ; Dieu par contre, par l'Esprit Saint, voit en nous les frères de son Fils. Par le Fils et par l'Esprit, le monde est en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu (NB 6, 93). 

 

102. Les coups de trompette de l'Esprit – L’Esprit n’est pas un Esprit de sommeil – Une Église qui somnole quand parle l’Esprit - L’action de l’Esprit est habituellement cachée -

Que l'Esprit couvre Marie de son ombre et que le Fils vienne au monde par elle est un événement éclatant. D'habitude, l'action de l'Esprit dans le domaine de l'Eglise est quelque chose d'incroyablement caché. Mais il y a toujours deux éléments : un authentique travail dans le secret et puis, de temps en temps, une intervention soudaine du ciel, qui tombe comme un éclair. Dans le silence de ses années de jeune fille, Marie a été préparée par l'Esprit Saint qui n'est jamais un Esprit de sommeil. Marie était éveillée. L’Église aussi doit être éveillée, prête pour les coups de trompette de l'Esprit. On peut aussi en entendre quelque chose dans un demi sommeil, mais alors sans savoir exactement ce qui se passe ; on ne pourra pas tirer les conséquences de ce qu'a dit l'Esprit. "Il y a eu un coup de tonnerre", dit le peuple quand le Père parle à Jésus ; c'est ce que dit aussi une Église qui dort ou somnole quand l'Esprit lui parle. Et quand, après la parole, le silence revient, le somnolent se glisse sous les couvertures et pense : il n'y a sans doute rien eu (NB 6,424). 

 

103. Une force explosive – Le temps était arrivé pour l’Esprit de venir jusqu’à nous

Le Seigneur promet l’Esprit saint à ses disciples. Quand il descend sur eux, ils le ressentent comme un tourbillon qui transforme tout, qui les dote jusque dans leur corps de nouvelles capacités de foi. Sa force explosive les ouvre non seulement vers l’extérieur pour l’apostolat, mais également vers l’intérieur, il descend jusqu’au fondement du mystère du baptême pour s’y enfoncer lui-même. Le caractère incompréhensible du fait sacramentel d’être mort et ressuscité avec le Seigneur est si bien transformé par l’Esprit – par le sacrement de la confirmation – qu’il devient désormais le bien personnel du croyant. Ce bien, catalysé par la descente de l’Esprit, avait son modèle depuis toujours dans la mission du Fils, mais il ne pouvait pas être communiqué tout de suite parce que la vie du Christ au milieu de nous n’était pas un simple symbole mais une histoire authentique : il devait être mis au monde, vivre, souffrir, descendre aux enfers et également être réellement réveillé par le Père d’entre les morts : c’est alors seulement qu’était arrivé le temps pour l’Esprit de venir jusqu’à nous (NB 5,142-143).  

 

104. L'impulsion de l'Esprit

Il y a toutes sortes d'aspects de l'Esprit dans l'œuvre de la rédemption. L'Esprit couvre la Mère de son ombre et fait que le Fils devienne homme ; comme porteur de la semence, il est le représentant du Père. Il est également le représentant du Père dans le Fils qui agit : en tant que rappel, conduite, soutien, consolation. Nulle part l'Esprit n'agit seul, mais il accomplit la mission du Père pour rendre possible la mission du Fils à tout point de vue. Par l'Esprit qui lui est donné, l'homme pécheur reçoit une impulsion pour se détourner du péché. C'est l'Esprit qui découvre le péché dans le pécheur, lui donne un nom, l'éclaire. L'Esprit que le Père nous envoie à nous pécheurs crée une sorte de facilité pour commencer à aimer le Fils. C'est par l'Esprit que le Fils - mais aussi le pécheur - découvre le péché. Le pécheur abandonnera son péché quand l'impulsion de l'Esprit sera en lui plus puissante que l'impulsion du péché. Une impulsion à l'amour est nécessaire en l'homme si la force de l'amour divin dans le Fils doit pouvoir l'emporter sur celle du péché. Tout péché est contre l'amour ; quand l'homme s'en aperçoit et qu'en même temps il veut l'amour, il peut être libéré du mal. Et c'est l'Esprit qui crée en lui cette impulsion (NB 6,85-86). 

 

105. L’Esprit peut inquiéter longtemps quelqu’un avant qu’il comprenne

Dans les lettres de l’Apocalypse, quelques passages furent écrits directement sous l’influence de l’Esprit ; pour d’autres passages, Jean dut les méditer pendant un long temps. Il y a des actes de l’Esprit qui, pendant qu’ils se produisent, emportent si fort la personne qu’elle est incapable de faire autre chose, elle ne peut que les vivre ; ce n’est qu’après qu’ils deviennent en elle parole, message. Un inspiré peut expérimenter un tourment intérieur : ne pas savoir ce qu’il doit dire. Ce n’est que lentement que sa mission se cristallise. L’Esprit peut inquiéter longtemps quelqu’un avant qu’il comprenne et fasse ce que veut l’Esprit (NB 9, n. 1554).  

 

106. L'Esprit Saint et la prière dans l'absence de consolation

En devenant une pure fonction lors de l’incarnation, l'Esprit devient l'archétype de l'orant chrétien dans l'absence de consolation. Il ne fait que transmettre ; l'origine est la volonté du Père, le résultat le Fils incarné, il ne reste pour l'Esprit qu'une mission anonyme. En couvrant la Mère de son ombre, en descendant en elle, il lui apprend la possibilité qu'il a lui-même d'une prière sans consolation ; s'étant fait purement malléable, il forme la Mère de telle manière qu'elle aussi puisse devenir totalement malléable. Elle est la première qui expérimente, par l'Esprit qui la forme, la prière dans l'absence de consolation. Mais elle est aussi la première qu'il prend dans son action et la première qui donne sa marque à la fécondité de l'authentique prière sans consolation. La première que l'Esprit forme, c'est la Mère, parce que son âme est toute obéissante, qu'elle n'offre aucune résistance à la grâce et qu'elle est ainsi capable de renoncer à toute satisfaction personnelle, dans une prière de pure transmission (NB 5,283). 

 

107. Les consolations du Saint-Esprit

Quand saint Ignace voit la Mère de Dieu pour la première fois et qu’il fait l'expérience des consolations du Saint Esprit, il est seul et il n'a quasi personne pour l'aider. Il se débat avec Dieu pour savoir comment il pourrait mieux se donner à lui (NB 1/2, 70).

 

108. L’Esprit Saint confirme l’Église, le voyant individuel

Le rôle de l’Esprit Saint est triple : il confirme dans le ciel, il confirme le voyant individuel, il confirme l’Église. Si par exemple, à Lourdes, dès la première apparition, Marie a déjà sa pleine réalité – Bernadette a vu la dame, elle a parlé avec elle, elle a entendu sa voix, la dame s’est présentée – , Bernadette ne sait pas tout d’abord à quoi cela peut être utile, quelle est la signification de l’ensemble. Elle répète le nom qui est pour elle incompréhensible, mais elle ne sait pas – à part la joie qui lui est donnée – la portée de l’apparition, ni ce qu’elle doit en faire. Et quand elle raconte ce qu’elle a vu, c’est en vertu d’une mission qui n’est pas claire du tout pour elle. Et quand la source jaillit, les témoins aussi se trouvent devant un prodige dont il ne connaissent pas encore la fécondité. L’Esprit Saint connaît le pourquoi et le développement futur, et il en rend compte à Dieu en quelque sorte de la même manière qu’il a rendu compte au Père du dialogue de l’ange avec Marie et qu’il l’a couverte de son ombre. Mais à ceux qui assistent au prodige de Lourdes, il donne une certitude qui est fondée en grande partie sur sa propre certitude. Quand arrivent des miracles de guérison, ceux qui sont guéris savent – et l’Église le sait avec eux – que ces miracles sont comme des paraboles du miracle d’une foi renouvelée : pour ceux qui sont présents, pour leurs proches et, par leurs effets, dans toute l’Église. Et c’est l’Esprit Saint qui distribue et gère l’ensemble (NB 5,177). 

 

109. La lumière de l’Esprit

Dieu crée l’homme à son image, c’est-à-dire avec une multitude de possibilités fécondes. Adam peut nouer des relations avec le monde qui l’entoure, avec Ève, avec sa progéniture, avec Dieu lui-même. Il porte en lui la lumière de l’Esprit qui permet de nouer toutes ces relations et de les organiser (NB 5,42). 

 

110. L'Esprit et la foi - Par l’Esprit nous apprenons à croire ce qu’il connaît et ce qu’il aime -Se laisser prendre par l’Esprit - Devant le monde, l’Esprit personnifie le savoir de Dieu

L'Esprit Saint en Dieu participe totalement, bien sûr, à l'omniscience de Dieu. Devant le monde, il personnifie le savoir de Dieu, la connaissance de Dieu et l'amour dans une unité indissoluble parce que, en Dieu, l'amour n'est jamais sans la connaissance, ni la connaissance sans l'amour. Et quand cet Esprit se communique à nous d'une certaine manière, cette forme de connaissance et d'amour reçoit pour nous la forme de la foi si bien que, par lui, nous apprenons à croire ce qu'il connaît et aime. Pour nous, cela signifie avant tout que nous nous laissions prendre par l'Esprit ; tout ce que nous connaissons et aimons, nous le mettons à la disposition de l'Esprit de telle sorte que nous le retrouvions dans la foi sous une forme qui correspond à sa connaissance et à son amour. Si nous faisions cela sérieusement, nous n'en serions plus à tâtonner longtemps dans notre foi, ni à chercher le véritable amour, mais nous nous soumettrions à l'Esprit dans une sorte de prière habituelle et d'offre globale pour nous laisser illuminer et transformer par ce qui lui appartient. Notre foi resterait la foi bien sûr, parce qu'elle ne saisit jamais totalement le divin, mais elle serait en tout point une foi authentique parce que, en raison de sa soumission, elle aurait été remise à la vérité de l'Esprit. Et d'une étape de la foi à l'autre, nous saurions que nous sommes dans la vérité parce que l'Esprit témoigne de lui-même et que, par cette soumission, nous ne nous éloignons en rien de ce que le Seigneur révèle à son Épouse, l'Eglise, et de ce qu'il signifie pour elle (NB 6,432-433). 

 

111. L’Esprit ouvre la foi et l’Écriture de manière divine

Il y a une nette distinction entre la foi par laquelle nous cherchons nous-mêmes à scruter et à toucher ce qui s'est passé en Terre sainte au temps du Christ et la foi par l'Esprit et en l'Esprit. La tentative première de nous rendre compte par nous-mêmes de ce que le Christ était ici-bas ne conduira nulle part sans l'Esprit. Car en chacune des circonstances de sa vie, le Fils ouvre une porte sur la vérité de Dieu Trinité ; tout ce qu'il montre se trouve dans un rapport absolu avec la vérité tout entière, mais garde quelque chose de la manière dont l'accès fut accordé. Nous ne pourrons jamais détacher la vérité d'une parabole de la teneur du texte. L'Esprit par contre part toujours de la totalité. Lui qui n'est pas devenu homme, n'ouvre pas d'une manière humaine, à partir des détails, il ouvre d'une manière divine. Quand on brode une nappe, on est occupé à un coin et à partir de là on peut imaginer ce que sera l'ensemble. Ainsi la foi commence par le Seigneur ; l'Esprit par contre nous montre d'un coup le dessin de la nappe tout entière et c'est dans cette vue d'ensemble qu'on comprend le détail auquel on travaille (NB 6,433-434).

 

112. L’Esprit Saint et la foi

Pour la foi, il y a deux étapes par l'Esprit. L'Esprit nous saisit - Dieu nous trouve avant que nous le cherchions - et nous montre le chemin vers le Fils de la même manière qu'il a pris le Fils avec lui sur le chemin du monde jusqu'à Marie. Ou bien nous avons appris à connaître le Seigneur et nous nous sommes efforcés de nous donner à lui ; l'Esprit nous conduit alors à une meilleure compréhension de ce qu'est la foi, de ce qu'est Dieu Trinité et à une meilleure manière de nous donner à lui. Sans l'Esprit, nous en serions restés à attribuer au Fils le format de notre humanité, mais au niveau de la perfection. Ces limites que nous avions mises, l'Esprit les fait sauter non seulement pour amener notre foi au niveau toujours plus grand du Fils, mais aussi pour l'amener à la connaissance et à l'amour tels que l'Esprit lui-même les possède (NB 6,434).

 

113. L’Esprit, la foi, l’espérance et la charité

La foi, l’amour et l’espérance vivent dans l’Esprit et se nourrissent de lui pour s’accomplir au fond ; leur vie propre n’est pas à séparer de la vie de l’Esprit en Dieu. Une espérance qui ne serait pas animée par l’Esprit ne serait pas chrétienne. Elle serait une confiance simplement humaine qui serait comblée ou non selon le hasard (NB 10, n. 2219). 

 

114. L’Esprit nous prend à son école - Il nous conduit au Père

Il faut parler du mal que se donne l'Esprit Saint pour s'adapter aux conditions du monde pécheur. Un mal qui n'est pas sans ressemblance avec le mal que le Fils de l'homme se donne sur la croix. C'est un travail, une besogne pour l'Esprit divin, car il doit chaque fois comprimer toute la vérité divine sous une forme étroite. Et quand l'Esprit tombe sur quelqu'un dont la volonté est limitée, il doit accepter ces limites pour montrer à la personne concernée toute la vérité de Dieu et l'y introduire. Il ne peut ni abandonner la totalité de la vérité ni laisser la personne avec ses lacunes. Il doit montrer le tout de telle manière que l'homme limité y acquiesce un jour. Le pécheur est comme un élève aux capacités restreintes à qui le professeur doit à tout prix faire passer l'examen ; il doit s'adapter à ses connaissances, en chacune des matières, étant donné qu'on ne peut pas adapter l'examen. Dans l'œuvre de la rédemption, c'est ce à quoi l'Esprit Saint consacre toutes ses forces. Cependant tout se passe avec la plus grande douceur de même qu'un professeur ne peut pas reprocher chaque jour à son élève sa sottise et ses insuffisances. L'Esprit nous a pris à son école et il a la patience de nous conduire jusqu'au Père (NB 6,560-561).

 

115. Saisir correctement l’existence du Fils  par l’Esprit Saint

Quelque chose de nouveau est arrivé dans l'acte par lequel l’Esprit couvrit Marie de son ombre. Elle avait certainement déjà en elle l'Esprit Saint qu'elle reçut. Mais l'acte par lequel l'incarnation du Fils fut posée, posait aussi une présence pour tous ceux qui n'avaient pas l'Esprit Saint. L'existence du Fils dans le monde des hommes fut un fait indéniable, concret, permanent. Elle est saisie correctement par ceux qui ont l'Esprit, mais l'existence d'un homme du nom de Jésus ne peut pas non plus être niée par les autres. L'Esprit a posé ici un acte qui peut être compris pas seulement par l'Esprit (NB 6,441-442).  

 

116. L’Esprit donne sens à notre existence

Quand nous avons fait quelque chose dans l'Esprit, nous pensons facilement avoir une vue d'ensemble ; mais si l'on est entièrement donné dans l'obéissance - qui est joyeuse aussi -, on voit alors l'infini qui reste au-delà, on voit justement ce qui est le plus magnifique, parce que tout contact avec l'Esprit d'amour découvre des mondes infinis d'amour. Il en est alors comme si la sensibilité de l'homme à l'amour n'existait que pour faire apparaître un instant quelque chose qui est infiniment plus grand que ce que le sens créé de l'amour peut saisir. Et l'Esprit Saint, que nous sommes habitués à voir en opposition au Père et au Fils ou comme complément des deux, est alors soudain le tout : celui qui donne sens à notre existence sur terre (NB 10, n. 2316).

 

117. L’Esprit intègre le passé, le présent et l’avenir

L’Esprit intègre en lui tous les points de départ humains, il les utilise comme des pierres pour sa construction, il les tire à lui, il leur donne une forme définitive ; en tout cela il engendre et il crée, il donne au passé une vraie présence, une existence dans l’aujourd’hui, qui a ses racines aussi bien dans le passé que dans l’avenir, mais constamment il donne aussi la vue de ce qui est en devenir afin que nous ne restions pas paralysés dans l’aujourd’hui mais que nous restions ouverts et créateurs, et que nous expérimentions, aussi bien dans l’être que dans le devenir, la présence de l’éternité vivante de Dieu Trinité. L’Esprit donne son témoignage pour la constance de notre âme, pour l’éternité à laquelle nous appartenons (NB 10, n. 2219). 

 

118. L’Esprit Saint ouvre beaucoup de portes

L'Esprit Saint ouvre beaucoup de portes, il parle en beaucoup de langues, afin que chacun ait l'occasion de trouver un chemin pour suivre totalement le Christ, pour aimer parfaitement Dieu et le prochain (NB 6,560).

 

119. Il y a des choses que la vérité silencieuse de l'Esprit ne peut pas exprimer (NB 5,229).

 

120. Quand l’Esprit souffle vraiment

Il y a l’instant où les apôtres reçoivent l’Esprit et en sont ivres et parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles qui cependant sont toutes comprises. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Et chacun peut se sentir interpellé et peut collaborer. Chacun peut correspondre. Quand l’Esprit souffle vraiment, personne ne peut dire : “Moi, il ne m’a pas atteint” ; ou: “Je n’ai rien compris, c’était pour moi irréalisable”. Chacun doit comprendre. Il m’a été dit quelque chose vis-à-vis de quoi je pourrai vraiment prendre position, que je pourrai exécuter d’une manière ou d’une autre (NB 9, n. 1988).  

 

121. L’Esprit nous place où cela lui plaît

L’Esprit souffle où il veut, il nous place où cela lui plaît. Comme à l’hôpital, on “s’occupe” du malade, tout est bien fait (NB 9, n. 2006).  

 

122. L’Esprit souffle où il veut

Sainte Mechtilde est comme une enfant, toute simple. Elle a une disponibilité semblable à celle de la petite Thérèse. Les grandes visions qui lui sont données la dépassent de beaucoup. Elle peut quand même les décrire : une preuve que l'Esprit souffle où il veut. Il n'est pas nécessaire d'être aussi douée qu'Hildegarde pour être témoin de grandes choses. Cela lui est donné (NB 1/2, 133).

 

123. Le souffle de l'Esprit va dans tous les sens, mais toujours où il veut

La Mère de Dieu est pur don d'elle-même. Elle ne connaît pas de limites, pas de repos dans le don d'elle-même, ni la nuit, ni le jour, ni dans la tranquillité, ni dans l'espace. Elle est de plus en plus entraînée au centre de Dieu avec toutes les fibres de son corps. Et là où le souffle de l'Esprit va dans tous les sens - toujours exactement là où il veut, et pourtant justement partout -, elle peut offrir dans toutes les directions son sein qui, par l'Esprit, est rempli du lait du Fils. De ce centre de Dieu, elle peut allaiter tous ceux qui ont soif (NB 5,267).  

 

124. L’Esprit souffle quand il veut – Être ouvert au souffle imprévisible de l’Esprit

L'Esprit souffle où il veut. Mais aussi quand il veut. C'est ainsi que, dans l’Église, il ne cesse d'y avoir des temps où il semble se passer davantage de choses qu'en d'autres, où l'Esprit souffle plus fort et où l’Église lui accorde davantage de place. Les règles des ordres sont un produit du souffle de l'Esprit, même s’il s'y glisse aussi beaucoup de l'expérience et de la personnalité du fondateur. Une vraie règle est esprit et non lettre ; la lettre est là pour qu'on reconnaisse dans la règle une certaine marque de l'Esprit, une expression déterminée de la volonté de Dieu. Et comme l'Esprit ne cesse de souffler et qu'il est toujours possible qu'il inspire les hommes, les religieux aussi bien que les autres, il reste dans l’existence de la règle une marge qui demeure ouverte au souffle imprévisible de l'Esprit, en même temps que pour la compréhension de celui qui suit la règle (NB 11,297).

 

125. L’expérience du souffle de l’Esprit

Le souffle de l'Esprit "où il veut" semble souvent à l'homme se faire au hasard. L'homme est habitué non seulement à mesurer les choses de ce monde avec ses propres mesures, mais à accueillir même les choses de Dieu dans sa expérience chrétienne selon ce que lui-même attend. Ce qui pourrait se passer en lui par la grâce de l'Esprit est d'emblée psychologiquement canalisé et réduit. Si le souffle de l'Esprit ne correspond pas à son attente, il dit qu'il ne comprend pas Dieu. C'est qu'il a cessé depuis longtemps déjà de marcher avec lui. Si toute une pastorale ou peut-être même toute une théologie est bâtie sur une telle attitude, la différence entre le Dieu qui est et celui que l'homme imagine ne fait que s'accroître, l'écart devient toujours plus tragique. Ce n'est pas seulement de la largeur, de la longueur et de la profondeur de la vérité qu'il s'agit, c'est sa nature même qui est changée. Le "Dieu" qui finalement est projeté sur le mur n'est plus qu'une image que l'homme a ébauchée d'après sa propre nature. Dieu est devenu "image et ressemblance" de l'homme. Et alors, pour remettre les choses en ordre, l'Esprit doit souffler dans l'homme qui est encore en train de mûrir avant même que ses propres possibilités l'aient rendu incapable de Dieu. Ou bien l'Esprit doit l'atteindre de manière à faire s'écrouler sa construction. Il n'est peut-être personne que le souffle de l'Esprit n'ait conduit aussi clairement qu'Ignace de Loyola : tout lui fut arraché, il a reconnu soudainement que son image de Dieu était fausse et que sa propre vie était déplorable. C'est dans son nouveau départ qu'il fait l'expérience du souffle de l'Esprit. Ce nouveau commencement qui consiste à prendre la décision de vivre selon les conseils évangéliques s'effectue dans le souffle de l'Esprit parce que le renoncement à se posséder soi-même totalement expose toujours l'homme au libre souffle de l'Esprit. La pauvreté est le renoncement à ce qui a été ; la virginité est le renoncement à ce qui a été rêvé ; l'obéissance est le renoncement toujours nouveau à tout, et elle est de ce fait l'imploration d'un souffle permanent de l'Esprit qui vide tellement l'âme qu'il n'y a plus de place en elle que pour la docilité à l'Esprit. C'est pourquoi l'obéissance résiste à toute systématisation. Dès qu'une espérance quelconque autre que celle de l'obéissance est associée à l'obéissance, ce n'est plus de l'obéissance, ce n'en est plus que la parodie et la caricature (NB 11,24-25).  

 

126. Ici souffle l’Esprit

L’Esprit peut se faire reconnaître à l’extérieur si bien que d’autres sont attirés parce qu’ils comprennent qu’ici souffle l’Esprit. Élisabeth reconnaît la mission de Marie, nous reconnaissons les missions des saints, beaucoup de pécheurs reconnurent la vocation de Vianney ; l’Esprit Saint est reconnu aux charismes (NB 10, n. 2219). 

 

127. Enivrés de l'Esprit

Jean Baptiste ouvre la série des apôtres qui seront plus tard comme enivrés de l'Esprit. La possibilité d'être enivré et possédé par l'Esprit doit nettement séparer Jean dans son existence de l'autre possibilité, celle d'être enivré de vin. Il vient avec la force d’Élie : en unissant la force prophétique de l'Ancien Testament à l'Esprit Saint du Nouveau Testament, il est le point d'union des deux Testaments (NB 1/2, 33).  

 

128. Enraciné dans l’Esprit Saint - Où est l’Esprit ?

(D’Adrienne dans le Journal du P. Balthasar). Où est l’Esprit et où n’est-il pas ? Où agit-il et où n’agit-il pas ? Avec quelle force est-il capable de se mélanger à l’esprit humain de sorte qu’on puisse discerner vraiment qu’un homme est animé par l’Esprit? Quand je vous (le P. Balthasar) voyais dire le bréviaire, cela me faisait penser au mystère de la confession, au pouvoir de lier et de délier, à quel point, en tant que prêtre, vous êtes enraciné dans l’Esprit Saint, et comment il vous prend, vous tient et vous féconde (NB 10, n. 2218).  

 

129. A la mort, le Seigneur nous assiste de son Esprit Saint

Sur la croix, quand le Fils remet son Esprit entre les mains du Père, il parle le langage du corps, presque comme si le Père lui-même avait un corps dans lequel le Fils peut déposer son Esprit. On peut se confier à ces mains. C'est l'Esprit Saint que le Fils rend au Père. Je ne peux pas mourir en chrétien sans que le Seigneur ne meure avec moi, sans qu'il m'assiste de son Esprit Saint (NB 3,183).  

130. L’Esprit Saint comme un ange gardien

La jeunesse de Marie. Chez elle tout se développait dans l’esprit des coutumes juives d’alors. Mais du fait qu’elle était préservée du péché originel, ce développement se fit, d’une manière cachée, dans un esprit chrétien. Elle possédait dans l’Esprit Saint une sorte d’éducateur et de règle d’après lesquels elle avait à se diriger. Comme si l’Esprit Saint lui-même avait assumé auprès d’elle le rôle de l’ange gardien. Et tout se passait simplement et comme allant de soi. L’Esprit était en elle comme un éducateur est d’habitude à côté de l’enfant. C’était l’éducation à une tâche, mais avec une connaissance de soi-même et de la vie qui était tout à la fois précise et sans emphase (”Je ne connais point d’homme”). A l’instant où on lui demande le sacrifice, elle doit savoir de quoi il s’agit. Certes on ne sait jamais exactement ce qu’on offre ; mais on doit au moins savoir qu’on le fait. Ainsi Marie sait bien qu’elle renonce par là à disposer d’elle-même. Sans avoir péché elle-même, elle devait quand même avoir une certaine expérience du péché (NB 9, n. 1981).  

 

131. La grâce de l'Esprit Saint lui donne la paix

Simon le zélote est l’apôtre qui manque le plus d'équilibre dans son attitude intérieure. Il lutte et fait des efforts puis il se relâche à nouveau. Cela dure jusqu'à la Pentecôte. A la Pentecôte, il y a une transformation. La grâce de l'Esprit lui donne la paix, mais il garde son naturel agité. Il faut toujours qu'il fasse quelque chose. Les autres apôtres lui ont donné le nom de zélote. Il jouit auprès d'eux d'un grand crédit. Quand il s'agit d'accomplir un "exploit", c'est lui qui est là (NB 1/1,340).

 

132. La joie dans l’Esprit

Auparavant on croyait que la joie la plus haute consistait à donner. "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir". Mais ce que donne l'Esprit est tellement l'absolu qu'il y a plus de bonheur à recevoir qu'à donner. Notre être humain propre devient totalement sans importance en présence de la joie dans l'Esprit causée par la joie de l'Esprit. De même qu'il est possible d'accompagner le Fils dans la souffrance, de même il est possible d'accompagner la joie de l'Esprit. Maintenant c'est une joie pure qu'on n'ait rien à donner, parce que tout est pris, parce que rien n'est plus "ma" joie, mais que tout est "votre" joie, celle de l’Église, celle de la communion des saints (NB 10, n. 2316).

 

133. Charismes - Saisis par l’Esprit – Parler en langues – Imposition des mains

Les Corinthiens étaient certes d’une certaine manière saisis par l’Esprit, mais pour ainsi dire trop saisis. L’Esprit n’avait pas fait d’eux des saints comme il l’avait fait pour les apôtres. Ils avaient trop ajouté du leur. Ils sont un bon exemple de saints qui tournent mal. Mais, d’une certaine manière, l’outrance de Paul n’y était pas tout à fait pour rien. On est ici tout près de l’endroit où des envoyés commencent à perdre leur mission. Les Corinthiens sont proches de l’événement de la Pentecôte, mais la transmission ne se fait pas totalement, il y a une légère méprise, tout à fait innocente et puérile. Plus tard, les charismes ont été étouffés de bien des manières chez des croyants pour qui il en aurait éventuellement été question. Ainsi le charisme de l’imposition des mains a été étouffé en étant limité à un usage purement clérical, en réduisant le service de l’Église dans l’Esprit Saint à la fonction ministérielle. Pour les apôtres, le parler en langues vint d’une manière tout à fait inattendue et ils se sentirent là inondés par l’amour. Ils furent heureux du don reçu et ils ne firent rien pour l’accroître. Ils avaient l’ingénuité de ne pas s’en mêler. A Corinthe, il y a déjà un peu de curiosité et le souci de se . C’est vraiment l’Esprit, mais légèrement mal employé ; ils sont aussi sans aucune direction et ils ne savent pas où est la mesure (NB 9, n. 1564).

 

134. La présence vivante de l’Esprit Saint

Marie de Jésus, Prieure du carmel de Dijon. Sa prière est tout à la fois très forte et très humble. Humble, car elle se compte pour rien ; forte, car elle est convaincue de la présence du Seigneur, presque plus encore de la présence vivante de l'Esprit Saint, et sa maison doit être une maison de l'Esprit. Pour les décisions simples, elle se réfère aussi... à ce que demande l'Esprit au croyant… Laisser toute la place au Seigneur et à son Esprit (NB 1/1,230).

 

135. L’Esprit rend Dieu présent – L’Esprit comme une semence de Dieu

Pour l'incarnation, l'Esprit est le porteur de la semence du Père. Il reçoit ainsi la propriété générale d'être dans le monde la semence de Dieu, de rendre Dieu présent. Humainement parlant, c'est pour ainsi dire une manière de rattraper le "désavantage" d'être en Dieu celui qui vient en dernier. Dieu est toujours majeur, bien sûr, et pourtant il peut nous sembler que l'Esprit reçoit, à l'occasion de l'incarnation du Fils, une nouvelle forme de majorité divine. C'est-à-dire qu'il peut désormais venir en n'importe quel lieu du monde comme une semence de Dieu, comme prémisse de Dieu. Il est souvent comme une semence qui tombe d'abord sur un sol pierreux, qui ne peut pas lever, à laquelle on ne fait pas attention. Personne ne sait qu'en cet endroit, derrière ce mot ou cet acte est cachée une semence de Dieu. Un jour arrive quelqu'un qui remue un peu le sol, qui arrose ce qui était sec, et maintenant, sans changer de place, la semence peut lever et pousser. Maintenant la vie trinitaire s'éveille aussi là, l'Esprit semble attirer derrière lui le Père et le Fils. Il apparaît comme celui qui engendre et celui qui rend visible le mystère, comme autrefois il a apporté le Fils à Marie et l'a rendu visible. En rendant visibles le Père et le Fils de manière nouvelle, il se fait connaître lui-même comme Esprit divin. De même que le Fils, durant sa vie, s'est employé à glorifier le Père jusqu'à l'instant où il a dit : "Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils", de même quand l'Esprit est éveillé le premier, il attire après lui le Père et le Fils : en renvoyant aux deux, il est rendu visible par les deux (NB 6,426). 

 

136. L’Esprit unit à Dieu

L'Esprit est ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et crée pour nous, et qu'il veut partager. Ce n'est jamais la divinité qu'il partage, ce sont ses attributs qui ne perdent rien de leur origine divine en étant transmis, mais qui les font venir en nous pour qu'ils agissent. Il est clair par là qu'un homme qui reçoit dignement le don de l'Esprit et le laisse agir ne devient jamais un "homme parfait", mais quelqu'un qui tend à la perfection : les dons ne sont parfaitement réalisés qu'en Dieu ; quand ils sont communiqués, ils ont la propriété de ramener à Dieu. Ils ont en eux le mouvement qui est propre à l'Esprit : il vient de Dieu et il unit à Dieu (NB 6,442).

 

137. Fécondité de l’Esprit - L’Esprit donne les stigmates

C’est toujours l’Esprit qui place les signes de la fécondité ; il a aussi dilaté le corps de la Mère pour qu’il reçoive la semence de Dieu. C’est lui qui donne les stigmates (NB 9, n. 1680).

 

 

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6. S’ouvrir à l’Esprit

 

138. Ouvert à l’Esprit Saint

P. Vallée, confesseur au carmel de Dijon. Sa prière s’accomplit dans un don total de lui-même avec la ferme intention de ne jamais chercher ce qui est à lui mais la volonté du Seigneur, dans une ouverture de son propre esprit à l'Esprit Saint où la volonté de Dieu Trinité peut se manifester (NB 1/1, 232-233).

 

139. Ouvrir l’esprit humain à l’Esprit de Dieu

Dieu n'a pas seulement doté l'être humain de la différence sexuelle qui se répercute dans tout l'être corporel et spirituel de l'homme et de la femme, il y a mis aussi beaucoup de points de départ pour ouvrir l'esprit humain à l'Esprit divin (NB 12,15).

 

140. Rester ouverts à l’Esprit Saint

Nous devrions rester ouverts à l'Esprit Saint. Dieu devrait garder la possibilité d'agir là aussi où notre esprit planificateur n'a plus accès. Nous devrions laisser à l'Esprit la liberté de souffler où il veut, sur nous et sur nos œuvres, même s'il commence par notre foi et notre action (NB 10, n. 2230).

 

141. Ouverts pour une nouvelle réception de l’Esprit

Pierre et les apôtres ont reçu l'Esprit Saint et ils peuvent désormais rester en état de garder l'Esprit. Ils restent ouverts pour l'Esprit parce que c'est l'Esprit qui produit leur attitude, qui leur permet de lui être ouverts. C'est l'Esprit que le Seigneur leur a envoyé à la Pentecôte. Quand on attend un grand événement, on le vit la plupart du temps de manière plus vraie et plus réelle que s'il nous surprend à l'improviste. Et celui qui a saisi l'événement dans cette vérité est plus préparé pour une prochaine fois. Ainsi en est-il pour les apôtres : la réception de l'Esprit à la Pentecôte les rend ouverts et dociles pour une nouvelle réception de l'Esprit (NB 1/2, 50-51).

 

142. Rester ouvert à l’Esprit – Se laisser ouvrir par l’Esprit

Le oui de Marie comporte l'exigence de rester ouverte sans se lasser. On n'en a pas fini une fois pour toutes avec l'ouverture. Cela comporte aussi l'exigence d'être ouvert de tous côtés. Partout où une question d'étonnement pourrait peut-être se faire jour, celle-ci est réprimée par une plus grande disponibilité. "Tu enfanteras un fils", le corps est donc réellement inclus dans la disponibilité. La totale pureté de Marie l'empêche de se retirer en tremblant devant cette intrusion dans la sphère corporelle. Le fait d'être prise peut éventuellement être humiliant, mais cela ne l'inquiète pas. Peut-être qu'au début apparaît l'idée d'une association - entre Marie et l'Esprit -, mais cette idée s'efface à vue d'œil parce que l'emprise se fait toujours plus totale. Après le premier trouble, la seule peur qui reste est celle-ci : l'Esprit ne trouve peut-être pas en moi ce dont il a besoin. La question aussi peut se faire jour : A quelle profondeur dois-je rester ouverte? Car peut-être que si on était plus ouverte, il apparaîtrait qu'on attend l'Esprit de telle manière et pas autrement… Il semble donc plus juste que l'Esprit lui-même nous ouvre comme il veut. (Cette pensée est seulement comme un court réflexe : peur d'exagérer pour ainsi dire la disponibilité ou d'y mettre trop de soi). Alors tout devient clair : la disponibilité qu'on peut offrir, c'est la volonté de se laisser ouvrir par l'Esprit à sa guise (NB 6,121).

 

143. S'ouvrir à l'Esprit – Refuser l’Esprit  

Le rôle de l'Esprit chez les hommes est varié pour la raison que tous ne lui demandent pas également autant. Il y a des saints chez qui l'Esprit développe surtout l'amour pour le Fils (la petite Thérèse), d'autres à qui il inspire des points de vue et des œuvres spirituels (Ignace). Il y a l'intelligence qui refuse absolument l'Esprit. Une intelligence tout aussi grande peut s'ouvrir à lui et lui laisser tout l'espace. La disposition naturelle, au cas où elle s'ouvre, est toujours le point de départ de l'action de l'Esprit (NB 6,93). 

 

144. L'Esprit ne peut souffler que dans ce qui est ouvert (NB 4,173).

 

145. Il n’est pas dans la manière de l’Esprit de s’imposer

En général il n’est pas dans la manière de l’Esprit de s’imposer. Il en reste plutôt à l’offre. Il ressemble à une mère qui a apporté quelque chose pour son enfant ; pour une raison ou pour une autre, l’enfant n’est pas en mesure de recevoir tout de suite le cadeau ; pour le moment, la mère met le cadeau dans l’armoire, elle sait que le moment opportun viendra. L’Esprit aussi, malgré son omniscience, espère que l’heure de la remise du don viendra. Mais pour le moment, nous préférons ne rien savoir de cette heure (NB 10, n. 2285).

 

146. « Passer dans ton Esprit toute la journée qui vient »

D’une prière de saint Bernard : « Seigneur, après toute la joie que tu m'as donnée, après tout ce que tu m'as donné de comprendre, je t'en prie, donne-moi de passer dans ton Esprit toute la journée qui vient, avec ses lourdes décisions, de te la consacrer tout entière » (NB 1/1,429).

 

147. Interroger l'Esprit - Consulter l’Esprit

L'accueil de l'enfant change la relation de Marie à l'Esprit Saint. Par la présence du Fils en elle, l'Esprit devient une réalité. Auparavant elle aimait Dieu sans faire de distinctions et elle avait en elle une disponibilité qui était comme un espace vide. Cet espace, l'Esprit s'en est emparé pour être lui-même en elle. Et avec cet Esprit, qui est en elle et en même temps au ciel, elle donne son oui. Et parce qu'elle est un être humain, femme et mère, sa relation à l'Esprit reçoit une nuance particulière d'amour. Quand une femme porte l'enfant de son mari, il va de soi pour elle qu'elle l'élèvera selon son idée à lui, elle ne cessera de lui poser des questions, de s'adapter à ses désirs et elle modifiera bien des choses. C'est de cette manière que Marie ne cesse d'interroger l'Esprit Saint quand il s'agit de l'éducation de l'enfant. Elle cherchera l'Esprit d'une manière précise et elle recevra en retour une manière précise de l'aimer. Cet amour ne sera pas sans rapport avec l'amour du Père et du Fils, mais il ne coïncidera pas simplement avec lui. De consulter l'Esprit lui donne une direction objective pour l'amour et en même temps une certitude objective du chemin. Si l'enfant lui était laissé à elle seule, la responsabilité serait à peine supportable. En tant que Dieu, ce dont il a besoin de sa part, elle doit se le laisser continuellement donner par l'Esprit, et même de plus en plus (NB 6,125). 

 

148. Disponibles à l’Esprit

Si nous sommes unis à Dieu dans l'amour et si nous reconnaissons l'Esprit d'amour dans l'Esprit Saint qui nous est donné, il va de soi que cet Esprit doit agir en nous selon ce qu'il est dans le ciel. Pour que cet Esprit demeure en nous, nous n'avons pas le droit de le dépouiller de ses qualités pour mettre les nôtres à leur place. Nous devons lui être si bien disponibles que, malgré nos défaillances, il puisse agir par nous d'une manière tant soit peu reconnaissable. Il doit rester l'Esprit d'amour (NB 6,443-444).  

 

149. Mettre ses dons à la disposition de l’Esprit

Saint Louis de Gonzague comprend qu’on doit mettre ses propres dons à la disposition de l'Esprit pour qu'il les comble : faire de ses aptitudes humaines un instrument divin (NB 2,106).

 

150. A la disposition de l’Esprit

Saint Bernard : le zèle, qui se met à la disposition de l'Esprit (NB 2,132).

 

151. Se laisser prendre par l’Esprit - Le supérieur religieux et l’Esprit Saint

Le supérieur religieux doit sans cesse se laisser prendre par l'Esprit. Pour être en mesure de donner des ordres justes, il doit lui-même obéir. Et il apprend à mieux obéir également en s'efforçant de donner des ordres justes : c'est par l'obéissance de ses subordonnés qu'il réapprend ce qu'est l'obéissance ; il n'est pas seulement "édifié" par là mais, par eux (qui obéissent dans l'Esprit Saint), il reçoit une leçon qui est décisive pour lui par l'Esprit Saint (NB 11,261).

 

152. Laisser toute la place à l’Esprit

Marie de Jésus, Prieure du carmel de Dijon. Pour les décisions simples, elle se réfère à ce que demande l'Esprit au croyant. Laisser toute la place au Seigneur et à son Esprit (NB 1/1,230).

 

153. « Ce n'est plus moi qui vis, c'est l'Esprit qui vit en moi »

Marie doit enfanter le Messie, mais elle n'est pas à la hauteur, malgré sa transparence et sa disponibilité. Cela ne lui est possible qu'associée à l'Esprit. Elle ne doit pas pouvoir en arriver à penser qu'elle est capable de quelque chose que Dieu seul peut faire. Quand elle est couverte par l'Esprit, c'est la "petitesse de la servante" qui doit ressortir. Et à vrai dire de manière frappante, comme si était ici anticipé l'instant où le Fils ne voudra plus la connaître. "Qu'est-ce que ma divinité a à faire avec ton humanité ? Qu'y a-t-il entre toi et moi ? Qui sont ma mère et mes frères ?" Au début on est disponible à tout, dans une disponibilité active, totale. Puis celle-ci est tellement accaparée par l'Esprit que son caractère actif disparaît pour ainsi dire. Cela devient toujours davantage une disponibilité de l'Esprit dans la Mère. "Ce n'est plus moi qui vis, c'est l'Esprit qui vit en moi". Cette conscience provoque en elle une sorte d'effroi. Au début, c'était : J'irai avec toi aussi loin que tu veux. Et maintenant : Ô Dieu, même si je voulais dire non, je ne le pourrais plus parce que l'Esprit en moi est maintenant plus fort que moi (NB 6,122). 

 

154. Être toujours prêt pour l’Esprit

Marie voit d'abord l'Esprit comme une exigence ; l'ange l'a représenté pour elle, mais désormais il sera continuellement dans sa vie. Elle devra être toujours prête pour l'Esprit, comme la femme est toujours prête pour la venue de son mari. On n'en a jamais fini avec l'Esprit. Celui qui s'est un jour confessé se déclare prêt à toujours se confesser encore. L'Esprit qui exige maintenant de Marie une disponibilité totale, ne cessera de se manifester. Elle ne sait pas comment et quand elle est couverte de son ombre. Mais elle comprend l'exigence d'une disponibilité totale jusqu'au recoin le plus secret de son corps. Elle doit être mise à contribution et elle doit aussi aimer Dieu le Père, le Fils et l'Esprit sans aucune restriction. Elle veut aussi être totalement docile. Là où pourrait se faire jour la tentation de résister ou de se fermer, elle voit de nouvelles occasions d'aimer. Pas plus qu'une femme enceinte ne peut se dérober à sa grossesse, Marie ne veut pas se dérober aux exigences croissantes, toujours plus grandes. Son oui consiste avant tout dans le fait qu'elle continue à s'abandonner sans limites : l'Esprit lui apporte le Fils et la croix (NB 6,119-120). 

 

155. Laisser opérer en soi l'Esprit de Dieu

Le chrétien est de bonne volonté en quelque sorte, il voudrait correspondre à la volonté de Dieu. Quand il s'agit seulement d'action, ce n'est pas très difficile ; ses efforts et ses connaissances chrétiennes portés par la grâce lui montrent le chemin dans une certaine mesure. Mais quand il s'agit de se laisser faire purement et simplement, il en sait beaucoup moins. Ici ses efforts chrétiens ne peuvent plus lui servir de boussole. Il est très difficile de laisser opérer en soi l'Esprit absolu de Dieu, sans avoir voix au chapitre, sans réagir personnellement, sans exprimer ni désir ni préférence. Il faut qu'il y ait dans son propre esprit un don de soi absolu parce que maintenant, dans l'union intime entre l'Esprit de Dieu et celui de l'homme, toute l'action se trouve du côté de l'Esprit de Dieu. Une nudité de l'âme est requise qui ne peut pas être plus totale. Toute intervention doit être permise à l'Esprit. Mais c'est un don de l'Esprit aux chrétiens et, plus précisément, un don que l'Esprit a trouvé en Marie quand il l'a couverte de son ombre. Et parce que Marie est aussi un être humain, le chrétien, dans la communion de la grâce, a une sorte de droit à avoir part au don qu'elle a fait d'elle-même. Le chrétien rencontre l'Esprit en tant que celui-ci est un être unique et il a part pour cela à l'expérience de l'Esprit lorsqu'il a couvert Marie de son ombre ou bien, ce qui revient au même, il a part à l'expérience de la Mère quand l'Esprit l'a couverte de son ombre. Le chrétien rencontre donc l'Esprit avec un certain acompte qu'il a reçu de Marie. Certes il n'en sait rien. L'absence de consolation est et reste absence de consolation. Qu'il ait part à l'expérience de la Mère ne donne au chrétien ni certitude ni consolation. On pourrait presque dire - pour le dire de manière frappante - que c'est le contraire qui est vrai parce que cette participation a pour effet que son humilité est plus grande et donc qu'il s'abandonne plus totalement. Il se trouve pour ainsi dire devant un Dieu plus inconnu, plus silencieux (NB 5,284).

 

156. Assurer la part de l'Esprit Saint à tout ce qui occupe l'esprit humain

Apollos Sa prière est très appliquée. Il cherche, par la prière, à grandir dans la science chrétienne. Par toute son existence, il voudrait aider à donner au christianisme et à la foi une base plus large, il voudrait aider à traduire la foi aux niveaux les plus divers de l'esprit, à multiplier les possibilités d'application, à assurer la part de l'Esprit Saint à tout ce qui occupe l'esprit humain et par là à donner d'emblée à tout art, à toute science, à tous les domaines du cœur une marque chrétienne (1/1,39).

 

157. Garder l’Esprit vivant

Que faire pour garder l'Esprit vivant? Tout ramener à l'instant où le Seigneur offre son Esprit à l’Église. Considérer de manière neuve la vitalité de l'Esprit, aimer cette vitalité, s'y prêter. La foi, l'amour, l'espérance, tels que saint Paul les décrit, sont bien une inspiration directe de l'Esprit Saint, ils n'ont rien à faire avec mon amour calculateur, ma foi calculatrice, mon espérance calculatrice. Le calcul arrive toujours après coup quand on renie l'Esprit (NB 4,424).

 

158. Serviteur de l’Esprit

Saint Antoine le Grand sait que seul l'Esprit rend possible de donner à l'incarnation de Dieu et à l'imitation du Christ un sens fécond pour les hommes. Quand il se retire pour prier et qu'il veut vivre totalement pour la prière, c'est pour servir dans la mesure du possible cet Esprit en tant qu'homme, avec l'aide de Celui qui est devenu homme. Sa contemplation se laisse totalement guider par l'Esprit, dans sa solitude il devient serviteur de l'Esprit. Et cet Esprit n'est pas commode, il fait participer celui qui prie aux combats des hommes avec le Malin, voire au combat de Dieu lui-même avec le Malin (NB 2,179).

 

159. Donnée à l'Esprit

Marie de Béthanie. Elle écoute le Seigneur, plus encore avec son esprit qu'avec ses oreilles. En chaque parole, elle voit au fond le Seigneur tout entier. Chacune de ses paroles est pour elle la Parole. Elle est chaste et obéissante et pauvre. Et chaque parole qu'elle entend la rend encore plus chaste et encore plus obéissante et encore plus pauvre. Elle est donnée à l'Esprit autant qu'on peut l'être. Elle est là, dans une parfaite chasteté, comme une femme qui est possédée tout entière par son mari, qui se donne totalement à son mari pour tout recevoir de lui et ne plus rien avoir pour elle-même (NB 1/2, 40).

 

160. Me laisser convaincre par l’Esprit

Je dois adapter mes actes et mes pensées au temps de l'Esprit. Je dois me laisser convaincre par l'Esprit (NB 11,260).

 

161. Se mettre dans l’Esprit Saint

Sainte Thérèse de Lisieux est tellement convaincue de sa mission et accaparée par elle, elle est tellement occupée par ce qu'elle a à faire et à expliquer, que la confrontation du mauvais esprit et du Saint-Esprit est depuis toujours le lieu d'où elle parle. Elle ne montre pas les origines, mais les résultats : non ce que l'Esprit Saint ou le mauvais esprit en tant que tels exigent, mais ce que l'âme doit faire si elle veut être en chemin vers Dieu… On trouve très rarement chez Thérèse une présentation de ce que l'Esprit Saint doit signifier pour une carmélite, pour un envoyé d'une manière générale ; l'Esprit est certes expliqué dans sa "voie", il est bien présent dans sa mission, mais elle n'en vient jamais à une présentation objective de l'Esprit Saint. Elle est tellement engagée dans sa mission qu'elle s'est toujours approprié comme il fallait ce qu'elle était capable de saisir de l'Esprit Saint. Ainsi elle n'en vient jamais à une présentation objective de l'Esprit Saint… Thérèse se met toujours tellement dans l'Esprit Saint en triomphant du mauvais esprit qu'il ne devient évident qu'à travers sa mission (NB 2,67-68).

 

162. « Donne ton Esprit au récalcitrant que je suis »

D’une prière de Saint Athanase : « Père trinitaire, de même que tu as donné l'Esprit Saint à ton Fils lors de son incarnation pour que la Parole qui était en toi devienne homme pour demeurer parmi nous et nous montrer ta volonté, de même je te le demande, donne-moi ton Esprit pour que le récalcitrant que je suis devienne le serviteur dont tu as besoin pour ton Église (NB 1/1, 396).  

 

163. Ne pas voir les traces de l’Esprit

Quelqu'un pourrait dire : je ne vois pas les traces de l'Esprit, mais je vois bien celles de l'esprit malfaisant. Il montrerait par là qu'il a perdu le sens de Dieu et qu'il est un grand pécheur. Un autre pourrait dire : je ne vois rien tout simplement. Ce ne serait peut-être pas un grand pécheur, mais quelqu'un qui est endormi, quelqu'un qui ne s'entraîne plus, quelqu'un pour qui l'obéissance et la foi signifient quelque chose de tout à fait secondaire (NB 4,159).

 

164. Ne pas être un obstacle pour l’Esprit

Saint Fidèle de Sigmaringen fait constamment déboucher sa prière sur une demande : qu'il ne soit pas un obstacle pour l'Esprit Saint (NB 1/1, 166).

 

165. C'est l'Esprit qui doit en décider en maître

Quand nous nous offrons à Dieu, c'est la plupart du temps à partir d'un aujourd'hui que nous comprenons plus ou moins en vue d'un avenir qui nous est scellé. Nous demandons à Dieu qu'il complète et mène à bonne fin un plan qui peut être purement humain, mais aussi un plan dans la foi, que nous voudrions réaliser au mieux sous la forme que nous avons projetée. Mais nous devrions apprendre à nous offrir sans avoir aucune idée de la manière dont notre offre sera reçue. Tant que nous faisons des plans, il est inévitable que nous comptons bien les réaliser, notre moi garde une prépondérance par rapport à l'Esprit. Notre mission peut être de fonder un Ordre, de bâtir une maison, de suivre une vocation, le sacerdoce par exemple ; mais la manière de la réaliser, c'est l'Esprit qui doit en décider en maître. Et bien qu'il nous faille nécessairement aussi faire des plans à ce sujet, notre planification doit être aussi souple que l'est l'Esprit lui-même pour les plans du Père et du Fils quand il procède d'eux. Et pour un humain, c'est ce qui est le plus difficile (NB 11,27).  

 

166. C’est l’Esprit qui décide

D’une prière de saint Grégoire le Grand avant qu’il devienne pape : « Père, je sais que c'est ton Esprit qui décidera de l'élection. C'est ton Esprit qui désignera pour ton Fils dans son Église le successeur de saint Pierre. Tu vois, Père, le nombre de ceux qui sont pour moi, tu vois aussi ceux qui sont contre moi. Tu sais que j'ai peur de cette responsabilité ; je voudrais te supplier : ‘Écarte de moi cette coupe’, et en même temps te dire : ‘Père, que ta volonté soit faite, non la mienne’ » (NB 1/1, 417). 

 

167. La pure volonté de l’Esprit

La vocation et la mission chrétiennes doivent se soumettre à l'examen de l'Esprit. Il y a ceux que l'Esprit choisit et qui disent oui sans conditions. Il y en a d'autres qui viennent eux-mêmes avec une "bonne idée" à laquelle ils veulent consacrer leur vie chrétienne (devenir infirmière par exemple ou médecin dans les missions). Mais ceux-ci devraient pouvoir remonter avec leur choix jusqu'au choix de Dieu et examiner si "leur" choix est conforme à celui de Dieu. Pour pouvoir le faire, ils doivent être formés par l'Esprit, c'est-à-dire se montrer prêts à se laisser ramener à la pure volonté de l'Esprit. Il y a deux voies : la lente éducation qui va de ses propres "bonnes idées" à la netteté de la volonté divine, et la soudaine évidence éclatante de cette volonté divine. Par ces deux voies finalement, la volonté humaine arrive à s'adapter à la volonté divine (NB 6,445-446).

 

168. Ce que veut l’Esprit – Se soumettre à l'examen de l'Esprit – Ce qui vient de l’Esprit Saint dans ma vie – Soumission à l’Esprit de Dieu

Il n'y a que deux possibilités : ou bien je fais ce que moi, je veux (en accord avec l'Esprit ou contre lui), ou bien je fais ce que l'Esprit veut (en accord avec moi ou contre moi). Il n'y a là ni milieu ni compromis. A l'occasion, je peux vouloir le bien (car je ne suis pas si mauvais que je ne veuille que le mal). Naturellement avec la grâce. Mais ce peut être un jeu de l'Esprit de me laisser d'abord faire le bien que je veux, ce qui me correspond, ce qui correspond à mes talents, à ma personnalité, à mon orientation. Certes dans le cadre de ce qui est chrétien. Mais cette volonté qui est la mienne peut être ensuite soumise par l'Esprit à un examen. Je dois demander à Dieu : est-ce que ce que je fais se trouve au centre de ta volonté sur moi ? Et Dieu peut répondre : oui, c'est une affaire valable. Exactement comme si je te l'avais imposée d'emblée comme une pure mission de mon Esprit. Mais, à la place du bien que je fais avec une si bonne intention, Dieu peut aussi me charger de son bien à lui, qui provient purement de l'Esprit Saint. Les deux formes, aussi bien l'une que l'autre, peuvent correspondre tout à fait à la volonté de Dieu si ma bonne volonté se soumet volontairement à l'examen de l'Esprit. Dans la bonne volonté, il ne peut y avoir de demi-mesure parce qu'elle débouche toujours sur une mission à laquelle l'homme obéit. Et si cette soumission à la tâche imposée est sincère, elle sera finalement soumission à l'Esprit de Dieu (NB 6,445).  

 

169. Sur ordre de l’Esprit

Richard de Saint-Victor. Il prie beaucoup. Il y a trois parties dans sa prière. Il prie liturgiquement, puis il prie personnellement, et enfin, sur ordre de l'Esprit Saint, il prie pour son œuvre (NB 1/1, 77).  

170. Les exigences de l’Esprit

Diadoque de Photicé. Il se traite sévèrement, il exige beaucoup de lui, mais il sait que Dieu le Père a beaucoup exigé du Fils et que Dieu l'Esprit impose constamment des exigences (NB 1/1, 57).  

 

171. Tout chrétien possède l’Esprit Saint - Le saint ne chasse pas l'Esprit – L’Esprit, règle du chrétien

Tout chrétien qui a reçu les sacrements possède l'Esprit Saint s'il ne le chasse pas par le péché. Le saint ne chasse pas l'Esprit. Il ne lui parvient pas comme une vague impulsion, un vague effort en son for intérieur, mais comme une exigence claire, non équivoque. Le chrétien ordinaire se plaindra : "Naturellement, je devrais prier davantage, commettre moins de péchés, mais je ne le pourrai certainement pas. Je comprends que je devrais faire des efforts". Par contre, celui qui est motivé lit dans l'Esprit une claire exigence. Il ne "devrait" pas, il "doit". Et l'amélioration de la vie comporte des points précis qu'il peut observer. Qu'il sache si exactement ce que Dieu lui demande, cela provient de l'Esprit qu'il s'est donné comme règle (NB 6,424). 

 

172. L’Esprit et l’homme qui ne comprend pas

Il y a toujours un point où ce qui est exigé de l'homme par Dieu devient, pour sa mesure humaine, une exigence démesurée. Quand il commence à remarquer que cela va plus loin qu'il ne l'avait prévu, il peut pour ainsi dire soupirer : "Encore ça !" Mais pendant que cela continue, il remarque que son soupir aussi était inutile. Il n'a rien d'autre à faire qu'à suivre cahin-caha comme il peut l'action de Dieu. Il se dit : "Cela te dépasse, tu ferais mieux d'abandonner". Chaque fois que l'homme soupire : "Je ne comprends pas", l'Esprit pourrait lui répliquer : "Enfin tu l'as compris!" (NB 6,447-448).

 

173. Être conduit par l’Esprit

Dans la conduite par l'Esprit, l'Esprit se sert de ma vie (peu importe ce qu'elle est) pour me conduire là où il veut (NB 6,437).

 

174. Se laisser conduire par l’Esprit

Celui qui veut être tout esprit, c’est-à-dire qui veut laisser conduire son esprit tout entier par l’Esprit de Dieu doit un jour rendre à Dieu tout son esprit (NB 9, n. 1812).

 

175. L’Esprit veut conduire les hommes à la perfection de l’amour

Dieu a besoin, pour le monde, de l'amour du Fils sur la croix. Il a besoin de l'amour de celui qui est conduit par l'Esprit, il en a besoin pour celui qui est conduit, mais tout autant pour le monde. L'Esprit ne veut pas détruire les hommes que le Père a créés, il veut les conduire à la perfection de l'amour (NB 6,449).

 

176. Se laisser conduire par l’Esprit - Attiré par l’Esprit - Le mystère de l’Esprit

Saint Benoît Labre. Sa mission est de se laisser conduire par l'Esprit, qui porte et représente le mystère de Dieu, de telle manière que le mystère reste continuellement dans l'Esprit. Sa mission est de montrer comment l'homme est attiré à la fois par l'Esprit et par le mystère ; il regarde l'Esprit de telle sorte que celui-ci livre son mystère en le montrant comme caché par un voile pour que soit garantie l’intangibilité du mystère. Il y a une folie dans cette mission : vivre de manière impossible une vie impossible, non de telle manière qu'on "en tire humainement parlant le meilleur parti possible", non avec éclectisme, non en gémissant sous un fardeau qu'on ne comprend pas, non en demandant à l'Esprit de montrer plus clairement ce qu'il exige ou de se montrer moins inexorable. Au contraire en assumant le tout comme un fardeau et comme une joie tout à la fois, en disant sérieusement son oui sans se montrer étonné que Dieu le prenne au sérieux. Une persévérance naïve à l'intérieur de ce qu'il y a de plus compliqué dans tous ses mystères. Et cette mission est imposée justement à Benoît Labre, il porte son fardeau tout entier d'un lieu à un autre comme un trésor qui lui est confié. Il va de soi pour lui qu'il ne retire pas le voile pour voir ce qu'il y a derrière, il garde ce dont il est chargé, tel que cela lui a été donné, jusqu'au jour où on le lui réclamera. Il ne grandit pas non plus au fond dans sa mission ; il ne touche pas ce qui est intangible ; il vit sous son fardeau, ni à côté, ni non plus au-dessus. Ce qui est important pour lui, c'est le fardeau, ce n'est pas lui-même ; il ne se soucie pas de lui-même ; ce n'est pas lui qui vit, c'est sa mission qui vit en lui, une mission qu'il ne comprendra pas et qu'il sert pourtant parfaitement sans se demander quelle relation il a avec elle. Le mystère est au fond le mystère de l'Esprit lui-même : il souffle où il veut, il exige ce qu'il veut, il agit comme il veut ; c'est un mystère d'obéissance qui n'a pas besoin de s’expliquer. C'est ce qui est mystérieux par excellence (NB 2,72-74).

 

177. Toutes les possibilités d’être conduit par l'Esprit

Parce que l'Esprit a introduit le Fils dans le oui de la Mère et parce que nous aussi, nous sommes des nouveau-nés dans le Fils, que nous ne cessons de le recevoir dans l'eucharistie et que, dans la confession, nous sommes renouvelés pour son Esprit, nous recevons aussi par là la grâce d'adapter notre esprit aux vues du Fils. Le malheur est seulement que sans cesse nous faisons et projetons des choses qui sont à la mesure de nos forces, en demandant sans doute que Dieu les bénisse, mais en exécutant ce que nous voulons faire, nous oublions de rester à l'origine ou d'y retourner : au oui sans réserve de la Mère quand l'Esprit la couvrit de son ombre, mais aussi à l'Esprit qui, soufflant où il veut, a conduit le Fils à la croix et Pierre là où il ne voulait pas aller. Le Seigneur exactement là où il voulait aller et Pierre exactement là où il ne voulait pas aller. Entre ce que voulait le Seigneur et ce que Pierre ne voulait pas, il y a pour chaque croyant toutes les possibilités d'être conduit par l'Esprit (NB 11,27).  

 

178. Tu nous a communiqué ton Esprit pour nous montrer le chemin

Prière d'adoration dans le ciel : « Père, nous nous présentons tous devant ta face pour te remercier. Te remercier pour la vie terrestre que tu nous as donnée à vivre dans l'attente de ta vision. Et tu nous as donné ton Fils, tu nous as communiqué ton Esprit pour nous accompagner et nous montrer le chemin vers toi, le Dieu Trinité » (NB 1/1, 496-497).

 

 179. L’Esprit montre le juste chemin

Le Père et le Fils ont tous deux confié à l'Esprit le soin de montrer le juste chemin à Ève aussi bien qu'à Marie. Mais pendant que l'Esprit parle, Ève commence déjà à ne plus l’écouter tandis que Marie l'écoute attentivement et veut se familiariser avec sa parole. Ève a perdu par sa faute son droit à l'Esprit et elle ne peut plus être que la mère selon la chair (NB 1/2, 162).  

 

180. L'Esprit sait où l'être humain doit aller pour être en Dieu

En tant que Dieu, l'Esprit Saint a depuis toujours une "expérience du monde" qui lui permet de pousser sur le bon chemin le Fils qui doit d'abord s'approprier cette expérience en tant qu'homme. Il porte pour ainsi dire en lui la place où Adam devait se trouver, ou la place d'Abel, le point idéal où la créature aurait dû persévérer en face du Père et du Fils. C'est aussi le point où se trouve Marie et où elle a le juste savoir au sujet de sa relation à Dieu et au terrestre. L'Esprit sait où l'être humain doit regarder et où il doit aller pour être en Dieu et pour faire comme il faut le pas suivant avec Dieu. Cela ne requiert pas un ravissement, cela ne requiert pas d'être dans l'Esprit, c’est simplement être humain et pourtant en même temps être influencé par Dieu. Cela se trouve au point de rencontre de la nature et de la surnature, cela donne à l'être humain de voir clairement comment il doit se conduire dans la grâce. Sous cette forme, l'Esprit est en même temps la garantie que l'homme vit dans la prière (NB 6,391-392). 

 

181. L’apôtre suit l’appel parce que l’Esprit l’a touché – L’homme peut être préparé par l’Esprit

Le Seigneur, en tant qu’homme, suit l’Esprit. L’Esprit a préparé son incarnation, il a accompagné son humanité et aucune de ses démarches ne s’est effectuée sans que l’Esprit l’ait devancé. « Toi, suis-moi » : l’apôtre suit l’appel parce que l’Esprit l’a touché, l’a rendu attentif à la venue du Seigneur. Et pour le Seigneur qui appelle, il y a dans son action, à côté de son obéissance au Père, la reconnaissance de l’action de l’Esprit dans l’appel lui-même. « Toi, suis-moi » : le Fils dit cela au bon moment, quand l’autre a été préparé par l’Esprit ; l’appel devient audible pour l’apôtre parce que la voix de l’Esprit a pris forme en lui (NB 4, 157-158).

 

182. Envoyé là où l’Esprit le guide

Saint Anselme est situé entre le Père et l’Esprit. Il connaît les courants de la vie trinitaire, il se laisse éclairer par le mystère trinitaire. Il en est revêtu et il arrive en quelque sorte à l’endroit de l’échange entre le Père et l’Esprit, et là, il est en même temps plus proche du Fils qu’auparavant. L'Esprit lui montre alors différentes choses mais, au-delà, il voit toujours l'inconcevable, il comprend que cet inconcevable est clair dans l'échange entre l'Esprit et le Père, mais que pour lui cela concerne davantage le Père que l'Esprit. Sa pensée était osée, mais il s'est laissé envoyer dans l'obéissance là où l'Esprit le guidait (NB 5,161).  

 

183. Se laisser porter là où le veut l’Esprit

Richard de Saint-Victor. Il se laisse porter où le veut l'Esprit (NB 1/1, 77).  

 

184. Si l’Esprit me requiert - Recevoir l’Esprit

On ne peut recevoir l'Esprit que si on est naturel. Si l'Esprit me requiert et veut se servir de moi, il me prendra tel que je suis et il fera de moi ce qu'il voudra (NB 12,182).

 

185. La possibilité de dire oui à l’Esprit

Le oui de la Mère va à l’Esprit par l’ange et il ouvre pour nous tous la possibilité de dire oui à l’Esprit afin que l’Esprit porte en nous le Fils et le Fils l’Esprit. Le oui est l’acquiescement à ce mystère en Dieu qui les fait se porter l’un l’autre ; l’acquiescement le plus profond se trouve naturellement en Dieu lui-même mais, par Marie, l’homme reçoit dans la grâce la possibilité d’y avoir part (NB 10, n. 2050).  

 

186. Docile à l’Esprit

Saint Marc. L'inspiration de l'évangile, il en a eu peur. Il s'est montré réticent parce qu'il pensait qu'il ne serait pas docile sous la conduite de l'Esprit (NB 1/1,350).

 

187. S’en remettre à la direction de l’Esprit

Chaque épisode de la vie d'un envoyé devrait déboucher sur une remise de soi à la direction de l'Esprit (NB 11,262).

 

188. Vivre une joie dans l’obéissance à l’Esprit

Quand nous qui sommes croyants, nous essayons de tirer le meilleur parti de l'instant présent, de vivre dans une joie, qui semble parfois irréfléchie, nous pouvons et devons aussi le faire dans une obéissance à l'Esprit Saint. Mais ceci exige alors que nous soyons prêts à laisser tout de suite changer notre état d'âme si c'est nécessaire, que nous ne dédaignions certes pas l'instant présent parce qu'il est un beau cadeau de Dieu, mais que notre disponibilité ne soit pas réduite par la joie (NB 11,324).

 

189. Le don de soi-même à l’Esprit dans l’obéissance

Si on ne comprend pas, comment trouver ce qu'il faut faire ? Si l'on doit dire ou écrire quelque chose, comment trouver la juste expression ? Il faut pour cela non seulement le don de soi-même à l'Esprit dans l'obéissance, mais tout autant la réception obéissante de l'Esprit dans son propre esprit. Ce processus est ce qu'il y a de plus simple parce que l'obéissance est toujours un acte simple et, en même temps, elle est ce qui est le plus différencié parce que l'esprit tout entier du prophète ou de l'écrivain, leur esprit personnel, libre et raisonnable, doit s'engager de manière responsable dans cette obéissance (NB 6,454).  

 

190. Une obéissance à l'Esprit au-delà de ce qu’on peut comprendre par soi-même

Il y a un souffle de l'Esprit Saint qui demeure pour l'essentiel inchangé à travers toutes les époques de la révélation. On le reconnaît toujours là où quelqu'un sort de sa voie et cherche à obéir directement. Ce qu'il fait est humainement incompréhensible mais, par Dieu, il est conscient d'une mission qui vient de Dieu. Abraham quitte son pays et, en offrant son fils en sacrifice, il anticipe le geste de Dieu qui viendra plus tard ; Moïse cherche à entendre et à obéir : contre toute raison humaine, il conduit son peuple à travers le désert ; les prophètes disent des paroles contraires à toute sagesse ; les apôtres abandonnent leur métier et jouent tout sur l'unique carte du Seigneur ; une Jeanne d'Arc obéit à ses voix et fait ce qu'aucune jeune fille ne ferait ; une Bernadette, qui ne sait ni lire ni écrire, cesse de parler comme les autres enfants et ne dit plus que la seule chose qui est sa mission ; le curé d'Ars au confessionnal entend même les choses qu'on ne lui dit pas et il ose se prononcer à leur sujet. C'est toujours une obéissance au-delà de ce que chacun peut comprendre par lui-même. C'est cela l'unité de l'inspiration (NB 6,453). 

 

191. Un Esprit exigeant

Pseudo-Denys l’Aréopagite : c’est une mission de l'esprit dans l'Esprit Saint. C'est un Esprit d'exigence, qui doit apparaître comme tel, qui reste sans concession et appelle sans concession celui qu'il requiert. Une mission totalement dans l'obéissance à l'Esprit Saint (NB 2,70-71).

 

192. On peut obéir à l’Esprit sans le savoir

L'Esprit peut me convaincre que je lui ai obéi sans connaître ses desseins, que je me suis engagé à mon insu dans un destin dont les conséquences ne me sont maintenant rendues visibles que par lui. Je peux constater que j'ai alors coopéré. Il m'est donné de la sorte à entendre que je fais l'expérience d'être déjà livré à l'Esprit, et peut-être docile également, alors que je ne l'avais pas du tout cherché. Il me prend dans sa sphère, mais de telle manière que je me suis dépouillé de moi-même. Un certain pressentiment de sa grandeur, de sa main-mise future, m’est donné à l'avance, surtout si je me suis déjà mis fondamentalement sous une règle ecclésiale (NB 11,260-261).

 

193. Obéir à l’Esprit Saint

A un certain moment sa vie, sans avoir le but sous les yeux, Ignace obéit quand même à l'Esprit qui le pousse (NB 11,208).

 

194. L’Esprit ne tolère jamais qu’on le repousse

Le Christ a eu en lui l'Esprit comme règle et principe de conduite, en conséquence il a orienté vers le Père sa vie ici-bas. Cet Esprit n'est pas mort, il est l'Esprit vivant et saint de Dieu, qui ne tolère jamais qu'on le repousse, qu'on l'enferme dans un coin de l'âme, qui au contraire veut toujours se répandre en tout ce que fait celui qui est conduit par lui. Il en fut ainsi en tout cas pour le Fils de Dieu, qui à tout instant était poussé par l'Esprit de Dieu (même si ce n'est pas toujours mentionné expressément) pour tout faire par cet Esprit en union avec le Père (NB 6,418).

 

195. Réceptifs à l’Esprit

Les vrais chrétiens se tiennent ouverts devant Dieu, réceptifs à son Esprit, attentifs à ses directives (NB 6,466).

 

196. Des récepteurs de l’Esprit

L'Esprit a une "expérience du monde" particulière. S'il n'y avait pas eu de péché, il aurait été le don permanent du Père aux hommes. Dans son Esprit, Dieu aurait gardé près de lui sa création et en elle chaque homme. Pour les hommes, l'Esprit aurait été ce qui en Dieu était le plus compréhensible. Comme Adam et Ève au paradis, ils auraient sans cesse entendu Dieu grâce à l'entremise de l'Esprit, ce qui aujourd'hui caractérise surtout les saints ; leur marque distinctive aurait été d'être des récepteurs de l'Esprit. Le Fils offre surtout aux saints son obéissance, sa souffrance ; l'Esprit leur offre les manières de penser du Fils, la disponibilité, l'exercice. De deux manières différentes, car un homme de bonne volonté peut d'abord chercher à imiter le Christ tout à fait de son propre mouvement, pour réaliser ce qu'il veut lui-même. Mais dans l'inquiétude qu'il éprouve de devoir chercher ce qui est chrétien, il peut quand même déjà y avoir aussi un souffle de l'Esprit, et l'œuvre de l'Esprit sera de façonner, à partir d'un esprit par trop humain, le véritable esprit du Christ. C'est à partir de ma disponibilité pour le Christ, que doit naître en moi la disponibilité du Christ (NB 6,393).  

 

197. Recevoir dignement l’Esprit Saint

Beaucoup sont tellement liés : à eux-mêmes, à leur milieu, à leurs expériences qu’ils ne sont pas habitués à réduire leur liberté, et même parfois à y renoncer totalement. Ils n’ont aucun usage de la grande liberté du chrétien dans l’Esprit Saint et ainsi leur manque de liberté ne leur permet pas de recevoir dignement l’Esprit (NB 10, n. 2285).

 

198. Recevoir l’Esprit avec une foi, une espérance et un amour vivants – Le Fils a pris l’Esprit pour règle de son existence, le prêtre doit faire de même

Le Seigneur se tourne vers chacun avec le visage qui correspond à ses capacités ; personne ne doit s'effrayer de ce que le Seigneur est si riche, chacun doit au contraire se tenir ouvert à tout avec un profond respect. Quand un croyant devient prêtre, il ne doit pas se limiter aux choses qui sont pour lui évidentes dans les formes ecclésiales. L’Église lui mettra bien des mots sur les lèvres : pour la messe, pour le bréviaire, pour l'administration des sacrements ; il doit en dire d'autres que l'Esprit Saint lui inspire, qu'il invente exprès pour lui, et il ne doit pas s'y fermer. Il n'est pas seulement un serviteur de l'Eglise mais, par son don de lui-même à Dieu, par son consentement au service sacerdotal néotestamentaire, il est un serviteur personnel de Dieu. Il est tout autant obligé envers Dieu qu'envers l'Eglise. Il doit donc toujours maintenir en lui la joie dans la foi, l'espérance et l'amour pour recevoir l'Esprit avec une foi, une espérance et un amour vivants et être transparent à Dieu et aux hommes. Il doit avoir renoncé totalement à lui-même pour suivre vraiment le Fils sans partage, lui qui, dans son obéissance divino-humaine et sa prière incessante, s'est livré à Dieu et au monde. De même que le Fils a pris l'Esprit pour règle, il doit aussi accepter le Fils et l'Esprit comme règles de son existence ; accomplissant ainsi la volonté du Père, il pourra transmettre intégralement aux croyants la parole et la bénédiction de Dieu (NB 6,491-492).  

 

199. Nous pourrions recevoir infiniment plus de l’Esprit

L’Esprit Saint souffle à travers toute l’Église ; à la Pentecôte, il veut se communiquer de manière plus éclatante que d’habitude et descendre sur chacun. Si nous étions plus vivants dans la prière, nous pourrions recevoir infiniment plus, comprendre aussi infiniment plus et être infiniment plus que nous ne le sommes. En tant que mus par l’Esprit, nous serions des hommes libres (NB 10, n. 2285).

 

200. Si Dieu met l’Esprit à votre disposition

Si Dieu met l'Esprit Saint à votre disposition et vous donne des missions de pensée (comme celle de saint Augustin), vous devez vous astreindre au travail le plus sérieux. Dieu a droit à ce que le travail soit exécuté consciencieusement même s'il est "trop élevé" pour le commun des hommes. Le maître doit connaître les mathématiques les plus hautes même s'il n'enseigne que dans le primaire (NB 1/2, 55-56).

 

201. Rencontrer l’Esprit les yeux dans les yeux - Les saints et l’Esprit

Les saints ne peuvent pas recevoir l'Esprit sans le comprendre. Ils sont éveillés et ils doivent le rencontrer les yeux dans les yeux. Car l'Esprit se tient tout près d'eux. S'il était simplement en eux, ils devraient, pour voir l'Esprit, se regarder eux-mêmes, prendre leur expérience comme critère. Qu'il soit tout près ne veut pas dire un éloignement, au contraire, cela veut dire une libération, si bien que l'Esprit n'est pas déformé, contaminé par le moi, mais qu'il est visible en sa pureté. Plus un chrétien est saint, plus l'Esprit reste pur en lui, et plus nettement il peut le voir, le décrire, le transmettre, tandis que le tiède fabrique un mélange confus d'Esprit et de moi. Si l'Esprit se tient clairement tout près de moi, je lui donne toujours plus d'importance afin qu'il règle tout entre lui et moi. C'est un processus qui aboutit à ce que, vide de moi-même, je laisse au Christ toute la place pour vivre en moi. L'Esprit tient à ce que notre propre oui soit total (NB 6,425).

 

202. Ne pas vouloir prendre soi-même l’Esprit

Les hommes n’ont pas le droit de prendre de leur propre chef ce que Dieu veut leur donner dans l’Esprit et dans le Fils (NB 9, n. 1685).

 

203. Avoir l’oreille fine pour entendre la voix de l’Esprit – Les inspirations de l’Esprit - La courtoisie de l'Esprit – L’Esprit demande toujours plus

La conscience chrétienne est toujours aussi en moi l'Esprit qui oriente. Quelque chose qui a en moi la faculté de juger, je l'ai remis à l'Esprit Saint. Par le baptême et la confirmation surtout l'Esprit s'est emparé de ma direction intérieure. Dans le don de Dieu qui nous est fait, l'Esprit est ce qui est le plus vivant comme il l'est aussi en Dieu. Il l'est parce qu'il s'occupe de cette direction vivante. On peut s'habituer à ne plus regarder l'Esprit d'une manière tout à fait pure, on descend, et le signe en est qu'on trouve à redire à de plus en plus de choses : "Pourquoi ?" On ne cesse alors de réduire toujours plus la part de l'Esprit jusqu'à ce qu'on ait faussé en soi l'instrument d'orientation. Dans la conscience, l'Esprit oriente de concert avec l'homme. Je dois être docile et disponible si je veux entendre l'Esprit. L'Esprit oriente sans doute, mais avec moi, en incluant le don que je fais de moi-même. Je consens à lui être associé et il réalise cette association dans son orientation. Les "inspirations" de l'Esprit aussi ont lieu dans ce genre d'association, dans une union de "mérite et de grâce". Mon mérite vis-à-vis de l'Esprit est ma disponibilité. Il y a sans doute des inspirations qui arrivent à l'improviste comme la voix à l'entrée de Damas. Mais d'habitude, il y a une courtoisie de l'Esprit. Il ne hurle pas à mes oreilles, il parle si je suis à l'écoute. Naturellement l'Esprit demande toujours plus parce que, dans ses inspirations aussi, il est le Dieu toujours plus grand. C'est par suite du péché originel que l'homme ne lui correspond pas totalement. Celui qui ne commet pas de péché (comme un Louis de Gonzague) a l'oreille fine pour entendre la voix de l'Esprit ; mais lui aussi a l'impression que l'exigence le dépasse. Pour Marie, qui n'a pas le péché originel, elle n'a ni l'impression qu'elle correspond ni qu'elle ne correspond pas. "Voici la servante" ne s'oppose pas à "Ils me diront bienheureuse" : elle comprend les deux paroles dans l'Esprit (NB 6,413). 

 

204. Pouvoir entendre l’Esprit

Dans les monastères, il y a souvent un faux retour sur soi ; le souci angoissé de garder son cœur pur, de ne commettre de péché en aucun cas et, pour cette raison, de rechercher l’obscurité. Au lieu de ne regarder que le Seigneur, au lieu de regarder ce qu’il a en vue pour moi, non en considération de ce que je suis, mais en vue du royaume du Père. Vivre dans l’ouverture à Dieu afin qu’on puisse entendre l’Esprit. Le régulateur de l’écoute, c’est la confession. Souvent quand, dans la vie quotidienne, j’implore l’Esprit et qu’apparemment je ne suis pas exaucé, c’est un signe que je devrais me confesser pour pouvoir prier à nouveau à partir de la nudité de la confession. J’aurais alors une nouvelle chance de me dégager de moi-même (NB 10, n. 2149).

 

 

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7. L’Esprit Saint et le péché


 

205. L’Esprit au milieu des hommes pour leur enlever leur propension au péché

Bien que Dieu ait toujours su que l'homme allait pécher, il y a une blessure, une offense et une tristesse de Dieu ; ce que Dieu ressent du fait du péché a des conséquences pour l'Esprit : c'est comme si l'une de ses tâches essentielles désormais était d'enlever en quelque sorte l'offense faite au Père et au Fils par le péché, d'alléger la solitude du Père offensé en lui montrant que lui, l'Esprit, n'est pas insensible ; et cette participation veut dire ensuite aussitôt qu'il est prêt à agir au milieu des hommes pour enlever leur propension au péché (NB 6,558).

 

206. Le croyant reconnaît le péché par l’Esprit Saint

Sur terre, le croyant reconnaît le péché par l'Esprit Saint. C'est lui qui donne à l'homme la faculté de reconnaître comme péché tel acte précis de telle manière que l’homme reconnaît aussi en même temps tout ce qui l'entoure, ses développements, ses ramifications. Quand un homme commet un adultère, c'est un acte concret ; mais il a des rapports de tous côtés, des fils le relient à d'autres actes et à d'autres intentions, il a autour de lui une "sphère", il est en relation avec d'autres péchés. On ne perçoit pas tout cela avec la seule raison naturelle. Si on vit dans la grâce, l'Esprit Saint découvre tous ces rapports. D'une manière tout à fait objective. Il dévoile les faits. Il introduit dans la nature du péché, naturellement sans éveiller le moins du monde l'envie de le commettre (NB 3,101-102).

 

207. L'Esprit Saint montre à l’homme son péché

Le péché en tant qu'objet appartient à l'Esprit Saint. Il le montre à l'esprit de l'homme et le lui rend perceptible. Le Père voit l'ensemble du péché et il partage avec l'Esprit Saint le mystère du péché dans son objectivité. Quand l'Esprit montre le péché à l'homme, c'est que Dieu le Père lui a donné l'Esprit. Il fait cela pour que l'homme comprenne le péché. Cela, c'est le don du Père (NB 3, 110). 

 

208. L’Esprit Saint fait comprendre le péché

L'Esprit Saint est opposé au péché d'une manière élémentaire ; naturellement le péché est insupportable pour tout l'être de Dieu, mais il est quand même dressé de manière particulière contre l'Esprit ; de même aussi quand l'Esprit prend possession d'un homme, il lui fait comprendre avant tout l'aversion de Dieu pour le péché (NB 3,225).

 

209. Le péché et l’Esprit Saint

Il y a en l'homme quelque chose d'obscur qui s'intéresse au péché. Par le baptême quelque chose entre en lui qui s'intéresse au contraire du péché et ceci provient de l'Esprit (NB 6,84).

 

210. Notre péché nous empêche de sentir l’Esprit

Si le culte spirituel d'un saint régresse et se conjugue avec de la superstition (comme pour saint Antoine), c'est notre péché qui en est responsable : notre foi perd la faculté de sentir l'Esprit dans le tableau d'ensemble du saint. Si je sélectionne la qualité qui me manque pour la retrouver et la vénérer dans le saint, c'est moi que je prends pour mesure et non plus l'Esprit (NB 10, n. 2117).

 

211. La confession et la venue de l’Esprit Saint

Le Seigneur a institué la confession juste avant d'envoyer l'Esprit Saint à la Pentecôte. D'abord le baptême, puis la dernière Cène avec l’ordination sacerdotale, puis la confession, puis l'Esprit de la Pentecôte. Les apôtres devaient recevoir l'Esprit Saint par la confession. L'Esprit, certes, en a fait des saints. Auparavant ils suivaient sans doute le Seigneur, ils avaient fait des renoncements, mais l'un avait renié, l'autre avait douté, chacun avait ses manquements à la sainteté. De la sorte la confession est pour ainsi dire la condition pour recevoir l'Esprit Saint. Et toute confession, même pour les saints, est en quelque sorte orientée vers la venue de l'Esprit Saint, vers son retour, vers une nouvelle venue de l'Esprit Saint (NB 4,343).

 

212. Dans le sacrement du pardon, le prêtre doit laisser parler l’Esprit – L’Esprit donne au pécheur le discernement pour se repentir - L’Esprit sème quelque chose dans le pénitent et dans le prêtre

Dans le déroulement de la confession, le prêtre n'est pas là en tant que pécheur, mais en tant que chargé de ministère. Cependant il sait qu'il est pécheur. Cette pensée pourrait l'inciter, en écoutant la confession, à préparer son exhortation en utilisant les mesures de sa propre expérience humaine : il parlerait d'homme à homme comme quelqu'un de "compréhensif", au lieu de laisser parler l'Esprit. Dans le ministère, le discernement doit s'effectuer à partir de l'Esprit. Mais l'Esprit donne aussi au pécheur qui se confesse le discernement qui lui permet de se repentir. Pour l'administration des autres sacrements comme pour la confession, l'Esprit qui est dans celui qui administre le sacrement et l'Esprit qui est dans celui qui le reçoit doivent se rencontrer. Et de même que le prêtre reçoit l'Esprit non seulement comme personne mais aussi comme celui qui est chargé du ministère, de même le pénitent reçoit l'Esprit non seulement en tant qu'il est ce pécheur qui se repent, mais en même temps en tant que membre de l'Eglise. Il y a ici une correspondance entre l'Esprit du ministère et l'Esprit de l'appartenance à l'Eglise. Ces aspects de l'Esprit qui sont étroitement liés ne font plus qu'un au moment de l'absolution, l'Esprit quadruple s'avère être un seul Esprit : l'unité de l'Esprit retourne au ciel en emportant le discernement du pécheur pardonné, le discernement du prêtre qui absout et l'absolution donnée par Dieu Trinité, mais de telle manière que l'Esprit laisse ses signes aussi bien dans celui qui a été absous que dans le prêtre. Il se peut que le prêtre et le pénitent ne pourront plus reconstruire exactement ce qui s'est passé, car le souffle de l'Esprit a emporté quelque chose et il a semé dans les deux quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau, qui doit rester. Souvent le discernement est difficile pour le pénitent et pénible son chemin jusqu'au repentir. En raison de son ministère et de sa personne, le prêtre, par l'Esprit qui est en lui, est concerné plus ou moins par le pas qui est à faire. Il doit tirer profit pour lui-même du chemin que le pécheur parcourt. Un fruit qui correspond au fruit que l'absolution apporte au pénitent (NB 6,505-506).  

 

213. La confession pour être renouvelé par l’Esprit

Dans le sacrement de la réconciliation, le pénitent veut se remettre au Seigneur tel qu'il est pour être renouvelé par l'Esprit du Seigneur (NB 12, 160).

 

214. Éteindre l’Esprit

Notre condition de pécheur éprouve le besoin effrayant d'éteindre partout l'Esprit (NB 6,550-551).  

 

214. Le péché contre l’Esprit

Le plus grand péché, c’est celui contre l’Esprit, non contre le Père et le Fils. Comme si l’Esprit était justement si bon pour les pécheurs que le plus grand péché soit commis contre lui, qu’il soit pris comme l’objet du plus grand péché. Il serait moins grave de ne pas aimer Dieu (le Père) et d’outrager le Seigneur que justement l’Esprit. L’Esprit, comme nous le comprenons, est l’Esprit trinitaire. Le péché contre l’Esprit est toujours péché contre la Trinité. On ne peut se représenter l’Esprit qu’en relation avec le Père et le Fils. On peut pour ainsi dire offenser le Père isolément comme Créateur, le Seigneur comme frère. Mais le péché contre l’Esprit est le péché contre ce qu’il y a de saint en Dieu, contre la majesté elle-même de Dieu (NB 6,60).

 

215. L'enfer est le lieu du péché contre l'Esprit (NB 4,313).

 

216. Les hommes qui refusent l’Esprit

Une nuit, Adrienne se trouve à nouveau (par bilocation) auprès de beaucoup de gens qui ne veulent simplement pas l’Esprit, qui lui barrent tout accès ; ils ont établi eux-mêmes leur ligne et l’Esprit n’a pas le droit d’y toucher. Tout ce qu’il pourrait faire pour les stimuler, ils l’évitent, qu’ils reconnaissent ou non actuellement l’exigence de l’Esprit. La vision commence par un écolier et elle va jusqu’à un vieillard. En général, les hommes refusent l’Esprit plus rapidement que les femmes. Celles-ci s’ouvriraient souvent si elles trouvaient un soutien auprès de leur mari. Mais pour le mari, l’Esprit n’est qu’un hobby de sa femme, et il ironise (NB 9, n. 1807).  

 

217. Aujourd’hui l’image de l’Esprit est beaucoup plus brouillée que celle de l’eucharistie - Vouloir être plus malin que l’Esprit – Il y a un refus de l’Esprit – On peut étouffer l’Esprit

N’est-il pas vrai que dans l’Eglise d’aujourd’hui l’image de l’Esprit est beaucoup plus brouillée que celle de l’hostie. Celle-ci l’est indirectement par l’Esprit. Chacun se rétrécit et se refuse. Chacun veut être plus malin que l’Esprit. Et par ce refus de l’Esprit, tous les sacrements sont diminués. On le reconnaît peut-être de la manière la plus immédiate pour l’eucharistie parce que le Seigneur et l’Esprit forment ici pour notre intelligence une unité compréhensible. Car ce n’est que dans l’Esprit de Dieu que j’affirme que ce pain est la chair du Christ. Cet Esprit de Dieu, le Fils l’a insufflé dans l’Eglise hiérarchique et je dois me tenir à lui dans la foi. Mais naturellement si tous s’associent pour remplacer cet Esprit objectif par leur propre esprit subjectif, faible, pécheur, l’Esprit de l’Eglise sera toujours plus empêché d’agir : il étouffe (NB 4,423-424).

 

218. « Surtout ne jamais entrer en contact avec l’Esprit Saint ! »

Adrienne ne cesse de voir comment a priori l’esprit humain cherche “à se mettre en repos”, opposé à toute révélation. Il a le désir de s’établir, d’éviter toute inquiétude. Il était pensé – peut-être depuis la première fête de Pentecôte – comme une flamme. Capable donc d’être sans cesse animé par l’Esprit. Mais la flamme s’éteint par manque d’air, car l’esprit s’est isolé et l’Esprit Saint qui voudrait souffler ne peut plus animer le feu. On voyait comment les chrétiens acquièrent certaines vérités et certaines attitudes chrétiennes avec la volonté de ne pas faire un pas de plus. Et surtout de ne jamais entrer en contact avec l’Esprit Saint. De tout classer, aussi définitivement que des feuilles dans un herbier. De faire de l’évangile une collection de momies. Et cela avec des variantes infinies, toujours à l’intérieur de l’Église. Partout la foi se transforme en lettres, en cadre. Tout est réduit ; les boîtes où l’on approvisionne l’esprit sont fabriquées de la manière la plus uniforme possible. Dans toute l’Église il y a une incroyable peur du courant d’air, de tout air frais. Finalement on peut se contenter de quelques extraits de la Bible, tout le reste on le refuse. On fait partie de ceux qui disent : “Ils sont pleins de vin doux” (NB 9, n. 1987).  

 

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8. L’Esprit Saint et l’amour

 

219. L’Esprit et l‘amour

L’Esprit nous dit que nous sommes aimés et que nous avons le droit de rester dans l’amour, et l’amour, c’est Dieu (NB 10, n. 2219). 

 

220. L’Esprit est l’amour

L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils. L'Esprit est l'amour entre Dieu et l'homme dans le Christ, il est l'échange, le don de soi. Don que l'homme doit saisir et développer. L'amour est ce dont l'homme a le désir et le besoin aussi bien que ce que Dieu demande aux hommes. Pas un amour purement humain, mais un amour dans l'Esprit Saint, sous une forme qui ne cesse de jaillir et d'agir. L'homme doit vivre de cet amour, s'en nourrir ; mais cet amour porte en lui l'exigence de devenir à son tour, par ceux qui aiment, une nourriture pour les autres (NB 2,42).

 

221. Au ciel, l'Esprit d'amour

Les différences entre le ciel et la terre vont beaucoup plus loin que les relations de temps et d'espace, ils concernent surtout l'amour. Au ciel, l'Esprit d'amour souffle partout si bien qu'on ne peut pas lui échapper ; c'est l'Esprit de l'amour divin, un amour supérieur devant lequel la créature s'étonne sans cesse et qui stimule tous ses actes et toutes ses pensées. Ce que veut dire "voir Dieu" est compris plutôt dans le sens qu'au ciel l'amour vous inonde et vous touche si fort, vous accompagne et vous remplit tellement, que tout est entrepris et réalisé par lui, et que chaque sens est entraîné par lui (NB 6,72). 

 

222. En Dieu, l'échange d'amour est l'Esprit (NB 10, n. 2167).

 

223. Que l’esprit de l’homme soit ajusté à l’Esprit

L'Esprit Saint, en tant qu'échange d'amour, est témoin du silence entre la mort du Fils et sa résurrection (le silence du samedi saint) ; il doit témoigner au Père et au Fils : au Père le silence du Fils et au Fils le silence du Père. L’Esprit Saint garde aussi le mystère du samedi saint pour le transmettre aux hommes comme l'Eglise en a besoin. Son amour est si grand que cet amour ne réduit pas le mystère. Ce qu'il en transmet donne aux hommes et à leur foi un zèle nouveau pour accompagner le Seigneur, pour porter avec lui et pour comprendre. Avec l'intelligence, il donne aussi une vénération plus profonde et nouvelle. Les hommes deviennent dans leur propre esprit tellement ajustés à l'Esprit Saint qu'un tel approfondissement devient possible (NB 3, 338-339).

 

224. Parler en langues, c’est parler dans l’Esprit, c’est-à-dire dans l’amour

Parler en langues : il peut se faire une effusion soudaine de l’Esprit et tu parles en langues. Jusqu’à présent je t’avais toujours compris un tant soit peu, maintenant je ne comprends plus rien. Mais si je suis dans l’amour et si je sais que l’Esprit est amour, je sais aussi que le contenu de ce que tu dis est amour. Il se peut que je ne comprenne pas le mot isolé de telle manière que je puisse l’expliquer aux autres, mais malgré cela je comprends. Et si l’un parlait dans la septième langue, l’autre dans la neuvième, ils se comprendraient quand même. Adrienne entend des gens qui parlent en langues. Elle dit : mon oreille qui est de ce côté-ci n’a pas compris ce qu’ils disent. Mais ils ont exprimé en vérité et avec amour qu’ils sont dans l’amour et donc qu’ils sont dans l’Esprit Saint. Et chacun, s’il est dans l’Esprit, aime d’une manière personnelle qui est en même temps la manière de l’Esprit. Ce qui est personnel est ce qui n’est pas transmissible, donc ce qu’on ne peut pas généraliser, les "langues" sont toujours personnelles, mais dans la mesure où cette expression personnelle est une expression dans l’Esprit et de l’Esprit, on la comprend aussi dans l’Esprit, et cela veut dire : dans l’amour. La certitude que celui qui parle s’adresse à nous correspond à la manière dont celui-ci le fait, c’est-à-dire dans l’amour (NB 9, n. 1563). 

 

225. L'Esprit Saint donne l’ouverture aux autres

(Adrienne raconte ce qu'elle a vécu dans le ciel). Quand on arrive au ciel et qu'on découvre la vie céleste, on voit clairement que c'est le Fils incarné qui est au centre ; c'est à lui que se réfère toute l'atmosphère d'amour. Cette atmosphère et son mouvement font penser de loin aux choses qu'on a vécues sur terre. Quand on était enfant, on se sentait poussé par exemple à donner tout ce qu'on avait, à un autre enfant peut-être. Et on savait alors très bien que, derrière cet enfant étranger, c'était le monde entier qui était visé. Cet enfant avait une relation mystérieuse avec d'autres enfants, avec d'autres personnes, finalement avec le Seigneur et avec le Père du ciel. Et si maintenant on donnait "tout" à cet enfant, ou si on lui donnait simplement quelque chose, même si c'était peu, mais avec l'intention de se séparer de ce qu'on aimait le plus, alors soudain on avait part à une atmosphère générale d'ouverture aux autres. Il allait de soi pour ainsi dire que cette atmosphère atteignait le Père ; il y avait le commandement du Seigneur qu'on devait donner ses biens, par lui, avec lui, dans un mouvement vers le Père, le Père qui reste rempli de mystère. Quand on vit alors ces choses dans le ciel, on pense tout d'abord qu'il s'agit presque de participer à un jeu qu'on ne comprend pas, il est seulement demandé qu'on soit là et qu'on joue avec les autres. La question n'est pas du tout soulevée de savoir comment je peux être comme eux. La réponse est donnée à l'instant où on est là et où on participe. On comprend alors que c'est l'Esprit Saint qui donne cette atmosphère d'ouverture aux autres. Elle est personnifiée par le Fils, mais communiquée par l'Esprit ; et ensuite tout va vers le Père que nous ne voyons pas (NB 6,571-572).

 

226. Le Père nous envoie son Esprit pour qu’on l’aime avec son Esprit

Que fait un fiancé s’il aime plus sa fiancée qu’elle ne l’aime ? Il peut lui donner de son amour à lui afin qu’elle l’aime en retour avec son amour à lui. Il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d’elle en retour. Dieu peut faire de même : il m’envoie son Esprit et je l’aime en retour avec cet Esprit (NB 4,423-424).

 

227. L’Esprit et l’amour

Quand le Fils envoie l'Esprit, il l'envoie depuis l'éternité de Dieu Trinité comme Esprit d'amour. Il l'envoie dans un acte d'amour, mais celui qui est envoyé est en lui-même amour ; celui qui envoie et celui qui est envoyé sont un dans l'amour trinitaire. L'existence où l'Esprit entre comme envoyé reçoit la réalité de l'amour éternel. Là même où nous ne voyons pas l'Esprit, où nous ne pouvons pas le saisir, il est malgré tout l'amour ; par cette mission, nous sommes plongés dans l'atmosphère d'amour de l'Esprit. Nous pouvons alors essayer d'aimer cet amour invisible, de considérer notre existence visible comme insérée en lui, de comprendre notre existence comme enchâssée dans sa réalité englobante et non de comprendre l'Esprit comme une "propriété" complémentaire de notre existence. Par l'expérience de notre condition de pécheur nous pensons savoir surtout ce que c'est que de ne pas aimer ; par analogie, nous voyons l'existence dans l'Esprit comme le négatif d'un négatif : comme la volonté de ne pas pécher. Mais par là nous demeurons chrétiennement au-dessous du seuil. Avant même que se soit produit en nous l'abandon du péché, l'amour de l'Esprit était en nous. L'amour divin parfait, pur, c'est lui qui nous a saisis, ce n'est pas nous qui l'avons saisi (NB 10, n. 2147).

 

228. « J’aime ton Esprit »

D’une prière de saint Ambroise : « Père, je voudrais te recommander chaque jour mon ministère, mon travail. Père, reçois cette prière imparfaite ! Écoute-la, je voudrais l'avoir dite dans l'Esprit de ton Fils. Tu sais que je l'aime, que j'aime ton Esprit et que, par ton Fils, j'apprends également à t'aimer, toi aussi, toujours davantage » (NB 1/1, 407).

 

229. Aimer l'Esprit

Joachim de Flore. Il aime Dieu, Dieu Trinité, de toute sa force, il aime le monde et les hommes, il aime tout ce que Dieu opère dans l'histoire comme signe de sa toute-puissance, de sa présence et de sa bienveillance pour assister l'humanité et l'Eglise et en prendre soin. Il est désintéressé et il s'éduque continuellement à l'amour. Ce n’est pas par sa nature qu’il se sent très proche des hommes mais par son amour pour Dieu surtout pour le Fils et l'Esprit (NB 1/1, 79).  

 

230. Aimer l’Esprit - Chercher l’Esprit – Vivre selon l’Esprit -

Élisabeth de la Trinité. Sans doute porte-t-elle le nom de la Trinité mais, d'après sa vocation véritable, elle devrait s'appeler Élisabeth du Saint-Esprit. Elle se donne certes dans l'amour à Celui qui est devenu homme, elle veut le servir, souffrir avec lui et porter avec lui le péché du monde. Et pourtant, en lui, elle doit constamment aimer l'Esprit, chercher l'Esprit, pour saisir de l'Esprit tout ce qui est possible. Elle doit comprendre pour elle-même ce qui concerne l'Esprit et, par ce qu'elle comprend, initier d'autres personnes à la même compréhension. Bien sûr elle n'est pas en mesure d'éplucher toutes les fonctions de l'Esprit parce que finalement on ne peut pas non plus les isoler, mais elle doit essayer de le faire. S'y essayer non seulement dans sa méditation, mais aussi partout ailleurs : dans sa prière au chœur, dans toute sa vie. Elle doit exprimer ce qui est le propre de l'Esprit, vivre selon l'Esprit, comprendre selon l'Esprit. L'Esprit Saint veut, par elle, laisser dans le monde des traces qui rendent plus évidente son action dans les croyants et en ceux qui se donnent à lui (NB 2, 137-138).

 

231. Aimer l'Esprit Saint

Le Fils est ici-bas l'envoyé de Dieu Trinité. Dans son amour, il apporte aussi celui du Père et de l'Esprit, et il le partage également à ceux qui croient en lui de sorte que non seulement ils sont rendus capables, par le Fils, d'aimer avec lui le Père et l'Esprit, mais que le Père et l'Esprit leur donnent, dans l'amour du Fils, leur propre amour. Il y a donc dans notre amour du prochain non seulement quelque chose du Fils mais aussi quelque chose du Père et de l'Esprit. Ce qui est de l'Esprit dans notre amour, c'est notre volonté que notre prochain soit introduit dans la foi de l'Eglise, dans le baptême, dans toute cette norme que l'Esprit a façonnée pour tous les temps : la vie du Seigneur (NB 6,114).  

 

232. La meilleure manière d’aimer l’Esprit Saint

La meilleure manière d’aimer l'Esprit Saint, c'est de lui obéir. Plus on lui obéit, plus on ressent son amour. Il ne nous aimerait pas tant si on ne l'aimait pas lui-même de notre côté. Si on veut le recevoir comme il se donne lui-même, notre réponse à son amour n'a pas le droit de le fixer sur ce qu’on a en vue. On doit pour ainsi dire lui donner la permission de présumer notre réponse telle qu'il en a besoin. Puis on aime, on est aimé de lui, infiniment, parce que son amour est infini. Il peut faire de nous ce qu'il veut (NB 10, n. 2316).

 

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9. L’Esprit et la prière
 

233. Prier l’Esprit Saint

Parce que le Fils est devenu homme, on est tenté de s’adresser surtout à lui dans la prière comme si, du fait de son expérience du monde, il était plus à même de nous comprendre. Et quand arrive la fête de l’Esprit, il semble un peu pénible de devoir maintenant s’occuper surtout de lui, de lui confier notre prière. Mais dès qu’on le fait, on remarque que la difficulté qu’on redoutait n’existe pas. La prière est seulement devenue autre parce qu’on se sait maintenant enveloppé par l’Esprit. En s’approchant de lui, on se sent comme dorloté et protégé en lui. Il sait d’emblée ce qu’il faut dire dans la prière, pourquoi on le prie et, par son omniscience, il nous rend la prière facile. Mais cette prière à l’Esprit Saint a une particularité : plus que d’habitude on pressent la grandeur et l’immensité de Dieu ; on sait que ce qui nous est personnel et qu’on apporte trouve un écho, mais sur un plan qui se trouve très haut et qui inclut déjà les solutions et les connaît. On a l’impression d’apporter des vases vides et l’Esprit les remplit. On n’est pas en mesure d’observer le processus, mais il se fait. Les vases remplis, l’Esprit les prend avec lui et il les porte au Père et au Fils. Il joue le rôle de l’intermédiaire mystérieux qui nous enlève ce qui nous appartient. La question de savoir ce qu’il en fait ne se pose pas. Il se charge de la prière avec tout ce qui la rend plus difficile, plus incompréhensible, peut-être aussi plus problématique et, à la place, il nous offre l’assurance d’un échange vivant avec Dieu Trinité (NB 5,166-167).  

 

234. Prier l’Esprit Saint pour comprendre

Nous comprenons ce que, par son Esprit, le Père nous donne à comprendre ; mais l'Esprit ne nous donne l'intelligence que si nous l'en prions (NB 6,429).

 

235. On devrait prier davantage l’Esprit Saint

On devrait prier davantage l’Esprit Saint. On peut lire un livre religieux avec une totale indifférence et on ne sait plus guère ensuite ce qu’on a lu ; on n’a pas prié l’Esprit pour qu’il nous donne l’ouverture. Et pourtant l’Esprit est toujours là et prêt à montrer, il suffirait de prier et de frapper, de s’ouvrir à l’Esprit comme au guide qui connaît mieux que nous les rues de la ville et qui peut nous conduire en des lieux inattendus, à l’une ou l’autre perspective imprévue. Il y a un arrière-fond de l’âme qui ne peut être touché que par l’Esprit, et il est prêt à le faire ; c’est une propriété particulière de l’Esprit qui fait partie de sa personne (NB 10, n. 2050).  

 

236. Une relation singulière à l'Esprit Saint

Dom Marmion. Il prie comme un enfant et en même temps habilement. Comme un enfant, parce qu'il prie avec beaucoup de confiance et qu'il demande ce dont il a besoin pour son travail. Et habilement, parce qu'au fond il sait qu'on ne va pas le priver de recevoir ce qu'il demande. Cela lui donne une relation singulière à l'Esprit Saint : celle d'un accord réciproque. Il prie pour recevoir le nécessaire qui lui permet de pouvoir encore mieux prier et qui lui permet aussi d'introduire les autres à la prière (NB 1/1, 236).  

 

237. L’Esprit de prière

L’Esprit est surtout dans l’homme un Esprit de prière. C’est de la prière qu’il jaillit, qu’il crée l’échange et l’équilibre, qu’il offre la certitude sereine, le oui constant ; cela prend naissance dans la paix de la prière, dans l’isolement et la solitude (NB 10, n. 2219). 

 

238. Donne-moi ton Esprit

D’une prière de Saint Athanase : « Donne-moi ton Esprit de telle sorte qu'il ne profite pas qu'à moi-même, communique-le aussi à mes paroles, à mes écrits, à mes desseins, offre-le aussi à ceux qui ont affaire avec mon œuvre, qui se laissent fortifier par cette œuvre, qui doit être ton œuvre, et donne-le aussi particulièrement à ceux qui, par l’œuvre, doivent être détournés de leur hérésie. Père, répands ton Esprit trinitaire, donne-le à ton Église tout entière, donne-le à chaque croyant et à ceux également qui ne croient pas encore mais qui, par ta grâce, par la grâce de ton Fils, peuvent devenir des croyants » (NB 1/1, 397).  

 

239. Donne-moi de ton Esprit tout ce qui m’est nécessaire

D’une prière de saint Grégoire le Grand avant qu’il devienne pape : « Père, si c'est ta volonté que je sois élu, je te demande d'approfondir dès maintenant mon intelligence, donne-moi de te servir dès maintenant beaucoup mieux que par le passé, d'avoir dès maintenant tellement part à ton Esprit que j'accomplisse en tous points ta volonté, pas à pas, dans le temps qui précède l'élection comme aux jours de l'élection et que rien de ta volonté ne soit par moi empêché, déformé ou altéré de quelque manière que ce soit... Je t'en prie, Père, éclaire-moi, donne-moi de ton Esprit tout ce qui est nécessaire pour exercer ce ministère difficile, si réellement il devait m'être confié » (NB 1/1, 417). 

 

240. Donne-moi ton Esprit – Beaucoup, beaucoup pour que je puisse le donner à ceux qui en ont besoin - Donne-nous à tous la vérité de ton Esprit Saint

(Prière d'Adrienne à 19-20 ans dans l'église du Saint-Esprit) : «  Mon Dieu, je t'en prie, aie pitié de nous tous. Tu vois que nous avons tant de mal à te comprendre. Quand j'étais petite, tu étais tout proche, mais maintenant tu es souvent très loin. C'est peut-être de ma faute. Je t'en prie, mon Dieu, enlève de moi tout ce qui n'est pas à toi, arrache-le et mets à la place tout ce que tu veux. Et donne-moi ton Esprit. Donne-m'en beaucoup, beaucoup, tellement que je puisse le donner à tous ceux qui en ont besoin. Tellement que je ne puisse plus le contenir ni le comprendre, tellement, mon Dieu, que je puisse devenir une de tes saintes. Tu sais, je ne sais pas ce que je dis, mais quand même ! Quand même ! Et puis je voudrais que tu me montres le véritable chemin, dès aujourd'hui. C'est si pénible de toujours attendre. Je veux bien faire ce qui est pénible, mais je voudrais aussi que ce soit vrai. Donne-nous à tous la vérité de ton Esprit Saint. Amen » (NB 7,66-67).  

 

241. L’Esprit illumine ceux qui prient

L’Esprit illumine ceux qui prient afin qu’ils rayonnent eux-mêmes l’Esprit (NB 10, n. 2285).

 

242. Interroger davantage l’Esprit Saint

La disponibilité propre à l’Esprit Saint est comparable à l’attitude du curé dans une ville : il est là et dans l’attente pour le cas où quelqu’un aurait besoin de lui. Pour chaque croyant, l’Esprit se tient dans une disponibilité de ce genre, prêt à lui donner plus que ce que le croyant tient pour possible. Et à vrai dire toujours plus. Quelqu’un pense : cette ville, je peux bien la visiter tout seul, j’ai un plan. Mais il décide finalement de prendre un guide, et celui-ci lui dit dès le début un tas de choses qu’il n’aurait pas remarquées lui-même. Par ce que dit le guide, on est encouragé à lui poser davantage de questions. C’est la caractéristique de l’Esprit de s’engager davantage si on l’interroge davantage. Nous devrions être beaucoup plus attentifs à poser des questions, car toutes les réponses sont prêtes dans l’Esprit. Il y a surtout la possibilité d’éveiller dans l’Esprit Saint les questions qui sommeillent en nous. Dans le peuple croyant, la plupart des gens n’ont plus guère aujourd’hui de vraies questions, du moins des questions qui concernent la foi. On possède sa foi casée quelque part et on est content. Si on l’explorait, la plus grande partie en serait peut-être de la superstition. Les occasions qu’offre l’Esprit, on les laisse filer sans les utiliser (NB 10, n. 2050).

 

243. La prière de l’homme est la preuve que l'Esprit de Dieu habite en lui

« Prends, Seigneur, tout ce que j'ai et possède ». Dans l'Esprit, je sais exactement que mes actes sont marqués par l'Esprit si je suis dans la main de Dieu. Mon être est un être en Dieu, l'être de Dieu en moi l'emporte sur ce que je suis. C'est ainsi que je dois faire attention avant tout à ce qui en moi est de Dieu. Je n'ai pas le droit d'étouffer un mouvement dont je sais qu'il provient de l'Esprit de Dieu ; et quand je rends à l'Esprit ce mouvement, cela revient à lui demander de bien vouloir me montrer ce qui en moi provient de lui : « Tu me l'as donné, je te le rends, tout est tien, disposes-en selon ton entière volonté ». Il est donc à toi parce que tu es en moi plus que moi, parce que tu es le Seigneur et moi le serviteur, parce que tu es le guide et moi le dirigé. Je te le rends parce que je sais que, sous ta conduite, cela peut devenir ce que tu as l'intention d'en faire. Après te l'avoir rendu, je ne suis pas sans volonté, je continuerai à vouloir et à décider, mais c'est toi qui as gagné la direction de tout. « Donne-moi ton amour et ta grâce, cela me suffit ». Sans la grâce et l'amour, je ne peux pas vivre pour toi. Ce n'est qu'avec ton amour et ta grâce que je peux rester dans la prière. La grâce et l'amour sont l'expression de ce que Dieu Trinité peut donner à l'homme pour qu'il reste fidèle dans sa prière et pour que celle-ci ne devienne pas une production devant Dieu, quelque chose qui repousse Dieu toujours plus loin, mais quelque chose qui demeure uni à l'Esprit Saint. Rester ainsi dans l'unité de l'Esprit est toute la richesse de l'homme, et la prière est la preuve que l'Esprit de Dieu habite en lui (NB 11, 39).

 

244. Une prière ouverte à l’Esprit

Parce que la conduite de l'Esprit le donne toujours lui-même - il est celui qui souffle, qui ne cesse de procéder, qui ne s'arrête jamais, qui est dynamique -, cette conduite donne beaucoup de prière. Il ne s'agit pas tellement de nos intentions de prière ni de la sorte de prière que nous pratiquons. Ce doit être une prière de la plus grande proximité possible avec Dieu. Une prière qui laisse faire, qui se tient ouverte, si bien que l'Esprit peut y souffler partout. Une prière qui s'offre, une prière de disponibilité qui est presque sans objet (NB 6,436-437).

 

245. Prier dans l’Esprit

Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans le sens et dans la plénitude de l'Esprit, et quand nous répétons ses paroles – dans le Notre Père par exemple -, nous les disons parfois dans l'Esprit, mais très souvent seulement selon la lettre : nous réduisons tout un édifice à un seul point. De là découle la nécessité absolue de la méditation dans la prière et dans toutes nos relations avec la Parole de l'Écriture sainte : elle ne peut être comprise dans la foi qu'avec sa dimension d'inspiration (NB 6,550-551).

 

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10. L’Esprit et la connaissance

 

246. Devant ton Fils et devant ton Esprit pour te demander la connaissance

D’une prière d’Origène : « Père, je me tiens devant toi, devant ton Fils et devant ton Esprit, comme chaque jour. Toujours pour te demander la connaissance et ton aide. Tu le sais, je ne prie pas pour donner à mon œuvre plus de gloire, pour accroître ma renommée. Ma prière fait partie de mon adoration. Je voudrais te glorifier. Je voudrais te servir. Et plus le temps passe, et plus je pense saisir quelque chose de tes mystères, plus je sais profondément et intensément que tes mystères grandissent chaque fois qu'on s'en approche, que tout ce que je pense comprendre ne demeure toujours qu'un commencement » (NB 1/1,392).

 

247. Interpréter la parole du Seigneur dans son Esprit

Celui qui, dans l’Église, interprète la Parole du Seigneur dans son Esprit est fécondé par le Seigneur. Et, surtout s'il est prêtre, il transmet de manière féconde ce qu'il a reçu (NB 4,382).

 

248. Par l’Esprit du Fils nous apprenons à connaître le Père

Par l’Esprit du Fils nous apprenons à connaître le Père et nous devenons plus aptes à le voir. Et plus quelqu’un a cet Esprit du Fils, qui est l’Esprit d’amour, plus il est capable de décrire et de montrer le visage intérieur du Père tel que le Fils le voit, et plus il le comprend. On voit alors le Père non seulement dans le Fils, par le Fils, mais aussi en lui-même. Mais c’est le Fils qui nous a procuré cette vision. Il nous apprend à le regarder comme on apprend par un ami à connaître intimement son ami à lui et qu’on en reçoit l’intelligence (NB 9, n. 1913).  

 

249. L’Esprit nous fait comprendre

Prière de sainte Angèle de Foligno (+ 1309) : « Seigneur, ta première épouse fut Marie : elle a pu te porter à la fois comme mère et comme épouse. Tu as habité en elle. Et maintenant, Seigneur, que tu es venu à nous dans l'eucharistie, tu habites en nous comme si nous étions tes mères et tes épouses. Dans l'Esprit qui nous fait comprendre que tu es vraiment présent dans l'hostie, tu te laisses recevoir par nous comme ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l'Esprit » (NB 1/1, 451-452). 

 

250. Donne-moi l'Esprit pour que je comprenne ce que tu désires

D’une prière de saint Ignace de Loyola à Manrèse : « Notre Seigneur, je ne vois pas bien où tu veux te servir de nous, nous qui nous tenons prêts dans la nouvelle Compagnie, dont je ne sais encore qu'une chose, c'est qu'elle viendra, mais dont je ne sais pas encore comment elle devra être. Donne-moi, je t'en prie, l'Esprit pour que je comprenne ce que tu désires, donne ton Esprit à ceux qui viennent »  (NB 1/1, 466).

 

251. Une révélation rayonnante de l’Esprit Saint

Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. C'est pourquoi il mène inlassablement du centre à une périphérie pour enrichir le centre. Il le fait aussi tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession ; il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

252. L’Esprit Saint et la mystique

Tout au long des siècles de l'histoire de l’Église, l’Esprit Saint plonge de nouveaux élus (les mystiques) dans le contenu et les événements originels de la Révélation pour vivifier et approfondir par eux la foi de l’Église dans son ensemble (HUvB dans NB 5,11).

 

253. L'Esprit Saint et le mystique

Si l'Esprit Saint est le témoin d'une vision qu'il procure, il est aussi le garant de l'état d'esprit de celui qui fait l’expérience de la vision et il lui donne l'ampleur qui correspond au dessein de la vision. Le mystique est certes déterminé par les circonstances de sa vie, par son âge, par ses expériences ; mais ce dont il a besoin pour correspondre à la vision en tant que croyant, il le reçoit de l'Esprit Saint. Celui-ci lui donne la joie, la tristesse, l'effroi, etc., qui correspondent à ce qui est vu, il lui donne en tout cas la possibilité de suivre de manière adéquate. Si, pour une raison ou pour une autre, des années plus tard la même vision lui est redonnée, l'Esprit veille à nouveau à ce que le voyant corresponde ; il peut se faire que la manière dont il doit correspondre soit tellement identique à celle d'autrefois que tout ce qui se trouve entre deux – les expériences spirituelles, la maturation, l'âge, les modifications des circonstances extérieures – semble effacé. Le temps intermédiaire s'est tellement évanoui que l'expérience d'aujourd'hui coïncide avec celle qui a eu lieu dix ans plus tôt, la durée est réduite à une seconde et elle donne le sens de la nature de l'éternité (NB 5,202). 

 

254. La mystique, inspiration de l’Esprit

La mystique est donnée à certains croyants un peu comme le Père a envoyé son Fils unique dans le monde : il sort du Père, vient dans le monde et retourne au Père à l’Ascension. Ce parcours du Fils ne se termine pas sans s’ouvrir sur un second circuit : l’envoi de l’Esprit sur l’Église en tant que tout. La Pentecôte et le miracle des langues sont sans aucun doute un événement mystique qui concerne toute l’Eglise : par lui, l’Église en tant que telle est reliée au ciel de manière nouvelle, elle est en quelque sorte habilitée, en tant que tout, à recevoir la mystique (ou l’inspiration de l’Esprit). A l’avenir donc celui qui reçoit une grâce mystique dans l’Église ne sera plus simplement quelqu’un d’isolé, car l’Église, en tant que tout, possède depuis la Pentecôte la faculté de recevoir ce genre de grâce (NB 5,74).  

 

255. L’Église stimulée par l’intelligence de l’Esprit Saint

L’homme ne pourra jamais évaluer ce que Dieu le Fils a laissé au ciel quand il est devenu homme, en quoi consistait son abaissement, à quoi il a renoncé. Mais de considérer les grâces mystiques qui ont été dispensées plus tard permet de découvrir des domaines toujours nouveaux, de saisir des points de vue nouveaux qui donnent un nouveau relief à ce qu’il y avait de sacrifice dans la vie du Christ. L’Église ne sombre pas, mais elle subit bien des dommages. La vie mystique est là pour y remédier : avec une plénitude qui correspond à la plénitude débordante des dons du Seigneur, avec une intelligence qui ne cesse d’être stimulée par l’intelligence de l’Esprit Saint. L’Église a besoin de nouvelles sources de vie et, parce qu’elle est là pour les hommes, elle reçoit du ciel cette vie non seulement d’une manière invisible et insaisissable, mais aussi de telle sorte que les croyants peuvent voir quelque chose de son origine céleste. Car les chrétiens eux-mêmes doivent porter du fruit dans cette vie, s’offrir en sacrifice avec le Seigneur, coopérer aussi à ses miracles, ils doivent sentir que la force de Dieu les soutient, que des forces qui sortent d’eux entrent aussi dans l’Église afin qu’elle se révèle être vivante selon la mission qu’elle a reçue du Seigneur (NB 5,74-75).

 

256. L’Esprit Saint dans le mystique pour vivifier la foi de l’Église

L’essentiel sur le Thabor, c’est la transfiguration du Seigneur lui-même. Les prophètes ne constituent que l’arrière-plan, ils ne sont qu’un petit aperçu du domaine de la puissance du Seigneur et, dans sa transfiguration, il s’élève bien au-dessus de ce domaine. Lui qui est venu du ciel sur la terre, il élève maintenant les croyants de la terre au ciel par sa splendeur. Et l’événement unique, mystique, dont ils font ici l’expérience, ne doit plus les laisser en paix par la suite. – Tout mystique est captivé un certain temps par ce qu’il voit et entend de l’au-delà et, comme les apôtres, il veut rester dans les hauteurs. Mais s’il ne veut pas porter préjudice à sa mission mystique, il ne doit pas oublier que le Seigneur est le centre de toute vision chrétienne, que la sphère surnaturelle du Seigneur constitue le principal et que l’apparition des prophètes était peut-être surtout une concession à la compréhension limitée des disciples. Tout ce qui apparaît à la lisière est fait pour renvoyer au centre, Jésus Christ, tout tableau est fait pour glorifier le Père par le Fils et pour assurer à l’Esprit Saint dans l’esprit du mystique une place nouvelle à partir de laquelle il veut vivifier la foi de l’ensemble de l’Eglise (NB 5,85). 

 

257. Comprendre l'Esprit

La compréhension de l'Esprit n'est possible que dans l'amour du Fils : cet amour est le miroir dans lequel on comprend ce qui est juste et ce qui est mauvais. Le manque de compréhension est dans le domaine chrétien un manque d'amour parce que le Fils et l'Esprit se rencontrent sans arrêt dans le chrétien pour engendrer et féconder, de même que sans arrêt ils sortent du Père. C'est ainsi que la Trinité vit en chaque baptisé ; l'Esprit le ramène au Père par le Fils. Et de même que le Père a en lui le Fils et l'Esprit, de même le pécheur converti est visité par le Fils et par l'Esprit. Mais le Fils qui voit dans le pécheur et dans le baptisé l'Esprit sous une certaine forme, voit aussi le même Esprit dans le Père ; l'Esprit est ainsi pour le Fils l'exigence d'assumer la mission de conduire l'homme au Père. Cette double habitation de l'Esprit divin, dans le Père et dans les hommes, est pour le Fils comme un parallèle ou un reflet de sa propre divino-humanité ; le Fils voit en l'homme une recherche de Dieu qui n'a pas encore abouti, il voit en Dieu la recherche de l'homme. Lui, le Fils, connaît la réponse des deux côtés, puisqu'il réalise par amour l'unité Dieu-homme. Mais pour cela il a besoin à nouveau de l'Esprit, pas tellement comme le sien, mais comme l'Esprit qui demeure en Dieu et dans les hommes (NB 6,94).  

 

258. Chercher à comprendre l’Esprit

Jeanne de Chantal : elle doit se tenir devant l'Esprit avec le Seigneur, elle doit chercher à comprendre l'Esprit Saint, non l'Esprit "objectif" qui s’est donné au Christ comme étant sa règle, mais l'Esprit en tant qu'exigence personnelle de sainteté à la suite du Christ… Prêter l'oreille avec l'Esprit à la règle de l'Esprit (NB 2,135-136).

 

259. Mieux comprendre l’Esprit

Saint Charles Borromée : il doit se tenir à la disposition de l'Esprit pour apprendre le mystère. L'apprendre non comme ce qu'on ne peut pas apprendre, comme l'incompréhensible, mais comme ce en quoi on vit et qui alors se révèle autant qu'il lui plaît et garde en réserve ce qu'il veut. L’Esprit tient Charles dans une si stricte obéissance que celle-ci lui permet de mieux comprendre l'Esprit qui l’a saisi. C'est par l'Esprit qu'il répond à l'appel du Seigneur, c'est dans l'Esprit qu'il le suit (NB 2,147).

 

260. On peut dire moins de choses sur l’Esprit que sur le Fils

Parce que le Fils est devenu homme, on peut dire sur lui beaucoup plus de choses que sur l’Esprit et le Père parce qu’on peut y mettre toute la terre (NB 9, n. 1714).

 

261. L'intelligence des dons de l'Esprit

Veille de la Trinité 1945. Adrienne est profondément dans le trou. Elle voit partout ce qu’il y a de négatif dans les hommes qui devraient être remplis de la Trinité. Chaque homme porte en lui une sorte de schéma de la vie trinitaire : sa manière particulière de participer à ce mystère. Chez les uns c’est la vie dans le Fils, chez d’autres l’amour particulier pour le Père, chez d’autres l’intelligence des dons de l’Esprit, mais toujours ce qui est particulier débouche sur le trinitaire qui englobe tout. Et partout Adrienne voit que ce tracé n’est pas réalisé (NB 9, n. 1311).  

 

 

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11. L‘Esprit et l’Église


 

262. L’Esprit sur l’Église, l’Esprit sur le monde

Du ciel, le Fils envoie l’Esprit sur l’Église... Le Fils envoie l’Esprit sur le monde (NB 10, n. 2183).

 

263. L’Esprit anime le monde

Dieu le Père crée le monde, Dieu le Fils le rachète, Dieu l'Esprit l'anime. Il s’agit pour l’homme de saisir l'Esprit qui souffle, de chercher à happer l'Esprit avec le caractère vivant qui est le sien (NB 2,59).

 

264. L’Église et l’Esprit

La grande et fatale erreur de l'Eglise aujourd'hui est de penser qu'on peut enfermer l'Esprit Saint et pour ainsi dire l'emprisonner. Tous les chrétiens sont fécondés un jour ou l'autre par l'Esprit Saint, mais il ne leur est pas permis de se replier sur ce fruit. L'Esprit a des modes de fécondation que nous ne connaissons pas. Ce qui est sûr, c'est que ses fruits mûrissent pour la vie éternelle, c'est pourquoi ici-bas on ne peut jamais les connaître définitivement (NB 6,162).  

 

265. L’Esprit agit dans l’Eglise

C'est dans l'Esprit que le Seigneur choisit son Église comme Épouse. Afin qu'elle puisse l'être, elle doit être un seul Esprit avec lui. Il doit par conséquent la faire participer sans réserve à son Esprit divin. Dans le Fils, l'Esprit a pu tout faire. Naturellement un être humain est lié aux limites de sa nature, son quotidien est fait pour l'essentiel d'actes mesurables, limités. Mais si cet homme est Dieu et que l'Esprit de Dieu le conduit, ses actes limités reçoivent une justesse non seulement humaine, mais divine. Cette mesure du Fils de l'homme est maintenant offerte à l’Église et lui est appliquée. C'est une mesure humaine qui pourtant, par l'Esprit, reçoit continuellement part à la justesse divine. L'ouverture de son action humaine à son action divine, qui opérait visiblement dans les miracles du Seigneur, peut aussi devenir visible pour l’Église dans les miracles des saints. De même que le Fils est devenu homme pour rendre témoignage au Père, de même l'Esprit agit dans l’Église pour rendre témoignage au Fils. La force d'expansion de l'Esprit ne doit pas détruire l’Église, mais elle doit être suffisamment forte pour faire grandir sans cesse l’Église d'une manière nouvelle vers le Seigneur, suffisamment claire aussi pour qu'on voie à l'œuvre en elle la force de l'Esprit et non la force des hommes (NB 6,419-420).

 

266. Le Fils remplit l’Église de son Esprit

Après la Passion, le Fils va former son Église en la remplissant de son Esprit. Mais comme Marie, elle doit apporter sa contribution. En Marie, est préfiguré le mouvement de l'Esprit ; elle doit faire quelque chose pour se soumettre à l'Esprit, pour le comprendre et le laisser faire. A aucun instant, l'Esprit ne continuerait à travailler en Marie si son oui ne continuait pas constamment à se faire entendre. De même l’Église : elle doit constamment dire oui à l'Esprit et essayer de répondre à ses instructions (NB 6,422).

 

267. L’Esprit sait pour chaque époque de l’Église ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu

Les esprits des différents ordres s’appuient pour ainsi dire sur une parole isolée de l’Écriture : pour saint François, c’est la pauvreté évangélique ; pour un autre ordre, c’est l’adoration en esprit et en vérité ; un autre ordre voit comme central dans la Parole l'envoi et la prédication ; « Veillez et priez » conduit à la contemplation ; « Allez et proclamez » conduit à l'action ; « Suis-moi » unit les deux. On peut d'une part se concentrer sur un mot, d'autre part développer, à partir d'un mot, beaucoup de possibilités. L'essentiel en tout cela est que l'Esprit - en tant que gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture - sait pour chaque époque de l’Église et du monde créé ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu, et qu'il inspire en même temps un nouvel accès visible à la vie trinitaire sous la forme d'une règle nouvelle (NB 6,548-549).

 

268. Ce que l'Esprit inspire dans l’Église - Dans l’Église, l’Esprit est à l’œuvre de manière vivante – Dire la Parole comme le requiert l’Esprit

L’Écriture de la nouvelle Alliance est là pour montrer que l'Esprit est toujours vivant et que le Fils vit toujours en lui. Elle est un signe que le Fils continue à agir sur terre. Quelque chose d'analogue vaut ensuite pour tout ce que l'Esprit inspire dans l'Eglise : les Pères de l'Eglise, les saints et leurs enseignements et leurs missions, etc. Tout cela est un prolongement de l’Écriture dans la mesure où l'Esprit est à l’œuvre de manière vivante. La réception de l'enseignement des saints par l'Eglise est un signe qu'elle reconnaît que l'Esprit est vivant. L’Évangile lui-même n'est pas seulement un récit de faits, il est en même temps un enseignement vivant, il a part à l'Esprit Saint. La parole que le Seigneur a dite parle, mais comme l'Esprit, dans l’Église, l'a entendue et reçue. Et ici la Parole est une fois encore confiée à chacun, comme l'enfant à sa mère. D'abord pour que la Parole soit aimée et ensuite pour qu'on la transmette en aimant. Elle est confiée au prédicateur, au théologien. Et il est tout à fait juste que celui qui expose la Parole dans la chaire se laisse porter et inspirer lui-même par la Parole. Il est quelqu'un qui est "grisé" d'une manière purement objective. Il peut "parler en langues" s'il laisse la Parole le dominer et s'il la dit comme le requiert l'Esprit. Les saints sont essentiellement des inspirés (NB 1/2, 242).

 

269. L’Esprit conduit l’Église - Sous le souffle de l'Esprit, du nouveau est possible – Davantage de disponibilité à l’Esprit

Comme pour Marie, l'Esprit est dans l’Église à la première et à la dernière place : le oui de l'Esprit doit pénétrer la structure ministérielle et y trouver son expression ; mais dès que la structure reçoit l'Esprit, elle ne cherche plus qu'une chose : porter l'Esprit au monde. De même qu'on n'aurait pas le Christ sans le corps de Marie, de même on n'aurait pas l’Église sans le ministère ; mais les deux ne peuvent pas être isolés, ils n'ont pas leur but en eux-mêmes, ils sont fécondés par l'Esprit et ils doivent à leur tour aider à obtenir l'Esprit. Une fois que Marie est devenue enceinte corporellement, elle n'a pas cessé de dire oui. Elle est prête à aller aussi loin que Dieu le veut ; sa mission la conduira beaucoup plus loin qu'elle pouvait l'imaginer. L’Église n'a pas davantage le droit de se contenter de ce qu'elle a déjà atteint, de prendre ses conciles et ses définitions pour un point final. Pour l'Esprit qui conduit l'Église, ils sont des occasions d'ouvrir du nouveau plutôt que d'enclore le passé. L'Esprit qui a couvert Marie de son ombre, corporellement et spirituellement, crée et trouve en elle des fonctions, toutes sortes de points de départ pour de nouvelle missions. Sous le souffle de l'Esprit, du nouveau est possible : sa relation à Élisabeth, aux voisins, aux apôtres, à Jean, etc. Déjà dans sa grossesse il y a quantité de situations significatives. Ici aussi Marie est l'archétype de l'Eglise. Il va de soi qu'à partir de sa seule fonction d'être l’Épouse du Seigneur des milliers de ministères et de tâches divers peuvent se réaliser, des milliers de situations et de relations au monde dont les unes se répètent, dont les autres renaissent au cours des âges ; mais toutes sont animées par l'Esprit, et même modelées par lui. Il n'est pas nécessaire que quelque chose d'unique qui a pu exister dans le souffle de l'Esprit soit "éternisé" par des définitions et d'autres principes, cela irait aussi autrement. Pour Marie, il en fut autrement. Il suffit que l'Esprit découvre des aspects et crée des relations qu'il peut rendre féconds. Ils n'ont pas besoin non plus d'être fixés, ce qui peut-être empêcherait d'autres relations futures de s'installer. S'il y avait dans l'Eglise plus de disponibilité à l'Esprit Saint, on pourrait éviter beaucoup d'immobilisations (NB 6,423-424). 

 

270. L’irruption de l’Esprit dans la vie des saints

Pour les saints, la grande apparition de l’Esprit dans leur vie, c’est quand ils reconnaissent le Fils en correspondant à la mission que Dieu leur donne. Leur manière particulière d’être façonnés pour le Seigneur leur est donnée par Dieu comme une esquisse de leur mission (NB 4,172).  

 

271. L’Esprit Saint et les saints – Aider les hommes à saisir l’Esprit – Ceux qui n’honorent pas suffisamment l’Esprit - Chercher à saisir l’Esprit – La musique de l’Esprit

Certains types de saints sont totalement marqués par l’Esprit ; leur sainteté provient de ce qui relève de l’Esprit, ils ont des illuminations de l’Esprit. En tant que chrétiens, ils ont peut-être bien du mal à aimer leur prochain. L’Esprit les travaille, ils sont obligés de s’occuper constamment des questions de l’Esprit. Tout ce qu’ils formulent doit contribuer à aider les hommes à saisir l’Esprit. Il est difficile pour eux de voir dans leur prochain les frères du Seigneur ; ils les voient plutôt comme ceux qui n’honorent pas suffisamment l’Esprit. Leur perfection consiste en ce qu’ils cherchent à saisir l’Esprit aussi purement que possible. Saint Bernard connaît des périodes où c’est le Fils qui prédomine, puis c’est à nouveau l’Esprit. Saint Grégoire de Nazianze est marqué par l’Esprit, mais pas autant que saint Augustin. Origène est fortement marqué par le Père et par l’Esprit. Le Père est pour lui le feu insaisissable et dévorant, ou bien il ressemble à une musique lointaine dont on saisit quelques mesures qui nous saisissent et nous fascinent, mais dont l’ensemble nous reste inaccessible. L’Esprit est pour lui comme une autre musique qui lui rappelle d’une certaine manière cette première musique lointaine, comme un déjà-vu ; il est en mesure reproduire un mouvement de la musique de l’Esprit alors qu’il ne se hasarderait pas à reproduire un mouvement de celle du Père (NB 5,158-159).  

 

272. Esprit Saint et confirmation – L’Esprit descend sur l’Église

La confirmation a certaines conditions qui sont basées en tout cas sur la résurrection. Sur la croix, le Fils fut dépouillé de tout, jusqu’au plus intime, et même de son Esprit. Quand il ressuscite, le Père, avec sa présence, lui rend aussi l’Esprit, il lui rend aussi la présence des hommes et celle de sa mission qui est devenue maintenant accomplissement pur et parfait de toutes les promesses du Père. De même, la confirmation est aussi le sacrement de l’achèvement. Ce qui a été donné et promis au baptême est achevé, est touché et transformé par le centre, est nouveau. Tout ce qui, dans l’âme du croyant, était encore caché ou ne se faisait connaître qu’avec hésitation, est maintenant là en plénitude pour être utilisé consciemment et d’une manière responsable. Le chrétien devient libre pour l’apostolat, pour suivre le Christ, pour vivre avec sérieux la vie de foi. Cette liberté est basée sur le fait que le Fils a été touché puissamment par le Père lors de la résurrection et elle s’achève par l’envoi de l’Esprit Saint. L’Esprit qui descend sur l’Église, confirme le croyant et l’élève au-dessus de son état antérieur, est le même qui fut le témoin de la résurrection, il est le même qui a opéré le parfait échange d’amour entre le Père et le Fils dans l’événement de la résurrection (NB 5,143-144).

 

273. Par l’eucharistie, l’Esprit porte le Fils partout dans l’Eglise

De même que le Seigneur se trouve en même temps d’une manière déconcertante dans toutes les églises où la communion est distribuée, où aussi l’hostie consacrée est conservée, de même il demeure aussi en toute âme où il lui plaît de demeurer. L’Esprit qui souffle où il veut peut le porter partout où il désire se trouver, tout comme il l’a porté dans le sein de la Mère (NB 5,136). 

 

274. L’Église doit sans cesse se laisser guider par l’Esprit

L’Église dans son ensemble devrait vivre en constante solidarité avec l'Esprit supra-temporel. Elle n'a pas le droit de s'obstiner dans ses points de vue terrestres, elle doit se laisser sans cesse transporter par l'Esprit dans son point de vue éternel où là seulement elle est dans la vérité. Elle n'est aucunement en mesure de repousser pour le temps après la mort ou après le jugement le point de vue éternel de l'Esprit. Personne n'est maître du temps de l'Esprit, l’Église non plus. Elle n'est pas en mesure de le manipuler, de tabler sur lui comme sur un fait intemporel. Elle ne doit cesser de se laisser transporter à nouveau par l'Esprit dans son point de vue, en toute confiance et dans la foi. En remplissant son office et en donnant des ordres, elle réapprend, par l'obéissance des croyants, ce que veut dire obéir à l'Esprit. Elle doit aussi – sans porter préjudice à la vérité ministérielle qui lui est assurée – constamment passer de sa vérité à la vérité de l'Esprit, se laisser vraiment convaincre de la contre-vérité où elle tombe quand elle s’obstine dans ses privilèges d'inspiration et oublie de se donner elle-même à l'Esprit. Elle doit vivre en se dépassant constamment elle-même (NB 11,261).

 

275. L’Église porte l’Esprit

Quand le Fils incarné crée son Épouse, l'Eglise, il lui donne la même qualité que possédait Marie en tant qu'épouse de l'Esprit quand elle se laissa couvrir de son ombre : elle était porteuse de l'Esprit. L’Église porte l'Esprit de manière féconde comme Marie l'avait reçu de manière féconde (NB 6,442).

 

276. L’Esprit Saint ne passe pas : il était là du temps des prophètes comme il est là au temps de l’Église

Pour le Fils, l'ancienne Alliance est comme un aide-mémoire qui l'exhorte. Jusqu'à la fin il accomplira l’Écriture, il fera les signes attendus par elle, il se conduira d'après les dits des prophètes, selon l'Esprit qui habite en lui comme dans les prophètes. Vis-à-vis du Père comme vis-à-vis de l'ancienne Alliance, il reste celui qu'il est : l'Homme-Dieu qui veut sauver le monde et qui a choisi la voie de l'incarnation en sachant que, dans cette voie, sont contenues aussi bien les promesses de l'ancienne Alliance que toutes les attentes du Père. Mais, dans sa propre promesse, il fera revivre les prophéties de l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement être reconnu en accomplissant la parole, il veut aussi montrer que l'Esprit Saint ne passe pas : ce qui était vrai dans l'ancienne Alliance le reste dans la nouvelle et pour tous les temps. Et pour le montrer aussi clairement que possible, il donne aussi aux siens l'Esprit de prophétie : les formes de possession de l'Esprit au temps des prophètes continueront d'exister aussi au temps de l’Église (NB 5,64).

 

277. L’Esprit et la hiérarchie de l’Eglise

C’est dans l’Esprit qu’est contenue la hiérarchie de l’Eglise. La hiérarchie a sans doute affaire avec le Fils parce que le Fils a institué le sacerdoce, le ministère, la confession, etc. Mais la mesure d’Esprit qui y est liée, c’est l’affaire de l’Esprit. Tous ceux qui ont part à l’ordre ecclésial vivent de cet Esprit, il est vivant et agissant en toute fonction ecclésiale (NB 4,423-424).

 

278. L’Esprit de mission – Accueillir l’Esprit comme compagnon de sa vie

Saint Basile arrive à la croix par l'Esprit. L'Esprit qui est envoyé signifie pour lui l'Esprit de mission et il se tient prêt à être envoyé lui-même par l’Esprit. Cet Esprit à la disposition duquel il se tient est toujours en face de la croix. Et en même temps l'Esprit est celui qui, à la croix, est rendu au Père par le Fils. Et ensuite, toujours sur mission du Fils, l’Esprit est envoyé aux hommes. C'est cet Esprit qu'accueille Basile, et à vrai dire pas pour un instant seulement, mais il l'accueille en tant que compagnon de sa vie, qui ne cesse pas de lui confier des mystères que lui, Basile, doit mettre en lumière de sorte que cela devienne sa propre mission. Quoi qu'il écrive et prêche, et aussi toutes ses relations avec les hommes, avec ceux qui lui sont confiés particulièrement, tout est pénétré de cette responsabilité de l'Esprit (NB 2,62-63).

 

279. La mission de faire comprendre l’Esprit Saint aux hommes

Sainte Sophie Barat doit si bien faire comprendre l'Esprit Saint aux hommes qu'ils deviennent aptes à suivre le Christ. Sa véritable mission n'est pas de rassembler d'une manière générale les hommes qui sont déjà bien disposés et ont compris, mais leur présenter en particulier l'Esprit Saint comme règle de leur conduite. L'Esprit Saint est ici-bas la règle du Seigneur si bien que toute son attitude exprime l'Esprit. Par toute son activité apostolique, Sophie Barat cherchera à rendre compréhensible cet Esprit, à communiquer l'Esprit comme forme de vie et comme règle ainsi qu'elle le comprend (NB 2,86-87).

 

280. Mission : que, par lui, les hommes puissent sentir quelque chose de l'Esprit

Lacordaire. Il doit prêter obéissance à l'Esprit de telle sorte que, par lui, les hommes puissent sentir quelque chose de l'Esprit. C'est pour lui une obéissance de chaque instant, étant donné que son être est toujours être poussé par l’Esprit, aussi bien dans son travail spirituel que dans sa prédication et ses conférences : quand il les prépare, il faut qu'il cherche l'Esprit, en fasse l'expérience, et il lui est ensuite permis de communiquer aux hommes ce qu'il a compris et expérimenté. C'est une mission très exigeante parce qu’il n'est jamais lâché par l'Esprit ; sa détente par exemple ne sera jamais quelque chose d'anodin ; dans ses conversations, il n'a jamais le droit de parler pour ne rien dire, tout doit être continuellement devant l'Esprit, être redressé par lui, même quand il n'en peut presque plus (NB 2,151).

 

281. L’Esprit porteur de toutes les missions chrétiennes : seul l’Esprit est capable d’expliquer le Fils

L'Esprit est envoyé par le Fils et par le Père comme porteur de toutes les missions chrétiennes. L'Esprit est seul capable d'expliquer le sens du Christ. En suivant le Christ, les apôtres se sont engagés dans le domaine de l'Esprit Saint, ils sont entrés dans la sphère de l'Esprit Saint, ils vivent déjà dans la mission. Dans l'obéissance, ils ont lâché ce qui leur était propre. Cette obéissance était une ouverture à l'Esprit ; en partant de là, l’Esprit peut donner à leur vie la forme de la mission (NB 10, n. 2127).

 

282. L'Esprit travaille à la mission et nous pouvons faire confiance à l'Esprit (NB 5,229).

 

283. L’Esprit envoie tout homme qui est envoyé

Dieu envoie son Fils, le Fils et le Père envoient l'Esprit, et l'Esprit envoie tout homme qui est envoyé (NB 4,209).

 

284. Au service de l’Esprit Saint

Mettre au service de l'Esprit Saint l'esprit dont on a été doté, pour que l'Esprit Saint ait davantage de possibilités d'action. La mission est aussi de présenter l'Esprit Saint autant que faire se peut, mais en faisant disparaître son propre esprit dans le service, sans se mettre au centre. Se perdre dans le service de l'Esprit Saint (NB 2,69).

 

285. L’Esprit source de l’apostolat

L'apostolat est un fleuve qui coule de lui-même à partir de la source de l'amour. Parce que l'Esprit Saint est cette source, tout apostolat chrétien vivra d'emblée des dons de l'Esprit : les dons qui concernent la communication et les dons qui favorisent le recueillement et la croissance dans l'amour. Parce que l'amour de Dieu sur la croix s'est fait connaître comme un amour qui se répand jusqu'à la folie et que nous savons que l'amour de Dieu dans l'Esprit a les mêmes propriétés, l'apôtre ne peut rien garder pour lui, il doit tout prodiguer. L'apostolat provient de l'amour, son organisation doit provenir des dons de l'Esprit (NB 6,443-444).  

 

286. Façonner l’apostolat avec l’Esprit – L’Esprit qui exige – L’Esprit inexorable – En route vers l’Esprit - A la recherche de l’Esprit

Sainte Marie de l’Incarnation doit façonner son apostolat avec l'Esprit. C'est dans l'obéissance à l'Esprit qu'elle doit chercher son chemin personnel d'activité paulinienne. L'Esprit a chez elle un caractère absolument viril : il est l'Esprit qui exige, l'Esprit inexorable qui, avec son exigence, indique clairement ce qui est imparfait. C'est ainsi que, dans l'Esprit, elle est en route vers l'Esprit, à la recherche de l'Esprit (NB 2,102).

 

287. L’Esprit et le sens des apparitions mariales dans l’Eglise

L'Esprit céleste a couvert Marie de son ombre et elle a accueilli ensuite l'événement dans sa vie corporelle de manière sensible. Ce mystère, l'Esprit le lui transmet après son assomption pour qu'elle le gère : pour qu'elle ne cesse d'apparaître dans l’Église, en son existence céleste, pour éveiller l’Église à l'intelligence corporelle du céleste (NB 1/2, 174).

 

288. L’Esprit et les règles des ordres religieux

Tous les ordres religieux, qui reposent sur la parole de l’Évangile et sur la règle de l'Esprit, doivent voir aussi que l'Esprit peut souffler dans les "espaces" de la Parole. Sinon ils courraient le danger de faire de leur règle un modèle simplifié. La plupart du temps, les fondateurs connaissent le souffle de l'Esprit et, en pensant à l'avenir, ils essaient de lui réserver de la place. Mais ceux qui viennent après eux deviennent esclaves de la raideur de la lettre et se contentent à nouveau d'une ligne là où devrait s'ouvrir un cercle (NB 6,550). 
 

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12. L’Esprit et Marie


 

289. Marie, un cadeau du Père et de l’Esprit au Fils

Marie, la Mère, est dès le début un cadeau que le Père et l'Esprit font au Fils, comme si la Mère représentait dès le début une sorte de don anticipé, un acompte, en tant qu'elle est un instrument de la rédemption. Le Père et l'Esprit montrent au Fils que le chemin qu'il propose est valable en rachetant d'avance la Mère en prévision de la croix, ce qui veut dire finalement : par la croix. Le Fils reçoit à l'avance la Mère qui le concevra comme celle qui est sans péché (NB 1/2, 144).

 

290. Marie, réceptacle de l'Esprit

(1942. Du journal du P. Balthasar). Comment Adrienne voit Marie dans sa relation à la Trinité. Elle dit : Marie avait la Trinité pour ainsi dire comme arrière-plan, elle l’avait aussi en elle d’une manière particulière. Aucun être n’a une relation aussi étroite qu’elle à la Trinité. Elle est pour nous de manière précise le chemin et la représentation de la Trinité. Sans elle, le dogme des trois personnes en une nature serait quelque chose de totalement abstrait, de purement conceptuel, avec quoi on ne peut rien faire. Beaucoup de catholiques, littéralement, ne peuvent de fait rien en faire de correct. C’est Marie qui nous montre que l’unité des personnes est réellement l’amour. Quelque chose de chaud, de concret, de proche. Non pas comme si Marie elle-même appartenait en quelque sorte à la Trinité, mais elle est tellement la fille du Père, la Mère et l’Épouse du Fils, le réceptacle de l’Esprit, qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes. Il est donc facile à comprendre que c’est seulement dans l’Eglise, qui connaît Marie, qu’une conscience vivante de ce dogme est possible (NB 8, n. 969).  

 

291. L’Esprit Saint agit en Marie de deux manières

Après avoir couvert Marie de son ombre, l’Esprit Saint vit en elle : dans l’enfant comme tâche naissante et en même temps dans son propre esprit. Il est d’une part ce qu’elle a reçu en elle comme quelque chose d’objectif, ce qu’elle verra plus tard dans l’enfant, vis-à-vis de quoi elle a une certaine distance. Mais d’autre part il est en même temps l’Esprit en elle, qui a pris possession de son esprit et le conduit, qui marque sa prière, son être tout entier (NB 10, n. 2219).  

 

292. Ce que l’Esprit a fait de Marie

Ce que l'Esprit a fait de Marie : la plus haute fécondité de la maternité corporelle et du mariage spirituel (NB 12,15).

 

293. Marie s’est soumise à l’exigence de l’Esprit

Marie s'est décidée pour la lumière. Sa race est dotée d'une profusion de lumière qui provient d'elle. Ses descendants, ce sont tous ceux qui partagent en esprit son obéissance et deviennent saints en esprit par le fruit de sa décision et se déclarent pour le Seigneur. Marie devient la mère spirituelle parce qu'elle a soumis même son corps à l'exigence de l'Esprit. C'est par l'Esprit qu'elle a conçu en son corps, c'est par l'Esprit qu'elle a consenti à ce que son corps soit utilisé, c'est par l'Esprit qu'elle a souhaité la bienvenue au Fils (NB 1/2, 162-163).  

 

294. Soumise à la décision de l’Esprit

Marie et Jean au pied de la croix. Marie entend la parole du Fils qui l’associe à Jean. Elle l’entend en partie aussi comme dite par l’Esprit. Comme une nouvelle exigence. Elle est en quelque sorte au même point qu’à l’Annonciation ; la nouvelle exigence est née de celle d’autrefois ; elle n’a pas besoin de dire un nouveau oui, parce que le oui d’aujourd’hui se trouvait déjà dans le premier ; par celui-ci, elle avait donné permission une fois pour toutes à l’Esprit et au Fils de choisir pour elle. Elle ne fait plus de choix par elle-même, elle sait aussi que sa décision est dessinée à l’avance dans la décision de l’Esprit. Chaque pas qu’elle fait contient déjà le pas suivant : elle marche sur une voie inéluctable. Elle se fie à son propre pas après s’être soumise à la décision de l’Esprit (NB 9, n. 2020).

 

295. Marie et l’Esprit - Consentir à l’Esprit

Personne n’aurait pu concevoir ce que l'Esprit Saint allait "tirer" de quelqu'un de petit comme la Mère de Jésus ; cela ressemble à ce qu'un pianiste virtuose peut tirer de son instrument apparemment si limité. Mais l'instrument vivant qu’est la personne ne peut pas simplement se laisser travailler, il ne donne un son plein que s'il consent à ce que Dieu demande, du moins s'il essaie d'y consentir toujours mieux (NB 11,288).

 

296. L’Esprit Saint couvre Marie de son ombre

Quand Marie donne son consentement à l’ange, elle dit oui de tout son corps et de toute son âme sans faire de différence entre ce qu'elle donne et ce que Dieu lui prendra. Son don d'elle-même est sans limites. Elle ne réfléchit pas pour savoir si elle garde quelque chose, elle ne calcule pas la somme de ce qu'elle perd. Son oui n'est rien que oui. C'est à Dieu qu'il revient d'en disposer totalement. A son annonce, elle a donné une réponse qui est digne de lui : "Fiat mihi", et elle laisse à "verbum tuum" l'ampleur que Dieu veut lui donner. Elle donne tout de suite tout son esprit et l’Esprit Saint, en la couvrant de son ombre, consommera le don qu’elle fait de son corps. Son don d’elle-même est consommé dans le fait qu’il est reçu (NB 5,23-24).

 

297. L’Esprit peut pénétrer en Marie

Le Père remet la semence à l'Esprit et l'Esprit souffle où il veut, et il veut souffler vers la Vierge Marie. Marie est toute donnée et elle est couverte de l'ombre de l'Esprit, elle ne met aucune limite ni en son âme, ni en son corps. Elle donne ce qui est découvert comme ce qui est caché, ce qui est en bas comme ce qui est en haut. L'Esprit peut pénétrer en elle au plus profond et l'Esprit enfonce en ses ultimes profondeurs la semence du Père. C'est de cette poussière que le Fils devient homme (NB 5,259).

 

298. Marie, Joseph et l’Esprit – S’abandonner à l’Esprit

Marie attend l'enfant. Elle doit vivre non seulement avec l'Esprit Saint qui l'a couverte de son ombre, mais aussi avec Joseph, et mettre constamment les deux en harmonie en ne cessant, avec Joseph, de s'abandonner toujours plus profondément à l'Esprit (NB 6,135).

 

299. Le oui de Marie à l’Esprit

Le oui de Marie permet à l'Esprit de la couvrir de son ombre, mais que son oui l'habitât auparavant provient du fait qu'elle a été rachetée à l'avance par le Fils (NB 12,190).

 

300. Le Père et l’Esprit disposent du oui de Marie comme ils le veulent

En tant qu’homme, le Fils vit du oui de sa Mère, il est porté par lui et c’est par lui qu’il est mis au monde, c’est par lui qu’il est introduit dans le mystère de la vie humaine ; toute sa vie durant, il disposera de ce oui dans la mesure où il en aura besoin, il laisse en même temps au Père et à l’ Esprit le soin d’en disposer comme ils le veulent (NB 5,24). 

 

301. Marie reçoit dans son corps la semence du Père apportée par l'Esprit

L’Annonce à Marie. Il n'y eut tout d'abord en Marie que le oui. Quand ensuite l'ange l'eut visitée et que l'Esprit fut venu sur elle, elle continua à vivre dans ce oui, non parce qu'elle l'avait exprimé mais parce que Dieu l'avait accueilli et le lui avait rendu transformé. C'était maintenant le oui de Dieu qui vivait en elle. Le oui de Dieu voulait devenir vivant en elle. Elle a dit oui alors qu'elle était jeune fille, presque encore une enfant. Un oui humain dans la grâce divine. Son oui devient un oui divin dans un être humain tout donné, et Dieu le Père, avec ce oui, façonne son Fils. La Mère est là avec toute son humanité, sa foi, son amour, son espérance. Elle a un corps comme toutes les jeunes filles ont un corps ; mais tout d'un coup elle ne possède plus ce corps parce qu'il est pris par Dieu qui en a besoin. C'est son corps à elle, mais il est le corps que Dieu a choisi pour que sa Parole y devienne homme. Elle sent combien son mystère de jeune fille est élevé pour devenir un mystère de maternité, et comment son corps se donne à la semence de Dieu, et comment son don d'elle-même est simplement reçu par Dieu. Elle a dit oui avec ses lèvres, avec son cœur, mais ensuite Dieu a pris son corps, elle sent que Dieu le possède et y dépose sa semence. Il ne le fait pas dans une extase mystérieuse, elle reçoit tout simplement dans son corps la semence du Père apportée par l'Esprit. Cela se passe tout simplement. Tout d'un coup elle est mère. Elle est heureuse, très heureuse de recevoir ce qu'elle a reçu parce que à l'instant même elle sait qu'elle est prise, reçue, accueillie, passée en la possession de Dieu, et c'est ce qu'il y a de plus beau pour une femme croyante (NB 1/2, 274).

 

302. Marie totalement ouverte à l’Esprit

Marie sait que l'Esprit voit tout en elle. Qu'elle est totalement ouverte devant lui et que, dans cette ouverture, elle devait dire : "Je ne connais pas d'homme". En disant cela, elle s'abandonnait totalement. Si elle ne l'avait pas dit, il serait resté beaucoup de confusion ; mais elle sait maintenant que l'Esprit a confirmé sa virginité. Il ne le fait pas seulement parce qu'il sait tout en tant que Dieu, mais aussi parce qu'elle s'est ouverte totalement à lui en disant oui. Et c'est en ce point que commence sa fécondité (NB 12,216).

 

303. Marie se donne à l’Esprit

Marie, qui se donne à l'Esprit, sait qu'elle inclut tout ce qu'elle ne peut pas voir d'un seul coup d'œil (NB 4,209).

 

304. Tout l’être de Marie se conforme à l’Esprit Saint

L’Esprit parle en Marie. L’Esprit par l’ange. Elle le voit et entend sa voix. Et c’est en esprit qu’elle doit répondre. Dans un esprit qui reconnaît les conséquences concrètes de ce que l’Esprit lui a dit. Il en résulte d’abord un engagement spirituel : qu’il me soit fait selon ta parole. Son esprit, son intelligence, tout son être se conforment à l’Esprit Saint. Son oui exprime cette disponibilité spirituelle. S’y trouve aussi incluse une disponibilité corporelle. Le corps aussi dit oui, par son esprit. Car son oui est si indivisible qu’il la saisit tout entière. Elle est comparable en cela aux prophètes qui sont prêts à reléguer au second plan leurs vues et leurs anciennes habitudes par amour pour la voix, afin de laisser le champ libre à l’exigence de l’Esprit. L’Esprit exige du prophète qu’il soumette son esprit, qu’il se donne à lui-même peu d’importance afin de permettre à Dieu d’être important, et ceci surtout dans une subordination des sens. Pour Marie, d’emblée c’est le tout qui doit être tenu prêt : l’esprit et le corps ; elle reconnaît la priorité de la voix en donnant tout de suite tout ce qu’elle a, et elle n’a rien d’autre qu’elle-même, et rien d’autre ne lui est demandé que son existence en sa totalité. L’Esprit reconnaît ce don qu’elle fait d’elle-même en la prenant et en la couvrant de son ombre. Et il se produit tout ce qu’il y a de plus concret : l’enfant arrive en elle, c’est par elle qu’il croît, c’est elle qui le met au monde, au-delà des lois de la nature, puisqu’elle reste vierge. Parce que la parfaite fécondité se réalise en Marie par l’Esprit et qu’elle devient mère d’un être humain qui est Dieu, l’Esprit atteint, par un seul dialogue avec elle, le maximum du concret. Il arrive assez souvent que l’Esprit opère une guérison, un miracle, mais ce n’est qu’une seule fois qu’il a manifesté sa divinité en couvrant un être humain de son ombre pour engendrer : le deuxième Adam prend naissance sur le modèle de la création du premier (NB 5,61-62). 

 

305. Marie est remplie de l’Esprit

Marie dit son oui sans que les conséquences puissent en être claires pour elle, elle le donne à un futur qui appartient à l'Esprit. Dans un devenir que seul l'Esprit peut voir. Et quand, peu de temps après, dans le magnificat, elle sait qu'elle sera dite bienheureuse par toutes les générations, elle discerne ce qui va venir après. Le "fiat" est une parole personnelle d'humilité, la formule "ils me diront bienheureuse" est une parole d'humilité supra-personnelle dans laquelle déjà elle se tient si disponible qu'elle n'est plus considérée comme une personne, elle n'est plus que service ; elle est déjà si remplie de l'Esprit qu'elle peut dire des choses qui dépassent absolument sa personne. Elle est insérée par son oui dans une responsabilité supérieure qui se trouve dans l'Esprit si bien qu'elle dit des choses qui appartiennent à l'Esprit. Ce qui va se passer dans les générations futures a déjà pour elle maintenant valeur absolue (NB 6,194). 

 

306. Marie possède déjà l’Esprit pendant qu’elle l’attend - Tout ce qui provient de l’Esprit est inépuisable

La Mère était comme toute seule. Elle attendait ce qui allait venir. L’Esprit qui la couvre de son ombre et son corps qui est pris produisent, en collaboration avec le don total d’elle-même, le fruit qu’est l’enfant. Elle devient Mère par l’Esprit mais, par lui, elle devient aussi Mère spirituelle. En même temps que la maternité physique se produit la maternité spirituelle qui, comme tout ce qui provient de l’Esprit, est inépuisable. Par la lecture d’un livre, une foule de choses peuvent s’éveiller en moi ; cependant cette production est limitée et elle s’épuise à nouveau. Mais si j’ai conçu de l’Esprit Saint, la puissance créatrice est éveillée en moi de telle sorte qu’aucun terme n’est prévisible. Car ce qui a été une fois répandu ne cesse de se répandre. Parce que Marie possède déjà l’Esprit pendant qu’elle l’attend, elle est déjà Mère dans sa disponibilité à le recevoir (NB 9, n. 1562).  

 

307. Marie a l’Esprit de l’ancienne Alliance et elle reçoit l’Esprit de la nouvelle Alliance

L'Esprit Saint prépare toute la personne de Marie à la naissance du Fils. Tout d'abord elle a pour ainsi dire l'Esprit de l'ancienne Alliance sous la forme de la foi en Dieu et en sa promesse ; en raison de sa disponibilité, elle peut recevoir l'Esprit de la nouvelle Alliance. La nouvelle Alliance est fondée en elle comme par la suite elle sera fondée dans l’Église. Car le Seigneur prépare sa Mère de la même manière que plus tard il établira son Église. Il trouvera des hommes qui seront prêts dans la foi à recevoir l'Esprit comme il l'envoie. La Mère y était prête dès l'origine ; le Fils envoie donc d'abord dans sa Mère l'Esprit qui le porte lui-même. Il l'envoie puisque, dans la Trinité, il ne fait qu'un avec le Père qui envoie, même si, pour accomplir sa mission, il est porté par l'Esprit dans le sein de Marie. Entre le Fils et l'Esprit, il y a sans cesse cette réciprocité de la mission (NB 6,421-422).

 

308. L’Esprit s’est emparé de Marie

La conversation de Marie avec l'ange est en même temps comme une effusion en elle de l'Esprit Saint. Elle parle avec l'Esprit et le reçoit. Elle l'a reçu sous la forme de la conversation. Elle est ouverte et livrée à l’Esprit. Certes il y a les choses pratiques qu'elle accomplit comme toute autre femme. Mais ses relations avec Dieu, sa prière avec la plénitude et les pensées qui y vivent, lui sont inspirées par l'Esprit. Jusqu'alors cette prière était déjà surnaturelle comme toute prière authentique. Mais maintenant cette prière reçoit un caractère surnaturel qui, dans une certaine mesure, dépasse sa nature. Quand Marie a vu l'ange, elle n'a pas eu besoin de se donner du mal pour le voir ; sa disponibilité était telle qu'elle le vit précisément tel qu'il se donnait. L'Esprit s'empara de Marie comme il voulait s'en emparer. L'Esprit fait avec elle ce qu'il veut, ce qu'il doit. La disponibilité de tous les saints de la chrétienté est préparée dans la Mère par l'Esprit (NB 1/2, 270-271).

 

309. « Ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l’Esprit »

Prière de sainte Angèle de Foligno (+ 1309) : « Seigneur, ta première épouse fut Marie : elle a pu te porter à la fois comme mère et comme épouse. Tu as habité en elle. Dans l'Esprit qui nous fait comprendre que tu es vraiment présent dans l'hostie, tu te laisses recevoir par nous comme ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l'Esprit » (NB 1/1, 451-452).

 

310. Ce qui est arrivé à Marie dans l’Esprit Saint

La visitation. Dès qu’Élisabeth aperçoit Marie, elle a une intuition. Marie sait alors qu'elle n'a pas besoin de parler de son secret, de ce qui lui est arrivé dans l'Esprit Saint (NB 1/2, 39).

 

311. L’Esprit prend possession de Marie

Les efforts du mystique pour se tenir à la disposition de Dieu aussi purement qu’il est possible ont une grande importance. Dieu veut l’âme tout entière, sans conditions, dès le premier instant : « Toi, suis-moi ». Sans conditions dès le premier instant . Le meilleur exemple est le oui de Marie auquel il est répondu par le fait que l’Esprit Saint prend possession d’elle totalement, en un rien de temps éternel, sans égard pour les lois humaines. Cette totalité produit alors des fruits selon les besoins de Dieu et non selon les besoins de Marie. Marie suit les chemins uniques que Dieu a tracés pour elle (NB 5,26). 

 

312. L’Esprit et Marie dans l’attente de la naissance

Après l’Annonciation, il faudra des mois avant que le Fils vienne au monde, et la Mère peut espérer que pendant ce temps l'Esprit fera toujours plus d'elle celle que le Fils attend. Sa tâche consiste à garder l'ouïe fine pour faire dans l'obéissance toujours exactement ce que Dieu veut d'elle. Dans son oui, elle doit se laisser faire totalement (NB 1/2,42).

 

313. L’Esprit ouvre constamment Marie à l’ensemble de sa tâche

Marie et Joseph pourraient dire qu'ils ont reçu la tâche de mettre au monde cet enfant et de l'élever - une tâche à laquelle on peut suffire - et qu'ils n'auraient pas besoin d'être ouverts encore à autre chose ; quand le Fils sera grand, il devra voir par lui-même comment remplir sa mission divine. Ce serait une manière arbitraire de fermer. Marie et Joseph seraient alors tournés vers l'enfant d'une manière qui n'inclurait pas qu'ils soient tournés vers le Père. Ils auraient un attachement au Fils et ils oublieraient l'attachement à Dieu Trinité. Il nous est permis d'être centrés sur l'enfant, mais toujours en écoutant Dieu. L'Esprit Saint tourne autour de l'ensemble. Comme il a ouvert physiquement la Mère pour la grossesse, il l'ouvre constamment à l'ensemble de sa tâche (NB 6,162).

 

314. Marie et l’Esprit Saint dans l’éducation de Jésus enfant

Tous les soins dont Marie entoure son enfant et également les besoins de l'enfant lui-même et tout ce qui arrive avec lui font partie de son silence et de sa prière et de ce qu'elle doit absolument accueillir en esprit. Car son esprit doit devenir capable, par l'Esprit Saint, de répondre aux questions que son enfant, comme tout autre enfant, lui posera afin que rien de sa mission divine ne soit gêné, que celle-ci au contraire fasse aussi l'expérience d'un encouragement humain (NB 6,164).

 

315. Ce que l'Esprit demandait à Marie durant la vie publique de Jésus

La Mère a certes vu son Fils plus d'une fois durant sa vie publique. Mais rarement. Sa tâche était avant tout de prier pour le oui des disciples, pour leur intelligence, pour leur ouverture spirituelle. Pendant que le Fils prêchait, qui devait assurer la solitude contemplative dans la foi et la prière si ce n'est sa Mère ? L'exigence de l'Esprit n'était pas qu'elle prépare pour son Fils des vêtements de rechange et diverses choses dans les différentes auberges où il passait au cours de ses déplacements. Ce n'était pas de petites actions de ce genre qui lui étaient demandées, mais la grande contemplation continuelle (NB 5,187).

 

316. L’Esprit accompagne Marie durant toute sa vie

L'Esprit, qui porte la semence du Père dans le sein de la Mère, accompagne durant toute sa vie la Mère qui a été rachetée à l'avance. Il la reçoit pour ainsi dire des mains du Père pour la rendre à ces mains. Il s'engage comme son défenseur et son consolateur en la tenant éloignée de tout péché (NB 1/2, 145).

 

317. L’Esprit a avec Marie une relation spéciale tout au long de sa vie

Avant le début de la vie terrestre du Fils, a lieu l’entretien de Marie avec l’ange, et après cela l’Esprit couvre Marie de son ombre. Puis le Fils vit sa vie terrestre et, à la fin, sur la croix, il offre sa Mère en cadeau. Il le fait avant de rendre l’Esprit entre les mains du Père. Pendant la durée de la vie terrestre du Fils, l’Esprit est tout à la fois dans la Mère et dans le Fils ; une fois qu’il a couvert la Mère de son ombre, il ne la quitte pas, il ne la quitte pas non plus à la naissance du Fils. De même que pendant la vie du Fils il a avec lui une relation spéciale pour lui permettre sa mission terrestre et l'opérer en lui, de même il a en même temps une relation spéciale avec la Mère pour façonner en elle sa mission maternelle à l’égard du Fils. Il habite en elle. Il lui est inhérent pour sa tâche de mère, pour sa vie avec Dieu (NB 1/2, 182).

 

318. Marie est dans l’Esprit

Marie va trouver son Fils avec les frères de Jésus. Ils pensent qu’il est hors de sens. Marie sait quelque part que ce n’est pas possible, car elle sait qui il est. D’autre part, elle connaît les frères : ils personnifient en quelque sorte la raison. Mais il est terriblement difficile pour elle de choisir entre le raisonnable et le surnaturel, même si elle sait la vérité. Elle craint au fond qu’il pourrait se laisser retenir par les frères, prêter l’oreille aux arguments naturels. Elle est tellement dans l’Esprit qu’elle sait que s’il revenait avec eux, il gâcherait quelque chose d’important de sa mission, les prophéties ne s’accompliraient pas. S’il vacillait, ne serait-ce qu’un instant, les frères pourraient l’emporter et gérer sa mission à sa place. Mais bien qu’elle espère qu’il ne reviendra pas à la maison avec eux, c’est quand même terrible aussi qu’il ne revienne pas (NB 9, n. 2018).  

 

319. Dieu le Père fait surgir en Marie son Fils par l'Esprit Saint (NB 2,32).

 

320. L'Esprit Saint et l'incarnation

Pour le miracle de l'incarnation du Fils, il est très difficile de dire qui a opéré le miracle. Le Père certainement. Le Fils coopérait, mais seulement en se mettant totalement à la disposition du Père, si bien que le Père put pour ainsi dire le remettre à la Mère, caché dans la semence. Celui qui à proprement parler était à l’œuvre, c'était l'Esprit Saint. Et la Mère coopère en laissant faire (NB 5,227).  

 

321. Marie dans la lumière de la Trinité

La Trinité et Marie vont ensemble ; en étant enceinte du Fils par l'Esprit Saint, elle s'est placée totalement dans la lumière de la Trinité (NB 4,35).

 

322. Qui a le Fils a aussi le Père et l’Esprit

Avec la semence du Père, avec le Fils, Marie a reçu en elle l'Esprit de Dieu. Elle a préparé en elle une habitation pour Dieu Trinité. Elle l'a fait en donnant au Père son oui conscient ; et parce que le Père est Dieu Trinité, elle a en même temps reçu le Fils et l'Esprit. Le Fils est en elle avec le Père et l'Esprit. On ne peut jamais avoir le Fils seul ; celui qui a le Fils a aussi, avec lui, le Père et l'Esprit (NB 10, n. 2358).

 

323. Marie, épouse de l’Esprit

Marie, épouse de l'Esprit Saint, quand elle se laissa couvrir de son ombre (NB 6,442).

Si on ne voit plus en Marie que l'épouse de l'Esprit, si on la fait disparaître dans un mystère inaccessible, si on ne garde plus devant les yeux les mystères de sa grossesse et de la naissance, l'esprit marial aussi se volatilisera et s'affaiblira. Les lois fondamentales de la nature doivent être prises en considération si on ne veut pas se méprendre sur les lois de la surnature (NB 1/2, 172).

 

324. En Marie, la plénitude toujours vivante de l’Esprit

Marie est façonnée pour l’Esprit d’une manière unique. Quand elle met au monde le Fils, elle reçoit l’Esprit sous la forme d’une connaissance approfondie. Elle l’a rencontré quand il l’a couverte de son ombre. Il l’a couverte de son ombre pour lui permettre de porter cet enfant. Et quand l’enfant devient visible, elle reconnaît en lui l’Esprit, et seulement alors elle devient accessible à tous les dons de l’Esprit qu’elle voit reposer sur son Fils. C’est pourquoi la théologie de notre temps peut aussi s’adresser à elle pour lui poser des questions qui sont les questions de notre temps et qui ne se posaient pas encore de son temps. Elle peut répondre avec la plénitude toujours vivante de l’Esprit qu’elle a reçue en elle et qu’elle a saisie après la naissance de son Fils. Pour elle, la grande apparition de l’Esprit et sa grande irruption, c’est la naissance du Fils (NB 4, 171-172).

 

325. Un corps dans lequel habite l’Esprit

Quand Marie a conçu, elle a reçu l'Esprit et s'est laissé couvrir de son ombre. Par cet acte, son corps fut exproprié, il devint un corps de l'Esprit, un corps dans lequel l'Esprit habite en maître. Elle a laissé s'opérer en elle par l'Esprit la transformation de la Vierge en Vierge-Mère (NB 1/2, 194).

 

326. Marie, porteuse de l’Esprit

En couvrant Marie de son ombre, l'Esprit lui apporte le Fils vivant. Mais il la place aussi devant lui, l'Esprit, dans un face-à-face que Dieu prévoyait comme une conséquence de son oui. Ce face-à-face est absolument voulu par Dieu, et par Marie également parce qu'elle veut tout ce que Dieu veut. Dans ce face-à-face avec l'Esprit Saint, elle perçoit une partie de son oui et, dans sa prière, elle expérimente le fruit de ce oui comme une présence de l'Esprit Saint, et à vrai dire comme quelque chose de tout à fait nouveau. Elle n'a plus besoin de chercher Dieu dans une sorte de prière active, elle y est introduite par la présence de l'Esprit. Le point de départ de sa prière et de son offrande d'elle-même se trouve ailleurs qu'autrefois : il se trouve en Dieu qui est devenu présent en elle par son oui. Elle est devenu temple, porteuse, housse : de l'Esprit qui porte le Fils, et du Fils qui, apporté par l'Esprit, naîtra d'elle (NB 6,126). 

 

327. L’Esprit Créateur en Marie

Depuis que l’Esprit a couvert Marie de son ombre pour la venue en elle du Fils, la signification de l’Esprit dans la doctrine chrétienne est devenue évidente et, à l’avenir, il peut souffler où il veut : il doit toujours être reconnu comme Esprit concret et agissant. S’il opérait déjà chez les prophètes, c’était en vue de l’unique parole de Marie. Elle est encouragée à dire un oui unique : requis et reçu par l’Esprit, ce oui détermine l’Esprit à la couvrir de son ombre, il rend possible la venue du Sauveur, il ouvre la deuxième création. La création du monde par le Créateur à partir de rien fut le modèle de la création d’un homme par l’Esprit à partir de la parole de l’ange et de celle de Marie. En se servant d’un être humain créé – Marie – comme réceptacle pour l’enfant, l’Esprit répond au Père qui crée ; il y a correspondance entre le caractère concret de la première création et le caractère concret de la création par l’Esprit (NB 5,62).  

 

328. L’Esprit a couvert Marie de son ombre

Même si Marie fut couverte par l'Esprit de son ombre, elle a dû porter et enfanter humainement le Fils incarné en tant qu'être humain. Elle a dû sentir son poids dans son corps et, après sa naissance, dans ses bras. Il y a donc un point où elle a été aussi charnelle qu'Ève. Si sa chair fut absolument nécessaire pour la formation du Fils, si le Fils, pour devenir chair et ne pas être seulement le produit d'une idée, s'est laissé enfoncer dans sa chair par l'Esprit, alors dans tout le christianisme le fait pour les humains d'avoir un corps reste non seulement quelque chose de concret, mais quelque chose d'absolument nécessaire pour présenter, comprendre, saisir le christianisme (NB 1/2, 171).

 

329. Marie quand l'Esprit Saint a disparu

Dans le dernier mois de sa grossesse, Marie a certainement connu une grande inquiétude. Ce qu’elle sent a une réalité qu’elle ne peut pas intégrer dans la réalité de ses connaissances sur la conception et la grossesse. Il y a donc aussi chez elle comme une inversion : à partir de la réalité qu’elle perçoit actuellement elle doit faire un retour en arrière et redire son oui dans un sens totalement élargi. « Tu enfanteras un fils ». Bien! Mais l’ange est parti, l’Esprit Saint a disparu et parce qu'aucun homme n’était là, il était facile que le tout glisse dans le spirituel. L’Église aussi peut se spiritualiser d’une manière fausse et elle peut même le fonder sur des paroles du Seigneur : « Ma paix n’est pas de ce monde ». La distance entre ce que le Seigneur pense et ce que les disciples comprennent se reflète aussi dans la grossesse de Marie : c’est toujours quelque chose d’autre qui est entendu et là où finalement quelque chose est compréhensible, ce qui est compris demande la révision de ce qui s’est passé avant : quand j’ai dit oui, Dieu avait déjà en vue quelque chose d’autre que moi. Et je dois mettre en accord ce que j’ai vécu autrefois avec son d’aujourd’hui. Par la réalité de son corps en état de grossesse, Marie doit renouveler sa foi. Et cependant à la fin tout reviendra à l’unité : l’enfant qui vient au monde est un véritable enfant, donc elle est une vraie mère. Mais l’enfant est en même temps Dieu, donc c’était également une vérité réelle qu’elle a été couverte par l’Esprit (NB 9, n. 1652).  

 

330. L’Esprit et la corédemption de Marie

Sur la croix, l’Esprit est rendu au Père par le Fils, l’Esprit porte au Père la corédemption de Marie, de même qu’il porta à Marie la semence de Dieu. C’est un événement qui se passe dans l’obscurité tout comme aussi ce fut dans l’obscurité que l’Esprit la couvrit de son ombre (NB 1/2, 179).

 

 

*

 

13. L’Esprit et le Fils


 

331. L'Esprit Saint accompagne le Fils devenu homme

Le Père envoie l'Esprit Saint afin que le Fils ne soit pas seul, ni comme Dieu ni comme homme. Quand le Fils devient homme, il a ainsi l'Esprit auprès de lui, non seulement en tant qu'il est Dieu, mais aussi en tant qu'il est homme. En tant qu'homme il vit sous le signe de l'Esprit Saint que le Père a fait descendre sur lui. Quand le Fils dépose sa forme de Dieu auprès du Père pour être d'autant plus homme, il vit néanmoins dans la divinité de l'Esprit Saint qui lui a été envoyé. Et il voit en lui les effets de cet Esprit. Naturellement il n'a aucune sorte d'inclination au péché, c'est pourquoi il éprouve ce que peut éprouver de l'Esprit Saint un homme sans péché. Il reçoit par la pureté de l'Esprit une opposition encore plus forte au péché. Mais il a reçu l'Esprit avant tout pour être accompagné par Dieu (NB 6,85). 

 

332. Sous la conduite de l’Esprit

Le Fils devient homme dans le sein de sa mère ; il vivra sous la conduite de l'Esprit (NB 10, n. 2318).

 

333. L'Esprit et le Fils âgé de douze ans – L’Esprit pousse le garçon de douze ans

A l'âge de douze ans, le Fils parle de la maison de son Père dans laquelle il doit demeurer. Il doit le faire, de lui-même et en même temps poussé par l'Esprit. Pour la première fois, on voit qu'il vit et se maintient dans une mission trinitaire. Le Père est dans le temple et il est celui qui doit avoir le Fils. Le Fils doit être auprès de lui, s'occuper des affaires de son Père : de sa glorification, de l'interprétation de ses paroles, etc. Il ne le doit pas seulement pour le Père mais aussi pour l'Esprit qui le pousse. L'Esprit pousse le garçon de douze ans comme quelqu'un qui est pleinement responsable. Car l'Esprit est toujours l'Esprit indivisible de Dieu, l'homme peut le comprendre, mais sans que l'Esprit soit diminué. L'Esprit reconnaît comme Dieu le garçon de douze ans et il le pousse comme Dieu. Il ne tient pas compte qu'il s'agit d'un enfant. L'enfant n'a certes pas à remplir la mesure d'un adulte, mais il doit remplir sa mesure divine à laquelle il doit correspondre et qu'il doit découvrir. On voit par là que Dieu, qui est devenu homme, ne se dirige pas, en tant que Dieu, d'après ses parents humains, bien qu'ensuite il en revienne aux comportements et aux rapports humains, filiaux et familiaux de sa maison (NB 6,406). 

 

334. L’Esprit au Thabor

Au Thabor, les trois disciples qui perçoivent la voix du Père parlant du Fils assistent à une révélation de Dieu Trinité, car pour que la voix sorte de la splendeur, l'Esprit doit être là. C'est toujours l'Esprit qui ménage l'échange entre le Père et le Fils. Jamais en Dieu il n'y a deux personnes sans la troisième. Les disciples au milieu desquels se trouve le Seigneur pressentent quelque chose de sa divinité, mais les signes et la révélation de cette divinité sont donnés par le Père et l'Esprit (NB 6,94).

 

335. L’Esprit, témoin de la Passion

Que l’abandon vécu par le Fils sur la croix ne cesse d’être partagé dans la nuit des mystiques à travers les millénaires est un signe que le Fils ressuscité est vivant. Ce que l’eucharistie est pour toute l’Église après Pâques, la mystique l’est aussi à sa manière : elle est le témoignage du Ressuscité pour l’actualité perpétuelle de sa croix. Plus exactement : ce que, durant la Passion, l’Esprit Saint a recueilli dans son témoignage divin, il le partage dans la mystique ecclésiale comme son témoignage au sujet de la rédemption (NB 5,106).

 

336. Avec la venue du Fils sur terre, l’Esprit est devenu pour nous moins abstrait qu’auparavant

En devenant homme, Dieu se donne un accès à toutes les possibilités de l’humain. Il a les apparences et la voix d’un homme, il a des yeux et des oreilles, on peut le voir, on peut lui parler d’homme à homme. Et comme il a l’Esprit Saint avec lui dans son humanité, l’Esprit participe aussi à cette accessibilité multiple. Avec le séjour du Fils sur la terre, l’Esprit est devenu pour nous beaucoup moins abstrait qu’auparavant. Surtout parce que nous pouvons observer dans le Fils les effets de l’Esprit (NB 4, 171-172).

 

337. L'Esprit durant la vie terrestre du Fils

Durant la vie terrestre du Fils, l'Esprit Saint est concerné en tant que témoin. Il témoigne au Fils que Dieu est le Père qui l'engendre éternellement et lui l'éternellement engendré, le bien-aimé et l'envoyé. La tâche principale de l'Esprit pour le Fils se trouve là où se rencontrent les natures divine et humaine ; il rend en quelque sorte supportable pour l'homme d'être Dieu et pour Dieu d'être homme. Supportable justement en confirmant : Oui, tu es Dieu ; oui, tu es homme ! Ceci est tout proche de l'événement de l'incarnation elle-même quand l'Esprit apporte à la Mère la semence divine et au Fils la sagesse de sa Mère. Et ceci sans engager l'un et l'autre dans une relation où ils perdraient leur spontanéité ; la nouvelle relation les comble tous deux en toute liberté. L'action de l'Esprit est tout aussi engagée dans l'amour d'un homme et d'une femme. L'union sexuelle passée, la séparation n'est pas un problème inquiétant, ceux qui s'aiment restent l'un près de l'autre en esprit, le physique n'était que l'expression du spirituel. L'esprit d'amour, d'obéissance, de mission élève dans sa sphère les éventuelles difficultés : quand la séparation corporelle est effective, l'union spirituelle est encore plus forte. On peut revenir, avec cet exemple, aux relations entre le Père et le Fils devenu homme : en tant que Dieu il ne fait qu'un avec le Père, en tant qu'homme il est séparé de lui, et l'Esprit l'aide, malgré la distance, à être dans le Père par l'Esprit. Mais il aide aussi Dieu le Fils à supporter les limites partout sensibles de l'humanité qu'il a établies lui-même. Par son incarnation, le Fils n'est pas déchiré, il possède sa parfaite unité dans l'Esprit Saint ; c'est à lui que le Fils a transmis le soin de son unité. De même que le Fils sur la croix a déposé sa divinité auprès du Père, ainsi il a confié à l'Esprit, pour la durée de sa vie terrestre, son unité divino-humaine. Quand l'Esprit porte la semence du Père dans le sein de la Mère, il devient le gérant d'un mystère. Il en assume la responsabilité : aussi bien de faire que le Père devient celui qui envoie et que le Fils devient l'envoyé. Le Père envoie le Fils dans le monde, mais de telle manière qu'il transmet cette mission à l'Esprit qui la concrétise. Et ce rôle assumé un jour, l'Esprit ne s'en dessaisit plus : il apporte aussi concrètement dans la vie terrestre du Fils le fait qu'il reste homme. Il se tient derrière le Fils comme celui qui rend possible sa mission, mais en même temps comme celui qui l'exige : la mission que l'Esprit rend possible au Fils doit être accomplie (NB 6,182-183).

 

338. Le Fils est ouvert à l’Esprit Saint

Le Fils qui s’est incarné, ne parle pas sans l'Esprit Saint, il est ouvert à l'action de l'Esprit, il est inspiré par l'Esprit (NB 1/2, 241).

 

339. Le Fils parle dans l’Esprit Saint

Quand le sens trinitaire d'une parole du Seigneur n'apparaît pas clairement d'emblée, il apparaît quand même tout de suite clairement, par le contexte de ce qu'il dit, qu'il est la Parole du Père et qu'il parle dans l'Esprit Saint (NB 10, n. 2198).

 

340. L'Esprit procède du Fils et il apporte le Fils au monde

L'Esprit est l'Autre en Dieu ; il n'est jamais écarté de la relation Père-Fils mais, dans cette relation, il est libre de souffler où il veut, à l'intérieur et au-delà. Il sait ce que veut dire être "en" Dieu bien qu'il soit Dieu lui-même. Cette liberté de l'Esprit est visible aussi dans le fait que c'est lui qui apporte le Fils ici-bas. Ce qui est là extraordinaire c'est qu'il ne procède pas seulement du Père et qu'il apporte à la Mère la semence du Père, mais c'est aussi qu'il procède du Fils et que pourtant il apporte le Fils au monde. L'Esprit apporte à la Mère non seulement une semence humaine mais une semence divine (NB 6,394). 

 

341. L’Esprit à la disposition du Père pour l’incarnation du Fils

L'Esprit est à la disposition du Père pour porter sa semence sur la terre (NB 1/2, 106).

 

342. L’Esprit roule la pierre devant l’entrée du tombeau

L'Esprit qui a porté le Fils aux hommes comme semence du Père roule la pierre qui était devant l'entrée du tombeau d'où sort le Fils ressuscité, car rédemption et résurrection ne font qu'un (NB 3,175).

 

343. Ascension : le Fils est repris par l’Esprit

Ascension : le Fils va vers le Père ! Parce que personne n’a vu le Père si ce n’est le Fils, arrive l’instant où le Fils seul continue pour rencontrer le Père dans l’Esprit, dans une sphère où notre esprit n’a plus accès. L’Ascension a en quelque sorte en trois parties : le Fils va de la terre au ciel, il est pris par l’Esprit, il arrive devant le Père. Ce qui est de ce monde est maintenant encadré par deux événements : l’instant où l’Esprit a couvert la Mère de son ombre et celui où le Fils est repris par l’Esprit (NB 10, n. 2116).

 

344. Échange des fonctions du Fils et de l'Esprit ; c’est l’Esprit qui apporte au monde le Fils du Père , mais c’est le Fils qui envoie l’Esprit à la Pentecôte –

Après Pâques, l'Esprit Saint est envoyé par le Fils, mais c'est l'Esprit qui, au temps de l'Avent, apporte au monde le Fils du Père. C'est la mère tout d'abord qui porte son enfant et l'allaite et lui donne de sa force et de sa substance ; plus tard, c'est elle qui est portée et guidée par son enfant. Dans cette réciprocité de la mère et de l'enfant, ce sont la force et la faiblesse humaines qui jouent un rôle, tandis que pour la réciprocité du Fils et de l'Esprit c'est l'amour divin seul qui décide. Dans l'échange des fonctions, c'est tantôt l'Esprit qui exprime au Fils son amour, tantôt le Fils qui exprime son amour à l'Esprit, tantôt il ressort que c'est le Fils qui se laisse faire, tantôt l'Esprit, tantôt c'est l'obéissance de l'un qui est visible, tantôt celle de l'autre (NB, 404). 

 

345. L'Esprit Saint est comme la règle du Fils ici-bas : le Fils obéit à l’Esprit

Le Père laisse le Fils aller dans le monde comme le premier homme qui sera parfait. Il lui donne l'Esprit Saint comme règle pour ainsi dire sur son chemin. Parce qu'il est le Fils et parce qu'il est parfait, le Fils ne manque pas d'obéir au Père directement. Mais cette obéissance "sans intermédiaire" ne fait toujours qu'un avec la règle de l'Esprit qui lui a été donnée. Dans la perfection de Dieu, aucune espèce de divergence n'est possible entre la règle (de l'Esprit) et la volonté de Dieu (du Père). Nous voyons surtout l'obéissance directe et perpétuelle du Fils à l'égard du Père, mais cette obéissance inclut toujours l'obéissance à l'Esprit. Il est impossible que l'Esprit soit en lui un facteur de conflit et donc comme l'occasion de se détacher du Père, car l'Esprit est toujours pour lui un don parfait que le Père parfait offre à sa perfection de Fils. Et quand, après sa résurrection, il insufflera dans les siens son Esprit, ce sera en tant qu'Esprit de la règle parfaite qu'il a lui-même observée parfaitement. L'Esprit est la règle de Dieu le Père que le Fils observe. Il est également la règle du Fils, parce qu'il l'a observée parfaitement et qu'il l'a traduite dans sa vie (NB 6,407-408).

 

346. L’Esprit, indispensable à la vie du Fils - Le Fils rend l’Esprit

Le Seigneur en croix a rendu son Esprit au Père. Il se prive de ce qui était indispensable à sa vie. Il fait par là un pas de plus vers la mort. Il ne lui reste que la mort qui l'attend et à laquelle succèdent les enfers (NB 3,368).

 

347. L’Esprit conduit le Fils devenu homme jusqu’à la croix

Le Fils qui, durant toute sa vie, se prépare par ses prières et ses sacrifices à la Passion totale qui arrive, sait vaguement qu'il est destiné au sacrifice pour le monde, même s'il ne veut pas en savoir le détail. Mais en priant avec l'Esprit et dans l'Esprit, il voit croître l'exigence. Au désert, il a vaincu la tentation, il s'est offert totalement au Père, mais il ne peut en tirer aucun apaisement, aucun soulagement, parce que l'Esprit le tient ouvert pour une exigence plus grande. En tant que Dieu, le Fils sait de quoi il s'agit. Mais, au Fils devenu homme, l'Esprit a la mission de présenter l'ensemble de manière neuve ; c'est pourquoi il doit le préparer à une démesure. Non que le Christ limiterait son sacrifice et y opposerait des résistances, mais l'Esprit lui montre constamment que davantage est requis, l’Esprit lui montre continuellement ce qui serait encore à faire. Il le fait avec une sorte d'humilité divine. D'une certaine manière, il ne se permet pas de décider lui-même ce qui peut être demandé au Fils. Mais il ne s'interpose pas ; d'une part il renvoie au Père, d'autre part il laisse au Fils de décider librement. Si celui-ci disait : "Assez", il ne pourrait pas le contredire ou faire prévaloir son avis. Il ne fait qu'indiquer la grandeur du péché de l'humanité, la profondeur de l'offense faite au Père, il empêche qu'on en arrive à une conclusion prématurée. Il est ce qui est ouvert. Mais il ne montre pas au Fils toute la mesure de la Passion elle-même, car elle se trouve au ciel auprès du Père. Une mesure se trouve aussi dans le temps, et le temps se trouve auprès du Père. Il ne mesure pas du tout, il n'indique pas les trajets parcourus - maintenant les souffrances d'introduction sont bientôt finies, maintenant la moitié de la croix, etc. - mais, tout comme le Fils, il laisse au Père le soin de mesurer. Pour le Fils, l'Esprit est la mesure non de la quantité et de la durée des souffrances, mais de ce qui serait objectivement à faire pour le péché du point de vue du monde. Le Fils comme l'Esprit accomplissent maintenant, dans la souffrance, leur mission sans mesure. C'est le Père qui doit mesurer et fixer. Le Fils reste ouvert à la souffrance, l'Esprit également en l'introduisant à la souffrance (NB 6,408-410). 

 

348. Sur la croix, l'Esprit obéit au Fils

En se laissant crucifier, le Fils accomplit d’abord une obéissance toute simple, physique : il met ses membres là où le Père veut qu’ils soient. Suit alors son obéissance absolue : quand il rend aussi au Père son Esprit, il se dépouille lui-même de tout ce qui lui appartient. Il rend librement l’Esprit. Ses mains et ses pieds, il ne peut plus les rendre qu’en l’absence de liberté parce qu’ils sont déjà cloués, déjà pris. Il n’a plus la possibilité de fuir parce que le Père et l’Esprit lui obéissent sur la croix. S’ils ne lui obéissaient pas, ils lui auraient épargné la croix par compassion, ou bien ils auraient fourni un remplacement comme pour Isaac. Cela fait partie de leur obéissance que, jusqu’au bout, ils considèrent comme Dieu le Fils dont la souffrance doit être infinie (NB 9, n. 1636).  

 

349. « En tes mains, je remets mon Esprit »

Quand le Fils rend son esprit au Père, il rend en même temps l'Esprit Saint (NB 11,390-391).

 

350. Conception du Fils et transsubstantiation

L'Esprit Saint doit opérer la transsubstantiation à la messe parce qu'il a opéré la naissance du Fils, et cela parce que auparavant il avait opéré la conception. La conception correspond à la naissance, et celle-ci à son tour correspond à la transsubstantiation. Le prêtre, en tant qu'instrument de l'Esprit Saint, opère avec lui la transsubstantiation de par son ministère (NB 12,223).

 

351. L’Esprit opère la transsubstantiation

Il y a la transsubstantiation du Fils dans l’eucharistie : il nous est offert pour qu’il vive en nous. L’Esprit opère cette transsubstantiation comme autrefois il porta le Fils dans le sein de la Mère. Mais le Fils porte l’Esprit dans sa vie terrestre depuis son baptême. Les deux choses sont une expression de la relation en Dieu Trinité : le Fils est porté par l’Esprit, l’Esprit est porté par le Fils (NB 10, n. 2050).  

 

352. Le Fils nous donne son Esprit pour comprendre l’eucharistie

Le Seigneur ne cesse d’offrir à l’Église sa chair et son sang. Mais il doit en même temps lui donner son Esprit afin qu’elle comprenne que son présent est sa chair et son sang. Il distribue donc son Esprit, l’Esprit du Père, et l’Esprit à son tour se laisse distribuer d’une manière eucharistique dans un double sens : horizontalement, dans toute l’Eglise, et dans l’eucharistie du Fils lui-même pour la garder vivante en ceux qui la reçoivent. Cette première distribution n’est pas liée à la distribution eucharistique ; un chrétien peut avoir part chaque jour à la distribution de l’Esprit sans communier (NB 4,423-424).

 

353. Le corps du Seigneur imbibé d’Esprit

Souvent à la communion du matin je sais exactement ce qui est présenté : c'est le corps du Seigneur imbibé d'Esprit et on a le droit de partager son amour à lui et on voudrait voir comment l'Esprit d'amour remplit tous ceux qui communient et rayonne d'eux (NB 10, n. 2197).

 

354. L'Esprit Saint et l'eucharistie – L’Esprit donne au corps du Fils sa qualité particulière - Pour celui qui communie, l’Esprit parfait l’acte de foi en l’eucharistie

Dans l'eucharistie, l'Esprit Saint a une double fonction : il donne au corps du Fils sa qualité particulière et à celui qui communie la certitude de la foi et de l'espérance. Le Fils a dans l'Esprit un garant et un témoin de son existence eucharistique, également pour celui qui reçoit la communion. Mais pour que l'Esprit puisse certifier la vérité, le Fils doit la réaliser. Comme quelqu'un qui promet quelque chose à un autre et qui est ensuite obligé de le faire par amour pour lui. Pour celui qui communie, c'est l'Esprit qui parfait en lui l'acte de foi en l'eucharistie. Il y a là un mystère. Le Fils dit : « Ceci est mon corps » ; ce corps va agir en toi si tu le reçois. Mais entre la parole du Fils et son effet, il reste dans le croyant comme un petit écart que l'Esprit remplit (NB 6,528).

 

355. L’Esprit nous révèle l’amour du Fils - L’Esprit façonne notre relation au Fils – Ne pas résister à l'Esprit

L'amour que le Christ nous fait connaître est accompagné du souffle de l'Esprit qui procède du Père et du Fils et anime leurs relations, mais qui veut aussi façonner notre relation au Fils ; il nous ouvre l'amour du Fils, nous le révèle, nous l'explique. Celui qui regarde le Christ n'a peut-être de lui au début qu'un aspect qui l'intéresse, auquel il s'accroche, mais qu'ensuite il abandonne parce qu'il néglige d'accompagner le Christ dans son ascension vers l'éternel et l'infini. Il n'a donc pas su à qui au fond il avait à faire, il n'a pas voulu admettre l'ouverture que le Fils voulait être vers la vie éternelle. Mais s'il ne résiste pas à l'Esprit, il accompagne le Christ et se laisse introduire dans l'éternel. Alors des espaces et des temps lui sont ouverts qui ne sont jamais accessibles au non croyant : des espaces et des temps qui ne sont pas terrestres mais éternels (NB 6,25). 

 

356. Toute l'humanité entre le Fils et l'Esprit

Quand le Christ arrive dans le monde, il institue l'Eglise et, par elle, il introduit dans le monde le jeu des forces : Père - Fils - Esprit - Église. Sur la croix, il a vaincu le mal du monde en son fondement et d'une manière universelle, il a ainsi la possibilité d'inclure tous les hommes dans sa relation d'amour avec l'Eglise : les croyants et ceux qui ne connaissent rien de lui, également ceux qui le combattent, tous sont inclus d'emblée. Mais, à aucun moment, le Fils n'accueille l'Eglise (et par elle, le monde) dans une relation exclusive avec lui, il l'accueille tout de suite dans la pluralité de ses relations avec le Père et avec l'Esprit. A la Pentecôte, il envoie l'Esprit sur l'Église afin que l'Église (et en elle, le monde) soit désormais aux yeux du Père à l'intérieur de la relation d'amour du Fils et de l'Esprit, de l'Esprit et du Fils. Le Père n'a plus besoin maintenant de voir son monde "extra muros", il est inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit et il participe à l'amour trinitaire. Et ce n'est pas seulement le monde comme un tout qui y participe, c'est chaque être humain individuellement, de sorte que se font jour une infinité de facettes de l'amour et que chaque acte d'amour est recueilli dans le trésor d'amour du Père (NB 6,91).  

 

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14. L’Esprit dans la Trinité

 

357. L’Esprit et la Trinité

A la lumière de la nouvelle Alliance, nous percevons que, tout comme le Père et le Fils, l'Esprit aussi était en Dieu de toute éternité, et que les relations des trois personnes sont des relations d'un amour éternel qui, pour la divinité, est tellement originel que la création du monde aussi ne pouvait être projetée et réalisée qu'à l'intérieur de l'amour trinitaire (NB 10, n. 2147).

 

358. L’Esprit dans la Trinité

L'Esprit Saint a, vis-à-vis du Père et du Fils, la fonction de l'amour. C’est comme si, bien qu'ils soient trois, ils étaient deux à s'aimer : le Père qui dirige, le Fils qui est dirigé, et c'est ainsi que la fonction de l'Esprit est toujours remplie. Il est tellement dans le Père et dans le Fils qu'il semble se dissoudre totalement dans leur amour réciproque. L'Esprit n'en est pas humilié, compté pour rien, sa tâche n'est ni secondaire, ni insignifiante, elle est une tâche totalement divine dont il s'est acquitté parfaitement. Il est tellement l'amour en Dieu qu'il ne fait qu'un dans le Fils, un dans le Père, et de plus lui-même ne cesse pas d'être un. La troisième personne n'est pas supprimée dans les deux autres, mais toutes trois, par l'amour de l'Esprit, réalisent parfaitement la nature de l'amour divin. L'Esprit est dans le Père et dans le Fils ; mais on peut dire tout aussi bien : le Père et le Fils sont dans l'Esprit ; dans l'amour, ils ne sont pas seulement l'amour par l'Esprit, mais c'est en étant dans l'Esprit qu'ils réalisent l'amour qu'ils sont. Parce qu'ils sont eux-mêmes l'amour, ils sont aussi l'amour dans l'Esprit (NB 12,96).

 

359. Dieu : Fils et Père et en même temps Esprit Saint

(D'une lettre d'Adrienne au P. Balthasar datée du 5 avril 1941). La nuit dernière a été bonne, avec beaucoup de prière ; une pensée m'accompagnait pour ainsi dire toujours : Trinité. Pourquoi cela justement, je ne sais pas. C'était pour moi comme si j'en faisais l'expérience comme lorsqu’on expérimente et comprend quelque chose. Pour moi "personnellement", Dieu ne peut être compris autrement que comme Fils et Père et en même temps Esprit Saint, tout à la fois dans l'unité et la multiplicité, "découlant l'un de l'autre et formant un tout indissoluble". Pour moi c'est clair comme le jour à travers mes difficultés d'expression et leur maladresse, impossible à rendre (NB 8, n. 48).

 

360. Entre le Père et le Fils

De toute éternité le Père engendre le Fils, et l'Esprit procède des deux : l'ordre des processions coexiste avec l'éternité. Selon l'ordre, on peut supposer le moment où les volontés du Père et du Fils s'accordent pour faire procéder l'Esprit. Mais il y a aussi le moment où le Père et l'Esprit acceptent de laisser le Fils devenir homme. Dans le premier exemple, où la procession de l'Esprit est basée sur les propriétés personnelles de Père et de Fils, on peut voir quelque chose de ce qui dans le second exemple, qui est une action ad extra, est appelé appropriation, étant donné que lorsque l'Esprit couvrit la Vierge de son ombre l'acte de création du Père dans le monde est prolongé et le résultat en est l'incarnation du Fils qui se laisse devenir homme. Les actions des personnes divines ad extra sont certes communes, mais elles sont opérées par une personne avec l'accompagnement des autres, et le caractère de l'action manifeste le caractère de la personne qui agit. Comme les personnes en Dieu se distinguent par leur opposition à l'intérieur de l'unité de nature, on peut reconnaître, dans une action déterminée du Dieu unique, une seule personne même si elle n'agit pas indépendamment des autres. La création comme telle renvoie clairement au Père, justement parce qu'il est Père, bien qu'elle soit, bien entendu, l'œuvre de Dieu Trinité tout entier. On peut comparer le monde et le Fils parce qu'ils sont issus tous deux du Père. Et on peut reconnaître le propre du Fils à partir de la nature créée du monde. Parce que le Père et le Fils sont présents dans l'acte de la création, l'Esprit Saint y collabore aussi, par son souffle. Il souffle où il veut, mais toujours entre le Père et le Fils. D'où vient qu'en suivant les traces de l'Esprit, on rencontrera toujours le Père et le Fils (NB 6,81). 

 

361. Un Esprit d'amour éternellement entre le Père et le Fils

L'amour du Père est précis en ce sens qu'il engendre le Fils, et l'amour des deux est précis en ce sens que l'Esprit procède d'eux. L'amour de Dieu crée son toi, c'est pourquoi il fait partie de la nature de tout amour d'être créateur. Si nous, en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas nous créer réciproquement, nous devons quand même participer au devenir de l'être aimé, aider à le former, non selon la loi du moi, mais selon la loi objective de l'amour. Et cette loi agit en retour sur celui qui forme. Ainsi le Père divin reçoit aussi de l'Esprit Saint la forme d'amour qu'il a désirée pour lui-même afin d'être le Père du Fils. Pendant que le Fils commence à être et que des deux naît l'Esprit, le Fils et l'Esprit font que le Père est Père. Sans le Fils, le Père ne serait pas Père. Toutes les personnes se déterminent mutuellement. Et le Père tient tellement à ces dispositions que, dans l'éternité, il ne cesse d'engendrer le Fils et il tient tellement aussi à l'échange d'amour dans l'Esprit Saint qu'éternellement il fait souffler l'Esprit où il veut, il le fait être éternellement Esprit d'amour entre lui et le Fils (NB 6,104). 

 

362. L’Esprit Saint est après le Père et le Fils – L’Esprit Saint, l’amour abolit les distances

Dans le mouvement de Dieu qui va du Père vers le Fils et des deux vers l’Esprit, les deux mouvements sont communs dans le temps éternel (qui n’est pas un temps) : la séparation l’un de l’autre et l’existence l’un dans l’autre. Depuis toujours. Le Fils est après le Père parce que celui-ci l’engendre, et l’amour, l’Esprit Saint, est après le Père et le Fils étant donné qu’il procède des deux ; mais cela, en se trouvant entre les deux et en les unissant, en allant et venant de l’un à l’autre ; ainsi il crée des orientations et en même temps il y renonce parce que des deux il fait l’unité. Procédant du Père et du Fils, l’Esprit abolit la distance entre eux ou bien, de cette distance, il fait le mouvement, il fait qu’ils sont parfaitement l’un dans l’autre (NB 4, 351).

 

363. L’Esprit d’amour (dans la Trinité)

Entre le Père, le Fils et l'Esprit, l'échange est parfait, et c'est l'Esprit qui fait qu'entre le Père et le Fils aucun des deux ne se pose la question : Est-ce que je t'aime comme tu m'aimes ? Est-ce que tu m'aimes comme je t'aime ? L'Esprit au contraire fait que les deux laissent à l'Esprit le soin de présenter cet amour, et même d'être cet amour. Ainsi, dans l'Esprit Saint, les "limites" de chacun ne le séparent pas de l'autre (NB 6,300).

 

364. L’Esprit tourné vers le Père et vers le Fils

L'Esprit a pour ainsi dire deux visages : il est tourné tout autant vers le Père que vers le Fils (NB 4,36).

 

365. Relations de l’Esprit avec le Père et le Fils

Dieu le Père engendre éternellement le Fils, et l'Esprit procède des deux éternellement. L'Esprit, qui lui-même est Dieu, est en même temps aussi médiateur entre le Père et le Fils, il l'est sans que cela s'oppose à l'ouverture réciproque du Père et du Fils. Ils ont des relations directes l'un avec l'autre, mais ils communiquent aussi l'un avec l'autre dans l'Esprit. Il n'y a pas de loi qui régirait ces deux modes de relations. Les unes et les autres existent, et les deux sont vraies ensemble. L'Esprit est l'Esprit du Père et l'Esprit du Fils : chacun des deux reconnaît en lui son Esprit ; et l'Esprit se sait un avec le Père et avec le Fils (NB 1/2, 159).

 

366. Le mouvement éternel du Fils et de l'Esprit (du Père et vers le Père)

Le Fils vient du Père et va au Père ; l'Esprit accomplit un mouvement inverse. On peut le dire comme ceci : le Père envoie le Fils et il attend son retour ; il attend l'Esprit pour l'envoyer à nouveau. On pourrait penser à deux mouvements circulaires marchant en sens contraire dans lesquels le Fils et l'Esprit se rencontrent tantôt dans le Père et tantôt en dehors du Père. On pourrait essayer de se représenter encore une autre sorte de rencontre : le Fils s'efforçant justement d'entrer dans l'obscur du Père et l'Esprit sortant justement de l'obscur du Père. Mais ce n'est pas ici qu'ils se rencontrent. Ils ne se rencontrent que dans le monde d'un côté et dans la vie éternelle du Père de l'autre. Dans le Père, ils se rencontrent éternellement sans que leur mouvement dans le Père en arriverait à un état immobile. Car la vie tripersonnelle est mouvement éternel parce que le Père lui-même est dans le mouvement éternel d'engendrement et de procession ; jamais le Père ne se repose en lui-même ; en tant qu'amour, le Père se communique éternellement. Et du même mouvement du Père sort aussi sa création. De même que le Fils et l'Esprit sont dans un mouvement éternel qui sort du Père et retourne au Père, de même le Père veut introduire sa création dans ce mouvement trinitaire et, en envoyant son Fils et l'Esprit, il ouvre au monde ce mouvement éternel. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6,96-87). 

 

367. Le Père confie le Fils à l’Esprit pour le temps de sa mission sur terre - Les bras de l'Esprit - L’Esprit est le premier christophore -L’Esprit porte la mission du Fils

Quand le Père envoie le Fils, il lui donne l'Esprit plus que jamais pour ce temps. Il unit les missions du Fils et de l'Esprit, mais on ne doit pas oublier que l'Esprit qui guide le Fils est l'Esprit du Père, c'est pourquoi il est tout à fait impossible que le Père et le Fils deviennent étrangers l'un à l'autre. Mais l'Esprit assume une responsabilité qui, pour tenir bon, requiert une prudence et une tendresse divines. Le Père met son Fils dans les bras de l'Esprit comme une mère met son enfant dans les bras d'une nourrice. L'Esprit est le premier christophore. Et parce que le Fils et sa mission sont inséparables, l'Esprit porte les deux. Déjà la semence qu'il apporte à la Mère contient les deux. La mission, on ne doit pas l'imaginer comme un ensemble de tâches différentes, mais comme un tout qui vient du Père et retourne au Père sans qu'on puisse le diviser. C'est cette mission que porte l'Esprit. Ce qui fait que les missions du Fils et de l'Esprit se mêlent, car il fait partie de la mission du Fils de se laisser porter par l'Esprit comme il fait partie de la mission de l'Esprit de porter celle du Fils. Le Père ne cesse d'envoyer les deux ; de lui, nous ne savons rien de plus parce que personne ne l'a jamais vu. Ce sont le Fils et l'Esprit qui rendent le Père visible pour nous (NB 6,402-403). 

 

368. L’Esprit Saint nous révèle la Trinité

Dans la fête d’aujourd’hui (la Trinité), il y a une sorte de concentration de toutes les fêtes chrétiennes par l’Esprit Saint qui représente le Père et le Fils, qui exprime ce que nous sommes capables de comprendre de Dieu, mais qui exprime aussi avant tout la manière de participer à ce que Dieu exige de nous. Une vitalité qui dépasse de loin notre propre vitalité mais qui devrait tellement devenir la nôtre que peu importe ce que nous sommes si seulement nous laissons l’Esprit être en nous ce qu’il est. Et l’Esprit en nous entreprend en quelque sorte la révélation de toute la Trinité : le Père (dont il procède) demeure à l’arrière-plan, mais l’Esprit est pour nous le porteur de la parole du Fils, qui devient pour nous saisissable quand elle est portée par l’Esprit et insaisissable quand nous l’abordons avec notre propre esprit. Il ne suffit pas que j’aie tous les éléments d’un devoir de mathématiques, il faut de plus une concentration pour que surgisse la solution. L’Esprit est cette concentration ; dans les mathématiques, un instinct naturel peut suffire, mais nous n’avons pas d’instinct naturel pour la révélation surnaturelle de Dieu dans le Christ. Ceci serait donc un accès à la Trinité à partir de l’une ou l’autre donnée de la révélation biblique : nous reconnaissons que chacune des paroles du Seigneur est portée par l’Esprit, nous faisons l’expérience dans l’Esprit du contenu de la parole et, à partir de là, nous apprenons à connaître le mystère de la Trinité. Mais tout ceci non sans la médiation du oui de la Mère (NB 10, n. 2054).

 

369. L’Esprit, don aimant du Père au monde

Joachim de Flore. Il aime l'Esprit en tant que don aimant du Père au monde (NB 1/1, 79).  

 

370. Aller vers le Fils avec l’Esprit – Le Fils et l’Esprit nous tirent vers le Père

Nous devons aller vers le Fils avec l'Esprit, et c'est par les deux que nous sommes présentés au Père. Cela aussi est mystérieux, car on ne voit pas cette présentation, on n'a pas de mots pour la dire, mais on fait l'expérience d'une ouverture. On a part à l'ouverture du Fils et de l'Esprit sans en avoir une vue d'ensemble. La règle du jeu dit qu'on est semblable à tous les autres, de même que tous sont semblables à nous et qu'on partage avec eux les dons du Fils. Mais on n'a pas l'impression que les autres créatures nous poussent vers le Père, c'est plutôt le Fils et l'Esprit qui nous tirent tous ensemble vers le Père (NB 6,571-572).

 

371. Sainte Hildegarde et la Trinité

Sainte Hildegarde se trouve tout près du Père et elle est mise en mouvement par le Père. Elle est mise en mouvement tantôt vers l’Esprit, tantôt vers le Fils. Quand elle expose ses visions, elle est mise en mouvement vers l’Esprit. Si certains font l’expérience de l’Esprit comme d’une flamme, elle fait l’expérience du Père comme d’un « courant d’air ». Le « souffle du Père » est pour elle plus sensible que celui de l’Esprit (NB 5,161).  

 

372. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et la Trinité

La petite Thérèse est d’abord marquée par le Christ. Plus tard, son humilité est davantage marquée par l’Esprit. Quand elle ne veut plus être qu’un « jouet », elle se trouve éminemment sous l’influence de l’Esprit. Elle est clairement sous l’influence du Père quand, pour elle, le monde entier devient important comme champ de la mission et qu’elle veut tout rendre à Dieu (NB 5,160).  

 

373. Les dévotions doivent toutes contenir l’Esprit du Fils

Le Notre Père, ce sont les paroles du Fils. C’est la relation au Père ; c’est à lui seul qu’on adresse la parole. C’est une prière chrétienne parce qu’elle exprime la relation du Fils au Père. Il en est ainsi de toute prière chrétienne. Je peux aimer la dévotion au cœur de Jésus, mais derrière, il y a le Père, il y a l’Esprit. Et sans doute sommes-nous libres dans l’Eglise de cultiver les dévotions auxquelles nous tenons, mais elles doivent toutes contenir l’Esprit du Fils (NB 4, 236).

 

374. Le Père aime l'Esprit

Nous avons une idée de l'amour du Père pour le Fils, car nous connaissons entre humains quelque chose de comparable et nous pouvons en quelque sorte exhausser nos expériences à l'infini. Quand nous essayons tant bien que mal de penser l'Esprit, nous voyons que le Père non seulement aime la personne de l'Esprit comme celle du Fils, mais aussi qu'il aime la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit, et qu'il reçoit un fruit de cette relation d'amour : elle est importante pour le Père, elle l'enrichit, il l'aime et compte sur elle. De même une mère qui a plusieurs enfants est enrichie par chaque nouvel enfant, non seulement par sa nouvelle relation à l'enfant, mais aussi par la relation du nouvel enfant avec ses frères et sœurs, et par la relation de chacun d'eux avec les autres. Par cette image, il pourrait même sembler qu'on pourrait saisir plus facilement les relations des trois personnes divines que la relation d'une mère à ses dix enfants. Cette impression se dissipe quand on prend en considération le fait que Dieu le Père trouve si infiniment parfaites ses relations au Fils et à l'Esprit et les relations du Fils et de l'Esprit que, pour en exprimer quelque chose, il crée l'univers (NB 6,90). 

 

375. L’Esprit obéit au Père - Le don de soi de l'Esprit Saint

Adrienne raconte que, toute une nuit, elle a eu la même vision : la conception de Marie. Elle voit un rayon sortir du Père pour aller sur la Mère et, dans ce rayon, il y a la colombe. Mais la colombe ne se meut pas, elle ne vole pas elle-même, c’est le rayon qui se meut et la colombe est mue dans le rayon. Par là se manifeste clairement l’absolu don de soi de l’Esprit Saint, la passivité avec laquelle il sort du Père et son extrême obéissance à l’égard du Père : il se laisse diriger là où le Père le veut (NB 9, n. 1388).  

 

376. Saisir l’Esprit - L'Esprit n'envoie pas, il est toujours envoyé – L’Esprit a été envoyé par le Père pour accompagner la mission du Fils - Il se laisse envoyer par le Fils

Les missions sont toujours en contact les unes avec les autres. C'est déjà ce que montre la mission unique, divine et chrétienne, du Fils qui sort du Père (pour le Père, on ne peut pas parler de mission, mais il envoie). Après avoir achevé sa mission, le Fils qui est envoyé envoie l'Esprit qui se laisse envoyer par le Fils comme il s'est laissé envoyer par le Père, avant tout pour accompagner la mission du Fils. On ne peut saisir l'Esprit qu'en contemplant la qualité qui lui est propre : se laisser envoyer. Pour le Fils, la mission est passive et active ; il se laisse envoyer et il envoie. Le Père ne fait qu'envoyer. La mission passive du Fils débouche sur son envoi actif de l'Esprit. Ces deux genres de mission sont visibles aussi dans le fait que le Fils vient du Père pour retourner à lui. Son envoi actif de l'Esprit correspond à son retour au Père. L'Esprit est seulement envoyé : par le Père et par le Fils (NB 6,569). 

 

377. L'Esprit Saint et le commandement de l'amour

Dans l'événement de l'incarnation, il y a une solidarité de l'Esprit avec le Fils. Si on connaît l’incarnation du Fils, il n'est pas difficile d'en déduire aussi le renoncement de l'Esprit Saint. Si on compare l'incarnation du Fils à une infirmité, l'ami ou la famille y prend sa part, ils sont concernés, ils compatissent. On renonce à bien des choses quand un membre de la famille est malade. L'incarnation du Fils ne diminue pas sa gloire, elle la fait ressortir au contraire, parce qu'il y renonce pour pouvoir la faire mieux rayonner. Mais il serait absurde de penser que le Père et l'Esprit veulent garder pour eux leur gloire alors que le Fils y renonce lui-même. Il n'y a certes qu'une seule gloire divine qui est commune aux trois. Si déjà, entre humains, il y a dans l'amour une solidarité qui ressort particulièrement quand l'un souffre, il serait étrange que l'auteur des commandements de l'amour ne les observe pas lui-même. Et comment, sans renoncement, l'Esprit devrait-il couvrir la Mère de son ombre ? Le but et le résultat de son acte divin ne se trouvent pas en lui-même, mais dans le Fils. Et quand l'Esprit dépose la semence du Fils dans le sein de la Mère, son acte divin devient un acte humain (dans son résultat), bien que tout l'événement de l'incarnation reste une action divine des trois personnes divines (NB 5,282-283).

 

378. Dans l'unité du Saint-Esprit : c’est-à-dire amour, attachement, amitié, conversation, parole

Le Fils s’est offert à nous comme celui qui fait la volonté du Père jusqu'à l'extrême abandon de la croix. Et c'est pourtant la volonté du Père d'avoir le Fils auprès de lui et non d'augmenter la distance et d'introduire l'incompréhensible entre lui et le Fils. La volonté du Père est l'unité avec le Fils dans l'Esprit Saint. Et qui dit unité dit amour, attachement, amitié, conversation, parole (NB 3,328).

 

379. Ce n'est pas une humiliation pour l'Esprit de procéder du Père et du Fils

La vie éternelle, le mystère trinitaire n'est jamais monotone. Ce n'est pas une humiliation pour le Fils que le Père le précède en tant que Père, et ce n'est pas une humiliation pour l'Esprit de procéder du Père et du Fils. Ni que l'un puisse recevoir de l'autre la vérité, bien que toujours aussi celui qui reçoit peut la communiquer à celui qui donne. Cela contribue à la plus grande gloire de Dieu de recevoir la vérité et c'est un bonheur également grand de la donner ou de l'échanger (NB 6,68). 

 

380. Le Fils et l’Esprit se différencient pour nous par l’incarnation - Le propre de l’Esprit : la surprise

On peut exprimer des généralités sur Dieu Trinité : le Père est la vérité, le Fils est la vérité, l’Esprit est la vérité. Tout semble alors déboucher sur l’uniformité, on ne perçoit pas dans quelle mesure justement le Père est la vérité, etc. Ce n’est que par l’incarnation que se différencient pour nous le Fils et l’Esprit, et le Père aussi se détache alors d’eux. Maintenant se pose la question : comment Dieu se différencie-t-il pour lui-même? Est-ce que les personnes doivent se référer éternellement à leurs relations d’origine – le Fils engendré par le Père, l’Esprit procédant des deux – pour se distinguer les unes des autres ? Ou bien l’incarnation du Fils par exemple fut-elle pour le Père et l’Esprit une occasion bienvenue de se distinguer enfin plus nettement du Fils ? Il serait ridicule de dire ce genre de choses ! Il y a par exemple la liberté de l’Esprit de souffler où il veut. A cette liberté est associé un facteur d’indépendance et par là de « surprise » qui est le propre de l’Esprit ; on pourrait le comparer à la spontanéité de l’enfant qui, par ses trouvailles – cocasses ou sérieuses – procure continuellement à ses parents diversion et joie (NB 5,151).

 

381. L'Esprit et le Père dans l'incarnation du Fils

Le Fils veut devenir homme pour être ici-bas aussi le Fils du Père comme les autres hommes sont ses enfants. Cette volonté est en rapport intime avec sa propriété de Fils et la révèle. L'Esprit collabore à l'œuvre du Père et du Fils en couvrant la Vierge de son ombre ; il est ici nettement en évidence, ce qui montre sa liberté et sa responsabilité, et cependant il reste pleinement uni au Père et au Fils. Il se substitue d'une certaine manière au Père dans ce nouvel engendrement du Fils (NB 6,82). 

 

382. Noël : le Père et l'Esprit devant le Fils devenu enfant

(Réflexions d’Adrienne à Noël quand elle a 31 ans environ, elle n'est pas encore catholique, elle est mariée et exerce sa profession de médecin) : L'enfant vient au monde et il a sa mère auprès de lui. Pour Dieu le Père et l'Esprit Saint, ce doit avoir été quelque chose de singulier de voir devant eux le Fils éternel devenu un enfant. L'Esprit dit au Père : Tu vois maintenant, j'ai accompli ce que tu m'avais demandé de faire. Le Père est heureux, mais il a aussi des scrupules ; c'est quand même une exigence pour le Fils, toute cette aventure. Et donc de manière indirecte pour lui aussi et pour l'Esprit (NB 7,284-285).

 

383. Le Père et l’Esprit reçoivent la prière du Fils quand Marie prie avec son enfant

Quand Marie prie avec son enfant, elle se sert des mots qu’elle connaît, elle demande des choses qui lui semblent nécessaires, elle prie à la manière d’une vraie croyante, mais elle sait que le Fils, qui entend ses mots, les reprend et les transmet à Dieu d’une manière qui la dépasse. Non seulement parce que Dieu le Père et l’Esprit Saint les reçoivent du Fils, mais parce que la prière du Fils lui-même, sa manière de parler avec le Père, lui demeure inaccessible ; cela fait partie du mystère trinitaire (NB 5,21). 

 

384. A la croix, l'Esprit Saint est là pour aider le Père comme le Fils

Il serait facile pour le Père d'étendre autour de la croix sa main protectrice ; elle est assez grande et assez puissante pour la dominer tout entière. Mais justement il ne lui est pas permis de le faire. Car il doit participer à l'impuissance du Fils. Le Père laisse au Fils sa volonté propre qui, en son fond ultime, coïncide avec la volonté de mission du Père. Comme si, à la croix, il y avait une sorte d'inversion de la demande : "Que ta volonté soit faite, non la mienne". L'Esprit Saint est là pour aider le Père comme le Fils dans leur impuissance identique et pourtant opposée ; il est comme un miroir qui se tient devant le Père comme devant le Fils pour que, le plus clairement possible, ils reconnaissent toujours ce que l'autre désire. L'Esprit n'est pas seulement aide, il est aussi, en un certain sens, l'informateur qui indique de la manière la plus objective, la plus exacte, qui est Dieu le Fils et ce qu'il désire donner, et qui est Dieu le Père et ce qu'il désire donner. Cette impuissance du Père, qui lui est comme imposée, approfondit la distance qui sépare le Père du Fils, et l'Esprit qui sert de médiateur entre la volonté du Père et celle du Fils met toute sa volonté à souligner la distance requise de la manière dont le Père et le Fils le demandent, voulant et ne voulant pas tout à la fois. Le voulant, parce qu'il en a été décidé ainsi ; ne voulant pas, parce que, sur le moment, c'est le plus difficile : ils sont comme prisonniers de leur propre volonté (NB 3,180-181).  

 

385. A la croix, le Fils remet au Père son Esprit, son Esprit qui le reliait au Père

Le Fils veut sauver le monde et le ramener au Père. Il veut prouver par là au Père que son amour est toujours plus grand. Pour sauver le monde, la croix est nécessaire. Pour prouver au Père son plus grand amour, il faut la nuit. Mais la nuit, c’est le désaccord entre la foi, l’amour et la compréhension. Ce désaccord a pour le Fils d’autres caractères que pour nous parce que sa relation au Père, on ne peut pas la caractériser adéquatement par le terme de « foi ». La nuit véritable a son origine dans le Fils. Pour le croyant, elle ne peut être qu’une nuit d’accompagnement, non une nuit autonome ; c’est donc une nuit qui est immergée dans la nuit du Fils. Par amour pour le Père, le Fils renonce à éprouver son amour. Il renonce en même temps à comprendre cette privation. Il la laisse se produire en lui, sans rien voir, sans la comprendre, sans sentir sa relation au Père. En rendant son Esprit au Père, il lui a remis tout ce qui le reliait à lui (NB 5,91-92). 

 

386. La croix de l’Esprit

Trois croix se trouvent côte à côte mais, dans le Seigneur, elles ne forment qu'une seule croix. Car le seul côté que nous voyons de Dieu Trinité, c'est le Seigneur, et ainsi nous ne voyons la croix du Père et la croix de l'Esprit que dans la croix du Seigneur (NB 4,418).

 

387. Le Père et l'Esprit à la communion

(Septembre ou octobre 1941). D’Adrienne au P. Balthasar : « Vous savez, autrefois, au printemps, quand je vous ai écrit un jour “Trinité, Trinité”, je ne vous ai pas tout dit. Je ne sais pas comment je dois dire ; peut-être est-ce une hérésie ; vous devrez justement corriger après. Donc dans l’hostie, il n’y a pas que le Corps du Christ, mais en quelque sorte aussi la Trinité elle-même. Le jour où je fus tellement remplie de la “Trinité”, je vis autour de l’hostie, quand le prêtre la montra pour la communion, non seulement une lueur (cela, je le vois souvent), mais une sorte de triple lueur. C’est comme si la lueur autour de l’hostie était composée de trois lumières qui, venant d’en haut, entrent en elle, “comme des quartiers d’orange” ; l’hostie les reçoit pour ainsi dire presque comme une poche ouverte. Quand je vis cela, j’ai su que cela signifiait la Trinité ». Nous parlons ensuite de l’unité de la nature divine, et comment le Père et l’Esprit sont un dans le Christ. Elle dit qu’on y pense trop peu quand on communie. La semaine dernière, c’est tous les jours qu’elle a vu l’hostie de cette manière (NB 8, n. 202). 

 

388. L’Esprit et la création

Avant de créer le monde, Dieu ne se révélait qu’au sein de la Trinité. La nature trinitaire de Dieu est si infinie et si parfaite qu’elle suffit essentiellement à Dieu Père, Fils et Esprit. Mais le Père, avec le Fils et avec l’Esprit, décide en toute liberté de donner à leur éternel échange d’amour un nouveau mode d’expression… Dieu met maintenant en dehors de lui une création qui doit rester avec lui dans un échange constant, une relation vivante et pleine d’attente. Le Père se dispose à agir, le Fils le seconde, l’Esprit plane en créateur sur l’abîme (NB 5,40). 

 

389. L’Esprit Saint et le monde

Comment Dieu Père, Fils et Esprit se comportent eux-mêmes envers le monde, nous ne pouvons pas nous en faire une idée. En tant que croyants, nous pouvons croire aux mystères de Dieu et les tenir pour vrais. Mais Dieu, quand il le veut, peut donner très soudainement à l’homme une illumination sur la manière dont Dieu se comporte envers les hommes, et non seulement sur la manière dont l’homme vit pour Dieu. Dieu Trinité qui est sur le point de créer est encore tout à fait seul ; aucun homme n’est là qui pourrait répondre à cet acte trinitaire : personne ne peut observer l’Esprit planant sur l’abîme, ni la présence du Fils et, encore moins, sa propre création par Dieu (NB 5, 41). 

 

*

 

Terminer avec saint Louis de Gonzague dans une lettre à sa mère :

« J’implore pour vous, Madame, la grâce et la consolation de l’Esprit Saint ».

 

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Poursuivre la route de l’Esprit Saint

avec quelques notes des "compagnons" d’Adrienne

 

1. Grégoire de Nazianze

 

L'Ancien Testament proclamait manifestement le Père, et plus obscurément le Fils ; le Nouveau Testament a manifesté le Fils, et il a fait entrevoir la divinité de l'Esprit Saint ; maintenant l'Esprit a droit de cité parmi nous et il nous accorde une vison plus claire de lui-même.

 

Je traverse la vie en persuadant aux autres, autant que je le peux, d'adorer le Père et le Fils et l'Esprit Saint, l'unique divinité et puissance.

 

2. Simone Weil

 

La grâce (c'est-à-dire l'Esprit Saint) ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c'est elle qui fait ce vide.

 

3. Saint Jean-Marie Vianney

 

Il faudrait dire chaque matin : Mon Dieu, envoyez-moi votre Esprit qui me fasse connaître ce que je suis et ce que vous êtes.

 

Sans le Saint-Esprit, tout est froid.

 

4. Saint Irénée

 

L'Esprit Saint nous adapte à Dieu.

 

La semence du Père de toutes choses, c'est-à-dire l'Esprit de Dieu.

 

Par les prophètes, Dieu habituait l'homme, sur la terre, à porter son Esprit et à posséder la communion avec Dieu. Lui qui n'a besoin de rien, il accordait sa communion à ceux qui avaient besoin de lui.

 

Elles sont vraiment multiples, les eaux de l'Esprit de Dieu, parce que riche et grand est le Père.

 

L'Esprit Saint qui est la nourriture de vie.

 

Le Père décide et commande, le Fils exécute et modèle, l’Esprit nourrit et accroît.

 

5. Jean Duchesne

 

A chaque génération, l'Esprit Saint veille à ce qu’agissent, au sein même de l’Église pécheresse, des "minorités créatives".

 

6. Saint Ambroise

 

La grâce de l'Esprit Saint ne connaît ni les hésitations ni les retards.

 

7. René Laurentin

 

L'Esprit Saint ne tient aucun discours. Il est silence, mais il est aussi lumière dans les cœurs. Sa lumière éclaire la parole de Jésus. Il en révèle la profondeur et le sens actuel dans les circonstances indéfiniment nouvelles du monde en évolution.

 

Quand Jésus ressuscité se manifeste à ses disciples, il ne reprend pas la vie commune avec eux. C'est en visiteur de l'au-delà qu'il se manifeste et leur fait signe. Désormais ses disciples auront à le connaître non plus selon la chair, mais selon l'Esprit, c'est-à-dire tel qu'il est devenu dans l'éternité de Dieu.

 

8. Mgr Dagens

 

L'Esprit ne se donne pas (à nous) pour nous éblouir ou nous contraindre à croire, mais pour que nous acceptions d'entrer en dialogue avec Dieu.

 

L’Esprit dont Jésus rayonne et qui est le secret de sa vie, il nous le propose pour que nous en fassions le secret de notre vie. Satan est l’ennemi sournois, mystérieux, qui cherche à détourner la liberté humaine de la docilité à l’Esprit de Dieu. Il nous est toujours possible de refuser l’Esprit que donne Jésus.

 

9. François Varillon

 

Il y a la phrase enfantine : "Ne pas faire de la peine au Bon Dieu". Saint Paul le disait dans un autre langage : "Ne contristez pas le Saint Esprit de Dieu"  (Ep 4,30). Nous avons le pouvoir (triste) de contrister le Saint Esprit, mais le Saint Esprit ne peut pas nous manipuler.

 

10. Starets Silouane

 

Pour ceux qui me demandent de prier pour eux, je supplie le Seigneur : "Seigneur, donne-leur ton Esprit Saint pour qu’ils te connaissent par l’Esprit Saint".

 

Que le Saint-Esprit dirige la barque de ton âme.

 

11. Isaac de Ninive

 

L’Esprit Saint est en la Trinité la personne qui demeure inconnue mais qui manifeste toute chose de Dieu et rend réelle toute vie spirituelle. Il donne le sens de la vie éternelle et le sens des réalités cachées.

 

12. Olivier Clément

 

L'Apocalypse n'est pas histoire, mais déchiffrement permanent de l'histoire. L'Apocalypse signifie tout simplement révélation. Elle nous dit que l'histoire véritable n'est pas programmée par les puissants de la terre, mais qu'elle se trouve entre les mains de Dieu. Quelle que soit la puissance apparente du mal et de l'injustice dans notre monde, le dernier mot appartient à Dieu. Son Fils est venu détruire la mort, dans le secret, par respect pour notre liberté. Son Esprit maintenant nous aide à répandre partout cette victoire.

 

Si Dieu se révèle dans le Verbe, l’Esprit sonde ses profondeurs silencieuses.

 

Le Seigneur Jésus respecte notre liberté. Il a refusé au désert les tentations de la richesse, de la magie et de la puissance qui auraient pu attirer à lui les hommes comme des animaux subjugués. Il n’est pas descendu de sa croix. Il est ressuscité dans le secret, reconnu seulement par ceux qui l’aiment. Dans l’Esprit Saint, il chemine à côté de chaque homme, mais attend sa foi aimante.

 

Le drame du christianisme moderne, c’est d’avoir étouffé l’Esprit sous le piétisme, le moralisme, le ritualisme.

 

Il n’y a pas un seul homme qui n’ait une relation mystérieuse avec le Père qui le crée, avec le Christ, avec l’Esprit qui anime toute vie. Il n’y a pas un seul homme qui n’ait une aspiration à la bonté, un tressaillement devant la beauté, un pressentiment du mystère devant l’amour et devant la mort.

 

L’Esprit rend l’homme capable d’entendre la Parole. L’Esprit Saint est le Dieu secret, le Dieu intérieur qui s’efface pour vivifier au plus profond chaque existence personnelle. C’est l’Esprit Saint qui fait de l’homme un être de désir.

 

13. Michel Laroche

 

Dieu se sert de la vie quotidienne et laborieuse pour purifier l'âme. Le Seigneur veut que nous prenions conscience de ce qui est essentiel, l'acquisition de son royaume, c'est-à-dire l'Esprit Saint, et de ce qui découle de cet essentiel.

 

Le pauvre en esprit, c’est le mendiant d’Esprit Saint. Bienheureux les mendiants en Esprit Saint. Le pauvre en esprit, c’est celui qui, ayant conscience de son manque d’Esprit Saint, mendie celui-ci dans sa prière.

 

14. Cyrille de Jérusalem

 

L'Esprit Saint est l'auteur de l'allégresse spirituelle.

 

Celui qui reçoit la visite de l’Esprit Saint a l’âme éclairée ; élevé au-dessus de lui-même, il voit ce qu’il ne savait pas.

 

15. Mgr Léonard

L’Ascension de Jésus est d’abord ressentie comme un éloignement, une disparition. Ce n’est qu’à la Pentecôte qu’elle est enfin saisie dans sa véritable signification. L’Ascension n’est pas seulement l’effacement de la présence sensible du Ressuscité, elle a aussi un sens positif : "C’est votre intérêt que je parte car, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous" (Jn 16,7). L’Ascension signifie donc l’inauguration d’un nouveau mode de présence de Jésus : celui de l’habitation de son Esprit au cœur du croyant ; l’Esprit suscite la foi elle-même, il anime sans cesse l’Église de son souffle, il réalise sans cesse les sacrements.

 

16. Peter Hans Kolvenbach

 

Saint Ignace n’était nullement convaincu que l’Esprit Saint était toujours avec la majorité.

 

17. Louis Bouyer

 

Il y a une nostalgie de Dieu qui ne cesse de sous-tendre toutes les activités de l’homme, même celles qui paraissent d’abord s’éloigner le plus de lui. La grâce prévenante de Dieu ne se lasse pas de rechercher l’humanité à travers toutes son histoire. Le Christ ne cesse de lui ouvrir ses bras, l’Esprit ne cesse de la pousser sans jamais la contraindre.

 

L’Esprit Saint a toujours été la présence secrète de Dieu au sein de la création. L’Esprit Saint nous dispose à rechercher la présence du Père.

 

18. Hermas

 

La tristesse chasse ou étouffe l’Esprit.

 

L’Esprit de Dieu ne supporte ni tristesse ni manque d’espace.

 

L’homme triste attriste l’Esprit qui l’habite, mais empêche aussi la prière. Il ne peut percevoir l’Esprit qui prie en lui.

 

19. Benoît XVI – Ratzinger

 

La foi commence quand les hommes sont touchés intérieurement par l’Esprit de Dieu qui ouvre leur cœur et le purifie.

 

L’Esprit Saint, plus encore que le Christ, nous échappe dans le mystère.

 

L’ange à Marie : "Tu es pleine de grâce". On pourrait traduire : "Tu es remplie de l’Esprit Saint, tu es en relation vitale avec Dieu". La grâce, c’est Dieu lui-même.

 

De grandioses planifications (ecclésiales) risquent de rendre les Églises imperméables à l'Esprit de Dieu.

 

20. Évagre

 

"Que ton règne vienne". Le Règne de Dieu, c’est l’Esprit Saint : nous prions qu’il le fasse descendre sur nous.

 

21. Jacques Guillet

 

La prière normale du chrétien, enfant de Dieu, est pour demander au Père son véritable trésor : l’Esprit Saint.

 

Le baptême dans l'Esprit n'est pas l'affaire des hommes mais de Dieu.

 

22. Jacques Maritain (à Julien Green)

 

C’était quand même un drôle de spectacle que tous ces évêques du Concile, flanqués chacun d’experts, professeurs, érudits et pédants, dont un bon nombre déraillent intellectuellement et dont presque aucun n’a de sagesse. Eh bien, c’est au milieu de ce tohu-bohu que se fait l’œuvre du Saint-Esprit.

 

23. Saint Thomas

 

Les saints sont une interprétation particulièrement autorisée de l’Écriture, étant animés par le même Esprit qui l’a inspirée.

 

24. Métropolite Ignace

 

L’Esprit Saint : sans lui Dieu est loin, le Christ est dans le passé, l’Évangile une lettre morte, l’Église une simple organisation, la mission une propagande, l’agir chrétien une morale d’esclave.

 

25. Séraphim de Sarov

 

Le royaume des cieux est au-dedans de vous, dit le Seigneur. Par royaume des cieux, il entend la grâce du Saint-Esprit.

 

26. Lytta Basset

 

L’Esprit souffle où il veut. C’est-à-dire où il peut, c’est-à-dire là où on l’accueille.

 

27. Cardinal Decourtray

 

Malgré les péchés de ses membres, l’Église dévoile et donne le Christ. L’essentiel est de se mettre à l’écoute de l’Esprit.

 

28. Saint Bonaventure

 

Dieu parle aussi aux hommes par l’Esprit Saint, à l’intime de leur cœur.

 

29. Gilbert Cesbron

 

Quand les cardinaux ont élu celui qui allait devenir Jean XXIII, ils ont intronisé un vieux souverain. Ils l'avaient fait exprès. "Il va bientôt mourir, il ne fera rien entre temps", se disaient-ils. Le Saint Esprit s'est royalement, divinement, moqué d'eux.

 

30. Cardinal Lustiger

 

Le bonheur auquel invite Jésus, c’est l’entrée dans la communion avec Dieu, c’est une vie transfigurée par l’ouverture de notre liberté à notre Créateur, c’est une vie habitée par la Parole éternelle du Père et purifiée par la puissance de l’Esprit Saint.

 

C’est l’Esprit Saint qui seul peut ouvrir le cœur et l’intelligence des auditeurs de la Parole de Dieu. De la sorte, ils comprennent le langage de Dieu. Jésus-Christ agit dans le cœur de tout homme par l’Esprit Saint.

 

En pensant à autrui, il faut demander à Dieu pour nos frères, connus ou inconnus, et même nos ennemis, le meilleur de ce que Dieu leur destine, qu’ils le reçoivent et l’accueillent. Parce que c’est le meilleur. Et ce meilleur, au bout du compte, porte un nom : l’Esprit Saint. "Si vous qui êtes mauvais vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent" (Lc 11,13). Il faut prier Dieu pour qu’un cœur ouvert et disponible soit prêt à accueillir le don que Dieu veut faire à tout homme afin qu’il trouve sa vocation d’enfant de Dieu et y réponde.

 

31. Philippe Ferlay

 

Le vrai croyant, c’est celui qui, sous la conduite de l’Esprit, a découvert que la foi est un trésor. Plein de joie, il va vendre tout le reste de ses biens, parce que le trésor de la vie avec Dieu est au-delà de tous les biens.

 

32. Pierre Chaunu

 

Dieu est venu jusqu’à nous. Il a comblé le vide entre lui et nous sous une forme humaine. Il est tellement homme que sa divinité est longtemps imperceptible. On ne peut être plus discret que Dieu fait homme. Pour le reconnaître, il faut la complicité de Dieu : l’Esprit Saint. "Tu es heureux, Pierre, car ce n’est ni la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux".

 

Recevoir la Parole de Dieu, lire l’Écriture, en mendiant de l’Esprit.

 

33. Denis Tillinac

 

L’Esprit Saint, c’est l’aptitude à pressentir l’Invisible. Il nous entrouvre les portes de l’Invisible ; si elles se referment, c’est notre faute, pas la sienne.

 

34. Cyrille d’Alexandrie

 

C’est l’Esprit Saint qui nous rend conscients de la présence de Dieu en nous.

 

35. Saint Athanase

 

Dieu s’est fait porteur de chair pour que l’homme puisse devenir porteur de l’Esprit.

 

36. Cyrille Argenti

 

Se prendre pour Dieu, se prendre pour le centre du monde, voilà le péché fondamental. L’homme sans Dieu n’est plus vraiment l’homme. Il croit avoir tué Dieu, mais il s’est tué lui-même. L’homme devient pleinement homme lorsque, par l’Esprit Saint que nous donne le Christ, il participe finalement à la nature même de Dieu. Tel est le but de la vie, tel est le destin de l’homme ainsi que nous le révèle toute la Bible.

 

Dieu ne veut pas que nous soyons motivés par la peur de l’infraction et de la punition, mais par la soif de retrouver la communion avec Dieu, d’atteindre Dieu par le Saint-Esprit. C’est pourquoi demander le Saint-Esprit devient le centre de la vie.

 

37. Office de Pentecôte orthodoxe

 

L’Esprit Saint fait jaillir les prophètes, il instruit les illettrés dans la sagesse et, avec des pécheurs, il fait des théologiens.

 

38. Christoph Theobald

 

A quoi sert l’Esprit Saint ? On ne sait pas comment il agit, on ne sait ni d’où il vient ni où il va, mais il fait son travail. Et son travail (l’un de ses travaux essentiels) : faire que notre foi chrétienne fasse le poids, la rendre vraiment crédible à nos propres yeux, la rendre un peu comme évidente.

 

39. Frère Roger

 

Passage inattendu de l’amour de Dieu, l’Esprit Saint traverse chaque être humain comme un éclair dans la nuit.

 

40. Fénelon (à Madame de Monthéron)

 

Je vous souhaite, Madame, le Saint-Esprit.

 

41. Patriarche Daniel

 

L’Église est le lieu où les hommes trouvent ou retrouvent leur communion avec Dieu et entre eux. Le but de la vie de l’Église et de la vie chrétienne est d’approfondir davantage la communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint, et de faire rayonner cette communion dans le monde entier.

 

42. Cardinal Martini

 

La grâce est le commencement de tout, c’est l’Esprit Saint dispensé par Jésus et le Père.

 

43. Jean Daniélou

 

C’est l’Esprit Saint qui nous affectionne aux choses de Dieu, qui introduit aux réalités souveraines.

 

44. V. Lossky

 

L’Esprit Saint ne peut rien faire d’autre que de nous rendre évidente la divinité du Christ.

 

45. Alexandre Men

 

L’Apocalypse dit en substance que le monde est rude, que le péché est affreux et que grandes sont l’injustice, la cruauté et l’oppression, les forces anti-humaines et démoniaques, mais que, tôt ou tard, l’Esprit finit toujours par être vainqueur. La lumière est victorieuse. L’Agneau, immolé depuis la fondation du monde, est vainqueur. L’Apocalypse proclame cet espoir et cette certitude.

 

46. E. Pousset

 

Conviction de notre foi chrétienne : personne ne reste en dehors des appels de l’Esprit.

 

47. Dom Marmion

 

Je vous recommande une grande fidélité aux chuchotements du Saint-Esprit.

 

48. D. Bourguet

 

Le Christ va baptiser dans l’Esprit pour que l’Esprit fasse entendre à tous ce que le Père leur dit en Christ : "Tu es mon fils, tu es ma fille, mon enfant bien-aimé".

 

49. Thomas Spidlik

 

Le christianisme affirme que seule la croix du Christ peut réconcilier les contradictions de la vie. Mais une telle vérité ne se découvre pas par la raison, elle se découvre par l’intuition donnée à ceux qui ont le cœur pur (selon Mt 5,8). Le cœur est l’organe de la connaissance intuitive s’il est purifié par l’amour et illuminé par l’Esprit.

 

Comment s'ouvre-t-on vraiment à l'Esprit, au Christ ? La réponse des chrétiens est simple : au moyen de la prière.

 

50. A. Schmemann

 

L'Esprit Saint : il est celui qui dévoile le chemin vers Dieu, il est aspiration à la joie de sa présence.

 

51. Nicolas Cabasilas

 

Le seul vrai sens de la vie humaine, c'est la communion avec Dieu, dans le Christ, par l'Esprit.

 

52. Paul Evdokimov

 

L'Esprit Saint consolateur : il nous "console" de l'absence visible du Christ. Tout le but de l’œuvre du salut, c'est que les croyants reçoivent l'Esprit Saint.

 

Dieu ne peut forcer personne à l'aimer (adage des Pères). Dieu persuade ni par la puissance, ni par la force, mais par son Esprit.

 

"Cherchez le royaume de Dieu" signifie "Cherchez l'Esprit Saint".

 

53. B. Bobrinskoy

 

C'est la grâce de l'Esprit Saint qui nous met d'abord à genoux dans la prière et qui ensuite nous relève pour que, debout devant Dieu, nous puissions courir à sa rencontre.

 

Le signe du pardon de Dieu sera, jusqu'à la fin des temps, le don de l'Esprit Saint.

 

54. Grégoire le Grand

 

Par le don de l'Esprit Saint, Dieu appelle tous les hommes à le connaître.

 

Vaine est la parole du docteur si l'Esprit n'est pas présent au cœur de celui qui écoute.

 

Il est des dons de l'Esprit sans lesquels on ne peut parvenir à la vie : la douceur, l'humilité, la patience, la foi, l'espérance, la charité. Et il en est d'autres qui manifestent la sainteté de la vie pour l'utilité du prochain : la prophétie, le pouvoir de guérir, le don des langues et celui de les interpréter.

 

Désirez être remplis de la présence de l'Esprit.

 

Il faut être poussé par l'Esprit pour aimer les réalités célestes et mépriser les biens terrestres.

 

La parole de l'Esprit se fait entendre sans bruit à l'oreille du cœur.

 

Les dits de Dieu ne peuvent absolument pas être pénétrés sans sa sagesse; celui qui n'a pas reçu son Esprit ne peut aucunement comprendre ses paroles.

 

L'Esprit est invisible en lui-même et il communique à celui qu'il remplit le désir des réalités invisibles.

 

L’Église est le jardin de Dieu où souffle l'Esprit.

 

L'Esprit vient dans tous les fidèles, mais il demeure à titre singulier dans le Médiateur ; procédant de lui selon la divinité, l'Esprit n'a jamais quitté son humanité.

 

Il arrive souvent que de bonnes pensées semées dans notre cœur par la venue de l'Esprit soient troublées et dissipées par l'antique ennemi.

 

Quand un homme charnel reçoit l'Esprit Saint, l'amour spirituel qui le brûle lui fait pleurer le mal qu'il a fait.

 

Quel maître d'œuvre que l'Esprit! Quand il veut instruire quelqu'un, son action ne souffre aucun retard. Il lui suffit de toucher l'esprit de l'homme; son simple toucher enseigne tout.

 

Pierre a vu la lumière inénarrable et il a entendu la voix du Père; il est tombé : il était incapable de supporter la vision, il ne pouvait atteindre ce qu'il méritait de voir. On ne peut dire : "Jésus Seigneur" que dans l'Esprit Saint; Pierre ne l'avait pas encore reçu, il ne pourra comprendre la vision qu'après la Pentecôte.

 

55. Bernard Sesboüé

 

Tous les discours des premiers chrétiens se résument en deux points : 1. Le Christ est ressuscité. 2. Et il a envoyé l’Esprit Saint… Le salut de l’homme, c’est la résurrection… La résurrection dévoile le sens de l’histoire.

 

56. Angelus Silesius

 

L’Écriture sans l'Esprit n'est rien.

 

57. Claude Tresmontant

 

L'homme en réalité, c'est un animal capable de recevoir communication de l'Esprit de Dieu.

 

58. Antoine Vergote

 

L'être humain est appelé à se transformer et à s'accorder à Dieu tel qu'il s'est fait connaître. Mais il y a sans doute (et même certainement) des personnes qui ont systématiquement exclu de leur existence la voix divine qui rend possible la conversion. C'est ce que Jésus appelle le péché contre l'Esprit Saint. C'est le mal radical de la haine de Dieu. Le mal radical, c'est le non dit à Dieu. Le jugement de Dieu sur le péché contre l'Esprit, on le trouve dans la violence des invectives de Jésus en Mt 23,13-26 : "Hypocrites qui ferment à clef le royaume des cieux devant les hommes ; guides aveugles pleins de rapine et d'intempérance, sépulcres blanchis, serpents, engeance de vipères". Impossible de couvrir cette violence d'un voile pieux ! C'est le jugement de Dieu sur le péché contre l'Esprit.

 

59. Raymond Halter

 

Personne comme Marie ne sait d'où vient Jésus. Elle sait, elle, qu'il n'est pas né d'un rapport sexuel avec un homme. Elle se souvient de la visite de l'ange Gabriel et de l'action de l'Esprit Saint qui l'a fait devenir mère tout en respectant sa virginité.

 

60. Maurice Zundel

 

L'enfant qui dort subjugue par sa pureté et attendrit par sa faiblesse. Il est une transparence à Dieu. C'est alors que les parents étaient le plus enivrés de leur chair qu'ils avaient, sans le savoir, lancé dans son éternelle aventure cette vie qui leur apparaît maintenant comme le reposoir de l'Esprit.

 

61. Marie-Joseph Le Guillou

 

L’Église est l'assemblée de tous ceux qui connaissent le Père. Dans le Christ, les hommes deviennent aussi des fils, et ils peuvent appeler Dieu : Père, notre Père. Dieu, par le Christ, dans l'Esprit Saint, illumine les esprits des fidèles. Il les illumine de l'intérieur par l'Esprit Saint, et de l'extérieur par l'enseignement, et surtout par l'enseignement des paroles inspirées de Dieu : les Écritures.

 

62. H. U. v. Balthasar

 

62.1. Ici l’Esprit gémit avec ceux qui espèrent dans l’attente de la liberté plénière. Plus la lumière de gloire afflue de l’au-delà, plus nous éprouvons l’absence de la plénitude. - C’est pourquoi les chrétiens devraient se tenir comme des torches ardentes dans tous les jardins et sur toutes les grands-routes de l’histoire du monde. - Leur espérance est si insurpassable qu’elle seule, à l’exclusion de toute autre religion, peut éclairer par avance tous les efforts de l’humanité pour se façonner le monde selon sa mission.

 

62.2. Les saints ne sont pas des manuels arides, même s’ils sont pleins de vérités indubitables, qui peuvent exprimer pour le monde la vérité de l’Évangile et le rendre plausible, c’est l’existence des saints qui ont été saisis par le Saint Esprit du Christ. Le Christ n’a pas prévu d’autre apologétique (Jn 13,35).

 

62.3. L’Esprit Saint est ce qui, en Dieu, est le plus tendre, le plus vulnérable, le plus précieux : c’est à lui qu’il faut nous ouvrir, sans opposer de résistance, en abdiquant toute prétention, sans nous durcir, afin d’obtenir de lui l’initiation au mystère : Dieu est amour… Ne nous imaginons pas que nous le savons déjà par nous-mêmes.

 

62.4. A son baptême tout particulièrement l’Esprit Saint envahit Jésus, le sanctifie et le consacre pour sa mission dans le monde. Cette sanctification suprême lui confère la capacité totale de recevoir et de transmettre Dieu. Cela devra se poursuivre dans l’action des disciples.

 

62.5. Celui qui doit attester à l’extérieur la vérité de l’Évangile ne le peut que s’il reçoit à l’intérieur le témoignage permanent de l’Esprit Saint.

 

62.6. Le Christ demeure un mystère insondable sans son Esprit Saint qui nous donne les "yeux de la foi" pour voir, véritablement, dans l’amour, ce qui est.

 

62.7. Au milieu des hommes, Jésus vit dans une solitude qui n’est comparable à aucune autre. Sa parole est admirée, mais elle ne porte pas… Se peut-il que, dans ses prières au Père, il ait demandé le succès pour ses paroles et ses actes?… Lui-même est une parole toute gonflée de l’Esprit Saint, semblable à une mère qui regorge de lait : "Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive… Des fleuves d’eau vive…".

 

62.8. Le nom caché de Dieu, ce nom resté toujours secret, est : Amour. Et Jésus révèle ce nom en se faisant obéissant à l’Autre, au Père, jusqu’à la mort sur la croix. C’est par amour que le Père donne ce qu’il a de plus précieux, son Fils, qu’il le livre pour nous. C’est par amour que le Fils affronte les ténèbres extérieures du monde, de la mort et de l’enfer pour se charger de la faute de tous ses frères humains. Et cet amour est donné à nos cœurs comme un fruit : le Saint Esprit d’amour de Dieu.

 

62.9. "C’est à Marie, comme semence de l’Église, que le Fils, sans aucun doute, est apparu en premier", écrit saint Ignace. C’est elle qui, visitée avant tous par l’Esprit, a conçu le corps du Verbe. Groupée autour d’elle, l’Église prie pour qu’il lui arrive ce qui est arrivée en Marie la première. Et Marie elle-même prie de nouveau pour cela : elle prie comme étant l’Église, comme centre de la communauté des saints, pour que l’incarnation du Verbe, parachevée dans la croix et la résurrection, se communique à la communauté tout entière.

 

62.10. Les Pères de l’Église se servaient du terme "théologien" pour désigner ceux qui, remplis de l’Esprit Saint, surent parler dignement de l’Amour. Marie et Jean l’apôtre étaient les théologiens par excellence, mais il arrivait aussi qu’on désignât ainsi tous ceux qui le matin de Pâques furent inondés par l’Esprit. Il s’ensuit que le plus humble chrétien peut être théologien s’il se laisse diriger par l’Esprit du Christ. En buvant cette eau divine, il peut devenir une source jaillissante de vie éternelle.

 

62.11. Jésus n’a rien écrit, sauf une fois sur le sable (Jn 8,6-8). Il est une Parole livrée au monde par le Père. Un texte écrit ne fera jamais qu’indiquer la piste pour le découvrir. Et il appartiendra à la puissance de l’Esprit de faire que cette Parole ressuscite toujours à partir des lettres mortes .

 

62.12. L’Esprit appelle le monde à entrer dans l’Église et il appelle l’Église à se donner au monde.

 

62.13. Il ne peut y avoir aucune piété ecclésiale qui s’arrête à Marie. Si elle est authentique, elle est immédiatement et nécessairement transmise par Marie à Jésus et par celui-ci au Père dans le Saint Esprit. Le culte adressée à une créature humaine n’est nullement à confondre avec l’adoration qui est rendue à Dieu seul.

 

62.14. Même si la révélation du Christ est achevée avec la mort du dernier des apôtres, la révélation de l’Esprit ne l’est jamais. Et l’Esprit reste libre de jeter toujours de nouvelles lumières sur le trésor de la vérité.

 

62.15. En aucun cas, le Père ne se conçoit comme "donnant des ordres" en raison de son être originaire, et réduisant le Fils et l’Esprit à n’être, pour ainsi dire, que des exécutants qui obéissent.

 

62.16. Ce qu'Adrienne éprouve mystiquement avec une intensité particulière - l'absence de barrière entre le ciel et la terre - n'est étranger à aucun vrai croyant. Les transitions entre la prière "ordinaire" et la prière "mystique" sont insensibles sous un certain aspect, comme l'enseignent d'ailleurs les Pères et saint Thomas d'Aquin à propos des dons du Saint-Esprit, qui agissent surnaturellement à travers la vie et la prière de tout chrétien docile au Saint-Esprit. Que les routes menant de la terre au ciel soient si nombreuses, que l'au-delà ne soit pas loin de nous, mais soit réellement présent, c'est pour l'époque actuelle un message essentiel.

 

62.17. Le chrétien qui écoute une prédication est en droit de discerner, avec la grâce de l'Esprit Saint qu'il a personnellement reçue, ce qui, dans la prédication ou dans quelque autre enseignement, est Parole de Dieu et ce qui est parole humaine qui l'obscurcit.

 

62.18. Le Christ est pure obéissance au Père : il ne dispose pas plus de sa mort que de sa vie; l'heure suprême, l'heure mystérieuse des ténèbres reste en la seule disposition du Père, et c'est le Saint-Esprit qui, plus tard, en expliquera la portée au monde.

 

62.19. C'est l'Esprit Saint qui sans cesse introduit le chrétien au cœur du mystère de la révélation et de la Passion du Fils. Son rôle est de "rafraîchir quotidiennement la mémoire de l’Église" et de la remplir de manière renouvelée de toute vérité. C'est lui qui réalise tout dans l’Église et dans chacun de ses membres, comme il a réalisé jadis l'incarnation du Verbe dans le sein de la Vierge.

 

62.20. Sans l’Esprit Saint, l'image que notre esprit se fait de Jésus reste pâle et partielle.

 

62.21. Le christianisme n'est pas une vérité ordinaire dont chacun peut discuter en connaissance de cause, même s'il en est fort éloigné; seul celui qui entre dans le secret peut aussi comprendre, et entrer dans le secret veut dire : partager la foi et l'amour. Voilà pourquoi toute la sagesse du monde est réduite à néant : ce qu'elle en dit de l'extérieur est nécessairement insuffisant et même faux. Car personne ne peut "deviner" ce qui se passe en Dieu... Car nul ne connaît ce qu'il y a en Dieu sinon l'Esprit de Dieu. Et nous, nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu.

 

62.22. Il y a des heures privilégiées où Dieu accorde à l'homme d'apercevoir, soit dans un éclair, soit dans une paisible contemplation, de vastes panoramas de la vérité divine, envisagés presque au point de vue de Dieu. Alors l'incompréhensible peut s'éclairer de manière foudroyante et pénétrer dans le champ d'expérience du croyant. Mais celui qui aime et qui croit ne réclamera pas de "gnose" de cette espèce, et encore moins ne l'exigera impétueusement; il préférera demeurer dans une attitude de confiance réceptive. Dans l'ouverture d'âme qui doit le caractériser, il ne s'enfermera pas dans la foi du charbonnier qui serait fausse humilité; tout au contraire, partout où l'intelligence de la foi s'offre à lui, il la recevra à bras ouverts et se laissera entraîner par elle dans un amour plus profond. Celui qui communique cette intelligence dans l'amour, c'est le Saint-Esprit qui, en tant qu'Esprit des enfants de Dieu, suscite et l'accès direct, béant, à tous les trésors et mystères divins, et l'esprit filial qui ne s'empare pas de ce qui ne lui appartient pas. Il fait partie des merveilles du rapport avec Dieu que la maturité et l'esprit d'enfance grandissent dans la même mesure.

 

62.23. L’œuvre rédemptrice de l'Esprit Saint surmonte la différence coupable demeurant dans les pécheurs. Il la domine par l'effort infini de celui qui pénètre l'étroitesse désespérée de la conscience finie et déchue pour l'ouvrir à l'amour infini, avec elle et en partant de sa situation... C'est dans cet abaissement d'amour que le Dieu Esprit d'amour révèle son être propre, comme on le voit aux avertissements de Paul qui nous dit de ne pas contrister l'Esprit, de ne pas l'éteindre (comme s'il était une petite flamme délicate et fragile, indiciblement sensible)... Dans cette œuvre rédemptrice, l'Esprit ne se départit pas de sa propre nature divine, il l'enfonce bien plutôt dans le cœur des créatures.

 

62.24. L'Esprit Saint est pauvre puisqu'il est l'amour dépouillé du Père et du Fils, et que son œuvre consiste à introduire, de l'intérieur (Ro 15, 15-26), les cœurs dans l’œuvre divine du dépouillement de soi.

 

62.25. Le Christ est lui-même la manifestation du Dieu invisible, et il le demeure. L'eucharistie est sa figure sacramentelle muette. L’Écriture sainte sa figure verbale. Et les deux sont intimement liés dans la célébration liturgique commémorative qui rend le Christ présent à la fois dans la Parole et dans le sacrement de l'eucharistie. L'eucharistie n'aurait pas de sens s'il ne se trouvait des hommes pour la goûter. La Parole de Dieu n'est que le véhicule qui sert à imprimer la figure du Christ dans le cœur des hommes, l'Esprit Saint opérant ce que l’Écriture signifie.

 

62.26. Le don suprême de Dieu, l'Esprit Saint, ne saurait être attendu autrement qu'à travers un renoncement radical : renoncement à la possession du Jésus saisissable, visible, expérimentable.

 

62.27. Avec la mort et la résurrection du Christ et avec l'effusion de l'Esprit s'est produite la révélation suprême (inaccessible à la philosophie, c'est-à-dire à la raison humaine) de l’Être absolu.

 

62.28. "Je ne vous laisserai pas orphelins... Je prierai le Père et il vous enverra un autre Paraclet pour qu'il soit pour toujours avec vous" (Jn 14, 18.16). Cela veut dire que celui que Jésus demande dans sa prière est parfaitement à même de prendre la place de Jésus et ainsi d'empêcher que les disciples deviennent orphelins. Cet Esprit vient du Père et il n'est donc pas moins divin que Jésus. Il remplacera la limitation temporelle de la présence de Jésus par une présence éternelle. Il ne remplace pas Jésus absent, il le rend à nouveau présent. (Jn 14,18 : Je viendrai vers vous).

 

62.29. Rôle de Marie maintenant dans l’Église et dans la vie de chaque chrétien? - Peut-être pourrait-on le déduire à partir de ceci : il s'agit vraiment, premièrement et essentiellement, de consentement et non pas d'invention de ce qu'on pourrait faire. Il s'agit de consentir à ce que l'Esprit Saint veut faire par nous, à la façon dont l'Esprit veut vivifier la parole de l’Évangile aujourd'hui.

 

62.30. L'amour inventif du Saint-Esprit s'efforce de m'ouvrir chaque jour de nouveaux aspects de Dieu.

 

62.31. L'existence individuelle du Christ donne un sens à toutes les autres existences dans le temps, aussi bien celles du passé que celles de l'avenir. Et l'existence individuelle et historique du Christ est universalisée par une action de l'Esprit Saint. C'est lui qui confère à une parcelle d'histoire une portée universelle.

 

62. 32. L'existence individuelle du Christ donne un sens à toutes les autres existences dans le temps, aussi bien celles du passé que celles de l'avenir. Et l'existence individuelle et historique du Christ est universalisée par une action de l'Esprit Saint. C'est lui qui confère à une parcelle d'histoire une portée universelle.

 

62.33. L'envoi des disciples en mission jusqu'aux extrémités du monde ne peut être donné qu'après Pâques. L'apostolat du christianisme primitif ne dépend pas de l'envoi historique en mission des disciples par le rabbi de Nazareth, il est fondé sur les apparitions du Ressuscité. Il est le Seigneur souverain. "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" : c'est le principe qui rend possible toute la mission. "Toutes les nations", dans l'espace et dans le temps : voilà pour l'extension de la mission. "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin des temps" : c'est la garantie de la mission. La mission est le but principal des apparitions, elles fondent l’Église. La mission constitue également la conclusion de l'expérience de Paul sur le chemin de Damas. La mission est un service du monde, la mission est toujours reçue du Ressuscité et du Père. Et pour que cela soit possible, Jésus insuffle à ses disciples son Esprit qui doit les pousser sur les routes du monde et de son histoire.

 

62.34. Sur les quarante jours de Jésus avec ses apôtres entre Pâques et Ascension. Tel qu'il était et s'est montré à ce moment-là, ainsi est-il en réalité. L’Éternel dans le temps malgré les préjugés des philosophes. Par son Ascension il n'est devenu ni plus éloigné dans l'espace, ni plus éloigné dans le temps. Quarante jours pour montrer aux siens tangiblement comment il reste avec eux tous les jours jusqu'à la fin du monde (Mt 28, 20). Il leur montre que toute l'histoire, toute l'Ancien Testament converge vers lui (Lc 24, 44-46; 24, 25-27). Il est présent au centre de l'histoire et il dévoile le sens de tous les temps. Le centre de l'histoire est un point historique. Il prouve de maintes façons aux siens qu'il est vivant (Ac 1, 3); lui-même, par sa présence réelle, manifeste le royaume tout entier. Le Christ rend présent et par là même dévoile et accomplit tout le passé. L'action visible du Seigneur, c'est le début de l'action invisible de l'Esprit. Le rapport des trente-trois années aux quarante jours est le rapport de l'état voilé à l'état de dévoilement, de la vision sensible à la vision spirituelle. Le Christ : éternité et temps en une seule personne. Toute action du Christ en sa vie terrestre s'ouvre chaque fois sur une éternité qui lui est propre. Il y a un facteur d'éternité qui est contenu dans les paroles et les actions du Christ.

 

62.35. "Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille" (Jn 5, 17). Il travaille après sa mort, après son Ascension, tout comme il a travaillé durant ses jours terrestres... Il travaille par son Esprit toujours présent et vivant, qui change les cœurs et le monde. Il travaille par son Église, mais aussi en dehors de l'espace limité de celle-ci, car il peut très facilement passer à travers les portes fermées.

 

62.36. L'homme peut perdre la lumière de l'Esprit Saint par le péché. Une fois perdu le contact avec la source de la lumière et de la vie, l'homme doit traverser un désert aride pour regagner sa patrie originelle, le ciel. Le retour à Dieu est l'histoire de l'humanité et du monde entier.

 

62.37. Marie se met en route à la hâte : ce départ est dû à sa docilité à la parole de l'ange qui lui avait dit simplement ce qui était arrivé à Élisabeth... On peut connaître quelqu'un d'une manière purement terrestre, on peut le connaître aussi en Dieu... Une légère crainte a pu occuper Marie : à quoi s'attendre dans cette nouvelle rencontre? Elle porte ce par quoi elle se laisse porter. Toute foi dans l’Église doit prendre modèle sur la sienne, une foi qui porte en soi un contenu plus grand qu'elle ne peut le comprendre et qui, pour cette raison, se laisse docilement porter par lui. L'Enfant est transporté ça et là comme dans un noviciat où l'on est dirigé ça et là comme un enfant. Premier apprentissage de l'acte dont tout chrétien devra se montrer capable : se laisser docilement "mener là où il ne voudrait pas". Tout chrétien dont la foi est vivante s'étonne pendant toute sa vie que de telles choses se présentent à lui. L'Esprit montre à Élisabeth qu'en cette personne qu'elle connaît si bien il y a quelque chose d'extraordinaire. La grâce qui est en elle, et qui en six mois pourrait devenir presque une routine, cette grâce s'agite charnellement en elle et l'avertit que, une fois de plus maintenant, il faut s'étonner.

 

62.38. Le Fils connaît cette source mystérieuse (l'Esprit Saint), il la possède en lui (Jn 7, 37; 14, 10) et il la promet à quiconque veut vivre avec lui dans l'Esprit Saint.

 

62.39. L'Esprit souffle toujours dans le sens de l'unité divine et de la charité fraternelle (même si la contradiction s'impose).

 

62.40. C'est l'Esprit qui nous saisit, et non pas nous qui le saisissons. Et il se pose là où il trouve place, disponibilité, obéissance et abnégation.

 

62.41. De même que, selon saint Augustin, une phrase prononcée doit être achevée pour que tout son sens puisse être perçu, de même l'événement salutaire de la croix et de la résurrection doit être passé pour qu'il puisse être vu pour la première fois dans sa vraie portée grâce à l'Esprit Saint qui interprète.

 

62. 42. L’Église : on ne saurait calculer exactement la proportion des membres authentiques et des autres, ni déterminer selon des lois de type sociologique s'il y a déclin progressif de l’Église en raison de son vieillissement ou à cause d'influences extérieures : le Saint Esprit, qui anime l’Église, peut constamment inspirer des élans nouveaux et imprévisibles. En fait, d'après les lois sociologiques, l’Église devrait avoir disparu depuis longtemps... Sans cesse les fontaines de l'Esprit peuvent sourdre de ses profondeurs. Ce qu'on appelle "l'institution", ce n'est pas cela non plus qui empêche l'Esprit de souffler et d'agir; et bien entendu, le chrétien n'a pas le droit de s'en remettre purement et simplement à l'institutionnel.

 

62.43. Heureux les pauvres en esprit : tous ceux qui, bon gré mal gré, se laissent appauvrir par l'Esprit; dans la mesure où ils supportent la privation, ils deviennent les vrais citoyens du Royaume de Dieu, car celui-ci peut désormais se déployer en eux.

 

62.44. Le Fils ne cesse de nous dire que son œuvre est une œuvre communautaire de Dieu; de plus, elle est la première révélation du mystère qu'en Dieu lui-même existe une communauté : unité dans la distinction entre le Père qui envoie et le Fils qui est envoyé, mais unité telle que cette unité elle-même constitue un troisième centre : l'Esprit, qui vient précisément quand le Fils s'en va (Jn 16, 7), qui est aussi bien l'Esprit du Père (Ro 8, 11) que l'Esprit du Fils (Ro 8, 9), que le Père envoie au nom du Fils (Jn 14, 26) et que le Fils envoie d'auprès du Père (Jn 15, 26) .

 

62.45. Durant sa vie terrestre, Jésus est mené par l'Esprit, il suit l'Esprit. Il ne dispose pas de l'Esprit bien qu'il lui soit donné en plénitude. Il n'en dispose qu'après son Ascension dans laquelle lui est explicitement donnée la puissance de disposer de l'Esprit (Ac 2,33; Ro 1, 4).

 

62.46. A la Pentecôte, l'Esprit éclaire intérieurement les apôtres sur ce que le Fils leur avait exposé extérieurement.

 

62.47. Le Saint Esprit est invisiblement présent à l'esprit de l'homme pour y susciter la connaissance et l'amour de Dieu. - Mais il se manifestera aussi visiblement par ses symbolisations visibles comme la colombe, les langues de feu, etc.

 

62.48. Jésus a reçu du Père, dans l'Esprit Saint, la mission dé révéler l'essence de Dieu et son attitude envers les hommes. Et cela, non pas unilatéralement, comme simple prise de parti de Dieu pour les pécheurs et les indigents, mais incontestablement aussi en révélant tous les autres attributs de Dieu : la colère de Dieu, par exemple, à propos de la profanation coupable du lieu de son culte, le dégoût que Dieu éprouve à devoir demeurer si longtemps parmi ces inintelligents, la tristesse et les larmes de Dieu sur Jérusalem qui a décliné son invitation et même, on peut dire, l'abandon des pécheurs par Dieu dans le cri d'abandon sur la croix... Toute l'existence de Jésus se tient au service de son annonce de Dieu.

 

62.49. L'Esprit peut aussi faire apparaître des mystères apparemment nouveaux, tirés des profondeurs de la révélation du Christ. Mystères déjà en fait présents en elle, mais qui n'avaient pas encore été observés, soupçonnés, tenus pour possible. L'Esprit Saint peut en tout temps souffler où il veut et mettre en relief en tout temps des pages toutes nouvelles de la divine révélation. Le propre de l'Esprit Saint est d'inonder les véritables voyants d'une plénitude de vérité si accablante, si continuellement croissante que toute tentative d'une "élucidation achevée" leur apparaît comme ridicule et blasphématoire.

 

62.50. On ne doit pas mettre en doute la présence secrète de l'Esprit Saint dans les cultures préchrétiennes et postchrétiennes extrabibliques.

 

62.51. La particularité principale de l'Esprit Saint est sa liberté. Il interprète la figure mystérieuse de Jésus en direction de son être divin, de ses dimensions trinitaires... Il ne se laisse saisir d'aucune manière, pas même par des "méthodes" de prière "pneumatiques".

 

62.52. L'Esprit, c'est le souffle et la brise de Dieu qui "pousse" le pauvre et l'obéissant dans la direction et sur les chemins de la volonté et du commandement de Dieu (Ro 8, 14; etc.). C'est la réalité présente de Dieu en lui qui le pousse à la rencontre de l'avenir de Dieu dans une liberté divine (Jn 3, 8). C'est le besoin premier du pauvre et ce qu'il doit solliciter. Dieu ne peut pas plus lui refuser le Saint Esprit divin que des parents ne peuvent tendre à leurs enfants une pierre au lieu de pain, un serpent au lieu d'un poisson, un scorpion au lieu d'un oeuf (Lc 11, 11-13). Le pauvre qui prie reçoit infailliblement, non pas un bien terrestre (qui est "donné par surcroît"), mais le bien de Dieu.

 

62.53. Dieu ne se laisse pas considérer du dehors d'une manière neutre; pour être saisi par lui, cela suppose qu'on soit admis dans la sphère sainte de l'Esprit, dans l'intimité sainte entre le Père et le Fils et que l'on participe à l'Esprit divin.

 

62.54. Le premier mot que l'Esprit Saint nous apprend à balbutier comme enfants de Dieu est le mot "Abba", Père (Ro 8, 15; Ga 4, 6). L'Esprit Saint qui nous est donné est donc en premier lieu un esprit de dialogue avec Dieu, de prière; et à partir de là seulement un esprit d'entretien avec les hommes, de mission... La prière que le Fils nous a inculquée commence par le mot "Père"... L'Ave Maria aussi est une prière de l'Esprit, car l'ange a salué Marie dans l'Esprit Saint, et Élisabeth, en rencontrant Marie, fut remplie de l'Esprit Saint. Nous devrions nous soucier que toutes nos prières soient inspirées par l'Esprit... Aucun fidèle ne reçoit l'Esprit à titre privé, mais toujours en raison et en vue du Corps tout entier.

 

62.55. De même que lorsque deux personnes s'étreignent, la rencontre peut engendrer une vie nouvelle, il est permis d'affirmer que l'Esprit a pour origine l'amour que le Père et le Fils ont l'un pour l'autre. Mais on peut également dire que l'amour (l'Esprit) précède (logiquement, non pas chronologiquement) le Fils qui est précisément engendré en lui.

 

62.56. L'Esprit de Dieu souffle toujours d'une manière vivante dans l’Église, et il découvre des aspects toujours nouveaux de la révélation infinie... L'Esprit Saint est à l’œuvre à travers tous les temps pour interpréter de manière vivante la révélation du Christ consignée dans l’Écriture.

 

62.57. Il n'y a que l'Esprit Saint qui peut donner la "certitude vivante" au sujet de Dieu... Il y a le témoignage intérieur de l'Esprit... Le vrai témoin, c'est l'Esprit. Il fait signe vers le Christ. Il s'efface pour ainsi dire devant le Père et le Fils.

 

62.58. L'Esprit est avant tout l'interprète du Fils de Dieu. ("C'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part" Jn 16, 14); il l'accompagne dans sa mission : à sa naissance, à son baptême, sur la croix; mais c'est seulement quand l’œuvre du salut est achevée qu'il entre pleinement en action, qu'il peut l'exposer dans sa profondeur et son unité.

 

62.59. La théophanie du baptême au Jourdain ainsi que celle du Thabor sont la manifestation publique, dans son aspect visible et corporel, de sa dignité de Fils éternel de Dieu, de sa relation au Père, dont la voix retentit et le désigne; et aussi de sa relation à l'Esprit qui descend sur lui ou l'enveloppe en rayonnant comme gloire de Dieu.

 

62.60. Le risque qui consiste à recevoir son existence à chaque instant de la main du Père par l'intermédiaire de l'Esprit Saint : c'est le risque que court le Fils.

 

62.61. L'Esprit nous présente quatre évangiles différents que l’Église n'a pas tenté de réduire à un seul parce que, pour elle, aucun évangile n'a reflété le témoignage du Christ, du Verbe incarné, dans toute sa richesse... La peine que prennent les évangélistes pour transmettre même des paroles de Jésus qu'ils ne comprenaient peut-être plus tout à fait, ou qui les gênaient, montre combien était forte la volonté d'exactitude historique.

 

62.62. La révélation de Jésus-Christ contient surabondamment la vérité pour chaque époque, donc aussi pour la nôtre. Mais elle ne la contient pas de telle sorte qu'elle tomberait dans les bras des croyants sans qu'ils s'approprient par la réflexion le don de vérité reçu. Il serait indigne aussi bien de la grâce que de l'homme qu'il en soit autrement. L'Esprit Saint manifeste à chaque temps l'aspect qui lui est particulièrement réservé de la vérité divine, du moins si les hommes de ce temps s'efforcent, par la prière, d'obtenir cette vérité. Et la vérité alors, ne se trouve pas dans quelque coin perdu, resté par hasard dans l'ombre jusqu'à présent, et sur lequel le rayon lumineux de l'Esprit tomberait maintenant pour la première fois, elle se trouve au centre, foyer ardent, d'où la lumière rayonne.

 

62.63. L'Esprit Saint travaille à universaliser le drame du Christ. Selon le symbolisme de la Pentecôte, c'est lui qui est à même de transposer d'une langue à l'autre.

 

62.64. La pensée que le Christ est mort pour moi, à ma place, pour ma faute, devant Dieu, est tellement loin et si peu vérifiable ! Le centre du credo, c'est le "pour nous". Pour nous et pour notre salut il s'est fait homme, pour nous il a été crucifié, est mort, a été enseveli. De ce centre rayonnent les autres affirmations centrales du credo : la foi en la divinité vraie et consubstantielle de Jésus, la foi en la puissance de sa présence sacramentelle, la foi en son retour eschatologique pour juger les vivants et les morts, la foi en l'Esprit Saint qu'il nous a acquis, la foi en la vie éternelle dont il nous a ouvert l'accès.

 

62.65. L'Esprit a depuis toujours attesté à Jésus lui-même qu'il est le Fils unique et incomparable du Père.

 

62.66. Le Rédempteur a dénoué la contradiction de l’existence humaine (l’homme porte en lui des désirs d’infini et il n’arrive qu’à l’impasse de la mort). Le Rédempteur a foncièrement libéré les hommes de l’empire du destin (et le destin, c’est la mort). L’envoi de l’Esprit Saint, après l’accomplissement de l’action rédemptrice du Fils, est l’intériorisation, dans la conscience étroite et finie de l’homme, de l’action qui historiquement est unique.

 

62.67. Bienheureux les doux, les pauvres, les humbles, parce qu’ils n’opposent pas de résistance, parce qu’ils offrent au Saint Esprit une place disponible. Les humbles du cantique de la Vierge sont vides pour Dieu, et Dieu alors peut les élever.

 

62.68. L’effusion de l’Esprit Saint à la Pentecôte veut être la preuve visible du "retour" du Fils chez le Père… Le temps de l’Église, considéré comme l’ère du Saint Esprit, par opposition à l’ancienne Alliance et à l’ère du Christ, n’est pas un temps dans lequel la Révélation se produit, mais celui où la plénitude, désormais parfaite, de cette Révélation s’impose et s’exprime.

 

62.69. Ce n’est pas lui-même que Jésus a le devoir d’expliquer, mais son Père. Il incombe donc à l’Esprit d’expliquer le Fils.

 

62.70. A l’origine de la révélation de la Parole, il y a toujours déjà le Saint Esprit : lui seul peut produire l’entrée de la Parole de Dieu dans l’homme, dans la nature et dans l’histoire. C’est pourquoi l’homme ne peut recevoir, contempler, comprendre la Parole que dans l’Esprit.

 

62.71. Dieu, le Seigneur, respecte la liberté humaine qu’il a créée. Il ne fait qu’offrir, il n’impose pas…. Mais cette offre inlassable atteint ses fins en dépit de toutes les résistances de notre mauvais vouloir. Entre la liberté humaine et l’offre divine intervient le mystère : Jésus peut répandre dans les âmes son Esprit qui les délivre de leur obstination à demeurer dans l’esclavage et les conduit à la liberté du consentement. Mystère de l’action conjointe de l’impuissance et de la toute-puissance divines. Mystère aussi de la volonté de Dieu de n’accomplir qu’avec l’homme son œuvre à l’égard de l’homme et de ne pas opérer le salut universel sans aide, sans l’Église, mais surtout l’Église vraiment docile et sainte.

 

62.72. Il n’existe pas entre l’homme et Dieu un équilibre obtenu une fois pour toutes. Sans cesse l’homme doit se laisser surprendre, désarmer, vaincre par Dieu. Et plus il expérimente combien l’amour de Dieu est sans mesure, plus les exigences de cet amour dans sa vie lui paraissent grandes. Cependant l’homme n’est nullement délaissé et perdu dans son abandon à Dieu. Au contraire, Dieu le Père, dans le Fils incarné et par la conduite de l’Esprit Saint, ménage à l’homme des degrés vers lui et l’habitue à vivre dans le monde divin.

 

62.73. Avant la Pentecôte, les apôtres ne possédaient pas encore la signification infinie du Christ. Ils avaient cru en lui, mais pas encore en lui comme étant la vérité infinie de Dieu. L’espace entre le Père et le Fils où l’Esprit introduit est d’un certain point de vue lui-même. Il est l’amour entre le Père et le Fils. L’Église est essentiellement habitée par l’Esprit de Dieu. "Là où est l’Église, là aussi est l’Esprit de Dieu" (Saint Irénée). L’Esprit Saint fait entrer l’homme dans l’espace de Dieu.

 

62.74. Le Saint-Esprit cherche à me révéler chaque jour de nouveaux aspects de Dieu… Le Saint-Esprit nous introduit dans la plénitude du Christ et il nous l’explique jusqu’à la fin du monde d’une manière toujours plus riche et plus profonde.

 

62.75. Pouvons-nous refuser à Dieu la capacité de se révéler au monde comme il veut ? "L’homme psychique n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu" (1 Co 2, 14).

 

62.76. L’Esprit Saint est pour nous donateur de présence divine.

 

62.77. Prétention de Jésus de rassembler et concentrer sur sa personne toutes les aspirations religieuses de l’humanité, d’être le chemin, la vérité, la vie (Jn 14, 6). Quand il ajoute : "Personne ne va au Père si ce n’est par moi", il ne nie certes pas pour autant le salut final de tous ceux qui ne le connaissent pas et adhèrent à d’autres religions ; mais il affirme expressément que ce ne sont pas ces religions qui donnent le salut, mais lui seul… Ce qui se trouve secrètement inscrit au plus profond de la prétention de Jésus, c’est le mystère de la Trinité. Jésus n’est pas venu en son propre nom, mais au nom du Père qui a fait reposer sur lui l’Esprit.

 

62.78. L’accomplissement néo-testamentaire était contenu sans doute dans les formes de la promesse ancienne, mais à son avènement elle scandalisa ceux qui n’étaient pas prêts à dépasser tout ce qui avait été compris jusqu’alors. De même tout croyant dans l’Église doit être prêt sans cesse à participer au passage de l’ancien au nouveau pour être docile à l’Esprit Saint. S’avancer dans une attitude foncière d’attention et d’obéissance à l’égard de l’Esprit. Les surprises et les présents de l’Esprit à l’Église consistent avant tout dans la révélation des vérités qui sont d’une importance décisive pour une époque aussi bien de l’histoire de l’Église que de l’histoire du monde. Pas sous la forme d’un traité abstrait, mais dans la création d’un saint qui constitue pour son temps le message du ciel. La vie ne peut s’expliciter que par la vie. Les saints sont la tradition vivante.

 

62.79. A tout chrétien est accessible une certaine expérience de la vérité chrétienne en vertu du déploiement en lui des dons du Saint Esprit, tandis que les dons mystiques extraordinaires ne sont donnés qu’à certains individus d’après le bon vouloir de Dieu, mais pour l’utilité de l’Église.

 

62.80. En Jésus nous est révélé l’amour du Père, amour qui, dans la mesure justement où il décide l’incarnation de Dieu dans le monde, est un amour qui manifeste la plus profonde abnégation. Par amour pour le monde, le Père renonce à ce qu’il a de plus cher, son Fils, il ne le ménage pas (et ne se ménage donc pas lui-même), il l’abandonne à la déréliction. Cet aspect du renoncement divin se reflète dans tous les moments de l’existence de Jésus. C’est précisément parce qu’il aime le monde et les hommes que Jésus donne sa vie pour eux. Le sens et le but de l’incarnation, c’est la croix pour nous, et la résurrection pour nous également. L’acceptation par le Fils de son incarnation (il s’est laissé porter dans le sein de la Vierge comme semence du Père par l’Esprit Saint) est déjà un acte de l’amour de renoncement. Le Fils se tient comme disponible pour la volonté de salut du Père. Devenir disciple, c’est être appelé à s’aligner autant que possible sur cette disponibilité du Fils.

 

62.81. "Là où est le Seigneur, là est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté" (2 Co 3, 17). C’est ainsi qu’il faut traduire et non "Le Seigneur est l’Esprit, et l’Esprit du Seigneur est la liberté".

 

62.82. Lorsque l’Esprit crie "Abba, Père" en celui qui ne sait pas prier (peut-être parce que Dieu est pour lui trop grand ou trop loin ou trop près), cette parole n’est pas une parole audible, mais peut-être seulement une parole silencieuse se dégageant de l’être.

 

62.83. Connaissons-nous ce que nous espérons? Ni connaissance totale, ni ignorance totale. La réponse est donnée dans 1 Co 2,6-16 : et elle tient sur le fil du rasoir. La sagesse de Dieu a besoin d'une libre révélation par l'Esprit intérieur à Dieu, de même qu'un Toi humain ne peut que librement introduire dans son intimité. Aucune "transcendance" des hommes vers Dieu, du Je vers le Tu, ne peut anticiper cette libre ouverture de soi. Affirmation centrale du verset 12 : Nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu afin de connaître les dons que Dieu nous a faits. Tout ne s'arrête pas à une parole de Dieu : Dieu va jusqu'à déposer son Esprit dans notre esprit. "Don de grâce" qui ne peut être arraché au geste donateur de Dieu et transformé en une possession dont l'homme disposerait de lui-même, en "savoir absolu". La preuve en est que la sagesse mystérieuse de Dieu reste une "folie" pour l'homme charnel... La gloire que Dieu a préparée pour l'homme n'est pas montée au cœur de l'homme par transcendance : elle est pur don de Dieu à ceux qui l'aiment... Puisque l'Esprit de Dieu est intériorisé à l'esprit humain qui aime, celui-ci est vraiment engagé dans son acte de comprendre et de parler, sans que le don de Dieu devienne jamais un bien propre et que le mystère de l'amour merveilleux devienne quotidien et accoutumé. Et parce qu'il aime, le croyant ne cherche pas à savoir quelle part de l'avenir il a pu pressentir. Il est heureux de se laisser sans cesse surprendre par l'amour divin; et connaissant la joie qu'a Dieu de nous surprendre, il se laissera surprendre une dernière fois, qui sera la toute première (Cf. 1 Jn 3,2).

 

62.84. Au fond il n'y a qu'un seul dogme, de même que l'homme est un malgré la multiplicité de ses organes, de ses situations et de ses vues. Ce dogme est identique à la prédication apostolique : le Ressuscité a souffert sur la croix "pour nous et pour beaucoup"; d'où : il est le Fils de Dieu; d'où né de la Vierge; d'où : le juge des vivants et des morts qui ressusciteront eux aussi. Parce qu'il est le Fils de Dieu, il n'est pas subordonné à Dieu le Père, et l'Esprit qu'il a envoyé à son Église est réellement l'Esprit de Dieu.

 

62.85. Rôle du Saint-Esprit dans la compréhension de la foi : goût et joie trouvés dans la Révélation, sentiment intime de sa vérité et de son authenticité internes. Ainsi soutenu, l'homme peut et doit s'ordonner consciemment à la Révélation, s'accoutumer à vivre en elle, harmoniser avec elle toute sa personne.

 

62.86. Écarter le côté moyenâgeux de la théorie d'Anselme : réparation de l'honneur lésé de Dieu. Y substituer l'idée d'un amour divin bafoué par le péché. Péché : offense faite à Dieu (Galot). Dieu s'est engagé dans le monde et s'est rendu vulnérable (Guillet). Il serait absolument indigne de Dieu de révéler d'abord une justice à la fois gracieuse et exigeante, et de laisser tomber ensuite toute exigence et tout jugement pour ne manifester qu'un amour insoucieux du comportement des hommes. Mais Dieu qui envoie son Fils dans cette mort affreuse, n'est-il pas cruel, inhumain? Cynisme naïf de "ce pauvre dominicain" (X) : Jésus n'a que peu souffert : 24 heures dans un poste de police. Voilà que des religieux se mêlent à la foule qui blasphème au pied de la croix. Il en a sauvé d'autres...- Ne comprendre le mystère de la Passion que comme mystère trinitaire : le Fils et l'Esprit égaux au Père. Un dessein créateur et salvifique du Père conçu aussi par le Fils et l'Esprit dans la plus parfaite unité avec lui. Le Fils aura à souffrir dans ce plan du salut, mais il faut admettre que la proposition procède originairement de lui, que lui-même s'offre au Père pour soutenir et sauver l’œuvre de la création. Cette proposition du Fils atteint le cœur du Père plus profondément que le péché du monde ne pourra l'atteindre : blessure d'amour en Dieu dès avant la création... Blessure antérieure à celle que vise Anselme, à savoir l'offense faite au Père par le péché et expiée par le Fils.

 

62.87. Saint Maxime le confesseur ne se lasse pas d'exhorter chaque chrétien... à fréquenter la sainte église de Dieu, à ne jamais renoncer à l'eucharistie qui y est accomplie, soit à cause des saints anges qui y assistent et prennent note des assistants pour les présenter à Dieu et offrir pour eux des supplications, soit à cause de la grâce du Saint-Esprit qui est sans doute toujours invisiblement présente mais qui, plus efficace pendant la sainte eucharistie, transforme les assistants, les recrée et, selon les ressources de chacun, les entraîne vers un degré supérieur du divin, leur enseignant la signification des saints mystères, même s'ils n'ont pas conscience de cette grâce en la recevant.

 

62.88. Le saint, le sanctifié, c'est celui qui a surmonté ses résistances au Saint-Esprit qui lui est donné. Foi parfaite : abandon de toute vie propre à la disposition de Dieu, oui sans limites. Si un tel acte est parfait quelque part, c'est la sainteté accomplie, car la créature qui le produirait serait sans partage ouvert à l'Esprit Saint.

 

62.89. Le même Esprit qui dévoile les enchaînements intimes de la Parole de révélation et fait jaillir un nouvel esprit par la comparaison du spirituel au spirituel (cf. 1 Co 2,13) prouve par là sa liberté et sa richesse inépuisable, à tel point que l'idée d'une vue d'ensemble systématique sur la Sagesse divine, même la Sagesse qui de fait a été révélée, apparaît comme une énormité et une monstruosité rationnelle. Ni la succession des définitions dogmatiques de foi promulguées par les conciles et les papes, ni celle des spéculations théologiques, quelque riche de sens que soit la manière dont se relaient les systèmes et les sommes, n'engendre comme conséquence historique une vue d'ensemble de la révélation, qui serait en quelque sorte contraignante, comme si le temps qui va du Christ au jugement dernier était destiné à l’Église afin qu'elle traduise la Parole quelque peu confuse et désordonnée des Écritures en un système rationnel à peu près exhaustif, enrichi de toutes les conclusions théologiques possibles et susceptibles d'être embrassé d'un seul regard.

 

62.90. Lorsque le Fils, fait homme sur terre, accomplit expressément la volonté du Père que lui présente l'Esprit Saint, il a fallu que cette obéissance soit précédée de toute éternité par l'offre spontanée et impensable que le Fils fait au Père de sa propre personne : payer de son sang et de son angoisse pour le bien du monde; offre qui ne peut pas ne pas avoir touché le Père au plus intime de son cœur et à laquelle le Père ne pouvait que consentir comme à la meilleure possible, à la plus haute révélation de l'Amour absolu. Il y a consenti "d'un cœur qui saigne"... parlant dès lors par anthropomorphisme.

 

62.91. Se laisser former par l'Esprit, être essentiellement disponible et donné, renoncer à toute anticipation personnelle, c'est la seule manière chrétienne valable, et la seule féconde, dont l'homme peut, pendant sa vie et au-delà d'elle, "faire histoire" au sens de Dieu. Se laisser former, ce n'est pas faire montre d'une passivité vide, parce que toute semence de parole et d'esprit, lorsqu'elle déposée, invite déjà à une coopération et à une participation dans la responsabilité.

 

62.92. Le rôle de l’Église (qui est elle-même un mystère divin) est d'introduire jusque dans le monde terrestre le rayon mystérieux de l'amour trinitaire et crucifié. L’Église est communication de tout l'amour de Dieu au monde tout entier. Je dois pouvoir espérer pour chaque frère. On ne met pas entre parenthèses le contenu de sa foi, on ne le noie pas dans un léger murmure humaniste. Mais on la présente dans la situation de mission avec la ferme assurance que c'est possible : "Ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Mt 10,19-20). Faire de l'interlocuteur la norme, et non plus Dieu, trahirait seulement l'angoisse du chrétien d'être à la hauteur de son époque, son angoisse et son ambition, inconscientes peut-être. "Croyez à ce que je vous ai promis : l'Esprit de votre Père est capable de se rendre maître de toute situation".

 

62.93. Le mystère de la Pentecôte, c'est le mystère de l'ouverture et de l'accès pour tous. Ceux qui ont reçu l'Esprit sortent et prêchent dans toutes les langues à tous les peuples. Et ce jour-là, environ trois mille personnes se convertirent. Cette ouverture de Dieu ne concerne pas quelques élus seulement, mais absolument tout le monde. Les quelques-uns des premiers jours remarquent que l'espace de Dieu est accessible, et ils ne sont choisis que pour annoncer aux autres cette découverte. L’Église sur terre est cette ouverture de Dieu au monde, le lieu où elle s'accomplit et où elle est connue. Mais pour que d'autres puissent s'en apercevoir, les chrétiens doivent sortir, purs comme après un bain, rayonnants du soleil qui les illumine, l'âme pleine des sons entendus au ciel. Il faut qu'ils soient, pour les autres, ouverture du ciel.

 

62.94. Seule l'offre de Dieu adressée à l'homme de pouvoir acquérir une vie éternelle intégralement humaine lui ouvre un espace dans lequel il peut déployer un espoir positif d'achèvement... Non pas directement, car la transformation à travers la mort lui reste imposée, mais dans une orientation où il ose, dans la foi en Dieu, espérer son achèvement. Et le Christ pousse de toute sa force vers la conclusion espérée et voulue par Dieu par l'héritage qu'il a laissé : son Église, sa Parole, ses sacrements, ses saints... En agissant ainsi, le Christ ne centre pas tout sur lui-même, il ne se comprend lui-même que comme l'envoyé du Père céleste qu'il sert en lui obéissant humainement de la manière la plus profonde et, sa tâche une fois accomplie, il fait descendre (d'auprès du Père et avec le Père) l'Esprit divin sur l’Église. La venue du Christ dans le monde renvoie à un événement inconcevable au sein de l'Amour libre absolu. Et le Fils, en tant qu'obéissant, révèle cet événement intra-divin et il dévoile aussi l'attitude juste de l'homme devant Dieu : le service jusqu'à l'oubli de soi.

 

62.95. Le rôle de l'Esprit Saint est de rafraîchir quotidiennement la mémoire de l’Église et de la remplir de manière renouvelée de toute vérité.

 

62.96. La joie pascale des chrétiens sera une joie contenue, une joie qui garde présente la pensée des souffrances d'autres membres du Christ, de l'humanité en général. La joie chrétienne, qui est le fondement existentiel de tout être chrétien, peut être emmurée dans les profondeurs de l'âme qui appartiennent à Dieu, et cette joie peut devenir insaisissable pour le croyant; il suffit qu'il puisse dire : elle est le début et le terme. Que l'âme, en effet, soit dans la joie ou dans la souffrance, l'Esprit ne cesse "d'attester que nous sommes enfants de Dieu... Nous souffrons avec le Christ pour être aussi glorifiés avec lui" (Rm 8,16 ss.).

 

62.97. On entrevoit maintenant quel travail formidable le Fils a laissé à l'Esprit Saint. Sa propre vie ayant été un échec, tout est à reconstruire de fond en comble. Il faut consolider la foi, l'espérance, la charité... Ensuite conférer la force pour la vie chrétienne... Pour rendre cela possible, il faut créer la structure mystérieuse que l'on appelle l’Église, laquelle est, comme toute structure, en partie visible, en partie cachée, en partie objective et institutionnelle, en partie subjective et existentielle... Avec l’Église, il y a tout ce qui lui appartient : l’Écriture, la Tradition, le ministère et ce dont il est le garant... et enfin l'enseignement de la vérité du Fils déployée par l'imagination infinie de l'Esprit, révélant le Père par la sainteté des fidèles et la théologie (les deux allant nécessairement de pair)... Activité nouvelle et toujours commune du Fils et de l'Esprit, puisque désormais le Fils agit précisément dans l'Esprit, restant avec nous tous les jours jusqu'à la fin du monde, comme si la révélation du Père et de son amour commençait réellement pour de bon.

 

62.98. L'amour répandu dans l'homme par l'Esprit lui donne le goût de Dieu.

 

62.99. Les sacrements, comme la hiérarchie, sont des moyens; leur but, qui seul doit rayonner au dehors, c'est l'amour. C'est à lui qu'on doit reconnaître l’Église. C'est par lui que sa structure prouve la présence en elle de l’Esprit. L'Esprit qui engendre la foi, l'espérance et la charité, prouve aussi la présence vivante dans les chrétiens du Dieu trinitaire; et c'est l'histoire de la foi, de l'espérance et de la charité dans le monde qui est l'histoire véritable, authentique, de l’Église. La décrire n'est pas possible, car ce n'est que pour une moitié qu'elle surgit dans la dimension historique extérieure; pour l'autre moitié, qui est beaucoup plus importante, elle demeure cachée dans les âmes, dans l'intériorité du royaume de Dieu. On voit les impulsions qui transforment le monde, mais on ne peut établir scientifiquement leurs causes, comme on fait pour les causes terrestres. Une seule prière inconnue, une seule souffrance cachée unie à celle du Christ peut avoir ouvert de vastes champs d'efficacité visibles. Certes le Saint Esprit dans l’Église est un facteur historique, mais pas intra-historique. Il crée la véritable histoire parce qu'il est son Seigneur.

 

62.100. "Nous avons reçu grâce (définitive) pour grâce (préparatoire). Car la Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse, la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus Christ" (Jn 1,16-17). L'ancienne Alliance est une grâce qui annonçait le Christ. Ce n'était pas encore la plénitude. La plénitude, c'est quand le Père se dévoile intégralement dans le Fils devenu pleinement homme pour en être l'interprète, et lorsque cette plénitude est susceptible d'être "reçue" par l'homme grâce à l'Esprit Saint.

 

62.101. Marie est loin de pénétrer tous les mystères insondables dont elle est le centre, elle doit fournir l’effort de les méditer inlassablement afin de les comprendre autant que possible. Il lui est dit qu’elle enfantera un fils conçu non d’un homme mais de l’Esprit Saint. La voici enceinte et elle est encore vierge. Ce fils lui a été désigné comme le Fils du Très-Haut. Comment une jeune fille juive pourrait-elle concevoir que Yahvé a un fils? Mais elle est enceinte, c’est là un fait indéniable. L’incarnation est une réalité qu’elle ne comprend pas mais qu’elle médite inlassablement. Et comment s’est produit l’inconcevable? "L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre".

 

62.102. La présence permanente de Jésus auprès de nous se réalise à travers des retraits et des absences successifs. Il est venu dans le monde pour quelques années, puis il disparaît. "Je quitte le monde et je vais au Père" (Jn 16,28). Et cependant il ajoute, de manière paradoxale : "Si vous m’aimiez vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père" (Jn 14,28), et cela pour deux raisons. 1. "Parce que le Père est plus grand que moi" : en disparaissant vers le Dieu plus grand, il parvient lui-même à sa véritable stature, telle qu’on pouvait l’entrevoir sur la montagne de la transfiguration et qu’elle devient pour lui définitive à sa résurrection. L’amour des disciples pour lui doit souhaiter pour lui cette stature définitive plus que la forme périssable, sensible, qu’il a revêtue par amour pour eux et par laquelle ils ont expérimenté sa présence. 2. "Il vaut mieux que je parte sinon le Paraclet ne viendra pas à vous. Si je pars, je vous l’enverrai" (Jn 16,7). Ils doivent renoncer à Jésus pour recevoir l’Esprit.

 

62.103. L'Esprit Saint est envoyé sur les disciples au moment où le Fils retourne vers son Père, pour l'expliquer aux disciples et pour édifier son corps ecclésial, parce que Jésus a expliqué son Père, il ne s'est pas expliqué lui-même.

 

 

62.104. La grâce est un mouvement personnel de la Trinité vers un croyant particulier... qui a reçu part à la vie du Christ dans la mesure fixée par l'Esprit Saint.

 

62.105. C'est l'affaire de l'Esprit du Christ de distribuer les situations qui nous conforment à telle ou telle situation du Christ : il peut nous plonger dans la jubilation pascale mais aussi dans la "tristesse à en mourir".

 

62.106. Le Christ n'a rien écrit lui-même et il ne demande pas qu'on écrive. Mais, par les hommes d’Église, l'Esprit Saint produira un document adéquat sur ce que fut le Verbe incarné de Dieu et de ce qui reste normatif pour tous les temps. L'Esprit rend sans cesse présent tout ce que Jésus était et est encore.

 

62.107. L'Esprit est l'amour du Père et du Fils : il nous est donné afin que nous apprenions à comprendre que Dieu est l'amour.

 

62.108. C'est l'Esprit Saint qui, en éclairant la vie de Jésus, lui communique la figure d'une norme valable à chaque instant... Ce n'est pas une nouvelle révélation, mais il dévoile toute la profondeur de la révélation déjà accomplie et il lui donne par là une dimension toute nouvelle pour le monde : sa parfaite actualité à chaque instant de l'histoire.

 

62.109. Le miracle de la Pentecôte annonce aussi bien la volonté que le pouvoir de l'Esprit divin de se rendre universellement compréhensible dans la plus grande diversité des langues du monde.

 

62.110. La biographie d'un saint... est une sorte de phénoménologie surnaturelle dont le but est de saisir tout ce que Dieu veut communiquer à son Église par l'existence théologique de son élu (à propos de Thérèse de Lisieux). L'Esprit s'est emparé d'elle et s'en est servi afin de démontrer quelque chose  aux chrétiens et leur ouvrir une nouvelle perspective évangélique. C'est pourquoi l’Église doit s'intéresser à Thérèse et l'étudier.

 

62.111. Le domaine que la pensée chrétienne doit accorder à l'Esprit Saint ne peut jamais être assez vaste. Jésus-Christ, figure du Serviteur de Dieu sur terre, fut un bref moment à peine perceptible dans l'histoire du monde. Quelques paroles, quelques actes, et tout est déjà fini... "Il vaut mieux pour vous que je m'en aille. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière" (Jn 16,7.13). La maigre révélation en paroles et en actes s'ouvre sur les dimensions qui sont confiées au seul Esprit de Dieu.

 

63. Saint Hilaire

Donne-moi, Père, d’être digne de l’Esprit Saint.

 

 

Pour clore cette fenêtre sur l'Esprit Saint

 

Ce dossier sur l'Esprit Saint dans l’œuvre d'Adrienne von Speyr n'est pas clos. L'enquête pourrait se poursuivre. Il y aurait encore beaucoup à glaner. Ce qui est ici présenté peut permettre au moins de percevoir une fois de plus la place unique de l'oeuvre d'Adrienne von Speyr dans le concert de la littérature spirituelle, théologique et mystique de tous les temps - sa place unique et sa richesse.

Les éléments fournis ci-dessus ne représentent pas une "synthèse de la mer", ils peuvent du moins faire pressentir que la mer est pleine de vie. Viendra un temps où des chercheurs s'essaieront à faire une "synthèse de la mer". Pourquoi pas? Si ces essais de synthèse permettent de mieux rendre compte de la vie et de stimuler la foi et de situer l’œuvre d'Adrienne von Speyr dans la grande tradition chrétienne, pourquoi pas?

A sa manière, Adrienne von Speyr ne fait que commenter le credo : "Je crois en l'Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie. Il procède du Père et du Fils, il reçoit même adoration et même gloire, il a parlé par les prophètes". Et personne ne peut l'empêcher de continuer à parler par des prophètes et des mystiques tout au long des âges. Le curé d'Ars recommandait : "Il faudrait dire chaque matin : Mon Dieu, envoyez-moi votre Esprit qui me fasse connaître ce que je suis et ce que vous êtes". Pourquoi pas?

 

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3. L’AMOUR

 

(Version 2022)

 

 

Plan : Introduction. 1. Dieu aime. 2. Aimer Dieu. 3. Marie. 4. Aimer les autres. 5. L’amour

 

Introduction

Si le premier commandement est d’aimer Dieu et d’aimer son prochain, il n’est pas étonnant que l’amour figure parmi les thèmes majeurs de l’œuvre d’Adrienne von Speyr.
 

Un seul volume des œuvres d’AvS est consacré à l’amour : Über die Liebe ; il a été publié par le P. Balthasar en 1976, donc neuf années après la mort d’Adrienne, à partir de notes qui lui restaient. Un autre livre d’Adrienne : La victoire de l’amour (Der Sieg der Liebe), publié en 1953, contient des méditations sur le chapitre huitième de l’Épître aux Romains.
 

Dans ls pages ci-dessous, il y a, par endroits, des redites. Elles sont la preuve que ces pensées habitaient profondément Adrienne von Speyr.
 

Le lecteur pressé peut toujours commencer par les titres qui lui parlent davantage. Si l’amour en Dieu (n° 1) semble trop difficile, pourquoi ne pas commencer par l’amour (n° 5), qui est l’amour humain ?
 

La plupart des « pensées » ici recueillies proviennent des Œuvres posthumes. Il faudrait poursuivre l’enquête dans toute l’œuvre d’Adrienne .
 

Ces pensées sur l’amour : un massif de fleurs. A chacun d’y faire sa cueillette si ça lui dit. Et cela peut nourrir la foi.

 

Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes)

 

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I. Dieu aime

 

1. Dieu aime les hommes. 2. L’amour en Dieu Trinité. 3. Le Fils aime les hommes

 

1. Dieu aime les hommes

1. Dieu est amour

Nous savons certes que Dieu est amour, qu'il possède tout ce que nous n'avons pas et ne savons pas. Notre désir se porte vers lui comme vers un ami que nous admirons parce qu'il a beaucoup de choses et qu'il sait ce qui nous manque, et pourtant nous pouvons jouir de son amitié (NB 11,342).

 

2. Dieu, l’amour infini

Nous n'avons ni concept ni mot pour la "souffrance" mystérieuse que notre péché cause à Dieu, si Dieu est immuable et toujours bienheureux et qu'il ne peut être lésé par sa créature. D'autre part il serait pourtant incompréhensible qu'il ne soit pas touché par la faute et par les malheurs de ses propres créatures, lui qui est l'amour infini. Cet amour est le feu que le Fils est venu jeter sur la terre et qui s'est transformé sur la croix en feu de la Passion (NB 6,266).

 

3. La démesure de l’amour de Dieu

A la fin du purgatoire, l’âme devient capable de pressentir la démesure de l'amour qui pardonne (NB 6,374).

 

4. Les mystères de l’amour de Dieu

Dans une surabondance qui recèle les plus grandes surprises, Dieu fait don à l'homme des mystères de son amour (NB 10, n. 2210).

 

5. Le mystère caché de l’amour de Dieu

Les états d'amour extatique pendant lesquels le mystique ne sait pas ce qui se passe ni comment, et après lesquels il est déposé à nouveau sur terre, ne sont qu’un bout de chemin sur la voie divine de l'amour. Toute expérience mystique authentique est une réponse à une offre de Dieu de faire connaître quelque chose de nouveau, de plus profond, du mystère caché de son amour (NB 5,77).

 

6. « Seigneur, ton amour est si grand »

D’une prière de saint Stanislas Kostka : « Seigneur, je voudrais te donner tout ce que j'ai, je voudrais te donner mes jeux et mes études et toutes mes occupations, toutes mes pensées, de telle manière qu'en tout tu voies que je t'aime. Aujourd'hui je viens à toi, Seigneur, malade et affaibli. Et je pense que je n'aurai plus la force de mener la vie que tu m'as montrée. Cependant la paix et la confiance m'habitent, la paix et la confiance que tu me donnes de manière nouvelle à chaque instant, parce que ton amour est si grand qu'il nous permet d'être à toi aussi sur un lit de malade. Fais aussi que ma faiblesse croissante devienne pour moi et pour les autres le témoignage que ton amour dure éternellement et qu'il est si grand qu'il peut aussi transformer un peu cette indicible faiblesse en amour du Père. Amen » (NB 1/1, 482).

 

7. L’amour de Dieu : un terme que nous ne comprenons pas

D’une prière d’Élisabeth de la Trinité : « Partout c'est le même amour qui demande, le même amour qui se donne, le même amour qui reçoit. Père, nous disons amour, nous avons appris ce mot du Fils, mais nous nous servons d'un terme que nous ne comprenons pas, que nous ne sommes pas capables de remplir, qui ne reçoit son sens que dans la Trinité du ciel. Car n'a de sens que ce qui dure éternellement. Père, quand nous contemplons l'un à côté de l'autre ton être éternel et ton amour, nous sommes ravis par quelque chose qui nous dépasse de toutes parts, quelque chose qui nous bouleverserait et nous étoufferait si ton amour trinitaire et sauveur ne venait à notre aide pour nous emporter et nous faire participer à l'adoration trinitaire du ciel » (NB 1/1, 492).

 

8. L’amour qui est en Dieu

L’amour de Dieu dépasse tout ce qu'on peut chercher à comprendre dans le mot amour, il ne flamboie pour ainsi dire que par éclairs. On ne peut absolument pas saisir ce feu et il est pourtant infiniment efficace. Et, dans l'éclair, c'est tout un paysage divin qui apparaît qui n'est pas accessible autrement que dans l'éclair (NB 5,47).

 

9. Dieu : communion d’amour et de vie

Dieu est toujours communion d'amour et de vie. Non seulement Dieu possède tout, il transmet aussi tout ce qu'il est et tout ce qu'il a : Dieu donne Dieu (NB 1/2, 156).

 

10. Dieu révélé comme amour

Au temps de Job, la justice du Père n'a pas encore été révélée comme amour, comme elle le sera dans la nouvelle Alliance. Il serait grand temps que le Fils vienne, car on voit exactement chez Job que cela dépasse les forces de l'homme de reconnaître Dieu comme juste quand il retire tout à un homme qui n'a pas conscience d'une faute particulière et quand Dieu n'est cependant pas révélé comme amour (NB 4,139).

 

11. Dieu fait tout dans l’amour

Dans les jours de maladie, il y a des moments où la mort semble toute proche ; il y a alors la grande confiance qui a sa place dans la foi, et cette confiance est l'espérance que Dieu fera tout dans l'amour (NB 10, n. 2225).

 

12. La création, œuvre d’amour du Père

La création du Père est advenue par pur amour. Le Fils est le seul qui peut comprendre de quelles profondeurs de l'amour paternel provient l'œuvre de la création. En devenant homme, il est le seul à trouver la pleine réponse du monde à la prodigalité de l'amour du Père (NB 6,522-523).

 

13. Dieu crée dans l’amour

En créant l’homme et la femme l'un pour l'autre, Dieu les créa dans l'amour et par amour (NB 12,151).

 

14. L’homme est créé par Dieu pour l’amour

En créant le monde, Dieu le Père était heureux. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie (NB 10, n. 2157).

 

15. Amour du Père pour sa création

L'amour du Père lors de sa création est sans limites; et de même que le Créateur ne se dérobe nulle part, de même la créature ne devrait aucunement se détourner non plus. Le plan de la création de Dieu ne doit pas être séparé de son plan d'amour ; l'unité des deux réside dans le fait que l'homme est image de Dieu. Par ses propres forces, l'homme n'est pas en mesure de déchiffrer cette image, mais grâce à elle il se sent interpellé par Dieu, il sait qu'il porte en lui un mystère qui le dépasse et qui met en son être une tension qu'il ne peut pas apaiser ; il n'est pas livré à lui-même mais, avec sa liberté, il doit toujours penser aussi à l'infinité de Dieu : se tourner vers elle ou s'en détourner par le péché. L’homme devrait seulement chercher à rester tel que Dieu veut le voir, à persévérer dans une réponse aimante à Dieu (NB 6,523).

 

16. Dieu aime l’homme

Dieu a créé l'homme et le reste du monde par amour pour l'homme (NB 5,46).

 

17. L’amour de Dieu pour l’homme

L'amour et la libéralité de Dieu sont si infinis qu'il n'hésite pas à partager à l'homme des trésors qu'il avait pour lui seul avant qu'il fût question d'un monde (NB 5,44).

 

18. Dieu a aimé le premier

"Charité bien ordonnée commence par soi-même". Saint Ignace n'aime pas ce dicton. Il était radicalement d'avis que l'amour vrai commence par Dieu, et parce que Dieu l'a aimé le premier, Dieu prendra aussi soin de lui tant qu'il restera sur le chemin de Dieu (NB 11,162).

 

19. L’amour de Dieu Trinité pour l’homme

Dieu a créé les premiers hommes en un lieu de ce monde, mais en même temps il les a fait participer à sa vie divine de l'amour trinitaire. Il se promenait dans le paradis, donc en un lieu du monde, et il donna aux hommes des sens pour le voir et comprendre sa présence et sa parole, à chaque fois dans l'instant et sans penser à l'avenir (NB 5,48).

 

20. Dieu aime tous les hommes

Dans la foi, il nous est permis de participer à tout ce qu'on aime, à tout ce qui nous intéresse ; et ce tout, en Dieu, c'est le monde entier parce que Dieu aime tous les hommes. Par la foi, on passe du particulier au tout : par celui qu'on aime, on passe à tous ceux qui aiment, par quelqu'un qui souffre à tous ceux qui souffrent, par quelqu'un qui est joyeux à tous ceux qui sont joyeux (NB 10, n. 2065).

 

21. L’amour du Père pour nous, y compris dans les souffrances qu’il nous offre

L'amour que le Père nous donne dans son Fils est si grand qu'il embrasse non seulement les joies mais aussi les souffrances de l'amour. Toutes les privations, toutes les souffrances, toutes les difficultés recevront ainsi un double visage si elles sont vues dans le Seigneur : du fait qu'il nous les offre, elles sont "parole" et par là expression de l'amour et elles doivent être reçues avec reconnaissance. Parce que les dons de Dieu sont vrais et sérieux, la souffrance offerte n'est pas un jeu d'enfant, elle rapproche l'être humain du Fils souffrant (NB 6,23).

 

22. L’amour de Dieu est le centre

Nous voulons toujours nous mettre au centre et nous oublions que c'est l'amour de Dieu qui est le centre, nous devrions rester ouverts à l'Esprit Saint (NB 10, n. 2230).

 

23. Dieu aime l’homme depuis toujours

Dieu aime l'homme depuis toujours. Il l'aime pour que l’homme puisse saisir la foi. En dehors de l'amour de Dieu, l'homme ne peut pas croire. Il ne peut pas non plus y avoir une foi qui n'engendre pas l'amour. Et puis la foi et l'amour sont fondées sur l'espérance, une espérance qui est toujours comblée en ne cessant d'engendrer la foi et l'amour (NB 2,215).

 

24. Dieu fait tout pour l’amour des hommes

Dieu fait tout pour l'amour des hommes, c'est pourquoi l'homme n'a pas besoin d'en venir à l'idée qu'il devrait exprimer ce qu'il n'aime pas. Tu ne trouverais jamais des choses que tu pourrais avoir en horreur (NB 6,56).

 

25. Le Seigneur aime chaque âme en particulier

Le Seigneur aime chaque âme en particulier, il invite chacun en particulier à le suivre. Même quand une foule de personnes se convertissent, ce n'est pas un effet de masse, c'est une action du Christ sur toutes les personnes individuellement, qui toutes ensemble font une foule (NB 2,26).

 

26. Chaque âme est importante pour Dieu

Ce qui frappe tout particulièrement Pierre Claver dans les visions célestes dont il est gratifié, c'est qu'à chaque âme une place est indiquée, que Dieu compte chacune, qu'il aime chacune et qu'il a besoin de chacune. Longtemps déjà avant de partir pour les missions, il voyait que chaque âme est importante pour Dieu (NB 1/1, 168).

 

27. L’amour personnel de Dieu pour moi

A la fin du purgatoire, par la grâce, rien d'autre n'apparaît que l'amour personnel de Dieu pour moi (NB 6,371).

 

28. Les hommes que nous sommes sont ceux auxquels l'amour du Père est destiné (NB 6,185).

 

29. Chaque être humain dans la communion de l’amour trinitaire

Chrétiennement, cela n'aurait aucun sens que "moi", j'existe si je n'étais aussi dans le tout du monde et finalement dans la communion de l'amour trinitaire (NB 6,101).

 

30. L’amour trinitaire pour le monde

Quand Bernadette voit la Mère du Seigneur, le culte de la Mère dans l’Église en est certes rendu plus vivant, et pourtant une mission mystique ne se limite jamais à ce qui est marial ; par Marie elle renvoie au Fils, par le Fils elle renvoie au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but trinitaire aussi bien qu'un but ecclésial, tout ce qui se trouve à la lisière est complément et décor, cela doit toujours être compris et lu en vue du centre : l'amour trinitaire (NB 5,85).

 

31. Dieu aime tellement le monde

Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. C'est pourquoi il mène inlassablement du centre à la périphérie pour enrichir le centre. Il le fait aussi tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession, il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

32. Le bonheur parfait d’être aimé du Père

Le regard bienveillant du Père est posé depuis toujours sur le Fils éternel ; quand le Fils se dépouille de sa divinité et revêt l'humanité, il attire aussi le regard d'amour du Père sur le monde. En se dépouillant, le Fils ici-bas est comme un homme qui vit dans la grâce, dans le bonheur parfait d'être aimé par le Père (NB 6,311).

 

33. Amour de Dieu pour l’Église

S'il a fallu des siècles peut-être pour construire une cathédrale, si les mains ont changé, si le plan primitif a été abandonné, un espace pourtant est resté ouvert pour l'Esprit dans la vénération et la prière, et ceci compte tenu de l'unité de l'œuvre : afin que la prière ici ne cesse pas, que la foi demeure vivante, que l'amour de Dieu pour l’Église et l'amour de l’Église pour Dieu continuent à brûler dans cette œuvre d'art, de même que l'amour que le Père allume dans sa créature continue à brûler grâce à la présence de l'Esprit Saint (NB 6,464-465).

 

34. L’amour de Dieu pour le pécheur - Être exposé sans défense à l’amour de Dieu

L’Église d'aujourd'hui ne veut pas être battue, mais épargnée ; c'est pourquoi elle n'ose plus donner toute sa force au ministère, elle arrondit tous les angles et toutes les rigueurs. Elle veut la médiocrité d'un amour dont elle fixe elle-même la forme et les limites. L’Église d'aujourd'hui a peur de se tenir nue devant le Seigneur, d'être exposée sans défense à l'amour nu de Dieu. Pierre aussi autrefois déconseillait la croix au Seigneur ; il continue de le faire. Car il sait que la croix du Seigneur et son ministère ecclésial sont proches parents. Mais ce n'est que dans la croix nue que se manifeste sans voile l'amour de Dieu pour le pécheur, et ce n'est que par le ministère que le pécheur est délivré de ses demi-mesures et de ses lâchetés (NB 6,494).

 

35. L’amour de Dieu et le pécheur

Il y a en Dieu un niveau où l'amour de Dieu distingue le péché et le pécheur (NB 6,310).

 

36. L’amour de Dieu et le péché

Le péché grave ne rend pas l'amour impossible. Cet amour aide le pécheur à se défaire de son péché dans la confession et à le remettre à Dieu : l'infini s'approche de lui sans qu'il ait cherché à s'en emparer. Quand le prêtre lui donne l'absolution, c'est avec une connaissance semblable à celle que Dieu a du péché : une connaissance dans la grâce (NB 3,76).

 

37. L’homme pardonné : l’amour du Fils habite en lui

Quand l'homme se repent, quand il se confesse, il est celui à qui Dieu a pardonné, celui que Dieu considère comme pur parce que l'amour du Fils habite en lui (NB 3,111).

 

38. L’amour de Dieu pour nous est toujours neuf

L'année que Dieu veut nous offrir est nouvelle, toujours neuf aussi est son amour pour nous, toujours neuve sa volonté de nous recréer, toujours neuve la pitié qu'il a pour nous (NB 10, n. 2177).

 

39. Dieu nous donne ce qu’on peut recevoir de son amour (NB 8, Appendice. Toussaint 1943).

 

40. L’amour, c’est Dieu

L'Esprit nous dit que nous sommes aimés et que nous avons le droit de rester dans l'amour, et l'amour, c'est Dieu (NB 10, n. 2219).

 

41. L’Esprit d’amour

Le Seigneur possède l'Esprit d'amour et il ne cesse de l'envoyer à son Église. L'amour en tant qu'Esprit, on ne peut pas se le représenter comme planant librement dans l'absolu, mais comme un amour qui veut se prodiguer à quelqu'un, comme un amour qui s'offre, qui cherche pour ainsi dire un partenaire. C'est un amour qui est attaché aux personnes comme, en Dieu, l'Esprit est attaché au Père et au Fils. Cet amour ne rayonne pas à partir du néant, il n'est pas une puissance qui existe pour elle-même (NB 12,97).

 

42. Dans l’Esprit, rien d’autre que l’amour

Adrienne (en 1965) : Je n'ai jamais compris jusqu'à présent comme cette fois-ci le souffle de l'Esprit, sa fonction d'amour dans toute son ampleur. Dans cet Esprit, rien d'autre n'a de place que l'amour. Ce n'était pas du tout prodigieusement sublime, plutôt joyeux, divertissant. Tous les problèmes de l'amour, tous les si et tous les mais étaient comme éliminés dans l'absolu de l'amour. Et l'Esprit nous donne la force d'avoir part à l'amour absolu, mais pas longtemps, sinon on devrait quitter ce monde (NB 10, n. 2341).

 

43. L’Esprit et l’amour

Pentecôte. A la messe, Adrienne voit comment le feu de l’Esprit se répand sur l’assemblée et elle voit aussi que ceux qui possèdent déjà l’Esprit et l’amour collaborent à cette distribution (NB 9, n. 1139).

 

44. L’Esprit nous ouvre l’amour du Fils

L'amour que le Christ nous fait connaître est accompagné du souffle de l'Esprit qui procède du Père et du Fils et anime leurs relations, mais qui veut aussi façonner notre relation au Fils ; il nous ouvre l'amour du Fils, nous le révèle, nous l'explique (NB 6,25).

 

45. Dieu nous donne son Esprit pour qu’on l’aime

Que fait un fiancé qui aime sa fiancée plus qu'elle ne l'aime ? Il peut lui donner de son amour à lui afin qu'elle l'aime en retour avec son amour à lui. Il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d'elle en retour. Dieu peut faire de même : il m'envoie son Esprit et je l'aime en retour avec cet Esprit. C'est ainsi que fait le Seigneur avec son Église (NB 4,423).

 

46. L’Esprit d’amour

Quand le Fils envoie l'Esprit, il l'envoie depuis l'éternité de Dieu Trinité comme Esprit d'amour. Il l'envoie dans un acte d'amour, mais celui qui est envoyé est en lui-même amour ; celui qui envoie et celui qui est envoyé sont un dans l'amour trinitaire. L'existence où l'Esprit entre comme envoyé reçoit la réalité de l'amour éternel. Là même où nous ne voyons pas l'Esprit, où nous ne pouvons pas le saisir, il est malgré tout l'amour ; nous sommes plongés dans l'atmosphère d'amour de l'Esprit. Nous pouvons alors essayer d'aimer cet amour invisible, de considérer notre existence visible comme insérée en lui (NB 10, n. 2147).

 

47. L’Esprit du Fils est l’Esprit d’amour (NB 9, n. 1913).

 

48. L’Esprit est amour

Il peut se faire une effusion soudaine de l’Esprit et tu parles en langues. Jusqu’à présent je t’avais toujours compris tant soit peu, maintenant je ne comprends plus rien. Mais si je suis dans l’amour et si je sais que l’Esprit est amour, je sais aussi que le contenu de ce que tu dis est amour. Je ne peux pas comprendre peut-être le mot isolé de telle manière que je puisse l’expliquer aux autres, mais malgré cela je comprends (NB 9, n. 1563).

 

49. Être dans l’Esprit Saint

Ils sont dans l’amour, donc ils sont dans l’Esprit Saint (NB 9, n. 1563).

 

50. L’Esprit est l’amour

Celui qui a reçu l’Esprit commence par l’adorer. Avant que l’Esprit ait commencé à agir en nous, il nous est étranger et nous ne le cherchons pas, ni en nous ni en dehors de nous. Mais parce que l’Esprit est l’amour, sa caractéristique est de transformer notre adoration de l’Esprit en adoration du Père et du Fils (NB 9, n. 1566).

 

51. Aimer dans l’Esprit

Chacun aime d’une manière personnelle qui est en même temps la manière de l’Esprit s’il est dans l’Esprit (NB 9, n. 1563).

 

52. L’Esprit et le mystère de l’amour

L'Esprit Saint est médiateur. En Dieu, il est facteur d'échange. Il dévoile constamment ce qui en l'homme doit être accessible pour Dieu. Mais il tient caché aussi ce que l'amour veut laisser dans le mystère. Il est celui qui connaît les besoins de Dieu et les réalise (NB 6,525).

 

53. L’amour trinitaire et l’incarnation

L'amour trinitaire a fait devenir homme la Parole qui était au commencement (NB 3,321).

 

54. L’amour trinitaire éternel décide l’incarnation

La décision de l’incarnation fut prise dans la lumière, dans l'espace de l'amour trinitaire éternel (NB 5,128).

 

55. Il faut plus d’amour au Père pour racheter le monde pécheur que d’envoyer l’Esprit

Il est pour ainsi dire exigé de Dieu beaucoup plus d'amour s'il s'agit de racheter sur la croix le monde pécheur que de répandre son Esprit dans un monde qui n'aurait pas péché. Et bien que l'Esprit soit l'amour, on peut comprendre qu'il y ait une augmentation d'amour dans le fait que le Père se laisse retirer du cœur son Fils unique et bien-aimé, dans le fait que, pour sauver le monde, ne soit pas seulement requis l'envoi de l'Esprit mais que le Fils aussi soit envoyé (NB 6,399).

 

56. Dieu le Père nous envoie son Fils par amour (NB 9, n. 1685).

 

57. Le Fils et l’Esprit porteurs de l’amour

Quand le Père envoie son Fils dans le monde et que le Fils avec le Père envoient l'Esprit, ils créent la force de la mission par leur puissance divine ; et la mission n'est rien d'autre que l'expression de l'amour qui se laisse envoyer. C'est l'amour qui est envoyé et qui doit devenir efficace. Le Fils et l'Esprit sont dans le monde les porteurs reconnaissables de l'amour (NB 4,209).

 

58. Amour et communication

Jamais le Père ne se repose en lui-même ; en tant qu'amour, le Père se communique éternellement (NB 6,67).

 

59. L’amour de Dieu est communication

L'amour céleste de Dieu est un amour qui est mû et qui met en mouvement. Un amour de communication, qui donne et qui aussi prend, et qui est inséparable de la vérité de Dieu. L'amour que Dieu nous donne n'est pas différent de celui par lequel il s'offre dans la vie trinitaire. Il est donc aussi communication de sa vérité, c'est un amour qui donne et qui prend en communiquant la vérité ; tout cela en Dieu ne fait qu'un et nous attire dans son unité (NB 6,443).

 

60. Dieu est celui qui communique

Dieu Trinité se comporte avec nous comme celui qui communique afin que nous l'aimions avec toute notre personne comme ceux qui reçoivent (NB 6,97).

 

61. Le dessein de Dieu : se communiquer au monde par amour (NB 6,533).

 

62. Dieu révèle son amour

Dieu est infini et il veut révéler à ceux qui l'aiment des traits toujours nouveaux de son amour (NB 12,106).

 

63. L’amour de Dieu dans les Écritures

Toutes les paroles de l’Écriture, des prophètes, des livres de la sagesse, du Seigneur, ont toujours leur sens dans le cadre de l'amour englobant de Dieu : l'amour peut à tout moment rendre actuelle chacune de ces paroles. Mais la liberté de l'amour fait aussi que ce ne sont pas toutes les paroles qui possèdent en même temps cette actualité. Qui se laisse conduire par l'amour expérimente chaque fois l'aspect de l'amour qui est actuel pour lui maintenant (NB 12,39).

 

64. Le Père a aimé les prophètes

En tant qu'homme, le Fils savait que le Père avait aimé et formé les prophètes avant lui, et il avait aussi le souhait d'être formé et utilisé par le Père à la manière des prophètes. Le Fils remonte jusqu'à Abraham, jusqu'à Adam et il n'oublie pas les degrés intermédiaires. Il voudrait être pour le Père toute beauté et pureté, et nous voudrions être comme le Fils (NB 10, n. 2058).

 

65. Les prophètes et l’expérience de l’amour de Dieu

Quand, dans l'ancienne Alliance, les prophètes entendent des voix ou qu'il leur est donné de voir des images, les rencontres de ce genre avec le monde divin ne sont toujours qu'inchoatives. Elles restent le signe de la distance entre Dieu et l'homme, elles augmentent la crainte d'un Dieu vivant et terrifiant, même si c'est l'expérience d'une victoire, d'un bonheur ou d'un amour (NB 5,50).

 

66. L’Apocalypse, livre de l’amour

Dans l'Apocalypse, c'est Dieu qui parle et les mystères sont ceux de Dieu, manifestés à quelqu'un qui est emporté dans un ravissement, avec un amour qui est inimitable, un amour qui comprend, note et transmet dans une obéissance transparente. Et même cette lucidité objective laisse rayonner totalement l'amour. Malgré ses horreurs et ses obscurités, l'Apocalypse est le livre de l'amour (NB 5,33).

 

67. L’amour de Dieu Trinité se révèle dans la Passion

Dans le mystère de la passion et de la mort du Seigneur pour le monde, tout l'amour de Dieu Trinité se révèle - et se cache (NB 6,28).

 

68. L’amour de Dieu offre la vie éternelle

Le croyant, dans l’Église, sait qu’il est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu (NB 12,50-51).

 

69. La Trinité offre à l’homme son amour

Dans la foi, l’homme devient la possession de Dieu, il est remis à Dieu, il travaille pour Dieu, il vit de ce que la Trinité lui offre de son unité et de son amour (NB 6,102).

 

70. La vie de la Trinité nous a été ouverte

La vie du Fils, qu'il partage à tous, est la vie qui, provenant du Père, est vécue pour l'amour du Père, elle est apportée sur terre par l'Esprit et elle aboutira au don de l'Esprit. La vie du Fils nous ouvre la vie de la Trinité. Le Fils vit dans la vision du Père et dans la prière au Père. Nous sommes tous invités à imiter cette vie ; nous sommes d'abord invités à la connaître en la méditant pour l'accomplir ensuite dans la foi et la traduire en amour chrétien (NB 6,112).

 

71. La lumière de Dieu rayonne

La lumière de Dieu rayonne sur tous ceux qui sont dans la grâce, dans l'amour et dans l'obéissance (NB 5,256).

 

72. Le bonheur paisible de celui qui aime et qui est aimé de Dieu

Louis de Gonzague. Son monde est pour lui tellement le monde de Dieu, de sa révélation et de son amour que Louis a l'impression d'être comme une minuscule pièce de mosaïque dans le monde créé par Dieu. Il voit si nettement la distance entre Dieu et l'homme que son regard se tourne toujours plus vers Dieu pour se laisser conduire par lui. Il vit dans l'obéissance et dans le bonheur paisible de celui qui aime et qui est aimé (NB 2,105).

 

73. L’amour du Seigneur s’est penché vers moi

Sainte Mechtilde de Hackeborn. A un certain moment de sa vie, elle connaît quelqu'un qui l'attire beaucoup et qui est attiré par elle, elle sent l'amour grandir en elle de jour en jour. Cependant tout en étant ainsi comblée, elle doit comparer. Comment ce serait si l'amour avait la mesure de l'absolu, si elle pouvait appartenir au Christ ? Elle fait alors une nouvelle découverte : avec cet amour justement dont je pourrais aimer le Seigneur, le Seigneur m'aime déjà réellement, et non seulement moi, mais tous ceux qui lui sont donnés. Il aime d'un amour qui dépasse tout ce qu'il pourra jamais y avoir de plus sublime dans l’amour terrestre, il aime d'un amour absolu. Je peux imaginer que mon petit amour humain se laisserait dilater à l'extrême en amour de Dieu, mais je dois reconnaître que l'amour du Christ demeure infiniment plus grand. La distance entre mon plus grand amour possible et l'amour du Seigneur demeure pour moi incommensurable. Je sais seulement que ce qu'il y a de plus grand en moi se trouve caché dans son infini. Car l'amour du Seigneur s'est penché vers moi. Elle comprend qu'une fois sans doute l'amour d'un homme pouvait l’ouvrir à l'amour de Dieu, mais qu'on n'avait pas le droit de répéter une deuxième fois cette expérience (NB 1/1, 441-442).

 

74. L’espérance d’être aimé par Dieu

Le curé d’Ars emballe la confession dans un grand drap : l'amour. Le pénitent doit se confesser de telle manière qu'il devienne capable d'aimer Dieu. Il doit se confesser dans l'espérance d'être à nouveau aimé par Dieu et d'avoir le droit de l'aimer à nouveau. Le confesseur doit être si pénétré de cet amour pour Dieu qu'en passant à travers lui cet amour inonde le cœur du pénitent, de sorte que cet amour lui dévoile le cœur du pécheur et qu'il soit ainsi en mesure de faire entrer le pénitent dans le même amour (NB 2,56).

 

75. Enveloppé par l’amour de Dieu

La confession n'est possible que parce que le pécheur ne reste pas dans le pur péché, dans la mort spirituelle, mais qu'il est enveloppé par l'amour de Dieu (NB 3,75).

 

76. Inondés par l’amour

Pour les apôtres, le parler en langues vint d’une manière tout à fait inattendue et ils se sentirent alors inondés par l’amour. Ils étaient contents du don reçu et ils ne firent rien pour l’accroître. Ils avaient l’ingénuité de ne pas s’en mêler (NB 9, n. 1564).

 

77. Touchés au plus intime par l’amour de Dieu

Prêtres et religieux qui une fois ou l’autre ont été touchés par l’amour de Dieu au plus intime d’eux-mêmes (NB 9, n. 1869).

 

78. « Ton amour peut me saisir totalement »

D’une prière de sait Jean Eudes : «  Seigneur, je sais que tu m'appelles et que tu me veux. Je sais aussi que ton amour peut me saisir totalement. Ton amour, je le ressentirai peut-être souvent comme quelque chose de rigoureux parce qu'il visera à briser toutes mes résistances » (NB 1/1, 483).

 

79. L’amour de Dieu infiniment tendre

Dans les temps où on ne peut ni prier ni méditer comme il faut, l'amour de Dieu est présent comme quelque chose d'infiniment tendre et cependant en même temps rigoureux. On peut être tenu par cet amour de Dieu, se laisser tomber en lui, se remettre entre ses mains sans problème et sans avoir une claire conscience de sa propre situation. On est faible et on sait quand même que tout est comme Dieu le veut (NB 10, n. 2178).

 

80. Les surprises de l’amour

L’amour de Dieu veut toujours surprendre (NB 9, n. 1685).

 

81. Un cadeau de l’amour de Dieu

Pour le mystique, il peut se faire que la nuit s'installe et que Dieu semble avoir disparu ; mais l'expérience suivante rendra évident au mystique que la nuit aussi était un cadeau de l'amour de Dieu (NB 5,51).

 

82. Dieu veut faire participer sa créature à l'amour éternel (NB 6,197).

 

83. L’amour du Créateur

Dans l'amour du Créateur était incluse sa volonté de doter l'homme de tout ce qui était utile à un dialogue avec Dieu. Le péché a rendu ces facultés inutilisables, mais le Seigneur est devenu homme pour restaurer ces facultés, et l'Esprit sera le gardien de toutes les possibilités humaines de dialogue imaginées par le Créateur (NB 6,547).

 

84. Amour de Dieu et effort de l’homme

Dans l’amour dont Dieu nous gratifie, et qui peut être d’une tendresse et d’une chaleur incroyables, l’être humain n’a le droit, à aucun moment, de tirer la conclusion qu’il est assuré d’avoir en main un gage qui le dispenserait d’un effort quotidien toujours renouvelé (NB 9, n. 1579).

 

85. L’amour et la correction en Dieu

En Dieu, toute correction, c'est de l'amour ; quand Dieu châtie le pécheur, c'est une manière de s'approcher de lui. Dans le purgatoire, l'amour de Dieu sera si grand qu'il ira par les chemins les plus courts et qu'il ne se laissera plus arrêter, comme ici-bas, par aucune "considération" (NB 6,494).

 

86. L’Esprit d’amour souffle dans le ciel

Au ciel, l'Esprit d'amour souffle partout si bien qu'on ne peut pas lui échapper ; c'est l'Esprit de l'amour divin, un amour supérieur devant lequel la créature s'étonne sans cesse et qui stimule tous ses actes et toutes ses pensées. Ce que veut dire "voir Dieu" est compris plutôt dans le sens qu'au ciel l'amour vous inonde et vous touche si fort, vous accompagne et vous remplit tellement, que tout est entrepris et réalisé par lui, et que chaque sens est entraîné par lui. Au ciel, tous sont porteurs d'amour, ils le portent comme une possession, mais une possession qui est destinée à être échangée, comme un prêt et un don définitif tout à la fois, continuellement partagé sans jamais être diminué du fait du partage (NB 6,72-73).

 

87. L’amour céleste

Même les expériences d'une vie longue et riche n'arrivent jamais à se faire une idée de la nature de l'amour céleste. Il y a des choses dans l'amour qui portent ici-bas le même nom qu'au ciel, mais ce qui ici-bas est un terme humain devient là-haut un terme divin. Ce qui ici-bas est compréhensible pour un cœur humain et une foi humaine est dilaté de telle sorte que celui qui est au ciel le sait : autrefois ce n'était pas du bricolage, c'était un chemin, une direction, mais une direction qui s'annule et se dépasse elle-même dans la plénitude. Tout ce qui vit dans le ciel semble croître et cela croît parce que c'est exposé au souffle de l'amour, et la fécondité infinie de cette croissance renvoie à Dieu Trinité et au Seigneur incarné et à sa Mère, et cette fécondité au-delà du temps et de l'espace est toujours de l'amour. Il n'y a en lui ni division, ni discorde, tout pousse à une unité toujours plus grande dans l'amour qui porte et qui est porté. Ce principe d'unité dans l'amour sera sans doute toujours la première chose que comprendra de Dieu celui qui entre dans l'éternité (NB 6,73).

 

88. Le ciel et l’amour de Dieu

Au ciel, tout ce qui est perçu, tout ce qui est dit, est contenu dans le fait que Dieu attire tout à lui. Et pourtant il reste quelque chose qu'il ne serait pas juste d'appeler désir mais qui, au sein de la vision de Dieu, est un cheminement joyeux vers lui. Nous aimons et nous sommes aimés, et l'échange d'amour est mouvement vers Dieu : on est toujours arrivé au but tout en demeurant en mouvement. Comme un ruisseau dans la forêt : on est charmé par sa présence et on peut en même temps le longer ; c'est tout aussi beau qu'il soit ici comme il était là et qu'il continue à couler ; tout ne fait qu'un. Rien que le mouvement de l'eau, qui fait partie de sa nature, nous charme, mais aussi que nous puissions nous déplacer avec lui. Que le ruisseau coule continuellement est aussi une surprise toujours nouvelle, car de l'eau nouvelle coule toujours dans le même ruisseau. De même au ciel, il y a l'éternelle surprise que Dieu nous appelle constamment et que nous nous trouvions constamment devant lui dans la réponse (NB 6,74-75).

 

 

2. L’amour en Dieu Trinité

 

89. Dieu est amour

Quand un chrétien dit : "Dieu est amour", il sait d'une certaine manière ce qu'il veut dire et il sait en même temps qu'il n'a saisi et défini ni Dieu ni l'amour. Ce qui lui échappe est mis en dépôt auprès de Dieu. C’est le côté de la foi qui est tourné vers Dieu, qui dépasse ce qui a été compris ici-bas (NB 6,307).

 

90. Dieu est amour

Quand on dit : "Dieu est amour", on exprime sans doute une idée humaine, mais Dieu, qui entend cette phrase, la remplit, fait qu'elle a en lui un effet, il réalise quelque chose à cause de cette phrase : comme s'il était obligé de ne causer dans le croyant aucune désillusion. Il prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour, une place toute personnelle, et cela en raison de la foi (NB 6,308).

 

91. Dieu est amour

Si une lumière m'est donnée sur le fait que Dieu est amour, cela ne veut pas dire que celui qui viendra après moi serait paralysé par la lumière que j'ai eue, qu'il pourrait d'autant moins trouver quelque chose qui lui est propre (NB5,188).

 

92. Dieu est amour

Dieu est amour, il est vraisemblablement encore plus haut que toutes les finesses théologiques (NB 8, n. 184).

 

93. Dieu et l’amour

Tout en Dieu est relation personnelle d'amour (NB 6,416).

 

94. Les mystères de l’amour en Dieu

En Dieu, les mystères de l'amour sont plus prioritaires que les mystères de l'omniscience (NB 3,205).

 

95. Amour en Dieu : joie commune

Dieu est éternellement vivant parce qu'il est l'amour. En Dieu, l'amour n'est pas une aumône, une charité ; il n'est amour qu'en étant joie commune (NB 12,144).

 

96. Le grand manteau de l’amour du Seigneur

Dieu prépare notre place dans le ciel. Si nous arrivons à lui dans l'amour, ce qui nous attend là c'est l'amour que Dieu aussi a mis là en nous attendant de sorte que cela ressemble à une nouvelle rencontre. Le ciel ne sera jamais quelque chose de purement général. Il sera pour chacun l'accomplissement de son amour personnel, préparé spécialement pour lui. Il n'y aura rien de monotone dans cette attente parce que c'est Dieu lui-même qui a créé ce qui est personnel et il le favorise. Et quand le Seigneur apparaît dans le ciel, tout se perd pour ainsi dire dans son amour. Tout ce qui auparavant semblait isolé et séparé est enveloppé dans le grand manteau de son amour (NB 6,308).

 

97. Dieu est trois pour être l’amour

De toute éternité Dieu est tri-personnel pour être l'amour. Je ne suis pas un toi si en face de moi il n'y a pas un je qui m'aime. Et j'ai moi-même besoin d'un toi pour aimer en tant que moi. Toujours aussi, notre amour doit être créateur, sinon ce ne serait pas de l'amour. Dieu est la triple exigence d'un moi avec la triple exigence d'un toi. Et sans doute l'amour pose-t-il des actes mais, pour cela, il lui faut du temps, beaucoup de temps, mais du temps qui ne rend pas les amoureux étrangers l'un à l'autre, au contraire le temps les rapproche toujours plus l'un de l'autre afin qu'ils reçoivent toujours plus pour pouvoir donner plus abondamment. En partant de l'amour, on comprend que Dieu ne veut pas connaître d'autre temps que l'éternité (NB 6,103).

 

98. En Dieu Trinité, l’amour

Dieu, en sa Trinité, jouit de la communion la plus sainte et de l'échange le plus intime de l'amour. C'est dans cette joie que Dieu fonde l’Église du Seigneur. Elle est l'expression de l'invitation faite aux hommes par le Fils incarné à entrer dans la communion avec le Père et l'Esprit Saint qui est la sienne (NB 1/2, 15).

 

99. L’amour dans la Trinité

Le Père, le Fils et l'Esprit ne font qu'un. Ils n'ont pas été séparés par la solitude et l'abandon du Fils, dans la souffrance aussi ils ne faisaient qu'un : ils étaient l'amour qui s'offre (NB 5,260).

 

100. L’amour dans la Trinité

Le Fils est engendré par l'amour du Père. Mais le Père sait de toute éternité que le Fils va souffrir jusqu'à l'abandon du Père. De toute éternité, il a donc plus d'estime pour l'amour que pour la souffrance ; la souffrance sera une fonction de l'amour. Et le Père en prend sur lui la responsabilité. Il a engendré le Fils, il l'aime et il partage tout avec lui ; ainsi l'Esprit Saint ne peut procéder que du Père et du Fils tout à la fois. De leur amour toujours plus grand (NB 6,92).

 

101. L’amour dans la Trinité

Dans l'unité du Fils avec le Père dans l'Esprit Saint se trouve l'amour réciproque de Dieu, sa conversation, son action (NB 6,101).

 

102. L’amour dans la Trinité

La relation au Père du Fils devenu homme est façonnée par l'Esprit Saint qui transmet la volonté du Père au Fils obéissant, et cet Esprit est le même dans le Père que dans le Fils ; l'amour de celui qui obéit n'est donc pas plus imparfait que l'amour de celui qui ordonne (NB 12,36).

 

103. L’amour trinitaire

Le croyant qui se tient devant l'amour trinitaire et cherche à le contempler, se tient devant quelque chose d'infini où il découvre toujours de nouveaux aspects (NB 12,36).

 

104. L’Esprit Saint : échange d’amour dans la Trinité

La possibilité de comprendre la relation trinitaire se trouve dans l'Esprit Saint qui va et vient entre le Père et le Fils comme échange d'amour et qui, en même temps, procède d'eux (NB 11,313).

 

105. L’Esprit unit le Père et le Fils

Au ciel, il y a l'Esprit éternel qui unit le Père éternel au Fils éternel. Entre eux, il est l'amour qui non seulement joue pour eux le rôle de lien, mais il procède des deux. C'est en partant de là qu'on peut se faire peut-être la meilleure image de la vie éternelle, parce que l'Esprit tourne entre le Père et le Fils et, du fait qu'en tournant il va et vient en même temps, il montre aussi qu'il n'a ni commencement ni fin. On ne peut pas l'empêcher de se répandre (NB 6,441).

 

106. L’Esprit d’amour entre le Père et le Fils

L'Esprit est fondamentalement l'échange de l'amour, le dialogue entre le Père et le Fils (NB 10, n. 2167).

 

107. En Dieu, l'échange d'amour est l'Esprit (NB 10, n. 2167).

 

108. L’Esprit et l’amour dans la Trinité

Entre le Père, le Fils et l'Esprit, cet échange est parfait, et c'est l'Esprit qui fait qu'entre le Père et le Fils aucun des deux ne se pose la question : est-ce que je t'aime comme tu m'aimes ? Est-ce que tu m'aimes comme je t'aime ? L'Esprit au contraire fait que les deux laissent à l'Esprit le soin de présenter cet amour, et même d'être cet amour. Ainsi, dans l'Esprit Saint, les "limites" de chacun ne les séparent pas l’un de l'autre (NB 6,300).

 

109. L’Esprit Saint : l’amour

Le Fils est après le Père parce que celui-ci l'engendre, et l'amour, l'Esprit Saint, est après le Père et le Fils étant donné qu'il procède des deux (NB 4,351).

 

110. L’Esprit est l'amour entre le Père et le Fils (NB 1/2, 187).

 

111. L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils, il circule entre les deux (NB 3,247).

 

112. L'Esprit Saint est échange d'amour (NB 3,338).

 

113. L’Esprit est l’amour entre le Père et le Fils

L'Esprit est l'amour entre le Père et le Fils. L'Esprit est l'amour entre Dieu et l'homme dans le Christ, il est l'échange, le don de soi et aussi le don spécial. L'homme doit vivre de cet amour, s'en nourrir ; mais cet amour porte en lui l'exigence de devenir à son tour, par ceux qui aiment, une nourriture pour les autres. Il montre par là d'où il vient, où il va, comment il doit être vécu et utilisé pour ne pas perdre sa force au contraire l'accroître en jaillissant (NB 2,42).

 

114. L’Esprit opère le parfait échange d’amour entre le Père et le Fils

L'Esprit qui descend sur l’Église et confirme le croyant est le même qui fut le témoin de la résurrection, c’est lui qui a opéré le parfait échange d'amour entre le Père et le Fils dans l'événement de la résurrection (NB 5,144).

 

115. L’amour dans la Trinité – Il est de la nature de l’amour d’être créateur

L'amour du Père est précis en ce sens qu'il engendre le Fils et l'amour des deux est précis en ce sens que l'Esprit procède d'eux. L'amour de Dieu crée son toi, c'est pourquoi il fait partie de la nature de tout amour d'être créateur. Et si nous, en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas nous créer réciproquement, nous devons quand même participer au devenir de l'être aimé, aider à le former, non selon la loi du moi, mais selon la loi objective de l'amour. Et cette loi agit en retour sur celui qui forme. Ainsi le Père divin reçoit aussi de l'Esprit Saint la forme d'amour qu'il a désirée pour lui-même afin d'être le Père du Fils. Pendant que le Fils commence à être et que des deux naît l'Esprit, le Fils et l'Esprit font que le Père est Père. Sans le Fils, le Père ne serait pas Père. Toutes les personnes se déterminent mutuellement. Et le Père tient tellement à ces dispositions que, dans l'éternité, il ne cesse d'engendrer le Fils et il tient tellement aussi à l'échange d'amour dans l'Esprit Saint qu'éternellement il fait souffler l'Esprit où il veut, il le fait être éternellement Esprit d'amour entre lui et le Fils (NB 6,104).

 

116. Dieu aime Dieu

Là où l'amour est absolu, là aussi se trouve le trinitaire : Dieu aime Dieu, car Dieu a Dieu pour prochain ; si le Dieu-Homme aime son compagnon d'humanité, il aime aussi son prochain, mais avec le même amour dont il aime en Dieu le Père et l'Esprit. Dans l'amour humain du Christ, l'amour trinitaire est intact. Pour le croyant, l'amour chrétien est ainsi une porte sûre par laquelle il reste en contact avec l'amour divin trinitaire (NB 6,108).

 

117. Amour et Trinité

Les trois personnes en Dieu sont l'amour finalement, dans leur amour éternel réciproque. Elles aiment chacune des personnes de manière transitive, mais elles aiment aussi en elles - pour ainsi dire de manière intransitive - Dieu qui est amour. C'est pourquoi, dans leur amour transitif, elles sont toujours sûres déjà de l'accueil. Il y a certes l'ordre des processions mais, parce que ce qui procède est toujours déjà l'être de Dieu, il n'y a aucun instant d'incertitude, de déception possible (NB 6,108-109).

 

118. Amour et Trinité

C'est par le désintéressement du Fils qu'est révélé le désintéressement trinitaire. L'amour du Père pour le Fils devient visible par exemple quand il introduit le Fils dans le mystère paternel de l'enfer, mais aussi quand il ressuscite le Fils : dans ce cadeau du Père au Fils, avec toute la joie il y a aussi quelque chose comme un renoncement, quand il permet au Fils de continuer en tant que Ressuscité son œuvre de rachat du monde (NB 6,109-110).

 

119. L’amour dans la Trinité et les relations d’amour entre humains

Nous ne pouvons nous représenter l’échange personnel entre le Père, le Fils et l’Esprit qu'à partir des relations d'amour entre humains. C'est au travers des relations d'amour imparfaites entre le moi et le toi que nous prenons connaissance de l'immensité toujours plus grande de l'amour divin. Au ciel, il nous sera permis de vivre immédiatement de cette surabondance de l'amour éternel ; mais ici-bas des approches nous sont données dans l'Eglise, à partir desquelles nous pouvons croître dans l'amour divin avec nos insuffisances (NB 6,92-93).

 

120. L’amour dans la Trinité

Le Père ne veut pas absorber en lui le Fils et l'Esprit, il veut, par amour, les laisser être eux-mêmes dans son amour (NB 6,197).

 

121. Amour et liberté dans la Trinité

Le Père, le Fils et l'Esprit sont libres puisque, dans l'amour, ils font leur volonté qui n'est rien d'autre que de faire toujours ce que veut l'autre. Car leur volonté trinitaire est toujours amour et on ne peut pas l'imaginer en dehors de l’amour. On ne peut pas dire que le Père, le Fils et l'Esprit sont dépendants les uns des autres, ils sont au contraire dans la liberté la plus parfaite parce qu'ils sont dans l'amour le plus parfait (NB 11,408).

 

122. Amour et liberté en Dieu

En Dieu la liberté ne fait qu'un avec l'amour, elle naît de la vérité de l’amour (NB 11,409).

 

123. L’échange d’amour dans la Trinité et le pourquoi de la création

Avant de créer le monde, Dieu ne se révélait qu'au sein de sa Trinité. La nature trinitaire de Dieu est si infinie et si parfaite qu'elle suffit éternellement à Dieu Père, Fils et Esprit. Mais le Père, avec le Fils et avec l'Esprit, décide en toute liberté de donner à leur éternel échange d'amour une nouveau mode d'expression. Cet échange avait lieu jusqu'alors à l'intérieur de la nature trinitaire infinie ; Dieu met maintenant en dehors de lui une création qui doit rester avec lui dans un échange constant (NB 5,40).

 

124. L’amour entre le Père et le Fils

L'engendrement éternel du Fils a satisfait pour le Père son besoin premier d'amour. En engendrant éternellement le Fils, il engendre l'amour éternel. Aucun autre engendrement n'atteint la fécondité de cet amour (NB 6,93).

 

125. L’amour du Père et du Fils

Si Dieu aime Dieu et si Dieu est Dieu, alors Dieu fait ce que Dieu veut, et cela dans un amour qui laisse à chaque volonté de Dieu sa totalité. Le Fils est engendré par l’amour du Père ; c’est par l’amour du Père qu’il est Dieu. Tout en lui provient de l’amour du Père, donc également son service. Quand, à la croix, le Père se voile, le Fils a réussi à y acquiescer éternellement par avance et il ne cesse de le faire (NB 9, n. 1997).

 

126. Ascension : le Père et le Fils - L’amour et la joie de la rencontre

Ascension. Le retour du Fils au Père signifie la joie. Et la joie est dans tous les cas un plus en fait d'expérience, un plus en amour vécu. Quand quelqu'un se réjouit de rencontrer quelqu'un, il se réjouit de lui montrer son amour et de recevoir de l'amour de sa part. L'expérience qui se trouve en toute nouvelle rencontre signifie de la joie si se réalise un plus en fait d'amour. Peut-être qu'avant la rencontre les deux se sont aimés tout autant, et pourtant quand ils se retrouvent face à face, ils peuvent échanger de manière neuve, leur amour est affermi, plus profond (NB 10, n. 2284).

 

127. Le Père aime le Fils

Le Christ est aimé infiniment par le Père, il l'est aussi pour que sa mission réussisse ; tout en lui provient de la prière trinitaire. Chacune de ses journées montre son amour parfait (NB 10, n. 2124).

 

128. L’amour en Dieu et la Parole engendrée par l’amour

Que dans le Dieu éternel il y ait une Parole est l'expression de l'amour en Dieu : la Parole est engendrée dans l'amour, il lui est répondu dans l'amour, elle sert à l'échange de l'amour trinitaire (NB 6,21).

 

129. Le Fils est aimé par le Père

Le Fils qui, de toute éternité et pour toute l'éternité, vit avec le Père en tant que Parole du Père ne perd jamais sa propriété d'être Parole. Pour le Père, le Fils est toujours également digne d'être aimé, toujours également significatif ; entre eux, rien ne s'épuise, rien n'est jamais dépassé (NB 6,39).

 

130. L’amour entre le Père et le Fils

En engendrant le Fils, le Père a conscience de ce qu'il fait et il se sait libre pour recevoir l'amour dont le Fils va le combler : un amour qui répond à l'amour, un amour qui naît de l'amour (NB 5,263).

 

131. Le Fils comblé par l’amour du Père

Le Fils aime le Père d'un amour qui ne veut que se prodiguer, mais qui voit et reçoit comme réponse la propre prodigalité de l'amour du Père. C'est comme si le Fils était à chaque fois comblé par l'amour du Père. En engendrant le Fils, le Père met à sa disposition tout son amour et le Fils naît avec l'amour qu'il apporte au Père (NB 1/2, 104).

 

132. L’amour du Père pour le Fils

Nous avons une idée de l'amour du Père pour le Fils, car nous connaissons entre humains quelque chose de comparable et nous pouvons en quelque sorte exhausser nos expériences à l'infini. Et quand nous essayons de penser l'Esprit tant bien que mal, nous voyons que le Père non seulement aime la personne de l'Esprit comme celle du Fils, mais aussi qu'il aime la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit, et qu'il reçoit un fruit de cette relation d'amour : elle est importante pour le Père, elle l'enrichit, il l'aime et compte sur elle. De même une mère qui a plusieurs enfants est enrichie par chaque nouvel enfant, non seulement par sa nouvelle relation à l'enfant, mais aussi par la relation du nouvel enfant avec ses frères et sœurs, et par la relation de chacun d'eux avec les autres. Par cette image, il pourrait même sembler qu'on pourrait saisir plus facilement les relations des trois personnes divines que la relation d'une mère à ses dix enfants. Cette impression se dissipe quand on prend en considération le fait que Dieu le Père trouve si infiniment parfaites ses relations au Fils et à l'Esprit et les relations du Fils et de l'Esprit que, pour en exprimer quelque chose, il crée l'univers (NB 6,90).

 

133. Le Père doit s’habituer à aimer le Fils au milieu des pécheurs

Le Père doit s'habituer à aimer le Fils comme un homme et, plus précisément, l'aimer comme il aime les hommes déchus, les pécheurs. Du fait que le Fils prend sur lui le péché, surtout durant la Passion, il acquiert l'expérience du péché, et le Père doit maintenant traiter aussi le Fils comme quelqu'un qui est chargé de l'expérience du péché. C'est pourquoi il ne peut lui présenter la résurrection que comme une "possibilité", non comme une certitude absolue, de même qu'il n'accorde aux pécheurs une vue sur la béatitude éternelle que comme une possibilité. Naturellement le Père et le Fils savent que le Fils ressuscitera, mais parce que le Père lui cache en quelque sorte son amour personnel, il lui voile aussi quelque chose de la certitude divine, pour le faire participer à la manière humaine d'être sûr. Le Père veut que le Fils atteigne la plus haute mesure de mérite. On ne doit pas pouvoir dire que l'œuvre du Fils n'a pas été suffisamment pénible parce qu'il avait toujours la vision du Père et la certitude de sa victoire, et qu'il pouvait laisser au Père la dernière responsabilité (NB 6,195).

 

134. L’amour pour le Père du Fils devenu homme

En devenant homme, le Fils apprend à connaître la manière humaine d'aimer et c'est avec cet amour qu'il doit désormais aimer le Père. Pas uniquement avec l'amour divin. En tant qu'homme il apprend toujours mieux ce que le Père signifie pour lui humainement, le Père qui engendre éternellement le Fils. Il grandit dans la connaissance de la grandeur de cet amour du Père qui est son Père personnel. Il y a là reconnaissance, disponibilité, mais aussi une non-compréhension de la grandeur de cet amour paternel. On ne doit pas penser que le Fils, parce qu'il a la vision du Père, pénètre pour ainsi dire absolument son amour ; s'il le faisait, il le limiterait. Si, en tant qu'homme, il est subjugué par l'amour toujours plus grand du Père, il ne lui est pas possible de s'évader dans sa vision divine pour se tranquilliser. Le désir ardent du Père qui se trouve dans l'amour humain du Fils n'est pas simplement satisfait par sa vision. Il y a aussi l'étonnement sans mesure de l'homme Jésus que justement il puisse être l'élu de Dieu, le Fils de Dieu. Il n'a pas cette pensée en tant que Dieu mais en tant qu'homme (NB 6,181).

 

135. L’amour du Fils pour le Père

Qui sait ce qu’est l’amour? Même si on en avait une petite idée, on ne pourrait la mesurer à l’amour du Fils pour le Père et à l’angoisse qu’il a supportée pour cet amour (NB 9, n. 1784).

 

136. Lamour du Fils pour le Père

L'amour infini du Fils veut uniquement ce que veut le Père. Il s'astreint autant à ce but unique que s'il était réellement le dernier et le plus petit des valets. S'il peut seulement servir, tous ses désirs sont comblés. Il ne veut rien recevoir que ce qui peut être utile pour ce service. Le service a cette largeur et cette profondeur : le plus grand service, le plus petit service, tout ce qui peut être demandé (NB 10, n. 2180).

 

137. L’amour du Fils pour le Père - La lumière de l’amour

Avant l'incarnation, le Fils « souffre » de ce que le Père, atteint par les hommes, souffre de sa création. Mais cette souffrance n'arrive pas dans les ténèbres comme plus tard sur la croix, elle arrive dans la lumière de l'amour (NB 3,86).

 

138. Le Fils aime le Père

Le Fils aime le Père infiniment ; en tant qu'homme ici-bas, par sa prière et son don de lui-même, il se tient intégralement à la disposition du Père qui est au ciel, il n'est gêné par aucun péché, aucune aliénation ne le sépare de lui (NB 5,63).

 

139. L’amour du Fils pour le Père

Dans la Passion, l’amour du Fils pour le Père ne connaît pas de mesure, le Père reçoit de lui plus d'amour que ce qu'on pouvait jamais prévoir (NB 4,21).

 

140. Pour le Fils, l’obéissance est l’expression de son amour pour le Père

Le Fils se soumet à la volonté du Père d'une manière qui est l'expression naturelle de l'amour. Se soumettre à la volonté du Père, se régler sur elle, est un aspect de l'amour éternel à côté d'autres ; si nous étions introduits très avant dans l'échange du pur amour divin comme croyants, aimants et mus par l'Esprit saint, nous ne pourrions pas isoler de l'amour la forme de l'obéissance (NB 5,89).

 

141. L’obéissance du Fils au Père

Par amour, le Fils vit aussi longtemps que le Père le veut. L’obéissance du Fils au Père n’est pas seulement officielle et abstraite, c’est une obéissance d’amour tout à fait personnelle, aussi personnelle que peut l’être une relation entre personnes (NB 9, n. 1749).

 

142. L’amour et la volonté du Père

Le Père reçoit la prière du Fils au mont des oliviers et il y reconnaît son amour. "S'il est possible, que ce calice passe loin de moi" : le Fils sait que ce n'est pas possible, mais il ne le dit pas. Car il ajoute aussitôt : "Cependant que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !" ; le Père doit être sans scrupules, il pourra tout exécuter comme il était prévu ; la volonté du Fils est passée dans celle du Père. Comme toujours durant la vie terrestre du Fils, l'accord est parfaitement réciproque (NB 5,104-105).

 

143. Le Fils aime le Père – Amour et obéissance L’humilité de l’amour

Le Fils aime le Père d'un amour qui ne veut que se prodiguer, mais qui voit et reçoit comme réponse la propre prodigalité de l'amour du Père. C'est comme si le Fils était à chaque fois comblé par l'amour du Père. Et cela déjà dans sa naissance elle-même du Père. En engendrant le Fils, le Père met à sa disposition tout son amour et en naissant de l'acte d'engendrement du Père, le Fils naît avec l'amour qu'il apporte au Père. C'est comme si l'amour que le Fils donne au Père, il l'empruntait absolument et totalement à l'amour plus grand du Père et le lui rendait, comme si le Père ne devait voir toujours dans l'amour qu'il reçoit du Fils que ce qu'il engendre à l'instant, son amour dans le Fils. Donc d'une certaine manière recevoir sa propre image qui lui est présentée par le Fils. Le Fils offre son obéissance au Père. Il le fait dans l'humilité de l'amour (NB 1/2, 104).

 

144. L’amour du Fils pour le Père - L’amour et l’humiliation du Fils à cause du péché

Le Père accepte réellement l’obéissance du Fils et le Fils sait que son obéissance aura comme conséquence l’humiliation : tout le péché du monde sera mis sur son dos. C'est l'amour du Fils pour le Père, du Père pour le Fils et le non-amour du monde futur qui ensemble vont faire l'humiliation. Le Fils ressent et sait de toute éternité que la création du Père péchera réellement. Il le sait pour ainsi dire avant le Père. Le Père lit pour ainsi dire dans les yeux du Fils humilié que l'obéissance prendra la forme de l'humiliation. Le Père voit deux choses en même temps d'une certaine manière : que le monde va pécher et que le Fils le sauvera (NB 1/2, 104-105).

 

145. Le Fils vit de son amour pour le Père – Accroître l’amour pour le Père

Le Fils devenu homme vit toujours dans le Père, étant donné qu'il ne connaît pas le péché. Il vit de son amour pour le Père et il ne veut rien d'autre qu'accroître l'amour pour le Père (NB 1/2, 243).

 

146. Amour infini du Fils pour le Père

La grâce de la rédemption dépasse de beaucoup ce que pourrait exiger la justice de Dieu, et cela aussi bien parce que le Fils a jeté dans la Passion son amour infini du Père que parce que le Père a tout offert au Fils (NB 4,300).

 

147. L’amour du Fils pour le Père et pour sa créature

Ce qui, au ciel, incita le Fils à s'incarner, ce fut son amour pour le Père et pour sa créature (NB 3,179).

 

148. Le Fils et l’amour du Père

Le Fils ne fait que ce que l'amour du Père lui a dit de faire (NB 10, n. 2289).

 

149. Le Fils, l’unique homme qui aime le Père

Le Fils abandonne ses propriétés divines pour s'approcher toujours plus des hommes, pour être devant le Père l'unique homme qui l'aime. Le Père doit en avoir au moins un et c'est en étant cet unique que, sur la croix, il rend le monde au Père (NB 11,20).

 

150. Le Fils aime le Père par-dessus tout

Quand le Fils commence à voir et à adorer le Père en tant qu'homme, il expérimente au plus intime que le Père, qu'il aime par-dessus tout, est offensé au plus profond, justement par son semblable (NB 6,150).

 

151. Le Fils aime le Père et les hommes – Il se fait homme par amour

Le Fils aime le Père et les hommes : il ne les oppose pas, il les aime dans l'unité. C'est la même source d'amour débordante qui se répand sur les deux. "Père, pardonne-leur" montre cette unité. C'est par amour pour le Père comme pour les hommes qu’il devient homme (NB 6,534).

 

152. Le Fils incarné aime tous les hommes et le Père

Le Fils, en tant qu'homme, a aimé tous les hommes et, en tant qu'homme, il aime le Père avec tous les autres (NB 10, n. 2157).

 

153. L’amour du Fils devenu homme pour le Père – La grandeur de l’amour de Dieu

Le Fils est dans l'amour inaltérable du Père. Il faut essayer de voir comment il est dans cet amour. Non pas d'abord ce qu'il fait pour être dans cet amour, comment il réalise sa relation au Père, mais comment il est en tant que médiateur, caractérisé par tout ce que Dieu Trinité a décidé de nous donner par lui : lui, en tant qu'incarné, qui nous montre la grandeur de l'amour de Dieu, à quel point il se penche sur nous, tout ce qu'il a inventé pour entraîner l'homme dans l'amour qui unit le Père et le Fils dans l'Esprit. Ceci indépendamment pour ainsi dire de ce que l'homme peut apporter de lui-même pour participer à cet amour (NB 6,185).

 

154. L’amour du Fils pour le Père et sa colère contre les marchands du temple

La colère du Christ contre les marchands du temps est double. C'est une colère humaine et chrétienne qui éclate à l'occasion de la profanation de la maison de son Père. Mais elle renvoie en même temps à l'origine de sa mission étant donné qu'il est devenu homme à cause de l'outrage fait au Père et de sa colère. Il est accordé à l'état d'âme du Père, il l'est par amour pour le Père et, dans cet amour, il comprend la volonté du Père de l'envoyer (NB 6,313).

 

155. Le Fils vient nous visiter par amour pour son Père et pour sa création

L'amour trinitaire du prochain que connaît le Seigneur est un amour qui, en lui, est de toute éternité éprouvé, expérimenté, exercé. C'est pourquoi on peut distinguer dans cet amour ce qui est trinitaire. Le Fils vient nous rendre visite non par amour de lui-même, mais par amour pour son Père et pour sa création qu'il veut lui ramener, et par amour pour l'Esprit à qui, par son incarnation, il prépare la révélation de l'Esprit. Son amour est tellement dénué d'égoïsme que, dès les tout débuts, il ne fait pas seulement participer au Père mais aussi à l'Esprit à qui il confie l'œuvre de l'incarnation que l'Esprit couronnera à la Pentecôte (NB 6,109).

 

156. Le Fils en tant qu’homme n’avait pour Dieu que de l’amour

Le Christ ici-bas, en tant qu'homme, avait à sa manière la foi et l'espérance, tandis qu'il n'avait pour Dieu que de l'amour (NB 6, 442-443).

 

157. Le Fils aime le Père : amour et obéissance

Dans l'obéissance du Fils jusqu'à la croix, il faut distinguer : c'est sa volonté de faire la volonté du Père, mais le fondement et la source de sa volonté est son amour pour le Père. Car il aime tant le Père que tout en lui est amour, y compris son obéissance (NB 11,251).

 

158. Le Fils : amour et obéissance

Quand, au mont des oliviers, le Seigneur demande: "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne", il laisse apparaître clairement le facteur obéissance dans son amour. Sans doute son obéissance est-elle encore toujours une expression de son amour pour le Père, mais on peut la saisir ici dans sa nudité et dans ce qu'elle a de caractéristique, elle est pour ainsi dire détachée de l'amour qui l'entoure, elle est mise en relief. Ceci est tout simplement nécessaire parce que le Fils veut montrer ce qu'est l'obéissance chrétienne en tant que telle. Il la montre ne faisant qu'un avec l'amour et insérée en lui pour nous faciliter le chemin ; son commandement est le commandement de l'amour, et notre obéissance chrétienne se laisse déduire de ce commandement quand on se met à suivre le Christ (NB 11,251).

 

159. Le Fils au mont des oliviers

Au mont des oliviers, le Fils montre qu'il peut être très difficile d'être obéissant ; dans son cri d'abandon sur la croix, il prouve que son obéissance est totale, que Dieu peut aussi l'envoyer dans l'abandon où l'amour ne lui adoucit plus rien et ne le couvre plus. Et le Père a justement besoin de cette obéissance nue du Fils pour que le Fils puisse remplir sa mission de sauver l'humanité pécheresse (NB 11,252).

 

160. Le Fils au mont des oliviers : amour et volonté de Dieu :

La prière du Seigneur au mont des oliviers : "Non pas ma volonté, mais la tienne", est humilité parfaite, adaptation de sa propre volonté à celle du Père. Et pourtant sa propre volonté est mentionnée. S'il avait dit seulement : "Que ta volonté se fasse", il se trouverait là comme sans volonté propre, comme si le Père lui avait permis certes de devenir homme, mais un homme sans les difficultés qui résultent de l'opposition entre Dieu et l'homme. Un homme désarmé, sans moyen de se défendre en face de Dieu. La mention de sa volonté propre est donc un signe de sa gratitude à l'égard du Père qui lui permet d'avoir une nature humaine complète. Ce n'est pas la faiblesse qui l'incite à dire cette parole, ni non plus l'impuissance, mais l'amour. L'amour qui reconnaît ce que veut dire : "Ma volonté", mais qui y renonce en faveur du Père. L'amour qui accorde plus de valeur à ce qui appartient au Père qu'à ce qui lui est propre, qui met en relief l'obéissance et l'exerce dignement. " Non pas ma volonté" : cette parole ne peut pas éveiller dans le Père l'impression d'un renoncement par faiblesse ou d'un mépris de son don. Elle renvoie en même temps au premier Adam qui avait tout le nécessaire pour faire la volonté du Père, mais ne voulut pas renoncer à sa volonté propre si bien qu'il se confirme aux yeux du Fils qu'Adam aurait pu résister à la tentation (NB 11,321).

 

161. Le Fils aime le Père : c’est le Père qui décide

"Personne ne connaît l'heure, même pas le Fils". Nous pécheurs, nous avons un besoin constant de nous installer. Il est très important que le temps reste incertain. Le Fils a tant aimé le Père qu'il lui a laissé le soin de décider totalement de son temps (NB 12,39).

 

162. L’obéissance du FilsL’amour de Dieu : bien absolu

L'obéissance chrétienne doit être prêtée à cause d'un bien absolu, et ce bien, c'est l'amour de Dieu. Le Père envoie son Fils ; d'une part celui-ci est doté de la liberté divine qui lui est propre, d'autre part il est placé dans les limites humaines, mais il est toujours en même temps Dieu et homme, libre et lié, aimant et obéissant, et ceci toujours aussi bien comme Dieu que comme homme : c'est pourquoi l'obéissance divine illimitée du Fils n'est pas réduite par l'incarnation, il vit dans l'amour et l'obéissance tout comme nous devrions vivre dans la foi, c'est-à-dire sans limites (NB 11,312).

 

163. La Passion, processus d’amour imaginé par le Fils par amour pour le Père

Le Fils veut racheter le monde pour le Père. Cette rédemption est réalisée par sa Passion dans laquelle il porte tous les péchés comme s'ils étaient ses propres péchés, et le Père reconnaît en lui tous les pécheurs. Arrivera donc l'instant où le Père verra dans le Fils la somme des outrages qui lui sont infligés à lui, le Père. C'est un processus d'amour que le Fils a imaginé par amour pour le Père et pour le monde (NB 1/2, 144).

 

164. La croix et l’amour du Fils pour le Père

La rédemption par le Christ apporte à l'homme quelque chose de totalement nouveau. Le Père se laisse bouleverser par l'amour du Fils, par l'inouï, ce qui veut dire ici : il a racheté le monde sur la croix, c’est un débordement de l'amour réciproque dans l'Esprit Saint (NB 6,77).

 

165. Le Fils et la croix : tout faire pour l’amour du Père

L’obéissance du Fils jusqu'à la mort, son empressement à tout faire pour l'amour du Père, sont sans limites et le conduisent à prendre sur lui tout ce qui déplaît au Père en renonçant à tout ce qui lui est propre (NB 11,20).

 

166. Rédemption et médiation du Christ - Coopérer par amour -

Quand Dieu devient homme, il peut aussi, à cause de cette offense illimitée, souffrir en quelque sorte de manière illimitée et être vaincu : offense illimitée parce qu'il demeure Dieu, souffrir parce qu'il est homme. Ce pouvoir unique du Christ fait de lui le Médiateur, le centre de liaison entre Dieu Trinité et toute l'humanité. Ce ministère de Médiateur, le chrétien, comme chaque homme, en est le bénéficiaire, il doit y coopérer s'il comprend l'amour comme le Seigneur le fait dans le premier commandement (NB 6,111).

 

167. La Passion - Amour et obéissance

L'obéissance est féconde dans l'amour. Et le Seigneur a porté toute sa Passion dans l'obéissance (NB 4,20).

 

168. L’obéissance du Fils – Obéissance, chemin du retour à l’amour

Quand le Fils devient homme pour sauver le monde, il prend les repères de l'obéissance pour faire de l'obéissance le chemin du retour à l'amour, pour montrer à l'homme que tel est le dessein du Père (NB 5,90).

 

169. L’amour et la croix

Pour la foi et l’amour il faut toujours le total don de soi, et celui-ci a la forme de la croix (NB 9, n. 1855).

 

170. Le Fils va vers la croix par amour (NB 9, n. 1635).

 

171. L’œuvre du pur amour : la croix (NB 3,94).

 

172. L’amour du Fils pour l’humanité et la croix

Par amour pour l’humanité, le Fils renonce à tout sur la croix (NB 6,47).

 

173. Amour du Fils sur la croix

Joie éternelle qu'éprouve Dieu le Père quand il regarde son Fils qui, par son amour sur la croix, lui a ramené le monde entier (NB 6,574).

 

174. Le Fils souffre par amour sur la croix

Sur la croix, le Fils souffre par amour pour le Père. A la croix, le Père reçoit la preuve de l'amour du Fils pour lui et pour les hommes. Il ressent cette preuve avec une évidence insurpassable (NB 6,296).

 

175. L’amour du Fils sur la croix – L’amour de celui qui est conduit par l’Esprit

La seule chose qui est importante pour l’Esprit de Dieu est qu’il puisse en venir en l'homme à son affaire. Et cette affaire finalement, c'est toujours l'amour. Dieu a besoin, pour le monde, de l'amour du Fils sur la croix. Il a besoin de l'amour de celui qui est conduit par l'Esprit, il en a besoin pour celui qui est conduit, mais tout autant pour le monde. L'Esprit ne veut pas détruire les hommes que le Père a créés, il veut les conduire à la perfection de l'amour (NB 6,449).

 

176. La croix, preuve de l’amour du Fils pour le Père

La croix sera le don parfait du Fils au Père, la preuve inouïe de son amour pour le Père qu'il pourra donner sur la croix (NB 6,53).

 

177. La croix : la nuit du Fils pour prouver au Père son amour

Le Fils veut sauver le monde et le ramener au Père, et il veut prouver par là au Père son amour. Pour sauver le monde, la croix est nécessaire. Pour prouver au Père son plus grand amour, il faut la nuit. Mais la nuit, c'est le désaccord entre la foi, l'amour et la compréhension. Ce désaccord a pour le Fils d'autres caractères que pour nous parce que sa relation au Père, on ne peut pas la caractériser adéquatement par le terme de "foi". Par amour pour le Père, le Fils renonce à éprouver son amour. Il renonce en même temps à comprendre cette privation. Il la laisse se produire en lui, sans rien voir, sans la comprendre, sans sentir sa relation au Père (NB 5,91).

 

178. La mort du Fils, expression de son amour pour le Père

Le Père, qui a créé la vie, voit son Fils bien-aimé mourir, à la suite d'Adam, de la mort du méchant. Mais dans cette mort, le Père ne voit plus rien de mauvais. Du début à la fin, son chemin est le chemin direct et continu de l'amour de Dieu, un amour qui reconnaît la réalité du mal et s'explique avec lui de cette manière. La "mort du méchant" dont meurt le Fils est l'expression de son amour pour Dieu (NB 5,76).

 

179. Le Fils sur la croix : amour et volonté du Père, amour et sacrifice

L'amour reçoit la forme de ne pas pouvoir se communiquer. Seuls le Père et l'Esprit savent ce qui se passe dans le Fils ; dans ce qui se passe - "que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse" - la volonté du Fils se ramène à celle du Père, disparaît si bien en elle que de la sorte la fécondité du sacrifice, la grâce même du sacrifice semble se perdre. Il n'y a plus aucune visibilité. Cette forme de l'amour, le Fils la voudrait sans cesse chez ceux qu'il invite à la connaître d'expérience (NB 6,243).

 

180. Les martyrs et l’amour du Fils qui meurt sur la croix

Nous connaissons des exemples d'un homme qui, par amour, meurt pour un autre. Nous connaissons l'exemple des martyrs qui préfèrent mourir plutôt que de manquer à l'amour. Ces exemples sont un lointain reflet de l'amour de Dieu pour le monde entier, mais ils suivent et imitent l'amour qui meurt sur la croix pour tous (NB 5,76).

 

181. Pâques est la fête de l’amour

Pâques est la fête de l'amour qui se fait connaître, qui éclot, qui se répand partout. L'heure que personne ne connaissait est arrivée. Son ignorance n'est plus nécessaire, on la connaît maintenant, c'est le jour et l'heure de la rencontre, de la plénitude de l'amour (NB 3,341).

 

182. Pâques : le Père et le Fils

Pâques. Le Père a touché le Fils mort pour le réveiller, il l'attend auprès de lui dans le ciel, mais le Fils emportera avec lui comme moisson l'amour céleste semé par lui sur la terre (NB 3,341).

 

183. Pâques : l’amour est assez fort pour remplir le monde entier

Et tout d'un coup Pâques fut là. Tout d'un coup l'amour fut là avec l'espérance, comme un choc, une expérience d'une force percutante infinie. Et la lumière. On voyait ça et là des lumières là où est l’Église, là où vit la foi ; on était à nouveau plein de l'espérance que l'amour serait assez fort pour remplir le monde entier (NB 3,355).

 

184. Pâques. L’amour est l’essence de tout

Lors de la résurrection du Fils, en un clin d’œil tout est là, Dieu tout entier et la joie tout entière et toute la vérité ; l'amour est l'essence de tout. C'est la même chose maintenant de parler de vie ou d'amour ou de résurrection. Tout possède la soudaineté de Dieu, elle saisit tout et emporte tout avec elle (NB 3,311).

 

185. L’amour du Fils : pour le Père et l’Esprit, pour l’humanité

L’amour du Fils pour le Père et l'Esprit, son amour pour l'humanité entière. Tout est amour (NB 3,400).

 

186. Le Fils devient homme par amour pour le Père et l’Esprit – Amour du Fils pour les hommes – Nous devons nous exercer à l’amour

Le Fils devient homme par amour pour le Père et pour l'Esprit, et son amour ne subit de ce fait aucune interruption. Sans doute en tant qu'homme, aime-t-il maintenant de son amour divin absolu tous les hommes qu'il rencontre, tous les hommes inclus dans sa mission, et cela a priori. Qu'il nous ait aimés d'abord sans interruption de l'amour dont il a aimé le Père et l'Esprit de toute éternité, c'est là que réside l'expression de l'amour trinitaire. Cet a priori (et donc ce caractère trinitaire) est connu dès sa conception et sa naissance qui, fondamentalement, ont lieu par amour pour tous les hommes. Nous, les hommes, nous devons d'abord nous exercer à l'amour et, de plus, nous aimons en choisissant, nous aimons a posteriori. Si nous pouvions vivre totalement de la grâce de l'amour trinitaire, l'amour serait en nous aussi la donnée première, et les applications individuelles seraient secondaires par rapport à elle et incluses en elle. Malheureusement la plupart des chrétiens ne vivent pas comme ça, ils adaptent leur amour aux circonstances de leur vie au lieu de se laisser dominer par l'amour divin et de s'y ajuster. L’amour divin est éternel et infini et immuable, il n'est modifié par aucune des conditions de l'objet, il n'en dépend pas. Le Fils aime de la manière la plus inconditionnelle, même là où il ne trouve aucun accueil, même là où on le hait : sur la croix (NB 6,109).

 

187. L’amour du Fils et de l’Esprit

L’amour du Fils pour l’Esprit Saint est double. Un homme peut dire : je t’aime ; mais il peut dire aussi : j’aime notre amour, j’aime que tu m’aimes (NB 9, n. 2028).

 

188. Amour au sein de la Trinité entre le Fils et l’Esprit

Après Pâques, l'Esprit Saint est envoyé par le Fils, mais c'est l'Esprit qui, au temps de l'Avent, apporte au monde le Fils du Père. Pour la réciprocité du Fils et de l'Esprit, c'est l'amour divin seul qui décide. Dans l'échange des fonctions, c'est tantôt l'Esprit qui exprime au Fils son amour, tantôt le Fils qui exprime son amour à l'Esprit, tantôt il ressort que c'est le Fils qui se laisse faire, tantôt l'Esprit, tantôt c'est l'obéissance de l'un qui est visible, tantôt celle de l'autre (NB 6,404).

 

 

3. Le Fils aime les hommes

 

LE FILS ET L’AMOUR

189. Le Seigneur est l’amour

Le Seigneur n'est rien d'autre que l'amour. Tous ceux qu'il entraîne ne font qu'un avec lui (NB 6,306).

 

190. Le Seigneur est l’amour même

Quand je suis avec quelqu'un que j'aime, je cherche toujours à me montrer aimable avec lui. Il doit pouvoir cheminer constamment dans l'amour. Le Seigneur est l'amour même (NB 4,206).

 

191. Ici-bas, le Fils est l’amour

Ici-bas le Fils est l'amour. Il est venu pour nous inviter ; pour être notre hôte parmi nous, mais pour faire de nous ses hôtes dans la maison de son Père. Tout en lui est amour qui invite : son existence, son travail, sa parole, ses miracles, sa passion, sa résurrection : tout nous ouvre le chemin (NB 6,327).

 

192. Le Seigneur au milieu de nous par amour

Ce qui domine pour Origène, c'est la joie que lui procure le Seigneur et le fait qu'il soit au milieu de nous par amour (NB 2,162).

 

193. La volonté du Seigneur est de sauver par l'amour le monde entier (NB 10, n. 2182).

 

194. Le Fils et la ruse de l’amour

Quand le diable envahit la terre, il fait irruption dans la bonne création de Dieu ; Dieu envoie alors son Fils sur terre pour donner réponse à la ruse du diable par une super-ruse d'amour (NB 3,238).

 

195. L’amour du Fils

Parler du Fils ne nous est pas difficile parce que nous l'avons vu en tant qu'incarné et que nous connaissons ses paroles et son amour (NB 6,428-429).

 

196. La chaleur de l’amour du Seigneur

Qui offre au Seigneur un renoncement est inondé par la chaleur de l'amour du Seigneur (NB 4,53).

 

197. L’amour et le cœur du Seigneur 3555

Fête du Sacré-Coeur : c’est une fête de la vérité du cœur du Seigneur. Tout ce qui est vrai sort de son cœur, de son amour. Le cœur se trouve ici pour l’être du Seigneur lui-même, pour son amour. Le cœur apparaît comme le centre de tout. Le monde entier est éclairé par la vérité de son cœur (NB 9, n. 1568).

 

198. L’amour du Seigneur : son cœur et la croix

Le Seigneur a choisi le cœur pour symboliser son don de lui-même et sa disponibilité et son amour. Son Sacré Cœur symbolise d'une part sa relation au Père, d'autre part sa relation au monde. Il a choisi son cœur afin qu'on perçoive plus facilement les relations d'amour. Il indique la région de son cœur. Quand il fait ce geste, on devine le grand mouvement qui va vers le Père et qui vient du Père, on voit l'amour brûlant qui atteint son sommet sur la croix. La croix devient le symbole de son amour pour le Père et de son amour pour le monde. La flamme qui le consume tant qu'il devient capable d'aller vers cette croix, c'est son amour pour le Père et l'amour du Père pour lui. Son amour est infini, nous devrions entrer dans le mouvement de son amour. Il voudrait nous faire entrer purs dans sa pureté et brûler de son feu, et nous faire souffrir avec lui sur sa croix, aimer de son amour. Il voudrait que cet amour devienne plus fort et que ce feu en nous ne s'éteigne pas. Que cette croix ne soit pas oubliée. Que nous priions davantage avec lui. Que nous le voyions davantage à l'ombre de sa croix et dans la lumière de son amour. C'est son plus grand amour que nous devons voir, et nous devons nous montrer aimants par son plus grand amour. Nous devons être saisis par son amour et répandre sur lui de l'amour, apporter le monde entier au Père par cet amour. Il ne demande rien pour lui, il demande tout pour le Père (NB 5,273-274).

 

 

L’ŒUVRE DE L’AMOUR

199. Le Seigneur est venu pour allumer l’amour 3245

Le sens de l'incarnation de Dieu : il est venu pour éveiller la joie, pour allumer l'amour (NB 12,102).

 

200. La lumière du Fils nous remplit d’amour

La lumière du Fils est le premier signe de ce que le Père nous découvre de son Fils et de ce que le Fils nous montre ici-bas dans la foi. C'est son rayonnement, quelque chose qui, tout en éclairant, réchauffe et attire et libère, réduit à néant ce qui en nous est tiède, nous remplit d'amour. C'est une rencontre, un appel, une invitation (NB 5,261).

 

201. Le Fils, parole et amour du Père pour les hommes

Ici-bas le Fils était Parole du Père comme amour du Père pour les hommes (NB 6,328).

 

202. Les paroles du Seigneur sont pleines de sens pour l’amour

L'homme Jésus Christ que nous aimons est en même temps la Parole du Père ; le fait qu'il est la Parole du Père ouvre des possibilités infinies : il nous ouvre une inconcevable richesse de points de vue qui sont tous pleins de sens pour l'amour et sont toujours un nouveau stimulant. Tout ce que contient de sens la Parole du Père éternel nous est fondamentalement offert dans cette humanité (NB 6,23).

 

203. Toutes les paroles du Seigneur sont des paroles d’amour

Il est parfois difficile de reconnaître uniquement l'amour dans les paroles du Seigneur parce que le mystère y joue toujours dans une certaine mesure. L'ultime vérité du mystère divin aussi est toujours amour, et toutes les paroles du Seigneur, de la première jusqu'à la dernière lors de son Ascension, ne veulent toujours dire que de l'amour. Mais pour découvrir l'amour, on doit d'abord déjà aimer soi-même, c'est-à-dire savoir qu'on est aimé par Dieu (NB 3,384).

 

204. Le Seigneur prêche l’amour

Le Seigneur prêche l’amour, l’amour du Père pour lui, son amour pour le Père et pour le prochain (NB 9, n. 1752).

 

205. Le Fils prêche sa doctrine de l’amour

Pour que l'ancienne alliance soit dépassée, il ne suffit pas que le Fils prêche sa doctrine de l'amour et qu'il la confirme aussi par différents actes, il doit voir venir sur lui, au bout de son chemin, toute la justice de Dieu, tout le châtiment du péché (NB 11,258).

 

206. L’amour du Seigneur nous invite

« Suis-moi ! » Celui qui suit est invité par l'amour du Seigneur, et il fait partie de cet amour qu'il comprenne la foi et la mette en œuvre, qu'il espère être dans l'espérance chrétienne. La foi et l'espérance ne sont plus pour lui des choses abstraites mais des vérités vécues qui se sont avérées vraies par l'amour. Dans l'amour, rien n'est étranger (NB 12,52).

 

207. Le Fils choisit certains hommes non parce quils seraient moins pécheurs

Seul l'amour intéresse le Seigneur. Il n'est pas venu dans le monde pour chercher sa propre satisfaction, seule la volonté du Père l'intéresse. Il lui est ainsi en quelque sorte indifférent de savoir si l'homme qu'il aime, et dont il porte le péché, lui donne plus ou moins à porter. C'est pourquoi les hommes qu'il choisit, il ne les appelle pas parce qu'ils sont moins pécheurs (NB 10, n. 2329).

 

208. Le Christ offre son amour

Le Christ a tenu compte à l'avance des saints et des pécheurs : à ceux-là il offre son amour, pour ceux-ci il meurt sur la croix (NB 6,466).

 

209. Le Fils offre partout son amour (NB 9, n. 1633).

 

210. L’offre d’amour du Seigneur est énorme - L’amour du Seigneur demeure éternellement total

L’offre d’amour du Seigneur est plus énorme que tout. On pense d’abord que chacun peut prendre sa part et que le Seigneur serait content si tout se partageait ainsi. Mais chaque fois qu’il a partagé quelque chose, que quelque chose de sa vérité a été compris, sa vérité s’élargit, l’amour s’élargit, ce qui est compréhensible s’élargit. On pense capter une parole et en réalité on a reçu tout un enseignement. Ce qu’on a reçu provient du rayonnement de son amour. Son offre demeure et rayonne, et cela suffit pour que l’un ou l’autre reçoive quelque chose de lui et que le Seigneur aussi soit comblé. On voit clairement que beaucoup de choses sont perdues. Et pourtant l’amour n’est pas perdu et on n’a pas besoin de se troubler pour ce qui n’a pas été réalisé. L’amour du Seigneur demeure éternellement total même si les hommes n’en veulent pas (NB 9, n. 1570).

 

211. Le Seigneur offre son amour

Partout ici-bas, le Seigneur offre son amour, partout il rencontre le refus. Il tente d'intervenir auprès du Père pour les âmes qui refusent (NB 3,95).

 

212. Pour que le monde reçoive l’amour du Père

C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10, n. 2175).

 

213. L’amour est donné aux hommes par le Seigneur

Sur Ap 14. Une foule d'humains dans le ciel, qui ont tous part à la vie éternelle, à l'amour du Fils et qui voudraient aider le monde. Ils ne pourraient plus comprendre les hommes s'ils n'avaient rien de plus que le souvenir de leur propre péché. Mais ils ont encore aussi le souvenir de leur propre amour sur la terre, celui que le Seigneur leur avait donné pour le recevoir d'eux en retour. Ils voient les esquisses d'amour dans le monde et surtout ce qui lui manque de plénitude (NB 4,435-436).

 

214. Amour du Christ et ingratitude des hommes

Lundi saint 1942. Le point qui occupe constamment Adrienne, c'est l'amour du Christ, l'ingratitude des hommes. La pensée : « Aujourd'hui même tu me trahiras ». Que le Christ le sache déjà, qu'il s'y attende. Ce qui est là particulièrement douloureux, c'est qu'il n'empêche pas la trahison mais qu'il la laisse venir. Il aurait certes pu donner à Pierre des indications pour éviter le reniement (NB 3,38).

 

215. La grâce de l’amour

La main du Seigneur rayonne, elle répand toute la grâce de l'amour (NB 5,272).

 

216. Envahi par l’amour du Christ

Saint Joseph de Copertino a fait l'expérience de la tentation, il a appris à connaître la force du tentateur et en même temps il a été si envahi par l'amour du Christ et sa pureté et sa perfection que la force de la tentation a été brisée (NB 2,154).

 

217. La grâce de Dieu, l'amour du Seigneur (NB 10, n. 2122).

 

218. Dieu montre l’amour du Christ

La voix de Dieu et son exigence tombent sur Gertrude d'Helfta avec une force inouïe pour lui montrer l'amour du Christ. Puis l'amour passe par elle pour atteindre les hommes et revient à Dieu. Elle sait que sa mission est une mission de prière et d'attitude, et que les actes qu'elle pose, l'amour qu'elle montre, doivent toujours être des signes d'une attitude de prière remplie d'amour (NB 2,171-172).

 

219. Le Fils est descendu sur la terre pour communiquer son amour (NB 3,64).

 

220. Le Fils est venu apporter l’amour, la lumière, la vie

Le Père n'a remis au Fils que la rédemption, la miséricorde, l'amour, la lumière, la vie. Il ne l'a pas envoyé pour juger mais pour racheter (NB 3,91).

 

221. Le Fils a apporté aux hommes l’amour parfait

Dans la joie rayonnante de la résurrection, il n'y a plus de place dans le Fils pour le souvenir de la souffrance. Le pardon accordé dans la souffrance est consommé par la joie divine d'être en Dieu, de pouvoir rencontrer de manière neuve dans ce pardon le Père et les hommes, en étant devant le Père comme celui qui a rempli sa mission, en étant devant les hommes comme celui qui a apporté l'amour parfait (NB 10, n. 2283).

 

222. Le miracle de l’amour et de la foi nous est apporté par le Fils

Une fois pour toutes, il est qui il est : le Fils du Père ; il est devenu homme et, par son être, il renvoie à l'amour du Père. Le miracle majeur qu'il nous apporte est celui de l'amour et de la foi : par sa venue, l'amour et la foi peuvent devenir des miracles manifestes pour la rencontre de l'homme avec le ciel (NB 6,227).

 

223. Donner à l’homme le goût et le sens de l’amour de Dieu

Le Fils devient homme pour enlever ce qui éloigne le pécheur de Dieu ; il veut lui donner le goût et le sens de l'amour de Dieu (NB 6,197).

 

224. Augmenter l’amour pour le Père

Le Fils n'a pas de péché, il vit de l'amour du Père et il ne pense qu'à un chose : augmenter dans le monde l'amour pour le Père (NB 11,20).

 

225. Le Fils veut entraîner les hommes à aimer le Père

Quand le Fils rachète les hommes - parce que, par amour pour le Père, il aime ses créatures de cette manière -, il veut certes utiliser le temps pour les y rencontrer, mais le temps ne peut pas lui suffire. En tant qu'amour authentique, son amour ne calcule pas avec la fugacité du temps, il a besoin de l'éternité pour aimer les hommes et être aimé par eux. C'est pourquoi le Fils doit maintenant rendre aussi les hommes capables d'amour dans le sens du Père, dans le sens originel, divin. Il les a rencontrés dans le temps pour être avec eux un homme authentique ; il doit aussi les rencontrer dans la vie éternelle pour leur montrer que son amour est plus que l'amour éphémère entre humains (NB 6,103).

 

226. Le Fils veut apprendre aux hommes à répondre à l’amour du Père

Depuis toujours le Fils reçoit tout l'amour du Père et il y répond dans l’amour. Il devient homme pour offrir aux hommes sa manière de répondre à l'amour du Père (NB 6,522).

 

 

LE FILS AIME LE MONDE

227. L’amour du Fils pour le monde

Dans le don qu'il a fait de lui-même, le Fils a donné à l'amour une telle prépondérance que non seulement toute sa révélation ici-bas - mais aussi tout ce qu'il envoie du ciel à son Église en fait d'expérience mystique - ne peut toujours être qu'un surpassement du même amour trinitaire et peut être ainsi pour l'homme un profond apaisement (NB 5,51).

 

228. Le Fils veut ramener le monde au Père par un acte d’amour

Le contenu de la mission du Fils est de ramener le monde au Père, non par un acte de force mais par un acte d'amour, il veut se donner lui-même totalement pour pouvoir accomplir cet acte d'amour. Mais pour pouvoir se donner totalement, il doit prendre totalement quelque chose, une vie humaine à laquelle il donne la plénitude de sa vie divine. Il se fixe à lui-même des limites afin que ce monde qu'il veut sauver le reconnaisse, car nous ne reconnaissons que ce qui est limité (NB 6,207).

 

229. Le Fils aime le monde

Le Fils aime le monde depuis toujours : le monde est l'œuvre du Père et son amour se reflète dans ses créatures. Le Fils voit cet amour en chaque homme, mais il doit voir aussi en chacun le pécheur qui offense le Père. Ce qui blesse le Père, le Fils doit l'enlever du monde, l'expédier hors du monde au sens propre ; le monde ne doit pas seulement refléter l'amour du Père, mais aussi lui répondre de l'intérieur. En devenant homme, le Fils se présentera au Père comme un homme divin qui donne une réponse parfaite (NB 6,474-475).

 

230. L’amour du Seigneur pour l’humanité

Le Seigneur avec ses disciples au cénacle. La présence de Judas ne trouble pas la prière du Seigneur. Pour lui, Judas est en quelque sorte le représentant de l'humanité pour l'amour de laquelle il est venu dans le monde (NB 5,88).

 

231. L’amour du Christ pour nous

Les motifs de l'amour du Christ pour nous dans le ciel se trouvent dans le Père et dans l'Esprit. Toute l'incarnation se trouve dans le cadre de ces motifs. Il devient homme pour le Père et pour l'Esprit. Et en devenant homme, il nous montre cet amour sous une forme qui nous est adaptée et qu'on peut comprendre. Il ne nous montre pas cet amour comme une sphère fermée sur elle-même ou de telle manière que nous, les hommes, nous serions seulement des occasions de son amour pour le Père et l'Esprit, il nous le montre comme l'amour tout simplement qui inclut tout dans sa sphère. Il le peut parce que, depuis toujours, le Père nous aime, nous ses créatures, comme ses enfants, dans l'unité d'amour aussi bien sûr avec le Fils et l'Esprit. Ainsi, dès la création, nous sommes aimés de manière trinitaire, mais nous ne pouvons le comprendre que dans le Fils (NB 6,110).

 

232. Le Seigneur aime chacun de nous (NB 9, n. 1453).

 

233. L’amour du Christ pour les hommes 3777

Dans l'amour du Fils pour les hommes, dans son sacrifice d'amour sur la croix, par lequel il rachète tous les hommes parce qu'il les aime, il y a toujours un renvoi à l'amour trinitaire tout entier (NB 12, 37-38).

 

234. Le Christ aime tous les hommes

Le Christ aime tous les hommes, mais les apôtres sont ses plus proches, car ils ont été élus et rendus capables d'accepter son amour absolument et directement. "Toi, suis-moi" contient deux éléments : le droit du Christ de demander qu'on le suive et, pour celui qui est appelé, le devoir d'accepter de le suivre ; les deux éléments sont l'expression de son amour parfait. Il est leur tête, eux ses membres. Dans cette relation, il y a la possibilité de faire l'expérience de l'amour parfait. Ce n'est pas une relation dans laquelle l'amour "qui dirige" serait, d'un point de vue humain, plus grand que l'amour "qui suit" : les deux au contraire sont du pur amour (NB 12,35).

 

235. L’amour du Seigneur à notre égard

La patience du Seigneur est infiniment grande, elle est la plus grande caractéristique de son amour à notre égard (NB 10, n. 2263).

 

236. Le Fils aime les hommes en Dieu

Le Fils a lancé le commandement de l'amour pas seulement pour les autres, mais d'abord pour lui. Une chose est d'aller dans le monde en tant que Dieu pour ramener au Père les hommes que le Père et le Fils aiment, autre chose en tant qu'homme (qui est certes Dieu) d'apprendre à aimer les hommes bien qu'ils lui fassent sentir de plus en plus leur état de pécheurs. Il laisse de côté son savoir divin pour les rencontrer d'abord avec une confiance d'enfant ; par la suite, il est déçu dans sa confiance, il devient la victime des méchants. Il s'opère en lui une transformation : quand s'accroît sa désillusion, sa confiance s'adresse toujours plus directement à Dieu, il aime les hommes en Dieu, il les regarde du point de vue de Dieu, sinon il ne pourrait pas assumer la croix en toute confiance (NB 6,213).

 

237. Le Fils aime les hommes et le Père

Le Fils fera toujours plus l'expérience que son prochain qui lui fait du mal, qui l'afflige, augmente par là son amour pour le Père ; il doit d'autant plus aimer le Père qu'il a créé aussi cet homme (NB 6,214).

 

238. Le Fils s’est fait homme pour l’amour des pécheurs

S'il n'y avait eu que Marie, le Fils n'aurait pas eu besoin de devenir homme. Il se fait homme pour l'amour de ceux qui sont tombés (NB 1/2, 156).

 

239. L’offense faite au Père et le domaine de l’amour

Le Fils juge chaque péché d'après l'offense faite au Père, cela relève du domaine de l’amour (NB 6,404).

 

240. Le Père, son Fils bien-aimé et les pécheurs

Le Père ressemble à un homme riche qui voudrait tout donner à son fils bien-aimé, et voilà que son fils lui a amené à la maison un tas de mendiants qu'il faut habiller et nourrir. Finalement le Père lui-même a accordé au Fils la permission de lui amener à la maison tous les pauvres qu'il ramasse un peu partout. C'est ainsi que le Père doit maintenant répartir. Il a engendré ce Fils, il lui a donné de quoi vivre, ses "principes". Le monde qu'il a créé a une ressemblance avec le Fils qu'il a engendré, et le Fils est attaché à ce monde même après qu'il s'est éloigné du Père. Les mendiants ont causé beaucoup de dommages dans la maison et le Fils veut se charger lui-même de tout remettre en état (NB 6,268).

 

241. Le Fils aime l’odieuse vieille mégère - L’amour du Fils transforme le monde

L'image que le Fils a du monde est l'image de l'amour ; et quand il aime l'odieuse vieille mégère, il lui donne tant d'amour que l'odieuse vieille mégère devient à ses yeux d'une beauté étincelante. Son amour transforme le monde (NB 3,331).

 

242. Le Seigneur a pris sur lui nos péchés par amour

Le Seigneur n'a pas oublié un seul péché, il les a tous pris sur lui jusqu'à sa mort finalement pour l'amour de tous (NB 3,121).

 

243. Le péché : ce qui empêche d’accueillir l’amour du Fils

Seul l'amour intéresse le Fils ; dans ses relations avec l'homme, il est conduit exclusivement par l'amour. Il ne veut rien savoir de ce qui ne serait pas l'amour. Le Seigneur n'aime pas moins un homme parce qu'il est pécheur. Il ne laisse jamais la mesure de son amour être déterminée par la mesure du péché. C'est pourquoi il ne veut pas connaître non plus les dimensions du péché. Il ne considère le péché que comme ce qui, dans le pécheur, empêche encore provisoirement l'accueil de son amour (NB 3,99).

 

244. Le Sauveur attire mon attention sur mes fautes

Réflexion d’Adrienne adolescente : Si le Sauveur est l'amour, il me voit dans son amour et il me voit alors meilleure que je ne suis. Cela, il ne me le dit pas. Et puis il attirerait certainement mon attention sur mes fautes, mais cela ne dit pas encore son opinion. Si je te dis : "Ne fais pas toujours cette grimace avec ta bouche", cela ne veut pas dire que je ne t'aime pas et que je ne veux pas être avec toi (NB 7,34-35).

 

245. L’amour du Fils qui pardonne

Dans notre relation avec le Christ tout semble se régler facilement dans son amour qui pardonne (NB 6,425).

 

246. L’amour du Seigneur est plus fort que tout : le pardon des péchés

Dans l'absolution sacramentelle de l’Église se trouve le grand pardon du Seigneur qui pardonne aux pécheurs de l'avoir poussé dans la nuit des enfers ; un pardon très conscient parce que seul le Seigneur connaît toute l'étendue et tout le poids du péché. Que le pécheur reçoive si facilement le pardon pour ce qu'il a causé d'horrible reste inconcevable pour le pécheur ; il reconnaît seulement que l'amour du Seigneur est plus fort que tout, que ce que veut le Seigneur, c'est seulement de ressusciter avec ceux qu'il a sauvés et d'aller avec eux vers le Père, que la grâce de la rédemption est offerte aux pécheurs gratuitement (NB 5,130).

 

247. L’amour du Christ pour l’Église

Quelqu'un pourrait raconter qu'il est devenu catholique parce que la pensée de la Trinité de Dieu l'a bouleversé, un autre parce qu'il a compris l'amour du Christ pour l’Église ; et on pourrait citer bien d'autres portes (NB 3,380-381).

 

248. Le Christ aime son épouse, l’Église

Le Christ aime son épouse, l’Église, il l'aime publiquement en montrant son amour à tous les croyants ; il est le Dieu infini qui s'est choisi son épouse pour toujours ; parce qu’il est une personne de la Trinité divine, des possibilités immenses d'amour sont ouvertes mais aussi, en lui, des mystères innombrables qui ne peuvent être révélés en partie que comme mystères (NB 12,50).

 

249. L’Esprit d’amour unit l’Époux et l’Épouse

Le Christ a donné son Esprit à l’Église ; il est un Esprit d'amour et il unit constamment l’Époux et l’épouse (NB 6,438).

 

250. Le Seigneur sunit à son l’Église

Le Seigneur s'unit à son Église. Il l'aime et l'humilie, il l'attire totalement en lui, il se donne à elle et elle lui répond (NB 5,257).

 

251. Le Seigneur aime l’Église - L’Église a besoin d’amour et de pénitence

Le Seigneur sait que son Église est pleine de défauts et qu'elle a besoin tout autant d'amour que de pénitence et d'obéissance ; c'est pourquoi il la traite comme un instrument sur lequel il joue comme bon lui semble. Il offre à l’Église, selon son jugement, ce dont elle a justement le plus besoin. L’Église doit savoir que tout ce que le Seigneur lui impose est l'expression de son amour absolu. Elle ne doit rien choisir elle-même, elle doit lui offrir une disponibilité sans mélange. L'amour a une base d'obéissance : toujours se conduire et se diriger comme le Seigneur le veut. Le Seigneur peut vouloir exercer à fond cette base de l'obéissance. L’Église peut alors avoir l'impression qu'elle est totalement réduite à un corps auquel on fait faire de l'exercice, dont on attend seulement qu'il prenne telle ou telle posture (NB 6,468).

 

252. Relation d’amour du Fils avec l’ÉgliseL’Église et chaque être humain dans cette relation d’amour – L’amour de l’Église pour le monde

Sur la croix, le Fils a vaincu le mal du monde en son fondement et d'une manière universelle, il a ainsi la possibilité d'inclure tous les hommes dans sa relation d'amour avec l’Église : les croyants et ceux qui ne connaissent rien de lui, également ceux qui le combattent, tous sont inclus d'emblée. Mais, à aucun moment, le Fils n'accueille l’Église (et par elle, le monde) dans une relation exclusive avec lui, il l'accueille tout de suite dans la pluralité de ses relations avec le Père et avec l'Esprit. A la Pentecôte, il envoie l'Esprit sur l’Église afin que l’Église (et en elle, le monde) soit désormais aux yeux du Père à l'intérieur de la relation d'amour du Fils et de l'Esprit, de l'Esprit et du Fils. Le Père n'a plus besoin maintenant de voir son monde "extra muros", il est inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit et il participe à l'amour trinitaire. Ce n'est pas seulement le monde comme un tout qui y participe, c'est chaque être humain individuellement, de sorte que se font jour une infinité de facettes de l'amour et que chaque acte d'amour est recueilli dans le trésor d'amour du Père. On comprend ainsi que l’Église peut tout recueillir dans son trésor et qu'elle crée partout des concepts qui, s'ils sont compris correctement, peuvent servir à découvrir partout et à l'infini l'amour prévoyant du Père ; par tout ce que l’Église crée de neuf, par toute parole qui est formulée dans l'amour, l'amour du Père veut renforcer la relation d'amour que l’Église a pour le monde (NB 6,91-92).

 

253. Le Seigneur aime et humilie l’Église

L’Église aime le Seigneur et, en même temps qu’elle est aimée, elle est humiliée par lui. Ce n'est que par l'humiliation qu'elle peut être glorifiée par le Seigneur. Le Seigneur connaît l’Église, il voit tous ses défauts et toutes ses taches. Quand il l'emporte dans sa pureté et sa gloire, c’est en même temps une grande humiliation et un bonheur d'amour parfait. L'humiliation consiste dans le fait quelle est justement celle qu’elle est et qu'il doit la laver. Il doit la purifier pour la posséder. Il la possède quand même à l'instant de la purification et il la purifie en prenant possession d’elle, elle lui appartient (NB 1/2, 110).

 

254. Le Seigneur doit sans cesse humilier l’Église pour lui apprendre l’amour

Le Seigneur agit de telle manière qu'il ne cesse d'humilier l’Eglise. Elle doit sans cesse apprendre à voir la distance qui existe entre ce qu'elle est en elle-même et ce qu'elle est en lui. L'amour du Seigneur exige de lui-même de ne pas la priver de voir cela. Elle veut sans cesse lui échapper et il doit lui montrer chaque fois comment elle se détourne de lui. Il doit lui montrer les liens de l'amour par lesquels il essaie de la garder auprès de lui (NB 1/2, 112).

 

255. L’amour du Seigneur est viril

L’amour du Seigneur est viril, son gouvernement est aux yeux du monde un gouvernement de fer. Il n’y a pas de place chez lui pour de la mollesse (NB 9, n. 1337).

 

256. Le Fils et l’amour du prochain

Dieu aime les hommes parce qu'il les a créés et en justifiant par lui-même la relation d'amour qu'il a avec eux. La raison pour laquelle il les aime est totalement divine, c'est sa propre satisfaction. L'amour du Fils pour les hommes provient du ciel ; en venant de là, il l'emmène avec lui sur la terre comme amour divin. Devenu homme, il doit à présent aimer les hommes comme l'un d'entre eux. Son commandement : "Aime ton prochain comme toi-même" vaut aussi pour lui (NB 6,142).

 

257. Le Fils devenu homme et l’amour du prochain – Le NT : le livre de l’amour

En tant que Dieu dans le ciel, le Fils saisissait d'un seul coup d'œil l'ensemble des relations d'amour entre Dieu et sa créature. Devenu homme, il doit apprendre à aimer son prochain sans avoir de vue d'ensemble, lui manifester d'une certaine manière un amour humain naïf qui est prêt à se laisser former par des expériences successives et qui sera déçu comme aucun autre amour humain jusque là. Il doit être spontané et parfait, pas seulement divin, mais totalement humain. Et pourtant il est condamné dès le départ au plus grand fiasco. Cela, le Fils le sait en tant que Dieu et il le pressent en tant qu'homme, mais il ne lui est pas permis pour autant de se laisser dégoûter de l'amour. Lors de chaque déception et de chaque rejet il doit apprendre à aimer malgré tout, et seulement alors comme il faut, non seulement dans le cœur, mais aussi en acte, si bien que plus tard les croyants pourront se référer à son attitude comme à l'amour le plus évident. On peut ouvrir les évangiles où on veut, partout apparaissent de nouveaux aspects de l'amour du Seigneur : de son amour humain, chrétien, divin. Le Nouveau Testament est "le livre de l'amour", verset après verset il ne présente et n'expose rien d'autre (NB 6,142-143).

 

258. L’amour inventif du Fils a inventé les sacrements

Quand, du ciel, le Seigneur fait advenir chaque jour son eucharistie comme une réalité, quand il permet à tous les croyants de se confesser, quand il remplit toute son Église de prière, quand il distribue chaque sacrement que son amour inventif a inventé pour les siens, il crée les accès les plus variés à un oui complet : don de soi et adoration comme centre de l'existence chrétienne et comme participation au don de soi réciproque du Père et du Fils dans l'Esprit Saint (NB 10, n. 2300).

 

259. Le sacrement, signe de l’amour infini du Seigneur

La parabole qu'est l'eucharistie renvoie, au-delà de la personne du Fils qui se donne, au Père qui le donne et à l'Esprit qui est lui-même don de lui-même. Cette parabole renvoie donc au mode d'être de Dieu qui est l'amour toujours en acte. Par le mystère de l'eucharistie, le croyant est ainsi amené non seulement à l'incompréhensible de Dieu mais, par la réalité du don de soi du Seigneur, à la réalité de Dieu lui-même qui est le don de soi absolu. Dans la mesure où l'engagement sacramentel est signe d'un amour infini du Seigneur, il devient aussi révélation de l'amour de Dieu, qui est un amour illimité et infini, libre de tout lien (NB 6,101).

 

260. Les sacrements - Recevoir avec amour le corps du Seigneur

Les sacrements sont des signes du salut, efficaces ; ils invitent les hommes à participer à l'œuvre de leur rédemption : en recevant avec amour le corps du Seigneur et en se faisant purifier par lui dans la confession. L'amour et la purification sont liés indissolublement au salut par la croix. Dès ici-bas les sacrements montrent que le Seigneur s'occupe toujours des hommes, il en fait ses frères pour les conduire au Père où, dans la liberté de l'amour, il n'y a plus ni commandement ni interdiction (NB 6,338).

 

261. L’eucharistie et l’amour

Dans l'eucharistie, le Seigneur nous offre sa substance de telle manière que, par sa parole, il transforme le pain en sa chair. Il le fait dans un acte d'amour (NB 12,134).

 

262. L’intimité de l’eucharistie

Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 12,253).

 

263. Le but premier de l’eucharistie

Le but premier de l’eucharistie et ce qui est important, ce n'est pas le miracle de la transsubstantiation, c'est la réalité de l'amour présent du Seigneur (NB 6,301).

 

264. Eucharistie et supplication aimante de l’Église

L'institution de l'eucharistie est également ceci : une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église : « Reste auprès de nous! Sois avec nous ! » (NB 12,253).

 

265. L’eucharistie : la grâce de Dieu coule en l’homme

Adam se trouvait en présence de l'amour de Dieu, mais le chrétien a, dans l'eucharistie, la grâce de Dieu qui coule en lui. Il sent en lui-même la grâce du donateur, car c'est le Père qui lui donne le Fils (NB 6,524).

 

266. L’eucharistie : l’amour du Fils et l’Esprit

Le Fils a dans l'Esprit un garant et un témoin de son existence eucharistique, également pour celui qui reçoit la communion. Mais pour que l'Esprit puisse certifier la vérité, le Fils doit la réaliser. Comme quelqu'un qui promet quelque chose à un autre et qui est ensuite obligé de le faire par amour pour lui. Pour celui qui communie, c'est l'Esprit qui parfait en lui l'acte de foi en l'eucharistie. Il y a là un mystère. Le Fils dit : « Ceci est mon corps »; ce corps va agir en toi si tu le reçois. Mais entre la parole du Fils et son effet, il reste dans le croyant comme un petit écart que l'Esprit remplit (NB 6,528).

 

267. Eucharistie : amour du Fils pour les hommes

Depuis l'institution de l'eucharistie, par laquelle l’Église reçoit le corps du Seigneur, l'amour du Fils pour les hommes se manifeste d'une manière tout à fait nouvelle ; les hommes deviennent maintenant ses membres, maintenant naît dans l’Église l'amour qu'elle a pour lui. Pour le Père, ceux qui reçoivent l'eucharistie sont des êtres marqués, de la même manière que la femme qui a reçu son époux est marquée par lui. Le baptême serait la célébration du mariage, mais l'eucharistie sa consommation (NB 6,532).

 

268. L’eucharistie et le corps du croyant

L'eucharistie du Fils se tourne en quelque sorte vers le corps du croyant, celui-ci perçoit que sa corporéité aussi est un don de l'amour infini du Père lors de la création ; cette corporéité, avec toutes ses limites, il lui est permis de l'intégrer dans la corporéité du Fils qui ne met aucune limite à l'amour de Dieu. Le lieu où est accordé au chrétien l'abolition des limites de sa corporéité, c'est l’Église qui, par l'eucharistie, est intégrée dans le corps du Christ, elle devient même le corps du Christ lui-même (NB 6,523-524).

 

 

LA PASSION ET L’AMOUR

269. L’amour du Fils pour ses disciples : il souffre pour eux

Les disciples au mont des oliviers. Le Seigneur souffre aussi pour eux ; ils reçoivent par là un surcroît d'amour qu'ils ne peuvent pas percevoir, qu'en mettant les choses au mieux ils devineront plus tard. Cette sorte d'amour que le Seigneur donne dans le secret de sa Passion qui commence, dans l'angoisse devant l'inéluctable, Passion qui doit être soufferte inexorablement vu la somme du péché : cette sorte d'amour restera et les siens sont invités à y participer (NB 6,242-243).

 

270. Le Fils et sa Passion

Pouvons-nous imaginer le Fils de Dieu autrement que comme roi ? De même qu'il est indiciblement élevé au-dessus de nous de par sa nature divine, de même aussi son infinie perfection en tant qu'homme nous dépasse infiniment : son amour, son obéissance. Et justement par cet amour et par cette obéissance jusqu'à la mort il nous est si proche qu'il nous apprend à être soumis. Sa souveraineté comme son obéissance sont pour lui le service de son Père et en même temps sa plus haute joie festive (NB 10, n. 2277).

 

271. Le Fils : la croix

Le pardon du Seigneur crucifié. Il a remis son Esprit au Père parce qu'il n'y a plus là ni réflexions, ni jugements, mais seulement pur don de lui-même pour les autres. Son amour assume tout et se laisse abuser de toutes manières. C'est l'ultime renoncement possible dans l'amour, où la souffrance et le renoncement coïncident. L'amour ne veut rien d'autre que souffrir autant qu'il est possible (NB 10, n. 2283).

 

272. L’amour du Crucifié pour nous – L’amour de Dieu pour le monde

Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir d'ici que rétrospectivement nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils (et ensuite de l’Église et de l’Écriture sainte), de nous représenter quelque chose de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

273. L’amour total du Fils sur la croix

Sur la croix, le Fils rend l’Esprit si totalement qu'il s'exclame ensuite : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Ceci pour prouver jusqu'au bout son humanité et pour prouver sa souffrance totale, naturellement aussi son amour total ; mais de celui-ci, il ne sait rien à présent, il y renonce pour éprouver l'intégralité de la souffrance (NB 3,402).

 

274. La croix et l’amour

Après la résurrection, la doctrine chrétienne est chargée de cet incompréhensible qu’est la mort du Fils sur la croix ; elle en est comme obscurcie et en même temps éclairée parce que l'amour a acquis des dimensions nouvelles : la médiation du Fils pour les hommes est devenue accessible, et de suivre le Christ fait partie maintenant d'une plénitude qu'une vie n'arrive pas à épuiser (NB 5,142).

 

275. La croix, révélation de l’amour

La voie divine de l'amour se révèle sur la croix d'une manière définitive (NB 5,77).

 

276. Vie et mort du Seigneur, expression de l’amour

Dans le Seigneur, la vie et la mort sont également l'expression de l'amour, de la vie éternelle (NB 6,111).

 

277. Le Seigneur est mort par amour (NB 3,335).

 

278. Le Seigneur meurt pour chacun de nous - Deviner l’amour du Seigneur

Le Seigneur nous aime tant qu'il meurt pour chacun de nous ; par amour pour le Père, il nous rachète et il nous donne ce qu’il nous faut pour que son amour puisse être deviné par nous (NB 4,184).

 

279. La souffrance du Fils, expression d’un amour

La souffrance du Fils est l'expression d'un amour qui vient de Dieu. Ainsi il est clair pour nous qu'il doit avoir souffert infiniment plus que nous ne pouvons l'imaginer. Parce que le serpent mord et fait mal, nous sommes plus capables de mesurer la souffrance que l'amour ; c'est par la souffrance que s'impose à nous le fait que le propre de l'amour est de déborder. Quand la foi se fortifie en nous, nous comprenons aussi la souffrance autrement, non plus superficiellement mais en son centre ; en souffrant nous-mêmes ou en regardant la souffrance du Seigneur, nous apprenons que la souffrance sur la croix est l'expression de l'amour. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour pouvoir se révéler, l'amour souffre (NB 6,329).

 

280. Le feu de l’amour et le feu de la souffrance

Le feu que le Seigneur apporte et allume pour qu'il consume, c'est le feu divin. C'est le feu de l'amour et le feu de la souffrance. En tant que feu de l'amour, il est une caractéristique de ce que le Père est pour le Fils, de ce que chaque personne en Dieu est pour l'autre. En tant que feu de la souffrance, il est la caractéristique de Dieu Trinité qui ne supporte rien de ce qui n'est pas pur et le consume. Le Fils, en tant que porteur de tout péché et de toute impureté, se donne au Père par amour pour être consumé par ce feu divin. Il souffre sous ce feu, et une expression de cette souffrance, qui est en même temps amour, réside dans son abandon. Dans son cri d'abandon sur la croix, il se laisse consumer par le feu du Père (NB 6,383).

 

281. Le Fils souffre pour chacun de nous

Si Dieu apportait dans le monde son amour comme un pur feu, il trouverait peut-être quelques rares humains qui ne seraient pas encore totalement endurcis par le péché et qui se livreraient à son feu. Mais son plan est de sauver tous les hommes. Il ne peut pas le faire par la transmission du feu de l'amour d'un homme à un autre ; il doit transformer son feu en souffrance. Mais parce que lui-même est totalement pur et qu'en lui il n'y a rien à consumer, il prend en lui comme combustible le péché du monde et il le consume en lui-même dans la nature humaine que le Père lui a donnée, et il souffre pour chacun de nous (NB 6,330).

 

282. Le feu de la souffrance – L’amour devient souffrance

Le feu de la souffrance dans lequel le Fils a fait l'expérience du péché, il peut à l'avenir s'en servir à la fois comme feu et comme amour partout où des hommes doivent être purifiés : dans la confession, dans l'eucharistie, et là également où les hommes ne peuvent plus agir eux-mêmes : dans le purgatoire. Il est le feu qu'il est venu jeter sur la terre, mais entre le ciel et la terre il s'est transformé en souffrance. Ce feu lui est donné deux fois : il le reçoit pour le jeter sur la terre, et il le récupère par sa souffrance et par sa mort pour achever en tous les hommes l'œuvre de purification. Il se transforme ou il se laisse transformer par le Père pour mener à bonne fin son unique mission de rédemption par tous ses états : incarnation, passion, mort, résurrection, jugement. Il éprouve le feu d'abord en lui-même pour pouvoir ensuite conduire les hommes de la souffrance à l'amour à travers son feu (NB 6,330).

 

283. Justice et amour en Dieu

Quand, par amour, le Fils assume la mission d'amour du Père de sauver le monde, la justice subit une transformation. Il montre au Père sa justice (de Fils) toujours entourée de son amour infini ; sa justice ne fait toujours qu'un avec l'amour ; la justice du Fils ne s'oppose certes pas à la justice du Père, mais elle est quand même comme séparée d'elle (NB 4,139-140).

 

284. Justice et amour en Dieu

Le Seigneur est là où la justice du Père débouche dans l'amour (NB 4,186).

 

285. La colère de Dieu et l’amour du Fils

La colère de Dieu et l'amour du Fils se heurtent. La colère de Dieu est livrée à l'amour du Fils, car Dieu n'a pas dit au Fils : tu peux partir et sauver les hommes, mais tu ne peux pas toucher à la sphère de ma colère. Au contraire Dieu le lui permet (NB 4,195).

 

286. Après la Passion, la colère de Dieu brûle au sein du feu de l’amour

Parce que le Fils dans sa Passion a dirigé sur lui absolument toute la colère de Dieu, après la résurrection et dans le temps de l’Église, la colère de Dieu sur le péché, qui continue d'exister, est comme mise entre parenthèses dans la rédemption de l'humanité. Non que la colère de Dieu n'ait simplement plus cours, mais elle brûle au sein du feu de l'amour : quand un chrétien commet un péché, cette colère brûle extérieurement même si à l'arrière-plan se trouve la grâce (NB 6,314).

 

287. Colère et amour du Fils

En Dieu Trinité, la colère du Fils est illimitée. Cette colère est vivante à côté de son amour divin ; cette colère est vivante et, à côté de cela, il adore et il est adoré, il reçoit l'amour du Père et des hommes; cette colère est "élémentaire", divine, et l'objet propre de cette colère est le péché (NB 6,310).

 

288. Purgatoire : amour du Fils et justice du Père

Le Seigneur aime l'homme qui doit expier, mais il ne lui est jamais intérieurement indifférent ; faire se dérouler le juste châtiment exige cependant de lui une grande patience d'amour : pour le Père, à qui il a promis de sauver les hommes, pour l'homme qu'il doit amener par l'intérieur à comprendre et à se purifier. Son amour doit arriver à ses fins au sein de la justice du Père (NB 6,342).

 

289. Au purgatoire, l’amour de Dieu s’occupe de mon péché

Au purgatoire, ma honte augmente quand je sens à quel point l'amour de Dieu s'occupe de mon état de péché, s'y consacre, le travaille (NB 6,354).

 

290. Purgatoire : amour de Dieu et châtiment

Au purgatoire, c'est sans doute un signe de la magnanimité divine que Dieu montre aussi son amour quand il châtie (NB 6,355).

 

291. Purgatoire pour conduire l’âme à l’amour du Fils

Le purgatoire. Le Père sait bien comment, pour chaque âme, il a à combiner justice et miséricorde afin de la forcer et de la conduire à l'amour du Fils. Il mêle toujours déjà à sa justice une goutte de l'amour du Fils sans que l'âme le sache et le reconnaisse. Avec le temps, la procédure agira. L'âme commence alors à souffrir en tous ses membres et à ressentir son incapacité à se tirer d'affaire elle-même, elle se voit forcée de renoncer à ses assurances. La cuirasse de morale pharisaïque dont elle s'était entourée lui devient insupportable. Elle comprend qu'elle n'en sortira pas toute seule : elle a besoin d'aide. Elle doit demander qu'on intercède pour elle. C'est alors que le Seigneur est libéré, lui qui était lié par son refus. C'est alors que sa prière pour l'âme devient efficace. Et elle qui jusqu'alors était prise dans les glaces se met en mouvement, aspire à l'amour, se dirige vers la sortie du purgatoire. Quand le pécheur désire l'amour et la pureté de manière toujours plus pressante, quand il se repent toujours plus de son péché, quand il laisse la prière du Seigneur et de l’Église devenir en lui toujours plus efficace, c’est alors que le changement décisif s'accomplit en lui. Il est tellement possédé par la pensée de l'expiation et de l'aide à apporter aux autres qu'il serait maintenant prêt à rester avec joie dans le feu jusqu'à la fin du monde si seulement Dieu en était moins offensé. Tout le poids passe du moi à l'amour de Dieu et, par l'amour de Dieu, à l'amour du prochain. L'âme ne veut plus atteindre de buts personnels, elle ne veut plus être qu'un instrument de l'amour. A l'instant où cette pensée la remplit, elle est sauvée (NB 3,96-97).

 

 

PÂQUES

292. L’expérience de l’amour dans les quarante jours entre Pâques et l’Ascension

Durant les quarante jours qui ont suivi la résurrection, le Christ aime tant les siens et il les rend si dociles à l'amour qu'ils le voient, le sentent et le saisissent plus profondément grâce à l'amour qu'il leur communique. Mais il ne veut pas qu’ils distinguent constamment entre son amour à lui et le leur, ils doivent ressentir l'amour dans l'événement de l'échange (NB 6,300).

 

293. Apparitions du Ressuscité : expression de l’amour trinitaire

Quand le Fils ressuscité apparaît aux siens, comme expression de l'amour divin trinitaire, il s'en remet aussi à l'Esprit, en tant qu'il est l'Esprit d'amour, pour souffler où il veut. Cela donne aux apparitions du Seigneur leur transparence et à sa parole l'ampleur de la vie nouvelle qui fait transparaître partout l'Esprit (NB 6,300).

 

294. Résurrection - « Pierre m’aimes-tu ? »

L'atmosphère de la résurrection est incroyablement tendre, elle n'a rien d'écrasant. Le Seigneur demande à Pierre : "M'aimes-tu?", il ne demande pas : "Pourquoi m'as-tu trahi?" (NB 6,300).

 

 

II. Aimer Dieu

 

1. Les chemins de l’amour de Dieu. 2. Aimer Dieu. 3. Aimer la volonté de Dieu. 4. Prier avec amour. 5. Dieu a besoin d’amour. 6. Aimer la Trinité. 7. Aimer le Fils - Aimer avec le Fils. 8. Aimer le Père. 9. Aimer l’Esprit. 10. Ne pas aimer Dieu.


 

1. Les chemins de l’amour de Dieu

 

295. Croire pour trouver le chemin de l’amour

Le saint aime pour pouvoir mieux croire et espérer, il espère pour devenir plus capable de foi et de charité, il croit pour trouver le chemin de l'amour et de l'espérance. L'homme croyant est l'homme qui est toujours en devenir, qui se tient devant le Dieu toujours plus grand (NB 2,215).

 

296. Foi et amour

La foi véritable n'est possible que dans l'amour (NB 6,36).

 

297. Trouver un chemin pour aimer Dieu

Que chacun ait l'occasion de trouver un chemin pour suivre totalement le Christ, pour aimer parfaitement Dieu et le prochain (NB 6,560).

 

298. Aimer le chemin qui conduit à Dieu

Fra Angelico aime le chemin qui conduit à Dieu, il est constamment occupé à contempler ce chemin (NB 1/1, 107).

 

299. Tous en chemin vers l’amour trinitaire

L’Esprit conduit tout le monde au Seigneur. Tous ceux qui ont reçu en eux une semence de Dieu sont touchés par l'Esprit des manières les plus variées, ils sont en chemin vers l'amour trinitaire (NB 6,93).

 

300. « C’est ton amour qui me conduit à toi »

D’une prière de saint Jean Eudes : « C'est ton amour, Seigneur, qui me conduit à toi, c'est ta grâce qui me permet de te présenter aujourd'hui toute ma faiblesse. Maintenant, Seigneur, je reconnais ton amour dans le fait que tu m'as conduit à aller, avec toute ma faiblesse, là où je ne voulais pas aller et de rompre avec tout. Je t'implore pour une seule chose : fais-nous accomplir en ton amour tout ce que nous faisons » (NB 1/1, 485).

 

301. L’humiliation peut introduire à l’amour

Madeleine. Ce n'est que par l'humiliation qu'elle est entrée dans la grâce du Seigneur, c'est par l'humiliation qu'elle est débarrassée de son péché, c'est par l'humiliation qu'elle est introduite dans l'amour. Maintenant elle aime l'humiliation et elle cherche à être humiliée partout où c'est possible, elle cherche à s'humilier elle-même. Elle place l'amour du Seigneur tellement au-dessus de son propre amour qu'en toute occasion elle s'abaisse pour l'élever, lui. Elle fait cela très discrètement. Elle le fait sans se faire remarquer. Dans sa prière, dans son travail, dans son amour (NB 1/2, 116-117).

 

302. Porté par l’amour

Au moment de l'appel à une vocation, la grâce est une lumière qui inonde tout, une force qui se donne si fort à nous qu'on pense qu'elle nous appartient. On est plein d'assurance, on se sent porté par l'amour (NB 10, n. 2263).

 

303. L’amour céleste et les saints

Les saints ont planté sur terre l'amour céleste ; pour eux, sur terre, le céleste est plus essentiel que le terrestre. Ils ont mené une existence prophétique en proclamant, avec leur amour, le ciel sur terre, l'éternité dans le temps (NB 10, n. 2125).

 

304. Fonction de l’Esprit : inspirateur de l'amour (NB 6,550).

 

305. Lire l’Écriture avec les yeux de l’amour

Si nous attendons quelque chose de la foi en tant que croyants, nous sommes renvoyés à la parole de l’Écriture. Si nous la méditons réellement, elle s'ouvre à nous comme quelque chose que nous avons le droit de posséder ; nous trouvons toujours en elle des profondeurs, des vérités et des beautés nouvelles que nous pouvons de plus contempler avec les yeux de l'amour parce que Marie fut la première à contempler le Fils et parce que dès le début elle l'a fait avec les yeux de l'amour (NB 1/2, 239).

 

306. L’Écriture contient pour chaque homme ce qui est important pour son chemin vers Dieu

L’Écriture est un mystère d'amour parce qu'elle est un moyen que Dieu prend pour se communiquer à nous et se rapprocher de nous. C'est justement du fait que l'inspiration ne soit pas terminée que Dieu est toujours occupé à nous racheter. L'essentiel est dit, et pourtant le dernier mot n'est pas livré. Tant que des hommes sont créés par le Père, l’Écriture reste un accès à lui. Elle doit être vivante pour chacun et elle contient pour chacun personnellement ce qui est important pour lui et pour son chemin vers Dieu (NB 1/2, 241).

 

307. Que la Parole soit aimée

La Parole est confiée à chacun, comme un enfant à sa mère. D'abord pour que la Parole soit aimée et ensuite pour qu'on la transmette en aimant. Elle est confiée au prédicateur, au théologien. Et il est tout à fait juste que celui qui expose la Parole dans la chaire se laisse porter et inspirer lui-même par la Parole. Il est quelqu'un qui est "grisé" d'une manière purement objective. Il peut "parler en langues" s'il laisse la Parole le dominer et s'il la dit comme le requiert l'Esprit. Les saints sont essentiellement des inspirés (NB 1/2, 242).

 

308. Réceptif à l’amour de Dieu

Adam a tourné le dos au Père. Alors le Père envoie son Fils, et celui-ci nous montre l'unique véritable possibilité de tourner à nouveau notre visage vers Dieu, de l'aimer à nouveau et de rester réceptif à l'amour (NB 6,197).

 

309. Répondre au commandement de l’amour

Personne ne devrait essayer de répondre au commandement de l'amour que nous a donné le Christ sans se laisser combler par ce qui le comblait. Personne ne doit prier sans s'appuyer sur sa prière (NB 5,67).

 

310. Aider les créatures de Dieu à prendre le bon chemin

Le cardinal Manning a vis-à-vis des hommes un certain sens de l'amour ; il les considère comme des créatures de Dieu, il les aime comme des êtres incapables de prendre le bon chemin, il a pitié d'eux parce ça va mal pour eux, il veut les aider (NB 1/1, 207).

 

311. La voie de l’amour

Tu commets peut-être des fautes, tu n'es pas un "saint", mais parce que tu brûles, tes fautes me gênent peu ; tu peux me montrer la voie de l'amour (NB 4,333).

 

312. Introduire les enfants dans la prière par l’amour

On doit introduire les enfants dans la prière par l'amour, une part de leur ferveur dans la prière réside dans le fait d'être ensemble ; chez Thérèse de l’Enfant-Jésus, ce fut le cas d'une manière particulièrement forte parce que sa famille était réellement pour elle l’Église concrète (NB 1/1, 71).

 

313. Les chemins de l’amour de Dieu sont infiniment variés

Saint Philippe Neri est un apôtre de l'amour. Son amour porte un caractère très humain mais qui plaît à Dieu : il a le souci de la variété. Il devrait en quelque sorte se mépriser s'il adorait Dieu chaque jour de la même manière. Il ne voudrait pas fatiguer Dieu. Et comme lui-même ne se sent jamais fatigué par Dieu, il voit par là que les chemins de l'amour de Dieu sont infiniment variés. Il voudrait donner lui-même à Dieu la joie de l'amour (NB 1/1, 136).

 

314. Ouverts à l’amour de Dieu

Combien ont réellement confiance en Dieu ? Est-ce que tous peuvent être touchés par la prière ? Combien d'entre nous sont ouverts à la Parole de Dieu, ouverts à la réponse de Dieu, enclins à l'amour de Dieu ? Combien ne sont accessibles qu'aux menaces ? Ne devrais-je pas quand même parler de l'enfer afin que ceux qui ne peuvent être atteints par la prière soient saisis par la peur ? (NB 4,341).

 

315. Un désir de l’amour

Pour entrer dans le purgatoire, il faut d'abord en être "digne" et vouloir aller dans les flammes. Tant qu'on n'est pas prêt, on est comme placé dans un coin en face de l'enfer. Sans Dieu et aussi sans les hommes, tout seul avec soi, jusqu'à ce que l'existence devienne si ennuyeuse et si lugubre que s'éveille un désir de l'amour (NB 3,78).

 

316. Aspirer à l’amour

Le chrétien ne doit pas désirer tout ce qui est expériences et visions, ni s'efforcer de les atteindre. Ce genre d'aspiration ne l'attire pas non plus tant qu'il est dans la grâce. Il n'aspire qu'à l'amour (NB 11,424).

 

317. Un converti entre dans l’Église pour trouver l'amour (NB 3,327).

 

318. Confesser un manque d’amour, c’est être en chemin vers l’amour

Quand quelqu'un confesse son manque d'amour et ressent celui-ci comme insondable, le confesseur le croira certes, mais il n'estimera pourtant pas que c'est un homme insensible. Il verra peut-être en lui quelqu'un qui est en chemin vers l'amour, il verra en lui l'amour qui cherche. Celui qui se confesse se montre nu, sans honte, mais le regard du confesseur ne profitera pas de la situation, il verra en tout un mystère d'amour qui est caché en Dieu (NB 3, 91-92).

 

319. La confession et l’amour

Vous venez vous confesser parce que vous aimez. Car si un pénitent n'aime pas, il n'a pas une contrition chrétienne (NB 3,146).

 

320. L’amour et la confession

La confession est, pour le confesseur comme pour le pénitent, une affaire de pur amour et de pure grâce du Seigneur, ce qui n'exclut pas la rigueur nécessaire mais l’inclut (NB 11,286).

 

321. Confession et amour

Le gros pécheur sait ce qu'était la grâce dont il s'est détourné. S'il se confesse comme il faut, il peut recouvrer l'amour et intégrer à nouveau la foi (NB 6,36).

 

322. Confession et amour du Seigneur

La confession terrestre est un fruit de l'amour du Seigneur ; elle est un incroyable allégement qui accorde la grâce de sa rédemption : on ne pourrait pas rendre au pécheur les choses plus faciles (NB 4,299).

 

323. Péché et amour de Dieu

Quand un homme pèche, il n'est plus dans l'amour de Dieu. Ni non plus dans le temps de Dieu. Mais quand un homme est racheté pour l'amour chrétien, il fait de son temps éphémère quelque chose qui appartient déjà au temps éternel, dans son temps humain il participe à l'avance au temps éternel de Dieu. Car dès qu'il rencontre le Christ, il ne lui est plus permis d'aimer de manière limitée, il doit aussitôt se régler sur l'amour éternel. Il lui est permis alors de dire : j'essaie d'aimer selon la mesure divine, j'essaie de me laisser introduire par l'amour dans les lois divines. Mais ce serait encore trop vague, et c'est ici que le modèle de l'amour trinitaire devient actuel (NB 6,103-104).

 

324. On ne peut se confesser que si on aime Dieu – La confession : l’amour qui cherche – L’absolution : l’amour trouvé

On ne peut pas se confesser sans amour. En dehors de l'amour, on peut s'analyser aussi longtemps qu'on veut, se "soulager" moralement par là en quelque sorte, avoir peut-être aussi ensuite le sentiment d'avoir fait une œuvre méritoire : ce ne serait pas une confession. Peut-être pour l'âme une sorte de revue hebdomadaire d'actualités. On ne peut se confesser que si on aime Dieu, que si on possède du moins un début d'amour de Dieu, même si on ne reçoit à nouveau l'amour parfait que par l'absolution. La confession est l'amour qui cherche, l'absolution est l'amour trouvé (NB 3,92).

 

325. Le miracle de la confession

Celui qui doit avouer : « Je n'ai pas aimé », celui-là devrait savoir réellement qu'il doit espérer un miracle pour qu’ils soit sauvé de l'enfer. Ce miracle, c'est la confession (NB 3,132).

 

326. Repentir et amour de Dieu

Sur terre, on peut d’une certaine manière formuler ses péchés et, si on a péché, on voudrait ne plus pécher ; le repentir nous rapproche de l’amour de Dieu (NB 4,65).

 

327. Aimer Dieu de telle sorte que disparaisse en moi tout ce qui s'oppose à lui (NB 6,554).

 

 

2. Aimer Dieu

 

UNE RELATION AIMANTE

328. Relation aimante avec le Créateur

Dans l'état originel, les hommes avaient une volonté qui leur était donnée pour nouer une relation vivante et aimante, avant tout avec le Créateur qu'ils ressentaient comme bienveillant (NB 6,359).

 

329. L’amour de Dieu ne déçoit pas

L'amour de Dieu ne connaît pas la résignation. De la part des hommes on doit supporter beaucoup de choses, mais avec Dieu la déception est impossible (NB 10, n. 2268).

 

330. Aimer Dieu

Tout faire par amour pour Dieu ? Si vous saviez combien j’ai encore peu d’amour ! Pourquoi ne peut-on pas aimer comme on voudrait ? (NB 8, n. 305).

 

331. L’amour de Dieu

La seule chose qui ne doit pas être offensée, c'est l'amour de Dieu (NB 4,311).

 

332. Aller vers son amour infini

Quand il s'agit de Dieu, nous lui appliquons comme nous pouvons notre amour temporel. Par la foi, nous savons qu'il est un amour infiniment plus grand que nous et qu'il a cet amour, et pourtant nous essayons de le faire entrer de force à tout prix dans les catégories de notre amour : l'aimer comme cela nous est donné, avec tiédeur et pour un temps. Et si un jour nous avons à souffrir, nous n'avons rien de plus pressé à faire que de nous consoler : ça va passer. Nous sommes même étonnés si cela ne disparaît pas rapidement, plus étonnés encore si, en nous, la souffrance vit plus longtemps que l'amour. Alors nous mesurons. Nous comparons les temps et la force des événements : souffrance ou amour. Mais quand Dieu arrive dans le monde afin de souffrir pour nous, il apporte avec lui les mesures de l'éternité : il se met à la disposition de la croix avec la puissance de l'amour éternel et il éprouve en tant qu'homme une souffrance démesurée qui correspond à sa divinité et à son amour divin. Ce n'est pas le motif de la croix, le péché, qui détermine la mesure de la souffrance, c'est la volonté de Dieu de nous sauver pour que nous allions vers son amour infini (NB 6,329-330).

 

333. Adorer, c’est comme un acte d'amour (NB 8, n. 99).

 

334. L’homme : adorateur de l’amour éternel

De toute éternité l'être humain fut pensé comme adorateur de l'amour éternel (NB 6,522).

 

335. Respect et amour de Dieu

Dans le concept de respect est résumée toute la distance qui nous sépare de Dieu. Il est le Saint, nous sommes pécheurs. Mais pour que cette pensée ne nous écrase pas, Dieu nous offre la louange, l'amour et la joie avant même que nous ayons conscience de la distance (NB 11,339).

 

336. Aimer Dieu

Si l'on définissait la méditation à partir du désir de Dieu qu'a notre propre esprit, le moment viendrait vite où l'âme serait remplie et voudrait s'arrêter. Elle est satisfaite beaucoup plus rapidement que Dieu. Dieu promet et accorde plus, mais il exige aussi davantage. Des amoureux sur terre peuvent mesurer leur amour réciproque : « Si chaque jour tu me donnes ceci et cela, alors je serai content ». Mais il n'est pas vrai que l'amour humain, s'il est authentique, puisse s'accommoder de limitations de ce genre. Dieu ne se laisse jamais aimer de cette manière-là. C'est lui seul qui décide de la mesure de ce qu'il veut nous donner (NB 10, n. 2060).

 

337. Aimer Dieu tout simplement

On peut se perdre dans la « ferveur » au lieu d’aimer tout simplement (NB 4,82).

 

338. Aimer Dieu comme le Fils

(Confession dans l’extase). Père, je voudrais confesser la distance qui sépare mon amour de l'amour de ton Fils, la distance qui sépare mon don de moi-même de son propre don de lui-même. Père, je voudrais confesser que je ne cherche pas toujours à faire ta volonté comme le Fils. Père, je voudrais confesser que, de temps à autre, je suis fatiguée alors que ton Fils peut encore continuer. Père, je voudrais confesser que, plus d'une fois, j'ai promis de mes lèvres et que, regardant ton Fils, je dois reconnaître que je n'ai fait que traîner mon cœur avec moi, que mes lèvres étaient plus promptes que le don de moi-même à ta volonté. Père, je voudrais reconnaître que j'ai besoin que ton Fils vienne dans le monde pour me délivrer de toute ma faiblesse, que je n'ai pas pris suffisamment sur moi le fardeau du péché. Père, je voudrais reconnaître que je ne vis pas suffisamment dans la communion des pécheurs, qu'au milieu des pécheurs, je distingue beaucoup trop entre le tien et le mien, que je ne suis pas prête à prendre tout sur moi indistinctement si bien qu'on ne puisse plus voir d'où vient le péché (NB 5,271).

 

339. Aimer Dieu avec une énorme force d’amour

Saint Jean de Dieu. Dans sa prière, il demande l’amour. Il lutte pour obtenir la connaissance et l'obéissance et l'amour. Son chemin est un chemin d'amour. Il se sent aimant et lui - Jean de Dieu -, il aime Dieu et il voudrait offrir sa vie par amour. Mais chaque fois qu'il entreprend quelque chose, il a peur de suivre ses propres considérations et d'oublier l'obéissance à Dieu. Il cherche jusqu'au bout à faire la volonté de Dieu parce qu'il aime Dieu avec une énorme force d'amour (NB 1/1, 298-299).

 

340. Un amour parfait pour le mystère parfait du Seigneur

Saint Charles de Foucauld. Quoi qu'il puisse faire : prière, méditation, apostolat, il le fait sous le poids de la croix, sous la charge dont le Seigneur le charge, dans un amour parfait pour le mystère parfait du Seigneur qu'il ne cherche pas à découvrir : il se tient à la disposition du mystère tel qu'il est. Toute sa mission est une mission de don de soi, de présence constante, du oui dans la durée et dans une continuité qui n'est interrompue par rien ; et ce qui est là voilé et mystérieux, c'est justement que cela reste toujours tel quel (NB 2,110).

 

341. Le royaume de l’amour parfait

Quand on sort de l'extase, on sort aussi du royaume de l'amour parfait ; et c'est laborieux d'être à nouveau dans le domaine du non-amour (NB 5,246).

 

342. Le « point culminant » de notre amour de Dieu

On ne peut pas voir dans la communion quotidienne le "point culminant" de notre amour chrétien, tout le reste ne serait que résidu et tout au plus une manière de s'en rapprocher. On ne peut pas représenter notre relation avec Dieu avec des tournants de ce genre (NB 5,200).

 

343. « Mon Dieu, je t’aime beaucoup »

Prière d’Adrienne adolescente dans l’église du Saint-Esprit : « Mon Dieu, je t'aime beaucoup et je te le demande, aime-moi, et aime aussi toute ma famille, ma mère, Willy qui m'a accompagné, mon école, et donne-moi d'aimer ceux qui seront plus tard mes malades, tous ceux que je connais et surtout tous ceux que je ne connais pas, mon Dieu ! Allume ton amour dans toute cette ville » (NB 7,67).

 

344. Aimer Dieu avec passion

Hippolyte de Rome aime Dieu avec passion. Il voudrait le servir, il s'offre, il veut faire tout ce que Dieu veut et il voudrait apporter Dieu dans le monde. Il voudrait opérer lui-même comme une communion entre les hommes afin que chacun de ceux qui entrent en contact avec lui perçoive quelque chose du Seigneur. La prière où il attend les inspirations de Dieu est chez lui une prière d'amour passionné. Il aime Dieu, mais aime-t-il les hommes ? Il les aimeraient s'ils étaient tels qu'il les voudrait. Mais il voit très fort leurs faiblesses et leurs hésitations, et cela le remplit d'un dépit qui recouvre l'amour bien que celui-ci sans aucun doute existe (NB 1/1, 266).

 

345. Il aime Dieu d’un amour enflammé

Savonarole aime Dieu, il l'aime d'un amour enflammé. Et il sait qui est Dieu. Il sait ce que veut dire être chrétien. Et il a des heures de très haute connaissance et de la plus grande proximité (NB 1/1, 297).

 

346. Le feu de l’amour

Suivre le Seigneur sur le chemin d’une véritable ascèse pour arriver au véritable feu de l’amour (NB 4,88).

 

347. Dieu et le feu

Adrienne adolescente : Tout ce que Dieu aime est comme du feu ; ce qui est tiède n'est pas de Dieu (NB 7,33).

 

348. Tout feu tout flamme dans l’amour de Dieu

Les églises baroques sont très belles. Elles sont une expression de l'amour de Dieu. J'aimerais bien être tout feu tout flamme dans l'amour de Dieu (NB 7,244).

 

349. L’amour brûlant de l’Époux

D’une vision de sainte Mechtilde de Magdebourg : Beaucoup d'éléments humains adhèrent à l'Église qui pourraient cependant être éliminés par l'amour brûlant de l’Époux (NB 1/1, 437).

 

350. Amour brûlant du mystique pour Dieu

Il y a des mystiques qui sont allés avec le Seigneur dans tous les lieux possibles, qui ont vécu les états les plus divers, de la nuit intérieure la plus profonde à l'amour le plus brûlant (NB 5,18).

 

351. Aimer follement le Bon Dieu

Adrienne adolescente : Quand j'aime follement le Bon Dieu, je suis aussi follement exaltée (NB 7,37).

 

352. La démesure de l’amour

Jean doit conduire la Mère à Pierre, mais faire connaître à Pierre la démesure de l'amour qui est au-dessus de tout ce qui a été construit à l'avance (NB 6,489).

 

353. Un grand amour pour Dieu

Sainte Angèle Merici. C'est un grand amour qui la prend tout entière et la conduit à Dieu. Son amour, c’est surtout son obéissance (NB 1/2, 62).

 

354. Plein d’amour pour Dieu

Bède le vénérable. Il prie bien avec une quantité de mots et de pensées qu'il apporte déjà préformés pour ainsi dire, mais qu'ensuite il soumet à Dieu comme pour un jugement. Il est plein d'amour, il est poussé par l'amour dans la prière, il demeure dans l'amour pendant la prière, il rayonne l'amour en sortant de la prière. Cet amour est de qualité, il est bon, indulgent et humble (NB 1/1, 61).

 

355. Aimer Dieu totalement

Cunégonde. Elle cherche à organiser sa vie quotidienne à partir de la prière, à être pleinement donnée à Dieu et à l'aimer totalement (NB 1/1, 66).

 

356. Être consumé totalement par l’amour de Dieu

Ces jours-ci Adrienne ne connaît rien d’autre que le désir énorme d’être consumée totalement par l’amour de Dieu (NB 9, n. 1198).

 

357. Un amour soigneux pour Dieu

Newman. Il prie très soigneusement, avec un amour soigneux, juste, un amour qui ne souffre rien qui ne soit totalement pur et totalement honnête. Il aime son travail. Il l'aime parce que c'est le travail de Dieu. Il y a là des choses qu'il aime beaucoup, d'autres qui lui pèsent ; mais celles-ci aussi il les aime d'un amour soigneux parce qu'il veut que l’œuvre appartienne tout entière à Dieu. Souvent c'est comme s'il écrivait avec son sang et comme s'il utilisait ses dernières forces pour comprendre quelque chose. Il lui est beaucoup demandé personnellement. Il se trouve au fond à son travail comme un fondateur d'ordre vis-à-vis de sa fondation (NB 1/1, 314-315).

 

358. L’amour de Dieu peut grandir

Saint Ignace a le dessein concret de prendre les saints pour modèles. Plus il s'y essaie, plus grandit son amour pour Dieu (NB 11,52).

 

359. Faire croître l’amour du Seigneur

Voilà un homme quelconque, pas capable d'un amour particulièrement grand, pas exactement moral, un pharisien moyen dans ses bonnes années, pas spécialement mauvais non plus. S'il accueille le Seigneur, son péché lui sera remis, il se débarrassera de son pharisaïsme, il deviendra un chrétien qui aime sérieusement, qui fait croître en lui l'amour du Seigneur. Il peut se faire que le Seigneur, par sa grâce, devienne pour cet homme l'incarnation de l'amour (NB 4,184).

 

360. Mieux aimer Dieu

Adrienne : « Depuis que j'ai connu le Christ, j'ai beaucoup appris. Je me suis beaucoup rapprochée de lui. Mais en me rapprochant de lui, je sais mieux que Dieu est toujours dans le même lointain. Il n'y a aucun "rapprochement", même si on apprend toujours à mieux aimer et à mieux louer » (NB 8, n. 130).

 

361. Aimer Dieu davantage

Il y a les saints qui ont fait l'expérience du péché et ceux qui ne l'ont pas faite. Il est impossible de dire qui aime Dieu davantage (NB 3,190).

 

362. Dieu nous aime, nous devrions l’aimer plus

Quand nous approchons de l'amour divin avec nos concepts d'amour, nous reconnaissons que Dieu nous aime plus que nous ne pouvons l'imaginer, et que nous devrions l'aimer plus que nous ne le faisons. Seul notre amour personnel que nous offrons à Dieu nous semble bien établi ; il nous sert plus ou moins de critère pour son amour à lui, mais nous pressentons que ce critère n'est pas le bon. Il ne devient vraiment inutilisable que si nous regardons l'amour intra-divin. Dès que nous comprenons quelque chose de la souffrance du Seigneur, celle-ci est plus à même de nous servir de critère de l'amour (NB 6,329).

 

363. L’amour de Dieu est toujours inquiet

Adrienne dit qu’elle comprend maintenant que l’amour est vraiment toujours inquiet. Même l’amour brûlant entre deux personnes est toujours inquiet. On pense que cette inquiétude pourra cesser plus tard, que viendra un temps où l’amour sera grand et paisible et que le feu deviendra lumière. Cela existe certes. Mais dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain qui vient de Dieu il n’y a jamais une telle accoutumance. C’est pourquoi il reste toujours inquiet et brûlant (NB 8, n. 376).

 

 

RÉPONDRE À L’AMOUR DE DIEU

364. Répondre à l’amour de Dieu

La seule chose qui ne peut pas être lésée, c’est l’amour de Dieu. Si la méfiance autour de nous et toute opposition sert à ce qu’il soit mieux répondu à l’amour de Dieu, à ce que sa volonté s’accomplisse plus totalement, personne ne murmurera (NB 9, n. 1408).

 

365. Répondre à l’amour de Dieu

L’amour de Dieu pour moi ne fait pas l’ombre d’un doute ; ce qui est douloureux, c’est bien plutôt que nous n’avons pas répondu à cet amour comme il fallait ou plutôt que nous n’y avons pas répondu (NB 8, n. 272).

 

366. Demeurer dans l’amour

Celui qui est tout entier dans l'amour sait qu'il ne commettra plus de péché. Ou bien il a la certitude que ce qu'il commettra encore de péchés sera moindre que ce qu'il a commis. Pour Jean, c'est une obligation énorme de demeurer dans l'amour (NB 10, n. 2323).

 

367. Penser à l’amour de Dieu

Un jour, en se réveillant, Adrienne pense à l'amour de Dieu et à son royaume (NB 6,562).

 

368. Désirer être avec Dieu

Adrienne adolescente : L'amour a toujours un désir. Si j'aime quelqu'un, je veux être avec lui. Si j'aime Dieu, je veux être avec Dieu. Je veux pouvoir exercer mon amour. Et tu peux peut-être imaginer que Dieu me donne de l'amour et que, dans l'amour qu'il me donne, il veut être avec moi. C'est une exigence de l'amour de Dieu. C'est le désir que l'amour me donne, le désir qu'a Dieu d'être avec moi. Et ensuite l'amour fait aussi naître mon désir d'être avec Dieu (NB 7,33).

 

369. Le désir de s’approcher de Dieu

Celui qui vient de mourir n'a plus du tout le sens du temps, il ne peut plus compter sur lui. Il n'a pas le temps de s'adapter ; d'emblée il est contraint de désirer que le Seigneur, qui est la vérité, veuille bien s'occuper de lui. Ce qui domine tout, c'est un désir de correspondre, d'être transformé, d'être purifié. Si l'homme connaît Dieu et l'a aimé, très vite il le priera instamment de bien vouloir s'occuper de lui. C'est sans doute la première chose : ce geste de supplication. Avec une certaine liberté et une certaine indépendance, avec une certaine capacité à inclure le passé et à désirer s'approcher de Dieu tel qu'on était (NB 6,334-335).

 

370. Aller vers Dieu par amour pour lui

Élisabeth de la Trinité. Elle va vers Dieu par amour pour lui (NB 1/1, 490).

 

371. Transformé par l’amour de Dieu

Dans la mystique, le chrétien est dépersonnalisé et transformé par l’amour en une chose de Dieu et un complément de son royaume dans la communion des saints (NB 9, n. 1289).

 

372. Demander d’aimer Dieu

Thérèse de l’Enfant Jésus. L'acte de consécration à l'amour miséricordieux. La prière commence par la Trinité. Thérèse demande de l'aimer. La Trinité est pour elle Père, Fils et Esprit avec le ciel tout entier. Elle voudrait seulement l'aimer et aider à ce que les autres l'aiment (NB 1/2, 76-77).

 

373. Vivre dans le royaume de l’amour

Quand on vit tellement dans le royaume de l’amour, la moindre imperfection ou le moindre manque d’amour nous blesse au plus intime (NB 9, n. 1299).

 

374. La joie de l’amour

Prière d’Adrienne un jour de Toussaint : « Nous-mêmes qui sur terre avons appris avec lenteur et hésitation à te prier et à te servir, nous nous trouvons accueillis au ciel comme si notre arrivée était pour toi, ô Trinité, la conclusion heureuse d'une longue attente, comme si la joie était aussi grande pour toi que pour nous qui arrivons. C'est la joie de l'amour chrétien, c'est la joie de ce que les enfants sont de retour à la maison, qu'ils sont au complet et qu'il ne faut plus les considérer comme absents, ils sont là, à la place qui leur était destinée depuis toujours, et c'est pour eux-mêmes une telle joie de l'occuper qu'on ne sait pas où la joie est la plus grande. Nous te prions, Père, garde-nous dans cette joie de l'arrivée et, pendant toutes les éternités, laisse-nous te dire notre merci. Laisse-nous jubiler tous ensemble, laisse-nous contempler tous ensemble, laisse-nous avant tout aimer tous ensemble de l'amour qui vient de toi, qui en toi, Dieu Trinité, est parfait, et qui désormais aussi revient parfaitement à toi parce que, à présent, nous sommes auprès de toi et que nous t'appartenons. Laisse-nous éternellement, avec ton Fils, t'appeler Père dans le sens que l'Esprit donne à ce nom. Amen » (NB 1/1, 496-497).

 

 

RÉVÉLATION

375. La révélation et l’amour

Il va de soi que la révélation doit être saisie en quelque sorte dans des concepts donnés. Mais ceux-ci ne parviennent jamais cependant à la plénitude de la vérité. Il n’est pas permis de vouloir tout transposer dans le temps présent, ce n’est pas non plus possible. Cela tuerait l’amour (NB 4,130).

 

376. Dieu est lumière

Didyme l’aveugle. Ce qu'il aime surtout en Dieu, c'est qu'il est lumière quand il se communique ; il aime beaucoup aussi les relations de Dieu aux hommes, tous les mystères eucharistiques, compris dans le sens le plus large, et qui débouchent chaque fois dans le commandement de l'amour (NB 1/1, 52).

 

377. La beauté de la création révèle l’amour de Dieu

Quand on se trouve comme moi devant de si belles roses, on pense sans cesse à celui qui les a données. Et là, au mur, le tableau de la mer est si vivant avec son eau, qu'on pense à la Bretagne ; on voit devant soi la mer et la création de Dieu tout entière, et il n'est pas difficile de trouver et de chercher Dieu en toutes choses. On n'a pas besoin de se donner du mal pour cette recherche, on est porté vers Dieu, et quand on a trouvé, cela se transforme tout de suite en amour - pour Dieu et pour les hommes - et en prière (NB 10, n. 2152).

 

378. Aimer entendre la voix de Dieu

Adam et Ève aiment beaucoup entendre la voix de Dieu quand il se promène dans le jardin (NB 12,169).

 

379. Il faut aimer pour percevoir les paroles de Dieu

On peut comme ne pas entendre les paroles que Dieu dit à voix très basse, peut-être sans qu’on commette de faute. Certaines choses ne sont même pas dites ; elles ne se trouvent pour ainsi dire que dans l'atmosphère et il faut un amour tout à fait éveillé pour qu'on les perçoive (NB 5,191).

 

380. Saisir les choses de Dieu par l’amour

Il y a des choses que les humains peuvent saisir avec leurs capacités naturelles ou encore avec leurs capacités fortifiées par la foi et l'amour ordinaires (NB 5,197).

 

381. Savoir l’amour de Dieu

Tout d’un coup on sait l'omniprésence de Dieu et de son amour (NB 10, n. 2228).

 

382. Connaître les choses de Dieu par l’Esprit

Robinson ne peut pas se représenter ce qu’est l’amour, il ne comprend pas non plus la sentence : « Aimez-vous les uns les autres » ; il peut tout au plus échafauder sans cesse de nouvelles théories sur le sujet ; mais si, un jour, il rencontrait vraiment le prochain, il apprendrait alors ce que peut être l’amour. Il y a quelque chose de semblable avec la descente de l’Esprit pour la connaissance et l’amour des choses de Dieu (NB 9, n. 1563).

 

383. Aimer le Bon Dieu et le connaître

Adrienne, vers la fin de ses études de médecine : « Le Bon Dieu, je l'aime bien, mais je sais si peu de choses sur lui. Je parle avec lui » (NB 7,188).

 

384. La connaissance de Dieu et l’Esprit

Nous avons appris à connaître le Seigneur et nous nous sommes efforcés de nous donner à lui ; l'Esprit nous conduit alors à une meilleure compréhension de ce qu'est la foi, de ce qu'est Dieu Trinité et à une meilleure manière de nous donner à lui. Sans l'Esprit, nous en serions restés à attribuer au Fils le format de notre humanité, mais au niveau de la perfection. Ces limites que nous avions mises, l'Esprit les fait sauter non seulement pour amener notre foi au niveau toujours plus grand du Fils, mais aussi pour l'amener à la connaissance et à l'amour tels que l'Esprit lui-même les possède (NB 6,434).

 

385. Expérimenter l’amour de Dieu

Ces jours-ci, Adrienne expérimente l’amour de Dieu dans une mesure telle qu’elle ne sait plus guère comment le supporter. Sa vie tout entière n’est plus qu’amour, elle le rayonne presque visiblement. Durant ce temps, elle est particulièrement clairvoyante, elle aide de nombreuses personnes (NB 9, n. 1184).

 

386. Ressentir l’amour de Dieu

Il est bon ressentir à travers toute chose l'amour de Dieu et de pouvoir retourner à cet amour (NB 10, n. 2229).

 

387. Pressentir l’amour de Dieu

L'Ave Maria quotidien, même répété d'innombrables fois, ne s'use jamais. Le mystère se rapproche, dans son caractère de mystère il devient plus digne d'être aimé, il nous fait pressentir la plénitude de Dieu. Surtout son amour (NB 6,60).

 

388. Sentir l’amour du Seigneur

D’une prière de saint Bernard : « Seigneur, cette nuit il m'a été permis d'être si près de toi ! J'ai pu sentir l'amour que tu offres au croyant. Je te remercie pour tout cet amour. Permets que je le transmette intact à ceux qui me sont confiés de sorte que ce soit toi-même qui deviennes vivant en eux, que ce soit ton amour qui devienne vivant en eux » (NB 1/1, 429).

 

389. On peut aimer Dieu même sans sentir cet amour (NB 8, n. 978).

 

390. L’amour de Dieu et la nuit de l’âme

On n'arrive à la nuit de l'âme qu'après avoir connu la lumière de l'au-delà. Pour perdre quelque chose de parfait, on doit l'avoir possédé. Pour pouvoir faire l'expérience de la nuit véritable, on doit avoir été plongé totalement dans l'amour par la lumière de l'au-delà (NB 5,121).

 

 

FOI ET AMOUR

391. Foi et amour

Il fait partie essentiellement de la foi d'accepter ce que Dieu a préparé pour moi de vérité et, pour cela, l'amour est nécessaire. Pour croire comme il faut, je dois avoir l'amour. Pour reconnaître Dieu dans la foi, nous devons essayer de suivre le rythme de son amour pour nous (NB 6,37).

 

392. La foi et l'espérance sont des formes de l'amour (NB 6,442).

 

393. Foi, espérance et amour

La foi et l'espérance s'épanouissent dans l'amour comme la semence dans la plante et le fruit achevé (NB 6,443).

 

394. Un cœur croyant et aimant

Une apparition de la Mère de Dieu est pour Dieu une manière de s'exprimer. Le voyant en est touché dans son cœur croyant et aimant. Et de même qu'un coup corporel laisse une trace, de même la vision dans la foi laisse la trace d'une certitude immédiate (NB 5,185).

 

395. Croire, aimer et prier

L'homme peut par la grâce rester ouvert à la grâce et, de la sorte, mener une authentique vie surnaturelle en croyant, en aimant et en priant (NB 5,203).

 

396. Amour et connaissance de Dieu dans la foi

L'Esprit Saint en Dieu participe totalement, bien sûr, à l'omniscience de Dieu. Devant le monde, il personnifie le savoir de Dieu, la connaissance de Dieu et l'amour dans une unité indissoluble parce que, en Dieu, l'amour n'est jamais sans la connaissance, ni la connaissance sans l'amour. Et quand cet Esprit se communique à nous d'une certaine manière, cette forme de connaissance et d'amour reçoit pour nous la forme de la foi si bien que, par lui, nous apprenons à croire ce qu'il connaît et aime. Pour nous, cela signifie avant tout que nous nous laissions prendre par l'Esprit ; tout ce que nous connaissons et aimons, nous le mettons à la disposition de l'Esprit de telle sorte que nous le retrouvions dans la foi sous une forme qui correspond à sa connaissance et à son amour. Si nous faisons cela sérieusement, nous n'en serions plus à tâtonner longtemps dans notre foi, ni à chercher le véritable amour, mais nous nous soumettrions à l'Esprit dans une sorte de prière habituelle et d'offre globale pour nous laisser illuminer et transformer par ce qui lui appartient (NB 6,432-433).

 

 

HUMILITÉ DEVANT DIEU

397. Humilité de l’homme et amour de Dieu

L’humilité est le retrait de l’homme devant l’amour de Dieu, la simple perméabilité à Dieu (NB 8, n. 878).

 

398. Devant Dieu comme un enfant et dans l’amour

Devant Dieu on doit posséder la liberté de faire ce qu'il veut. Pas plus que je ne peux dire : je veux être toujours dans la nuit, je ne peux dire : je veux être toujours dans la lumière. Je dois apprendre à être toujours justement ce à quoi Dieu m'a destiné, comme un enfant et simplement et dans l'amour (NB 4,452-453).

 

399. L’amour d’un enfant pour Dieu

Saint Antoine de Padoue. Son amour pour Dieu est comme celui d'un enfant : simple, sans rien de dissimulé ; il ne peut rien cacher, et quand il remarque que sur un point il n'a pas totalement correspondu, qu'il n'a pas tout livré jusqu'au moindre détail, il est alors incroyablement appliqué à tout porter devant Dieu et à s'excuser auprès de lui d'avoir hésité si longtemps, et à demander à Dieu de le rendre tel que Dieu puisse accomplir par lui tout ce qu'il a décidé de faire (NB 1/1, 286).

 

400. Aimer Dieu comme un enfant

Saint Charles Borromée aime Dieu comme un enfant ; pour lui, cela va de soi de tout porter à Dieu. Puis il possède un certain système de l'amour, qui est sans doute très beau, mais un peu compliqué. Il porte devant Dieu toutes ses demandes et tout ce qui l'occupe. Souvent il lui recommande tout cela avec fougue. Souvent aussi il laisse simplement mûrir tout cela sous les yeux de Dieu (NB 1/1, 300).

 

401. Mendiant de Dieu

Qui mendie l'amour de Dieu doit aussi un jour ne rien recevoir pour être encore plus dépendant de Dieu (NB 211,209).

 

 

LE CIEL

402. Au ciel : aimer Dieu

Au ciel, il y a l'adoration, l'ouverture totale de l'âme devant Dieu et l'amour pour lui au-delà de toute mesure et, dans l'amour, on se laisse remplir par Dieu (NB 6,76).

 

403. Au ciel, purification de l’amour

La vie au ciel est la purification totale de l'amour. Ce qu'on a de propre n'est plus là que sous la forme qu'on y a renoncé totalement, qu'on a tout remis à Dieu et surtout que tout a été reçu par Dieu (NB 11,344).

 

404. L’amour dans le ciel

Au ciel, tout le monde connaît les choses de l'amour. Par cette participation infinie à l'amour qui remplit chacun totalement et le change continuellement, ce qui est personnel n'est pas étouffé, chacun reste lui-même, mais dans le sens donné par Dieu, parce que tous portent en eux la semence de Dieu (NB 6,306).

 

405. Tout est amour dans le ciel

Dans le temps présent, l'amour est une partie de la vie, il n'est pas toute la vie. Dans l'éternité, il est tout parce que nous n'avons plus rien en propre : ni opinions, ni justifications, ni jugements, qui nous mettent dans une relation théorique avec les choses. Dans l'éternité, on remercie d'emblée pour tout, on ne connaît pas la prudence, comme si une chose pouvait être punition et seulement l'autre amour ; on est convaincu que tout est amour et doit être compris comme amour. La foi subsiste dans l'éternité comme la confiance absolue qu'il ne peut rien y avoir qui ne soit pas amour. Parce que Dieu nous tient, nous n'avons pas besoin de nous attarder à calculer quoi que ce soit anxieusement, nous pouvons nous confier à l'infini (NB 10, n. 2113).

 

406. Au ciel, tout est dans l'amour joyeusement (NB 10, n. 2249).

 

407. Le jeu de l’amour dans la vie éternelle

Dans la vie éternelle, nous serons en face de Dieu dans une continuelle disponibilité dont il fera un jeu d'amour toujours renouvelé (NB 6,566).

 

 

3. Aimer la volonté de Dieu

 

LA VOLONTÉ DE DIEU

408. Aimer Dieu et faire sa volonté

Clément d’Alexandrie aime Dieu et il cherche à faire sa volonté. Dans les petites choses, c'est très facile en quelque sorte. Quand c'est plus difficile, il se donne une peine incroyable pour y voir clair. Il redoute de se suivre lui-même plutôt que Dieu et d'inventer pour ainsi dire ses propres règles. Il est infatigable dans ses efforts pour faire la volonté de Dieu. Il aime Dieu et, par Dieu, les hommes (NB 1/1, 263).

 

409. L’abîme de la volonté de Dieu

L'homme peut se précipiter dans l'abîme de la volonté de Dieu: c'est l'amour total (NB 4,46).

 

410. L’amour de Dieu et sa volonté dans le ciel

Si déjà sur cette terre on fait toujours par amour pour quelqu’un ce qu’il désire de nous, combien plus fait-on au ciel par amour de Dieu ce qu’il nous dit. Tout l’air du ciel est tellement amour que chacun fait ce qu’il veut et qu’il demeure cependant relié de la manière la plus étroite à la volonté de Dieu. Il y a ainsi une certaine manière de faire des plans avec Dieu. Et cependant la liberté est infiniment grande (NB 9, n. 1907).

 

411. Ce que Dieu veut : l’amour

Adrienne adolescente au sanatorium de Leysin : « J'ai demandé à Dieu de me montrer ce qu'il veut. Il veut l'amour » (NB 7,32).

 

412. Faire ce qu’il veut

Si j’aime Dieu, je fais ce qu’il veut (NB 9, n. 1685).

 

413. Prétendre aimer le Christ et ne pas faire sa volonté

Dans un amour humain véritable, il est très facile d'obéir. Pourquoi cela ne va pas pour le Christ ? Pourquoi nous ne pouvons pas l'aimer ? Nous prétendons l'aimer et nous ne faisons pas sa volonté. Intérieurement nous ne nous soucions pas de lui. Après lui avoir juré une fidélité éternelle, nous l'oublions au bout de vingt minutes, il nous gêne, nous le ressentons au milieu de nous comme un étranger. Notre amour pour lui a quelque chose d'artificiel : ce n'est pas l'amour simple, total, joyeux, que nous manifestons d'habitude à quelqu'un. Pourquoi ? (NB 3,51-52).

 

414. Aimer Dieu et chercher sa volonté comme une perle

Eusèbe de Verceil aime Dieu. Il recherche sa volonté comme une perle ; prier est pour lui une nécessité intérieure. Il prie beaucoup et il prie sans doute avec le désir que Dieu veuille bien permettre qu'il fasse toujours plus sa volonté ; il le fait de manière touchante, non pour lui mais pour Dieu. Pour lui-même, il n'est rien d'autre qu'un instrument dans la main de Dieu, il ne désire rien faire d'autre que ce que Dieu veut de lui. Sa personne, ses aises, sa propre possibilité d'obéissance, il n'y pense pas pour ainsi dire. Il veut tout simplement être accueilli entièrement par la volonté de Dieu afin qu'il suive Dieu où qu'il veuille l'avoir. Dans sa prédication et ses écrits également il cherche partout à faire comprendre cette volonté bien-aimée de Dieu, afin qu'on vive en elle, qu'on la suive. Il n'est pas du tout naïf ; cela veut dire qu'il connaît le mal, il souffre du mal, il est personnellement vulnérable, sensible. Ses prêtres, il les aime, il les vénère, il est pour eux comme un père et il voit en eux les envoyés de Dieu. Ils sont pour lui ceux qui, avec lui, accomplissent la volonté de Dieu, comme des signes vivants du Dieu vivant. Il voudrait les amener à accomplir toujours plus la volonté de Dieu, comme le Fils l'a accomplie, afin que Dieu voie en eux les frères de son Fils et qu'eux-mêmes éprouvent toujours plus que Dieu est leur Père comme il est le Père du Christ (NB 1/1, 270-271).

 

 

AMOUR ET OBÉISSANCE

415. Ce que Dieu requiert de tout être humain: l'amour et l'obéissance (NB 10, n. 2145). 3004

 

416. Une obéissance pour aimer

Quelqu'un aime le Seigneur et il voudrait lui offrir toute sa vie. Seulement il n'a au fond rien de précis à quoi il lui serait pénible de renoncer. C'est ainsi qu'il lui offre simplement sa liberté. Il assume le vœu d'obéissance sans bien savoir encore ce qu'il est. Il voit vaguement que c'est renoncer à décider soi-même de sa vie, à l'organiser soi-même. Et ainsi ce qui jusqu'alors était seulement de l'amour devient aussi de l'obéissance. Mais une obéissance qui est tellement dans l'amour qu'elle n'a pas besoin d'être testée spécialement comme obéissance (NB 11,268).

 

417. Une obéissance d’amour

Si j'agis dans l'amour, je suis dans un cercle fermé. Si j'agis de plus dans l'obéissance, je vois le Seigneur derrière le supérieur ; je sais que mon obéissance porte encore toujours en elle des traces de désobéissance si on la compare au don total d'amour que je dois au Seigneur, si on la compare aussi à ce qu'il a fait pour moi dans son obéissance d'amour pour le Père. Je peux alors accepter sans problèmes tout blâme même celui qui semble "déraisonnable" ou "non justifié". Je ne dois pas non plus attirer l'attention sur ce point et dire : "Quoi que je fasse, il n'est jamais content". L'accent est mis sur l'obéissance d'amour que j'ai promise au Seigneur, et toute réflexion sur moi n'a guère d'importance (NB 11,269).

 

418. L’obéissance de l’amour

Quand l'homme vit en Dieu, qu’il est donné à Dieu, il apprend dans la prière l'obéissance de l'amour et ce qui la favorise (NB 12,80).

 

419. Amour et obéissance

L'amour et l'obéissance envers Dieu l'emportent sur l'amour et l'obéissance envers les hommes (NB 10, n. 2106).

 

420. L’obéissance, c’est de l’amour

L'obéissance, c'est de l'amour. Il peut se faire que Dieu nous prenne dans son amour sous une forme à peine perceptible, que par exemple il ne fait que vivifier notre foi et qu'on ait alors à poser des actes d'amour perceptibles ; mais il peut se faire aussi qu'il nous attire si fort au centre de son amour qu'on est obéissant sans qu'on le remarque (NB 2,17). (Texte semblable dans NB 9, 2022).

 

421. Vivre dans l’obéissance et l’amour

Celui qui prie vit sur terre ; s'il vit totalement dans l'obéissance et dans l'amour, il est quelque part sur la voie de la grâce (NB 6,63).

 

422. L’Esprit d’obéissance et d’amour

L’Esprit était en Marie l’Esprit d’obéissance et d’amour et d’attachement au Fils (NB 1/2, 183).

 

423. Dieu a besoin de notre obéissance

Dieu veut que nous soyons toujours aimants ; mais il a besoin aussi de notre obéissance sans que l'amour sensible accompagne notre obéissance (NB 11,252).

 

424. Amour pour le Seigneur et amour de l’obéissance

L'amour pour le Seigneur est supérieur à l’amour pour l'obéissance, car l'amour pour le Seigneur est toujours la source de l'amour pour l'obéissance. La source première de l'obéissance est donc l'amour du Seigneur et l'amour pour le Seigneur. D'où découle une deuxième source : l'amour pour l'obéissance. Et de là une troisième : dans l'obéissance, l'amour pour tout ce que je n'aime pas, donc la parfaite indifférence (NB 11,251).

 

425. Obéissance et amour - Amour et pénitence

Ce que le Christ opère aujourd'hui dans son Église, c'est la volonté du Père, c'est aussi le souffle de l'Esprit ; c'est donc toujours l'expression et la manifestation de l'amour trinitaire. Ceci lui permet de voir l'amour en chacune de ses formes, également celle de la justice, du châtiment et de la pénitence. L'amour n'a pas besoin d'être ressenti directement comme tel pour pouvoir être cru et même expérimenté comme amour. Ce n'est que dans l'obéissance que tout souffle de l'Esprit peut être compris comme amour. Sans cette obéissance, l’Église s'en remettrait à ses sentiments, elle prendrait l'un pour de l'amour, l'autre pour quelque chose d'autre. Mais si elle sait que Dieu Trinité agit en elle, elle doit se placer elle-même à un point de vue d'éternité et là, en Dieu, toute expression de la vie trinitaire est amour (NB 6,495).

 

426. Un surcroît d’amour et d’obéissance

Quand Marie voit l'ange, quand Élisabeth voit Marie, quand Étienne voit le ciel ouvert, ils sont saisis et ils ont le souffle coupé, il leur est demandé un surcroît d'amour et d'obéissance (NB 10, n. 2231).

 

427. Dieu apprécie l’obéissance

C'est à l'obéissance du croyant que l’Église reconnaît que le croyant l'aime, et le croyant, de son côté, sait que Dieu apprécie son obéissance ecclésiale et qu'il peut l'utiliser pour les buts de la rédemption du monde. Quand il prie, la présence de Dieu est pour lui certaine dans la foi ; quand il entreprend quelque chose de difficile, il se sent porté par l'amour de Dieu. Ce savoir de la foi comporte un facteur de vision : le croyant sait où il va, il sait qu'il chemine dans la volonté de Dieu et que cette volonté est amour. Il y a un accord entre la foi et la compréhension, et de même entre la foi et l'amour, entre l'amour et la raison : ils se corroborent réciproquement (NB 5,90).

 

428. L’obéissance, forme naturelle de l’amour

Comme c'est Dieu qui crée l'homme, l'obéissance est utilisée comme une forme naturelle de l'amour, l'interdiction du paradis est là pour donner des repères à cette obéissance. C'est cette limite qui doit prouver l'amour. L'homme viole le commandement parce qu'il ne respecte pas l'amour. En péchant, il se détourne de l'amour (NB 5,89-90).

 

429. L’obéissance, forme facile de l’amour

L'obéissance est une forme facile de l'amour tant que l'amour est récompensé. Quand le Fils regarde le Père et qu'il lit sur son visage qu'il l'approuve et qu'il est satisfait, l'obéissance est pour lui une joie ; il en est de même pour l'obéissance des croyants quand l'amour est senti. L'amour de Dieu et la réponse d'amour de l'homme peuvent être si bien sentis que le facteur d'obéissance s'estompe en quelque sorte : l'homme est reconnaissant de pouvoir recevoir dans l'obéissance des signes et des preuves de l'amour par lesquels il peut s'assurer de l'amour de Dieu et montrer à Dieu son amour (NB 5,90).

 

430. L’obéissance aimante (NB 5,233).

 

431. Amour et obéissance dans la mystique

Dieu remplira d'amour le mystique, il le fera vivre totalement de l'amour divin, mais à la condition qu'il puisse le conduire dans une obéissance sans faille (NB 5,18).

 

432. L’obéissance est incluse dans l’amour

L’obéissance est incluse dans l'amour ; par l'obéissance on devient plus accessible à l'amour du Seigneur, plus désarmé pour ainsi dire pour l'accueillir plus pleinement (NB 6,493).

 

433. Plus d'obéissance, plus de disponibilité, plus d'amour (NB 1/2, 269).

 

 

A LA DISPOSITION DE DIEU

434. Avec les dix commandements on s'entraîne à l'amour (NB 1/2, 257).

 

435. Les vertus et l’amour de Dieu

Les vertus, on doit les rechercher parce qu’elles conduisent à Dieu, elles ouvrent un accès à son amour (NB 9, n. 1936).

 

436. Ne pas faire de la peine à Jésus

Si on veut rapprocher un enfant du Seigneur, on lui racontera des histoires tirées de l’Évangile et on en éclairera sa vie. Il était indocile, on lui montre à quel point Jésus enfant était docile ; et parce qu'un enfant aime aimer et être aimé, il cherchera à ne pas faire de la peine à Jésus enfant (NB 6,435).

 

437. Aimer Dieu : laisser faire

Vis-à-vis de l'ange, Marie est pure faiblesse. Parce que la foi de Marie est très forte, elle laisse faire (NB 4,428).

 

438. Aimer Dieu : se laisser transformer

Curieux que, dans une amitié, par amour de l'autre, on devienne tel que l'autre l'attend, et que, dans l'amitié avec Dieu Trinité, on ne se laisse pas transformer comme Dieu le voudrait pour qu'on lui soit conforme (NB 10, n.2244).

 

439. Par amour : changer de direction

Quand on rencontre un ami au cours d'une promenade, par amour pour lui, on change de direction et on l'accompagne là où il allait ; de même en rencontrant le Ressuscité nous changeons l'orientation de notre temps et nous allons avec lui vers la vie éternelle sans savoir exactement à l'avance ce qu'est cette vie éternelle (NB 6,70).

 

440. Disponibilité aimante

L'amour et la disponibilité furent en Jean l’apôtre le moyen qui lui a permis de reconnaître le Seigneur. Pour cette disponibilité aimante que Jean cherche à garder partout, le Seigneur est comme un aimant qui agit sur l'aiguille aimantée. La certitude de la connaissance johannique provient de l'amour (NB 1/2, 48-49).

 

441. Être disponible à l’Esprit

Si nous sommes unis à Dieu dans l'amour et si nous reconnaissons l'Esprit d'amour dans l'Esprit Saint qui nous est donné, il va de soi que cet Esprit doit agir en nous selon ce qu'il est dans le ciel. Pour que cet Esprit demeure en nous, nous n'avons pas le droit de le dépouiller de ses qualités pour mettre les nôtres à leur place. Nous devons lui être si bien disponibles que, malgré nos défaillances, il puisse agir par nous d'une manière tant soit peu reconnaissable. Il doit rester l'Esprit d'amour (NB 6,443).

 

442. Donner son oui à Dieu dans l’amour

Si le religieux devient malade ou sans force et qu'il se trouve rempli de crainte sur la table d'opération et qu'il ressemble sur ce point à un martyr, il sait quand même qu'il a donné son oui à Dieu dans l'amour et que, tant qu'il ne reprend pas ce oui, tout est en ordre (NB 10, n. 2260).

 

443. Aimer Dieu : se mettre à sa disposition

Marie dit oui à Dieu. Elle est ainsi introduite de fait dans la communauté de tous ceux qui aiment Dieu et qui mettent leur existence à sa disposition, de tous ceux qui disent oui à Dieu et se décident pour lui (NB 12,163-164).

 

444. Se tenir toujours à la disposition de Dieu

Sainte Cécile. Elle ne désire pas voir Dieu dans la prière ; il lui suffit que Dieu existe et qu'il lui est permis de l'aimer et de se tenir toujours à sa disposition. Si Dieu désire quelque chose d'elle, elle est là. Comme dans la chambre à côté. Il suffit à Dieu de se présenter. Et c'est justement parce qu'elle aime tellement Dieu qu'elle ne désire pas savoir ce qu'il fait, ce qu'il pense. Elle est sûre qu'il s'annoncera s'il a besoin d'elle (NB 1/1, 386).

 

445. S'abandonner à Dieu

Tout homme, un jour ou l’autre, doit s’abandonner à Dieu dans ce qui fait la substance des vœux de religion (pauvreté, chasteté, obéissance). Tout homme les professe à sa naissance sans le savoir : on lui impose de naître, il naît nu et pauvre ; à la mort, on ne lui demande pas s’il veut mourir, il quitte tous ses biens, y compris la vie conjugale (NB 11,346).

 

446. Tout disposé à mieux faire

Saint Joseph de Copertino. Tout ce qu'il fait dans son travail est pour lui une inspiration : chaque balai qu'il prend en main, chaque poussière qu'il essuie, chaque chaise sur laquelle il est assis, chaque repas qu'il prépare : tout lui fait accompagner la vie du Seigneur dans la prière. Celui qui a perdu un être qu'il aimait beaucoup, le voit partout : c’était son vêtement, ces yeux ressemblent à ses yeux, le même œillet fut un jour à sa boutonnière. Pour Copertino, tout cela n'est pas un souvenir nostalgique, c'est une proximité humblement reconnue : c'est Lui qui est là ! Tout est en Dieu. Il est totalement pénétré de sa propre indignité, mais plus encore de la grâce dans laquelle il avance. Il est content de tout et il est tout disposé à mieux faire. Jamais il ne se compare et il pense qu'un autre lui est préféré (NB 2,156).

 

447. Aimer Dieu : tout faire pour lui

Quand quelqu'un aime beaucoup Dieu, il cherche à tout faire pour lui : dans sa prière, ses occupations, son attitude habituelle (NB 6,385).

 

448. Faire pour Dieu tout ce qui est possible

Bernanos. Parce qu'il aime Dieu réellement et qu'il aime les saints et qu'il aime l'Église, il voudrait faire pour Dieu tout ce qui est en son pouvoir (NB 1/1, 244).

 

449. L’amour du Seigneur et le don de soi

Saint Jean. Chez lui, tout vient de l'amour. Son attitude intérieure ne connaît aucune fluctuation ; elle se tient toujours au centre, dans l'amour. Il aime sans partage d'une manière qui correspond chaque fois à son état intérieur. Depuis son premier appel il avance dans l'amour. Et plus il lui est permis d'aimer, plus il s'ouvre à l'amour. Toujours plus de choses en lui sont illuminées et développées par l'amour de Dieu et ainsi l'amour le dilate toujours davantage. L'amour devient pour lui toujours plus naturel, mais il n'est jamais installé ni routinier, il demeure toujours un don de soi plus total. Il aurait été prêt dès le début pour la vision de l'Apocalypse ; cependant le Seigneur a voulu laisser se développer son amour et sa disponibilité pour arriver à la plénitude de ces visions (NB 1/1, 324).

 

450. L’amour et le don de soi

Marie de Béthanie. Elle apprend l'amour et le don d'elle-même en même temps. Elle sait peu de choses de l'amour de l'homme pour la femme, de la manière dont l'homme la possède. Jusqu'à présent elle savait si peu de choses. Le peu se morcelait dans des détails, dans des actes d'amour isolés. Dans des connaissances isolées. Maintenant il n'y a plus pour elle de détails, il n'y a plus que la totalité de l'amour du Seigneur et de son don d'elle-même à lui (NB 1/2, 41).

 

451. Le circuit de l’amour et le don de soi

Épiphanie. Que les rois viennent pour adorer réjouit Dieu et réjouit la Mère. Ils donnent joyeusement parce qu'ils sont entrés dans le circuit de l'amour où le don de soi et la joie ne font qu'un (NB 10, n. 2269).

 

 

LA CROIX

452. L’amour et la croix

Partout où se trouve de la bonne volonté, un effort vers une vie morale et l’amour, il y a une parcelle de la croix (NB 8, n. 469).

 

453. L’amour dans la patience et la nuit

C'est par l'espérance et la patience qu'est éduqué l'amour qui doit toujours se tenir prêt à agir et à partir. L'amour dans la patience est peut-être ce qui est le plus dur à atteindre. La patience sait ce que c'est que la défaillance, le renoncement et la nuit. Elle supporte tout dans la même attitude de don de soi, ne pose pas de questions, ne s'aigrit pas et développe peu à peu la fidélité. Celui qui a réellement entendu l'appel de Dieu et le suit doit persévérer dans la grâce, apprendre la patience jusqu'à ce qu'il acquière la fidélité (NB 10, n. 2263).

 

454. Amour et renoncement

Si Dieu me demande un sacrifice, je renonce à ce que j’aime par amour pour lui (NB 11,348).

 

455. Le renoncement comme forme de l’amour

Les différentes formes de l'amour ne sont pas en tant que telles des déchets de l'amour ; les formes ne sont pas l'amour lui-même, elles sont la manière dont il s'est offert à moi, et je devrais aimer sous toutes ses formes cet amour qui est au-delà de toutes les formes ; je devrais aussi, si cela plaît à l'amour, accepter une forme à la place d'une autre. S'il l'exige de moi, la forme du renoncement peut être une plus haute preuve d'amour que celle de la jouissance. Qu'une mère refuse à son enfant malade son plat préféré est l'expression d'un amour plus grand même si, pour l'enfant, il est difficile de le comprendre (NB 6,452).

 

456. Exigence de l’amour

Le caractère absolu de l'amour divin est donné à l’Église dans son ministère. Quand cela devient décisif, il n'est question ni de concessions, ni du sens de l'humour, pour trouver la solution convenable (convenable pour qui et pour quoi?), il n'y a que l'épreuve : c'est oui ou non ; l'amour a plus de valeur que sa forme. L'exigence peut être quelque chose de tout à fait inattendu, elle doit même l'être parfois pour faire sauter les liens qu'on a imposés à l'amour par des attentes limitées. Ceci vaut à l'intérieur de l’Église qui semble avoir, par son ministère des formes établies., mais justement ces formes sont là pour permettre à l'Esprit Saint de souffler où il veut (NB 6,452).

 

457. Exécuter dans la joie de l’amour tout ce qui est exigé

Le ministère dans l’Église est appelé à exécuter dans la joie de l'amour tout ce qui est exigé, même ce qui est le plus désagréable. Si l'amour de Dieu lui-même s'abaisse à s'occuper de l'infâme saleté du péché et si, dans le sacrement de la réconciliation, le ministère participe à cette besogne qui consiste à s'occuper des immondices des âmes, comment ne devrais-je pas être reconnaissant qu'il me soit permis en quelque sorte d'avoir une certaine part aux grands travaux de déblaiement de Dieu dans lesquels personne ne peut garder les "mains propres" (NB 6,493-494).

 

SERVICE

458. L’amour en tant que service

Jean a aimé le Seigneur et il a été aimé par lui ; il a ainsi fait l'expérience de l'amour comme vie et il a été totalement dominé par lui. Ce savoir est toujours allé plus loin dans l'acte d'aimer et dans la contemplation de l'amour. En tant que service du Seigneur et service de la vérité chrétienne, son amour est élevé tout autant que stimulé par la Trinité, et il inclut toujours les mystères de Marie. Il est alors évident que son amour pour le Seigneur est toujours également trinitaire et marial (NB 2,63-64).

 

459. Célibat des prêtres et virginité consacrée : formes de l’amour du Seigneur

Célibat des prêtres et virginité des personnes consacrées. La conscience instinctive d'être un homme ou une femme est vivante, mais elle est chaque fois élevée dans la forme plus excellente de l'amour du Seigneur (NB 6,468).

 

460. Les conseils évangéliques

Celui qui se décide à suivre les conseils évangéliques sait bien qu'un jour donné il met fin à sa vie propre régie selon ses lois et ses plans propres. Ce qu'il fait est fait par amour ; mais il n'est pas en mesure de savoir à l’avance l’allure qu’aura le nouvel amour (NB 10, n. 2264).

 

461. Les conseils évangéliques

Les conseils évangéliques sont un absolu. On doit s'orienter en conséquence. Ils ne se laissent pas partager. Ils sont l'expression de l'amour de Dieu et ils ne peuvent se comprendre et se vivre que dans l'amour. Ils sont une réponse de l'amour à Dieu. L'amour du Seigneur répond toujours ; dans les conseils, il nous donne une possibilité d'aller avec notre amour dans l'absolu. Sans doute le suivons-nous toujours en boitant, mais l'amour du Seigneur nous donne dans les conseils une possibilité d'aller avec notre amour dans l'absolu (NB 10, n. 2268).

 

462. Vie selon les conseils évangéliques et amour

Il faut apprendre aux novices, très exactement et avec un amour senti, que toute la vie consacrée dans les conseils évangéliques et sous une règle est un pur don de l'amour de Dieu, auquel la personne qui a été choisie ne peut répondre que par un don d’elle-même aimant. Dans une vie de ce genre, tout ce qui est prescrit par la règle et peut être demandé en vertu de la règle, est l'expression de cet amour qui embrasse tout, également et justement aussi quand l'amour perd le visage de la convivialité familière, communicative et sentie, et prend le visage de la fonction ministérielle (NB 11, 292-293).

 

463. Renoncer au mariage

Celui qui renonce au mariage doit le faire dans la claire conscience de la beauté inouïe du don de Dieu qui réside dans la sexualité ; il doit renoncer parce que c’est si beau et parce qu’il est reconnaissant de pouvoir offrir à Dieu quelque chose de si beau (Sur 1 Jn 2,15).
 

464. Quitter ce monde

Saint Meinrad a quitté ce monde par amour pour le Seigneur (NB 1/1, 278).

 

465. La vie consacrée

Le renoncement dans la vie consacrée est une kénose à la suite du Fils. On pourrait dire qu'il est fou d'abandonner les biens qu'on a et d'aspirer à ne rien avoir. Le Fils aussi a un chez-soi légitime auprès du Père, et tous les biens qu'on peut avoir en tant que Dieu. Pourquoi doit-il les abandonner ? Et pourquoi dois-je renoncer au compte en banque que j'ai à juste titre ? Pourquoi dois-je renoncer à un mariage heureux si je suis un homme normal créé par Dieu ? Pour le Fils, la réponse est : l'amour du Père ; pour ceux qui le suivent : l'amour du Fils (NB 11,21).

 

466. L’état religieux

Si l'on devait distinguer chez les apôtres le sacerdoce et l'état religieux, il serait clair que Pierre serait l'état sacerdotal hiérarchique, Jean l'état religieux de l'amour (NB 6,489).

 

467. Monachisme

Saint Épiphane de Salamine. Il aime Dieu, il aime le Christ, de tout son cœur. Sa voie est en son fond marquée par l'amour. Le monachisme est pour lui la forme inconditionnelle de l'obéissance à Dieu, une réponse de l'amour à l'amour. Ses idées sur ce sujet sont simples, toutes droites et très belles (NB 1/1, 53-54).

 

468. Les règles des différents ordres et l’amour de Dieu

Les règles des différents ordres posent à la personne les questions auxquelles elle ne peut répondre que par son amour pour Dieu. Qu'une règle insiste sur l'obéissance, une autre sur la louange de Dieu, une autre sur la méditation, ce qui comprend tout est en chacune l'amour de Dieu (NB 10, n. 2260).

 

469. Vœu d’obéissance et amour

On fait vœu d'obéissance pour exprimer à Dieu la volonté qu’on a de lui témoigner son amour par l'obéissance (NB 11,308).

 

470. Les vœux et l’amour

Les vœux sont vides de sens s'ils ne sont pas l'expression de l'amour (NB 4,209).

 

 

4. Prier Dieu avec amour

 

471. Le plus haut amour : l’entretien avec Dieu

Dans sa prière, Henri de Nördlingen demande l'amour absolu dans la claire conscience que le Christ a aimé le monde d'un amour inépuisable, qui donc est capable d'allumer dans les cœurs des hommes un immense amour. Il veut l'amour pour remplir sa mission, l'amour pour susciter en lui un plus grand don de lui-même, l'amour pour montrer aux autres le chemin de l'amour. Son désir, mais aussi son ministère, c'est pour lui de se soucier de tous ceux qui veulent aimer. Partout où Dieu est aimé, il voit l’Église et il voudrait qu'elle se développe, qu'elle se réalise, qu'elle atteigne son plein accomplissement. Pour lui, le plus haut amour, c’est l'entretien avec Dieu (NB 1/1, 101-102).

 

472. Prier en aimant

Monique, la mère de saint Augustin, ne prie que maternellement, qu'en aimant, sans savoir et sans comprendre (NB 4,290).

 

473. Prier et aimer

Il y a les monastères avec leur atmosphère et leur vivante prière ; il y a des sœurs qui prient et qui aiment vraiment, vraiment capables de sacrifices, qui ressentent leur vocation comme un don de Dieu et qui voudraient aider le monde, qui sont prêtes par amour à prendre le fardeau du Seigneur crucifié et à porter tout fardeau qui leur est destiné. Elles ne font pas que chercher, elles trouvent leur place dans l'échange d'amour de Dieu avec leur prière et leur sacrifice (NB 10, n. 2232).

 

474. Prier parce qu’on aime

Celui qui prie par amour ne le fera pas par calcul, c'est pourquoi aussi il ne demandera jamais une expérience mystique ; il prie parce qu'il aime Dieu et qu'il voudrait faire la volonté de Dieu, être auprès de lui. C'est l'amour qui offre à celui qui prie certaines certitudes dans les choses de l'amour (NB 6,63-64).

 

475. Prière et amour

Trouver dans la prière force et amour (NB 9, n. 1453).

 

476. La prière comme démonstration d’amour

Il y a une prière qui est une réponse : prière d'obligation, prière de bienséance, adoration. Mais il y a une prière dont le sens n'est pas d'abord celui d'être exaucé, elle est une démonstration d'amour pour Dieu dont la personne a déjà reçu l'amour (NB 11,423).

 

477. La prière, l’amour et la grâce

Prière de saint Ignace : « Donne-moi ton amour et ta grâce, cela me suffit ». Sans la grâce et l'amour, je ne peux pas vivre pour toi. Ce n'est qu'avec ton amour et ta grâce que je peux rester dans la prière. La grâce et l'amour sont l'expression de ce que Dieu Trinité peut donner à l'homme pour qu'il reste fidèle dans sa prière et pour que celle-ci ne devienne pas une production devant Dieu, quelque chose qui repousse Dieu toujours plus loin, mais quelque chose qui demeure uni à l'Esprit Saint. Rester ainsi dans l'unité de l'Esprit est toute la richesse de l'homme, et la prière est la preuve que l'Esprit de Dieu habite en lui (NB 11,39).

 

478. De l’amour dans une prière à Jésus

Prière d’Adrienne enfant : « Seigneur Jésus, je te remercie pour cette journée. je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi et pour tous ceux que j'aime, et je te demande de permettre que tous ceux que j'aime soient aussi ceux que tu aimes, c'est-à-dire tout le monde. Je te demande de me prendre toujours plus, de m'apprendre à faire ta volonté et à mettre entre tes mains tout ce que je suis et deviendrai » (NB 7,28-29).

 

479. Prière d’amour

Le Père peut changer une prière de souffrance en une prière d'amour et de joie, il peut aussi faire à nouveau d'une prière de joie une prière de détresse et d'une prière à la limite du désespoir une prière de parfaite confiance (NB 6,24).

 

480. Dieu et l’amour dans la prière

Ici (à Saint-Quay, près de la mer), dans la prière, on peut simplement écouter ce que Dieu dit, même si cela ne se laisse revêtir d'aucune parole et qu'il n'y ait que de l'amour qui soit communiqué (NB 10, n. 2203).

 

481. Entretenir l’amour spirituel par la prière

Au mont des oliviers, les disciples auraient dû entretenir l'amour spirituel par la prière au lieu de succomber à la faiblesse de la chair et de dormir (NB 6,469).

 

482. La prière et une atmosphère d’amour 

Sur terre, le chrétien fait l'expérience qu'il y a une atmosphère de prière qui transforme sa vie : tantôt plus difficile peut-être, tantôt plus facile, elle élève toutes choses en tout cas dans une atmosphère d'amour où la vie au fond est rendue possible. Cette atmosphère n'est pas une possibilité parmi d'autres, elle est celle qui rend tout possible, elle n'est pas "quelque chose" qui est digne d'efforts, elle est la base de tout effort. A partir de cette expérience, le chrétien reçoit un accès à ce que peut être le ciel. L'atmosphère du ciel a soufflé sur lui (NB 6,71).

 

483. Des mots d’amour pour recevoir l’Esprit

C'est avec le son des cloches qu'on pourrait comprendre Dieu, pas avec des mots. C'est-à-dire que c’est avec des mots d'amour qu'on reçoit de l'Esprit Saint et de Dieu (NB 4,323).

 

484. La prière et le souffle de l’amour infini

Il y a des prières qui consistent uniquement à se laisser emporter dans l’atmosphère de Dieu. La respiration de l'âme devient différente, on sent passer sur soi le souffle de l'amour infini et on se tient immobile uniquement pour recevoir encore ce souffle (NB 6,102).

 

485. Prier avec amour

Saint Pacôme prie avec amour et plénitude ; il est plein de l'espérance qu'il pourra toujours aimer, que son amour sera fécond, que Dieu se sert réellement de lui. Il emporte les hommes avec lui dans sa prière ; c'est comme s'il ne voulait pas se permettre de se tenir seul devant Dieu. Il emporte toujours les hommes sur qui il a des desseins, mais toujours aussi quelques inconnus. Et alors il demande à Dieu de rendre son amour fécond, et aussi de rendre fécond l'amour de ceux qu'il emporte avec lui, les connus et les inconnus. Quand il emporte des inconnus dans sa prière, il sait qu'ils sont connus de Dieu, que Dieu lui-même les a associés à sa prière. Il emporte des hommes dans sa méditation aussi bien que dans sa prière d'intercession. Quand, dans sa contemplation, il apprend ou voit quelque chose de Dieu, il ne voudrait pas être le seul à apprendre et à voir, c'est pourquoi il emporte des hommes avec lui. Et quand alors, dans le rayonnement de l'amour de Dieu, il se trouve totalement pénétré, animé, réchauffé, capable de plus d'obéissance, il voudrait aussi partager tout cela avec ceux qu'il a emportés dans sa prière pour qu'eux aussi éprouvent la proximité de Dieu et ses effets. (NB 1/1, 268).

 

486. Prier avec beaucoup d’amour

Duns Scot a une prière hésitante mais qui est pleine d'amour, d'un amour lui aussi hésitant, qui craint presque d'être venu à une heure indue. Il a toujours un peu peur d'importuner Dieu. Et pourtant il l'aime et il prie avec beaucoup d'amour. Il prie beaucoup (NB 1/1, 289).

 

487. Infiniment d’amour dans la prière

La prière de la Bienheureuse Marguerite Ebner est très impétueuse mais pieuse. Infiniment d'amour y est contenu, un amour qui est tout à la fois l'amour d'un enfant et l'amour d'un adulte, l'amour de quelqu'un qui ne doute de rien et l'amour de quelqu'un qui a de l'expérience (NB 1/1, 99).

 

488. Une prière pleine d’amour

Saint Martin. Sa prière est bonne et pleine d'amour, il n'a pas besoin de s'introduire dans la prière ni de s'y faire introduire ; toute sa vie est prière. Son travail dans l'Église également est un travail d'amour, d'amour de Dieu et d'amour du prochain (NB 1/1, 271).

 

489. Une prière pleine d’angoisse et pleine d’amour

Saint Léon. Sa prière est pleine d'angoisse et en même temps pleine d'amour. Son amour est grand et magnifique, son angoisse est petite et personnelle (NB 1/1, 273).

 

490. Prier avec un amour débordant

Saint Antoine le Grand prie avec un amour débordant, un amour rare. Un amour qui se transforme pendant qu'il prie, comme si au cours de sa prière cet amour se renouvelait sans cesse, comme si au début de sa prière Antoine était là avec son amour et qu'après il n'y eût plus que Dieu avec ses propres paroles, avec tout ce qui appartient à Dieu, comme si Antoine disparaissait à l'intérieur de sa prière, comme s'il ne restait plus que de l'amour dans l'amour et qu'il n'y eût plus rien qui pût être un obstacle à cet amour (NB 1/1, 269).

 

491. Prier par la nécessité de l’amour

Saint Otton de Bamberg n'a pas le souci anxieux d'obtenir par sa prière un maximum de bénédictions pour lui ; il prie par la nécessité de l'amour (NB 1/1, 69).

 

492. Donner à Dieu dans la prière autant d’amour qu’il est possible

Saint Philippe Neri aime tellement Dieu que c'est pour lui un besoin et une joie de s'expliquer avec lui. Il conçoit son service avec certitude comme un service serein de l'amour. Cela ne l'empêche pas qu'il voit particulièrement chez les autres les difficultés dans l'amour. C'est pourquoi il voudrait ressentir un amour si grand qu'il puisse franchir tout ce qui leur cause des difficultés et les empêche d'aller à Dieu. Il donne à Dieu dans la prière autant d'amour qu'il est possible (NB 1/1, 135-136).

 

493. Des prières dans la foi et dans l’amour

Ce n'est que dans la foi et dans l'amour que nous savons que nos prières et nos actes sont gardés chez Dieu et que chez lui tout a son effet en son lieu et à son heure (NB 6,22).

 

 

494. L’égoïsme dans les relations avec Dieu, dans la prière

L’égoïsme peut se glisser aussi dans la relation avec Dieu. Comme deux égoïstes qui se marient concluent un accord et délimitent leurs sphères, on peut de même conclure avec Dieu un pacte dans la prière. Je fais quelque chose par amour pour lui et il me rendra service, il me protégera, il m'aidera finalement à gagner le ciel. Mais le ciel de Dieu est son échange d'amour et aucun égoïste ne peut y entrer. Il doit d'abord avoir placé son centre en dehors de lui (NB 5,172).

 

 

5. Dieu a besoin d’amour

 

495. Un moine des temps anciens savait que Dieu a besoin d'être aimé par l'homme (NB 5,44).

 

496. Le besoin d’amour que Dieu ressent

Saint Alphonse Rodriguez perçoit le besoin d'amour que ressent Dieu vis-à-vis des hommes, et ses prières sont des réponses aux questions d'amour que Dieu pose (NB 1/1, 151).

 

497. Dieu a besoin d’être aimé

La prière de Madame Guyon se fait toujours plus recueillie. Dieu l'a saisie par un côté singulier en lui révélant le besoin pour lui d'être aimé (NB 1/1, 191).

 

498. L’amour dont Dieu a besoin

Saint Joseph de Copertino. Il voit l'amour de Dieu, le non de l'homme. Il aime et il voudrait aider. Et c'est de sa mission personnelle qui est d'aimer, de sa contribution à l'amour dont Dieu a besoin, que proviennent ses visions et toute sa mystique (NB 2,157).

 

499. Dieu a besoin d’êtres qui ne font que l’attendre

Dieu a besoin d'êtres - et en premier lieu de la Mère du Seigneur - qui, sans questions, sans impatience, uniquement dans la parfaite humilité de l'amour, ne font rien d'autre que l'attendre (NB 6,568).

 

500. Dieu a besoin de plus d’amour

Nous vivons dans l'espérance que notre prière sera reçue dans l'amour, c'est uniquement la foi qui nous en assure. Dieu a besoin de plus d'amour, c'est pourquoi il a besoin aussi de plus de prière. En tant que priants, nous pouvons aider Dieu à trouver ce dont il a besoin (NB 6,22).

 

501. Dieu a besoin de plus d’amour

Dans la prière, Thomas a Kempis apprend toujours plus profondément que Dieu a besoin de plus d'amour (NB 1/1, 109).

 

502. Le Père aimerait recevoir un peu d’amour

La main du Père reste vide, elle qui aurait tant aimé recevoir d'eux un peu d'amour (NB 3,302).

 

503. Dieu avait espéré recevoir de l’amour de la part de sa création (NB 1/2, 243).

 

504. Le Seigneur voulait plus d’amour

Les visions de Marguerite-Marie Alacoque : le Seigneur indique réellement son cœur pour que les hommes se souviennent davantage de son amour. Il voulait plus d'amour. Davantage d'amour divin devrait être implanté en tout amour humain de chrétiens. Un amour plus grand du Fils certes, mais débouchant sur un amour plus grand de Dieu Trinité (NB 1/2, 64).

 

505. Dieu nous permet de l’aimer

L’auteur du « Nuage de l’inconnaissance ». Chacune de ses prières se termine au fond par un merci. Pour le fait qu'on a le droit de prier, que Dieu ne nous repousse pas, mais qu'il nous prend avec lui dans le combat, et que Dieu nous permet de l'aimer, de l'acclamer (NB 1/1, 118).

 

 

6. Aimer la Trinité

 

506. La Trinité et l’amour

Dieu Trinité accorde aux hommes un pressentiment de sa Trinité et un amour pour elle. Ce que les hommes peuvent entreprendre pour s'approcher de ce mystère finit toujours dans l'amour. Par amour, ils ont le droit de poser des questions, de chercher, de regarder ; par amour, Dieu leur donnera certaines réponses ; en dehors de l'amour, il n'y a pas de réponse, et la recherche n'est pas permise (NB 3, 383-384).

 

507. La prière et l’amour trinitaire

Lorsque nous sommes vrais et simples dans notre prière au Seigneur, la Trinité tout entière complète cette prière, et la réponse nous vient de l'unité de Dieu, de la plénitude de l'amour trinitaire. Cela nous encourage à ne pas négliger, dans notre prière, cette plénitude divine. Parce que Dieu est un par nature, aucune personne divine ne peut rester en retrait. La participation de la Trinité à toutes les œuvres de Dieu est si régulière qu'il nous est permis de nous savoir toujours enveloppés du mystère des trois personnes (NB5,175-176).

 

508. Aimer le Père, le Fils et l’Esprit

Saint Jean Bosco vit de quelques images tirées de l’Évangile et il admire le Père, le Fils et l'Esprit ; il les aime, il leur apporte tout et il prend tout sur lui par amour et surtout par admiration. Il ne lui est pas tout à fait facile d'introduire les autres dans le monde de sa prière. Il lui manque du recul. Il ne désire rien d'autre pour lui que de pouvoir aimer et admirer ; et sa joie enfantine, c'est que ce soit permis à lui-même et aux autres (NB 1/1, 210).

 

509. Aimer l’Esprit, le Fils, le Père

Prière de saint Ambroise : « Père, reçois cette prière imparfaite ! Écoute-la, je voudrais l'avoir dite dans l'Esprit de ton Fils. Tu sais que je l'aime, que j'aime ton Esprit et que, par ton Fils, j'apprends également à t'aimer, toi aussi, toujours davantage. Accorde-moi aussi que quelque chose de cet amour soit contenu dans la prière que ton Fils nous a apprise et, bien que je sois un tel pécheur, laisse-moi prier avec lui : Notre Père... Amen » (NB 1/1, 407).

 

510. Aimer le Fils mais aussi le Père et l’Esprit

Quand nous commençons à comprendre que la foi ne s'épuise jamais dans une reconnaissance théorique, mais qu'elle n'est viable qu'unie à l'amour agissant, alors il devient clair pour nous que les mystères trinitaires que nous confessons dans la foi doivent se répercuter dans notre amour. Un amour qui voudrait ne s'occuper que du Fils n'irait pas dans son sens, étant donné qu'il voulait être porte et non but, passage vers le Père et l'Esprit aussi bien que vers les hommes qu'il a aimés jusqu'à la mort. La communion la plus intime est la communion trinitaire en Dieu ; ce serait contraire au sens de l'amour lui-même que d'opérer ici un choix (NB 6,112-113).

 

511. Aimer aussi le Père et l’Esprit

Le Fils est ici-bas l'envoyé de Dieu Trinité. Avec son amour, il apporte aussi celui du Père et de l'Esprit, et il le partage également à ceux qui croient en lui de sorte que non seulement ils sont rendus capables, par le Fils, d'aimer avec lui le Père et l'Esprit, mais que le Père et l'Esprit leur donnent, dans l'amour du Fils, leur propre amour. Il y a donc dans notre amour du prochain non seulement quelque chose du Fils mais aussi quelque chose du Père et de l'Esprit. Ce qui est de l'Esprit dans notre amour, c'est notre volonté que notre prochain soit inclus dans la foi de l’Église, dans le baptême, dans cette norme que l'Esprit a façonnée pour tous les temps : la vie du Seigneur (NB 6,114).

 

7. Aimer le Fils

 

512. L’amour dans l’évangile de Jean

En relisant son évangile, Jean découvre que ce n'est que par l'inspiration que tout l'amour du Seigneur lui a été dévoilé. Il est le disciple bien-aimé qui en sait beaucoup plus que les autres au sujet de l'amour, et pourtant, quand il met son évangile par écrit, son intelligence est élargie à nouveau par le souffle de l'Esprit. Son amour personnel reçoit un caractère ecclésial, il est exproprié afin devenir pour tous l'exemple de l'amour. C'est comme avec des yeux neufs qu'il découvre partout entre les lignes que l'amour est toujours plus grand. Par ce qu'il exprime lui-même, il est impliqué dans un message qui dépasse de beaucoup son horizon (NB 6,457).

 

513. Jean : aimer le Seigneur et être aimé par lui

Toute la "mystique" de Jean consiste pour lui à aimer le Seigneur et à être aimé par lui. C'est en partant de cet amour qu'il apprend les mystères du Seigneur et les transmet avec une spontanéité incessante. Humainement parlant, il peut faire exactement ce qu'il aime le plus : vivre de l'amour réciproque entre le Seigneur et lui, et s'occuper uniquement de cela. Il doit annoncer le Seigneur, mais comme il le comprend par l'amour ; l'Apocalypse aussi peut être comprise totalement comme une expression de cet amour réciproque. L'amour détermine son travail, ce qu'il met par écrit, ses relations avec les hommes, sa prédication, et absolument toute sa prière et toute sa réflexion. L'amour du Seigneur est en même temps pour lui le grand mystère de l'incarnation de Dieu : c'est par amour que Dieu s'est fait si proche de nous les hommes. C'est le "dogme" dont on peut voir le contenu dans l'amitié de Jésus avec Jean (NB 2,162).

 

514. Jean et le Seigneur

Jean était le disciple bien-aimé, l'amour réciproque entre le Seigneur et lui a marqué sa vie (NB 10, n. 2233).

 

515. Jean se sait aimé

Quand Jean, lors de la Cène, pose la tête sur la poitrine du Seigneur, il l'aime du pur amour d'un saint et il se sait aimé d'un amour divin (NB 10, n. 2321).

 

516. Le Seigneur aime Jean

Le Seigneur aime Jean et voit la beauté de son amour, de son don de lui-même, de son amitié (NB 3,283).

 

517. Jean : son amour d’amitié pour le Seigneur (NB 9, n. 1337).

 

518. Jean reçoit l’amour du Seigneur

Jean trouve son inspiration sur la poitrine du Seigneur en quelque sorte. Il reçoit dans l'amour direct ce que le Seigneur lui communique aussi sans paroles. Quand l'amoureux appuie sa tête sur la poitrine de l'être qu'il aime, il ne sent pas seulement un amour qu'il a déjà connu, une profusion de sentiments et d'idées nouveaux le submerge, et peut-être devine-t-il et sent-il les sentiments les plus intimes de l'être aimé. Pendant que Jean pose la tête sur la poitrine du Seigneur, celui-ci est rempli de la pensée de la grandeur du Père ; quelque chose en déborde sur Jean, il en est inspiré. Il voit quelque chose qui doit absolument être juste parce que c'est l'amour du Seigneur qui le lui donne maintenant. Cela ne change rien à l'affaire qu'il mette son évangile par écrit beaucoup plus tard, car le Seigneur a emporté Jean dans une certaine intemporalité et il pense toujours à la grandeur du Père, cinquante ans plus tard encore. Chez Jean, la plénitude de l'instant de l'inspiration est si grande qu'elle déborde sur tous les temps et qu'il peut toujours remonter à son origine : il "a vu et entendu et touché le Verbe de vie". Ce qui finalement est mis par écrit est une petite partie de ce qui lui a été inspiré. "Tous les livres du monde ne le contiendraient pas". Sur la poitrine du Seigneur, Jean se consacre à l'amour du Seigneur. Il ne veut pas profiter, il n'accapare pas, il ne cherche pas à saisir l'inspiration. Il prend ce qui lui est donné et il se laisse submerger par l'amour, et l'amour peut prendre la forme de l'inspiration. Jean a ici quelque chose de féminin : c'est du Seigneur qu'il attend d'être totalement comblé sans jamais revendiquer quoi que ce soit (NB 6,459-460).

 

519. Jean brûle dans l’amour

Jean, qui brûle tout entier dans l'amour, est tellement voilé à ses propres yeux qu'il ne court pas le danger de se regarder lui-même (NB 11,429).

 

520. Aimer d’amitié le Seigneur

Jean. Parce qu'il aime, parce qu'il aime d'amitié son Seigneur et Dieu, il sait que chaque parole qu'il lui dit doit être une parole d'amour. Pour lui, cela va de soi, comme il va de soi entre ceux qui s'aiment qu'ils se disent des paroles d'amour. Le tout provient du fait qu'il sait que le Seigneur l'aime ; le Seigneur est son ami et il reçoit en retour l'amour du disciple. De là résulte comme un éclatement : toute parole que Dieu dit est une parole d'amour divin parce que le Fils est Dieu. Chaque parole du Christ est une parole d'amour (NB 1/2, 44).

 

521. L’amour du Fils devenu homme

Jean connaît l’amour du Fils devenu homme, son amitié (NB 1/2, 31).

 

522. L’angoisse de l’amour

Jean a l'angoisse de l'amour, il a de l'angoisse pour le Seigneur et il craint de le perdre. Il ferait tout pour sauver l'amour, mais il ne voit pas ce qui peut arriver (NB 1/2, 47).

 

523. Jean et Ignace dans l’amour du Seigneur

Jean se sait totalement transparent pour le Seigneur : celui-ci est l'ami qui sait tout. Saint Ignace, dans son amour pour le Seigneur, dans la connaissance qu'il a de lui, a davantage de distance. Jean pose sa tête sur la poitrine du Seigneur, Ignace s'agenouille devant lui (NB 10, 2324).

 

524. Aimer le Seigneur comme un ami

Jean l’apôtre prie de telle manière qu'en chaque mot et en chaque aspect de sa prière le Seigneur se trouve toujours au centre, le Seigneur qu'il aime comme un ami et qui est Dieu. C'est de cet amour qu'il vit et il attiré par lui dans l'amour de Dieu, et son amour se transforme. Chaque fois qu'il se met à prier, il voudrait adorer, remercier, présenter sa requête ; il s'abandonne, il s'offre, il se livre totalement. Cependant dès qu'il commence, il est tellement saisi par l'amour de Dieu qu'il n'a plus besoin de rien faire : il est accueilli, son offrande est acceptée par le Seigneur, son sacrifice est agréé. Il n'a plus besoin de faire d'effort, de vouloir quelque chose : la volonté de Dieu et son amour sont totalement en lui. Tout n'est plus qu'amour, unité, grâce. Et, pour lui, c'est comme si Dieu avait justement besoin de cette prière, comme si le Fils l'avait attendue pour remplir les autres d'amour, pour répandre chez les autres le don total de sa grâce. Il n'est jamais plus heureux que dans cette prière puisque, par la grâce, lui-même est distribué également à tous ceux qui attendent cette grâce (NB 1/1, 257).

 

525. L’amour de Jean pour le Seigneur

Jean repose sur la poitrine du Seigneur. Il donne au Seigneur le lait de son amour de croyant. La réponse du Seigneur est la surabondance de son amour divin. Le Seigneur voit en Jean ce qu'un homme est capable de donner à Dieu : un champ où l'amour divin peut porter du fruit. Et ce champ était si ouvert parce que l'amour divin était devenu homme dans le Fils et que Jean a pu recevoir l'amour divin dans l'amour humain du Seigneur. Le Seigneur a vu en Jean l’œuvre de la rédemption ; ce fut très bon pour lui (NB 5,267).

 

526. Jean et l’amour du Seigneur

Jean a compris l’amour comme une orientation définitive vers le Seigneur et vers sa Mère, il a toujours vu aussi dans le Fils la Mère et toujours aussi dans la Mère le Fils (NB 9, n. 1410).

 

527. Jean est l’amour humain que le Père a offert au Fils

Jean est l’amour. Sa relation au Seigneur, leur amour réciproque, c’est si unique et si beau que toutes les paroles qu’on pourrait utiliser ici ne seraient pas à la hauteur et sonneraient faux. C’est la relation la plus pure entre maître et disciple, entre un homme et un jeune homme, un amour en quelque sorte tendre, passionné, mais aussi encore héroïque. Au fond, Jean ne comprend pas non plus le Seigneur, mais il l’aime par-dessus tout et il ne veut rien comprendre dans l’amour ; si le Seigneur le fait, c’est bien. Il irait dans le feu pour le Seigneur. Il est l’amour humain que le Père a offert au Fils dans le monde, un pur cadeau. Quelque chose de gratuit. Un point lumineux dans les ténèbres. L’évangile de Jean est surtout le résultat d’une contemplation aimante du Seigneur (NB 8, n. 806).

 

528. Le fanatique de l’amour

On pourrait caractériser chaque saint par un attribut extrême, par exemple Jean comme le fanatique de l'amour (NB 4,397).

 

529. Jean est l’amour

Jean est l‘amour et la parfaite virginité. Par son attachement d’amour au Seigneur, Jean est préservé de toute tentation. Il est au-delà de la sexualité, non qu’il serait efféminé, mais son amour répand simplement ses rayons sur toute la sphère érotique. Sa pureté vit totalement de la grâce et dans la grâce (NB 9, n. 1100).

 

530. Jean et son évangile

Dans l’évangile, le Seigneur est expérimenté à travers l’amour de Jean (NB 9, n. 1340).

 

531. L’amour de Jean pour Jésus

Chez Jean, la contemplation occupe beaucoup plus de place que chez Paul, parce qu'il est le disciple que Jésus aime et qui lui-même aime. On le comprend surtout à partir de ce qu'il ne dit pas. Sans doute est-il souvent question d'amour dans ses lettres mais, dans l'évangile, il ne mentionne son amour pour le Seigneur que tardivement et comme accessoirement. Il est celui qui à la dernière Cène repose sur la poitrine du Seigneur ; cela aussi reste une brève mention : cela ne fait que signaler quelque chose qui est d'habitude passé sous silence (NB 5,33).

 

532. Un amour pour le Seigneur qui n’a pas été à la hauteur

Saint Pierre. Quand le coq chante pour la troisième fois, Pierre s'aperçoit que son amour n'a pas été à la hauteur. Sa prière est vite décrite : "Seigneur, tu sais que je t'aime". C'est là au fond toute sa prière. Il a certes aussi le "Notre Père" que le Seigneur lui a donné, il a une attitude de prière. Il sait qu'un jour il a cru qu'il aimait et il n'en était rien. Il pressent aussi ce que le Seigneur a dû prendre sur lui pour que son amour soit vrai (NB 1/1, 322).

 

533. L’attitude de celui qui aime le Seigneur et qui sert

Jacques, fils de Zébédée. Il vit dans l'ombre de Jean. Il est très humble mais aussi très aimant. Il n'est pas capable en quelque sorte de se distinguer et de jouer un grand rôle. Et pourtant il doit absolument être là. Il est comme une condition de l'existence de Jean. Lui-même ne le sait pas, il n'y pense pas et il ne l'exprime pas, mais il vit dans l'attitude de celui qui aime et qui sert. Il aime le Seigneur et il lui a voué sa vie, mais à l'ombre de son frère (NB 1/1, 323).

 

534. Un amour touchant pour le Seigneur

Saint Matthias. Il a un amour touchant pour le Seigneur. L'idée qu'il se fait de la grandeur de Dieu est infinie. Il est comme un petit enfant qui a peur de faire un faux pas, qui flaire partout le danger, mais qui est prodigieusement fier de la force de son père à qui il donne la main et qui peut le tenir. Son amour est tout différent de celui de Jean ; il n'a pas les yeux dans les yeux du Seigneur, il le regarde tout à fait de bas en haut. Il n'oserait pas appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur ; cela, tout le monde n'a pas le droit de le faire. Il est content s'il lui est permis de faire ce qui est le plus bas. Quoi d'autre entrerait pour lui en ligne de compte ? (NB 1/1, 347).

 

535. Marie de Béthanie devant Jésus : comme une femme à qui son mari montre son amour

Marie de Béthanie est devant Jésus comme une femme à qui son mari montre son amour et qui dit oui à chaque parole d'amour, à chaque signe d'amour (NB 1/2,41).

 

536. Embrasés de l’amour du Christ

Rupert de Deutz s'emploie à écrire sur Dieu Trinité, sur le Christ, sur l’Église, de telle sorte que les cœurs de ceux qui seront ainsi contactés soient embrasés de l'amour du Christ (NB 1/1, 70).

 

537. Un amour personnel pour le Seigneur

Sainte Claire a appris de saint François à comprendre la prière, c’est pour cela que son amour pour le Seigneur devient un amour vraiment personnel. Sa prière a à peu près la même naïveté que les expressions amoureuses d'une jeune fille qui connaît l’amour pour la première fois. Elle est pleine de trouvailles. Elle introduit ses sœurs dans sa manière de prier. Elle leur décrit le Seigneur de manière si réelle, avec un amour si senti, que les autres apprennent par cet amour à voir et à aimer le Seigneur (NB 1/1, 84-85).

 

538. Il cherche à aimer et à faire aimer

Saint Pie X cherche partout la présence du Seigneur. Depuis toujours il était pénétré par l'actualité absolue de la présence eucharistique. Mais maintenant cette réalité est devenue pour lui quelque chose de si actuel, de si actif, de si immergé dans sa mission qu'il en devient son apôtre. Il cherche à tout intégrer dans cette pensée, il cherche à aimer et à faire aimer ; il ne conçoit pas la force de l'amour dans le sens de saint Jean qui suit le Seigneur personnellement et en l'aimant ; il la conçoit dans le sens d'une participation de grâce à ce qui est le plus élevé ; il voit l'amour descendre d'en haut dans un courant vivant auquel il lui est permis d'avoir part et il doit aussi donner aux autres d'y avoir part. Finalement, il en arrive à ne plus sortir de l'attitude de prière, il en arrive à vivre en elle comme le Seigneur désire qu'il y vive. Ici il occupe, sans l'avoir cherché consciemment, la place d'un Jean qui est l'ami et qui est aimé. Il est donc quelqu'un qui réalise en lui l'amour du Seigneur et l'éprouve de manière vivante (NB 1/1, 218).

 

539. L’Esprit nous fait aimer le Fils

L'Esprit que le Père nous envoie à nous pécheurs crée une sorte de facilité pour commencer à aimer le Fils (NB 6,85).

 

540. Un amour pour le Fils

Le rôle de l'Esprit chez les hommes est varié pour la raison aussi que tous ne lui demandent pas également autant. Il y a des saints chez qui l'Esprit développe surtout l'amour pour le Fils (la petite Thérèse), d'autres à qui il inspire des points de vue et des œuvres spirituels (Ignace) (NB 6,93).

 

541. Essayer d’aimer le Fils

En 1917, à l’époque où Adrienne eut une première vision de la Vierge, elle s'employait intensément à essayer d'aimer réellement le Fils pour plaire au Père (NB 5,162).

 

542. Aimer le Fils

Parce que l'Esprit n'est pas devenu homme, notre rencontre avec lui n'a pas une forme qu'on peut retenir. L'amour du Fils est tel que nous devons rencontrer cet amour et, à partir de cet amour, rencontrer sa personne (NB 6,465).

 

543. Aimer le Seigneur comme il veut être aimé

Si j'aime le Seigneur, il ne me reste rien d'autre à faire qu'à l'aimer comme il veut être aimé. Parce qu'il exige tout, qu'il en demande même trop à la seule nature, il montre aussitôt comment il aime lui-même et comment doit être l'homme qui veut vivre dans son amour. Le Seigneur ne connaît aucune espèce de compromis avec le pécheur et il n'y a pas avec lui de relations limitées. L'homme doit le choisir une fois pour toutes, lui, le Seigneur, tel qu'il est, qu'il change ou non, qu'il porte encore ou non le visage que l'on connaît en ce monde. Le Seigneur ne s'engage pas dans une amourette qui n'engage à rien ; on ne peut pas aimer ses fêtes, mais non son quotidien et sa croix ; on ne peut pas l'aimer dans la mesure où il est compréhensible et rompre quand il est incompréhensible (NB 6,362-363).

 

544. Accueillir l’amour du Seigneur

Dans la “lettre à la communauté d’Éphèse” (Apocalypse), le Seigneur attend le repentir et le nouvel accueil de son amour (NB 9, n. 1341).

 

545. Aimer le Seigneur comme un petit enfant

Après une vision du Seigneur au mont des oliviers, Adrienne dit : "Il y a des moments où on aime le Seigneur comme un petit enfant, comme un enfant malade qui va mourir. Et on cherche dans toute la ville ce qu'on pourrait lui apporter comme petite joie. On lui donnerait tout pour le faire sourire encore une fois !" (NB 3,69).

 

546. Amour du Seigneur et transparence

L'amour pour le Seigneur ne peut pas rester sans une ouverture et une transparence (NB 10, n. 2321).

 

547. Ceux qui aiment le Fils sont invités à œuvrer avec lui pour la rédemption

Le Fils a besoin de personnes pour pouvoir accomplir son œuvre de rédemption. Le Fils les invite dans son œuvre de rédemption : ils doivent collaborer. Ce sont ses prêtres, ce sont ceux qui l'aiment, ceux qui l'accompagnent, ceux qui aplanissent ses chemins (NB 4,357).

 

548. La souffrance et l’amour

Paul sait qu'il faut souffrir avec le Christ. Il sait que si la souffrance est le plus grand mystère d'amour du Seigneur, le Seigneur ne veut pas la porter seul, car cela voudrait dire : Votre amour à vous les hommes n'est pas à la hauteur pour moi ! (NB 4,455).

 

549. Amour : souffrir avec le Seigneur

La confiance des chrétiens va vers la croix que le Seigneur a subie pour eux. C'est par la croix d'abord que le Seigneur donne la confiance, puis une nouvelle forme d'amour compatissant qui peut s'accroître jusqu'à souffrir avec lui s'il en a besoin et s'il en dispose ainsi (NB 6,247).

 

550. L’amour et la souffrance offerte

Tant qu'il y a du péché, il doit y avoir de la souffrance comme contrepoids. Il y a là un mystère important de l'amour. Le Seigneur ne fait pas de manières pour chercher en moi ce dont il a besoin. L'amoureux se réjouit si l'aimé se sent à l'aise chez lui, ouvre ses tiroirs, "vole" ses timbres : c'est un signe qu'est abolie la distance du domaine privé. C'est ainsi que le Seigneur va chercher la souffrance là où il suppose que la distance n'existe pas. C'est pour la personne concernée quelque chose qui la comble de bonheur, car c'est un signe de son amour (NB 10, n. 2062).

 

551. L’amour du Seigneur et les choses difficiles

Une mère qui chaque jour doit préparer pour son enfant une bouillie compliquée et laver une quantité de langes ne va jamais la trouver mauvaise, justement parce que c'est son enfant. Elle ne va pas un beau jour tout envoyer promener et partir en voyage. Elle est heureuse d'avoir un enfant. Si on comprend vraiment le Seigneur et son amour, on ne se laissera jamais énerver (par des choses dures à avaler). Ce qui me déplaît n'a pas d'importance (NB 10, n. 2118).

 

552. Les renoncements : signes de l’amour

Nous nous garderons de faire toute une histoire de nos petits renoncements et de les mettre en rapport direct avec la souffrance du Seigneur sur la croix. Ils sont tout au plus un signe, un symbole, de notre amour pour le Seigneur (NB 11,412).

 

553. L’amour de l’Église pour le Seigneur

Là où l’Église est totalement livrée et pure et totalement prise par le Seigneur, elle devient assez forte pour accepter les humiliations les plus profondes et à voir en elles le couronnement de son amour pour le Seigneur (NB 1/2, 104).

 

554. L’Église appelle l’amour de l’Époux

L’Église en tant qu’épouse appelle de tous ses vœux l'amour de l’Époux, peu importe ce que "fait l'amour", pour lui comme pour elle : qu'il soit douloureux et dérangeant ou réjouissant ou tout en même temps (NB 6,542).

 

555. Unie au Fils

L’Église devrait toujours vivre et aimer unie au Fils (NB 4,429).

 

556. Au ciel, c’est le Fils incarné qui est au centre

Quand on arrive au ciel et qu'on découvre la vie céleste, on voit clairement que c'est le Fils incarné qui est au centre ; c'est à lui que se réfère toute l'atmosphère d'amour (NB 6,571).

 

8. Aimer le Père

 

557. L’amour du Père

Le Christ conduit constamment l’Église à l'amour du Père (NB 6,470).

 

558. Le Père peut être aimé

Pour montrer au Père que le Père peut être plus aimé qu'offensé par les hommes, le Fils a voulu acquérir une expérience du Père totalement humaine, cela veut dire aussi une expérience essentiellement autre que celle du ciel (NB 3,226).

 

559. Des personnes qui aiment le Père

Quand le Fils rencontre Jean et déjà quand il rencontre sa Mère, ils ne sont pas avant tout pour lui des personnes qui l'aiment, mais des personnes qui aiment le Père (NB 3,226).

 

560. L’amour pour le Père

Chaque homme porte en lui une sorte de schéma de la vie trinitaire : sa manière particulière de participer à ce mystère. Chez les uns c’est la vie dans le Fils, chez d’autres l’amour particulier pour le Père, chez d’autres l’intelligence des dons de l’Esprit, mais toujours ce qui est particulier débouche dans le trinitaire qui englobe tout (NB 9, n. 1311).

 

561. Préparer l’homme à rencontrer le Père

Vis-à-vis de lui-même, saint François de Paule est d'une extrême rigueur parce que malgré tout son amour - il peut aimer comme un enfant -, il considère l'expérience de la croix faite par le Fils comme l'expérience la plus essentielle pour la foi dans son ensemble, comme préparation de l'homme à la rencontre avec le Père (NB 1/1, 119).

 

9. Aimer l’Esprit

 

562. Chercher l’Esprit

Sainte Élisabeth de la Trinité. Elle se donne certes dans l'amour à Celui qui est devenu homme, elle veut le servir, souffrir avec lui et porter avec lui le péché du monde. Et pourtant, en lui, elle doit constamment aimer l'Esprit, chercher l'Esprit, pour saisir de l'Esprit tout ce qui est possible (NB 2,137).

 

563. Aimer l’Esprit

Je sais par la foi que tout ce qui dans l'Esprit est ministériel se trouve au service de l'amour. Et même de l'amour pur. Cet amour, ses joies, sa jouissance, je les ai totalement abandonnés à l'Esprit, moi-même, je ne suis qu'à son service. L'amour de l'Esprit est l'unique chose qui est sûre et constante ; je ne vais vers lui que sur son ordre. Mon amour pour l'Esprit, notre amour réciproque ne sont qu'une fonction de l'amour de l'Esprit pour nous, et nous n'avons pas le droit d'oublier le fait qu'ils sont fonction. Tout amour chrétien toi - moi est enchâssé dans l'amour qu'est l'Esprit Saint et réglé par lui (NB 6,451).

 

564. Aimer l’Esprit et lui obéir

Le plus grand amour vis-à-vis de l'Esprit Saint, c'est l'obéissance. Plus on lui obéit, plus on ressent son amour. Il ne nous aimerait pas tant si on ne l'aimait pas lui-même aussi. Si on veut le recevoir comme il se donne lui-même, notre réponse à son amour n'a pas le droit de le fixer sur ce qu'il a en vue. On doit pour ainsi dire lui donner la permission de présumer notre réponse telle qu'il en a besoin. Plus on aime, plus on est aimé de lui, infiniment, parce que son amour est infini. Il peut alors faire de nous ce qu'il veut. Il tient l'âme quand elle sait qu'elle aime, mais aussi quand elle ne le sait pas, et il l'aime, elle et tous les autres, même quand personne ne le sait plus. Sa lumière luit quand notre lumière est obscure (NB 10, n. 2316).

 

565. Le péché contre l’Esprit

Le plus grand péché, c’est celui contre l’Esprit, non contre le Père et le Fils. Comme si l’Esprit était justement si bon pour les pécheurs que le plus grand péché soit commis contre lui, qu’il soit pris comme l’objet du plus grand péché… Il serait moins grave de ne pas aimer Dieu (le Père) et d’outrager le Seigneur que justement l’Esprit (NB 4,60).

 

 

10. Le manque d’amour

 

566. Le manque d’amour pour Dieu

Saint Pierre Damien voit le ministère menacé par le manque d'amour et il remarque dans son entourage beaucoup de choses qui semblent en contradiction flagrante avec ce que Dieu requiert de ses ministres et même de tous (NB 1/1, 67).

 

567. « J’ai trop peu aimé »

Saint François requiert que le pénitent découvre son manque d'amour. Et pas seulement de manière abstraite : j'ai trop peu aimé Dieu (ce que chacun peut et doit toujours dire), mais le manque évident d'amour du prochain qu'il aurait absolument fallu éviter (NB 2,55).

 

568. Pécher par manque d’amour

Celui qui, sur terre, a péché par manque d’amour aura surtout au ciel le souci que les hommes en ce monde ne tombent pas dans cette faute (NB 9, n. 1315).

 

569. L’absence d’amour pour le Seigneur

Adrienne ressent l’absence d’amour du monde et son manque d’intérêt pour le Seigneur (NB 8, n. 787).

 

570. Le plus petit manque d’amour et le meurtre 

C’est parce que le Seigneur est la pureté qu’il souffre tellement de tout péché, même du plus petit. En face de cette pureté, il n'y a pas au fond de gradations. Le "plus petit" manque d'amour et le meurtre se trouvent sur le même plan. Non parce que le manque d'amour conduit logiquement au meurtre, mais parce que les deux fautes sont des souillures (NB 3,376).

 

571. Le manque d’amour

Marie ne voit pas vraiment le péché. Elle ne voit pour ainsi dire que le manque d’amour, le négatif. Elle n’entre pas en contact avec la souillure elle-même. Elle ne gronde pas. Là où elle ne voit qu’une petite étincelle d’amour, elle s’accroche (NB 8, n. 324).

 

572. L’amour du Créateur est dédaigné

Le Seigneur voit les marchands dans le temple, le temple qui devrait être consacré à l'adoration et à la reconnaissance du Père et représenter ici-bas l'esprit du ciel. Ici les hommes devraient remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu. Et ici règne le péché. La prière est évincée, les affaires, l'égoïsme, la ruse et l'escroquerie prennent sa place. Dieu est évincé de sa maison, sa présence est oubliée, son commandement méprisé, son amour de Créateur dédaigné, sa sagesse remplacée par l'astuce des hommes. La colère qui saisit maintenant le Fils est une colère divino-humaine, une colère chrétienne (NB 6,311-312).

 

573. L’amour de Dieu est méprisé

Conscience insupportable que l’amour de Dieu est méprisé (NB 8, n. 290).

 

574. Ne rien vouloir savoir du Christ

Il y a des hommes qui ne veulent rien savoir du Christ et se défendent contre son amour (NB 8, n. 709).

 

575. Ce qui s’oppose à l’amour de Dieu

Tout ce qui s'oppose à l'amour de Dieu doit être supprimé le plus vite possible, dès que cela apparaît (NB 1/2, 211).

 

576. Se révolter contre l’amour

Ce qu'est le péché en vérité : quelque chose qui se révolte contre l'amour trinitaire de Dieu (NB 6,517).

 

577. Ceux qui n’aiment pas le le Bon Dieu

Adrienne à six ans : Il y en a tant qui n’aiment pas le Bon Dieu (NB 7,94).

 

578. Le péché : ne pas aimer

Sainte Marie-Madeleine de Pazzi sait que le péché originel est par exemple la possibilité de ne pas aimer ou la possibilité de ne pas entendre la voix du Seigneur (NB 4,289).

 

579. Se trouver à côté de l’amour

Plus les âmes connaissent déjà l'amour et plus elles l'ont éprouvé, plus elles sont attendues par l'amour du Fils ; plus elles sont infatuées d'elles-mêmes, voulant estimer toutes choses selon leur propre mesure morale, plus elles se trouvent à côté de l'amour (NB 3,93).

 

580. Se fermer à l’amour de Dieu

Il y a des âmes qui se ferment à l'amour, elles doivent être forcées comme à la dynamite. Est-ce que Dieu le fait? Ce ne sont pas les pécheurs ignorants, les païens, mais ceux qui tout en connaissant l'amour de Dieu ont refusé la grâce (NB 3,46-47).

 

581. Ceux qui n’accueillent pas l’amour du Seigneur

Il y a une région du purgatoire où les âmes refusent encore d'entrer dans la flamme de l'amour purifiant, où l'amour du Seigneur n'est pas reçu, où l'amour du Seigneur est offert mais n'est pas reçu. C'est pourquoi l’Église sur terre, qui vit dans l'amour, dont l'amour n'est pas lié, doit prier d'autant plus avec la Mère du Seigneur pour ceux qui n'accueillent pas encore l'amour du Seigneur, qui lient son amour ; le Père fera que ces prières deviennent efficaces. Pour les croyants sur terre, le fleuve de la grâce n'est pas coupé, ils ont un accès immédiat à l'amour du Père. Ils interviennent avec leur prière pour le salut du monde (NB 3,95-96).

 

582. Le suicide comme manque absolu d'amour et de confiance : désespérer de Dieu (NB 6,61).

 

583. Refuser l’amour

Saint Ignace vit tellement dans l'amour que tout ce qui n'est pas au service de l'amour lui apparaît comme une désobéissance. Il n'est pas le jeune homme riche, il est quelqu'un qui est consumé par l'amour. Il ne veut pas qu'on serve Dieu avec du deuxième choix, il veut qu'on lui présente ce qu'il y a de meilleur. Il ne veut pas qu'on se serve de deux sortes de mesures. C'est pourquoi tout refus de l'amour lui semble coupable (NB 11,255).

 

584. Refuser d’aimer le Seigneur

Depuis la confession, nous avons refusé de suivre le Seigneur, nous avons refusé de l'aimer en cherchant toujours notre bien et non le sien. Nous n'avons fait que mettre des obstacles sur son chemin. Nous l'avons laissé porter nos péchés sur la croix sans avoir jamais convenu que c'était les nôtres (NB 4,254).

 

585. Le refus de l’amour

Un père perd son enfant ; il peut porter cette souffrance à la lumière de la croix du Christ ou se faire lui-même la mesure des choses et ainsi se faire également la mesure du malheur qu'il a à assumer ; finalement il peut refuser d'assumer toute croix; c'est ce qu'il fait quand il refuse l'amour (NB 4,418).

 

586. Refuser l’amour de Dieu

Pour celui qui s’est détourné de Dieu, qui ne veut pas être sauvé, qui refuse l’amour, le Père sait quel mélange de justice et d’amour du Fils est nécessaire pour cette âme (NB 9, n. 1633).

 

587. Le refus

Le péché est la conséquence du fait que dans l'amour doit régner la liberté et donc que le refus soit possible (NB 3,106).

 

588. Le péché premier: la décision de ne pas aimer (NB 4,418).

 

589. L’amour du Christ et la haine du monde

"La lumière brille dans les ténèbres". Lumière et ténèbres comme amour et haine. L’amour du Christ rencontre la haine du monde. C’est toujours du Seigneur sur la croix dont il est question. La haine est triple : 1. L’amour n’est pas reçu parce que la haine hait, se plaît trop en elle-même et ne veut pas se laisser secouer ; 2. Parce que la haine ne voit pas la lumière, ne se connaît pas elle-même comme haine, mais serait étonnée si on lui montrait que ce qu’elle considère comme amour est en vérité haine, et ce qu’elle tient pour vie est en vérité mort ; 3. Parce que la haine n’offre plus aucune prise à l’amour, mais est de tous côtés et totalement haine qui n’est pas éclairée et atteinte par Dieu, haine amorphe (NB 9, n. 1110).

 

590. Péchés contre l’amour du Christ

La plaie du côté du Christ expie les péchés contre le Fils et son amour (NB 9, n. 1107).

 

591. Péché et amour

Le péché a une vitalité qui est à l'opposé de la vitalité de l'amour (NB 6,290).

 

592. Amour de nous-mêmes et péché

Notre amour de nous-mêmes est atteint de toutes les maladies du péché (NB 9, n. 1997).

 

593. Le contraste entre l’amour et le péché

Savoir qu’on ne cesse de reprendre ce qu’on a offert, qu’on laisse le Seigneur en plan alors que son amour est si infini, qu’il le sait d’avance et que malgré cela il est toujours et éternellement pour nous amour et rien qu’amour ; c’est cela le plus amer. Uniquement ce contraste entre l’amour et le péché (NB 8, n. 290).

 

594. Péché et amour de Dieu

Le pécheur pardonné qui serait véritablement ébloui par la grâce ne lorgnerait plus vers son propre moi qu'il a perdu, il ne ferait plus état de ses vieux critères, il resterait dans l'état d'ouverture et d'amour de Dieu (NB 6,521).

 

595. On n’a pas le droit de pécher

Si la grâce nous porte, on sait qu’on n’a pas le droit de pécher et qu’on doit aimer Dieu (NB 8, n. 609).

 

596. Le péché : absence d’amour

Le péché originel au paradis se fit à deux. Il y a une communion dans le péché. Cette communion durable aurait pu conduire l'homme à retrouver l'amour de Dieu. Car il y avait toujours ici un point de départ pour l'amour et par là pour le retour à Dieu. Mais le péché, comme absence d'amour, s'interposa comme un obstacle et détruisit aussi l'authenticité de la communion (NB 3,86).

 

597. Le péché : une insulte à l’amour

Marie n'a toujours vu les péchés que dans la lumière de la grâce, même si elle comprenait bien leur horreur, comme insulte à l'amour (NB 3,316).

 

598. Seul l’amour comprend le péché

Je ne peux comprendre mes péchés que dans la mesure où j'ai l'amour, et l'amour éveille aussitôt en moi l'espérance : si le Seigneur prend sur lui mon péché, je deviens alors un autre (NB 4,460).

 

599. Reconnaître le péché

Beaucoup de péchés sont difficiles à reconnaître si on n’a pas d’amour (NB 4,56).

 

600. Le pécheur élimine l’amour

Le pécheur préfère le péché ; dans la foi, il élimine l'amour (NB 6,36).

 

601. Haïr le péché

Plus ils auraient aimé, plus ils auraient haï le péché (NB 4,17).

 

602. Tout péché est contre l’amour

Le pécheur abandonnera son péché quand l'impulsion de l'Esprit sera en lui plus puissante que l'impulsion du péché. Une impulsion à l'amour est nécessaire en l'homme pour que la force de l'amour divin dans le Fils puisse l'emporter sur celle du péché. Tout péché est contre l'amour ; quand l'homme s'en aperçoit et qu'en même temps il veut l'amour, il peut être libéré du mal. C'est l'Esprit qui crée en lui cette impulsion (NB 6,85-86).

 

603. Le péché et la lumière de l’amour

Quand l'homme renonce au péché uniquement parce qu'il ne l'attire plus, ce n'est pas un renoncement qui intéresse Dieu, car l'homme pourrait s'intéresser à nouveau au péché si l'occasion s'en présentait. C'est ce qu’il y a de ténébreux en lui qui doit être vaincu par une lumière plus grande : par l'amour du Fils et de l'Esprit (NB 6,87).

 

604. Amour et péché

L'impossibilité d'aimer est comme l’expression du péché originel (NB 4,297).

 

605. Aimer les pécheurs

On doit d'autant plus aimer les pécheurs qu'on voit clairement leur péché, embrasser chacun avec humilité (NB 4,323).

 

606. Le péché : oublier d’aimer

Le péché : j'ai oublié d'aimer ; pendant de longs moments je n'ai pas pensé à Dieu et pas du tout au prochain. C'est ça le péché (NB 4,365).

 

607. Le péché de Madeleine

Madeleine. Son péché n’était pas un péché absolu, car elle a péché à l’intérieur de l’amour (NB 4,57).

 

608. Le péché et le besoin d’amour

Pour que le péché devienne insupportable à l'homme, l’homme a besoin de l’Esprit, il doit reconnaître qu'il a besoin d'amour pour vaincre le péché (NB 6,90).

 

609. Sans amour, il n'y a que pharisaïsme (NB 3,98).

 

610. Le purgatoire et l’absence d’amour

Le purgatoire doit venir à bout de l'absence d'amour ; c'est pourquoi, au début, de rigoureuses limites sont tracées entre le purgatoire et le ciel. Mais plus l'amour s'impose lors de la purification, plus imprécises se font les limites (NB 6,64).

 

611. Le purgatoire : je n’ai pas aimé le Christ

Le purgatoire commence comme ceci : on est placé sous la croix et ce qu’on a fait dans la vie ou ce qu’on a négligé, on doit apprendre à le connaître du plus profond du cœur. Toute la vie est placée sous une unique formule, par exemple : “Je n’ai pas aimé le Christ”. Tout le reste n’existe plus. Puis cette parole commence lentement à se marquer dans l’âme comme un fer rouge (NB 8, n. 1040).

 

612. Le purgatoire pour prendre le chemin de l’amour

Au purgatoire, il y a une souffrance totalement solitaire, inexorable, même si Dieu la façonne aussi courte que possible, et la prière de l’Église peut toujours venir là en aide. Souvent ce qui dure le plus longtemps, c’est que l’âme comprenne qu’elle doit aller dans le feu, que tout ce qu’elle a fait était faux et à côté de la question, qu’elle doit prendre un tout autre chemin, le chemin de l’amour. Beaucoup comprennent cela tout de suite, d’autres seulement après un temps qui paraît infiniment long. Une fois qu’ils se sont livrés aux flammes, les choses avancent sûrement et rapidement (NB 9, n. 1196).

 

613. Au purgatoire, obligation de s’offrir totalement à l’amour

Au purgatoire, aucun coin de l'âme n'a le droit de se soustraire à la justice (du Père) et aucun à l'amour (du Fils). L'âme doit s'offrir tout entière à la justice et tout entière à l'amour. Il faut qu’elle devienne accessible de tous les côtés à l'ensemble formé par la justice et par l'amour (NB 3,93-94).

 

614. Au purgatoire, le Seigneur exige l’amour

Au purgatoire, c’est le Seigneur tout entier qui châtie avec son châtiment entier et exige l'amour tout entier (NB 6,363).

 

615. Au purgatoire, reconnaître que j’ai offensé l’amour

Au purgatoire, je dois m'immerger totalement dans le Seigneur pour arriver peu à peu à comprendre à quel point j'ai offensé l'amour, c'est-à-dire le Seigneur (NB 6,350).

 

616. Purgatoire : conversion à l’amour

Au bout du chemin du purgatoire, se trouve pour le pécheur la conversion à l'amour (NB 6,372).

 

617. Le purgatoire : pour rendre l’homme capable de l’amour céleste

Le purgatoire est fait pour changer l'homme et le rendre capable de l'amour céleste (NB 6,338).

 

618. Le purgatoire : pour apprendre à connaître l’amour de Dieu

Au purgatoire, l’âme comprend à la fin que l’opération par laquelle elle est passée l'a libérée de son égoïsme et lui a donné un amour désintéressé qui est prêt à souffrir pour les autres. Pendant l'opération, l'amour du Seigneur semble inquiétant pour le patient. Quand une femme est en train d'accoucher, les témoignages d'amour de son mari lui semblent déplacés. Mais l'âme doit apprendre par sa souffrance à ne pas s'occuper que d'elle-même, mais au contraire, par la souffrance elle-même, apprendre à connaître l'amour de Dieu (NB 6,341).

 

619. Purgatoire : acte d’amour du Seigneur

Parce que le purgatoire est un acte d'amour du Seigneur, le pénitent est considéré depuis toujours comme quelqu'un qui est aimé et c'est pourquoi aussi il est considéré comme quelqu'un qui aime (NB 6,341).

 

620. En enfer, il n’y a pas d’amour (NB 9, n. 1359).

 

621. La vie en enfer est sans amour (NB 3,98).

 

622. En enfer, on ne peut pas croire, ni aimer, ni espérer (NB 3,162).

 

623. En enfer, pas de lumière de la connaissance, pas d'amour (NB 4,28).

 

624. En enfer, on est aveugle parce qu’on n’a pas d’amour (NB 4,56).

 

625. L'enfer, c'est l'obscur contraire du lumineux mystère d'amour qui existe entre le Père et le Fils (NB 3,107).


 

III. Marie

 

 

1. Marie aime. 2.Aimer Marie

 

1. Marie aime

 

626. Marie et l’amour de Dieu

Si nous contemplons Marie dans sa vie terrestre, elle est certainement élue d'abord pour donner naissance au Fils éternel. Elle est vierge, une simple vierge qui a vécu sur terre et qui était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l'accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l'amour de Dieu sans ombre aucune. Elle était ainsi la manifestation visible de l'amour de Dieu pour sa créature comme de l'amour de la créature pour Dieu. Un foyer d'amour (NB 10, n.2154).

 

627. Marie : amour et disponibilité

Tout ce qu'a Marie : sa pureté, son amour, sa disponibilité, son don d'elle-même, son oui, son corps, sa personnalité, elle offre tout au Fils pour qu'il en dispose. Elle ne les offre pas comme des choses terminées qu'on ne peut plus changer, mais comme une mélodie qu'il peut modeler à son gré (NB 6,475).

 

628. Amour de Marie pour l’Esprit

Parce que Marie est un être humain, femme et mère, sa relation à l'Esprit reçoit une nuance particulière d'amour… Marie ne cesse d'interroger l'Esprit Saint quand il s'agit de l'éducation de l'enfant. Elle cherche l'Esprit d'une manière précise et elle recevra en retour une manière précise de l'aimer. Cet amour ne sera pas sans rapport avec l'amour du Père et du Fils, mais il ne coïncidera pas simplement avec lui. De consulter l'Esprit lui donne une direction objective pour l'amour et en même temps une certitude objective du chemin (NB 6,125).

 

629. L’amour de Marie pour son Fils

Enfant et jeune homme, le Christ a aimé Marie d’abord humainement. Si en tant que Dieu il n’avait rien à apprendre, en tant qu’homme il a quand même vraiment appris. Et c’est par l’amour de sa Mère qu’il en est venu à aimer les hommes (NB 8, n. 519).

 

630. Les petits témoignages d’amour entre Marie et son Fils

Le Fils est lié à sa Mère par les mystères de son oui fécond et de sa naissance, mais aussi par tous les petits mystères de leurs relations quotidiennes, par les petits témoignages d'amour et les petits renoncements qu'ils s'offrent réciproquement (NB 10, n. 2175).

 

631. Marie et son enfant : une fête de l’amour

La Mère est sans souci et sans tristesse : elle a l'enfant et elle l'adore, l'amour est si grand qu'il éclipse tout. C'est une fête de l'amour. Ils sont comme des amoureux qui sont ensemble dans une pauvre cabane et ils seront ingénieux l'un pour l'autre pour compenser par l'amour réciproque tout ce dont ils sont privés (NB 6,161).

 

632. Marie aimait son Fils sans le savoir (avant la visite de l’ange)

Marie : le Fils était l'origine de son amour, elle l'aimait sans le savoir avant même la visite de l'ange (NB 3,324).

 

633. Marie aime son Fils plus que tout

Marie aime son Fils plus que tout et elle est toute docile à Dieu Trinité (NB 3,314).

 

634. Marie a aimé son Fils

Marie montre à l’Église comment elle a aimé son Fils : d'une manière personnelle et d'une manière supra-personnelle. Son amour pour l’Église n'est pas seulement la somme de toutes les aides personnelles qu'elle apporte à chaque chrétien. Il y a encore en plus un amour pour ainsi dire surnaturel pour l’Église en tant que tout (NB 3,151).


 

635. Marie ne vit que pour son Fils

Marie est celle qui accueille toujours l’amour du Seigneur, elle n’a aucune volonté propre, aucun “moi personnel”, elle ne vit que de lui et pour lui : comme sa mère et son épouse (NB 8, n. 517).

 

636. Marie ne réfléchit pas sur elle-même, elle consacre toutes ses forces à aimer (NB6, 517).

 

637. Marie : amour et don d’elle-même à son Fils

Marie n'a jamais connu de relâche dans son amour et dans son don d'elle-même à son Fils (NB 11,228).

 

638. Marie devant son Fils, devant l’Esprit, devant le Père

Marie veut être totalement docile. Là où pourrait se faire jour la tentation de résister ou de se fermer, elle voit de nouvelles occasions d'aimer. Pas plus qu'une femme enceinte ne peut se dérober à sa grossesse, Marie ne veut pas se dérober aux exigences croissantes, toujours plus grandes. Elle reconnaît cette croissance des exigences au fait qu'elle ne comprend pas et au signe de la souffrance qui se dessine en elle. Elle sait très bien qu'avec l'enfant la croix grandit en elle, et elle acquiesce d'avance à cette croix. Son oui consiste avant tout dans le fait qu'elle continue à s'abandonner sans limites : l'Esprit lui apporte le Fils et la croix. Elle ne cesse de tout remettre au Père. Car c'est bien de sa part que l'ange est venu (NB 6,120).

 

639. Pour Marie, l'amour surmonte tout ce qui est difficile (NB 6,122). 3333

 

640. Marie : l’amour émane d’elle

Un grand amour, quelque chose d'indiciblement bienheureux émane de Marie. En sa présence, on est heureux comme un petit enfant (NB 8, n. 87).

 

641. Marie : grâce et amour

Marie, un être qui est de pure bonté, qui n'est rien que grâce et amour qui se répand, et pour cette raison elle est partout présente en quelque sorte où se produit un événement de grâce (NB 8, n. 160).

 

642. Marie aime les hommes

Adrienne met par écrit des pensées sur Marie, pourquoi elle aime tant les hommes (NB 8, n. 552).

 

643. L’accueil de Marie à la fin du purgatoire

Marie se trouve exactement à la fin du purgatoire et elle accueille dans le ciel les nouveaux arrivants avec un art incomparable. Toutes les formes de gêne sont aussitôt emportées par cet amour sans prévention (NB 9, n. 1315).

 

644. Amour de Marie pour tous les hommes

Les grâces que Marie distribue du haut du ciel, les conseils qu'elle donne, les prières auxquelles elle prend part, les soucis de chacun de ceux qu'elle connaît et soulage, son amour pour tous les hommes par lequel elle continue son amour pour son Fils : tout cela, ce sont les aspects de son activité tournée vers le monde (NB 6,567).

 

645. Marie aime chacun

La Mère de Dieu aime chacun en toute proximité, naturellement et d’une manière tout à fait personnelle (NB 8, n. 784).

 

646. Marie aime les pécheurs

Marie a une tout autre relation au péché et au pécheur que quiconque. Car c’est au péché et au pécheur qu’elle est redevable de son Fils et c’est pourquoi elle aime les pécheurs d’une certaine manière aussi en tant que pécheurs (NB 8, n. 565).
 

 

2. Aimer Marie

 

647. Le Fils aime sa Mère

Le premier miracle que le Fils opère, à titre d'essai pour ainsi dire, il l'opère par amour pour sa Mère : lors de sa rencontre avec Élisabeth (NB 6,225).

 

648. L’amour de Jean pour Marie

En mourant, le Fils confie sa Mère à l'amour du disciple (NB 6,487).

 

649. Comment Jean aime Marie

Saint Jean aime la Mère par le Fils. Il l'aime d'abord parce que, ayant mis au monde le Fils, elle lui a procuré le don de cet amour ; puis il l'aime plus personnellement et toujours plus fort ; et quand enfin, sur la croix, le Seigneur lui donne sa Mère, toute la responsabilité de l'amour divin, dont il a tant appris auprès du Seigneur et par son amour pour lui, s'introduit dans ses relations avec la Mère. Maintenant il reçoit la Mère par le Fils comme il avait reçu le Fils par la Mère ; et, par la Mère, il perçoit de manière neuve comment tout l'amour chrétien est répandu de manière eucharistique, comment aussi les hommes peuvent être confiés les uns aux autres pour qu'ils aiment davantage l'amour de Dieu, pour qu’ils grandissent en lui, pour qu’ils accomplissent en lui la volonté du Père (NB 1/1, 257).

 

650. Un amour filial pour Marie

Condition pour suivre le Seigneur : un amour filial pour la Mère du Seigneur (NB 9, n. 1273).

 

651. Aimer la Mère du Seigneur

Pour Botticelli, la Mère du Seigneur est très importante. Il l'aime ; il voit très fort en elle la seconde Ève : selon lui, tout ce qu'il peut voir de beauté chez une femme convient tout à fait à Marie, elle est pour lui l'être ici-bas le plus beau et il n'est jamais gêné de lui donner des traits de beauté (NB 1/1, 121).

 

652. Il aime beaucoup la Mère de Dieu

Léon XIII. Ses prières ont quelque chose de très personnel. Il aime réellement les mystères de Dieu. La Mère de Dieu aussi, il l'aime beaucoup. Il sait beaucoup de choses sur sa manière de prier, sur sa manière de se tenir devant Dieu, et il aime se joindre à elle dans la prière (NB 1/1, 316).

 

653. Lucie de Fatima : « On doit regarder la Mère, l'aimer, se consacrer à elle » (NB 1/2, 94).


 

IV. Aimer les autres

 

1. Aimer les autres. 2. Aimer les hommes : les aider dans leur chemin vers Dieu. 3. Amour de Dieu et amour du prochain. 4. Le manque d’amour

 

1. Aimer les autres

 

654. Aimer les autres

Adrienne. Quand elle est au volant de sa voiture ou quand elle marche dans la rue, il y a toujours en elle un "tressaillement" quand elle rencontre des gens. Car elle les aime tous ; elle voudrait donner à chacun quelque chose de bon, caresser les enfants, adresser la parole aux personnes âgéeset leur dire quelque chose de gentil (NB 3,29).

 

655. Aimer les hommes comme si chacun était le Christ

François d’Assise. Les hommes lui réservent beaucoup de difficultés parce qu'il les aime tant qu'ils ont du mal à correspondre à cet amour. Il est capable de les aimer tous comme si chacun était le Christ lui-même. Il va vers les autres avec une telle ambition de pouvoir les aimer qu'ils n'y comprennent rien. Dans sa simplicité, il ne conçoit pas que quelqu'un ne puisse pas considérer le commandement de l'amour du prochain comme le plus pressant (NB 1/1, 83).

 

656. Aimer en Dieu

Il est impossible d’aimer un être humain d’un amour inébranlable et infini en dehors de Dieu (Jean. Discours d’adieu II, p. 281. Sur Jn 17,23a). 


 

657. Vous êtes mon ami, que j'aime en Dieu (NB 3, 101).


 

658. Aimer quelqu’un en Dieu

Le facteur d'infini est donné à l'âme par Dieu ; c'est pourquoi on ne peut aimer quelqu'un que si on l'aime en Dieu et que si on le laisse libre pour Dieu. On ne peut le conduire à lui-même que si on le rend attentif à Dieu (NB 3,75).

 

659. Aimer le menteur en Dieu

On doit aimer le menteur en Dieu pour l’aider (NB 9, n. 1409).

 

660. L’amour chrétien

Tout échange d'amour qui veut être chrétien doit être mis en sûreté dans l'échange personnel de Dieu Trinité. Son échange d'amour est osmose, compénétration. L'amour créé est invité à participer à l'amour trinitaire en s'insérant dans l'être divin (NB 5,172).

 

661. L’amour chrétien et la Trinité

Dans l’acte d'amour chrétien, les trois personnes finalement se rencontrent. L'acte se conforme à l'exemple et au commandement du Fils, à l'amour de l'Esprit et concerne le prochain derrière lequel se trouve le Père en tant que Créateur, le prochain que le Père nous envoie dans sa providence et qu'il nous permet de rencontrer (NB 6,114).

 

662. Si j’aime quelqu’un, est-ce que cela regarde Dieu ?

A vingt ans, ce sont les problèmes universels de l'amour chez les humains qui agitent l’être humain. Si j'aime quelqu'un, est-ce que cela regarde Dieu? L'a-t-il voulu? (NB 1/2, 209).

 

663. Par amour pour le Seigneur, en arriver à l’amour d’autrui (NB 9, n. 1633).

 

664. Apprendre à aimer les autres

Saint Ignace pense : si tu t'aimes toi-même, que ce soit au moins pour apprendre à aimer les autres tout autant que toi (NB 11,230).

 

665. Aimer et donner

Vous chrétien ? Que donnez-vous à la personne que vous aimez le plus ? Le Seigneur, n'est-ce pas ? De lui, vous n'avez sans doute qu'une vague idée. Vous offrez donc votre vague idée. Et pourtant vous savez que votre don est beaucoup plus grand que vous ne le pressentez. Pour vous et pour les autres, il peut avoir des conséquences telles que vous n'avez aucune idée de ce que vous avez donné en vérité (NB 4,203).

 

666. Aimer : donner ce qu’on a de meilleur

Quand je me suis promené avec un ami, nous pourrons dire ensuite que nous avons fait cette promenade ensemble. Si nous nous aimons et si nous sommes chrétiens, nous nous donnerions en chemin ce que nous avons de meilleur : quelque chose de notre participation à la vie éternelle (NB 4,125).

 

667. L’amour rend service

"Charité bien ordonnée commence par soi-même". Si sous le terme charité on comprend l'amour qui rend service, l'amour au service du Seigneur, on ne peut pas commencer par soi-même. On est attiré par le Seigneur et on est conduit par lui à exercer la charité vis-à-vis des autres (NB 11,230).

 

668. L’amour à l’hôpital

Étudiante en médecine, Adrienne est de service à l’hôpital. Ses réflexions : « Le soir, avec la responsabilité que j'ai (parce que j'ai quelque chose dans le cœur), je passe souvent dans les salles très doucement et je ne réveille personne. Mais ceux qui ne peuvent pas dormir et ceux qui souffrent, je les tranquillise. Ils aiment ça. Je vais dans mon service auprès de tous ceux qui viennent d'être opérés et auprès des personnes âgées qui sont plus ou moins agitées, et auprès de ceux qui sont gravement malades, et beaucoup disent qu'à partir de ce moment-là ils ont été tranquilles. A l'un on donne un peu la main, ou bien on la met toute fraîche sur le front, à un autre on donne une goutte de thé... L'amour a beaucoup plus d'effet la nuit que le jour. Le jour, les autres sont là. La nuit, ne sont éveillés que ceux qui ont besoin d'amour. C'est vers minuit que je fais mon tour. En passant dans les salles, je prie un peu. Je demande au Bon Dieu de bien vouloir aider ici, de donner un instant de sommeil à cette pauvre femme, de donner à cette autre, là, quelques bonnes pensées, ou bien de montrer à celle-ci qu'il y a de l'amour dans le monde, que l'existence a un sens » (NB 7,174-175).

 

669. Jamais lasse d’aimer son prochain

Sainte Marie-Crescentia Höss est louée pour sa serviabilité, pour le sens qu'elle a des besoins de ceux qui l'entourent, de ceux qui lui demandent conseil, car en fait elle n'est jamais lasse d'aider et d'aimer son prochain comme elle-même (NB 1/1, 196).

 

670. Un amour humble

Saint Justin. Les hommes qui partagent ses opinions et sa foi, il les aime avec une humilité inouïe. Son amour est surtout humble (NB 1/1, 263).

 

671. Aimer le prochain et le connaître

Étant donné que nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes, nous devons le connaître autant que l’aimer (NB 9, n. 1997).

 

672. Aimer les autres : difficile parfois !

Saint Bruno aime les hommes bien sûr. Mais il demeure un peu distant. Il a quelque difficulté à être en relation avec des hommes qui n'ont pas le même but que lui. Même dans ses relations avec ceux qui partagent ses opinions, il sent toujours la distance. Il voudrait les entraîner dans la force de la prière que lui-même possède. Et c'est difficile (NB 1/1, 282).

 

673. Difficile d’aimer son prochain

Saint Charles Borromée. Son amour du prochain, il doit l’emporter de haute lutte, mais il est là. Il va le chercher entièrement auprès du Fils car, de lui-même, il serait plutôt enclin à éconduire, il doit prendre beaucoup sur lui pour donner de la place à l'amour (NB 1/1, 300).

 

674. Ceux que j’aime et les autres

Adrienne. Quand je priais, je disais souvent : «  Bénis tous ceux que j'aime et bénis ceux que je ne peux pas supporter ». Où sont ces derniers ? A certains moments je ne sais plus. L'amour est si grand que je voudrais le partager sans faire de choix ; il est suffisamment grand, tous peuvent en avoir leur part (NB 8, n. 56).

 

675. Un amour croissant pour le prochain

L’amour croissant d’Adrienne pour son prochain la rend très solitaire parce que personne ne comprend ce qu'elle veut et sait vraiment, et elle ne peut pas non plus l’expliquer à d’autres (NB 8, n. 63).

 

676. Une rigueur irradiée par l’amour

Quand saint François parle avec ses frères, il doit se défaire de sa rigueur ; il doit certes les conduire à la rigueur, mais aussi leur montrer ce qui est léger, amusant, joyeux, dans le service de Dieu. Sa rigueur est irradiée par son amour, par sa gaieté et par sa clarté (NB 10, n. 2209).

 

677. Rayonner l’amour

Le matin, messe à la chapelle des grâces à Einsiedeln. Frère Romuald est certainement un saint. Il a un amour parfait pour chacun, le sourire pour tous, pour chacun personnellement. On comprend par lui les saints tout à fait simples. Ce n’est certainement pas une lumière de l’Église, mais il vit par amour. Il fait tout ce qu’il peut. Il se laisse irradier par la grâce, celle de la Mère, il se laisse former simplement. C’est comme si en lui la grâce était devenue une nature. Peut-être a-t-il dû se vaincre au début pour atteindre ce degré d’amour, maintenant il est comme creusé par la Mère, il rayonne tout l’amour ; avec le temps, il est comme patiné par la grâce (NB 9, n. 2007).

 

678. Montrer son amour

Le curé d’Ars porte en lui l'amour, mais il a besoin de la confession pour montrer son amour : l'écoute du péché, l'exhortation, l'absolution ; c'est par ces actes de l'amour qu'il sait qu'il aime (NB 4,412).

 

679. Le prêtre qui absout doit pardonner dans l’amour (NB 9, n. 1305).

 

680. Le péché et l’amour du prochain

Dans sa vie avant sa conversion, François d’Assise a commis divers péchés, mais il aurait pu en commettre beaucoup plus. Il y a chez lui un souvenir du péché qui se mêle à sa victoire sur le péché. Ce souvenir est très fécond parce qu’il augmente son amour pour son prochain. « Mon pauvre ! Quand je me rappelle comment j’étais autrefois, comme je voudrais t’aider ! » (NB 4,169-170).

 

681. L’égoïsme et l’amour

Le purgatoire tout entier est la victoire de l'amour du Seigneur sur notre égoïsme (NB 6,340).

 

682. Au ciel : aimer tous les autres

Au ciel, chacun a le souhait dominant d’aimer tous les autres (NB 9, n. 1912).

 

2. Aimer les hommes : les aider dans leur chemin vers Dieu

 

683. Une compassion infinie pour ceux qui ne croient pas

Saint Patrick. Il aime les autres car ils sont les créatures de son Dieu. Et quand ils ne croient pas, il les plaint terriblement, il a pour eux une compassion infinie (NB 1/1, 275).

 

684. Favoriser leur attachement à Dieu

Vis-à-vis des hommes, saint Pacôme est aimant, humble, sans problèmes, prêt à aider, ouvert. Il se sert de l'attachement que les hommes ont pour lui pour favoriser leur attachement à Dieu (NB 1/1,268).

 

685. Gagner son prochain pour Dieu

Saint Boniface. Il aime son prochain parce qu'il veut observer le commandement de Dieu, et pourtant le prochain lui répugne d'une certaine manière. Ce serait plus beau d'être seul avec Dieu et de ne pas devoir se laisser irriter par ces gens énervants. Et pourtant il est bon pour lui d'avoir justement ce prochain-là : il doit les gagner pour Dieu (NB 1/1, 278).

 

686. Aider les hommes à s’élever à l’amour divin

En appuyant sa tête sur la poitrine du Seigneur, Jean lui déclare sans paroles qu'il est prêt à aider tous les hommes, même les plus tièdes, les plus éloignés, à s'élever de l'amour humain à l'amour divin. C'est la forme johannique de l'amour. Même si Jean ne doute aucunement qu'il est aimé comme un ami, qu'il a une position privilégiée auprès du Seigneur, il sait pourtant que les autres sont également visés (NB 10, n. 2321).

 

687. Poser aux hommes la question de Dieu

Mozart. Il y a une grande conversation entre Mozart et le Bon Dieu, qui est comme la plus pure prière, et toute cette conversation n'est que musique. Les hommes, il en a peur et il les aime tout à la fois. Il les craint un peu comme les enfants craignent les autres enfants qui sont grossiers, qui pourraient casser son jouet ; mais Mozart redoute au fond qu'on puisse abîmer au Bon Dieu son jouet plus qu'il ne pense à lui-même. Il aime les hommes parce qu'ils sont les créatures du Bon Dieu et il est heureux d'avoir le droit de les divertir par sa musique. Et à sa manière propre, il voudrait leur poser la question de Dieu, même dans ses morceaux les plus joyeux (NB 1/1, 311).

 

688. Aider les autres à croire

Adrienne pense au devoir d’aider son prochain par tous les moyens à croire et à aimer (NB 8, n. 852).

 

689. Montrer aux autres quelque chose de l’amour de Dieu

Adrienne a 27 ans : C'est très intéressant de travailler au pavillon. Une foule de vieilles femmes qui s’approchent de la mort. On apprend beaucoup à parler avec les malades de la vie et de la mort. Je suis peut-être encore un peu jeune et inexpérimentée, mais j'essaie, là où ça va, de les libérer de l'angoisse, de leur montrer quelque chose de l'amour de Dieu, de leur inspirer une certaine gratitude pour leur existence. Elles ont connu une foule de choses qui étaient belles, et maintenant elles vont passer à une vie qui sera encore beaucoup plus belle (NB 7,252).

 

690. Aider les autres à mieux comprendre Dieu

Les saints sont ceux qui aiment vraiment. En tant qu'aimants, ils sont des intermédiaires particulièrement efficaces, ils sont pour les pécheurs ceux qui les aident à mieux comprendre Dieu et à lui être unis. Ils ne sont pas le centre, comme si le lieu du repos se trouvait en eux : celui-ci se trouve en Dieu et dans le Christ. Ce qu'ils reçoivent continuellement du Seigneur, c'est pour le transmettre et, ne gardant rien pour eux, ils ne cessent de recevoir de l'amour à distribuer (NB 6,467).

 

691. Faire participer les autres à l’amour du Seigneur

Quand on contemple les saints, la plupart du temps on voit leurs mérites, leur amour, leur courage et leur humilité, mais on ne voit pas assez combien eux-mêmes sont bouleversés par l'amour du Seigneur, combien les bras du Seigneur sont ouverts pour eux, si bien que chaque saint a la possibilité de faire participer tous ceux qui sont loin à son ouverture, au surplus d'amour qui existe entre lui et le Seigneur (NB 10, n. 2321).

 

692. Transmettre la grâce dans l’amour

Les saints, les vrais, reçoivent la grâce non pour eux-mêmes, mais pour la transmettre. Le fait que l'Esprit est vivant au milieu de nous peut nous aider, si nous sommes de bonne volonté, à devenir plus saints, c'est-à-dire à favoriser en nous le désintéressement pour que nous transmettions la grâce dans l'amour (NB 6,502).

 

693. Participer à la transmission de la grâce

Quiconque est dans l'amour et dans la foi peut, en intercédant, participer à la transmission de la grâce (NB 1/2, 158).

 

694. Transmettre l’amour de Dieu

Comme est beau le peu de vie qui se trouve devant nous si nous pouvons transmettre vraiment l'amour de Dieu jusqu'à la fin. C'est le même amour qui doit chasser en quelque sorte de nous l'ultime lâcheté pour que nous puissions être à la hauteur de ses exigences. Et je prie : Donne-moi plus à souffrir et plus à porter si par là tu me donnes davantage de ton amour à transmettre (NB 8, n. 56).

 

695. Transmettre à d’autres l’amour de Dieu

En ce monde, la foi et l'amour sont toujours un combat contre l'absence d'amour et l'incroyance. L'amour chrétien n'aurait pas de sens s'il n'y avait personne qui devrait être amené à l'amour par lui. Un rapport intime existe entre la foi et l'amour du prochain, entre la foi et l'amour tout simplement : la foi veut et doit transmettre à d'autres l'amour de Dieu (NB 4,215).

 

696. Exigence qu’a l’amour d’être transmis

Ce qui est caractéristique pour saint François, c'est sa volonté d'aimer dans le cadre des conseils évangéliques. Il aime Dieu et les hommes, et il veut inclure dans son amour tout ce qui a été créé par Dieu. François doit transmettre la recette de l'amour qu'il utilise pour lui. Dans sa louange de Dieu et de toutes les créatures, il doit montrer comment, par le don de l'amour, il est devenu quelqu'un qui aime, et qu'ainsi aussi il a compris l'exigence qu'a l'amour d'être transmis (NB 2,43).

 

697. Inciter le prochain à l’amour de Dieu

Quand le Fils aime le Père, son amour va en même temps à l'Esprit. Cela veut dire que tout amour trinitaire va toujours plus loin qu'on ne s'y attendait, que de lui-même il déborde. Ainsi notre amour du prochain qui provient de Dieu doit aussi aller plus loin que le prochain, il doit retourner à Dieu, mais il doit aussi emmener le prochain dans ce passage à Dieu. Et cela en l'incitant à l'amour de Dieu. Cela vaut également pour l'autre chose : l'amour pour un prochain inclut toujours l'amour des autres et finalement de tous les autres (NB 6,113-114).

 

698. Transmettre de nouvelles images de l’amour divin

Saint Syméon le nouveau théologien. Sa mission pour le monde est de transmettre de nouvelles images de l'amour divin. Être témoin qu'il est vivant éternellement. Le faire sortir des boîtes où on le conserve (NB 1/1, 280).

 

699. Aider à attirer la grâce pour les autres

Adrienne. Au cours des consultations, il y avait toujours ceux que j'aimais et ceux que je supportais : les maniérés, les compliqués qui font tout un drame de leurs bobos ; et maintenant je remarque que ce sont justement ceux-ci qui ne connaissent pas assez l'amour, qui sont privés de la grâce, et il faut leur donner de l'amour pour remplacer la grâce que Dieu ne leur a pas encore accordée. Et je commence à comprendre, presque encore comme un balbutiement, que l'amour de Dieu, transformé en nous en amour humain, peut aider à attirer Sa grâce (NB 8, n. 56).

 

700. Coopérer à la médiation du Christ

Chrétiennement, il n'y a pas d'amour personnel d'homme à homme qui ne devrait coopérer à la médiation du Christ et qui ne serait par là inclus dans l'amour divin. L'amour du Christ est ministériel, il est quelque chose de fixé comme norme pour l'ensemble de l'humanité, quelque chose qui doit continuer quand il ne sera plus visible ici-bas (NB 6,111).

 

701. Aimer les hommes pour leur apporter Dieu

Saint Camille de Lellis. Son amour des hommes est grand. Il y a un équilibre excellent entre son amour de Dieu et son amour du prochain. Il aime les hommes pour leur apporter Dieu, il aime Dieu et il lui apporte les hommes (NB 1/1, 301).

 

702. Faire pressentir Dieu aux autres

D’une prière de saint François-Xavier : « Père, donne-moi la force de demeurer fidèle et donne-moi tant d'amour que tous ceux que je rencontre pressentent par moi ton amour et soient gagnés pour toi. Amen » (NB 1/1, 478).

 

703. Rendre Dieu vivant dans le monde

Quelqu’un pense à la manière dont il pourrait rendre Dieu vivant dans le monde par son amour du prochain (NB 10, n. 2103).

 

704. Convertir le monde entier avec l’amour 

Jean avait pensé tout d'abord qu'on pouvait convertir tout le monde avec l'amour. Plus tard, il dut apprendre à connaître d'autres voies : il comprit que l'amour se sert de tous les chemins (NB 1/2, 216-217).

 

705. Des êtres qui doivent être conduits à Dieu

Savonarole aime les hommes d'autant plus qu'ils sont plus croyants, qu'ils se trouvent plus près du Seigneur. Mais tout d'un coup une grande compassion le saisit à nouveau, il aime alors aussi ses ennemis et il voudrait en faire ses amis. Cependant il ne les aime jamais dans la paix, c'est toujours dans le combat. Il les aime comme des êtres qui lui sont confiés, qu'il doit conduire à Dieu (NB 1/1, 297).

 

706. « Donne ton amour à tous ceux qui t’en prient »

D’une prière de saint Dominique : « Bénis-nous, sois avec nous et avec toute ton Église, et donne ton amour et l'amour de ta Mère à tous ceux qui t'en prient. Amen » (NB 1/1, 431).

 

707. Prendre les autres avec soi dans la prière

Saint Antoine de Padoue prie avec beaucoup d'amour, il prend les hommes avec lui dans sa prière et il attend de sa prière un fruit qu'il peut apporter aux hommes. Il ne voudrait absolument rien garder pour lui. Toutes les paroles qu'il apporte aux hommes, toutes ses prédications, toutes ses consolations, tous ses encouragements, il les puise dans la prière (NB 1/1, 286).

 

708. Pouvoir purifier les personnes qu’on aime

Il est douloureux de n’être pas assez pur pour pouvoir purifier les personnes qu’on aime (NB 8, n. 274).

 

709. Se réjouir de la conversion du prochain

Saint Vincent Ferrier aime son prochain et il se réjouit de sa conversion avec une joie qui doit être la joie de Dieu (NB 1/1, 105).

 

710. L’amour, source de l’apostolat

Quand la vérité de Dieu est devenue si évidente pour un chrétien qu'elle définit sa vie, elle façonne avant tout son amour : pour Dieu, pour les commandements de Dieu, pour le prochain. Celui qui vit dans la vérité de Dieu est conduit de lui-même à l'amour effectif. En mettant l'amour en œuvre, il essaie d'imiter le Fils incarné. L'apostolat est un fleuve qui coule de lui-même à partir de la source de l'amour. Et parce que l'Esprit Saint est cette source, tout apostolat chrétien vivra d'emblée des dons de l'Esprit : les dons qui concernent la communication et les dons qui favorisent le recueillement et la croissance dans l'amour. Parce que l'amour de Dieu sur la croix s'est fait connaître comme un amour qui se répand jusqu'à la folie et que nous savons que l'amour de Dieu dans l'Esprit a les mêmes propriétés, l'apôtre ne peut rien garder pour lui, il doit tout prodiguer. L'apostolat provient de l'amour, son organisation doit provenir des dons de l'Esprit (NB 6,443-444).

 

711. Amour et apostolat chez saint Paul

Quand saint Paul présente l'amour (1 Co 12-13), c'est toujours en vertu de son ministère apostolique. Tout ce qu'il dit fait partie de son apostolat, ce sont des actes tout à la fois de transmission, de connaissance et de confession. Il n'y a pas de vérité que l'apôtre garderait pour lui. La vérité qu'il a reçue, il l'applique à sa vie et il la transmet comme une vérité connue et vécue. Quand il décrit l'amour comme n'étant ni envieux, ni jaloux, etc., il dit ce qu'il sait : c'est comme ça, c'est pourquoi cela doit être comme ça, en moi et en tous ceux qui le savent par moi (NB 6,444).

 

712. L’ermite qui ne perd jamais de vue l’apostolat

Saint Antoine le Grand aime les hommes et il ne perd jamais de vue l'apostolat. Même quand il se retire très loin, il n'oublie cependant jamais qu'il emporte avec lui les hommes et leurs préoccupations et leurs péchés, il demeure conscient qu'en se retirant du monde, le fait d'être seul avec Dieu n'est pas une solitude dernière mais une existence pour les hommes et pour Dieu, et il demande à Dieu d'accueillir en lui et par lui la prière des hommes. Il brûle pour Dieu de l'amour le plus saint, mais dans cet amour est inclus l'amour des hommes (NB 1/1, 269).

 

713. Le ministère dans l’Église et l’amour

Le ministère n'est aucunement quelque chose de rigide. Le ministère du Seigneur était amour. Le ministère ressemble en quelque sorte à la règle, et la règle du Seigneur est originellement son Esprit. C'est pourquoi le ministère demeure quelque chose de vivant. L'amour peut toujours y entrer à nouveau. Dans le ministère tel qu'il est exercé aujourd'hui, l'Esprit n'est pas seulement intégré en tant que règle objective, mais aussi en tant qu'amour vécu. Pour le Seigneur, la règle et l'amour étaient identiques. En tant que pécheurs, nous avons toujours tendance à éliminer l'amour de la règle et nous nous plaignons ensuite que la règle soit sans amour. Mais pour que le ministère puisse transmettre à nouveau de l'amour, il ne doit pas cesser de recevoir à nouveau de l'amour. Séparé de l'amour, le ministère est l'expression du minimalisme des pécheurs (NB 1/2, 51).

 

714. Le ministère du prêtre et l’amour trinitaire

Conformément à son ministère, le prêtre doit mourir afin de vivre pour le Christ, il doit renoncer à lui-même de telle sorte que le Seigneur puisse faire de sa mort quelque chose de vivant pour lui. De la sorte le ministère aussi est trinitaire : non seulement parce que l'amour trinitaire l'a institué, mais aussi parce qu'il lui a donné toute la vitalité du renoncement et de la fécondité, de la mort et de la résurrection (dans les autres) (NB 6, 111-112).

 

715. Un amour pour chaque âme

Saint François Régis. Il a un souci incroyable pour chaque âme, un amour presque infini pour chaque âme. Pourtant il la voit à chaque fois dans son milieu, en relation avec les autres âmes, comme si on ne pouvait jamais délimiter le domaine d'une âme sans rencontrer toujours aussi les autres (NB 1/1, 306).

 

716. L’Église de l’amour

On pourrait imaginer un jour que l’Église ministérielle soit parfaitement en ordre avec tous ses décrets et ses rites et ses lois et ses commandements et tout ce qui la caractérise extérieurement. Elle serait totalement « à jour », l'un ou l'autre concile aurait mis les points sur tous les i. Mais on ne peut jamais imaginer que l’Église de l'amour serait à jour car elle vit continuellement de l'amour du Seigneur, elle reçoit constamment de son plus grand amour, elle persévère toujours dans la soumission à son exigence plus grande. Elle n'aura jamais fini (NB 6,488).

 

717. Soutenir l’Église pour que, par elle, devienne sensible pour les hommes l’amour trinitaire

L’amour du Fils incite les saints à aimer leur prochain et à les aider autant que possible, à intervenir pour eux en substitution d'une certaine manière à la suite du Seigneur, à soutenir l’Église pour que, par la foi, l'amour, l'espérance, elle devienne pour les hommes une patrie et que, par tout cela, devienne sensible l'amour trinitaire apparu dans le Fils (NB 5,157).

 

718. L’Église comme lieu d’amour

L’Église dans le sens du Seigneur : un lieu pour l'enseignement, un lieu où l'on donne et où l'on reçoit, un lieu de disponibilité, de foi, d'amour et d'espérance (NB 6,477).

 

719. L’Église, l’amour et les pécheurs

C'est dans l'amour que l’Eglise porte la honte des pécheurs qui sont elle (NB 6,507).

 

720. Aimer l’Eglise

D’une prière d’Ignace de Loyola : « Marie, Mère de Dieu, donne-moi d'aimer toujours plus ton Église et d'occuper, selon ta volonté, la place que je dois prendre dans l’Église, celle que tu as prévue pour moi depuis l'éternité. Je te demande ta bénédiction pour l’œuvre, pour l’Église, pour tous les croyants, et je te demande aussi de me donner la grâce de supporter tout ce qui peut arriver : pour ta plus grande gloire, pour ton Église, pour moi, pour Dieu Trinité. Amen » (NB 1/1, 467.

 

721. L’amour du ciel aide l’Église

L’Église sait que ses défunts ne l'oublient pas dans la vision de Dieu, qu'ils lui rendent son amour, la soutiennent. Pas plus qu'on ne peut dire si une prière que je fais maintenant aura un effet au Canada dans cinq minutes, on ne connaît l'amour du ciel qui aide l’Église à accomplir maintenant son œuvre (NB 5,181).

 

722. L'amour joyeux de l’Église pour ses prêtres et pour tous ses enfants (NB 5,290).

 

723. L’Église et l’amour simple d’une mère

Personne ne sait quand un mourant commence à voir Dieu. Mais l’Église sait qu'elle doit l'y préparer. Aucune jalousie n'entre en jeu, aucun désir de voir aussi, c'est le même amour simple d'une mère qui distribue le pain à ses enfants, elle ne veut pas en manger elle-même, mais peut-être en aura-t-elle sa part quand ses enfants auront mangé à leur faim (NB 5,181).

 

724. L’amour de l’Église pour les mourants

Tout croyant qui meurt plus ou moins consciemment dans l’Église se sent entouré et porté par l'amour, l'assistance, la disponibilité des autres. Il n'a pas besoin de pouvoir le préciser en détail ; il sait néanmoins que c'est par l'amour des autres, de l’Église, qu'il entre dans la vision de Dieu (NB 5,181).

 

725. Dès sa mort, Adrienne pourra être une sorte d'ange gardien maternel auprès des personnes qu'elle aime (NB 8, n. 99).

 

3. Aimer Dieu et aimer le prochain

 

726. Le commandement de l’amour

Le Seigneur a promulgué le commandement de l'amour, les apôtres l'ont entendu, les évangélistes l'ont mis par écrit, il peut être consulté par tous ceux qui viendront après, sans problème, parce que la force des paroles du Seigneur ne faiblit pas (NB 6,302).

 

727. Aimer son prochain en vertu du commandement du Seigneur

Polycarpe aime son prochain, mais il l'aime en vertu du commandement du Seigneur, il pense constamment à ce commandement ; il aime les autres non seulement de lui-même, d'homme à homme, son amour a toujours aussi le Seigneur pour objet. Son amour lui sert aussi à accomplir la parole du Seigneur, de sorte que cet amour ne court jamais le danger de devenir égoïste (NB 1/1, 261).

 

728. Amour du prochain et amour de Dieu

Le commandement de l'amour du prochain nous fera toujours répondre à une demande pressante et justifiée d'un miséreux. Mais derrière le prochain qui demande se trouve le Seigneur, se trouve Dieu avec sa demande. Si nous ne répondions plus à la demande du prochain, non seulement nous serions en dehors de l'obéissance, nous serions en même temps sortis de l'amour (NB 11,314).

 

729. Amour du prochain pour exprimer notre amour de Dieu

Le commandement de l'amour du prochain, que le Christ édicte, est le véritable accès qu'il a créé pour que nous fassions l'expérience de l'amour de Dieu : il nous donne par là une possibilité d'exprimer notre amour pour lui (NB 11,342).

 

730. L’amour des autres et l’amour du Seigneur

A la sortie du purgatoire, les âmes pourront ressentir à nouveau l'amour des autres comme elles éprouvent l'amour du Seigneur (NB 6,340).

 

731. L’amour du prochain émane de l’amour de Dieu

Si les hommes n'avaient pas péché, suivre le Seigneur aurait eu le caractère d'être une communion totale avec le Seigneur, et l'amour du prochain lui-même n'aurait cessé d'émaner directement de cette communion (NB 6,559).

 

732. Aimer Dieu et le prochain

Adrienne, jeune médecin : Si j'aime le Bon Dieu, cela m'oblige aussi à aimer les gens (NB 7,190).

 

733. Le commandement de l’amour du prochain et la Trinité

Si l'amour chrétien entre les hommes ne peut opérer de choix fondamental, l'amour naturel du prochain le fait nécessairement. L'amour chrétien s'enracine dans le commandement du Seigneur, provient donc de sa vie trinitaire. Cet amour du prochain nous est offert par lui fondamentalement, c'est pourquoi nous devons aussi l'exercer en son nom. Là où Dieu aime Dieu, il aime toujours sans conditions et il ne rend pas son amour dépendant de la réponse du toi. L'amour de Dieu n'a rien de calculateur parce que, dans la Trinité, tout est pure surabondance. Le Fils incarné aussi aime de la même manière malgré toutes les déceptions qu'il connaît avec nous. Le commandement de l'amour du prochain qu'il édicte n'est pas une concession à notre faiblesse et à notre finitude ; l'amour qu'il ordonne découle immédiatement de son amour et il doit présenter, comme sa marque distinctive, la forme de la surabondance divine qui ne calcule pas. Le chrétien voit dans son prochain le cadeau que Dieu lui fait. Il est l'œuvre du Créateur, le frère du Rédempteur et, comme tel, il est confié au chrétien pour être aimé. Et cela de telle manière que le prochain, en éprouvant l'amour, soit incité à l'amour qui, de son côté, possède la forme de la surabondance et de la prodigalité. L'amour chrétien provient de Dieu et, par là, il lui est assuré de se répandre inépuisablement, et même d'être d'autant plus abondant qu'il est plus utilisé (NB 6,113).

 

734. L’amour du Fils et l’amour du prochain

L'amour que le Fils nous donne à exercer est avant tout une réponse à son amour, qui a en même temps la forme de l'amour du prochain (NB 6,403).

 

735. Le lien entre amour du prochain et amour de Dieu

Saint Joseph de Cupertino : la seule observation du commandement de l'amour du prochain, sans les relations avec Dieu, est stérile. Dieu veut toujours créer des situations dans lesquelles les deux commandements sont réalisés (NB 1/1, 305).

 

736. L’amour de Dieu mène à l’amour du prochain

Le Fils, qui est Dieu et qui est devenu homme, est toujours Dieu. En tant que Dieu il est constamment occupé de Dieu. Et le commandement qu'il a apporté aux hommes, c'est le commandement de l'amour du prochain. Comme si l'amour du prochain était pour lui une manière de se reposer de l'amour de Dieu. Non que l'amour de Dieu soit séparé de l'amour du prochain, mais l'amour de Dieu mène à l'amour du prochain, l'amour de Dieu se repose dans l'amour du prochain. C'est sur mission reçue de lui que nous aimons les hommes (NB 4,452).

 

737. De l’amour du prochain à l’amour de Dieu

Sur terre, le grand commandement du Seigneur est de nous aimer les uns les autres. Par l'amour du prochain, l'amour de Dieu est garanti et établi toujours plus solidement. Le chemin décisif vers Dieu passe par l'amour du prochain (NB 3,97).

 

738. Apprendre quelque chose de l’amour de Dieu par l’amour du prochain

Exemple de prière : Je t'en prie, aide tous ceux qui sont sans espoir, montre-leur ta lumière, éveille en eux l'espérance, donne-leur d'apprendre peut-être quelque chose de ton amour par l'amour du prochain ! Puis la crainte d'avoir omis des personnes, d'avoir oublié des questions particulières. Donc : pour tous ceux que je ne connais pas ! (NB 10, n. 2246).

 

739. Le commandement de l’amour de Dieu et du prochain

Le dernier prochain du Seigneur, c'est le larron sur la croix, à qui il promet le paradis. C'est pour ce prochain comme pour tous les hommes qu'il est venu en ce monde ; pour lui et pour tous, il a donné son commandement de l'amour de Dieu et du prochain (NB 3,371).

 

740. L’amour du prochain est exigé tout autant que l’amour de Dieu

"Quand tu veux prier, va dans ta chambre et ferme la porte..." Entrer dans sa chambre extérieurement comme intérieurement est un acte d'obéissance vis-à-vis de la consigne du Seigneur. Dans cette obéissance, le Seigneur nous offre de nous préparer à dialoguer avec lui. Se cacher de cette manière, ce n'est pas s'isoler de son prochain, c'est être seul avec Dieu, ce que Dieu exige tout autant qu'il exige l'amour du prochain (NB 11,32).

 

741. Aimer le prochain par amour pour Dieu

Dieu est la raison pour laquelle nous devons aimer tous nos semblables. Le Fils n’aime qu’une épouse : l’Église, et tout le reste est inclus dans cette exclusivité ; dans l’Église et, par elle, le Seigneur aime tous les hommes (NB 9, n. 2028).

 

742. L’amour de Dieu est renforcé par l’amour du prochain

La relation au prochain est enrichie par la relation à Dieu et, par l’amour du prochain, l’amour de Dieu est renforcé (NB 9, n. 2003).

 

743. L’amour du prochain ne fait qu’un avec l’amour de Dieu

Il est impossible d’être un “bon chrétien” si l’on suspend temporairement son amour de Dieu, par exemple par un intense amour du prochain, par de bonnes œuvres, etc. Un tel amour du prochain n’en serait pas un car l’amour chrétien du prochain ne fait qu’un avec l’amour de Dieu, est l’amour de Dieu lui-même se répandant à travers lui (NB 8, n. 978).

 

744. Aimer le Christ et le prochain

En imitant le Christ - quelle qu'en soit la manière -, nous sommes invités, par notre amour pour lui et pour le prochain, à participer autant qu'il est possible à son intimité avec le Père et avec l'Esprit. L'événement trinitaire dans la vie du Fils nous est nécessairement offert aussi à nous - sous une forme qui nous est adaptée - par l'exigence qui nous est faite d'imiter le Christ (NB 6,112).

 

745. L’amour de Dieu qui s’efface devant l’amour du prochain

De même que la grande Thérèse interrompt son extase pour préparer un repas, ainsi toute personne dans l’Église, prêtre ou laïc, doit interrompre sa contemplation pour faire ce que réclame l'amour du prochain (NB 10, n. 2221).

 

746. Amour du prochain et prière

De même que la charité active a la priorité sur le devoir de prier, parce qu'elle est la volonté immédiate de Dieu, de même aussi la nuit obscure est amour : aider le Dieu crucifié dans sa détresse (NB 10, n.2051).

 

747. Amour du prochain et désir du ciel

Nous n'avons pas besoin d'aspirer directement au ciel, mais nous devons nous laisser saisir par lui en exerçant l'amour chrétien à l'égard de notre prochain (NB 10, n. 2130).

 

748. Par l’amour du prochain vers le Fils

La prière, la méditation, l'amour du prochain, partout des voies sont ouvertes qui nous conduisent vers la plénitude du Fils. Et le Fils nous conduit au Père (NB 6,23).

 

749. Apprendre à aimer Dieu en aimant notre prochain

Dieu est devenu homme. En devenant notre prochain, Dieu exige notre amour pour lui comme notre amour du prochain ; cela veut dire que nous avons à lui témoigner cet amour à l'occasion de tout prochain. Et si nous voulions entrer au cloître pour ne vivre que de l'amour de Dieu, nos frères et nos sœurs seraient encore là pour exiger irrévocablement de nous cet amour sous la forme de l'amour du prochain, et notre amour de Dieu devrait se laisser former par lui. Il n'y a aucune possibilité de fuir ce commandement, il reste là et il ne cesse de nous jeter dans les bras son objet, le prochain. Mais en apprenant à aimer notre prochain, nous apprenons en même temps à aimer Dieu (NB 3,371).

 

750. Amour du prochain et prière

Saint François-Xavier : il peut mieux prier quand il a pratiqué l'amour du prochain (NB 2,96).

 

751. « Que j’apprenne de toi à aimer tous les tiens »

D’une prière de saint Pierre d’Alcantara : « Dans le commandement de l'amour du prochain, qui contient tout, tu nous as donné quelque chose qui est le modèle de notre pastorale, que nous devons imiter afin que chacun comprenne l'amour et désire aimer, que chacun, où qu'il se trouve, soit saisi par ta parole quand nous la lui transmettons en vérité et que nous lui offrions pour cela notre prière. Seigneur, je t'en prie, donne-moi un nouveau courage, c'est-à-dire renouvelle ma foi ; qu'elle devienne si vivante qu'elle soit utilisable pour toi, et donne-moi l'amour afin que j'apprenne de toi à aimer tous les tiens » (NB 1/1, 475).

 

752. Son amour des hommes tire son origine de son amour de Dieu

Joachim de Flore. Il aime Dieu, Dieu Trinité, de toute sa force, il aime le monde et les hommes, il aime tout ce que Dieu opère dans l'histoire comme signe de sa toute-puissance, de sa présence et de sa bienveillance pour assister l'humanité et l’Église et en prendre soin. Il est désintéressé et il s'éduque continuellement à l'amour. Par nature, il ne lui est pas donné de se sentir très proche des hommes mais, par son amour pour Dieu, surtout pour le Fils et l'Esprit - en tant que don aimant du Père au monde -, il cherche à trouver aussi le Fils et l'Esprit dans les hommes et dans leur action. Son amour des hommes tire son origine de son amour de Dieu (NB 1/1, 79).

 

753. Le commandement de l’amour du prochain sort de la croix

La croix, en tant que rédemption pour l'humanité, est le lieu d'où ne cesse de sortir le commandement de Jésus sur l'amour du prochain (NB 2,62).

 

754. L’amour du prochain : faire de la France un pays parfaitement chrétien

Saint Louis veut pratiquer l'amour du prochain dans le domaine de son peuple, être un quidam parmi les autres pour aimer. Rien ne lui serait plus cher que de pouvoir faire de la France un pays parfaitement chrétien, un pays heureux et aimant (NB 1/1, 89-90).

 

755. Il veut seulement aimer

Dans l’Ordre des Frères prêcheurs, Las Casas expérimente le caractère vivant de l'amour du prochain. Il l'expérimente avec une force qui ne lui laisse plus désormais aucun répit. Depuis lors il veut élever tout le monde à cet état de prochain. Disparaissent ainsi pour lui non seulement les distinctions de personnes, de races, de peuples, mais d'une manière générale les distinctions de l'individu ; celui-ci se présente à lui d'emblée du point de vue de l'amour. Cela veut dire qu'il aime a priori : celui-ci qu'il connaît, cet inconnu, celui-ci dont il ne sait rien, celui-là dont il a appris quelque chose. Ainsi il les aime tous globalement en quelque sorte mais, dans cet amour, il sait qu'il a à représenter le Seigneur qui aime chacun personnellement. Et ainsi il met tout en jeu pour pouvoir aimer. Il se fait porteur de la Parole, et la Parole, c'est l'amour du prochain ; il ne connaît ni diplomatie, ni compromis. Il ne veut rien connaître au fond, il veut seulement aimer (NB 1/1, 126).

 

756. Le pénitent pour le prêtre : un prochain que le Seigneur aime

En général, ce n'est pas la connaissance du péché qui manque aux prêtres. Mais leur pénitent devrait leur apparaître comme un prochain que le Seigneur aime et avec lequel il voudrait qu'existe l'échange de la prière (NB 1/1, 493).

 

757. Peut-on être sans pitié pour ceux qui pèchent ?

Saint Cyprien aime les hommes certes, mais il est un peu sans pitié pour ceux qui pèchent ; il est charmant avec ses amis. En somme il aime les hommes. Mais ce n'est pas précisément sa caractéristique la plus éclatante (NB 1/1, 268).

 

758. Le Seigneur nous a montré la manière d’aimer notre prochain

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ton Fils nous a donné le commandement de l'amour du prochain auquel nous ne comprenons rien tant qu'il ne nous est pas permis de saisir son amour comme amour du prochain. Et quand nous aimons notre prochain, nous pardonnons comme le Seigneur nous a montré la manière de le faire, et ainsi il peut aussi nous pardonner. Il nous pardonne donc par le commandement de l'amour du prochain (NB 3,127).

 

759. L’amour du prochain, la croix et la résurrection

L'amour du prochain doit faire son chemin dans le monde entier et revenir sans cesse à la croix ou aussi à la résurrection (NB 10, n.2184).

 

760. Le non croyant peut comprendre quelque chose au commandement de l’amour du prochain

Le non croyant qui entend une parole de la doctrine ne peut lui attribuer qu'un sens limité. Dans le commandement de l'amour du prochain par exemple, il peut trouver bien des éléments qui le concernent, qu'il veut aussi observer, puisque sa vie et la vie des autres en sont enrichies (NB 5,68).

 

761. La communion d’amour dans l’Église

La communion d’amour dans l’Église devrait être l’image de l’amour entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint (NB 9, n. 1696).

 

4. Le manque d’amour

 

762. Là où il n’y a pas d’amour

Il y a dans l’Église des groupes et des assemblées qui sont faux. Il n’y pas d'amour en eux, ils ne poursuivent pas les buts de l’Église (NB 4,41).

 

763. Instruments du diable, sans amour

Dans l’entourage d’Hitler, Adrienne voit une foule de jeunes subalternes qui sont tous totalement inhumains, instruments du diable, sans amour et sans émotion, désespérés, durs et capables de tout (NB 8, n. 416).

 

764. Manque d’amour et confession

L'accusation en confession du manque constant d'amour, devrait se faire avec le désir que la volonté de Dieu se réalise pleinement en nous (NB 6,121).

 

 

V. L’amour

 

1. L’amour 2. Les amoureux 3. Le couple

 

1. L’amour

 

765. Façonné pour l’amour

L'être humain est un être qui est façonné pour l'amour (NB 12,147).

 

766. L’amour et le neuf

L'amour vient toujours pour donner du nouveau (NB 10, n. 2316).

 

767. C’est quoi l’amour ?

On pense toujours savoir ce qu'est l'amour. On pense aussi qu'on sait ce qu'est la souffrance. Et on sépare les deux. Ce n'est que lorsqu'il s'agit d'épargner quelque chose à celui qu'on aime qu'on voit les deux se rencontrer : on peut dans une certaine mesure faire un sacrifice, souffrir quelque chose pour montrer un peu d'amour. A la souffrance qu'on lui enlève, le prochain doit reconnaître qu'on l'aime. Mais ce chemin peut mener encore beaucoup plus loin : on peut épargner quelque chose à celui qu'on aime sans qu'une preuve d'amour soit par là manifeste, sans même que celui qu'on aime en vienne au fond à en savoir quelque chose. Il ne se doute de rien (NB 6,242).

 

768. Voir les choses avec les yeux de l’autre

En visitant une musée. Certains tableaux ne me disent rien à moi personnellement, mais parce que je vous aime et que vous aimez les tableaux, je cherche à voir les tableaux avec vos yeux (NB 4,346).

 

769. L'amour est un don de Dieu (NB 12,194).

 

770. L'amour unit à Dieu et aux hommes, il est plus que la raison (NB 11,254).

 

771. Pourquoi m’aime-t-il ?

Celui qui aime n’analyse pas plus avant son propre amour ; mais celui qui est aimé ne cesse de s’étonner de l’amour de celui qui aime : “Qu’est-ce qu’il trouve en moi ?” Il constate en lui des fautes qui au fond devraient faire obstacle à l’amour de celui qui aime. Et pourtant il sait qu’il est aimé et que ses fautes éventuelles n’empêchent pas cet amour. Il doit donc accepter que celui qui aime trouve en lui ce qui lui suffit. Que manifestement il est celui qui est désigné pour cet amour. Et ainsi il peut négliger tout ce qui est négatif ; quand il se voit aimé de la sorte, il n’a pas besoin de se haïr, ni de se mépriser, ni de se diminuer. L’amour lui garantit que tout est juste pour lui. Il se prête à se laisser aimer et il s’aime lui-même à l’intérieur de cet amour afin que rien ne s’en perde (NB 9, n. 1997).

 

772. L’amour et la personne

Aussi touchants que puissent être les mots et les lettres d'amour, ils ne sont pas le fruit véritable de l'amour. Celui-ci se trouve en la personne même de ceux qui s'aiment. Si l'amour a d'innombrables modes d'expression, ils restent pourtant liés aux personnes de ceux qui s'aiment (NB 12,97).

 

773. L’amour vrai

C'est l'amour vrai qui donne le sentiment que tout est bien. On ne veut plus porter de jugement sur ce qui est bien, c'est bien d'emblée. C'est dans la pureté de l’amour que c'est possible : c'est par amour qu'on donne ce qui est purement et simplement bien, ce qui est bien absolument, et non un bien qui pourrait être relativisé (NB 12,17).

 

774. La vérité de l’amour

La vérité de l'amour : tout ce qui est dit doit être vrai pour que l'amour puisse régner. Si l'amour est authentique tout ce qui est dit est vrai. La vérité dans l'amour exclut toute hésitation, toute chicane et tout calcul, elle offre l'échange simple et direct sans qu'on ait besoin de s'assurer constamment de l'amour de l'autre. Entre humains, nous n'arriverons jamais à la vérité parfaite ; il reste une incertitude ne serait-ce que parce que l'homme ne se connaît jamais lui-même parfaitement. En toute correspondance entre humains, il reste une petite tension, mais plus l'amour est authentique, plus elle disparaît (NB 11,409).

 

775. Amour et transparence

Celui qui aime quelqu’un fera tout pour être transparent à celui qu’il aime et pour se faire connaître de lui ; et celui qui est aimé, dès qu’il aura saisi l’amour, fera de même (Das Licht und die Bilder, p. 13-14).  

 

776. L’amour véritable

Marie aussi est femme, on n'a pas le droit de faire d'elle un être éthéré. Les futurs prêtres aussi doivent le comprendre de bonne heure: quand ils vénèrent et aiment la Mère, ce n'est pas quelque chose qui est hors du monde, rien de ce qui fait l'amour humain véritable ne s'atrophie en eux (NB 4,338).

 

777. Pour l'amour véritable, toutes les situations de la vie sont également essentielles (NB 5,200).

 

778. L’amour authentique : le toi et le moi

Quand commence l'amour authentique, le toi entre dans la conscience du moi, celle-ci s'ouvre et se donne afin que le toi s'épanouisse. Tel est le souhait du moi. Et même le moi est reconnaissant pour tout ce qu'on peut lui enlever si cela peut être essentiel pour le toi. En lui-même il n'y a rien qu'il considère comme essentiel pour lui ; ce qui justement lui est précieux, c'est que ce soit assumé dans l'être intime du toi ; le moi sait en même temps que le toi est alors plus vivant en lui. Dans ce processus se produit naturellement une diminution de la conscience de soi. Car ce que le moi reçoit du toi, même en tant que reçu, ne lui appartient pas, c'est tout au plus quelque chose qui est commun, mais le plus souvent c'est ce qui appartient au toi. C'est dans sa vérité que notre être est échange : réciprocité dans le don de soi et l'accueil. Il n'y a aucune sorte d'équation à établir entre les deux, car c'est un courant qui ne permet pas de déterminer des limites (NB 5,171-172).

 

779. Amour : un moi et un toi

En tout amour il doit y avoir un moi et un toi. Dans l'amour divin aussi (NB 4,238).

 

780. Dans l'amour on est toujours un hôte finalement (NB 12,51).

 

781. L’amour n’est jamais égocentrique

Si quelqu'un disait à un autre : "Je suis tellement laid et tellement mauvais, tu es tellement beau et tellement bon, plus je deviendrai laid, plus tu deviendras beau", ce ne serait pas une déclaration d'amour. La beauté du bien-aimé n'est jamais fonction de ma propre laideur, pas plus que ma laideur n'est là pour mettre en lumière la beauté d'un autre. L'amour n’est jamais égocentrique (NB 5,121-122).

 

782. Amour et égocentrisme

Déjà dans l'amour naturel, la conscience de soi est d'autant plus accentuée que la personne est plus égoïste ; elle se sert du toi pour prendre conscience de toutes ses possibilités propres. Et cela va de son propre plaisir sexuel à son propre plaisir spirituel en passant par tous les degrés intermédiaires. Le toi n'est que l'instigateur, le catalyseur, celui qui sert de complément. Quand il n'y a plus rien à en tirer, on peut le jeter comme une coquille vide ; un autre toi pourra peut-être permettre de développer de nouvelles possibilités du moi et il sera attiré comme un nouvel objet d'expérience : pour un moi qui ne peut pas s'arrêter, mais qui aspire continuellement à davantage de conscience de soi. Un moi de ce genre ne se reconnaît pas dans le toi en se donnant et en s'oubliant, mais en prenant conscience de ses possibilités : le miroir du toi ne sert qu'à permettre au moi de se rendre lui-même plus visible (NB 5,171).

 

783. Amour et égoïsme

Chez les hommes, il y a ceux qui entendent l’amour comme quelque chose qui est avant tout égoïste, l’accent est placé toujours davantage sur leur propre moi (NB 9, n. 1737).

 

784. Amour : pas tout seul

On ne peut pas vivre tout seul de l'amour (NB 4,403-404).

 

785. Amour en croissance

L’amour, s’il est authentique, est toujours en devenir et en croissance ; il n’est jamais clos, mais toujours en croissance, ne connaissant aucune limite qui n’amorce un nouveau commencement (Jean. Verbe fait chair II, p.153. Sur Jn 5,27). 


 

786. L’amour : plus ou moins parfait

Supposons deux personnes qui vivent totalement dans l'amour ; l'une apporte à l'autre un panier plein de fruits, l'autre va le prendre et s'écrier : "Quels fruits magnifiques !" Si les deux se sont un peu éloignées l'une de l'autre, elle demandera peut-être un peu malicieusement : "Je peux ?" Si elles se sont fort éloignées l'une de l'autre, elle posera toutes les questions possibles : "D'où viennent ces fruits ? Où veux-tu en venir avec ton offre ? Combien puis-je en prendre ?" Etc. Dans l'amour parfait, les deux ne distingueraient pas du tout entre le mien et le tien (NB 6,55).

 

787. L’amour et ses limites

Entre humains l'amour ne satisfait pas totalement (NB 6,91).
 

788. Jamais assez d’amour

L'être humain ne peut jamais recevoir assez d'amour, il ne peut jamais en être vraiment rassasié (NB 12,50).

 

789. L'amour et le temps

Celui qui aime vraiment aime son ami tel qu’il est maintenant, mais aussi tel qu’il sera dans cinquante ans et dans l’éternité. Il est prêt à dépasser tout ce qui est déception dans le temps (Confession, p. 202).  

 

790. Le meilleur

Dans l’amour, le meilleur c’est toujours le désir de l’autre (Jean. Naissance de l’Église II, p. 128. Sur Jn 21,16). 

 

791. Amour avec des réserves

L'amour avec des réserves n'est plus de l'amour à vrai dire, mais du pur égoïsme (NB 12,245).

 

792. Amour et mensonge

Le mensonge est un manque d'amour. Tout ce qui n'aime pas ment (NB 4,239).

 

793. Le mensonge, défaut d’amour

Saint François est convaincu qu'on peut éviter tout mensonge si on interprète correctement l'amour. Il pense que le mensonge est en tout cas fonction d'un défaut d'amour de l'homme. Si quelqu'un ment, c'est parce qu'il a trop peu d'amour. Saint Ignace, lui, est d'avis que le mensonge est l'expression d'un manque d'amour (NB 4,318).

 

794. Il y en a dont le sens de l’amour n’a pas encore été ouvert (NB 1/1, 142).

 

795. Ne pas vouloir aimer

Rarement Adrienne a été aussi profondément effrayée au sujet d’une femme qu’elle avait rencontrée : c’était quelqu’un qui n’aime pas et ne veut pas aimer ; c’est une femme qui s’est construit un espace hermétiquement clos et n’est disposée ni à en franchir elle-même les limites, ni à laisser personne le faire (NB 8, n. 883).

 

796. Ne pas aimer

Délivre-nous du mal” : délivre-nous aussi de ne pas aimer (NB 8, n. 1028).

 

797. Incapables d’aimer

Il y a des gens qui ressentent comme une injustice la moindre chose qui ne va pas selon leur volonté parce qu'ils ne sont pas capables d'aimer. Ils ne sont jamais capables de mettre en avant, au lieu de leurs exigences, un tout petit peu d'amour, un soupçon d'amour seulement, une goutte seulement, une ombre seulement, un rien seulement… Et parce qu'ils en sont incapables, ils ressentent tout ce qui leur est contraire comme injuste, comme dirigé et voulu expressément contre eux (NB 4,320).

 

798. Le manque d’amour

Il y a des gens comme il faut et pieux, mais il leur manque l'amour. On peut fuir l'amour pour se réfugier dans la piété (NB 3,77).

 

799. Un manque d’accompagnement qui est un manque d’amour

On doit toujours tenir compte qu’un mourant est subjectivement très sensible à un manque d’accompagnement, qui est un manque d’amour (NB 9, n. 1631).

 

800. Dispute et manque d’amour

Avouer une dispute superficielle et ne pas voir qu'elle provient d'un profond manque d'amour (NB 6,373).

 

801. Le rejet

Quelqu'un que j'ai aimé jusque là ne répond plus que par un haussement d'épaules à la parole que je lui adresse (NB 3,407).

 

802. L’amour et la haine

L’amour et la haine dans le sermon sur la montagne. 1. La haine ne reçoit pas parce qu’elle sait ce que voudrait dire aimer, ce que cela aurait pour conséquences, des conséquences qu’elle ne veut pas prendre sur elle. 2. La haine croit avoir accueilli l’amour. Mais elle ne voit pas les conséquences. C’est une conception pharisaïque. 3. La haine est tiédeur qui n’a plus la force d’aucune décision, qui ne peut plus dire ni oui ni non et se trouve par là incapable de recevoir la lumière. Une haine qui est aveugle, sur laquelle on ne peut pas graver la couleur de l’amour parce qu’il n’y a en elle aucun endroit sensible à la couleur. C’est la haine vomie de Dieu (NB 9, n. 1110).

 

803. L’amour ne pose pas de conditions

Celui qui un jour est invité et qui dit oui dans l’amour ne pose pas de conditions : l’invitation aura sans doute certains contours et certaines limites ; je sais qu’on ne va pas me donner un royaume. Malgré cela je prends simplement toutes choses comme elles viennent (NB 9, n. 1685).

 

804. Amour et liberté

Quand quelqu'un aime et que son amour est authentique, le critère peut en être que le lien dans l'amour est ressenti comme une liberté. Tout ce qui unit ceux qui s’aiment a tant de valeur qu'aucun désir ne s'éveille après l'autre. Si la relation de ceux qui s'aiment, leur vie commune, leur comportement sont vus du dehors, avec les yeux de ceux qui n'aiment pas ou qui aiment autrement, tout paraît un manque de liberté, des liens, des limites. Si par contre celui qui les regarde a l'expérience d'un amour semblable, cette impression disparaît (NB 6,24-25).

 

805. L’amour : un échange

L'amour est échange, si bien que celui qui aime et l'aimé forment une unité dont les joints sont invisibles ; l'aimé ressent le don que fait de lui-même celui qui l’aime, et celui qui aime se donne à l'aimé pour se recevoir de lui en retour sous une forme transformée (NB 6,290).

 

806. L’amour ressent l’amour

Plus on aime quelqu'un, plus on le voit ; plus la rencontre des deux est pure, plus le regard pénètre à fond ; plus la relation entre les deux est intime, plus le voyant voit en l'autre ce qu'il y a d'amour. Quand, dans la conversation, le visage de celui qui écoute change parce qu'il n'a pas compris une phrase de son interlocuteur, celui-ci voit surtout l'effort que fait l'autre pour le suivre ; la présence de sa personne reste à l'arrière-plan. Dans l'amour vivant, les circonstances concrètes ne sont pas négligées, elles sont au service de la relation d'amour elle-même : ce qui est le plus présent, ce qui est le plus à l'avant-plan, l'essentiel, c'est que l'amour voie et ressente l'amour, c'est que l'amour ressente plus fort l'amour et soit plus fortement touché par lui, qu'un échange ait lieu dans une sphère qui n'est compréhensible que par l'amour et ne soit accessible qu'à l'amour (NB 6,299-300).

 

807. L’amour stimule l’amour

L'amour stimule l'amour et en même temps le suppose ; derrière celui qui aime se trouve l'aimé, et derrière celui-ci se trouve celui qui aime (NB 6,291).

 

808. L’amour : une joie que Dieu nous accorde

Entre amis, il n’est pas nécessaire que toute la conversation tourne autour de choses pieuses. Je peux quand même parler avec mon ami du beau temps et de l’oiseau qui chante là, ou d’un livre que j’ai lu et n’exprimer peut-être alors rien d’intime, du moins pour un tiers. Mais si nous nous aimons, nous savons que Dieu nous accorde cette joie et que nous avons le droit d’échanger nos soucis : les soucis chrétiens, pas seulement les soucis naturels (NB 4,126).

 

809. Amour désintéressé

L'amour qui ne cherche pas ce qui est sien est le principe de tout mérite (NB 8, n. 16).

 

810. La pureté et le désintéressement de l'amour est variable d’une personne à l’autre et aussi dans la même personne selon les étapes de sa vie (NB 5,199).

 

811. L’amour est créateur

L'amour est créateur, il éveille chez les autres, pour la vie, des choses qui sommeillaient, des possibilités toutes nouvelles (NB 8, n. 108).

 

812. Les fruits de l’amour

Tous les fruits de l'amour servent toujours l'amour. Un amour purement humain pourrait être brisé par un tiers ; l'amour divin et chrétien ne peut pas être brisé. Tous les fruits de l'amour sont au service de l'amour même si entre humains tous les fruits ne sont pas parfaits (NB 12,103-104).

 

813. Transmettre l’amour aux autres

Ce que voudrait le plus Saint Philippe Neri, c'est transmettre l'amour à ceux qui n'en ont pas encore fait l'expérience pour leur apporter, à partir de sa joie, la grande surprise de l'amour (NB 1/1, 136).

 

814. Apprendre à rayonner l’amour

Apprendre à rayonner l'amour… Ne plus vivre que pour la reconnaissance et l'amour (NB 4,410).

 

815. L’amour se prodigue

(Parabole de l’amour). Un homme dans une forêt. C'était une morne matinée, il n'y avait plus que peu de feuilles sur les arbres, le sol en était couvert et il était humide. L'homme était pauvrement vêtu, mais il ne semblait pas avoir particulièrement froid. Tandis qu'il s'en allait, des gens vinrent à sa rencontre, qui étaient très décharnés et soucieux. Il parla avec eux et il y eut entre eux quelques échanges. Je pensai : c'est comme si ces gens maintenant avaient plus chaud. Plus tard, il rencontra à nouveau d'autres gens, et il se passa la même chose. Cette fois-ci, je fis davantage attention : à nouveau les gens semblèrent mieux, mais l'homme aussi. Qu'est-ce que c'était ? C'était simplement l'amour. Plus il prodiguait de l'amour, plus il en avait pour partager une fois encore un nouvel amour (NB 10, n. 2074).

 

816. Je voudrais montrer à tous de l'amour (NB 4,297).

 

817. Je vous aime tous

De l’enfance d’Adrienne. Elle fréquentait une classe (au niveau du collège sans doute) où il n'y avait que des garçons. Un jour les garçons avaient fait une liste où figuraient tous leurs noms et ils lui avaient expliqué qu'ils étaient tous prêts à se marier avec elle. "Nous voulons tous te marier" (sic en français). Ils lui remirent la liste solennellement. Adrienne répondit qu'il lui était impossible d'en choisir un, "parce que je vous aime tous" (NB 3,40).

 

818. Aimer beaucoup de personnes

L’amour ne cesse d’être le thème de la conversation d’Adrienne ; c’est inépuisable. Elle décrit comment l’amour a grandi en elle. Comment elle pensait autrefois qu’on ne pouvait aimer de toute son âme qu’une seule personne, ou quelques-unes seulement. Et maintenant elle comprend qu’on peut se dévouer de toute son âme à d’innombrables personnes et à chacune de manière différente si bien qu’il n’y a aucune infidélité à se donner totalement à beaucoup. Autrefois elle ne savait pas que cela était possible (NB 8, n. 406).

 

819. L’amour est un mystère

L'amour est un mystère beaucoup plus profond que cette idée présumée qu'il doit rester toujours égal à lui-même (NB 3,323).

 

820. Dans le nom de l’aimé une foule de mystères

Ceux qui aiment peuvent mettre dans le nom de l’aimé une foule de mystères et, quand ils le prononcent, la connaissance de son contenu semble leur être réservé (NB 9, n. 1937).

 

821. Une connaissance primitive de l’amour

On n'a pas le droit de se contenter d'une connaissance primitive de l'amour (NB 4,37).

 

822. Se sentir aimé

Quand quelqu’un se sent aimé, il peut conclure qu’il est, sur un point ou sur un autre, attirant et digne d’amour. Il a cette qualité. Il peut même s’en réjouir. Cette qualité peut être pour lui consolation et encouragement (NB 9, n. 1579).

 

823. Cela fait du bien d’être aimé

Quelqu’un dit : « Je t’aime », parce qu’il sait que cela fait du bien d’être aimé (NB 4,84).

 

824. Amour : cela fait plaisir

Quand quelqu'un dit à un autre : "Je t'aime", cela peut relever de son bon plaisir ; mais si l'autre répond : "Cela me fait plaisir", c'est qu'il l'a accueilli et il a conféré sa validité à ce qu'on lui a dit (NB 6,114).

 

825. C’est seulement dans l’amour que l’homme est complet

C'est seulement dans l'amour que l'homme est complet (NB 3,111).

 

826. L'amour est lumière (NB 5,260). 5005

 

827. La lumière de l'amour (NB 3,146).

 

828. L’amour et la vraie lumière

Supposons que j'aime quelqu'un qui peut-être m'aime aussi ; nous sommes souvent ensemble et nous faisons beaucoup de choses en commun. Tant que cela ne concerne que nous, nous n'avons pas besoin de programme. Peut-être passons-nous trop rapidement sur bien des choses, mais c'est absolument sans importance tant que notre amour porte tout et tend vers la vraie lumière (NB 4,403).

 

829. Une provision de vie

Le don d’une personne à une autre constitue toujours une provision de vie pour celle-ci : elle peut s’y épanouir, y puiser du courage, rendre sa vie plus joyeuse, plus légère (Jean. Discours d’adieu II, p. 50. Sur Jn 15,16).  

 

830. L'amour est le cœur de la vie (NB 3,367).

 

831. Le point de vue de l’amour est si central

Il y a peut-être une spécialité du ministère, de la vocation, mais aucune n'est isolée. C'est pourquoi, en tant que catholique, on doit posséder en principe un accès à toute vérité, y compris à celle qui se trouve en dehors de l’Église et en dehors de l'amour. Et pourtant le point de vue de l'amour est si central que, partout dans ce qui est dehors, on doit reconnaître des points de contact avec ce qui est à l'intérieur. Il y a quelque part en tout homme un point vulnérable. Jean n'est pas en mesure de transformer l'enfer en amour, mais il reprend dans l'amour la vérité de l'enfer et il doit l'utiliser pour l'amour et le faire déboucher dans l'amour. Que lui justement, le disciple bien-aimé, ait cette tâche, cela va de soi, car seul l'amour est plus fort que l'enfer, seul il supporte ces horreurs (NB 1/2, 218-219).

 

832. Commencer à aimer

Adrienne : La première fois que j'ai ouvert le catéchisme, j'ai su qu'on devait croire. Devenir catholique veut dire commencer à aimer (NB 1/2, 218).

 

833. Vivre dans l’amour

Qu'est-ce qui est le plus important ? Que la famille aujourd'hui vive dans l'amour ou que je fasse des prévisions pour demain étant donné que je peux mourir à tout instant ? (NB 4,408).

 

834. Être dans l’amour

Supposez deux êtres qui s’aiment, l’un est à la mort ; quand il meurt, il ne reconnaît plus l’aimé qui est auprès de lui ; mais l’aimé connaît encore le mourant. Malgré cela leur unité se maintient parce que les deux sont dans l’amour (NB 4,133).

 

835. S’aimer en toute simplicité

Ceux qui s'aiment se rencontrent en toute simplicité même si l'un est le supérieur de l'autre (NB 6,315).

 

836. S’aimer : se tutoyer

A notre âge, on se tutoie quand on s'aime vraiment (NB 7,183).

 

837. Aimer constamment

De celui qui aime véritablement est exigé qu'il aime constamment : cela peut se faire tout aussi bien avec le sentiment de la force qu'avec celui de la faiblesse. Celui qui est totalement épuisé, même le mourant, peut subir sa lassitude mortelle dans le cadre de sa mission et vivre ainsi totalement dans un amour qu'il ne ressent plus comme tel, auquel il ne répond plus consciemment, entièrement accaparé qu'il est par son état. L'état lui-même alors comprend déjà la réponse (NB 12,39-40).

 

838. Amour : désirer vivre avec celui qu’on aime

Si j'aime quelqu'un, j'aimerais vivre avec lui, et il serait tel que mon amour le voit. Je n'imagine pas que celui que j'aime pourrait changer extérieurement et intérieurement ; je n'aime pas non plus penser au fait que je pourrais moi-même changer et que mon amour est peut-être une affaire très superficielle. Si dès le début je l'aime moins, certaines rencontres me suffiront, un échange dans un domaine limité suffira (NB 6,362).

 

839. La distance et l’amour 

Il y a toujours un chemin entre celui qui aime et celui qui est aimé, même si les deux sont souvent loin l'un de l'autre et qu'ils ne peuvent se voir (NB 6,403).

 

840. La distance nécessaire à l’amour

En tout amour il faut une distance. On ne peut pas toujours être ensemble. Il doit aussi y avoir la joie des retrouvailles. Pour qui veut aimer parfaitement un être humain ou Dieu également, il y a dans la distance une sorte de feu purificateur. Les êtres humains ont leurs défauts, il n'est pas nécessaire que ce soit des péchés ; ces défauts peuvent donner l'occasion à l'amour de s'affaiblir. Pour que l'amour reste parfait, on prendra à part soi certaines mesures, dans la distance, pour dépasser les dangers, qu'on en parle ou non avec l'autre (NB 10, n. 2287).

 

841. L’amour des conjoints et la distance

Tout au long du jour, les conjoints peuvent travailler séparément, ils n'ont pas besoin de travailler l'un à côté de l'autre, ils sont unis par le lien sacré légal, mais aussi sur la base d'un commun esprit d'amour. Il y a ainsi une communion malgré une certaine distance (NB 6,466).

 

842. L’amour surmonte les distances

Si une jeune fille simple aime le roi d'un amour authentique, l'amour surmonte les distances. Elle l'aime comme elle peut ; que le bien-aimé soit roi ne refroidit pas son amour, ce n'est pas non plus ignoré, c'est élevé dans l'amour (NB 6,301).

 

843. L'amour annule toutes les distances (NB 12,79).

 

844. Accompagner dans l’amour

Quelqu'un peut accompagner dans l'amour son ami qui a de gros soucis sans savoir la cause de ce souci (NB 3,210).

 

845. Montrer de l’amour

Comment fait-on quand on voudrait beaucoup aimer quelqu'un ? (NB 10, n. 2052).

 

846. L’expression de l’amour

Dans la conduite d'un homme, on peut remarquer mille vertus sans que nous vienne à l'esprit qu'elles sont une expression de l'amour (NB 6,403).

 

847. Les manifestations de l’amour

Ce sont souvent les circonstances extérieures qui déterminent telle manifestation de l’amour au lieu de telle autre. Aujourd'hui celui qui aime apporte des fleurs à sa bien-aimée, demain un livre, après-demain un baiser. Encore une fois des fleurs aujourd'hui ? C'est justement comme ça. L'amour qui s'exprime a trouvé précisément cette expression. Il aurait pu choisir aussi une autre expression. Mais tel que c'est, c'est toujours bien (NB 12,105-106).

 

848. Le corps : pour exprimer l’amour

Dieu a peut-être donné à l’homme un corps comme possibilité d’expression de l’amour ; par exemple, une mère, quand elle allaite son enfant, relie cet enfant à l’amour qu’elle nourrit pour lui, afin que l’enfant ne se sente pas abandonné mais qu’il grandisse dans l’amour de sa mère et le comprenne corporellement étant donné qu’il ne peut pas encore le comprendre intellectuellement. Mais le corps qui était un pur cadeau, qui était un cadeau aussi dans ses attributs sexuels parce qu’il devait être l’expression de l’amour et laisser à l’homme la liberté de sa fécondité, parce qu’il devait aussi leur rappeler l’œuvre de la création de Dieu et sa fécondité : le corps s’est maintenant solidifié en pierre de péché comme s’il n’avait été donné qu’afin que les hommes aient en eux un sûr motif de pécher (NB 4,128-129).

 

849. Le baiser

Un baiser n'a qu'un sens : l'amour, le don de soi (NB 10, n. 2354).

 

850. Le baiser

Si je suis jeune et qu'un garçon me donne un baiser, je le sens et je suis heureuse. Mais si je suis vieille et qu'un jeune homme me donne un baiser, je sens tout à la fois son amour et sa fraîcheur ; je sais que le jour viendra où il trouvera une fille qui lui convient. Je sens dans son baiser ce qu'il cherche et veut et qui n'est pas pour moi (NB 10, n. 2100).

 

851. Amour : tendre la main

D'habitude le corps est un moyen de communion, d'échange. Dans un mouvement d'amour, nous tendons involontairement la main : un geste d'ouverture (NB 6,254).

 

852. L’amour : une parole parfois

On va se promener avec un ami, la conversation se traîne, on est légèrement fatigué, on aime beaucoup marcher l'un à côté de l'autre, et tout d'un coup l'autre dit un mot qu'on avait toujours attendu presque sans le savoir, et tout d'un coup il est mon meilleur ami, et je l'aimerai toujours, car il m'a donné ce que depuis toujours je cherchais, pensais et désirais (NB 4,438).

 

853. Amour et parole

Dans les relations avec le prochain, c'est l'amour qui est à l'origine de la parole et de l'entente. La parole est le moyen pour échanger de l'amour (NB 6,21).

 

854. L’amour et le dialogue

Plus grand est l'amour de deux personnes, plus fortes et plus naturelles seront l'intimité et la profondeur de leur conversation. Dans le dialogue il ne peut rien se passer qui briserait l'amour (NB 6,68).

 

855. Aimer : par la parole et dans le silence

Il y a des personnes qu'on aime et qu'on ne voit pas pendant des années, mais cela ne change rien à l'intimité. On peut se parler ou aussi se taire, cela ne change rien (NB 3,153).

 

856. Amour : parler et se taire

Celui qui aime voudrait constamment parler et se taire avec celui qu'il aime et le faire participer à tout (NB 6,23).

 

857. Aimer : vouloir épargner une douleur à l’aimé

Comme si un amant souffrait tout près de l'aimé au cas où celui-ci permettrait à l'amant de souffrir pour lui, de se laisser infliger une peine à sa place par exemple. Si quelque chose de ce genre se produit dans l'amour réciproque, c'est pour l'aimant une vraie joie, car il ne fait rien plus volontiers que d'épargner une douleur à l'aimé (NB 3,86).

 

858. L’amour et l’angoisse pour l’autre

Supposons que quelqu'un que j'aime est opéré et que je puisse être présente à l'opération bien que n'étant pas médecin. Je vois qu'on lui ouvre le corps et qu'on lui retire des organes. Cela semble horrible et pourtant je sais que ce sont des spécialistes qui sont à l’œuvre, le tout est rempli de sens pour plus tard. Cela suit un cours déterminé qui a un sens. J'ai peur certes pour celui que j'aime mais, parce qu'il m'est permis d’être présente, je ressens en même temps une sorte d'apaisement objectif. L'affaire suit son cours, elle ne s'arrête pas. Mais si je dois attendre dans la pièce voisine, si je sais seulement que l'intervention a lieu ce matin, si je n'en connais pas l'heure exacte, mon angoisse sera beaucoup moins paisible ; je ne vois pas si cela se passe normalement et si cela s'arrête... On voudrait crier et on ne peut le faire (NB 3,136).

 

859. L’ami qui annonce sa visite

Si un ami annonce par courrier sa visite et dit qu'il s'en réjouit, s’il me dit sur quoi porte sa curiosité et ce qu'il souhaiterait surtout voir de mes affaires, je lui préparerai sa chambre et j'y mettrai les affaires qu'il souhaite voir. Il doit les trouver en leur lieu propre, pas seulement d'une manière impersonnelle en quelque sorte (NB 6,308).

 

860. L’amitié

Saint Ignace aimait beaucoup François Xavier, d'un amour humain, d'un amour d'amitié (NB 11,398).

 

861. Amour et humilité

Avec l’amour il se passe ceci : il est aussi bien donné que pris ; celui qui aime le donne et celui qui est aimé le prend, et assurément le fait de donner est un cadeau, premièrement de la part de celui qui aime et, secondairement, pour celui qui le reçoit. Avec l’humilité par contre il se passe ceci : elle est donnée avec tout amour vrai et si elle n’est pas présente dans le don, l’amour n’est pas vrai. Mais bien qu’elle soit donnée avec l’amour, elle n’est pas reçue de la même façon. Celui qui est aimé ne reçoit que l’amour, il ne reçoit pas aussi l’humilité (NB 8, n. 878).

 

862. Il fut conduit à l'amour par l'humilité (NB 4,412).

 

863. Obéissance et amour

L'obéissance est un flux d'amour. Je t'aime tellement que, si cela te fait plaisir, je danserai sur une corde, bien que je sache que je n'en suis pas capable. Si je le fais, c'est parce que tu m'en as donné l'ordre. Il y a ainsi les offres les plus folles uniquement pour faire plaisir à Dieu. Pas une joie purement superficielle, mais la joie que sa volonté s'accomplisse, que sa mission soit remplie (NB 4,256).

 

864. De la crainte à l’amour

Adrienne. Son père, que plus tard elle aima beaucoup et avec qui elle s'entendait bien, elle l'avait au début plus craint qu'aimé (NB 3,117).

 

865. Une soumission dans l’amour

Il y a dans l’amour une soumission. Si j'aime de manière vivante, ce genre de soumission est pour moi cachée dans l'amour. Elle ne se fait pas remarquer comme un élément particulier. Elle est tellement inhérente à l'amour qu'elle n'est pas visible comme partie constituante particulière (NB 1/2, 218).

 

866. La loi de l’amour

Sur terre, on ne peut pas simplement éliminer quelqu'un qui nous gêne. On doit avancer selon la loi de l'amour (NB 4,47).

 

867. Dans la nouvelle Alliance l'amour est plus grand que la loi (NB 4,403).

 

868. L’intelligence aimante

Le pur amour sans l'intelligence aimante n'obtiendrait rien (NB 4,294).

 

869. L’amour et le don

Quand on aime beaucoup un objet et que l'aimé le demande justement pour lui, il peut se faire qu'on le lui donne avec une joie sans mélange et qu'on ne pense qu'à l'effet qu'il fera sur l'aimé et non au vide que lui-même créera en nous (NB 6,122).

 

870. Les cadeaux de l’amour

Je regardais vos fleurs et je m'en réjouissais parce qu'elles font partie des cadeaux de l'amour (NB 10, n.2193).

 

871. Il y a les petites cachotteries de l’amour (NB 9, n. 1360).

 

872. Amour et service

Parce que je t’aime, je te servirai dans l’amour (NB 9, n. 1427).

 

873. Amour : aider

Disponibilité de l’amour : celui qui aime aide celui qui cherche de l'aide (NB 12,148).

 

874. Aimer : s’adapter aux désirs de l’autre

Si on aime quelqu’un, on aime bien être ce que l'autre veut (NB 7,67).

 

875. Aimer : s’adapter à l’autre

Celui qui aime cherche à adapter le plus possible sa volonté à celle de l'être aimé. Il a le désir de faire exactement ce que l'autre décide. Si celui-ci cherche des yeux un objet, celui qui aime se lève pour aller le chercher et le lui donner, et celui-ci va recevoir l'objet comme enrichi par celui qui aime et il va préférer le dessein de celui qui aime au sien propre. Il préférera prendre l'allumette qu'on lui tend même si au même instant lui-même en aurait trouvé une. Dès que tu intègres ton dessein dans le mien, je préfère ton dessein au mien (NB 6,80-81).

 

876. Les remontrances dans l’amour

Quand des personnes qui vivent vraiment dans le Seigneur se font réciproquement des remontrances au sujet de leurs défauts, c’est toujours quelque chose de tout autre qu’une dispute en dehors de l’amour (NB 9, n. 1395).

 

877. L’amour et le blâme

Quand on reçoit de quelqu’un une réprimande et que, dans ses paroles, on ressent l’amour plus que le blâme, on rit plus qu’on ne pleure (NB 9, n. 1561).

 

878. Les douleurs et l’amour

Les enfants sont mis au monde dans les douleurs, mais la mère supporte la douleur par amour pour l'enfant (NB 6,562).

 

879. L’amour d’une mère

La femme conçoit la vie comme une vie étrangère, et pourtant c'est une vie dont l'origine est l'amour. Elle sait que cette vie vit en elle de manière cachée et pourtant elle ne sait pas, elle croit et pourtant elle ne croit pas ; c’est comme si elle était totalement au service de cette vie, comme si elle ne vivait plus que pour l'amour de cette vie. Et tout d'un coup cette vie est sortie d'elle : une vie étrangère propre, une vie qui vit de sa vie à elle et qui pourtant est différente, une vie qui provient de son amour et de sa nature, une vie qui compte sur elle et sur son amour, sur ses soins, sur son lait, et qui pourtant est une vie pour elle-même, une vie qui dépasse ce qu'elle imaginait, qui répond à son amour et l'enflamme d'une manière nouvelle, qui fait de son amour une flamme qu'on ne peut plus maîtriser (NB 5,263).

 

880. L’amour et la correction

Une mère peut corriger son enfant avec une véritable colère sans renier son amour pour lui ne fût-ce qu'un instant (NB 6,314).

 

881. Amour : la mère et son enfant

La mère tout d'abord porte son enfant et l'allaite et lui donne de sa force et de sa substance ; ensuite, plus tard, elle est portée et guidée par son enfant (NB 6,404).

 

882. Les femmes qui aiment

C’est quand même une belle chose que les femmes puissent aimer tellement plus que les hommes ! (NB 8, n. 618).

 

883. Aimer sa patrie

(Juin 1940). Adrienne : Jusqu’à présent je ne savais pas qu’on pouvait tant aimer sa patrie (NB 8, n. 658).

 

2. Les amoureux

 

884. Les amoureux

Un amoureux montre à l'être aimé des souvenirs de sa jeunesse, du temps où ils ne se connaissaient pas encore. Contre toute attente, l'être aimé trouve là partout déjà des traces, des souvenirs, des images de lui-même. Il était depuis toujours présent dans la vie de celui qui l'aimait. Seulement il ne le savait pas (NB 4,26).

 

885. La rencontre

La rencontre de deux amoureux vise à chaque fois le tout de l'autre personne (NB 10, n. 2060).

 

886. L’amoureux et l’aimé

Si un amoureux disait à l'autre : "Quand tu me regardes, tu vois l'amour", on serait enclin à objecter : "L'amour, c'est quand même quelque chose d'abstrait et tu es concret. Moi, je vois en toi l'amoureux et l'aimé, et je sais que c'est l'amour qui a fait de toi ce que tu es" (NB 6,117).

 

887. Les amoureux et l’amour

Quand des amoureux veulent se rappeler une heure d'amour, il leur suffit de la plus minime des choses, des choses qui pour les autres semblent tout à fait secondaires, pour rappeler indubitablement cette heure : une fleur, une odeur, un paysage (NB 1/2, 167).

 

888. Pourquoi m’aimes-tu ?

Si quelqu'un demande à un autre : "Pourquoi m'aimes-tu?", l’autre lui ferait une belle réponse, mais la question l'aurait poussé à mettre la question dans un cadre déterminé. La réponse réelle, qui se trouve en Dieu, est beaucoup plus belle, au cas où l'amour est authentique. Mais la question entre humains est plus une question de passion amoureuse que d'authentique amour, celui-ci ne pose pas de questions de ce genre. Et si cela est déjà valable entre humains, ce l'est encore beaucoup plus pour l'amour qui vient de Dieu (NB 1/2, 275).

 

889. L’amour à seize ans

Supposons un jeune qui, à seize ans, a connu un grand et pur amour (NB 9, n. 1316).

 

890. L’amour qui va de soi

Deux êtres qui s'aiment ont toujours présents les signes de leur amour. Ils se partagent leur joie sans réfléchir ; ils se donnent l'un à l'autre ce qu'ils ont sans se poser de questions. Au bout de vingt ans, l'un n'a pas besoin d'expliquer tout d'un coup : tout est comme ça parce que je t'aime. Et l'autre n'a pas besoin de répliquer en tombant des nues : Comment est-ce possible ? L'homme sans péché était ainsi dans un état de bonté qui était sans questions et où allait de soi (NB 3,273).

 

891. L’amour qui grandit 

Supposons deux amoureux qui veulent venir en aide à une troisième personne ; ils se concertent à son sujet, ils s’apercevront alors que leur amour réciproque aussi a grandi durant ce temps. L’un aura saisi quelque chose en plus de la personnalité de l’autre pendant qu’à deux ils examinaient ce troisième (NB 9, n. 2003).

 

892. Amour et renoncement

Comme si un amoureux, pour l'amour de sa bien-aimée, voulait renoncer à ses goûts personnels pour considérer et apprécier toutes choses avec les yeux de sa bien-aimée (NB 6,226).

 

893. Un renoncement d’amour

Si deux êtres qui s’aiment ont des désirs différents qui ne peuvent pas être satisfaits en même temps, ils voudront tous les deux, par amour et dans la joie de leur amour, renoncer à leur désir pour combler celui de l’autre. Le renoncement sera un renoncement d’amour et aura la joie comme motif. Aucun des deux ne voudra même prononcer le mot de renoncement (Le livre de l’obéissance, p. 34). 


 

894. Dans l’amour il y a une exigence

Celui qui aime peut, à côté de la vision immédiate de la personne aimée, la regarder aussi de manière indirecte : se faire une idée des habitudes, des besoins, des actes, des manières de se comporter de la personne aimée, ce qu'elle aime, ce qu’elle désire, ce qu’elle ressent, et se comporter en conséquence. Cela lui donne un autre point de vue que s'il ne la considère que comme celle qu'il aime d'un amour débordant et qui répond de même. Dans l'amour, il y a une exigence. Celui qui aime doit accomplir les actes que la personne aimée attend de lui (NB 6,402).

 

895. Par amour pour moi

Un amoureux peut dire à l’aimée : "Fais cela par amour pour moi, même si tu n'en es pas encore convaincu toi-même" (NB 6,154).

 

896. Amour et obéissance

Si ici-bas un amoureux fait la volonté de sa bien-aimée, il sent rarement que son obéissance est un fardeau, parce que l'amour a partout le premier rang et on ne peut pas distinguer les différents motifs qui se trouvent en lui ( NB 11,251).

 

897. Les trouvailles de l’amour

Supposons deux amoureux : en raison de son amour, l'un peut avoir l'inspiration de donner à l'autre un baiser ou de renoncer pour lui à un petit quelque chose ou bien aussi de donner sa vie pour lui. Et peut-être qu'il ne l'aime pas davantage quand il donne sa vie pour lui que lorsqu'il lui donne seulement un baiser. Ce qui importe, c'est l'amour, et viennent alors les trouvailles de l'amour. L'amour demandera à l'autre des choses qui lui sont possibles en quelque sorte ; il ne va pas lui arracher de manière violente ce que l'autre veut lui offrir ; il ne va rien revendiquer d'insensé mais seulement ce qui est possible et utile pour l'amour. Mais même quand l'amoureux accomplit le plus grand acte d'amour, l'amour sera encore toujours ce qui est plus grand que tout acte. Entre amoureux, le baiser peut passer pour la plus haute expression de l'amour ; ou bien si l'un prête à l'autre une petite somme, celle-ci peut être "tout" parce qu’il n'en avait pas plus. Celui qui aime considère comme parfaits ces actes de l'aimé (NB 10, n. 2128).

 

898. Tout exprime l’amour

Si on demande à un amoureux quand il a le plus aimé l'objet de son amour, il lui est impossible d'indiquer un moment précis ; mille situations lui viennent à l'esprit, aucune n'est semblable à une autre, toutes sont l'expression de l'amour (NB 6,305).

 

899. Le cadeau du bien-aimé

Une amoureuse reçoit tout cadeau de son bien-aimé comme ce qu'elle aime le mieux (NB 12,153).

 

900. Aimer une princesse 

Supposons un jeune paysan qui aime une princesse et qui est logé à la cour du roi. Il a atteint tout ce qu’il voulait et ce n’est qu’alors qu’il prend conscience de la distance : il ne connaît même pas les rudiments de la vie de cour et il doit maintenant les apprendre. Tout est exigé (NB 8, n. 688).

 

901. Maime-t-il encore ?

 

Supposons que mon bien-aimé m'ait juré un amour éternel, inaltérable et qu'il soit ensuite parti en voyage. Des peurs peuvent maintenant me gagner : M'aimes-tu encore? Tes paroles continuent à se faire entendre, je sais encore ton regard lors de nos adieux, mais avec l'aide de ma mémoire et aussi de l'amour que j'ai personnellement pour toi. Si tout d'un coup tu étais là à nouveau et si tu voyais mon inquiétude, m'accueillerais-tu encore de la même manière ? Certes je n'ai rien fait consciemment contre ton amour, seulement un long temps s'est écoulé depuis que nous nous sommes parlé (NB 6,129).

 

902. L’amour dans l’absence

Un amoureux confie à sa bien-aimée qu'il l'aime même quand elle est absente. C'est une "foi" qui s'enracine dans l'amour, une foi qui vit tout autant dans l'amoureux que dans la bien-aimée (NB 6,307).

 

903. Les amoureux et la vie dans la foi

On peut deviner la vie éternelle qui est cachée dans toutes les situations de la vie du Christ. Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière, Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut. Un peu comme il en est pour les amoureux : peu importe qu'ils soient habillés ou déshabillés, à moitié ou totalement, l'amour n'est pas moindre dans un cas que dans l'autre. Ainsi en est-il des relations du Seigneur avec ses disciples croyants ; les moments sont si pleins, si denses et si parfaits, qu'on n'a pas besoin de demander dans quelle mesure sa divinité est visible dans son humanité, dans quelle mesure l'éternité est visible dans l'instant temporel ; la foi s'en remet à lui pour la manière dont il gère le contenu éternel de son existence dans le temps (NB 6,99).

 

 

3. Le couple

 

904. Adam et Ève

Quand Adam se trouvait seul face à Dieu, il ne pouvait pas comprendre ce qu'était l'amour. Ève lui fut-donnée à son côté, l'amour alors a pris naissance (NB 4,183).

 

905. Marie et Joseph

Joseph vit avec Marie sans s'approcher d'elle parce que Dieu ne l'a pas voulu. Il n'est pas question de sexuel entre eux. De la part de Marie certes pas, bien qu'elle sache ce que c'est qu'un homme et bien qu'elle aime Joseph ; mais la volonté de correspondre à Dieu la remplit si totalement qu'il ne reste en elle aucun espace pour un désir qui ne soit pas inspiré par Dieu. Pour elle, la continence n'est pas un sacrifice (NB 4,362).

 

906. S’aimer en Dieu dans le mariage

Dans le mariage et l'amitié les hommes ne peuvent s'appartenir l'un à l'autre que s'ils s'aiment en Dieu et se pardonnent mutuellement dans la miséricorde de Dieu (NB 3,75).

 

907. Un amour toujours neuf

L'amour est joyeux, il connaît le rire, la surprise, il est toujours ouvert à ce qui est nouveau. Il ne connaît ni l'usure, ni la rumination du même. Quand des croyants s'aiment mutuellement en Dieu et prient, c'est comme si Dieu lui-même leur offrait un amour toujours neuf. On sait qu'il faut de la patience pour laisser mûrir les choses mais, dans l'amour, cette patience est facile parce que Dieu offre constamment à celui qui est patient de nouvelles révélations de l'amour, qui éveillent en lui un nouvel étonnement (NB 12,103).

 

908. Prier ensemble

Dans le mariage, la vie en commun devant Dieu est si grande qu’il n’est pas nécessaire de beaucoup prier ensemble. La prière commune a davantage pour but de se rappeler mutuellement qu’on mène une vie de prière. Chacun des époux doit respecter la prière de l’autre et le laisser prier comme Dieu le lui inspire et comme lui-même aime le faire et, pour le reste, ne pas fixer de règles rigides. Il peut y avoir des époux qui éprouvent le besoin de beaucoup prier ensemble... Mais cela restera plutôt l’exception. La prière ne doit en aucun cas être exclusivement commune, comme il n’est pas exclu par principe qu’elle puisse l’être (Le monde de la prière, p. 171).  

 

909. Le oui des gens mariés

Les destins divers des gens mariés, toutes les métamorphoses de leur amour, peuvent se ramener au jour de leurs noces, au simple “oui”, à la simple cérémonie qui contient tout et en garantit la vérité. Et chaque “oui” ultérieur de l’amour est comme une répétition du premier “oui” définitif et son approfondissement dans l’âme et dans la vie (Jean. Discours d’adieu I, p.12). 

 

910. L’amour entre l’homme et la femme sous le regard de Dieu

Si l'amour entre l'homme et la femme est juste, il se déroulera constamment sous le regard de Dieu (NB 12,36).

 

911. L’amour du couple n’est pas étranger à Dieu

L'amour entre l’homme et la femme dans le mariage n'est en rien étranger à Dieu mais, en tant qu'image de la vie divine, il est quelque chose qui est créé par Dieu et même quelque chose qui lui appartient (NB 12,36).

 

912. L’amour dans le mariage : exposé à l’amour de Dieu

En Dieu, l’homme et la femme dans le mariage ne sont pas seulement deux moitiés qui se complètent et se parachèvent mutuellement. Ils forment ensemble un espace où Dieu se répand. Leur amour humain est exposé à l'amour de Dieu, il lui est ouvert (NB 12,22).

 

913. L’amour de l’homme et l’amour de la femme

Si la force suprême de l'homme c'est l'amour, l'amour suprême de la femme sera de correspondre à son amour en prenant soin de son présent et en le portant jusqu'à la naissance (NB 4,429).

 

914. La femme devient femme par l’amour

La femme ne devient femme que lorsqu'elle rencontre l'homme. Je ne pense pas seulement au mari. Elle devient épouse par son mari. Elle devient femme par l'amour, en un sens plus élevé. Qui n'est pas lié à la chair (NB 4,331).

 

915. La conquête dans le mariage

Dans le mariage, il y a entre l’homme et la femme des relations stables, mais le fait que l’homme possède sa femme ne le dispense pas de faire délicatement sa conquête ; sans quoi l’amour se tarirait (Jean. Naissance de l’Église I, p. 188. Sur Jn 20,8).
 

916. Transparence

Dans un mariage humain, on n’arrive guère à cette communion suprême où il n’y a plus de réserves mutuelles, plus de secrets, où chacun trouve son bonheur en se faisant tout à fait transparent pour l’autre et en se tenant entièrement à sa disposition (Jean. Discours d’adieu II, p. 233. Sur Jn 17,10).
 

917. Tout amour est vulnérable

L’amour lui aussi a besoin d’un mystère qui l’entoure, parce que tout amour est vulnérable et sans défense... L’amour suppose la foi réciproque et ne peut vivre que tant que cette confiance existe... Un amour véritable est toujours nu devant l’aimé même s’il ne lui dit pas tout et garde devant lui ses secrets. Mais vis-à-vis de ceux que l’on n’aime pas, on s’enveloppe d’une sorte de ténèbres artificielles. On leur fait voir de manière intéressée tel ou tel aspect de soi, en même temps on se revêt d’une cuirasse (Jean. Verbe fait chair I, p. 58-59. Sur Jn 1,5). 
 

918. Liberté dans le couple

Dans le véritable amour, le don de la liberté est absolument nécessaire. Qui aime comme il faut fait crédit, il ne garde pas anxieusement celui qu’il aime, il lui laisse l’espace nécessaire à sa croissance personnelle, et il doit pour cela prendre sur lui le risque de laisser à l’autre sa liberté. Une telle confiance entre humains est le signe d’un grand amour. Si l’amour est présent dans les deux, il surmontera les dangers de la liberté. S’il est faible, on peut se douter qu’il sera soumis à la tentation, peut-être que les liens déjà noués seront défaits. Cependant l’amour de celui qui aime demeure quelque part intact et plus fort que toute infidélité parce qu’il était assez fort pour ne pas vouloir forcer l’amour de l’aimé contre son gré. Il ne voulait jamais que l’amour se donnant librement ou bien rien. Et si l’amour de celui qui aime est authentique, il attendra l’infidèle ; même déçu, il restera amour, avec toute sa force et sans conditions. Tout cela, il l’avait déjà en soi quand lui vint l’idée de faire don à l’aimé de la liberté. Et peut-être qu’alors déjà il prévoyait les suites de cette liberté (Sur 1 Jn 5,4).
 

919. Fécondité

Si parfait que puisse être un amour unissant deux êtres humains, il montrera toujours sa fécondité en ce qu’ils s’influencent et se transforment réciproquement. Non seulement parce que chacun cherche à satisfaire les désirs de l’autre, mais aussi parce que chacun désire être transformé par l’autre (Le monde de la prière, p. 92).
 

920. Fécondité du mariage : avec enfants ou sans enfants

Tout mariage chrétien est béni de Dieu et fécond en lui, que ce soit par la bénédiction des enfants ou par celle du sacrifice. Si Dieu choisit la deuxième éventualité, la fécondité du mariage s’élargit et s’accroît spirituellement et invisiblement à l’intérieur de la communauté (Jean. Verbe fait chair I, p.102-103. Sur Jn 1,9). 

 

921. Apprendre la vie commune

Vient toujours dans le mariage un temps du sacrifice et du renoncement. Il faut avoir appris à porter ensemble, à souffrir ensemble et à croître ensemble dans l’amour, justement au temps du sacrifice et du renoncement. Ne peut réussir dans le mariage que l’amour authentique ; s’il ne résiste pas, ce n’était que son apparence (amour- passion et pulsions), alors il ne reste rien de valable... Avoir le courage alors, sans héroïsme, presque en tâtonnant, d’apprendre la juste vie commune, avec beaucoup de patience et de tolérance réciproque (Kostet und seht, p. 31).
 

922. Ton mari

Pense aussi qu’il ne doit sans doute pas être facile tous les jours d’être ton mari (Kostet und seht, p. 30).
 

923. L’amitié dans le mariage

L’amour pare l’être aimé des qualités les plus rares, le mariage l’en dépouille rapidement... L’amour conjugal se nourrit de beaucoup d’amitié (Lumina , p. 77-78).
 

924. Amour entre époux et amour du prochain

Dans l’amour du prochain, on ne s’arrête pas à une personne ; je dois aimer tous ceux que je rencontre, qui ont besoin de moi. Mais mon mari, j’ai l’obligation de l’aimer de manière unique (NB 9, n. 2028).

 

925. Amour et renoncement

Dans la continence qui précède le mariage, il y a pour les fiancés une source de force pour la vie ultérieure. On a résisté ensemble à la tentation, ensemble on maîtrisera d’autres difficultés et on grandira en les affrontant et en les dépassant... Si ton fiancé craint que tu ne l’aimes pas parce que tu n’acquiesces pas à son désir, essaie de lui expliquer que le plus grand amour se trouve dans le renoncement (Kostet und seht, p. 28).
 

926. Le sacrifice dans le couple

Tu me demandes, effrayée, pourquoi aujourd’hui tant de couples sont malades... Un très grand nombre de mariages ne sont conclus que par égoïsme même si on essaie de cacher cet égoïsme sous le manteau de belles paroles. Le mot de sacrifice ne fait pas partie du vocabulaire de ces couples, ils n’ont aucune idée de ce que cela peut vouloir dire et ils ne lui ont donc attribué aucune place dans leur loi. Ils connaissent toutes sortes de droits, mais ils ne connaissent aucune contrepartie de devoirs (Kostet und seht , p. 30).
 

927. La croix

Celui qui contracte un mariage chrétien doit savoir qu’il devra, le cas échéant, supporter une pénitence extrême, encore plus dure peut-être que pour celui qui reçoit l’ordination sacerdotale... Les sacrements du Seigneur sont indissociables de la croix (Sur 1 Cor 7,1, p. 177).
 

928. Les anicroches

Si j’ai décidé de me marier, la préparation au mariage comportera déjà bien des choses que je n’avais pas prévues, mais elle me fera découvrir déjà certains aspects de la vie conjugale que je dois tout simplement assumer. Je dois m’accommoder de ma future belle-mère qui est impossible à vivre, m’habituer peut-être à une condition plus modeste que celle que je connaissais chez mes parents, etc. On se réjouit à l’avance du jour des noces, mais on découvre également toutes sortes d’ombres au tableau : les moins bons côtés de l’époux et mille autres petites anicroches (Choisir un état de vie, p. 39 et 48).  

 

929. Se donner par amour

Une jeune fille pure qui se donne par amour à un homme voit son amour se réaliser dans le don d’elle-même (NB 9, n. 1337).

 

930. Sexualité et amour véritable

La vraie nature de la sexualité serait celle qui se dépasse elle-même dans l'amour. Dans l'amour véritable, la femme voit l'homme dans son ouverture infinie qui va vers le Seigneur. Dans l'amour qui n'est que sexuel, les époux ne reçoivent en retour que leur propre image au lieu de se voir l'un l'autre en Dieu (NB 4,352-353).

 

931. L’acte d’amour

Ce n’est pas l’acte d’amour qui est un péché en soi, mais bien la décision de l’adultère et la joie qui en est éprouvée (NB 4,104).

 

932. L’enfant : un fruit de l’amour

L'enfant peut jeter un regard rétrospectif sur son origine, sur son engendrement et sa naissance : "Si mes parents se sont aimés et s'ils étaient croyants, je sais que je suis un fruit de l'amour. Je suis reconnaissant à mes parents pour l'harmonie qu'ils m'ont aussi donnée : une force dont je vis". L'enfant bénit ses parents après coup de l'avoir engendré (NB 11,247).

 

933. Les enfants

Parfois des parents sont obligés de renoncer à leur intimité afin de se consacrer davantage ou même tout entiers à leurs enfants, sans pour autant ressentir ce renoncement comme une infidélité ; ils y voient plutôt une chose comprise depuis toujours dans leur amour et librement acceptée dans le mariage (Jean. Discours d’adieu I, p. 18. Sur Jn 13,1). 


 

934. L’amour, toujours

Dans toutes les relations entre mari et femme, entre parents et enfants, une seule chose doit toujours rester intacte : l'amour (NB 12,41).

 

935. L’amour conjugal et ses manifestations

Seule est importante la totalité de l'amour et c'est elle qu'il faut retenir ; chacune de ses manifestations renvoie toujours à la totalité (NB 12,37).

 

936. Les petits soins

D'un homme qui aime beaucoup sa femme, on dit qu'il est aux petits soins avec elle (NB 7,195).

 

937. Amour : faire la cuisine

La femme qui est mariée doit quand même apprendre peu à peu à faire la cuisine qu’aime son mari, ne pas attacher le lait chaque matin et ne pas mettre chaque midi sur la table une soupe non cuite (NB 8, n. 423).

 

938. Ce que tu aimes le plus

Si un homme demande à sa femme : "Qu'est-ce que tu aimerais le plus ?", la juste réponse de la femme serait : "Ce que j'aime le plus, c'est ce qui te fait le plus plaisir" (NB 12,121).

 

939. Refuser l’amour

Adrienne parle d'un médecin qui l'a aimée alors qu'elle était déjà mariée. Elle refusa son amour et lui promit une amitié loyale (NB 3,39).

 

940. L’adultère

Dieu veut le mariage et l'amour d'un homme pour une femme. Autre chose, c'est l'adultère (NB 7,51).

 

941. Être veuve

La souffrance du dépouillement et du renoncement se mesure pour une large part à l’abondance de ce qu’on a possédé auparavant. C’est pourquoi Job se compare quelque part aux veuves. Celles-ci ont perdu ce qu’elles avaient de meilleur, le sens de leur vie... Naturellement il y a aussi des veuves qui sont contentes que leur mari soir parti ; elles ont alors accompli leur renoncement auparavant. Souvent le renoncement d’une veuve peut être plus difficile que celui d’une vierge (NB 10 , n° 2322).

 

 

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4. LES LOIS DU ROYAUME

MATÉRIAUX POUR L'INTELLIGENCE DE LA FOI

 

Introduction

 

"Aussitôt après sa conversion, c'est une véritable cataracte de grâces mystiques qui commence à déferler sur Adrienne von Speyr... Bien des lois du Royaume des cieux lui sont révélées". (HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 26-27). Ces "lois du Royaume des cieux", matériaux pour l'intelligence de la foi (foi chrétienne, théologie, spiritualité), constituent une part importante du "Journal" de HUvB. La plus grande partie de ces matériaux n'a pas été intégrée dans la "Vie" d'Adrienne, publiée sur notre site internet, pour ne pas l'allonger. Il vaut la peine pourtant de s'en faire une petite idée, d'où cette fenêtre qui en propose un certain nombre. Dans ces "Lois du Royaume", il n'est pas souvent question littéralement de "lois" ni de "Royaume", il est surtout question de Dieu et de l'homme en marche.

Patrick Catry

 

1. La sécheresse dans la vie spirituelle

 

Une très belle soirée où Adrienne parle tout à fait naïvement de sujets religieux. Sa dévotion à la Mère de Dieu, qu’elle salue toujours instinctivement quand elle entre dans une église. Également à l’autel elle voit et perçoit la Mère. Et ce n’est que lorsqu’elle a pris le chemin par la Mère qu’elle arrive au Seigneur dans l’hostie. Nous parlons longuement du sens de la sécheresse dans la vie spirituelle. Elle pense que c’est vraiment l’état normal de sentir en quelque sorte le Christ lors de la communion, que c’est une espèce de désordre si ce n’est pas le cas. Je le conteste. Elle s’explique : des gens simples, par exemple une jeune femme tracassée, chagrinée, qui va à l’église, recevra certainement de Dieu consolation et joie. Pour les membres des ordres religieux, il en va autrement bien sûr. Au début, il sont pleins d’un enthousiasme qui ne doit pas être dans tous les cas de la piété; cet enthousiasme se refroidira certainement un jour, ils courront le danger de faire des réductions dans l’offrande parfaite. Pour eux doivent venir des temps de sécheresse qui seront tout à la fois de leur faute et un moyen d’éducation voulu par Dieu (15 février 1942).

 

2. La nature du péché

 

Les hommes ne voient pas ce qu’est vraiment le péché. Ils “ne savent réellement pas ce qu’ils font”. Pour les “petites gens”, cela peut passer pour une excuse. Mais nous, nous devrions quand même savoir. Dans cette compréhension de la nature du péché, il ne s’agit pas d’un plus ou d’un moins, mais de quelque chose d’indivisible. Ou bien on le voit ou bien on ne le voit pas. On peut toujours et toujours cataloguer et confesser ses petites et ses grandes fautes, “faire de petits tas” et les “décharger” et scruter sa conscience à la recherche de petits tas de ce genre et n’avoir encore rien vu du tout de la vraie nature du péché. Il se trouve tout à fait ailleurs. Dans l’attitude la plus profonde, la plus essentielle de l’homme, cachée mais tout à fait réelle. “Ne pas suivre l’appel de Dieu”. Et justement cela, le fait de ne pas prendre au sérieux le péché et son poids, c’est le péché. D’un autre point de vue : l’aspect irrémédiablement mesquin, libidineux, sale, égoïste, mercantile, de nos sentiments vis-à-vis de Dieu (25 Février 1942).

 

3. Le pardon de Dieu

 

Adrienne dit tout à coup : Savez-vous ce qu’est le pardon de Dieu? Elle m’explique plus précisément ce qu’elle veut dire : du matin au soir, à proprement parler, Dieu ne fait rien d’autre que pardonner, globalement et en détail, des choses grandes, moyennes et petites, toujours et partout. La somme de pardon qui s’accumule peu à peu! Et l’aspect douloureux du pardon! C’est cela qu’Adrienne voit maintenant uniquement. Pourquoi ne voit-elle pas l’autre aspect? Le P. Balthasar : Parce que c’est justement le secret de celui qui pardonne qu’il ne le montre pas à celui qui reçoit le pardon. C’est à ce secret qu’Adrienne a part maintenant (27 février 1942).

 

4. La honte du péché

 

Adrienne est plongée dans la honte du péché. Cela lui soulève plus d’une fois le coeur de voir les plus petites impuretés qu’elle regarde d’habitude sans répugnance comme médecin : c’est au fond le péché qui cause la nausée. En ville, elle voit des personnes qui pataugent dans le péché jusqu’aux oreilles. Il leur colle partout : aux vêtements, aux cheveux, à la peau... Elle en perd presque connaissance. Arrive alors l’appel pressant : A l’aide! C’est elle justement qui doit tendre la main. Elle sent là sa vocation. Mais que faire pour une telle mer de péché? Elle pose la question presque avec défi (Juin 1942).

 

5. L'amour

 

Adrienne parle souvent maintenant de l’amour de Dieu. "Savez-vous au fond ce qu’est l’amour?" Je réplique que c’est sans doute une question qu’on ne peut pas poser. Aujourd’hui elle m’a dit qu’elle comprend maintenant que l’amour est vraiment toujours inquiet. Même l’amour brûlant entre deux personnes est toujours inquiet. On pense que cette inquiétude pourra cesser plus tard, que viendra un temps où l’amour sera grand et paisible et que le feu deviendra lumière. Cela existe certes. Mais seulement avec une sorte d’accoutumance dans le charnel comme dans l’érotique spirituel. Mais dans l’amour de Dieu et dans l’amour du prochain qui vient de Dieu il n’y a jamais une telle accoutumance. C’est pourquoi il reste toujours inquiet et brûlant (21 août 1942). - L’amour ne cesse d’être le thème de sa conversation; c’est inépuisable. Elle décrit comment l’amour a grandi en elle. Comment elle pensait autrefois qu’on ne pouvait aimer de toute son âme qu’une seule personne, ou quelques-unes seulement. Et maintenant elle comprend qu’on peut se dévouer de toute son âme à d’innombrables personnes et à chacune de manière différente si bien qu’il n’y a aucune infidélité à se donner totalement à beaucoup. Autrefois elle ne savait pas que cela était possible. Elle continue de sévères exercices de pénitence (5 septembre 1942).

 

6. L'Esprit Saint

 

La conversation tourne autour de l’Esprit Saint. Elle pense : le rapport avec l’Esprit Saint est différent de celui qu’on a avec les deux autres personnes. On peut appartenir totalement au Père, on peut posséder totalement le Christ, lui appartenir totalement. Mais pour cela même, pendant longtemps encore on ne doit pas posséder l’Esprit Saint. L’Esprit est en quelque sorte l’ultime, l’accomplissement. Il est également essentiellement différent en tout. Par exemple, Saint Ignace et saint François ne le possèdent pas du tout de la même façon. Les leaders et les champions le possèdent d’une manière particulière. Un cantonnier par exemple n’en a guère besoin comme un prêtre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas être un très brave homme qui ira tout de suite au ciel. L’Esprit Saint est étroitement lié au ministère et à la mission de chacun et, suivant la fonction des uns et des autres, chacun possède l’Esprit d’une manière ou d’une autre (Novembre 1942).

 

7. Le clergé

 

La nuit, une vision du chemin de croix. Adrienne vit le chemin de croix comme un tout, dans une vue d’ensemble, avec toutes les stations. Elle le vit sans y participer. Comme une maladie, sans âme et sans sens : il y a là une plaie, là une chute, un lourd fardeau, des membres cloués, il y a quelqu’un qui meurt, etc. Le tout sans Esprit et sans Dieu. A côté de cela, elle vit des prêtres en grand nombre et elle comprit que c’était souvent la manière dont le clergé connaissait la souffrance du Christ : purement comme des fonctionnaires, sans cesse uniquement comme des fonctionnaires. On connaît la chose, on en parle toute la journée, du point de vue de fonctionnaires. A l’un on dit qu’il doit porter sa croix, on en console un autre avec la souffrance du Christ. Mais c’est une grandeur abstraite. Il y a comme une cloison de verre entre Jésus et les prêtres, un anonymat. On ne se risque pas à briser la cloison de verre, car on ne sait pas qui on pourrait blesser. Peut-être le Seigneur lui-même. Et pourtant il faut qu’elle disparaisse à tout prix. Adrienne m’explique encore le tout par un exemple : elle est appelée comme médecin pour une opération. Le patient est déjà sur la table d’opération avec le masque sur le visage. Elle commence tout de suite à couper, etc. De temps à autre elle fait une rapide remarque à la Sœur : “Il respire encore, le type?”, et d’autres choses du même genre. Après l’opération on retire le masque et elle voit que c’était son meilleur ami. Les prêtres se conduisent de la sorte avec le Seigneur. C’est pourquoi tant de gens ne croient pas en lui parce que les prêtres en parlent comme de purs fonctionnaires et non d’une manière personnelle (Novembre 1942).

 

8. Les saints

 

Longue conversation du P. Balthasar avec Adrienne sur les saints. Cela lui fait toujours des difficultés quand, sur ce point, elle ne sent peut-être pas tout à fait les choses comme l’Eglise. Elle est prête à s’adapter totalement à ce que veut l’Eglise; je dois lui montrer ce qui n’est pas juste chez elle, Adrienne. Mais il se passe ceci : quand elle est “là-haut”, chez “eux”, il n’est vraiment pas question d’une prière aux saints. Ce sont simplement des gens comme nous. Certes elle reçoit d’eux conseils et aide, et elle comprend très bien leur fonction médiatrice, leur souci pour le monde et pour nous. Mais ce n’est pas encore de la “vénération”. Quand elle se trouve au milieu des saints, c’est comme si elle se trouvait dans une compagnie animée dans laquelle on se parle et où l’on recueille ici ou là un mot qui est important pour soi. - Adrienne pensait que lorsqu’on a été si familier chez “eux”, on ne peut pas commencer tout de suite à se montrer froid et à dire des invocations et des prières solennelles. Du reste, les saints ont vraiment autant besoin de nous que nous d’eux. Naturellement dans un tout autre sens. Eux aussi dépendent de nous pour leur œuvre. J’essayai alors de lui expliquer que nous, tant que nous ne sommes pas encore là-haut et que demeure entre eux et nous la séparation du sensible, nous avons besoin d’une forme de relations et que cette forme doit recevoir son ordonnance de l’Eglise. Elle comprenait cela mais non sans garder un léger malaise, non au sujet de l’invocation des saints en tant que telle, mais davantage au sujet de la distance que le culte établit entre eux et nous. - Elle disait aussi : Quand on s’approche de Dieu, et plus on s’approche de lui, plus on se voit petit, laid, insignifiant et non existant. Mais plus on s’approche des autres créatures, et également des saints, plus on se sent fondamentalement égaux. Cela ne me fait aucune impression de me trouver à table à côté d’un conseiller fédéral ou d’un roi. Je pense à part moi que c’est le roi d’Angleterre et que je suis Mme le Professeur Kaegi. Je ne vois pas pourquoi on devrait avoir une vénération particulière, avec tout le respect dû à la fonction (10 janvier 1943).

 

9. La prière

 

Adrienne me raconte qu’elle a vu la prière. Elle l’a vue dans tous ses degrés et toutes ses possibilités. De la prière la plus vide en passant par tous les degrés intermédiaires jusqu’à la prière pleine, totalement remplie, qui contient le don total de l’âme. Ce don plénier est alors en même temps un acte réel, une action, même si on est simplement agenouillé sur un prie-Dieu. C’est alors presque un hasard si on se trouve en situation de poser ou non un acte extérieur. C’est de la force de l’acte intérieur, du don total de soi, que se nourrissent les actions extérieures. Adrienne vit de plus que ce don total dans la prière, la “ferveur” proprement dite, est le don particulier de Marie. Elle répéta cela à plusieurs reprises et elle sembla donner une grande valeur à cette vérité. De voir cela avait été quelque chose de très important et de tout nouveau pour elle. - Et de fait c’est un cadeau qui est le fruit du don que Marie a fait d’elle-même à son Fils. Adrienne vit en un instant toute la vie de Marie, de la naissance du Fils jusqu’à la mort de Marie. L’étrange était que la disponibilité et le don d’elle-même de Marie étaient parfaits dès le début, mais qu’ils furent pourtant comme réalisés, actualisés dans le cours de ses relations avec son Fils : dans la joie qu’elle a connue avec lui malgré la perspective de la souffrance à venir, dans la souffrance avec lui avec la conscience de la fête de Pâques qui venait, une conscience qui n’estompait pas la souffrance, etc. C’est par tout cela que le don d’elle-même de Marie se traduisit dans la réalité de telle sorte qu’à présent elle peut le partager au monde entier et qu’elle a la possibilité d’en nourrir pour ainsi dire la prière de tous les hommes. - En même temps, Adrienne vit comment Marie reçoit aussi le fruit de toutes les prières. Ce qu’elle faisait, on ne le voyait pas exactement. Cela n’avait pas d’importance. “Disons : tresser des couronnes”. Y étaient tressées les prières du monde. Si c’était des prières de feu venant d’un véritable don de soi, il en résultait comme un surplus et avec cela on pouvait faire quelque chose d’imprévu et de beau. Si c’était de bonnes prières moyennes, il n’en résultait rien de particulier. Et si les prières étaient vides et froides et détournées de Dieu, Marie aussi semblait triste et détournée. Et c’était comme si elle devait compléter d’une autre source, propre, ce qu’elle ne recevait pas. - Finalement Adrienne vit encore le tout en rapport avec le clergé. Elle vit la prière du clergé et surtout celle du clergé allemand. Ici aussi toute la gamme, depuis la bonne prière jusqu’à la prière vide. Beaucoup de prières étaient vides et comme inexistantes. Dans les bonnes prières, il y avait beaucoup d’insuffisances et elles n’allaient pas jusqu’à l’ultime don de soi. Et cela pour différentes raisons. Chez quelques-uns, c’était comme une secrète angoisse ou une honte secrète devant ce qu’il y de doux et de tendre dans le don de soi et dans la consolation qui vient de Dieu. Ils ne s’en sentaient pas dignes et ils y renonçaient par une sorte d’ascétisme. Chez d’autres, beaucoup plus nombreux, il y avait un certain découragement. Leur vie de prêtre ne cesse d’effectuer la même courbe : zèle et consolation, puis retombée dans l’habitude et le péché véniel, endurcissement du coeur vis-à-vis de Dieu. Puis un nouvel élan vers le mieux. Et comme ils ont toujours vécu et revécu ce rythme, ils se découragent et ils décident un jour qu’il doit “en être ainsi une fois pour toutes” et ils veulent rester dans le médiocre. Ils renoncent ainsi au don total d’eux-mêmes et ils se réfugient dans le ministère. Bien plus bas encore, il y a les tièdes qui ne prient vraiment plus du tout. - Adrienne vit en même temps le grand danger de l’Allemagne d’aujourd’hui, où le clergé dit aux laïcs que de nos jours on peut très bien être catholique dans son coeur et que, pour la profession extérieure de sa foi, on doit attendre que les temps changent. Elle voit en ceci une maladie très répandue, de la nature la plus dangereuse, et elle reçoit en même temps la consigne pressante de faire ici quelque chose. Elle décide d’écrire à l’un des grands spirituels connus en Allemagne (Mardi 12 janvier 1943).

 

10. Marie

 

Adrienne a vu comment Marie accompagne le Seigneur sur un triste chemin, de même qu’elle est partout où il se trouve et où il est chassé. Je lui demande si c’est pour le Seigneur une consolation qu’elle l’accompagne ainsi. Adrienne dit : Consoler à proprement parler, ici on ne peut pas le dire. On peut certes appeler sa présence une sorte de consolation, de même qu’un homme qui a partout du malheur dans sa vie est accompagné par sa femme : c’est une consolation et ce n’en est pas une. Et la femme l’accompagne elle-même sans consolation, simplement pour être avec lui. Quand par exemple ça va mal dans sa ferme pour un cultivateur et qu’il achète un bateau, puis plus tard il doit revendre le bateau pour commencer un commerce en ville : la femme est toujours là et elle fait siens les plans de son mari, bien que vraisemblablement elle n’y comprenne rien, simplement pour être là, non parce qu’elle serait intimement convaincue qu’à l’avenir cela ira mieux. Marie est une consolation en tant qu’elle est justement celle qui a et qui accueille toujours l’amour du Seigneur, qui n’a aucune volonté propre, aucun “moi personnel”, mais qui ne vit que de lui et pour lui : comme sa mère et son épouse. - Quand Adrienne appela la Mère de Dieu épouse - elle le fait, je crois, pour la première fois - je lui demandai comment on pouvait appeler la Mère en même temps épouse. Adrienne dit : “Parce qu’il s’est développé d’une manière éminente jusqu’à sa grandeur à elle”. Je trouvai cela obscur. Elle expliqua : Il la dépassait naturellement même petit enfant parce qu’il était Homme-Dieu. Mais dans ce dépassement elle est cependant sa Mère. En grandissant il devient homme, il devient humainement son égal, et alors il se tient vis-à-vis d’elle comme un homme vis-à-vis de sa femme. Et il y a dans la femme une sorte de don d’elle-même et de disponibilité si générale que cela n’a plus d’importance de savoir si elle diffère de lui comme mère, comme épouse ou comme fille. Une femme, dans la totalité de son don d’elle-même, peut-être tout cela ensemble. - Je demandai : Entre l’homme et la femme il subsiste quand même une relation de réciprocité : l’homme est d’une certaine manière supérieure comme "créateur", etc., mais la femme l’est comme "féconde" et en même temps comme "source d’inspiration". Peut-on dire de Marie qu’elle a été d’une certaine manière source d’inspiration pour le Seigneur?” Adrienne dit : Je n’aurais pas employé le terme dans ce contexte. Mais comme vous l’avez employé, on peut la voir ainsi parce qu’elle lui a donné l’expérience de l’amour, de l’amour total, qu’il n’aurait connu autrement que d’une manière théorique (en tant qu’être humain). En elle il a connu le réceptacle parfait dans lequel son amour peut se réaliser. J’insiste : Peut-elle lui montrer dans le monde quelque chose qu’il n’aurait pas vu autrement? Elle dit : On doit dire cela d’une manière un peu différente. Naturellement il voit toujours tout. Mais elle représente toujours le côté de la douceur et elle apporte toujours des raisons d’adoucissement quand il y aurait à punir. Comme la mère dans la famille prend sous sa protection, devant le père, les enfants qui ont fait quelque chose de mal. La mère concède que les enfants sont méchants mais elle pense que ce sont des enfants qui sont sots, qui ne savent pas ce qu’ils font (16 janvier 1943). - De Marie elle dit aujourd’hui qu’elle a une tout autre relation au péché et au pécheur que quiconque. Car c’est au péché et au pécheur qu’elle est redevable de son Fils et c’est pourquoi elle aime les pécheurs d’une certaine manière aussi en tant que pécheurs (11 février 1943).

 

11. Conscience de Jésus sur la croix

 

Adrienne parle un jour de la croix et décrit pour cela avec la main une courbe qui monte et descend. Je demande pourquoi. Elle dit : “Je vois toujours la croix ainsi. Les gens croient qu’il n’y a qu’une montée jusqu’au calvaire, jusqu’à la mort et qu’alors c’est fini. Mais ce n’est que la courbe ascendante. Ce n’est qu’alors que vient l’autre : la descente aux enfers, le glissement dans la nuit”. - Elle dit aussi qu’elle sait aujourd’hui un peu de ce que Jésus a vu et senti sur la croix. Il n’était plus du question de lui-même. Son fiasco avait été comme allant de soi. Il ne savait plus qui il était. Peut-être sous forme d’éclair la conscience lui était-elle encore venue qu’il était Fils de Dieu Il n’y avait plus devant ses yeux que la perte du monde, l’inutilité absolue et le caractère inéluctable du péché et de l’enfer (11 février 1943).

 

12. Les horreurs

 

La nuit du vendredi au samedi, elle a de nouveau vu “des horreurs”. Quand je lui demande de quel genre, elle explique : “Rien que des âmes qui de leur relation à Dieu font un commerce, un mensonge ou quelque chose d’abject. Et tous les hommes qui ont l’un ou l’autre hobby, un hobby spirituel par exemple. Il remplit leur vie mais ils savent que derrière se trouve la mort avec le jugement. Soit qu’ils cherchent à l’écarter, soit, si cela ne va pas, qu’ils passent un accord, un arrangement avec Dieu, sous forme de religion. Ils montrent à Dieu un amour sale qui ne veut qu’une chose : que Dieu les laisse en paix. Elle vit ensuite une foule de religieux et de cloîtrées qui extérieurement ne vivent que pour Dieu, peut-être même “parfaitement”, mais qui intérieurement n’ont aucune idée de Dieu et de l’amour de Dieu. Ils vivent dans une écorce de religion avec des exercices quotidiens, des prières, des émotions, des sacrifices et des mortifications, mais tout cela n’a aucun rapport avec le Dieu vivant. Quand Adrienne vit cela, et elle le vit dans des nuances et des tableaux toujours nouveaux, elle fut saisie d’épouvante et d’un vrai doute. Après chaque nouveau tableau son coeur menaçait de l’abandonner (11 février 1943).

 

13. Porter le péché du monde

 

Adrienne m’appelle au téléphone l’après-midi : c’est à n’y plus tenir. Je vais chez elle le soir. Elle raconte qu’elle voit partout le même tableau, où qu’elle tourne son regard : le Christ sur la croix, à moitié mort, à mi-chemin entre la vie et la mort. Son abandon, son impuissance sont insupportables. Mais le tableau lui est tenu devant les yeux de telle sorte qu’elle ne peut y échapper. Il contient en même temps une exigence immédiate, inévitable, de l’aider, de collaborer. Mais elle est comme liée et enchaînée. Elle voudrait se libérer de ses chaînes dans un effort rapide et surhumain et se hâter pour aider le Seigneur. Mais comment? Cela, je ne le vois pas. Et c’est cela justement qui est terrible. Est-ce que moi, je ne saurais pas ce qu’on pourrait faire? Et tout est tellement immense. On pourrait peut-être s’engager pour deux, pour dix ou pour cent personnes. Mais tout croît dans l’incalculable, s’étend à des millions. Et que faire maintenant? Je dis qu’on doit faire la pleine volonté de Dieu dans le cadre limité de sa vie. Il ne désire rien de plus. Elle : “Mais la volonté de Dieu est quand même que le tout soit aidé, et cela, je ne le peux pas!” - Elle me décrit le chemin de croix avec sa transformation incessante. Ce n’est pas un état mais un changement constant. Tout un monde d’états à travers lesquels passe Jésus : Mon amour pour vous, les hommes. Ma volonté de porter pour vous. Puis tout d'un coup l’obscurcissement de cet amour : ne plus pouvoir, la transformation en amertume. D’abord la proximité de cette amertume et un oui pour l’accepter. Puis une plongée dedans et la non-visibilité. Puis de nouveau la proximité de ceux qui l’accompagnent, de sa Mère. Puis l’abandon de tous. Également et justement des disciples sur lesquels on a humainement compté. Puis l’abandon par le Père. Le passage des souffrances physiques sur la croix aux souffrances intérieures, spirituelles. Si bien que les souffrances extérieures sont presque sans importance. Le tout : une transformation et un mouvement, constants, énormes. Adrienne me le décrit comme dans un état à moitié extatique (20 février 1943).

 

14. Le péché du monde

 

Dans la nuit, elle veut dire un “Suscipe” mais elle ne le peut pas. A vrai dire parce qu’elle a tout offert et que tout est pris, et qu’il ne convient pas de continuer sans cesse à offrir toujours plus de la même nourriture à un hôte qui a déjà son assiette pleine. - Elle voit alors tout d'un coup l’Anima Christi en tableau devant elle, et c’est comme si elle avait elle-même prié. Elle voit “Anima Christi” comme quelque chose de facile, qui coule par nos mains, que nous devons partager et transmettre. Malgré nos “mains souillées”. - “Sanctifica me”: elle voit ce que signifie la sanctification. Quelque chose de tout autre que ce qu’on désigne habituellement sous ce terme. Pas d’échelles ni de degrés. Pas non plus quelque chose à quoi on doit penser constamment pour se purifier soi-même et balayer, mais quelque chose par quoi le Christ nous fait le don d’une plus grande possibilité de lui correspondre et de travailler à son œuvre. Puis les tableaux devinrent toujours plus pénibles, plus lugubres. - “In tua vulnera” : ce n’était plus tellement les plaies physiques que les plaies spirituelles, la déception, l’amertume de ce qui a été vécu, l’ingratitude. Et c’est là-dedans que nous sommes cachés. Il n’y a pas là non plus de repos comme dans un lieu abrité, mais un souci et une combustion. Pour “ut cum sanctis tuis”, elle voit l’Eglise dans sa relation au Seigneur. Elle est comme une épouse qui marche à côté de lui, à son bras. Il a saisi son bras par en-dessous et le tient ferme. Mais l’épouse qui ne sait que vaguement qu’elle est conduite ne pense pas du tout à lui. Elle pense à elle-même : au lieu de penser au Christ, elle pense à sa position dans le monde, à “la conquête religieuse du monde”, à ce qui est “religieux” d’une manière générale . Seul le bras saisi est à l’Époux, tout le reste est ailleurs. Quelque chose traîne derrière elle, comme un voile de mariée, dans des lointains à peine visibles, après des milliers de tournants de rue, et très peu voient encore le rapport entre ce qui traîne là derrière et l’épouse qui marche devant avec le Christ. Il se peut qu’un jour quelque chose soit touché par le voile, il en traîne des bouts dans la rue, personne ne voit plus ce que ceci a à faire avec l’épouse du Christ. - “Cum sanctis tuis” : l’expérience des lacunes des saints. Combien sont nombreux ceux qui devraient louer Dieu et ne le font pas! Comme est petit le nombre des saints! Les autres ne peuvent pas louer, ils ont les cordes vocales enrouées. - “Ne permittas” : elle voit ceux qui sont séparés du Christ. Et qui pourtant un jour lui ont été unis. C’est vraiment le pire. Tous ceux qui devraient savoir, surtout les prêtres une fois encore. Tous ceux qui mettent un mur entre eux et le Christ, et alors ils ne peuvent plus entendre. A l’heure de la mort non plus, ils ne trouvent pas d’accès. Pour la première fois elle voit des catholiques tombés dans le protestantisme. Comment d’abord ils commencent à trouver à redire à l’Eglise, à trouver quelque chose d’insupportable, à croire qu’ils ne pourront pas tenir et qui finalement en sortent. Et alors ils pensent pendant tout un temps tenir ce qui est “pur” après qu'ils se sont débarrassés de toutes les fioritures. Mais à l’improviste ils ont perdu le Christ lui-même. Ils sont arrivés dans un lieu sans air et ils ne peuvent plus retourner en arrière. Pour ceux-là, la mort peut être particulièrement redoutable (2 mars 1943).

 

15. La grâce et les œuvres

 

Elle comprend les bonnes œuvres et leur nature, vraiment pour la première fois : qu’elles sont nécessaires à côté de la prière. Adrienne m’expliqua cela très en détail et très subtilement, elle cherchait toujours de nouveaux mots pour l’exprimer. Elle parlait avec abondance et de manière vivante. Je ne peux en donner ici que quelques bribes. Les bonnes œuvres sont naturellement aussi grâce, comme la prière. Et c’est le Christ qui les accomplit par nous. Mais il a besoin de nous pour cela et il nous y prépare. Toutes les grâces qu’il nous donne le sont pour les œuvres qui consistent à le montrer aux hommes. Et d’une manière remarquable cela ne fait ici vraiment aucune différence que nous soyons sur terre ou au ciel. Au contraire, en présence de la grande vision du ciel, Adrienne avait le sentiment d’en faire partie absolument et cependant de ne pas être dedans. Elle n’aurait eu à faire qu’un pas pour y entrer réellement. Mais il n’était pas question de ce pas pour le moment. Par contre, elle comprit qu’un léger mouvement de l’angle visuel est nécessaire pour voir déjà le ciel dans l’existence terrestre. Celui qui sur terre vit dans la grâce vit à proprement parler au ciel, seulement il ne le sait pas; mais il pourrait le savoir. C’est un voile léger. Adrienne dit que souvent quand elle parle avec des gens qui sont entourés d’anges ou de saints, elle a du mal à imaginer que deux mondes ici interfèrent; elle doit faire un effort pour ne pas se trahir et aussi pour se représenter que les gens ne voient pas ces anges et ces saints. Ainsi en fut-il aussi cette fois-ci à Einsiedeln. Elle se trouva tout d'un coup, sans savoir comment, en dehors de l’église, sur la grand-place. Et c’était une compénétration constante et étrange du ciel et de la terre. On pouvait considérer la place de deux points de vue différents : tantôt comme terre avec peu d’hommes et beaucoup de neige, puis comme ciel avec une grande foule d’anges et de saints entre les personnes terrestres. - En ce qui concerne les bonnes œuvres, elle vit, dit-elle, que la grâce de Dieu est donnée pour ces œuvres. Pour cela, la grâce se rattache à ce qu’il y a de divin et de grâce déjà présents en l’âme et elle laisse simplement subsister ce qui est purement humain sans le détruire. Il se produit par là d’une part une dépersonnalisation, étant donné qu’est toujours fortifié en moi ce que je ne suis pas mais ce que Dieu est en moi, et cela seul aussi opère finalement tout l’essentiel. C’est de là qu’est issue ma véritable action. D’autre part tout ce qui est personnel continue à exister aux yeux des hommes, je suis toujours celui qui possède tels et tels traits caractéristiques, qui aime ou n’aime pas telle ou telle chose - alors que tout ce terrestre ne joue en vérité aucun rôle. - Il y a aussi des moments où le Christ se donne tellement à l’homme avec sa grâce, s’empare tellement de lui, qu’il devient totalement pur et sans péché, et en ce sens il n’y a plus de différence entre lui et ce qui est céleste. Le Christ se donne toujours de telle sorte qu’il fait abstraction pour ainsi dire de la possibilité que j’ai de pécher à nouveau et qu’il peut même m’établir pour le moment dans l’impossibilité de pécher. Adrienne vit un moment de ce genre sur la place d’Einsiedeln. Si je lui avais demandé alors de se confesser, elle n’aurait su que faire, dit-elle. Elle en aurait été incapable. Seulement reste aux hommes ici-bas la possibilité de retomber dans le péché. - Dans les moments d’impeccabilité, c’est purement la grâce qui nous porte. La pensée de notre propre perfection ne fait nulle part irruption. Si l’on se retrouve dans la possibilité de pécher, on voit négativement l’exigence absolue qu’on n’a pas le droit de pécher et qu’on doit aimer Dieu. Mais ici la pensée de notre propre perfection ne nous effleure pas (7 mars 1943).

 

16. La prière sentie et le trou

 

A son retour d'Einsiedeln, Adrienne était encore dans une grande béatitude et elle dit un Notre Père ou peut-être aussi trente. Elle vit et sentit la nature du Notre Père et elle éprouva toute la bonté infinie du Père en tout ce qu’il fait, même dans le “trou”, dont elle dit qu’il recommencera bientôt. Elle peut le recevoir en pleine connaissance de la main paternelle de Dieu et l’en remercier. Puis elle dit l’Ave Maria et, sans voir la Mère de Dieu, elle reçut toute sa nature béatifiante. Adrienne chercha des mots pour me la décrire. Elle ne trouva pas d’autre image que celle du parfum qui est également invisible, inexprimable, mais qui remplit tout et passe partout. Puis elle termina ce jour de grâce avec un Gloria Patri, comme avec un point final, et aussitôt elle sombra dans le “trou”. Dans la chute encore, elle put remercier (10 mars 1943).

 

17. Le péché

 

La nuit, une vision constante du péché dans l’égoïsme et par là dans le refus du Christ. “Tu arrives au carrefour, mais c’est déjà réglé et je reste dans mon plaisir. D’abord mon amusement, tout le reste après. Tu arrives au carrefour, donc je n’ai pas à y aller et j’ai droit à mon plaisir”. Et ainsi en mille variations la persistance tenace, indéracinable, du plaisir. Puis les chrétiens qui cherchent à échapper au plaisir et retombent toujours plus profondément comme quelqu’un qui gigote dans un marécage et pour cette raison s’y enfonce plus vite. Le doute : il n’y a pourtant rien à faire, je ne sors pas de mon égoïsme. L’entêtement : justement parce que je cherche à ne plus pécher, je veux encore pécher. Avec cela des tableaux constants du domaine sexuel, non comme tentation personnelle, mais comme ce qui est irrémédiablement empêtré et inextricable tandis qu’en même temps Adrienne voyait que la relation charnelle de l’homme et de la femme, vue en Dieu et du point de vue de Dieu, est quelque chose de simple, de transparent et de pur. - La consultation l’après-midi apporte des cas et des histoires qui illustrent et soulignent exactement ce qu’elle a vu (Mardi gras 1943). - Récemment elle a dit ceci : “Il est terrible que ça marche comme ça sur terre aujourd’hui. Et pourtant il doit en être ainsi. Car si les persécutions cessent et les grands crimes, ce serait encore pire; viendraient alors les petits péchés, ceux qui se glissent furtivement, la pourriture dans tous les cœurs, et celle-ci est bien pire et plus inguérissable. C’est pourquoi il n’en sera jamais autrement dans le monde”. - “C’est quand même une belle disposition, dit-elle, que les femmes puissent aimer tellement plus que les hommes!” (11 mars 1943).

 

18. La prédication

 

Adrienne parle de mon sermon d’aujourd’hui. Quand elle est entrée dans l’église, elle vit sur beaucoup de gens de petites flammes, des “veilleuses”. Certains, peut-être deux ou trois, avaient de grandes flammes. Quand la messe commença, plusieurs petites flammes devinrent de véritables lumières. Pendant la prédication il y en eut toujours plus. Mais après la prédication un certain nombre s’éteignirent à nouveau aussitôt. Cela l’attrista. Elle dit que si au début trois sur cent brûlaient, puis pendant la prédication soixante ou soixante-dix, à la sortie de l’église il y en avait encore quarante environ. Adrienne dit qu’elle avait compris pour la première fois ce qu’était une prédication et ce qu’elle opérait. Mais combien c’était triste que les gens qui, en écoutant, prennent courage un instant, le laisse ensuite partir aussitôt (dimanche 16 mai 1943).

 

19. La mort d'un enfant

 

Dans la nuit, beaucoup de visions. Elle voit une mère avec son enfant mort. Une garde-malade protestante était à côté d’elle. La mère se révoltait, ne voulait pas rendre l’enfant à Dieu. Elle en avait quatre autres, mais celui-ci lui était le plus cher. Comme les paroles de la garde-malade ne servaient à rien, Adrienne elle-même lui parla (dans la vision Adrienne dit que la femme n’était pas loin, peut-être dans un hôpital suisse) et la tranquillisa. Au mur elle vit Marie très faiblement, comme voilée, comme dans l’église d’Otwil. Puis elle vit toute une foule de femmes avec des enfants morts : des nouveau-nés, des tout-petits et aussi des plus grands. Elle vit combien peu de ces mères seulement offraient le sacrifice de tout leur coeur. Mais elle vit aussi que Marie avait une relation particulière avec ces mères. C’est elle qui donne les enfants au Seigneur et qui réconcilie les mères. Adrienne vit aussi quelle source de bénédictions ces sacrifices des mères sont toujours ou peuvent être : bénédiction pour la mère elle-même, pour les familles, très souvent pour les autres, pour les enfants à venir qui sont offerts plus sincèrement à Dieu par les mères; elle vit aussi comment, le plus souvent, le sacrifice d'une mère se trouve à l'arrière-plan de la vocation des enfants au sacerdoce, à l’état religieux ou à tout autre engagement particulier à la suite du Christ (28 juin 1943).

 

20. Le cœur de Jésus

 

Un nouveau sommet de souffrance. Adrienne me parle des souffrances du coeur de Jésus d’un ton terriblement sérieux et avec un regard indiciblement implorant. Durant cette journée, elle a au moins vu cent fois la scène des épines et des crachats sous des aspects toujours nouveaux. Mais ce n’était pas les soldats, c’était les chrétiens qui, en procession, comme dans une liturgie, passaient devant l’Ecce homo, le méprisaient et lui crachaient dessus. Le Seigneur n’était plus un homme, il n’était plus qu’un petit tas de misère sur le point de disparaître (8 juillet 1943).

 

21. Le clergé

 

Je parlais de prêtres. Adrienne presque violemment : “Ne me parlez pas du clergé”. Elle me regarda très tristement et dit : “Pas un sur cent ne sait de quoi il s’agit. Ils parlent toujours de choses qu’ils ne comprennent pas. Ils parlent constamment de morale, mais cela ne va pas. Ils ont tous devant les yeux l’idéal d’un homme convenable, mais un grand pécheur qu’on peut attraper et brûler et qui connaît le vrai repentir est beaucoup plus agréable à Dieu que cette vase indéfinissable de petits péchés minuscules qui recouvre l’âme d’une peau qui la rend insensible à Dieu. Cela, les prêtres semblent souvent l’ignorer” (17 septembre 1943).

 

22. Les apôtres

 

Le soir, Adrienne parle pendant deux heures des apôtres avec beaucoup d’animation et elle dit tant de choses belles et profondes que, de mémoire, je ne puis les rendre que d’une manière fragmentaire. J’essaie de m’en tenir autant que possible à ses propres termes. Elle vit d’abord Matthieu : une âme très simple, sans beaucoup de réflexions. “L’évangile selon saint Matthieu est excellemment une dictée, le scribe est avant tout un auditeur. Il est totalement d’un seul jet. Par rapport à lui, Luc est plus sensible, plus différencié, on voudrait presque dire plus nerveux; mais chez lui aussi règne une simplicité d’esprit surprenante. Ils n’apparaissent pas comme des personnalités”. Je l’interroge sur Marc. Elle dit : “Marc est le collégien. De lui on peut tout avoir si on sait s'y prendre avec lui”. Elle vit également Pierre. Chez lui, c’est presque de la primitivité. Au fond, il n’arrive pas jusqu’à la réflexion. Il a été simplement enrôlé et il marche. Il n’a aucune vue d’ensemble de l’aventure où il s’est trouvé pris. Il a la bonne foi des esprits simples. Si on lui présente son reniement comme un grand péché, on lui fait presque trop d’honneur. Il n’a pas vraiment réfléchi alors à ce qu’il faisait, il a simplement sauvé sa peau. Comme les autres disciples, il avait été pris dans une affaire qui le dépassait totalement. Chez les apôtres, dans leurs relations avec le Seigneur, il ne s’agit pas non plus de décision spirituelle. Il n’y a pas eu en eux de combat pour ou contre la grâce, pour ou contre le Seigneur. Ils ont été requis, ils sont sa compagnie.

Il en est autrement pour Paul. Il est conscience et esprit. Mais lui aussi est tout à fait sans développement et sans combat intérieur. Dès le début il est complet. Dès l’instant devant Damas, il est tel qu’il restera toujours. Il ne s’est pas décidé, mais on a décidé pour lui. Il est tellement plongé dans la mission du Christ qu’il n’y a pas d’alternative. Depuis toujours il a été fleur sans jamais avoir été bouton. Ici il se distingue de ceux qui viendront plus tard, qui ne se trouvent plus à l’intérieur de la Révélation, par exemple saint Ignace qui fut longtemps bouton avant de devenir fleur. C’est pourquoi il doit se présenter en tant qu’homme vis-à-vis des hommes. Paul a certes une très grande opinion de lui-même, il se voit très bien lui-même, il joue dans l’apostolat avec sa propre personne comme sur instrument infiniment varié. Il est toujours totalement tourné vers les hommes. Il se fraie un chemin des épaules à travers la foule : voie libre pour l’Evangile! Avant sa conversion, il était déjà “achevé”. Auparavant il était fleur de nuit, maintenant il est fleur de jour, sans autre passage que la rencontre avec le Seigneur. Son enseignement non plus ne se développera pas. Ce qui se développe, ce n’est que la compréhension de ses communautés et de ses lecteurs. Il parle d’abord à des commençants, puis à des progressants, c’est pourquoi il semble être allé plus loin à la fin qu’au début. Quand de Damas il est allé dans la solitude, ce n’est pas pour y mener une vie contemplative, mais pour y traduire en mots et en concepts compréhensibles pour les hommes la plénitude de la vision et de la clarté intérieures. C’est pourquoi ces années sont le début de son apostolat. Romains 7 n’est donc pas Paul à proprement parler, mais la situation des chrétiens ordinaires, qui ne s’applique pas à Paul justement. Il souffre mais il ne lutte pas. Il est comme en tout un événement, une “catastrophe de la nature”.

Adrienne parla longuement de Jean. Il est l’amour. Sa relation au Seigneur, leur amour réciproque, si unique et si beau : toutes les paroles qu’on pourrait utiliser ici ne seraient pas à la hauteur et sonneraient faux. C’est la relation la plus pure entre maître et disciple, entre un homme et un jeune homme, un amour en quelque sorte tendre, passionné, mais aussi encore héroïque. Au fond, Jean ne comprend pas non plus le Seigneur, mais il l’aime par-dessus tout et il ne veut rien comprendre dans l’amour; si le Seigneur le fait, c’est bien. Il irait dans le feu pour le Seigneur. Il est l’amour humain que le Père a offert au Fils dans le monde, un pur cadeau. “Quelque chose de gratuit”. Un point lumineux dans les ténèbres. D’une tout autre manière que Marie. Marie se trouvait naturellement en quelque sorte plus proche du Seigneur en raison d’une relation physique. Cela crée une tout autre relation que la libre rencontre entre deux hommes. L’évangile de Jean est beaucoup moins une “dictée” que les autres, beaucoup plus le résultat d’une contemplation aimante du Seigneur. On y trouve beaucoup de la nature de Jean.

Adrienne souligna aussi combien les apôtres étaient étroitement liés. Combien ils forment un groupe par rapport aux disciples à venir. En un certain sens, les apôtres sont sans personnalité, sans subjectivité qui se dégage et qui serait décisive. Ils sont simplement ceux qui ont été associés. La vie de ceux qui viendront après est toujours un développement, une courbe, un cercle qui va du premier moment du contact de la grâce jusqu’au dernier moment de leur vie (21 septembre 1943).

 

23. La contemplation

 

Adrienne parle de la contemplation : elle n’est entrée que peu à peu dans l’Église comme exercice particulier. Tant que le Christ est là, on ne peut pas contempler dans ce sens. Si le Christ était maintenant dans cette pièce, il ne me viendrait pas à l’esprit de fermer les yeux pour contempler ses paroles ou même pour lui adresser des prières. Je parlerais simplement avec lui et je l’écouterais. Mais une fois qu'il est parti, survient le sentiment d’un éloignement et commence alors le droit à la contemplation. Pas encore dans la première communauté. Celle-ci était encore toute hors d’haleine, encore toute sous la première impression. Elle n’avait pas du tout une vue d’ensemble de ce qui s’était passé, c’est pourquoi il y avait là des choses aussi éruptives que les charismes de Corinthe. Ce n’est que peu à peu que tout commença à se tasser et commença alors la contemplation (21 septembre 1943).

 

24. L'incroyance

 

Durant la nuit, incroyance. Adrienne voit l’incroyance dans le monde, l’incroyance des prêtres, faite de milliers et de millions de petites infidélités. Justement ce qui est tout petit et pourtant partout présent est là ce qui est terrible. Pour la messe, pour le bréviaire, pour l’action de grâces, partout les aises, l’avantage personnel, l’égoïsme. Ce qu’Adrienne dit ici, elle le sent aussi, cela vit en elle. La foi lui est retirée; elle est la tiédeur qu’elle voit. Une sorte d’indifférence vis-à-vis de toute religion, un état horrible dont elle ne peut pas se libérer elle-même. Cela dure tout le dimanche, sans diminution. Elle me décrit, comme perplexe, sa situation : elle doit croire que cette incroyance est utile. “Oui, si je pouvais croire à cela, j’aurais déjà la foi, le tout serait léger, mais avec quoi dois-je croire cela si je n’ai pas la foi?” Et pourtant elle cherche à favoriser la foi chez tous ceux qu’elle rencontre (aujourd’hui une bonne conversation avec le Professeur Merke). Pendant la messe du dimanche : la tiédeur des gens autour d’elle, du prêtre à l’autel, mais aussi sa propre tiédeur. Elle ne peut prier que mécaniquement et elle se surprend tout à coup à compter 41, 42, 43... Elle ne sait pas si elle a compté depuis le début (23-25 septembre 1943).

 

25. Les ordres religieux

 

Durant la nuit, vision qui dure longtemps : Adrienne vit dans différents ordres. Elle acquiert cette nuit-là autant d’accroissement d’intelligence infuse que si elle avait vécu dix ans dans chacun des monastères. Elle m’en parle longuement le soir : de l’esprit, des avantages et des inconvénients des différents Ordres. Son attention fut surtout attirée par les inconvénients. Par exemple sur les prières trop longues (Adrienne dit à ce sujet : l’adoration va jusqu’à deux heures pour des âmes simples quand la prière prend la relève du travail de la terre, sinon il y a grand danger d’une surtension et ensuite de l’engourdissement). Puis elle parla des retraites dans les différents Ordres. Comme il est faux de s’écarter d’Ignace. Elle vit des retraites qui ne prennent pas le péché au sérieux mais se dirigent dès le début vers une “happy end”. Et puis celles qui, comme elle disait, construisent tout autour d’un point unique de piété personnelle et dans lesquelles finalement Dieu devient une fonction du cher moi et de ses besoins religieux. D’autres encore où le maître des Exercices se trouve tellement au centre “avec sa science du péché” qu’on oublie presque Dieu et la grâce et qu’il ne reste plus dans l’âme contrite qu’un sombre sentiment du fardeau. (30 septembre 1943).

 

26. Le Christ en croix

 

Elle voit le Seigneur suspendu à la croix et y mourir. Elle voit comment il meurt pour ainsi dire trois fois. Il meurt d’abord au monde, il meurt dans sa souffrance par le monde et pour le monde, il souffre du monde et à cause du monde. C’est la mort la plus superficielle. Il aurait pu pour ainsi dire s’isoler en lui-même dans cette mort. Mais il meurt aussi la deuxième mort en mourant à lui-même. Il a accompli sa mission alors qu’elle lui a échappé. Il a fait banqueroute, il n’a plus d’appui en lui, il est chassé de son moi le plus intime et il meurt à lui-même. Mais, dit Adrienne, on pourrait penser qu’il pourrait pour ainsi dire se retirer de son humanité dans sa divinité et s’y “donner du bon temps” pendant que seule l’humanité souffrirait. Mais il n’en est pas ainsi; il meurt finalement aussi au Père, il meurt comme Dieu en Dieu et pour Dieu. Ce n’est qu’ainsi que toute sa souffrance est accomplie et que rien ne lui échappe. La troisième mort, dit Adrienne, est de loin la plus profonde et la plus horrible (30 septembre 1943).

 

27. Jésus enfant

 

Adrienne vient me voir tout angoissée et avec les plus grandes douleurs. Elle reste une heure, me parle beaucoup de la Mère de Dieu et de Jésus enfant. Elle décrit comment en tout il a été humain, pas un enfant prodige. Marie a dû certainement aussi l’éduquer comme le sont les autres enfants. Elle lui a appris à parler, à marcher, elle a lavé ses couches. Il est faux sans doute aussi de penser que, tout enfant, il a eu déjà la pleine conscience de sa divinité et de sa mission. Ceci ne lui est venu que lorsqu’il en a eu besoin, peut-être à douze ans dans le temple, et puis sans doute toujours plus fréquemment quand il eut dix-huit ou vingt ans. Il était aussi très éveillé, autant qu'un homme peut l’être. Sa jeunesse consista à être purement un enfant. Marie par contre, en tant que Mère, était au courant dès le début du sacrifice, même si elle n’en savait ni le comment ni le quand (20 octobre 1943).

 

28. La Passion

 

Adrienne parla longtemps de la Passion. Chaque instant de la Passion du Seigneur contenait toute la Passion. Chaque pas du chemin de croix, chaque clou, chaque épine est toute la souffrance. Elle n’est répartie ni dans le temps ni dans l’espace. Chaque instant est quelque chose comme une éternité. Elle compare aussi le Mont des oliviers et la croix, les deux piliers d’angle de la souffrance. Le Mont des oliviers est si terrible en tant que premier choc, en tant que première perception encore tout à fait inaccoutumée de quelque chose qu’on connaissait auparavant mais qu’on ne pouvait pas encore comprendre dans sa réalité vivante. Sur la croix, la solitude : si bien que Marie, la médiatrice de la souffrance pour le monde, et Jean, l’aimant, doivent être là et que Jésus, malgré cela, ne reçoit rien en partage, mais demeure tout à fait seul (23 octobre 1943).

 

29. Les prêtres

 

Un long voyage à travers l’Europe. Partout des prêtres de toutes sortes. Des meilleurs très peu, beaucoup de moyens et maints mauvais. Adrienne me décrit quelques types qu’elle a vus. Puis elle voit quelque chose qu’elle nomme la continuité des prêtres. La continuité à travers les générations de l’action, du témoignage des prêtres vrais et totalement donnés. Puis Adrienne voit une retraite, comment elle devient vivante, le pouvoir énorme de la retraite en général et ici de nouveau la médiation du prêtre. Enfin son rôle dans l’administration de l’eucharistie où quelque chose de lui-même peut être dispensé à ceux qui la reçoivent (24 octobre 1943).

 

30. La grâce

 

Christ-Roi. Fête très sérieuse, mais Adrienne n’est plus dans le “trou” (pour la première fois depuis quatre semaines!). Comme disposition d’âme fondamentale demeure celle d’une exigence démesurée et de la plaie. Mais tout est transfiguré et au ciel. Encore jamais, dit Adrienne, elle n’a si bien su qu’on ne possède jamais une grâce pour soi seul, mais toujours uniquement pour la transmettre. On dit souvent que quelqu’un a reçu telle et telle grâce particulière. Mais ce n’est pas vrai du tout. Souvent celui qui est concerné n’a pour ainsi dire participé qu’à une partie de ce qui a été opéré par lui; cela le concernait à peine personnellement. Ou bien il lui est donné de sentir la grâce comme une brève pause. Ou bien il donne quelque chose qu’il ne possède pas, du moins pas pour lui. - Elle voit le Christ et l’Eglise. Le Seigneur lui montre comment l’Eglise sort de la plaie de son côté et comment ils saignent ensemble. Il saigne par elle, elle saigne en lui. Par son saignement à elle, elle peut à chaque instant fermer sa plaie à lui. Chaque martyr ferme la plaie du Seigneur (31 octobre 1943).

 

31. La messe

 

Le matin, Adrienne assista à ma messe. Elle dit que chaque signe de croix que je faisais à l’autel avait été comme fait de diamants, ils étaient devenus une croix réelle qui restait en l’air un instant. De la messe, elle dit qu'il est singulier de voir à quel point elle est un événement qui ne s’arrête nulle part. Et cela non en comparant les différentes parties de la messe; c’est l’ensemble qui forme une histoire animée qui avance sans qu’on puisse l’arrêter. La communion du prêtre ne met pas du tout un terme à l’action principale si bien que la postcommunion ne serait que le terme; tout demeure à la même hauteur, et la fin n’est pas une fin. Ceci du reste est ce qui est frappant dans tous les actes du Christ : ils sont toujours en train de commencer, comme quelque chose qui ne s’achève pas et chaque terme en tant que tel est un nouveau commencement. Le soir, elle me remercia à nouveau vivement de pouvoir être catholique (1er novembre 1943).

 

32. Les défunts

 

2 novembre : commémoraison de tous les fidèles défunts. Elle voit tout le mystère du jour du point de vue de l’aide qu’on peut apporter. Non seulement vis-à-vis des âmes des défunts qui sont maintenant dans le feu mais aussi vis-à-vis de ceux qui, dans le monde, sont sur le point d’y aller. Elle voit comment les âmes des défunts sont inquiètes, occupées d’elles-mêmes, tournant pour ainsi dire autour de leur propre axe, comme des bulles de savon, qui par leur châtiment indiquent quelle vie il y a en eux : c’est celles-là qu’on peut aider. Les âmes elles-mêmes ne peuvent recevoir que passivement; elle ne peuvent pas rendre maintenant le bien qu’on leur fait. Mais elles sont étonnées qu’on puisse leur venir en aide, elles pensaient devoir venir à bout de tout toutes seules. Mais la grâce les aide et fait avancer le tout. Il est possible, dit A., de souffrir le feu pour les autres. Où et quand cela arrive, elle ne le sait pas. “Quelque part dans l’intemporel”, dit-elle. D’une manière générale elle parle beaucoup d’intemporel ces jours-ci. Déjà à la Toussaint elle faisait remarquer que les saints entrent dans le monde de manière intemporelle. Il serait tout à fait impensable que les anges et les saints, à partir de l’éternité, n’interviennent pas constamment en lui, n’agissent pas en lui et ne vivent pas en lui. Et ainsi elle a elle-même l’impression d’agir par sa souffrance dans l’intemporel (2 novembre 1943).

 

33. L'amour et l'humilité

 

Adrienne parle longtemps de l’amour et de l’humilité. Dans l’humilité il y a un mystère qu’elle ne pénètre pas. Avec l’amour il se passe ceci : il est aussi bien donné que pris; celui qui aime le donne et celui qui est aimé le prend, et assurément le fait de donner est un cadeau premièrement de la part de celui qui aime et secondairement pour celui qui le reçoit. Avec l’humilité par contre il se passe ceci : elle est donnée avec tout amour vrai et si elle n’est pas présente dans le don, l’amour n’est pas vrai. Mais bien qu’elle soit donnée avec l’amour, elle n’est pas reçue de la même façon. Celui qui est aimé ne reçoit que l’amour, il ne reçoit pas aussi l’humilité. C’est ce qu’Adrienne ne peut pas comprendre et à quoi elle réfléchit longuement. Je lui dis que l’humilité est justement le retrait de l’homme devant l’amour de Dieu, la simple perméabilité à Dieu, et le positif de cette attitude est donné dans l’amour de Dieu lui-même. Mais je ne crois pas que par là sa demande soit tout à fait comprise (3 novembre 1943).

 

34. Le ciel et la terre

 

Physiquement, Adrienne est très mal. Mais elle n’est plus dans le “trou”. Le soir se répète la scène du dernier mercredi des cendres. Adrienne est très faible, tout à fait à la limite de la mort. Elle voit les saints là-haut et entend la musique céleste. De ses yeux terrestres elle voit encore à peine quelque chose, seul le coeur, la pointe du coeur, fait très mal. Adrienne dit : “Nous faisons toujours trop de différences entre le ciel et la terre. Je me demande si à proprement parler nous ne vivons pas davantage là-haut qu’ici-bas” (3 novembre 1943).

 

35. Marie et Ignace

 

Le matin, au réveil, Adrienne vit la Mère de Dieu. Elle était autrement que d’habitude; on pourrait dire que l’aspect mère est en elle aujourd’hui l’aspect sœur. Ignace se trouvait à côté d’elle et ils parlaient de la vie terrestre d’Ignace. Ignace, avec tout le respect voulu, lui faisait quelques reproches pour lui avoir tenu caché cet aspect sœur au cours de sa vie terrestre. Sur terre, il n’avait toujours été que le plus humble serviteur d’une si grande reine. Dans ses rapports avec elle, il avait toujours été comme tendu au-dessus de lui-même. Et puis, quand il est arrivé là-haut, elle s’est révélée tout autre. Comme quelqu’un de ses pairs. Adrienne explique : comme si un page à la cour devait se donner beaucoup de mal, gagner ses éperons. Il doit faire attention à mille règles de cour. Et quand le temps est achevé, le roi le frappe tout à coup sur l’épaule et lui dit : “Assez plaisanté, nous sommes frères et nous n’avons pas besoin de jouer ainsi la comédie” (11 novembre 1943).

 

36. Les visions

 

Adrienne vit aussi ce matin la grande différence entre ses visions à elle et celle de saint Ignace. Chez elle, il y a un constant parallélisme entre ce monde-ci et l’au-delà. L’au-delà est pour elle comme ce monde-ci (quand elle n’est pas dans le “trou”), elle est en même temps déjà au ciel et sur terre. Souvent elle ne voit la terre que du ciel. C’est un tel accompagnement par le ciel que, lorsqu’elle pense à Marie par exemple, elle doit faire un effort pour ne pas tout de suite la voir ou la sentir. Chez Ignace, qui avait aussi beaucoup de visions, et très concrètes, le monde céleste était toujours encore un au-delà, et quand il le voyait, c’était une anticipation du but. Il restait l’homme qui se tient dans le terrestre et doit se battre en lui et pour lui. Ce combat ne lui fut pas épargné. Je dis à Adrienne que cette différence a sans doute pour fondement qu’elle a une double vocation, celle de la fondation et celle de la souffrance, et que le parallélisme ciel et terre est conditionné par la souffrance, surtout par le “trou”. Ignace n’a pas eu cette vocation (11 novembre 1943).

 

37. Matthieu et Jean

 

Dans une vision, Adrienne voit l’évangile de saint Matthieu et celui de saint Jean. L’évangile de saint Matthieu est comme un champ accessible de tous côtés. Ses lisières sont humaines et se transforment en chemins qui conduisent au centre. Jean par contre est là comme un grand tissu blanc. L’humain à sa lisière est comme une sorte d’ourlet. Mais au centre, le mystère divin, et aucun chemin ne conduit de l’extérieur à l’intérieur. C’est d’une seule pièce, indivisible, on ne peut pas le connaître par degrés; mais une grande exigence en émane de saisir le mystère divin en son centre (12 novembre 1943).

 

38. La messe

 

Adrienne assiste à ma messe. Au début de la messe, elle a constamment une vision : derrière le tableau de l’autel, dans le lointain, dans une cavité, elle voit le Seigneur mort au tombeau. Il est déjà mort depuis trois jours et en légère désagrégation. “Vous savez, dit Adrienne, c’est le stade où les gens disent : Comme il paraît paisible maintenant, parce que les traits du visage sont tout à fait détendus. Mais nous, médecins, nous savons que c’est le début de la décomposition”. La bouche était entrouverte. Adrienne craignait toujours que je ne voie pas le Seigneur ou bien que si je le voyais cela me troublerait pour la messe. Alors il lui fut signifié que je le savais sans le voir, que je n’avais pas besoin de le voir. Le mort était une accusation et une exigence. Il devrait être vivant. Les hommes sont coupables, nous sommes coupables de sa mort. A la consécration, le Seigneur fut tout d'un coup vivant, c’est-à-dire qu’il se tint devant le tableau de la croix dans un éclat infini, comme transparent, renvoyant au tableau à l’arrière-plan comme à quelque chose qui se trouve maintenant loin derrière lui. Cela ne dura qu’un instant, puis Adrienne fut de nouveau dans le “trou” (16 novembre 1943).

 

39. Ignace de Loyola

 

Pendant plus d'une heure, Adrienne parle au P. Balthasar de saint Ignace et des jésuites. D'Ignace elle dit : Plus on apprend à le connaître, plus il devient une personnalité, un quelqu’un. Adrienne voit aussi combien Ignace est patient avec ses fils. Il leur pardonne tant, il y a tant de choses qu’il fait semblant de ne pas voir et il ne cesse de combler ce qui manque. Il n’y a qu’une chose qu’il veut et qui lui importe : le don total de soi dans l’apostolat. Que l’homme se soucie des âmes, se dépense pour elles. Même les fautes contre l’amour fraternel dans l’Ordre sont plus facilement pardonnées par saint Ignace que par saint François par exemple; les fautes contre l’exactitude dans le temps de contemplation plus facilement que par saint Dominique. Chaque fondateur a quelque chose à quoi il donne une valeur particulière; vis-à-vis d’autres choses, il peut être tolérant (5 décembre 1943).

 

40. Les artistes

 

Puis le Seigneur montra à Adrienne une grande foule de peintures, des paysages d’une beauté et d’une perfection incroyablement artistiques. Mais ils étaient tous peints sur du carton bon marché. Adrienne ne pouvait pas se souvenir avoir vu quelque chose d’aussi magnifique, mais le carton la gênait. Le Seigneur lui expliqua : “Il y a beaucoup de belles œuvres qui sont faites par des incroyants. Je suis présent aussi dans ces œuvres, et ils ne pourraient pas les faire si je n’y étais pas. Je suis en tout ce qui est beau, vrai et bon. Tout cela ne peut être saisi qu’en moi. C’est pour cela aussi que beaucoup d’hommes sont conduits à moi par des œuvres de ce genre sans que ce soit l’intention de ces artistes et de ces auteurs. Tout vrai chrétien sait cela” (12 décembre 1943).

 

41. La naissance de Jésus

 

Avant Noël. Adrienne vit des jours obscurs d’attente sans espoir que la délivrance s’ensuivra réellement. Puis tout d’un coup le brouillard s’éclaircit et elle rayonne de bonheur. Elle me décrira plus tard ce qu’elle a appris de l’attente de Marie : pour Marie aussi un temps d’angoisse vint d’abord, un temps où elle ne savait pas ce qui viendrait, une sourde attente qui récapitule l’Avent de tous les temps. Puis Adrienne m’interroge sur ce que la théologie dit de la naissance de Jésus. Elle semblait craindre qu’on pût nier la naissance par les voies naturelles en raison de l’expression “Inviolata permansisti”. Je lui explique le sens de ces paroles. Elle dit : “Oui, Marie n’a peut-être pas eu les véritables douleurs de l’enfantement, mais l'essentiel des douleurs, l'angoisse et l'inquiétude d'enfanter, elle l'a cependant éprouvé. Quand ensuite elle tint l’enfant dans ses bras, elle fut certainement plongée dans une joie sans mélange, mais déjà alors elle sut que le Fils devrait un jour souffrir” (Noël 1943).

 

42. Catherine de Sienne et la pénitence

 

Adrienne parle d’une vision où elle a vu Catherine de Sienne. (Adrienne n'avait jamais rien lu d'elle ni sur elle). Elle dit que Catherine a fait beaucoup pénitence. Et cela pour un motif qu’elle ne connaissait pas ainsi jusqu’à présent et que Catherine lui a indiqué maintenant. Celle-ci disait qu’on pouvait faire pénitence pour deux raisons : par mortification, pour se séparer soi-même personnellement de tout désordre de la chair, mais aussi pour se préparer à une tâche, à une mission. Adrienne aussi avait fait pénitence en ce sens, dans le dessein de montrer à Dieu sa bonne volonté, de lui faire comme un petit cadeau qu’il pouvait utiliser à son gré. Et on lui suggérait par là de l’utiliser aussi un peu pour la tâche à venir. Catherine pense qu’on doit aussi se préparer directement à la tâche par la pénitence. De même que la fiancée se pare pour son prochain mariage. De même qu’on jeûne avant une fête. Se séparer plus à fond du charnel pour mieux percevoir la voix de Dieu parce qu’elle retentit alors dans un espace vide, qu’elle coule dans un vase purifié. Adrienne dit que, d’une manière générale, on doit voir Catherine à la lumière de la pensée de la fiancée (Début janvier 1944).

 

43. Marie et la Trinité

 

Adrienne a vu Marie dans sa relation à la Trinité. Elle dit : “Marie avait la Trinité pour ainsi dire comme arrière-plan, elle l’avait aussi en elle d’une manière particulière. Aucun être n’a une relation aussi étroite qu’elle à la Trinité. Elle est pour nous de manière précise le chemin et la représentation de la Trinité. Sans elle, le dogme des trois personnes en une nature serait quelque chose de totalement abstrait, de purement conceptuel, avec quoi on ne peut rien faire. Beaucoup de catholiques, littéralement, ne peuvent de fait rien en faire de correct. C’est Marie qui nous montre que l’unité des personnes est réellement l’amour. Quelque chose de chaud, de concret, de proche. Non pas comme si Marie elle-même appartenait en quelque sorte à la Trinité, mais elle est tellement la fille du Père, la Mère et l’épouse du Fils, le réceptacle de l’Esprit qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes. Il est donc facile à comprendre que c’est seulement dans l’Église, qui connaît Marie, qu’une conscience vivante de ce dogme est possible (Mi-janvier 1944).

 

44. Le commencement de la Passion

 

Nuit du vendredi. Adrienne de nouveau dans le “trou”, un “trou” singulier. Elle est absente d’elle-même, elle n’existe plus pour elle-même. Elle est comme absorbée dans la vision de ce qui s’est passé quand la souffrance a commencé dans l’âme du Christ. Durant la nuit, elle écrit une note à ce sujet : “Comment cela a commencé”. L’après-midi, elle vient me voir pour me l’expliquer. Elle parla avec plus de pénétration que d’habitude; c’était clair comme de l’eau de roche, elle avait des mots frappants et des images appropriées pour les choses les plus difficiles. Elle parla lentement, à voix basse, comme absente, cherchant ses mots, mais tout à fait décidée dans l’expression. Elle dit à peu près ce qui suit : La souffrance du Seigneur commença au dedans. Il y avait là une conversation intérieure entre Dieu le Père et Dieu le Fils, dans une région qui est toute divine, où tout est commun, où tout est offert réciproquement, où règne une entente totale. Une région où nous, les hommes, nous n’avons rien à chercher. Puis cette conversation divine devint une conversation entre Dieu et le Christ homme : Créateur et créature. Et il règne à nouveau un accord total. Pourtant cela commence : éloignement progressif, imperceptible, obscurcissement, sentiment de devenir étranger. Si progressivement que l’humanité du Seigneur ne s’en aperçut pas tout d’abord. Car cette humanité ne sait pas en somme que la souffrance commence. Adrienne cite : “L’heure, le Père seul la connaît”. Le Fils ne sait pas si c’est déjà le commencement de la souffrance, ou bien quelque chose d’occasionnel, une épreuve préalable. L’expérience de cet éloignement du Père lui est inconnu jusqu’à présent, il ne l’a encore jamais faite si bien qu’il est plein de questions et de doutes. Je demande à Adrienne où est alors la divinité du Fils. Adrienne répond : “En Dieu”. Pour lui en tant qu’homme, elle est maintenant inaccessible, elle n’est plus à sa disposition. Bien que son humanité ne soit pas une simple humanité, mais une humanité divine, qui donc aussi souffre divinement au-delà de toute mesure humaine, c’est cependant l’humanité qui souffre et non Dieu en tant que tel. Le silence du Père, le fait qu’il abandonne le Fils, qu’il se retire, son absence progressive, l’apparition de la pure justice et même de la seule rigueur, la dissimulation de l’amour, de toute intimité : ce fut le commencement de la Passion (Après le 19 janvier 1944).

 

45. Le purgatoire

 

Ces jours-ci Adrienne a été conduite plusieurs fois au purgatoire. Elle m’en écrivit quelques petites choses, m’en expliqua d’autres de vive voix. Elle cherche longtemps à exprimer la manière d’être particulière du temps au purgatoire, qui n’est rien d’autre qu’un souvenir de la faute commise : c’est celle-ci qui est la mesure du temps au purgatoire. C’est un temps qui est fait tout entier d’une seule ligne, qui va droit comme un trait vers l’éternité. Le purgatoire commence avec la croix et finit avec elle. Il commence comme ceci : on est placé sous la croix et ce qu’on a fait dans la vie ou ce qu’on a négligé, on doit apprendre à le connaître du plus profond du coeur. Toute la vie est placée sous une unique formule, par exemple : “Je n’ai pas aimé le Christ”. Tout le reste n’existe plus. Puis cette parole commence lentement à se marquer dans l’âme comme un fer rouge. C’est d'abord une connaissance toute théorique, quelque chose qu’on semble savoir depuis longtemps. Jusqu’à ce que l’affaire devienne toujours plus brûlante, toujours plus proche, toujours plus inéluctable et accablante. Et à l’instant où l’âme n’en peut plus, où tout en elle crie vers Dieu, où tout n’est plus qu’un espace vide et brûlant, où la croix est devenue en elle vérité, cela se termine et Dieu apparaît. Maintenant l’âme sait ce qu’est la grâce (3 mars 1944).

 

46. L'expérience du vide dans la prière

 

Quand nous sommes entrés dans la chapelle pour la communion, Adrienne eut un mouvement de recul. Le soir elle raconta : les trois (Paul, Augustin, Ignace) se trouvaient de nouveau dans la chapelle et de nouveau elle apprit beaucoup de choses sur eux. Adrienne parla d’eux pendant une heure entière, avec une précision d’expression que je ne puis pas rendre. Elle dit à peu près ce qui suit : Chez les trois, cela part de la prière continuelle. Non d’une prière mystique mais d’une prière chrétienne habituelle. Ils essaient, mais ils remarquent que cette fois-ci cela ne va pas. Ils essaient ensuite de pouvoir le faire quand même, cela va encore moins; ils ne peuvent pas adorer, il leur manque la substance de l’adoration; à sa place il y a un vide. Mais ils se conduisent très différemment. Paul est sans doute le premier qui rencontre quelque chose de ce genre. Il n’a aucune expérience en la matière. Il ne sait pas que cela fait partie de la prière. Il ne peut pas se l’expliquer. Il cherche donc toujours à recommencer par le début, il cherche la faute dans son état actuel, uniquement dans ce qui lui est personnel. Il ne peut pas comprendre ce qui a pu arriver entre le Christ et lui : il n’y avait jamais rien eu quand même qui eût troublé leur amitié. Il considère aussi son état comme singulier, anormal pour ainsi dire, et il ne peut pas le généraliser. Car il lui manque pour cela un point de comparaison, il est le premier au début de la tradition. Il n’a pas de racines dans le passé. C’est pourquoi il ne peut pas non plus mettre son état en relation avec l’Eglise, avec la communauté. - Augustin a sur Paul l’avantage qu’il connaît la tradition, qu’il sait qu’un vide de ce genre arrive. Mais cette tradition n’est pas encore assez forte et assez éclairante pour lui donner la possibilité de comprendre la souffrance autrement que comme un événement privé dont il cherche le sens véritable et la raison dans son péché et dans la pénitence pour ses péchés passés. Ignace par contre vit dans la plénitude de la tradition - il est pour ainsi dire le commencement de l’homme moderne, il est tout proche de nous -, et il sait qu’il doit en être ainsi et que l’adoration est exigée dans le total abandon et dans la sécheresse et dans l’absence de consolation tout autant que dans la consolation. Bien que lui aussi soit perplexe au sujet de l’absence de Dieu, il en sait quand même la justesse au beau milieu de sa perplexité (Après le 3 mars 1944).

 

47. Pontmain

 

Souvent Adrienne a des visions horribles : le Seigneur et sa Mère au bord d’un fleuve impétueux ; ils trébuchent, marchent péniblement, ils sont presque perdus. Je donnai une conférence sur les apparitions de Marie; je parlai entre autres de Pontmain et de l’apparition dans un manteau bleu parsemé d’étoiles : chaque Ave Maria que l’assemblée disait en bas est une nouvelle étoile. Adrienne est là avec la croix dans le dos, elle ne peut presque pas s’asseoir. Pendant que je parle de Pontmain, elle voit toute la vision devant elle telle qu’elle fut autrefois. Quand elle rentre chez elle en voiture, elle revoit le tableau, mais cette fois-ci à l’envers : au lieu que les étoiles apparaissent sur le vêtement de la Mère, elles disparaissent toutes peu à peu : ce sont les Ave Maria qui n’avaient pas été dits (Après le 3 mars 1944).

 

48. La grâce

 

Quand je suis de retour à Bâle, Adrienne me parle d’abord de la rédemption le jour de Pâques. Elle ne voit plus l’au-delà mais la rédemption des hommes dans la vie présente. Comment la grâce se saisit des hommes d’une manière infiniment variée : souvent ils savent l’instant où la grâce les saisit : dans la prière ou aussi brusquement en pleine rue. Souvent ils n’en savent rien, peut-être parce qu’ils sont trop humbles pour y réfléchir. Adrienne vit une foule de gens très simples, un instituteur, un cordonnier, etc., comment ils vivent totalement de la grâce sans bien le savoir. Elle vit aussi ce que veut dire être racheté : comment les âmes sont remises au Père par le Fils et comment dans cette remise elles sont remplies de l’Esprit Saint. La remise au Père se passe justement dans l’Esprit Saint et nous saisissons le mieux celui-ci dans la direction qui va du Fils au Père (Après le lundi de Pâques 1944).

 

49. Catherine de Sienne

 

Au jour de la fête de sainte Catherine de Sienne, Adrienne voit au ciel une fête qui a été organisée pour elle. Tous se rassemblent sur la place de l’église; on sait que c’est sa place de l’église. Puis elle apparaît et elle est fêtée. Catherine est une belle femme bien qu’elle n’ait pas précisément beaucoup de charme; elle est celle qui n’a qu’une idée, elle est un peu à voie unique dans sa pensée, elle ne tient compte de rien quand elle voit sa mission et l’accomplit. Elle ne connaît rien d’autre non plus que cette tâche et elle y ramène tout. Elle a une spécialité et pense un peu que tous aussi ne devraient s’intéresser qu’à cela. Ignace la trouve sympathique : “Il doit justement y en avoir aussi des comme ça”. Elle n’a pas l’ampleur de la grande Thérèse. Mais elle est une grande flamme, pure, et qui monte tout droit (30 mai 1944).

 

50. Les non-baptisés

 

Je demandai un jour à Adrienne si au ciel elle voyait une différence entre baptisés et non-baptisés. Elle fut tout d’abord embarrassée, elle réfléchit et dit qu’elle n’avait jamais vu dans le ciel des non-baptisés. Mais elle dit ensuite : “Il est arrivé parfois que je ne fus pas transportée dans le ciel directement mais que je fus sur un chemin y conduisant. Sur ce chemin on passa par des régions qui appartiennent bien au ciel mais qui sont comme un premier degré, un quartier extérieur. On ne voit pas de transition nette entre ces domaines. Tout ce que je peux en dire c’est que les joies sont là autres que dans le ciel proprement dit où se trouvent les saints; elles sont en quelque sorte plus sourdes et plus ternes, davantage la totale satisfaction de ses propres désirs que l’amour de Dieu absolu et débordant. Peut-être est-ce là que sont les non-baptisés” (4 mai 1944).

 

51. Gemma Galgani

 

Adrienne lit la vie de Gemma Galgani ; elle est indignée par la conduite de son confesseur, le terrible Padre Germano. Elle est indignée de sa dureté et de son hypocrisie, car il estime toujours nécessaire de traiter Gemma d’une manière presque inhumainement dure et ensuite devant les autres il ne peut pas vanter assez sa vertu. A part cela, Gemma a pour lui des missions du Seigneur qu’il n’exécute pas, entre autres aussi la fondation du couvent de Lucca (7 mai 1944).

 

52. Pentecôte

 

Le matin, pas de feu; ensuite Adrienne voit deux fois l’Esprit : à la messe de communion et à la messe de 11 H 30; elle voit comment son feu se répand sur l’assemblée et, pour la première fois aussi, que ceux qui possèdent déjà l’Esprit et l’amour collaborent à cette distribution (Pentecôte 1944).

 

53. Toussaint

 

Après un bref trou, où elle vit les atrocités actuelles de l’Europe, elle fut transportée immédiatement au ciel. Une grande fête est préparée, des anges et des saints sont là. Adrienne remarque d’abord que tous les saints coopèrent pour ainsi dire à la formation d’un nouveau saint dans le monde. La décision de choisir un homme et d’en faire un saint ne provient pas seulement de Dieu, elle est confirmée et scellée par le ciel tout entier. Aucune consultation n’a lieu, pas non plus de discussions, mais une unanimité de la décision qu’on ne peut pas expliquer davantage, qui s’associe à la décision de Dieu et qui en même temps détermine en quelque sorte à son tour cette décision de Dieu. Et tous donnent à la personne concernée quelque chose d’eux-mêmes, de leurs dons et de leurs grâces. On choisit quelqu’un dont on sait qu’il dira oui. Et cependant tout n’est pas décidé d’avance : on ne sait pas encore jusqu’où il se laissera conduire, jusqu’où ira son oui. Celui qui est touché par la grâce reste libre. Pour finir en quelque sorte, la décision commune est soumise à la Mère qui ajoute sa bénédiction, son accord. Elle ne participe pas au choix mais elle s'y rallie d’une certaine manière. Dans tout le choix, elle occupe une position particulière qui, d’un côté, est différente de la position du Fils et, de l’autre, de celle des saints. On pourrait dire que les saints communiquent à cette personne quelque chose de leur aide et de leurs dons tandis que Marie lui communique toujours quelque chose de sa nature. Puis Adrienne vit comment toute la fête dans le ciel se transforma en hommage à Marie. Tout à coup tous eurent en main un chapelet et ils allèrent à la rencontre de la Mère sans prier à haute voix (1er novembre 1944).

 

54. Purgatoire

 

Commémoration de tous les fidèles défunts. Cette année encore Adrienne voit les âmes dans leur purification. Elle me décrit longuement leurs souffrances. C’est une souffrance totalement solitaire, inexorable, même si Dieu la façonne aussi courte que possible, et la prière de l’Eglise peut toujours venir là en aide. Souvent ce qui dure le plus longtemps, c’est que l’âme comprenne qu’elle doit aller dans le feu, que tout ce qu’elle a fait était faux et à côté de la question, qu’elle doit prendre un tout autre chemin, le chemin de l’amour. Beaucoup comprennent cela tout de suite, d’autres seulement après un temps qui paraît infiniment long. Une fois qu’ils se sont livrés aux flammes, cela avance sûrement et rapidement (2 novembre 1944).

 

55. Les saints dans le ciel

 

Quelques jours plus tard, Adrienne parla des saints dans le ciel dont on demande l’intercession. Au fond, on ne leur fait pas par là spécialement un cadeau. On les astreint à une obligation, on dirige leur attention vers la terre et ses souffrances. On pourrait presque dire que, par là, les saints sont en quelque sorte détournés de la joie céleste. Mais Dieu, pour le côté de leur esprit qui reste tourné vers le ciel, leur fait don pour ainsi dire d’un surcroît de lumière et de bonheur (Après le 3 janvier 1945).

 

56. Le samedi saint

 

Dans une conversation, nous en venons à parler du samedi saint. Adrienne dit que celui qui y est passé en garde dans les membres un effroi éternel. Le vendredi saint, l’horrible se laisse encore exprimer d’une certaine manière par les souffrances physiques et se traduire par elles. Mais le samedi, tout est totalement inhumain. Elle dit : le Fils incarné doit être ici initié aux ultimes mystères du Père. Jusqu’à présent il a vécu en confiance avec le Père, mais il n’a pas encore vu le dernier tréfonds du Père. Jusqu’alors tout était décidé à l’intérieur de l’amour entre le Père et le Fils; maintenant le Fils doit pour ainsi dire voir et expérimenter ce que le Père est en lui-même, dans son caractère incompréhensible, sa solitude, ce qu’il était avant le monde. Comme si un père voulait initier son fils non seulement au mystère de la procréation duquel est issu le fils mais, beaucoup plus loin en arrière, dans le mystère de l’origine de la puissance procréatrice paternelle elle-même, qui surgit dans l’obscurité la plus obscure de la jeunesse, dans une solitude sans nom. Le Fils passe ainsi ce jour-là dans l’infinité la plus perdue du Père. Le samedi saint est presque plus un jour du Père qu’un jour de mort et d’enfer. C’est le chemin le plus direct vers le Père. Ce jour-là, rien n’est épargné au Fils (23 janvier 1945).

 

57. Les enseignements d'Ignace

 

Les conversations d'Adrienne avec Ignace sont manifestement très animées. Adrienne ne craint pas de lui faire fréquemment toutes sortes de reproches, de lui dire qu’elle en a assez définitivement de lui et de ses méthodes. Là-dessus il ne répond que par un petit : “Ah, vraiment?” moqueur. Ou bien quand elle dit que moi aussi je suis tout découragé, il dit par exemple : “Ce ne sera pas si grave...” Bien qu’il consente rarement à expliquer quelque chose au point qu’on comprenne tout, il fait toujours celui qui est très étonné que nous comprenions si peu et il trouve toujours comme allant de soi ce qui pour nous est le plus difficile. - Des enseignements d'Ignace encore. Dans la vie selon les conseils évangéliques, l’homme doit toujours savoir qu’il demeure capable de relations sexuelles et cela même sans tentation et sans imaginations sexuelles. Quand il est tenté, sa vocation peut grandir. C’est plus aussi que de ne plus sentir aucune pulsion. Mais il y a, avant même toute tentation, les réalités organiques auxquelles les tentations peuvent toujours s’attacher. C’est pourquoi l’homme qui vit dans la virginité ne doit jamais et nulle part se croire en sécurité. Quelqu’un peut dire de lui peut-être qu’en ce domaine il n’a jamais été tenté. Cela ne lui donne aucunement la garantie qu’il en sera de même à l’avenir. Dieu demeure toujours libre et ne se laisse jamais immobiliser. Et chaque chemin d’une personne peut conduire à de nouvelles phases dans lesquelles justement cette tentation se portera au premier plan. Nous ne savons jamais quand un fil de concupiscence est définitivement coupé. Chez les autres, on peut à la rigueur le constater; pour soi-même, on ne s’en aperçoit jamais (15 mars 1945).

 

58. Sur la mystique

 

Le jour de Pâques, s’engagea aussi une conversation sur la mystique. Adrienne a une grande aversion pour toutes les théories qui distinguent la prière habituelle de ce qu’on appelle la prière plus élevée. Est-ce que la foi, l’amour et l’espérance ne sont pas infusés totalement? Et est-ce que l’essentiel dans la prière du simple chrétien ne provient pas aussi d’en haut et non de la nature de l’homme? Elle voit les choses d’une manière inverse à vrai dire. Tous les chrétiens sont introduits dans la vie du Seigneur et des saints. Moi, par exemple, qui n’ai pas eu la vision qu’elle a eue, j’y ai pourtant part, et même j’ai vu davantage qu’elle en partie; car ce qu’elle m’a dicté dans l'extase, elle ne le sait plus, tandis que moi, je le sais maintenant. Ainsi une personne qui a par exemple une vénération particulière pour la Mère de Dieu recevra durant toute sa vie une grâce mariale, elle aura part aux grâces de la Mère et, par toute sa vie et toute sa prière, elle enrichira la Mère. Elle devient pour ainsi dire une part de la vie de grâce de la Mère. De même les admirateurs de saint François d’Assise forment pour ainsi dire l’achèvement de ses grâces mystiques : sa plénitude et sa richesse. La mystique n’a jamais le moi comme centre, un moi qui serait orné de grâces extraordinaires; dans la mystique, le chrétien est bien plutôt dépersonnalisé et transformé par l’amour en une chose de Dieu et un complément de son royaume dans la communion des saints. De plus, Adrienne est hostile à toute théorie qui favorise un entraînement quelconque à ce qu’on prétend être une prière plus haute. Elle voit tellement dans les grâces extraordinaires leur caractère d’instrument et leur pure dépendance de la structure sociale de l’Eglise qu’elle ne peut pas comprendre que quelqu’un puisse parler ici de “degrés”. Elle dit : “Si Dieu me donne une place de servante, il ne peut pas être plus parfait pour moi de vouloir être une reine. Je ne ferais alors au contraire que m’écarter de la volonté de Dieu et me rendre coupable de désobéissance. Quand Dieu a besoin de quelqu’un pour lui donner des visions, c’est un service comme un autre, et personne d’autre ne doit se permettre de vouloir s’introduire artificiellement dans ce service”. Elle a des paroles très dures pour maintes formes de contemplation : elle les qualifie d’onanisme spirituel. On s’échauffe, dit-elle, on s'excite, on s'immerge, etc., assez longtemps pour faire sortir de soi l’une ou l’autre haute expérience. Et pourtant tout provient de l’âme elle-même et n’est rien d’autre qu’elle, et Dieu est à cent lieues de là (Pâques 1945).

 

59. Sur les visions

 

Adrienne me demande si je savais quand la vision se termine. Auparavant, elle ne le savait pas; maintenant, elle le sait. Le Seigneur ou la Mère ou le saint qui apparaissent, ce n’est pas eux qui s’éloignent ou qui nous laissent là. La fin est arrivée quand on comprend soi-même que maintenant on “doit s’en aller”. Et cela se fait quand on a reçu une mission, quand on comprend comment on a à transmettre dans ce monde le contenu de la vision. Le Seigneur et les saints ne se sont pas éloignés, ils restent par la suite des accompagnateurs invisibles et permanents. Ainsi, par la suite, on peut également presque les “convoquer”. Par exemple, elle peut vraiment entrer en relation avec Ignace quand elle le veut. Il est toujours là (21 avril 1945).

 

60. Ignace

 

Adrienne dit d'Ignace que la transformation qu’il a opérée au ciel est considérable. Sur terre, il a en quelque sorte trop exigé de lui, il a trop tendu le ressort. Au ciel, tout s’est détendu; il s’est débarrassé d’un certain activisme; d’où aussi son rapprochement avec Jean (21 avril 1945).

 

61. Sur la Trinité

 

Profondément dans le trou. Adrienne voit partout ce qu’il y a de négatif dans les hommes qui devraient être remplis de la Trinité. Chaque homme porte en soi une sorte de schéma de la vie trinitaire : sa manière particulière de participer à ce mystère. Chez les uns c’est la vie dans le Fils, chez d’autres l’amour particulier pour le Père, chez d’autres l’intelligence des dons de l’Esprit, mais toujours ce qui est particulier débouche dans le trinitaire qui englobe tout. Et partout Adrienne voit que ce tracé n’est pas réalisé (Veille de la Trinité 1945).

 

62. La nature de la Trinité

 

Une grande connaissance sur la nature de la Trinité. Adrienne voit la vie trinitaire comme une prière réciproque des trois personnes, et cette prière s’accorde dans l’unité. Puis elle vit comment Marie se trouvait dans cette prière avec tous les saints. Je lui demandai de mettre par écrit l’essentiel de cette vision, et elle l’a fait dans son journal. Elle vit aussi ensuite la nature de la sainteté : elle consiste pour quelqu’un à remplir la mission trinitaire qu’il a. Il ne s’agit que de cela et de rien d’autre. Il peut se faire que par exemple cet homme soit défaillant sous maint autre aspect, que par exemple il ait et garde “un fichu caractère”, mais que ce qui est central en lui soit en ordre : il a correspondu à sa mission. Il s’est si totalement jeté en Dieu qu’il a laissé en Dieu une empreinte exacte de lui-même et Dieu s’est exprimé en lui, dans la mission accomplie, autant qu’il l’avait prévu. C’est naturellement une œuvre de la grâce; cependant très peu d’hommes seulement correspondent à la grâce; ce sont les saints (Trinité 1945).

 

63. Les connaissances des saints dans le ciel

 

Adrienne me parle longuement du ciel et de la vie là-haut. Elle a eu une conversation avec Ignace qui lui a expliqué que les bienheureux au ciel ne savent pas tout non plus et que, ce qu’ils savent, souvent ils ne sont pas en mesure de l’utiliser pour leurs missions. Il y a souvent une étrange double piste. Par exemple, ils voient par avance en Dieu quelque chose, peut-être un résultat négatif. Mais malgré cela ils reçoivent de Dieu la mission de susciter et de conduire une œuvre en contradiction avec le résultat vu d’avance. Et ils ont la possibilité de vivre si totalement pour la mission que, pendant ce temps, ils peuvent mettre leurs autres connaissances tout à fait à l’arrière-plan. Ainsi Ignace, par exemple, transmettra à quelqu’un une mission pour une œuvre bien que la mort prochaine de la personne en question en rendra impossible l’exécution. Ou bien Ignace peut se donner beaucoup de mal pour un jeune homme tout en sachant d’avance que finalement il ne le gardera pourtant pas pour son Ordre (3 juin 1945).

 

64. Les missions des saints dans le ciel

 

Au sujet des missions dans le ciel, Adrienne dit en outre que les bienheureux montrent d’une manière particulièrement accusée, comme purifiée et portée à leur total développement, les vertus qu’ils ont cultivées sur terre. Mais là où, en tant que personnes humaines, ils ont failli, où ils ont eu des défauts et des vices, la lacune n’est plus visible, elle est compensée par son contraire. Celui qui, sur terre, a péché par manque d’amour aura surtout le souci au ciel que les hommes en ce monde ne tombent pas dans cette faute, etc. Ainsi, au ciel, on garde certes le positif de ce monde, mais en aucune manière le négatif. Il n’y a plus moyen du tout de jeter un regard en arrière sur le péché commis, ni pour soi ni pour les autres. Même ceux dont on sait au ciel qu’ils se trouvent dans le purgatoire, on ne les considère pas comme devant passer par une juste purification, mais plutôt comme des personnes qui accomplissent un voyage pénible, à qui il est arrivé un malheur, dont on désire depuis longtemps l’arrivée et, quand enfin ils sont là, ils sont aussitôt entourés et introduits comme des personnes longtemps attendues. C’est surtout l’art incomparable de la Mère qui se trouve exactement à la fin du purgatoire et qui accueille dans le ciel les nouveaux arrivants. Toutes les formes de gêne sont aussitôt emportées par cet amour sans prévention (3 juin 1945).

 

65. Saint Paul

 

Au cours d’une dictée sur “Jean” (là où il est question des portes fermées), quelques mots sur Paul. Le Seigneur apparaît aux autres disciples devant leurs sens corporels même si ceux-ci sont élevés surnaturellement. A Paul, il apparaît dans une vision. Paul est ainsi le premier mystique, qui possède aussi la première âme de mystique, le léger surmenage des capacités humaines qui apparaîtra souvent (pas toujours) chez les mystiques. Paul est le premier; il ne connaît donc pas encore de tradition dans ces choses. Il n’a donc pas compris qu’il n’est pas une exception. Il en fait quelque chose de personnel. Malgré cette légère méprise, Paul reste tout à fait dans sa mission tout comme Pierre, malgré son triple reniement, reste en fonction. Le Seigneur a aussi parmi ceux qui tiennent à lui et veulent le suivre des pécheurs ou des caractères quelque peu anguleux, qui collaborent certes, même avec beaucoup de flamme, mais qui ne se rendent pas totalement compte de ce qu’on attend d’eux. C’est souvent l’attitude de l’enfant en eux qui peut rester. Chez Paul, c’est se vanter, se présenter comme modèle. Il s’admire, mais dans le Seigneur. Il voit en lui l’œuvre de la grâce et il s’imagine être un chef d’œuvre de la miséricorde divine. Il croit ainsi mieux témoigner du Seigneur et il ne veut rien d’autre en fait. Il est comme l’élève modèle qui maîtrise depuis longtemps les simples lettres que les autres dessinent et qui, à la place, peint dans son cahier un beau dessin. Il pense ainsi faire un cadeau à l’instituteur. Paul est convaincu que se vanter ainsi est pour la plus grande gloire de Dieu. Il le fait totalement à l’intérieur de la foi. Il pense que la plus grande gloire de Dieu consiste en ce que lui fasse davantage et non que Dieu soit plus. Il est comme quelqu’un qui a été guéri miraculeusement et qui, pour l’honneur de Dieu, montre à tout le monde ses membres guéris. Ignace est d’avis qu’on devrait cacher tout cela, moins se montrer soi-même et montrer plutôt Dieu seul (Fin juin 1945).

 

66. Thérèse de Lisieux

 

Récemment, la nuit, Adrienne a vu la petite Thérèse. Elle était assise dans son lit la nuit, au bout de ses forces, comme dans une révolte soudaine contre son sort auquel elle ne comprend plus rien. C’est plus qu’un étonnement, plutôt une profonde désillusion : elle a tout raté. Elle se souvient du temps de sa jeunesse, de la Mère de Dieu qui lui faisait signe, des heures heureuses, légères. Elle voit sa vocation, le moment où elle quitte son père, sa maison, le renoncement à la vie de famille. Toutes les filles sont entrées au couvent. Tout lui semble soudain comme dépourvu de sens, et le fait que maintenant elle ne peut plus avancer lui apparaît comme une punition pour sa défaillance d’autrefois. Elle voit sa visite au pape : elle n’aurait pas dû parler, mais elle a parlé quand même et pressé l’entrée au couvent. Cela lui paraît maintenant comme une désobéissance, comme une manière de s’introduire dans un lieu qui n’est pas fait pour elle. “Si je n’avais pas parlé, si j’avais attendu, si je n’avais fait que suivre la loi, les années suivantes auraient peut-être apporté la clarification voulue par Dieu”. Pourquoi a-t-on cédé alors à sa volonté? Elle se révolte contre le fait. Qu’elle se trouve maintenant là où elle ne devrait pas, elle ne le considère pas seulement comme une punition personnelle mais comme une expression de la colère de Dieu. Elle voudrait être replacée là où elle pourrait à nouveau choisir. Mais à cet instant, elle reconnaît qu’elle serait de la sorte sur le meilleur chemin pour imposer sa volonté et cela remet tout en place : le don d’elle-même à Dieu est maintenant d’autant plus grand. Elle comprend qu’ici tout aurait pu aller de travers, que le tout était une tentation de vouloir organiser quelque chose soi-même. Elle fait alors marche arrière, dans une humilité plus profonde (20 octobre 1945).

 

67. Les saints au ciel

 

Adrienne dit qu’elle a passé presque toute l’après-midi avec Ignace. Adrienne dit qu'Ignace avait pleuré longtemps et fort, qu’elle lui avait donné un mouchoir qui était tout mouillé quand il le lui rendit. Ce n’était pas du tout des larmes de consolation mais des larmes amères sur la Compagnie. Adrienne comprit que les saints avaient certes le pouvoir de formuler une intercession et de procurer des grâces de purification et de direction, mais qu’ils étaient presque impuissants quand il s’agit de donner aux hommes l’intelligence et le vaste horizon qui est pourtant indispensable pour beaucoup des œuvres de Dieu. On ne doit pas penser non plus que les saints sont au courant de tous les plans de Dieu ou qu’ils peuvent, dans leur vue de l’avenir - qui est certainement beaucoup plus grande que la nôtre -, tenir compte de tous les facteurs. Souvent leurs desseins sont contrecarrés par d’autres facteurs, par exemple par des guerres ou par des révolutions ou par l’incompréhension de l’Eglise. Ainsi, au ciel, on s’est donné du mal pour faire de Jeanne d’Arc une pure sainte, mais la sottise de l’Eglise a détruit l’œuvre, car jamais Dieu n’a voulu la condamnation de Jeanne. Ce qui fait qu’aujourd’hui elle est bien une sainte, mais quelque part sa mission terrestre ne peut pas se développer comme elle le devrait. Chaque chrétien doit la demander pour la rencontrer, car quelque chose de sa mission ici-bas a échoué même si cela a été gardé en Dieu (21 octobre 1945).

 

68. Les outils du Seigneur

 

La nuit, Adrienne voit l’atelier du Seigneur : une grande table avec beaucoup d’outils. Le Seigneur ne travaille pas avec les outils, mais sur eux. Il y a là d’innombrables pointes qu’il façonne, auxquelles il veut donner une forme précise pour ses desseins : des pointes neuves, étincelantes, mais aussi beaucoup de vieilles pointes, rouillées, tordues. La plupart du temps les vieilles pointes tordues se laissent façonner jusqu’à un certain point et, quand elles ont perdu un peu de rouille, elles pensent déjà que cela suffit et elles s’impatientent. Mais les pointes neuves, jeunes, étincelantes, sont encore beaucoup plus difficiles à façonner, car elles pensent que la belle forme qu’elles ont est ce qui convient; elles ne comprennent pas que le Seigneur doit leur donner une autre forme. Il en a peut-être besoin qui soient toutes tordues, ou bien sans tête, ou bien avec une tête tout aplatie, ou bien modifiées de quelque autre manière. Mais parce qu’elles ont la même forme que les autres, elles pensent que c’est une raison suffisante pour qu’elles restent comme elles sont. Puis Adrienne voit comment les outils achevés commencent à travailler eux-mêmes, comme dans un film de Disney. Les couteaux coupent, les rabots rabotent, etc. Mais, en travaillant de la sorte, les outils ont tous tendance à croire qu’ils le font par eux-mêmes et à oublier qu’ils ne le font que pour le Seigneur et grâce à son travail. Aucun outil ne peut faire quelque chose sans être passé par ses mains (27 octobre 1945).

 

69. Visions et confession

 

Il y a une grande parenté entre visions et confession. Dans l’Eglise, on a le devoir de dire ses péchés à un confesseur; non pas à n’importe qui, mais à quelqu’un qui garde le secret, qui a en même temps le droit de tout voir. On n’a pas le droit de découvrir une chose et d’en cacher une autre. Les visions également sont à communiquer à l’Eglise, on n’a pas le droit de les garder pour soi. Et elles doivent être rapportées tout aussi objectivement que l’on confesse ses péchés. L’essentiel dans la confession, c’est l’aveu objectif : j’ai péché et voici mes péchés. Non pas la profondeur du repentir, ni la description des circonstances qu’on pourrait étendre à l’infini, non pas ce qui a été vécu intérieurement lors du péché, mais simplement le péché en soi. De même pour les visions (Mi-novembre 1945).

 

70. Disponibilité

 

Dieu peut sans doute faire qu’une personne ne mange pas pendant quelques jours par exemple, ne lui donne aucun sentiment de faim ni aucun besoin de nourriture, pour l’une ou l’autre raison connue de lui seul. Celui à qui cela arrive n’a pas à se regarder comme un prodige, à y voir une élection. Sinon, après quelque temps, quand il devra manger à nouveau, il aurait le sentiment d’une régression, d’une défection. Et il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. L’un ou l’autre but de Dieu est peut-être simplement atteint. Dans cette sphère, tout contrôle de soi, toute observation de soi, doit surtout cesser. Si quelqu’un a aujourd’hui des visions et n’en a plus le lendemain, n’en aura même plus jamais, il se peut qu’il ait gaspillé la grâce, mais il peut se faire tout aussi bien que sa mission est simplement finie. Il devrait le comprendre. Si le fait qu’il ne voit plus est la conséquence de son péché ou de celui d’un autre, il pourrait peut-être désirer avoir de nouveau des visions; il pourrait demander pardon à Dieu et se mettre à nouveau à sa disposition. Mais il n’y a pas beaucoup de chance que ce qu’il a vécu précédemment recommence. Si la vision lui a été simplement retirée parce que Dieu a un autre dessein, il n’a pas le droit de désirer à nouveau ce qu’il a connu dans le passé. Sa disponibilité à ne pas voir doit être aussi grande que sa disponibilité à voir; ici l’indifférence de saint Ignace a le dernier mot (Mi-novembre 1945).

 

71. La conception de Marie

 

Adrienne raconte que, toute une nuit, elle a eu la même vision : la conception de Marie. Elle voit un rayon sortir du Père pour aller sur la Mère et, dans ce rayon, il y a la colombe. Mais la colombe ne se meut pas, elle ne vole pas elle-même, c’est le rayon qui se meut et la colombe est mue dans le rayon. Par là se manifeste clairement l’absolu don de soi de l’Esprit Saint, la passivité avec laquelle il sort du Père et son extrême obéissance à l’égard du Père : il se laisse diriger là où le Père le veut (Mi-novembre 1945).

 

72. Les bons chrétiens

 

La nuit, Ignace lui montre des gens de tous les pays : ce qui leur est commun est qu’ils n’ont aucune idée du don de soi. Ils veulent tous arranger eux-mêmes leur vie. En tant que bons chrétiens, ils pensent que prendre soin de sa famille, dans le temps libre se donner du bon temps avec ce qu’on a épargné, c’est le sens principal de la vie; personne ne comprend que davantage pourrait être exigé (20 novembre 1945).

 

73. Ignace et Paul

 

Adrienne assiste à une étrange discussion entre Ignace et Paul. Adrienne dit qu’elle s’était sentie très mal à l’aise lors de cette scène; elle avait dit à Ignace qu’elle ne faisait quand même pas partie de leur monde : est-ce qu’ils ne pourraient pas arranger les choses entre eux? Ignace répondit : ils ne se seraient sûrement pas querellés en sa présence si elle n’avait pas eu quelque chose à en apprendre. Ignace reprochait à Paul d’ignorer la Mère du Seigneur : cela provient de sa mâle fierté. Il se montre toujours lui-même comme homme; au fond il ne connaît pas la femme. Il n’a jamais vraiment été amoureux, et cela se paie. Il doit avoir existé dans la vie l’un ou l’autre toi qui ramollit la dureté de l’homme, qui jette un pont vers Dieu. Si un religieux, durant toute sa formation, n’a connu que Dieu et lui-même, sans avoir rencontré un véritable ami ou une femme, il aura l’attitude de celui qui n’a jamais d’yeux que pour les hauteurs, sous un angle qu’il peut à peine faire comprendre aux autres. Adrienne, qui entend cela, demande à Ignace, très gênée, s’il n’aime pas Paul. Réponse : naturellement je l’aime et le vénère, mais quand nous ferons “Paul”, il nous aidera à comprendre et à décrire “Paul aujourd’hui” (20 novembre 1945).

 

74. Les saints

 

Quand des personnes qui vivent vraiment dans le Seigneur, dit Ignace, se font réciproquement des remontrances au sujet de leurs défauts, c’est toujours quelque chose de tout autre qu’une dispute en dehors de l’amour. Tout saint au ciel a derrière lui une vie terrestre et personne n’y a été parfait. Il est très utile de signaler les imperfections des saints afin qu’on ne fasse pas de la sainteté quelque chose qui canonise aussi les imperfections. Il y a des gens qui, s’il ne veulent pas imiter l’esprit des saints, imitent au moins ce qu’il y a de moins bon en eux et tiennent cela pour de la sainteté (20 novembre 1945).

 

75. Trois formes de chasteté

 

Pendant la dictée de l’Apocalypse (14,4), Adrienne voit Marie avec Jean, François d’Assise et Ignace; différentes formes de chasteté sont expliquées à partir de ces trois saints. - Jean est toujours totalement pur, tellement pur que, d’une certaine manière, à côté de la chasteté il ne comprend pas le péché. Il serait impensable pour lui qu’on puisse vénérer la Mère, adorer le Fils et en même temps se chercher soi-même dans un autre être. Il a compris l’amour comme une orientation définitive vers le Seigneur et vers la Mère, et il a toujours vu aussi dans le Fils la Mère et toujours aussi dans la Mère le Fils. Quand il a quitté la croix avec Marie, il y avait toujours aussi, dans sa vénération pour la Mère, sa vénération pour le Fils. Il était élevé dans une sphère de virginité dans laquelle il n’entrait pas du tout en contact avec la nature de l’impureté. - François connaissait bien le péché d’impureté et, quand il s’en est détourné, il savait toujours aussi combien l’homme est faible, combien il a besoin du Fils et de Marie pour ne pas tomber. Cela augmentait encore son amour pour les hommes de les savoir si pauvres et de voir que, malgré la foi et l’amour qu’ils pensent avoir ou qu’ils prétendent avoir, ils tombent dans ce péché. Dans sa compassion, il voudrait les protéger. Il les aide à ne plus tomber, il le peut parce qu’il connaît leur faiblesse. Les deux, Jean et François, se trouvent également près de la Mère. - Ignace est celui qui n’est pas vierge, qui devient vierge en faisant pénitence, qui a à mener de durs combats de renoncement et de détachement, qui dépose aux pieds de la Mère ses bons résultats, mais comme une bagatelle dont il ne vaut pas la peine de parler. Il se tient devant elle d’une manière virile et chevaleresque. Dans ses relations avec ses prêtres, il donnera toujours relativement peu d’importance à leur passé. Ce n’est pas sa “spécialité”. Lui-même sur ce point s’est dépersonnalisé, chez les autres également il prend les choses de manière impersonnelle et il leur conseille d’en faire autant. La pureté est simplement quelque chose entre lui et la Mère, qui est décidé une fois pour toutes et qui donc est réglé. Les trois saints se trouvent ainsi pour finir au même endroit, mais leurs chemins sont différents. Jean dit : nous devrions rester comme le Seigneur et la Mère. François : nous sommes faibles, mais nous sommes heureux que la force du Seigneur se tient à notre disposition. Ignace dit à chacun : veille à ce que tu en aies fini le plus vite possible avec cela (20 novembre 1945).

 

76. La vie dans le ciel

 

Saint Ignace donne un enseignement aux anges. Puis la Mère : elle communique pour ainsi dire aux anges sa féminité. Puis le Seigneur et la Mère : il est visible là qu’ils ont tout en commun. Au ciel, chacun donne tout à tous. Puis saint Ignace parle avec un vieux jésuite. On voit alors qu’au ciel aussi on pose des questions. Il ne faut pas croire que là tout est aussitôt satisfait. On y aspire. Et on y arrivera. Mais quand même dans un devenir. Au ciel, on fait l’expérience d’un devenir de la réponse : on grandit pour l’accueillir (15 janvier 1946).

 

77. Le purgatoire

 

On voit aussi beaucoup de chemins dans le ciel, comme si chacun de ceux qui viennent du purgatoire n’entrait pas au ciel par une grand-route stratégique mais par un chemin personnel. Toute sa vie durant, quelqu’un a vu le Christ comme le consolateur... et maintenant il arrive dans le feu, il comprend la nature du péché et justement d’une certaine manière en rapport avec l’image qu’il avait du Christ; c’est particulièrement pénible; on croyait avoir aimé le Seigneur comme consolateur et maintenant le péché est d’autant plus effrayant à voir qu’il était dirigé contre le consolateur. Finalement ce quelqu’un arrive au ciel et précisément pour la réalisation de la consolation, pour la réalisation de ce qu’il sait et possède déjà. A partir de là, d’autres aspects du Seigneur lui sont montrés, toujours de nouveaux aspects... Le tout est comme une question de tact, de coeur. Dieu offrira exactement ce qu’on désirait. Et à partir de là, cela continue. Et cela, malgré l’indifférence qu’on emporte avec soi du purgatoire. Arrivent par exemple de vieilles grenouilles de bénitier, qui avaient une religion très égocentrique. Au purgatoire, on leur a enlevé cette religion et on leur a donné des connaissances en rapport avec leur péché. Maintenant, au ciel, elles ont positivement une foule de choses toutes neuves à apprendre. Sur la foi, sur l’amour, etc. Elles doivent s’habituer, s’y faire, grandir. La terre est pleine de gens de ce genre qui ne sont pas encore passés par là. On devrait leur apporter quelque chose. Beaucoup de saints s’y sont essayé, plus ou moins. Ils ont agi, aussi bien qu’ils le pouvaient, et pourtant terriblement peu (15 janvier 1946).

 

78. Pas besoin du purgatoire

 

Durant la nuit, Adrienne est à nouveau dans le trou. Cette fois-ci, il s’agit d’âmes qui veulent aller au ciel mais pas au purgatoire. Elles trouvent qu’elles n’en ont pas besoin, elles ont assez de bonnes œuvres. Elles veulent mesurer elles-mêmes ce qui leur revient et, quand elles reçoivent à goûter les flammes du purgatoire, elles trouvent que non, elles n’y auraient pas pensé et elles préféreraient aller dans le néant plutôt que dans ce feu. Adrienne doit souffrir pour elles (25 janvier 1946).

 

79. La Trinité à la croix

 

Aujourd’hui Adrienne est dans un profond trou de vendredi où tout lui semble désespéré. Elle veut renoncer à l’obéissance. Elle est beaucoup trop fatiguée pour continuer. De la nuit précédente, elle raconte qu’elle a vu la croix dressée, mais le Seigneur était invisible. On a su exactement qu’il y était suspendu et cela avait été particulièrement inquiétant. Cela devait vouloir dire que non seulement l’humanité du Christ souffre, mais que la Trinité participe à l’abandon. C’est comme si le vendredi saint elle était comme détruite. Le Fils est en dépôt auprès du Père (sa divinité est cachée dans le Père, son humanité souffre, abandonnée) et l’Esprit Saint aussi est comme caché dans le Père, mis en dépôt. Mais le Père ne reste pas impassible, il participe à la souffrance au plus profond. C’est pour lui horrible de voir souffrir le Fils, de le laisser souffrir. Il a reçu la divinité du Fils et il la tient comme un gage. Qu’il le fasse, l’oblige; il doit persévérer. Et de même que ce fut un cadeau pour lui de recevoir en dépôt la divinité du Fils, il offre de son côté un cadeau au Fils par le fait qu’il agit invisiblement en lui pour creuser davantage sa souffrance, son abandon. Il lui donne la force de sentir sa faiblesse à l’extrême. Il y a entre eux comme des égards réciproques qui les font se retirer davantage chacun dans la souffrance. Par amour réciproque, ils se laissent dans la solitude pour ne pas faire de mal à l’autre par la vue de leur propre souffrance. Souffrir en commun serait pour chacun un soulagement, mais chacun sait que cela aggrave la souffrance de l’autre. Et ainsi ils se retirent et se permettent réciproquement cette solitude. Il en est tellement demandé au Fils qu’il ne voit plus la rédemption. Le Père prend tellement part à la souffrance du Fils qu’il ne comprend plus pour ainsi dire comment il peut dire oui à un tel abandon. Tout cela est sans doute expliqué d’une manière humaine et pourtant c’est plus vrai que si on disait que la divinité ne peut pas souffrir et que le Père, en tant que Dieu, est indifférent à la souffrance du Fils (1er février 1946).

 

80. La fête du 2 février

 

La Chandeleur. Dans l’attente des souffrances : moitié fête, moitié regard à l’avance sur la souffrance. Adrienne est comme partagée en deux. Comme pour une joie qui a ses ombres, ou bien comme une souffrance qui nous prépare une joie particulière. Pour Marie aussi la fête se trouvait dans un demi-jour. Le Fils de Dieu est béni au temple : une cérémonie dont il n’avait aucunement besoin. Et la Mère avait tout aussi peu besoin de purification. Mais dans le fait qu’ils n’ont pas besoin de cette cérémonie, réside pourtant aussi le fait qu’ils “peuvent” s’y soumettre. De ce point de vue, les deux choses annoncent la croix. On se laisse bénir et purifier à l’ombre de la croix. Comme le Seigneur se laisse finalement crucifier pour le péché des autres. Par cette ouverture sur la croix, la fête reçoit un caractère sublime. On promet de prendre sur soi ce qui appartient aux autres. Ce sont les autres qui doivent être purifiés et bénis. De toute fête chrétienne il tombe une lumière aussi bien sur le ciel que sur l’enfer; partout sont créés des passages entre le pécheur et Dieu (2 février 1946).

 

81. Le jugement

 

Le jugement, dit Adrienne, consiste en ce que je suis forcé de dire oui à ce à quoi jusqu’à présent je disais non. Et ceci, sans la possibilité de distinguer mon propre cas du cas des autres. Je suis maintenant une multitude. La multitude de ceux qui ont passé leur vie à lutter contre la vie éternelle. Ils s’appliquaient à faire de l’ici-bas quelque chose de si beau et de si parfait qu’ils ne voulaient plus être prêts pour une autre vie. Mais maintenant leur volonté est terrassée par la volonté de la vie éternelle, et ce n’est pas avec gratitude. Leur première réaction est purement négative, je dois accepter tout d’un coup tout le contraire exactement de ce que j’ai défendu toute ma vie durant. Je me trouve tout d’abord devant une pure négation de moi-même, et c’est ce qui est absolument insupportable. Ma vie m’apparaissait merveilleuse, une plénitude close sur elle-même, en face de laquelle toute votre plénitude divine dont vous parlez n’est rien. Je me suis comblé moi-même. Avec ce que j’avais, j’ai fait le mieux possible. Le négatif également, j’ai su l’intégrer parfaitement. Et maintenant je dois comprendre l’absurdité de tout ce que j’ai fait. Maintenant, je ne peux plus nier la vie éternelle. Mais elle me paraît pour le moment comme la continuation éternelle de mon actuelle humiliation. Je suppose que Dieu m’imposera avec l’éternité de ma vie la négation éternelle de ma vie passée (26 mai 1946).

 

82. Jean et Paul

 

Le contraste entre Jean et Paul lui est de nouveau placé sous les yeux. Elle voit chez Paul un danger beaucoup plus grand de se perdre dans ce qui lui est personnel. Car Paul s’entraîne en quelque sorte au travail de la perfection. Il est comme un alpiniste qui, même si le sommet est dans la brume, emporte avec lui la satisfaction de son excursion : je l’ai vaincu. Et puis il y a un certain sentiment d’enchantement de la hauteur qu’on n’a pas en bas. Une vitalité particulière. Dans la vie spirituelle, il est facile de donner à ce sentiment le nom de grâce et de ressentir dans le fait d’être en haut le mérite de la montée. - Chez Jean, le mérite joue un rôle beaucoup moindre. Chez lui, ce qui est méritoire s’épuise peut-être dans la réponse qu’il donne. Mais celle-ci aussi est vécue totalement comme grâce. Paul, par contre, s’exerce moins à dire oui qu’à collaborer. - Les deux ont leur orientation, leur point de vue. Les deux sont saints et ont le droit d’être comme ils sont. Mais il serait peut-être bon de ne commencer une vie paulinienne qu’après avoir mené une vie johannique. Le cadre, c’est Jean qui devrait le donner, et l’aspect paulinien pourrait ensuite le remplir sans danger. Adrienne voit des hommes, des religieux, des prêtres, qui sont passés trop vite : comme si Paul était une recette en raison de laquelle on possède déjà tout. Par une étude exclusive de Paul, il est facile de se donner de l’importance et de s’éloigner de Dieu, de se construire un Dieu qui nous justifie nous-mêmes. La faute n’en revient pas à Paul mais à ceux qui l’isolent du contexte (Dans l'octave de l'Ascension 1946).

 

83. Des différentes sortes d’anges

 

Une nuit, Adrienne voit les anges au ciel qui se montraient comme divisés en groupes. Au début, on les voyait isolés et fourmillant en désordre; puis il y eut clairement quelque chose comme une classification sans contrainte, comme s’ils avaient des résidences déterminées, qui semblaient séparées comme par des voiles. Les petits “anges lutins” étaient réunis, et les anges gardiens aussi, et les anges chargés de mission. Et les anges du Fils devenu homme. Et les anges du Père, qui sont auprès de lui depuis les temps les plus reculés. Les anges du Fils sont comme ses anges conseillers: en quelque sorte les premiers qui reçoivent connaissance des décisions de la rédemption et vont ensuite aux groupes des anges de mission et des anges gardiens. Les anges gardiens ont une connaissance précise de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas : ils conseillent en quelque sorte sur la manière dont une mission peut être accomplie. Ils ont aussi des circonstances atténuantes expliquant pourquoi cela ne va pas maintenant ou bien ils suggèrent certaines concessions afin qu’une mission soit quand même réalisable. Ils sont par là comme des mères qui discutent avec les maîtres. Les petits “anges lutins” se trouvent tout en bas. Adrienne ne sait pas s’ils ont accès à la connaissance des choses plus sérieuses. Les anges conseillers par contre sont aussi au courant des desseins profonds de Dieu. Chez les anges gardiens, on voit avant tout en eux la connaissance qu’ils ont de la personne qui leur est confiée; ils reçoivent des anges conseillers ou des anges de mission ce qui leur est destiné à eux-mêmes ou à ceux qui leur sont confiés. Les anges de mission sont aussi ceux qui transmettent et distribuent l’Esprit. L’archange qui apparut à Marie était sans doute un ange de mission. Les anges du Fils, qui accompagnent sa mission sur terre, sont ses anges gardiens particuliers; ils reçoivent aussi des instructions de sa part (Dans l'octave de l'Ascension 1946).

 

84. La mort

 

Saint Ignace parle avec Adrienne du jour des trépassés et de la mort. Il voudrait qu’on meure sans crainte. Mourir en claquant des dents est une forme de repli sur soi, donc quelque chose qui n’est pas chrétien. Le christianisme est espérance. L’angoisse de ce qui peut nous arriver après la mort est indigne d’un chrétien. Celui qui meurt dans l’espérance est beaucoup plus sûr d’être bien reçu par Dieu. Car alors Dieu reconnaît au moins l’espérance dans le pécheur, même si à part cela il n’y avait pas en lui beaucoup de bien. Saint Ignace a tout à fait en horreur cette manière de se préparer à mourir qui considère la peur comme un moyen de purification et l’utilise comme telle. On doit laisser à Dieu les moyens de purification. Humilité et espérance sont très proches l’une de l’autre. Ce n’est pas une forme d’humilité si, au dernier moment, je ramasse à la hâte et empile toutes mes fautes et tout ce que je n’ai pas achevé. On ressemble alors à quelqu’un qui, avant de recevoir une visite, veut encore nettoyer rapidement toute sa chambre et déplace pour ce faire tous ses meubles sans être sûr que la visite ne se présentera pas justement sur ces entrefaites. On devrait au contraire ne montrer au Seigneur que la joie de l’attente, et l’attente c’est l’espérance. - Saint Ignace poursuit : il n’est pas juste non plus que les assistants abandonnent simplement le mourant, se préparent déjà pour ainsi dire au deuil à venir avant même qu’il soit mort. Cela peut provoquer chez le mourant, qui se trouve ainsi “condamné au ciel” sans encore le connaître, un sentiment de désarroi et de désespoir. Ce qui est juste, c’est d’accompagner le mourant et de le remettre à Dieu à la porte. Et cela non seulement par l’administration des derniers sacrements. Cela vaut surtout pour le conjoint; le sacrement de mariage est abrogé à la mort de l’un des conjoints, pas cinq minutes avant. C’est justement à la mort que le oui donné, la fidélité conjugale doivent se montrer. Et on doit toujours tenir compte qu’un mourant est subjectivement très sensible à un manque d’accompagnement, qui est un manque d’amour, sa foi peut être menacée, car mourir peut être pour le croyant quelque chose de très accablant (2 novembre 1946).

 

85. Sur le purgatoire

 

Adrienne a vu d’abord des flammes, une grande quantité de petites flammes dont on ne sait pas si elles auront la force de se maintenir ou si elles s’éteindront. Car ce sont de petites flammes qui devraient devenir grandes. Aussi longtemps qu’elles voulaient faire une autre volonté que celle de Dieu, elles n’avaient pas la force qu’il fallait pour brûler. Elles ressemblaient à la flamme d’une bougie dans le vent. On craignait sans cesse qu’elles s‘éteignent. Et cependant il y avait là quelque chose du Seigneur, sinon elles n’auraient pas pu brûler du tout. Puis il devint clair que la visibilité d’une âme dépend de la foi : ce n’est que pour un croyant que l’âme d’autrui peut être visible. Et là où flambe en elle un peu de foi, elle semble comme illuminée, on peut la voir. Dans l’âme non croyante - à part quelques qualités extérieures -, on voit surtout ce qui manque. A l’instant où l’âme franchit le seuil de l’éternité, la flamme se transforme. Elle a besoin à l’avenir d’autres conditions de vie. Jusqu’alors la flamme pensait que cela avait été un combat entre être et non-être, mais toujours est-il qu’elle n’était pas éteinte. Maintenant l’âme sait qu’une mesure de ce genre ne suffit aucunement et alors le désir d’être purifiée la saisit. Elle ne réfléchit plus à ce qu’elle supporte volontiers ou non, cela lui est égal du moment qu’elle est purifiée. Son désir est si fort que cela lui enlève l’angoisse devant l’opération, elle dit oui à l’opération et c’est pris au sérieux. Et c’est comme si sa liberté s’était épuisée dans le oui; ce qui suit est subi passivement. A l’instant de son oui, l’âme se sépare volontiers de son impureté. Mais à l’instant suivant, tout devient si dur qu’il est bon qu’elle ne doive plus prendre la décision. L’instant de la décision est si clair qu’il suffit pour tout ce qui suit. L’âme est comme Pierre : “Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête!” Elle passe le seuil, elle comprend ce que veut dire être auprès de Dieu, puis elle retourne pour ainsi dire une fois encore à sa pauvre petite flamme et elle voit que tout doit changer! Elle donne son accord comme un patient avant une grave opération. Ensuite la machine de l’hôpital marche d’elle-même et plus personne ne tient compte de sa résistance. Il crie, mais le médecin continue à couper. Chaque péché est saisi là où il prend naissance : au stade de son commencement, au moment où l’on se détourne. Ce n’est qu’au cours de la purification, quand les liens qui lient l’âme à son péché sont déjà défaits dans une large mesure, que lui vient le désir de se séparer de lui totalement; ce désir grandit jusqu’à devenir une flamme parfaite. Sur terre, il y a du mérite là où est vaincue la tentation séduisante du péché. Dans le purgatoire, le mérite est supprimé parce que le péché est arraché de l’homme, il est extrait de lui par une opération. Sur terre, on peut se réjouir et ressentir une satisfaction quand on a repoussé une tentation. Au purgatoire, cela n’est pas possible; on est spirituellement lié comme il est nécessaire justement pour une opération. Il y a en cela beaucoup d’humiliation, car on doit arriver à un total dégoût de soi. Le masque tombe, l’homme doit se voir tel qu’il est, et davantage encore dans son attitude d’ensemble que dans le détail de ses péchés. Le tout se déroule sous le regard de Dieu., non devant les autres âmes du purgatoire, car chacun a suffisamment à faire avec soi-même. Tout accès à autrui est coupé. Ce n’est pas un spectacle public, ni une exécution publique. Mais la honte n’en est pas moins grande pour autant. Tout sentiment du temps est perdu. Cela peut durer longtemps ou peu de temps, on ne le sait pas (2 novembre 1946).

 

86. Sur les visions et la mystique en général

 

Les visions peuvent commencer inopinément. Ainsi de cette vision de la Mère de Dieu quand Adrienne était jeune fille : elle fut là tout d’un coup; après cela, il n’y eut plus rien. Saint Ignace dit : avant, la prière quand même était là et, après, une ouverture de l’âme. Adrienne : peut-être quelque chose de blessé, parce que cela ne pouvait être un accomplissement total. Saint Ignace : on aurait pu percevoir qu’après cette vision la conversion était absolument indispensable. Dans un tel cas, il n’est pas prévu que la personne meure prématurément et que ce qui a été commencé par Dieu ne soit pas réalisé. La plaie qui resta là depuis lors fut pour Adrienne, bien que d’une manière encore totalement inconsciente, le signe d’un nouveau désir et d’une promesse. Bernadette, après la vision de la Mère, était totalement remplie de ce qu’elle avait vu; de s’en souvenir la rendait parfaitement heureuse. Mais de voir la Mère quand on n’est pas encore catholique fait mal parce qu’on n’a pas le droit encore de participer totalement. - Le catholique reçoit les visions comme un cadeau; il n’a pas besoin d’aspirer à en avoir, de se donner de la peine pour en avoir. En dehors de l’Eglise, il n’y a pas de vraie mystique, sauf exception comme voie directe vers l’Eglise comme ce fut le cas pour Adrienne. Mais c’est très rare. Ce fut comme des fiançailles préparant le futur mariage. Du chemin d’Adrienne on ne peut pas déduire une loi générale. - L’image de la Mère fut là tout soudainement. Lui, Ignace, se trouva de même soudainement là en chair et en os devant la petite Adrienne. Elle savait que si elle avait touché l’image avec les mains, elle n’aurait rien senti. Mais lui, Ignace, on aurait très bien pu le toucher. Bien que les deux soient apparus d’une manière abrupte et soient disparus à nouveau. Le caractère d’image de la vision de Marie était une ouverture et une petite introduction à son apparition de 1940 avec son corps. Adrienne devait perdre son angoisse, prendre confiance, et il devait s’ensuivre aussi la première connexion des deux missions qui seraient unies plus tard. - La vision de la Mère eut comme résultat pour Adrienne la connaissance que le monde divin se montre. Depuis lors elle sut aussi toujours plus clairement que Dieu est autrement. Et pénible aussi était alors, dans les nombreux cours de religion où il était question de Dieu, d’entendre toujours parler une langue qui n’était pas la langue de Dieu.

 

“Aujourd’hui, dit Adrienne, les visions commencent de manières très différentes. On peut tomber en plein milieu d’une vision; on peut entrer dans une chapelle sans penser à rien et il y a là toute une assemblée céleste. Mais les êtres célestes peuvent aussi entrer tout d’un coup dans une pièce où je suis seule. Ce n’est que rarement que je me trouve dans une assemblée céleste dont j’ai manqué le commencement. Sur terre, il peut se faire qu’on arrive dans une assemblée comme une bombe; la conversation en cours cesse un instant. Dans la vision, il n’y a jamais cet instant gênant; ou bien en arrivant on est introduit aussitôt dans la conversation, ou bien c’est une conversation qui ne nous concerne pas; mais on comprend que c’est justement maintenant plein de sens et qu’on doit écouter. Parfois une vision commence d’une manière totalement abrupte, peut-être avec une exigence qui m’est adressée immédiatement. Je suis justement occupée à écrire une lettre et, au beau milieu, apparaît saint Ignace et il veut quelque chose. Quand le matin on se réveille, la première chose à faire quand même, c’est de prier. La plupart du temps la prière est donnée de telle sorte qu’on se réveille déjà au milieu de la prière, par exemple dans un Notre Père, ou bien aussi dans une prière sans paroles dont on ne peut pas retrouver le commencement. Et tandis qu’on se réveille à une phrase ou à une pensée précise de cette prière, les saints du jour et d’autres saints sont peut-être aussi déjà là. Quand, durant la journée, Adrienne dit une prière, à genoux peut-être, il en sort souvent une sorte de contemplation, et en même temps Dieu lui montre ce qu’il veut avec cette prière. Alors tout s’ouvre, on se trouve au milieu d’une “contemplation visible”. Souvent, au commencement de la prière, c’est comme si on se séparait très rapidement : une conclusion; puis on se tourne vers la prière et le rideau se lève. En s’agenouillant, on sent souvent comme un léger mouvement : beaucoup d’autres s’agenouillent avec moi, la prière est accompagnée. - Le matin, quand Adrienne se réveille, elle trouve souvent des fleurs sur son lit, qui disparaissent ensuite; très souvent la couronne d’épines, qui plus tard s’épanouit en fleurs; les fleurs sont souvent une introduction à l’apparition de la Mère.

 

Souvent on se réveille avec le sentiment qu’on vient de devoir se séparer du monde céleste, et il y en a encore des restes - par exemple ces fleurs - et on ressent la séparation comme pénible. Puis on voit tout d’un coup comme des anges pour lesquels c’est pénible aussi, puis des anges réels pour lesquels c’est difficile, et puis peut-être la Mère qui vient d’être abandonnée par son Fils qui s’en va et pour qui il est pénible d’être seule. - Parfois on reçoit un morceau de vision qui n’a pour but que de vous montrer ce qu’on doit prier, ce qui est attendu juste maintenant. Le terrestre vous est montré d’une manière supra-terrestre : la résistance de l’Eglise au Seigneur, ou la résistance de quelqu’un au confessionnal. Ce dernier cas se produit souvent; au début on ne remarque pas qu’il s’agit d’un confessionnal, on sent le tout transposé dans quelque chose de personnel : comme si un péché quelconque ne voulait pas se découvrir à vous. Arrive une inquiétude et puis le péché devient tout à fait visible et je vois mille raisons de ne pas le dire. Finalement je dois en finir avec une âme qui n’est pas la mienne, et mon âme habituelle, qui m’aiderait, n’est pas à ma disposition. C’est dans l’étrangère que je dois vouloir et mettre l’ordre que l’Eglise désire. Quand on a réussi, on est de nouveau soi-même un instant, on s’offre pour l’expiation tout naturellement et on est rechargé aussitôt. Et on doit à nouveau venir à bout de toutes les résistances d’un non total pour arriver à un oui authentique. Et de nouveau on doit tout expérimenter personnellement comme sa propre résistance. On a pris totalement l’autre en soi, on est l’autre. On ne le voit absolument pas comme étant en face de soi. Cela commence peut-être en portant des habits étrangers et finalement ces habits deviennent une âme étrangère. Mais jamais ne manque le caractère pénible quand je dois saisir la pensée de cacher quelque chose à vous-même ou à Dieu. Et on sent un dégoût tout particulier quand on commence à minimiser le péché commis, à sentir une certaine joie à ce péché, à vivre par l’intérieur les préparations du pécheur au péché. "Qu’est-ce que c’est que ce petit péché! Je n’ai pas besoin de le confesser! Je suppose que les autres ont de plus grands péchés. Et finalement je ne veux certes pas être infidèle, des saints aussi sont tombés, et celui qui n’est pas tombé au moins une fois n’a pas d'expérience humaine". Et ainsi de suite à l’infini. C’est ce qui est le plus effrayant : devoir s’habituer à cette atmosphère du pécheur. - Vous voyez : quand on voit des choses, il y a une sorte de vision qui correspond exactement à ce qui est pensé. Mais souvent il vous est montré plus et autre chose que ce qu’on devait comprendre. Ceux qui sont là-haut ne tiennent peut-être pas toujours compte des voyants. Souvent ils montrent tout. Ils montrent leur vérité de l’au-delà et, dans cette vérité, toutes sortes de choses sont contenues : certaines pour maintenant, d’autres pour plus tard, d’autres pour l’éternité. Et on doit apprendre à regarder correctement. Et le confesseur peut nous y éduquer. Dans la vision, il doit y avoir une discrétion absolue. Si deux amis doivent dormir dans la même chambre, à certains moments ils détournent simplement les yeux. Entre amis, on ne va pas prendre non plus des mesures de précaution compliquées pour que l’autre ne voie rien. On lui laissera la liberté d’être honnête en toute liberté... Ainsi, dans une vision, il vous est souvent montré plus que n’en requiert la mission pour vous laisser la liberté de la discrétion. Quand saint Louis de Gonzague, au noviciat, donnait son linge, on voyait qu’il était taché de sang. Il s’était flagellé trop fort et la chose fut ébruitée. Mais finalement la seule chose importante est qu’il se soit flagellé (peut-être trop), et non que sa chemise fût tachée de sang. D’ordinaire il faut justement faire semblant de ne pas voir les choses auxquelles beaucoup s’attachent le plus (20 novembre 1946).

 

87. Les saints

 

Ignace : On s’est habitué à juger les saints avec des mesures si étroites qu’on nie pratiquement qu’ils aient été capables de quelque faute. Mais des mystiques aussi peuvent se tromper (20 décembre 1946).

 

88. Servir le Seigneur

 

D’une certaine manière, il est beaucoup plus facile qu’on ne le croit de servir le Seigneur et l’Église. C’est une chose qui va de soi qu’on soit embauché. Il n’y a pas de distance entre le ciel et la terre. Cela commence chaque fois là où je suis et où se trouvent la Mère et l’enfant (27 décembre 1946).

 

89. Sur l’inspiration

 

L’inspiré est comme une coupe qui reçoit quelque chose et qui éclaire de ses propres reflets ce qui est reçu. Le contenu du récipient peut avoir son caractère particulier, mais le récipient garde sa propre forme. De même que dans l’acte sexuel la semence de l’homme est transformée par la femme selon sa nature. Le fruit définitif correspond aux deux. Il y a une priorité de l’homme qui choisit la femme; de même aussi Dieu choisit la personne qu’il va inspirer. Sinon auraient raison ceux qui soutiennent que l’homme pourrait atteindre l’inspiration en s’y entraînant personnellement, qu’il pourrait harceler Dieu comme la femme un homme, jusqu’à ce qu’il cède. Quand la femme a reçu la semence, elle doit alors “accuser réception”, non seulement de la semence (elle n’a pas le droit de vivre exclusivement pour le fruit), mais aussi de l’homme qui la lui a donnée. Même durant la grossesse elle n’a pas le droit d’oublier le donateur. Elle n’a pas le droit de se replier sur elle-même avec son enfant. De même l’inspiré n’a pas le droit de vivre de son inspiration et d’oublier Dieu qui l’inspire comme beaucoup l’ont fait. Il est naturel que la femme soit changée par la grossesse et l’enfant, et l’inspiré par l’inspiration. Mais les deux n’ont pas le droit de se faire le centre. Ce qui est intéressant, ce n’est pas qu’ils aient conçu, et ce n’est pas la manière dont se développe en eux ce qu’ils ont conçu qui est l’objet de la contemplation. La femme doit porter son enfant jusqu’à son terme pour l’homme, et l’inspiré son inspiration pour Dieu et pour ses besoins dans le monde. - L’inspiré porte en lui l’exigence de persévérer dans l’inspiration. Non simplement de s’y trouver mais de cheminer en elle. Il est modelé. L’inspiration n’apparaît pas ici comme quelque chose d’isolé mais comme un élément de la mission : comme certitude de devoir faire quelque chose sur ordre de Dieu, une inspiration, une conception. Ceci donne à l’inspiré le droit, et lui impose aussi parfois le devoir, de faire usage dans l’inspiration d’aujourd’hui d’une formulation légèrement différente d’une inspiration précédente, même si fondamentalement la même chose doit être exprimée. Le cheminement dans l’inspiration rend l’inspiré capable de réagir différemment à ce qui lui est suggéré, à l’écouter en quelque sorte autrement. - Rarement l’inspiration a lieu de telle sorte que l’expression est en même temps donnée toute prête. Pour Bernadette, c’est presque le cas : ce qu’elle a à dire lui est inspiré presque mot à mot. Mais on ne peut pas dire que c’est une marque de sainteté. Il peut aussi se faire qu’un saint doive prendre une part très active pour transmettre et formuler le message (31 décembre 1946).

 

90. La force créatrice de Dieu

 

Quand Dieu créa le monde, il était d’humeur créatrice. Il fit quelque chose qui correspondait à sa force. Il se donna à lui-même pour la première fois la preuve de ce qu’il pouvait faire. Puis vint le péché et son œuvre fut pervertie par l’homme. Mais la force créatrice originelle de Dieu ne faiblit pas : il créa les sacrements d’où cette force continue à se répandre, et chaque sacrement recrée le pécheur en Dieu (15 janvier 1947).

 

91. Les apparitions de Marie

 

Fête de Notre-Dame de Lourdes. Depuis le moment du réveil, elle voit une foule d’apparitions de Marie. Lourdes fut l’apparition principale, mais celle-ci fut insérée dans une série d’autres apparitions. Et à chaque apparition, Marie se montra comme cela correspondait à la personne qui la voyait. La “très belle dame” correspondait exactement à quelque chose en Bernadette. Elle avait été d’une certaine manière impressionnée auparavant par de belles dames. Marie se rattache à quelque chose de présent et le dépasse. Elle est beaucoup plus belle que tout ce que Bernadette a vu jusqu’à présent. Pour elle aussi sont visibles une foule de détails tandis qu’Ignace, par exemple, a vu la Mère sans aucun détail, au fond uniquement comme un “quelque chose d’ovale”. Marie peut très bien s’adapter au monde. A la manière dont chacun croit et prie. Quelqu’un arrive à la prière avec un fardeau et il expérimente que son fardeau lui est enlevé; Marie peut s’adapter à cette expérience, peut-être seulement comme une lumière ou avec des détails qui deviennent visibles. - Marie n’est pas seulement féconde quand elle porte son Fils mais également quand elle donne à son Fils ce dont il a besoin pour son existence humaine. Et Marie est vierge en communion avec tous ceux qui sont vierges : ceux-ci lui offrent quelque chose dont elle a besoin pour le donner au Fils et ils le reçoivent en retour d’elle et du Fils comme cadeau de fécondité. Marie, en tant que vierge et mère virginale, est comme un centre de rassemblement : elle recueille ce que Dieu lui donne, ce qu’elle-même apporte pour partager, mais également ce que les chrétiens lui donnent à partager sur mission de Dieu et dans les sentiments du Fils. Quand cela passe par elle, il se produit une manière plus pure de se donner soi-même : aussi bien pour les vierges qui suivent le conseil du Christ que pour ceux qui sont mariés. Les vierges savent qu’ils ne sont pas seuls avec leur renoncement, que la Mère rassemble en elle leurs dons et les leur offre en retour. Et peu importe finalement s’ils ressentent plus ou moins durement leur renoncement (et ici ce sont surtout les hommes qui sont visés), s’ils sont prêts à éprouver un peu plus quelque chose de leur puissance physique - ce qui leur donne le sentiment d’un authentique renoncement - ou s’ils sont prêts à moins la ressentir - ce qui peut-être leur donne le sentiment d’une plus grande puissance spirituelle -, l’essentiel est que toute virginité débouche sur celle de Marie et que de cette manière rien ne se perde. - Adrienne voit aussi l’apparition de La Salette et d’autres apparitions de divers saints, des visions aussi qui n’ont pas été reconnues du tout comme telles. Quelqu’un par exemple est en danger de renier la foi ou de faire quelque autre chose insensée, à vrai dire sans mauvaise volonté : il rencontre alors une femme avisée qui le fait changer d’avis; en elle, il ne reconnaît pas Marie. Ou bien elle donne à quelqu’un une inspiration qui est très proche d’une vision. Ou bien elle lui suggère quelque chose dans un rêve et, le lendemain matin, tout a changé. Pour certains, la vision doit avoir une réalité corporelle pour qu’ils l’acceptent et ne se creusent pas la tête à son sujet; alors la Mère y consent. La Salette en est proche, Lourdes également. Les deux sont si physiques qu’il est difficile de dire jusqu’où va la vision et jusqu’où la “réalité”. Et entre les deux il y a encore beaucoup de nuances. Il y a des visions qui ont quelque chose de corporel mais avec des signes qu’elles proviennent d’un autre monde, par exemple une auréole. Ou bien une grande abondance de lumière sur le tout qui signale aussitôt le caractère surnaturel. Il arrive aussi qu’on entend seulement une voix et, bien qu’on n’ait encore jamais entendu la voix de Marie, on sait aussitôt que c’est sa voix. Quelque chose de semblable vaut pour une apparition visible : on reconnaît Marie au premier regard. La certitude est donnée en même temps que la vision. Une partie de la vision se trouve en dehors de celui qui voit, et une partie en lui. Il n’est pas nécessaire que, dès le premier instant, on soit saisi par un sentiment religieux. Ainsi Bernadette est-elle d’abord bouleversée, étonnée (11 février 1947).

 

92. Communions

 

Adrienne est dans le "trou". Elle voit une quantité d’hosties qui étaient consacrées et que personne ne voulait recevoir, et c’était peut-être les moins tristes. Mais il y eut ensuite toutes celles qu’on ne voulait pas consacrer : ceux qui devraient le faire ne voulaient pas devenir prêtres. Les missions non remplies correspondent dans l’Eglise et dans le monde à des tâches en souffrance. Ce n’est pas vrai que si je ne n’y vais pas un autre ira à ma place. Ceci n’est juste ni au point de vue personnel ni au point de vue ecclésial. Finalement il y eut les hosties consacrées qui furent reçues pour montrer quelque chose de faux, les nombreuses communions tièdes, mauvaises, sans foi. On communie pour s’établir une statistique, pour se tranquilliser soi-même, pour recevoir un soutien déterminé, pour en imposer à certaines personnes, pour ne pas devoir se poser la question : aimes-tu Dieu vraiment? Je l’aime parce que je communie, parce que je fais mon devoir (28 février 1947).

 

93. Incarnation

 

Il fut montré à Adrienne quelque chose de la souffrance du Seigneur, mais sans qu’elle pût la situer. Il s’agissait du déchirement du Seigneur du fait que les hommes ne le voient que comme un homme alors que pourtant il est Dieu. Ils cherchent à le comprendre en l’expliquant humainement : c’est un homme qui proclame l’enseignement du Père, qui fonde une nouvelle alliance, une nouvelle Eglise, qui prêche l’amour, l’amour du Père pour lui, son amour pour le Père et pour le prochain. Ils entendent tout cela sans réaliser qu’il est Dieu. Et bien qu’ils ne veulent pas nier qu’il est Fils de Dieu, bien que finalement ils admettront aussi qu’il meurt pour eux sur la croix, sa force de pénétration est partout bloquée. Il ne peut communiquer que très peu de choses de sa divinité, dans le sens d’une révélation qui serait pour eux simplement évidente. La plupart du temps, il doit se cacher derrière les mots pour révéler sa vérité. Il doit justement surtout se servir de moyens humains, ceux aussi qu’il donnera aux siens : les saints aussi feront des miracles. Au fond il réalise durant ses trois années actives ce pour quoi il peut aussi appeler des hommes. Les hommes feront des choses semblables avec son aide. Mais il y a une souffrance divine qui se fait jour du fait qu’il ne peut pas sortir de sa peau d’homme pour montrer la pure divinité. Il reste lié aux hommes dont il veut faire des chrétiens et des disciples. Et il sait de plus que cet homme chrétien qu’il voudrait laisser après lui sera de plus gêné par le péché. - Ainsi, parmi les hommes, il ne peut être ce qu’il est : Dieu. Et son prochain ne peut pas devenir ce qu’il devrait être : le chrétien sans péché, un homme qui vit totalement de la grâce de Dieu, un envoyé du Fils. Mais, en raison du péché des autres, le Fils devient homme et cela veut dire comme ultime conséquence : un homme impuissant, l’un parmi beaucoup d’autres, qui ne peut pas se présenter lui-même. Il ne peut pas faire comprendre parfaitement sa propre transcendance parce que le plan de son prochain est le plan du péché (7 mars 1947).

 

94. Le purgatoire

 

Adrienne a une vision : une série de femmes voilées. Elles étaient décentes, avaient de la tenue. Elles avaient l’air de jeunes filles, saintes partiellement. On ne voyait que les visages, avec les yeux baissés, les corps disparaissaient sous les voiles. On se demandait sans cesse : "Qu’est-ce que c’est? Que veulent-elles?" Soudain ce furent de simples femmes qui avaient péché charnellement mais qui voulaient donner au monde l’apparence qu’elles étaient vierges. Elles étaient enveloppées dans leur “apparence” pour commencer ainsi leur purgatoire et ici elles devaient passer de leur attitude hypocrite à une attitude authentique. Elles sont dévoilées, elles doivent être nues; leur péché se fait présent, sans plaisir, sans consentement dans leur esprit qui doit réaliser leur nudité. La malice du péché doit être perçue à fond, non plus avec la vague conscience de la faute comme autrefois, mais nettement et clairement, en présence du caractère insupportable du péché (30 mars 1947).

 

95. Nazareth

 

Marie a fait la cuisine, le Fils a raboté; les deux n’en furent pas gênés pour être auprès du Père avec leurs pensées et pour former ensemble l’Eglise. Tout le quotidien était fait et également exprimé, et tout pourtant avait tout de suite sa relation à Dieu. On pourrait imiter cela : rapprocher monde et Église (Fin avril 1947).

 

96. Pentecôte

 

Adrienne fait l’expérience de la descente de l’Esprit sur les apôtres. Ils n’étaient certainement pas sans défauts, mais la fidélité qu’ils gardaient malgré tout au Seigneur les rend capables de recevoir l’Esprit à la Pentecôte. Leur carrière jusque là était d’une certaine manière un mérite - fondé sur la grâce de l’appel - et maintenant la grâce de l’Esprit Saint entre en eux et en fait des saints. Adrienne voit exactement comment tout d’un coup la langue de feu descend sur eux et prend possession d’eux, trouve là à son arrivée, pour tout transformer, comme un sol préparé. Tous reçoivent une sorte de connaissance qui ne peut pas être réalisée maintenant mais qui demeure comme une disposition. Ils ont cette connaissance en tant qu’Église du Seigneur. Leur connaissance potentielle s’actualise chaque fois que la question se pose. Ils forment désormais une unité dans l’Esprit; de même qu’ils furent réunis, ils gardent l’Esprit ensemble et dans une certaine infaillibilité. En tant qu’isolés, il y a beaucoup de choses qu’ils peuvent ne pas savoir mais, en tant qu’organisme, ils ont la connaissance nécessaire pour résoudre les questions ecclésiales. Des questions peuvent être soulevées par certains, mais l’ensemble les examine et les résout, y compris par celui qui les a soulevées. Pierre a une position particulière qui ne lui est donnée cependant que dans le cadre du collège des apôtres. Ce n’est qu’à l’intérieur de l’Eglise qu’il a la possibilité d’être infaillible, par une fonction dans la communion des saints. Adrienne vit cela vers trois heures du matin (Pentecôte 1947).

 

97. Sur la confession

 

Il arrive souvent que pour un petit péché confessé on reçoit infiniment de grâce; on y fait peu attention, mais au moment où il est enlevé on voit combien grande était la place qu’il occupait. - La confession des enfants. L’enfant doit d’abord se confesser à sa mère. Etre enseigné par elle de telle sorte que, tant qu’il est trop petit pour s’adresser à un prêtre, il comprenne que sa mère et le Bon Dieu vont ensemble. Il doit s’habituer non seulement à être surpris et grondé. On doit accorder beaucoup de prix au fait qu’il avoue même quand on le surprend. Qu’on ne le punisse pas pour un mensonge avant qu’il l’ait avoué. Qu’il comprenne, en tant qu’enfant, que le Bon Dieu entend la confession et qu’il pardonne avec sa mère (ou avec son père). Et ensuite l’enfant devrait savoir que plus tard le prêtre reprend le rôle des parents. Que le temps vient où le Bon Dieu dit : “Maintenant tu es assez grand pour le dire au prêtre”. L’enfant sentira alors que le prêtre représente et réalise dans la confession une sorte de communauté : une communauté au-delà de la famille et avec tous les enfants qui se confessent. La pensée de la mort peut jouer là un peu son rôle : les parents ne seront pas toujours là; il est donc bon qu’on le dise à un prêtre parce qu’il y aura toujours un prêtre. Et puis l’enfant n’est pas seulement un pécheur isolé, il est déjà d’une certaine manière un membre conscient de l’Eglise (Début juillet 1947).

 

98. Assomption de Marie

 

La joie au ciel a quelque chose de la démesure de Dieu. Elle n’est pas fermée; dans la plus haute plénitude, il y a toujours un espace ouvert pour l’espérance et l’attente. Ainsi au ciel tous se réjouissent de la venue de la Mère bien qu’elle soit déjà là. Mais en outre quelque chose au ciel correspond aussi à la fête qui revient sur terre chaque année si bien que ceux qui “autrefois” n’étaient pas présents à la fête peuvent y être aujourd’hui. Et cela non pas “comme si”; comme si Marie retournait sur terre pour monter une fois encore au ciel. Cela se passe au contraire comme ceci : elle est montée au ciel avec tous les désirs de la terre et aujourd’hui, par une grâce particulière de Dieu, elle emporte à nouveau ces désirs. Adrienne voit cela, puis cela s’arrête, et elle est auprès de Marie et elle partage son attente du ciel. C’est ainsi pour la première fois; et l’attente de Marie est aussi intense que son attente de l’Avent. Autrefois elle attendait son Fils qui est en même temps Dieu; maintenant elle attend Dieu qui est en même temps son Fils(15 août 1947).

 

99. L'amour de Dieu

 

Par la maladie et le manque de possibilité d’expression, j’ai encore compris quelque chose. Supposons que Dieu le Père veuille me montrer quelque chose de son amour pour le Fils et qu’il me travaille de telle sorte que je sois capable de saisir ce qu’il veut me montrer et j’en comprends quelque chose. Mais je suis trop malade pour l’exprimer correctement; je me sens alors proche de ces prêtres et de ces religieux qui une fois ou l’autre ont été touchés au plus intime d’eux-mêmes par l’amour de Dieu : ils sont entrés, ils ont été consacrés, mais plus tard ils n’ont plus l’expérience, par leur faute ou non. Comme pour le curé d’Ars : durant ses nuits, tout disparaissait. Et il peut se faire que, toute leur vie durant, ils doivent vivre de cette expérience d’autrefois qui leur est devenue maintenant si étrangère (15 août 1947).

 

100. Les saints

 

L’engagement des saints du ciel correspond tout à fait à une véritable action; à un effort, pour parler selon ce monde. Seulement on ne peut pas savoir où ils travaillent. Il y a des saints qui, comme les fondateurs d’Ordre, ont un plan et ils cherchent à le réaliser, même contre la volonté de ceux qui leur sont confiés. Ce plan est une partie du plan du Seigneur qui, lui-même, continue à travailler à sa rédemption. D’autres saints aident ici et là, là où justement on les appelle, comme le pauvre Antoine dont on fait un mauvais usage. On peut pour ainsi dire les avoir isolément. Ignace par contre se trouve à l’intérieur de son grand plan. Louis de Gonzague est en quelque sorte partagé en deux : d’un côté intégré dans les plans de saint Ignace, d’un autre côté en général l’ami des jeunes gens, des jeunes filles, des enfants, etc.

 

Nous ne devrions invoquer un saint que d’une manière “désintéressée”, non pour imposer nos propres plans et souhaits. En tout cas, nos propres souhaits doivent être saisis par la volonté de Dieu. Et les saints qui donnent l’apparence de se soucier de l’une ou l’autre petite chose (examens, objets perdus, etc.) sont tenus de faire quelque chose pour rapprocher de Dieu les solliciteurs. Devrait-on “réformer” au ciel les sauveurs? La petite Thérèse qui veut passer son ciel à faire du bien sur la terre, c’est-à-dire du bien dans le sens de l’amour, signifie certainement à ce point de vue le début d’une “réforme”. Naturellement celle-ci doit aussi se faire sur terre : nous devrions apprendre à invoquer les saints correctement (10 septembre 1947).

 

101. Marie et la prière

 

Notre-Dame des Sept-Douleurs. Le soir, Adrienne prie Marie. Elle voit les douleurs de Marie non d’une manière douloureuse, elle en voit uniquement la fécondité. Comme un mari qui n’était pas là lors de l’accouchement de sa femme et qui reçoit maintenant l’enfant dans ses bras. Mais il sait qu’il a coûté des douleurs. Puis elle voit beaucoup de saints; ils vont chercher la pureté auprès de Marie. Par elle-même, leur sainteté ne serait rien si elle n’était nourrie constamment par la sainteté de Dieu qui est transmise par Marie. L’un a des difficultés sexuelles; il prie un saint qu’il vénère particulièrement; celui-ci est comme renvoyé par là à Marie et il cherche là ce qui manque à celui qui prie. Les plaies de la Mère sont intemporelles, elles entrent dans le temps éternel; ainsi on peut aller y chercher de l’aide. Ce sont en particulier les vertus spécifiquement divines et fécondes et pures qui sont transmises par Marie. La prière aussi. Quand nous prions maladroitement, mais qu’intérieurement nous ne nous raidissons pas, notre prière est transformée par elle. Quelqu’un voudrait le bien mais il s’obstine d’une certaine manière dans l’idée que Dieu pense autrement; Marie alors s’offre comme Dieu l’attend et elle donne pour cela à celui qui prie une certaine intelligence. Elle complète sa prière dans le sens de Dieu; elle donne en même temps à celui qui prie une ouverture afin que sa prière à lui ait part aussi à la sienne (15 septembre 1947).

 

102. Le devoir des saints

 

Il y a un devoir des saints vis-à-vis des croyants qui est en quelque sorte proportionnel au devoir des croyants vis-à-vis des non croyants. De même que les chrétiens, vis-à-vis des païens, sont munis du signe particulier des sacrements, de même les saints, vis-à-vis des autres chrétiens, sont marqués par un signe; rarement des signes extérieurs comme les stigmates, mais il y a toujours un signe intérieur. - Le devoir des croyants provient en partie de leur faute et en partie du coeur apostolique de toute foi dans le Seigneur. Il est naturellement plus difficile en tant que croyant de se charger d’une tâche quand on est connu comme pécheur au milieu de non croyants : par exemple comme quelqu’un qui a pris part autrefois aux débauches des païens. Nul n’est prophète en son pays, surtout si le pays connaît encore la vie passée du prophète. Cependant les croyants n’ont pas le droit de se soustraire à leur devoir apostolique.

 

Pour les saints aussi il peut se faire qu’au début ils aient vécu dans une certaine indécision, que les croyants aient découvert en eux des traces de tiédeur et considèrent leurs exigences inexorables au nom du Seigneur comme exagérées et hypocrites. Mais les saints savent maintenant que toute dissimulation devient pour eux un péché car la mesure avec laquelle ils sont mesurés a changé. Ils n’ont ni la possibilité ni le droit de s’éloigner du centre de la croix. Ils peuvent gémir et avoir l’impression qu’on exige trop d’eux, ils ne peuvent pas quitter le lieu où le Seigneur les a placés. Et de ce lieu ils ont une vision presque insupportablement perçante du péché. Également pour le leur : il leur est souvent insupportable d’être tels qu’ils sont. Puis il y a à nouveau des moments où tout ce qui leur est propre est effacé avec leur péché et que le péché des autres leur semble insupportable; mais on n’a pas le droit de laisser au Seigneur la responsabilité de ce péché si on porte avec lui son caractère insupportable. - La vie passée d’un saint, défectueuse et même pécheresse, n'a aucune importance si à sa conversion il se livre vraiment. Du feu du repentir et de celui de la croix, il peut se faire alors un unique feu. Ainsi pour Madeleine. Et même si la conversion s’est faite en plusieurs fois, cela n’a pas d’importance, la totalité est quand même accessible. Ignace a péché, la grâce l’a rattrapé et peu de saints sont devenus aussi entiers que lui. Mais il s’est aussi repenti amèrement. Cependant, que les saints soient marqués ne dépend pas finalement de leur repentir et de leur effort d’autrefois, cela dépend de leur obéissance à l’égard du signe que la grâce a gravé en eux (1er octobre 1947).

 

103. Respecter la mesure des saints

 

C’est comme la semence dans la nature : il y en a une quantité énorme, tout est fécond et pourtant gaspillé; très peu de graines seulement arrivent à se développer. Mais tout ce que les hommes font pour empêcher que la sainteté se prodigue dans le monde, pour rationner la sainteté, est péché. Un saint vit dans un petit village, mais on trouve raisonnable d’en faire un saint national. Il peut alors être très vite une semence morte. Il était pensé pour son cadre réduit, il aurait accompli là ses petits miracles de village et, si les circonstances l’avaient exigé, il aurait rayonné occasionnellement à partir de là. Mais non : on le transplante dans la grande ville. Si tout va bien, il reconstruira là son village, mais cela peut aussi échouer. Je connais des exemples, seulement je ne connais pas les noms. Même pour le curé d’Ars, c’est visible : tant qu’il est dans son village, tout va bien. Quand on le prend dans une grande église pour prêcher, cela fait long feu. Ou bien Mélanie : elle était faite pour l’ombre, on la traîne dans la lumière. Ceux qui sont au ciel aussi peuvent ainsi être maltraités par la terre. Les saints qui ne sont plus appelés n’opèrent plus de miracles, la terre les paralyse (15 octobre 1947).

 

104. On ne peut pas tout faire

 

Toute mission active reste incomplète en tant que telle. Tout ne peut pas être fait. Et la moindre raison n’en est pas qu’elle peut être complétée par la souffrance. Mais la contemplation aussi la complète : le temps qu’on doit nécessairement retirer à l’action. Même pour un curé très occupé, beaucoup de choses qui pourraient être faites ne sont pas faites à cause de la prière (Noël 1947).

 

105. L'humilité de la foi

 

En ce qui concerne le sens de la vie et le sens de Dieu, beaucoup de liberté est laissée pour les comprendre ou non. On peut considérer des événements en dehors de la foi, et alors on ne comprend rien. On veut aussi alors ne pas comprendre. Si par contre quelqu’un veut comprendre dans la foi, Dieu lui révélera au moins quelque chose du sens. L’humilité de la foi procure deux choses : l’assurance de comprendre quelque chose et l’assurance de ne pas tout comprendre (Noël 1947).

 

106. Épiphanie

 

L’Épiphanie du Seigneur ne se laisse pas décrire d’avance. On ne sait pas comment le Seigneur apparaît. Ce matin, j’ai vu les trois rois regardant l’enfant. Ils savaient d’avance : un enfant. Mais l’enfant est tout autre que ce qu’ils imaginaient. Ils sont venus pour adorer. Bien qu’ayant attendu un enfant, ils se représentaient un Dieu, quelque chose de sublime. Et voilà que c’est simplement un petit enfant dans les bras de sa mère. Et ils doivent être pris dans ces apparences pour qu’elles deviennent vraies : dans la foi, ils doivent voir dans l’enfant le Sauveur du monde. Il est exigé d’eux une foi parfaite, car il n’y a pas de relation visible entre ce qu’ils avaient attendu et ce qu’ils trouvent (Épiphanie 1948).

 

107. Apprendre à prier

 

Comment peut-on faire comprendre aux gens qu’ils doivent grandir dans la prière? Marie: C’est comme pour une langue étrangère : on enseigne à l’élève mot après mot la langue de Dieu et des saints. Et tout d’un coup il parle cette langue couramment. Mais ceci n’est possible que si on lui enseigne très clairement les rudiments. Dans une relation de moi à toi. L’élève entend aussi comment le professeur parle la langue avec d’autres, il écoute et il acquiert de l’aisance. Le professeur peut être Dieu lui-même ou la Mère de Dieu ou un prêtre. Ce n’est pas nécessairement une personne humaine. Dieu peut ouvrir le ciel à un enfant (Janvier 1948).

 

108. Les conventions

 

“Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi”: il est extrêmement rare dans l’Eglise que ce soit vécu réellement. Il y a en elle tant de conventions qui masquent le pur esprit de l’évangile. Déjà dans les catéchismes pour enfants tout est condensé en poncifs alors que le Seigneur voudrait quand même habiter dans les âmes tout simplement : la lettre tue l’esprit. Les confessions également sont pleines de conventions qui masquent les choses, et les prédications tout autant. Il y a aussi dans l’Eglise tant de glorifications : de saints ou de groupes ou de mouvements ou d’attitudes modernes, qui presque toujours sont des glorifications de soi-même (8 mars 1948).

 

109. Une image du Seigneur

 

Adrienne raconte : “Mon oncle de la Waldau était toujours celui qui donnait, qui dominait. Il répartissait pour ainsi dire les rôles. Tous pouvaient être ce qu’ils devaient être, mais dans le cadre de sa répartition. Je ne peux pas me rappeler que l’oncle un jour à table avec un hôte - et quelle que fût sa célébrité - ait parlé sans que nous en ayons eu quelque chose. Cela ne veut pas dire qu’à cause de nous il rendait la conversation grossière; mais il trouvait toujours un mot qui nous ouvrait la porte de la conversation. Et quand il présentait l’hôte, il disait rapidement l’un ou l’autre mot qui donnait à l’hôte la possibilité par la suite de parler aussi avec nous. Avec ses patients, c’était la même chose : il donnait quelque chose à chacun d’une manière parfaitement naturelle et comme allant de soi. S’il y avait trois personnes dans une pièce, il était clair que chacune recevrait un mot particulier, mais si possible aussi quelque chose de commun pour les trois. Un jour je me suis demandée : Comment est-il quand il est tout seul? Même sa manière d’être ne faisait qu’un avec ses manières distinguées et amicales.

 

Cela me semble être une image du Seigneur. De la même manière qu’il s’adressait et s’adaptait à ses disciples et aux femmes, il le fait vis-à-vis de nous. Pour l’oncle, il n’était pas plus difficile de s’entretenir avec un patient qu’avec nous, les enfants, et inversement; et on ne remarquait jamais chez lui un effort pédagogique quelconque; quand il parlait avec un fou, il ne le faisait pas avec un schéma abstrait, à cause d’une idée, mais pour aller avec lui un peu plus loin. Il s’intéressait si bien à son monde que le patient sentait qu’il y avait une communion. Il descendait vers le malade sans un soupçon de condescendance. Il le prenait par la main solidement et sûrement. Le Seigneur a le même ensemble d’humilité et de force par exemple quand il invite à le suivre et qu’il donne alors réellement au disciple de faire un bout de chemin avec lui. Et cela ne vaut pas seulement pour ses années terrestres; le Fils nous accompagne constamment par-delà l’histoire. Et peut-être que personne n’en a plus fait l’expérience qu’Ignace. Quand il avait beaucoup de mal avec son latin et qu’il reconnaissait alors que c’était une tentation de prier au lieu d’apprendre, il savait que cela n’allait que dans le Seigneur, que parce que le Seigneur marchait avec lui. Et ce n’était pas son travail qui était dans le Seigneur, c’était le Seigneur qui avait fait avec lui son travail. Ce n’est pas à porter à mon compte, car si j’essaie de faire quelque chose à sa suite, ce n’est que dans la force de son agir; et plus j’agis, plus il y prend sa part. Cette manière du Seigneur d’en faire “d’autant plus” est une sorte de constante. Plus j’en fais, plus il en fait, et plus il devient visible et libre de son “toujours-plus” (Avril 1948).

 

110. La Pentecôte

 

L’instant où les apôtres reçoivent l’Esprit et en sont ivres et parlent de Dieu dans les langues les plus impossibles qui cependant sont comprises. Ils parlent de Dieu sous une forme si fraîche, si naturelle, qu’elle est adaptée à quiconque veut entendre. La profusion des points de départ et des possibilités de Dieu doit être évidente une fois pour toutes. Et chacun peut se sentir interpellé et peut collaborer. Chacun peut correspondre. Quand l’Esprit souffle vraiment, personne ne peut dire : “Moi, il ne m’a pas atteint”, ou : “Je n’ai rien compris, c’était pour moi irréalisable”. Chacun doit comprendre. Il m’a été dit quelque chose vis-à-vis de quoi je pourrai vraiment prendre position, que je pourrai exécuter d’une manière ou d’une autre (Pentecôte 1948).

 

111. La discrétion de Dieu

 

Il aurait suffi à Dieu de faire un léger mouvement, Adam et Eve n’auraient pas mangé la pomme. Mais il y a une discrétion dans la présence de Dieu qui fait partie du réel de la création; correspondant à cela, l’homme ne doit jamais cesser de se contenter de ce qui lui a été attribué pour son intelligence et aussi pour sa foi (20 mai 1948).

 

112. Sur les apparitions de Marie

 

Marie connaît une sorte de paix et de discrétion qu’elle communique quand elle se montre. On ne sait plus en notre temps qu’elle aime se montrer. On s’en fait de fausses idées. Pour elle, se montrer, c’est en vérité comme le contenu de sa prière. Si nous priions vraiment, nous rencontrerions si totalement la Mère dans notre attitude de prière que rien de faux ne pourrait arriver. Nous saurions alors, en tant que voyants, correspondre à son attitude à elle qui apparaît. Nous correspondrions à ce minimum d’exigence qu’elle pose : adopter l’attitude dans laquelle elle se montre. C’est quelque chose de très simple; car elle ne se montre pas pour se montrer. Elle se montre pour transmettre quelque chose. Et la première chose qu’elle communique pénètre toujours en nous pour que ce qu’elle communique puisse arriver au monde qui nous entoure par un sujet transformé. Nous devons nous adapter à elle. Comme quelqu’un avec qui on parle à voix basse en arrive lui aussi à parler à voix basse. C’est au fond l’état de choses qui est normal et va de soi. Et il serait également normal de transmettre de la manière qu’elle nous a été transmise une communication qui a été pensée pour être transmise. Avec le même accent, la même intonation. - Quand la Mère se montre, elle accomplit une mission de Dieu pour nous, qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère. Telle est sa véritable épouse, tels il veut tous nous avoir, nous qui avons le droit d’être l’épouse avec elle. C’est pourquoi il n’y a jamais non plus de prétention - par exemple l’usurpation d’un rôle qui appartient au Fils seul -; c’est le simple accomplissement d’une mission (20 mai 1948).

 

113. Sur l'amour

 

Quand deux êtres s’aiment, celui qui est aimé aime toujours dans l’amour de celui qui aime, il y est caché et entouré de ses soins. Celui qui aime n’analyse pas plus avant son propre amour; mais celui qui est aimé ne cesse de s’étonner de l’amour de celui qui aime: “Qu’est-ce qu’il trouve en moi?” Il constate en lui des fautes qui au fond devraient faire obstacle à l’amour de celui qui aime. Et pourtant il sait qu’il est aimé et que ses fautes éventuelles n’empêchent pas cet amour. Il doit donc accepter que celui qui aime trouve en lui ce qui lui suffit. Que manifestement il est celui qui est désigné pour cet amour. Et ainsi il peut négliger tout ce qui est négatif; quand il se voit aimé de la sorte, il n’a pas besoin de se haïr, ni de se mépriser, ni de se diminuer. L’amour lui garantit que tout est juste pour lui. Il n’a pas besoin d’antithèse à la thèse de celui qui aime, il se prête à se laisser aimer et il s’aime lui-même à l’intérieur de cet amour afin que rien ne s’en perde. En ce sens, l’amour de soi est un service rendu au moi dans le cadre du on. On s’aime en fonction de l’amour réciproque. S’il n’y avait pas d’amour de soi, il y aurait dans l’espace de l’amour un contraste qui le troublerait. Et quand quelqu’un donne tout à Dieu pour répondre à son amour, il y a en lui quelque chose qui est digne d’être aimé, et il ne lui est pas permis de s’opposer simplement en se haïssant, en se méprisant ou en faisant l’indifférent (8 juillet 1948).

 

114. L'Annonciation à Marie

 

Adrienne a vu Marie à l'Annonciation. Mais elle était deux choses en même temps : la jeune fille qui voit un ange pour la première fois et lui donne son oui, et la femme mûre qui continue à vivre son oui. L'inquiétude du premier acquiescement qui se faisait jour malgré toute sa confiance en Dieu et toute sa foi est remplacée ensuite par une fécondité pleine de joie comme si, aujourd'hui, le jour de sa fête, l'attention de Marie devait être attirée sur le fait que son oui dans l'obéissance a certes requis d'elle un sacrifice, mais que sa récompense - elle a pu porter le Fils, l'élever, l'accompagner, elle demeure pour l'éternité sa mère et son épouse - est si immensément grande et réjouissante et féconde que cette inquiétude première a entièrement disparu. Et on voyait encore quelque chose : comment elle est enrichie par sa fécondité; comment, avec son inquiétude du début et sa joie actuelle, elle est en mesure d'aider à porter chaque oui futur donné après elle au Fils de telle sorte qu'une part de l'inquiétude du oui se cache en elle. Son oui suppléait celui de tous, elle sentait par avance l'inquiétude de tout oui à venir et ainsi une part importante de cette inquiétude est déposée en elle. Puis je vis une foule de jeunes filles peu sûres, c'était peut-être de jeunes sœurs, également de jeunes mariées, des écolières, qui allaient chercher en quelque sorte auprès de Marie le courage et la confiance et le oui; beaucoup savaient très bien ce qu'elles faisaient - et elle exprimaient une demande à cette intention, une prière consciente -, d'autres le faisaient avec une naïveté enfantine: on va chercher là où l'on sait qu'il y a quelque chose (25 mars 1949).

 

115. Sur l'Esprit Saint

 

Pendant que je suis en Autriche, Adrienne séjourne à Vitznau. Montrer la disponibilité propre à l'Esprit Saint, y introduire. Comparable au curé d'une ville qui est là et qui est dans l'attente pour le cas où quelqu'un a besoin de lui. Pour chaque croyant, l'Esprit se tient dans une disponibilité de ce genre, prêt à lui donner plus que ce que le croyant tient pour possible. Et à vrai dire toujours plus. Quelqu'un pense : cette ville, je peux bien la visiter tout seul, j'ai un plan. Mais il décide finalement de prendre un guide, et celui-ci lui dit dès le début un tas de choses qu'il n'aurait pas remarquées lui-même. Et par ce qu'il dit, on est encouragé à lui poser davantage de questions; l'un suit toujours l'autre. C'est la caractéristique de l'Esprit de s'engager davantage si on l'interroge davantage. Nous devrions être beaucoup plus éveillés pour les questions, car toutes les réponses sont prêtes dans l'Esprit. Il y a surtout la possibilité d'éveiller dans l'Esprit Saint les questions qui sommeillent en nous. On devrait aussi prier davantage l'Esprit Saint. On peut lire un livre religieux avec une totale indifférence et on ne sait plus guère ensuite ce qu'on a lu. On n'a pas prié l'Esprit pour qu'il nous donne l'ouverture. Et pourtant l'Esprit est toujours là et prêt à montrer, il suffirait de prier et de frapper, de s'ouvrir à l'Esprit comme au guide qui connaît mieux que nous les rues de la ville et qui peut nous conduire en des lieux inattendus, à l'une ou l'autre perspective imprévue. Il y a un arrière-fond de l'âme qui ne peut être touché que par l'Esprit. Et il est prêt à le faire; c'est une propriété particulière de l'Esprit qui fait partie de sa personne (Printemps 1949).

 

116. Ascension

 

On s'imagine toujours que le Fils va tout seul au ciel. En plus, il y a tous ceux qu'il entraîne avec lui. Il est très difficile de dire si cette nuit Ignace était au ciel pour attendre le Seigneur ou s'il est monté avec lui. Il y a l'Ascension historique du Seigneur lors de laquelle pour la première fois il emporta avec lui d'innombrables âmes. Toutes celles qu'il avait délivrées de l'enfer le samedi saint. Où étaient-elles pendant les quarante jours? Elles l'ont attendu certainement quelque part, elles ont en quelque sorte suivi un catéchuménat, quelque part entre terre et ciel. Il y a beaucoup de gradations entre voir et ne pas voir, entre garder les distances et avoir le contact, sans qu'un état de ce genre soit accablant (26 mai 1949).

 

117. La Trinité

 

Il y a la transsubstantiation du Fils dans l'eucharistie : il nous est offert pour qu'il vive en nous. L'Esprit opère cette transsubstantiation comme autrefois il porta le Fils dans le sein de la Mère. Mais le Fils porte l'Esprit dans sa vie terrestre depuis son baptême. Les deux choses sont une expression de la relation en Dieu Trinité : le Fils est porté par l'Esprit, l'Esprit est porté par le Fils. Et le oui de la Mère va à l'Esprit par l'ange et il ouvre pour nous tous la possibilité de dire oui à l'Esprit afin que l'Esprit porte en nous le Fils et le Fils l'Esprit. Le oui est l'acquiescement à ce mystère en Dieu qui les fait se porter l'un l'autre; l'acquiescement le plus profond se trouve naturellement en Dieu lui-même mais, par Marie, l'homme reçoit dans la grâce la possibilité d'y avoir part (12 juin 1949).

 

118. Les parties dans le ciel

 

Il y a aussi dans le ciel certaines "parties", par exemple celle des adorateurs, celle des contemplatifs, celle des entreprenants, la partie de ceux qui se soucient de la hiérarchie et de ses difficultés, de ceux qui s'occupent des petits enfants et des anges gardiens. De ceux également qui se contentent en quelque sorte de jouir du ciel. Mais peut-être ceux-ci sont-ils cependant tout d'un coup un peu mobilisés, "paysans" en échec qu'on peut engager ici ou là. D'autres sont pour ainsi dire paralysés parce que sur terre plus personne n'attend d'eux quelque chose; ou bien ils servent de coursiers à ceux qui sont fort occupés (16 juin 1949).

 

119. L'humiliation du Fils

 

Quand on a pu contempler un beau mystère du ciel, il est d'autant plus horrible de voir sur terre l'humiliation du Fils. Quand on a pu deviner la grandeur de Dieu, il est d'autant plus affreux de voir sur la croix à quoi il a été réduit. Il ne s'agit pas d'une procédure purement "objective" (comme chez le médecin on se met à nu pour montrer un membre malade et qu'on n'en fait pas une histoire); il est question justement que ce qui est subjectivement sensible, que l'amour de Dieu comme tel doive être déshonoré, humilié. C'est pourquoi les humiliations chrétiennes devraient aussi être des humiliations de l'amour bafoué et souffrant. Quand Dieu invite quelqu'un à partager sa joie dans la méditation, quand il l'agrandit et le rend plus différencié pour des expériences du divin, cette personne ressentira aussi plus profondément les horreurs de la Passion du Christ. Il verra tout dans une lumière plus crue. Il entendra l'orchestre entier là où d'autres n'ont que la partition du piano (Juin 1949).

 

120. Le péché et la souffrance

 

Tant qu'il y a du péché, il doit y avoir de la souffrance comme contrepoids. Celui qui pèche installe nécessairement la souffrance. Celui qui est ici initié plus à fond comprend qu'il y a là un mystère important de l'amour. Également dans la mesure où le Seigneur ne fait pas de manières pour chercher en moi ce dont il a besoin. L'amoureux se réjouit si l'aimé se sent à l'aise chez lui, ouvre ses tiroirs, "vole" ses timbres : c'est un signe qu'est abolie la distance du domaine privé. C'est ainsi que le Seigneur va chercher la souffrance là où il suppose que la distance n'existe pas. C'est pour la personne concernée quelque chose qui la comble de bonheur, car c'est un signe de son amour. Si quelqu'un est au moins honnêtement croyant, il se tiendra pour le moins plein de respect devant le mystère de la souffrance et il ne se plaindra pas.

 

La mesure se trouve uniquement dans le Seigneur qui a tant souffert. Nous n'avons pas la mesure; nous ne pouvons jamais dire : "Maintenant j'ai souffert suffisamment pour faire passer une âme du péché à la grâce". Qui sait ce qu'opère une souffrance précise et combien il en faut pour obtenir un tel résultat? Dieu nous cache totalement tout cela. Il ne veut pas que nous calculions et marchandions avec lui, et nous devons aussi savoir que c'est lui qui fait tout. Ce n'est que dans son activité à lui que nous pouvons parfois coopérer, mais les deux activités ne peuvent jamais se comparer (Fin juin 1949).

 

121. Sur la situation de Paul

 

Paul a certes l'avantage d'être apôtre et ses révélations sont d'un autre genre que celles qui viendront plus tard dans l'Eglise. Cependant le mystère qui lui est montré n'est pas épuisé par ce que Paul en dit; plus tard Dieu peut à nouveau en rendre visibles d'autres parties, non plus certes avec l'autorité de l'apôtre, si bien que l'Eglise aura compétence pour contrôler des révélations de ce genre, ce qu'elle n'a pas le droit de faire pour l'apôtre (12 décembre 1949).

 

122. Le jugement

 

Adrienne : Je n'ai pas dormi cette nuit; mal à la tête tel qu'il m'arrive rarement. Je dis à haute voix : "Qu'est-ce que c'est que cet état où rien ne va plus?" Saint Ignace apparut alors; il me montra qu'il y a un état avant le jugement qui ressemble à celui-là. On meurt, on passe de l'autre côté et on a là le sentiment qu'il devrait se passer maintenant quelque chose, quelque chose qu'on fait soi-même. On a quelque idée du purgatoire et du jugement, et on pense à part soi qu'il doit y avoir un processus. Et on reste alors comme dans un hall de gare où il n'y a pas un seul train qui est le bon parmi tous ceux qui arrivent et qui partent. Et cela bien qu'on se trouve là avec une destination, un but; mais il n'y a aucune possibilité de se diriger vers ce but. On doit alors renoncer à tout ce qu'on avait imaginé et planifié, tout cela ne servait à rien. Ce n'est qu'alors qu'on est conduit (24 décembre 1949).

 

123. Prier pour les âmes du purgatoire

 

Adrienne demande à Ignace ce qu'il en est des prières pour les âmes du purgatoire. Est-ce que cela les aide à comprendre? Saint Ignace : Le désir sincère d'aider, la pureté du coeur sont ce qui est décisif, non le nombre de prières, etc. En la matière, Dieu est libre autant dans l'évaluation que dans l'utilisation. Supposons que deux personnes aient le même recueillement, la même bonne intention, la même prière : Dieu pourrait quand même utiliser leur intercession de manière toute différente. Pour l'un, faire comme si c'était peu; pour l'autre, comme si c'était beaucoup. Mais que cela ne soit pas une cause de tristesse, car on doit toujours partir du fait que c'est pure grâce d'une manière générale que Dieu accepte quelque chose. Et il est essentiellement libre justement. Cela donne aussi une image beaucoup plus juste de la profusion des possibilités de Dieu. Cela ne veut pas dire que si la prière de A par exemple est reçue comme pleinement valable et importante et que la prière de B par contre n'aurait que peu de poids; l'importance de la première prière n'est pas peu affectée du fait que quelque chose du poids de B lui a été donné. Supposons que je prie pour la pluie, tu pries pour avoir du beau temps; Dieu envoie du beau temps; ma prière pour la pluie a pu être ajoutée à ta prière pour le beau temps (24 décembre 1949).

 

124. Les mages

 

Les trois rois qui suivent l'étoile sont remplis de joie : ils savent et pourtant ils ne savent pas; ils sont donnés, mais ils n'ont aucune idée de la manière dont le don d'eux-mêmes sera reçu. Une certaine peur - enfantine au fond - les possède, une sorte d'essoufflement spirituel. Naturellement il est beau d'être introduit dans un mystère, mais on se sent un peu bousculé, attiré dans une aventure dont on ne voit pas le terme. On est emballé, mais on perçoit un avertissement du vieux moi installé. Ils se laissent conduire jusqu'au lieu où ils voient et adorent. Ils sont conduits au fond dans la contemplation. Il fallait chez eux une piété naïve pour qu'ils se soient ainsi mis à suivre l'étoile. Si aujourd'hui un chrétien est naïvement pieux, il dit les simples prières des enfants et de l'Eglise qu'on lui a enseignées; elles ont quelque chose de clair, de rassurant. Et voilà qu'il doit apprendre la contemplation. On lui dit : Ouvre-toi totalement à Dieu; fais-toi silencieux pour qu'il puisse te parler. Il ressentira alors aussi de la peur : y a-t-il vraiment ici un chemin? Peut-on faire l'expérience de Dieu de cette manière? Ne rencontrera-t-on pas que soi-même, ne va-t-on pas s'induire soi-même en erreur? Est-ce que cette étoile n'est pas une étoile ordinaire quand même? Ou bien son message ne s'adresse-t-il pas à quelqu'un d'autre? C'est aussi la peur des rois pendant qu'ils sont en chemin. Puis ils voient l'enfant. Ils reçoivent une plénitude inouïe. Ils reçoivent tout ce que l'enfant a à donner. Ils sont insérés dans son mystère. L'accomplissement qui leur est donné en partage a un double visage. Il est d'une part la promesse accomplie, il ne leur reste aucun souhait, aucune désillusion n'est possible, aucun sentiment de défaillance personnelle ne se fait jour. D'autre part s'ouvre une nouvelle responsabilité, ils doivent repartir, ils sont mis en mouvement. La nouvelle responsabilité provient tout entière de la rencontre qui a eu lieu. Quand il s'agissait d'être guidé vers la contemplation, le principal était la docilité; dorénavant, c'est la coopération qui est décisive. En étant guidé, on s'est laissé donner une forme qui doit désormais s'avérer juste et montrer sa force (Épiphanie 1950).

 

125. Tableaux de la vie de Marie

 

Pendant que le P. Balthasar est à Zurich à la recherche d'une chambre, Adrienne tombe très malencontreusement dans l'escalier du presbytère de Lindenberg, et ensuite elle ne peut plus guère se déplacer. La nuit suivante, alors qu'elle a de fortes douleurs, Ignace vient : Peut-il la divertir un peu? Il se montre extrêmement affairé, défait ses valises; et il y a là tout d'un coup un petit théâtre avec des décors; cela rappelle à Adrienne un "diorama" de sa jeunesse. Pour chaque tableau, Ignace tire le rideau. C'est à chaque fois une scène de la vie de Marie. Et à chaque fois il dit : "Faire attention à la mission de la Mère!" Au début, Adrienne ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par là. Il montre :

 

1. Marie avec les frères de Jésus quand ils pensaient que le Fils était devenu fou. Ignace : Faire attention à la mission! Adrienne : Peut-il se faire que la mission de Marie soit à ce moment-là si humaine qu'elle penserait elle-même - parce qu'elle ne comprend pas - qu'il est hors de sens, et cette mission pourrait-elle être là pour que d'autres gens aussi puissent le considérer comme hors de sens? Y a-t-il des tranches de sa mission à elle où elle semble comme n'étant pas envoyée? Et cependant il n'y a dans cette scène rien qui contredit sa mission. Celle-ci, dans sa totalité, le Fils en prend soin; son caractère surnaturel est ranimé par lui. Ou bien doit-on dire qu'il dispose de sa mission à elle de telle sorte qu'elle peut être en même temps en lui et hors de lui?

 

2. Marie avec son petit enfant à qui elle donne le sein pour la première fois. Cet acte est comme un premier acte du don physique d'elle-même. Quand l'Esprit la couvrit de son ombre, elle n'a sans doute pas senti grand-chose physiquement; dans la dernière phase de la naissance intervint aussi un facteur surnaturel. Maintenant c'est nature pure, débouché de la grâce dans la nature. Mais Marie ne possède pourtant ce lait naturel que par la grâce. C'est pour elle un grand apaisement de pouvoir donner quelque chose d'elle-même. Ce qu'elle offre à son enfant, c'est son présent à elle. C'est une confirmation de sa mission et en même temps une satisfaction pour elle, une détente.

 

3. Marie va habiter chez Jean. Tout d'abord le lieu lui paraît tout à fait étranger. Mais c'est le lieu de l'ami de son Fils. Et cela devient maintenant son lieu à elle. Elle doit partager maintenant avec Jean cette maison, ce lieu - particulièrement le lieu qu'Adrienne a vu - si bien que leurs deux missions puissent y avoir leur place, qu'elle donne à Jean ce qu'elle a donné à son Fils et qu'elle attend de lui ce qu'elle a attendu de son Fils. Et en cela, la mission que l'Esprit lui avait transmise autrefois par le salut de l'ange doit demeurer inchangée. Autrefois la mission était prodigieusement grande et toute petite, inaccoutumée et banale, et quand elle attendait quelque chose de son Fils, elle le recevait toujours avec profusion. Maintenant le problème difficile est qu'elle devrait recevoir de Jean plus qu'elle ne peut en attendre bien que tout d'abord elle reçoive moins qu'elle n'en attend; la solution réside en ceci qu'elle a à lui donner pour recevoir de lui. Elle est certes habituée à son Fils. Christ - Marie – Jean : une hiérarchie descendante; Marie reste à peu près égale à elle-même, qu'elle ait à faire au Christ ou à Jean, mais Jean n'est pas le Seigneur; son attente à elle est tellement comprise dans sa mission que même dans le fait que son attente est comblée se trouve une sorte de nourriture de sa tâche. Il lui est impossible de se laisser limiter dans ce qu'elle donne et prend. C'est pourquoi elle doit maintenant donner davantage pour recevoir aussi davantage. Elle le fait sur mission du Seigneur : la relation Marie - Jean a bien été établie par lui. Ce qui est remarquable, c'est que c'est le Seigneur qui dispose, de manière indirecte, de ce devoir de Marie de donner davantage. Naturellement la Mère n'est pas déçue par Jean, mais elle est tout aussi certaine que Jean lui doit sa dernière maturité. Comme si ses insuffisances humaines à lui devaient voler en éclats. Et en cela il se passe quelque chose qui restera valable pour toutes les missions, déjà pour celles des apôtres et celles des premiers chrétiens, puis de tous ceux qui suivront: Marie n'est plus seulement l’Église-épouse, mais l’Église-femme. Pour elle aussi arrive une maturité qui lui octroie davantage de droit de disposer. Même si à la croix elle se tenait comme une épouse auprès du Seigneur, cela s'était fait avec l'ultime irrésolution d'un amour humain. Maintenant elle doit exiger beaucoup plus des chrétiens.

 

4. Nazareth. Un tableau du quotidien, dans l'un ou l'autre endroit où la mission et tout ce qui s'y rattache sont totalement sans problème. Paix. Marie travaille pour son Fils, elle tient son foyer en ordre, elle fait la cuisine et le ménage. Et toute sa mission semble se limiter au besoin qu'a son Fils d'avoir une mère. Mais la mission à ce moment-là n'est ni plus grande ni plus petite qu'en un autre temps. Elle est constante. Rien de ce qu'elle fait : travail du ménage ou conversation avec les voisins ou prière, rien n'a moins d'importance.

 

5. Magnificat. N'est montrée que l'expression de la Mère. D'une élévation et d'une sûreté et d'une "pénétration de l'au-delà" : quelque chose d'inouï! On serait peut-être tenté de comparer cela avec saint Paul, mais cela porterait à faux. Cela se trouve plutôt tout proche de la parole du Seigneur : "Qui me voit voit le Père". C'est au-delà de toute référence personnelle à ce que dit Marie. Elle se chante aussi elle-même, sachant que c'est elle maintenant qui est à chanter; elle le fait dans une obéissance tout simplement parfaite et dans la joie la plus pure. Son moi est là comme quand un amoureux s'écrie : "Je t'aime". Le "je" n'est simplement là que comme condition de "t'aime". Pour que quelqu'un puisse t'aimer, il faut bien qu'il soit. Je suis une fonction de mon amour pour toi et tout est parfait (Janvier 1950)

 

126. Sur la prière

 

Quand on médite les choses très longtemps à partir de Dieu, il peut y avoir le danger qu'on commence à vouloir tout exprimer en propositions chrétiennes vagues. On se trouve dans une position "qui survole" et on ne peut pas s'attendre à ce que cette manière de voir et de penser puisse être suivie sans façon par les autres. C'est pourquoi, au coeur de la prière, je dois garder suffisamment de liberté et d'ouverture pour voir les hommes de manière réaliste, pour répondre à leurs attentes, et je dois surtout me garder de parler de Dieu avec "onction". Offrir certes aux gens une aide authentiquement chrétienne, mais sans faire de "discours pieux". On cherche à être en Dieu et on doit en même temps être près des gens. Se faire tout à tous. Garder humour et esprit. Personne ne doit avoir l'impression qu'il n'a pas accès à ce "monde sublime". Personne ne doit avoir le sentiment que ceux qui prient sont emportés au loin par la prière. Rester naturel! Et une fois qu'on a essayé d'aider les gens dans leurs problèmes, on portera ensuite ces problèmes au Seigneur dans la prière. - On peut plonger dans la prière comme dans la bonne musique. Sans effort, comme on plonge dans l'eau. Et le bon musicien est simplement au service de la musique. Il ne se concentre pas sur sa propre imperfection. "Si seulement j'avais des doigts un peu moins raides! Si je m'étais davantage exercé auparavant!" Sans réfléchir sur le parfait ou l'imparfait, il se lance tout simplement, il improvise aussi, sans narcissisme. Je joue du Schubert, je ne joue pas mon œuvre à moi. Et ce qui est mien, je le mets seulement dans Schubert. Je n'ai pas l'intention "de vous en faire accroire". Dans la prière, pas d'ouverture de soi artificielle pour elle-même. Cela ne fait que rétrécir. Ne pas être malheureux pour avoir manqué de conditions préalables (Début 1950).

 

127. Annonciation

 

Le oui de la Mère à l'ange a un retentissement infini : un oui engendre toujours le suivant; chacun est issu du précédent. Aucun oui chrétien n'est séparé de celui de la Mère. Et l'ange apparaît comme l'inspirateur de tous les oui et aussi comme celui qui les rassemble. Toute une symphonie de oui se développe à partir de la simple mélodie de Marie. Et chaque oui ne cesse d'être le même. C'est tantôt l'un tantôt l'autre qui le porte, c'est comme un vêtement que différents enfants enfilent et qui les réjouit tous. Et la vie du croyant est comme une figure de danse, toujours sur les variations du oui (25 mars 1950).

 

128. Amour, foi, espérance dans l'éternité

 

Dans le temps, l'amour est une partie de la vie, il n'est pas toute la vie. Dans l'éternité, il est tout parce que nous n'avons plus rien en propre : ni opinions, ni justifications, ni jugements, qui nous mettent dans une relation théorique avec les choses. Dans l'éternité, on remercie d'emblée pour tout, on ne connaît pas la prudence, comme si une chose pouvait être punition et seulement l'autre amour; on est convaincu que tout est amour et doit être compris comme amour.

La foi subsiste dans l'éternité comme la confiance absolue qu'il ne peut rien y avoir qui ne soit pas amour. Parce que Dieu nous tient, nous n'avons pas besoin de nous attarder à calculer quoi que ce soit anxieusement, nous pouvons nous confier à l'infini.

L'espérance, dans la vie éternelle, est ce qui est toujours accompli. Parce qu'elle est un don perpétuel, une espérance et une attente perpétuelles sont éveillées. Dans le monde, notre espérance, c'est l'éternité; dans l'éternité, elle est toujours ce que Dieu donne. Dans l'éternité, foi, amour, espérance coïncident.

L'éternité elle-même surgit comme un cadeau, elle est ce qui est constamment offert en cadeau. Il n'y a donc pas de fin à prévoir. Le cadeau de Dieu naît dans le don, le don et l'acte de donner ne font qu'un (10-16 avril 1950).

 

129. Ascension

 

Toute prière comme ascension, comme marche avec le Fils vers le Père. Peut-être qu'à cause du Fils tout simplement le Père est souvent négligé. Mais le Fils renvoie toujours au Père. Et si, dans la contemplation, nous ne sommes pas à nous-mêmes un obstacle, le Fils nous prend avec lui vers le Père, il nous donne des ailes pour voler aussi loin que la foi le permet. Il nous ouvre le jardin de Dieu et là tout est beau. On peut s'arrêter aux premières roses autant qu'on veut, puis aller au parterre suivant, toujours plus loin dans le jardin. Il n'est rien dit par là de la qualité de la contemplation; il n'est question que de son objet. Nous avons la liberté de nous arrêter à loisir auprès des mystères de Dieu. Il n'est pas plus parfait d'avoir atteint le dernier parterre que de rester auprès du premier. Car tout dans le jardin appartient au Fils. Le seul danger est que l'homme se prenne avec lui, se fasse lui-même l'objet de sa contemplation. Il a le droit de scruter sa conscience, mais seulement pour être libre et ne plus devoir penser à lui. Etre libre pour monter avec le Fils vers le Père. Il y a des gens qui vont au théâtre et qui, pendant toute la pièce, pensent à leur robe et à la figure qu'ils font dans leur loge; ils vont saisir peu de chose de ce qui se passe sur la scène. - Puis je vis l'Ascension, d'abord en Terre sainte. Et il se passa quelque chose d'incroyable : à l'instant où le Seigneur s'éleva, chacun se dégagea de lui-même. A personne ne vint la pensée : que va-t-il en advenir de moi? Que va-t-il en advenir de l'Eglise? Serons-nous emportés également dans les hauteurs? Tous ne pensent qu'à une chose : le Fils va vers le Père! Et tous sont pour ainsi dire emportés avec lui. Et parce que personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils, arrive l'instant où le Fils seul continue pour rencontrer le Père dans l'Esprit, dans une sphère où notre esprit n'a plus accès. L'Ascension est en quelque sorte en trois parties : le Fils va de la terre au ciel, il est pris par l'Esprit, il arrive devant le Père. Dans la prière, nous pouvons l'accompagner jusqu'à la deuxième phase parce qu'elle forme un pendant à la conception de la Mère. Ce qui est de ce monde est maintenant encadré par ces deux événements : l'instant où l'Esprit a couvert la Mère de son ombre, celui où le Fils est repris par l'Esprit. Entre ces deux conceptions se trouve l'événement-monde. Le tissu du monde est si fortement attaché par ses deux extrémités à l'Esprit dans le ciel qu'on comprend aussi que le monde appartient à l'Esprit et que l'Esprit ne cesse de visiter son monde. Le monde n'est pas quelque chose qui est largué par le ciel comme quelque chose de complet, il est quelque chose qui doit se compléter pour le ciel. Et c'est l'Esprit qui fait que la tendance du monde à la convexité soit transformée par la grâce en concavité pour Dieu. Ainsi le monde demeure maintenant constamment dans l'acte, provenant du Père, d'être conçu et vivifié par l'Esprit et le Fils, parce que l'Esprit et le Fils ont attaché indissolublement le monde au ciel du Père. L'Esprit de la Pentecôte tombe toujours sur un monde tourné vers Dieu (18 mai 1950).

 

130. Pentecôte

 

Le Père, personne ne l'a jamais vu; le Fils est visible en tant qu'homme, en tant que Ressuscité, en tant qu'apparaissant, visible à côté de son invisibilité. L'Esprit Saint n'est ni invisible comme le Père, ni visible comme le Fils. Il peut ou bien n'être qu'invisible ou bien prendre une sorte de visibilité indirecte, quand il comble le monde et les hommes. Mais il n'est ni colombe, ni langue de feu, etc. Il dresse des signaux de lui-même : Attention! L'Esprit est à l’œuvre! - Le Seigneur appelle quelqu'un, Jean par exemple ou la petite Thérèse; mais c'est la descente de l'Esprit Saint qui les rend aptes au service, qui les rend saints. Il leur laisse leur personnalité qu'ils ont de par la création, mais il les élève pour en faire des personnalités saintes. Si on cherche à déterminer et à vénérer chez un saint l'une ou l'autre qualité humaine particulière, on le rabaisse, car sa sainteté se trouve avant tout dans le fait qu'il a été rempli par l'Esprit Saint et qu'il lui appartient. C'est l'Esprit qui s'empare des forces du saint. Par l'Esprit Saint, elles dirigent elles-mêmes quelque chose sur une voie déterminée; le fait qu'il "souffle où il veut" s'exprime dans le caractère d'ensemble, mais elles ont la possibilité de le diriger sur un point précis. Qu'un saint soit possédé par l'Esprit, on le remarque particulièrement à sa patience; mais cette qualité ne sort pas de l'unité qu'elle forme avec les autres qualités conditionnées par l'Esprit. Si le culte spirituel d'un saint régresse et se conjugue avec de la superstition (comme pour Antoine), c'est notre péché qui en est responsable : notre foi perd la faculté de sentir l'Esprit dans le tableau d'ensemble du saint. Si je sélectionne la qualité qui me manque pour la retrouver et la vénérer dans le saint, c'est moi que je prends pour mesure et non plus l'Esprit. L'Esprit choisit des signes de peu d'importance (comme la colombe, la langue de feu) pour souligner que la supériorité de son action se trouve dans l'invisible. Il nous incite par là à toujours chercher dans tous ses signes la grandeur et la totalité (Pentecôte 1950).

 

131. Le quotidien

 

Il peut se faire qu'au monastère cela me dégoûte un jour terriblement de devoir dire tous les jours ces heures de l'office. Toujours les mêmes psaumes et les voix aiguës des consœurs. Mais alors je devrais justement penser que le Seigneur se trouve derrière tout cela. Une mère qui chaque jour doit préparer pour son enfant une bouillie compliquée et laver une quantité de langes ne va jamais la trouver mauvaise, justement parce que c'est son enfant. Elle ne va pas un beau jour tout envoyer promener et partir en voyage. Elle est heureuse d'avoir un enfant. Et si on comprend vraiment le Seigneur et son amour, on ne se laissera jamais énerver. Ce qui me déplaît n'a pas d'importance par rapport à la santé de l'enfant et à son bien-être (Juin 1950).

 

132. Sur la parenté spirituelle

 

Quand on reconnaît des personnes à l'entrée du ciel, elles ne sont plus pour nous un époux ou un fils mais un frère, ni non plus une mère ou une fille mais une sœur. Les relations que les religieux ont entre eux sont un avant-goût du ciel. Marie quittant la croix en la compagnie virginale de Jean devient sa sœur. Le Fils lui-même, bien qu'il soit Dieu, adopte à notre égard la relation de frère. Lors de l'Incarnation, il a pris sur lui les relations naturelles, mais pour finalement les écarter. Sa Mère, il la confie à Jean; mais eux aussi, ils doivent renoncer à la relation mère-fils à la suite du Fils (Début octobre 1950).

 

133. Le néant

 

Angoisse physique devant la mort, mais angoisse infiniment plus profonde de paraître dans l'au-delà. Aller directement en enfer. Il y a quelques mois encore, c'était l'angoisse d'aller dans le néant parce que aussi bien Dieu n'existe pas; et à partir de là, l'exigence de retirer un sens maximum aux quelques jours, aux quelques heures qui restent encore ici-bas. Mais quel sens si Dieu n'existe pas? Le néant ruine tout sens, il est plus horrible que l'enfer. Il n'y a pas de raison évidente pour laquelle je dois avoir été si par la suite je ne suis plus. Par exemple pour remplir un quelconque commandement de la "terre". J'étais donc ainsi sur terre le produit d'une goutte de sperme et d'une cellule, un pur produit de la nature, comme quelque autre fruit, en quelque sorte un pont vers la génération suivante, une pierre quelconque d'un édifice social. Et tout cet édifice, quel rapport a-t-il au néant? Y a-t-il un sens au néant ou y a-t-il pour lui le néant? Dans les quelques petites heures qui me séparent de la mort, je n'arriverai plus à trouver la solution. - Mais si Dieu existe, il est sûr qu'il voulait quelque chose de moi; d'abord ce qu'il requiert de tout être humain : l'amour et l'obéissance; et aussi, en plus, quelque chose de particulier (25 avril 1951).

 

134. Pentecôte

 

Que le Fils puisse envoyer l'Esprit et l'envoie de fait, nous l'apprenons par sa parole. Nous voyons cette parole accomplie le jour de la Pentecôte et nous recevons l'Esprit dans le sacrement de confirmation. Beaucoup de choses de l'Ancien Testament donnent déjà une certaine connaissance de l'Esprit : les paroles des prophètes, ce qui se passe quand l'Esprit est donné et le fait que déjà lors de la création l'Esprit de Dieu planait sur l'abîme. A la lumière de la nouvelle Alliance, nous percevons que, tout comme le Père et le Fils, l'Esprit aussi était en Dieu de toute éternité, et que les relations des trois personnes sont des relations d'un amour éternel qui, pour la divinité, est tellement originel que la création du monde aussi ne pouvait être projetée et réalisée qu'à l'intérieur de l'amour trinitaire (Pentecôte 1951).

 

135. Paroles intérieures

 

"Nous ne chercherions pas Dieu s'il ne nous avait pas trouvés", s'il n'avait pas mis en nous les conditions voulues pour le trouver. Ses inspirations sont pour nous compréhensibles. Il peut suivre plusieurs chemins : nous éclairer soudainement comme frappe la foudre, transformer et réorienter notre vie tout entière. Il peut, avec la même soudaineté, nous montrer quelque chose qui nous était déjà connu mais, à présent, cela nous apparaît irrévocable et urgent, et cela a des conséquences beaucoup plus profondes que nous ne le pensions. Mais il peut aussi procéder tout autrement : nous donner, dans un clair-obscur, les unes après les autres, des intuitions, des considérations, des suppositions auxquelles on ne donne pas suite. Mais une fois qu'un nombre suffisant de foyers est allumé, il y a un embrasement soudain de l'ensemble. Pendant longtemps il n'y eut que de la fumée, l'esprit humain ne percevait pas l'Esprit Saint, il demeurait imbu de ses propres pensées, qui ne paraissaient pas particulièrement éclairantes ni alléchantes. Mais tout d'un coup jaillit la flamme parce qu'il ne manquait plus que très peu de chose pour la libérer (Juin 1951).

 

136. Marie durant l'Avent

 

Pendant que Marie attend son enfant, elle reste cachée dans son oui qui, par son Fils, reçoit en elle sa force, affermit sa foi et donne à sa vie quotidienne une plénitude sentie. Pour ce don de la plénitude, elle remercie Dieu : cela la dispense de se creuser la tête sur ce qu'elle est capable de faire et de ne pas faire, cela la dispense de faire des projets parce que, à l'autre partie du quotidien, à sa partie prévisible, il manque la certitude; et parce que l'enfant devient lourd en elle et que dès maintenant il représente un signe d'exigence démesurée, un avertissement qu'elle a promis à Dieu des choses qui restent cachées en lui. Cette fatigue en elle est moins physique que spirituelle parce qu'elle est insérée dans toute sa foi, dans toute son âme, dans un mystère du ciel et qu'elle doit cependant vivre et prier sur terre et participer par là à la répartition céleste de la prière. Elle dit dans sa prière des choses qu'elle ne comprend pas tout à fait et qui l'effraierait peut-être si elle y réfléchissait, mais qui sont cependant parfaitement justes parce qu'elles correspondent à l'inspiration de l'Esprit et sont un complément de son oui, un indice que le Seigneur demeure en elle et reçoit sa prière (Avent 1951).

 

137. L'Immaculée Conception

 

Le mystère de la conception immaculée est tellement lié à tous les autres mystères de Marie qu'il s'intègre indissolublement à son image d'ensemble telle qu'elle se présente aux yeux de l'Eglise, telle aussi qu'elle provient de l'unité indécomposable de Dieu et tend à y retourner. Quel que soit celui de ses mystères que nous abordons, chacun d'eux est une clef pour tous les autres. Si nous contemplons Marie dans sa vie terrestre, elle est certainement élue d'abord pour donner naissance au Fils éternel. Mais ensuite elle est aussitôt également la deuxième Eve, l'épouse du nouvel Adam, la quintessence de son Eglise. Et comme celle-ci, elle est vierge, une simple vierge qui a vécu sur terre et qui était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l'accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l'amour de Dieu sans aucune ombre. Et elle était ainsi la manifestation visible de l'amour de Dieu pour sa créature comme de l'amour de la créature pour Dieu. Un foyer d'amour (8 décembre 1951).

 

138. Noël

 

Le premier homme fut placé dans l'existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s'éloignant de lui; il ne lui a pas été demandé s'il voulait être créé. Il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître. Le Fils de Dieu s'humilie encore plus profondément par le fait qu'il n'apparaît pas à l'état d'adulte mais qu'il est conçu, porté, mis au monde : il offre ce temps de sa minorité au Père qui doit voir en lui que l'enfance et la croissance d'un être humain correspondent parfaitement aussi à la volonté du Créateur. Il grandit entre sa mère et son père nourricier, mais il grandit aussi d'emblée en direction du Père divin pour le louer dès son plus jeune âge, pour tendre vers lui ses bras dès son premier mouvement (25 décembre 1951).

 

139. Les saints Innocents

 

Les enfants innocents sont massacrés afin que le message chrétien ne parvienne pas au monde. Et pourtant l'enfant que cela concerne n'est pas atteint; ce sont les autres qui le sont. Ni eux-mêmes en tant que victimes, ni leurs parents ne savent de quoi il s'agit; les enfants sont trop petits, les parents ne voient que l'acte de vengeance du roi. A la question de savoir pourquoi le Seigneur permet cela, il n'est pas facile de répondre; elle ne peut recevoir de réponse finalement que de la croix. C'est pour tous, également pour ces enfants, que le Seigneur subit la mort, et sa mort a des effets dans le temps qui le précède et dans le temps qui le suit (27 décembre 1951).

 

140. Sur la joie

 

En créant le monde, Dieu le Père était heureux car il créait une œuvre qui devait trouver constamment son assentiment. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie. Le péché a ruiné la joie et apporté la souffrance. Puis Dieu, par l'ange, a voulu entendre le oui de la Mère et ce oui devait résonner joyeusement parce qu'elle pouvait accomplir la promesse et voir le Messie, et parce que la rédemption et la nouvelle vérité au sujet de Dieu venaient dans le monde. Et après la venue du Fils, les siens vivent dans la joie de le suivre, une joie qui a un autre caractère que la joie de la création parce que maintenant demeure sur terre cet amour divin qui, en tant qu'homme, a aimé tous les hommes et, en tant qu'homme, aime le Père avec tous les autres. C'est maintenant un amour de fécondité et Marie, dans sa joie de pouvoir concevoir, a reçu les deux ensemble : l'amour nouveau et la nouvelle fécondité. De sorte que toute joie du chrétien porte désormais la caractéristique suivante : du fait qu'il a été pris par l'Esprit, il a la possibilité de donner le Fils. Marie a été insérée la première dans le circuit de l'amour et de la joie trinitaires mais le Fils, en tant qu'homme, a pris rang avec elle dans ce circuit et, comme il est homme parmi nous tous, nous sommes pris avec lui tous ensemble (1er janvier 1952).

 

141. Pentecôte

 

L'Esprit Saint est envoyé du point même où il procède du Père et du Fils. Dans le ciel, le Père engendre le Fils pour lui en quelque sorte; on peut dire que l'envoi du Fils dans le monde et à la croix a lieu en même temps qu'il est engendré, car la vie éternelle, en tant que mode de durée, ne coïncide pas avec le temps de ce monde. On peut seulement dire que le Fils - qui est Fils dans sa relation au Père - porte caché en lui, dans son être de Fils, son envoi "futur". L'Esprit par contre entre d'emblée dans sa mission, avant que le monde soit, parce qu'il est avant tout l'échange d'amour, le dialogue entre le Père et le Fils, la mission de l'un à l'autre. Il souffle où il veut dans la liberté du dialogue et il se laisse envoyer d'emblée dans cette liberté (Pentecôte 1952).

 

142. Christ-Roi

 

Quand le Christ fait une fête - les fêtes intimes de son enfance et de sa jeunesse auxquelles participent Joseph et Marie, ou les fêtes plus tard avec ses apôtres -, ce qui est décisif, c'est toujours sa présence. De même que toutes choses ont été créées pour lui, les fêtes sont orientées vers lui; elles sont célébrées pour sa gloire même là où sont présents des gens qui ne se doutent de rien, qui consomment en quelque sorte leur participation sans être effleuré par l'idée qu'une fête à laquelle le Seigneur participe doit avoir absolument un sens supérieur. Mais pour le Seigneur et pour les siens, chaque fête devient une fête chrétienne. Elle est célébrée en présence de Dieu Trinité, dans l'intimité de la doctrine chrétienne. Pour le Seigneur lui-même, c'est toujours une fête dirigée vers le Père, avec au centre un mystère d'évidence éclatante qui l'unit au Père et à l'Esprit. Pour les fêtes qu'il célèbre sur terre, le mystère de son obéissance et de son don de soi doit toujours aussi être célébré en même temps (Fête du Christ-Roi 1952).

 

143. Sur la prière

 

Les heures de la nuit, durant lesquelles les choses sont présentes mais invisibles et elles redeviennent visibles le matin, offrent une image d'une sorte particulière de prière et de vision. Si sérieusement on veut prier, chercher la proximité de Dieu, percevoir ce qu'il a à nous dire, on doit créer en soi un vide, placer les choses dans l'invisible, ce qui ne veut pas dire les détruire mais leur assigner une autre place dans notre monde intérieur. La fin de la prière peut alors être un lever du jour : les choses réapparaissent mais elles ont devenues autres, elles sont purifiées par la prière, elles sont peut-être aussi rendues utilisables d'une manière nouvelle, inconnue jusque-là. C'est pourquoi le temps de la nuit aide à chercher Dieu d'une manière simple; l'âme est convaincue que sa présence est remplie de grâce, convaincue de la nécessité d'implorer sa venue, d'en faire l'expérience de manière renouvelée, de se livrer à elle sans vouloir entrer de force dans quoi que ce soit que Dieu ne veut pas donner lui-même (Fête du Christ-Roi 1952).

 

144. Sur la place de la descente aux enfers

 

En devenant homme, le Fils descend sur la terre pour demeurer dans l'horizontal de la vie humaine jusqu'à ce qu'il meure et descende encore plus bas : jusqu'en enfer. Il y a donc ainsi une double descente. A celle-ci correspond pour ainsi dire une double montée difficile à comprendre et difficile à exprimer : premièrement la résurrection avec les quarante jours qui suivent sont quelque part à nouveau à l'horizontal, et puis l'Ascension qui correspond au mouvement inverse de l'Incarnation. Et du ciel le Fils envoie l'Esprit sur l’Église. - La descente aux enfers, durant les trois jours entre la croix et la résurrection, est unique et ne se reproduira plus; on peut tout au plus avoir part à cet événement unique par la grâce du Seigneur. Le purgatoire qu'il y a depuis lors n'est pas une descente mais une forme de chemin vers le ciel. Le point le plus bas est dès lors la terre (pas étonnant qu'elle ressemble parfois à l'enfer). - Le Fils envoie l'Esprit sur le monde, mais il ne fait pas partie de la mission de l'Esprit de descendre en enfer. Il reste sous la forme de la flamme et il touche ceux pour lesquels il est venu. L'image de la Pentecôte est quelque chose comme un point final. - C'est au Fils que l'enfer a été offert en raison de son Incarnation et de sa Passion. C'est le plus grand cadeau que le Père pouvait lui faire. Il ne sent pas le Père là et il n'envoie pas l'Esprit. Il suffit qu'il se soit montré là (Avant l'Ascension 1953).

 

145. Ascension du Christ

 

D'abord j'ai vu la Mère avec les apôtres. Il n'est pas facile de décrire l'état d'âme des apôtres. Et cependant en même temps ce n'est pas difficile parce que c'est aussi l'état d'âme des chrétiens d'aujourd'hui : quelque chose entre le regret et l'espérance, entre l'angoisse et l'amour, entre l'occultation et l'évidence. Ce qui est attendu arrivera, mais cela aura un autre poids que l'attente. Nous n'arrivons pas à vivre totalement dans le jour présent, à ne porter que le souci d'aujourd'hui et à nous interdire tout coup d’œil sur l'avenir. - Le Seigneur va aller au ciel, il va quitter ses disciples, il va envoyer l'Esprit promis : tout cela semble si étrange. Lui qui a comblé tant de nos désirs, qui nous a accordé sa proximité comme le plus grand des cadeaux, va nous quitter. Et comme il connaît nos lacunes et notre peu de courage, il va nous envoyer l'Esprit Saint que nous ne pouvons pas imaginer. Il l'a en quelque sorte rendu au Père comme son propre Esprit et maintenant il va demander qu'il lui soit rendu afin qu'il nous transforme d'une manière qui ne sera pas la manière du Fils : il ne va pas prendre chair pour engager avec nous des entretiens.

 

Le fait de ne pouvoir se représenter l'Esprit Saint qui va venir ajoute à l'accablement des apôtres : ils ont participé à la Passion, ils ont vécu le retour du Seigneur qui fut si difficile à accepter pour Thomas. Et voilà que maintenant un nouveau départ est en vue avant même qu'ils soient seulement venus à peu près à bout de ce qui est arrivé : la croix et la résurrection. Est-on un converti? Un disciple du Seigneur? Mais comment cela s'il nous laisse tomber? Et il dit pourtant qu'il va au Père pour tout accomplir; nous devrions donc être enchantés de son départ, nous devrions voir dans la nouvelle séparation une nouvelle grâce. Mais nous ne sommes pas habitués à renoncer à nos propres réflexions pour accepter simplement ce que le Seigneur dit et demande. - Puis j'ai vu le Seigneur monter au ciel; cela semblait être comme un prolongement infini dans le ciel de la poutre verticale de la croix, qui laissait là l'horizontale, l'amour du prochain qui doit faire son chemin dans le monde entier et revenir sans cesse à la croix ou aussi à la résurrection. En montant au ciel, le Seigneur emporte donc quelque chose et il abandonne quelque chose. Il abandonne certainement l'éphémère qui nous caractérise, qui nous appartient et qu'il anime de l'éternel qui est sien. Il abandonne ses instructions et ses paraboles et l'Ecriture Sainte et sa Mère et les apôtres et l'Eglise. Il abandonne aussi une croix vivante que nous devons chercher et embrasser pour la reconnaître comme quelque chose qui est sien, que nous devons porter telle qu'elle est donnée, sans réfléchir, parfois aussi sans la comprendre.

 

Toutes les questions vont ainsi se passer entre temporalité et éternité, et il ne sera plus là pour répondre à nos questions impatientes et élucider ce que nous ne comprenons pas. Il est retourné dans le mystère de la vie trinitaire dont il nous a montré sur terre un reflet mais qui s'est retiré à nouveau dans le ciel dans son prolongement infini. Nous restons avec nos questions, mais lui, il est au ciel, dans la joie parfaite. Réjouissez-vous, vous qui posez des questions, car le Seigneur est dans la joie. La joie est requise de nous et elle doit vaincre tout abattement.

 

C'est une joie double : une joie qui sait que le Seigneur est au ciel, mais une joie aussi qui croit parce qu'elle n'est pas en mesure de voir ce qui se passe au ciel. La nouvelle foi de l'Ascension doit être tellement vigoureuse qu'elle soit pleine de joie. Elle ne doit pas seulement l'être, elle l'est, parce que le Seigneur non seulement la requiert mais aussi parce qu'il la donne.

 

Et quand, après l'événement, la Mère et les disciples rentrent à la maison, leur état d'âme est tout autre qu'après la croix. Ils manifestent une foi parfaite dans la joie et pourtant, parce qu'ils sont sur terre, ils doivent avoir part à la croix leur vie durant. Ils n'en seront jamais quittes. Ainsi leur joie ne sera pas sans inquiétude, ni sans ombre. La foi leur montrera leur tâche, mais ils se heurteront plus fort qu'auparavant aux limites de leur nature et de leurs possibilités, et pourtant ils ne cesseront d'être portés par la foi au-delà de ces limites (Ascension 1953).

 

146. La croix

 

Adrienne : Je pensais au Seigneur sur la croix, au début; il est très humilié, il a mal partout, tout s'embrouille, afin qu'ensuite il puisse vraiment tout remettre à l'Esprit et au Père. A la fin, il doit même souffrir le tout sans l'Esprit; ce qu'on s'était imaginé raisonnablement, en tant qu'homme disons, il doit l'abandonner. Il doit faire l'expérience des obstacles. Et à côté de cela il doit vivre le plan de salut qui embrasse le monde entier. Qu'a-t-il fait vraiment? Que peut-il donc encore faire dans les dernières minutes qui lui restent? N'aurait-il quand même pas mieux fait de descendre de la croix? Ou bien, avant cela, au Mont des oliviers, avant que n'approche le malheur, n'aurait-il pas mieux fait de disparaître sans bruit et de recommencer en un autre coin du monde, avec plus de succès peut-être? Il sait qu'il n'y avait pas de chemin dans tout cela, que le chemin devait bien plutôt le conduire justement ici, là où il n'y a plus de chemin, là où tout droit à disposer de lui-même lui est retiré et où il doit dire oui à ces ténèbres.

 

En pensant ainsi au Seigneur, on est libéré de tous les problèmes personnels qui nous tracassent, car on sait que l'action la plus audacieuse qu'on aurait pu mener, le livre le plus audacieux qu'on aurait pu écrire, sont comme rien comparés à ce que le Seigneur a fait et laissé. Il est tout.

 

Et alors je vis la Mère. Elle endure sous la croix sa souffrance la plus profonde. L'angoisse de l'Avent n'en fait pas partie au fond. Et pour la naissance du Fils, elle n'avait pas le droit de souffrir. Elle doit souffrir pour sa mort. C'est ce que comportait son oui bien qu'humainement cela paraisse déraisonnable. Toute sa capacité de souffrir devait avoir son centre à la croix et de là rayonner dans le temps étant donné qu'elle vivait et priait avec le Fils en tant que Mère, en tant qu'épouse. Lorsque le Fils, encore garçon, commença par exemple à souffrir du fait de l'état de péché des autres garçons, il y avait déjà un accompagnement de sa Mère; quand il lui parlait, elle pouvait lui enlever sa souffrance, qui était aussi la sienne. Le Fils lui ouvrait les yeux sur ce qui était pénible pour lui, et elle pouvait aussitôt avoir part à tout. Tout ce qu'il lui cause de souffrance provient de la croix. - Avant la croix, elle souffrait à cause de sa mission à lui. Maintenant elle souffre pour lui. Ce qu'avait d'intact sa maternité est d'une certaine manière mutilé. Elle comprend que tout se termine, elle participe à sa mort plus profondément qu'elle a pu participer à sa naissance, avec l'engagement parfait de sa capacité de souffrir. L'Avent aussi contenait certaines souffrances, mais elles allaient vers la joie; elles préparaient certes à une naissance douloureuse mais, au moment de la naissance, la souffrance disparut. Ici par contre, sous la croix, tout va vers la mort inéluctable; rien ne lui est épargné pas plus qu'à son Fils (28 janvier 1954).

 

147. Sur l’Esprit

 

L'Esprit est surtout dans l'homme un Esprit de prière. C'est de là qu'il jaillit, qu'il crée l'échange et l'équilibre, qu'il offre la certitude sereine, le oui constant; cela prend naissance dans la paix de la prière, dans l'isolement et la solitude. Mais il peut aussi se faire reconnaître à l'extérieur si bien que d'autres sont attirés parce qu'ils comprennent qu'ici souffle l'Esprit. Elisabeth reconnaît la mission de Marie, nous reconnaissons les missions des saints, beaucoup de pécheurs reconnurent la vocation de Vianney; l'Esprit Saint est reconnu aux charismes. Jamais le don ne peut être expliqué dans ce qu'il a d'unique, il renvoie et ramène à la divinité de l'Esprit, à sa fonction dans la Trinité. Et la foi, l'amour et l'espérance vivent en lui et se nourrissent de lui pour s'accomplir au fond; leur vie propre n'est pas à séparer de la vie de l'Esprit en Dieu. Une espérance qui ne serait pas animée par l'Esprit ne serait pas chrétienne. Elle serait une confiance simplement humaine qui serait comblée ou non selon le hasard (27 mai 1955).

 

148. Prière et mystère

 

Si toute connaissance de foi est accompagnée d'un supplément de mystère, cela ne veut pas dire que la connaissance doit s'y résigner; au contraire celui qui prie doit espérer être introduit, avec le temps, plus à fond dans le mystère. - Mais si Dieu confie un mystère à celui qui prie et le dévoile partiellement, il appartiendra aussi à Dieu fondamentalement de le conduire à une plus grande clarté. Celui qui prie sait que Dieu est omniscient. Non seulement Dieu le voit parfaitement, il voit aussi le prochain pour lequel il lui faut prier maintenant. Dieu peut révéler à celui qui prie une image plus complète de son prochain s'il le juge nécessaire; mais il se peut aussi que son savoir divin lui demeure fermé comme une inaccessible sphère de mystère. Celui qui prie doit alors demeurer dans l'abstrait; tout se déroule dans un acte où il se donne lui-même et où il est reçu par Dieu; il serait indiscret d'appeler les choses par leur nom, Dieu laisse dans l'obscurité la manière dont il utilisera la prière. Mais ce qui pour l'homme est abstrait est concret en Dieu et est toujours susceptible, si Dieu le veut, de devenir concret aussi pour celui qui prie, de représenter quelque chose qui lui est connu, qui lui sert d'indication pour sa conduite future.

 

Quand nous méditons la vie du Seigneur, il est frappant de voir combien il a peu parlé. Et de ce qu'il a dit, le peu qui a été mis par écrit. Lui qui possède la vision du Père, il ne parle pas beaucoup de la prière. Il ne donne pas beaucoup d'indications, il montre seulement "l'unique nécessaire". Dans la clarté de ses paroles, deux choses s'expriment : sa parole et son silence. Dans ce silence, il y a certainement sa vision du Père, sa joie et son angoisse, mais sans doute aussi pourtant très fortement sa faculté de garder les choses - tout comme sa Mère gardait dans son coeur ce qu'elle avait vécu - comme un trésor auquel il peut revenir à tout moment s'il en a besoin pour remplir sa mission. Ce trésor aussi a subi ses changements parce que le Fils a changé : en lui-même et dans ses relations avec sa Mère. De même que toute parole est toujours d'aujourd'hui, de même aussi tout silence (Juillet 1955).

 

149. La prière et les saints

 

Quand on prie, on peut d'emblée recommander sa prière à tous les anges et à tous les saints : ils voudraient entendre, ils voudraient nous soutenir et nous aider à utiliser les mots justes vis-à-vis de Dieu Trinité, nous les inspirer, mais aussi, d'autre part, s'approprier notre prière telle qu'elle est maintenant, avec son contenu, ses intentions, faire leurs nos propres besoins, trouver peut-être à nos demandes des raisons que nous ne connaissons guère, les vêtir de leurs mots, les transmettre ainsi, les présenter à Dieu comme s'il s'agissait de ce qui leur est le plus personnel (9 septembre 1955).

 

150. Réflexions sur la mer et la prière

 

Vacances d'Adrienne à Ronchi. Au sujet de la mer. Adrienne : Les vagues vont et viennent, personne ne peut les saisir, on ne peut jamais les prévoir d'avance. Si on essaie de remonter à l'origine des vagues qui s'approchent, l’œil échoue très rapidement et il doit y renoncer. La mer comme image de l'infini, de l'éternel; la vague comme l'instant qui vient et qui passe et qui cependant ne cesse de revenir et d'exiger quelque chose. La mission vient du Dieu infini, imbibée d'éternité, et elle se fractionne en décisions et en réponses actuelles et rapides. Sur le rivage, on a l'impression d'être saisi par un événement éternel, et quand survient la peur d'avoir manqué une vague, une décision qui s'imposait, on se rassure : d'autres vagues arrivent, de nouvelles réponses seront exigées, et cela si rapidement que la nouvelle vague est déjà là avant que la dernière se soit étalée sur le sable et se soit retirée. La petite vague est comme l'action et la grande mer comme la contemplation. Les deux forment une unité, celle-ci se trouve en Dieu, mais elle est sans cesse présentée à l'homme dans la vague. Il doit agir, mais il ne peut le faire qu'à partir de la contemplation, il ne peut prendre ses petites décisions qu'à l'intérieur de la grande décision de Dieu, et cela lui donne aussi un sentiment de sécurité : la vague, en se retirant, retrouve l'abri de la mer, l'eau dans l'eau, sans qu'elle doive garder sa forme personnelle. De même les nombreuses actions de ceux qui appartiennent à Dieu sont abritées dans son activité englobante, elles ont là leur constance et leur demeure. Le mouvement recommence toujours : chaque vague reçoit ses propres contours, chacune les perd à nouveau, se perd dans le tout. Elle reste présente dans l'omniprésence, insérée dans la grande liberté des eaux, demeurant en ce lieu d'où elle est sortie et fut envoyée en mission.

 

Quelque chose de semblable dans la prière. Un instant elle a un visage et une forme, elle est soit demande soit adoration. Mais elle retourne toujours dans le tout. Un homme ne se met à prier que parce que innombrables sont ceux qui prient, prieront ou ont prié, parce que Dieu ne se lasse pas de prodiguer des forces de prière, de remplir de contenu les prières des hommes, d'exaucer et d'utiliser dans son éternité la moindre prière pourvu qu'elle émane d'une foi authentique. Il l'accueille volontiers comme si cette toute petite contribution justement complétait la somme qu'il attendait. On peut s'imaginer que la mer n'est complète que lorsque cette vague aussi lui revient. La mer l'a en quelque sorte prêtée au sable, mais elle appartient toujours à son origine. Ainsi la contemplation de la mer devient un encouragement à la prière et à l'action de grâces. Il est bon de se savoir en sûreté avec sa prière, il est bon de savoir qu'il existe une unité infinie et de ressentir à travers toute chose l'amour de Dieu et de pouvoir retourner à cet amour (Du 23/9 au 15/10 1955).

 

151. Dieu et la beauté

 

Coup d’œil rétrospectif sur Florence. Adrienne : Cette fois-ci, ce qui m'a le plus touché à Florence, c'est la perspective qu'on a du palais des Offices : la vue sur la ville et le ciel, le sentiment que, dans cette ville, tant de choses ont été construites par amour de Dieu parce que dans un échange d'amour entre ciel et terre. Les hommes construisent pour Dieu des demeures où il doit se sentir bien, et il leur donne la grâce de la beauté, si bien que s'élève vraiment quelque chose qui rend attentif à lui. A lui qui montre ce ciel au-dessus de Florence et qui fait mûrir sur terre le fruit de cet effort humain, les deux pour sa plus grande gloire. - Puis bien sûr la question : est-ce qu'on ne tombe pas dans un éclectisme quand on est tellement saisi par Dieu parce qu'il offre cette beauté. Mais la question n'atténue pas l'action de grâce qui se transforme en louange. Et ce que nous voulons louer ne dépasse pas seulement nos mots insuffisants et nos œuvres et nos capacités, cela se dépasse toujours aussi lui-même parce que c'est divin et que le toujours-plus se trouve en Dieu. La louange se transforme ainsi en adoration : de Dieu Trinité , de l'Esprit Saint qui partage et prodigue tant et tant de Dieu. Et quand on compare la beauté de Dieu qui se révèle avec nos propres capacités, une profonde confusion nous envahit. On se sent impuissant et on aimerait tant créer quelque chose, une hymne, une symphonie qui révélerait au moins l'ombre de Dieu, qui serait un indice signalant que Dieu est beaucoup plus grand que tout ce qui est saisissable, plus grand aussi que les belles œuvres que les hommes ont créées pour sa gloire. Créer quelque chose devant quoi les hommes ne font pas qu'échanger des propos sur l'histoire de l'art, mais devant quoi ils devraient sentir un peu la présence de Dieu, également en ce temps qui ne bâtit plus de cathédrales parce que les hommes n'aiment plus regarder en direction de Dieu, mais surtout parce qu'ils ne veulent plus commencer une œuvre qui demande davantage de temps que leurs propres jours, car ils ne veulent plus et ne peuvent plus compter sur les générations suivantes. Ce dont nous ne faisons pas nous-mêmes l'expérience, nous ne le laissons pas non plus à d'autres pour qu'ils en fassent eux aussi l'expérience. Nous voulons toujours saisir nous-mêmes et terminer et nous ne remarquons pas que nous prenons par là une place dangereuse, nous nous mettons au centre et nous fermons le monde autour de nous. Nous oublions que c'est l'amour de Dieu qui est le centre et que nous devrions rester ouverts à l'Esprit Saint. Dieu devrait garder la possibilité d'agir là aussi où notre esprit planificateur n'a plus accès. Nous devrions laisser à l'Esprit la liberté de souffler où il veut, sur nous et sur nos œuvres, même s'il commence par notre foi et notre action. Certes il peut être pénible pour un érudit de ne pouvoir mener jusqu'à son terme une œuvre commencée. De ne pas avoir le droit d'exprimer jusqu'au dernier mot ce qu'il a expérimenté et qui lui semble neuf. Mais si Dieu a compté ses jours et qu'il sait jusqu'où il ira avec son ardeur et son obéissance, il fera lever la semence chez quelqu'un qui viendra plus tard. En tout cas, il lui laissera continuer son œuvre aussi loin que nécessaire pour faire paraître les traces de Dieu qui devaient être visibles.

 

Tout cela me vint à l'esprit à cette fenêtre des Offices qui donne sur l'Arno quand le ciel et la ville allaient tellement ensemble. L'éternel et l'éphémère. Et ce ne sont pas les seules inspirations de la beauté qui ont créé ces tableaux, ce sont aussi celles de l'amour. Dieu permet à l'homme de créer des choses qui se profilent sur son ciel comme les contours de ces toits ici; et le ciel fait partie du tableau et achève la beauté du monde. Dieu nous permet, dans son amour, que nous dessinions nos œuvres et nos pensées, notre foi et notre disponibilité comme des lignes dans son ciel, et il prend tout en lui, et il les fait appartenir à son ciel (31 octobre 1955).

 

152. Dieu et la beauté

 

A Sainte-Croix (à Rome où Adrienne est sans doute allée en septembre), la beauté qui nous atteint comme un coup de tonnerre, nous coupe le souffle. Peu de gens prient dans l'église, la plupart regardent. Mais de regarder peut aussi rapprocher de Dieu. Quand Marie voit l'ange, quand Elisabeth voit Marie, quand Etienne voit le ciel ouvert, eux également sont saisis et ils ont le souffle coupé et il leur est demandé un surcroît d'amour et d'obéissance. Ce qui a existé jusqu'à présent n'était pas faux, mais ce qui est nouveau plane beaucoup plus haut. Et ce n'est rien de fermé; cela restera dans un constant devenir. - La contemplation de tableaux, surtout de tableaux conçus dans la foi, conduit l'esprit qui aime la beauté à de nouvelles possibilités de foi, le rend humble et par là plus ouvert à Dieu. Beaucoup de débris en lui sont balayés, et des chemins se font praticables là où auparavant il ne semblait pas y en avoir. Dans cette église, qui est visitée surtout pour sa beauté, on sent plus fort la foi du petit nombre de ceux qui prient. Si on va prier dans une église qui n'offre rien de particulier, il arrive qu'on est questionné et requis par la prière des autres, mais d'ordinaire, on ne fera que prier, et la présence des autres priants ne se fera pas sentir particulièrement. Le trésor de l'Eglise est ouvert mais on éprouve surtout la présence du Seigneur. Dans une église particulièrement belle par contre, la prière des croyants nous est comme imposée pour conduire les contemplateurs de la beauté de la bonne manière.

 

En beaucoup de tableaux, l'Enfant, la Mère, des saints ont quelque chose de si pieux que de les voir approfondit et enrichit la foi de celui qui les contemple; dans la simplicité et la pureté, dans des gestes de don de soi et d'adoration, il y a tant de formes de piété que celui qui les contemple doit trouver à un endroit ou à un autre des possibilités qu'il ne connaît pas encore. Après la visite d'une église de ce genre, après avoir contemplé de tels tableaux, on devrait prier avec de nouveaux degrés de don de soi et de joie dans la foi. Enrichi de beaucoup de chemins de foi qu'on peut suivre en partie soi-même et qu'en partie on peut connaître pour d'autres et qu'on peut leur montrer. Il me vint à l'esprit que, dans une foi pareillement structurée, il y a pour chaque chrétien quelque chose de particulier, que le même contenu produit pour chacun des formes tout autres, que chaque forme est éclairée par une autre lumière, de même que chaque peintre a sa manière propre, que chaque fabricant de tapis tisse autrement, que chaque architecte construit différemment. Mais on comprend que Dieu a besoin de tout et que tout a son sens en lui, que tous les dons qu'il fait aux hommes il voudrait les recouvrer développés afin qu'ils soient insérés dans l'échange de l'amour éternel. Et plus un artiste était ouvert et inépuisable dans son don de soi, plus ouverte aussi est son œuvre, plus inépuisables aussi sont les stimulations qui émanent de son œuvre sur ceux qui la contemplent (2 novembre 1955).

 

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5. LE DIABLE


 

Introduction

Le diable est présent dans la vie et les œuvres d’Adrienne von Speyr. Il ne fait pas l’objet d’un exposé particulier, mais il est présent. Le P. Balthasar a noté brièvement que le diable a tracassé Adrienne autant qu’il a tracassé le curé d’Ars (Cf. La mission ecclésiale d’AvS. Actes du colloque romain, p. 190). André Frossard a pu écrire "Dieu existe, je l’ai rencontré". Des hommes et des femmes de notre temps, et de tous les temps, pourraient témoigner : "Le diable existe, je l’ai rencontré". Cela ne veut pas dire qu’à la lecture de ces témoignages tout le monde est convaincu de l’existence de Dieu ou du diable.

Dans les textes reproduits ci-dessous, le diable explique lui-même pourquoi il doit en être ainsi. Le diable n’aime pas ceux qu’il estime trop proches de Dieu, trop amis de Dieu, ceux qui contrarient trop ses projets. On voit cela dans l’histoire de l’Église : le diable a persécuté plus d’une fois d’une manière ou d’une autre ceux et celles qu’il considérait comme des êtres dangereux pour lui et ses desseins.

Dans les œuvres d’Adrienne von Speyr figurent les termes diable, démon, Satan, le Mauvais, le Malin ; jamais Lucifer, semble-t-il. Le diable n’occupe pas le centre de la théologie ou de la spiritualité, mais il est présent dans le monde, toujours à l’affût de ce qui peut détourner les hommes de Dieu ; et donc, à ce titre, il occupe une place importante dans la vie de tout être humain. Il est symbolisé par un serpent qui se faufile dans les hautes herbes, il ne montre pas facilement le bout de sa queue, il n’aime pas être démasqué, il fait ses coups en douce, c’est plus sûr. Ci-dessous quand même un florilège des fumées de Satan.

Patrick Catry


 

Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue. Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

 

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1 - La volonté de faire le mal

La volonté de faire le mal est si grande dans le diable qu'il n'a pas besoin de décision ou de réflexion pour faire le mal (Commentaire d’AvS sur Ap 9,2).


 

2 - Connaître le diable à partir de Dieu

Le diable vit, certes, mais Dieu est plus grand que lui : le savoir avec la solidité du rocher. Qui ne voit pas ou ne pressent pas Dieu derrière le diable, il ne lui est pas permis de scruter le mal. Quand on s'occupe du péché, se tourner aussitôt vers l'expérience de Dieu, qui est plus grande, pour nous occuper du mal dans l'immunité de Dieu (Commentaire d’AvS sur Ap 13,9).


 

3 - Le diable ne peut se convertir

La pénitence a pouvoir sur Dieu pour lutter contre ceux qui blasphèment. Par contre, on ne peut rien pour les blasphèmes du diable : il ne peut pas se convertir (Commentaire d’AvS sur Ap 13,6).


 

4 - L’hérésie qui provient du diable

Le Pseudo-Macaire (vers 300-390) : Il voudrait être absolument orthodoxe. Il s'irrite contre tout ce qui est faux. Peut-être voit-il fort l'hérésie comme provenant du diable (NB 1/1, p. 47).

 

5 - Tiraillée entre Dieu et le diable

Christine de Stommeln (+ 1312) : Les tentations ne manquent pas de lui arriver, elles se font toujours plus fortes si bien qu'elle est tiraillée entre Dieu et le diable, entre ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas … Si bien qu'elle doit promettre à Dieu une Christine qu'elle n'est pas et qu'au fond elle doit presque donner au diable celle qu'elle est. L'oscillation à l'intérieur de son combat est extraordinaire. On doit presque dire : plus elle appartient à Dieu, plus elle est tentée par le diable, plus aussi elle est ballottée; aucun combat ne lui est épargné. Quand les tentations les plus fortes sont passées et vaincues dans une sorte d'épuisement, elle reçoit à nouveau une profusion de force dans laquelle elle peut prier et adorer. Ses stigmates sont le signe qu'elle doit posséder à l'heure du diable ; ils sont le signe qu'elle doit présenter au séducteur afin qu'il sache qu'il n'a pas sur elle le dernier pouvoir. Et pourtant il reste au diable suffisamment de latitude pour la traquer presque jusqu'à la folie, une folie à vrai dire qui se termine toujours dans les bras de Dieu (NB 1/1, p. 94).

 

6 - Une créature de Satan

François Jérôme s.j. (1642-1716) : Son souci principal, c'est la confession liée à la prière : l'aveu des péchés afin d'être libre pour entendre la voix de Dieu. Il se voit toujours dans la communion des saints et il voudrait que tous les hommes reviennent à Dieu. L'unique chemin de retour qu'il voit, c'est la confession, le rejet de ce qui empêche d'aller à Dieu ; quand le chemin vers Dieu est barré à l’homme, il ne se connaît plus lui-même, il n'est plus une créature de Dieu mais du diable. Cette pensée d'être une créature de Satan est pour lui la plus affreuse ; il est très enclin à voir partout l’œuvre de Satan et aussi à la montrer, pour que les hommes se convertissent et soient libres pour Dieu et pour sa grâce (NB 1/1, p. 186).

 

7 - Prendre une âme à Dieu

Marie Baouardy (Marie de Jésus crucifié, 1846-1879) : Sa possession est d'abord comme une concentration du mal en elle... Puis la possession devient diabolique : une mise en action de toutes les forces mauvaises pour la prendre tout à fait à Dieu. Le diable a sur elle une emprise limitée, elle ne fait pas le mal quand elle est possédée, c'est le mal qui fait en elle ce que les supérieurs, les règles, ne veulent pas. Il fait partie de sa mission de lui être livrée impuissante. Dieu seul possède le pouvoir, sans le concours d'un instrument, de conjurer ce mal et de mettre un terme à ces états (NB 1/1, p. 225).

 

8 – Les tentations de saint Antoine

Antoine d’Égypte (251-356) : Ses tentations sont provoquées par son amour. Le diable s'essaie sur lui; Antoine n'en sort pas vainqueur avec son propre amour mais avec l'amour de Dieu (NB 1/1, p. 269).

 

9 – La "puissance du mal"

Pseudo-Macaire (vers 300-390) : Le démon, il le ressent très fort comme la "puissance du mal". Il voit aussi son action dans le fait que la prière lui fait l'effet d'un exercice ascétique. Mais il voit le mal surtout en lui-même et dans son prochain. Il le combat. Dans ses pensées, dans ses prières, dans toute son attitude. Il voit les ruses du démon (NB 1/1, p. 47).

 

10 – Reconnaître le démon

Bède (672/3-735) : Quand il est empêché de prier, il est malheureux. Il lui est plus facile de vivre avec Dieu qu'avec les hommes; le commerce des hommes est toujours pour lui un peu comme un exercice de pénitence, mais qu'il offre à Dieu comme un sacrifice. Souvent il aspire à ne plus pouvoir que prier. Souvent aussi, surtout quand il avance en âge, il lui semble qu'une vie uniquement dans la contemplation aurait été trop facile pour lui. Ses tentations consistent surtout dans le fait qu'il est tenté de sortir de l'amour. Il y a des moments où il reconnaît exactement le démon. Vis-à-vis d'autres choses il se met à vaciller; mais quand il se met à la prière, il retrouve son assurance (NB 1/1, p. 61).

 

11 – L’activité du diable

Les amis de Job ne se doutent pas de l'activité du diable (NB 1/2, p. 115).

 

12 – Saint Benoît et le diable

Saint Benoît, c'est la confrontation du diable et de l'homme, mais aussi du diable et de Dieu. Benoît voit le combat de Dieu contre le démon. Dans le diable, il voit en partie le péché, en partie l’adversaire de Dieu, dont l'action ne se limite pas à mettre du péché dans le monde, il est bien plutôt celui qui est le mal en personne et qui donne à Dieu de quoi faire. Le mal en tant que péché humain, Benoît le rencontre aussi bien dans son milieu que dans le monde d'une manière générale ; il n'en fait pas l'expérience comme Vianney par exemple, dans une sorte de lutte physique, mais dans la prière, en vision, et aussi comme une sorte de menace qu'il ressent physiquement et dont il est convaincu qu'elle existe pour les hommes. Dans cette gêne que lui cause le mal, le diable est aussi pour lui comme incarné. Non qu'il ait eu des tentations particulièrement violentes, mais il ne cesse de voir sa mission divine contrariée, sans cesse il voit le mal se mettre entre lui et ceux qui lui sont confiés, et même lui tendre des pièges là où il ne s'y attendait pas. Il voit le mal se répercuter dans les difficultés quotidiennes, mais aussi dans les grands mouvements antichrétiens, il le voit aussi dans le combat que ses moines doivent soutenir pour rester fidèles, pour saisir leur mission de demeurer dans la prière. La bonté personnelle que Benoît rayonne, ses maximes personnelles pour tout le monde, sa théologie, ne doivent pas être comprises sans cette conscience de la tentation. Le Ora et labora (Prie et travaille), en tant que principe supérieur, attache l'esprit à Dieu et le corps au travail si bien qu'il ne reste pas de place pour le diable, car Benoît sait qu'il est un adversaire spirituel aussi bien que corporel. Et la conscience qu'il a de l'existence du mal équivaut à la conscience qui est la sienne qu'il faut combattre, qu'il faut résister vigoureusement, pour que l'homme puisse se maintenir auprès de Dieu (NB 2, p. 65-66).

 

13 – Thérèse de Lisieux et le diable

Tout enfant, Thérèse a eu une vision du diable; la vision de son père voilé ainsi que sa grave maladie qui l’empêche de reconnaître les siens et les enveloppe comme d'un brouillard, ont affaire avec le mauvais esprit. Ce sont des préambules de sa mission ultérieure au carmel... On pourrait très bien imaginer qu’elle aurait encore eu à décrire le diable dans l'Ordre, le diable dans la prière, le diable dans les tâches quotidiennes. Et pourtant il n'est plus spécialement projeté, il n'a plus de contours distincts, parce qu'il est toujours bien présent dans sa "petite voie" et qu'il y est vaincu ; ses traces sont comme des traces qui s'estompent. On ne pense guère à le regarder une fois que la "petite voie" est là ; quand la victoire est si évidente, il n'a plus qu'à disparaître comme un vaincu. La victoire appartient à Dieu, et ce qui se trouve derrière la victoire, il n'est plus nécessaire qu'on le présente spécialement (NB 2, p. 67).

 

14 – La vengeance du diable

Pour sauver le monde, Dieu a envoyé son Fils et il lui a associé des hommes ; d'abord les apôtres puis d'autres hommes qui sont saints. La vengeance du diable fut de mettre à côté de ces saints des ennemis, toujours l'un à gauche et l'autre à droite de chaque saint, si bien qu'il y a plus d'ennemis que de saints. Les tentations des saints ne proviennent pas seulement de la faiblesse humaine, elles sont diaboliques et très concrètes. Souvent les adversaires qui sont placés aux côtés des saints par le diable sont du même genre que les saints. C'est ainsi que Vianney a à lutter avec deux personnes qui sont prêtres comme lui. Parfois les ennemis sont de faux saints, des saints qui pensent eux-mêmes être saints et ne le sont pas. Il peut y avoir aussi d'authentiques possédés, d'une possession qui de loin n'est pas reconnaissable comme telle. Il n'est pas besoin non plus que ce soit toujours des personnes isolées, ce peut-être aussi des tendances. Ainsi par exemple l'ennemi, c'est simplement une sorte de quiétisme dans l’Église qui s'oppose à son activité (NB 2, p. 116-117).

 

15 - Le démoniaque n’est plus là que pour être vaincu par le Seigneur

Au début de sa vie de foi, saint Joseph de Cupertino (1603-1663) a fait l'expérience de la tentation, il a appris à connaître la force du tentateur et en même temps il a été si envahi par l'amour du Christ et sa pureté et sa perfection que cette force a été brisée. Il a appris à connaître ce qui est tentant, non seulement en lui-même mais aussi dans les autres, dans le monde dans son ensemble et aussi par des lumières qu'il recevait dans la prière. Avec le temps, ce qui est démoniaque et tentant devient pour lui quelque chose de vague. Le démoniaque n'est plus là que pour être vaincu par le Seigneur. Lui-même ne se sentirait aucunement capable de venir à bout du Mauvais ; mais où qu'il le rencontre, il le porte aussitôt au Seigneur pour le placer sous sa bénédiction secourable, sous sa rédemption toute-puissante (NB 2, p. 154-155).

 

16 – Le bon plaisir du diable

L'enfer est comme quelque chose de fermé sur soi, comme quelque chose qui est d'une certaine manière livré au bon plaisir du diable… On dirait qu'en enfer les péchés ont une vigueur propre comme s'ils étaient animés par le diable (NB 3, p. 135-137).

 

17 – Dieu triomphe du diable

Par son cri d’abandon sur la croix, le Fils montre qu'il est capable de porter plus de péché que l'enfer n'en peut contenir. Dieu triomphe du diable. Marie met son pied sur le serpent (NB 3, p. 210-211).

 

18 – La chaîne du diable est raccourcie

En enfer, le diable est enchaîné. Le Fils ne va pas jusqu'à lui le samedi saint. Mais chaque pas qu'il fait en enfer réduit le domaine du diable. Chaque pas raccourcit la chaîne, la réduit, contracte sa masse. Comme si le diable avait tout d'abord été lié à une chaîne si longue qu'il ne la sentait pas et qu'il pensait pouvoir se promener librement. Maintenant, par la croix, la chaîne ne cesse de se réduire. Le serpent est lié et, à l'inverse, Dieu peut se promener toujours plus librement dans sa création comme autrefois au paradis... La dernière conversation vivante du diable avec Dieu a eu lieu lors de la tentation au désert… Le diable s'est dispersé en tous les hommes. Mais le Christ s'est prodigué en chaque homme. Le diable était le mal vivant qui avait pris le visage du serpent et s'était multiplié comme la mauvaise herbe sans cesser d'être un. Le Seigneur chasse le mal dans l'endroit le plus reculé de l'enfer et il rend libre à nouveau l'espace pour le paradis (NB 3, p. 234).

 

19 - La ruse du diable et la super-ruse de Dieu

La séparation entre le ciel et l'enfer existe depuis toujours parce que le diable et l'enfer c'est ce qui ne peut exister dans le domaine de Dieu. Lors de la création, le ciel et la terre furent séparés et la terre fut attribuée à l'homme. Mais l'homme a péché et le diable a acquis sur terre un pouvoir. Le péché a reçu un visage humain : ce n'est que lorsque Adam se reconnaît lui-même comme pécheur qu'il sait ce qu'est le péché. C'est à cette figure humaine que le diable s'accroche de sorte que Dieu le Père doit envoyer son Fils avec une forme humaine pour rencontrer le diable et l'éliminer. Quand le diable envahit la terre à partir de l'enfer, quand il fait irruption dans la bonne création de Dieu, l'opposition entre le Père et l'enfer devient dramatique : il envoie son Fils sur terre pour donner réponse à la ruse du diable par une super-ruse d'amour (NB 3, p. 237-238).

 

20 – Le diable ne peut pas mourir

Le diable ne peut pas mourir. Le diable ne peut pas devenir homme. Il peut seulement inciter les hommes. Il peut seulement donner de sa vitalité pour nourrir ceux qu’il séduit, par sa vitalité distribuer la mort. Tous ceux qui lui appartiennent ont été dotés de la force de sa vie… Pour nous il est très malaisé de voir ses traces (NB 3, p. 238-239).

 

21 – Le non à Dieu

Le Fils a toujours vu le démoniaque dans sa relation aux hommes comme le principe le plus intime de leur non à Dieu… Par sa descente en enfer le samedi saint, le Seigneur fait reculer toujours plus loin le démoniaque, et son domaine à lui ne cesse de s'étendre. Ce qui se trouvait auparavant des hommes dans le domaine du démoniaque passe dans le domaine du Seigneur. La chaîne du diable est si raccourcie qu'elle se limite au domaine de l'enfer où il se trouve lui-même (NB 3, p. 235-236).

 

22 – La remise en question

La notion de Satan restera longtemps liée pour Adrienne à celui de doute, de remise en question. Le savoir glacial qui, en tant que tel, est la question sans amour (NB 3, p. 21).

 

23 – Le marchand forain du péché

Le diable est comme le marchand forain du péché. Il expose tout son magasin (NB 4, p. 103).

 

24 – Le diable a la permission de tenter

Dans sa descente aux enfers le samedi saint, le Fils apprend à comprendre pourquoi le Père laisse faire le diable. Il apprend pour ainsi dire à comprendre la longueur de la chaîne par laquelle le Père tient le diable… Le Père a laissé au diable tout l’enfer... L’enfer est le mystère de l’absolu… Le diable a la permission de tenter, Dieu lui laisse cette liberté. Nous ne pourrions pas être tentés si Dieu n’avait pas la possibilité de mettre un terme à la tentation (NB 4, p. 104).

 

25 – Celui qui s’est donné au diable

Celui qui s'est donné au diable ! Il se passe souvent ceci : on se donne à Dieu… et ensuite on prend ses désirs pour les désirs de Dieu; on devient orgueilleux et, finalement, à la place de Dieu on met le diable (NB 4, p. 314).

 

26 – Le diable tente le Seigneur

Le diable qui tente le Seigneur ! La tentation consiste aussi dans le fait que le diable offre au Seigneur de sauver un grand nombre d'âmes. Il lui offre un nombre d'âmes énorme qui n'a aucune proportion avec les douze apôtres. Au lieu de 12, il lui montre 12 x 12, il multiplie leur nombre par lui-même et, pour le rendre encore plus attirant, il le multiplie encore par 1000. Le Seigneur alors n'aurait pas besoin de souffrir, ni de recevoir de stigmate, ni d'aller en enfer… Il tente le Seigneur comme la troisième bête tente ceux qui font partie de l’Église… Le premier diable que le Père a chassé du ciel, et le deuxième, celui de la sensualité, n'ont aucun pouvoir sur le Seigneur. Mais le troisième diable, qui arrive avec des calculs humains, avec l'achat et la vente des âmes… Le Seigneur ne veut pas briser la tentation qui sera la tentation de l’Église. Il la prend sur la croix, il prend également la tentation vaincue; et sa manière de vaincre n'est pas glorieuse, elle est celle d'un homme. Il l'intègre dans sa croix; il n'en triomphe pas autrement que nous-mêmes avons à en triompher : la grâce de Dieu n'est qu'à l'arrière-plan, et ce qui a la priorité, c'est la tentation du diable (NB 4, p. 314-315).

 

27 – Un combat corps à corps

Je vois le Seigneur et le diable comme dans un combat rapproché, un corps à corps, dans un combat final, à la sortie de l'enfer (NB 4, p. 315).

 

28 – L’orgueil de Satan

L'extrême orgueil de Satan : refléter Dieu, singer la Trinité ; on doit le ramener à la véritable Trinité en faisant mourir l'orgueil par la pauvreté, la chasteté, l'obéissance (NB 4, p. 313).

 

29 – La connaissance diabolique

La connaissance diabolique, c'est-à-dire la connaissance qui vient du Malin (NB 4, p. 208).

 

30 – Le diable et la vision

Quand, à Manrèse, Ignace voit quelque chose de chatoyant et qu'avec le temps il découvre qu'il y a là le diable, sa réponse est en accord avec l'Esprit (NB 5, p. 188).

 

31 - Totale certitude en face du diable

Le Seigneur au désert. Il n'est pas dans la Passion, il n'est pas abandonné par le Père, il est dans la force de la prière. Son long jeûne, sa longue prière et la solitude l'ont amené à la limite du supportable, il est physiquement très affaibli, mais il est tellement auprès du Père qu'il est inébranlable, non seulement en tant que Dieu mais aussi en tant qu'homme affaibli. Il est en possession d'une totale certitude en face du diable (NB 5, p. 223-224).

 

32 – Les ténèbres du diable

Dieu est lumière. La lumière lui est propre, mais il a reçu en lui les ténèbres. Les ténèbres sont éternellement dans le Père. Il les a acceptées éternellement. Ce sont les ténèbres que crée le diable. Dieu le Père ne pourrait accorder aucune liberté au diable, s'il ne s'était pas résolu à recevoir ses ténèbres. Car il n'y a rien en dehors de Dieu, tout est en lui (NB 5, p. 265-266).

 

33 – Détacher l’homme de Dieu

C'est dans l'amour que Dieu le Père crée l'homme, mais l'homme le déçoit et fait tout ce qu'il peut pour échapper à l'ordre établi par Dieu, un ordre qui faisait partie de l'amour de Dieu, qui unissait l'homme à Dieu. Mais le diable incita l'homme à se détacher de cette unité avec Dieu. Il se produit alors cette chose prodigieuse que Dieu le Père, dans son amour, envoie son Fils à l'humanité égarée. Le Fils devient un homme qui ne peut décevoir le Père, qui n'interrompt pas la circulation de l'amour, que le Père reconnaît comme son Fils divin parce qu'il ne vit que dans l'amour (NB 6, p. 98).

 

34 – La liberté du diable

Dieu Trinité a accordé une certaine latitude à la liberté de l'homme et au diable (NB 6, p. 174).

 

35 – L’heure du diable

"Personne ne connaît l'heure, pas même le Fils". Le Fils a voulu avoir part à notre incertitude. A l'époque du péché originel, le diable prend les devants. Le Seigneur, lui, assume l'époque du péché originel en n'entrant pas prématurément dans sa Passion. Il aurait pu souffrir tout de suite pour tout régler. Mais non : il attend que vienne l'heure du Père. Le temps qui est toujours prêt, c'est le temps du péché ; le temps qui est attendu, c'est le temps du salut. L'heure du diable précède, celle du Seigneur suit. Dans le monde, j'ai la possibilité de me décider pour le temps du diable ou pour le temps du Seigneur (NB 6, p. 360-361).

 

36 – Le Seigneur dit non au Malin

Si, dans la méditation, je me mets devant le Seigneur, devant sa pureté et sa gloire je peux regarder comment il est tenté par le diable et comment il rejette absolument toute impureté. Il dit non au Malin parce son seul souci est d'adorer le Père et de le servir (NB 6, p. 516).

 

37 – Le diable était là

Discernement des esprits. Ce qu’Ignace comprend, c'est qu'en réfléchissant beaucoup sur ses péchés d'autrefois, il s'est rapproché toujours plus de l'esprit du péché. Il ne faisait aucun crédit à Dieu ; avec la confession de toute sa vie, il a franchi un seuil et il devait regarder l’avenir plutôt que le passé. Au lieu de cela, il s'accroche au passé, dans une sorte de délectation morose. Et parce qu'il n'était pas encore en mesure de méditer, il avait trop peu de matière pour ses longs temps de prière ; c'est pourquoi il ne cessait de remplir les vides avec ce qu'il avait vécu, avec ses péchés, avec ses manquements. Maintenant il perçoit tout d'un coup que le diable était là (NB 11, p. 86).

 

38 - Ce qui vient du diable est malsain et gênant

Pour saint Ignace, pendant ses scrupules, tout était incertain, confus. Maintenant la clarté, c'est comme un coup d'épée qui traverse toute son existence : sa prière, sa vie, ses pensées. Ce qui est clair, c'est que ce qui vient du diable est malsain et gênant (NB 11, p. 86).

 

39 - Le diable ne se tient pas pour battu après une seule défaite

Le diable, qui si longtemps avait accompagné saint Ignace incognito, ne se tient pas pour battu après une seule défaite. Ignace le chasse avec son bâton de pèlerin, qui est pour lui un signe de son appartenance au Seigneur. Sans doute n'a-t-il pas encore été ordonné, il n'a pas encore de pouvoir ministériel Mais il a ce bâton qui a pour lui une force. Personne ne l'a béni, mais il l'a choisi, il fait partie de son équipement de combattant du Christ (NB 11, p. 100).

 

40 – Le diable qui rôde

A Alcala, des gens viennent pour assister aux instructions de saint Ignace, et ceux qui ont recueilli auprès lui des expériences, sont pressés naturellement d'en faire part à d'autres. Il doit y avoir "des signes et des prodiges" à la fondation d'une affaire si importante. A vrai dire on brouille aussi beaucoup son enseignement. On ne sait pas très bien ce qu'il a réellement dit ou ce qu’il a approuvé, et ce qui a été rajouté. Et ainsi on ne sait pas bien si ce n'est pas le diable qui rôde, qui profite de cette entreprise. Ignace lui-même a le sentiment qu'il y a du démoniaque dans l'air. Il l'a vu à Manrèse dans le "serpent" chatoyant. Il connaît sa nature de caméléon bien que, dans toute l’œuvre de sa fondation, il n'ait pas eu à soutenir de véritable combat contre le diable. Chez lui, beaucoup se joue dans la connaissance (il n'est pas, comme d'autres, tourmenté, frappé, par les démons, il n'a pas de cicatrices, etc.). Bien des choses lui sont montrées à la périphérie pour ainsi dire et il doit aussitôt les recevoir au plus profond de lui par la connaissance (NB 11, p. 144-145).

 

41 – Les visites du diable

Le diable à Manrèse était le même diable que celui dont le curé d'Ars a fait l'expérience. Seulement, pour saint Ignace, il fut moins frappant, moins agressif physiquement. Mais dans sa manière de tourmenter, justement aussi durant la nuit, c'était le même. Aussi dans le fait que le diable ne lui a pas rendu visite quand il était au travail, mais quand il voulait se reposer (NB 11, p. 229-230).

 

42 – La consolation du diable

Au temps de la désolation, on est sous l'influence du mauvais esprit : on est maussade et inquiet, on voudrait en sortir à tout prix et faire quelque chose d'autre. Mais il faut faire attention à ne pas diriger celui qui est désolé vers la consolation du diable. On ne doit pas confondre l'état de consolation avec ce qui est agréable et plaisant. Il n'est pas dit que l'état de consolation soit plus enviable que celui de la désolation. Consolation ne veut pas dire vacances, ni désolation heures de travail (NB 11, p. 377).

 

43 – Les valeurs du diable

A Manrèse, le diable a tenté saint Ignace en lui montrant le monde comme si toutes les valeurs en lui venaient du diable. Comme si la racine de la beauté était le mal et le laid (NB 11, p. 381).

 

44 – Les mensonges du diable

Le diable peut transformer mensongèrement en satisfaction purement égoïste une satisfaction qui provient peut-être réellement de Dieu. Le diable peut aussi s'accrocher aux sentiments de la présence de Dieu : Est-ce que ce n'était pas une sorte de vision ? N'es-tu pas choisi ? Ne vois-tu pas que tu as suffisamment de valeur pour percevoir le surnaturel personnellement ? … Par ailleurs, le diable cherche à réduire ce qui a été réellement vu, à faire grandir celui qui voit, à faire de la vison un but en soi, à troubler la relation avec ceux qui n'ont pas été honorés d'une vison, à se réjouir de la publicité (NB 11, p. 423-424).

 

45 – Le diable et l’apparence du hasard

Le diable cherche à empêcher l'accomplissement de la mission voulue par Dieu; il cherche à donner à la mission l'apparence du hasard qui détacherait le voyant de sa mission (NB 11, p. 424).

 

46 – Lutter avec le diable

Le curé d'Ars lutte avec le diable pour sa paroisse et ses pénitents (NB 12, p. 34).

 

47 - Le diable est tout autre qu’inoffensif

Pendant la tentation, le Fils montre une fois de plus au Père que sa création était bonne et que l’homme est bon. Cependant le Père tremble. C’est une abstraction de dire que le Fils n’aurait pas pu pécher : il est sûr que le danger qui fait trembler le Père ne réside pas dans le Fils, il réside dans le diable qui est tout autre qu’inoffensif. Et le rencontrer, s’entretenir avec lui est dangereux pour tout homme. Et quand le Fils arrête le diable, c’est au milieu d’un danger authentique, d’un combat réel (Exerzitien aus der Sicht des Himmels, dans H. U. von Balthasar, Unser Auftrag. Bericht und Entwurf, Johannes Verlag, Einsiedeln, 1984, p. 155-197).

 

48 – Le diable est attirant

Pour le Fils, porter la tentation équivaut à porter le péché. Il connaîtra sur la croix le fardeau du péché ; maintenant il apprend à connaître ce que le diable a d’attirant. Lui-même veut se laisser attirer par ses arguments, être accompagné par le diable, pour apprendre à connaître la situation de l’homme. Ce diable qui le tente est le même qui tente l’homme. Faire l’expérience de cette situation fait partie de l’expérience que le Fils fait du monde (Ibid.).

 

49 - Le diable se pare de la splendeur du monde

Quand le Fils jeûne quarante jours dans le désert pour faire l’expérience de la tentation, il se défait pour ainsi dire par là de tout le passé, il se vide pour faire l’expérience du diable en la pure présence de Dieu. Il nous ouvre par là le chemin à suivre pour prendre une décision de vie, pour faire un choix de vie : c’est dans la solitude, dans la séparation voulue de tout le reste, dans la prière, mais aussi dans une nouvelle rencontre avec la tentation que la décision doit être prise. Durant la retraite, avant le choix de vie, le diable tentateur se pare de la splendeur du monde. Il n’est pas affaibli par les différentes expériences de la vie que nous avons faites jusque là (Ibid.).

 

50 – La victoire sur le diable

Ascension : le Fils monte au ciel avec son corps, avec le pouvoir d’opérer la résurrection de toute chair. Il a remporté la victoire sur le diable, sur le péché, sur tout ce qui est vain et éphémère, il a pris sur lui le châtiment et l’a annulé, et il a rendu le monde au Père. La rédemption n’est pas un simple acquittement, c’est un surcroît : le Fils amène les hommes au Père dans le ciel en qualité de frères et d’enfants de Dieu. Par la résurrection, la distance entre ciel et terre est surmontée (Ibid.).

 

51 – Un petit diable grotesque

Un jour Adrienne est chagrine et de mauvaise humeur. Cela lui arrive rarement; depuis sa jeunesse, elle est toujours joyeuse et d'humeur enjouée. Des pensées se glissent dans sa tête : que le Bon Dieu est sans doute aussi catholique? Ou bien toutes les différences ne reposent que sur des apparences humaines? Elle est à ce moment-là dans le couloir de sa maison. Elle repousse la pensée tentatrice et, au même moment, elle voit un petit diable fuir le long du couloir. Ce n'était pas un diable effrayant, il était plutôt comique et grotesque. - Début 1941 (NB 8, n. 14).

 

52 – La nature "refroidissante" du diable

Le diable ne vient pas dans l'extase mais quand son temps est achevé. Il vient le plus souvent sous forme de doutes sur l'authenticité de ce qui a été vécu, sous forme d'objections : tout cela "n'a aucun sens", on perd son temps; sous forme de découragement. On reconnaît le diable tout de suite à sa nature "refroidissante", accablante. - Avril-mai 1941 (NB 8, n. 64).

 

53 – Des tourments spirituels

Pendant toute l'octave de la Fête-Dieu, mauvaises nuits pour Adrienne. Quelques visions de diables, elle voit fréquemment de petits diables. Se renouvellent aussi de temps en temps les taches et empreintes sur le bras. Le principal, ce sont les tourments spirituels : doutes, insinuation que tout est inutile. Très troublant et tourmentant, mais pas "épouvantable" au sens propre. - 19 juin 1941 (NB 8, n. 97).

 

54 – De grands diables

Adrienne a vu un jour le Christ dans son bureau de travail, comme en un tableau, comme une statue. Mais quand même sa réalité. Elle voulut aller vers lui pour se prosterner devant lui, mais quelques grands diables la saisirent par le bras. Elle sentit leurs doigts s’enfoncer dans son bras. Puis le Seigneur fit un pas. Les diables disparurent et elle put prier. - Aux environs de la Pentecôte 1942 (NB 8, n. 313).

 

55 – Le diable n’est pas loin

Jours épouvantables pour Adrienne. Un jour elle est plongée dans un froid glacial absolu. Le diable n’est pas loin. Elle se trouve partagée entre Dieu et le néant. Entre une vie en Dieu et une vie selon le monde. Un certain idéal de vertu, de bonne maîtresse de maison, d’habile médecin, etc. Deux miroirs se font face qui se renvoient une image infiniment vide. Elle, entre deux. Aucune possibilité de participer. - Juin 1942 (NB 8, n. 334).

 

56 – Au pouvoir de Satan

Une nuit, Adrienne est chez Hitler. Elle le voit, le scrute, voit tout son entourage. Le jour suivant, elle est dans un état comme rarement encore. Elle dit qu’elle a toute la journée des pensées de suicide. Elle voit un abîme sans fond. L’endurcissement de cet homme, si bien qu’il ne voit plus rien devant lui, aucun moyen d’en sortir. Non parce qu’il est faible mais parce qu’il est tellement au pouvoir de Satan que celui-ci lui a barré toute issue. Dans son entourage, elle voit une foule de jeunes subalternes qui sont tous totalement inhumains, instruments du diable, sans amour et sans émotion, désespérés, durs et capables de tout. - 18 septembre 1942 (NB 8, n. 416).

 

57 – Un diable noir

Durant la nuit, Adrienne a vu deux anges qui étaient en désaccord. Ils avaient l’apparence de deux anges habituels, ils se ressemblaient tout à fait et étaient blancs. Pendant leur discussion, l’un devint de plus en plus gris jusqu’à devenir un diable noir. L’autre devint de plus en plus lumineux jusqu’à briller comme l’or. - Septembre 1942 (NB 8, n. 419).

 

58 – Le petit diable qui se frotte le ventre

Un médecin se vantait devant Adrienne au sujet d’un de ses articles paru dans les “Nouvelles”. Tandis qu’il prenait un exemplaire sur la table, Adrienne vit, assis sur le bureau, un petit diable comme un lutin, qui se frottait le ventre en riant. Puis elle vit dans la pièce des anges et des diables qui concernaient tous ce médecin et représentaient en quelque sorte les deux côtés de son âme. - Septembre 1942 (NB 8, n. 425).

 

59 – La technique du diable

Adrienne s’aperçoit maintenant nettement que le diable était en cause dans ses doutes de ces derniers jours. Elle l’a vu lui-même deux fois cet après-midi. En le regardant, elle comprit aussi sa technique. Elle l’a trouvée incroyablement stupide et lourde. Celui qui n’est pas lui-même en tentation doit le remarquer de loin. C’est justement parce que la tactique du diable est si lourde qu’on tombe dedans. Elle voit par exemple comment le diable poursuit une religieuse gourmande jusqu’à ce qu’elle mange un petit pain bien qu’elle eût décidé de jeûner. Une autre ne va plus le soir à la chapelle bien qu’elle se le fût promis. Adrienne est étonnée que le diable s’intéresse à des "bagatelles" de ce genre. Moi aussi, je fus étonné et je lui dis que je pensais jusqu’à présent que le diable ne s’intéressait qu’aux choses importantes, le reste étant tout simplement la nature corrompue. Adrienne dit que ce n’est justement pas vrai et elle raconta encore beaucoup d’autres cas qui pour elle-même n’étaient pas encore totalement clairs. Elle vit par exemple comment le diable commençait par des choses tout à fait excellentes et puis, de là, très progressivement posait ses lacets et les serrait sans qu’il y paraisse. Ainsi par exemple pour un couple d’amoureux : par pure compassion, un garçon commence une relation avec une jeune fille. Il se donne pour les motifs les plus purs. On dit à bon droit qu’on ne peut davantage offenser une femme qu’en la dédaignant quand elle s’offre. Mais elle l’entraîne d’un péché à l’autre jusqu’à ce qu’il soit intérieurement souillé. Adrienne avait vu le diable se tenir près de la jeune fille dès la première rencontre entre les deux et elle ne comprenait pas ce qu’il avait à chercher là. Elle me raconta encore maintes choses de ce genre. - Veille de la Toussaint 1942 (NB 8, n. 448).

 

60 - Un point de départ pour Satan

Samedi soir Adrienne me parle d’une nouvelle vision sur le discernement des esprits. Elle voyait deux enfants d’environ quinze ans, un garçon et une fille; ensemble par hasard. Ils travaillaient tous deux dans le même champ. Deux enfants sages qui jusqu’alors avaient fait le bien presque par habitude, ne s’étaient jamais décidés à proprement parler ni pour le bien ni pour le mal. S’éveille maintenant dans les deux la sensualité; les deux éprouvent de fortes tentations. Peut-être pour se masturber. Adrienne vit alors le diable auprès d’eux. Elle remarqua combien le plaisir des sens est un point de départ pour Satan. Elle me demande alors comment, à mon avis, Dieu aide ces enfants. Je dis : Je ne pense pas que nécessairement ou la plupart du temps cela doit se faire en pensant à Dieu, mais plutôt par un souvenir presque inconscient de la pureté, de ce qu’on ne veut pas sacrifier, sans le nommer. Par une défense inconsciente pour ainsi dire. Adrienne fut enchantée de cette réponse et elle dit : "Maintenant je vais vous dire ce que j’ai vu ensuite. Peu après, les deux enfants étaient assis à table ensemble. Tout d’un coup Marie se trouva derrière eux et elle les toucha chacun d’un doigt. Aussitôt le mal perdit son visage sans pour autant être oublié. Simplement il n’était plus intéressant". - Novembre 1942 (NB 8, n. 453).

 

61 - Les diables sont toujours à proximité

Ces derniers jours, il est constamment question de Dieu et du diable. Les diables sont toujours à proximité, la nuit Adrienne est terriblement tourmentée. Elle est empoignée et elle a des taches bleues aux bras. Elle est aussi jetée hors de son lit. Elle n’ose plus dormir, car c’est justement durant le sommeil, quand elle se relâche et se trouve sans défense, qu’elle est assaillie par les diables. C’est une ronde incessante. Quand elle a de petites syncopes qui ne durent que quelques secondes, quand elle revient à elle, c’est comme si les figures grimaçantes des diables se dispersaient. - Février 1943 (NB 8, n. 554).

 

62 – Le diable à la peau grise

Pendant tout un temps, la nuit, chaque battement du cœur formait devant les yeux d’Adrienne comme un cercle dans lequel trois diables se poursuivaient réciproquement. Souvent il n’y en a qu’un seul qui se tient en face d’elle. Quand je lui demande à quoi il ressemble, elle dit : "Moitié singe, moitié homme, moitié âne, moitié gnome. Il a une peau grise". - Février 1943 (NB 8, n. 555).

 

63 - Le diable semble infiniment fort

Le soir, assise à son bureau, Adrienne essaie de dire un Notre Père. On peut, dit-elle, dire le Notre Père de manières très différentes. Le prier par exemple à partir de telle ou telle situation de la vie de Jésus. Aujourd’hui elle le prie à partir de la croix. Mais pendant qu’elle essaie, cela devient si terrible que c’est à n’y plus tenir. Elle regarde Jésus sur la croix et le diable qui lutte avec lui pour le jeter en bas de la croix. C’est un combat énorme qui remplit le monde entier et dont tout dépend. Et à cet instant, elle ne sait pas si le Christ vaincra, car le diable lui semble infiniment fort. - Février 1943 (NB 8, n. 559).

 

64 - Des diables sarcastiques

Adrienne avait parlé du diable avec son mari. Celui-ci s’en moquait et pensait que cela appartenait à la "piété populaire", qu’un chrétien éclairé ne pouvait pas croire à ce genre de chose. Pendant qu’il parlait, elle voyait dans la pièce, à gauche et à droite de son mari, des diables sarcastiques. - Février 1943 (NB 8, n. 560).

 

65 – La sottise insondable du diable

Vers cinq heures, Adrienne se réveille avec le sentiment d’être écrasée et d’étouffer, et cela corps et âme. Il lui sembla que le diable était assis sur elle de tout son poids. D’abord avec toute sa méchanceté, puis avec tout son mensonge et sa fausseté, contre lesquels on ne peut pas se défendre. Puis avec sa sottise insondable. - Février 1943 (NB 8, n. 562).

 

66 - Un combat terrible contre le diable

La journée commence par un combat terrible contre le diable. Le mal lui semble être partout, non plus seulement dans le diable. Elle donne cette comparaison : c’est inversé comme lorsqu'on est au théâtre où une pièce diabolique est jouée ; quelqu’un joue le rôle du diable et il est très difficile de se représenter qu’au fond c’est un brave homme dans la vie de tous les jours. Ici c’est inversé : on voit de tout à fait braves gens et on doit croire d’eux qu’au fond de leur cœur ce sont tous des diables et de grands pécheurs. - Février 1943 (NB 8, n. 566).

 

67 - Combats avec le diable

Chaque nuit, combats avec le diable. Souvent Adrienne ne ferme pas l’œil de la nuit, elle la passe à genoux au pied de son lit. Ses bras sont couverts jusqu’en bas de taches rouges et noires et, à un mollet, tout un trou lui est fait, et cela toujours à nouveau la nuit. Je luis dis de prendre avec elle de l’eau bénite dans sa chambre à coucher. Elle pense déjà l’avoir fait à l’occasion, mais elle ne cesse de l’oublier. - Avril 1943 (NB 8, n. 624).

 

68 - En lutte contre le diable

Après avoir prié toute la nuit à genoux, en partie en grande joie, en partie en lutte contre le diable, Adrienne est allée l’après-midi à l’hôpital psychiatrique rendre visite à X. - 23 mai 1943 (NB 8, n. 637).

 

69 – Il me hait

Ce matin-là, un diable se trouvait constamment dans le coin de la chambre d’Adrienne, à la fenêtre près du bureau. Elle le voyait et le sentait sans interruption. Quand je lui demandai ce qu’il faisait, elle dit : “Il me hait; il voudrait avoir l’enfant(c’est-à-dire la communauté Saint-Jean à fonder). - 29 juin 1943 (NB 8, n. 705).

 

70 – Entourée de diables

Angoisse et abandon. L’angoisse est si grande que le moindre mouvement la plonge dans l’effroi. Si, au lit, elle vient dans un endroit frais, elle pense toucher un serpent. Elle se sent entourée de diables de partout et, intérieurement, elle a perdu toute foi, toute espérance et tout amour. Elle est extrêmement fatiguée et elle tombe plusieurs fois en syncope. Une fois aussi à l’hôpital, après avoir fait trop de visites de malades- - 6 juillet 1943 (NB 8, n. 717).

 

71 - Les petits diables et le grand diable

Nuit de dimanche à lundi. Violents combats contre le diable. Adrienne m’explique plusieurs choses au sujet de ces combats. Il y a des diables tout à fait différents les uns des autres. Il y a les petit diables (elle m’en a souvent décrit : de petits êtres comme des animaux ou de petits enfants). Ceux-ci peuvent harceler et pincer mais non troubler sérieusement. Puis il y a le diable qui a pour ainsi dire la même taille que nous, avec qui on peut lutter comme d’égal à égal. Il s’en prend aux parties faibles de l’homme. Je lui demande comment elle lutte contre cela. Elle dit : "Avec la prière. Souvent la prière suffit pour souffler tout cela". Puis il y a aussi le grand diable, qui vous maîtrise, auquel on est en quelque sorte livré. Contre lui on ne peut pas lutter. On doit y succomber tant qu’il plaît à Dieu. Adrienne me demande si je pense que les diables doivent rester diables éternellement. Je lui demande comment la question lui est venue. Elle dit : "Parce que les démons ont souvent des traits si humains". Je lui demande si elle est sûre que tous ces démons sont aussi des êtres personnels particuliers. Elle réfléchit et dit : "Non, cela je ne le sais pas sûrement à vrai dire. Il pourrait se faire qu’ils ne sont que des personnifications, comme des bras suceurs d’un grand polype". Aujourd’hui une fois de plus les bras d’Adrienne sont parsemés de taches bleues. - Juillet 1943 (NB 8, n. 727).

 

72 – Un diable géant

Ces jours-là, le démon eut un grand pouvoir sur Adrienne. Notre deuxième neuvaine consistait en la visite quotidienne d’une église. Le jeudi, elle se rendit en voiture en grande angoisse à l’église du Saint-Esprit. Tout au fond était agenouillée une femme. Adrienne vit qu’elle était dans la grâce, ce qui l’effraya; elle-même n’était pas digne de prier à côté de cette femme, elle alla plus loin, chercha à prier; elle vit alors derrière l’arcade du chœur un diable géant qui ressemblait à un dragon avec des pattes énormes. Devant lui par terre gisaient des hommes. C’était des mourants qui à la dernière heure cherchaient à s'éveiller à un acte de contrition mais le démon les en empêchait l’un après l’autre avec sa patte. Un spectacle horrible. Adrienne pensait dans son angoisse : "Comment se fait-il que le diable a un tel pouvoir dans l’Église? Est-ce que le Seigneur n’est pas là pour le renverser?" - Juillet 1943 (NB 8, n. 751).

 

73 - Le diable est déjà là

Le soir, Adrienne a une grande angoisse d’aller au lit. C’est la nuit de jeudi à vendredi. Elle craint que le grand diable lui apparaisse une fois encore. Elle en sent la proximité. Elle reste en bas jusqu’à trois heures du matin (par peur, dit-elle) et écrit son livre sur le mariage. Puis elle monte et le diable est déjà là aussi. - Juillet 1943 (NB 8, n. 753).

 

74 – La puissance du diable

Journée très difficile. Une course unique, angoisse et grande inquiétude. La puissance du diable sur elle est effrayante. Il la tient constamment à l’épaule et la presse comme pour attester sa maîtrise. Elle éprouve une si vive tentation de se jeter par la fenêtre qu’elle se couche par terre dans sa chambre uniquement pour ne pas devoir aller à la fenêtre. Avec cela, la constante tentation de mener à nouveau une "vie normale" : "Renonce donc au pape et tu pourras mener la vie d’une catholique estimée. Tu pourras prendre dans l’Église une place beaucoup plus considérée. Renonce à ces jésuites, il n’y a plus rien à faire avec eux". - 30 Juillet 1943 (NB 8, n. 755).

 

75 – Souffrir du diable

La nuit, Adrienne a de nouveau beaucoup à souffrir du diable. Elle a une forte crise cardiaque qui, comme elle dit, provient uniquement de ce que le diable a pesé sur elle de tout son poids. L’angoisse devient si grande qu’elle doit se lever à nouveau et qu’elle travaille fiévreusement de 1 H à 3 H à son livre sur le mariage et note comme sous la dictée une foule de pensées. - Août 1943 (NB 8, n. 768).

 

76 - Le diable invente tout ce qui est possible

Samedi, Adrienne est plus défaite que jamais. Elle m’explique que la nuit précédente le diable avait inventé tout ce qui était possible. Elle était morte de fatigue en allant se coucher et ne pensait qu’à pouvoir se reposer quand elle entendit un grand bruit sourd dans la cage d’escalier. Puis ce fut comme si quelqu’un sortait de sa chambre dans le couloir avec un énorme vacarme et s’effondrait là sur le sol. Adrienne se leva en grande angoisse pour voir, mais il n’y avait rien à voir. Quand elle eut regagné son lit, on commença à frapper constamment au mur derrière son lit. Elle se releva pour voir, ce n’était qu’un grand papillon de nuit noir. Elle le chassa par la fenêtre et se recoucha. Aussitôt on recommença à frapper de la même manière. Elle sut alors que c’était le démon. Il la tourmenta encore de maintes manières toute la nuit. Adrienne dut endurer tout cela dans l’angoisse intime et les ténèbres. - Août 1943 (NB 8, n. 771).

 

77 - Le diable souille par son regard

Une nuit, quand elle entra dans sa chambre à coucher, le diable était déjà là. Elle commença par prier, mais il ne s’en alla pas. Elle l’aspergea d’eau bénite: il disparut aussitôt. Puis elle fit pénitence pour Mlle X, elle se coucha longtemps par terre jusqu’au moment où elle se sentit mal. Mais elle ne se leva pas; elle sentit arriver la syncope et elle s’en réjouit. Au bout d’une heure ou deux, elle revint à elle. Son bras droit était paralysé. Elle se glissa péniblement dans son lit. Elle était très fatiguée et elle voulut s’endormir tout de suite, mais elle remarqua que le diable était assis au pied de son lit. Elle était trop faible pour saisir l’eau bénite et elle décida donc de le supporter. Ce qu’elle ressentait, ce n’était pas de l’angoisse à proprement parler, mais surtout un sentiment d’indiscrétion ultime et de profanation. Le diable s’empare de la sphère personnelle intime, il est d’une curiosité totalement répugnante. Il surveille constamment, on perd tout naturel. Il est si dégoûtant qu’il souille par son regard. Cela dura environ une heure et demie ; vers 5 heures, Adrienne trouva la force de prendre le bénitier et de l’en asperger. Il disparut aussitôt. Adrienne garde l’impression d’avoir été offensée au plus intime et d’avoir été dépouillée de ce qu’elle avait de meilleur. Elle recommença alors à écrire : d’une main la plume et à portée de l’autre main le bénitier. - Novembre 1943 (NB 8, n. 884).

 

78 – Absolument répugnant

La nuit suivante. Adrienne avait lu quelque chose qui lui avait fait plaisir et elle s’endormit dans cette joie un peu avant une heure. Elle s’était à peine endormie qu’elle se réveilla parce qu’elle manquait d’air. Le diable était assis sur sa poitrine, directement sur le cou, absolument répugnant. Elle dut rassembler toutes ses forces pour le repousser. - Novembre 1943 (NB 8, n. 885).

 

79 – Le diable qui tient des discours de libre penseur

Sans cesse le diable dans la chambre. Adrienne ne peut pas le chasser parce que son bras est comme paralysé et l’eau bénite est dans le tiroir. Le diable est assis près de son lit et il lui tient des discours de libre penseur. Malgré leur sottise ils ont quelque chose de frappant. On ne peut rien y répondre. - 9 novembre 1943 (NB 8, n. 886).

 

80 – Le diable voleur

Samedi, quand Adrienne rentra chez elle, elle vit dans la cheminée brûler un feu qu’elle n’avait pas allumé. Il y brûlait des morceaux de papier. Cela lui sembla étrange, mais elle n’y prêta guère attention. Lundi, elle s’assit à son bureau et se mit à écrire. Quand elle se leva, du papier brûlait à nouveau dans la cheminée sans que le bois qui s’y trouvait fût également en feu. Alors elle vit le diable. Depuis ce moment-là, il l’accompagna toute la journée, tantôt visible, tantôt invisible. Quand Adrienne me raconta cette affaire, je lui demandai de vérifier si ses papiers se trouvaient encore là. Elle fouilla dans le tiroir : toute une chemise où elle avait rassemblé des notes sur des visions, surtout des visions de Marie, était vide. Manquaient aussi plusieurs feuilles où elle avait commencé à récrire pour le livre les chapitres qui une semaine ou deux auparavant avaient été déchirés dans son cabinet de consultation. Manquaient enfin des ébauches qu’elle n’avait pas encore terminées. Il s’agissait surtout d’un essai d’une dizaine de pages sur l’eucharistie, dont elle était très heureuse et qu’elle considérait comme la meilleure chose qu’elle eût écrite jusqu’à présent. - Novembre 1943 (NB 8, n. 901). On lit dans la vie de Gemma Galgani qu’un jour le démon fit disparaître le feuillet de l’autobiographie qu’elle écrivait sur ordre du P. Germano, son directeur spirituel. Cf. Philippe Plet, Prier quinze jours avec Gemma Galgani, p. 74.

 

81 – Une petite guerre avec le diable

Dans la nuit de mardi à mercredi une petite guerre constante mais extrêmement fatigante avec le diable. "Rien de gigantesque, seulement une éternelle petite terreur". Le diable la serre aux épaules. Chaque fois qu’elle veut s’endormir, il l’en empêche. Si elle veut écrire quelque chose et qu’elle a sous la main plume et papier, il les enlève ou bien il la met dans une sorte de paralysie spirituelle. Cette paralysie, elle la sent du reste déjà depuis assez longtemps quand l’après-midi au retour de ses consultations elle prépare tout pour écrire. Elle sait exactement ce qu’elle veut dire, mais une force inexplicable l’empêche de commencer à écrire. Adrienne dit qu’elle comprend cela d’autant moins qu’il n’est pas du tout dans ses habitudes d’hésiter. - Novembre 1943 (NB 8, n. 902).

 

82 – Les tracasseries du diable

J’avais commandé à Adrienne dans l’obéissance d’écrire les choses que combat le diable. Il y a maintenant une bataille grotesque. Adrienne n’est pas dans le “trou” à proprement parler mais elle désespère à cause des tracasseries du diable. Toute une troupe l’empêche maintenant de travailler. Ils s’assoient sur son bras quand elle veut écrire. Ils s’assoient sur le papier. Elle peut les faire fuir comme des mouches avec de l’eau bénite et un signe de croix. Mais quand elle essaie d’écrire, ils sont là à nouveau. - Novembre 1943 (NB 8, n. 903).

 

83 - Le diable empêche toute prière

Toute la nuit elle fut dérangée et tourmentée. Le matin, elle dormit un peu, puis le combat recommença. Vers 11 heures je lui téléphone. Elle est extrêmement fatiguée et énervée. Le diable empêche toute prière, toute contemplation et tout recueillement, il est importun et curieux de manière répugnante. Il est assis sur le lit et il regarde Adrienne. "S’il répandait au moins un peu de chaleur, on pourrait s’en servir pour chauffer, mais il est glaireux et froid". Quand elle pense que l’après-midi elle devra encore une fois travailler de la sorte, elle ne se sent pas bien du tout. Je lui suggère de faire quelques visites cet après-midi. Mais elle refuse ; le diable rirait si je voulais fuir devant lui. Maintenant qu’est évidente l’origine de la paralysie de ces dernières semaines, je dois y faire absolument très attention sinon ce ne sera pas surmonté intérieurement et cela recommencera sous peu. Elle n’est pas à proprement parler dans le "trou". - Novembre 1943 (NB 8, n. 903).

 

84 – Visions du diable

Les visions du diable continuent. Passant en voiture dans Petit Bâle (Kleinbasel), Adrienne voit une foule de diables assis sur un mur d’où ils s’enfuient à son approche. De petits anges prennent leur place et ils font des gestes comme pour balayer et nettoyer. Chez elle, c’est encore une fois le combat à son bureau. Adrienne est toujours plus désespérée, des pensées de suicide se font même jour. Quand il y a beaucoup de petits diables, le combat est possible; mais quand le grand vient, il paralyse toute force et tout courage. Le soir, le diable disparaît avec un grand bruit et il fait encore du cliquetis dans les airs. Il fait place à une grande angoisse. - Novembre 1943 (NB 8, n. 903).

 

85 – Un sabbat de sorcières

L’après-midi, téléphone d’Adrienne : elle est au bout de ses forces. Tous les diables sont là de nouveau et il se fait dans sa chambre comme un sabbat de sorcières. Elle venait de l’hôpital où elle s’était fait couper par une Sœur une tumeur douloureuse sous un bras. Elle revint chez elle avec de fortes douleurs, elle voulait travailler mais les diables sont là tout à coup et ils commencent à la tourmenter. Tout est mis pêle-mêle sur la table, le journal enlevé, l’annuaire téléphonique retourné. Quand elle prend quelque chose pour le ranger, on le lui arrache des mains. De travailler, il n’en est pas question. Ses pensées aussi sont sens dessus dessous, le tout est énervant au plus haut point. Avec cela on ne voit pas le moindre sens d’une telle opération. Dans le "trou", on peut se représenter théoriquement que cela sert à quelque chose. Mais ces simagrées? Ou bien c’est peut-être quand même un art raffiné de torture? Devant la nuit qui arrive, elle a carrément de l’angoisse. Je pense que le démon s’acharne particulièrement pour le 8 décembre, jour où nous devons commencer (il s’agit de la communauté Saint-Jean). - 22 novembre 1943 (NB 8, n. 915).

 

86 – Les diables se tenaient menaçants

Mardi, durant la nuit, il semble un instant qu’elle pourrait prier. La prière est là comme une exigence pressante, comme une planche de salut. Mais les diables l’empêchent à nouveau, l’éteignent. Finalement Adrienne se raccroche au texte de l’Ave Maria comme à un fétu de paille. Puis elle s’endort pour peu de temps. Le matin, les diables sont de nouveau là. Dans la soirée recevait un visiteur; tant qu'il fut là, il n’y eut rien de singulier dans la chambre, les diables se tenaient menaçants en attente dans un coin. Dès qu’Adrienne fut seule et qu’elle voulut écrire deux lettres, la danse recommença; tout ce qu’elle ne retenait pas lui était arraché : le stylo, le papier à lettres. - Novembre 1943 (NB 8, n. 916).

 

87 – Les diables étaient là

A la consultation, la plaie du front lui faisait tellement mal qu’elle regarda involontairement dans la glace. Pendant toute la consultation, les diables étaient là, attendant et menaçant. - Novembre 1943 (NB 8, n. 921).

 

88 – Entendre le diable

Le jour de Pâques dans l‘après-midi, Adrienne avait montré au P. Balthasar le livre sur le mariage : trois chemises avec cinq lettres terminées auxquelles elle avait travaillé longtemps et avec peine; deux chemises avec des lettres commencées et des brouillons. Puis elle avait tout rangé. Ensuite elle était partie manger; quand elle revint, la chemise avec les lettres terminées avait disparu. Adrienne comprit aussitôt que c’était le diable. Elle ne le vit pas mais elle l’entendit toute la soirée. Elle était consternée; pas tellement à cause du temps et du travail perdus que parce que cela devait lui arriver le jour de Pâques. - Pâques 1944 (NB 8, n. 1078).

 

89 – Le diable qui épie

Dans les jours qui suivent Pâques, Adrienne a de fréquentes visions du Seigneur et de la Mère; mais elle était cependant toujours légèrement inquiète, elle sentait le diable épier de loin et rôder autour d’elle. - Lundi de Pâques 1944 (NB 8, n. 1079).

 

90 – Le diable qui rôde

Le temps qu’Adrienne passe à Vitznau est intérieurement serein, mais le diable rôde autour d’elle de loin. Elle raconte qu’elle n’a encore jamais si bien perçu les relations entre le ciel et l’enfer. Elle vit Ignace et Satan, la Mère de Dieu et Satan. Satan n’a sur elle qu’un pouvoir extérieur. Un jour qu'elle classait sur sa table les papiers qui lui restaient pour le livre sur le mariage, elle vit disparaître sous ses yeux un tas de notes. A la fin des vacances elle a encore environ le quart de ce qu’elle possédait au début. - Avril 1944 (NB 8, n. 1083).

 

91 – Gemma Galgani et le diable

Adrienne a lu la vie de Gemma Galgani. Elle est indignée au sujet du P. Germano et des épreuves insensées d’obéissance auxquelles il la soumit à propos de rien. Elle est très étonnée du fait que le diable, qui avait volé Gemma un grand manuscrit, l’avait rapporté sur l’ordre de Germano, presque carbonisé mais encore lisible. - Avril 1944 (NB 8, n. 1095).

 

92 – Des illusions qui ne viennent pas du démon

"La grande Thérèse", dit Adrienne, parle tellement d'illusions dans les visions! Pourquoi vraiment? Pour ses propres visions, un tel sentiment d'évidence, d'origine divine, de présence de Dieu les accompagne toujours si bien qu'il n'est pas du tout question d'illusion tant que dure la vision. Le P. Balthasar lui explique que l'illusion est sans doute toujours exclue là où l'on ne "s'entraîne pas à la mystique" et où il n'y a pas de curiosité dans la réception des grâces. La plupart des illusions en ce domaine ne viennent pas du démon en tout cas, mais de l'homme lui-même qui s'écarte de la juste disposition. Ces pensées la réjouissent grandement. - Avril-mai 1941 (NB 8, n. 64).

 

93 – Le froid spirituel causé par les démons

Une nuit, Adrienne est entourée de démons. Elle reconnaît toujours leur présence à un certain froid spirituel, surtout à des doutes. Elle est tracassée extérieurement bien que, comme elle dit, cela n'ait pas été grave. Elle est traitée durement, serrée au bras gauche. Le matin, son bras est parsemé de taches noires et bleues qui ressemblent à des empreintes de doigts. J'ai vu son avant-bras, et elle assure que le haut du bras est encore pire. Elle espère, dit-elle en riant, que cela aura disparu avant le temps des manches courtes. Elle ne ressent pas de douleur à ces endroits. - Avant la Pentecôte 1941 (NB 8, n. 89).

 

94 – Donner le petit doigt au démon

Dans une vision, Adrienne voit une scène de la vie de saint Ignace qui s’était vraiment passée : Ignace lutte dans la tentation, le démon cherche à le lier avec une corde, c’était dans les années qui précédaient la fondation de la Compagnie. Le démon lui souffle à l’oreille : "Renonce donc à cet apostolat, je te promets alors que tu pourras prier toute ta vie durant". "C’était la tentation de la contemplation", explique Adrienne; et elle ajoute : "Il est bien possible que suite à une trahison de ce genre il aurait reçu réellement la paix et la grâce d’une sainte vie contemplative. Je ne le sais pas exactement, mais c’est possible. Il se peut aussi en tout cas que le démon prenne la main tout entière si on lui donne le petit doigt". - 30 Juillet 1943 (NB 8, n. 755).

 

95 – Livrée au Malin

Adrienne tient sa consultation avec plus de 39 de fièvre. Le soir, la fièvre continue si bien qu’elle tient à peine debout. Son mari pense que cela vient de la chaleur. Elle me dit que c’est simplement le démon qui, toute la nuit, l’a tracassée outre mesure. J’espérais que c’en serait fini avec cela, mais la nuit du jeudi au vendredi fut encore plus mauvaise. Cette nuit-là, le démon fut inimaginable, épouvantable. Dans cette souffrance, Adrienne fut en quelque sorte déçue que quelqu’un puisse être ainsi livré au Malin sans défense. - Août 1943 (NB 8, n. 770).

 

96 - Le démon se présente tout d'un coup

Le 6 novembre, après-midi, Adrienne me téléphone de sa consultation. Elle est inquiète. Elle a écrit plusieurs pages d’un livre du médecin au sujet des relations entre médecin et patient. Elle me demande si elle peut me remettre les feuilles. Elle voudrait ne plus les avoir chez elle. Elle pourrait beaucoup mieux continuer à travailler si elle les avait mis en dépôt chez moi. Je ne comprends pas bien ce que tout cela veut dire et finalement je lui dis oui avec un peu d’impatience. Elle doit me les remettre à l’occasion. Une heure plus tard, Adrienne apparaît en grande angoisse et très excitée. Peu après son appel téléphonique, comme elle était assise devant ses feuilles, le démon se présenta tout d'un coup à côté d’elle, il prit les papiers de la table, lui arracha des doigts la feuille qu’elle tenait en main et déchira le tout en petits morceaux. Là-dessus Adrienne avait à aller à l’hôpital auprès de Mlle X. - 6 novembre 1943 (NB 8, n. 882).

 

97 – Le sabot de cheval

Le 22 juin, Adrienne passe en voiture rue Holbein et elle voit devant elle sur le trottoir un prêtre qui boite et qui porte sous le bras un gros paquet. Elle le voit de derrière, et de le voir la remplit de crainte et la met mal à l’aise. En passant à côté de lui, elle voit qu’à un pied il a une chaussure tandis que l’autre pied est un sabot de cheval. A cet instant, la forme disparaît en brume. Adrienne me dit par la suite que c’est vraiment très gênant de penser aux substances dont est rempli l’air qui nous entoure. La nuit suivante, elle revit le même diable dans sa chambre à coucher. - 22 juin 1944 (NB 9, n. 1146).

 

98 – Des diables menaçants

Le diable la tracasse à nouveau. Un soir, quand elle voulut monter dans sa chambre, elle trouva la cage d’escalier pleine de diables, grands et petits. Ils étaient si menaçants qu’à leur vue elle fit un faux pas, tomba par terre et resta assise environ deux heures dans l’escalier sans avoir le courage de se lever. - Juillet-août 1944 (NB 9, n. 1160).

 

99 – Le diable assis sur des papiers volés

Aujourd’hui Adrienne a vu son manuscrit volé et d’autres livres et écrits volés précédemment. Ils étaient chez le diable et celui-ci était assis dessus. De temps en temps il tirait l’une des feuilles de dessous lui, la chiffonnait et la jetait devant lui dans l’eau. Je dus bénir ses nouveaux cahiers et ses nouveaux papiers pour qu’ils ne soient plus volés. - 2 novembre 1944 (NB 9, n. 1197).

 

100 – Le diable vêtu de noir

Le diable recommence à se montrer. Un jour, étant dans le couloir, elle le voit traverser la pièce et disparaître dans le petit salon : grand, vêtu de noir. Le 20, au matin, elle revoit le Seigneur, plein de bonté et bénissant. - Janvier 1945 (NB 9, n. 1237).

 

101 – Le diable et l’eau bénite

Le diable la tourmente. Elle est parsemée de taches noires. Un jour, elle essaie d’écrire un brouillon à son bureau, mais le diable y est assis et cela lui cause une sorte de nausée comme à l’annonce d’une grippe. Avec des signes de croix et de l’eau bénite, il n’est jamais chassé que pour un instant; il réapparaît aussitôt à l’autre bout du bureau. Plus tard, le diable l’agace en faisant constamment ouvrir la porte de la pièce et Adrienne doit sans cesse se lever pour la refermer. La porte n’est ni abîmée ni branlante. - Janvier 1945 (NB 9, n. 1244).

 

102 – Tracasseries du diable

La nuit dernière, elle était assise pleine d’angoisse à son bureau, la maison était vide. Soudainement, elle eut le sentiment que quelqu’un était dans la pièce. Elle se leva pour vérifier, dans une angoisse grandissante, mais elle ne trouva personne. Puis elle entend nettement des pas dans le couloir. On frappe, elle crie : entrez. Personne. Elle va voir : il n’y a personne. Après un instant, on frappe à nouveau. Elle retourne voir, la lumière est allumée et la porte donnant sur le balcon est ouverte. Elle va voir sur le balcon : personne. Elle ferme, éteint la lumière, retourne dans la pièce. La même scène se reproduit bientôt. Elle passe alors dans toute la maison comme folle d’angoisse. Elle voit que tout à coup la porte de sa chambre, qui donne sur le balcon et qui se ferme de l’intérieur, est grande ouverte, mais il n’y a personne. Elle entend alors un coup de feu sur le balcon; cela la soulage : il y a donc quand même quelqu’un là. Quand elle revint dans sa chambre, il y avait une cartouche sur le tapis; elle me la montra le lendemain. Tout cela, ce sont manifestement des tracasseries du diable pour augmenter son angoisse. - Mars 1945 (NB 9, n. 1271).

 

103 – Du caoutchouc brûlé

Le 6 mai au soir, pendant le travail sur l’évangile de Jean, Adrienne s’interrompt soudainement et dit étonnée : "Qu’est-ce que c’est? Vous ne sentez rien? Comme du caoutchouc brûlé". Je dis que je ne sens rien. Elle est tout à coup grave et paisible. Puis elle dit : "C’est le diable". - 6 mai 1945 (NB 9, n. 1305).

 

104 – Nouveau vol du diable

Je suis de nouveau à Lucerne. Elle m’avait dit à Einsiedeln que le manuscrit des lettres de mariage lui avait été à nouveau volé par le diable. - 1er août 1945 (NB 9, n. 1332).

 

105 – Un rassemblement de diables

Le soir, vers neuf heures, j’étais parti faire une petite promenade. Quand je rentrai et me trouvai encore à l’étage du dessous, Adrienne descendit et me demanda qui avait sonné. Je lui assurai que je n’avais pas entendu sonner; j’allai à la porte d’entrée pour vérifier, il n’y avait personne. Puis j’allai me coucher. Le lendemain matin, Adrienne me raconta que, peu après, on avait à nouveau sonné. Ce n’était pas tout à fait le son de la sonnette de la maison, mais un signal semblable et prolongé. Elle descendit et trouva devant la porte tout un rassemblement de diables qui demandaient la permission d’entrer. Elle savait seulement qu’elle devait refuser de toutes ses forces. Elle rentra pour prier; finalement, comme elle ne savait plus que faire, elle se rendit à la chapelle, prit de l’eau bénite et en mouilla le seuil de l’escalier. Elle dit : "Les diables ne sont vraiment pas entrés". - 5 août 1945 (NB 9, n. 1334).

 

106 – L’archange qui lutte contre le dragon

Adrienne a des visions de l’Apocalypse 12,7-11. Elle voit le grand dragon lutter contre le grand ange (elle dit : c’est Michel vraisemblablement), et les petits démons contre les petits anges. Ce n’est pas Dieu qui s’abaisse à lutter personnellement contre le diable, il engage pour cela un archange qui est du même rang que le dragon. D’après leur rang, les chances du combat sont égales. C’est un combat violent au milieu du ciel. On voit seulement que le dragon n’a pas la victoire, il n’a plus sa place au ciel, il en est précipité avec ses partisans. - Août 1945 (NB 9, n. 1338).

 

107 – Les pièges du diable

On doit se tourner vers Dieu, on se fait alors proche de Dieu. Le Fils, Marie, tous les saints furent inaccessibles aux pièges du diable. - 15 Août 1945 (NB 9, n. 1352).

 

108 – Cracher au visage du diable

La nuit, très tard, comme elle veut aller se coucher, elle voit un diable à la porte de sa chambre à coucher, grand et massif; elle ne voit pas sa tête. Ce diable est terriblement imposant et répugnant; on est horriblement couvert de honte sous ses regards indiscrets. Elle le hait et le méprise. Puis, par la porte ouverte, elle voit que la Mère se trouve dans sa chambre, enveloppée d’un manteau gris. Elle voudrait aller vers elle, mais il n’y a pas d’autre chemin pour y aller que de passer devant le diable. Elle s’y refuse longtemps; le désir d’être avec la Mère grandit en elle et, tout d’un coup, sans savoir comment, elle se voit transportée dans sa chambre. La Mère est amicale mais elle dit : on ne devrait pas passer tout près du diable trop machinalement. Ignace aussi est là tout d’un coup et il lui dit qu’elle devrait retourner et venir auprès de la Mère en passant devant le diable. Elle le fait et passe courageusement devant le diable en lui crachant au visage. - 26 octobre 1945 (NB 9, n. 1377).

 

109 – Deux diables

Un soir, Adrienne est à son bureau et range des fiches. Elle voit alors que l’un des paquets disparaît : c’est celui avec ses notes sur la prière, pour Noël. Aussitôt après, elle voit deux diables le déchirer dans un coin de la pièce. Elle voit les feuilles tomber par terre et d’autres sont chiffonnées. Elle se lève et y va, mais toutes les feuilles ont disparu. Elle me raconte cela après coup; je lui dis qu’elle doit demander à saint Ignace s’il peut les rapporter. Elle le fait, mais saint Ignace répond que cela n’est pas en son pouvoir. - Novembre 1945 (NB 9, n. 1417).

 

110 – Les griffes du diable

Un soir, Adrienne me téléphone : je dois y aller le plus tôt possible. J’y vais et je la trouve très agitée et défaite. Elle peut à peine parler. Quand elle s’est un peu apaisée, elle dit : c’est à cause de X. Et, en hésitant, elle commence à raconter. Elle a vu l’âme de l’Abbé X : à proprement parler deux âmes différentes; l’une, bonne, avec des fautes manifestes et avec la connaissance de ces fautes et une sorte de repentir à leur sujet; l’autre, dans les griffes du diable. Adrienne me donne une description précise et longue de l’état de son âme; à l’arrière-plan de son christianisme : fierté, calcul, rigueur, ambition. Sa bonté excessive aussi est au fond calcul. A un certain endroit, ce calcul est l’assurance vis-à-vis d’un Dieu possible. Elle sait qu’elle doit aller trouver X pour le secouer. Elle résiste à cet appel qui lui paraît inouï : "Que dois-je donc lui dire d’un ciel si serein?" Elle trouve qu’on lui en demande incroyablement trop. Toute son âme est dans un tourbillon, dans le même tourbillon que le manque de foi de l’Abbé. Le lendemain, elle y va de fait. Elle est dans la plus grande angoisse jusqu’au moment où elle se trouve en face de lui. Elle commence alors à parler, tout amour et sagesse et prudence. Elle parle d’une manière indirecte : d’un prêtre qui pourrait être comme ci et comme ça. Adrienne le décrit si exactement que X fond en larmes et dit : "Ce prêtre, c’est moi. Qu’est-ce que je dois faire?" Elle donne quelques directives et promet sa prière. Il dit : "Je retomberai". Elle dit qu’elle priera et intercédera pour lui. - Décembre 1945 (NB 9, n. 1432).

 

111 – Encore un vol du diable

Récemment le diable lui a volé à nouveau des manuscrits dont elle voulait me faire la surprise à Noël. - Décembre 1945 (NB 9, n. 1438).

 

112 – Un rude combat contre le diable

Adrienne continue à écrire sa biographie, le soir le plus souvent, puisque je ne peux plus aller place de la cathédrale. Elle le fait à contrecœur, ça l’ennuie beaucoup de s’occuper ainsi d’elle-même. Elle le fait uniquement pour me faire plaisir. Il lui est arrivé une fois d’avoir pendant deux jours un rude combat contre le diable qui cherchait à nouveau à lui arracher les feuilles, et de fait il en a détruit quelques-unes. C’est pourquoi maintenant, chaque fois qu’elle me voit, elle me donne ce qu’elle a écrit. - Mars 1946 (NB 9, n. 1507).

 

113 – Un chien qui hurle

Dans la rue, elle écrase presque un chien qui hurle horriblement. Elle dit : je suis convaincue que c’était le diable; il tournait autour des gens en hurlant. - Janvier 1947 (NB 9, n. 1695).

 

114 - Un combat avec le diable

Son bras est enflé et plein de taches noires qui la brûlent. C’était un combat avec le diable. - Mars 1947 (NB 9, n. 1755).

 

115 - Camouflage

Encore une fois le diable. Il devient toujours plus "sérieux". Au premier instant, on ne le remarque pas. Il s’accroche là où se trouvait justement encore Dieu. Comme si les paroles du Seigneur devaient se transformer insensiblement en celles du diable. Transition camouflée. - Mars 1947 (NB 9, n. 1756).

 

116 – Le diable qui salit

Comme c’est le carême, Adrienne cherche à méditer chaque sacrement. Le diable cherche toujours à minimiser leur efficacité jusqu’à ce que finalement il soit indifférent de les recevoir et peu importe quand. Comment un nourrisson peut-il s’apercevoir qu’il est baptisé! Et il serait plus intelligent de fournir une fois un vrai petit déjeuner à cette vieille femme qui communie tous les jours. Et les confessions sont quand même toutes fausses, parce que personne ne peut savoir et dire ce qui s’est vraiment passé. Il trouve ainsi à redire à tout, toujours un peu pour salir. Il ne s’ensuit pas un vrai combat parce qu’on est trop fatigué pour cela. - Carême 1947 (NB 9, n. 1757).

 

117 - Arrière, Satan

Un jour, Adrienne ne cessait de répéter le Notre Père. Mais il lui fut toujours plus difficile de dire : "Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal". La dernière phrase semblait à chaque fois imprononçable. Elle pensa : c’est sans doute la phrase qui compte maintenant. Lui vint alors à l’esprit la tentation du Seigneur et elle pria : “Arrière, Satan”. - Mai 1947 (NB 9, n. 1792).

 

118 – La tactique du diable

Il y a une tactique précise du diable : il avance par à-coups. - 6 septembre 1947 (NB 9, n. 1884).

 

119 – Le démon et le crucifix

En septembre 1946, Adrienne livre au P. Balthasar des commentaires sur le ciel de l’Apocalypse. "Une nuit, je lui laissai les feuilles. Elle eut un combat avec le démon qui voulait les lui voler : une grosse liasse qui aurait été irremplaçable! Elle posa dessus un crucifix : cela avait été le seul moyen de se protéger. A l’avenir, je ne pus plus lui laisser de feuilles pour la nuit". - Septembre 1946 (NB 9, n. 1597).

 

120 - Cela ne va pas sans un combat contre Satan

Le chrétien montre au non chrétien quelque chose de tout à fait étrange : le non chrétien se trouve dans une sorte d’équilibre de la morale; mais le chrétien affirme posséder une réponse à quelque chose que l’autre ne sent pas du tout, qu’il n’appelle pas. Il lui apporte une inquiétude dont l’autre affirme ne rien savoir et ne rien vouloir. Ce n’est que lorsque le non chrétien crée en son âme un espace qu’il commence à attirer en elle la grâce du Seigneur. Mais alors il doit commencer en même temps à lutter contre Satan qu’il n’avait pas connu au fond auparavant. Le chrétien a la mission de rencontrer l’autre là où il y a en lui la possibilité d’une mission, la mission de recevoir le Seigneur et de libérer en soi la place que le Satan a perdue au ciel ; mais cela ne va pas sans un combat contre Satan. - Août 1945 (NB 9, n. 1337).

 

121 - La lutte du Seigneur au désert contre le diable

Le Fils au désert dans la tentation. Dans la tentation, n'importe qui pourrait penser à un ami et se dire : dans une situation de ce genre mon ami ne succomberait certainement pas. Cela lui donne un soutien. On pourrait penser que ceci n'est qu'une réflexion entre deux pécheurs, une réflexion qui a le péché originel comme condition. Mais non, elle vaut aussi entre le Fils et la Mère. De penser à elle est pour lui un soutien dans la tentation. Non que sans cela il serait vaincu par la tentation, mais il fait partie de son humanité qu'il trouve de l'aide auprès de ses semblables. Sur la croix, il n'aura plus ce soutien ; là, tout ce qui était aide devra disparaître. Mais au désert il est totalement homme, il a gardé un sens aigu de la pureté de sa Mère. Pour lui, elle est le prochain tout pur qui lui a été donné par grâce. Elle lui est très proche, il est sûr d'elle pendant qu'il lutte contre le diable et en triomphe. Bien que la Mère ne connaîtra pas des tentations de ce genre. Elle en est immunisée par l'Annonciation. Mais elle sert le Fils par le fait qu'elle se tient à sa disposition comme image de la pureté. - 19 mars 1950 (NB 10, n. 2108).

 

122 - Le diable est malin

Le méchant connaît souvent beaucoup mieux ce qui est chrétien que le chrétien lui-même. Le diable, c'est l'image inversée de l'Esprit Saint en Dieu. Il est malin. Et cependant le diable ne connaît les desseins de Dieu que de l'extérieur (Commentaire d’Adrienne sur Jn 18,2).


 

123 - La force du diable

C'est une qualité fondamentale du diable de s'adapter. Si l'homme est tiède, Satan est également tiède; mais si l'homme commence à s'intéresser à Dieu, alors le diable aussi s'éveille et commence à s'intéresser à cet homme. Le tiède est plus près de Satan que celui qui s'est réveillé. Pour le tiède, il n'a pas besoin de s'agiter, il a le temps d'attendre, il est sûr de sa propriété. Mais si le bien s'éveille en l'homme, le mal aussi devient actif. Sans Satan, le Seigneur ne serait pas sur la terre. La plus grande efficacité du diable se déploie là où l'on ne croit pas en lui : chez les tièdes et les blasés. Celui qui ne croit pas en Dieu ne croit pas non plus au diable; et ainsi la lutte s'avère inutile. La force du diable, c'est sa faculté d’adaptation, de compromis (Commentaire d’Adrienne sur Jn 14,30).


 

124 – L’optimisme et le diable

Si les chrétiens n’étaient plus conscients qu’ils ont à lutter contre le diable, leur christianisme tomberait dans un optimisme superficiel; une exaltation étourdie prendrait la place du sérieux de l’amour (Commentaire d’Adrienne sur Jn 13,2).


 

125 – La conversion du démon?

La profondeur de la volonté du diable d’être caché est si abyssale que nous ne pourrons jamais la sonder. Elle est un mystère qui demeure insondable pour nous. Les mystères de Dieu sont plus accessibles que les mystères du Mauvais. L’abîme du diable consiste en ce double mouvement qu’il veut mentir et qu’il ne veut pas se convertir. Ce que cela signifie finalement demeure un mystère qui n’est accessible à aucun homme, même pas au pire pécheur. Voilà pourquoi le destin du diable est pour nous un mystère totalement inaccessible. Il n’est pas permis de désespérer de la conversion de n’importe quel pécheur. La possibilité de conversion d’un homme pécheur n’est jamais aussi désespérée que la conversion du démon (Commentaire d’Adrienne sur Jn 8,44).


 

126 - Ne pas trop penser au diable

S’ouvrir à Dieu et ne pas trop penser au diable et à notre combat contre lui : ce serait encore une manière de se mettre au centre, au lieu d’y mettre Dieu. C’est pourquoi : être souvent indulgent pour les autres, et même pour soi-même, pardonner les fautes, ne pas les voir, vouloir ne voir que le bien et ne vouloir que renvoyer à l’orientation fondamentale de la vie chrétienne vers Dieu (Commentaire d’Adrienne sur Jn 8,44).


 

127 - Le pouvoir de séduire l'humanité

Le mystère suprême du Père qui a créé le monde, c'est qu'au démon a été laissé le pouvoir de séduire l'humanité (Commentaire d’Adrienne sur Jn 19,35).


 

128 – Les chaînes du démon

La puissance des enfers, de la mort et du mal sont comme repoussées par la venue du Seigneur jusqu’au fond de l’enfer, et les chaînes du démon sont raccourcies (Commentaire d’Adrienne sur Jn 19,34).


 

129 - Satan et l'amour

Là où est l'amour chrétien, Satan n'est pas loin, car il fait ses meilleures prises là où le véritable amour faiblit, se refroidit, se laisse manipuler imperceptiblement pour devenir quelque chose qui porte encore le nom d'amour mais n'est en réalité que l'opposé de l'amour : le plaisir égoïste (Commentaire d’Adrienne sur Jn 13,2).


 

130 - La synagogue de Satan

Ceux qui ne sont chrétiens que de nom : synagogue de Satan. Ceux qui mentent vraiment sur leur foi supposée et qui savent qu'ils mentent. Ceux dont la foi est tiède et comme morte (Commentaire d’Adrienne sur Ap 3,9).


 

131 – La trinité de Satan

Les trois manifestations du mal sont l'image inversée de la Trinité. Satan, père du mal et séducteur d'Adam opposé au Père, créateur et père d'Adam. La bête de la sensualité opposée au Fils incarné et à sa virginité. Le faux prophète opposé à l’Esprit Saint et au vrai témoignage en lui (Commentaire d’Adrienne sur Ap 20,10).


 

132 – La puanteur du diable

Des saints ont été sensibles, jusqu’en en être mal à l’aise, à la puanteur du diable, du péché (Commentaire d’Adrienne sur Ep 2,1-2).


 

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Quelques notes du P. Balthasar


 

133 – Le mal, le péché, la mort, le diable et l'enfer

C'est par la descente de Dieu jusqu'à la croix que se trouve dévoilé ce que sont en vérité le mal, le péché, la mort, le diable et l'enfer. C'est parce qu'il y a cette puissance étrangère que Dieu devient homme, qu'il va à la croix, qu'il se laisse lui-même, pour l'amour de sa créature, atteindre par le néant, lui qui seul peut le vaincre (Karl Barth cité dans Dramatique, II, 2, p. 384).


 

134 – La séduction du diable

"Le Fils est apparu pour détruire les œuvres du diable" (1 Jn 3,8); cela signifie que celui-ci possède seulement une puissance restreinte dont il ne peut dépasser les limites... La raison d'être du diable est la séduction... Arrive un moment où elle est incapable de se déployer davantage... C'est le Fils souffrant qui a imposé ses limites au pouvoir du mal dans le monde (Dramatique, IV, p. 258).


 

135 - Notre combat contre le diable

Si le Christ a affronté le diable dans la tentation, il ne nous a pas dispensés de notre propre combat (A propos d'Irénée, dans Dramatique, II, 1, p. 122).


 

136 - Des mauvais esprits n'ont rien à voir avec le diable

"Je me sens plutôt tenter d'écrire pour les mauvais esprits. Qui sont ces mauvais esprits au jugement de beaucoup de catholiques? Ce sont des gens que le diable pousse à nous méconnaître, nous autres croyants, à nier nos talents, nos vertus. Il est pourtant probable qu'un grand nombre de ces mauvais esprits n'ont rien à voir avec le diable. C'est peut-être le Bon Dieu lui-même qui les a rendus particulièrement sensibles à nos défauts, à nos ridicules, à la contradiction souvent scandaleuse entre nos principes et nos vies, à beaucoup d'autres choses encore, afin d'humilier en nous cet orgueil pharisaïque, par lequel l'esprit de synagogue survit chez nous à la synagogue détruite" (Le chrétien Bernanos, p. 174-175).


 

137 - Le destin du diable

Il ne peut exister de doctrine transparente du démoniaque. Les mystères de Dieu sont pour nous bien plus à nu que les mystères du mal. Ce qui est vertigineux chez le diable, c'est qu'essentiellement il veut mentir et refuse de se convertir. Ce que cette attitude représente demeure, en dernière analyse, un mystère qui n'est accessible à personne, même au pécheur le plus invétéré. Et c'est pourquoi le destin du diable est pour nous un mystère totalement inabordable (Dramatique, IV, p. 186-187).


 

138 – La victoire sur le diable

La victoire sur le diable est l’affaire propre de Dieu, et donc on ne peut le combattre qu’avec l’armure de Dieu : les chrétiens doivent "s’armer de force dans le Seigneur, de sa force toute-puissante" (Ep 6,10 ss.). Ce sont les armes propres de Dieu dont l’homme est autorisé à se servir, celles-là même que le Seigneur a employées lorsqu’il a été tenté par le diable… Il n’y a en face du diable aucune illusion possible de se croire en sécurité (Dramatique, IV, p. 187).


 

139 – Rencontres avec le démon

Les saints : il faudrait éviter de se délester, comme si elles étaient dépassées, des choses dont ils n'ont cessé de faire l'expérience au long des siècles, par exemple, leurs rencontres avec les anges de Dieu et avec le démon, qu'ont encore si bien connues le saint curé d'Ars et Don Bosco (Points de repère, p. 96).


 

140 – Le démoniaque et la communication

Le démoniaque n'est-il pas par lui-même rupture de toute communication? - Le curé de campagne de Bernanos à la comtesse qui croit haïr Dieu qui lui a "pris" son fils : "L'enfer, madame, c'est de ne plus aimer" (Le chrétien Bernanos, p. 119 et 331).


 

141 – Le démon qui paralyse

L’homme devrait avoir la force de répondre en plénitude à Dieu et aux autres hommes; mais le centre libre de la personne est comme paralysé; cette paralysie a quelque chose de démoniaque, aussi la Bible la dépeint-elle comme une tyrannie du démon, le prince de ce monde, s’exerçant sur l’humanité. Cet asservissement a pour conséquence toutes sortes de falsifications de l’échelle des valeurs; il n’est foncièrement brisé que par la mort exemplaire du Christ qui le supprime pour tous ceux qui s’attachent à sa force d’amour. On ne peut pas dire que le Dieu qui auparavant s’était détourné de l’homme et ne lui était plus favorable se tourne à nouveau favorablement vers lui : ce serait un anthropomorphisme grossier; c’est l’homme au contraire, coupé de la grâce par son refus de Dieu, qui dit maintenant à Dieu un nouveau oui (De l’intégration, p. 101).

 

*

 

Quelques notes des "compagnons" d’Adrienne


 

142Le diable était dans la place

De même que le communisme a fait du prolétariat l'agent du salut humain, le nazisme a érigé la race allemande en nouveau messie. Dans les deux cas, les systèmes totalitaires ont singé l'élection divine du peuple de la Bible et le salut universel offert par le christianisme. Dans cette révolte contre Dieu, il y a quelque chose de luciférien. On entend parfois dire que le ciel était vide à Auschwitz. Non, le ciel n'était pas vide, mais le diable était dans la place (Jean Sévillia).


 

143Quand le diable a eu peur

Charles Baudelaire fait dire au diable qu’il rencontre un soir dans un dîner : "Je n’ai eu peur qu’un seule fois. C’est le jour où j’ai entendu un prédicateur plus subtil que ses confrères s’écrier en chaire : Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle ruse du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas" (Pierre Descouvemont).


 

144 - Le champ de bataille du diable

Le diable lutte avec Dieu, et le champ de bataille, c’est le cœur de l’homme (Dostoïevski).


 

145 – Les manœuvres du diable

Un évêque des États-Unis connaissait bien l’ancien président du syndicat des journalistes politiques de sa région. Cet homme se disait athée. Et puis on apprend qu’il est entré dans l’Église catholique. Ses collègues s’étonnent, lui posent la question : "Comment en es-tu venu à croire en Dieu ? Y crois-tu vraiment ?" Alors il a répondu : "Je ne sais pas trop dans quelle mesure je crois en Dieu. Je voudrais y croire. Mais ce dont je suis sûr, c’est que je crois au diable, à Lucifer, parce que ma carrière de journaliste m’a permis de détecter ses manœuvres et de constater ses ravages autour de moi et en moi. Alors j’ai cherché une Église qui pourrait me communiquer la pardon de Dieu et la paix de l’âme"  (D’après Mgr Elchinger).


 

146 – La bêtise du diable

La bêtise : elle est le fruit indubitable, et le plus terrible, du péché originel. Le diable est intelligent, dit-on communément. Mais non justement, le diable est infiniment bête, et c’est précisément dans sa bêtise que réside sa force. S’il avait été intelligent, il ne serait pas devenu le diable. Il y a longtemps qu’il se serait repenti. Car se rebeller contre Dieu est avant tout terriblement bête. La bêtise est fertile en inventions. La bêtise est tromperie et mensonge. Des balivernes délirantes paraissent intelligentes parce que, avant tout, elles apportent une satisfaction rapide. La bêtise, c’est ce qui marche. La bêtise prospère. Elle a une fois pour toutes déclaré qu’elle était intelligente et que la foi, c’est de la bêtise (Alexandre Schermann).


 

147 – Ouvrir les portes au diable

A force de nier le diable, nous avons ouvert toutes grandes les portes de l’enfer (Jung).


 

148 – Les visées du diable

Le démon est le prince de tous les hommes qui refusent de se soumettre à Dieu. La fin visée par le diable est que les hommes se détournent de Dieu (Georges Huber).


 

149 – Le diable et l’illusion

L’œuvre du diable, c’est de donner à l’homme la terrible illusion qu’il peut se passer de Dieu (Anne Bernet).


 

150 – Le diable est pressé

La précipitation vient du diable ; Dieu travaille lentement (Proverbe persan).


 

151 – Une louange du diable

Il faut dire, à la louange du diable, qu’il ne demande jamais rien d’impossible (Valéry).


 

152 – La tyrannie du diable

Par la brèche d’éternité de l’Église, le Dieu-homme ne cesse de descendre pour consumer dans le gouffre de sa divinité le péché, la mort, la tyrannie du diable et jusqu’à l’angoisse de notre finitude qui naît de l’abîme entre le créé et l’incréé (Olivier Clément).


 

153 – Prier le diable

Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le diable (Léon Bloy).


 

154 – Le désir du diable

Rien n'est plus précieux aux yeux de Dieu que la dilection, rien n'est plus désiré par le diable que l'extinction de la charité (Saint Grégoire le Grand).

 

155 - L’insatiable

L'antique ennemi est insatiable (Saint Grégoire le Grand).

 

156 – L’orgueil du diable

L'humilité de Dieu devenu homme parmi les hommes a guéri la blessure faite à l'homme par l'orgueil du diable (Saint Grégoire le Grand).

 

157 – Imiter le diable

C'est imiter le diable que de chercher à répandre dans le monde la gloire de son nom et trouver sa joie dans l'opinion d'un jour (Saint Grégoire le Grand).

 

158 - Le sommeil du diable

Satan est comme endormi quand il possède le cœur du méchant; mais si le méchant se rebelle contre lui et se met en route vers Dieu, l'antique ennemi se réveille et se dresse sur sa route (Saint Grégoire le Grand).

 

159 – Les suggestions du diable

Il y en a qui supportent en toute patience les coups et les injures qu'on leur inflige; mais parce qu'ils manquent de vigilance, le diable leur suggère plus tard des pensées de vengeance (Saint Grégoire le Grand).

 

160 – Voltaire et le démon

Voltaire se demandait si, sans l'aide de la fertile imagination des prêtres, le démon aurait pu pousser aussi loin les raffinements de l'enfer (Adolphe Gesché).


 

161 – Le démon de l’orgueil

Les religieuses de Port-Royal : "Pieuses comme des anges, orgueilleuses comme des démons", disait d'elles Sainte-Beuve. Et Léon Bloy, de personnes pieuses fréquemment en adoration devant le Saint-Sacrement : "Elles s'adorent devant le Saint-Sacrement" (Jean-François Six).


 

162 – Ce que le démon ne supporte pas

Le démon ne supporte pas d’être touché par les mains consacrées du prêtre (par l’imposition des mains sur la tête). Il ne supporte pas non plus les autres sacramentaux, ces signes qui portent la bénédiction de Dieu comme l’eau bénite, le sel bénit, l’huile sainte, l’imposition du crucifix (Gilles Jeanguenin).


 

163 – Marie-Madeleine et ses démons

Pour annoncer la résurrection du Christ, nous partons de rien : tout part de l’échec. Celui qui se disait Fils de Dieu est mort et inhumé. Sa mission qui devait aller jusqu’au bout du monde, quelle illusion ! Et voilà que cette grandiose promesse s’achève auprès d’un sépulcre où vient rôder une femme, la plus indigne de toutes, puisque Jésus l’avait délivrée de sept démons, ce qui est quand même beaucoup. Et voilà que cette Marie trouve le tombeau ouvert. C’est que quelqu’un est venu le chercher. C’est une profanation. Marie est horrifiée. Elle ne bouge plus, elle ne parle plus, elle pleure. C’est la seule chose qui lui reste. Et Marie se retourne, Jésus est devant elle. Elle se trouve devant le jardinier. Le Ressuscité a choisi de ne pas se faire reconnaître tout de suite. Elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus l’appelle par son nom et alors aussitôt elle le reconnaît, c’est à la voix qu’elle l’a reconnu. Modestie de la résurrection : Jésus ressemble toujours au jardinier. Dans les quarante jours qui vont suivre, Jésus va garder ce statut mitigé d’homme tangible, humble, qui garde ses plaies, mange avec ses disciples tout en étant capable de surgir n’importe où. "Va dire à mes frères que je monte…" C’est quand il s’en va que s’établit notre intimité avec lui (France Quéré).


 

164 – Le démon existe-t-il ?

Nier l’existence du démon est une faiblesse. Mais, à l’inverse, le voir partout est pire (Jean Duchesne).


 

165 – Le démon qui simule

Les démons se font souvent passer pour des âmes des morts (Saint Thomas d’Aquin).


 

166 – Ne pas avoir peur des démons

La croyance en la science pour résoudre tous les problèmes n’est pas moins infantile que les croyances des primitifs qui décelaient des démons à tous les coins de rue. Le christianisme a mis fin à la peur des démons dans le paganisme. Les démons, il ne faut pas en avoir peur, il faut les combattre (Michel Evdokimov).


 

167 – Les sucreries du démon

Il y a des sucreries démoniaques dans certains discours religieux (Léon Bloy).


 

168 – La pécheresse et le démon

La première à savoir que Jésus est ressuscité, c’est la pécheresse, pas une petite pécheresse, une grande : le Seigneur Jésus avait dû chasser d’elle sept démons, autrement dit elle était bien chargée. Est-ce bien raisonnable de charger cette femme de raconter à une troupe de lourdauds que Jésus est ressuscité? La pervertie doit se changer en apôtre : "Va dire à mes frères" (Fabrice Hadjadj).

 

169 – Les puissances démoniaques sont toujours là

L’homme vivait sous la peur et la fatalité du mal, et cet esclavage finissait par le rendre fataliste et impuissant. Ce que la venue de Jésus nous apprend et nous apporte, c’est que le monde d’esclavage est déjà vaincu et que les puissances démoniaques, même si elles sont toujours là, ont déjà perdu leur ultime puissance. Le mal n’est pas mort, mais sa tyrannie a cessé (Adolphe Gesché).


 

170 – Le grand illusionniste

Pour saint Jean, le démon est le père du mensonge (Jn 8,44). Le démon est le grand illusionniste. Il nous pousse à donner de l’importance à ce qui n’a pas d’importance. Il nous fait vivre dans le monde de l’apparence et du paraître. Et c’est l’Esprit Saint au contraire qui nous affectionne aux choses de Dieu, qui introduit aux réalités souveraines (Jean Daniélou).


 

171 – Grandes sont les forces démoniaques

L’Apocalypse dit en substance que le monde est rude, que le péché est affreux et que grandes sont l’injustice, la cruauté et l’oppression, les forces anti-humaines et démoniaques, mais que, tôt ou tard, l’Esprit finit toujours par être vainqueur. La lumière est victorieuse. L’Agneau, immolé depuis la fondation du monde, est vainqueur. L’Apocalypse proclame cet espoir et cette certitude (Alexandre Men).


 

172 – Le bonheur du diable

Le démon s'estime heureux quand il arrive à troubler ne fût-ce qu'un instant (Saint Grégoire le Grand).

 

173 – La joie de Satan

La joie mauvaise de Satan (Origène).


 

174 – Satan est infatigable

Satan est infatigable pour diviser, perturber, pervertir. Il travaille la nuit (René Laurentin).


 

175 – La cité de Satan

On peut être visiblement dans l’Église et appartenir à la cité de Satan, et inversement (Jean Daniélou).


 

176 – L’orgueil de Satan

Dans l’orgueil se trouve Satan (Maria Valtorta).


 

177 – La victoire sur Satan

Passion et mort du Christ sont bien le point culminant de la haine et de la victoire apparente des forces du mal. Mais leur victoire est leur illusion suprême, car c’est au fond de la déréliction et à l’apogée de la souffrance que s’accomplit la victoire sur Satan (Boris Bobrinskoy).


 

178 – L’ennemi sournois

L’Esprit dont Jésus rayonne et qui est le secret de sa vie, il nous le propose pour que nous en fassions le secret de notre vie. Satan est l’ennemi sournois, mystérieux, qui cherche à détourner la liberté humaine de la docilité à l’Esprit de Dieu. Il nous est toujours possible de refuser l’Esprit que donne Jésus (Mgr Dagens).


 

179 – Blesser l’âme

Satan n'estime pas faire grand-chose tant que ce n'est pas l'âme qu'il blesse; ce qu'il cherche, c'est à l'arracher à la patrie dont il s'est exilé lui-même, terrassé par son propre orgueil (Saint Grégoire le Grand).

 

180 – Le doute de Satan

Quand Satan vit que le Fils était humble, il a douté de sa divinité (Saint Grégoire le Grand).

 

181 – Satan dupé

Sans le savoir, Satan a servi la puissance du Christ en le frappant dans sa chair. Sans le savoir, Satan sert les desseins secrets de Dieu (Saint Grégoire le Grand).

 

182 – Les fils de Satan

Ceux qui font la paix sont appelés fils de Dieu, ceux qui la troublent sont fils de Satan (Saint Grégoire le Grand).

 

183 – Satan a essayé de souiller le cœur de notre Dieu

Satan a essayé par trois fois de tenter notre Rédempteur, mais il n'est pas arrivé à souiller le cœur de notre Dieu (Saint Grégoire le Grand).

 

184 – Les Lucifers intermittents

Rebelle à la lumière de Dieu, Lucifer ne voulut se fier qu'à la sienne propre (dans une sorte de folie). Gardons-nous cependant de maudire ou de railler. Ne sommes-nous pas des Lucifers intermittents ? (A. Miquel).


 

185 – Le diable fait miroiter monts et merveilles

Ne croyez jamais le Malin. Il vous abusera toujours, il a déjà trompé nombre de gens, il a souvent fait miroiter aux hommes monts et merveilles, mais jamais il n'a honoré ses promesses. Le tentateur promet le paradis sur terre, mais en fin de compte, l'homme est puni sur cette même terre (Alexandre Men).


 

186 – La lutte contre le Mauvais

Le Fils ne s’est sûrement pas incarné pour des broutilles. Ce que Jésus a souffert volontairement au Calvaire montre assez l’ampleur du désastre auquel il voulait nous arracher à tout prix. Sans cette lutte contre le Mauvais, la christologie n’est qu’une divine comédie (André Manaranche).


 

187 – Pas plus forts que le diable

Nous ne sommes jamais assez forts pour mettre le diable dans notre poche (Bernanos).


 

*

 

6. LA FOI

 

 

Introduction

Vers la fin de sa vie, Adrienne von Speyr disait au P. Balthasar qu’elle aurait aimé composer un traité de théologie dogmatique. En fait, pour le P. Balthasar, Adrienne a bien composé ce traité, "du moins elle a fourni d’importantes contributions à une telle œuvre" (Cf. AvS et sa mission théologique, p. 70). Le P. Balthasar qui avait recueilli en sténo quantité de réflexions, de méditations, et d’intuitions d’Adrienne en a par la suite classé un certain nombre dans le cadre des articles du symbole des apôtres  pour en façonner un livre : "Mystique objective" (Objektive Mystik. 576 pages, dont la traduction française n’est pas encore parue).

En attendant le jour où quelqu’un écrira tout un livre sur "La foi dans l’œuvre d’Adrienne von Speyr", la présente fenêtre a glané dans "Mystique objective" un certain nombre de textes sur la foi. Il faudrait parcourir l’ensemble de l’œuvre.

Après cette plongée dans la "Mystique objective" d’Adrienne, la présente fenêtre offre un coup d’œil sur les "pensées" des "compagnons" d’Adrienne : une petite litanie sur la foi et l’incroyance, l’incroyance qui n’est pas incroyance mais ignorance, pensent certains.

Patrick Catry

 

 

Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue. Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

 

Plan

I. Adrienne

II. La foi chez les "compagnons" d’Adrienne

III. Quelques notes sur la foi dans les "Pensées" de H.U.v. Balthasar

 

 

I. Adrienne

 

 

1. La foi est toujours plus grande que les mots qu’elle emploie

Jésus enfant grandit et dit ses premiers mots. Sa mère les lui apprend, mais la mesure de leur vérité se trouve en Dieu. Les mots que sa mère lui dit sont vrais. Mais chaque mot que le Fils reprend en tant que Parole du Père contient une vérité plus grande parce que divine. Chaque mot subit une extension qui va jusqu'à la plénitude divine. Quand sa mère perçoit quelque chose de cette plénitude, elle mesure la distance qui sépare Dieu de l'homme, mais aussi que la vérité de la foi est toujours plus grande. Son expérience ressemble à ce qui arrive à un converti qui a une image toute faite de l’Église et des sacrements et de la foi et qui, avec cette image limitée, acquiesce quand même déjà en même temps à toute la vérité qui, pour lui, est encore totalement hors de sa portée. Tout à coup les couleurs se font beaucoup plus vives, les nuances beaucoup plus riches, chaque partie de la doctrine contient plus qu'il ne l'avait supposé. Les sacrements, il ne les connaissait d'abord que par ouï-dire; en les recevant, il fait l'expérience que leur substance n'est jamais épuisée (NB 6,19-21).

 

2. Il y a des choses qu’on sait par la foi

Dieu a besoin de plus d'amour, c'est pourquoi il a besoin aussi de plus de prière. En tant que priants et en tant que vivants qui se conforment à cette prière, nous pouvons aider Dieu à trouver ce dont il a besoin. Et comme notre prière est emportée dans l'invisible de l’Église et de Dieu Trinité, il y a ainsi, selon la promesse de Dieu, dans nos actes également, toute une sphère qui demeure pour nous invisible. En tant qu'hommes, nous comptons sur les effets de nos actes et sur les réponses qui leur seront données. Comment Dieu réagit, nous ne savons pas. Ses temps et ses espaces sont autres, ses conclusions et sa manière d'avancer également. Ce n'est que dans la foi et dans l'amour que nous savons que nos actes sont gardés chez lui et que chez Dieu tout a son effet en son lieu et à son heure. Nous le savons : si notre prière et nos actes sont chrétiennement en ordre, au ciel correspond un ordre semblable même si nous ne voyons pas la correspondance (NB 6,22).

 

3. Commencer à croire

Celui qui commence à croire peut sans doute réfléchir parfois pour chercher à comprendre, mais dès qu'il rencontre l’Église et la foi telles que le Seigneur les lui a données, il doit renoncer à tout ce qui est limité et borné et reconnaître une existence à l'infini comme étant l'état du Seigneur et la qualité de sa vie et de son action, à quoi il participe en tant que croyant qui marche à sa suite. Et plus il avance dans cet espace qui lui a été donné, plus il sait avec certitude qu'il ne butera jamais sur un mur bien qu'il continue à avancer de but en but en vertu de l'assujettissement qui l'unit au Seigneur, un assujettissement qu'il ne ressent pas comme tel, bien que ceux qui sont dehors le voient comme un assujettissement (NB 6,25-26).

 

4. Est-ce que la raison peut connaître Dieu sans la foi ?

Certainement, dans une certaine mesure. Les dieux des païens aussi sont une preuve qu'il existe une connaissance naturelle de Dieu, mais ils révèlent en même temps les impasses où s'engage cette connaissance si elle reste en dehors de la révélation centrale de Dieu. Si la connaissance naturelle de Dieu suffisait, les hommes devraient avoir dès le début un Dieu et une foi. Mais si le Dieu vivant se révèle dans l'histoire d'Israël et dans le Christ et dans toutes les voies du salut qui s'y rattachent, il montre ainsi qu'une révélation "naturelle" ne suffit pas à l'homme. Elle peut être pour la question une première impulsion, une chiquenaude qui met tout en branle; mais s'il n'y avait rien de plus, l'homme, très vite, mettrait à nouveau à la place de Dieu ses propres images, des images de lui-même, celles qu'il a toujours reconnues comme place de Dieu, c'est-à-dire comme le lieu où lui, l'homme, s'arrête et où Dieu commence. Les idoles sont le signe évident que l'homme sait que Dieu s'est réservé son lieu, mais l’homme sait aussi qu'il est incapable de garder libre pour Dieu cette place. La connaissance naturelle de Dieu peut le conduire jusqu'au point où la connaissance surnaturelle doit commencer si cela doit rester authentique (NB 6,32-33).

 

5. La question du commencement

Supposons que plusieurs chercheurs dans différents pays, s'occupant du même objet, travaillant avec les mêmes méthodes et les mêmes instruments, mais sans aucun rapport avec la culture chrétienne, rencontrent tous le même jour la question du commencement : l'origine de la vie. Tous en arriveraient à la pensée de quelque chose comme Dieu ; l'un l'appellerait Dieu, un autre "l'incompréhensible" ou "la puissance de l'être", etc. Cette rencontre serait pour tous obligatoire, tous devraient s'occuper de la question, car leur propre vie est liée à cette cellule primitive; la question est posée par eux et elle les renvoie à eux-mêmes. Chacun alors, selon son caractère et son tempérament, se ferait une idée de l'origine et l'honorerait d'une manière ou d'une autre, l'un en l'adorant, un autre en y renonçant, un troisième au contraire en la combattant, et celui-ci irait peut-être si loin qu'il en arriverait à nier totalement l'origine. Chacun se ferait de l'origine l'une ou l'autre "idole", une "image taillée", parce qu'il serait convaincu de l'existence de cette origine, mais il ne reçoit de l'origine aucune indication obligatoire pour l'image. Par contre si l'un d'entre eux découvre l’Écriture sainte, s'il apprend à connaître le christianisme, il voit alors que son image n'a nul besoin de se trouver en opposition à ce qui se révèle ici, que lui et les autres chercheurs ont tous un commencement dont la réalisation vient ici à sa rencontre. Il peut par là arriver à la foi (NB 6,33).

 

6. Se tenir ouvert

Ce qui se passe pour l'adoration et le service de Dieu en raison de la connaissance naturelle qu'on a de lui fait partie d'un ordre provisoire qui n'est pas mauvais en tant que tel. Dans quelle mesure l'homme et son image se projettent dans cette relation est secondaire par rapport au fait premier qu'il en voit les limites et en tient compte aussi longtemps qu'il n'est pas entré en contact avec la révélation plénière. Le mieux qu'il peut faire est de reconnaître que l'image de Dieu qu'il s'est faite est quelque chose qui lui correspond et, en tant que croyant qui en sait si peu sur Dieu, de se tenir le plus possible ouvert et prêt pour toute révélation authentique de Dieu par lui-même (NB 6,33-34).

 

7. Des pas vers Dieu

Il peut acquérir quelque chose de cette attitude en se basant sur sa propre raison. S'il connaît d'autres hommes qu'il respecte et estime, il peut déjà par courtoisie naturelle du cœur, par tolérance et par concession, comprendre que s'ils projettent quelque chose d'eux-mêmes dans leurs différentes représentations de Dieu, lui aussi sans doute se met lui-même dans la sienne si bien que sous ce rapport il n'a sur eux aucun avantage. Mais quand alors il revient à l'origine de toutes ces images, parce que la pensée qu'il y a autant de divinités qu'il y a d'hommes, ne peut le satisfaire, quand il voit comment toutes les images ne sont que différentes manières de voir de l'unique impulsion originelle, alors l'idée lui viendra qu'il n'y a sans doute quand même qu'un seul Dieu. Et si, d'une manière ou d'une autre, il entre en contact avec la révélation biblique, il se voit à nouveau confirmé dans cette opinion. Il se peut aussi qu'il reconnaisse comme justes et nécessaires certaines exigences surnaturelles de Dieu à lui adressées qui ne peuvent pas cadrer avec son image intellectuelle de Dieu. Il peut finalement faire le pas de la foi chrétienne. Mais il reste que les premiers pas sur ce chemin étaient ceux d'une connaissance "naturelle". Dieu a créé des hommes naturels et il les a rendus capables de faire des pas vers lui, qui deviennent une marche avec Dieu et dans la force de Dieu (NB 6,34).

 

8. Les coups de la grâce

Le Paul surnaturel prend naissance là où le Saul naturel s'abandonne dans la foi. Saul tombe par terre pour que l'esprit de Paul aussi reconnaisse cette chute comme son point de départ, pour que la surnature devienne libre dans le choc de conversion de la nature et pour qu'il reconnaisse dans la nature le cadeau que Dieu lui fait pour la nourrir. Car les actes surnaturels s'enracinent dans les actes naturels de l'esprit. Paul pourrait dire : "Quand Dieu m'a rencontré, je suis tombé à genoux et je me suis fait mal. Je fus saisi si puissamment par Dieu de manière surnaturelle que mon moi naturel s'est évanoui, le Saul tout entier a sombré dans la chute, le coup qu'a ressenti le Saul naturel est devenu dans mon esprit l'image de son bouleversement". Si tout ne s'était déroulé que dans son âme, sa conversion aurait été pour lui beaucoup moins impressionnante. Très souvent on a le sentiment que le corps est là pour donner une forme durable aux bouleversements de l'âme. L'impulsion que reçoit l'âme se grave en elle par les souffrances du corps. Et ce qui vaut pour le corps vaut équivalemment pour le domaine naturel tout entier : c'est comme si Dieu avait créé la nature de l'homme pour avoir un témoin naturel de sa surnature, un destinataire des coups de sa grâce ( NB 6,34-35).

 

9. Poser les justes questions

Il y avait comme une mer infinie, cette rencontre avec le Père et Créateur... Et il me fut montré qu'au début de sa création, Dieu ne désire qu'une chose, c'est qu'on soit de la manière dont il le veut, que toute réflexion, toute question, toute certitude doivent simplement être mises de côté en lui et qu'il suffit d'être en lui pour trouver la réponse. Si nous avions répondu à ce désir de Dieu, nous aurions pu poser beaucoup de questions, et les questions auraient toujours été justes; nous ne serions jamais sortis de nos problèmes avec de fausses hypothèses parce que Dieu lui-même aurait été le point de départ et, avec nos questions, nous aurions eu aussi la paix et la certitude que Dieu lui-même nous aurait données. Si nous supposons que Dieu fait toujours ce qui est juste, nous pouvons trouver beaucoup plus facilement les réponses à nos questions. Mais comme maintenant nous sommes pécheurs, nous posons des questions avec beaucoup d'incertitude parce que nous ne savons plus si le lieu d'où nous posons la question est le juste lieu. Avant la chute, la "philosophie" et la "théologie" aurait été élaborées d'une tout autre manière, car elles seraient parties de la juste manière de poser les questions (NB 6,35-36).

 

10. Dieu exige toujours quelque chose de l'homme

Le pécheur préfère le péché; dans la foi, il élimine l'amour. Mais dans son manque de charité il ne nie pas nécessairement que Dieu existe et qu'il le punira. Il met de côté cette vérité comme quelqu'un qui est dans l'obscurité avec un livre en main, il ne peut pas le lire. Sa foi est intellectuelle et, de ce point de vue, elle est intacte, mais il ne vit pas son histoire, ce qui n'est possible que dans l'amour. Il en va pour lui tout autrement que pour un catéchumène qui commence à croire d'une manière intellectuelle mais qui n'a pas encore fait l'expérience de la foi plénière. Il y a chez lui une espèce d'amour qui tend vers la foi même si pour le moment il invente encore beaucoup cette foi. Le gros pécheur, lui, sait ce qu'était la grâce dont il s'est détourné. S'il se confesse comme il faut, il peut recouvrer l'amour et intégrer à nouveau la foi. Mais jusque là la foi est pour lui comme un vêtement qu'on ne porte pas. Celui qui laisse un vêtement dans l'armoire pendant des années, le vêtement ne lui va plus quand il le ressort, il a grossi ou maigri, la mode a changé, etc., il faudrait apporter certaines modifications. Pour le pécheur, c'est l'homme qui doit se réajuster, pas le vêtement. Il pense qu'il n'a qu'à le sortir de l'armoire, il ne pense pas à l'ajustement nécessaire. Mais justement, Dieu exige toujours de l'homme quelque chose de nouveau. Autre chose de celui qui a vingt-et-un ans que de celui qui en a vingt-deux. L'homme devrait constamment s'adapter à la foi. D'où la difficulté de porter à nouveau un vêtement de foi qui n'a pas été porté depuis longtemps (NB 6,36).

 

11. Accepter ce que Dieu a préparé pour moi

La foi vivante n'est pas la même chose qu'une foi morte plus l'amour. Parce que la foi n'est pas un savoir. Pas un simple savoir appuyé sur l'autorité de Dieu. Pas simplement tenir pour vraies des propositions abstraites, les dogmes de l’Église. Il fait partie essentiellement de la foi d'accepter ce que Dieu a préparé pour moi de vérité et, pour cela, l'amour est nécessaire. Pour croire comme il faut, je dois avoir l'amour (NB 6,37).

 

12. Le rythme de Dieu

Quand un professeur raconte une histoire à une classe, il adapte son récit aux enfants. Malgré cela, chaque enfant entendra l'histoire à sa manière. Il fait partie de la grandeur de Dieu de donner à chaque personne d'expérimenter la foi de manière différente. De plus, pour un homme vivant, la foi n'est jamais fermée. Si Dieu lui donne la foi aujourd'hui, il espère que demain et après-demain l'homme va tirer de sa foi de nouvelles conséquences et la comprendre ainsi de manière nouvelle. Pour que la classe comprenne un axiome mathématique ardu, il y a auparavant tout un travail préparatoire. On commence par les opérations les plus simples; pour les opérations moyennement difficiles, beaucoup ne comprennent plus, on doit revenir avec eux à ce qui est plus simple. Tant que les élèves suivent, on peut espérer qu'ils comprendront aussi ce qui est plus difficile, mais non s'ils "décrochent". Pour reconnaître Dieu dans la foi, nous devons essayer de suivre le rythme de son amour pour nous (NB 6,37).

 

13. Dieu ne dit pas tout, tout de suite

Le Fils est la Parole du Père : en lui Dieu s'exprime. Parole qui fut dite au Père, mais Parole aussi qui ne fut pas dite. Dans l'ancienne Alliance sont lancées des promesses dont le sens est en partie manifeste, en partie encore caché, parce que leur sens plénier se dévoile seulement lorsque le Fils devenu homme accomplit toutes les promesses. C'est par lui que nous apprenons ce que la Parole a voulu dire sur lui. Jusqu'alors elle était plus ou moins voilée, maintenant elle montre ce qui est son cœur. Bien d'autres paroles de l'ancienne Alliance, qui n'étaient pas des promesses, reçoivent aussi leur sens par la vie terrestre du Fils. par son enseignement (NB 6,37).

 

14. Invités à reconnaître nos limites

Ce qui est propre au Fils appartient au Père. Et Dieu seul sait ce qu'est la Parole divine, lui seul la voit nue et infinie et éternelle. Ces profondeurs de la Parole qui nous restent inaccessibles font partie du silence de Dieu et de son mystère trinitaire. Cette Parole secrète n'est perceptible que dans l'échange divin en Dieu, pour Dieu, par Dieu. Mais il peut se faire que Dieu enlève tout à coup un voile pour nous montrer l'une de ses paroles dans toute sa profondeur. Si nous voulions exprimer quelque chose de cette Parole secrète, nous pourrions seulement dire qu'elle est divine, qu’elle reste en la garde de Dieu. Cette Parole non dite nous invite au silence, un silence de vénération qui s'arrête devant le mystère ultime. Nous ne croirons plus que nous devons et pouvons, par une recherche plus approfondie ou une prière plus intense, obtenir d'avoir accès à des régions où nous ne sommes pas invités. La Parole infinie nous invite à reconnaître nos limites, à être discret vis-à-vis de Dieu et à ne pas chercher à lui extorquer ce qu'il ne veut pas dire (NB 6,.38).

 

15. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné

Adam croit comme quelqu'un qui est dépassé par la nature et la surnature. Les limites assignées à sa pensée ne sont pas du tout pour lui occasion d'angoisse et de doute parce que ce qui le dépasse absolument, c'est Dieu, qui le rencontre vraiment, qui lui fait bon accueil, qui le garde et se soucie de lui. Ce qu'il ne peut faire lui-même, Dieu le peut. Et ainsi en pensant à ce qui est fini et changeant comme en pensant à ce qui demeure et est immuable, la foi en Dieu devient pour lui ce qui sert de norme. Et dans la suite des jours il apprend à connaître l'éternité de Dieu qui accompagne et réalise tout changement. L'homme limité, qui vit dans ce qui est limité, est cependant créé par Dieu, devant Dieu, pour Dieu, et tout le fini est pour lui occasion et préparation de relations avec Dieu. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné, il est placé par Dieu dans un monde qu'il a créé. Par là est déjà esquissé ce qui s'accomplira dans l'incarnation de Dieu ; les choses ont d'abord été créées pour l'homme, mais elles sont faites en vue d'un sommet qui sera l'accueil définitif de Dieu par le Fils qui se fait homme (NB 6,49-50).

 

16. Le simple oui d'un homme à Dieu

Dans la foi et dans la prière on n'est pas placé à l'improviste devant un abîme d'où retentit la mise en garde : Fais attention, l'infini est la négation de tout ce que tu es! On sait que, pendant la courte journée de notre vie, on ne le comprendra pas; mais déjà le fait de ne pas comprendre est, dans la prière, ouverture, disponibilité, consentement. On peut cependant réfléchir encore : que veut dire disponibilité, don de soi, foi ? Que représente le simple oui d'un homme à son Dieu? La réponse sera : ce sont de pures ébauches que Dieu accueille et que seul il peut compléter, façonner, auxquelles lui seul peut donner un visage (NB 6,59-60).

 

17. Rencontrer le Fils dans la foi vivante

Le chrétien sait par la foi que Dieu est Père, Fils et Esprit. Les théologiens essaient une foule de définitions et aucune cependant ne convient réellement... Quand nous rencontrons le Fils dans la foi vivante, nous renonçons vite à le comprendre totalement, d'autant plus volontiers que ce qu'il nous montre de lui est si comblant que nous sommes plus qu'occupés et plus qu'heureux avec ce qu'il nous a donné… Et nous savons par le Fils que plus nous le regardons, mieux nous sommes préparés à rencontrer le Père (NB 6,65.78-79).

 

18. Nous approcher du Père dans la foi

Pour nous approcher du Père dans la foi, nous devons partir de la Parole de Dieu : Parole de l'Ancien Testament qui parvient à son sommet dans le Fils. Et de même que nous devons considérer les paroles de l'Ancien Testament comme agrandies, dilatées, dépassées par le Fils, de même toutes les paroles humaines du Fils sont ouvertes sur l'infiniment plus grand de Dieu. Le Fils renvoie au Père. Nous avons les concepts humains de paternité et de filiation, mais nous ne pouvons les employer que comme des indices du mystère de Dieu. Le Fils lui-même désire cette application, il veut nous mettre sur le chemin du Père. Ses paroles ont toute leur valeur en tant qu'orientées vers le Père. Si, en suivant ses paroles, nous empruntons le chemin qu'il est, nous sommes sur le bon chemin. Quand et comment nous atteindrons le but, et ce que nous allons rencontrer en cours de route nous demeure caché. Il ne sert à rien de poser des questions, chaque jour nous le montrera (NB 6,79).

 

19. Attentifs à l'éternel

Il y a des réflexions spéculatives sur le contenu de la foi, mais celles-ci atteignent vite leurs limites si elles ne sont pas poursuivies dans la prière. Viennent les moments où la prière corrige une question, et alors elle contient aussi déjà la vraie réponse. La joie peut alors nous inonder soudainement de ce que nous sommes des humains, limités dans nos possibilités, mais de telle sorte que nos limites ne cessent de nous rendre attentifs à l'infini, à l'illimité, à l'éternel, et qu'il nous est donné d'avoir au-dessus de nous dans l'éternité le Dieu toujours plus grand. Notre prière devient alors un étonnement reconnaissant qui débouche sur l'adoration (NB 6,80).

 

20. Apprendre à mieux connaître Dieu

Nous ne devons certes pas nous représenter Dieu à l'image de l'homme. Mais le Fils est devenu homme afin que par ce qu'il a d'humain nous apprenions à mieux connaître Dieu. Par le Fils nous sommes initiés à une connaissance toujours plus profonde de Dieu. L'image de Dieu dans l’Ancien Testament était celle d'un Dieu unique ; dans son passage au Nouveau Testament, cette image prend les traits beaucoup plus précis de Dieu Trinité. Bien des paroles des prophètes semblent en être restées à un niveau de compréhension de Dieu qui ne correspond plus à notre foi néotestamentaire, il leur manque le visage du Christ. Ce n'est que la foi néotestamentaire qui donnera à ces paroles leur plénitude (NB 6,97).

 

21. L'amour de Dieu pour le monde

L'incarnation du Fils nous révèle la distinction des personnes de la Trinité. Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir d'ici que nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils, de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde. La révélation du Christ est au service de la révélation de la Trinité (NB 6,97).

 

22. Dieu s'adresse à nous

L'homme l'apprend dans la foi ce qui doit déterminer toute son attitude : dans la foi, il devient la possession de Dieu, il est remis à Dieu, il travaille pour Dieu, il vit de ce que la Trinité lui offre de son unité et de son amour. Tout le comportement du chrétien reçoit le sceau de cette unité et tous les efforts du chrétien consistent à y acquérir sa part. Ce qu'un homme en reçoit est destiné à être transmis, à devenir une réponse quotidienne à Dieu Trinité qui se donne. Le Fils ne parle de cette unité que dans les mots de sa prière. Pour les chrétiens, ceci est une invitation à prier en communion avec lui, à respirer dans l'atmosphère de Dieu Trinité. Si l'on est dans cette atmosphère où Dieu s'adresse à nous, tout le reste devient secondaire, surtout notre propre moi. Ce séjour en Dieu, on pourrait aussi l'appeler une sorte de désir, mais on ne peut pas préciser ce qui est désiré. C'est plutôt un état de désir qui est en possession de ce qui est désiré (NB 6,102).

 

23. Des êtres en devenir

Nous les hommes, nous sommes là pour devenir. Mais, en devenant, nous ne sommes pas des abandonnés, des réprouvés dans un no man's land. Si nous avons la foi, notre devenir est inséré dans l'être de Dieu et orienté vers cet être toujours plus grand. C'est pourquoi il n'est jamais désespéré. Et les choses que Dieu nous donne pour rendre possible notre devenir en lui : la foi, l'espérance, l'amour, sont des choses qui sont en lui, avec la qualité de ce qui est absolu, et on ne peut pas dire qu'il nous les donne amoindris, d'une manière relative seulement. Il nous les donne simplement dans notre devenir afin que, portés par eux, nous tendions vers son absolu. La grâce peut rendre parfait ce qui est imparfait. Ce qui revient à dire que la grâce peut transférer en notre devenir quelque chose de l'être de Dieu. D'un point de vue humain, il peut y avoir des actes ou des états qui paraissent parfaits, selon les mesures qui sont accessibles à nos limites. Mais il faut ajouter aussitôt : nous ne savons pas comment ces actes apparaissent aux yeux de Dieu, pas plus que nous ne pouvons les voir dans leur totalité (NB 6,106-107).

 

24. Une foi dilatée par l’Esprit

L'Esprit a donné à la Mère une tâche qui ne pouvait s'accomplir que par l'amour, et un amour à vrai dire plus que terrestre, un amour qui n'est pas lié aux lois du monde. Son oui est déjà un signe que, dans la rencontre avec l'ange, elle accueille l'amour reçu de l'Esprit et qu'elle lui donne suite. La foi qui la rend capable de dire oui n'est certainement pas seulement la foi juive qui lui a été transmise, mais une foi dilatée par l'Esprit pour le Fils (NB 6,110).

 

25. Grandir dans la foi

Le Seigneur est mort pour tous afin que tous aient part à sa vie. Les apôtres, il les a appelés par son propre choix à le suivre au plus près et il leur a remis le ministère, mais le ministère est institué au profit de tous et les ministres sont choisis pour des renoncements au profit de tous. Sa vie tout entière, il l'a offerte à tous : tous peuvent et doivent, selon son enseignement, devenir familiers de son enseignement, par la foi. Mais sa vie, qu'il partage à tous, est la vie qui, provenant du Père, est vécue pour l'amour du Père, elle est apportée sur terre par l'Esprit et elle aboutira au don de l'Esprit. Elle est la vie de la Trinité qui nous a été ouverte (NB 6,112).

 

26. La foi véritable ne peut être que trinitaire

Quand nous commençons à comprendre que la foi ne s'épuise jamais dans une reconnaissance théorique, mais qu'elle n'est viable qu'unie à l'amour agissant, alors il devient clair pour nous que les mystères trinitaires que nous confessons dans la foi doivent se répercuter dans notre amour. Un amour qui voudrait ne s'occuper que du Fils n'irait pas dans son sens, étant donné qu'il voulait être porte et non but, passage vers le Père et l'Esprit aussi bien que vers les hommes qu'il a aimés jusqu'à la mort. La communion la plus intime est la communion trinitaire en Dieu; ce serait contraire au sens de l'amour lui-même que d'opérer ici un choix (NB 6,112-113).

 

27. Vouloir que notre prochain soit intégré dans la foi de l’Église

Le Fils est ici-bas l'envoyé de Dieu Trinité. Dans son amour, il apporte aussi celui du Père et de l'Esprit, et il le partage également à ceux qui croient en lui de sorte que non seulement ils sont rendus capables, par le Fils, d'aimer avec lui le Père et l'Esprit, mais que le Père et l'Esprit leur donnent, dans l'amour du Fils, leur propre amour. Il y a donc dans notre amour du prochain non seulement quelque chose du Fils mais aussi quelque chose du Père et de l'Esprit. Ce qui est de l'Esprit dans notre amour, c'est notre volonté que notre prochain soit intégré dans la foi de l’Église (NB 6,114).

 

28. Refuser la foi

Si nous refusions la foi, non seulement nous augmenterions le poids de la croix, mais nous renierions aussi le Père qui veut l'achèvement de l'œuvre de la rédemption. Notre accueil du Fils se réalise par le Père qui l'envoie; et quand nous tâchons d'aimer le Fils et de prendre part à son œuvre, qui veut dire la glorification du Père, notre contribution à cette glorification est une œuvre du Père (NB 6,114).

 

29. Prendre sa foi au sérieux

Déjà un sage de ce monde - un Hindou par exemple qui prend sa foi au sérieux - n'en restera pas à méditer les propositions de sa foi; il cherchera à assimiler l'esprit de la doctrine. Le jeûne sévère, la médiation continuelle, ce n'est pas sa religion bien sûr; pour le comprendre, nous devons demander pourquoi il fait cela, à quel esprit cela correspond. Ce que nous ressentons comme allant de soi chez un maître de ce monde devrait, dans le christianisme, nous être encore beaucoup plus incontestable (NB 6,115-116).

 

30. Vouloir tout ce que Dieu veut

En couvrant Marie de son ombre, l'Esprit lui apporte le Fils vivant. Mais il la place aussi devant lui, l'Esprit, dans un face-à-face que Dieu prévoyait comme une conséquence de son oui. Ce face-à-face est absolument voulu par Dieu, et par Marie également parce qu'elle veut tout ce que Dieu veut. Dans ce face-à-face avec l'Esprit Saint, elle perçoit une partie de son oui et, dans sa prière, elle expérimente le fruit de ce oui comme une présence de l'Esprit Saint, et à vrai dire comme quelque chose de tout à fait nouveau. Elle n'a plus besoin de chercher Dieu dans une sorte de prière active, elle y est introduite par la présence de l'Esprit. Le point de départ de sa prière et de son offrande d'elle-même se trouve ailleurs qu'autrefois : il se trouve en Dieu qui est devenu présent en elle par son oui. Elle est devenu temple, porteuse de tout ce que veut le Fils. Elle n'offre donc pas seulement son corps mais aussi son âme : son corps par la foi, mais son esprit également par la foi à ce qui est devenu vivant en elle, par sa foi vétérotestamentaire qui était suffisamment authentique et vivante pour devenir, quand le Fils se rend présent, une foi néotestamentaire qui adhère à la vérité du Seigneur (NB 6,126-127).

 

31. Connaître quelque chose de Dieu dans la foi

Pas plus que n'importe quelle autre femme, Marie (qui est enceinte) ne peut s'imaginer son Fils. Elle sait seulement que ce sera un garçon. Son attente ne va pas plus loin. Mais d'un autre point de vue, elle est beaucoup plus illimitée parce que l'enfant sera Dieu. Elle connaît quelque chose de Dieu dans la foi, dans la prière, de la manière la plus concrète sans doute par sa rencontre avec l'ange. Mais si son Fils sera Dieu, il viendra avec des desseins précis. Il va sauver les hommes. Et elle devra s'adapter à ces desseins. Pour les premières années, il attend d'elle qu'elle soit mère. Comme toute mère avec son enfant elle devra d'abord remplacer pour lui le monde (NB 6,130-131).

 

32. On a besoin de la foi pour savoir

Le Père laisse au Fils la vision éternelle, mais le Fils ne peut s'en servir que dans le cadre et selon la mesure de sa mission terrestre. Certains éléments de sa mission, il doit les puiser en elle, comme les promesses qu'il fait à l’Église ; d'autres ne peuvent apparaître qu'en y renonçant : il ne lui est pas permis de connaître l'heure du Père pour l'attendre comme il faut. En regardant le Père, il peut interpréter les signes dont notre foi a besoin de connaître la signification. Quand quelqu'un est appelé à la vie consacrée, il a besoin de la foi pour savoir : maintenant je dois tout quitter et y aller. Ainsi le Seigneur a besoin de sa vision du Père pour savoir : maintenant je dois quitter Nazareth, maintenant aller au désert, maintenant partir pour Jérusalem. On ne peut pas dire que le Fils "croit", car il est Dieu et il connaît la vérité, mais la manière dont il voit le Père correspond à notre foi (NB 6,142).

 

33. Un don de soi dans la foi

Si le Fils, en tant qu'homme, doit être l'amour parfait et accomplir toute sa tâche avec les moyens humains d'une vie limitée, d'un amour sans la pleine vision, d'un don de lui-même dans la foi, il doit forcément être saisi par le sentiment qu'il n'est pas à la hauteur, que c'est impossible. Il est évident qu'en tant que Dieu il peut tout; et il sait que sa décision divine de devenir homme était quelque chose de total et de parfait. Mais il s'agit maintenant de persévérer en tant qu'homme dans ce qui a été décidé divinement, d'accomplir comme homme ce qui est parfait, ce qu'aucun homme encore n'a accompli. Et parce qu'il a en lui la norme divine dont il ne peut s'écarter et qu'il l'a toujours sous les yeux, il sait constamment tout ce qu'il a à accomplir. Le plus difficile sera tout juste suffisant pour donner au Père la preuve qu'il correspond à son attente. Dans la décision divine, il y avait la garantie qu'elle pouvait être réalisée, que Dieu pouvait la réaliser (NB 6,144-145).

 

34. Si la foi le requiert

L'enfant que porte Marie dans son sein est Dieu, toute la foi de Marie est centrée sur cet enfant. D'un côté, c'est un phénomène tout à fait naturel parce que la mère s'adapte à l'enfant : dans son corps, dans son âme et dans son esprit, pour ses plans et ses réflexions. D'un autre côté, c'est surnaturel, cela requiert aussi à cet effet une transformation totale de sa foi; ses plans maintenant comportent tous la clause : si cela plaît ainsi à l'enfant, si la foi le requiert, et la foi est représentée très concrètement par l'enfant (NB 6,147).

 

35. Comprendre les vérités avec une intelligence mûre

La grossesse de Marie ressemble à un catéchuménat. Elle est une transformation par la foi de tout son mode de penser et de vivre, une initiation à la mentalité du Fils, dans une ouverture qui attend avec impatience la vie future, qui ne fixe rien, qui attend les instructions de l’Église. C'est par sa propre expérience qu'elle apprend les dogmes : le Père envoie le Fils, l'Esprit la couvre de son ombre, le Fils devient homme pour sauver le monde. Le catholique qui a appris le catéchisme quand il était enfant a souvent du mal plus tard à continuer à développer en lui les notions qu'il a dû apprendre. Elles sèchent comme des poutres qui, à la marée basse, ne sont plus baignées, qui deviennent stériles comme des arbres qui ne reçoivent pas d'eau. Celui qui se convertit à l'âge adulte a les avantages de son âge, il comprend et éprouve les vérités avec une intelligence mûre, et c'est en toute liberté qu'il reçoit ce qu'il désirait. En plus d'un point, sa volonté précède sa compréhension; une vérité lui paraît plus obscure qu'il ne s'y attendait, une autre plus petite; mais sa disponibilité jette des ponts, complète, lui apprend à prêter attention à l'ensemble (NB 6,147-148).

 

36. Les dons humains employés dans la foi

Le Fils de Dieu qui devient homme : la première impression qu'il a de la volonté humaine qui est la sienne comparée à sa volonté divine, est celle d'une perte inouïe. Mais ensuite il ressent qu'il y a comme une lumière et un bonheur dans le fait que l'homme peut ne jamais cesser de mettre sa volonté dans celle du Père. De la sorte, les limites de l'humain ne sont plus aussi difficiles à supporter. Finalement, il en est de même pour tous les dons humains : là où ils sont utiles et employés dans la foi, Dieu les accueille comme moyens pour parvenir à lui. Non que l'homme commencerait tout à coup à être divin, mais le caractère accablant des limites lui est enlevé (NB 6,154-155).

 

37. Une relation de l'homme à Dieu

Avec le péché, Adam préféra sa volonté à la volonté de Dieu, il essaya de se construire lui-même un monde dans lequel il donnerait satisfaction à ses désirs et à ses appétits sans que Dieu y mette le nez. Il essaya donc de se cacher. Avant la chute, Dieu n'avait pas besoin de montrer sa force; maintenant, il la montre comme étant la force capable de faire paraître au grand jour l'homme qui se cache. Et pour que le pécheur puisse reconnaître cette force, il ne doit pas oublier totalement comment c'était avant la chute ; le "naturel" de la présence de Dieu autrefois doit lui être gravée dans la mémoire. C'est pourquoi Dieu lui donne la foi : une relation de l'homme à Dieu, entretenue par Dieu, façonnée par Dieu quant à sa forme et quant à son contenu. Mais ce faisant, Dieu laissait à Adam sa liberté : l'homme pouvait inscrire son acte de foi personnel dans le cadre de la foi offerte par Dieu. Il avait le droit, le pouvoir et le devoir de réfléchir à sa foi, d'accueillir les paroles de Dieu et peut-être de ne pas les interpréter uniquement dans le sens qu'elles avaient à l'instant même où elles avaient été dites, mais dans un sens qui serait acceptable, compréhensible, utilisable par l'homme, sa vie durant (NB 6,187).

 

38. Se détourner de la foi ou lui accorder toute la place

Le Fils qui devient homme, homme sans péché, a vécu depuis toujours avec le Père, il l'a aimé et regardé ; le regarder et l'aimer constitue un va-et-vient, mieux un état qui est propre au Dieu trinitaire dans la vie éternelle. Au ciel, lors de sa décision de devenir homme, en regardant du Père, le Fils voit les éléments surnaturels que le Père a mis dans la foi des hommes, et ce qu'un homme peut faire avec cette foi : il peut s'en détourner, se retourner vers elle, la gérer en quelque sorte en dépit du bon sens jusqu'à peut-être lui attribuer tout juste une place à peine suffisante, ou au contraire lui donner une place extraordinairement grande, lui accorder toute la place, ou s’en dépouiller totalement. C'est ainsi que le Fils examine l'étendue des possibilités humaines, il voit ce que le Père a voulu lors de sa création, ce que l'homme veut en se détournant de lui, ce qu'il essaie de faire en se tournant à nouveau vers lui. Ainsi en qualité de Fils qui regarde le Père, il est témoin de ce que cela signifie de vivre dans la foi en tant qu' homme (NB 6,187-188).

 

39. La foi et son attente toute confiante

Le Fils apprend aux siens le Notre Père et il y range les unes après les autres les vérités de la foi - Dieu est au ciel, son royaume doit venir, etc. - avec des mots qu'il peut dire lui-même au Père en étant ici-bas et qui a priori ne supposent pas la vision : elles concernent la foi et son attente toute confiante. Il fait sienne cette attente de la foi qu'on peut appeler espérance parce que Dieu a offert aux hommes la foi, l'espérance et l'amour. Lui-même a l'amour et la vision telles qu'elles sont faites l'une pour l'autre, mais il ne veut pas en vivre seul, il veut, comme homme parmi les hommes, réaliser avec eux l'unité de la foi, de l'espérance et de l'amour (NB 6,188).

 

40. Donner à la foi une nouvelle dimension

Quand Paul s'est converti, la vision de Damas est décisive pour sa foi. Vision et foi coïncident, si bien qu'on ne peut pas contester que la vision soit à l'origine de la foi. Mais c'est un cas extrêmement rare. La plupart du temps, la vision ne sert pas à engendrer la foi de celui qui voit ou à l'augmenter, mais à enrichir le trésor de la foi de l’Église. Cette utilisation provient essentiellement du Seigneur. C'est lui qui en décide. Quand, dans les paraboles par exemple, il parle aux apôtres de la réalité céleste, une réalité qu'il connaît de toute éternité, c'est pour donner à la foi de l’Église une nouvelle dimension, pour assurer à la communion des saints un droit de cité au ciel (NB 6,190).

 

41. Le miracle et la foi

La réception des miracles est double : il y a les croyants qui y voient l'expression de la puissance de Dieu, et il y a les non croyants qui, par l'expérience certaine de quelque chose d'étonnant, sont introduits dans quelque chose de plus grand. Les premiers sont fortifiés dans la foi, les seconds sont acheminés vers la foi. Il y a aussi ceux qui refusent : ils sont témoins d'un miracle ou ils en ont entendu parler et, a priori, sans discussion, ils l'expliquent d'une manière naturelle ou comme un hasard. Les miracles contribuent ainsi à la division des esprits (NB 6,226).

 

42. La foi et la mort

Il peut certes se faire qu'on doive souffrir jusqu'à la fin et qu'on meure dans l'obscurcissement de la souffrance et qu'il ne soit aucunement question de ciel ouvert (comme pour le diacre Étienne). Peu importe, car c'est Dieu qui détermine la manière dont il veut rencontrer le mourant. Le sens de la foi n'est pas que j'aie une mort facile, mais que j'entre dans la mort comme un vivant, de la manière dont le Seigneur me l'accordera. Peut-être dans l'obscurité, la souffrance et l'angoisse et en n'y voyant plus rien. Mais peut-être aussi dans une dernière annonce de la Bonne Nouvelle : "Je vois le ciel ouvert" (NB 6,284).

 

43. La foi aimante

Les apôtres ont d'abord fait l'expérience du Seigneur comme ami - ce qui n'effaçait pas le fait qu'il fût le Seigneur et le Maître -, surtout Jean. Les apparitions du Seigneur pendant les quarante jours (entre Pâques et Ascension) sont une pure continuation de leurs relations de foi aimante (NB 6,302).

 

44. Savoir par la foi

Si notre vie et notre mort sont remis au Seigneur, si nous vivons pour lui et mourons pour lui, il est clair que les deux ne font qu'un, et ils le sont en lui. Si donc nous savons par la foi qu'il nous regarde et nous juge, qu'il recueille tout ce qui est nôtre et voit en tout notre intention, nous devons comprendre en même temps que ce regard du Seigneur embrasse notre vie comme notre mort et notre purification après la mort, car il nous voit comme ne faisant qu'un avec lui. Cette unité nous avons aussi à nous efforcer d'y arriver en nous. Il n'est aucune seconde de notre vie où nous pouvons faire abstraction de l'instant de notre mort. Car pour le Seigneur, sa relation à notre vie et à notre mort est la même (NB 6,320).

 

45. Quand la foi se fortifie en nous

La souffrance du Seigneur (sur la croix) est l'expression d'un amour qui vient de Dieu. Ainsi il est clair pour nous qu'il doit avoir souffert infiniment plus que nous ne pouvons l'imaginer. Parce que le serpent mord et fait mal, nous sommes plus capables de mesurer la souffrance que l'amour; c'est par la souffrance que s'impose à nous le fait que le propre de l'amour est de déborder. Quand alors la foi se fortifie en nous, nous comprenons aussi la souffrance autrement, non plus superficiellement mais en son centre; et en souffrant nous-mêmes ou en regardant la souffrance du Seigneur, nous apprenons que la souffrance sur la croix est l'expression de l'amour intra-divin. Dieu a choisi cette expression pour nous montrer le mystère de son amour ; pour pouvoir se révéler, l'amour souffre (NB 6,329).

 

46. Des hommes prêts, dans la foi, à recevoir l'Esprit

Marie a la grâce ; par conséquent elle peut, en collaborant, mériter de dire oui pour réaliser en elle toute la grâce. Ce qui veut dire aussi que la Mère a l'Esprit. Tout d'abord elle a pour ainsi dire l'Esprit de l'ancienne Alliance sous la forme de la foi en Dieu et en sa promesse; et, en raison de sa disponibilité, elle peut recevoir l'Esprit de la nouvelle Alliance. La nouvelle Alliance est fondée en elle comme par la suite elle sera fondée dans l’Église. Car le Seigneur prépare sa Mère de la même manière que plus tard il établira son Église. Il trouvera des hommes qui seront prêts, dans la foi, à recevoir l'Esprit comme il l'envoie (NB 6,421-422).

 

47. Une foi qui s’en remet à la vérité de l'Esprit

Quand l’Esprit Saint de Dieu se communique à nous d'une certaine manière, nous apprenons à croire ce qu'il connaît et aime. Pour nous, cela signifie avant tout que nous nous laissions prendre par l'Esprit ; tout ce que nous connaissons et aimons, nous le mettons à la disposition de l'Esprit de telle sorte que nous le retrouvions dans la foi sous une forme qui correspond à sa connaissance et à son amour. Si nous faisons cela sérieusement, nous n'en serions plus à tâtonner longtemps dans notre foi, ni à chercher le véritable amour, mais nous nous soumettrions à l'Esprit dans une sorte de prière habituelle et d'offre globale pour nous laisser illuminer et transformer par ce qui lui appartient. Notre foi resterait la foi bien sûr, parce qu'elle ne saisit jamais totalement le divin, mais elle serait en tout point une foi authentique parce que, en raison de sa soumission, elle aurait été remise à la vérité de l'Esprit (NB 6,433).

 

48. L’Esprit dilate la foi

Pour la foi, il y a deux étapes par l'Esprit. L'Esprit nous saisit (Dieu nous trouve avant que nous le cherchions) et nous montre le chemin vers le Fils. Ou bien nous avons appris à connaître le Seigneur et nous nous sommes efforcés de nous donner à lui. L'Esprit nous conduit alors à une meilleure compréhension de ce qu'est la foi, de ce qu'est Dieu Trinité et à une meilleure manière de nous donner à lui. Sans l'Esprit, nous en serions restés à attribuer au Fils le format de notre humanité, mais au niveau de la perfection. Ces limites que nous avions mises, l'Esprit les fait sauter non seulement pour amener notre foi au niveau toujours plus grand du Fils, mais aussi pour l'amener à la connaissance et à l'amour tels que l'Esprit lui-même les possède (NB 6,434).

 

49. On ne peut comprendre l’Écriture que dans la foi

Le Fils parle toujours au Père et aux hommes dans le sens et dans la plénitude de l'Esprit, et quand nous répétons ses paroles - le Notre Père par exemple - nous les disons parfois dans l'Esprit, mais très souvent seulement selon la lettre : nous réduisons tout un édifice à un seul point. De là découle la nécessité absolue de la méditation dans la prière et dans toutes nos relations avec la parole de l'Écriture sainte : elle ne peut être comprise dans la foi qu'avec sa dimension d'inspiration. Cela requiert un effort parce que notre condition de pécheurs éprouve le besoin effrayant d'éteindre partout l'Esprit (NB 6,551).

 

50. Dans la plus petite chose qu'il dit, le croyant est obligé d'accorder sa place à Dieu

Qu'un incroyant dise n'importe quel mot, c'est une chose; qu'un croyant utilise le même mot, c'est autre chose, car le croyant est obligé d'accorder sa place à Dieu dans la plus petite chose qu'il dit. S'il néglige de le faire, il s'éloigne de la vérité, il laisse le mot se réduire et il l'utilise finalement comme le fait le non croyant, dans une négation pratique de Dieu, dans un rejet de sa foi et de sa responsabilité existentielle (NB 6,20).

 

 

 

II. La foi chez les "compagnons" d'Adrienne

 

 

1. Marcel Neusch

La foi chrétienne s’efforce de montrer que le fait chrétien a une portée universelle. Pourquoi universelle ? Parce que les hommes ont une destinée commune. La prétention de la foi chrétienne, c’est d’ouvrir un espace de sens et de vie accessible à tous. La foi chrétienne met l’homme en question, et ce faisant elle ouvre l’homme à son propre mystère. Ce choix éventuel relève de la liberté de chacun. La foi chrétienne peut éveiller un intérêt, non forcer une adhésion. Elle peut tout au plus montrer un espace de sens et indiquer les gains et les pertes à s’y risquer.

 

2. André Frossard 

Il découvre brusquement la foi chrétienne pour être entré par hasard dans une chapelle de Paris où il y avait adoration du Saint-Sacrement. Ceux à qui il raconte son aventure lui posent la question : "Qu'est-ce cela vous apporte de croire ?" Réponse en forme de question : "Qu'y a-t-il de changé dans l'aveugle guéri ? Qu'est-ce que la musique apporte au sourd qui recouvre l'ouïe ?"

 

3. Christoph Theobald

A quoi sert l’Esprit Saint ? On ne sait pas comment il agit, on ne sait ni d’où il vient ni où il va, mais il fait son travail. Et son travail (l’un de ses travaux essentiels) : faire que notre foi chrétienne fasse le poids, la rendre vraiment crédible à nos propres yeux, la rendre un peu comme évidente.

 

4. Jeanne Bourin 

Elle a retrouvé Dieu à 40 ans. Elle écrit ceci : "Mon père, que j'aimais beaucoup, était hélas athée, avec une sorte de volonté crispée à se prouver que Dieu n'existait pas. Ma mère avait la foi du charbonnier, mais elle était tyrannique et violente, si bien qu'en philosophie j'ai abandonné tout rapport avec la foi. La mariage n'a rien changé. - Petit à petit, à travers des lectures, je me suis reposée des questions, et une nuit j'ai fait un rêve. J'étais assise près d'un mort et il avait mis sa main sur la mienne. Ma main était froide et la sienne était chaude. Je me suis réveillée en disant : Dieu existe. Je suis allée voir un prêtre et j'ai fait ce qu'il m'a dit avec un enthousiasme incroyable : prières, lectures, confession, communion. Entre Dieu et moi, il y a eu une espèce de passion... qui dure.

 

5. Jean Duchesne

La foi n'est pas un outil que l'on sort de son tiroir seulement lorsque le contexte nous y invite. C'est bien plutôt un état de veille, où l'on garde conscience de rester sous le regard de Dieu, toujours disponible.

 

6. Jean-Luc Marion 

Dire sa foi. Nous ne savons pas si nous avons le droit de parler. Nous sommes sûrs que nous n’avons pas le droit de nous taire.

 

7. Charles Delhez 

Dieu ne nous demande pas de croire bêtement en lui. La foi respecte la raison, mais elle la dépasse, elle va plus loin. La théologie, c’est précisément l’effort de notre raison pour comprendre davantage. Mais vient toujours un moment où il faut reconnaître que Dieu est encore bien plus grand que ce que ma petite intelligence a pu saisir de lui.

 

8. Cardinal Lustiger -

Nous ne pouvons ni ne devons jamais dire : "J'ai raté ma vie". Même si bien des occasions ont effectivement été manquées, même si nous n'avons pas répondu à l'appel de Dieu parce que nous avons été distraits ou en situation de refus. La grandeur de notre vie d'homme est de ne trouver sa plénitude qu'en s'achevant dans un acte de liberté et d'amour. C'est la dernière note qui achève la mélodie. Tant que Dieu nous donne encore une parcelle d'existence à vivre, tant qu'il nous donne son amour, nous n'avons pas le droit de dire que notre vie est ratée. Et la foi nous fait espérer encore plus. Le dernier souffle de nos lèvres n'est pas le dernier mot de notre histoire. Dieu, en sa miséricorde, poursuit notre purification du péché.

 

9. J.-Fr. Gosselin 

A la base de toute démarche de foi : Dieu peut-il donner un sens à ma vie ? Peut-il se révéler être une force capable de porter mon existence ? La révélation est avant tout la révélation du sens de l'existence. Dieu est celui qui donne sens. Dans l'acte de foi, il y a une rencontre de Dieu (qui désire le salut de l'homme et pour cela envoie son Fils) et de l’humanité qui aspire au salut.

 

10. Mgr Dagens 

La foi chrétienne n'est pas un cri, ni un sentiment enfermé dans le secret du cœur, elle porte en elle une capacité de comprendre le monde, et les autres, et soi-même, dans la lumière de Dieu.

 

11. Michel Deneken 

L’expérience de foi, c’est s’être senti rejoint par Dieu, c’est avoir conscience d’avoir été visité par Dieu… Jésus s’invite chez Zachée et immédiatement cette invitation déclenche la conversion du pécheur. Mais Dieu parfois vient et il n’est pas reçu. Il y a des invités à la noce… et ils n’ont pas le temps. Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas accueilli (Jn 1,11)… La foi, c’est être en confiance avec Dieu… C’est avoir le sentiment d’être en lien avec Dieu… et que rien ne peut briser ce lien.

 

12. Le curé d’Ars 

La foi, c’est quand on parle à Dieu comme à un homme.

 

13. A. Vergote 

Avoir la foi ! C'est l'avoir reçue, se l'être appropriée personnellement, agir de telle sorte qu'elle imprègne lentement l'existence entière. L'acte de foi : consentement personnel à l'invitation à s'unir pour la vie et pour la mort à Dieu tel qu'il s'est révélé par Jésus-Christ.

 

14. Pierre Chaunu 

Pourquoi la foi ? Parce que, quand les charmes de la consommation sont épuisés, il ne reste plus rien que la maladie et la mort, que rien ne pourra jamais écarter du champ douloureux de notre lucidité.

 

15. Mgr Léonard

- Il est assez de raisons, si l'on cherche, pour que la foi soit raisonnable, mais la foi demeure suffisamment souple et mystérieuse pour qu'elle demeure transrationnelle et demeure ainsi le fruit d'un acte libre. Il est suffisamment de raisons pour que la foi soit convaincante, mais non point contraignante. Dieu désire être aimé librement par des créatures libres. Il ne veut pas contraindre l'homme à croire en lui. Il n'est pas juste de vouloir contraindre quelqu'un à nous aimer : c'est d'ailleurs impossible. C'est pourquoi notre existence doit commencer par le clair-obscur de la foi durant cette vie terrestre ; il y a dans le monde et dans l’Église assez de lumière pour que la foi soit possible et raisonnable, et assez d'obscurité pour qu'elle demeure une option libre et transrationnelle.

 

16. Boris Bobrinskoy 

La foi implique un double mouvement : de Dieu, qui sort de son immutabilité vers la créature ; de l’homme, qui dépasse son autonomie et trouve en Dieu sa stabilité dernière.

 

17. Cardinal Decourtray

J’ai reçu la foi avec le lait de ma mère, j’ai désiré être prêtre tout petit sans que je puisse vous dire ni pourquoi ni comment, je suis allé au séminaire, j’ai été ordonné prêtre et puis évêque.

 

18. Annick de Souzenelle 

De nombreuses personnes n’abordent les rives de la foi que lorsque des événements terribles (mort, accident, maladie, séparation) viennent anéantir le château de cartes de leur vie sociale et affective… La vérité de leur être profond leur apparaît alors soudainement… Mais pourquoi attendre que des déchirements venus de l’extérieur nous apprennent un jour qui nous sommes ?

 

19. Gustave Thibon 

Je connais des hommes qui sont athées de toute leur foi. C’est leur soif de pureté et de transcendance, leur sens du mystère, leur désir du vrai Dieu dont personne ne leur a parlé qui leur fait repousser toutes les caricatures de Dieu qu’on leur présente : le Dieu bouche-trou, le Dieu fourre-tout, le Dieu gendarme ou grand-père.

 

20. François Mauriac 

On n’a pas besoin d’avoir la foi pour prier. Il faut prier pour avoir la foi.

 

21. Jacques Arènes - De la même façon qu’un enfant embrasse souvent la religion de ses parents, il hérite aussi souvent de leur athéisme ou de leur agnosticisme (ou de leur indifférence). Il y a un athéisme faible qui est surtout sociologique et qui se nourrit de l’air du temps, de valeurs de non-dépendance à un Dieu ou à une Église supposée oppressante. Certains jeunes croyants – quelle que soit leur religion – n’osent pas dire leur foi, même sur un mode mineur, dans la crainte de la dérision, voir du mépris du groupe.

 

22. Adolphe Gesché 

Quand on croit en Dieu, on doit désirer de toutes ses forces que l’idée qu’on se fait de Dieu soit la plus juste possible, corresponde au plus près à la réalité et ne soit pas compromise par toutes les projections de nos fantasmes : il y a trop de gens qui se disent croyants et qui limitent Dieu à leurs besoins ; on pense à lui quand on en a besoin, quand on est dans le besoin ou le malheur… La foi a tout à gagner à être débarrassée de tout ce qui en elle n’est pas authentique.

 

23. Peter Hans Kolvenbach 

L’annonce de la foi doit toujours être désintéressée. Nous avons fait l’expérience de cette richesse qu’est Dieu, de cette richesse qu’est le Christ. Nous désirons que beaucoup d’autres, que le Seigneur a mis sur notre chemin, possèdent la même richesse. C’est le commandement de l’amour.

 

24. Pierre Chaunu 

"Pourquoi restez-vous accroché à une foi d’un autre âge et qui s’en va en lambeaux ?" – Réponse : La vérité ne découle pas d’un sondage d’opinion. D’ailleurs au fond des cœurs, rien n’est profondément changé. Les hommes, mes contemporains, ont la même soif d’absolu, la même intolérance à la mort que les hommes du passé. La crise des Églises traduit une difficulté passagère à exprimer l’immuable Révélation. Si j’avais un conseil à donner aux Églises, je leur tiendrais à peu près ce langage : regarder bien en face la déroute des vingt dernières années (c’est écrit en 1982) et ne pas chercher à en tirer un bulletin de victoire et ne pas en faire la confession hypocrite des fautes des pères. De toute manière, ceux qui ont fait preuve d’un zèle sans intelligence valent mieux que ceux qui n’eurent ni zèle, ni intelligence. Ce que nous croyons est à l’épreuve de la crise. La crise des Églises n’est qu’une péripétie dans le temps de la patience de Dieu.

 

25. T. Radcliffe 

Il faut nous libérer de nos fausses idées de Dieu. La foi est un voyage dans l'obscurité où l'on détruit les idoles. En approchant du mystère de Dieu, j'entrevois aussi mon propre mystère. Dieu m'appelle par mon nom. Ce que je crois, c'est que je suis quelqu'un que Dieu appelle par son nom.

 

26. Colette Kessler 

L’Évangile n’a été donné qu’une fois. La foi chrétienne est la même pour tous. Mais l’accueil n’est pas le même chez tous, puisque chacun la reçoit selon sa propre capacité spirituelle, selon son ouverture à Dieu.

 

27. Claudel 

Un critique s'était gaussé de Claudel en lui disant qu'il avait retrouvé dans cette conversion "la jolie foi" de son enfance. Réponse de Claudel : Si l'incroyant qu'il était, poussé par la grâce de Dieu, se décide à faire le pas décisif, ce n'est pas parce que la foi est jolie (quel mot!), c'est parce qu'il ne peut pas plus s'en passer que de pain.

 

28. J. Ratzinger 

La foi chrétienne signifie être touché par Dieu et témoigner de lui.

 

29. Xavier Le Pichon - Pour se manifester à l'homme sans violer sa liberté, Dieu doit se cacher, il doit se faire tout petit. Il ne peut donc se révéler que dans la nuit. Car si Dieu nous appelle à partager avec lui une vie éternelle d'amour, l'amour exige un choix libre de notre part. Et notre vie terrestre est ce lieu où nous exerçons ce choix. Nous devons donc y vivre dans la nuit de la foi, faisant confiance à Dieu que nous avons choisi pour nous conduire vers une éternité d'amour avec lui. Les petits signes qui nous guident sont comme les étoiles que nous ne pouvons voir que de nuit.

 

30. Dominique Laplane 

Ce qui donne à ce monde sa cohérence illuminante, c'est la résurrection du Christ, à laquelle nous pouvons réellement ajouter foi, une foi fondée sur des témoignages d'une valeur historique déterminante, et une transmission attentive de génération en génération. Là encore, nous sommes libres de n'y voir que balivernes, car il n'y aura jamais de démonstration au sens logique du terme, mais lorsqu'on en a perçu la portée, il devient difficile d'en détacher les yeux.

 

31. Roger Schütz 

Penser que Dieu punit l’être humain est un des plus grands obstacles à la foi. Quand Dieu est regardé comme un juge tyrannique, saint Jean rappelle en lettres de feu que Dieu est amour. Ce n’est pas nous, c’est lui qui nous a aimés. Quant à nous, aimons, puisque lui nous a aimés le premier. Le Christ ne nous veut pas ivres de culpabilité, mais emplis de pardon et de confiance. Jamais, au grand jamais, Dieu n’est un tourmenteur de la conscience humaine.

 

32. Alexandre Men 

Savoir s'arrêter pour écouter l'appel de Dieu. Ne pas se laisser entraîner par le flux de l’existence. Le travail ne doit pas devenir une fin en soi, l’activité humaine dégénérer en activisme. Notre courte vie est l’école de l'éternité. La religion n'est pas un secteur isolé de la vie. Tout aspect de la vie, tout problème, tout ce qui nous touche est directement lié au Très-Haut. Pour lui, pas de littérature profane : tous les bons livres : littéraires, scientifiques, décrivant la nature, la société, la connaissance et les passions humaines ne parlent que d'une chose : de l'Unique nécessaire. Il n'y a pas une vie en soi qui serait indépendante de la foi. Tout tourne autour du Centre principal.

 

33. Henri de Lubac 

L’Église doit intégrer dans sa foi au Christ tout l’effort religieux de l’humanité. Tout ce qu’il y a de vrai et de bon dans le monde doit être assumé, intégré, dans la synthèse chrétienne où il se trouvera transfiguré.

 

34. Cardinal Martini 

Avoir la foi, ce n'est pas prier de temps en temps, aller à l'église parfois, aider un peu les gens, invoquer les saints la veille d'un examen. La graine de la foi qu'il nous faut est tout autre. Cela veut dire mettre sa vie entre les mains de Dieu, jouer son existence sur le Dieu vivant. La foi, c'est la faculté de découvrir le sens chrétien de la vie.

 

35. Rémi Brague 

Dieu ne cherche pas notre bonheur. Il ne cherche pas non plus notre malheur, d'ailleurs. Il cherche notre bien. Et notre bien, c'est Dieu lui-même. "Il est bon pour moi d'adhérer à Dieu" (Ps 72). La récompense de la foi, c'est encore plus de foi, de même que la récompense de l'amour n'est autre que davantage d'amour.

 

36. Guy Coq 

Le christianisme me paraît porté par le refus fondamental de consentir à la mort. Ce désir simplement humain d'éternité, comme refus de la mort, est la disposition affective nécessaire pour accéder à quelque intelligence de la résurrection, cette folie de la foi. Le nom chrétien de l'espérance est la résurrection, cette pointe du défi chrétien à la raison humaine. Mais si Dieu est, s'il aime, qu'est-ce qui peut l'empêcher d'appeler sa créature dans une éternelle et heureuse proximité avec Lui-même ? Si Dieu veut cette résurrection en posant devant nous le Ressuscité, il dévoile à l'homme quelque chose de lui-même, qui dépasse ce que peut atteindre de lui notre raison.

 

37. Philippe Ferlay 

La foi ne prétend pas que tout est facile et sans problème. Mais elle sait qu'à travers chaque événement Dieu fait signe et il invite à marcher vers lui dans une plus grande charité. La foi n'est pas faite pour rendre la vie facile, mais pour nous permettre de la vivre dans l'attachement indéfectible à l'amour du Père et dans le service de nos frères. Le péché absolu, c'est le refus de croire.

 

38. Paul Evdokimov 

Toute preuve contraignante de la part de Dieu violerait la conscience humaine. C'est pourquoi Dieu limite sa toute-puissance, s'enferme dans le silence de son amour souffrant, jette une ombre sur l'éclat de sa force. La foi garde et gardera toujours ce qu'elle a de nocturne, une obscurité crucifiante, une marge suffisante pour protéger sa liberté, pour garder le même pouvoir de dire à tout moment le non et bâtir son refus. La foi est un dialogue. Mais la voix de Dieu est presque silence ; elle exerce une pression infiniment délicate et jamais irrésistible. Dieu ne donne pas d'ordre, il lance des invitations : "Écoute, Israël", ou "Si tu veux être parfait..." Dieu accepte d'être refusé, méconnu, rejeté. Dieu est le Mendiant qui frappe à la porte : "Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi".

 

39. André Blanc-Lapierre 

Mes parents avaient une foi solide, et il est certain que leur exemple et l'éducation qu'ils m'ont donnée ont eu une forte influence sur moi. Plusieurs prêtres aussi ; et puis très fortement, il y a eu la venue de Jacqueline dans ma vie, la naissance de notre foyer, son cheminement dans la foi, jour après jour, très simplement mais fidèlement, dans la joie (joies de la famille, joies professionnelles), dans l'épreuve aussi. La perte d'un petit garçon à l'âge de dix ans fut un drame très douloureux, suivi plus tard pour moi par le déchirement créé par celle de ma chère Jacqueline. La foi n'élude pas la souffrance, ni les interrogations dans l'épreuve, mais elle nourrit la flamme de l'espérance. Elle nous conforte dans la pensée que ce qui a été construit sur l'amour, dans la vérité et sous le regard du Seigneur, a une valeur d'éternité, et que le Seigneur, qui est amour, saura bien nous réunir dans son royaume.

 

40. Alexandre Men 

Tout le monde est inconsciemment croyant. La foi religieuse traduit en paroles l'expérience inconsciente de l'homme. Ce besoin du religieux, du principe supérieur qui donne un sens, a conduit notre société à se faire des idoles de tout, de l'abondance, des acteurs populaires.

 

41. France Quéré 

Pourquoi le mal dans le monde ? Pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Pourquoi la douleur ? La question est éternelle. La foi s'impatiente et convoque Dieu à son tribunal, ce Dieu qui a éteint les yeux d'un enfant. S'il l'a fait pour punir, sa justice est pire que la faute qu'elle châtie. Si cela s'est fait tout seul, c'est encore lui (le coupable), puisque l'ouvrage entier est de sa main. Juge terrible, créateur négligent. C'est cela le Dieu d'amour ? "Qui a péché pour qu'il soit né aveugle ?" demandent les disciples : lui ou ses parents ? La réponse de Jésus : jamais réponse n'a fusé dans une telle gerbe de liberté et d'audace : "Il est aveugle pour que soit manifestée la gloire de Dieu". Ne regardez pas derrière vous, dans l'obscurité des causes. Pourquoi est-il aveugle ? Parce que le mal est aveugle. Et aveugles aussi ceux qui cherchent des explications qui les navrent et non des signes qui les illuminent. La souffrance est dans le monde. Dieu la laisse dans son lieu ombreux. Il serait cruel d'en accuser les hommes, sacrilège d'en accuser Dieu. Étrange répartie que celle de Jésus. Les hommes demandaient la cause, il donne le but. Dieu n'est pas dans le malheur, il est dans les remèdes. Il est le remède même. Au mal injustifiable, le Christ n'oppose qu'une réponse : sa certitude, ses mains miraculeuses, sa face suppliciée, son pain et son vin fraternels, l'effort de son amour.

 

42. E. Pousset 

Conviction de notre foi chrétienne : personne ne reste en dehors des appels de l’Esprit.

 

43. Jean Guitton 

Je ne crois pas que la foi soit facile. Je sais qu’elle est obscure. Je sais, je vois que la plupart de mes contemporains – et les plus illustres – n’y participent pas. Et cela est une douleur constante, mais pas pour moi une raison de douter.

 

44. G. Ganne 

Tout chrétien qui prend sa foi au sérieux fait cette expérience : n’importe quel événement prend sa signification dans sa référence au Christ. Cela ne se démontre pas, cela ne se révèle que dans le jeu de la foi.

 

45. Alexandre Schmemann 

La bêtise : elle est le fruit indubitable, et le plus terrible, du péché originel. Le diable est intelligent, dit-on communément. Mais non justement, le diable est infiniment bête, et c’est précisément dans sa bêtise que réside sa force. S’il avait été intelligent, il ne serait pas devenu le diable. Il y a longtemps qu’il se serait repenti. Car se rebeller contre Dieu est avant tout terriblement bête. La bêtise est fertile en inventions. La bêtise est tromperie et mensonge. Des balivernes délirantes paraissent intelligentes parce que, avant tout, elles apportent une satisfaction rapide. La bêtise, c’est ce qui marche.. La bêtise prospère. Elle a une fois pour toutes déclaré qu’elle était intelligente et que la foi, c’est de la bêtise.

 

46. Fabrice Hadjadj 

Je peux connaître avec beaucoup de précision tout ce qu’a fait Jésus, et même la Bible par cœur ; je peux être le conservateur d’un grand musée du christianisme et ne pas avoir la foi de quelqu’un qui a fait très peu d’études et qui prie Jésus.

 

47. François Varillon 

La foi est essentiellement libre. Elle est liée à la bonne volonté. C'est à l'être moral que Dieu s'offre, non point à la seule raison. Un Dieu qui se présenterait à l'intelligence de l'homme de telle manière qu'il suffirait de raisonner correctement pour adhérer à lui ne serait point le Dieu vivant, mais une idole. Il n'y a pas de connaissance de Dieu sans conversion du cœur.

 

48. Olivier Clément 

En Occident, la foi chrétienne est souvent identifiée à une morale ou à un engagement social de type caritatif, mais l’expérience spirituelle, le vie mystique qui en est le cœur véritable, reste malheureusement méconnue. Les chrétiens se sont trop portés aux frontières en oubliant le centre, le cœur.

 

49. Bernard Sesboüé 

Pour notre foi chrétienne, le paradoxe de la condition humaine, c'est que nous sommes des êtres limités et que nous sommes invités à vivre en communion avec Dieu. Et nous ne pouvons pas nous procurer cette communion par nos propres forces. On ne peut la recevoir que comme un don que Dieu nous fait de lui-même.

 

50. Madeleine Delbrel 

Évangéliser, ce n'est pas convertir. Annoncer la foi, dire sa foi, ce n'est pas donner la foi. Nous sommes responsables de parler ou bien de nous taire, nous ne sommes pas responsables de l'efficacité de nos paroles. La foi, c'est Dieu qui la donne. Annoncer la foi, c'est tout simplement d'abord être un informateur. Nous devons être des informateurs d'une nouvelle. Mais l'informateur de l’Évangile doit être quelqu'un qui, sur d'autres plans que celui de l’Évangile, est reconnu pour véridique, pour exact, être quelqu'un qui ne prend pas des fumées pour des réalités. Il s'agit d'une nouvelle, d'une chose qui est en train de se passer, d'un événement qui est en route. Ce n'est pas une leçon d'histoire ancienne, c'est une information sur notre temps, c'est une nouvelle fraîche… Mais quand des hommes ignorent que Dieu est leur bien, nous n’avons pas à nous aligner sur leur ignorance, leur misère.


 

III. Quelques notes sur la foi dans les "Pensées" de H.U.v. Balthasar

 

 

1. Le Père Balthasar puise dans un ouvrage en latin du XVIe siècle cette histoire du charbonnier. - « Un professeur de théologie s’amusait à faire passer un examen à ce fameux charbonnier et il l’interrogeait sur les articles de la foi. Le charbonnier fut d’abord capable de lui réciter les principaux articles sur Dieu dont il avait entendu parler le plus souvent à l’Église. - Comme le théologien le poussait, il se contenta d’affirmer qu’il croyait tout ce que croyait l’Église. Et comme on lui demandait ce que croyait l’Église, il s’en tira en fermant le cercle : « L’Église croit ce que je crois, je crois ce que croit l’Église ». - Conclusion du P. Balthasar : « Cette foi du charbonnier, si digne de respect, est certainement beaucoup plus assurée dans ses bases que celle du docteur de la Loi qui le sondait ». - Cette foi « souffrait sans doute avant tout de n’avoir pas été suffisamment instruite de l’événement de la croix et de la résurrection. Ou peut-être l’homme était-il simplement trop timide pour confier à cet éplucheur de concepts l’intuition cachée de son cœur et se réfugiait-il dans le sein de l’Église sa mère ».

 

2. "Toujours l’homme doit trouver Dieu par une conversion, par un aveu qui lui répugne, jamais Dieu ne se trouve dans le prolongement de ses désirs et de son idéal, pas plus que dans celui d’une ascèse ou d’une mystique. - Toutes les expériences humaines doivent servir Dieu, Lui n’a besoin d’aucune, il ne s’en sert jamais sans la transformer par sa touche brûlante".

 

3. Une foi avec des réserves est une contradiction en soi. Jésus exige toujours le don de tout l’homme dans la foi. L’essence du don consiste à renoncer à toute objection.

 

4. Trois degrés de l’acte de foi : - 1/ Credere Deum : croire que Dieu existe. - 2/ Credere Deo : croire à ce que Dieu dit. - 3/ Credere in Deum : faire confiance à Dieu, s’abandonner à Dieu.

 

5. L’abandon à Dieu inclut foi, espérance, amour. Il peut se réaliser « dans la lumière de l’amour rayonnant de joie, ou dans la nuit de Job et de Jérémie ». Dans un tel acte, « l’homme se jette tout entier dans le mystère de l’amour divin ». Cet acte est illuminé de toutes parts par le rayonnement du mystère.

 

6. La foi renonce à sa propre mesure de la vérité et à son jugement propre, et laisse être vrai ce qui est vrai pour Dieu.

 

7. Il faut à tout prix éviter de dire que le Père a voulu que les hommes crucifient le Fils. Ici règne un mystère, nous n’y avons aucun accès, nous comprenons seulement dans la foi que ce mystère caché en Dieu doit être un mystère d’amour.

 

8. La prière mystique n’est que la conscience devenue expérimentale des mystères de la foi, que l’orant ordinaire vit dans l’obscurité de la foi.

 

9. A celui qui se ferme au mystère, se ferme aussi le mystère.

 

10. Ce qu’atteste la foi chrétienne n’est pas directement vérifiable en ce monde; mais ce qu’elle propose est censée contenir la solution à l’énigme angoissante de l’existence. Ce qui est attesté, c’est que l’homme Jésus, le crucifié, est vivant, qu’il a réussi à percer la frontière de la mort et de la fatalité. Et ceci d’abord non pour lui-même, mais pour nous

 

11. La force de la foi est telle qu’elle peut se mesurer avec toute pensée et la ramener au centre.

 

12. Le monde a un sens éternel établi par Dieu. L’homme s’insère dans ce sens par la foi, la prière et l’obéissance.

 

13. Les statistiques n’ont jamais rien prouvé dans le domaine de la foi chrétienne; elles indiquent tout au plus que les hommes qui croient sincèrement, qui prennent leur foi au sérieux dans toute leur vie, ne constituent qu’un "petit troupeau" (qui ne doit pourtant pas s’abandonner à la crainte), qu’ils sont en tout cas bien moins nombreux que ne le laisserait croire un décompte des gens qui fréquentent l’Église.

 

14. Quand le Christ ressuscité se manifeste aux siens, ils sont subjugués. Non seulement les disciples ont conscience d’être reconnus, mais transpercés par celui qu’ils rencontrent. Bien plus, ils sentent qu’il les connaît et les comprend dans leur originalité propre bien mieux qu’ils ne se connaissent et se comprennent eux-mêmes. - Par suite de la mort de Jésus, sa cause n’a plus aucun avenir. La foi des disciples est morte; même le message des femmes le matin de Pâques ne peut pas la réveiller (Lc 24,11). - Seul peut la réveiller le Ressuscité lui-même qui, avec sa personne, leur rend le Dieu vivant. Pour les onze, comme pour Marie de Magdala au tombeau, il doit se produire quelque chose de semblable à ce qui est arrivé à Paul devant Damas : une chute à terre tout au moins au plan spirituel.

 

15. Le Christ demeure un mystère insondable sans son Esprit Saint qui nous donne les "yeux de la foi" pour voir, véritablement, dans l’amour, ce qui est.

 

16. Dans l’Ancien Testament et dans l’Église, l’expérience faite par un seul peut être considérée par les autres comme leur appartenant : ainsi en Moïse, tout le peuple était dans la nuée; en Samson, en Gédéon, en Samuel, tout le peuple est confirmé dans sa foi; en Job et dans le Serviteur souffrant, tout le peuple reconnaît sa souffrance; d’une certaine manière, c’est pour chacun comme s’il était, dans la meilleure partie de lui-même, Job ou le Serviteur souffrant ou le chantre de tel ou tel psaume qui exprime sa propre foi. - Depuis que Marie a posé la base de l’Église, cette solidarité de l’expérience est devenue encore beaucoup plus étroite : il est maintenant presque indifférent de savoir à qui est accordé une expérience… Celui qui en bénéficie est certes un élu, mais il appartient par là même beaucoup plus intimement à la communauté et à chaque croyant. - Dépouiller et exploiter les saints est dans l’Église catholique une pratique courante. Cependant ce communisme mystique dépend du fait que des individus reçoivent d’abord des choses qui demeurent cachées aux autres.

 

17. Si aujourd’hui certains estiment n’avoir que trop entendu parler de Jésus Christ et du christianisme, s’ils en sont saturés au point de ne plus pouvoir donner d’autre réponse que celle de l’athéisme, peut-être la cause en est-elle que notre parole n’était pas assez claire, ni assez désintéressée (les colonies!), ni assez simple, ni assez cohérente. Nous n’avons pas suffisamment mis en évidence notre être et notre qualité d’envoyés. Il nous faut recommencer par le début, nous efforçant d’être désormais  plus dignes de foi.

 

18. La foi de l’Église a tout à la fois quelque chose d’absolu et quelque chose de relatif. - Absolu : parce que l’Église est liée au Seigneur et qu’elle veut lui être fidèle. - Relatif : parce que le Seigneur n’est pas enchaîné aux formes conférées à son Église (le ministère et les sacrements), mais dispose de voies souveraines, inconnues de l’Église, pour mener d’autres êtres à la même fidélité à son égard.

 

19. L’action de Dieu envers l’homme n’est digne de foi que si elle exprime un amour. La foi : percevoir et accueillir l’amour souverainement libre de Dieu manifestant sa gloire.

 

20. La foi, c’est : Mon Dieu, tu as raison dans tous les cas, même si je ne comprends pas. - L’espérance, c’est : En toi seul, mon Dieu, la durée de ma vie a un sens et c’est pourquoi je renonce à trouver mon assurance en moi-même. - L’amour, c’est : Toutes mes forces et tout mon cœur s’efforcent de te dire : Oui, mon Dieu… Et de dire oui à ceux que tu m’as assignés comme prochain.

 

21. Il y a bien plus de vérité dans le Christ que dans la foi de l’Église et bien plus de vérité dans la foi de l’Église que dans les dogmes explicitement formulés.

 

22. Incarnation : l’Inaccessible se rend visible, non pour se rendre maître des hommes, mais pour les admettre dans son domaine… La foi, c’est quand on est saisi par Dieu dans le Christ.

 

23. Ne pas comprendre et pourtant croire et dire oui est essentiel à la foi chrétienne. Le Fils lui-même sur la croix ne comprendra pas pourquoi le Père l’a abandonné. "Si tu comprends, ce n’est pas Dieu", disait saint Augustin.

 

24. Le don de prophétie n’est rien d’autre que la capacité d’exprimer la foi chrétienne dans des paroles correctes et fécondes à l’intention des autres membres de l’Église.

 

25. La croix du Christ, par laquelle Dieu se charge de toute la douleur des hommes, rend digne de foi le Dieu vivant... (C'est ce qui est arrivé et que saint Paul appelle la folie de Dieu). - Qu'apporte au monde la mort du Christ? Si elle est ce que croient les chrétiens, elle confère un sens à l'absurdité de l'existence individuelle et de l'histoire du monde, elle érige au milieu du royaume de la mort l'espérance d'une vie auprès de Dieu victorieuse de la mort.

 

26. Pour la foi chrétienne, il n'y a pas d'achèvement naturel de l'homme. L'homme réel demeure en lui-même inachevé, et cela de la manière la plus douloureuse. -  Pour la foi chrétienne puisée dans la révélation de l'Ancien et du Nouveau Testament, le premier Adam, l'homme tout simplement n'est pas entièrement compréhensible en lui-même; il ne le devient que par l'existence du Fils de Dieu mourant et ressuscitant. -  La fin ultime de l'homme se situe au-delà de l'homme : en Dieu. Le Fils de Dieu incarné est unique en son genre et insurpassable : il est la norme de tout homme et de toute l'humanité.

 

27. Le christianisme n'est pas une vérité ordinaire dont chacun peut discuter en connaissance de cause, même s'il en est fort éloigné; seul celui qui entre dans le secret peut aussi comprendre, et entrer dans le secret veut dire : partager la foi et l'amour. -  Voilà pourquoi toute la sagesse du monde est réduite à néant : ce qu'elle en dit de l'extérieur est nécessairement insuffisant et même faux. Car personne ne peut "deviner" ce qui se passe en Dieu... Car nul ne connaît ce qu'il y a en Dieu sinon l'Esprit de Dieu. Et nous, nous avons reçu l'Esprit qui vient de Dieu.

 

28. Il y a des heures privilégiées où Dieu accorde à l'homme d'apercevoir, soit dans un éclair, soit dans une paisible contemplation, de vastes panoramas de la vérité divine, envisagés presque au point de vue de Dieu. -  Alors l'incompréhensible peut s'éclairer de manière foudroyante et pénétrer dans le champ d'expérience du croyant. Mais celui qui aime et qui croit ne réclamera pas de "gnose" de cette espèce, et encore moins ne l'exigera impétueusement; il préférera demeurer dans une attitude de confiance réceptive. -  Dans l'ouverture d'âme qui doit le caractériser, il ne s'enfermera pas dans la foi du charbonnier qui serait fausse humilité; tout au contraire, partout où l'intelligence de la foi s'offre à lui, il la recevra à bras ouverts et se laissera entraîner par elle dans un amour plus profond. -  Celui qui communique cette intelligence dans l'amour, c'est le Saint-Esprit qui, en tant qu'Esprit des enfants de Dieu, suscite et l'accès direct, béant, à tous les trésors et mystères divins, et l'esprit filial qui ne s'empare pas de ce qui ne lui appartient pas. -  Il fait partie des merveilles du rapport avec Dieu que la maturité et l'esprit d'enfance grandissent dans la même mesure.

 

29. La foi consiste à suivre le Dieu qui est en marche à travers le temps et qui ouvre la route, sans qu'on puisse savoir d'avance où elle mène. Ce sera toujours comme pour Abraham (Gen 12,1) et le peuple au désert. Dieu peut en tout temps donner de nouvelles instructions.

 

30. Qu'est-ce qu'un croyant? Quelqu'un dont le cœur est orienté vers Dieu. Celui dont le cœur est profondément orienté vers Dieu ne doute pas que Dieu vienne à sa rencontre, il croit qu'il le rencontrera un jour ouvertement. -  Et sa foi est en même temps espérance : car dans cette rencontre se manifestera le sens profondément caché de notre existence. -  C'est pourquoi il aime par avance cette rencontre avec Dieu et s'en réjouit.

 

31. L'acceptation de Marie au calvaire est le type même de l'acceptation pour toute la foi ecclésiale; elle est l'attitude existentiellement parfaite qui doit durer à travers tous les temps. - Renoncement douloureux et perte de quelque chose : dimension qui fait partie de la notion de sacrifice déjà dans les religions naturelles et à laquelle on ne saurait renoncer. - La scène de la présentation de Jésus au temple : la vie de Jésus commence par ce "geste d'offrande" de la Mère qui rend à Dieu son premier-né et reçoit alors la prédiction au sujet du glaive de douleur.

 

32. La foi chrétienne ne consiste pas d'abord à tenir pour vraies les formules présentées dans l'annonce, mais à saisir l'événement par lequel on a d'abord été saisi pour venir à la foi (Ph 3, 12). Elle consiste donc aussi à se laisser modeler par la forme de l'événement, par l'obéissance de foi du Christ lui-même. - Cette obéissance de la foi est la remise de soi inconditionnée, faisant abandon de toute condition, à la volonté intégrale de Dieu. La foi n'est chrétienne que si elle renonce radicalement à circonscrire le domaine de son adhésion : "Je crois dans la mesure où je comprends, où je puis prendre cette responsabilité, où les exigences spirituelles et existentielles ne vont pas trop loin, etc." Dieu seul peut exiger pareil don. Il faut donc que Dieu lui-même resplendisse dans son absolu divin pour que l'événement reçoive l'adhésion inconditionnée de la foi. Comment est-ce possible?

 

33. La foi, l'espérance, la charité sont les manières dont le cœur humain qui palpite, inquiet, se blottit dans l'éternel, avec tout ce qu'il aime ici-bas et entraîne avec lui.

 

34. Le christianisme, c'est la foi en une action de l'amour de Dieu Trinité, une action qui est antérieure et inaccessible à toute aspiration et à toute attente humaine.

 

35. Arrière-plan trinitaire de la foi : nous sommes enracinés dans le Fils, le Fils est enraciné dans le Père.

 

36. Dans toute l’Écriture : Réduit à ses propres ressources, le cœur de l'homme se dérobe à Dieu, non seulement par hasard et occasionnellement, mais essentiellement. - D'autre part, le cœur de Dieu ne se refuse pas à l'homme et il peut inspirer au défaillant la force aimante de demeurer dans la fidélité, c'est-à-dire dans la foi.

 

37. La profession de foi (la confession de sa foi au baptême ou en d'autres circonstances) n'est que l'entrée dans le rapport vivant d'alliance avec Dieu : seule la vie montrera si l'homme prend cette alliance au sérieux, et s'il préfère sérieusement à sa vérité et à sa volonté propres la vérité de Dieu, qui se manifeste dans sa volonté et dans sa loi.

 

38. La foi, c'est la participation à la vie, à la mort et à la résurrection historiques de Jésus.

 

39. La libre ouverture du cœur de Dieu répand une lumière incomparable qui illumine toute notre existence, nos pensées, nos actes et notre amour... Nous devons nous approcher de ce Dieu inaccessible "en toute confiance par le chemin de la foi au Christ" (Ep 3, 12) qui nous a "interprété" le Dieu "que nul n'a jamais vu" (Jn 1, 18).

 

40. Dieu éclaire et persuade tout homme par le dedans. Et il demande en réponse à tout homme un oui libre et obéissant : la foi, c'est ce oui; et ce n'est que par ce oui que l'homme peut parvenir à sa vérité propre.

 

41. Il appartient à la substance de la foi chrétienne de tenir pour possible et réelle l'intercession par la prière et par la souffrance.

 

42. La foi, c'est l'attitude de l'homme par laquelle il correspond à l'appel de la révélation divine par la force de la grâce.

 

43. Dans la relation avec Dieu, on doit faire "comme si" on l'aimait. On doit "imiter" affectivement et effectivement ceux qui s'aiment. Ce n'est pas de l'hypocrisie, mais une simple conséquence que nous vivons dans la foi et non dans la vision (ou le sentir ou l'expérience)... - L'amour aimerait des preuves, aimerait se reposer dans la vision de la réponse immédiate... - Il doit renoncer à l'évidence de son propre amour parce que, en plus de la gravitation naturelle de l'âme vers Dieu, existent la possibilité d'avoir constamment accès auprès de lui, la sécurité, la certitude de réciprocité, l'absence de troubles causés par de bas instincts, l'indestructible fidélité de Dieu.

 

44. La Révélation est close : l'image canonique de la Révélation est close parce que une extension du don que Dieu fait de lui-même au monde est impossible au-delà de Jésus Christ. - Mais, pour la même raison, celle de son caractère divinement insurpassable, l'image de ce contenu demeure ouverte pour toutes les époques de l'histoire, afin qu'on la saisisse et qu'on la pénètre plus profondément. - Cependant on ne peut pas dire que les premiers chrétiens ne la comprenaient que d'une manière fragmentaire et que les générations suivantes arrivent à une connaissance plus complète et à une vue d'ensemble sans cesse perfectionnée. - Bien plutôt, l'image est simple et saisissable d'un seul coup d’œil dans sa totalité pour les yeux éclairés par la lumière de la foi. C'est pourquoi on doit dire sans hésiter que si, au cours de l'histoire de l’Église et de l'humanité, elle doit subir un certain développement, on ne peut s'attendre à aucun déplacement décisif des centres essentiels, à aucune modification des proportions.

 

45. Le P. Balthasar : Péguy a presque entièrement fait retomber les responsabilités de la déchristianisation moderne sur le clergé et les religieux... - "Il faut se méfier des curés. Ils n'ont pas la foi, ou si peu. Ils sabotent les jardins éternels... Ils sont comme des pieds d'éléphants lâchés dans les jardins du Seigneur. Ainsi les curés travaillent à la démolition du peu qui reste. Ils ne veulent pas faire leur mea culpa... Ce sont eux qui sont chargés de prier pour les péchés du monde, et aujourd'hui, nous avons l'impression qu'ils ont gouverné de telle sorte que c'est le monde qui aura besoin de prier pour eux".

 

46. Dans l'expression de la foi chrétienne, il se trouve des "enthousiasmes creux et de mauvais aloi".

 

47. Pour saint Paul, la foi c'est, entre autres choses "une lutte pour étendre à la totalité de l'existence visible la puissance de l'invisible". - La foi chrétienne est ce qui nous introduit dans l'attitude la plus profonde de Jésus. - La foi de Jésus en Dieu était inconditionnée et il a l'audace d'y introduire ses disciples à force de prière, de courage à les porter, mais aussi d'exigence. Dieu a répondu à cette audace par la résurrection, désignant ainsi dans cet audacieux quelque chose de plus qu'un simple homme.

 

48. Celui qui ne comprend plus Dieu peut peut-être comprendre encore que même le Fils de Dieu ne comprend plus pourquoi le Père l'a abandonné.

 

49. L'homme est appelé à rencontrer Dieu, il le connaîtra dans la foi vivante, dans ces touches secrètes au fond de l'âme qui rendent sa présence et son action évidentes.

 

50. Rien ne tue plus sûrement la foi dans le cœur des hommes que le faux-semblant et le manque d'humanité des dévots, des hommes d’Église.

 

51. La foi chrétienne, c'est de reconnaître qu'il existe une "révélation spontanée de Dieu". Et être croyant c'est, devant cette révélation spontanée, se tenir en état de réceptivité. - Le Christ est venu et il a commencé par montrer aux cœurs "ce qu'est la transparence confiante à Dieu" et par les y exercer. Jésus aide les hommes à poser l'acte de foi. "Sans moi vous ne pouvez rien faire" (Jn 15, 5), mais aussi : "Je puis tout en Celui qui me rend fort" (Ph 4, 13). - L'acte de foi central est "un acte de reconnaissance de la supériorité totale de Dieu en fait de savoir et de pouvoir". Ce doit être un acte humain, objet d'une responsabilité spirituelle. Toute religion vraie repose sur une relation d'ouverture humaine, de don de soi, de disponibilité, de perméabilité à la puissance de Dieu.

 

52. La foi vivante qui aime et qui espère est en nous une forme de l'imitation du Christ; elle a besoin en cette vie de la forme de l'esclave et de l'humiliation pour devenir féconde pour la vie éternelle. - Toute lumière nouvelle accordée à la foi la rend capable de s'abandonner plus foncièrement et plus réellement à l'obscurité supra-lumineuse de l'amour divin toujours plus grand.

 

53. La seule norme de vérité pour le chrétien : Jésus m'a aimé et s'est livré pour moi... Je fleuris sur la tombe du Dieu qui est mort pour moi, j'enfonce mes racines dans le sol nourricier de sa chair et de son sang. - La foi, c'est témoigner sa reconnaissance à Dieu, c'est montrer qu'on a compris... L'existence du croyant doit être comprise à partir de la mort du Christ qui est pour nous le déploiement de la gloire de l'amour divin. Elle est le centre absolu de la réalité... Il faut donner à Dieu la prépondérance sur notre propre vérité et nos doutes et nos hésitations.

 

54. La foi en la résurrection des morts est insensée au regard de la corruption et du tombeau, elle contredit toute l'expérience, mais elle est suspendue à un fait : la résurrection du Christ sans laquelle toute la foi chrétienne est vide (1 Co 15, 14). "Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi ! Palpez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai".

 

55. Le centre théologique de l'histoire du monde, c'est le Dieu fait homme, Jésus Christ. - Être chrétien, c'est se placer sous la norme du Christ. Pour cela, se reporter à la forme d'existence du Christ dans le temps. Comme le Christ vivait dans le temps, ouvert, confiant, ne s'inquiétant pas, ne faisant point de projet, n'anticipant rien, mais remettant au Père toute sa vision et toute sa disposition de la vérité, et vivant de la vérité donnée à chaque instant par le Père, espérant, aimant Dieu et les hommes, ainsi l'homme doit vivre, marchant sur les traces du Seigneur. - Être dans le temps et ne pas s'élever au-dessus du temps. Dans une attitude pleine de disponibilité, chercher à comprendre les signes du temps et le message qu'il contient. Recevoir de Dieu le contenu et l'explication de sa vie; recevoir son temps comme donné à chaque instant par Dieu sans tenter de s'en emparer. Ce n'est que dans l'attitude de foi et de prière qu'une mission est accordée à l'homme. État d'ouverture pour la réception d'une vérité toujours nouvelle de Dieu.

 

56. La foi : une lecture du caractère dramatique de l'existence à la lumière de la révélation biblique. Dieu a mis en scène l'univers et l'homme dans un drame où nous nous trouvons engagés comme partenaires. But du P. Balthasar : intégrer dans cette perspective de foi tous les projets que l'intelligence humaine ait jamais pensés. Pour cela, dépasser toutes les représentations qui ont existé au sujet de Dieu : la mythologie qui dissout Dieu dans le drame cosmique, la philosophie qui exclut Dieu du drame parce qu'il est trop élevé au-dessus des destinées terrestres.

 

57. Un Dieu personnel n'est digne de foi que là où il ne se contente pas de faire des discours sur les souffrances du monde pour les apaiser, mais là où il agit en marchant vers la croix.

 

58. De toutes parts retentit le cri : Où pouvons-nous faire l'expérience de Dieu? Il faut à l'homme un minimum d'expérience comme tremplin pour risquer le saut de la foi. Le fiat de Marie a été précédé du salut de l'ange, les Douze ont été engagés et envoyés par un Maître qu'ils connaissaient, Paul a subi à Damas l'emprise du Christ glorifié qui l'a désapproprié.

 

59. Tout contemplatif, et pas seulement celui qui est favorisé de grâces mystiques, doit s'attendre, si sa contemplation est l'expression d'une foi vivante qui marche à la suite du Christ, à une certaine expérience de la nuit. Elle est un signe qu'il se trouve sur les traces du Christ, donc précisément un signe consolant, bien qu'il ait nécessairement la forme d'un retrait de toute consolation... - La consolation sensible sera nécessairement, et pour un temps indéterminé, et sans cesse, retirée au progressant, parce que Dieu ne peut être trouvé sur aucune autre voie que celle de la mort et de la résurrection de son Fils.

 

60. Le rôle des saints est de provoquer des renouveaux. Souvent ils sont rejetés ou bien ils ne sont accueillis que par un petit groupe. Souvent leur rayonnement est posthume. Toujours on aura la petite équipe volante des saints au milieu de l'énorme et pesant troupeau "des bons pécheurs" comme disait Péguy, mais aussi des moins bons, du dehors et surtout du dedans. Toujours l’Église du Christ comptera une foule de gens à la traîne ou dont la foi, l'espérance et la charité sont chancelantes. Pour saint Augustin, l’Église reste mélangée jusqu'à la fin des temps. Il reconnaît qu'il existe des membres de l’Église en dehors d'elle, et inversement des étrangers à sa visibilité qui en font réellement partie.

 

61. Nul ne peut recevoir Dieu chez soi en s'appropriant Dieu; si Dieu est essentiellement don, on ne le "connaît" et on ne le possède que lorsqu'on est désapproprié de soi-même et livré... Disponibilité à se laisser désapproprier... Cette disponibilité s'appelle la foi; par essence, elle est la disposition à laisser agir l'amour : non seulement le laisser agir à sa guise mais vouloir ce qu'il veut, c'est-à-dire vouloir être saisi par lui.

 

62. Sans pénitence et sans renoncement sérieux, personne ne peut accéder à une foi, à une espérance et à une charité vivantes.

 

63. La foi signifie l'abandon total à Dieu (Abraham, Marie), elle est une confiance, une réponse absolue et sans reprise à l'amour du Dieu de l'alliance; pour le chrétien, elle est réponse à l'amour du Christ qui s'est livré tout entier.

 

64. L'homme ne peut connaître le Dieu vivant que par la foi en Jésus Christ.

 

65. La valeur chrétienne suprême ne consiste pas dans l'expérience de la transcendance, mais dans le fait d'assumer la vie grise de tous les jours dans la foi, l'espérance et l'amour.

 

66. L'objet de la foi s'offre au moment précis et dans la mesure où l'homme, renonçant à saisir et à comprendre par lui-même, se donne et se livre à ce qui est à croire.

 

67. Aucune technique ne saurait arracher à Dieu la moindre parole de révélation; il ne la profère qu'avec une liberté souveraine et attend de celui qui la reçoit le oui simple de la foi.

 

68. Dieu se révèle à l'homme en vertu de sa propre initiative divine libre... Et c'est seulement en présence de l'Amour absolu que l'homme est amené à sa vérité et, par là, à son intelligibilité... L'homme ne peut se comprendre sans l'acte libre de Dieu qui se révèle... Dieu n'est jamais tout à fait extérieur à l'homme... Le christianisme a dévoilé à l'homme une voie inespérée vers son achèvement qui, en dehors de Dieu, avait toujours échoué; mais c'est une voie qui a comme présupposé la foi en la résurrection du Christ et contrarie ainsi la raison, les conviant à un duel sans cesse renouvelé.

 

69. La foi est toujours obéissance même lorsqu'elle cherche à comprendre... Et ce n'est que par la foi que nous comprenons.

 

70. Notre foi chrétienne est quelque chose de bien concret et de presque tangible.

 

71. La connaissance de foi a d'innombrables degrés de profondeur... La relation interpersonnelle nous apprend à connaître l'intimité d'une autre personne dans la mesure où elle nous fait entrer plus avant dans sa liberté insaisissable; au lieu de diminuer, elle grandit devant nous et nous grandissons en elle.

 

72. La vie éternelle des créatures spirituelles ne saurait consister en une simple "vision" de Dieu... Dieu n'est pas un objet, mais une vie constamment actualisée dans l'éternité... La créature doit vivre au ciel non en face de Dieu, mais dans son intimité... Il y a identité substantielle entre la vie terrestre de la foi et la vie de l'au-delà.

 

73. La pensée que le Christ est mort pour moi, à ma place, pour ma faute, devant Dieu, est tellement loin et si peu vérifiable ! Le centre du credo, c'est le "pour nous". Pour nous et pour notre salut il s'est fait homme, pour nous il a été crucifié, est mort, a été enseveli. De ce centre rayonnent les autres affirmations centrales du credo : la foi en la divinité vraie et consubstantielle de Jésus, la foi en la puissance de sa présence sacramentelle, la foi en son retour eschatologique pour juger les vivants et les morts, la foi en l'Esprit Saint qu'il nous a acquis, la foi en la vie éternelle dont il nous a ouvert l'accès.

 

74. La foi ne se ferme jamais sur une vérité donnée par Dieu, mais elle a pour caractère propre de se tenir disponible pour toute révélation possible de Dieu.

 

75. Dieu nous a créés de telle sorte que, pour être nous-mêmes, nous devons entendre la Parole de Dieu. Il nous en a donné le pouvoir avec le devoir... Avec la foi, Dieu nous a donné le pouvoir de l'entendre... Et toutes nos petites excuses n'y changent rien... La table de la foi demeure toujours garnie, que l'invité se présente ou se dérobe sous mille prétextes et excuses.

 

76. Par la foi, je sais que je suis racheté par le sang du Christ, je sais donc que tu l'es également et que la foi m'oblige à voir, à respecter et à supposer en toi dans l'action l'image réelle suprême que le Dieu trinitaire a de toi.

 

77. Nous ne saurons qu’au ciel à quel point l’Église est redevable à Marie de son intelligence de la foi… Cf. toutes les apparitions mariales, "si nombreuses ces derniers temps"… Pour avoir été si contemplative ici-bas, Marie peut être aussi active dans le ciel en donnant à l’Église d’avoir part à son inépuisable mémoire… La chapelet a toujours été un élément important lors des apparitions de Marie; il est arrivé qu’elle égrène le chapelet en même temps que les fidèles. Pourquoi cela? Pour que nous préférions lui adresser notre prière plutôt qu’au Christ ou au Père? Il n’en est rien. Mais pour qu’au contraire nous portions sur les mystères de la vie de Jésus et, par là, sur le mystère du Dieu trinitaire le regard même de Marie, pour que notre contemplation prenne sa source dans sa mémoire… C’est à travers elle que nous devons chercher à pénétrer le mystère de la rédemption : la mémoire de Marie est aussi précise qu’au premier jour.

 

78. La révélation divine est parvenue aux hommes dans le Christ. C’est une parole décisive sur les hommes et sur le monde. Une parole que Dieu seul pouvait prononcer. Même si Jésus vient dans le monde, sa parole n’est pas une parole humaine parmi d’autres paroles humaines; la parole de Dieu prend forme humaine mais pour révéler, dans cette forme, le Dieu que personne n’a jamais vu (Jn 1, 18). Dans la parole humaine apparaît l’incommensurable de Dieu. Il se cache tout en apparaissant. Le libre discours de Dieu sur lui-même, l’homme ne peut pas le déduire de ce qu’il sait par ailleurs. Pour percevoir cette parole qui vient de Dieu, l’homme n’a pas la faculté naturelle nécessaire pour la recevoir. Pour recevoir la parole de Dieu, il faut une grâce de Dieu : la foi. En croyant, l’homme peut comprendre et, comme croyant, il peut chercher toujours à comprendre plus profondément. Mais quand le croyant a compris la parole de Dieu, il n’a pas encore compris Dieu tel qu’il est en lui-même. La parole humaine de Dieu n’est pas encore Dieu lui-même.

 

79. La foi, l’espérance, la charité sont les manières dont le cœur humain qui palpite, inquiet, se blottit dans l’éternel, avec tout ce qu’il aime ici-bas et entraîne avec lui.

 

80. Dans la Bible : est-ce Dieu qui révèle ses vues sur l’homme ou est-ce l’homme qui exprime les siennes sur Dieu? … Il faut laisser la Bible être la Parole de Dieu à l’homme… Ajouter cependant que Dieu a parlé à plusieurs reprises et de diverses manières (Hb 1, 1). L’ancienne Alliance est une promesse aux multiples aspects; l’accomplissement est unique et il se trouve dans la nouvelle Alliance… La foi consiste à suivre le Dieu qui est en marche à travers le temps et qui montre la route sans qu’on puisse savoir d’avance où elle mène. Ce sera toujours comme pour Abraham et pour le peuple au désert. Dieu peut en tout temps donner de nouvelles instructions.

 

81. Une foi sans la pratique qui correspond à cette foi est une foi morte. Et la première œuvre de la foi consiste à ne pas résister à Dieu, à lui faire confiance totalement et à se livrer à l’agir de Dieu.

 

82. Se laisser conduire (par Dieu) est essentiellement une attitude d'humilité, de simplicité de la foi; seule cette attitude fraye le chemin à la communication divine, seule elle accorde à la lumière de Dieu tout l'espace d'un cœur purifié. "Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu".

 

83. Rôle du Saint-Esprit dans la compréhension de la foi : goût et joie trouvés dans la Révélation, sentiment intime de sa vérité et de son authenticité internes. Ainsi soutenu, l'homme peut et doit s'ordonner consciemment à la Révélation..., s'accoutumer à vivre en elle, harmoniser avec elle toute sa personne.

 

84. C'est la foi qui constitue le lien entre le ciel et la terre; et vivant dans la foi, nous possédons la maîtrise sur notre mort, en ce sens que la mort n'est plus rupture mais refonte de notre existence en Dieu... Même l'éternité, qui est le temps de Dieu, appartient au croyant. Et son temps terrestre ne saurait tomber en dehors de ce temps éternel... La foi trouve ses garanties en Jésus-Christ, le Médiateur entre la création et la Trinité.

 

85. Le saint, le sanctifié, c'est celui qui a surmonté ses résistances au Saint-Esprit qui lui est donné. Foi parfaite : abandon de toute vie propre à la disposition de Dieu, oui sans limites. Si un tel acte est parfait quelque part, c'est la sainteté accomplie, car la créature qui le produirait serait sans partage ouvert à l'Esprit Saint.

 

86. Le même Esprit qui dévoile les enchaînements intimes de la Parole de révélation et fait jaillir un nouvel esprit par la comparaison du spirituel au spirituel (cf. 1 Co 2,13) prouve par là sa liberté et sa richesse inépuisable, à tel point que l'idée d'une vue d'ensemble systématique sur la Sagesse divine, même la Sagesse qui de fait a été révélée, apparaît comme une énormité et une monstruosité rationnelle. Ni la succession des définitions dogmatiques de foi promulguées par les conciles et les papes, ni celle des spéculations théologiques, quelque riche de sens que soit la manière dont se relaient les systèmes et les sommes, n'engendre comme conséquence historique une vue d'ensemble de la révélation, qui serait en quelque sorte contraignante, comme si le temps qui va du Christ au jugement dernier était destiné à l’Église afin qu'elle traduise la Parole quelque peu confuse et désordonnée des Écritures en un système rationnel à peu près exhaustif, enrichi de toutes les conclusions théologiques possibles et susceptibles d'être embrassé d'un seul regard.

 

87. L'acte de foi réclame du croyant le don de tout son être en sacrifice d'obéissance... La foi est l'adaptation de toute l'existence à Dieu.

 

88. La foi vivante se contente de se tenir devant la face de Dieu qui le regarde, sans se soucier de le voir ou non.

 

89. Le rôle de l’Église (qui est elle-même un mystère divin) est d'introduire jusque dans le monde terrestre le rayon mystérieux de l'amour trinitaire et crucifié. L’Église est communication de tout l'amour de Dieu au monde tout entier... Je dois pouvoir espérer pour chaque frère... On ne met pas entre parenthèses le contenu de sa foi, on ne le noie pas dans un léger murmure humaniste. Mais on la présente dans la situation de mission avec la ferme assurance que c'est possible : "Ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous" (Mt 10,19-20)... Faire de l'interlocuteur la norme, et non plus Dieu, trahirait seulement l'angoisse du chrétien d'être à la hauteur de son époque, son angoisse et son ambition, inconscientes peut-être. "Croyez à ce que je vous ai promis : l'Esprit de votre Père est capable de se rendre maître de toute situation".

 

90. Seule l'offre de Dieu adressée à l'homme de pouvoir acquérir une vie éternelle intégralement humaine lui ouvre un espace dans lequel il peut déployer un espoir positif d'achèvement... Non pas directement, car la transformation à travers la mort lui reste imposée, mais dans une orientation où il ose, dans la foi en Dieu, espérer son achèvement. Et le Christ pousse de toute sa force vers la conclusion espérée et voulue par Dieu par l'héritage qu'il a laissé : son Église, sa Parole, ses sacrements, ses saints... En agissant ainsi, le Christ ne centre pas tout sur lui-même, il ne se comprend lui-même que comme l'envoyé du Père céleste qu'il sert en lui obéissant humainement de la manière la plus profonde et, sa tâche une fois accomplie, il fait descendre (d'auprès du Père et avec le Père) l'Esprit divin sur l’Église. La venue du Christ dans le monde renvoie à un événement inconcevable au sein de l'Amour libre absolu. Et le Fils, en tant qu'obéissant, révèle cet événement intra-divin et il dévoile aussi l'attitude juste de l'homme devant Dieu : le service jusqu'à l'oubli de soi.

 

91. Pour être lui-même, pour être sauf, pour être sauvé, l'homme doit faire de lui-même une réponse à Dieu. Pour parvenir à une pleine conscience de lui-même, il doit s'exprimer envers Dieu comme celui que Dieu, dans son amour, a inventé, voulu, apostrophé. Pour être lui-même, l'homme doit se savoir éternellement blotti et rassasié dans les réserves du Père. Le langage, comme l'acte de foi, requiert une certaine distance, la dignité d'une libre décision de fidélité. Dès que s'obscurcit pour l'homme cette Présence qui l'accomplit, le temps apparaît vide et vain; il se sent perdu et voué à la mort parce qu'un temps vide porte en lui la mort; l'homme n'est comblé que dans l'éternel.

 

92. L'attitude de foi fait que l'homme n'aborde la Parole de Dieu, l’Écriture, qu'à genoux dans la poussière, convaincu que la Parole écrite, imprimée, contient l'esprit et la force permettant à l'homme de rencontrer l'infini du Verbe dans la foi... On ne peut rencontrer cette Parole que dans l'adoration.

 

93. La Bible ne s'intéresse pas aux dispositions religieuses de l'homme, mais à sa docilité envers la révélation que Dieu fait de lui-même et envers la tâche qu'il lui confie... Celui qui vit et pratique la fidélité de la foi... (reçoit) de façon mystérieuse la certitude d'être sur la bonne voie vers le Père et d'en être l'enfant bien-aimé.

 

94. On entrevoit maintenant quel travail formidable le Fils a laissé à l'Esprit Saint. Sa propre vie ayant été un échec, tout est à reconstruire de fond en comble. Il faut consolider la foi, l'espérance, la charité... Ensuite conférer la force pour la vie chrétienne... Pour rendre cela possible, il faut créer la structure mystérieuse que l'on appelle l’Église, laquelle est, comme toute structure, en partie visible, en partie cachée, en partie objective et institutionnelle, en partie subjective et existentielle... Avec l’Église, il y a tout ce qui lui appartient : l’Écriture, la Tradition, le ministère et ce dont il est le garant... et enfin l'enseignement de la vérité du Fils déployée par l'imagination infinie de l'Esprit, révélant le Père par la sainteté des fidèles et la théologie (les deux allant nécessairement de pair)... Activité nouvelle et toujours commune du Fils et de l'Esprit, puisque désormais le Fils agit précisément dans l'Esprit, restant avec nous tous les jours jusqu'à la fin du monde, comme si la révélation du Père et de son amour commençait réellement pour de bon.

 

95. Dieu est essentiellement don. Nul ne peut recevoir Dieu chez soi en s'appropriant Dieu. Si Dieu est essentiellement don, on ne le connaît et ne le possède que lorsqu'on est désapproprié de soi-même et livré... La foi, c'est la disposition à laisser agir Dieu; non seulement le laisser agir à sa guise, mais vouloir ce qu'il veut, c'est-à-dire vouloir être saisi par lui.

 

96. La foi en acte est de marcher à la suite de Jésus. Mais Jésus vient du ciel pour s’enfoncer de plus en plus dans le monde des pécheurs. Finalement, en mourant pour eux sur la croix, il prend sur lui leur expérience de l’éloignement de Dieu et même de l’abandon par Dieu. C’est donc précisément la perte de cette certitude lumineuse qui est assurée au croyant éprouvé… Paul a vécu et exprimé ce paradoxe : il sait d’une part que Dieu le console au milieu de toutes ses difficultés et, d’autre part, que ses propres souffrances contribuent à la consolation et à la consolidation intérieure de l’Église. (2 Co 1,4-7). Quelqu’un peut éprouver une très forte souffrance et être infiniment consolé, c’est-à-dire savoir qu’il agit au centre de la volonté de Dieu : beaucoup de martyrs ont connu cela. D’autres peuvent ne plus rien voir, ni sentir, ni comprendre, tout en projetant une lumière sur les autres. Il en est ainsi pour beaucoup de grands malades incapables d’apercevoir le moindre sens à leurs souffrances sans espoir : de même que Celui qui fut crucifié pour tous ne voyait plus aucun sens à son abandon par Dieu.

 

97. Les sacrements, comme la hiérarchie, sont des moyens; leur but, qui seul doit rayonner au dehors, c'est l'amour. C'est à lui qu'on doit reconnaître l’Église. C'est par lui que sa structure prouve la présence en elle de l’Esprit. L'Esprit qui engendre la foi, l'espérance et la charité, prouve aussi la présence vivante dans les chrétiens du Dieu trinitaire; et c'est l'histoire de la foi, de l'espérance et de la charité dans le monde qui est l'histoire véritable, authentique, de l’Église. La décrire n'est pas possible, car ce n'est que pour une moitié qu'elle surgit dans la dimension historique extérieure; pour l'autre moitié, qui est beaucoup plus importante, elle demeure cachée dans les âmes, dans l'intériorité du royaume de Dieu. On voit les impulsions qui transforment le monde, mais on ne peut établir scientifiquement leurs causes, comme on fait pour les causes terrestres. Une seule prière inconnue, une seule souffrance cachée unie à celle du Christ peut avoir ouvert de vastes champs d'efficacité visibles. Certes le Saint Esprit dans l’Église est un facteur historique, mais pas intra-historique. Il crée la véritable histoire parce qu'il est son Seigneur.

 

98. L’universalité du salut chrétien implique que tout homme est déjà foncièrement rejoint par la grâce du Christ (du moins par son offre). D’où nécessité d’une théologie dialogale : cet homme, tout homme, même l’incroyant est cet homme aimé de Dieu, capable de répondre au "Dieu inconnu". Le messager de la foi parmi les incroyants doit prendre au sérieux ses partenaires en les considérant comme frères dans le Christ. Tous se rencontrent sous le regard du Seigneur et du Juge commun. C’est pourquoi le chrétien doit rester conscient que, dans les autres points de vue, il y a aussi une part de vérité, mais que la vérité chrétienne est toujours plus grande que ce qu’il peut saisir par la pensée. Il demeure sous le jugement de la Parole annoncée par lui, et ce jugement peut l’atteindre même par son frère non croyant.

 

99. Accueillir Dieu avec une foi, une joie totale, qui l'accepte tel qu'il veut se donner. (C'est ainsi que Dieu devient homme parmi nous, accueilli par Marie).

 

100. Le christianisme est la foi en une action, antérieure et inaccessible à toute aspiration et à toute attente humaine, de l'amour tri-personnel de Dieu.

 

101. La foi, c'est la reconnaissance de Dieu comme Dieu et un parfait abandon de soi à Dieu. Il y a de plus dans le Nouveau Testament un trait spécifique de la foi : elle est une adhésion donnée à la vérité du message annoncé et des différentes propositions qu'il contient. Et cela, Jésus l'a vécu mieux que quiconque : fidélité du Fils de l'homme à son Père donnée une fois pour toutes et renouvelée à chaque instant du temps ; préférence inconditionnelle du Père, de son être, de son amour, de sa volonté et de son commandement, par-dessus tous les désirs et les inclinations propres ; la persévérance inébranlable dans cette volonté, quoi qu'il advienne ; et par-dessus tout la disponibilité entre les mains du Père, le refus de vouloir connaître l'heure à l'avance et de la devancer. La foi chrétienne ne peut se concevoir autrement que comme ce qui nous introduit dans l'attitude la plus profonde de Jésus.

 

102. Le saint, c’est l’homme qui est vrai dans sa foi, dans son espérance et dans son amour.

 

103. Tout le credo de l’Église primitive s’est cristallisé autour de l’interprétation de la fin effrayante de Jésus sur la croix : elle s’est produite pour nous ; saint Paul dit même : pour chacun de nous, pour moi. "Ma vie présente, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi".

 

104. Dieu donne à son amour la forme de l'obéissance. Il est souhaitable que l'homme donne à son obéissance la forme de l'amour. Consentir à être conduit par Dieu qu'il aime parce que Dieu l'a aimé, au-delà de tout ce qu'il peut lui-même projeter, embrasser du regard, désirer et supporter par ses propres forces. Ce dépassement de tout son être propre conduit l'homme à la liberté divine. La transcendance n'est pas essentiellement dans l’éros, mais dans l'obéissance de la foi, en vertu de la puissance de Dieu qui la demande : Pierre marche sur les eaux, Lazare encore enveloppé du linceul se dresse et marche.

 

105. La condition nécessaire pour apercevoir la figure de Jésus, c'est la foi en Dieu, en ce sens très général où elle consiste à laisser le champ libre à la toute-puissance divine. Tout le champ nécessaire dont cette figure a besoin pour se déployer.

 

106. Toute foi est foi en la résurrection.

 

107. Le lecteur de l’Écriture doit entendre ce qu'il plaît au Dieu unique, supérieur au monde, de lui dire maintenant à lui, cet auditeur unique, doté par grâce des oreilles de la foi. Il doit regarder la Parole en face, la Parole qui est le Christ et qui s'adresse à lui, non seulement dans l’Évangile, mais aussi par les paroles de l'Ancien Testament ou des apôtres.

 

 

*

 

7. MARIE

 

Plan

 

Introduction

1. Annonciation

2. Visitation

3. Noël

4. Vie de Jésus

5. Passion

6. Pâques et Pentecôte

7. Assomption

8. Immaculée Conception

9. L’Église

10. Le dessein de Dieu

11. Visages de Marie

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Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue. Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

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INTRODUCTION

 

Deux livres d’Adrienne von Speyr sont consacrés à Marie : Marie dans la rédemption et La Servante du Seigneur. Si quelqu’un n’a jamais rien lu d’Adrienne, le mieux est peut-être qu’il commence par La Servante du Seigneur.

 

Hans Urs von Balthasar a noté un jour que "toutes les œuvres d'Adrienne, surtout le Journal (NB VIII-X), montrent à quel point elle a passé toute sa vie avec Marie et en Marie. Sans cesse ses visions gravitent autour de tous les aspects du mystère de Marie, précisément aussi sous ses aspects les plus féminins et les plus tendres" (NB 1/2, p.12). Adrienne a reçu d’innombrables "visites" de la Mère de Dieu. Ces visites ont commencé peu de temps après son baptême le 1er novembre 1940. "A la première vision , encore voilée, de la Vierge, d’autres manifestations plus claires avaient succédé, un échange s’ensuivit, où pour Adrienne la tendresse se mêlait intimement au respect, comme se mêlent la familiarité et le ravissement en tout ce qu’Adrienne rapporte de Marie" (HUvB, Adrienne von Speyr et sa mission théologique, p. 26). Avant d’arriver aux textes d’Adrienne sur Marie, il peut valoir la peine de voir un peu plus en détail comment les choses ont commencé.

Patrick Catry

 

1. Adrienne a quinze ans : première vision de Marie

Dans AvS et sa mission théologique (p. 18), le P. Balthasar mentionne la première vison de Marie qu’eut Adrienne. Longtemps après l’événement, il lui a un jour demandé de mettre par écrit une relation de cette vision ; elle le fit en français, le texte s’en trouve dans Fragments autobiographiques (p. 127) :

Dans ce même mois de novembre 1917, un matin de très bonne heure, il faisait à peine jour, je me réveillai à cause d'une lumière dorée qui remplissait toute la paroi en haut de mon lit et je vis comme en un tableau la Sainte Vierge, entourée de plusieurs personnages (qui étaient un peu en retrait, tandis qu'elle était tout à fait devant) et de quelques anges, dont les uns étaient aussi grands qu'elle, tandis que d’autres étaient comme de petits enfants. C’était comme un tableau et pourtant la Sainte Vierge était vivante, dans le ciel, et les anges changeaient de place. Cela dura, je crois, très longtemps. Je regardais, comme dans une prière sans paroles et j'étais émerveillée ; je n'avais jamais rien vu d'aussi beau. Au commencement toute la lumière était comme de l'or très vif ; elle pâlit peu à peu, et tandis qu'elle pâlissait, le visage et les mains de la Sainte Vierge gagnaient en vie et en netteté. Je ne fus pas le moins du monde effrayée, mais remplie d'une joie nouvelle, intense et très douce. Pas un instant, je n’eus l’impression de quelque chose d’irréel, et il ne me vint pas à l'esprit que j’eusse pu être le jouet d'une erreur quelconque.

Si je me souviens bien, je n'en ai dit qu’un mot à Madeleine, relatant le fait comme quelque chose de tout à fait naturel et Mad dit seulement : "J'aurais bien aimé la voir aussi". Nous n'en parlâmes plus jamais. Le souvenir de cette apparition resta très net en moi ; longtemps il m'accompagna comme un secret merveilleux; je possédais en quelque sorte un refuge. Plus tard, j'aurais aimé en parler à quelqu’un ; il me vint une ou deux fois la tentation d'aller trouver un prêtre et de lui en parler ; je n'en connaissais pas. Jamais je ne pensai en parler à un pasteur protestant, bien que je ne croie pas le moins du monde avoir su d’une manière quelconque à ce moment-là qu’il me fallait devenir catholique. J’eus dès lors une sorte de tendresse lointaine pour la Sainte Vierge ; je savais qu’il fallait l’aimer, mais cela n’a jamais été en soi le sujet d’une inquiétude véritable. Cependant, dès que mon instruction religieuse catholique commença véritablement, j'en parlais au prêtre qui s'occupait de moi, sachant nettement qu’il fallait le faire.

Quand la Sainte Vierge disparut, je m'agenouillai au bord de mon lit ainsi que j'avais pris l’habitude de le faire depuis mon anniversaire et je pense que je priai jusqu'au moment d'aller à l'école.

 

2. Adrienne a 18-19 ans. Elle est au sanatorium de Leysin. Elle va parfois rendre visite à Jeanne qui est une malade comme elle. Adrienne raconte :

C'était pendant le deuxième hiver à Leysin ; Jeanne était dans une maison à côté de nous. Elle est devenue très sombre, elle est à la mort. C'est pourquoi les autres n'aiment plus aller la voir. Auparavant c'était amusant d'être avec elle. Maintenant c'est comme si elle avait un bonnet noir sur la tête. Elle trouve que c'est si dur de mourir. C'est une Française. Elle aime bien que j'aille la voir. Quand je me lève, je monte vite chaque jour auprès d'elle. Et je dois la consoler comme si j'étais moi-même catholique. Ce n'est pas le moment maintenant de lui expliquer : "Je ne crois pas ce que tu crois". Mais je lui raconte une histoire sur le Bon Dieu et sur les saints et sur les anges. J'ai lu un petit livre avec des extraits de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal. Quelques-uns aussi de saint François. Je les traduis pour Jeanne. Elle est beaucoup plus âgée que moi, presque trente ans. Et puis je lui raconte toujours comment au ciel on se prépare à son arrivée, comment les jeunes se réjouissent qu'arrive encore une fois quelqu'un de jeune au lieu que ce soit toujours des grands-mères de quatre-vingts ans. Jeanne ne demande pas si je suis catholique. Chaque jour linfirmière vient demander si je viens. Mais je n'en ai plus le droit ; quand j'ai de la fièvre, ça ne va pas. Je lui ai parlé aussi de la Mère de Dieu, mais je n'ai pas dit que je l'avais vue. Seulement un peu de l'amour de la Mère et comment elle est prête à parler de tout ce qui sur la terre n'est pas résolu. Qu'il est bon de savoir qu'au ciel il n'y a pas que des hommes : Dieu et l'Esprit et le Seigneur Jésus et des papes et des curés. C'est ainsi que je dois égayer un peu le tableau pour Jeanne. Mais maintenant elle doit descendre pour mourir. Elle a toujours prié avec joie et maintenant elle ne peut plus... Nous prions ensemble. Je dis aussi avec elle le Je vous salue Marie. Mais cela, je ne le fais que si elle le veut ; je ne m'impose pas. Et quand elle est trop faible, je dis en riant : "Je peux bien prier pour deux; vous n'avez pas besoin alors de tant penser" (NB 7,37-38).

 

3. Peu de temps après le baptême d’Adrienne qui a eu lieu le 1er novembre 1940. Elle a lu avec joie et profit un livre de Peter Lippert sur Marie, mais malgré cela elle n’a pas encore accès au monde de Marie et des saints en général. Elle demande au P. Balthasar ce qu'elle doit faire. Le P. Balthasar la renvoie à la prière. Le soir, au lit, elle a pour la première fois le sentiment d'une "présence" dans sa chambre à coucher. Elle sait aussi immédiatement que c'est la présence de Marie (NB 8, n° 3).

 

4. Quelque temps plus tard. Le P. Balthasar note dans son journal qu’Adrienne voit souvent la Mère de Dieu. Un jour, dans une prédication du P. Balthasar, elle entend l'expression "Mère du Seigneur"; cela la saisit si profondément qu'elle fut plongée dans un abîme de joie. Le P. Balthasar commente : Marie se donne à elle maintenant d'une manière beaucoup plus intérieure que la première fois (NB 8, n°4).

 

Plus tard, quand Adrienne entre dans une église, ce qu'elle éprouve tout d'abord, c'est toujours le sentiment de la présence de Marie. Ce sont les églises surtout en tant que telles qui auraient quelque chose de la nature de Marie. Et par Marie, elle est ensuite conduite au tabernacle. Pendant la messe également, elle a toujours le sentiment que Marie est présente avant la consécration, jusqu'à ce que son Fils soit "né" sur l'autel (NB 8, n° 160).

 

5. En juillet 1941, le P. Balthasar note qu’il ne lui est plus possible de noter toutes les apparitions. "Il y en a trop. La plupart du temps j'apprends tout à fait par hasard que saint Ignace ou la Mère de Dieu ont de nouveau ‘été là’, souvent plusieurs fois par jour" (NB 8, n° 108).

 

6. En octobre 1941, Adrienne connaît une très mauvaise nuit. Elle se croyait proche de la mort, elle voulait faire appeler le Professeur Gigon, mais elle y renonça. Le lendemain elle est fatiguée, mais malgré cela elle est de bonne humeur ; sa lassitude est purement physique. Elle a passé presque toute la nuit en conversation avec Marie ; elle a reçu alors de nouvelles intuitions profondes sur l’être de Marie et elle a reçu d’elle de grandes grâces. Marie n’exige jamais, elle ne fait que donner et transmettre. Le Père et le Fils exigent toujours quand ils donnent car c’est eux qui forment les destins, les chemins de vie et les tâches des hommes. Marie par contre n’a qu’un rôle de mère ; en tant que telle, elle n’a pas à exiger. Elle ne le fait jamais, “par principe” pour ainsi dire ; elle ne fait qu’aider les destinées à s’accomplir par son assistance. Elle possède une sorte d’omniprésence secourable. Adrienne comprend que ce n’est pas un hasard que Marie lui soit apparue la première. Auparavant, alors qu’elle avait déjà décidé de se faire catholique, elle ne pensait pas à la Mère de Dieu. Marie lui montra qu’autrefois déjà elle avait toujours été présente… Marie dit que les obligations croissent de toute façon avec les grâces (NB 8, n° 197).

 

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Après la mention de ces premiers contacts d’Adrienne avec la Mère de Dieu, venons-en aux textes d’Adrienne présentés ci-dessous. Ce n’est qu’un choix ; de plus, tous les textes n’ont pas le même intérêt, et puis on peut laisser pour le moment à des spécialistes des textes plus difficiles, parfois dictés en extase.

 

Deux mille ans de christianisme : tout a été dit sur Marie. Dans l’immense littérature mariale, y a-t-il une place encore pour Adrienne von Speyr ? L’essentiel qu’elle a à dire de Marie ne vient pas d’Adrienne d’ailleurs ; cela lui vient "d’ailleurs", d’en haut plus exactement. Chez elle, pas d’effusions lyriques, ce n’est pas le "style de la maison" ; tout est sobre et clinique. Avec Marie nous sommes au cœur du mystère chrétien. Adrienne von Speyr a le don de nous y introduire de manière unique et de multiples manières.

 

Les textes ici présentés proviennent d’œuvres d’Adrienne dont la traduction française n’est pas encore parue. Il n’est pas question d’essayer de la résumer ; mieux vaut garder les termes utilisés par elle pour ne pas déformer ses propos ou les affadir. "Laissez-la parler, elle est assez grande pour s’expliquer elle-même" !

 

Tous les textes recueillis ont été répartis vaille que vaille en onze chapitres. Les textes retenus sont parfois légèrement abrégés.

 

 

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1. ANNONCIATION

 

1. Marie se laisse trouver par Dieu

Parce que Ève est issue d'Adam, le Christ sera issu de Marie. L'image du Fils doit faire ses preuves dans celle qui a été conçue sans tache avant que le Père accepte que son Fils vienne réellement comme homme dans le monde. Marie a dû passer avec succès l'épreuve de ses capacités. Dans le fait que l'ange l'aperçoive, il y a comme une inversion de l'attitude du premier couple qui a voulu se cacher après le péché : Marie se laisse trouver, elle se laisse trouver dans son oui (NB 1/2, 157).

 

2. Disponibilité

Dans le ciel, le Fils est tout disponible pour l'Incarnation, et c'est une disponibilité totalement divine. Mais avant que lui-même devienne homme, il allume aussi la disponibilité de sa Mère à partir de sa propre disponibilité divine. Il l'actualise, la fait apparaître, la rend visible, plus parfaite, ouverte à tous les désirs de Dieu. Jusqu'à l'apparition de l’ange, la disponibilité de Marie était comme tenue dans un cadre : dans la foi, elle voulait accomplir la volonté de Dieu, elle ne s'attendait certainement pas à ce que ce soit elle justement qui soit choisie pour être la mère du Messie, ou même que par sa maternité corporelle elle dût devenir la mère spirituelle de toute l’Église (NB 2,217).

 

3. Marie et les anges

Plus un être humain est pur, plus il se trouve proche des anges. Avant de voir l'ange, Marie vivait dans une très grande proximité avec les anges, mais sans le remarquer. Elle n'a pas non plus davantage d'affinité en quelque sorte pour un ange que pour un autre, mais elle a à vrai dire une intuition peu commune du monde angélique dans la mesure où il représente la proximité de Dieu. Dans sa prière et quand elle a des pensées qui viennent de Dieu, elle vit dans l'atmosphère des anges. Cette atmosphère n'est pas seulement caractérisée par l'absence de péché, elle est toute remplie de pureté rayonnante. Ce n'est pas seulement la proximité de Dieu qui caractérise Marie, mais aussi le caractère propre de ce qui est angélique (NB 6,43).

 

4. Marie et l’ange

Marie est la première femme à qui apparaît un messager de Dieu (Note de HUvB : Il n'est pas tenu compte ici du récit légendaire de Juges 13) (NB 1/2, 33).

 

Marie est éveillée pour ainsi dire à sa corporéité par l'apparition de l'ange. Car c'est en tant qu'elle est un tout, esprit et corps, que l'ange s'adresse à elle et, dans la parole de l'ange, elle saisit la parole que lui adresse toute la Trinité de Dieu. En se livrant à cette parole qui lui est adressée, elle se sait accaparée totalement par Dieu, y compris son corps. Mais ce Dieu qui se fait connaître dans l'ange visible est pour le moment l'Invisible, Celui qui est toujours plus grand : Marie ne peut se représenter ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit. Et pourtant elle a senti dans l'ange l’atmosphère divine ; il se produit en elle une vraie connaissance de Dieu, bien que Dieu soit infiniment plus grand que ce qui apparaît dans l'ange (NB 12,163).

 

5. L’ange gardien

Les anges peuvent apparaître, annoncer des événements et en accompagner d'autres, recevoir pour le Père la parole des humains, le oui de Marie par exemple ; non seulement ils sont anges gardiens depuis la création mais, à partir du Christ, ils le sont dans un sens nouveau. La première qui reçoit un ange gardien chrétien, c'est Marie lors de son oui (NB 12,172).

 

6. Ouverte à Dieu

Dès son enfance, Marie est ouverte à Dieu sans problème ; cette ouverture lui permet de donner à l'ange sa réponse. Elle reconnaît en l'ange l'envoyé de Dieu et, en l'ange, Dieu lui-même. Elle voit ainsi en lui la possibilité de s'ouvrir à lui aussi ingénument qu'elle est ouverte à tout ce qui vient de Dieu. Il y a certes la question de savoir comment elle doit enfanter alors qu'elle est vierge. Elle ne voit pas de réponse, mais elle sait que la réponse se trouve en Dieu. Elle ne pose pas la question parce qu'elle ne dirait oui qu'à certaines conditions, elle interroge pour pouvoir mieux dire son oui sans conditions. Elle sait qu'on ne lui demande rien d'autre que ce oui. Et Dieu s'occupera de tout ce qu'il faut. Et ce oui n'est pas simplement au-dessus de ce monde et au-delà de ce monde, il y a aussi dans ce oui un achèvement de son état de créature, de sa manière personnelle de dire oui à tout ce qui est bien dans le monde et dans sa vie. Une soumission totale à Dieu, la volonté de se mettre totalement au service de Dieu, mais aussi un acquiescement à tout ce qui est bon dans son œuvre. Elle sait naturellement que, dans l'attente d'Israël et dans sa propre foi, il s'agit des choses les plus sérieuses, les plus importantes : c'est dans ces choses qu'elle s'engage par son oui. Mais, à part cela, elle sait aussi qu'elle est une créature de Dieu à laquelle le Créateur reconnaît sa nature et ses joies et sa vie humaine quotidienne, elle sait aussi que Dieu ne lui parle pas seulement par les grands événements mais aussi par les plus insignifiants. Et parce qu'elle est totalement une, ces deux sphères ne sont pas séparées. Il n'y a pas en elle une part consacrée à Dieu et une autre qui lui est laissée. Par son oui à Dieu, elle ne choisit pas une existence claustrale éloignée du monde ou une forme particulière d'ascèse. Ce qui, en elle, était et reste n'est pas renié, car cela provient de Dieu et est relié au bien qui vient de lui. Il y a dans son oui une telle totalité que tout a sa place dans cette totalité. Sans doute devra-t-elle passer par des renoncements et des moments difficiles, mais tout se trouve dans la main de Dieu et, d'elle-même, elle ne fera rien pour offrir à Dieu quelque chose qu'il veut lui laisser. Elle ne reniera ni sa nature, ni ses aptitudes, ni sa vie telles que Dieu les lui a donnés aussi longtemps que Dieu ne le demande pas expressément. Elle ne précipitera pas son don d'elle-même, ni ne disposera de choses dont Dieu, pour le moment, ne veut pas disposer apparemment, mais dont cependant il peut disposer à tout instant : peut-être dans le sens du renoncement, mais peut-être aussi dans le sens d'un encouragement plus grand. Dans la servante du Seigneur subsiste donc aussi l'être humain tel que Dieu l'a créé et tel que, selon sa volonté, il doit être et rester (NB 1/2, 149-150).

 

7. La conversation avec l’ange

La conversation de l'ange avec Marie est aussi comme une reprise de la conversation de Dieu avec Ève. Et bien que la conversation du Père avec Marie (par l'intermédiaire de l'ange) concerne le second Adam, celui-ci semble d'abord laissé de côté (NB 10, n° 2109).

 

8. L’ange directeur de conscience

L'ange est le premier directeur de conscience chrétien, car il conduit une âme qui veut se laisser diriger totalement, qui ne veut vivre pour rien d'autre que pour le service du Seigneur, peu importe ce que pourra être ce service. Marie se trouve avant tout choix d'un état. L'ange a choisi pour elle le service parfait du Seigneur, d'une manière si parfaite qu'elle servira avec son corps aussi bien qu'avec son âme. Il n'y a pas pour elle d'alternative ou bien, ou bien : mariage ou vie consacrée, rien d'autre que la mission (NB 1/2, 143).

 

9. L’ange et l’Esprit Saint

L'ange a sa forme précise qui devient concrète pour Marie et avec laquelle elle peut parler et dont elle sait précisément que c'est la forme d'un ange. La foi et tout ce qui en elle a grandi lui donne maintenant la force de donner la réponse juste. Mais la conversation avec l'ange est en même temps comme une effusion en elle de l'Esprit Saint. Elle parle avec l'Esprit et le reçoit. Elle l'a reçu sous la forme de la conversation. Seule, elle ne pourrait plus s'en tirer. Certes il y a les choses pratiques qu'elle accomplit comme toute autre femme. Mais ses relations avec Dieu, sa prière, avec la plénitude et les pensées qui y vivent, lui sont inspirées par l'Esprit. Et certes, jusqu'alors cette prière était aussi déjà surnaturelle comme toute prière authentique. Mais maintenant cette prière reçoit un caractère surnaturel qui ne tient pas à sa nature mais qui l'a comme dépassée une fois pour toutes (NB 1/2, 270).

 

10. Face-à-face avec l’Esprit

En couvrant Marie de son ombre, l'Esprit lui apporte le Fils vivant. Mais il la place aussi devant lui, l'Esprit, dans un face-à-face que Dieu prévoyait comme une conséquence de son oui. Ce face-à-face est absolument voulu par Dieu, et par Marie également, parce qu'elle veut tout ce que Dieu veut. Dans ce face-à-face avec l'Esprit Saint, elle perçoit une partie de son oui et, dans sa prière, elle expérimente le fruit de ce oui comme une présence de l'Esprit Saint, et à vrai dire comme quelque chose de tout à fait nouveau. Elle n'a plus besoin de chercher Dieu dans une sorte de prière active, elle y est introduite par la présence de l'Esprit. Ce qu'il y a de nouveau en elle provient de cette présence et n'est cependant à elle que secondairement puisque c'est le Fils qui a établi en elle sa demeure, qu'il a fait d'elle celle qui le porte et qu'il l'utilise comme bon lui semble. Le point de départ de sa prière et de son offrande d'elle-même se trouve ailleurs qu'autrefois : il se trouve en Dieu qui est devenu présent en elle par son oui. Elle est devenu temple, réceptacle : de l'Esprit qui porte le Fils, et du Fils qui, apporté par l'Esprit, naîtra d'elle. Elle est le réceptacle du Fils, de tout ce que veut le Fils, de tout ce qu'il dit, de chacune de ses impulsions. Elle n'offre donc pas seulement son corps mais aussi son âme : son corps par la foi, mais son esprit également par la foi. Le passage de l'Ancien au Nouveau Testament s'opère par l'habitation en elle du Fils (NB 6,126-127).

 

11. Relation de Marie à l’Esprit

L'accueil de l'enfant change la relation de Marie à l'Esprit Saint. Par la présence du Fils en elle, l'Esprit devient une réalité. Auparavant elle aimait Dieu sans faire de distinctions et elle avait en elle une disponibilité qui était comme un espace vide. Cet espace, l'Esprit s'en est emparé pour être lui-même en elle. Et avec cet Esprit, qui est en elle et en même temps au ciel, elle donne son oui. Et parce qu'elle est un être humain, femme et mère, sa relation à l'Esprit reçoit une nuance particulière d'amour. Quand une femme porte l'enfant de son mari, il va de soi pour elle qu'elle l'élèvera selon son idée à lui, elle ne cessera de lui poser des questions, de s'adapter à ses désirs et elle modifiera bien des choses. Car certains de ces désirs ne concernent pas seulement l'enfant mais aussi la femme. C'est de cette manière que Marie ne cesse d'interroger l'Esprit Saint quand il s'agit de l'éducation de l'enfant. Elle cherchera l'Esprit d'une manière précise et elle recevra en retour une manière précise de l'aimer. Cet amour ne sera pas sans rapport avec l'amour du Père et du Fils, mais il ne coïncidera pas simplement avec lui. De consulter l'Esprit lui donne une direction objective pour l'amour et en même temps une certitude objective du chemin. Si l'enfant lui était laissé à elle seule, la responsabilité serait à peine supportable. En tant que Dieu, ce dont cet enfant a besoin de sa part, elle doit se le laisser continuellement donner par l'Esprit, et même de plus en plus (NB 6,125).

 

12. L’Esprit éducateur de Marie

En Marie tout se développait dans l’esprit des coutumes juives d’alors. Mais du fait qu’elle était préservée du péché originel, ce développement se fit au fond dans un esprit chrétien. Elle possédait dans l’Esprit Saint une sorte d’éducateur et de règle d’après lesquels elle avait à se diriger. Comme si l’Esprit Saint lui-même avait assumé auprès d’elle le rôle de l’ange gardien. Tout se passait simplement et comme allant de soi. L’Esprit était en elle comme d’habitude un éducateur est à côté de l’enfant. C’était l’éducation à une tâche, mais avec une connaissance de soi-même et de la vie qui était tout à la fois précise et sans emphase (”Je ne connais point d’homme”). A l’instant où on lui demande le sacrifice, elle doit savoir de quoi il s’agit. Certes on ne sait jamais exactement ce qu’on offre ; mais on doit au moins savoir qu’on le fait. Ainsi Marie sait bien qu’elle renonce par là à disposer d’elle-même. Sans avoir péché elle-même, elle devait quand même avoir une certaine expérience du péché (NB 9, n° 1981).

 

13. La disponibilité de Marie vis-à-vis de l’Esprit

Marie voit d'abord l'Esprit comme une exigence ; l'ange l'a représenté pour elle, mais désormais il sera continuellement dans sa vie. Elle devra être toujours prête pour l'Esprit, comme la femme est toujours prête pour la venue de son mari. On n'en a jamais fini avec l'Esprit. L'Esprit qui exige maintenant de Marie une disponibilité totale, ne cessera de se manifester. Elle ne sait pas comment et quand elle est couverte de son ombre. Mais elle comprend l'exigence d'une disponibilité totale jusqu'au recoin le plus secret de son corps. Elle doit être mise à contribution et elle doit aussi aimer Dieu le Père, le Fils et l'Esprit sans aucune restriction. Elle veut aussi être totalement docile. Là où pourrait se faire jour la tentation de résister ou de se fermer, elle voit de nouvelles occasions d'aimer. Pas plus qu'une femme enceinte ne peut se dérober à sa grossesse, Marie ne veut pas se dérober aux exigences croissantes, toujours plus grandes. Elle reconnaît cette croissance des exigences au fait qu'elle ne comprend pas et au signe de la souffrance qui se dessine en elle. Elle sait très bien qu'avec l'enfant la croix grandit en elle, et elle acquiesce d'avance à cette croix. Son oui consiste avant tout dans le fait qu'elle continue à s'abandonner sans limites à l'action en elle de l'Esprit qui lui apporte le Fils et la croix. Elle ne cesse de tout remettre au Père. Car c'est bien de sa part que l'ange est venu (NB 6,119-120).

 

14. Disponible pour Dieu

Quand Marie reçoit la semence divine, on n'attend d'elle aucune réponse, ni non plus quand elle porte l'enfant. Sa réponse consiste uniquement à être sans cesse disponible. Au centre se trouve son oui, sa coopération est à la périphérie, mais son oui central n'est pas décomposable dans ses oui périphériques. Décomposer ainsi son oui serait essayer de juger le cadeau de Dieu, d'en venir à bout. Mais le oui de Marie n'est pas une réponse qui veut saisir quelque chose, une réponse qui veut être adéquate. Elle laisse l'action du Seigneur opérer dans sa prière (NB 11,311).

 

15. L’instant de la surprise

Marie fait connaître à l'ange sa parfaite disponibilité quand elle lui dit : "Je ne connais pas d'homme", ce qui veut dire pour elle : Je suis tout ouverte à Dieu. Puis arrive l'instant de la surprise, l'exigence démesurée : que Dieu prenne possession d'elle justement à la manière d'un homme (qu'elle ne connaît pas). C'était étranger à tout ce qu'elle pouvait prévoir dans sa disponibilité (NB 11,327).

 

16. L’Esprit ne quitte pas Marie

Avant le début de la vie terrestre du Fils, a lieu l’entretien avec l’ange et après cela l’Esprit couvre Marie de son ombre. Pendant la durée de la vie terrestre du Fils, l’Esprit est tout à la fois dans la Mère et dans le Fils ; une fois qu’il a couvert la Mère de son ombre, il ne la quitte pas, il ne la quitte pas non plus à la naissance du Fils. De même que pendant la vie du Fils il a avec lui une relation spéciale pour lui permettre sa mission terrestre et l'opérer en lui, de même il a en même temps une relation spéciale avec la Mère pour façonner en elle sa mission maternelle à l’égard du Fils. Il habite en elle. Il lui est inhérent pour sa tâche de mère, pour la tâche de sa vie avec Dieu, qui a trouvé son expression dans sa maternité vis-à-vis du Fils (NB 1/2, 182).

 

17. Une exigence démesurée

Marie a su qu'elle livrait à l'Esprit Saint le plus intime d'elle-même. Elle s'est préparée pour lui avec toute sa personne. Pour elle, ce qui était demandé était une exigence démesurée, c'était "presque ne pas pouvoir". C'était aussi une totale désappropriation de sa virginité pour l’Église. La semence de Dieu est déposée en Marie pour que naisse d'elle l’Époux de l’Église. Quelque chose qui était Dieu devient chair en Marie. Et elle doit mettre à la disposition de l'incarnation tout son corps, l'extérieur et l'intérieur, pour que puisse se réaliser cet événement (NB 12,162).

 

18. Maternité spirituelle

L’Esprit qui couvre Marie de son ombre et son corps qui est pris produisent, en collaboration avec le don total d’elle-même, le fruit qu’est l’enfant. Elle devient mère par l’Esprit, mais elle devient aussi par lui mère spirituelle. En même temps que la maternité physique se produit la maternité spirituelle qui, comme tout ce qui provient de l’Esprit, est inépuisable (NB 8, n° 1562).

 

19. L’ouverture à l’Esprit

Marie est totalement ouverte à l’Esprit. elle n'anticipe pas la moindre chose. Dans un pur laisser faire. Comme une jeune fille qui se donne à son bien-aimé comme il le désire et laisse façonner par lui toute la forme de l'amour. C'est ainsi que l'Esprit fait avec Marie ce qu'il veut, ce qu'il doit. Il s'installe là où on l'attend le moins. La manière de faire de l'Esprit est toujours aussi très marquée par l'avenir. Le Seigneur le répandra à la Pentecôte sur toute l’Église, et celle-ci aura alors besoin de la place qui a été faite depuis le commencement en Marie. La disponibilité de tous les saints de la chrétienté est préparée dans la Mère par l'Esprit (NB 1/2, 271).

 

20. Accaparée par l’Esprit

Quand Marie s'est offerte corps et âme à l'Esprit Saint et qu'elle a aussi été totalement accaparée par lui, son destin se dirige alors vers l'éternité. Sa vie terrestre aussi, dans le service et l'obéissance, a reçu à l'avance le sens de l'éternité (NB 11,264).

 

21. Le juste savoir

Par l’Esprit, Marie a le juste savoir au sujet de sa relation à Dieu et au terrestre (NB 6,391).

 

22. Comprendre les choses dans l’Esprit

Dans la conscience, l'Esprit oriente de concert avec l'homme. Je dois être docile et disponible si je veux entendre l'Esprit. L'Esprit oriente sans doute, mais avec moi, en incluant le don que je fais de moi-même. Je consens à lui être associé. Il y a une courtoisie de l'Esprit. Il ne hurle pas à mes oreilles, il parle si je suis à l'écoute. Naturellement l'Esprit demande toujours plus parce que, dans ses inspirations aussi, il est le Dieu toujours plus grand. C'est par suite du péché originel que l'homme ne lui correspond pas totalement. Celui qui ne commet pas de péché a l'oreille fine pour entendre la voix de l'Esprit. Pour Marie, qui n'a pas le péché originel, elle n'a ni l'impression qu'elle correspond ni qu'elle ne correspond pas. "Voici la servante" ne s'oppose pas à "Ils me diront bienheureuse" : elle comprend les deux paroles dans l'Esprit (NB 6,413).

 

23. L’Esprit parle en Marie

L'Esprit parle en Marie. L'Esprit par l'ange. Elle le voit et entend sa voix. Et c'est en esprit qu'elle doit répondre. Dans un esprit qui reconnaît les conséquences concrètes de ce que l'Esprit lui a dit. Il en résulte d'abord un engagement spirituel : "Qu'il me soit fait selon ta parole". Son esprit, son intelligence, tout son être se conforment à l'Esprit Saint. Son oui exprime cette disponibilité spirituelle. S'y trouve aussi incluse une disponibilité corporelle. Le corps aussi dit oui, par son esprit. Car son oui est si indivisible qu'il la saisit tout entière. Elle est comparable en cela aux prophètes qui sont prêts à reléguer au second plan leurs vues et leurs habitudes anciennes par amour pour la voix, afin de laisser le champ libre à l'exigence de l'Esprit. L'Esprit exige du prophète qu'il soumette son esprit, qu'il se donne à lui-même peu d'importance afin de permettre à Dieu d'être important. Pour Marie, d'emblée c'est le tout qui doit être tenu prêt : l'esprit et le corps ; elle reconnaît la priorité de la voix en donnant tout de suite tout ce qu'elle a et elle n'a rien d'autre qu'elle-même, et rien d'autre ne lui est demandé que son existence en sa totalité. L'Esprit reconnaît ce don qu'elle fait d'elle-même en la prenant et en la couvrant de son ombre. Et il se produit tout ce qu'il y a de plus concret : l'enfant arrive en elle, c'est par elle qu'il croît, c'est elle qui le met au monde, au-delà des lois de la nature, puisqu'elle reste vierge. Parce que la parfaite fécondité se réalise en Marie par l'Esprit et qu'elle devient mère d'un être humain qui est Dieu ; l'Esprit atteint, par un seul dialogue avec elle, le maximum du concret. Assez souvent, l'Esprit peut opérer une guérison, un miracle ; mais ce n'est qu'une seule fois qu'il a manifesté sa divinité en couvrant un être humain de son ombre pour engendrer (NB 5,61-62).

 

24. La Servante du Seigneur

"Voici la servante". Par ce mot, Marie met tout dans le service. Elle est l'élue, celle qui a été visitée par l'ange, mais elle voudrait comprendre son service de telle manière que tous les croyants y soient associés par elle. En disant ce mot, elle espère pouvoir le dire au nom de tous ceux qui sont prêts à croire. Elle est pleine de grâce, mais en répondant selon cette grâce, elle voudrait s'effacer dans l'anonymat du service :simple servante ! En tant qu'élue unique en son genre, elle offre cet anonymat au service. Sa disponibilité veut inclure tout ce que Dieu peut exiger afin que, dans sa disponibilité, soit incluse aussi la disponibilité de toutes les femmes pour les demandes qui leur sont faites (NB 1/2, 141).

 

25. Au service du Père

Tout se trouve dans "Voici la servante" : service comme engagement, comme action : de la Mère pour le Fils qui, lui-même, s'engage d'une manière nouvelle au service du Père; mouvement qui reste éternellement vivant. C'est du oui donné au début que découle tout ce qui sera fait plus tard ; le oui dit un jour garantit que le mot reste toujours vivant dans la Mère. Et ce qu'il y a de plus quotidien se trouve toujours exactement sur le même plan que ce qu'il y a de plus extraordinaire parce que toutes les limites sont supprimées. Il est inutile de chercher de quelconques subdivisions, car la Mère est uniquement servante et jusqu'au moindre détail, tout en elle s'efforce de correspondre aux attentes du Seigneur divin. En chaque geste qui est demandé dans l'obéissance peut se trouver aussi bien ce qu'il y a de plus élevé que le plus bas sans que la servante y prête attention. C'est sa "génialité" qu'elle se soit dite elle-même servante et non mère ou épouse ou assistante ou fille ; elle implique par là tout service dont Dieu peut avoir besoin. Il peut faire d'elle tout ce qu'il lui plaît (NB 1/2, 142).

 

26. Tout ce que le Seigneur désire

La servante a comme profession d'exécuter tout ce que le Seigneur désire ; tout ce dont on la charge et qu'on lui confie, elle le regarde comme son service. Et parce que le Seigneur est Dieu lui-même, il y a ici une relation de confiance infinie. Tout ce qui lui est montré et remis par le Seigneur fait partie de la sphère de responsabilité qui lui est assignée et elle n'a pas le droit de l'oublier. Mais le maître qui demande ce service possède la plus grande assurance, c'est pourquoi, dans ce service, toute question est superflue. Et nous, nous avons le droit de rester dans l'espace du oui de la Mère, dans l’Église. Nous avons le droit de nous le laisser offrir et de le prier avec elle, avec son cœur à elle. Nous avons le droit de nous laisser porter par lui et d'y demeurer (NB 1/2, 142-143).

 

27. Le bon plaisir du Seigneur

D'habitude, on demande à une servante un service limité, fixé d'avance. Le service de Marie peut prendre les formes les plus variées parce que le Fils en demande toujours plus, et le service se transforme ainsi suivant l'âge et les besoins du Fils. Il ne cesse de requérir d'autres choses de sa mère, des choses qui ne tiennent aucun compte de ses besoins à elle, de son âge à elle, mais uniquement de ses besoins à lui et de son âge. En résumé, son pur service est : 1. Apparemment purement fortuit, anonyme, si bien qu'il offre une place à quiconque veut aussi servir (il n'est ni réservé, ni interdit d'accès) ; tout ce qui concerne le "privilège" de Marie, tout ce que nous n'avons pas, est pour elle, comparé à son état de servante, tout à fait secondaire. 2. Elle persévère dans une obéissance continuelle à l'ange, au Seigneur ; et même son obéissance s'insère dans celle du Seigneur et ne fait qu'un avec la sienne. 3. Son service est sans limites, il ne privilégie aucun point de vue ; tout - corps et âme, jeunesse et vieillesse, mère et épouse, etc. - tout peut être changé selon le bon plaisir du Seigneur (NB 1/2, 143-144).

 

28. Un service corporel

Marie ne savait pas d’une certaine manière, avant qu’elle conçût le Fils, que son corps était dans la continuité du service. C’est par la conception qu’elle l’apprit. Elle porta en elle le sang de la rédemption. En le portant, elle sut aussi que son propre corps était saint. Que tout le service corporel - la grossesse, le ménage, la présence au pied de la croix, etc. - était un service continuel, un instrument de la volonté divine. Rien dans ce corps, ni une main, ni le visage, ni quoi que ce soit d’autre, rien qui ne fût au service du Père, du Fils et de l’Esprit (NB 9, n° 1728).

 

29. Une réponse donnée jusqu’à la mort

Dans l'ange, la Mère rencontre la surnature, mais l'ange a éveillé en elle la disponibilité pour être servante. Dès ce moment-là, la réponse est donnée jusqu'à la mort : à l'ange et, par l'ange, au Fils devenu homme. Les deux, l'ange et le Fils, se trouvent, vis-à-vis du Père, dans le même service du salut ; bien qu'ils aient deux missions, leur service est le même. Et la Mère est placée entre les deux avec sa mission, et c'est encore le même service. Et quand elle dit : "Voici la servante", il est clair qu'elle considère cet immense service comme ce qui est décisif (NB 1/2, 143).

 

30. L’obéissance de Marie

Marie ouvre le ciel d'une double manière aux habitants de la terre. Car celui qui la contemple comprend qu'elle a en elle un morceau de ciel ; mais il comprend aussi qu'elle porte en elle le Fils de Dieu qui, lui aussi, a le ciel en lui à sa manière à lui ; et ces deux cieux n'en font qu'un naturellement. C'est ainsi aussi que l'obéissance du Fils lors de son incarnation ne fait qu'un avec l'obéissance de la Mère qui dit oui à l'ange. Les deux obéissances se conditionnent mutuellement. L'obéissance du Fils et l'obéissance de la Mère s'accordent l'une avec l'autre pour le don de soi commun et permanent à Dieu le Père (NB 1/2, 142).

 

31. Le consentement

Quand Marie donne à l'ange son consentement, elle dit oui de tout son corps et de toute son âme sans faire de différence entre ce qu'elle donne et ce que Dieu lui prendra. Son don d'elle-même est sans limites. Elle ne réfléchit pas pour savoir si elle garde quelque chose, elle ne calcule pas la somme de ce qu'elle perd. Son oui n'est rien que oui. C'est à Dieu qu'il revient d'en disposer totalement. A son annonce, elle a donné une réponse qui est digne de lui : "Qu’il me soit fait", et elle laisse à "selon ta parole" l'ampleur que Dieu veut lui donner. Elle donne tout de suite tout son esprit, et l'Esprit Saint, en la couvrant de son ombre, consommera le don qu'elle fait de son corps. Son don d'elle-même est consommé dans le fait qu'il est reçu (NB 5,23-24).

 

32. L’inattendu

L'ange qui fut envoyé à Marie lui annonce quelque chose qu'elle n'avait aucunement attendu (NB 10, n° 2106).

 

33. Marie n’a pas connu d’hésitation

Pour chaque mission que Dieu le Père et Dieu le Fils et Dieu l'Esprit donnent aux hommes, c'est la même chose. Dieu donne la liberté de choisir et il donne la mission. Les hommes peuvent l'accepter ou la refuser, ils ont la liberté. Car Dieu a créé l'homme à son image et Dieu est liberté. Marie était libre quand l'ange est venu. Mais parce qu'elle n'avait pas de péché et qu'elle avait été conçue immaculée, elle avait déjà dit oui dès l'instant où elle avait senti la liberté. Si elle était née sous la loi du péché originel, elle aurait peut-être connu une hésitation (NB 1/2, 225).

 

34. Un oui qui ne cesse pas de se faire entendre

Après la Passion, le Fils va former son Église en la remplissant de son Esprit. Et l’Église aussi, comme Marie, doit apporter sa contribution. Car l'Esprit de l’Église aussi doit participer au mouvement éternel du Fils qui part du Père et retourne au Père. En Marie, est préfiguré ce mouvement de l'Esprit. L’Église aussi doit faire quelque chose pour se soumettre à l'Esprit, pour le comprendre et le laisser faire. A aucun instant, l'Esprit ne continuerait à travailler en Marie si son oui ne continuait pas constamment à se faire entendre. De même l’Église : elle doit constamment dire oui à l'Esprit et essayer de répondre à ses instructions (NB 6,422).

 

35. Aussi loin que Dieu le veut

Une fois que Marie est devenue enceinte corporellement, elle n'a pas mis fin à son oui. Elle est prête à aller aussi loin que Dieu le veut ; sa mission la conduira beaucoup plus loin qu'elle pouvait l'imaginer. L’Église n'a pas davantage le droit de se contenter de ce qu'elle a déjà atteint, de prendre ses conciles et ses définitions pour un point final. Pour l'Esprit qui conduit l’Église, ils sont des occasions d'ouvrir du nouveau plutôt que d'enclore le passé. L'Esprit qui a couvert Marie de son ombre, corporellement et spirituellement, crée et trouve en elle toutes sortes de points de départ pour de nouvelle missions. Sous le souffle de l'Esprit, du nouveau est possible : sa relation à Élisabeth, aux voisins, aux apôtres, à Jean, etc. Déjà dans sa grossesse il y a quantité de situations significatives. Ici aussi Marie est le modèle de l’Église. Il va de soi qu'à partir de sa seule fonction d'être l’Épouse du Seigneur des milliers de ministères et de tâches divers peuvent se réaliser : des milliers de situations et de relations au monde dont les unes se répètent, dont les autres renaissent au cours des âges ; mais toutes sont animées par l'Esprit, et même modelées par lui. Mais il n'est pas nécessaire que quelque chose d'unique, qui a pu exister dans le souffle de l'Esprit, soit "éternisé" par des définitions et d'autres principes. Cela irait aussi autrement. Pour Marie, il en fut autrement. Il suffit que l'Esprit découvre des aspects et crée des relations qu'il peut rendre féconds. Ils n'ont pas besoin non plus d'être fixés, ce qui peut-être empêcherait d'autres relations futures de s'installer. S'il y avait dans l’Église plus de disponibilité à l'Esprit Saint, on pourrait éviter beaucoup d'immobilisations (NB 6,423-424).

 

36. "Toi, suis-moi"

Dieu veut l’âme tout entière. "Toi, suis-moi!" Sans conditions, dès le premier instant. Dieu ne veut pas qu'on s'approche de lui par étapes. Le meilleur exemple est le oui de Marie auquel il est répondu par le fait que l'Esprit Saint prend possession d'elle totalement. En un rien de temps éternel, sans égard pour les lois humaines. Cette totalité produit alors des fruits selon les besoins de Dieu, et non selon les besoins de Marie. Marie suit les chemins uniques que Dieu a tracés pour elle. La Mère les suit dans la liberté de Dieu, et l’Église, en tant qu'épouse du Seigneur, doit se diriger d'après ces chemins mariaux (NB 5,26).

 

37. Prête à tout

Quand Marie était enceinte, elle portait le Fils et, avec lui, tous ses desseins. Elle n'a pas besoin de se préoccuper en détail de ces desseins; parce que d'emblée elle est prête à tout, le Fils lui donne ce qu'elle doit réaliser à l'instant qu'il juge opportun, quand les nécessités de sa rédemption le requièrent (NB 1/2, 195).

 

38. Marie et l’Esprit créateur

L'Esprit souffle où il veut : il doit toujours être reconnu comme Esprit concret et agissant. S'il opérait déjà chez les prophètes, c'était en vue de l'unique parole de Marie. Elle est encouragée à dire un oui unique : requis et reçu par l'Esprit, ce oui détermine l'Esprit à la couvrir de son ombre, il rend possible la venue du Sauveur, il ouvre la deuxième création. La création du monde par le Créateur à partir de rien fut le modèle de la création d'un homme par l'Esprit à partir de la parole de l'ange et de celle de Marie. En se servant d'un être humain créé - Marie - comme réceptacle pour l'enfant, l'Esprit répond au Père qui crée ; il y a correspondance entre le caractère concret de la première création et le caractère concret de la création par l'Esprit (NB 5,62).

 

39. Porteuse de l’Esprit

Dans la voix que les prophètes ont perçue, l'Esprit ne pouvait être saisi que par l'Esprit lui-même. Le prophète devait déjà être rempli de l'Esprit pour comprendre la voix de l'Esprit. L'Esprit des prophètes était ce qui lui permettait de se rendre présent en eux. Dans l'ancienne Alliance, sa présence se limitait à ceux en qui il était; c'est en eux qu'il agissait. Quelque chose de nouveau est arrivé dans l'acte par lequel il couvrit Marie de son ombre. Elle avait certainement déjà en elle l'Esprit Saint qu'elle reçut. Mais l'acte par lequel l'incarnation du Fils fut posée, posait aussi une présence pour tous ceux qui n'avaient pas l'Esprit Saint. L'existence du Fils fut dans le monde des hommes un fait indéniable, concret, permanent. Elle est saisie correctement par ceux qui ont l'Esprit, mais l'existence d'un homme du nom de Jésus ne peut pas non plus être niée par les autres. L'Esprit a posé ici un acte qui peut être compris pas uniquement par l'Esprit. Et quand ensuite le Fils incarné crée son Épouse, l’Église, il lui donne la même qualité que possédait Marie en tant qu'épouse de l'Esprit quand elle se laissa couvrir de son ombre : elle était porteuse de l'Esprit. L’Église porte l'Esprit de manière féconde comme Marie l'avait reçu de manière féconde (NB 6,441-442).

 

40. Façonnée pour l’Esprit

Marie est façonnée pour l’Esprit d’une manière unique. Comme elle met au monde le Fils, elle reçoit l’Esprit sous la forme d’une connaissance approfondie. Elle l’a rencontrée quand il l’a couverte de son ombre. Il l’a couverte de son ombre pour lui permettre de porter cet enfant. Et quand l’enfant devient visible, elle reconnaît en lui l’Esprit et seulement alors elle devient accessible à tous les dons de l’Esprit qu’elle voit reposer sur son Fils. Pour elle, la grande apparition de l'Esprit et sa grande irruption, c’est la naissance du Fils (NB 4,172).

 

41. L’Esprit se tourne vers Marie

Si tout est créé en vue du Fils, le Fils doit recevoir ce tout dans l'obéissance au Père. Dès le début il doit se préparer à laisser venir à lui tout le créé, c'est la tâche de son obéissance ; et pour que réellement toutes choses puissent venir à lui, qui est la porte qui mène au Père, il doit être obéissant jusqu'à la mort. Mais pour que les hommes reçoivent en lui le frère qui meurt pour eux, l'Esprit se tourne vers Marie et il la couvre de son ombre dans sa parfaite virginité, lui donnant part à la pureté de l'Esprit qui s'unit à elle pour engendrer l'enfant (NB 10, n° 2198).

 

42. Se donner à l’Esprit

Marie se donne à l'Esprit (NB 4,209).

 

43. Marie, réceptacle de l’Esprit

Le prophète qui reconnaît la priorité de la voix de Dieu fait un acte d'obéissance et se soumet à l'Esprit de son plein gré en se portant à sa rencontre. Quand Marie dit son oui, elle est utilisée. Son corps est pris; elle subit physiquement ce que les prophètes ont vécu dans leur esprit ; le corps reçoit par elle une importance qui, dans l'ancienne Alliance, était réservée à l’esprit. Par la parole obéissante de la servante, il est maintenant à nouveau possible de rendre au corps toute sa force de pureté et de fécondité. Il n'est donc pas question de "détruire" seulement ce qui est propre, comme un sacrifice en l'honneur de Dieu, il s'agit formellement qu'en laissant faire, ce qui est propre soit élevé pour être le réceptacle de l'Esprit qui est à l’œuvre. L'Esprit requiert non seulement de Marie qu'elle soit un "espace vide", mais que sa personne tout entière soit offerte. Elle est ainsi appelée à devenir la grande action de grâce de l'humanité : "Tous les âges me diront bienheureuse!" Elle n'est pas un espace vide pour Dieu, elle est, à un titre éminent, sa fille, sa mère et son épouse (NB 5,62-63).

 

44. L’Esprit couvre Marie de son ombre

Quand l'Esprit couvre Marie de son ombre, pour notre compréhension il y a là d'abord un phénomène physique, mais c'est en même temps et tout autant un phénomène spirituel : là où le Fils est présent corporellement, il est présent avec son être de Fils tout entier. L'Esprit Saint doit donc préparer Marie à l'arrivée du Fils aussi bien physiquement que spirituellement. L'aspect physique de la grossesse est ce qui saute aux yeux, mais il a nécessairement comme suite une fécondité spirituelle. Pour la Mère, son acquiescement spirituel fut premier, et l'aspect corporel y était inclus ; en devenant Mère corporellement, elle le devient aussi spirituellement (NB 6,421).

 

45. L’Esprit comme semence

Le Fils est devenu compréhensible pour nous par l'incarnation et, de la sorte, le Père l'est devenu aussi d'une certaine manière, en tant qu'il est le Père de celui qui s'est incarné. L'Esprit Saint ne devient pas compréhensible pour nous parce qu'en partant de ce qu'il fait, il ne nous est pas permis de nous faire de lui une idée claire et nette. "Le boulanger" n'est pas seulement celui qui fait le pain ou "le prêtre" seulement celui qui donne la communion, de même "l'Esprit" n'est pas seulement celui qui couvre Marie de son ombre, qui descend sous la forme d'une colombe lors du baptême de Jésus ou qui a les sept dons, etc. Nous nous approchons peut-être davantage de lui si nous partons de la propriété qui est la sienne d'être semence (NB 6,431).

 

46. L’Esprit nous saisit

Pour la foi, il y a deux étapes par l'Esprit. L'Esprit nous saisit - Dieu nous trouve avant que nous le cherchions - et nous montre le chemin vers le Fils de la même manière qu'il a pris le Fils avec lui sur le chemin du monde jusqu'à Marie (NB 6,434).

 

47. L’Esprit souffle vers Marie

Le Père remet sa semence à l'Esprit et l'Esprit souffle où il veut, et il veut souffler vers la Vierge Marie. Marie est toute donnée et elle est couverte de l'ombre de l'Esprit, elle ne met aucune limite ni en son âme, ni en son corps. Elle donne ce qui est découvert comme ce qui est caché, ce qui est en bas comme ce qui est en haut. L'Esprit peut pénétrer en elle au plus profond et l'Esprit enfonce en ses ultimes profondeurs la semence du Père. Et c'est de cette poussière (comme la poussière dont il a créé Adam) que le Fils devient homme (NB 5,259).

 

48. L’Esprit apporte à Marie le Fils du Père

La coopération spéciale du Père et de l'Esprit lors de l'incarnation correspond à une offense spéciale du Père et de l'Esprit par le péché. L'Esprit couvre Marie de son ombre et lui apporte le Fils du Père. C'est quelque chose de très particulier où chaque personne est représentée à sa manière ; il n'y a donc pas seulement une offense "générale" de Dieu, sinon Dieu aurait aussi pris seulement des mesures "générales" pour la rédemption (NB 3,225).

 

49. La Mère donne ce qu’elle a à donner

Dans le fait que l'Esprit couvre la Mère de son ombre et dans le fait qu'elle reçoit l'enfant, on voit en quelque sorte ce que c'est que donner et recevoir. L'Esprit donne le Fils à la Mère et la Mère le reçoit. Mais en même temps la Mère donne aussi ce qu'elle a à donner. Elle devient un milieu qui donne et qui prend. En elle le retour du Fils au Père est déjà en quelque sorte préfiguré ; on peut dire que le Père recouvrera le Fils de la Mère. Elle va le mettre au monde pour le rendre au Père et elle en était déjà d'accord quand elle a dit oui (NB 1/2, 240).

 

50. L’Esprit vit en Marie

Après avoir couvert Marie de son ombre, l'Esprit Saint vit en elle : dans l'enfant et en même temps dans son propre esprit. Il est d'une part ce qu'elle a reçu en elle comme quelque chose d'objectif, ce qu'elle verra plus tard dans l'enfant ; mais d'autre part il est en même temps l'Esprit en elle, qui a pris possession de son esprit et le conduit, qui marque sa prière, son aspect extérieur, son être tout entier. Quand elle adore l'enfant, elle prie l'Esprit Saint dans l'Esprit Saint. Quand elle élève l'enfant, ce n'est pas seulement son esprit à elle qui se penche vers l'esprit de l'enfant, mais c'est l'Esprit Saint en elle qui rencontre l'Esprit Saint dans l'enfant (NB 10, n° 2219).

 

51. L’œuvre de la Mère

L'Esprit remet toute sa fécondité dans la Vierge, mais avec les sentiments de sa chasteté à lui. On n'a pas le droit de s'arrêter à la chasteté de Marie : elle n'est que le réceptacle de l'Esprit et elle, ne voulant rien pour elle-même, participe au-delà d'elle-même, dans l'Esprit, à sa fécondité. Dans sa fécondité, elle rend à l'Esprit ce qu'elle a reçu de lui et elle montre à l'Esprit la fécondité qui est en lui. C'est bien sûr l’œuvre du Fils qu'elle ait été rachetée à l'avance, l’œuvre de l'Esprit qu'il l'ait couverte de son ombre, l’œuvre du Père qu'il ait confié à l'Esprit le Fils comme une semence ; mais c'est finalement l’œuvre de la Mère qu'étant tournée vers Dieu, elle produise ce fruit qu'il a fait descendre dans son sol (NB 10, n° 2198).

 

52. Marie reçoit la semence divine

Quand Marie conçoit, elle voit le service qu'elle rend au Fils qui va venir ; dans son acte d'obéissance à l'ange, elle est en contact avec le Père et avec l'Esprit d'une manière dont elle se doute à peine et qui n'est pas non plus dévoilée quand elle reçoit la semence divine. Quand l'Esprit la couvre de son ombre, c'est donc un événement trinitaire qui fait de Marie une mère ; mais la maternité, elle la ressent comme le fait qu'elle porte le Fils et qu'elle est introduite dans sa vie. Le Père et l'Esprit disparaissent d'une certaine manière derrière cette image du Fils. La fécondité de Marie est sa collaboration à la venue de la Parole incarnée (NB 6,555).

 

53. Prise par Dieu

Marie est expropriée dans son corps par l'Esprit Saint : elle ne fait pas une offrande, elle est prise par Dieu (NB 12,181).

 

54. La Vierge devient Vierge-Mère

Quand Marie a conçu, elle a reçu l'Esprit et s'est laissé couvrir de son ombre. Par cet acte, son corps fut exproprié. Il devint un corps dans lequel l'Esprit habite en maître. Et elle a laissé s'opérer en elle par l'Esprit la transformation de la Vierge en Vierge-Mère. Et quand elle met le Fils au monde, celui-ci est le Fils de l'homme parce qu'il a mûri en elle et qu'il est né d'elle. Mais son existence d'homme ne change rien à son existence de Dieu : il reste le même vis-à-vis du Père et de l'Esprit (NB 1/2, 194).

 

55. La semence de Dieu Trinité

Être conscient que ce rien du commencement de l'incarnation, cette semence de Dieu Trinité, est en même temps le lien parfait du Fils à l'être humain qu'est Marie (NB 6,556).

 

56. Marie introduite dans le mystère de Dieu Trinité

Dieu Trinité a décidé de laisser le Fils devenir homme sans nuire à l’intégrité de la Trinité. Vraiment homme, il restera vraiment Dieu, il vivra dans la vision du Père et sous la conduite de l'Esprit Saint. Marie porte en elle ce mystère : aussi bien le mystère de Dieu Trinité et de Dieu qui s'incarne que le mystère de son oui. Et ce mystère hors normes ne menace pas son unité avec elle-même. En le portant en elle spirituellement et corporellement, elle ne se met en opposition ni avec Dieu, ni avec celui qui s'est incarné, ni avec elle-même, comme si le fait qu'elle ne comprend pas serait en conflit avec sa compréhension. Dans son destin de femme, de croyante et de croyante qui a dit oui, elle se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle : être la Mère du Seigneur. Avec tout le mystère qui lui est donné intégralement elle devient si proche du Fils - qu'elle nourrit de son sang -, si proche aussi de l'ange à qui elle a donné son oui, que tout ce qui est saisissable du mystère céleste, elle le saisit et le porte et, par son service, elle donne sa réponse au mystère sans se détacher de lui, sans s'opposer à lui. Les paroles qu'elle dit à son enfant sont dites au Fils de Dieu qui est la deuxième personne de la Trinité et elles sont donc en relation immédiate avec la Trinité. Non qu'elle resterait en quelque sorte à la lisière en tant que créature et que, de là, elle parlerait au centre insaisissable de Dieu ; elle parle de l'endroit où elle est, et Dieu Trinité tout entier l'entoure et l'entend là où elle est ; il ne peut y avoir aucune confusion parce qu'elle a la foi et que la foi lui permet de tout dire de manière adéquate. Si la simplicité de sa conversation est claire pour nous, nous comprenons à quel point ses paroles sont proches de Dieu. Et, en tant que médiatrice de la grâce, elle nous montre comment nous devons prier, comment nous pouvons parler avec le Fils et avec l'Esprit et avec le Père, sans souligner la distance qui nous sépare d'eux, cela ne ferait que nous éloigner de Dieu. Nous comprenons que lorsque nous sommes vrais et simples dans notre prière au Seigneur, la Trinité tout entière complète cette prière, et la réponse nous vient de l'unité de Dieu, de la plénitude de l'amour trinitaire. Cela nous encourage à ne pas négliger, dans notre prière, cette plénitude divine. Parce que Dieu est un par nature, aucune personne divine ne peut rester en retrait. La participation de la Trinité à toutes les œuvres de Dieu est si régulière qu'il nous est permis de nous savoir toujours enveloppés du mystère des trois personnes. Tout croyant ordinaire, tout saint, a part au mystère tout entier qui fut offert à la Mère du Seigneur. Et plus un être est pur, plus purement il fera l'expérience qu'il peut prier Dieu en toute proximité, le prier de manière si proche au fond que, dans la prière, il ne perçoit plus lui-même les différences qu'il y a entre le Père, le Fils et l'Esprit, bien qu'il connaisse la Trinité et que, dans ce qu'il expérimente de la grâce et en reçoit, il reconnaisse la Trinité de grâce (NB 5,174-176).

 

57. La fille du Père

Adrienne a vu Marie dans sa relation à la Trinité. Elle dit : “Marie avait la Trinité pour ainsi dire comme arrière-plan, elle l’avait aussi en elle d’une manière particulière. Aucun être n’a une relation aussi étroite qu’elle à la Trinité. Elle est pour nous de manière précise le chemin et la représentation de la Trinité. Sans elle, le dogme des trois personnes en une nature serait quelque chose de totalement abstrait, de purement conceptuel, avec quoi on ne peut rien faire. Beaucoup de catholiques ne peuvent de fait rien en faire de correct, littéralement. C’est Marie qui nous montre que l’unité des personnes est réellement l’amour. Quelque chose de chaud, de concret, de proche. Non pas comme si Marie elle-même appartenait en quelque sorte à la Trinité, mais elle est tellement la fille du Père, la Mère du Fils, le réceptacle de l’Esprit qu’on voit toujours aussi en elle les trois personnes. Il est donc facile de comprendre que c’est seulement dans l’Église, qui connaît Marie, qu’une conscience vivante de ce dogme est possible (NB 8, n° 969).

 

58. Marie dans la lumière de la Trinité

Marie s'adapte totalement à Dieu dans le don d'elle-même le plus ouvert. La Trinité et Marie vont ensemble ; en étant enceinte du Fils par l'Esprit Saint, elle s'est placée totalement dans la lumière de la Trinité (NB 4,35).

 

59. La signature trinitaire

Marie a conçu le Fils par l'Esprit comme semence du Père et celle-ci, sans acte sexuel viril, est rendue visible en elle, c'est un acte divin dont la signature trinitaire est pleinement évidente (NB 12,141).

 

60. Marie au cœur de la Trinité

De même que Marie a accordé au Fils une place en son centre, de même Dieu lui accorde une place en son centre. Dieu Trinité fait devenir homme en elle le Christ, l'Homme-Dieu, le second Adam. Dieu le Père fait naître en elle son Fils par l'Esprit Saint ; cette naissance comprend aussi l'action du Fils, car c'est volontiers et librement qu'il se laisse faire, il coopère avec le Père et l'Esprit pour se laisser advenir. C'est ainsi que Marie devient mère. Auparavant elle était vierge. Par l'action de Dieu Trinité, elle devient enceinte et entre dans le centre de Dieu pour qu'il puisse entrer dans son centre à elle. Elle est d'emblée si marquée par Dieu que d'emblée elle tient pour lui son centre ouvert (NB 2,32-33).

 

61. Initiée à l'intimité entre le Père et le Fils

Par son oui, Marie est initiée à l'intimité entre le Père et le Fils. Elle ne vit plus que pour les affaires du Père et du Fils. Elle ne connaît plus d'intérêt personnel, elle ne demande pas ce qu'elle pourrait recevoir du Fils, elle ne veut que ce qui lui est donné. De cette manière, elle est initiée toujours plus profondément à la relation entre le Père et le Fils, et cette initiation est la réponse de Dieu à sa soumission. Et cette soumission elle-même provient déjà de cette relation, de l'amour actif qu'elle a pour cette relation divine en dehors de laquelle elle ne veut rien savoir (NB 11,32).

 

62. La conception de Marie

L’humanité du Fils existait déjà dans la semence de Dieu. Le Fils de Dieu est beaucoup plus préformé dans la semence que Marie reçoit que ne l'est un homme. Mais naturellement cela ne veut pas dire que la semence ait été vivante quelque part avant la conception ; l'Esprit couvre Marie de son ombre, il apporte quelque chose de manière créatrice de la même manière que la semence humaine est présente avant la conception, et ce qui est apporté contient déjà le Fils tout entier. Dans la conception ordinaire, ce n'est que l'union des deux cellules qui fait advenir l'être humain, qui détermine aussi le sexe ; pour la conception de Marie par contre, dans ce qui est apporté par l'Esprit, le Fils est déjà déterminé comme celui qu'il est en vérité (NB 3,164).

 

63. L’Incarnation comme communion

Une vraie communion du corps du Seigneur avec notre corps exige une absolue pureté de notre corps, une totale disponibilité de ce corps pour lui. Le modèle, c'est Marie dans la conception de son Fils. Ici est réalisée la parfaite communion corporelle. Son corps répond exactement à l'attente du Fils, car ce corps est sans tache, sans péché, vierge. Le Fils trouve tout préparé comme il le désire, même les choses dont elle ne sait rien expressément et qu'elle a préparées sans le savoir. Il semble que c'est presque "par hasard" que Marie soit vierge, de son point de vue à elle ; elle-même ne sait peut-être pas très clairement à quel point il est requis qu'elle le soit (NB 6,249).

 

64. Le Fils du Père devient homme par Marie

Il y eut l'instant où Dieu le Père vit l'homme devant lui pour la première fois : Adam qu'il avait créé, sous la forme humaine qu'il voulait lui donner et qui correspondait à sa pensée. Parce que Adam était issu entièrement de la volonté créatrice de Dieu, la relation était claire d'emblée. Dieu le portait dans son dessein avant qu'il sortît, et maintenant qu'il était devenu pour Dieu un toi véritable, il est tel que Dieu l'avait imaginé. Quand le Fils du Père devient homme par Marie, la relation est apparemment plus compliquée. D'abord parce que le Père avait avec le Fils divin une relation éternelle et qu'il doit maintenant établir une nouvelle relation avec le même Fils devenu homme (NB 6,194-195).

 

65. Médiatrice de l’Incarnation

Marie continue la tâche d'Ève : Ève aurait dû conduire à Dieu les hommes qui n'avaient pas eu comme Adam le contact direct avec le Père créateur. C'est en naissant que les enfants auraient reçu ce contact par les parents. Mais Marie est médiatrice de l'incarnation du Fils ; elle le conçoit par Dieu, le porte en tant que femme, le met au monde, prend soin de lui ; puis vient l'instant où ce n'est plus à elle seule qu'il est confié, mais à tous les hommes ; mais tous le rejettent et le refusent. Le Père cependant se tient prêt pour accueillir à nouveau auprès de lui le Rejeté, le Repoussé, non comme celui qu'il était auparavant, mais comme celui qu'il est maintenant. Cet accueil au ciel est ainsi comme une nouvelle conception du Fils dans le sein du Père qui retrouve celui que le monde a renvoyé. Mais fallait-il que Dieu se résigne à cet échec? (NB 6,183).

 

66. Marie à la disposition de son Fils

Au pied de la croix, la Mère, en tant qu'image de l’Église, se tenait à la disposition de son Fils. Il mesure en Marie ce qui sera possible pour son Église ; partout il y a ainsi une référence à Marie, subtile et pourtant significative, parce qu'elle est sa Mère et l’Église; une référence discrète parce qu'elle est femme, mais jamais cependant elle ne se dérobe à sa tâche parce que tout déjà se trouvait dans son oui qui ne lui est jamais retiré parce qu'elle en a besoin pour l'accompagner jusqu'à la croix. Sa contribution n'est pas mise par écrit parce qu'elle est vie et non document écrit ; mais c'est pourtant toujours là parce que sa disponibilité reste illimitée. C'est une relation extrêmement tendre. C'est comme un jeu avec le voile dont on ne sait jamais s'il voile ou s'il découvre, s'il livre ou s'il cache. C'est si tendre parce que, dans le mystère où elle devient l’Église, l'âme de la Mère est en relation avec l'âme de son Fils dans l'intimité (NB 6,486).

 

67. Marie et son Fils ne font qu’un

Marie ne détermine jamais sa place, elle laisse son Fils la fixer et la former; son obéissance est si immédiate qu'elle se trouve toujours là où le Fils veut qu'elle soit. Elle se trouve toujours déjà à l'endroit qu'il lui indique. Il parle et sa réponse est déjà là. Tout cela est basé sur son oui à l'ange. Elle mène sa vie selon sa parole et qu'elle devienne Église fait partie aussi de ce oui. Il n'y a ainsi entre la Mère et le Fils aucun intermédiaire. Ce sont des personnes, mais en même temps, en ce qui concerne l’Église, ils ne font qu'un. Le Fils est pour sa Mère non seulement son enfant, mais aussi celui qui dispense tous les sacrements, il est finalement lié à elle par une sorte de sacrement de mariage originel. Dans son union nuptiale avec le Seigneur, en tant que personne et en tant qu’Église, elle ne voit rien entre elle et le Fils, et il n'y a rien non plus entre eux (NB 6,484-485).

 

68. Marie est le centre de l’humanité

Le Fils a Marie en lui avant qu'elle l'ait. Il y a la pré-rédemption de Marie. Marie est le centre de l'humanité. Avant que Marie ait le Fils en elle, le Fils a en lui sa Mère. C'est en partant d'elle qu'il a réalisé sa rédemption. Il l'a en lui mais, après la croix, il la libère pour nous, les autres hommes. Il inclut en lui sa Mère et tous les hommes, il est l'homme parfaitement accompli (NB 2,28-29).

 

69. Le mystère céleste a été mis ici-bas dans le Christ et en Marie

De même que le chrétien, dans sa vie ecclésiale ici-bas, doit viser la plénitude du mystère céleste, de même le prêtre dans son ministère doit gérer le mystère céleste en tenant compte des besoins terrestres de la communauté croyante. Il n'est pas difficile d'en tenir compte parce que le mystère céleste a ses racines ici-bas, il a été mis ici-bas dans le Christ et en Marie comme un mystère définitif qui n'a pas besoin d'être perfectionné dans la vie éternelle. Mais Marie reste pour les chrétiens le gage et l'assurance tranquille que la communion avec le Christ a de la durée (NB 6,478-479).

 

70. L’auberge

L'incarnation est un mouvement du ciel vers la terre; Marie est le lieu où ce mouvement s'arrête un instant, l'auberge accueillante où le Fils passe ses années cachées (NB 10, n° 2159).

 

71. Se laisser adapter à l’Esprit

Le oui qui tient tout disponible, c'est l'attitude de confession. La juste attitude de confession, c'est de se laisser adapter. Le désir de Marie serait que cette attitude soit accessible aux humains : qu'ils se confessent comme elle-même s'est confessée sans péché. La Mère, qui se tient ouverte à l'Esprit dans l'attitude de confession, le fait dans la joie (NB 6,120).

 

72. Dieu a besoin d’elle

Dans son destin de femme, de croyante qui a dit oui, Marie se laisse faire pour devenir ce pour quoi Dieu a besoin d'elle : être la mère de son Fils. Dans son obéissance parfaite elle intègre tout ce qui lui a été donné d'intégrer. En faisant cela elle est si proche du Fils, qu'elle nourrit de son sang, elle est si proche en même temps de l'ange à qui elle a dit oui qu'elle saisit et porte tout ce qui est saisissable du mystère céleste. Avec son service elle répond au tout sans faire de distinctions, sans prendre ses distances, sans faire de choix, sans s'opposer en quoi que ce soit (NB 10, n° 2318).

 

73. L’être humain qui peut porter Dieu

Avec Marie, Dieu a choisi l'être humain qui peut porter Dieu. Avec cela, il l'a tellement unie à ses mystères qu'elle participe depuis toujours aux mystères de son être trinitaire, qu'elle a été conçue et créée à partir d'eux et pour eux. La grâce qu'elle reçoit lui est certes donnée à un moment du temps. Mais c'est une grâce qui était présente depuis toujours, qui ne faisait que réfléchir sur terre dans le temps ce que Marie était depuis toujours au ciel dans le plan de Dieu (NB 1/2, 156).

 

74. Un oui pour l’éternité

La réponse de Marie à l’ange. D'abord elle se reconnaît comme celle à qui Dieu s'est adressée, corps et âme, comme celle qui doit se tenir prête pour une œuvre de l'amour divin. Elle est ainsi introduite de fait dans la communauté de tous ceux qui aiment Dieu et qui mettent leur existence à sa disposition, de tous ceux qui disent oui à Dieu et se décident pour lui. L'esprit de Marie dit oui à Dieu et elle se met elle-même totalement dans ce oui, y compris son corps. Son corps est ainsi pénétré par l'Esprit. C'est un oui pour l'éternité, il est au fond prononcé dans le ciel devant Dieu Trinité. Ce oui spirituel est ce qui est fondamental. Puis suit le deuxième pas : l'Esprit fait que le Fils devient chair en elle. Et cette incarnation prend continuellement plus d'importance ; pour Marie aussi, elle devient toujours plus importante au fur et à mesure que le Fils grandit en elle ; mais cette expérience nouvelle, elle la remet aussi à Dieu. Elle lui appartient, il peut faire d’elle ce qu'il veut (NB 12,163-164).

 

75. Le oui de la Mère et le oui du Fils

C'est par le oui de sa Mère que le Fils devient un homme obéissant. Il y a ainsi un point de départ à un double point de vue : le Fils de l'homme obéit au Père, la Mère obéit au Fils, et toute nouvelle obéissance prend son point de départ dans cette double forme où le Fils sert de médiateur entre l'être humain (la Mère) et Dieu (le Père). Il a manifestement commencé son chemin d'obéissance en le mettant aussi d'emblée dans sa Mère, il nous a donc appris et indiqué notre chemin par elle comme par lui-même (NB 11,22-23).

 

76. Dire oui à l’Esprit

Le oui de la Mère va à l'Esprit par l'ange et il ouvre pour nous tous la possibilité de dire oui à l'Esprit afin que l'Esprit porte en nous le Fils et le Fils l'Esprit. Le oui est l'acquiescement à ce mystère en Dieu qui les fait se porter l'un l'autre ; l'acquiescement le plus profond se trouve naturellement en Dieu lui-même mais, par Marie, l'homme reçoit dans la grâce la possibilité d'y avoir part (NB 10, n° 2054).

 

77. Rester constamment ouverte

Le oui de Marie comporte l'exigence de rester constamment ouverte. On n'en a pas fini une fois pour toutes avec l'ouverture. Cela comporte aussi l'exigence d'être ouvert de tous côtés. Partout où une question d'étonnement pourrait se faire jour, celle-ci est réprimée par une plus grande disponibilité. "Tu enfanteras un fils" : le corps est donc réellement inclus dans la disponibilité. Sa totale pureté l'empêche de se retirer en tremblant devant cette intrusion dans la sphère corporelle. Le fait d'être prise peut éventuellement être humiliant, mais cela ne l'inquiète pas. Après le premier trouble, la seule peur qui reste est celle-ci : l'Esprit ne trouve peut-être pas en moi ce dont il a besoin. La question aussi peut se faire jour : à quelle profondeur dois-je rester ouverte? Il semble donc plus juste que l'Esprit lui-même nous ouvre comme il veut. Alors tout devient clair : la disponibilité qu'on peut offrir, c'est la volonté de se laisser ouvrir par l'Esprit à sa guise (NB 6,121).

 

78. Le oui de Marie

Quand l'ange dit à Marie : "Tu seras…" et que Marie dit : "Oui", les deux paroles sont étroitement unies sans intervalle, il n'est pas question de mesurer, de réfléchir, de s'adapter. Plus tard certes tout le chemin sera encore vécu, mais comme un parcours qui a déjà été effectué. Les questions qui sont contenues dans ce oui se posent alors d'une manière très concrète, mais non comme des questions qui se posent avant le oui, car elles se trouvent dans le oui qui a déjà été donné comme ses composants et ses conséquences (NB6,131).

 

79. La grossesse suit son cours normal

Dans le oui de Marie, le plus frappant se trouve surtout au début (lors de l'annonciation) et à la fin (lors de la naissance) ; la grossesse suit son cours normal (NB 6,299).

 

80. Jésus dépend du oui de Marie

Le oui de Marie n'est pas seulement important pour sa propre vie, il a une signification éminente pour la vie de Jésus qui en dépend. En devenant totalement homme, il dépend du oui de Marie. Cette réponse vient de Dieu comme une grâce de foi pure et elle va vers Dieu en tant qu'elle est condition de l'incarnation. Elle est reprise ainsi dans l'espace du divin et il lui fait ainsi une situation qui est fondamentale pour toute la sainteté de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, et qui de plus peut le devenir aussi de manière particulière pour chaque saint (NB 2,32).

 

81. La symphonie des oui

Le oui de la Mère à l'ange a un retentissement infini : un oui engendre toujours le suivant ; chacun est issu du précédent. Aucun oui chrétien n'est séparé de celui de la Mère. L'ange apparaît comme l'inspirateur de tous les oui. Toute une symphonie de oui se développe à partir de la simple mélodie de Marie. Et chaque oui ne cesse d'être le même. C'est tantôt l'un tantôt l'autre qui le porte, c'est comme un vêtement que différents enfants enfilent et qui les réjouit tous. La vie du croyant est comme une figure de danse, toujours sur les variations du oui. Mais le oui de Marie est inclus dans le oui du Fils au Père et à sa mission dans le monde ; ainsi tout retourne à la volonté originaire du Père d'engendrer le Fils (NB 10, n° 2109).

 

82. Un oui humain dans la grâce divine

(Adrienne voit comment Marie a dit oui alors qu'elle était jeune fille, presque encore une enfant). Un oui humain dans la grâce divine. Et son oui devient un oui divin dans un être humain tout donné, et Dieu le Père, avec ce oui, façonne son Fils. Et la Mère est là avec toute son humanité, sa foi, son amour, son espérance. Elle a un corps comme toutes les jeunes filles ont un corps, mais tout d'un coup elle ne possède plus ce corps parce qu'il est pris par Dieu qui en a besoin. C'est son corps à elle, mais il est le corps que Dieu a choisi pour que sa Parole y devienne homme. Et elle sent combien son mystère de jeune fille est élevé pour devenir un mystère de maternité, et comment son corps se donne à la semence de Dieu, et comment son don d'elle-même est simplement reçu par Dieu. Elle a dit oui avec ses lèvres, avec son cœur ; mais ensuite Dieu a pris son corps ; elle sent que Dieu le possède et y dépose sa semence. Il ne le fait pas dans une extase mystérieuse, ni en l'emmenant pour le faire ailleurs, mais elle reçoit tout simplement dans son corps la semence du Père apportée par l'Esprit. Cela se passe tout simplement. Tout d'un coup elle est mère. Elle est heureuse, très heureuse de recevoir ce qu'elle a reçu parce que, à l'instant même, elle sait qu'elle est prise, reçue, accueillie, passée en la possession de Dieu, et c'est ce qu'il y a de plus beau pour une femme croyante. Et elle partage quelque chose de son mystère à ceux qui essaient de s'ouvrir totalement à la volonté de Dieu dans leur mission (NB 1/2, 274).

 

83. Un dernier oui

Sur tout le chemin terrestre du Fils, son obéissance au Père est continuellement visible, comme elle est visible aussi en Marie dans un certain parallèle. Le sommet du don de lui-même apparaît sur la croix où le Fils se donne jusqu'à la mort, où la Mère, à la vue de son Fils mourant, est donnée jusqu'à dire un dernier oui et consentir au sacrifice (NB 2,217).

 

84. La force du oui de Marie

En tant qu'homme, le Fils vit de la force du oui de sa Mère, il est porté par lui et c'est par lui qu'il est mis au monde, c'est par lui qu'il est introduit dans les mystères de la vie humaine ; toute sa vie durant il disposera de ce oui dans la mesure où il en aura besoin, il en laisse en même temps au Père et à l'Esprit le soin d'en disposer comme ils le veulent. Pour lui, faire la volonté du Père s'étend aussi au fait que le Père dispose de sa Mère. Et quand le Fils institue l’Église, il a besoin de sa Mère pour bâtir son Église ; c'est parce qu'il en est ainsi que l’Église peut réellement attendre chaque année la naissance du Fils, célébrer chaque année les fêtes de Marie, répéter chaque jour les mots de Marie, saluer chaque jour Marie comme celle qui est bénie parce que toute son existence est entrée totalement dans l’Église (NB 5,24).

 

85. Dieu a voulu entendre le oui de la Mère

En créant le monde, Dieu le Père était heureux car il créait une œuvre qui devait trouver constamment son assentiment. Il plaça Adam dans la joie du paradis, et son dessein était que l'homme vive dans l'amour et la joie. Le péché a ruiné la joie et apporté la souffrance. Puis Dieu, par l'ange, a voulu entendre le oui de la Mère et ce oui devait résonner joyeusement parce qu'elle pouvait accomplir la promesse et voir le Messie, et parce que la rédemption et la nouvelle vérité au sujet de Dieu venaient dans le monde. Marie connaît la joie de pouvoir concevoir. Marie a été insérée la première dans le circuit de l'amour et de la joie trinitaires (NB 10, n° 2157).

 

86. Le corps et l’esprit à la disposition du Fils

Marie, au fur et à mesure des progrès de sa grossesse, a mieux compris que, de même qu'à ce moment-là elle tenait toujours davantage son corps à la disposition de l'enfant, de même elle devait aussi tenir son esprit toujours plus totalement à la disposition de son Fils. Que la croissance de l'enfant en elle et l'augmentation de ses exigences vis-à-vis d'elle ne faisaient qu'un avec la croissance de sa foi et de son service. Et ainsi elle est reconnaissante pour tout ce qu'elle ressent corporellement parce que alors elle peut mieux veiller à ce que son esprit se développe en conséquence. Finalement le corps ne décide plus lui-même, on dispose de lui, il est devenu un espace pour l'enfant et, de la même manière, l'esprit doit permettre qu'on dispose de lui (NB 10, n° 2098).

 

87. Le Fils, en tant que Dieu, a besoin de Marie

Naturellement le Fils, en tant que Dieu, emprunte l'humain à l'humanité. Il l'emprunte à Marie, mais tout autant à l'humanité tombée. S'il n'y avait eu que Marie, il n'aurait pas eu besoin de devenir homme. Il se fait homme pour l'amour de ceux qui sont tombés. Et ainsi, dans son esprit divin, il doit quelque chose de son incarnation à cette humanité tombée, il lui emprunte l'occasion concrète et la forme concrète de l'incarnation : la descente dans la souffrance. Mais pour pouvoir descendre de cette manière, il a besoin de sa Mère, qu'il oppose aux pécheurs en tant que pré-rachetée (NB 1/2, 156).

 

88. Le Fils, qui est Dieu, devient homme par Marie

L'unité du Fils réside dans le fait qu'il est Dieu et qu'en tant que Dieu il devient homme par Marie. En tant que Dieu, il reçoit d'elle la vie humaine que, d'un autre côté, il a amené en partie du ciel comme semence de Dieu. Son être d'homme provient en partie de Dieu, en partie de Marie. Comme homme aussi, il est en partie du ciel, en partie de la terre, car l'Esprit Saint a couvert Marie de son ombre. En tant qu'Homme-Dieu il se soumet au cycle de l'organisme maternel, il vit de ses forces et de sa substance ; et en se laissant former par cet organisme, il agit dans sa mère; en se laissant combler par elle, il la comble. Il reçoit d'elle, qui est un être humain, ce qu'elle a à lui donner. Rien n’est dissocié, c’est l'humain comme unité, ainsi que le Père le prévoyait dans la création. C'est pourquoi il était important que Marie fût ouverte à tout le bien créé. Il y a ici comme un double tableau : le Fils ne vit pas seulement du divin du Père et pour le divin du Père qu'il retrouvait à peu près dans sa mère ; il vit aussi du bien de l'humanité qui se trouve en elle et qu'elle peut lui offrir. Quand le Créateur eut achevé son œuvre, il vit qu'elle était très bonne. Et il serait faux de croire que le Fils ne trouve dans la Mère que ce que Dieu lui a donné comme grâce spéciale ; il trouve en elle le bien de l'humain qui, sans résistance, s'adapte à lui et s'habitue à sa forme d'homme, la nourrit, la rend possible finalement. Il est à peine nécessaire de dire que l'unité de la Mère avec le Fils et l'unité du Fils avec la Mère doivent en arriver à coïncider totalement. On peut tout simplement parler ici d'une relation mutuelle durable et inexprimable qu'on ne peut pas élucider totalement parce qu'il n'est pas possible de déterminer la part que chacun donne à l'autre. On ne peut rien dire de plus ici en ce qui concerne la valeur. Il est certain que le Fils donne plus à la Mère que la Mère au Fils. Mais on ne doit pas vouloir ramener le mystère à une proportion qu'on peut pénétrer totalement (NB 1/2, 155).

 

89. Le Fils s’est choisi Marie pour Mère

Et voilà que Dieu le Père et Dieu le Fils ont décidé l'incarnation du Fils et que le Fils s'est choisi Marie pour mère. Il l'a élue non seulement en raison de ses qualités de femme en général, mais aussi parce qu'elle est cette personne avec ces qualités données. Il se met dans la dépendance de son corps, mais aussi de tout son être, de sa vie, de son milieu. Il la choisit parce qu'elle lui promet d'être sa mère. En tant qu'homme, il sera le fils de cette mère. Corporellement et spirituellement, il sera relié à elle comme les enfants des hommes le sont à leurs parents. Il choisit ces liens authentiquement humains pour reconnaître et apprécier dans l'humanité comblée de grâce de sa mère le caractère de la nature humaine telle que la voulut le Père, et donner à cette nature une nouvelle impulsion vers le divin. Elle est la véritable créature telle qu'elle sort des mains du Créateur et telle qu'elle retourne à Dieu sans s'éloigner de lui, sans briser son unité. Et lui, Dieu, vivra en elle. Mais elle, cet être humain exceptionnel, est en même temps un être humain quelconque. Et, pour cette raison, un être humain qui représente tous les autres humains. Elle est cet être humain unique qui vit dans l'unité avec Dieu ; elle n'est que le premier modèle, le plus réussi (NB 1/2, 150-151).

 

90. Le Fils n’a pas choisi pour mère une pécheresse

Le Fils se choisit comme Mère l'être humain qui appartient totalement à Dieu, dans lequel il n'y a rien qui serait dirigé contre le Père. On pourrait avoir l'idée que, de cette manière, le Fils se fait la partie belle. Il se prépare un nid dans lequel au fond tout le monde aimerait bien se trouver. N'aurait-il pas mieux fait de choisir une pécheresse pour la convertir par sa venue ? Mais il ne s'agit pas de cela maintenant. Dans le choix de Marie, se trouvent les plus grands égards pour le Père : le Fils veut lui montrer que l'être humain que le Père avait en vue lors de la création existe réellement. Et Marie aspire tellement au Père qu'en son propre Fils elle voit deux choses : elle voit celui qui a reçu une mission du Père (car elle ne fait qu'un avec la volonté du Père) et, par le Fils, elle voit toujours plus le Père lui-même. Mais, pour le Fils, il sera beaucoup plus difficile de l'emmener, elle, l'innocente, dans sa Passion, il sera beaucoup plus difficile d'exiger de sa pureté qu'elle soit insérée dans l'œuvre de la rédemption, d'en faire la corédemptrice. Il sera beaucoup plus difficile d'associer à tout cela un être immaculé qu'une convertie, une convertie qui a tant à expier pour elle-même et qui porte si volontiers quelque chose de la faute commune à tous. Sacrifier la Mère : on est ici tout proche du massacre des "saints innocents" (NB 1/2, 152).

 

91. Le Seigneur prépare sa mère

Marie a la grâce ; par conséquent elle peut, en collaborant, mériter de dire oui pour réaliser en elle toute la grâce. Tout d'abord elle a pour ainsi dire l'Esprit de l'ancienne Alliance sous la forme de la foi en Dieu et en sa promesse; et, en raison de sa disponibilité, elle peut recevoir l'Esprit de la nouvelle Alliance. La nouvelle Alliance est fondée en elle comme par la suite elle sera fondée dans l’Église. Car le Seigneur prépare sa mère de la même manière que plus tard il établira son Église. Il trouvera des hommes qui seront prêts dans la foi à recevoir l'Esprit comme il l'envoie. La Mère y était prête dès l'origine ; le Fils envoie donc d'abord dans sa Mère l'Esprit qui le porte lui-même. Il l'envoie puisque, dans la Trinité, il ne fait qu'un avec le Père qui envoie, même si, pour accomplir sa mission, il est porté par l'Esprit dans le sein de Marie. Entre le Fils et l'Esprit, il y a sans cesse cette réciprocité de la mission (NB 6,421-422).

 

92. Le Fils éduque sa mère

Avec la semence du Père, avec le Fils, Marie a reçu en elle l'Esprit de Dieu. Elle a préparé en elle une habitation pour Dieu Trinité. Elle l'a fait en donnant au Père son oui conscient ; et parce que le Père est Dieu Trinité, elle a en même temps reçu le Fils et l'Esprit. Maintenant le Fils grandit en elle. Elle doit ainsi laisser son oui devenir élastique en quelque sorte pour qu'il corresponde au Fils qui grandit et qu'il soit toujours façonné par l'Esprit du Fils. C'est comme si son esprit virginal et maternel grandissait par son Fils qui grandit. Lui, qui grandit en elle, la dilate, lui communique toujours plus de sa substance spirituelle ; il éduque en quelque sorte sa mère pour lui-même. Elle demeure dans le oui de la disponibilité. Elle n'a pas besoin de chercher, elle reçoit. Le Fils est en elle avec le Père et l'Esprit. On ne peut jamais avoir le Fils seul ; celui qui a le Fils a aussi, avec lui, le Père et l'Esprit (NB 10, n° 2358).

 

93. Elle donne d’emblée tout ce qu’elle a

Quand Marie dit oui à l'enfant qui vient, elle met toute son existence dans ce oui. Et les présents des rois renvoient à ce oui. Entre les deux se trouve l'Enfant, Dieu devenu homme, qui apporte aussi tout ce qu'il a pour l'offrir en cadeau. En donnant sa vie aux siens, le Fils leur donne en même temps sa vision du Père (car en le voyant ils doivent reconnaître le Père), il la leur donne sous la forme de la prière et de l'adoration. Dans le don qu'il leur fait, il recueille tous les dons qui lui sont faits : aussi bien le oui de sa Mère que les dons des rois. Déjà dans sa conversation avec l'ange, Marie adorait le Fils, car elle a reconnu dans les paroles de l'ange ce pour quoi elle engageait son existence. Elle ne pèse pas la valeur de sa propre vie par rapport à la valeur de la vie de l'Enfant, elle donne d'emblée tout ce qu'elle a comme prix pour la vie de l'Enfant. Son oui est ainsi adoration dès l'instant où il est prononcé, pendant tout le temps de la grossesse et de la naissance jusqu'à la croix et à l'éternité (NB 10, n° 2300).

 

94. L'ange vient du ciel avec son message

Son don d'elle-même, Marie l'ouvre à tous les autres. Elle ne trace pas de trait frontière. Le service auquel elle est prête concerne en même temps ce qu'il y a de plus intime et des choses tout à fait superficielles. Dans l'obéissance à l'ange et en considération de l'enfant, il fera partie de sa mission que, par exemple, elle se mette à table simplement avec les siens. Elle ne fait pas de différence entre sa nouvelle obéissance à Dieu et l'obéissance qui lui était habituelle jusqu'à présent, de même que le monde céleste des anges, en bloc, lui était familier jusque là (si bien que l'ange lui apparaît presque comme un ami), et pourtant, en qualité de simple croyante, elle n'a attendu ni vision, ni ange. Toutes les limites sont supprimées, tout entre dans l'unité de son service : elle y est Mère de Dieu et fiancée de Joseph, elle ne fait aucune différence entre elle et les autres croyants, même les barrières entre ciel et terre sont abattues. L'ange vient du ciel avec son message, mais en assumant la mission de l'ange dans sa propre mission, elle accueille en elle le ciel pour l'offrir ensuite à la terre (NB 1/2, 141-142).

 

95. La parfaite domestique

Quand une nouvelle servante arrive dans une maison, le maître de maison lui montre toutes les pièces et tous les coffres, etc., et s'il a confiance en elle, il ouvrira tout : ici le linge, là les ustensiles de cuisine… De là découle immédiatement toute l'attention que la servante devra porter à toutes ces choses. Et elle aura d'autant moins besoin d'être dirigée du dehors qu'elle se mettra mieux au courant de son service. Cela veut dire seulement qu'alors la direction intérieure est totale, qu'elle est tout à fait entrée dans les pensées du maître de maison. C'est de cette manière que Marie se trouve sous la direction intérieure du Fils parce qu'elle a d'emblée la mentalité de la parfaite domestique (NB 1/2, 143).

 

96. Annonciation et prière

La parole de l'ange à Marie n'est pas chargée simplement pour elle du sens le plus vaste, elle s'adresse à elle personnellement. Elle, cette jeune fille, n'a pas à redouter cette ampleur. Elle entend les mots dans leur plus grande extension. "Qu'il m'advienne" : cela inclut tout son avenir avec tout ce qui peut arriver. Elle ne s'écartera d'aucun iota de cette ampleur. Elle est la réponse à la parole. Et en vérité la réponse juste, celle qui engage, celle qui est durable. Si nous disions jamais d'un cœur non partagé : "Qu'il m'advienne", notre oui s'affaiblirait quand même quand arriveraient les difficultés inévitables. Il perdrait de son ampleur, nous regarderions peut-être le caractère global de notre réponse comme le témoignage d'un enthousiasme momentané et nous trouverions mille excuses pour la lente reprise de notre consentement. La Mère en reste à sa parole même quand elle devient toujours plus grave. Si nous connaissions toute la vie terrestre du Fils, nous saurions sans doute à peine ce qui en elle a le plus accablé la Mère, quand cela a été le plus dur pour elle personnellement, quand le sentiment qu'on lui en demandait trop l'écrasa le plus, quand cette exigence démesurée a eu pour effet qu'elle ne pouvait plus guère penser et méditer. Mais même quand elle est lasse et exténuée, son consentement demeure intact. Marie demeure le modèle pour tous ces états, dans le oui et dans la prière. Les deux se confondent en elle. Même quand elle prie et médite autre chose, son consentement demeure le fondement durable de tout. Consentement à Dieu, mais aussi à l’œuvre du Fils, et à tous ses frères. C'est pourquoi elle est toujours prête à offrir sans réserve des dons à chacun. Non par suite de quelque enthousiasme : pour son élection par exemple, mais par pur amour. Un amour soutenu par la foi et l'espérance qui, à trois, la gardent dans un consentement continuel (NB 10, n° 2312).

 

97. Joseph n’est pas mis au courant

Adrienne voit pour la première fois que Marie avait dit son fiat à Dieu sans mettre au courant Joseph, son fiancé. Il en résulta une étrange situation ; elle avait un engagement humain et en même temps un engagement divin. Et à partir de ce moment-là, elle maintiendra l’apparence d’un mariage humain, mais intérieurement elle sera totalement vierge devant Dieu (NB 9, n° 1199).

 

98. L’inquiétude de Joseph

Joseph n'a pas de vision proprement dite. L'affaire est traitée entre l’ange et Marie. C'est pourquoi son inquiétude atteint des dimensions beaucoup plus grandes que chez Joachim. Car, comme Marie, il restera vierge. Au début il l'ignore tout à fait. Il sait seulement que sa fiancée est enceinte. Par là tout son projet de vie, qui va vers le mariage, est chamboulé, bien que ce plan doive être apparemment maintenu : il ne doit pas congédier sa fiancée. Contrairement à Zacharie, auparavant aussi il était en ordre dans sa foi, il l'est encore quand il est introduit dans le plan de Dieu qui a été changé ; malgré cela l'inquiétude ne lui est pas épargnée. Celle-ci cependant n'a aucunement le caractère d'une correction (NB 1/2, 34).

 

99. La foi de Joseph

Parce que la foi de Joseph est irréprochable, Dieu lui accorde sa confiance et ne lui dit rien. Sans qu'il le sache, son oui à Marie le lie si fort à Dieu que le oui de Marie à Dieu est comme inclus dans son assentiment, et le oui de Marie aussi inclut l'assentiment de Joseph. Marie est tellement convaincue de la justesse de son attitude qu'elle ne fait pas mention de lui avec l'ange, donc qu'elle ne ressent pas le lien qui l'unit à Joseph comme un empêchement à ce qu'elle s'engage totalement vis-à-vis de Dieu. Mais bien que tout soit réglé par Marie dans le surnaturel et bien que la relation surnaturelle de Joseph à Dieu y soit incluse, la réflexion naturelle apparaît en lui. Que Marie le prenne avec lui dans son oui ne le dispense pas de sa responsabilité d'homme. Et ce n'est que lorsque cette réflexion responsable apparaît qu'il a ce songe qui lui dévoile le caractère surnaturel de toute l'affaire. Voulant contracter un mariage naturel devant Dieu, sa réflexion naturelle aussi est tenue pour juste devant Dieu et Dieu lui est redevable d'une explication à ce propos. L'ange lui donne la clef qui lui permettra d'intégrer le surnaturel dans le cadre du naturel (NB 1/2, 34-35).

 

100. L’épouse de Joseph

L'union de la nature divine et de la nature humaine dans le sein de la Vierge est la plus haute réalisation de ce qu'est le mariage entre humains. La Vierge est épouse en face d'un Époux divin. Elle était déjà l'épouse de Joseph, sous une forme non consommée, mais il avait son oui. Un oui au plan de la nature : pour la vie commune avec lui et pour l'accueil des enfants que Dieu leur donnerait pour la participation à la fécondité que Dieu destine aux hommes comme tels. C'était identique à un oui aux relations conjugales. Puis l'ange exige une deuxième union nuptiale : qu'elle se laisse couvrir de l'ombre divine en un sens sponsal, spirituel et physique. Elle dit oui à nouveau pour avoir part à la fécondité du ciel. Elle accueillera comme une coupe ouverte le fruit ainsi que le ciel en dispose, et le contenu est déjà décidé : elle sera la Mère du Fils. Le comment reste un mystère céleste qui ne doit pas être scruté. Elle doit seulement s'y abandonner. Quand elle a dit oui à Joseph, si elle lui avait demandé : "Comment sera notre mariage?", et si Joseph avait dû lui donner une réponse tout à fait sincère, il aurait dû au fond demander lui-même à Dieu : "Comment sera mon mariage avec Marie?" Mais lui, qui nourrit des espérances masculines, n'a pas posé à Dieu cette question ; pour le moment, entre Dieu et lui, quelque chose reste ouvert. Joseph n'a pas répondu à la question que Marie ne lui a pas posée. Il n'aurait pas non plus été en mesure de lui répondre par lui-même sans empiéter sur les droits de Dieu. L'un et l'autre doivent laisser la question en suspens pour rester dans la pleine vérité de Dieu parce qu'il s'agit d'un mystère. Et parce que l'un et l'autre ignorent l'existence de ce mystère, ils n'en tiennent pas compte. Ils ne cherchent pas à scruter ce que Dieu s'est réservé, ils n'ont pas la curiosité d'Adam et Ève. Ils laissent faire Dieu (NB 6,127-128).

 

101. Le rôle de Joseph

Le rôle de Joseph pendant la grossesse de Marie. Elle-même a en elle le Fils du Père céleste, elle a reçu de lui pour le temps de sa vie ce qui est du Père. Et pourtant Joseph doit représenter ce Père ici-bas et dans la vie quotidienne concrète. Il a à s'occuper des affaires extérieures ; dans l'esprit du Père, il fera pour le corps de Marie ce que le Père fait dans le ciel pour l'esprit de Marie (NB 12,193).

 

102. Vivre avec Joseph

Marie aussi attend Dieu et elle attend l'enfant ; les deux requièrent l'unité et ils ne doivent pourtant pas cesser d'être deux. Elle doit vivre non seulement avec l'Esprit Saint qui l'a couverte de son ombre, mais aussi avec Joseph, et mettre constamment les deux en harmonie en ne cessant, avec Joseph, de s'abandonner toujours plus profondément à l'Esprit (NB 6,135).

 

103. La situation de Joseph

Joseph vit avec Marie sans s'approcher d'elle parce que Dieu ne l'a pas voulu. Il n'est pas question de sexuel entre eux. De la part de Marie certes pas, bien qu'elle sache ce que c'est qu'un homme et bien qu'elle aime Joseph ; mais la volonté de correspondre à Dieu la remplit si totalement qu'il ne reste en elle aucun espace pour un désir qui ne soit pas inspiré par Dieu. Pour elle, la continence n'est pas un sacrifice. Et en son enfant, elle a déjà tous les enfants : ainsi elle ne connaît pas le désir d'en avoir un deuxième ou un dixième. Pour Joseph, c'est différent. Il offre sa chasteté à Dieu le Père et, pour cela, il devient son représentant auprès du Fils. Il voit devant lui la fécondité de sa chasteté : dans la vie en commun avec la Mère et l'enfant. Ce signe de la fécondité est si fort qu'il repousse très loin en lui le désir de la femme, il ne convoite pas Marie. Mais il garde son corps, qui est viril, et un renoncement ne cesse d'être exigé de lui, un renoncement qui est d'autant plus conscient qu'il vit dans une famille. Ses instincts ne sont pas éteints, mais maîtrisés par le signe de la fécondité devant lui. C'est un renoncement physique qui est inclus dans le renoncement plus grand accompli par lui quand il n'a pas renvoyé sa fiancée et qu'il a assumé une fois pour toutes la virginité dans le mariage. A ce moment-là il fut introduit dans le grand silence. Comme il a cru tout simplement à l'ange, il est devenu capable d'entrer en toute maturité dans les mystères de foi du Seigneur (NB 4,362-363).

 

104. Le début de la grossesse

Au début de la grossesse, pour Marie comme pour toute mère, la présence de l'enfant n'est pas encore sensible physiquement. Un jour, cette présence s'annonce et dès lors elle sent toujours davantage l'enfant tandis qu'elle sent moins son propre corps d'une certaine manière. C'est l'enfant qui lui transmet en quelque sorte la sensation de son propre corps. Au début on peut se demander : est-ce l'enfant ou est-ce moi? Ensuite : Ah oui, c'est l'enfant (en moi naturellement). Je ne suis plus que médiatrice, fonction de l'expérience de l'enfant. Ce qui se traduit en moi devient sans importance et ignoré. Et comme l'enfant de Marie est Dieu et que toute la foi de Marie est centrée sur cet enfant , ce qu'elle est diminue aussi visiblement chez elle pour être ce qu'elle devient par l'enfant. D'un côté, c'est un phénomène tout à fait naturel parce que la mère s'adapte à l'enfant : dans son corps, dans son âme et dans son esprit, pour ses plans et ses réflexions. D'un autre côté, c'est surnaturel, cela requiert aussi à cet effet une transformation totale de sa foi ; ses plans maintenant comportent tous la clause : si cela plaît ainsi à l'enfant, si la foi le requiert, et la foi est représentée très concrètement par l'enfant. La grossesse de Marie ressemble ainsi à un catéchuménat. Elle est une transformation par la foi de tout son mode de penser et de vivre, une initiation à la mentalité du Fils, dans une ouverture qui attend avec impatience la vie future, qui ne fixe rien, qui attend les instructions de l’Église. C'est par sa propre expérience qu'elle apprend les dogmes : le Père envoie le Fils, l'Esprit la couvre de son ombre, le Fils devient homme pour sauver le monde (NB 6,147).

 

105. Les questions de Marie

Marie sait que l'Esprit voit tout en elle, qu'elle est totalement ouverte devant lui et que, dans cette ouverture, elle devait dire : "Je ne connais pas d'homme". En disant cela, elle s'abandonnait totalement. Si elle ne l'avait pas dit, il serait resté beaucoup de confusion ; mais elle sait maintenant que l'Esprit a confirmé sa virginité. Il ne le fait pas seulement parce qu'il sait tout en tant que Dieu, mais aussi parce qu'elle s'est ouverte totalement à lui en disant oui. Et c'est en ce point que commence sa fécondité. Mais elle n'a pas de vue d'ensemble de tout cela. Il y a une inquiétude : Qu'a-t-elle conçu ? Qu'enfantera-t-elle ? Quand l'Esprit l'a couverte de son ombre, bien des choses sont restées obscures et voilées. Une pensée anxieuse se fait jour : Est-ce qu'elle n'a pas considéré sa virginité - "Je ne connais pas d'homme"- comme plus importante que la mission que Dieu lui donne ? L'autre chose qu'elle a dite : "Qu'il me soit fait selon ta parole", elle ne l'a dite qu'en second. Sa négation dans sa première phrase devrait-elle faire obstacle à son enfant ? Sa crainte est le signe qu'humainement on lui en demande trop. D'autant plus qu'elle est pleine de bon sens et qu'elle sait ce qu'est une grossesse normale. Et voilà qu'avec son corps et avec son esprit elle est devenue le réceptacle de Dieu, et elle n'est pas en mesure de comprendre comment cela lui arrive. Elle a vu l'ange et reçu l'Esprit, mais c'est si unique qu'elle n'est pas en mesure d'avoir des garanties pour sa mission (NB 12,216).

 

106. L’inquiétude de Marie

Pour Marie, il y a la vague inquiétude de savoir si le normal, le physiologique qui se passe en elle est réellement tout à fait ce que Dieu lui demande. Ou bien est-ce que quelque chose qui lui est personnel s'y est mêlé ? Tellement peut-être que le Fils devient trop "homme" ? On peut à peine décrire l'anxiété qui tourne autour de la limite incompréhensible entre le divin et l'humain. On peut la comparer de loin peut-être à l'angoisse d'un fondateur d'ordre qui craint de mettre dans son œuvre trop de sa personne et trop peu de ce dont Dieu l'a chargé, de se soucier de sa propre fécondité au lieu de laisser croître par lui la semence de Dieu (NB 06,129).

 

107. Enfanter le Messie !

Elle doit enfanter le Messie. Mais elle n'est pas à la hauteur, malgré sa transparence et sa disponibilité. Cela ne lui est possible qu'associée à l'Esprit. Elle ne doit pas pouvoir en arriver à penser qu'elle est capable de quelque chose que Dieu seul peut faire. Quand elle est couverte par l'Esprit, c'est la "petitesse de la servante" qui doit ressortir. Au début, on est disponible à tout, dans une disponibilité totale. "Ce n'est plus moi qui vis, c'est l'Esprit qui vit en moi". Au début, c'était : J'irai avec toi aussi loin que tu veux. Et maintenant : Ô Dieu, même si je voulais dire non, je ne le pourrais plus parce que l'Esprit en moi est maintenant plus fort que moi (NB 6,122).

 

108. Que sera cet enfant ?

L'homme est en quelque sorte caché dans le cœur de la Mère quand elle a l'enfant dans son sein. Comme si toutes les phases humaines du Fils étaient en dépôt à l'avance dans la Mère. Mais plus l'image totale du Fils se trouve sous les yeux de la Mère, plus elle est donnée à la tâche du Fils. Sur terre, le fait qu'une mère ne sache jamais ce que deviendra son enfant fait partie du mystère de la promesse. Peut-être a-t-elle de lui un idéal. Sur terre, Marie aussi a des souhaits qui portent la marque de son obéissance à Dieu dans l'Esprit Saint, mais aussi de sa personnalité. Elle a le droit de se faire du Fils une certaine image qui correspondrait à ce qu'elle voudrait qu'il devienne. Et l'enfant y correspondra aussi parce que la Mère correspondait à l'avance. Et ceci, bien qu’elle n'ait pas eu de connaissance précise. Elle est un être humain : comment pourrait-elle savoir comment est Dieu? Et de plus, l'espérance doit être unie en elle à l'angoisse concernant les souffrances à venir. Elle doit vivre avec un certain pressentiment. Un souhait continuel doit être présent qui débouche quand même en quelque sorte sur une absence de souhait parce que ce que Dieu accomplit est toujours plus grand que ce qui est attendu (NB 1/2, 268).

 

109. Elle doit simplement laisser faire

Pas plus que n'importe quelle autre femme Marie ne peut s'imaginer son Fils. Elle sait seulement ce qu'une autre femme ne sait pas : ce sera un garçon. Son attente ne va pas plus loin. Mais d'un autre point de vue, son attente est beaucoup plus illimitée parce que l'enfant sera Dieu. Elle connaît quelque chose de Dieu dans la foi, dans la prière, de la manière la plus concrète sans doute par sa rencontre avec l'ange. Mais si son Fils sera Dieu, il viendra avec des desseins précis. Il va sauver les hommes. Et elle devra s'adapter à ces desseins. Pour les premières années, il attend d'elle qu'elle soit mère. Comme toute mère avec son enfant elle devra d'abord remplacer pour lui le monde. Et le monde qu'elle aura à lui offrir doit être en contraste avec l'autre monde qui viendra après, qu'il doit racheter. Et si pour Marie la question de son propre salut n'a subjectivement aucune importance - elle n'y réfléchit pas -, elle voit très bien l'opposition objective entre les deux mondes. Parce qu'il en sera ainsi, parce qu'il doit en être ainsi, elle a confiance à ce sujet. Elle doit simplement laisser faire. Malgré cela, elle sent une lourde responsabilité. Pas une responsabilité dont elle se charge elle-même, plutôt une responsabilité dont on la charge dans la prière, qu'elle accepte telle qu'elle est donnée (NB6,130-131).

 

110. Marie conçoit Dieu en elle

Marie conçoit Dieu en elle; elle le conçoit corporellement parce qu'elle le conçoit spirituellement de manière parfaite et parce que, dans cette conception corporelle, ce qui est visé, c'est une sorte de réaction à l'éloignement d'Adam, une nouvelle création de l'unité humaine. Un développement concret de ce qui avait été pensé en esprit. Une démonstration de ce qu'Adam et Ève avaient compris de travers. La place de Dieu le Père en l'homme est représentée corporellement par le Fils dans la Mère. L'être et le développement véritables de Marie s'accomplissent par son acceptation du Fils. Même si elle porte en elle le Fils et qu'elle se laisse façonner par lui, elle ne devient pas étrangère à elle-même ni non plus aux hommes ; elle vit et accomplit sa mission qui est absolument originale, elle s'acquitte de sa tâche, elle reste dans le cadre du développement que Dieu lui avait destiné. Son unité est couronnée par le Fils. Restant elle-même, elle devient celle qui a mis le Fils au monde, la mère de la chrétienté. Et devenant cela, elle devient tout à fait elle-même. Elle est restée prête à tout, elle a vécu dans l'attente continuelle de la volonté de Dieu et c'est pour cela qu'elle n'a pas non plus reçu le Fils comme quelque chose d'étranger, comme quelque chose qui lui serait imposé de l'extérieur, mais comme ce qui lui était propre, ce qui lui était spécialement destiné par Dieu. Et en demeurant parfaitement ouverte pour lui, elle a laissé le Fils agir en elle comme cela lui plaisait ; mais en restant ainsi ouverte, elle se réalise elle-même, elle réalise son être le plus personnel tel que Dieu l'avait prévu pour elle (NB 1/2, 154-155).

 

111. Marie ne sait pas à quoi ressemble Dieu

Marie qui attend son enfant attend en même temps Dieu en lui. Elle ne sait pas à quoi ressemble Dieu. Mais elle sait qu'il est en elle. Quand l'enfant s'agite dans son corps, naturellement elle ne pense pas que c'est Dieu qui s'agite, mais l'enfant humain. Cependant elle n'oublie pas que l'enfant est Dieu, qu'elle le doit à l'Esprit Saint. Et cet Esprit qui lui a apporté l'enfant et qui la façonne maintenant pour qu'elle devienne spirituellement la Mère de Dieu, ce même Esprit l'aidera à voir Dieu dans l'enfant quand il sera né. Elle doit voir en lui autant de divin qu'un être humain est capable d'en voir (NB 5,87).

 

112. Au cours de la grossesse

Au cours de sa grossesse, Marie se "convertit" de l'Ancien au Nouveau Testament. Il y a des lignes de la promesse qu'elle peut suivre, des vérités qu'elle comprend ; bien des fois elle pourrait formuler un élément de la nouvelle doctrine qui remplacerait ou élargirait l'ancienne de telle sorte que plus tard il pourrait être agréé par le Fils ou par l’Église. D'autres vérités restent floues, mais elle reste dans une attente qui est pleine de disponibilité vivante, qui ne se raidit sur rien, qui ne veut pas façonner elle-même ce qui pour le moment est encore caché dans le Fils et qu'il façonnera lui-même. Dès que cela arrivera, elle l'accueillera (NB 6,148).

 

Marie demeure dans son oui tous les jours de sa grossesse (NB 11,30).

 

113. Enceinte de Jésus, Marie reste totalement humaine

Quand Marie porte en elle le Fils, son humanité reçoit un caractère nouveau. Dieu le Fils est en elle, distinct d'elle dans la mesure où il est cet être tout à fait incomparable et qui fait partie pourtant de son humanité parce qu'il l'a choisie et aussi parce que, par sa vie en elle, il a au fond accru et renforcé son unité avec le Père et avec Dieu Trinité. En portant le Fils, la Mère n'est pas moins qu'avant un être humain. Elle est un être humain qui est pourvu de propriétés nouvelles. Mais elle est restée elle-même ; toujours plus comblée sur tout son chemin, elle est même devenue toujours plus elle-même. Il serait tout à fait faux de penser que le sommet de sa vie personnelle se trouve dans son oui à l'ange ou dans la naissance la nuit de Noël, que par la suite elle aurait commencé une sorte de descente. Il faut dire au contraire qu'avec la plénitude qui lui est donnée elle reste un être humain, dans une ouverture à Dieu qui, à tout moment, peut être accrue et transformée selon le bon vouloir de Dieu, mais une ouverture qui, en aucun cas, ne se réduit à nouveau. Dieu éloigne tout obstacle qui pourrait la lui rendre étrangère. Marie est l'être humain achevé qui a en lui tout l'espace que Dieu revendique ; mais Dieu ne la vide pas d'elle-même, il ne veut pas qu'elle soit moins humaine dans son intérêt à lui ; au contraire, il part toujours de son humanité pour révéler au fond toute la plénitude de son être humain. Relation à Dieu et à l'éternité ne veut jamais dire nivellement mais toujours au contraire différenciation (NB 1/2, 151).

 

114. L’enfant bouge pour la première fois

Marie sent pour la première fois que l'enfant bouge en elle. Cette expérience est nouvelle pour elle, tout aussi nouvelle et étrange que pour toute femme lors de la première grossesse. Pour toute jeune mère, il y a ce : "Ah! C'est comme ça!" Pour Marie, la question peut se poser : "Y a-t-il une différence entre mon expérience et celle d'une autre femme ? Est-ce réellement Dieu qui vit en moi ?" C'est comme une légère angoisse. Elle sait par les prophéties qu'une femme juive quelconque va mettre au monde le Messie. Une femme quelconque, pourquoi ce devrait justement être elle ? Est-ce qu'elle n'a fait que s'imaginer tout cela? L'évidence maintenant de sa grossesse semble se trouver sur un tout autre plan que l'évidence autrefois de l'ange et de son oui. Est-ce que les deux événements ont réellement un rapport patent ? Est-ce que les deux plans se rencontrent ? En elle ? Et si oui, est-ce qu'elle est à la hauteur de ce qui s'est passé autrefois ? Est-elle encore la même sur ce plan "par trop humain" ? (NB 06,128-129).

 

115. La dignité de celle qui attend

Adrienne raconte : Récemment j'ai vu Marie quand elle était enceinte ; les mots de sa prière étaient presque pauvres, mais son attitude était celle de la reine du ciel, avec la dignité de celle qui attend. Je compris l'incroyable dignité qu'il y a dans la grossesse. Dieu fait irruption dans notre indignité pour nous apprendre à vivre en l'attendant et nous donner ainsi une dignité. Quand le Fils s'est abaissé à devenir dans le sein de sa Mère quelqu'un qui est attendu, l'humanité a reçu une nouvelle qualité qui se trouve en toute attente dont Dieu s'est réservé l'accomplissement et qui peut être alors appelée le fruit de la prière. Car Marie attend ce qui est déjà en elle ; tous ceux qui espèrent chrétiennement attendent ce qui est déjà en eux : la Parole de Dieu qui se fait homme, qui s'accomplit selon sa propre promesse (NB 6,119).

 

116. L’enfant devient lourd

Pendant que Marie attend son enfant, elle reste cachée dans son oui qui, par son Fils, reçoit en elle sa force, affermit sa foi et donne à sa vie quotidienne une plénitude sentie. Pour ce don de la plénitude, elle remercie Dieu : cela la dispense de se creuser la tête sur ce qu'elle est capable de faire et de ne pas faire, cela la dispense de faire des projets parce que, à l'autre partie du quotidien, à sa partie prévisible, il manque la certitude; et parce que l'enfant devient lourd en elle et que dès maintenant il représente un signe d'exigence démesurée, un avertissement qu'elle a promis à Dieu des choses qui restent cachées en lui. Cette fatigue en elle est moins physique que spirituelle parce qu'elle est insérée de toute sa foi, de toute son âme, dans un mystère du ciel et qu'elle doit cependant vivre et prier sur terre. Elle dit dans sa prière des choses qu'elle ne comprend pas tout à fait et qui l'effraierait peut-être si elle y réfléchissait, mais qui sont cependant parfaitement justes parce qu'elles correspondent à l'inspiration de l'Esprit et sont un complément de son oui, un indice que le Seigneur demeure en elle et reçoit sa prière (NB 10, n° 2153).

 

117. Porter le Fils et porter avec lui

La grossesse de la Mère n'est pas quelque chose qu'elle provoque elle-même ; en étant livrée, elle doit collaborer. Cela fait déjà partie de l'extension énorme de sa "désappropriation" au profit de l’Église et de l'humanité. La naissance également sera une exigence démesurée, car elle est participation à la naissance éternelle du Fils et par suite aussi à toute sa destinée terrestre. L'Esprit la soumet totalement à l'épreuve : Jusqu'où sera-t-elle capable de porter ? Qu'est-ce qu'on peut lui demander de porter avec son Fils ? De quoi son Fils pourra-t-il la charger ? "L'épée qui transpercera son cœur" n'est pas seulement un coup unique, c'est un état permanent, qui peut être plus ou moins conscient ou douloureux, mais qui dure autant que sa disponibilité. La Mère pas plus que l’Église n'échappera à la souffrance qui ne cesse de s'annoncer, souffrance qui la lie à la croix selon la volonté de Dieu(NB 6,123-124).

 

118. La naissance approche

Marie sait que la naissance approche. Est-ce quelle sera à la hauteur de l'événement dans le sens de Dieu ? Est-ce que, tout au long de ces mois, l'enfant ne sera pas devenu tellement son propre enfant qu'il ne sera plus ce que Dieu attend d'elle ? Un écrivain projette d'écrire un roman et il en esquisse un premier plan. Au début, le plan lui paraît clair et net. Au cours du travail, il devient toujours plus embrouillé, de nouvelles idées s'y glissent par la bande, l'équilibre se déplace ; il supprime beaucoup de choses ; au bout d'un an, au lieu d'un roman, c'est une petite nouvelle qui voit le jour. La matière initiale y est sans doute incluse, mais affaiblie, réduite, devenue presque méconnaissable. C'est de la même manière que Marie est inquiète : la grande œuvre de Dieu, elle pourrait l'avoir réduite jusqu'à la rendre méconnaissable (NB 06,129-130).

 

119. Porter et enfanter humainement le Fils

Si le christianisme n'avait pas besoin de concret, Marie aurait pu en quelque sorte enfanter en esprit, concevoir en esprit, être enceinte en esprit, porter aussi en esprit ce fils de l'Esprit. Or, même si elle fut couverte par l'Esprit de son ombre, elle a dû porter et enfanter humainement le Fils incarné en tant qu'être humain. Elle a dû sentir son poids dans son corps et, après sa naissance, dans ses bras. Et si sa chair fut absolument nécessaire pour la formation du Fils, si le Fils, pour devenir chair et ne pas être seulement le produit d'une idée, s'est laissé enfoncer dans sa chair par l'Esprit, alors, dans tout le christianisme, le fait pour les humains d'avoir un corps reste non seulement quelque chose de concret, mais quelque chose d'absolument nécessaire pour présenter, comprendre, saisir le christianisme (NB 1/2, 171).

 

*

 

2. VISITATION

 

120. Le projet de Marie d’aller voir sa cousine Élisabeth

Marie se réjouit d'aller voir sa cousine, d'être avec elle, de vivre avec elle dans une nouvelle lumière. Elle voit que sa vie à venir sera toujours plus lumière. Mais cela la chagrine de devoir mener avec son entourage une sorte de double vie. Le grand mystère est en elle, il la remplit d'un bonheur tout à fait supraterrestre. Mais elle ne peut pas demeurer dans sa contemplation de telle sorte que ce bonheur se maintienne sans discontinuer, car Dieu veut qu'elle vive en ce monde au milieu des hommes. La divergence est pour elle si sensible qu'elle l'accable ; à certains moments tout lui semble irréel. Élisabeth est pour elle l'image d'une femme raisonnable, paisible, aimable. Elle se réjouit de se confier à elle. Et il lui semble que si elle pouvait parler avec sa cousine, la répartition de la lumière et de l'ombre serait plus juste. Non en ce sens qu'elle voudrait se débarrasser de ce qui est difficile ou être toujours dans la clarté ; elle a offert à Dieu sa disponibilité et son don d'elle-même et elle voudrait y demeurer aussi parfaitement que Dieu le souhaite. Élisabeth, pense-t-elle, pourra la conseiller, ensuite elle verra plus clairement son chemin. Non qu'elle voudrait y voir plus clair que Dieu ne l'a prévu. Elle voudrait seulement tout faire comme il le veut et elle est convaincue que sa rencontre correspondra tout à fait à la volonté de Dieu (NB 1/2, 28-39).

 

121. Marie, avec son secret, chez Élisabeth

Quand Marie reçoit la certitude naturelle qu'elle est enceinte, son existence entre dans une nouvelle sphère. La sphère où elle a donné son oui à l'ange était le monde de sa prière et de ses relations avec Dieu. Mais elle est aussi la jeune fille qui a à vivre dans un milieu naturel et ce milieu s'intéresse à l'événement. Élisabeth fait partie de son milieu et Marie est renvoyée à elle par l'ange ; elle part dans l'obéissance et elle emporte avec elle son secret dont elle ne sait pas les effets qu'il aura lors de sa visite. Son obéissance à Dieu ne s'oppose pas au besoin personnel qu'elle a de voir Élisabeth et de s'entretenir avec elle. Et il y a maintenant une conversation entre parentes, intime, mais non indiscrète ; une conversation qui est nécessaire pour les deux, le modèle d'une bonne conversation entre femmes et d'une rencontre féconde au cours de laquelle il se passe quelque chose. Une conversation qui est conduite d'une manière totalement naturelle et en même temps totalement en Dieu. Par leurs fils, les deux femmes sont appelées à des tâches. La conversation des deux femmes ne tourne pas autour des femmes elles-mêmes mais autour de ce que Dieu attend, de ce que leurs fils deviendront, de ce que les femmes veulent en commun laisser faire ; et laisser les choses ainsi se faire est une contribution des plus actives. Chacune ressent de la vénération pour la mission de l'autre et cherche à la soutenir. La présence de Marie avec son enfant éveille dans le sein de la cousine la mission de l'autre enfant (NB 10, n° 2339).

 

122. Est-ce que Marie parle du mystère avec Élisabeth?

Dès qu’Élisabeth aperçoit Marie, elle a une intuition. Marie sait alors qu'elle n'a pas besoin de parler de son secret, de ce qui lui est arrivé dans l'Esprit Saint. Elle parle de son attente et Élisabeth comprend que c'est l'attente du Sauveur qui vient de Dieu. En ce qui concerne l'origine de l'embryon, Élisabeth n'a aucune curiosité, elle ne pose pas de questions. Marie sait qu’Élisabeth sait exactement ce qu'il est juste et nécessaire qu'elle sache, et Marie en sait autant pour elle-même. Et ensuite les deux femmes connaissent le tressaillement de Jean dans le corps d’Élisabeth, et elles savent que leurs enfants sont unis l'un à l'autre en Dieu. Et qu'en tant que mères elles ont beaucoup de choses en commun et que ce qu'elles ont en commun se trouve en Dieu. Elles parlent ensemble de tout ce qui concerne leur meilleur don d'elles-mêmes, de leur obéissance plus profonde. Sans bavardages, dans une conversation paisible dont le fond est le désir d'obéir toujours mieux à Dieu (NB 1/2, 39).

 

123. Jean tressaille dans le sein de sa Mère

A l'égard du Fils, Jean-Baptiste avait une mission qui ne venait pas du Fils mais du Père. Lors de la Visitation, quand Jean tressaille dans le sein de sa mère à l'approche de Marie, la part chrétienne de sa mission est visible ; mais lors du baptême de Jésus, il agit néanmoins comme le précurseur qui, venant de l'ancienne Alliance, aplanit les chemins pour la nouvelle (NB 6,496).

 

124. Un miracle de la présence

Le premier miracle qu'opère le Fils - à titre d'essai pour ainsi dire -, il l'opère par amour pour sa Mère : lors de sa rencontre avec Élisabeth. Là on ne peut guère dire qui opère le miracle. Dieu, naturellement, mais est-ce Dieu dans la Mère comme signe de la vérité du Fils, ou Dieu dans le Fils pour sa Mère? Ce premier miracle remplit déjà deux conditions essentielles des futurs miracles du Fils : la présence physique du Fils et la foi de sa Mère en lui ; c'est pourquoi c'est peut être un miracle de sa présence aussi bien qu'un miracle de la foi de Marie (NB 6,225).

 

125. Élisabeth reconnaît la mission de Marie

L'Esprit est surtout dans l'homme un Esprit de prière. C'est de la prière qu'il jaillit, qu'il crée l'échange et l'équilibre, qu'il offre la certitude sereine, le oui constant ; cela prend naissance dans la paix de la prière, dans l'isolement et la solitude. Mais il peut aussi se faire reconnaître à l'extérieur si bien que d'autres sont attirés parce qu'ils comprennent qu'ici souffle l'Esprit. C’est par lui qu’Élisabeth reconnaît la mission de Marie (NB 10, n° 2219).

 

126. Rencontre de Marie et d’Élisabeth : Marie commence à transmettre le Fils

Quand Marie a dit son oui et que l'Esprit l'a couverte de son ombre, elle reçoit en elle la grâce divine sous la forme de la Parole faite chair. Mais que cette grâce ne soit pas pensée pour elle comme terme mais comme passage, elle l'indique elle-même en allant aussitôt avec l'enfant chez Élisabeth et elle lui communique à elle la première la grâce de l'incarnation. Et Élisabeth est saisie par une grâce à laquelle elle ne peut répondre autrement que par une prière et une louange de Marie. Mais cette grâce est encore plus riche : l'enfant remue dans son sein, touché par la même grâce. Et dans cet événement, Marie comprend qu'elle commence à transmettre le Fils et elle loue Dieu de ce que toutes les générations la proclameront bienheureuse. Le tout est un mystère de la grossesse et de la fécondité dans lesquelles les grâces divines ne doivent plus être séparées de la médiation humaine qui est pleine de grâce. C'est tout un entrelacs de grâces qui sont cependant incluses dans une grâce unique de même que dans le message unique de l'ange étaient contenues quantité de grâces et quantité de messages. Et d'aller chez Élisabeth n'est pas simplement pour la Mère une grâce particulière de plus. C'est l'expression nécessaire de son état de grâce. Comme toute mère, Élisabeth a le désir maternel de sentir la vie de son enfant. Mais Dieu n'exauce pas directement cette prière, il lui envoie Marie. Et le désir d’Élisabeth est comblé en un sens beaucoup plus élevé qu'elle aurait pu jamais le rêver. Et tout s'accomplit dans une communauté de grâce : avec son enfant, Marie transmet ce qu’Élisabeth reçoit avec son enfant (NB 1/2, 157-158).

 

127. Magnificat

Marie dit son oui sans que les conséquences puissent en être claires pour elle, elle le donne à un futur qui appartient à l'Esprit. Elle le donne au fond à la royauté du Fils. Dans un devenir que seul l'Esprit peut voir. Et quand, peu de temps après, dans le Magnificat, elle sait qu'elle sera dite bienheureuse par toutes les générations, elle discerne ce qui va venir après, elle en a une intelligence qui est déjà si objective qu'elle peut l'exprimer. Son oui était dit dans la foi, avec l'élément subjectif nécessaire - c'est elle qui veut -, mais ce qu'elle dit plus tard provient d'un service totalement objectif. Le "fiat" est une parole personnelle d'humilité, la formule "ils me diront bienheureuse" est une parole d'humilité supra-personnelle dans laquelle déjà elle se tient si disponible qu'elle n'est plus considérée comme une personne, elle n'est plus que service ; elle est déjà si remplie de l'Esprit qu'elle peut dire des choses qui dépassent absolument sa personne, selon une mission qui provient de la vue d'ensemble de l'Esprit. Elle n'est plus maintenant qu'un aspect de cette mission; elle est insérée par son oui dans une responsabilité supérieure qui se trouve dans l'Esprit si bien qu'elle dit des choses qui appartiennent à l'Esprit. Ce qui va se passer dans les générations futures a déjà pour elle maintenant valeur absolue, valeur de fin des temps (NB 6,194).

 

128. Le chant de Marie

Dieu promet à Abraham que tous les peuples le béniront, et ensuite, après une longue période, Marie chante que toutes les générations la proclameront bienheureuse. Dieu l'envahit de telle manière que tout d'un coup elle se trouve à l'endroit où se trouvait Abraham, au centre de la bénédiction, au centre de la grâce (NB 2,17).

 

*

 

3. NOËL

 

129. Une mère avec son enfant

Vision d’Adrienne le jour de Noël 1950. La Mère était là, sans aucune auréole et sans aucun faste ecclésiastique, simplement comme une mère avec un enfant. Puis on vit exactement comment la Mère contemple son enfant. Et comment, en le contemplant, elle sait et en même temps elle ne sait pas. Elle sait exactement que c'est Dieu qui vient pour sauver l'humanité. En présence de ce petit enfant, cela l'émeut profondément. Et c'est comme un jeu de va-et-vient entre le fait qu'elle donne l'enfant (l'enfant est mis au monde pour être donné) et ses devoirs de mère : elle ne doit pas seulement donner l'enfant, elle doit aussi le soigner et le prendre en charge (1/2, 268).

 

130. Le mystère de Noël

Février 1942. Adrienne a vu Marie avec l’Enfant Jésus et elle comprit alors mieux qu’auparavant le mystère de Noël. Elle acquit une relation plus profonde avec l’Enfant Jésus. Étrange que cela arrive maintenant alors que Noël est passé (NB 8, n° 265).

 

131. L’enfant

Le premier homme fut placé dans l'existence comme cela correspondait au plan de Dieu, avec la faculté de se développer en direction de Dieu ou en s'éloignant de lui ; il ne lui a pas été demandé s'il voulait être créé. Il est simplement placé là et il est requis de son humilité de le reconnaître. Le Fils de Dieu s'humilie encore plus profondément par le fait qu'il n'apparaît pas à l'état d'adulte mais qu'il est conçu, porté, mis au monde : il offre ce temps de sa minorité au Père qui doit voir en lui que l'enfance et la croissance d'un être humain correspondent parfaitement aussi à la volonté du Créateur. Il grandit entre sa mère et son père nourricier, mais il grandit aussi d'emblée en direction du Père divin pour le louer dès son plus jeune âge, pour tendre vers lui ses bras dès son premier mouvement. Quand Adam, au paradis, entend Dieu se promener et qu'il parle avec lui, il perçoit Dieu de la manière dont cela lui a été donné. Dieu l'a pourvu du sens de Dieu comme d'une faculté qui est à sa disposition. L'enfant grandit avec ce sens, non seulement par la foi, par le don surnaturel de comprendre le Père, mais aussi par les aptitudes de sa nature qui se développent (NB 10, n° 2155).

 

132. Les douleurs de l’enfantement

Marie prélève une part de la croix en supportant les douleurs de l'enfantement. Quand le Fils engendre sur la croix la rédemption du monde, il ressent dans l'abandon de Dieu quelque chose de l'abandon de la femme à la naissance. Au moment de l'inévitable, la femme sort de la communion. C'est un aspect de l'abandon du Fils sur la croix, et Marie imite ici son Fils quand elle le met au monde. Quand elle dit à l'ange : "Je ne connais pas d'homme", elle prend sa part à elle pour porter le péché du monde. Elle comprend le rapport entre le châtiment d'Ève et sa "connaissance de l'homme" et ce qu'elle sait, elle apprendra aussi à le connaître par l'expérience. Comment autrement pourrait-elle être la consolatrice de toute souffrance ? Elle ne l'est pas seulement en participant à l’œuvre de son Fils, elle l'est aussi par sa propre expérience féminine. Ce n'est pas pour rien qu'elle est la seconde Ève. Dans les douleurs de l'enfantement, elle est à sa manière délaissée par le Père. Il est idiot (idiotisch) d'affirmer que Marie n'aurait senti aucune des douleurs de l'enfantement, car alors elle n'aurait pas apporté sa contribution typique au salut du monde. Il est pourtant dit que la femme enfantera dans les douleurs : d'emblée son châtiment comporte un facteur d'expiation. Et on ne peut quand même pas lancer un enfant dans le monde et lui dire : "Tu vas souffrir, mais je ne souffre pas avec toi !" Dans les douleurs de l'enfantement, le oui grandit. Aussi bien le oui de Marie que le oui de la femme à son mari dans le sacrement (NB 12,213).

 

133. L’heure de la naissance

Une femme enceinte sait qu'elle ne peut pas fixer elle-même l'heure de la naissance. Il y a en elle une loi qui régit les choses et à laquelle elle ne peut se soustraire. Marie n'est pas seulement soumise à cette loi de la vie naissante, elle est aussi soumise à la loi divine. C'est son esprit tout entier aussi bien que son corps tout entier qu'elle doit tenir complètement disponibles ; elle doit être constamment attentive à ce que le Fils lui suggère ; après la naissance aussi elle sera toujours prête à accueillir du nouveau, exactement à l'heure qui lui convient à lui (NB 6,148).

 

134. La naissance de Jésus

Instant de certitude : la naissance arrive. Avec elle, pour Marie, l'Avent et son inquiétude sont terminés et la joie commence. Comme si, pour elle, la fête de Noël était un peu avancée. Quand l'enfant est là, il ne lira plus d'angoisse sur ses traits. Avant même qu'elle le voie, sa présence est pour elle totale. Dans ces deux heures (environ) s'ouvre pour toute la chrétienté une occasion de contemplation : on n'a pas besoin de voir pour connaître la présence du Seigneur et sa proche venue. L'enfant qui, durant l'Avent, s'est habitué à l'humanité est humain aussi à l'instant de la naissance par le fait qu'il vit totalement l'instant. Et il communique aussi cela à sa Mère. Les mois passés, elle les avait vécus entièrement de ce que l'enfant lui donnait : il remplissait sa méditation et la méditation remplissait sa vie ; maintenant qu'elle le voit, elle apprend à être comme il est lui-même : goûter pleinement l'instant sans mélancolie du tout pour les jours difficiles qui attendent l'enfant. Sa tâche à présent, c'est la joie pure ; elle sent aussi que maintenant elle dépend immédiatement de l'enfant (NB 6,160).

 

135. Jésus découvre sa mère

La première personne que rencontre le Fils, c'est sa Mère. Et quand il ressent sa pureté et sa bonté, et qu'il expérimente en elle l'image idéale de la femme, il lui est difficile de voir derrière elle les autres humains, les pécheurs qui doivent être rachetés. Le fossé qui la sépare d'eux est si grand qu'il lui semble presque impossible que les autres puissent être tels que le fossé le lui annonce. La distance ne s'annonce pas d'abord dans les humains mais en lui, le Fils. D'une certaine manière il ne pense pas maintenant que sa Mère est rachetée à l'avance, il voit en elle l'être humain tel qu'il devrait être ; vivant en elle, il en arrive presque à la conviction que c'est ainsi qu'est l'être humain. Et l'homme déchu, l'homme pécheur n'est qu'un mauvais rêve. C'est comme si maintenant il devait, à partir de Marie, prendre encore une fois la décision de la rédemption. Dans l'obéissance au Père, se décider à nouveau d'aller vers les autres humains. Tant qu'il ne regarde que sa Mère, il semble qu'il n'y ait aucune nécessité contraignante de prendre sur lui la terrible Passion qu'il avait projetée. Et pourtant il doit y être prêt comme étant la volonté du Père. Ainsi le plus dur à sa naissance, c'est l'attente inconditionnelle de la croix. La pureté de sa Mère ne doit pas détourner son regard de ce qui va arriver, il doit être prêt à quitter sa protection. Cette décision du Fils qui devient homme est peut-être pour nous l'exhortation la plus forte pour nous dire qu'il ne nous est jamais permis de nous installer. Toute décision chrétienne de renoncer à tout horizon fermé prend son point de départ ici où le Fils décide de vivre au milieu des pécheurs bien qu'il y ait eu peut-être pour lui la possibilité de rester auprès de sa Mère rachetée. En tant que Dieu, il sait naturellement que, dans l'éternité, il a décidé de souffrir, au-delà de ses forces absolument. Et il s'est rendu la chose plus difficile par le fait qu'il doit rencontrer les premiers pécheurs en venant de l'espace protégé de la Sainte Famille. Il sera d'autant plus sans défense quand le péché l'atteindra. Il l'atteindra avec son entourage : avec sa Mère et son père nourricier (NB 6,136-137).

 

Marie, qui met au monde son Fils, ne peut mettre encore au monde d'autres enfants (NB 12,224).

 

136. Marie regarde l’enfant

Marie regarde l’enfant. C’est l’enfant qu’elle a porté, l’enfant de la promesse. Comme si son attitude à l’égard du Père et à l’égard du Fils qui arrivait ne lui avait pas permis jusqu’alors de faire autre chose qu’attendre. Comme si elle avait été tellement mise au service de l’attente qu’elle ne pouvait rien anticiper. Elle ne s’est pas imaginé par avance les traits de l’enfant. Et maintenant ce qu’elle voit la bouleverse totalement, c’est le véritable accomplissement de sa foi (NB 9, n° 2036).

 

137. "Né de la Vierge Marie"

Le Christ est né de la Vierge Marie. Par cette naissance, il reçoit un corps qui est engendré du Père par l'Esprit Saint mais qui, dans son humanité, ne se distingue en rien des autres corps humains (NB 12,170).

 

138. Une mère à la hauteur de sa tâche

Marie attend son Fils. Elle l'attend avec un courage qui est imprégné d'effroi. Marie porte la fin de l'ancienne Alliance, elle porte la nouvelle Alliance. Tout est juste tel que c'est. Et la fatigue qu'il y a à porter et à se poser des questions sur soi-même - sans que la question soit exprimée ou qu'une réponse soit en vue -, cette fatigue exige de la patience, elle enseigne l'humilité et prépare la croissance. Quand le Fils un jour sera là, la Mère sera à la hauteur de sa tâche (elle sera la mère qui suffira même à ce Fils), et ainsi seulement à la hauteur de la tâche d'être une mère pour le monde entier. Dieu a reçu son oui, il l'a dilaté et l'a fait devenir ce qu'il avait en vue qu'il soit (NB 10, n° 2171).

 

139. Dès que Marie voit l’enfant

Dès que Marie voit l'enfant, elle cherche aussitôt l'Esprit qui est maintenant devenu visible dans son cadeau, et l'Esprit la conduit au Père qui lui offre l'enfant (NB 12,242).

 

140. Marie devant son enfant qui est Dieu

En plus des apparences naturelles de son Fils, Marie voit quelque chose de son être surnaturel, elle sait d'une certaine manière qu'il voit le Père, elle sait que, pour le Père, il est transfiguré. Ceci est déjà préfiguré dans sa grossesse : elle en remarque les symptômes naturels, mais elle a de plus le signe surnaturel qu'elle a conçu l'enfant de l'Esprit Saint, qu'elle porte donc en elle quelque chose de divin. (A partir d'ici nous ne devons pas oublier que tout enfant dans le sein de sa mère a déjà une "existence spirituelle" qui, si sa mère est croyante, porte aussi certains traits surnaturels). En Marie, l'enfant est une chair qui ne peut pas encore vivre par elle-même et qui pour le moment vit dans la chair de sa Mère. De même, l'enfant est un esprit qui n'est pas encore viable et qui, ainsi, vit pour le moment dans l'âme de sa Mère. Mais de plus l'enfant est Dieu, et Dieu doit vivre en Marie, et elle offre tout son être pour que Dieu en prenne ce dont il a besoin. Dès le début, elle s'attend à voir Dieu dans son Fils. Comment sera ce Dieu qui est mon Dieu? (NB 5,85-86).

 

141. Marie regarde l’enfant

Elle voit ainsi l’enfant avec les mêmes yeux neufs qu’elle avait autrefois quand elle avait regardé l’ange. Et comme elle avait reconnu en l’ange l’envoyé de Dieu, elle reconnaît dans l’enfant le Fils de Dieu. Elle a pour ainsi dire si bien voué ses yeux à Dieu le Père dès le début qu’elle ne les utilise pas autrement qu’il ne le veut. Ils sont des instruments de son service à elle. C’est pourquoi elle regarde maintenant l’enfant avec les yeux d’une mère aimante, parce que Dieu lui donne ces yeux (NB 9, n° 2036).

 

142. Quand Joseph regarde la Mère et l’enfant

La mission de Joseph est une mission à côté d'une autre (celle de Marie) et ce que Joseph doit faire, c'est soutenir la mission de Marie de manière très simple. Pas plus qu'on ne peut voir en Marie et Joseph un couple, on ne peut voir en eux deux êtres qui auraient ensemble une seule mission. Joseph, l'homme juste, est placé dans une situation qui d'abord l'effraie ; il ne comprend pas. Puis la grâce lui donne de comprendre quelque chose, mais pas tout. L'ange lui donne la certitude que ce qui se passe est juste, et il sait désormais : c'est ma route et ma route vient de Dieu. Mais il ne comprendra jamais totalement ce qui s'est passé dans la Vierge Marie. Et quand il s'efforce de l'aider et d'être un père pour l'enfant, il demeure toujours conscient qu'il n'est qu'un remplaçant. Sa compréhension ne va pas plus loin. Et il prie toujours plus que Dieu lui montre les chemins qu'il doit suivre, non qu'il lui donne de comprendre parfaitement. Quand il regarde la Mère avec l'enfant, il comprend que c'est une grâce inouïe de pouvoir être là et de voir et de coopérer ; et sa foi grandit, et sa joie aussi grandit sans qu'il doive accompagner la Mère sur ses durs chemins (NB 1/1, 35).

 

143. Le mal à l'affût pour dévorer le nouveau-né

Il y a le mystère que Dieu soit devenu homme. Celui qui est devenu homme ne cesse pas d'être Dieu et il doit l'être aussi pour sa Mère humaine. Elle met au monde un Fils, mais il est déjà Dieu dans la promesse et lors de l'annonciation. Il est essentiel que la Mère le sache, que lors de la naissance de l'enfant aussi elle ne doute à aucun moment qu'elle a mis Dieu au monde. Il y a deux choses qui empêchent que s'élève un doute : d'abord que, lors la naissance, le mal est à l'affût pour dévorer le nouveau-né. La situation est tout autre que pour le serpent au paradis ; celui-ci n'était pas à l'affût lors de la création d'Adam pour l'avaler, il était masqué par le commandement de Dieu de ne pas manger du fruit. A la naissance de l'enfant par contre, le mal est visible parce que l'enfant va le démasquer. La Mère sait donc qu'elle a devant elle tout le mal parce qu'elle met au monde ce qui est divin. Mais déjà elle sait aussi que ce Fils offrira sa vie en sacrifice pour sauver les pécheurs. Que le mal donc est présent non seulement pour avaler l'enfant, mais aussi pour que le Fils le voie et aperçoive ainsi le sens total de son incarnation (NB 6,479).

 

144. Dieu n’a qu’un Fils

Dieu n'a qu'un Fils. Mais Marie, qui l'a mis au monde et qui est restée vierge, demeure dans la situation de quelqu'un à qui on peut demander à l'improviste un oui toujours nouveau. Et ainsi ce n'est pas à elle de dire qu'une grossesse lui suffit (NB 12,235).

 

145. Par son enfant, Marie apprend à connaître le Père

Par l'ancienne Alliance, Marie sait qui est le Dieu auquel elle croit. Elle sait aussi qu'elle attend le Messie et elle a le pressentiment qu'il sera Fils de Dieu. C'est un savoir qui lui vient de sa foi, mais l'attente du Fils ne lui donne pas une image plus exacte du Père. Après sa conception, l'enfant est caché en elle comme un grand mystère pour elle ; et à partir de ce qu'elle ressent physiquement, elle ne peut se faire aucune idée du Père. Elle sait qu'il est le Tout-Puissant qui a eu recours à son service de servante ; par les modifications corporelles dont elle fait l'expérience, elle perçoit combien tout est vrai et grand, et que Dieu prend son oui au sérieux et que l'enfant en vit. C'est le oui d'une obéissance qui ne pensait pas particulièrement au corps, et voilà que les affaires corporelles se multiplient ; son service corporel est employé, le Père agit en elle corporellement, c'est pour elle ce qui est le plus étrange. Elle constate que le Père s'écarte ainsi de ses propres lois de la création et, en s'en écartant, il les sauvegarde et les accomplit d'une autre manière. Elle ne peut pas, comme les autres femmes, conclure d'un symptôme à un autre parce que Dieu, en suivant ses lois, peut aussi à tout moment les changer : lors de la conception et une fois encore lors de la naissance. Par sa conception, elle sait que Dieu peut tout le temps changer. En comprenant de plus en plus que Dieu n'est pas lié à ses propres lois, elle acquiert une connaissance de Dieu plus profonde ; c'est ainsi qu'elle perçoit que la semence de Dieu en elle, le Fils, la transforme spirituellement. Elle saisit que les modifications corporelles ont les rapports les plus étroits avec les modifications spirituelles. Le corps et l'âme sont compris dans une transformation qui dépend de Dieu seul. Des choses mûrissent en elle dont elle ne peut parler à personne (NB 12,241).

 

146. L’enfant a soif exactement comme les autres enfants

Voilà que Marie a mis le Fils au monde, elle le tient dans ses bras et elle apprend maintenant en réalité bien des choses qu'elle ne faisait jusqu'alors que pressentir. Ses représentations confuses du Père s'incarnent et prennent forme dans l'enfant ; elles sont aussi façonnées en elle. Maintenant, dans le Fils, elle voit le Père. L'enfant a soif exactement comme les autres enfants et elle lui donne à boire. Elle-même est pour son entourage exactement comme les autres mères. Mais l'enfant est Dieu et elle est vierge, et ainsi, à partir de la naissance, dans toutes ses expériences, elle participe à la vision du Père par le Fils. Elle ne voit pas le Père comme l'enfant le voit, mais elle le découvre par l'enfant, non de ses yeux, mais en étreignant le Fils de tout son être comme une mère le fait pour son enfant. Et dans le désir que l'enfant éprouve pour elle, elle perçoit le désir du Père. Quand, pour la première fois, elle prend l'enfant sur son sein pour apaiser sa faim, elle sait qu'elle offre à Dieu sa substance. Elle ne donne pas seulement son lait corporel, elle répond de tout son être à un désir divin. Sa tâche n'est donc pas terminée avec la naissance, elle devient au contraire maintenant plus réelle ; tous ses pressentiments prennent des contours concrets. L'enfant annonce son désir, mais il le fait au service du Père. Et l'enfant et le Père ensemble reçoivent d'elle une réponse qui est aussi totale qu'elle peut l'être. L'enfant ne serait pas de taille maintenant à faire face à des déceptions, c'est pourquoi c'est à elle qui donne le oui parfait qu'il est confié (NB 12,242).

 

147. Marie qui nourrit son enfant

Tout d’un coup Marie est là : Adrienne voit comment elle porte l’enfant et le nourrit. Marie non plus ne sait pas si elle donne assez à l’enfant. Quand elle pense aux peines à venir, c’est comme une angoisse : si seulement j’avais plus à lui donner ! Si seulement ce qui m’est pris était plus substantiel ! Certes on ne peut pas agir sur la grossesse, on sait que l’enfant reçoit ce qui lui est donné. Pour le lait, on pourrait peut-être faire quelque chose en plus. Peut-être allaiter l’enfant quelques jours en plus, quelques semaines de plus, voir qu’il reçoive davantage (NB 9, n° 1730).

 

148. Donner quelque chose d’elle-même

Marie avec son petit enfant à qui elle donne le sein pour la première fois. Cet acte est comme un premier acte du don physique d'elle-même. Quand l'Esprit la couvrit de son ombre, elle n'a sans doute pas senti grand-chose physiquement ; dans la dernière phase de la naissance intervint aussi un facteur surnaturel. Maintenant c'est nature pure, débouché de la grâce dans la nature. Mais Marie ne possède pourtant ce lait naturel que par la grâce. C'est pour elle un grand apaisement de pouvoir donner quelque chose d'elle-même. Ce qu'elle offre à son enfant, c'est son présent à elle. C'est une confirmation de sa mission et en même temps une satisfaction pour elle, une détente (NB 10, n° 2091).

 

149. Prête à tout donner à tout le monde

A la naissance de Jésus, Marie fait l’expérience de la même surprise qu’elle a ressentie lors de l’apparition de l’ange. Elle est touchée au même point de son âme. Et cela, quoiqu’elle soit bien consciente de la grossesse qu’elle a vécue. Son ignorance avant l’apparition, son savoir avant la naissance, aussi opposés qu’ils puissent paraître, font place au même accomplissement parfait qui vient de Dieu. En tant que juive, avant l’apparition de l’ange, elle vivait dans la promesse sans se sentir le moins du monde comme l’élue, mais sans s’exclure non plus. Elle portait la promesse du Messie avec la même ouverture que sa mère ou ses amies. Et puis elle fut la seule à porter l’enfant ; et maintenant elle est aussi ouverte dans son savoir actuel que dans son ignorance d’autrefois, et prête à tout. Et parce que auparavant elle portait la promesse messianique générale du peuple, elle porte maintenant sa mission mariale propre dans une attitude d’esprit qui n’a pas changé : prête à tout donner à tout le monde (NB 9, n° 2036).

 

150. La circoncision

Marie assiste à la circoncision de son Fils. Il va de soi pour Marie que l'enfant soit circoncis selon le rite de sa religion. Il y a pourtant là une grande question. Pour Marie en tant que femme, il est naturel qu'elle n'introduise extérieurement rien de nouveau. Mais objectivement la question se pose : en tant que Mère du Christ, peut-elle faire circoncire son Fils ? Elle sait qui il est ; et elle doit quand même laisser se faire la circoncision pour que, dans sa chair aussi, soit marqué le lien entre l'ancienne et la nouvelle Alliance. C'est une certitude pour elle qu'elle a conçu en étant vierge et que de même elle a accouché en restant vierge. Les deux faits n'ont pas pour elle de relation contraignante, ils sont l'un à côté de l'autre. Elle ne déduit pas la deuxième de la première. Mais elle sait que les deux faits étaient féconds dans le sens de Dieu et qu'ils sont arrivés en vue du Fils, qu'en restant vierge elle a fait un don d'elle-même qui correspondait à l'exigence du Fils. Si le Père céleste s'est servi de l'Esprit pour qu'elle conçoive le Fils et une fois encore pour mettre le Fils au monde de manière virginale, le Fils est entouré de virginité. Tout le service de son Fils doit en être marqué. Et si le Fils a besoin de ce service, lui-même aussi ne peut être que vierge. Par conséquent il faut aussi que soit exécuté pour lui le rite de la circoncision : il veut dire au fond, pour l'âme et pour le corps, une appartenance à Dieu, une exclusivité pour Dieu. Il n'est donc pas circoncis uniquement parce qu'il est né dans une famille juive, mais finalement pour la virginité elle-même. Il livre son être d'homme pour l’œuvre du Père, pour la rédemption du monde (NB 12,237-238).

 

151. Jésus reçoit son nom

Quand le Seigneur reçoit son nom, il entre dans l’anonymat et en même temps il est distingué de tous les autres hommes. Beaucoup avant lui avaient porté ce nom ; en recevant un nom, il s’insère dans la multitude des hommes, ce qui semble lui enlever ce qu’a d’unique son nom divin. En recevant un nom humain, il montre une fois de plus combien il prend au sérieux sa mission dans le monde. D’un autre côté il élève ce nom au-dessus de ce qu’il a de quelconque pour le faire entrer dans ce qu’ont d’unique sa divinité et sa mission. Désormais ce sera son nom. Marie sait cela quand l’enfant reçoit ce nom sur l’indication de l’ange. Quand elle l’appelle par son nom, elle a sans doute le sentiment qu’éprouve toute mère : son enfant est à part et en quelque sorte différent des autres enfants ; mais pour elle ce sentiment repose sur une vérité absolue. Elle essaie de prononcer son nom de telle manière que Dieu voie qu’il est devenu pour elle le nom du Fils qu’il faut adorer ; et le ciel tout entier rayonne en quelque sorte de ce nom. Ceux qui aiment peuvent mettre dans le nom de l’aimé une foule de mystères et, quand ils le prononcent, la connaissance de son contenu semble leur être réservé. Quand Marie prononce le nom de Jésus, son contenu lui est aussi réservé, mais par Dieu lui-même. La plénitude de sens dont celui qui aime charge le nom de l’aimé y est mise par Dieu lui-même si bien que chaque fois que Marie le prononce elle entre en contact avec Dieu et elle reçoit une nouvelle participation à l’amour divin (NB 9, n° 1937).

 

152. Épiphanie

L'enfant de Noël n'est pas seulement un être humain parmi nous, il est en même temps l'enfant qui est adoré en tant que Dieu, vers qui cheminent les rois. Leur adoration est comme le pendant du oui adorant de la Mère à l'ange et comme un premier effet de ce oui : il s'avère maintenant que des hommes, venant de l'extérieur, sont capables, sous la conduite du Père, de reconnaître comme Dieu l'enfant qui s'est incarné par le oui de Marie. Il y a les deux points : l'Annonce à Marie et l’Épiphanie ; et entre deux se trouve l’œuvre de Dieu Trinité. Marie représente ici la confiance en Dieu et l’œuvre en elle de la grâce ; les rois représentent la reconnaissance de l’œuvre de Dieu et la compréhension de la grâce. Ils voient le résultat et la portée de ce que Dieu a opéré avec l'accord de la Mère. Quand Dieu créa le monde, c'est lui qui a vu qu'il était bon. Les signes de la bonté caractérisant le monde à sauver sont reconnus par la Mère comme par les rois. Cela signifie que le Fils trouve un accueil dans le monde tandis qu'Adam ne trouva d'accueil qu'auprès de Dieu. A présent Marie et Joseph, les bergers et les rois attestent à l'enfant que l’œuvre de la rédemption sera possible et ils représentent pour lui tous ceux qui aspirent à sa rédemption, en aimant et en croyant (NB 10, n° 2155).

 

153. Les rois se mettent en route

Les rois qui viennent adorer le Fils sont le début d'un mouvement du monde vers le Seigneur et, par lui, vers le Père. Les rois sont ainsi, pour le Fils, la preuve que ça a réussi pour Dieu de se rendre visible dans un homme. C'est une première reconnaissance, autre que celle de la Mère : celle-ci avait été interrogée par l'ange et avait laissé faire ; à partir de là, sa foi n'a cessé de devenir plus parfaite. Les rois par contre sont actifs dans le sens où ils se mettent en route vers le Seigneur pour un moment d’adoration, après quoi ils reprennent leur route mais désormais conscients de la présence divine sur la terre. Ils adorent selon ce qu'ils ont compris, mais éclairés par le mystère de l'étoile et celui de la présence du Seigneur. Les éléments de leur prière leur sont donnés de l'extérieur et ils sont guidés par eux. Ils ont prêté attention au signe venant du ciel, ils se sont confiés à sa direction, ils ont fait le voyage, atteint le but (NB 10, n° 2159).

 

154. Les rois adorent l’enfant

Et voilà que les rois étaient là avec leurs dons. Ils les apportaient à l'Enfant. Et la Mère reçut les dons pour l'Enfant. Les rois adorèrent le petit enfant, mais la Mère, en tant qu'adulte, voyait et entendait leurs prières et leurs hommages. Elle fut confirmée par là dans la connaissance qu'elle avait de la royauté de son Fils. Déjà, comme à l'arrière-plan, elle était l’Église. L’Église qui n'est pas encore fondée sur la croix, mais qui s'ouvre, pleine de responsabilités déjà. Elle devait s'occuper des dons, exprimer le merci que l'Enfant ne pouvait pas encore dire. Elle devait représenter, elle était poussée à jouer un rôle dans lequel elle correspondait à l'exigence nouvelle avec le plus intime d'elle-même (NB 10, n° 2301).

 

155. Présentation de Jésus au temple 

Jésus est présenté au temple : moitié fête, moitié regard à l’avance sur la souffrance. Pour Marie, la fête se trouvait dans un demi-jour. Le Fils de Dieu est béni au temple : une cérémonie dont il n’avait aucunement besoin. Et la Mère avait tout aussi peu besoin de purification. Mais dans le fait qu’ils n’ont pas besoin de cette cérémonie, réside pourtant aussi le fait qu’ils “peuvent” s’y soumettre. De ce point de vue, les deux choses annoncent la croix. On se laisse bénir et purifier à l’ombre de la croix. Comme le Seigneur se laisse finalement crucifier pour le péché des autres. Par cette ouverture sur la croix, la fête reçoit un caractère sublime. On promet de prendre sur soi ce qui appartient aux autres. Ce sont les autres qui doivent être purifiés et bénis (NB 9, n° 1473).

 

156. Siméon et Anne au temple

Anne est prophétesse, elle a le don de vision. Elle est en rapport avec Siméon. En relation avec le don prophétique d'Anne, Siméon a à jouer un rôle que Dieu lui a destiné. Quand il fait une prophétie à la Mère du Seigneur, cela se fait dans un esprit d'obéissance à Dieu, mais avec un esprit de prophétie qui est propre à Anne. Ceci n'est possible que parce que Siméon prie et que sa prière s'unit en Dieu à la prophétie d'Anne. Sa propre prière lui donne de connaître ce qu'Anne prophétise. Par sa prière, il perçoit l'exactitude des choses prédites par Anne. Il reconnaît en Marie celle à qui il doit s'adresser, mais il la reconnaît sur les indications d'Anne. Il y a une concordance entre sa prière et l'esprit d'Anne. Anne est une femme sans culture, elle n'exprime que de vagues paroles. Lui, l'homme cultivé, peut en faire des phrases (NB 1/2, 40).

 

*

 

4. VIE DE JÉSUS

 

157. Jésus va ressembler à sa mère

Le Fils est Dieu, il doit accepter le corps qu’il reçoit. Un corps déterminé. Il s'inscrira dans la mémoire des hommes comme une image particulière. Il n'est pas toute l'humanité, c'est un homme parmi d'autres, innombrables. Que Marie soit sa mère lui fait prendre goût pour ainsi dire à se limiter ainsi. En tant que telle, la semence de Dieu aurait toutes les possibilités ; mais elle permet que certains traits humains du Fils soient déterminés par sa mère. Du côté de la semence de Dieu (dans laquelle l'Esprit Saint porte le Fils à sa mère) se trouve d'abord simplement la docilité obéissante du Fils vis-à-vis du Père d'entrer dans la création, dans l'humanité : il est prêt à ressembler de manière anonyme à "Adam" et aux siens. "Adam" et Marie sont ainsi ceux qui façonnent le Seigneur, en dépendance de la volonté trinitaire, pour donner au Fils un corps déterminé (NB 6,206-207).

 

158. Marie et son enfant

Marie fut la première à contempler le Fils et dès le début elle l'a fait avec les yeux de l'amour. Même alors qu'elle n'a pas encore compris dans sa plénitude sa grandeur et sa divinité, elle a trouvé dans son amour des choses en lui qui étaient pure vérité et pur amour et qui n'étaient absolument pas contraires à l'image objective qu'elle devait se faire de cet enfant comme son Seigneur. Et c'est ainsi qu'elle va dans le monde avec son enfant et qu'elle le montre aux hommes, et elle a aussi à nouveau des temps où elle est seule avec lui. Plus tard le Fils commence à agir mais non sans qu'elle soit présente. C'est le chemin qu'elle ouvre à tous ceux qui croient au Seigneur et l'aiment et le tiennent dans l’Écriture pour aussi vivant que la Mère le tenait vivant dans ses bras. Et qui, dans l'amour, peuvent apprendre de la contemplation de la Mère à le contempler comme Marie le faisait, dans l'amour. Si on met au centre ce vécu de la Mère avec l'enfant sur son sein, on peut à partir de là contempler toute la vie du Seigneur, mais aussi jeter un regard en arrière sur la promesse, sur l'Ancien Testament (NB 1/2, 239).

 

159. L’enfant grandit

Dans une vision, Adrienne contemple Marie et son enfant. La Mère est en train de baigner son enfant et elle le cajole en le lavant. C'est ravissant à voir. Mais tout d'un coup, elle voit que son enfant grandit au-delà de son propre corps d'enfant. Pour l'enfant lui-même, cette scène ne semble guère être en harmonie avec sa mission ; elle lui semble étrange. Dans sa conscience il y a deux choses : l'expérience d'un enfant et une connaissance (ou un pressentiment) de sa mission. L'unité des éléments de cette conscience n'est pas toujours établie de la même manière. Peut-être que la scène qui vient d'être mentionnée se passe à un moment où l'enfant sent surtout la différence et que prévaut en lui le fait qu'il ne comprend pas, ou bien à un moment où prévaut l'obéissance et que d'emblée l'enfant est disposé à tout accepter sans s'arrêter au fait qu'il ne comprend pas le détail (NB 6, 202).

 

160. Éduquer son enfant

Beaucoup de questions auraient pu se poser pour Marie : comment doit-elle éduquer ? Que lui apprendra-t-elle ? Qu'a-t-il le droit de recevoir d'elle ? Mais toute question trouve sa réponse dans le fait qu'elle lui montre ce qu'elle est devenue par lui. Quand il est petit enfant, il lève les yeux vers elle, vers elle qui a rendu possible son incarnation et qui, par son obéissance, a tellement reçu de lui qu'elle peut donner sans compter. Il n'y aucune vertu qui ne se refléterait dans son attitude. Tout comme un enfant porte les traits de son père, qu'un cousin ressemble à sa cousine, il ressemble à sa mère. Quand elle échange avec lui des mots d'enfant, quand elle lui apprend à parler et à prier, tous ces mots sont déjà comme imbibés de sa nature à lui. Nulle part un malentendu, nulle part l'impression d'être étranger l'un à l'autre. Toute sa tâche à elle en ce qui le concerne, elle l'accomplit dans son sens à lui. Son attitude à elle représente la sienne ; aucun événement ne peut ici troubler quoi que ce soit. Quelle que soit la personne avec qui la Mère se trouve, elle représente son désir à lui. Et quand aujourd'hui on rencontre quelqu'un qui, par sa présence, représente quelque chose de chrétien, il est clair qu'il le fait à l'imitation de la Mère. Mais elle a pu le faire de manière infiniment plus vivante que tous ceux qui viendraient après elle. Ceux-ci peuvent pourtant toujours jeter un coup d’œil sur elle, s'unir à sa prière pour puiser à sa source et vivre d'elle, jeter un coup d’œil aussi sur la distance qui les sépare d'elle et avec la vénération que requiert d'eux ce qui est parfait (NB 10, n° 2309).

 

161. Pas un enfant prodige

Adrienne parle longuement au P. Balthasar de la Mère de Dieu et de Jésus enfant. Elle décrit comment en tout il a été humain, pas un enfant prodige. Marie a dû certainement aussi l’éduquer comme le sont les autres enfants. Elle lui a appris à parler, à marcher, elle a lavé ses couches. Il est faux sans doute aussi de penser que, tout enfant, il a eu déjà la pleine conscience de sa divinité et de sa mission. Ceci ne lui est venu que lorsqu’il en a eu besoin, peut-être à douze ans dans le temple, et puis sans doute toujours plus fréquemment quand il eut dix-huit ou vingt ans. Il était aussi très éveillé, autant qu'un homme peut l’être. Sa jeunesse consista à être purement un enfant. Marie par contre, en tant que Mère, était au courant dès le début du sacrifice, même si elle n’en savait ni le comment ni le quand (NB 8, n° 843).

 

162. Élever Jésus

Pour Marie, tout part de l'adoration de l'enfant. C'est là qu'elle apprend une prière plus large, là aussi qu'elle apprend à orienter vers Dieu toutes ses pensées et tout ce qu'elle fait, son ménage, comme Dieu le requiert, Dieu qui est maintenant auprès d'elle. Qu'elle allaite l'enfant ou qu'elle l'emmaillote ou quoi qu'elle fasse, tout a son prolongement et sa répercussion dans l'esprit chrétien, dans l’Église. Quand elle découvre son sein pour l'allaitement, c'est avec la pensée que Dieu le Père lui a donné ce lait pour le Fils, qu'elle doit le nourrir en lui donnant sa substance, et qu'il transmettra cette substance aux hommes à sa manière (NB 6,161).

 

163. Instruire l’enfant

L'Esprit est bien sûr en Marie quand elle instruit et guide l'enfant avec une expérience qui est tout à la fois humaine et basée sur la foi (NB 6,391).

 

164. Les questions de l’enfant

Tous les soins dont Marie entoure son enfant et également les besoins de l'enfant lui-même et tout ce qui arrive avec lui font partie de son silence et de sa prière et de ce qu'elle doit absolument accueillir en esprit. Car son esprit doit devenir capable, par l'Esprit Saint, de répondre aux questions que son enfant, comme tout autre enfant, lui posera afin que rien de sa mission divine ne soit gêné, que celle-ci au contraire fasse aussi l'expérience d'un encouragement humain. Peut-être que l'essentiel des trente années contemplatives du Fils se passe-t-il, durant ces premières années de l'enfance, dans le cœur de la Mère. Plus tard, quand le Fils sera adulte et qu'il donnera un enseignement et que sa Mère y sera initiée, il sera la Parole autonome qui peut accueillir aussi les questions de sa Mère et y répondre en toute liberté. Mais pour le moment, il est soumis aux contraintes de l'enfance; ce n'est pas une "nuit" ni une privation, parce que tout n'est qu'en devenir, et pourtant, en face du Père, c'est un renoncement à la pleine possession de sa force de Fils. Et sa Mère accompagne ce renoncement avec sa disponibilité (NB 6,164).

 

165. La prière du Fils et celle de sa mère

La maternité de Marie apparaît comme le fruit de la prière du Fils. D'une manière particulière, il a choisi sa Mère, il l'a rachetée, il l'a préparée jusqu'au moment où il s'incarne en elle. Et pendant qu'il était ainsi vivant en elle - au milieu de la grossesse peut-être -, elle a senti les mouvements de l'enfant, elle a fait l'expérience qu'elle était en communion de vie avec lui, et dès ce moment-là sa prière aussi a grandi avec celle de l'enfant et l'a toujours accompagnée. Certes la prière de la Mère était toujours contenue dans celle du Fils - avant même qu'elle fût et qu'elle pût prier -, mais lors de l'incarnation, quand la prière du Fils aussi se fit petite et enfantine, la prière du Fils fut portée et accompagnée par celle de la Mère (NB 1/2, 199).

 

166. Marie avec son enfant sur les genoux

Quand Marie, avec son enfant sur ses genoux, regarde au loin comme dans le tableau de Locher, on comprend que son regard est tourné vers l'avenir. Elle a alors la certitude que l'Enfant comprend. Il ne porte pas seulement en lui ce qui concerne son propre avenir et l'avenir de sa Mère, il porte aussi en lui ce qui concerne l'avenir du monde. Et elle-même, dès le premier instant, y prend part par le fait qu'elle veut accompagner l'Enfant partout et accomplir avec l'aide de l'Esprit Saint ce qui est attendu d'elle par Dieu le Père et par le Fils. Elle s'affermit pour cela dans la prière. Car elle sait qu'il lui faudra beaucoup de force. Mais la force qui lui est offerte n'est pas là pour qu'elle demande plus que ce qui lui est accordé ou pour qu'elle joue un rôle. C'est la dernière chose qu'elle voudrait. Elle recevra ce qu'on lui donne et elle le recevra toujours dans la prière. Quand elle demande de la force, c'est pour rester dans la prière, pour qu'elle soit trouvée partout comme quelqu'un qui prie. Son oui a les dimensions d'une prière infinie ; comme sa prière elle-même, il dépasse toutes les limites de son moi, il est abandonné à Dieu sans limites, un cadeau qu'elle-même ne voudrait jamais reprendre ni échanger. Elle accompagne son enfant comme le fait une mère ; et comme une mère, elle considère l'enfant que lui a donné son mari comme un joyau ; et ainsi elle veut garder pur tout ce que Dieu lui a confié par amour du don de Dieu dans lequel elle se sait incluse. Elle ne pose pas de question, elle ne veut pas se situer. L'être et la santé de l'enfant, c'est à cela qu'elle se donne. Son être et sa santé à elle, le fait qu'il lui en soit trop demandé disparaissent dans sa prière. Comment tout cela se passe, elle ne veut pas chercher à le savoir, cela nuirait à sa prière. La force que Dieu lui donne, elle veut la donner totalement pour le chemin du Fils. Elle cherche ainsi à conduire sur ce même chemin tous ceux qui la vénèrent et voudraient apprendre d'elle. Et parce que c'est le chemin que le Fils lui a montré, elle ne se lasse pas d'y renvoyer parce qu'elle sait que c'est le chemin du Fils et que tous ceux qui s'y engagent avec elle arrivent au Fils (NB 10, n° 2311).

 

167. Marie devant le mystère qu’est son Fils

Le Fils reste Dieu bien qu'il se soit abaissé à devenir homme ; Marie reste totalement créature malgré la grâce de la pré-rédemption qui l'a exaltée, elle est une créature qui suit le Fils de la manière la plus stricte comme il l'avait prévu dans ses desseins. Dans ses échanges avec le Fils, elle ne fait pas que donner et prendre, elle est placée directement devant son mystère qui le singularise : il est engendré par le Père et il a une vision immédiate du Père. Quand Marie prie avec son enfant, elle se sert des mots qu'elle connaît, elle demande des choses qui lui semblent nécessaires, elle prie à la manière d'une vraie croyante ; mais elle sait que le Fils, qui entend ses mots, les reprend et les transmet à Dieu d'une manière qui la dépasse. Non seulement parce que Dieu le Père et l'Esprit Saint les reçoivent du Fils, mais parce que la prière du Fils lui-même, sa manière de parler avec le Père, lui demeure inaccessible ; cela fait partie du mystère trinitaire. Dans sa prière, le Fils ne donne pas simplement comme un homme ce que Dieu lui donne et il ne le reçoit pas non plus en tant que tel, il le donne en tant qu'Homme-Dieu. Il prend ce que Dieu lui donne, mais en même temps il donne lui-même en tant que Dieu et il reçoit aussi en tant que Dieu. Sa manière de prier est pour Marie beaucoup plus impénétrable et beaucoup plus complexe que sa propre manière (NB 5,21).

 

168. Marie prie avec son enfant

Dans une vision, Adrienne voit Marie prier avec son petit enfant. Elle lui apprend une prière quelconque ; elle voit d'une certaine manière les mots tels qu'ils correspondent à son enfant, et lui les reçoit et les introduit en quelque sorte dans sa vision du Père. Marie prie comme elle peut, elle met le meilleur d'elle-même dans sa prière et, malgré la force de sa foi, elle ne sait pas la force avec laquelle le mot retentit pour Dieu, elle sait quand même quelque chose de ce qu'il y a d'énorme dans la vision du Père qu'a le Fils (NB 10, n° 2193).

 

169. L’enfant prie autrement que sa mère

L'Enfant Jésus et sa mère prient le Père ensemble. Marie voit l'enfant qui tout d'abord ne se distingue en rien d'un autre sauf qu'il est son enfant ; mais elle sait qu'il est de Dieu. Mais de le savoir elle ne fait pas un problème, rien qui l'empêcherait de connaître Dieu le Père comme son Père, Dieu le Fils comme son Fils mais qui appartient avant tout à Dieu et à l'Esprit, qui est l'un de Dieu Trinité. Mais l'enfant prie avec la vision du Père, donc d'une certaine manière autrement que sa mère (NB 10, n° 2291).

 

170. Les mots de la foi

Les mots que Marie apprend à son Fils sont bien les mots de la foi, et donc de la vérité. Mais comme tous les mots chrétiens, ils ne s'opposent pas à devenir une vérité plus grande, à laisser découvrir en eux par Dieu une vérité à laquelle au début on ne pensait pas du tout. Marie non plus ne savait pas tout ce qu'il y avait dans ses mots. Que ceux-ci reçoivent dans la bouche de son Fils un sens plus grand, elle l'accepte sans protester (NB 6,20-21).

 

171. Jésus a aimé sa mère

Quand Marie n’est plus là, le Christ aussi manque de vie et devient abstrait. Car lorsqu’on lui prend l’amour pour sa Mère, on lui retire pour ainsi dire la base terrestre de son amour. Enfant et jeune homme, il a quand même aimé Marie d’abord humainement. Si en tant que Dieu il n’avait rien à apprendre, en tant qu’homme il a quand même vraiment appris. Et c’est par l’amour de sa Mère qu’il en est venu à aimer les hommes. Elle était et elle demeure pour ainsi dire la tradition qui le conduit aux hommes (NB 8, n° 519).

 

172. La croissance de Jésus

Pour les disciples, la foi nouvelle ne commencera que lorsque le Seigneur devenu adulte se mettra à prêcher dans le pays et qu'il aura besoin de collaborateurs. Marie a appris cette foi de façon continue : par le germe de vie en elle, par le nourrisson à son sein, par le garçon et par l'homme. Et comme Marie, la Mère, devient l’Église-Épouse, l’Église ne devrait jamais oublier le temps de l'Avent et du petit enfant. Elle n'en est pas quitte parce que l'enfant est encore mineur et qu'il ne peut rien dire, que les bergers l'adorent, que Marie est en quelque sorte une vague médiatrice de toutes les grâces, qu'entre deux l'enfant de douze ans dit des paroles étonnantes; entre tout cela il y a le quotidien, la vie qui continue, toute l'attitude de la Mère qui exprime sa nature et qui devrait aussi façonner la nature de l’Église : attendre l'enfant, rester tournée vers l'enfant. L’Église, dans ses définitions et ses autres instructions, part beaucoup trop d'elle-même au lieu de partir du Seigneur. Marie est toujours partie du Fils (NB 6,148-149).

 

173. Une enfance avec Marie et Joseph

Pour le Fils qui, tout en étant homme, se sent très proche du Père, il est très difficile maintenant de concevoir que les autres hommes ne veulent pas être si près du Père. Il devra en quelque sorte les sauver contre leur volonté. Avec sa pureté et le fait qu'il soit si près du paradis, il peut à peine comprendre que même les meilleurs des hommes ne connaissent pas sa proximité avec le Père et finalement ne la veulent pas non plus. Ceux qui croient en lui vont douter. Et l'un de ses proches va le trahir. Cela, il l'a toujours su dans son savoir éternel ; maintenant, en devenant homme, il l'apprend dans son état corporel, avant même que cela l'atteigne réellement. Il doit anticiper cette déception pour qu'il puisse vivre son enfance avec Marie et Joseph avec d'autant plus de simplicité, de naturel, d'abandon de lui-même. Car une partie de son expérience avec eux se développe à partir de cette déception anticipée. Il doit savoir par son expérience la plus intime qu'il ne va pas de soi qu'il soit accueilli ainsi par Marie et Joseph. Et justement parce qu'il sait cela, il peut communiquer à Marie et à Joseph le sentiment que cela va de soi. Il apporte à leur mission une assurance simple. Dans une humanité qui ne serait pas tombée, le comportement de ses parents serait tout à fait normal ; dans une humanité tombée, cela ne l'est pas, mais ils ne doivent pas y réfléchir, ils doivent être naturels. Par son propre comportement, l'enfant leur donnera ce naturel . En eux, le monde déchu qui les entoure est vaincu. Pour les disciples, il se répétera quelque chose de semblable, mais ce sera à grande distance de Marie. La Mère que l'enfant reçoit à Noël a déjà vaincu. Les apôtres sont gagnés peu à peu, mais conduits d'une manière plus lâche, parce qu'ils comprennent moins que la Mère (NB 6,159).

 

174. Centrés sur l’enfant et ouverts à Dieu

Marie et Joseph pourraient dire qu'ils ont reçu la tâche de mettre au monde cet enfant et de l'élever - une tâche à laquelle on peut suffire - et qu'ils n'auraient pas besoin d'être ouverts encore à autre chose. Quand le Fils sera grand, il devra voir par lui-même comment remplir sa mission divine. Ce serait une manière arbitraire de fermer. Ils seraient alors tournés vers l'enfant d'une manière qui n'inclurait pas qu'ils soient tournés vers le Père. Ils auraient un attachement au Fils et ils oublieraient l'attachement à Dieu Trinité. Il nous est permis d'être centrés sur l'enfant, mais toujours en écoutant Dieu (NB 6,162).

 

175. Les rencontres de Jésus et de Marie

Le Christ et Marie étaient ici-bas deux êtres humains dont l'histoire était faite de rencontres toujours nouvelles, leur nature humaine était en constant devenir ; c'est pourquoi chacune de leurs rencontres était importante, elle contenait aussi un sens qui ne se limitait pas à leurs personnes, ce sens se trouvait dans les missions des deux. Un sens qui n'est pas vécu à la hâte une seule fois seulement, mais qui s'intègre dans le chantier de la rédemption du Fils. Ce sens est quelque chose qui demeure, non seulement comme contribution à la doctrine pleinement développée du Seigneur, mais comme la forme de toutes les rencontres futures avec le Seigneur : à chaque fois - rencontre ou action commune - la rencontre terrestre du Christ et de Marie pouvait se passer dans la joie ou la souffrance, être un don ou un refus (NB 6,476).

 

176. La vie à Nazareth

Quand Marie et Joseph et l'enfant ont enfin une maison et que commence une vie paisible, la Mère peut être heureuse de son enfant et remplir ses devoirs domestiques et maternels. Elle vit en même temps dans un énorme mystère auquel, pour le moment, elle est surtout initiée dans la patience. Les événements extraordinaires sont passés : l'annonciation et la visite à Élisabeth, la grossesse, le départ pour Bethléem, la naissance et le mystère quelque peu effrayant avec les mages, comme si tout déjà était public et connu du monde entier, et comme si cela devait maintenant continuer de prodige en prodige. Puis d'autre part la persécution, la fuite, le retour. Mais maintenant le quotidien gris et caché où il n'y a plus de signes, et cependant tout ce qui s'est passé demeure vrai, et Marie doit garder dans son cœur le mystère dont elle sait qu'il grandit avec l'enfant ; l'enfant grandit comme les autres enfants, doucement, mais avec lui grandit et mûrit le mystère divin pour une moisson que Marie ne connaît pas. Non qu'elle éprouverait le besoin de montrer maintenant son enfant au monde entier ou de le voir faire des miracles, mais c'est quand même pour elle quelque chose de très sérieux, qu'après tous les signes et tout ce qui a été rendu public, de voir son enfant si totalement ignoré, jour après jour, et de s'apercevoir par là que le travail du Père et de l'Esprit et aussi du Fils doit s'accomplir dans le secret et que son devoir de mère consiste à être là pour qu'il puisse se faire sans être gêné. Elle doit apprendre à subordonner au mystère tous ses actes et tous ses sens et tous ses soucis. Il ne faut pas que surgisse en elle le désir d'en savoir plus que ce que Dieu veut justement dévoiler ; mais sa disponibilité doit être d'apprendre tout ce qu'il montre maintenant. Pour Marie, en cette période-là, l'essentiel est certainement de laisser faire imperceptiblement, de croître intérieurement dans la prière, d'être attentive à l'amour qui comble et se laisse combler dans les petits événements aussi du quotidien qui pourtant (ainsi que la Mère le sait) s'ouvrent sur le monde divin et s'y perdent. Elle n'est pas en mesure de préciser sa situation, elle doit seulement toujours correspondre ; de la sorte, c'est comme si son propre moi était en suspens dans la prière et dans l'amour, mais aussi dans le silence et l'épreuve (NB 6,163).

 

177. Le quotidien

Si, dans le livre des Exercices, Ignace insiste tellement sur l'application des sens, c'est surtout pour rendre mieux possible le dialogue, surtout aussi le dialogue avec Marie. Tous les détails auxquels nous appliquons nos sens aident à rendre la situation réellement vivante. Et parce que la Mère a vécu dans le quotidien terrestre, elle aime éveiller en celui qui prie quelque chose de ce qu'elle a senti elle-même. Aujourd'hui on devrait rendre à la Mère cette sorte d'existence vivante immédiate. Dans le cœur de la plupart des chrétiens, elle est devenue beaucoup trop abstraite. Elle et le Seigneur, on les a réduits à une existence de statues. Les statues devraient redevenir vivantes. Même une statue de mauvais goût peut être le point de départ d'une bonne méditation ; elle a peut-être quelque trait vivant qui est exprimé en elle. Saint Ignace pourrait très bien imaginer par exemple que, dans une église, on construise autour d'une statue de Marie toute une petite maison de Nazareth avec tout ce qui s'y rattache, cela ouvrirait les yeux de bien des gens : Marie a vécu dans un milieu terrestre réel. On devrait toujours la voir dans son rapport avec notre monde quotidien. Saint Ignace la montre dans les situations les plus diverses de sa vie, toujours avec des détails tout à fait sensibles : "Comme il est froid le sol où elle se trouve ! Nous sentons les fleurs qu'elle a en mains !" Tous ces sentiments, tous ces sens, toutes ces impressions, que Dieu nous a donnés, nous ne les possédons pas seulement pour les renier, pour y renoncer, mais aussi pour les utiliser dans la prière et l'action de grâce et y fixer notre esprit (NB 11,356-357).

 

178. Le Fils a raboté

Marie a fait la cuisine, le Fils a raboté ; les deux n’en furent pas gênés pour être auprès du Père avec leurs pensées et pour former ensemble l’Église. Tout le quotidien était fait, et tout pourtant avait tout de suite sa relation à Dieu. On pourrait imiter cela (NB 9, n° 1790).

 

179. Marie fait la cuisine

Un tableau du quotidien. Paix. Marie travaille pour son Fils, elle tient son foyer en ordre, elle fait la cuisine et le ménage. Et toute sa mission semble se limiter au besoin qu'a son Fils d'avoir une mère. Mais la mission à ce moment-là n'est ni plus grande ni plus petite qu'en un autre temps. Elle est constante. Rien de ce qu'elle fait : travail du ménage ou conversation avec les voisins ou prière, rien n'a moins d'importance (NB 10, n° 2091).

 

180. Une famille heureuse

Bien que Marie soit toujours parfaite, parce qu’elle possède une plénitude de grâce sans aucune ternissure, elle grandit quand même en perfection par la fréquentation de son Fils. Tant que son enfant est petit, elle vit elle-même dans un état de grâce qui est semblable à celui d’un enfant. Sans doute a-t-elle dit oui à tout le difficile qui viendra, mais pour le moment cette responsabilité ne pèse pas lourd sur elle. Tant que l’enfant n’est pas devenu grand - jusqu’à douze ans environ - il lui suffit d’être pour lui une mère dans la grâce. Chaque jour apporte ce qu’un jour peut apporter à une famille heureuse, dans une vie de foi, d’espérance, de remise de soi à Dieu. La fuite (de Jésus à Jérusalem), tout ce qui est extérieurement difficile, demeure plutôt à l’arrière-plan parce que la grâce est tellement partout sensible (NB 9, n° 1992).

 

181. Les fêtes de la jeunesse

Quand le Christ fait une fête - les fêtes intimes de son enfance et de sa jeunesse auxquelles participent Joseph et Marie, ou les fêtes plus tard avec ses apôtres -, ce qui est décisif, c'est toujours sa présence. De même que toutes choses ont été créées pour lui, les fêtes sont orientées vers lui ; elles sont célébrées pour sa gloire même là où sont présents des gens qui ne se doutent de rien, qui consomment en quelque sorte leur participation sans être effleuré par l'idée qu'une fête à laquelle le Seigneur participe doit avoir absolument un sens supérieur. Mais pour le Seigneur et pour les siens, chaque fête devient une fête chrétienne. Elle est célébrée en présence de Dieu Trinité. Pour le Seigneur lui-même, c'est toujours une fête dirigée vers le Père (NB 10, n° 2175).

 

182. L’enfant de douze ans

Marie cherche son Fils et elle le retrouve au bout de trois jours. Mais maintenant c'est tout différent de ce qui se passait auparavant. Dans l'attitude de la Mère, quand elle le cherchait, dans l'attitude du Fils quand il se laisse trouver, il y a quelque chose que nous devrions toujours faire et toujours recevoir comme un cadeau. Quelque chose du Fils se dérobe constamment à nous, non parce que comme autrefois il serait resté en arrière volontairement, mais parce que nous n'allons pas au même pas que lui. Nous devrions apprendre à le retrouver sans cesse dans la nouvelle situation où il se trouve (NB 6,166).

 

L'incarnation est le contraire de l'oubli ; Marie garde dans son cœur toutes les paroles de son Fils et les y laisse mûrir, comme elle a laissé le Fils lui-même mûrir en elle. C'est la même chose (NB 12,99).

 

183. Marie et son Fils devenu adulte

Quand le Fils a grandi, par les relations habituelles qu'elle a avec lui et par ses paroles d'homme, elle participe de manière nouvelle à ce qu'il est ; elle est devenue prête à être mise par lui partout où il a besoin d'elle, même si, souvent, elle ne comprend pas ses intentions ou si elle n'est pas mise là où elle s'y serait peut-être attendue. Son adaptation à la volonté du Fils a le caractère fondamental d'une obéissance qui est en même temps échange, mais elle n'est pas mise au courant du mystère de cet échange, on peut dire aussi qu'elle est mise au courant du mystère de l'absence d'échange. Beaucoup plus profondément que tout autre croyant qui suit le Christ dans l’Église, Marie voit le caractère mystérieux de Dieu et de son monde. Certes elle a vu l'ange et, par cette apparition dans sa sphère à elle, elle a été infiniment dilatée ; mais justement c'est par cette dilatation unique qu'elle sait définitivement qu'elle a toujours à se tenir à sa place. Qu'il ne lui appartient pas de réfléchir plus qu'il ne faut et de savoir à l'avance ce qui va se passer, mais d'être toujours prête pour le Seigneur à tout instant, dans une attente virginale (NB 5,21-22).

 

184. Marie vit en parfaite harmonie avec le Fils de Dieu

Pour transmettre sa parole aux croyants d'une manière adéquate, Jésus a devant lui l'exemple de sa Mère ; elle qui vivait dans l'espace de la promesse, elle reçoit et donne la parole de manière valable : elle reçoit la parole de Dieu par l'ange et elle donne le Fils parce que l'Esprit l'a couverte de son ombre ; par son don d'elle-même, elle est devenue un réceptacle pour l'accomplissement de la promesse. Non qu'elle se serait choisie elle-même, elle s'est faite obéissante jusqu'à mettre le Fils au monde. Et le Fils voit en elle ce qu'un être humain de son temps, dans ses relations à Dieu et aux autres, peut faire des prophéties : se laisser façonner par Dieu de telle manière que se fasse par lui la pure volonté de Dieu. En tant que Mère du Fils, Marie comprend que l'existence humaine de son Fils provient d'une profondeur divine mystérieuse, elle comprend qu'il est le Fils du Père et que, par l'Esprit Saint, il est devenu son Fils ; mais, à elle aussi, ses profondeurs divines restent voilées. La foi la rend capable de vivre en parfaite harmonie avec le Fils de Dieu sans que les mystères du ciel et de la vie éternelle dans la vision du Père aient dû se dévoiler à elle avant le temps. Elle est ainsi pour le Fils le modèle de l'être humain parfait qui s'acquitte convenablement de sa mission à tous points de vue et accueille la promesse et son accomplissement avec le naturel d'une foi toute disponible. Si bien que le Fils, en tant qu'homme, peut aussi, dans ses conversations avec ses amis, lors des fêtes, dans ses relations avec ses disciples, mener une existence totalement humaine sans l'interrompre constamment par des coups d'œil sur sa vision du Père. Il connaît la mesure de l'existence humaine et la démesure de la grâce qu'il porte, et cette grâce est aussi celle dans laquelle Marie vit dans la foi (NB 5,65-66).

 

185. Quand Jésus quitte la maison de Nazareth

Quand Jésus quitte la maison de Nazareth, Marie reste dans la sécurité de sa maison et elle ne sait pas ce que va faire son Fils ; il quitte cette sécurité et il sait ce qu'il va faire. Il sait aussi par l'Esprit qu'à cet instant-là c'est comme si sa divinité était déposée dans l'Esprit. Pour l'Esprit, qui est Dieu, il est facile de savoir que le Fils sauve le monde. Pour l'Esprit, c'est une vérité éternelle et pour lui peu importe que le Fils l'ait déjà sauvé, qu'il le sauve maintenant ou qu'il le sauvera bientôt. Il en est autrement pour le Fils qui doit commencer sa mission quelque part, en un point qui n'est comme rien. Et il pourrait lui sembler téméraire que Jean-Baptiste lui donne le signe que le temps est venu de commencer. Mais le Fils sait que Jean agit par l'Esprit, et donc que son signe est juste. A cela s'oppose certes le fait que le commencement indiqué par Jean n'est pas du tout le véritable commencement ; mais parce que le Fils également est dans l'Esprit, il peut se fier à Jean qui agit dans le même Esprit. Il doit suivre le signe, tout seul. Il n'a ni disciples ni collaborateurs. C'est tout seul qu'il doit partir pour sauver le monde, pour fonder la nouvelle Alliance. Pour cette œuvre, il ne peut pas prendre avec lui Marie et Joseph qui ont vécu dans sa manière de penser. Il est difficile déjà d'être Dieu au milieu de croyants, mais il doit entrer seul dans le monde incroyant. La maison de Nazareth était le meilleur foyer qu'il pût trouver ici-bas ; mais il lui faut maintenant le quitter, sans aucune sécurité et sans rien voir (NB 5,285-286).

 

186. La tentation de Jésus au désert et Marie

Marie dans la solitude pendant que le Fils se trouvait au désert et dans la tentation. La prière de Marie donne d'une certaine manière au Fils un soutien humain en face de la tentation. Dans la tentation, n'importe qui pourrait penser à un ami et se dire : dans une situation de ce genre mon ami ne succomberait certainement pas. Cela lui donne un soutien. On pourrait penser que ceci n'est qu'une réflexion entre deux pécheurs, une réflexion qui a le péché originel comme condition. Mais non, elle vaut aussi entre le Fils et la Mère. De penser à elle est pour lui un soutien dans la tentation. Non que sans cela il serait vaincu par la tentation, mais il fait partie de son humanité qu'il trouve de l'aide auprès de ses semblables. Sur la croix, il n'aura plus ce soutien ; là, tout ce qui était aide devra disparaître. Mais au désert il est totalement homme, il a gardé un sens aigu de la pureté de sa Mère. Pour lui, elle est le prochain tout pur qui lui a été donné par grâce. Elle lui est très proche, il est sûr d'elle pendant qu'il lutte contre le diable et en triomphe. Bien que la Mère ne connaîtra pas des tentations de ce genre. Elle en est immunisée par l'Annonciation. Mais elle sert le Fils par le fait qu'elle se tient à sa disposition comme image de la pureté (NB 10, n° 2108).

 

187. Marie durant la vie publique de Jésus

Je vois la Mère du Seigneur. Le Fils est parti, elle est chez elle. Elle sait qu'il est Dieu et qu'il fait de grandes choses. Mais il y a tant de choses en lui qu'elle ne comprend pas. On lui raconte tant de choses, une quantité de rumeurs lui sont rapportées. Lui-même, elle le voit si rarement. Et pourtant elle doit être avec lui, et travailler avec lui, et prier avec lui, et lui être donnée. Elle veut tout ce qu'il veut, mais il y a bien des choses qu'elle ne comprend pas. Et elle est fatiguée de la fatigue du Fils, elle est fatiguée de ne pas comprendre et parce qu'elle prie tant. Elle a une prière de fatigue parce que son Fils lui donne sa propre fatigue quand elle prie (NB 5,269).

 

188. "Heureux le corps qui t‘a porté" (1)

Une femme dans la foule s'écrie : "Heureux le corps qui t'a porté" (Lc 11, 27). Cette femme voit le Seigneur comme les hommes le voient. Elle le voit dans la foule, mais elle le voit en même temps comme point de rassemblement : le Seigneur ouvre les yeux de cette femme sur le surhumain, sur le divin de son enseignement et de sa personne. Cette femme simple comprend que le Seigneur n'est pas seul, qu'il n'est pas une génération spontanée, que son humanité a au contraire un fondement solide et que la femme qui l'a porté a avec lui une relation qui la rend parfaitement bienheureuse. La femme comprend que le Fils a fait de cette union à sa Mère sa première œuvre sur terre ; il s'est choisi ce sein plutôt que tout autre pour naître de lui. Il a remis son destin à cette femme. Et il a par là mis un terme en quelque sorte à toutes les peines des femmes, peut-être même à toutes les peines du corps humain, en en faisant rayonner soudainement tout le divin. Il choisit sa Mère afin de la mettre en lumière, elle, la bienheureuse, par son humanité à lui, mais aussi pour montrer combien grande est l'humanité que Dieu offre à tous ses enfants. En élevant sa mère et en naissant lui-même, le Fils élève tous les humains au-dessus de leur hauteur précédente. Il les tire du péché, il les éloigne de leurs liaisons coupables, il les sauve du désespoir pour leur offrir de lui être attaché. Mais en le faisant pour tous, il le fait d'une manière exemplaire pour l'être humain dont le sein en devient bienheureux. Et quand la femme attire l'attention sur sa mère, quand elle renvoie de manière anonyme à celle qui est bénie, elle montre par là que ce qui est remarquable dans la Mère signifie joie et plénitude pour elle, l'inconnue, elle montre qu'elle la regarde sans envie et qu'elle expérimente par là ce qu'est la foi aussi bien que la connaissance. C'est en cela que réside la béatitude : qu'il ait besoin de sa Mère pour naître, pour grandir, pour être (NB 1/2, 244-246).

 

189. "Heureux le corps qui t‘a porté" (2)

Marie est bienheureuse non seulement par sa foi, par sa personnalité spirituelle, mais déjà par son corps. Elle l'est par l'accomplissement de sa nature maternelle et de ses devoirs de femme, étant donné qu'elle sert parfaitement son Fils avec son corps comme toute femme est appelée à servir son enfant. La croix n'est pas encore là ; il y a d'abord la vie publique. Mais celle-ci n'est parvenue à son achèvement que par les trente années cachées ; ce n'est pas seulement la croix qui rachète, l'arrivée du Fils déjà rend bienheureux. Le Fils montre donc dans sa naissance qu'il élève tout le genre humain par sa présence, qu'il peut conduire les hommes à la sainteté. Il peut être difficile de le prouver en tout homme, mais il est simple de le montrer par la béatitude de la Mère. Avec son flair féminin, la femme du peuple découvre combien la Mère est bienheureuse : bienheureuse dans son corps d'une béatitude que le Fils offrira aussi à ceux qui ont besoin de lui comme nourriture, à qui il se donne dans l'eucharistie (NB 1/2, 246).

 

190. Marie et les frères de Jésus

Marie avec les frères de Jésus. Elle va trouver son Fils avec eux. Ils pensent qu’il est hors de sens. Marie sait quelque part que ce n’est pas possible, car elle sait qui il est. D’un autre côté, elle connaît les frères : ils personnifient en quelque sorte la raison. Mais il est terriblement difficile pour elle de choisir entre le raisonnable et le surnaturel, même si on sait la vérité. Au fond elle craint que son Fils pourrait se laisser retenir par les frères, prêter l’oreille aux arguments naturels. Elle est tellement dans l’Esprit qu’elle sait que s’il revenait avec eux, il gâcherait quelque chose d’important de sa mission. Les prophéties ne s’accompliraient pas. S’il vacillait, ne serait-ce qu’un instant, les frères pourraient l’emporter et gérer sa mission à sa place. Mais bien qu’elle espère qu’il ne reviendra pas à la maison avec eux, c’est quand même aussi terrible qu’il ne revienne pas (NB 9, n° 2018).

 

Marie avec les frères de Jésus quand ils pensaient que le Fils était devenu fou. Peut-il se faire que la mission de Marie soit à ce moment-là si humaine qu'elle penserait elle-même qu'il est hors de sens ? (NB 10, n° 2091).

 

*

 

5. PASSION

191. Marie avant la Passion

La méditation de Marie peu de temps avant la Passion de son Fils. Elle entend les rumeurs contradictoires qui courent sur lui : le bon et le mauvais, dans un désordre total. Elle essaie d’accueillir tout cela dans la foi. Quelque chose doit être vrai dans ces rumeurs, simplement elle ne peut pas l’expliquer. Elle remet tout à Dieu. Que cela deviendra encore plus pénible, elle le pressent, mais elle ne veut rien anticiper. Elle est seule, isolée. Elle demeure ouverte à tout, au compréhensible et à l’incompréhensible. Dans beaucoup de ce qu’elle entend, elle peut tout simplement entendre l’enseignement du Fils. D’autres choses lui restent totalement énigmatiques. Et pourtant elle sait que le tout forme comme une sorte de message que lui adresse le Fils. Là où elle ne comprend pas, elle le lui rend afin qu’il le gère pour elle en son sens à lui. Ce qui est incompréhensible n’est pas perdu ; elle le garde aussi dans son cœur afin qu’il le transforme et le corrige en elle (NB 9, n° 1949).

 

192. La croix était incluse dans le oui de Marie

Marie partage la croix de son Fils en vertu de son propre accord qui a été pris au sérieux : même si ce n'était pas expressément stipulé, c'était inclus dans son oui dès le début. Quand un chrétien se met à la suite du Seigneur en se consacrant à lui par des vœux, il laisse ouverte la possibilité - peut-être sans que ce soit souligné - que le Seigneur le fasse participer plus étroitement à sa nuit, à bien des choses que l'homme naturel préfère éviter (NB 5,108).

 

193. Le oui de Marie à la croix

Quand Marie dit oui, c'est à ce qui vient, à l'exigence démesurée. Le oui donné au tout, globalement, ne cesse de lui donner la force de continuer à exprimer le même oui. Son oui à la croix de son Fils est contenu à l’avance dans son oui à l'ange. Ce oui est aligné sur le oui du Fils, qui existe depuis toujours. Le oui du Fils est comme un soutien continu pour le oui de sa Mère. Même quand elle est immergée dans la nuit de la croix, le oui de son Fils continue à exister pour elle. La Mère a en son Fils un soutien continu ; son Fils n'en a pas, il est livré au sacrifice (NB 3,212).

 

194. Marie ne se dérobe pas à la souffrance

La joie de Marie d'avoir un corps est comme la joie d'un enfant qui a un jouet qu'il peut donner aux autres enfants pour jouer. La joie de l'enfant consisterait totalement dans le fait qu'il se réjouit de la joie de l'autre enfant. Et l'autre enfant, c'est tout enfant, qu'il soit pauvre ou riche. La joie de Marie est que, par son corps, Dieu lui-même a reçu un corps, que de son corps de femme sort ce corps qui conduira chaque corps à s'éterniser en Dieu ; qu'elle-même, par ce corps auquel elle a jusqu'ici fait si peu attention, elle peut avoir part au corps éternel de tous les croyants. Et quand elle sent les souffrances, il y a là aussi pour elle une joie, la joie de savoir que la joie des sauvés l'emportera sur toute souffrance. Elle fait l'expérience de cette souffrance comme limitée à elle-même : elle la porte afin que les autres n'aient pas besoin de la sentir, afin que les autres soient heureux et arrivent à la joie éternelle en Dieu Trinité. C'est pourquoi elle ne se dérobe pas à la souffrance, elle s'ouvre à elle, elle va à la rencontre de la souffrance, la poitrine découverte pour ainsi dire, afin que la souffrance l'atteigne partout directement si c'est pour le Fils une souffrance de soulagement (NB 3,251).

 

195. Marie devant la croix

Marie en larmes. Puis Marie explique : oui, elle pleure vraiment sur son Fils, mais elle ne pleure pas à cause de son Fils ; elle pleure à cause des hommes qui lui font cela par leur imperfection et leur tiédeur (NB 8, n° 352).

 

196. La Mère de Dieu sous la croix vide

Marie pleure. Une grande foule de gens tout autour, mais tous tournent le dos à la croix. C’est terrible de voir la Mère pleurer (NB 8, n° 409).

 

197. Porter la souffrance avec le Fils

Un enfant peut percevoir certains soucis de son père, comprendre par exemple qu’il gagne trop peu. Mais le souci principal de son père peut lui rester caché : le père se fait du souci parce qu’il ne peut pas offrir à son enfant l’école, la formation, la situation qu’il avait projetées pour lui. Ainsi le Seigneur aussi a un souci que la Mère ne peut partager : le fait que cela fait partie de sa mission de laisser des humains souffrir avec lui. Bien que sa mission soit une mission de joie, il ne peut partager sa joie la plus haute que sous la forme de laisser les humains souffrir avec lui. En renvoyant sa Mère, le Fils souffre lui-même plus profondément, il souffre de ce qu’il doit lui donner de porter la souffrance avec lui et il ressent comme une exigence démesurée qu’il doive le faire (NB 9, n° 1992).

 

198. Porter les pécheurs avec le Fils

Avant la croix, il y a une sorte de justice qui sépare en quelque sorte Marie des pécheurs. Quelque chose qui a des rapports avec l’ancienne Alliance. Après la croix, cela est supprimé. Dès que le Fils porte avec les pécheurs, il est exclu que la Mère ne porte pas avec lui. Qui passe du judaïsme au christianisme passe de la “justice” aux “pécheurs”. On ne peut pas contraindre un Juif juste à se compter parmi les pécheurs. Le chrétien, lui, est tout de suite plongé parmi les pécheurs. La croix est la grande confession publique, au fond l’unique confession publique, catholique, tout à fait vraie ; le Fils la fait, la Mère est là et elle ne se dérobe pas (NB 9, n° 2034).

 

199. Associée aux souffrances du Fils

Au début de la Passion, Marie sait que le Fils, qui est Dieu, l'associera d'une manière ou d'une autre à ses souffrances. Elle sait aussi qu'elle doit être là lors de l'action mystérieuse qu'il accomplit pour elle. Que même si c'est le Fils qui l'accomplit, elle, la Mère, qui est purement un être humain, doit d'autant plus collaborer. Elle est associée d'une manière qu'elle ne comprend pas. Elle ne sait pas qu'elle aussi est tirée vers l'avant par le fait qu'il progresse (NB 1/2, 177).

 

200. Porter avec son Fils le péché du monde

On peut quitter une pièce en sortant tout simplement. Mais on peut aussi la quitter en en retenant tous les détails, en les gravant dans sa mémoire, pour l'emporter en esprit totalement. Le Seigneur ne quitte pas le monde en s'en allant tout simplement. Il retient tout : il remarque l'état des larrons à côté de lui, l'état de la foule qui se moque de lui, etc. Il rassemble. Et le fait qu'il rassemble a un caractère objectif, absolu. Si je vous voyais ce soir pour la dernière fois, j'essaierais de graver encore dans ma mémoire autant de choses qu'il est possible, et des choses essentielles ; et l'essentiel je me le laisserais préciser par vous plutôt que de le choisir moi-même. Non pas comme dans une gare lors du départ du train où, le plus souvent, on dit des choses banales. Ainsi le Seigneur retient l'essentiel qui est autour de lui. Marie et Jean en font partie. Il voit combien le péché les tourmente. Il rassemble aussi ce qu'ils doivent porter. La souffrance de sa Mère n'est pas surtout compassion avec son Fils souffrant, elle porte avec son Fils ce que porte celui-ci pour le péché du monde (NB 3,260).

 

201. Marie participe à la croix

Marie participe tellement à la croix qu'elle accompagne là son Fils, elle n'a pas seulement une vue sur la croix du Fils et elle ne participe pas seulement à sa souffrance, elle apporte elle-même quelque chose de personnel. Il y a en elle un effroi terrible devant le péché et les pécheurs. Il y a pour elle maintenant comme un risque extrême avec le danger de se détourner des hommes parce que, en tant que pécheurs, ils font cela au Fils. Elle ne voit plus la détresse des hommes en tant qu’elle est liée à leur péché mais là où ils le commettent. Elle s'acquitte de sa participation à la croix et c'est dans cette solitude qu'elle voit la mort. Elle a sous les yeux la mort de son Fils : une mort provoquée par le péché, soufferte comme un châtiment de Dieu, une mort qu'elle vit comme sa propre mort et à laquelle elle survit (NB 1/2, 203).

 

202. Associée à la Passion

A la croix, Marie reçoit un nouveau rôle. Elle n'est pas seulement une mère ordinaire qui perd son fils humain et l'assiste à l'heure de sa mort. Dans la foi et dans l'obéissance à son Fils, qui est Dieu, conformément à sa volonté, elle est en outre associée à sa Passion de manière surnaturelle. Mais à présent cette solidarité s'exprime justement par le fait que le Fils, dans son abandon, est inaccessible pour la Mère. C'est pourquoi elle doit passer par quelque chose qui paraît tout d'abord sans issue bien que cela provienne du mystère du Fils. Marie est placée au beau milieu du feu qui consume le péché du monde. Elle l’éprouve dans son âme et elle le voit dans son Fils mourant. Elle est introduite dans ce feu dans lequel, plus tard, le Fils introduira aussi les autres, les pécheurs. Mais à la différence de tous ceux qui, plus tard, passeront dans le feu purifiant, elle n'a commis aucun péché et elle souffre absolument en même temps que le Seigneur. C’est en elle que pour la première fois l’effet du feu de la rédemption est testé par le Fils qui, souffrant lui-même, se trouve placé face à ce qui se passe en elle sans y participer apparemment. Mais parce qu'elle est sans péché et que le feu qui brûle en elle a cependant la force d'un feu purificateur, dès le début il brûle en elle pour les autres. De cette force, elle ne voit rien maintenant; elle ne la verra que lorsque le Fils sera visible à nouveau pour elle : à Pâques (NB 1/2, 178).

 

203. Associée à la mort de son Fils

Autrefois Marie a façonné corporellement de son corps l’humanité du Fils et elle lui a donné le jour. Maintenant elle va mourir de la mort de son Fils. Pour cela, il n’y a plus de parallèle humain. Le Fils n’est pas le meurtrier de sa mère, mais il la prend avec lui dans sa mort. Cela se passe en dehors de toutes les lois humaines. Il peut arriver qu’un amoureux tue sa fiancée et se suicide ensuite : c’est une affaire humaine qui peut témoigner une certaine grandeur peut-être. Mais l’association de la Mère à la mort du Fils, ce n’est pas un chemin purement humain qui y conduit. Plus tard les martyrs aussi seront associés à la mort du Fils et eux aussi diront oui à leur mort. Mais ce sera une mort corporelle. Pour Marie par contre c’est une mort de l’âme, la fin vécue avec le Fils de tout ce qui est au Fils, de tout ce qui était en lui. Et celui qui est humilié, ce n’est pas seulement un homme qui, dans une mort de criminel, doit abandonner inachevés sa vie et ses œuvres et ses plans. Il est Dieu, sa mort est la mort de celui qui est Dieu et qui en même temps perd apparemment sa mission dans sa mort. Ses paroles et ses enseignements ne sont plus compréhensibles parce qu’à présent il meurt. C’est dans ce plus qu’humain que la Mère est prise même s’il est totalement caché et incompréhensible pour elle-même. Seuls le Père et l’Esprit voient ce qui se passe. L’Esprit, qui est rendu au Père par le Fils, porte au Père la corédemption de Marie de même qu’il porta à Marie la semence de Dieu. C’est un événement qui se passe dans l’obscurité tout comme aussi ce fut dans l’obscurité que l’Esprit la couvrit de son ombre. Dans son oui déjà il restait bien du mystère. Mais tout, le difficile comme le beau, était étroitement uni au beau mystère qu’elle pût donner au monde le Messie. Maintenant par contre tout est étroitement uni au mystère affreux : elle doit perdre son Fils unique qui est Dieu et maintenant précisément, en cet instant, en ce moment présent qui engloutit tout inexorablement, l’avenir et le passé, et qui ne laisse subsister d’autre sens que cette perte. Une perte humaine, mais dans le cadre d’un oui donné à Dieu, et donc dans une atmosphère d’élévation divine auquel en soi on n’a accès que dans la prière, mais qui à présent a été rendue au ciel avec l’Esprit. Et pourtant dans une attitude qui est conditionnée par la prière, par les relations avec le Fils, par le oui, par la prérédemption. Tellement conditionnée par tout ce qui est donné à Dieu que la Mère est libérée pour la corédemption, que la force qui surgit ici ne reste pas liée personnellement et humainement à Marie, mais retourne aussitôt tout entière à Dieu avec tous les effets possibles de son don d’elle-même, et Dieu la trouve incluse dans le don de lui-même du Fils, étroitement unie à l’œuvre accomplie par lui. Et c’est maintenant qu’est visible le parallèle avec la naissance : Marie a mis le Fils au monde dans sa rédemption, maintenant le Fils la met au monde dans sa corédemption. C’est comme une contrepartie (NB 1/2, 179-180).

 

204. Marie écrase le serpent

A sa mort, le Fils crie vers Dieu : "Pourquoi m'as-tu abandonné?" Par son cri d'abandon, le Seigneur s'ouvre l'accès à l'enfer. Il ouvre l'enfer par son cri. En entendant son cri, l'enfer est atteint à son talon d'Achille. Il est en principe vaincu par ce cri. C'est curieux parce que, dans notre représentation, l'enfer est si pécheur qu'il n'a pas d'oreille pour ce cri. Mais, par ce cri, le Fils montre qu'il est capable de porter plus de péché que l'enfer n'en peut contenir. Dieu triomphe du diable. Marie écrase le serpent (NB 3,210-211).

 

205. De la naissance à la mort de son Fils, Marie reste sa Mère

La Mère est présente à la croix, elle ne s’est pas refusée. Si elle avait refusé à un certain moment, le Fils pourrait peut-être l’avoir oubliée. Mais elle est allée avec lui, pas à pas, comme sa Mère. Et Mère, elle l’est par l’Esprit Saint, c’est pourquoi elle le reste par le même Esprit si bien qu’elle ne s’est pas éloignée de sa nature d’Homme Dieu, qu’elle ne s’en est pas séparée. Et ainsi elle est également liée à son état, à l’état de mort, non avec son œuvre d’abord, mais avec son être. L’œuvre a sa source dans l’être. Et dès le début sa maternité est tout à la fois spirituelle et corporelle, et elle commence grâce au surnaturel de l’apparition d’un ange ; seuls ceux qui s’écartent de leur mission perdent la grâce d’être accompagnés par le surnaturel qui était à l’origine de leur mission. Si le Fils l’a choisie pour être sa mère, elle le reste aussi quand il meurt ; il l’a choisie pour tout, et sa corédemption était déjà prévue et contenue dans sa prérédemption. Et ainsi elle était déjà corédemptrice quand elle l’a mis au monde. Son enfantement était un acte consacré au Fils pour qu’il accomplisse sa mission, un acte qui contenait comme sens sa mission tout à la fois divine et humaine. Et ce sens, Marie ne le perd pas. Elle reste sa Mère, qu’il soit présent en elle, qu’il sorte d’elle ou qu’il soit suspendu à la croix devant elle (NB 1/2, 180).

 

206. Marie expérimente la totale dureté de la croix

Le Seigneur dit : "Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font". La Mère ne le peut pas. Elle ne peut le comprendre parce qu'il y a un niveau de la souffrance divine qui est fermé aux hommes. Il revient aux hommes de faire l'expérience de toute la dureté du péché afin qu'à Pâques ils puissent avoir part à toute la grâce. La médiation de la Mère pour les hommes n'a été établie que plus tard. Cette médiation sera d'autant plus puissante qu'elle expérimente maintenant plus profondément la totale dureté de la croix. Ce qui lui est maintenant demandé, c'est l'acte d'abandon à ce qui est totalement incompréhensible. Ce n'est pas seulement le Fils qui meurt sur la croix, ce n'est pas seulement l'affaire intra-divine de la rédemption du monde, c'est aussi la volonté positive de Dieu que la Mère dise oui. Dans l'incompréhensible auquel elle se livre, l'Esprit est à l’œuvre, il façonne son esprit selon la volonté de Dieu (NB 1/2, 204-205).

 

207. Marie prend conscience inexorablement de la réalité de la mort de son Fils

Pour la Mère, le Fils est Dieu. Mais il est aussi son fils humain ; ces deux pensées étaient toujours vivantes en elle par la grâce, et le fait que le Fils était homme l'avait pour ainsi dire continuellement réconciliée avec les hommes. Il y avait sans doute les hommes pécheurs, mais il y avait aussi le Fils. Et sa splendeur était si grande que la Mère pouvait vivre avec les hommes dans son rayonnement. Plus tard, c'est aussi dans cette splendeur qu'elle pourra aussi mourir au milieu des hommes. Mais cette splendeur est pour elle celle de la foi vivante. Maintenant pourtant elle prend conscience inexorablement de la réalité de la mort de son Fils, une mort qui est un écrasement sous le poids du péché. Sa splendeur personnelle est vaincue par le péché des hommes ; celui-ci est si grand qu'il le fait mourir, lui le magnifique. Le péché est beaucoup plus concret que tout ce qu'on peut imaginer. C'est devant cette réalité terrible que la Mère est placée (NB 1/2 203-204).

 

208. Pour Marie, le vendredi saint, il n’y a plus d’issue

La mort du Fils sur la croix est la mort la plus inimaginable parce qu'elle inclut en elle toutes les morts. Elle a lieu certes en un lieu donné et à une heure précise, et cependant en même temps cette heure n'existe pas parce qu'elle efface tout autre chose. Et pour la Mère, le vendredi saint, tout d’un coup il n'y a plus ni but, ni issue ; dans l'absolu de la mort du Fils il y a comme une immersion du temps éternel dans le temps temporel. Et ainsi il n'y a pas de Pâques. L'événement occupe tout l'espace, il n'y a que la mort, une mort qui fait mourir tout le reste. On ne peut pas le dire autrement. Ce ne sont pas la foi, l'amour, l'espérance qui sont mortes, mais c'est la mort qui est si puissante qu'à côté d'elle il n'y a de place pour rien d'autre que pour la mort, et celle-ci inclut et aspire tellement tout en elle parce que ensuite elle renouvellera tout (NB 1/2, 205).

 

209. Marie est désemparée

Jusqu'à présent, Marie n'avait toujours vu les péchés que dans la lumière de la grâce, même si elle comprenait bien leur horreur, comme insulte à l'amour. Mais sa foi en son Fils lui disait : il sera plus fort que le péché et l'enfer. Maintenant qu'il est mort, elle ne sait plus si la mort n'était quand même pas plus forte que lui. Ce n'est pas un doute concernant la mission du Fils, concernant ce qu'il a fait, elle est ébranlée par la mort en relation avec le péché, ou bien par le péché à la lumière de la mort, par l'inutilité du combat. Mais elle-même ne met pas de point final, elle ne dit pas qu'elle ne veut pas aller plus loin, elle ne pense pas qu'elle pourrait désormais se livrer elle-même au péché. Le péché, même par sa victoire apparente, n'a reçu pour elle aucun pouvoir d'attraction. Elle comprend seulement que le péché est beaucoup plus puissant qu'elle ne le pensait ; elle se sent accablée. Et, dans sa tristesse pour son Fils, elle sent beaucoup moins ce qu'elle a perdu que ce qu'a perdu l'humanité, elle sent ce qu'ont d'inconcevable les plans de Dieu dans l'interruption de la mission. Ce n'est pas que la foi soit perdue pour elle, c'est qu'elle ne voit plus rien. Toute sa vie, une vue l'avait accompagnée, offerte par l'ange qui lui avait donné beaucoup de pensées et d'intuitions et d'assurances, de la lumière intérieure dans la prière et dans la docilité, dans la joie et l'adoration. Maintenant non plus elle n'est pas désobéissante, il n'y a pas de révolte en elle, mais toutes les lettres du mot "obéissance" sont pour elle mélangées si bien qu'elle ne reconnaît plus sa nature. Elle est désemparée (NB 3,316-317).

 

210. Co-responsabilité dans l’œuvre du Fils

Marie avait tout d’abord fait l’expérience de l’accomplissement des promesses, et cela était si plein de grâce et si comblant que cela ne permettait pas encore totalement de regarder l’avenir. Puis vient le moment où la grâce doit se cacher. Elle ne diminue pas ; au contraire elle grandit du fait qu’est demandée à la Mère une co-responsabilité dans l’œuvre du Fils. Elle porte avec lui, elle souffre. Le Fils lui laisse la liberté de le faire comme elle le juge bon. Il ne lui prescrit rien ; elle comprend elle-même qu’elle doit tout lire en lui et elle en est capable aussi parce qu’elle l’aime. Celle-ci lui permet de voir en tout ce qu’il fait le sens divin. Lui-même sur la croix rendra tellement tout au Père qu’il ne verra plus le but de la croix, il ne verra plus que ce qu’elle a d’épouvantablement lourd. Et la co-responsabilité de la Mère la conduit à ne plus saisir que le Fils est content de ce qu’elle fait. C’est un tout petit parallèle à l’obscurité de la croix. Elle a le droit non seulement de participer extérieurement à sa Passion, quand elle voit et éprouve avec lui le crucifiement, les moqueries du peuple, etc. ; mais elle doit expérimenter aussi quelque chose de ce qu’il éprouve intérieurement. C’est justement ainsi qu’elle fait l’expérience de sa souffrance. Mais Marie n’a pas le droit d’avoir le sentiment qu’elle retire quelque chose au Fils par sa compassion. Elle doit apprendre qu’il y a dans la Passion de son Fils des choses qu’elle ne comprend pas, dont elle semble même exclue (NB 9, n° 1992).

 

211. Prérédemption et corédemption

Marie, celle qui a été rachetée à l'avance, parce qu'elle est dans le plan de Dieu, est déjà active. Pour cette raison elle représente une rencontre unique de la création et de la prérédemption. Un père humain peut dire : je voudrais que mon fils devienne médecin ; dès sa naissance j'ai tout fait pour que cela se réalise. Mais ensuite, naturellement, le fils est toujours libre de faire autre chose. Mais quand Dieu le Père commence avec Marie et sa prérédemption, la réalisation de son plan est pour ainsi dire déjà là aussi avec elle. Ce qui est absolument sûr, c'est qu'à l'avenir elle fera partie du ciel, que sa place y est déjà assurée lors de la création du ciel. Elle n'est pas rachetée à l'avance uniquement par la pensée et par l'idée, mais effectivement et réellement. C'est un fait avec des conséquences réelles. Dans la vie éternelle, il y a des choses de ce genre, des plus concrètes. Et c'est ainsi que quelque que chose d'elle est déjà là à la création du monde ; ses qualités ne sont pas là sans appartenir à quelqu'un, elles sont les siennes dès le début. Elle a sa place dans le processus de la création du monde, et cela en sa qualité de corédemptrice. L'idée de corédemption est "plus ancienne" que celle de prérédemption, celle-ci est une conséquence de la première, un moyen en vue d'un but (NB 1/2, 145).

 

212. Porter le châtiment des hommes

Étant orientée vers le Fils, Marie veut ce qu'il veut, elle se tient à la disposition de sa volonté de porter le châtiment des hommes. A partir d'ici on peut dire, en élargissant, que quiconque est de bonne volonté et est d'accord pour participer au châtiment de tous durant sa vie peut y avoir part de telle sorte que le Fils peut, par grâce, lui en offrir quelque chose. En Marie comme corédemptrice se trouve la clef principale de la compréhension de notre collaboration avec le Seigneur. L'accord de Marie avec toute la volonté du Seigneur ouvre des aperçus qui restent fermés d'habitude par notre état de pécheur. Le titre bien compris de corédemptrice serait capable de procurer à notre compréhension et à notre amour une vitalité toute nouvelle et de mettre un terme à nos restrictions pusillanimes. Dans le cercle le plus restreint de l’œuvre de la rédemption se trouvent Marie - la Mère -, Madeleine, Marie de Béthanie, Jean. Même si à la croix Madeleine représente d'abord les pécheurs pardonnés, le fait qu’elle soit sauvée n'est cependant pas purement passif. Jean est l'ami humain ; et comme sur la croix le Seigneur est avant tout homme, il est requis de l'homme qui est son ami d'être là avec lui (NB 3,198-201).

 

213. Une substance qui produit un effet dans l'œuvre de la rédemption

Si Ève devint désobéissante de son propre gré, Marie est introduite dans la liberté d'obéissance de son Fils. C'est le Fils qui agit, Marie ne fait que consentir. Si le Fils est obéissant au Père jusque dans la mort, il jette activement dans la rédemption l'acte de son obéissance. Quand Marie donne son consentement en obéissant, elle le fait dans la mesure où le Fils l'entraîne dans son obéissance, dans un laisser faire qui laisse au Fils toute l'action, dans la passivité de la corédemption. Ainsi la mort du Fils, en tant que drame, on peut la reconnaître aussi extérieurement comme action tandis que la souffrance de la Mère demeure voilée, parce qu'elle a sa manière d'obéir : dans la corédemption aussi elle laisse faire. De même qu'elle laisse agir le Fils, de même elle laisse se faire par elle ce qui dépasse de beaucoup ses possibilités humaines et sans percevoir ce qui se passe. C'est par le même laisser faire - et justement le laisser faire de la croix dont le fruit apparaissait déjà dans l'ancienne Alliance - que quelque chose de la substance de la Mère est passé dans l'ancienne Alliance. Une fois de plus on doit abandonner toutes les considérations de temps. En raison d'une prière faite aujourd'hui, Dieu peut corriger quelque chose qui s'est passé il y a des milliers d'années, de même qu'il peut faire s'ouvrir et se remplir de sens un passage de l'Ancien Testament auquel on n'avait jamais prêté attention, qu'on n'avait jamais compris. Il est essentiel - et c'est le fondement de la compréhension de toute la corédemption de Marie - que le Fils dispose d'elle d'une manière divine, absolument au-delà de ce qui se trouvait dans la nature de Marie mais aussi dans sa conscience, il est essentiel qu'il utilise son oui de la manière qui lui plaît, essentiel qu'il donne à son oui son poids divin, pour le répartir dans les temps passés et futurs. Si, au pied de la croix, on demandait à la Mère ce qu'elle fait pour aider son Fils, elle répondrait peut-être : essayer de donner tout ce dont il a besoin, lui offrir toute la force de la foi, ne pas être pour lui un obstacle, aller où il veut que je sois. Mais ce qu'elle sait n'épuise pas, loin de là, ce que le Fils en fait : de ses souffrances humaines de mère il fait une substance qui produit un effet dans l'œuvre de la rédemption (NB 1/2, 169-170).

 

214. Une purification à la disposition de Dieu

Une purification sans faute personnelle ne peut être qu'une purification à la disposition de Dieu. C’est dans cette purification que Marie devient corédemptrice. Non qu'elle devrait mériter pour elle-même à la croix la grâce d'être la pré-rachetée. Sa souffrance n'est pas utilisée à cette fin. Dès le début elle est libre. Elle n’est pas pré-rachetée par la corédemption, c’est parce qu’elle est pré-rachetée qu’elle devient corédemptrice. La prérédemption est un don parfaitement libre de la grâce de Dieu qui est la condition pour tout ce qui va suivre. Maintenant par contre elle doit mériter pour être davantage associée. Et à vrai dire de deux côtés. Dans le cadre de sa relation au Fils, elle doit mériter sans voir l’effet de ce mérite. Dans son feu qui consume tout, le Fils consume pour ainsi dire aussi tout ce qui appartient à sa mère. Il la consume entièrement, sans ménagement, dans une humiliation totale. La position de Marie est parallèle à la remise de l’Esprit à Dieu par le Fils : c’est l’abandon volontaire de tout ce qu’elle possède. Elle est appauvrie au-delà de toutes les limites de la pauvreté. Elle est totalement consommée pour être totalement associée. A l’Annonciation, elle dut se donner pour devenir mère. On vit un fruit. Maintenant par contre, c’est le pur sacrifice qui va bien au-delà de tout ce qui semblait requis par son oui et qui cependant n’aurait pas été possible sans le oui (NB 1/2, 178-179).

 

215. Marie prend sur elle le péché

Le Fils rachète la Mère sur la croix. A ce moment-là, il la considère, en ce qui concerne la rédemption, comme quelqu’un qui n’est pas racheté. Afin qu’elle puisse devenir médiatrice de toutes les grâces, afin qu’elle devienne corédemptrice, il doit la rendre anonyme, la replacer dans la masse de ceux qui doivent être sauvés. Immaculée, elle l’est en raison d’un mérite anticipé du Fils, que le Père reconnaît et qu’il considère comme déjà réalisé. Mais à la croix elle n’est pas rachetée comme quelqu’un qui n’a pas péché ; elle doit perdre là son visage de non pécheresse afin que la rédemption opère en elle comme dans les autres avec le plus de la faveur de la corédemption parce que, comme le Fils, elle "prend sur elle le péché" (NB 1/2, 181).

 

216. Marie et la Rédemption

Le Fils n'a pas besoin de souffrir pour sa Mère, qui n'a pas péché (NB 3,198).

 

217. Marie et le péché du monde

Marie ne se confesse pas, elle n'a pas de péché à reconnaître. Et pourtant elle participe à la confession d'une manière essentielle et, pour tous les âges de l’Église, elle reste intimement liée au sacrement de pénitence. De la manière la plus évidente elle est au nombre de tous les humains ; ce qu'elle sait ou pressent du fait qu'elle a été rachetée à l'avance, ou ce qu'elle ne sait pas, elle ne s'en soucie vraiment pas parce qu'elle ne se fait aucune idée d'elle-même, elle ne réfléchit pas sur elle-même, elle consacre toutes ses forces à aimer. Le péché de son entourage, elle le voit comme un être foncièrement bon qui est troublé par les forfaits des autres et qui se demande ce qu'il peut faire pour s'y opposer. Mais du fait qu'elle a été rachetée à l'avance, elle a en elle, au fond depuis toujours, la réponse : être telle que Dieu le Père la veut ; être celle qui devient la Mère du Fils et qui représente pour lui refuge et abri. Être celle qui en tant qu'être humain vit en dehors du péché et qui pourtant ne se referme pas du tout sur elle-même. Elle veut comprendre et elle comprend au pied de la croix ce qu'est le péché en vérité : quelque chose qui se révolte contre l'amour trinitaire de Dieu. Maintenant elle le voit clairement ; elle souffre avec le Fils. Elle souffre avec lui de manière si étroite qu'elle ressent le péché d'une manière directe sans aucun doute. En remettant au Fils la relation qu'elle a au péché et par les souffrances de la croix elle apprend la nature et la puissance du péché, elle crée quelque chose dans l’Église. Elle crée une sorte de résumé de toutes les confessions : la somme du repentir, la somme de la nécessité de recevoir l'absolution. Au pied de la croix, en tant que Mère qui souffre avec le Fils et en tant que rachetée à l'avance, elle est celle qui est particulièrement prête à souffrir, en même temps qu’Église. La croix ouvre en elle bien des choses qui auparavant n'étaient pas ouvertes parce que le Fils ne voulait pas que la relation de sa Mère au péché du monde ne soit réalisée autrement que par sa croix. Ainsi la croix est également un lien de plus par lequel le Fils lui est uni. Il souffre, et que la Mère souffre avec lui est la réponse qu'elle donne au péché du monde. Qu'elle souffre avec lui n'est aucunement une usurpation de ce que le Fils doit souffrir ; la distance qui la sépare de lui et la vénération qu'elle a pour lui sont beaucoup trop grandes pour cela. Qu'elle souffre avec lui est un cadeau du Fils qui lui donne aussi par là une compréhension beaucoup plus grande. C'est en même temps quelque chose de nouveau pour l’Église : Marie introduit quelque chose qui demeure son bien et qui cependant est prodigué dans toutes les confessions (NB 6,516-517).

 

218. Le Fils entraîne sa mère dans la rédemption

La rédemption a besoin de Marie comme corédemptrice. Et comme la rédemption engendre la véritable créature, le fait qu'elle soit elle aussi rachetée ne doit pas être séparé du fait qu'elle contribue aussi à la création. Certes Marie n'est pas là au jour de la première création. Mais il lui est donné de contribuer à la création quand il s'agit de corriger la création, quand il s'agit de relever Ève. Pour en être capable, elle est née sans le péché originel, dans la grâce qu'Adam et Ève possédaient avant leur chute, dans la grâce aussi que possède le Fils comme rédempteur et à laquelle il donne à sa Mère de participer. Mais pour la faire devenir réellement corédemptrice, le Fils doit disséminer déjà son être dans l'ancienne Alliance. Il ne veut pas seulement pouvoir remonter à Adam en lui, mais pouvoir remonter aussi à Ève en Marie. Ce n'est pas seulement l'homme qui doit être sauveur et sauvé, mais aussi la femme qui a été sauvée originellement et qui pour cette raison est corédemptrice. Et de même qu'Adam et Ève ont péché ensemble, ainsi le Fils et la Mère, sur un autre plan, doivent sauver ensemble ; ils placent l'œuvre de la rédemption là où s'est produite la chute. Ève a entraîné Adam dans le péché, et le Christ entraîne Marie dans la rédemption (NB 1/2, 169).

 

219. La mission de Marie et la mission du Fils

La mission de la Mère ouvre la voie à la mission du Fils. En accueillant le Fils, elle accueille sa mission ; la mission de la Mère est néanmoins tellement incluse dans celle du Fils qu'il se couperait de sa propre mission s'il se coupait de la mission de sa Mère. Si au mont des oliviers il éprouve de l'angoisse surtout pour sa Mère, ce n'est pas parce qu'elle pourrait pécher, mais pour qu'elle et sa mission en bénéficient. Et ce n'est qu'après avoir tremblé pour elle qu'elle pourra lui donner à la croix son propre tremblement sous une autre forme, préparée totalement pour sa mission à lui. Parce qu'il a souffert d'abord pour elle, elle est autorisée à souffrir ensuite avec lui. A la croix, elle sera dans la crainte et le tremblement, non seulement du fait qu'elle est sa mère humaine, mais parce qu'elle a une mission avec lui. Et elle a une mission avec lui parce qu'elle a tout d'abord porté la mission du Fils. Elle ouvre ensuite à la croix ce qu'il avait d'abord ouvert pour elle au mont des oliviers : la possibilité pour les croyants de souffrir avec le Fils (NB 1/2, 175-176).

 

220. Marie vidée par la souffrance

Marie est comme complètement vidée par la souffrance. Cette souffrance n'est pas désespoir, mais vide. Elle n'est plus capable que d'une souffrance qu'elle ne domine pas. C'est moins la souffrance d'avoir perdu le Fils qu'une sorte de somme et d'essence de la croix qui a été subie, une souffrance objectivée, faite de tous les éléments que le Fils a subis. C'est ainsi comme une nouvelle connaissance du Fils à partir de la souffrance. Elle souffre pour ce qu'il a souffert. Sa maternité, toutes ses relations humaines avec le Fils, son oui à l'ange pour le Fils sont comme mis entre parenthèses et mis au second plan, elle souffre pour le Fils divin qui a porté tout ceci sur la croix pour nos péchés. Mais nos péchés n'existent pas là en eux-mêmes, comme péchés particuliers ou comme somme, ils ne sont plus là que par la souffrance du Fils. En s'oubliant elle-même pour ne plus se rappeler que la souffrance du Fils, quelque chose de nouveau devient vivant dans la Mère. Parce qu'elle ressent ce qu'il a ressenti, elle est associée au but de sa souffrance : la rédemption du monde (NB 1/2, 205-206).

 

221. Marie perçoit la nécessité de cette souffrance

La souffrance de Marie est une souffrance entre compréhension et non compréhension ; elle doit y persévérer, s'y exposer, y participer. Dans son oui à l’ange elle était libre : libre de l'exprimer et de lui rester fidèle. Mais la mort du Fils lui a enlevé la libre possibilité de décision ; on dispose tellement d'elle maintenant que cette souffrance reste en elle comme un bloc impersonnel qui la travaille comme si elle était devenue elle-même si impersonnelle qu'on n'a plus besoin de tenir compte d'elle, de sa personne, de la vierge, de la mère. C'est aussi une intelligence plus pénétrante de la nécessité objective de la rédemption par le Fils. Si elle était libre en ce moment, elle devrait dire un nouveau oui. Elle devrait dire oui au passé, dire oui au sacrifice du Fils. Mais maintenant le Fils est descendu aux enfers ; la Mère ne voit pas les enfers, mais elle regarde douloureusement l'œuvre accomplie. Elle voit objectivement le bloc du péché. Sa souffrance va du Fils au monde. Elle éprouve ce que le Fils a souffert, elle souffre donc maintenant pour le monde. Dans une grande compassion pour la souffrance du Fils, mais aussi en comprenant la nécessité inexorable de cette souffrance. Par son oui, elle est devenue la Mère du Seigneur ; par cette compréhension de la nécessité de sa croix, elle devient corédemptrice. Sa corédemption, qui était décidée depuis toujours, est au-delà de ses forces et elle n’en dispose pas elle-même (NB 1/2, 206-207).

 

222. Rencontrer la souffrance de Marie

La souffrance de Marie. Pour beaucoup, le Christ est trop loin ; Marie par contre est un être humain comme nous, élevé par la grâce. Mon désir du Seigneur n'est pas évident pour moi, mais tout devient clair pour moi quand je vois Marie souffrir. Et ainsi, par la médiation de sa souffrance, j'arrive au Seigneur. Cela ne vaut pas seulement pour des gens qui ont pour le Seigneur de vagues désirs ou des sentiments médiocres, cela peut valoir aussi pour des saints dont la sainteté et la mission étaient en quelque sorte latentes jusqu'au jour où ils rencontrèrent la souffrance de Marie et ont pris au sérieux leur mission en présence de la sienne. Leurs pensées étaient déjà chrétiennes, mais la rencontre de la Mère leur ouvre les chemins de leur mission (NB 10, n° 2350).

 

223. Marie est transpercée au pied de la croix

Quand Marie rencontre l'ange, elle ne sait pas encore ce qu'est la douleur malgré sa connaissance de la vie. Elle est ingénue, son corps est comme un lieu neutre indifférent. Aucun désir en lui, aucun manque d'accomplissement non plus, pas de trop-plein. Et quand elle a conçu et qu'elle attend l'enfant, elle se réjouit corporellement au fond d'avoir un corps qu'elle peut offrir au Fils comme un lieu. Non seulement être esprit et obéissance et foi, mais être un lieu corporel. Elle a des bras pour le porter, des seins pour l'allaiter, une voix pour lui parler, des yeux pour le voir, des oreilles pour l'entendre, des traits qu'il reconnaîtra comme étant ceux de sa mère... Puis viennent les souffrances. Elle est transpercée au pied de la croix. Comme la femme qu'elle est, elle endure les souffrances avec son Fils. Et ces souffrances, elles les ressent au fond plus douloureusement qu'elles ne le sont, d'une manière plus insupportable qu'elles devraient l'être, parce qu'elle a part à sa manière divino-humaine de souffrir, parce que le toujours- plus de ses souffrances à lui lui est pour ainsi dire prêté. Et cela va de soi par suite de son oui. De ce fait, presque dans une indifférence en ce qui la concerne, car toute la souffrance est en lui, et parce que cela relève de sa décision trinitaire, tout est bien. Et mieux encore que le "bien" de la création parce que c'est le "bien" de la rédemption (NB 3,250).

 

224. Un oui de douleur

A l'instant où Marie dit oui, il est clair pour elle qu'elle souffrira. Que toute sa virginité ne sert qu'à être plus sensible à la douleur, qu'à pouvoir être labourée plus profondément. De sorte qu'elle ne sera plus qu'une unique douleur : pour le Fils, pour le monde, pour tous nos péchés. Quand ensuite elle est transpercée, elle se souvient : c'est cela qu'elle a attendu depuis toujours. C'est la raison dernière du oui que l'ange lui a demandé, ce qui se réalise maintenant ; c'était finalement un oui de douleur, d'affaiblissement, un oui à l'impossibilité de se comprendre encore soi-même (NB 3,252).

 

225. L’extrême limite des douleurs

En observant ainsi les hommes, le Père et l'Esprit regardent aussi Marie. De quels sacrifices est capable l'Immaculée ? Quelle est son attitude vis-à-vis de ces sacrifices. De quelle manière les porte-t-elle ? Comment les rend-elle au Père ? A quel point elle peut être sans importance à ses propres yeux ? A quel point elle fera peu de cas de son corps, de ses souffrances ? Mais, après ce diminuendo, il y a à nouveau la possibilité du crescendo : évaluer combien son corps et son âme pourront porter. Où serait atteint le seuil de ce qui ne serait plus raisonnable ? L'extrême faiblesse, l'extrême limite des douleurs ? (NB 3,253).

 

226. Dans la nuit du vendredi au samedi saint

Quelque part, Marie est assise les mains jointes. Elle prie. Elle prie parfaitement. Dans sa douleur et aussi dans les douleurs du fait qu'elle est l’Église. Des choses qui sont extrêmement précieuses parce qu'elles lui appartiennent totalement, mais elle ne le sait pas parce qu'elle les donne. Ce n'est encore que pour elle qu'elle pleure et, par là, elle offre exactement ce qui a une grande valeur et ce que Dieu attend au ciel (NB 3,320).

 

227. Marie le samedi saint

Le silence de Marie le samedi saint. Le Seigneur fait quelque chose de si mystérieux quand il disparaît dans l'enfer et que fait défaut toute vue d'ensemble. D'où le silence. C'est surtout le silence de Marie à la porte de l'enfer. La Mère se tient donc en silence devant le mur. Ce silence de l'isolement, l'attente, l'ignorance, l'angoisse sont des suites de la croix. Non plus comme le vendredi saint une corédemption qui accompagne, mais dans une nouvelle espèce de solitude. Cette solitude est un sort voulu, choisi, qui a ses racines dans la croix ; en elle-même, elle n'est pas la continuation de la croix mais quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau. Une participation qui serait impensable sans la croix, mais qui conduit au-delà de toute compréhension. Comme une ultime pauvreté, une ultime pureté, une ultime obéissance. Et puis vient le mur qui sépare la Mère de l'enfer. Elle n'est pas dans l'enfer, elle se tient dehors ; dans l'enfer il y a le mal qui ne peut plus avoir d'effets, mais la Mère ne sait pas ce qu'il en adviendra. Elle sait seulement que cela aboutit à un face à face entre le péché et son Fils. Et pourtant ce n'est pas un combat, mais quelque chose d'inexplicable, d'inconnu. Et maintenant la Mère a comme une vision. Ce n'est pas une vision en images, c'est une vision qui n'est que pensée, imaginée. Elle pense au péché, mais comme elle peut penser au péché en tant qu'Immaculée, en tant que Vierge sans souillure et comme quelqu'un qui est moralement virginal, comme celle à qui manque l'expérience du péché du monde. Elle sait seulement que le péché existe, car le Fils est bien mort à cause du péché et par le péché. Hier elle a expérimenté la puissance du péché sur son Fils. Elle a souffert avec lui, elle a compati, elle a pleuré, elle a été touchée avec son Fils par le péché aussi fort qu'il est possible de l'être à un être humain sans péché. Aujourd'hui tout est absolument différent. Elle est à nouveau dans l'angoisse pour son Fils, car il a affaire encore une fois avec le péché. Mais d'une manière qu'elle ne peut plus comprendre par la compassion. En tant que Mère du Fils elle sait deux sortes de choses par sa mort : qu'il est mort sur la croix, qu'elle lui a dit adieu ; mais parce quelle est sa mère, elle sait en même temps qu'il va vivre dans le Père. Au milieu de sa désolation elle sait quelque chose de la résurrection. Elle ne la connaît pas, elle ne l'imagine pas, mais elle a un savoir. Il en était ainsi hier. Aujourd'hui la mort comme la résurrection ont cessé d'exister. Aujourd'hui il n'y a que le Fils qui séjourne au milieu du péché. Et ce péché n'a plus aucun rapport avec la foi chrétienne de Marie, ce n'est plus un péché qui serait dirigé contre son Fils, qui serait saisissable, qui pourrait être vaincu par la Passion, dont on pourrait évaluer la somme par la Passion, mais quelque chose d'informe, d'absolu. Et Marie est là et elle attend et elle tremble et elle est sans consolation, mais ce n'est pas l'absence de consolation de celui qui a perdu la consolation ou qui sait qu'une consolation est possible ; c'est l'absence de consolation de celui pour qui aucune consolation n'existe (NB 3,139-140).

 

228. La solitude de Marie le samedi saint

Marie a sa solitude particulière : elle est rachetée à l'avance, elle n'a absolument aucune part personnelle au péché du monde. De même par exemple qu'un blanc au milieu de noirs se croit solitaire, ainsi elle au milieu des pécheurs. Dans le secret de son esprit, elle possède quelque chose qui l'isole ; après la mort de son Fils, elle devient encore plus solitaire parce que Jean non plus ne peut pas comprendre ce par quoi elle passe : que son Fils soit enlevé par le péché auquel elle n'a aucune part si ce n'est qu'elle porte aussi les souffrances. Et tout ce qu'elle ne peut pas comprendre dans sa solitude rend sa solitude obscure et pénible parce qu'elle n'entend plus la réponse du Fils à ses questions. Quand elle cherche son Fils âgé de douze ans ou qu'elle va rendre visite à son Fils prédicateur, elle connaît toujours en quelque sorte une réponse dans sa prière. Dans la Passion et le samedi saint, cette réponse intérieure aussi tarit. Parce qu’elle n’a pas de péché, elle doit aller aussi loin que possible pour porter et ne pas comprendre. La foi et l'espérance sont repoussées tout à fait à l'arrière-plan ; l'amour doit faire ses preuves en tant qu'amour là même où son objet lui échappe ; le Fils est mort, et le Fils était l'origine de son amour, elle l'aimait sans le savoir avant même la visite de l'ange. Sa foi est maintenant une réponse à son enfer, toute son attitude dans la souffrance est la réponse qu'elle lui donne (NB 3,323-324).

 

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6. PÂQUES ET PENTECÔTE

 

229. Marie et la résurrection

Marie a senti la résurrection comme une naissance. Non en son corps qui a mis au monde le Fils, mais en esprit. Avec la joie particulière d'une mère quand son enfant est vivant, bouge, crie. Tout cela aussi dans une sorte de soudaineté et un sentiment qui jaillit comme pour une naissance (NB 3,177).

 

230. Résurrection et mystère

Si Dieu Trinité est seul témoin de la résurrection du Fils, et si Marie qui est pourtant si proche du Fils est placée devant le fait accompli et qu'auparavant elle n'en croyait et n'en savait quelque chose qu'en raison de la promesse, Dieu montre par là qu'il confie à Marie comme à l’Église des mystères qui doivent rester tels. Elle doit croire comme cela lui a été offert ; il y a des choses qui ne s’expliquent que par le mystère. Mais mystère ne veut pas dire simplement obscurité ; la raison reconnaît sans doute qu'il y a là un sens, mais elle doit en laisser la connaissance à Dieu en fin de compte ; elle comprend qu'elle ne comprend pas ce qui pour Dieu est compréhensible et qu'elle doit se contenter de savoir la véracité du mystère. Marie a vécu d'innombrables fois de telles limites (NB 10, n° 2281).

 

231. Marie la première à avoir reçu la visite du Ressuscité

Adrienne dit : Je pense que saint Ignace a tout à fait raison : l’Écriture suppose que nous avons du bon sens et que Marie est la première à avoir reçu la visite du Ressuscité. Mais il suffit de le savoir, on n'a pas besoin d'en donner une description détaillée, cela n'a rien à faire avec l'intelligence de la foi (NB 5,187).

 

Dès que le Seigneur est ressuscité corporellement sur la terre, il apparaît aussi à sa Mère (NB 3,65).

 

232. Marie et la Pentecôte

La Pentecôte est une fête à laquelle on n'arrive que par les épreuves supportées en suivant le Christ au temps de sa Passion ; on ne peut pas supprimer ces conditions. Plus l'expérience de la Pentecôte est pleine, plus aussi sa condition doit avoir été remplie profondément, plus le temps de la Passion doit avoir été vécu à fond. Marie et Jean ressentiront leur joie dans l'Esprit d'autant plus candidement et d'autant plus pleinement qu'ils ont participé plus profondément aussi à la croix du Seigneur (NB 5,146).

 

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7. ASSOMPTION

 

233. Marie devant sa mort

Marie sait d'une certaine manière que le temps est venu pour elle de mourir. Dans l'attente de sa mort, il y a beaucoup de lumière tamisée : rien de triste, rien non plus de glorieux. La confiance pleine de foi qu'elle a en son Fils est illimitée, mais elle a quand même son expérience humaine, elle a vécu parmi des pécheurs et des saints, elle a accompagné le Fils dans les bons et les mauvais jours, elle a vécu avec lui sa mort, sa Résurrection, son Ascension, elle a vu à la Pentecôte sa promesse se réaliser. Mais en de nombreux jours gris elle a aussi appris à connaître les misères de la terre, beaucoup de choses qui étaient contre Dieu, elle en a souffert, elle les a recommandées au Fils dans la prière et elle n'a pourtant pas fait l'expérience que cela avait changé essentiellement. Dès maintenant déjà elle était médiatrice des grâces dans sa prière et elle dut pourtant apprendre à quel point les choses de ce monde sont embrouillées et mal engagées. Et voilà qu'elle doit mourir. Il y a certes d'un côté l'espérance d'être toute proche du Fils, d'aller dans le royaume du Père et de l'Esprit. Mais de l'autre côté il y a aussi cependant pour elle quelque chose de difficile : devoir abandonner les petites choses commencées et sa grande tâche. Et même si elle ne réfléchit pas et ne veut pas savoir d'avance comment ce sera là-haut, elle ne peut pourtant pas ne pas voir le fardeau du présent : elle a des responsabilités, elle n'a pas le droit de mettre elle-même un point final là où Dieu ne veut pas encore en mettre. Elle ne doit nulle part fixer quelque chose qui proviendrait de sa propre volonté. Ce n'est pas facile et cela ne lui est pas non plus rendu facile. Ses pensées demeurent occupées aux tâches terrestres du Fils, à la rédemption qu'il a accomplie sur cette terre. Sa prière est extrêmement simple : abandon et gratitude, mais aussi porter ce qui est difficile. Toute son attitude est le pur contraire de l'irréflexion parce qu'elle veut prendre parfaitement au sérieux tout le terrestre et le pesant qui colle à ses talons (NB 10, n° 2340).

 

234. La mort de Marie

Lors de sa propre mort, une certaine vue sur toute sa mission depuis le début est donnée à Marie. Dans toutes ses souffrances, déjà dans les douleurs de l'enfantement, déjà dans son oui - où il y avait tout à la fois angoisse et confiance - la souffrance était chrétienne ; il n'y a aucun doute. Et maintenant elle comprend que tout ce qui était déjà bon et résolu, cela aussi avait toujours déjà été lui. Comme quelqu'un qui se sent protégé dans sa destinée : il ne sait pas qui l'aide, mais il ressent une puissance amicale ; à la fin il découvre : chaque fois c'était mon ami qui sans me le dire s'était totalement engagé pour moi. Ou comme si quelqu'un voyait ses dettes réglées par un inconnu, et à la fin il découvre qui c'était. C'est ainsi qu'à sa mort Marie saisit d'un seul coup d’œil que bien des choses qui la remplissaient de gratitude provenaient de son Fils. Et elle voit l'ensemble de l'œuvre de son Fils telle qu'il la lui montre : comme ne faisant qu'un avec sa propre mission. Elle comprend que la mission de son Fils était beaucoup plus puissante qu'elle se l'était imaginée, mais aussi que la sienne, depuis toujours, de toute éternité, était contenue dans celle de son Fils et que, par là même, sa propre mission provenait également de l'éternité et aboutissait à l'éternité. Et que c'était une disposition du Fils que son oui à elle soit un oui libre dans le cadre de leurs missions associées. Elle voit aussi maintenant le rapport entre la façade et l'arrière, et que tout mouvement est ouverture toujours plus grande sur le ciel (NB 1/2, 177).

 

235. Quand Marie arrive au ciel

Parce que Marie était ici-bas parfaitement pure et totalement ajustée à la volonté trinitaire de Dieu, les choses qu'elle connaissait déjà reçoivent pour elle au ciel une extension à l'infini. Elle fait l'expérience du ciel comme s'il était sa prière devenue visible. Le pécheur est purifié au purgatoire et il est alors à nouveau animé par l'Esprit Saint, mais bien qu'il soit un homme nouveau, il garde sa personnalité et, en arrivant au ciel, il peut donc dire en quelque sorte : "Je me l'étais imaginé autrement". Marie ne s'est rien "imaginé autrement", elle n'a aucunement besoin d'être transformée, le ciel est sa prière rendue visible parce que dès ici-bas chacune de ses pensées était chez elle une partie de sa prière. Elle n'avait rien imaginé de particulier, mais elle avait tout ouvert à l'unique représentation de la vie éternelle en Dieu. Si donc le Christ est le modèle (le paradigme) de la révélation de Dieu dans tout ce qui est créé, Marie est le modèle (le paradigme) de la créature qui est prête pour le ciel (NB 6,565-566).

 

236. Marie arrive au ciel, comme au lieu dont elle est originaire

Quand Marie est accueillie au ciel, cela se fait comme si, à cause de sa pureté et de sa sainteté, à cause de son amour pour Dieu et pour les hommes, et de l'amour de Dieu pour elle, il n'y avait pas de transition tranchée. Tout se développe seulement à partir du point d'où elle vient jusqu'à la parfaite vision du ciel. Au ciel, elle est tout de suite chez elle : elle se trouve auprès du Fils qu'elle connaît, elle se trouve dans tout un monde qu'elle connaît par principe depuis toujours par le Fils et par le oui qu'elle a donné. C'est un monde dans lequel elle reconnaît également aussitôt les promesses de l'ancienne Alliance et la voix prophétique de Dieu. Elle se sent là comme en son lieu de destination, comme si elle en était originaire, avec un étonnement, une admiration, une gratitude et un amour qui sont ses qualités particulières. Tout est simplement dilaté. Rien ne doit être changé, déplacé, rien ne doit être expié ou purgé, tout est confirmé tel que c'était. Malgré cela, il n'y a pas de confusion possible entre le ciel et la terre ; le ciel n'est pas la terre sur laquelle elle a vécu, il est le monde divin, mais elle est capable de le saisir tout de suite. Rien en lui ne lui est étranger, tout ce qui s'y trouve confirme ce qu'elle était depuis toujours et la comble. Il n'y a pas de choses nouvelles qui lui sont présentées à voir. Elle vient simplement chez elle, dans sa patrie au sens le plus strict, au lieu où elle est pleinement reconnue, où l'on sait et comprend qui elle est, ce qu'elle a fait, et où elle peut se reposer définitivement (NB 10, n° 2286).

 

237. Marie accueillie au ciel

Le Fils accueille sa mère dans le ciel non seulement en tant qu'elle est incorruptible parce qu'il n'y avait en elle rien d'impur, mais en tant qu’Église qui, telle qu'elle est, peut être éternisée. Son assomption corporelle, c'est-à-dire son assomption sans nouvelle transformation, est la preuve qu'elle doit rester telle qu'elle était et ceci est à nouveau un signe qu'elle était le lieu du Seigneur, c'est-à-dire l’Église. D'emblée, le Fils veut savoir en sécurité dans le ciel les prémices de la création rachetée et, comme premier fruit, il veut avoir auprès de lui la Mère-Eglise qui peut apparaître devant le Père sans être transformée, de même que le Père l'a reconnu lui-même comme son Fils éternel lors de son ascension dans sa forme humaine inchangée et l'a fait asseoir à sa droite. La relation créée ici-bas entre l’Époux et l’Épouse est si parfaite qu'elle peut être continuée tout de suite dans le ciel. Mais le titre d’Église revient à Marie comme le titre de Dieu revient au Fils de l'homme. Et le Fils reconnaît continuellement en Marie la volonté du Père accomplie comme le Père voit continuellement dans le Fils l'œuvre de la rédemption (NB 6,475-476).

 

238. Ascension du Fils et Assomption de Marie

Si, par l'assomption corporelle de Marie dans le ciel, n'avait pas été créé le pendant complémentaire de l'ascension corporelle du Fils, l'enseignement du Fils serait resté une idée. Pour peu de temps - environ trente-trois ans - il aurait donné à cette idée un caractère concret qui aurait cependant été totalement limité et conditionné par le temps. Par l'assomption corporelle de Marie, telle qu'elle est, dans le ciel, le Fils dépasse tous les intervalles de temps : non seulement il ouvre l'ère chrétienne, mais il lui donne sa consistance dans le ciel, qui ne cesse de nous rappeler ici-bas la consistance et le caractère concret de l’Église, si bien que nous ne sommes pas payés d'idées avec une foi qui resterait insaisissable, mais par le don du Seigneur nous recevons un lieu, un espace vital, une réalité qui, pour toute la vie, sont pour nous tout aussi réels que notre existence ici et maintenant, aussi réels que notre corps et que notre intérêt pour la foi chrétienne. L’Église est non moins concrète que je le suis moi-même (NB 6,477-478).

 

239. Assomption corporelle dans le ciel

La naissance du Fils du sein de Marie est en étroite relation avec son assomption corporelle dans le ciel. L'enfant a vécu corporellement dans son sein, après sa naissance il vit corporellement dans ses bras. Et à l'instant où la Mère meurt, son esprit quitte son corps pour rentrer tout de suite à nouveau dans ce corps ; il ne fait par là rien de déterminant parce qu'il était tout autant sans péché avant la mort qu'après. Notre corps par contre doit être transformé parce que nous sommes pécheurs ; autrement nous ne pouvons pas arriver à la résurrection. Pour Marie, la mort est quelque chose comme un symbole ; comme elle a vécu notre vie, elle doit aussi mourir de notre mort ; mais elle était sans péché, c'est pourquoi l'esprit peut reprendre tout de suite à lui le corps abandonné (NB 12,248).

 

240. Digne d'être accueillie dans le ciel

Quand Marie arrive au ciel, elle apporte avec elle une fécondité céleste. Il en est réellement ainsi. La fécondité qui lui a fait mettre le Fils de Dieu au monde provient du ciel : elle l'a aidée à trouver son chemin du ciel à la terre, mais en incluant sa fécondité féminine créée. Elle a porté le second Adam que le Créateur et l'Esprit lui ont remis ; elle l'a porté en un sens humain et divin : le Fils a apporté en elle la divinité, ce à quoi le Père et l'Esprit l'avait préparée. Et elle sait qu'en tant que mère humaine et accompagnatrice du Fils elle doit garder intact le mystère divin de sa conception, de sa grossesse, de la naissance. Elle n'a le droit de le réduire à néant ni par une désobéissance, ni par une impureté comme celles des premiers parents ; sa pureté doit permettre à son obéissance de continuer à se développer sans entraves et à atteindre dans sa vie une plénitude qui est digne d'être accueillie dans le ciel. Ainsi elle est restée intacte et, quand elle meurt, son corps ne se décompose pas, il n'est pas mis en terre mais il est emporté au ciel comme le corps parfaitement protégé et intact qui a porté le Sauveur du monde (NB 10, n° 2276).

 

241. Le corps de Marie

L’œuvre de la rédemption a été planifiée dans le ciel et c'est de là qu'elle a été apportée sur la terre ; il n'y a pas que le corps du Fils qui appartient à ce plan céleste, il y a aussi le corps de sa Mère, qui a été rachetée à l'avance pour cette œuvre. Les deux ont causé la rencontre salvatrice du ciel avec la terre. Les autres corps sont indissolublement amalgamés avec le monde marqué par le péché originel ; le monde garde un droit sur eux, il serait injustement spolié si on les lui retirait. Sur terre, l'ensevelissement des morts est la réponse à leur réception sur la terre. Marie par contre porte en elle les signes de la rédemption avant de recevoir les signes de son humanité terrestre. Elle est totalement prédestinée, choisie, promise, rachetée à l'avance pour l’œuvre de la rédemption. Il en fut décidé ainsi de toute éternité dans la Providence de Dieu (NB 10, n° 2276).

 

242. Marie au ciel, dans l’attente de Dieu

Au ciel, Marie a une certaine vision du Père du ciel, qui tend à faire d'elle la médiatrice entre lui et la terre. Elle est au ciel devant le Père comme celle qui ne cesse d'attendre du Père qu'il lui offre son Fils. Sa maternité terrestre, sa grossesse, l'enfantement de l'enfant ne sont pas au ciel du passé, quelque chose qui est terminé. Car elle ne doit pas seulement transmettre au monde la grâce sous la forme de la maternité, elle doit aussi pouvoir offrir aux hommes toute l'attente qu'elle nourrit à l'égard du Père afin qu'ils l'attendent d'elle au fond. On pourrait objecter que cette attente devant le Père n'est qu'une conséquence du regard qu'elle porte sur le monde et de son désir d'aider. Elle se tourne vers la source d'où vient toute aide. Mais cela ne suffit pas tout à fait parce que, pour elle aussi comme pour Dieu, elle doit rester devant Dieu dans cette attente éternelle. Dieu a besoin d'êtres - et en premier lieu de la Mère du Seigneur - qui, sans questions, sans impatience, uniquement dans la parfaite humilité de l'amour, ne font rien d'autre que l'attendre. Jusqu'au jugement dernier, la Mère se tiendra ainsi devant le Père éternel, dans la pleine vision, pour attendre de lui, par l'Esprit Saint, le Fils qu'elle peut alors aussi donner au monde de manière toujours nouvelle. Après le jugement dernier, son attente ne sera plus tournée vers le monde - lui-même étant tout à fait sauvé en Dieu -, mais son attente de Dieu lui-même ne cessera pas, elle sera seulement transformée (NB 6,567-568).

 

243. Les grâces qu'elle distribue du haut du ciel

La Mère de Dieu a reçu et accompagné le Fils ici-bas, elle continue à accompagner tous ceux qui accompagnent son Fils. Les grâces qu'elle distribue du haut du ciel, les conseils qu'elle donne, les prières auxquelles elle prend part, les soucis de chacun de ceux qu'elle connaît et soulage, son amour pour tous les hommes, par lequel elle continue son amour pour son Fils : tout cela, ce sont les aspects de son activité tournée vers le monde. D'innombrables fils la relient à la terre, et inversement. Tout ce qu'elle fait a un caractère maternel marqué : cela porte toujours le signe de la croissance. Quand, à Lourdes, elle parle avec la petite Bernadette, quelque chose se passe : une source jaillit et ne cesse plus de couler. Quelque chose a commencé alors qui aujourd'hui encore ne cesse de commencer. Même si le nombre des pèlerins est grand, il n'épuise pas petit à petit la grâce qui jaillit. Une guérison aussi que Marie demande à Dieu est toujours un commencement parce que ses grâces sont toutes maternelles et qu'elles s'épanouissent en fécondité (NB 6,567).

 

244. La servante devenue la reine du ciel

Marie meurt et elle est emportée au ciel et, dans la vision de Dieu, son propre aspect a pris une forme toute nouvelle. Elle, qui était la servante du Seigneur, est maintenant devenue la reine du ciel. Et elle doit se comporter d'une manière aussi obéissante et aussi naturelle comme reine que comme servante, car le Seigneur a fait d'elle les deux. Et peut-être s'est-elle faite elle-même plus servante qu'elle ne pouvait se faire reine par obéissance. Sa part personnelle est peut-être beaucoup plus forte dans la servante que dans la reine. Mais cela n'a pas d'importance ; elle sera pleinement les deux. Pour la mère, la servante était comme un but, tandis que pour le Fils elle n'était qu’un épisode : pour lui, la reine était le but, et ainsi la servante a dû faire preuve d’une obéissance la plus grande pour se laisser faire reine. Et peut-être déjà que plus elle devenait servante, plus le Fils a ressenti qu'elle était reine (NB 1/2, 173).

 

245. La joie de la Mère au ciel

Au ciel, Marie vit de la joie que les autres ont à son sujet, et elle leur fait don de sa joie. La joie de Dieu, la joie des saints, est si grande que la Mère ne peut faire autrement que de recevoir cette joie. Le pur accueil de la joie est sa réponse la plus profonde à Dieu et à tous les habitants du ciel. Elle n'accueille au fond toute la joie du ciel qui lui est offerte que pour faire totalement plaisir à Dieu et aux autres. Elle voit que son oui est comblé et que la substance de ce oui est totalement céleste. Marie doit exprimer le oui humain dans la faiblesse humaine et elle en souffrira. Mais son oui est inscrit d'avance au ciel. Elle a vécu de la grâce qui était contenue dans le oui et qui était prévue pour lui. Mais au début il ne lui était pas permis en quelque sorte de savoir que le oui était si céleste, que d'avance le ciel se portait garant de son oui (NB 10, n° 2333).

 

246. Marie au ciel au milieu des saints

Au ciel, avec les autres saints, Marie se comporte comme une sainte parmi d'autres. C'est ainsi qu'elle se montre, mais les saints savent très bien qu'elle est au-dessus d'eux. Et beaucoup de saints - qui ici-bas étaient parfaitement saints mais ne prêtaient pas une attention particulière à la Mère du Seigneur - sont maintenant initiés par elle aussi bien à sa manière d'attendre Dieu qu'à sa manière d'aider les hommes. Elle remplit la tâche indispensable d'enrichir les saints. "Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait" : la Mère s'emploie maintenant à mettre en œuvre ce commandement démesuré de son Fils, on est toujours en marche vers la perfection du Père et on le sera durant toute l'éternité en étant devant Père dans une attente éternelle. Quand on a entendu cette explication de la Mère, on entendra autrement le commandement du Fils. Le désir de Dieu Trinité de nous voir parfaits sera maintenant notre désir aussi ; la perfection de Dieu sera toujours devant nous comme le but à atteindre, sans que nous nous demandions encore si nous sommes plus près ou plus loin de lui. Marie encourage cette attitude. Quand ici-bas le Fils lui a été donné, elle a reçu la perfection divine, et pourtant il ne vient à la pensée de personne de dire qu'elle est aussi parfaite que le Père du ciel (NB 6,568-569).

 

247. L’activité de Marie dans le ciel

Marie peut certes incomparablement plus que les autres saints ; mais d’un autre côté elle est si proche du Fils que lorsque le Fils est rejeté par nous, elle aussi est en quelque sorte rejetée avec lui. La grâce et le salut sont infinis bien sûr et suffiraient amplement. Mais les hommes ne s’en saisissent pas en conséquence, et sans cette appropriation cela ne va pas. Marie agit toujours, son activité est sans limites (NB 8, n° 241).

 

248. Marie et les anges

A une certaine époque de sa vie, Adrienne a eu beaucoup de visions. Elle voyait Marie chaque jour. Presque toujours accompagnée d’anges (NB 8, n° 652).

 

249. Assomption de Marie et conseils évangéliques

L'homme connaît la fugacité du temps et en même temps il se sait destiné à la vie éternelle. Il voudrait d'emblée intégrer à l'éternité son temps éphémère. Il voudrait, par un acte global, dépasser l'incertitude du lendemain. En suivant les conseils du Seigneur et en se vouant à Dieu, il donne à son temps les caractéristiques de l'éternel. Dans la vie suivant les conseils, l'homme sait que son lendemain comme son surlendemain sera un jour de pauvreté et un jour de virginité et un jour d'obéissance. Ce n'est pas pour lui présomption de dire cela parce qu'il ne fait que s'appuyer sur le don divin. Quand le Seigneur monte au ciel corporellement et quand il prend là aussi sa Mère avec son corps, telle qu'elle était sur la terre, cela montre que la Mère, en suivant les conseils du Fils, lui a été totalement conformée. Le vœu de Marie, son union parfaite au Fils incarné, fait devenir éternel son être humain concret tout entier, une vie aussi qu'elle a fait entrer dans le oui de toute sa vie si bien que sa vie tout entière est mûre pour l'éternité. Celui qui imite le Fils et sa Mère en suivant les conseils évangéliques met sa vie tâtonnante et souvent défaillante dans la vie déjà éternisée du Seigneur et de sa Mère comme une partie intégrante d'une vie déjà intégralement dans le ciel (NB 10, n° 2357).

 

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8. IMMACULÉE CONCEPTION

 

250. Le mystère de la conception immaculée

Marie, avec le mystère de sa conception immaculée, se trouve en un point central de la Trinité : elle est offerte aussi bien par le Fils au Père que par le Père au Fils, avec une préséance du Père qui la donne au Fils pour qu'il puisse en somme commencer son œuvre. Marie est pensée et créée aussi bien à partir de la croix qu'en vue de la croix. Et l'Esprit, qui porte la semence du Père dans le sein de la Mère, accompagne durant toute sa vie la Mère qui a été rachetée à l'avance. Il la reçoit pour ainsi dire des mains du Père pour la rendre à ces mains. Il s'engage comme son défenseur et son consolateur en la tenant éloignée de tout péché, mais il s'engage aussi comme défenseur et consolateur du Fils en lui montrant à l'avance que son plan est réalisable, et finalement il s'engage comme défenseur et consolateur du Père en lui montrant comment, en vertu de la prérédemption de la Mère par le Père, le Fils ne peut avoir aucun doute sur l'exécution de son œuvre. Dès le début, elle illustre pour le Fils la rédemption qui est pensée pour tous et qui suffira pour tous (NB 1/2, 144-145).

 

251. La conception immaculée préparée dans le secret

Dans l'angoisse au mont des oliviers, il y a deux missions qui toutes deux sont complètes à leur manière, celle du Fils et celle de la Mère. La mission de la Mère, le Fils la porte déjà en rachetant la Mère à l'avance. Sur cette rédemption, à vrai dire nous ne savons rien. Elle est déjà accomplie quand le Fils arrive dans le monde. C'est une affaire de Dieu Trinité dans laquelle, du côté humain, seule la Mère est concernée, elle qui est déjà sur cette terre quand le Fils devient homme. Il vient dans le monde en portant toute sa mission et, sur la croix, il paie pour elle le prix tout entier : il porte tout le péché du monde. La conception immaculée de la Mère, il l'a préparée dans le secret en tant que Dieu (NB 1/2, 175).

 

252. L’immaculée conception de Marie : un cadeau du Père au Fils

On peut dire que la conception immaculée de Marie est un cadeau du Père au Fils. Cependant, bien sûr, Marie est rachetée, c’est-à-dire rachetée par le Fils. Mais il y a là comme un accompagnement de l’œuvre du Fils par le Père. Comme une preuve avant la preuve. Comme une assurance que le Père donne au Fils sur le cours que cela prendra. Le fait que nous soyons marqués par le péché originel a comme caractéristique que nous sommes appelés à pécher encore. Dans sa conception immaculée, Marie a comme caractéristique d’annoncer l’arrivée de la pureté toujours plus grande du Fils, de sa divinité. Elle est comme un gage que le Père donne au Fils, un gage que l’œuvre de la rédemption va réussir. Le cadeau du Père est issu de la croix, mais comme un petit ruisseau spécial qui vient du Père et aboutit à la Mère (NB 1/2, 181).

 

253. La disponibilité totale de l’amour

L'être humain sans le péché originel, dans la disponibilité totale de l'amour, c'est Marie qui, dans sa parfaite obéissance, engendre un homme parfait qui est Dieu (NB 11,335).

 

254. Rachetée à l'avance par le Fils

Dieu a d'abord créé Adam, puis Ève à partir de la côte d'Adam : la formation de la femme a donc dépendu de l'existence de l'homme. De la même manière, Marie, du fait qu'elle a été rachetée à l'avance par le Fils, du fait de sa conception immaculée, montre constamment qu'elle a part à la vie du Fils ; chez elle, cette participation manifeste l'amour du Fils pour elle, puisque toute la relation du Fils à sa mère repose sur cet amour et qu'elle demeure dans la réponse à cet amour (NB 12,78).

 

255. L’Immaculée Conception

Marie ne sait rien tout d’abord de sa conception immaculée. Marie se développe d’une manière insouciante, joyeusement, mais en même temps avec sérieux ; un peu comme une princesse qui est consciente de son rang et qui est pourtant élevée avec d’autres écolières ; elle doit peut-être à elle-même, peut-être à Dieu, peut-être à quelqu’un qu’on ne peut pas préciser, d’être et de rester comme ça et pas autrement, de s’épanouir dans la direction qui fait partie d’elle-même et qui lui a été donnée d’avance. Comme si elle sentait en elle la disponibilité au oui qui arrive (NB 9, n 2034).

 

256. Comprendre le privilège de l’Immaculée Conception

Marie est conçue de manière immaculée : nous reconnaissons là un privilège qui la rend digne de concevoir par l'Esprit Saint le Fils du Père. Mais plus nous cherchons à comprendre ce privilège, plus nous reconnaissons qu'il est un aspect partiel d'un mystère beaucoup plus grand : l'incarnation du Fils, le salut du monde, la réalisation sur terre de la volonté du Père, le fait que le Fils est sorti du Père et retourne à lui. Cela vaut pour chaque mystère : qu'on le médite comme on veut, il conduit au tout, il sert à comprendre Dieu et sa création Le mystère de la conception immaculée est tellement lié à tous les autres mystères de Marie qu'il s'intègre indissolublement à son image d'ensemble telle qu'elle se présente aux yeux de l’Église, telle aussi qu'elle provient de l'unité indécomposable de Dieu et tend à y retourner (NB 10, n° 2154).

 

257. Prérédemption : le Fils ne fait qu’un avec sa Mère

Le Seigneur, qui a racheté sa Mère depuis toujours, lui a préparé par là sa perfection et le fait qu'il ne fait qu'un avec elle (NB 5,25).

 

258. Prérédemption de Marie et de l’Église

Le ministère divin est l'obligation que Dieu assume pour donner une forme à son amour pour nous ; ce ministère préparé en lui nous est offert dans le ministère ecclésial. Mais l’Église a été préformée quand la Mère a été pré-rachetée par le Christ : elle est devenue alors la forme chrétienne, le réceptacle du ministère. Le ministère est donc préparé en Dieu, mais invisiblement ; il devient visible pour nous quand apparaît l’Église. Et l’Église est préparée dans la prérédemption de Marie. Le Christ rachète sa Mère, l’Église et le monde. L’Église et le monde sont rachetés, mais le monde l'est aussi par l’Église. Parce que le monde est tombé, l’Église aussi serait livrée à l'apostasie si, dès sa naissance, elle n'avait été rachetée par le Christ et gardée de la chute. Mais pour opérer cette rédemption de l’Église, le Fils se sert de la prérédemption qui fut accordée à Marie. La prérédemption de Marie est la dot qu'elle apporte avec elle dans l’Église et qui fait que celle-ci, dès son origine, est sauvée. Le Seigneur sauve ainsi son Église non seulement d'une manière directe, mais aussi par l'entremise de Marie à qui il a offert la prérédemption : il l'a offerte à elle et, par elle, à l’Église. Le facteur d'infaillibilité de l’Église est fondée sur le fait qu'elle est sauvée ; sauvée d'emblée, elle a la garantie du ministère ; et son statut originel de sauvée est un don que Marie lui fait. Sur la croix, le Fils offre sa vie à l'humanité, et Marie offre à l’Église son statut de pré-rachetée, elle transmet intégralement à l’Église le cadeau qu'elle a reçu du Fils. Elle remet ainsi son "ministère", mais c'est aussi le signe qu'elle possédait ce ministère. Dans la prérédemption, il y a comme des fiançailles en vue d'un mariage. Le Seigneur se fiance à l'avance avec sa future Épouse qui, pour le moment, est sa Mère. Et quand le Fils fait naître l’Église en tant que sauvée, c'est vis-à-vis de Marie son acte de mariage : il tient sa promesse. Quelqu'un donne à son ami une corbeille remplie de semences de fleurs et dit : je te montrerai en temps voulu à quoi est destinée cette semence. Et un jour l’ami arrive avec la semence et tous deux sèment ensemble cette semence. La semence provient du Seigneur, mais la Mère l'a conservée pour le jardin désigné par le Seigneur : l’Église. La semence est gardée par Marie, elle arrive à une fécondité que le Fils précise à nouveau maintenant, bien qu'auparavant déjà elle fût féconde en tant que semence, et Marie ne lui a rien enlevé de sa fécondité parce qu'elle est justement sans péché. La semence est dans la Mère la prérédemption et, dans la transmission à l’Église, elle devient aussi ministère ecclésial, les deux sont liées indissolublement (NB 6,482-483).

 

259. Celle qui est sans péché

Le Fils veut racheter le monde pour le Père. Cette rédemption est réalisée par sa Passion dans laquelle il porte tous les péchés comme s'ils étaient ses propres péchés, et le Père reconnaît en lui tous les pécheurs. Arrivera donc l'instant où le Père verra dans le Fils la somme des outrages qui lui sont infligés à lui, le Père. C'est un processus d'amour que le Fils a imaginé par amour pour le Père et pour le monde. Il est juste alors que le Père et l'Esprit montrent à l'avance au Fils l'efficacité de la croix. Marie, la Mère, est ici dès le début un cadeau que le Père et l'Esprit font au Fils, comme si la Mère représentait dès le début une sorte de don anticipé, un acompte, en tant qu'elle est un instrument de la rédemption. Le Père et l'Esprit montrent au Fils que le chemin qu'il propose est valable en rachetant d'avance la Mère en prévision de la croix, ce qui veut dire finalement : par la croix. C'est un acte de rédemption du Fils par sa croix douloureuse, mais de telle manière que, pour son action, le Fils reçoit à l'avance la Mère qui le concevra comme celle qui est sans péché. En montrant par là au Fils que la rédemption par la croix est valable, le Père lui ouvre en même temps la voie pour accomplir l'incarnation (NB 1/2, 144).

 

260. Marie et le péché originel

L'effacement du péché originel par le baptême crée une grâce plus profonde que celle d'Adam. Une grâce nouvelle, particulière. Marie sait cela le mieux parce qu'en elle cette grâce nouvelle est si grande que le péché originel lui demeure totalement épargné. Ainsi tout son être est action de grâce. Adam, quand il était sans le péché originel, a toujours, de par son esprit, la possibilité de pécher, de se comparer avec Dieu, de vouloir connaître plus qu'il ne doit. Au lieu d'être plein de reconnaissance, il est en mesure de s'émanciper. Et, dans cet esprit, la pomme lui apparaît alors désirable, elle éveille le désir. La Mère par contre est rachetée de toute possibilité d'être tentée et de se rebeller en esprit. Les péchés qui restent libres théoriquement pour elle sont ceux qui concernent la chair. Mais justement elle ne peut pas non plus les commettre parce que son esprit ne veut jamais laisser un désordre survenir dans sa chair. C'est dans le mauvais usage de la grâce que réside la naissance du péché originel (NB 4,293).

 

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9. L’ÉGLISE

 

261. Sur la croix, le Fils confie sa mère à Jean

Quand le Fils sur la croix confie sa mère à Jean et qu'ainsi unie à Jean elle représente une fondation du Fils, elle n'a pas besoin d'avoir affaire à Pierre directement. Tandis que Pierre assume le ministère, elle devient avec Jean une sorte d'état religieux. Elle est celle qui a mis le Fils au monde ; elle est celle qui fut, avec le Fils, l'origine de l’Église simplement en se laissant faire et ensuite elle fut confiée à Jean (NB 6,485).

 

262. Marie et Jean

Jean aime la Mère par le Fils. Il l'aime d'abord parce que, ayant mis au monde le Fils, elle lui a procuré le don de cet amour ; puis il l'aime plus personnellement et toujours plus fort ; et quand enfin, sur la croix, le Seigneur lui donne sa Mère, toute la responsabilité de l'amour divin, dont il a tant appris auprès du Seigneur et par son amour pour lui, s'introduit dans ses relations avec la Mère. Maintenant il reçoit la Mère par le Fils comme il avait reçu le Fils par la Mère ; et, par la Mère, il perçoit de manière neuve comment tout l'amour chrétien est répandu de manière eucharistique, comment aussi les hommes peuvent être confiés les uns aux autres pour qu'ils aiment davantage l'amour de Dieu, croissent en lui, accomplissent en lui la volonté du Père. Mais jamais leur amour ne se limitera à eux-mêmes ; leur amour réciproque veut se répandre sans cesse au-delà de manière débordante. Et ainsi, par Marie, Jean apprend à comprendre ce qui pour lui n'était pas aussi clair auparavant : que toutes les générations les proclameront tous deux bienheureux ; tout ce qu'ils font ensemble, tout ce qu'ils représentent et tout ce qu'ils sont aura à vivre dans les générations futures, ils sont des souches, des fondateurs, ils ont une mission qui dure jusqu'à la fin du monde et jusqu'au retour du Fils (NB 1/1, 257-258).

 

263. Marie associée à Jean

A la croix, Marie entend la parole du Fils qui l’associe à Jean. Elle l’entend en partie aussi comme dite par l’Esprit. Comme une nouvelle exigence. Elle est en quelque sorte au même point qu’à l’Annonciation ; la nouvelle exigence est née de celle d’autrefois ; elle n’a pas besoin de dire un nouveau oui, parce que le oui d’aujourd’hui se trouvait déjà dans le premier ; par celui-ci elle avait donné permission une fois pour toutes à l’Esprit et au Fils de choisir pour elle. Elle ne fait plus de choix par elle-même. Chaque pas qu’elle fait contient déjà le pas suivant : elle marche sur une voie inéluctable. Elle se fie à son propre pas après s’être soumise à la décision de l’Esprit (NB 9, n° 2020).

 

264. Marie et Jean au pied de la croix

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix ; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est si profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire qu'il ne cesse d'être présent dans son Église. Ce mystère est la pierre angulaire de la rédemption et, en se le rappelant, l’Église sait que la rédemption reste vivante (NB 5,106-107).

 

265. Marie va habiter chez Jean

Marie va habiter chez Jean. Tout d'abord le lieu lui paraît tout à fait étranger. Mais c'est le lieu de l'ami de son Fils. Et cela devient maintenant son lieu à elle. Elle doit partager maintenant avec Jean cette maison, ce lieu, pour que leurs deux missions puissent y avoir leur place : elle donne à Jean ce qu'elle a donné à son Fils et elle attend de lui ce qu'elle a attendu de son Fils. Et en cela, la mission que l'Esprit lui avait transmise autrefois par le salut de l'ange doit demeurer inchangée. Autrefois la mission était prodigieusement grande et toute petite, inaccoutumée et banale, et quand elle attendait quelque chose de son Fils, elle le recevait toujours avec profusion. Maintenant le problème difficile est qu'elle devrait recevoir de Jean plus qu'elle ne peut en attendre ; la solution réside en ceci qu'elle a à lui donner pour recevoir de lui. Elle est certes habituée à son Fils. Christ - Marie – Jean : une hiérarchie descendante ; Marie reste à peu près égale à elle-même, qu'elle ait à faire au Christ ou à Jean, mais Jean n'est pas le Seigneur. Il est impossible à Marie de se laisser limiter dans ce qu'elle donne et prend. C'est pourquoi elle doit maintenant donner davantage pour recevoir aussi davantage. Elle le fait sur mission du Seigneur ; la relation Marie - Jean a bien été établie par lui. Ce qui est remarquable, c'est que c'est le Seigneur qui dispose, de manière indirecte, de ce devoir de Marie de donner davantage. Naturellement la Mère n'est pas déçue par Jean, mais elle est tout aussi certaine que Jean lui doit sa dernière maturité. Comme si les insuffisances humaines de Jean devaient voler en éclats (NB 10, n° 2091).

 

266. Jean conduit Marie à Pierre

C’est Jean qui conduit Marie à Pierre. Et Pierre leur ménage constamment une place : pour Jean et pour Marie et pour les deux. Mais cette place dans son Église, il ne la leur attribue que lorsque le Seigneur les a tous deux associés à lui, et cela se fait quand Jean prend la Mère avec lui. Sur ce point, la Mère est pur abandon, Jean c'est l'état religieux, l'état de l'amour. Et si on devait déjà distinguer ici le sacerdoce et l'état religieux, il serait clair que Pierre serait l'état sacerdotal hiérarchique, Jean l'état religieux de l'amour (NB 6,489).

 

267. Marie, Pierre et Jean

Quand la Mère s'éloigne de la croix, deux aimants l'attirent pour ainsi dire : Pierre et Jean. Elle se laisse insérer par Jean dans l’Église ministérielle, certainement en accord avec le Seigneur, mais en quelque sorte seulement après que cet accord a été donné. On ne doit pas non plus oublier que Marie est sans péché tandis que Pierre était un pécheur. L’Église ministérielle portera toujours en elle quelque chose du passé pécheur de Pierre (NB 6,488-489).

 

268. L’Église, Marie, Jean et Pierre

Sur la croix le Seigneur adresse ses paroles à Marie et à Jean, et tous deux s'éloignent de la croix pour entrer dans l’Église, une Église qui ne cesse d'avoir besoin d'eux et les met au centre, et pourtant ils ne peuvent pas rester au centre, ils doivent sans cesse s'effacer devant Pierre (Cf. Jn 21). Tout cela sans pathos, mais comme exigence absolue de la vie : pour que Pierre aussi bien que Marie et Jean restent vivants, il doit y avoir ces efforts de Marie et de Jean vers le centre (NB 6,486-487).

 

269. L’Église est Marie et Pierre

Le Seigneur sait que l’Église passe des compromis avec les pécheurs. La même Église est Marie et Pierre qui renie, Pierre qui tout au long des siècles ne cesse de passer des compromis avec le monde. L’Église ne se prostitue pas elle-même de son propre gré. Elle est prostituée par les pécheurs qu'elle doit souffrir en elle (NB 6,508).

 

270. Pierre bâtit son Église et prévoit les niches des saints

Pierre bâtit son Église et il prévoit des niches pour les saints et pour la Mère. Il ne doit se trouver là que des personnes de choix ! Il ne convient pas qu'elles restent vides ; il se met en quête. Et pourtant au fond il les préfère vides. Marie voit la niche qui lui a été réservée, mais elle n'y aspire pas d'elle-même. Jean doit pour ainsi dire servir de médiateur, il doit conduire la Mère à Pierre, mais faire connaître à Pierre la démesure de l'amour qui est au-dessus de tout ce qui a été construit à l'avance. Car la démesure du Seigneur est une condition fondamentale de l'existence pétrinienne. La présence de la Mère ne serait pas assurée si elle n'était pas reçue par Pierre qui, lui-même, naturellement ne peut vivre sans elle. Jean, qui personnifie l'amour pur, doit assumer ici quelque chose comme une fonction de médiation avisée (NB 6,489).

 

271. L’Église, patrie du Seigneur

Si Marie n'avait pas été reçue corporellement dans le ciel, ce qui est incarné aujourd'hui dans l’Église, ce serait uniquement l'eucharistie. Celle-ci serait alors déracinée pour ainsi dire. Elle serait comme quelqu'un qui ne trouverait pas de foyer, qu'on rencontrerait un peu par hasard et disparaîtrait ensuite, dont on ne pourrait pas savoir où et quand on le rencontrerait encore. L'espace de l’Église et le tabernacle seraient plutôt une cellule de prison pour le Seigneur, mais non un chez-soi. On devrait alors parler réellement du "prisonnier du tabernacle", auquel on rend "visite" de temps en temps ; on ne comprendrait justement rien à l’Église en tant que patrie du Seigneur (NB 6,478).

 

272. Le Fils donne sa Mère à l’Église

Quand le Fils quitte Nazareth, il y a quelque chose comme une prise de distance du Fils vis-à-vis de sa Mère. Mais tout ce qui fait la vie du Fils, il le remet à l’Église ; il doit donc donner aussi sa Mère à l’Église (NB 6,487).

 

273. Fondatrice d’une race nouvelle

Par son oui à l’ange, Marie devient la fondatrice d'une race nouvelle. Ève est la mère des vivants, mais elle a transmis le péché, l'incroyance et la foi, elle est devenue la mère d'un Caïn comme la mère d'un Abel. Marie par contre devient la fondatrice d'une race ordonnée. Ce qu'il y a de nouveau dans son commencement à elle, c'est la séparation de la lumière et des ténèbres. Elle s'est décidée pour la lumière. Et sa race est dotée d'une profusion de lumière qui provient d'elle. Ses descendants, ce sont tous ceux qui partagent en esprit son obéissance et deviennent saints en esprit par le fruit de sa décision et se déclarent pour le Seigneur. Ève a perdu par sa faute son droit à l'Esprit, et elle ne peut plus être que la mère selon la chair. Marie devient la mère selon l’Esprit parce qu'elle a soumis même son corps à l'exigence de l'Esprit. C'est par l'Esprit qu'elle a conçu en son corps, c'est par l'Esprit qu'elle a consenti à ce que son corps soit utilisé, c'est par l'Esprit qu'elle a souhaité la bienvenue au Fils (NB 1/2, 163).

 

274. Médiatrice de la grâce

Marie a tant de grâces qu'elle transmet aussi beaucoup de choses qu'elle ne saisit pas. La plénitude de ses grâces, elle ne les connaît pas selon leur mesure objective. Depuis toujours elle était si proche de Dieu que les hommes qui la rencontraient expérimentaient quelque chose de cette proximité au genre de grâce qu'elle transmettait. Si nous n'avions pas péché, nous aurions éprouvé nos relations avec Dieu et avec le prochain comme une unique grande grâce sans avoir à réfléchir longuement à la nature de cette grâce. De soi, tout aurait été continuellement en ordre. C'est pourquoi la manière dont Marie est médiatrice est quelque chose de si simple. La transmission de la grâce a été placée en Marie à l'endroit où Ève s'est fermée à Dieu. Par son refus, Ève fut pour Adam la médiatrice de tous les péchés, car à ce moment-là il n'y avait qu'Adam à qui elle pouvait transmettre quelque chose. Et, par lui, la faute est passée dans toutes les générations. Ce n'est qu'en Marie que devient visible ce qui au fond aurait dû être transmis. Et aussi la pureté que peut avoir cette transmission. Quiconque est dans l'amour et dans la foi peut, en intercédant, participer à la transmission de la grâce. Mais bien des choses sont obtenues dans un esprit qui n'est pas l'esprit de Dieu, et bien des choses doivent d'abord être changées et rectifiées par Dieu pour pouvoir être offertes. Marie par contre, dans sa pureté, ne transmet que ce que Dieu est et ce que Dieu veut transmettre. Entre ce qu'elle fait comme médiatrice et ce que Dieu fait par sa médiation, il y a une unité et une harmonie parfaites qui sont basées sur sa participation de grâce à la vie intime de Dieu (NB 1/2, 158-159).

 

275. Marie, première cellule de l’Église

Pour Jésus, sa Mère est la cellule primitive de l’Église. Et le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère sa manière de se tenir à sa disposition, sa docilité. On peut ainsi considérer tous les dogmes d'une manière mariale, avec les yeux de la Mère (NB 4,403-404).

 

276. La mère de la chrétienté

Ignace de Loyola voit en Marie la mère de la chrétienté, la cellule primitive de l’Église (NB 11,396).

 

277. Marie modèle original de l’Église

Par son attitude qui est marquée au plus intime par les conseils évangéliques, Marie est le modèle original (le prototype) aussi bien de l’Église que de tous ceux qui suivent le Seigneur dans une vie selon les conseils. Rachetée à l'avance, elle est capable de représenter à la perfection cette vie dont la totalité était contenue en germe dans son simple oui. "Toutes les générations me diront bienheureuse" : c'est ainsi qu'elle jubile elle-même, car elle comprend que sa parole aura des conséquences dans toute sa vie mais aussi dans toute l’Église (NB 10, n° 2198).

 

Marie préfigure l’Église (NB 4,110).

 

278. Dieu le Père et Marie

Dans la petite église de La Storta, la vision fut accordée à saint Ignace de Loyola que Dieu le Père, et non Marie comme il l'avait demandé, l'associe à son Fils. Par cette relation au Père, il est replacé au centre de l’Église (NB 11,221).

 

279. Marie et l’Église, c’est tout un

Le Fils veut la volonté du Père. Il veut qu'on vénère sa Mère telle qu'elle est et il veut qu'elle reste ce qu'elle est. Il veut l’Église, une Église qui a une forme visible, qui correspond à son désir d’Époux. Et il lui plaît de maintenir cette Épouse dans sa Mère. Il lui plaît de voir en elle le lieu des chrétiens, à apprendre par elle les demandes et les prières des hommes, de garder en elle sa virginité, son intégrité, son total don d'elle-même. Elle est bien le lieu où il habite et sa demeure, puisqu'il se développe par elle. Elle reste son lieu et sa résidence, elle l'entoure de ses soins avec toutes ses pensées et toute sa prière, elle sert ses desseins, se met à sa disposition pour qu'il glorifie le Père. C'est ainsi que sa Mère devient pour lui l’Église ; elle a été créée pour lui, mais il continue à la façonner, il lui donne des avis dont elle tient compte de bonne grâce. En elle, il a ce qui est sûr, ce qui demeure, ce qui est définitivement juste (NB 6,475).

 

280. Obligation pour l’Église de prendre Marie pour modèle

Comme pour Marie, l'Esprit est dans l’Église à la première et à la dernière place : le oui de l'Esprit doit pénétrer la corporéité de la structure ministérielle et y trouver son expression ; mais dès que la structure reçoit l'Esprit, elle ne cherche plus qu'une chose : porter l'Esprit au monde. De même qu'on n'aurait pas le Christ sans le corps de Marie, de même on n'aurait pas l’Église sans le ministère ; mais les deux ne peuvent pas être isolés, ils n'ont pas leur but en eux-mêmes, ils sont fécondés par l'Esprit et ils doivent à leur tour aider à obtenir l'Esprit. Marie et l’Église sont spirituelles et corporelles. Marie représente toujours d'une manière exemplaire l'unité organique ; il y a, pour l’Église, l'exigence de la prendre pour modèle (NB 6,423).

 

281. Marie devient Église, la mère de tous

Après l’Ascension, il y a une transformation de la Mère. Jusqu'alors elle était une vierge qui mettait au monde un enfant, et il y avait eu les signes surnaturels de l'annonciation, de la venue de l'Esprit qui l'avait couverte de son ombre, de la naissance virginale, comme signes de l'intervention divine dans sa vie. Mais maintenant qu'elle a mis Dieu au monde en tant qu'homme et qu'il est repris auprès de Dieu (par l’Ascension), l'événement ne peut pas se passer sans laisser de traces en elle : elle aussi doit changer. L'opposition précédente entre Marie et le Christ en tant que personnes - leur réciprocité et leurs relations - devient une opposition nouvelle entre le Fils retourné à Dieu et la femme-Église. Le Fils de Marie était Dieu depuis toujours et Marie devient Église parce qu'elle l'était depuis toujours dans le Fils. Elle doit donc se laisser faire tout comme elle a laissé faire dans son corps qu'elle devînt Mère ; elle doit continuer à se laisser faire parce qu'il plaît à son Fils d'en faire la Mère de tous (NB 6, 479-480).

 

282. Marie devient l’Église qui offre le Seigneur à tous

Dans les jours qui ont suivi la naissance, Marie a son enfant pour elle. Elle perçoit ce temps comme une pause qui lui est accordée pour qu'elle s'habitue au temps où elle ne l'aura plus pour elle, où elle ne le possédera plus comme les autres femmes ont leur enfant pour elles. Déjà pendant la grossesse elle savait la divinité de l'enfant. Elle se savait aimé de lui, mais aussi prise à son service. Dans l'amour réciproque, elle devait se laisser conduire selon les desseins de Dieu devenu homme. Elle ne manquait ni d'humilité ni d'amour, mais elle devait laisser son amour et son humilité être formés et transformés selon les désirs du Fils. La femme qu'elle était devait devenir Église. Elle n'avait pas besoin d'y réfléchir, elle n'avait pas besoin d'entreprendre quoi que ce soit, seulement laisser faire, se mettre tout entière à la disposition de son Fils. Elle devait être expropriée, non en abandonnant sa nature de mère mais en devenant une mère pour tous avec son enfant sur son sein, avec l'enfant qui était donné à tous. Et elle-même devenait l’Église qui offrait le Seigneur à tous (NB 10, n° 2301).

 

283. A la disposition de l’Église pour mieux faire connaître le Fils

Marie a dit oui à Dieu dans une obéissance totale. Elle ne connaît pas d'objection du fait qu'elle est une créature, du fait de sa féminité. Toute sa forme, elle l'a reçue par son oui. Sa puissance à elle est provoquée par l'Esprit quand il la couvre de son ombre ; il y a là une réciprocité : son oui permet à l'Esprit de la couvrir de son ombre, mais que son oui l'habitait auparavant provient du fait qu'elle a été rachetée à l'avance par le Fils. Sa puissance active se déploie vis-à-vis de l’Église à qui elle communique quelque chose de la puissance de sa maternité, en la montrant, en l'offrant. Elle a si peu son enfant pour elle-même que tout le mystère de sa virginité, de sa conception, de sa grossesse, de la naissance, elle le met constamment à la disposition de l’Église. Et ceci aussi au service de son enfant. L’Église a le droit de dévoiler chacun de ses mystères pour mieux faire connaître le Fils par eux. Marie offre ainsi à l’Église un cadeau de la manière la plus profonde qui soit (NB 12,190).

 

284. Marie est toujours là où quelque chose naît dans l’Église

Adrienne dit combien il est étrange que Marie soit toujours là où quelque chose se passe dans l’Église, où quelque chose de neuf est fondé (NB 9, n° 1304).

 

285. La mission de Marie dans l’Église

Marie prépare dans l’Église les chemins du Fils ; elle est comme un précurseur des chemins du Seigneur, elle est à l'origine de tous les précurseurs ; en allant chez Élisabeth, elle a mis en mouvement Jean le précurseur. La mission de la Mère est la première dans l’Église (NB 1/2, 176).

 

286. Marie et l’Église de l’amour

C’est le Seigneur qui a décidé que Marie et Jean se rencontrent à la croix. Les deux se trouvent là dans la plus stricte obéissance. Le Fils confie sa Mère à l’Église de l'amour (Jean) et non à l’Église ministérielle (Pierre. L’Église de l'amour précède toujours de quelques pas ou de quelques lieues l’Église ministérielle. L’Église de l'amour se porte garante de la vitalité permanente de l’Église ministérielle et de la permanence en elle de l'Esprit (NB 6,488).

 

287. L’amour de Marie pour chaque chrétien et pour l’Église

Marie montre à l’Église comment elle a aimé son Fils : d'une manière personnelle et d'une manière supra-personnelle. Et ainsi ce double amour de la Mère passe aussi à son amour pour l’Église. Chaque chrétien peut demander son aide personnelle et se confier à sa garde personnelle tout comme elle l'a fait pour son Fils. Mais l’amour de Marie pour l’Église n'est pas seulement la somme de toutes les aides personnelles qu'elle apporte à chaque chrétien. Il y a encore en plus un amour pour ainsi dire surnaturel pour l’Église en tant que tout (NB 3,151).

 

288. Marie devient le lieu de la foi

Quand Marie a dit oui à l'ange, elle a disposé de son corps et de toute son existence. Elle les a donnés pour le service de Dieu. Elle fit d'elle-même une libre réponse à la question que Dieu lui avait posée. Mais comme elle a mis au monde le Fils et que celui-ci a si bien habité en elle, qu’elle est réellement devenue sa place, c'est lui maintenant qui en dispose, ce n'est plus elle du tout. Le Fils s'est séparé d'elle à sa naissance, il revient à elle pour en faire sa résidence en tant qu’Église. Il a quitté le corps de sa Mère comme une housse qui est devenue inutile, mais parce que le lieu saint de l'habitation de Dieu ne peut jamais devenir inutile, il revient à elle. De même que le Fils est engendré par le Père pour revenir au Père dans la procession de l'Esprit, de même il accomplit vis-à-vis de sa Mère le même mouvement : il la quitte à sa naissance pour "enfanter" en elle, engendrer en elle. C'est par elle qu'il devient fécond et il dépose à nouveau en elle sa fécondité. Elle était pour lui une housse, maintenant c'est lui qui devient pour elle une housse. Elle était pour lui un refuge, maintenant c'est lui qui devient pour elle un refuge. C'est le mouvement de va-et-vient du Fils qui explique finalement la transformation de la Mère en Église. C'est le Fils qui, par son éloignement et par son retour, change sa destination. A sa naissance, il est expulsé d'elle pour mieux pouvoir s'installer en elle. Il quitte sa Mère pour, à sa place, rencontrer l’Épouse. La foi de Marie lui a préparé ici-bas un lieu; pour la remercier, il va faire d'elle le lieu de la foi. C'est ainsi que la femme met au monde d'autres enfants (Ap 12,17) parce que le Fils les a mis en elle. Elle fut féconde du Fils pour le mettre au monde, elle devient féconde par lui pour engendrer la famille du Fils. La fécondité qu'elle lui a offerte était déjà une fécondité qu'il lui offrait, comme c'est lui aussi qui lui offre sa nouvelle fécondité. Et les enfants qu'elle met au monde participeront tout autant à la fécondité du Fils (NB 6,480-481).

 

289. La mère de tous les croyants

C'est par la grâce de Dieu qu'elle devient la mère du Seigneur et de tous les croyants (NB 6,57).

"Marie ne fait qu'un avec l’Église" (NB 12,223).

 

290. Marie, l’enfance de Jésus et le ministère

On n'a pas le droit de se représenter de manière purement idyllique l'enfance de Jésus avec sa Mère ; cette vie se trouve au contraire placée d'emblée sous le poids du ministère. Ce ministère qui sert à la glorification du Père et qui provient du Père, le Fils doit le rencontrer en sa Mère dans toute sa pureté. Dès le sein de sa Mère et durant toute son enfance, la rencontre est placée pour lui sous le signe de sa vie consumée. Il voit déjà pour sa Mère l'heure de la croix ; dans ses actes, il voit quelque chose de si étroitement lié au ministère que, chaque fois qu'il est avec elle, la perspective de boire le calice devient plus inéluctable. Non qu'elle lui révélerait la rigueur du ministère, mais il sait qu'il va tant l’agrandir qu'elle deviendra l’Église. Ainsi les actes de Marie sont comme des annonces des actes futurs de l’Église. Quand elle lui raccommode ses vêtements ou qu'elle lui en fait de neufs, il y a déjà là quelque chose du souci futur de l’Église pour sa présence eucharistique. En tout ce que fait sa Mère : qu'elle fasse la fête avec lui, qu'elle tremble pour lui, qu'elle l'attende, elle participe à la mission de son Fils. Quand elle tremble pour lui, elle tremble avec lui pour les pécheurs. Tous les sentiments de la Mère, toutes ses intuitions, toutes ses décisions ont en lui leur explication et leur extension ; tous profiteront à l’Église. Même quand elle est sans souci ou qu'elle est heureuse et profite de la vie, elle est consciente de cette extension. Rien, pas même ce qui est le plus anodin, elle ne peut le limiter à elle-même ; elle doit tout lui laisser pour que cela continue dans l’Église par lui selon la volonté du Père (NB 6,483-484).

 

291. Marie, l’Église et le ministère

La Mère de Dieu est pur don d'elle-même. Elle ne s'est servi de son corps que pour être don d'elle-même, afin que le Fils expérimente dans son Église le don de soi parfait et afin que tous les saints deviennent saints par elle. Elle ne connaît pas de "degrés dans le don de soi", pas de limites, pas de repos dans le don d'elle-même, ni la nuit, ni le jour. Elle est de plus en plus entraînée au centre de Dieu avec toutes les fibres de son corps. Et là où le souffle de l'Esprit va dans tous les sens - toujours exactement là où il veut, et pourtant justement partout -, elle peut offrir dans toutes les directions son sein qui, par l'Esprit, est rempli du lait du Fils. De ce centre de Dieu, elle peut allaiter tous ceux qui ont soif. Et que ce soit la Mère ou que ce soit l’Église qui offre son lait, c'est la même chose. Par la virginité de sa Mère, le Fils est entré en elle et il lui a donné ainsi le lait dont elle peut le nourrir. Et pour l’Église, c'est la même chose. Mais là où pour Marie, c'est le Fils qui est là, pour l’Église c'est le ministère qui est là d'une manière particulière. Le ministère reçoit le lait de l’Église pour le distribuer (NB 5,267).

 

292. Marie est là chaque fois qu'est reçu le Corps du Seigneur

Rien ne vieillit dans l’Église étant donné qu'elle-même ne cesse de naître de la rédemption. Ce qu'il y a d'essentiel dans l’Église devrait rester sans cesse à l'état de devenir. Pour le prêtre qui communie, il y a ainsi chaque fois un contact avec la Mère et donc une nouvelle vivification et une nourriture pour son ministère. Marie est là chaque fois qu'est reçu le Corps du Seigneur ; et comme elle communique à celui que le reçoit quelque chose de sa manière de l'accueillir, elle reçoit aussi par là une nouvelle joie. Toute communion est pour elle comme une fête qui lui rappelle comment elle l'a reçu elle-même, c’est une fête qui rend présent d'une manière supra temporelle ce qui s'est passé (NB 1/2, 198).

 

293. Marie et la transsubstantiation

Il y a la transsubstantiation du Fils dans l'eucharistie : il nous est offert pour qu'il vive en nous. L'Esprit opère cette transsubstantiation comme autrefois il porta le Fils dans le sein de la Mère (NB 10, n° 2054).

 

294. L’incarnation comme première communion

Par l'Esprit Saint, la semence du Père devient l'homme que Marie reçoit. Elle le reçoit comme eucharistie du Père ; c'est comme une première communion. Elle est l'être humain qui a été choisi pour cela, elle reçoit du Père l'être du Fils qui est tellement pur don de soi qu'il s'est laissé transformer en pain du Père. Dans la parabole aussi le Père est le semeur ; la semence - le Fils - lève dans la Mère et le pain peut être maintenant donné à tous : l'eucharistie. En offrant le Fils au monde, elle commence à partager le pain. Plus tard, le Fils se partage lui-même aux hommes dans le sacrement et il confirme par là l'action du Père et son être propre qui est d'être l'eucharistie du Père. Et il confirme le geste de la Mère qui partage. Dans le corps du Fils, l'eucharistie du Père et celle du Fils sont donc unies. En livrant son corps dans l'eucharistie, il fait sur terre ce que le Père a fait dans le ciel quand il donna sa Parole comme semence à la Mère. La pensée du Père de laisser le Fils s'incarner était si belle que le Fils ne connaît rien de meilleur à laisser aux hommes que l'eucharistie qui a son origine dans l'incarnation en tant qu'eucharistie du Père (NB 6,529-530).

 

295. Est-ce que Marie aussi a communié ?

Avançons lentement, pas à pas, pour comprendre le mystère. Oui, elle a effectivement pris part aux eucharisties avec les apôtres et les disciples. Elle a rompu le pain avec l’Église. Mais elle l'a fait avec une tout autre intelligence que nous, d'une manière qu'au fond nous ne connaissons pas et que nous ne pouvons pas approfondir (NB 11,35).

 

296. Quand Marie communie

Marie a donné à son Fils de sa substance humaine. Quand elle communie, elle reçoit de lui en retour quelque chose de sa substance à lui, quelque chose qui a des conséquences dans sa tâche quotidienne, comme le Fils veut que ce soit fait. Jamais un être humain n'a été plus proche de Dieu que Marie et pourtant cette proximité reçoit aussi par la communion une nouvelle stimulation. Que Marie mette le Fils au monde et qu'elle le reçoive dans le sacrement, les deux choses sont des exigences de l'Incarnation et les deux ensemble conduisent à son Assomption corporelle dans le ciel. Entre l'Incarnation et l'Assomption au ciel, il n'existe aucune opposition (NB 10, n° 2189).

 

297. Accueillir l’eucharistie comme Marie

Nous devons recevoir l'eucharistie de telle manière qu'au lieu d'être ceux qui rejettent le Fils nous redevenions en Marie ceux qui l’accueillent. Au lieu de prendre le chemin de tous ceux qui l’ont rejeté, nous devons prendre le chemin de celle qui l’accueille de manière unique : la Mère (NB 6,184).

 

298. Dans le sein de Marie déjà le corps du Fils avait un sens eucharistique

Le Ressuscité nous offre son eucharistie. Il nous montre par là que son corps a une signification non seulement jusqu'à sa mort, mais qu'au contraire, par la Résurrection et l’Ascension, il garde pour Dieu et pour le monde une signification permanente : il nous est donné dans l'eucharistie. Dans le sein de Marie déjà ce corps avait un sens eucharistique (NB 6,476-477).

 

299. Marie dévoilée par le Fils

En tant que femme, Marie est ce qui est concret, mais en tant que femme aussi elle est voilée durant sa vie terrestre ; en revanche elle est dévoilée dans l’Église, elle est dévoilée là par le Fils. Le Fils la montre à l'humanité. Il le fait sans lui poser de question tant il s'attend à son consentement. Elle-même se dévoile totalement devant l'Esprit ; il n'y a rien en elle qu'elle lui cacherait. Le Fils la dévoile dans son obéissance à l'Esprit, spontanée et ignorante. Il y a chez elle une possibilité d’être dévoilée qui lui est propre et qui se trouve chez elle à l'avance, dont le Fils dispose. A la croix la Mère est voilée ; dans l’Église, la Mère est dévoilée (NB 1/2, 172).

 

300. Les apparitions de Marie

On ne sait plus en notre temps que Marie aime se montrer. On s’en fait de fausses idées. Pour elle, se montrer, c’est en vérité comme le contenu de sa prière. Elle ne se montre pas pour se montrer. Elle se montre pour transmettre quelque chose. Et la première chose qu’elle communique pénètre toujours en nous pour que ce qu’elle communique puisse arriver au monde qui nous entoure. Nous devons nous adapter à elle. Comme quelqu’un avec qui on parle à voix basse en arrive lui aussi à parler à voix basse. C’est au fond l’état de choses qui est normal et qui va de soi. Et il serait également normal de transmettre de la manière qu’elle nous a été transmise une communication qui a été pensée pour être transmise. Avec le même accent, la même intonation. Quand la Mère se montre, elle accomplit simplement une mission de Dieu pour nous qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère (NB 9, n° 1991).

 

301. Personne dans l’Église n'apparaît aussi souvent que Marie

La nature de l’Église, c'est la rencontre continuelle de l’Époux avec l'épouse afin que la vie se développe toujours à partir de leur rencontre. Une vie qui vit continuellement du caractère voilé de l'épouse. Personne dans l’Église n'apparaît aussi souvent que Marie - beaucoup plus souvent sans doute que le Fils lui-même -, et elle apparaît pour déchirer les voiles dont se couvre l’Église. C'est elle qui donne au fait d'être voilé et à la quiétude le caractère d'une rencontre vivante avec le Fils. Qu'elle apparaisse ainsi dans l’Église répond au fait qu'elle a été voilée sur la terre (NB 1/2, 173-174).

 

302. Le sens des apparitions de Marie

Quand l'Esprit couvrit la Mère de son ombre, ce fut une exigence inouïe pour sa foi. Elle dut saisir par l'esprit ce qu'elle ne devait comprendre que plus tard corporellement, quand l'enfant devint perceptible. Et ce mystère, l'Esprit le lui transmet après son assomption pour qu'elle le gère : elle ne cesse d'apparaître dans l’Église en son existence céleste, pour éveiller l’Église à l'intelligence du céleste (NB 1/2, 174).

 

303. Le ciel se donne en chaque apparition

Le ciel se donne toujours tout entier lors de l'apparition de n'importe quel habitant du ciel. Quand Marie se montre, elle ne laisse pas le ciel fermé derrière elle. Même si elle est seule à se montrer, on voit en elle ce qu'est le ciel tout entier (NB 12,121).

 

304. Origène (+ 253) et Marie

De Marie, Origène reprend quelque chose de très essentiel dont il n'est peut-être pas pleinement conscient sur le moment : sa disponibilité, l'explication de son existence par le oui : se laisser mettre à un poste déterminé pour s'acquitter de sa tâche dans l'obéissance et le service (NB 2,161).

 

305. Saint Athanase (+ 373) et Marie

L'élément marial d’Athanase, c’est le don de lui-même de celui qui a dit oui pour se laisser conduire ensuite sur les chemins que Dieu seul détermine. Sa prière est une prière de contemplation et d'action ; l'élément marial se manifeste chez lui par le fait que son âme cherche toujours à répondre par la méditation et l'ouverture, mais aussi par le fait qu'elle est constamment poussée à l'apostolat. On voudrait presque le comparer à Marie qui doit continuellement s'occuper de Joseph, de l'enfant, de cette menuiserie, et qui en même temps se tient constamment en son for intérieur devant le mystère (NB 2,158-159).

 

306. Saint Augustin (+ 430) et Marie

Augustin a avec Monique, sa mère, une relation qui est totalement dans le Seigneur : elle est celle qui a prié pour lui, à qui il doit une profonde reconnaissance ; que serait-il devenu si elle n'avait pas été là ? Tout reste limité à une petite atmosphère humaine. Quand Marie arrive, elle apporte quelque chose de nouveau. Il voit en elle deux aspects : elle est la Mère de Jésus, mais aussi la servante des frères du Seigneur, c’est-à-dire de nous. Dans sa relation avec les autres, qui est difficile pour Augustin, Marie est comme un lien entre Dieu et les hommes. C'est presque comme une deuxième conversion. Il ressemble à quelqu'un qui aurait reçu soudainement un ange gardien. Marie se trouve derrière cette deuxième conversion qui le sort du monde de la philosophie et de la théologie pour le plonger dans la réalité chrétienne. Cela se fait dix ans environ après sa première conversion (NB 2,99).

 

307. Saint Bernard (+ 1153) et Marie

Bernard a pour la Mère de Dieu une vénération chevaleresque. Cela ne l'empêche pas d'avoir pour elle un tendre amour. Cet amour est si vivant que c'est comme si la Mère se trouvait tout près de lui. Dans ses prières et ses sacrifices, il a une manière merveilleuse de l'entourer de petites attentions. Très souvent, quand il se sent une fois de plus inquiet ou pointilleux, il la regarde, et tout rentre dans l'ordre parce que, en la suivant, il est replacé en compagnie des disciples autour du Seigneur. Quand il n'a plus le courage d'avancer directement, Marie alors est là qui remet tout en ordre comme une mère qui, avec deux mots, peut rendre la joie à son enfant effarouché ou malheureux. Il dit aussi des prières particulières à la Mère de Dieu, non ses propres prières, mais des prières existantes qu'il aime particulièrement (NB 1/1, 427-428).

 

308. Dominique (+ 1221) et Marie

Adrienne voit Dominique dire le chapelet. Il voit si parfaitement en Marie celle qui est pleine de grâce, la douceur, qu'il ne tourne pour ainsi dire vers elle que ce qui en lui est doux, qu'il pense à elle lorsque lui-même est plein de mansuétude tandis que, dans le combat, la nécessaire rigueur l'empêche de penser à elle. La Mère du Seigneur n'est pas faite pour le combat. Au cours de sa vie, il y a des années où il dit très souvent le chapelet, comme si c'était sa prière essentielle (NB 1/1, 430-431).

 

309. François d’Assise (+ 1226) et Marie

On pense trop peu au fait que, par François, la Mère de Dieu a acquis une nouvelle place dans l’Église : par la manière d'aimer de François qui est faite d'humanité et de service. Peut-être que François n'a pas pensé à Marie de manière aussi totalement primaire qu'Ignace mais, dans son amour du prochain, il a réalisé ce qui est marial. Bien des choses dans les actions, les règles de saint François nous donnent à penser : est-ce que ce n'est pas Marie qui a inspiré cela ? Partout on trouve le féminin, le maternel, le marial (NB 2,43).

 

310. Angèle de Foligno (+ 1309) et Marie

Prière d’Angèle : Seigneur, ta première épouse fut Marie ; elle a pu te porter à la fois comme mère et comme épouse. Tu as habité en elle. Et maintenant, Seigneur, que tu es venu à nous dans l'eucharistie, tu habites en nous comme si nous étions tes mères et tes épouses. Dans l'Esprit qui nous fait comprendre que tu es vraiment présent dans l'hostie, tu te laisses recevoir par nous comme ta Mère t'a reçu dans l'Esprit et par l'Esprit. Seigneur, bien que nous sachions à quel point nous sommes indignes, nous sommes maintenant remplies d'un sentiment infini de gratitude. Tu habites en nous, tu es en nous, tu habites en nous pour nous accompagner, tu demeures en nous, tu ne nous laisses pas toutes seules. En nous permettant de faire pour toi, à notre manière imparfaite, quelque chose de ce que Marie a fait pour toi à sa manière à elle qui était parfaite, tu nous entraînes plus profondément dans ton mystère (NB 1/1, 451-452).

 

311. Botticelli (+ 1510) et Marie

La Mère du Seigneur est pour lui très importante. Il l'aime; il voit très fort en elle la seconde Ève : selon lui, tout ce qu'il peut voir de beauté chez une femme convient tout à fait à Marie, elle est pour lui l'être ici-bas le plus beau et il n'est jamais gêné de lui donner des traits de beauté (NB 1/1, 121-122).

 

312. Ignace de Loyola (+ 1556) et Marie

Ignace a vu Marie et il a été énormément impressionné par cette apparition. En tant que chevalier, il sait ce que veut dire servir une femme, de même désormais il sait absolument ce que veut dire servir la Mère du Seigneur. Il tire intérieurement certaines comparaisons entre la preuve de faveur d'une dame que l'on sert et ce que cela veut dire si Marie vous apparaît. Il comprend que par cette vision la Mère s'est penchée vers lui. Il comprend que, par là, elle lui a confié quelque chose et que ce quelque chose est contenu en elle, elle lui donne ce qui est sien, elle le donne pour l’Église. Et il pressent très confusément que ce quelque chose sera la Compagnie. Tout cela se trouve là en même temps : une certaine connaissance de la Compagnie, les Exercices commencés mais qui ont encore besoin de refonte et la vision de Marie. Cette vision signifie ce qu'il y a de plus absolu dans sa vie jusqu'à ce moment-là (NB 1/1, 464).

 

313. Ignace chevalier de Marie

Ignace voit son obéissance à l’égard de la Mère du Seigneur comme un chevalier obéit à sa dame, dans la liberté, et qui continue sa vie de chevalier. Il amène en quelque sorte à sa dame ses trophées. Il veut ainsi apporter à Marie les grâces qu'il reçoit. C'est pour lui chose bien établie. Il commence par là à lui rendre la grâce de son apparition - qu'il considère comme l'une des plus grandes de sa vie - pour qu'elle la partage à toute l’Église. Car il voit exactement le rapport entre elle et l’Église en tant qu'épouse du Christ. L'apparition de Marie devient immédiatement pour lui une obligation ecclésiale. Et la grâce ecclésiale qu'elle lui a accordée, Marie doit la faire servir à l’Église. L'obéissance à l’égard de la dame qu'est Marie prépare largement son idée ultérieure de l'obéissance. Celle-ci ne fut jamais pour lui une théorie mais, dès le début, quelque chose de tout à fait concret. La Mère est pour lui maintenant l'accès nouveau, concret, au Fils, comme le Fils l'est pour la Trinité. Le Fils est comme un degré entre la Mère et la Trinité (NB 1/1, 464-465).

 

314. Prière d’Ignace à Marie

Marie, Mère de Dieu, je t'en prie, montre-moi le chemin pour aller vers ton Fils, mon Seigneur, pour que je puisse l'atteindre et lui dire que je veux le servir en tout. Que je veux être pour lui comme un serviteur et accomplir tout le travail qu'il me confiera dans la joie du serviteur qui sait que son maître compte sur lui. Notre Seigneur, je ne vois pas bien où tu veux te servir de nous, nous qui nous tenons prêts dans la nouvelle Compagnie, dont je ne sais encore qu'une chose, c'est qu'elle viendra, mais dont je ne sais pas encore comment elle devra être. Donne-moi, je t'en prie, l'Esprit pour que je comprenne ce que tu désires, donne ton Esprit à ceux qui viennent ; ne te laisse pas empêcher par moi, indigne, de réaliser ton plan, mais emploie-moi à tout ce que tu veux, comme tu le veux, aussi longtemps que tu le veux, et sérieusement, de toute manière. Que je dise oui ou non, n'entends toujours que mon oui que je puise dans la force que ta Mère avait pour dire le sien, mon oui dont je sais bien que je ne puis le tenir que par ta grâce et ton aide (NB 1/1, 466).

 

315. Marie libère Ignace de son passé

Pendant sa vision de la Mère de Dieu, Ignace comprend qu'il est appelé par Marie à vivre en compagnie de son Enfant. Qu'il lui est permis s'abandonner tel qu'il est entre ses bras. Que de même que l'Enfant sort de sa mère, il peut prendre maintenant à partir d'elle un nouveau départ pour devenir un compagnon de son Enfant. C'est comme si, lors de cette rencontre, la Mère lui offrait un nouveau passé. Non en lui expliquant son passé, mais en l'effaçant. Dès maintenant il aura la mission d'aller dans la vie avec l'Enfant comme compagnon, en quittant la Mère. Que le charnel se détache par là de lui, il l'a compris à partir de la même relation : c'est lié à l'apparition dans laquelle il ne peut voir la Mère sans son Enfant. La grâce qu'elle lui accorde est en relation avec son Enfant, elle est pour l'Enfant. Il a compris que dès à présent il lui est permis d'avoir part par la Mère à la pureté de l'Enfant. Il sait que son passé lui a été enlevé par la Mère. C'est dans le fait que son passé lui a été retiré par bonté qu'il voit la grâce ; et c'est dans cette grâce qu'il puise désormais. Il n'éprouve pas le moindre besoin de signaler son passé pour montrer par là ce dont la grâce est capable ; il sait seulement que la Mère l'a libéré, qu'elle peut libérer tout le monde, et qu'il peut aller dans la vie en homme libre. Il a pleinement conscience que cette grâce n'est pas limitée à son existence personnelle. Tout l'accent est mis sur le positif qui a pris place dans sa vie (NB 11,54-55).

 

316. Dialogue constant d’Ignace avec Marie

Depuis sa vision de Marie, Ignace a toujours cherché à rester dans son esprit. Il est comme dans un dialogue constant avec elle (NB 11,106).

 

317. Saint Pierre Claver (+ 1654) et Marie

Il y a chez Pierre Claver un instant qui se trouve très proche de l'instant du oui de Marie. Il dit oui à sa vocation à l'instant où il sent en lui toute la force que Dieu lui offre pour assumer toutes les conséquences de son oui. Il ne dit pas oui pour regarder, ce n'est pas un oui dans la faiblesse, mais un oui dans la force de la question du Seigneur. Dans une grâce qu'il sent. Dans une confiance qui lui est inspirée (NB 2,77-78).

 

318. Marie de l’Incarnation (+ 1672) et Marie

Elle ressent d'une manière tout à fait inouïe la présence de Marie, son don d'elle-même, ses exigences ; elle a pour elle une vénération illimitée. "Exigences" dans le sens de la juste attitude. Il y a des manières de méditer sur le Christ et les saints qui, catholiquement, sont hors de question parce qu'ils ne correspondent pas à la manière de voir de Marie. Et tout cela est à nouveau dirigé vers Dieu seul (NB 2,103-104).

 

319. Grignion de Montfort (+ 1716) et Marie

La mission de Grignion de Montfort est très proche du point où le Fils devient homme. Il a le mystère de l'Incarnation comme mystère de sa mission. Mais non là où Dieu le Père, avec le Fils et l'Esprit, décide l'Incarnation, mais là où est annoncé à la Mère qu'elle va recevoir la semence de Dieu afin que le Fils devienne homme. C'est à partir de ce mystère que ne cesse de grandir son amour de la Mère ; il voit l'humiliation du Fils qui confie son corps en devenir au corps humain de sa Mère, qui donne à son corps à elle pouvoir sur son corps à lui, se laisse former par elle, grandit en elle, reçoit de sa substance humaine tout ce dont a besoin un corps humain. Pour Grignion, c'est de cette obéissance corporelle du Fils à la Mère que résulte notre obéissance spirituelle vis-à-vis d'elle. Si le Seigneur est devenu quelqu'un comme nous le sommes tous, nous avons à nous tenir vis-à-vis de la Mère dans une obéissance qui se soumet à la sienne ; sans perdre de vue le Seigneur, nous devons obéir à la Mère. Son amour pour la Mère ne cesse d'être engendré et nourri par l'amour du Fils pour elle. C'est un amour chrétien vivant pour Marie (NB 1/1, 308).

 

320. Bernadette (+ 1879) et Marie

Berna dette : une enfant innocente, qui n'a aucun pressentiment, qui, tout à coup, sans transition, reçoit une mission. Cela lui arrive d'un ciel si serein qu'elle n'y comprend absolument rien. Elle ne sait même pas ce que c’est qu’une mission. Elle se sentait à l'abri dans la maison paternelle malgré toutes les misères et toutes les frictions. Maintenant l'incompréhensible est là : elle a vu Marie. Ce qu'elle a vu était simple ; elle le raconte tout aussi simplement. Elle ressent bien autour d'elle de la méfiance. Mais au fond cela ne la concerne pas ; elle pense toujours d'une certaine manière que "c'est la vie". Sa mission est accomplie, elle se trouve quelque part derrière elle. L’Église l'a tirée à elle si rapidement qu'elle se trouve comme dépouillée de sa mission, une mission dont au fond elle a à peine su quelque chose. On la fait entrer dans un couvent. Pourquoi ne devrait-elle pas y entrer ? Elle est tellement comme une enfant que ce n'est pas un problème pour elle. Au fond elle ne voit jamais le service personnel qui résulte de sa mission : elle ne voit pas que sa vie au couvent par exemple est une conséquence de sa mission. Au couvent, elle reçoit de terribles vexations, mais elle supporte tout dans une sorte d'obéissance aveugle ; aveugle dans le sens où, simplement, elle ne se pose pas de question ; elle a toujours obéi et "on" le supporte simplement. C'est en supportant qu'elle devient sainte. Comme si elle avait reçu par avance tout le don de la grâce et comme si elle devait maintenant, après coup, faire encore ce qui la rend "digne" d'avoir reçu l'apparition. La plupart des autres missions ont leur préhistoire : on doit croître dans sa mission, entrer en elle en souffrant. Ici, la mission visible, c'est du passé et on doit après coup en payer le prix. Dans sa prière, Bernadette a une simplicité d'enfant. Au couvent, elle a peut-être eu encore une fois une vision, mais peut-être n'était-ce pas une vision originelle mais comme un reflet, un écho de la vision d'autrefois. Dans sa vie personnelle aussi, ce qui s'est passé autrefois à la grotte et ce qu'elle vit à présent au couvent se fondent dans une sorte d'unité et elle est encore toujours dépassée par l'ensemble ; elle ne suit pas tout à fait. Cette simplicité absolue qui ne demande pas à comprendre est ce qu'il y a en elle de grand et d'unique. Elle ne sait pas ce qu'elle sait, elle ne sait pas non plus ce qu'elle fait. Presque tous les saints ont une sphère de réflexion où les événements divins qui les traversent deviennent des expériences personnelles. Bernadette demeure sans expérience. Pour les autres saints s'ouvre par la vision un grand aperçu sur la vérité divine. Pour Bernadette, rien ne s'ouvre. Elle est tellement faite pour les autres, si totalement expropriée, qu'elle ne fait que laisser passer ; elle transmet sans deviner que ce qu'elle livre, elle aurait pu l'avoir pour elle (NB 1/1, 221-222).

 

321. Bernadette et Marie – Le sens de Lourdes

Quand Bernadette voit la Mère du Seigneur, le culte de la Mère dans l’Église en est certes rendu plus vivant ; et pourtant une mission mystique ne se limite jamais à ce qui est marial ; par Marie elle renvoie au Fils, par le Fils elle renvoie au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but trinitaire aussi bien qu'un but ecclésial, tout ce qui se trouve à la lisière est complément et décor, ce doit toujours être compris et lu en vue du centre : l'amour trinitaire qui, par la révélation chrétienne, veut se créer dans l’Église une nouvelle compréhension et un nouvel amour (NB 5,85).

 

322. Bernadette et l’Immaculée

Bernadette est utilisée d'une manière qui dépasse son registre de concepts et son vocabulaire ; elle ne sait pas ce que veut dire "Immaculée Conception". Mais, dans la bouche de Marie, cela veut dire quelque chose de très précis, et Bernadette devra se développer elle-même pour arriver à le comprendre (NB 5,166).

 

Bernadette dit les prières qu'on lui a apprises et elle reste dans une pureté qui n'a pas été éprouvée en quelque sorte. Ce n'est pas pour rien que Marie justement lui dit : "Je suis l'Immaculée Conception", c’est parce que l'Immaculée est très chère à l'âme de Bernadette, son âme est sans tache comme une page vierge. Elle est préparée pour ce qui lui est montré, elle a l'ouverture naturelle de l'enfant qui ne connaît pas le mal. Et ce que son chemin a de pénible et de monotone lui permet d'être attachée de manière particulièrement forte à ce qu'elle apprend vraiment, le bien. Elle est ce qui est vierge, ce qui est pur, si bien que l'apparition de Marie et les miracles qui s'y rattachent ne sont pas opposés à son attente ; ils sont plutôt comme quelque chose de nouveau qu'il faudrait apprendre en plus, qui la remplit d'étonnement et de joie, mais ne diffère pas beaucoup de sa prière jusqu'à présent. Elle doit se souvenir que cela existe, que la Dame vient en ce lieu, qu'elle a dit justement ces paroles, des paroles qu'elle garde tout aussi difficilement qu'une nouvelle prière par exemple ou n'importe quel autre bout d'enseignement. Il n'en résulte aucun problème. Ce qu'elle doit apprendre est toujours encadré par l'apparition, il ne lui viendrait jamais à l'esprit de chercher quelque chose en dehors du cadre qui lui est présenté. Même quand elle est au couvent et qu'on lui impose des pénitences et qu'on la tracasse, ou qu'on l'interroge sur les apparitions, la mesure de mortification la satisfait totalement chaque fois. C'est aussi suffisamment difficile ! Sa spontanéité n'arrivera jamais à faire ou à dire plus que ce qu'elle doit. Chaque fois Dieu lui donne pour ainsi dire une si parfaite mesure qu'il n'y a aucune raison de poser davantage de questions. Tous ses moments libres, toutes ses pensées libres, elle les remplit de prière. Elle connaît une sorte de discipline de prière qui remplit tous les vides (NB 2,159-160).

 

323. Bernadette et le mystère de la Mère

Toute l'existence de Bernadette est contenue dans ces mots : le mystère de la Mère. Le mystère de la Mère dans son apparition, dans les miracles qui suivent, reste pour Bernadette totalement intact, inviolable, et elle-même n'a rien d'autre à faire que de rester dans ce mystère. Pour elle, il n'y a là rien de louche, il n'y a ni interprétation, ni une quelconque possibilité de s'éloigner du mystère pour mieux le voir, de le découper en morceaux, parce que Marie, dans son apparition, voulait justement montrer le mystère de son être en tant que miracle (et produisant des miracles). Cela ne veut pas dire une nouvelle théologie, une nouvelle spiritualité, une nouvelle manière de vénérer Marie, mais la concentration du tout sur un point : l'évidence du mystère. Lourdes veut dire : celle qui est admirable est apparue, il veut dire l'actualité de Marie dans sa totalité indivisible, elle est digne de vénération justement dans son mystère. Quand on cherche à tirer de Bernadette des pensées et des directives mariales particulières qui vont au-delà de la parole de la Dame : "Je suis l'Immaculée Conception", il apparaît tout de suite que l'interprétation s'écarte du centre et de sa simplicité. On peut sans doute mettre Lourdes en relation avec d'autres mystères, mais quand on dit Lourdes, on doit respecter que Marie dévoile ici ce mystère unique de son être, pas un autre et, par Lourdes, on doit parvenir à une nouvelle conscience de sa présence. Car elle veut être et rester dans toute l’Église telle qu'elle apparaît à cet enfant (NB 2,65).

 

324. Bernadette a vu la dame. L’Esprit Saint et Lourdes

L'Esprit Saint fait comprendre ce qui se passe. A Lourdes, si dès la première apparition Marie a déjà sa pleine réalité – Bernadette a vu la dame, elle a parlé avec elle, elle a entendu sa voix, la dame s'est présentée - , Bernadette ne sait pas tout d'abord à quoi cela peut être utile, quelle est la signification de l'ensemble. Elle répète le nom qui est pour elle incompréhensible, mais elle ne sait pas – à part la joie qui lui est donnée – la portée de l'apparition, ni ce qu'elle doit en faire. Et quand elle raconte ce qu'elle a vu, c'est en vertu d'une mission qui n'est pas claire du tout pour elle. Et quand la source jaillit, les témoins aussi se trouvent devant un prodige dont il ne connaissent pas encore la fécondité. L'Esprit Saint connaît le pourquoi et le développement futur, et il en rend compte à Dieu en quelque sorte de la même manière qu'il a rendu compte au Père du dialogue de l'ange avec Marie et qu'il l'a couverte de son ombre. Quand arrivent des miracles de guérison, ceux qui sont guéris savent - et l’Église le sait avec eux - que ces miracles sont comme des paraboles du miracle d'une foi renouvelée : pour ceux qui sont présents, pour leurs proches et, par leurs effets, dans toute l’Église. Et c'est l'Esprit Saint qui distribue et gère l'ensemble (NB 5,177).

 

325. Pourquoi y a-t-il tant de pèlerinages mariaux ?

A cause des nombreuses apparitions et aussi à cause du besoin qu'ont les hommes de cultiver une certaine dévotion en un lieu précis. C'est par bonté que Dieu crée ces lieux. S'ils n'existaient pas, on pourrait facilement s'accrocher à la sentence : "Là où deux ou trois sont réunis en mon nom...", on penserait qu'il suffit d'être avec un chrétien pour trouver le Christ et être au ciel d'une certaine manière. Et pourrait alors venir aussi le revers : on découvrirait à la longue à quel point les chrétiens sont imparfaits et on ressentirait dans la présence de leurs fautes l'absence du Seigneur. Ou bien, ce qui serait encore plus dangereux, on confondrait la présence de vertus dans le prochain avec la présence de Dieu. Pour faire face au danger de voir s'estomper de la sorte toutes les limites, Dieu a créé l’Église avec l'objectivité et la distance patentes de toutes ses institutions ; et, dans cet ensemble, il y a aussi les lieux de pèlerinage qui d'une part s'opposent à l'impression qu'on peut tout avoir partout et qui d'autre part favorisent ainsi l'impression de la proximité réelle du divin. Certes tout chrétien doit d'abord vénérer la Mère dans son église paroissiale ; mais, en tant qu'homme, il a besoin aussi de pôles d'attraction, et Dieu et l’Église les lui offrent dans les lieux de pèlerinage (NB 11,33).

 

*

 

10. LE DESSEIN DE DIEU

 

326. Marie dans le plan de Dieu

Vis-à-vis des saints de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, Marie occupe une place particulière : elle est celle qui fut si comblée de grâce que Dieu a habité en elle, celle par qui il est devenu homme. Par son oui, elle est intégrée dans le plan de l'incarnation de Dieu, qui est le fondement de l'ancienne comme de la nouvelle Alliance. Son oui est dit spontanément de tout son cœur, et c'est un oui que l'homme ordinaire ne peut dire, un oui qui provient du fin fond de la foi et au fond de Dieu lui-même qui offre cette foi au monde comme plénitude de grâce (NB 2,32).

 

327. La place de Marie dans la révélation de Dieu Trinité

Il fait partie de l'accomplissement de la mission du Fils que, par sa vie, par son don de lui-même, par sa foi, par son sacrifice, il fasse mieux comprendre aux croyants quelque chose de l'essence du Dieu unique, de la médiation de la Mère, de la Trinité divine. Personne par exemple ne peut vouloir servir uniquement la Mère sans se souvenir en même temps de la médiation procurée par la Mère entre le Fils et la Trinité. Aucun ne peut vouloir penser de manière exclusivement trinitaire sans penser au rôle de Marie, aucun même ne peut se limiter au Dieu unique sans vouloir inclure le Fils et l'Esprit (NB 2,24).

 

328. Marie dans l’histoire du salut

Prenons comme point de départ l'unité du Fils et de la Mère telle qu'elle existe après l'ascension du Fils et après l'assomption de la Mère. De là, on peut comme mettre le Fils au second plan : vers l'arrière sous le voile des prophéties, vers l'avant sous le voile de l'eucharistie et de son existence dans l’Église. Le mettre au second plan pour mettre en relief la ligne mariale de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, pour montrer comment Marie est révélée d'une manière particulière dans la promesse et dans l’Église. Naturellement, ici aussi, le Fils a partout la direction ; il est comme latent, dans une unité parfaite avec le Père et l'Esprit, mais pour dégager maintenant la ligne mariale, pour la faire apparaître. A aucun instant elle n'est pensable sans lui, mais parce que justement, en tant que femme, elle aime tellement être cachée et voilée, le Fils montre ce que, dans cette obscurité, elle est depuis toujours et pour toujours : en Ève, dans les femmes de l'ancienne Alliance, pendant la vie du Fils sur terre, dans les temps ultérieurs de l’Église, dans les saintes femmes et dans le féminin en général. Marie est rachetée depuis toujours. C'est pourquoi son oui est ce qu'il y a de plus connu, de plus fondamental qui soit. Et en raison du fait qu'elle est rachetée à l'avance, le Fils a la possibilité de disposer d'elle depuis toujours, de façonner ce qu'il veut avec elle et avec son oui avant même qu'elle soit née. Elle qui s'est livrée à lui définitivement, il peut la transmettre à titre de prêt à qui il veut afin que dès maintenant quelque chose de sa rédemption et de l'idée qu'il se fait de sa mère et de sa réalité devienne vivant et se réalise (NB 1/2, 166).

 

329. Adam et Marie

Adam et Marie. Bien que les deux n'aient pas le péché originel, ils ne sont pourtant pas dans la même situation. Marie est depuis toujours saisie par la grâce de l'amour de son Fils. Elle vit à l'intérieur de cette grâce, elle se réclame d'elle constamment. Chacun de ses actes est une réponse à cette grâce. Adam par contre n'est pas racheté (dans le sens d'une séparation définitive du péché), il n'a pas reçu la grâce comme la Mère. La grâce de Marie consiste en un oui réciproque entre Dieu et elle : parce qu'elle est comblée de grâce, elle prononcera son oui et elle a la grâce de pouvoir le prononcer (NB 4,292-293).

 

330. Adam, Jésus et Marie

En soi, Marie aurait pu pécher comme Adam. Elle se trouve entre Adam qui a péché et le Christ qui ne peut pas pécher. Ce qui les unit, tous les trois, c'est une certaine relation au péché. C'est à cause des péchés de tous les enfants d'Adam que le Fils est devenu homme : pour montrer au Père que la création est bonne, qu'on peut vivre sans péché dans la nature d'Adam. Adam a souillé par le péché la distance entre lui et Dieu, le Christ la purifie par la rédemption en y vivant l'amour trinitaire. De même que la distance entre Dieu et la créature devient par Adam un éloignement de Dieu, la même distance devient par le Christ une proximité de Dieu. Marie se trouve à l'endroit où se trouvait Adam, mais là où Adam s'est détourné, elle est restée tournée. De même que le Fils expérimente en Adam la possibilité du péché, de même il expérimente en Marie la possibilité de ne pas pécher. Il y a un instant où la situation d'Adam et de Marie est la même : l'instant avant qu'Adam prenne la pomme et l'instant avant que Marie donne son oui à l'ange (NB 6,180).

 

331. Ève et Marie

Dans l'incarnation, le ciel et la terre se rencontrent. Le Fils a besoin pour cela d'une aide humaine, sa Mère. Dieu le dépose dans son sein et elle devient un symbole de l'humanité qui accueille le Fils et, en même temps, le symbole de l'humanité qui est adoptée par le Fils. Elle est la créature qui est disposée à apporter sa contribution à l'incarnation de Dieu et qui reconnaît ici-bas le Fils comme Dieu. De plus, elle n'est pas seulement la Mère prédestinée du Seigneur, elle est aussi l'image d'Ève telle qu'elle aurait dû être : sans péché. Également l'image d'Ève qui doit son existence à la personne d'Adam selon un dessein de Dieu. Adam existait avant Ève, elle est issue de lui. Physiquement, Marie était là avant la venue du Fils mais, par lui, elle devient la nouvelle Ève telle que Dieu la veut. Son âme pure, sa conception immaculée proviennent du Fils. Quelque chose d'elle se fait par le Fils comme Ève est faite à partir d'Adam (NB 6,183).

 

332. Marie créée pour le second Adam

Ève avait été créée à partir d’Adam, Marie est créée pour le second Adam qui deviendra homme par elle. Et si Ève, qui était issue d’Adam, possédait la liberté de pécher, la liberté de Marie, qui va vers le second Adam, est celle de ne pas pécher. Ève, qui est issue d’Adam, a en quelque sorte la lumière dans le dos, Marie l’a devant elle et elle marche dans cette lumière (NB 9, n° 2033).

 

333. La première Ève et la deuxième Ève

Il y a en Marie l'idée de l'être humain parfait que Dieu avait en vue lors de la création du premier homme si bien que Marie, au fond, n'est pas la deuxième Ève mais la première, celle qui n'est pas tombée, celle qui voit comment tombe la deuxième Ève. Supposons qu'un sculpteur possède un bloc de marbre. Parce que le bloc a une certaine forme, il décide de façonner la statue d'une certaine manière. Mais ce n'est qu'en travaillant à la statue qu'il s'approchera de ce qu'il avait en vue quand il s'en était fait un modèle d'un style ordinaire. Et bien que la forme de la pierre ait contribué à lui donner son idée qui maintenant se précise, c'est lui seulement qui en fin de compte se met à travailler le marbre. Par rapport à Ève, Marie est la pièce de marbre disponible au préalable (NB 1/2, 146).

 

334. Marie au cœur de la création

Dieu crée le monde en tant que Dieu unique qui est pourtant un et trois. Au cœur de cette entreprise se trouve Marie qui, en tant qu'être humain, est l'être humain unique qui rend possible ici-bas que le Dieu unique se présente lui-même comme étant un et trois. Marie se trouve donc au centre en tant que médiatrice de toutes les grâces pour les hommes, mais aussi de la visibilité de Dieu et de l'évidence de sa Trinité dans l'unité. Elle est l'être humain à qui Dieu Trinité donne la mission - fondamentale - qui ouvre la nouvelle Alliance et permet aux croyants, dans cette Alliance, de porter un regard sur la vie trinitaire. Par elle, ce n'est pas seulement le Fils qui est né en tant qu'homme, c'est aussi Dieu le Père qui prend soin définitivement de sa création pour l'introduire par l'Esprit dans la vie trinitaire qui s'est manifestée (NB 2,22-23).

 

335. Marie dans l’ancienne Alliance

Les prophéties de l'ancienne Alliance renvoient par avance à Marie, mais aussi à toute son ascendance, aux connexions des générations. Elle n'est pas la Vierge isolée qui va enfanter, elle a sa place dans une famille, dans un peuple. Matthieu commence par l'arbre généalogique du Seigneur et il donne ainsi une réponse exacte à tout le chemin de l'ancienne Alliance qui, dans ses prophéties, prévoyait son chemin jusqu’à Marie, le calculait même chez Daniel (NB 2,31).

 

336. Les annonces de Marie dans les prophéties

Si les Juifs du temps de saint Paul mesurent les paroles de Paul à l’Écriture pour décider si Jésus est réellement le Christ, et que la vérification se révèle possible, ils pourraient aussi de la même manière examiner les annonces de la Mère dans les prophéties pour donner à sa vie terrestre des fondements semblables. Mais tout autant et plus encore que les paroles de l’Écriture, ce sont les actes et la vie des femmes qu'on trouve dans l’Écriture qui annoncent Marie. Quand des amoureux veulent se rappeler une heure d'amour, il leur suffit de la plus minime des choses, des choses qui pour les autres semblent tout à fait secondaires, pour rappeler indubitablement cette heure : une fleur, une odeur, la tonalité d'un paysage. Et parce que dans la vie terrestre de Marie tant de choses se déroulent d'une manière tout à fait cachée - des choses qui sont presque imperceptibles et qui pourtant font partie de l'essentiel - pour cette raison le marial est souvent aussi tout à fait présent dans l'ancienne Alliance bien qu'il n'y ait guère de mots pour le saisir. Les pieuses femmes de l'ancienne Alliance ont vécu et éprouvé dans leur vie des choses que le Fils leur offrait pour vivre à l'avance en elles la joie qu'il aurait en sa Mère. Marie est présente depuis toujours dans le plan du Père et du Fils, et elle est humainement visible depuis la chute d'Ève. Sarah, la stérile, qui par son enfantement est arrachée au cours naturel de la vie, est un signe de l'enfantement surnaturel de Marie. Ce n'est pas l'Esprit Saint qui la couvre de son ombre, c'est la force de la prophétie qui la fait devenir mère, une force de l'obéissance qui provient de la force du oui de Marie. Elle se laisse faire, alors qu'au fond, du point de vue de la nature, il n'y avait plus moyen qu'on dispose d'elle, c'est un consentement surnaturel. Avec Sarah, avec Anne, des chemins de vie sont ouverts qui seront continués avec Élisabeth, qui s'achèveront avec Marie, des chemins qui, à cause de Marie, ont déjà été empruntés. Le Christ n'est pas seulement Adam retrouvé ; il est Dieu. Marie n'est pas seulement la réintégration d'Ève, elle est la Mère de Dieu. De ce plus en fait de grâce qui se trouve à la disposition de Marie, il y a des signes avant-coureurs dans l'ancienne Alliance (NB 1/2, 167-169).

 

337. Marie et les prophètes

L'ange qui vient à Marie lui apporte un message unique. Ce message vient de Dieu et il est une grâce qui provient de l'éternité. Mais il est aussi la récapitulation de toutes les promesses de Dieu dans l'ancienne Alliance, promesses qui concernent la Mère et la venue du Fils. Les prophètes étaient des hommes qui se distinguaient par leur foi, une foi dans laquelle ils pouvaient recevoir les prophéties. Cette réception était une grâce de Dieu qui pouvait prendre effet en eux parce qu'ils vivaient dans la foi par la grâce. Mais les prophètes étaient des hommes de l'ancienne Alliance, dotés de la grâce, avec leur caractère et leur personnalité, et ainsi le message qu'ils avaient à transmettre devait avoir aussi quelque chose de leur caractère personnel. Ce facteur personnel n'obscurcissait pas, ni ne déformait le message, Dieu se servait de ce facteur pour se faire comprendre aux hommes par des hommes. Mais quand l'ange apparaît à Marie, il y a aussi en elle la foi des prophètes et tout ce que ceux-ci, avec leur foi, avaient mis de personnel dans la transmission du message. C'est en s'engageant eux-mêmes que les prophètes avaient annoncé aux hommes la Parole de Dieu, mais parce qu'ils le faisaient dans l'obéissance, ils n'ont cessé aussi de restituer la Parole à Dieu et aux anges qui étaient témoins qu'ils avaient saisi et transmis correctement la Parole. Quand Marie reçoit la parole de Dieu, sa réception contient toutes les réceptions de tous les messages de l'ancienne Alliance. Dans la parole qui lui est adressée elle entend la parole qui a été adressée à Abraham et à tous ses descendants. L'Esprit Saint a pu arrêter sa date parce que les prophètes ont rempli correctement leurs missions. C'est par la foi des hommes que la plénitude des temps est arrivée bien que Dieu, dans sa liberté et dans sa pure grâce, l'ait arrêtée de toute éternité. Mais il ne le fait pas sans tenir compte de tous ceux qui, durant le temps de la promesse, devaient croire et obéir. Justement parce qu'il s'agissait d'une incarnation de Dieu, Dieu voulait inclure dès le début la foi humaine dans l'œuvre de rédemption du Fils ; par-dessus tout la foi de sa Mère, mais une foi qui incluait clairement aussi dans son oui le oui à l'Esprit Saint de tous les prophètes de l'ancienne Alliance. Dans la question de l'ange il y a, du point de vue du ciel, la question de la Trinité à Marie et, d'un point de vue terrestre et messianique, il y a la question que les prophètes lui posent. Le prophète a répondu à Dieu en donnant son oui à la prophétie. Il en sera ainsi : une jeune fille enfantera. Pour lui, c'est une certitude. Mais ce n'est pas encore réalisé. Et l'ange se présente ainsi à Marie alors que l'événement ne s'est pas encore produit, et sa parole est une question et une requête. Dans les prophètes, c'est toute l'humanité non sauvée qui se manifeste, son cri vers la rédemption. Et ainsi Marie dit oui pour tous.. Oui, elle enfantera le Fils qui accomplira toute prophétie, et son oui est si extensif que rien de ce qui se trouvait dans les prophéties ne sera inaccompli à cause d'elle. L'ange rassemble toutes les grâces des prophètes pour les lui apporter et les faire éclore par elle. Elle est le point central vers lequel toutes les grâces convergent. Les prophètes représentent ici tous les hommes qui ont reçu le Seigneur dans la foi (NB 1/2, 164-165).

 

338. Marie dans l’Ancien Testament

Adrienne rédige des notes sur la Mère de Dieu, sur les choses qu’elle a vues et d’autres sur lesquelles elle aime méditer. Elle veut aussi écrire sur les passages de l’Écriture où il est question de Marie (NB 8, n° 588).

 

339. Marie et les femmes de l’Ancien Testament

Le dévoilement de la Mère dans l'ancienne Alliance est concret, charnel, et il serait tout à fait faux et même dangereux de s'en abstraire et (comme on l'a fait) de spiritualiser et sublimer toujours plus ce qui est marial. L’Église d'aujourd'hui souffre d'une désincarnation artificielle. Mais, selon le plan du Créateur et du Rédempteur, la tension entre l'esprit et le corps sert à ce que l'esprit obtienne sa vérité dans la chair. Il est contraire à la réalité de Marie de penser que la vérité augmente avec une spiritualisation croissante. Si on ne fait plus que voiler Marie en la qualifiant d'épouse de l'Esprit, si on la fait disparaître dans un mystère inaccessible, si on ne garde plus devant les yeux les mystères de sa grossesse et de la naissance, l'esprit marial aussi se volatilisera et s'affaiblira. Les lois fondamentales de la nature doivent être prises en considération si on ne veut pas se méprendre sur les lois de la surnature. Il ne suffit pas non plus de décrire les femmes de l'ancienne Alliance uniquement comme des types de l'une ou l'autre vertu. On doit les considérer dans leur féminité concrète et leur maternité terrestre pour découvrir en elles ce qu'il y a de marial. Et c'est avec cette aspect concret que le marial s'accomplit dans la nouvelle Alliance, l’Église (NB 1/2, 172).

 

340. Marie et les femmes du Nouveau Testament

Les femmes qui peuplent l'évangile : les Marie et la Madeleine, la femme au flux de sang - cette maladie si féminine, si corporelle -, celles qui accompagnent le Seigneur, les connues et les anonymes : elles vivent toutes d'une grâce maternelle que le Seigneur leur offre. Plusieurs se nourrissent de la présence de la Mère qui vit au milieu d'elles et qui se donne elle-même. D'autres ne la connaissent qu'indirectement. Mais les deux aspects - ce dont la Mère dispose en se donnant et ce dont le Seigneur seul dispose - sont la même substance mariale. Sur un point, celles qui reçoivent ce don pourrait en dire quelque chose : comment était la mère du Seigneur dans ses relations avec elles, les mots qu'elle employait, comment elle essayait de leur montrer l'esprit du Fils. Mais au-delà de ce qu'elles diraient, au-delà de ce qu'elles pourraient exprimer, il y a l'indicible, ce que Marie met tellement à leur disposition que Marie elle-même ne le sait pas. "Comment est-ce possible puisque je ne connais point d'homme?" (NB 1/2, 173).

 

341. La vie de Marie

Adrienne a vu en un instant toute la vie de Marie, de la naissance du Fils jusqu’à la mort de Marie. L’étrange était que la disponibilité et le don d’elle-même de Marie étaient parfaits dès le début, mais qu’ils furent pourtant comme réalisés, actualisés dans le cours de ses relations avec son Fils : dans la joie qu’elle a connue avec lui malgré la perspective de la souffrance à venir, dans la souffrance avec lui avec la conscience de la fête de Pâques qui venait, une conscience qui n’estompait pas la souffrance, etc. C’est par tout cela que le don d’elle-même de Marie se traduisit dans la réalité de telle sorte qu’à présent elle peut le partager au monde entier et qu’elle a la possibilité d’en nourrir pour ainsi dire la prière de tous les hommes (NB 8, n° 513).

 

342. Naissance de Marie

Joachim apprend la grossesse de sa femme à une époque où il s’était éloignée d’elle. Quand Marie fut conçue de manière immaculée, ses parents durent en avoir reçu un signe (Note 1 de l'éditeur : Adrienne a toujours été de cet avis : les parents de Marie ont eu des rapports sexuels normaux, mais quelque chose en cette fécondation dépasse le normal, qui est une indication qu'il se passe quelque chose de particulier. Seulement le signe est moins net que pour la fécondation d’Élisabeth et que pour Marie). C'est un de ces événements auxquels on ne prête pas une attention particulière sur le moment, on garde seulement le souvenir qu'il s'était passé ici quelque chose qui sortait de l'ordinaire. Ce n'est que plus tard que le sens apparaît. Il fallait seulement que soit atteinte une certaine attention à la voix de Dieu. Joachim n'en a pas été fort touché, il sait seulement qu'on doit rester éveillé et ouvert. Si déjà auparavant il était, avec sa femme, rempli de vénération pour les mystères de Dieu, il sait maintenant que Dieu est encore plus mystérieux qu'il se l'était imaginé. Ce qui était mystérieux s'est introduit aussi dans sa vie conjugale. En homme qui aime sa femme et plus tard sa fille, il réfléchit un peu à ce qui est inconcevable et cette réflexion se termine toujours en Dieu. Non qu'il comprendrait toujours plus clairement par là le mystère caché. Il ne reçoit aucune certitude, encore moins une compréhension exacte ; il sait seulement que quelque chose de nouveau s'est passé ici qui appartient à Dieu et qui appartient aussi à sa famille. C'est comme si dans la circoncision vétérotestamentaire avait eu lieu une petite dilatation qui le concerne lui maintenant. Et ce n'est que bien plus tard, quand il est question du mystère d’Élisabeth et en quelque sorte aussi de celui de Marie, que Joachim comprend qu'il y eut autrefois comme un très léger premier contact qui introduisait quelque chose de neuf dans sa famille (NB 1/2, 32).

 

343. Le nom de Marie

Quand Marie, enfant, est appelée par son nom, elle se sent comme tous les enfants qui ont tous leur nom et sont appelés par lui. Quand elle est devenue adulte et que ce nom est devenu celui de la Mère du Seigneur, ce nom lui est comme retiré. Elle l'abandonne comme tout ce qu'elle possède afin qu'il appartienne lui aussi au service. Et il lui revient dans un "Je vous salue, Marie", mais elle ne le reçoit que pour le rendre aussitôt. Le nom lui revient pour qu'il vive de sa substance, pour qu'il reste neuf et frais et, avec cette nouvelle fraîcheur, il continue tout de suite jusqu'au Fils et à tous les hommes. Quand nous disons le Je vous salue Marie, nous établissons une relation personnelle avec la Mère et nous n'avons jamais le sentiment que son nom est usé, que sa grande fonction de médiatrice des grâces amène peu à peu la Mère à épuiser ses réserves. Nous n'avons jamais le sentiment non plus que nous sommes couverts par la foule des autres dans les files immenses des solliciteurs, que la relation personnelle avec elle disparaît. Nous pouvons prier de la manière la plus anonyme qui soit, dans le chœur d'un monastère par exemple pour les heures, dans une église archi-comble pour un office ou simplement dans la communion des saints : le caractère personnel de notre relation à elle ne peut pas disparaître parce qu'elle s'est tellement dépersonnalisée dans son nom qu'ainsi justement elle a préparé pour chacun une place personnelle. Elle s'appelle Marie et elle offre ce nom à tous les chrétiens. Elle disparaît derrière ce nom comme derrière le Fils pour lui laisser tout l'espace. Comme beaucoup d'autres, elle aussi s'appelle Marie. Comme les Marie à la croix. Mais elle seule est la Mère. Et parce que, en tant que Mère, elle a eu la plus haute fécondité, elle abandonne aussi son nom avec sa fécondité à toute l’Église. Quelque chose de sa fécondité tombe sur chacun de ceux qui prient. Dans le Je vous salue Marie, il nous est permis de lui faire à nouveau le don de ce nom qu'elle nous a offert (NB 10, n° 2299).

 

344. L’enfance de Marie

Durant toute sa vie, Marie est parfaitement une avec elle-même. Elle est un purement et simplement un être humain qui vit toujours conformément à son état. Enfant, elle est un enfant parmi les enfants ; l'état d'enfance qui correspond à son âge est vécu pleinement avec sa personnalité d'une manière toute simple. Mais elle ne s'isole pas, elle est justement ce qu'elle est comme sans y réfléchir : un enfant qui joue, un enfant qui apprend, un enfant qui sait. Elle se distingue d'Ève par le fait qu'elle demeure parfaitement ouverte et prête (sans souligner spécialement cette disponibilité) à tout ce qui lui est donné de neuf par Dieu ; d'une manière plus générale encore peut-être : prête à tout ce qui lui est donné de bon provenant de Celui qui est bon. Parce qu'elle n'a pas de péché, rien n'empêche en elle cette accueil. Et ainsi Dieu n'est pas non plus continuellement pour elle un problème. Elle possède une nature ouverte, un naturel dans la vie, une insouciance qui ne connaît pas le scrupule et, ne s'occupant pas d'elle-même, rien ne la gêne pour qu'elle soit prête à faire tout ce qui est bien dans le monde qui l'entoure. Elle n'a pas ce qui, pour le pécheur, est la "conscience" et qui le contraint à se poser partout des questions : la question de savoir si, et jusqu'où, et de quelle manière, et avec quel effet, etc. Elle aime naïvement tout ce qui est bon. Elle sait que Dieu lui offre toujours ce qui est bon, même si cela n'entraîne pas toujours expressément un acte pieux, une prière consciente (NB 1/2, 149).

 

345. Marie et ses parents

Elle aime ses parents comme un enfant doit aimer ses parents, son père aussi bien que sa mère. Et elle se sent alors si attirée par le Père qui est au ciel, par le divin en général et par la mission inconnue qui doit venir, que tout cela forme comme l’arrière-plan sur lequel se détache la maison paternelle. Plus elle mûrit et se développe, plus elle sait positivement qu’il y a un mystère autour de son origine qui a été voulue par Dieu. Dieu a disposé cette origine selon sa volonté et cela depuis toujours. Mais elle ne s’intéresse pas davantage à ces choses, car Dieu ne le lui demande pas. Ses questions ne vont pas dans cette direction. Elle connaît ce mystère d’une certaine manière comme une petite fille sait qu’elle appartient au sexe féminin. Elle sait qu’elle est du côté des mères et non des pères. Il y a là une classification, mais on n’a pas besoin de chercher plus loin. Que Marie soit unique dans le mystère de sa classification n’a pour elle aucune importance. Dans cette classification, il n’y a pour elle qu’une chose qui est importante : c’est que ce soit comme Dieu l’a voulu. Le mystère ce n’est pas elle qui a à le protéger, c’est Dieu lui-même (NB 9, n 2034).

 

346. Les années de jeune fille

Que l'Esprit couvre Marie de son ombre et que le Fils vienne au monde par elle est un événement éclatant. D'habitude, l'action de l'Esprit dans le domaine de l’Église est quelque chose d'incroyablement caché. Mais il y a toujours deux éléments : un authentique effort dans le secret et puis, de temps en temps, une intervention soudaine du ciel, qui tombe comme un éclair. Dans le silence de ses années de jeune fille, Marie a été préparée par l'Esprit Saint qui n'est jamais un Esprit de sommeil. Marie était éveillée. L’Église aussi doit être éveillée, prête pour les coups de trompette de l'Esprit. On peut aussi en entendre quelque chose dans un demi sommeil, mais alors sans savoir exactement ce qui se passe. On ne pourra pas tirer les conséquences de ce qu'a dit l'Esprit. "Il y a eu un coup de tonnerre", dit le peuple quand le Père parle à Jésus ; c'est ce que dit aussi une Église qui dort ou somnole quand l'Esprit lui parle. Et quand, après la parole, le silence revient, le somnolent se glisse sous les couvertures et pense : il n'y a sans doute rien eu (NB 6,424).

 

347. Marie notre sœur

En entrant ciel, les personnes ne sont plus un époux ou un fils mais un frère, non plus une mère ou une fille mais une sœur. Les relations que les religieux ont entre eux sont un avant-goût du ciel. Marie quittant la croix en la compagnie virginale de Jean devient sa sœur. Le Fils lui-même, bien qu'il soit Dieu, adopte à notre égard la relation de frère. Lors de l'Incarnation, il a pris sur lui les relations naturelles mais pour finalement les écarter. Sa Mère, il la confie à Jean ; mais eux aussi, ils doivent renoncer à la relation mère-fils à la suite du Fils (NB 10, n° 2125).

 

348. L’une d’entre nous

Marie n'est jamais séparée de son oui ; elle possède une aisance infinie pour accompagner. Cela lui est tout à fait naturel d'être parmi nous comme l'une d'entre nous, ce qui ne diminue pas notre vénération pour elle. Et en étant parmi nous, elle crée l'espace pour ce qui est le plus essentiel : l'adoration de Dieu. Elle ne se fait pas petite pour qu'on remarque combien elle est humble, mais elle se fait toute proche de nous pour que tous ensemble, avec elle, nous adorions le Fils, le Père, l'Esprit (NB 10, n° 2109).

 

349. Marie avant l’apparition de l’ange

(Dit en extase). Jusqu'au moment où la Mère rencontre l'ange, il y a en elle une disponibilité croissante : elle se sent prête, mais elle sent encore beaucoup plus qu'elle veut être prête, que quelque chose se prépare pour elle qu'on peut appeler obéissance. Mais elle ne sent pas cela comme une mise à part, elle ne grandit pas non plus en étant consciente d'avoir une mission particulière, mais simplement dans un plus : plus d'obéissance, plus de disponibilité, plus d'amour, sans savoir qu'est exigé d'elle quelque chose d'autre que des autres croyants. Et pourtant il lui semble que, dans cette disponibilité qu'elle a à offrir, il y ait une intervention croissante de Dieu. Elle se sent toujours plus attirée vers lui. Dans la prière surtout elle sent combien c'est important : dans le sens d'une réponse qui convient à la question de Dieu. Important donc non dans le sens de s'apprécier et de s'évaluer elle-même, mais important comme quelque chose qui apporte la paix et dont on sait que cela satisfait Dieu. Et cela encore une fois sans s'évaluer (NB 1/2, 269).

 

350. Le couple Christ-Marie ouvre à nouveau le chemin du ciel

La ligne de la rédemption : Dieu - l'homme - Marie. Le Christ est Dieu et homme tout à la fois et il empêche absolument par son existence que Marie puisse jamais s'approcher du péché. C'est cela justement qui fait la nature du péché originel : l'envie de pécher ; Adam n'a pas pu l'empêcher chez Ève tandis que pour sa Mère le Seigneur l'enlève tout de suite totalement, il l'empêche même d'emblée. La relation Adam - Ève est en quelque sorte un stimulant pour le péché originel tandis que la relation Christ - Marie est un mur contre le péché originel. Adam et Ève sont bannis ensemble tandis que le couple Christ - Marie entre en scène contre ce bannissement et ouvre à nouveau le chemin du ciel, ramène l'homme en Dieu. Et comme Adam a eu besoin d'Ève pour pécher, ainsi le Seigneur ne veut pas ouvrir sans la femme le chemin de la grâce (NB 4,305-306).

 

351. Le premier jaillissement de la grâce

Durant l'Avent, Marie reçoit beaucoup plus que ce qu'elle pourrait embrasser toute seule. Personne, en ce temps-là, ne pourrait la reconnaître comme médiatrice des grâces, elle-même non plus n'en sait rien. Et pourtant elle est déjà au cœur de son mystère de partage. Déjà, en tant que mère, elle reçoit tout ce qui reviendra à son Fils et par lui, à l’Église, sans mesure ni limites, parce qu'elle vit dans le premier jaillissement de la grâce (NB 10, n° 2153).

 

*

 

11. VISAGES DE MARIE

 

352. Un foyer d’amour

Quel que soit le mystère de Marie que nous abordons, chacun d'eux est une clef pour tous les autres. Si nous contemplons Marie dans sa vie terrestre, elle est certainement élue d'abord pour donner naissance au Fils éternel. Mais ensuite elle est aussitôt également la deuxième Ève, l'incarnation de l’Église. Et comme celle-ci, elle est vierge, une simple vierge qui a vécu sur terre et qui était si transparente à Dieu que tout en elle était aussitôt utilisable pour l'accomplissement de ses desseins. Cette transparence était amour pur qui recevait tout l'amour de Dieu sans ombre aucune. Elle était ainsi la manifestation visible de l'amour de Dieu pour sa créature comme de l'amour de la créature pour Dieu. Un foyer d'amour. Si nous la contemplons aussi dans sa foi aimante, nous nous sentons attirés et pressés de l'imiter pour apprendre par elle à suivre son Fils (NB 10, n° 2154).

 

353. La simplicité d’un enfant et la dignité d’une reine

Parce que Marie est immaculée, chaque mystère en elle est autant transparent qu'il est simple, clair, digne d'être aimé en sa singularité. Sa simplicité n'est jamais troublée par l'existence des autres mystères auxquels il est accordé. Au contraire, les autres mystères rendent chaque mystère encore plus compréhensible et plus digne d'être aimé. Marie traverse ces mystères qu'elle incarne elle-même avec la simplicité d'un enfant mais aussi avec la dignité d'une reine qui croit et qui sait que tout correspond à la disposition de la volonté de Dieu, et qu'elle-même finalement n'est rien d'autre qu'une expression de cette volonté divine, c'est-à-dire de l'amour (NB 10, n° 2154).

 

354. L’être humain dans la grâce

Marie est l'être humain dans la grâce. Elle nous rend la perfection accessible (NB 2,185).

 

355. Tenue par la grâce

Compris d'une manière positive, le "mérite", en tant que résultat d'une œuvre, ne veut toujours dire au fond qu'une conversion à l'amour, au Seigneur. Marie est rachetée à l'avance et elle oriente toute sa vie vers le Fils. Lui-même, par sa grâce, lui a donné cette direction. Parce qu'elle est une créature, elle pourrait aussi se disposer autrement. Elle ne le fait pas, elle persévère dans la grâce ; tout ce qu'elle fait, se passe dans la grâce. Son "mérite" réside dans le fait qu'elle ne change pas de direction. Mais, dès le commencement, ce mérite est inclus dans la grâce du Seigneur si bien qu'elle vit dans cette grâce, la donne et l'engendre ; et elle persévère dans ce rôle qui lui revient comme à personne d'autre. Si on voulait imaginer qu'elle aurait ressenti un jour l'envie de quitter sa voie, elle se serait cependant, à l'instant même, reprise parce que la conscience qu'elle a d'être tenue par la grâce est tellement forte (NB 6,429-430).

 

356. Marie au cœur de la Trinité

Jean a aimé le Seigneur et il a été aimé par lui de sorte qu'il a fait l'expérience de l'amour comme vie et qu'il a été totalement dominé par lui. L'amour était pour lui l’élément le plus important de son existence et il en était conscient. Mais ce savoir est toujours allé plus loin dans l'acte d'aimer et dans la contemplation de l'amour. Puis il rencontre Marie avec son mystère, il la prend chez lui après la croix ; cela crée de nouvelles relations d'amour entre elle et lui ; mais de plus, par le fait qu'un nouvel amour est créé par elle parce qu'elle devient objet d'amour et parce qu'on aime par elle, elle devient un instrument de l'amour divin et humain. Cet amour marial ne peut pas diminuer parce qu'il se trouve en face de la Trinité. C'est justement en Jean que l'on voit que tout culte de Marie et toute dévotion à Marie doivent inclure ce qui est trinitaire, qu'on ne peut pas séparer Marie de son mystère trinitaire. Par Marie, Jean fait une nouvelle expérience de la Trinité. Ainsi son amour, en tant que service du Seigneur et service de la vérité chrétienne, est toujours élevé tout autant que stimulé par la Trinité, et il inclut toujours les mystères de Marie. Les relations de Marie à la Trinité sont si prodigieusement vivantes que non seulement Jean aime ces relations et en vit, mais que tous les desseins du Fils au sujet de la rédemption du monde et du commandement de l'amour peuvent s'en déduire. Marie est le foyer de l'action de la Trinité : du Père, elle conçoit le Fils par l'Esprit, et elle met le Fils au monde pour le rendre au Père dans le même Esprit quand, sur la croix, il remet son Esprit au Père. Jean la comprend dans cette fonction comme étant le centre ; la rencontre de Marie avec la Trinité reste pour elle actuelle tout au long de sa vie, et Jean la reconnaît comme valable éternellement. C'est à ce mystère que l'amour ne cesse de se laisser allumer et aussi vérifier. Si on voit Jean de cette manière, il est alors évident que son amour pour le Seigneur est toujours également trinitaire et marial, et c'est dans cette ouverture que cet amour signifie pour lui la vie (NB 2,63-64).

 

357. La sainteté de Marie

Ce qui est très important dans la sainteté de Marie, c’est qu’elle n’a pas besoin de se faire du souci pour les choses que Dieu ne veut pas lui montrer. Elle reçoit avec son intelligence humaine ce qu’elle doit recevoir, elle ne refuse pas non plus de comprendre autrement si Dieu le demande. C’est la caractéristique de la pureté de son esprit (NB 9, n° 2034).

 

358. La patience de Marie

Il y a la patience que toute mère doit avoir avec son enfant parce qu'il ne répond pas à son attente d'une manière ou d'une autre. Il y a la patience de Marie pendant sa grossesse, sa patience à Cana, sa patience quand le Fils l'a quittée, et elle ne comprend pas ce qu'il fait ; il y a sa patience sous la croix. Toujours elle est prête à être envoyée là où le Seigneur veut qu'elle soit. Mais sur le moment, l'important n'est pas d'être envoyé, c'est d'avoir la patience d'écouter (NB 10, n° 2204).

 

359. Le mérite de Marie

Si on posait à Marie la question de savoir où se trouve son mérite, elle refuserait certainement d'admettre qu'elle possède quoi que ce soit. Si on considère son existence, il est clair que tout son mérite se trouve dans la grâce. Cependant la grâce dans laquelle elle vit et qu'elle transmet par-delà les temps, est son mérite justement en quelque sorte ; car elle consent sans cesse à rester dans son rôle d'intermédiaire, à gérer les "affaires" du ciel en relation avec le monde, et même, si Dieu le veut, à apparaître dans le monde. Quand elle apparaît ainsi, ce n'est pas seulement une question de grâce, c'est aussi une question de mérite, même s'il est aussi très difficile de comparer les mérites au ciel avec ceux d'ici-bas, d'employer le même terme pour les deux. Mais de même que nous employons le terme "durée" pour la durée éternelle et pour la durée passagère, le terme "mérite" peut aussi s'employer pour l'activité de Marie sur terre et dans le ciel (NB 6,430).

 

360. Écouter la Parole de Dieu

Le Père et le Fils ont tous deux confié à l'Esprit le soin de montrer le juste chemin à Ève aussi bien qu'à Marie. Mais pendant que l'Esprit parle, Ève commence déjà à ne plus écouter tandis que Marie l'écoute attentivement et veut se familiariser avec sa parole. Ève perçoit sa mission d'une manière vague seulement et elle la transmet au genre humain sous la forme d'abord d'une décision de pécher, puis du péché accompli, finalement du péché à expier, sans se soucier de sa responsabilité vis-à-vis de Dieu et d'Adam et de sa descendance. Marie par contre perçoit sa mission avec toute la netteté de la parole que l'ange lui a dite, elle y ajoute du sien et renvoie le tout à Dieu. Les contours plus nets de sa mission sont occasionnés par le péché ; s'il n'y avait pas eu d'éloignement entre Dieu et l'homme, Dieu n'aurait pas eu besoin de parler avec autant de précision. Mais d'autre part la nouvelle mission, qui vient de Dieu, c'est le Fils lui-même, qui vient dans le monde pour le sauver et qui apporte de cette manière avec lui sa propre loi, qui est d'être engendré du Père sans s'éloigner de lui. Et avec cette grâce plus profonde et pour ainsi dire plus divine, il veille à ce que sa mère soit rachetée à l'avance comme première contre-mesure opposée au péché. Elle aussi cependant est sauvée et elle a son libre-arbitre. Et de la sorte elle est capable d'entendre parfaitement la parole de l'ange, et de plus, elle est capable de donner à la voix de l'ange tout son poids et toute sa force tandis qu'elle se fait elle-même si légère que sa réponse est comme sans importance. Elle annule de la sorte l'accent personnel et le poids personnel avec lesquels Ève avait opposé une parole nouvelle à la parole de Dieu. Marie ne veut rien, si ce n'est que la parole de Dieu se réalise. Sa mission ne consiste au fond qu'à se donner totalement à cette voix en jetant tout dans sa réponse : "Selon ta parole" (NB 1/2, 162-163).

 

361. La virginité de Marie

La virginité de Marie se trouve avant tout dans le fait qu'elle laisse faire jusqu'au plus intime de sa chair. C'est le cadeau qu'elle a reçu de Dieu. En provenance de Marie, il y a quelque chose de correspondant en tous ceux qui sont vierges dans le monde chrétien. La virginité consiste à se laisser donner par le Seigneur un de ses états, à se tenir prêt à le recevoir sans se défendre, parce qu'il veut nous prendre totalement. Bien des femmes ne donnent à leur mari qu'une partie physique d'elles-mêmes et elles se réservent beaucoup de leur âme. Se donner au Seigneur de cette manière ne serait pas un don de soi. Le don que nous faisons de nous-mêmes doit être sans partage, il doit se faire au moins avec le dessein de donner toujours plus, pour pouvoir finalement tout donner (NB 11,310).

 

362. L’obéissance de Marie

Le Fils, pour obéir au Père, devient homme dans l'Esprit Saint. La voie ouverte par le Fils, la Vierge la prend à son tour. La volonté de Celui qui est devenu homme dispose de la volonté de sa Mère, la remanie, en dispose autrement, la change, afin qu'elle corresponde à son obéissance de Fils pour accomplir la mission dont l'Esprit l'a chargé conformément aux dispositions du Père. Ce n'est donc pas une obéissance qui est prêtée une fois pour toutes, bien insérée dans une forme solidement établie, c'est une obéissance qui est toujours prête à jaillir, non seulement en ce qui concerne la disponibilité de celle qui obéit, mais aussi en ce qui concerne les décisions de celui qui commande. Puisque l'obéissance de la Mère est dans le Fils, que l'obéissance du Fils est dans le Père et que l'Esprit d'obéissance souffle où il veut (NB 2,145).

 

363. Marie ne cherche pas à découvrir le mystère

Quand quelqu'un a une mission, il y aura la plupart du temps dans celle-ci certains événements marquants. On doit y être attentif et les accueillir. Dans la mission de Marie, nous reconnaissons la conception immaculée, la naissance virginale et bien d'autres choses ; pour nous, ces événements marquants sont les signes de la grandeur de sa mission. Mais même si Marie en devine ou en sait quelque chose comme pour sa virginité (à la naissance du Seigneur, c'est comme pour sa conception, elle ne cherche pas à découvrir le mystère), ces signes ne font que la renvoyer à la grandeur du Seigneur (NB 1/2, 275).

 

364. Quelqu’un de pur

Le Fils aime le monde depuis toujours : le monde est l'œuvre du Père et son amour se reflète dans ses créatures. Le Fils voit cet amour en chaque homme, mais il doit voir aussi en chacun le pécheur qui offense le Père. Ce qui blesse le Père, le Fils doit l'enlever du monde, l'expédier hors du monde au sens propre ; et le monde ne doit pas seulement refléter l'amour du Père, mais aussi lui répondre de l'intérieur. En devenant homme, le Fils se présentera au Père comme un homme divin qui donne une réponse parfaite. Mais le Père aussi veut faire au Fils un cadeau pour sa mission : lui offrir quelqu'un de pur avec l'aide de qui le Fils pourra réaliser ses plans. D'où la conception immaculée, la maternité virginale de Marie et son mariage virginal. Mais en tout cela elle n'est pas seulement une personne individuelle, elle est en même temps l’Église ; de même que le Christ est homme et Dieu, de même Marie est une personne et l’Église, et l’Église telle que le Fils se la représente. Tout ce qu'elle a : sa pureté, son amour, sa disponibilité, son don d'elle-même, son oui, son corps, sa personnalité, elle offre tout au Fils pour qu'il en dispose. Elle ne les offre pas comme des choses terminées qu'on ne peut plus changer, mais comme une mélodie qu'il peut modeler à son gré (NB 6, 474-475).

 

365. Contempler Marie

On n'a jamais fini de contempler Marie parce que avec elle on aboutit toujours au tout. Rien ne peut être cloisonné, ni non plus donc être calculé. Combien l’Écriture sainte doit-elle à Marie ? Combien doit-elle elle-même à l’Écriture ? Combien Jean lui a-t-il donné ? Combien lui a-t-elle donné ? Tout est toujours inclus dans le tout, ce que Dieu Trinité offre à la Mère et ce qu'elle lui rend. En elle, nous avons l'exemple du don de soi total et de l'acceptation totale. Chacune de ses paroles est dite ainsi dans la parole éternelle et chacun de ses silences participe au silence de Dieu (NB 10, n° 2109).

 

366. Abandon total

Pour Marie, l'amour surmonte surtout tout ce qui est difficile. Il n'est pas permis à la Mère de changer quoi que ce soit à la mission qu‘elle a reçue, d'empêcher quoi que ce soit. Elle vit sa mission dans un abandon total (NB 6,122).

 

367. L’irruption de la grâce

Les différents exercices spirituels du chrétien - prier, méditer, faire pénitence, lire, etc. - n'ont tous leur sens que pour l'instant de l'union immédiate et simple avec le Seigneur. La vision vient quand elle veut. Marie vit maintenant dans la vision immédiate. C'est un don tout nouveau de la grâce, apparemment sans rapport avec les "exercices" de l'Avent qui ont précédé. Pour la plupart des chrétiens, cette vision s'appelle : bonheur de la proximité, certitude de la tâche, participation dans la foi à la vision de Marie et à celle du Fils. La certitude de la foi est quelque chose de si beau que, si on nous invitait à choisir entre elle et la vision, on ne saurait pas ce qu'il faudrait choisir. Pour tous les chrétiens, c'est la même expérience soudaine : tout d'un coup le Seigneur est là. Du passé au présent il n'y a pas de chemin visible. C'est l'irruption de la pure grâce (NB 6,160).

 

368. Le naturel

Il y a dans le mystère de Marie quelque chose qui a particulièrement touché saint Ignace, c'est le naturel avec lequel elle est toujours à sa place. Quand les disciples ont rencontré le Seigneur, ce fut pour eux comme un hasard derrière lequel il y avait une Providence. Ils ne savaient pas du tout que c'était par obéissance, pour une mission, qu'ils se trouvaient justement sur le chemin où passait le Seigneur. Pour Marie par contre, on a l'impression que dès sa rencontre avec l'ange, il allait de soi qu'elle soit là, qu'elle y était intérieurement préparée ; qu'elle soit là du reste est déjà une réponse, une obéissance non réfléchie. Pour nous aujourd'hui il y a, par la Providence, bien des rencontres aussi que nous n'avons pas attendues, des rencontres pour lesquelles nous étions préparés (NB 11,371-372).

 

369. Médiatrice de toutes les grâces

Aucun chrétien ne peut souffrir sans que la médiatrice de toutes les grâces lui donne quelque chose de la force de son oui, de sa force quand elle a porté le Seigneur (NB 5,115-116).

 

370. Apprendre de Marie

Le Fils a habité en Marie, sa Mère, et il habite dans l’Église. Sa Mère veut tout ce que Dieu veut et elle voudrait que l’Église veuille tout ce que Dieu veut. Quand elle remarque des résistances, elle demande au Fils de bien vouloir la prendre pour vaincre les résistances. Le Fils voudrait que tous apprennent d'elle à être donnés aussi totalement qu'elle, que tous mettent leur volonté dans celle du Père et qu'ils ne soient qu'un seul corps et une seule âme. C'est ce qui plaît au Père. Et tous doivent mettre dans le Seigneur et dans le Père et dans l'Esprit tout ce qui leur plaît, leurs propres jugements et leurs propres volontés (NB 5,269-270).

 

371. Le sourire de Marie

Adrienne dit au P. Balthasar à propos du sourire de la Mère de Dieu qu’elle est si rayonnante de beauté et de jeunesse que sa virginité rayonne pour ainsi dire sur toutes ses autres qualités. Elle est toujours restée une jeune fille au fond. Quand on la voit, on n’a vraiment pas l’idée de l’appeler “notre mère”. Naturellement elle l’est aussi en un sens précis. Mais elle est justement avant tout mère du seul et unique. On voudrait presque plutôt l’appeler “notre sœur” dans un sens suréminent (NB 8, n° 499).

 

372. Celle à qui Dieu ne peut plus rien refuser

Pâques. Marie est dans la joie, aussi simple qu'elle l'a toujours été. Avec autant de naturel qu'elle a dit son oui. Qu'elle soit au ciel n'empêche pas qu'elle soit tout à fait sur la terre. Elle vit dans une joie infinie, mais sans extase inutile, sans négliger ses premiers devoirs. Là où nous penserions constater une rupture, une lézarde, son oui est intact. Dans la plus étroite obéissance au Fils qui gère ce qui lui appartient et qui met tout à sa juste place. Je pense aussi que depuis la résurrection elle est devenue beaucoup plus médiatrice de toutes les grâces. Elle est passée à travers le feu bien qu'elle n'eût pas besoin de purification. Et ainsi elle vit maintenant dans l’Église, dans le Fils, en Dieu Trinité ou au milieu des apôtres comme celle à qui Dieu ne peut plus rien refuser parce qu'elle a obéi en tout (NB 3,322-323).

 

373. La prière de Marie (1)

On voit la manière de prier de Jean, toute abandonnée, vraiment naïve : sa prière est toujours un espace ouvert, illimité, que le Seigneur lui-même remplit. La prière de Marie par contre dit quelque chose de plus intense parce qu'elle est introduite plus avant, parce qu'elle a expérimenté en son propre corps Dieu le Père, le Fils et l'Esprit, et qu'elle est parvenue ainsi à une expérience de l'âme, qui paraît plus riche, presque plus déconcertante, que la prière du disciple (NB 5,235).

 

374. La prière de Marie (2)

Par la présence du Fils dans la Mère, l'offrande qu'elle fait d'elle-même dans la prière est remplie par le Fils, par Dieu Trinité, on lui fait assumer beaucoup plus que ce qu'elle avait prévu, on lui en dit beaucoup plus parce que cela se déroule dans une parfaite entente, c'est un plus qui vaut non seulement pour la connaissance qui lui est toujours donnée, non seulement pour l'adoration dont elle s'acquitte, mais pour tout ce qui se trouve dans les desseins de Dieu. Sa prière est si forte et si infinie que Dieu peut tout en faire ; il peut la transplanter ailleurs, il peut enrichir ce qui est destiné à l'humanité et donner à la vie sacramentelle une part de la force de la prière mariale (NB 6,127).

 

375. La place sainte de la Mère

Tant que le Fils vit ici-bas, la Mère est dans le Fils avec son oui. Elle lui a dit oui, il vient, il prend son oui et le garde tant qu'il vit. Quand il meurt, il doit le lui rendre mais, en le rendant (il en a utilisé ce dont il avait besoin tant qu'il était ici-bas), il confie sa Mère à Jean, le disciple bien-aimé. La rigueur qui fait partie du oui que sa Mère lui a donné s'est maintenue, la mesure de cette rigueur est pleine ; il confie maintenant sa Mère à l'amour du disciple. Elle est arrivée à une limite. Sa fécondité trouve en Jean un abri pour la garder sous une forme qui semble tout à fait différente de celle d'autrefois. Si toute sa fécondité avait consisté à mettre le Fils au monde et à entrer dans l’Église ministérielle après son départ, et si cette fécondité avait alors été absorbée par Pierre, la fécondité de l’Église serait d'une certaine manière épuisée, il n'y aurait plus de saints désormais. Mais non : la Mère entre en Pierre, uniquement parce que Jean est assumé par Pierre quand le Seigneur lui pose la question : "M'aimes-tu plus que ceux-ci?". Jean transmet alors à Pierre quelque chose que celui-ci ne possédait pas encore. Ici se trouve de manière cachée la place sainte de la Mère, que la chrétienté va découvrir, mais cette place, elle ne la prend qu'en s'éloignant (NB 6,487).

 

376. Ouvrir les écluses pour l'afflux des grâces de Dieu

Marie de Béthanie verse du parfum sur les pieds de Jésus(Jn 12,3). Comme pour Marie de Nazareth, l'obéissance de Marie de Béthanie est incommensurablement plus grande que ce qu'elle sait. Les deux font ce qu'elles peuvent en laissant faire ; pour les deux c'est un risque extrême, les deux ne font qu'ouvrir les écluses pour l'afflux des grâces de Dieu (NB 1/2, 44).

 

377. Une obligation de s’approcher de Marie

Dans la nouvelle Alliance, chez ceux qui se nourrissent de la vie de la Mère naît une obligation de s'approcher d'elle, de comprendre qu'elle incarne ce à quoi aspire tout croyant, de percevoir en elle la totalité de ce que Dieu donne à ceux qui croient en lui, afin qu'ils cherchent à le réaliser. Tous les saints de la nouvelle Alliance, qui ont part à la vie mariale - et lequel d'entre eux n'y aurait pas part ? -, ont vis-à-vis de la Mère une authentique obligation. Ce qu'ils ont reçu n'est pas quelque chose de terminé, de clos sur lui-même, c'est quelque chose qui est ouvert sur la Mère, quelque chose qui par lui-même incite à croître et à se développer en union avec elle (NB 1/2, 175).

 

378. Faire passer toutes nos prières au Fils par la Mère ?

Il n'est pas nécessaire de passer toujours explicitement par la Mère. Pendant la vie publique du Seigneur, les apôtres aussi ont eu des relations directes avec le Fils. A cette époque-là, la Mère a accompagné son Fils par sa prière et c'est de cette manière invisible qu'elle a servi et fécondé les relations qu'il avait avec ses disciples. C'est ainsi que nous devons, nous aussi, parler directement au Fils, mais cela n'exclut pas la médiation omniprésente de la Mère. Il en est de même pour la prière au Père. Seulement il est en quelque sorte plus difficile pour nous de parler au Père que de parler au Fils parce que le Fils est devenu homme. C'est pourquoi le Fils nous facilite tellement la conversation avec le Père (NB 11,33).

 

379. Marie dans le couple

Marie a fait l'expérience d'une joie directement en Dieu, une joie qui n'a pas eu besoin d'un époux. Elle a appris à connaître l'homme par son enfant : le Fils était en elle, il a grandi, il l'a quittée, il l'a prise avec lui à la croix, telle fut son expérience de l'homme. Avec son expérience, elle peut faire beaucoup aussi, par sa grâce, pour l'accord dans les mariages où on ne passe pas facilement d'une certaine joie à une joie totale (NB 12,118).

 

380. Prends-moi sous ton voile

Je ne peux pas en même temps prier la Mère de me prendre sous son manteau et en même temps m'analyser moi-même. Je sais bien que j'ai failli, je n'ai peut-être pas péché carrément, mais j'ai cédé à un mouvement, à une impulsion. Si je demande à la Mère : "Prends-moi sous ton voile", cela veut dire : "Répare les choses". Je sais que je suis coupable comme tout le monde et que je pourrais me jeter dans beaucoup de péchés. Mais fais que cela se passe bien. Ce qui en moi est trouble ou dangereux n'est pas intéressant. C'est la protection de la Mère qui est intéressante. La comprendre, elle, et non pas moi, voilà ce qui est important (NB 12,109).

 

381. Le chapelet

La prière du chapelet a un côté masculin. Les mystères qui sont médités sont des mystères mariaux, mais ils sont toujours regardés en même temps à partir du Seigneur, à partir de la bénédiction du fruit de son corps. Tous les mystères partent de la fécondité de la Mère qu'est le Fils. C'est ainsi que, pour un homme qui dit le chapelet, les mystères de Marie sont toujours médités aussi en tant que mystères du Seigneur ; c'est de là qu'ils rayonnent par la Mère sur ses différents mystères, qui de la sorte sont et restent toujours les mystères propres du Fils. Le chapelet peut garder ainsi quelque chose de très austère et de très viril. Le don d'elle-même de la Mère du Seigneur aux prêtres et aux religieux est tout aussi grand et pur que son don d'elle-même aux femmes, et les hommes, s'ils ont une certaine discrétion, peuvent être sûrs qu'ils trouveront toujours le Seigneur dans sa Mère (NB 11,35-36).

 

382. Marie qui pleure

Une nuit, Adrienne a vu Marie pleurer sur le monde et sur l’Église (NB 8, n° 892).

 

383. Marie en adoration

Un matin, Adrienne vit Marie inclinée vers Dieu dans l’adoration et la prière de demande : une demande infiniment pressante pour de grandes choses. Elle désire tellement que, de toute son âme et de toute son existence, elle n’est plus que prière. Pour Adrienne qui voit cela, c’est une invitation immédiate à être ainsi totalement prière devant Dieu. Mais c’est si douloureux qu’elle ne le peut pas (NB 8, n° 862).

 

384. Marie nous conduit à Dieu

A sa consultation, Adrienne reçoit les cas les plus bizarres. Une femme lui raconte que ses proches n’ont plus la foi. La femme pleure continuellement. Elle dit : "Je savais que vous, Madame le Professeur, vous m’aideriez. Mais moi-même je ne crois plus guère. Que faire? Que doit-on croire?" Adrienne la renvoie à la petite statue de Marie qui est sur son bureau et dit : "Je crois que Dieu existe et qu’elle nous conduit à lui". Mme M. se lève alors d’un bond et quitte la pièce en disant : "J’emporte cela avec moi à la maison!" (NB 8, n° 525).

 

385. La grâce de Marie

Marie fait constamment couler sa grâce. Seulement le monde pourrait en avoir une part bien plus grande s’il l’accueillait (NB 9, n° 1915).

 

386. Un grand amour

Marie : un grand amour émane d’elle, quelque chose d'indiciblement bienheureux. En sa présence, on est heureux comme un petit enfant. Rien de plus (NB 8, n° 87).

 

387. Marie et la prière

Adrienne raconte au P. Balthasar qu’elle a vu la prière. Elle l’a vue dans tous ses degrés et toutes ses possibilités. De la prière la plus vide en passant par tous les degrés intermédiaires jusqu’à la prière pleine, totalement remplie, qui contient le don total de l’âme. Ce don plénier est alors en même temps un acte réel, une action, même si on est simplement agenouillé sur un prie-Dieu. C’est de la force de l’acte intérieur, du don total de soi, que se nourrissent les actions extérieures. Adrienne vit de plus que ce don total dans la prière, la “ferveur” proprement dite, est le don particulier de Marie (NB 8, n° 513).

 

388. Marie aide à prier

Quand nous prions maladroitement, mais qu’intérieurement nous ne nous raidissons pas, notre prière est transformée par Marie. Quelqu’un voudrait le bien mais il s’obstine d’une certaine manière dans l’idée que Dieu pense autrement ; Marie alors s’offre comme Dieu l’attend et elle donne pour cela à celui qui prie une certaine intelligence. Elle complète sa prière dans le sens de Dieu ; elle donne en même temps à celui qui prie une ouverture afin que sa prière à lui ait part aussi à la sienne (NB 9, n° 1889).

 

389. Apprendre à prier avec Marie

Comment peut-on faire comprendre aux gens qu’ils doivent grandir dans la prière ? Réponse de Marie : C’est comme pour une langue étrangère ; on enseigne à l’élève mot après mot la langue de Dieu et des saints. Et tout d’un coup il parle cette langue couramment. Mais ceci n’est possible que si on lui enseigne très clairement les rudiments. Dans une relation de moi à toi. L’élève entend aussi comment le professeur parle la langue avec d’autres, il écoute et il acquiert de l’aisance. Le professeur peut être Dieu lui-même ou la Mère de Dieu ou un prêtre. Ce n’est pas nécessairement une personne humaine. Dieu peut ouvrir le ciel à un enfant (NB 9, n° 1945).

 

390. Marie aime les hommes

Adrienne met par écrit des pensées sur Marie, pourquoi elle aime tant les hommes. Le P. Balthasar lui avait demandé de le faire (NB 8, n° 552).

 

391. La douceur

Marie représente toujours le côté de la douceur et elle apporte toujours des raisons d’adoucissement quand il y aurait à punir. Comme la mère dans la famille prend sous sa protection devant le père les enfants qui ont fait quelque chose de mal. La mère concède que les enfants sont méchants mais elle pense que ce sont des enfants qui sont sots, qui ne savent pas ce qu’ils font (NB 8, n° 518).

 

392. Le péché

Marie ne voit pas vraiment le péché. Elle ne voit pour ainsi dire que le manque d’amour, le négatif. Elle n’entre pas en contact avec la souillure elle-même. Elle ne gronde pas. Là où elle ne voit qu’une petite étincelle d’amour, elle s’accroche (NB 8, n° 324).

 

393. Marie et les pécheurs

Marie a une tout autre relation au péché et au pécheur que quiconque. Car c’est au péché et au pécheur qu’elle est redevable de son Fils et c’est pourquoi elle aime les pécheurs d’une certaine manière aussi en tant que pécheurs (NB 8, n° 565).

 

394. L’angoisse

Marie explique à Adrienne l'importance de l'angoisse. On devrait la goûter jusqu'à la lie pour qu'on sache exactement à quoi s'en tenir quand on veut réconforter et consoler les autres. Autrement on ne peut pas assumer cette tâche (NB 8, n°115).

 

395. Une mère avec son enfant mort

Une nuit, Adrienne a beaucoup de visions. Elle voit une mère avec son enfant mort. La mère se révoltait, ne voulait pas rendre l’enfant à Dieu. Elle en avait quatre autres, mais celui-ci lui était le plus cher. Puis Adrienne vit toute une foule de femmes avec des enfants morts : des nouveau-nés, des tout-petits et aussi des plus grands. Elle vit combien peu de ces mères seulement offraient le sacrifice de tout leur cœur. Mais elle vit aussi que Marie avait une relation particulière avec ces mères. C’est elle qui donne les enfants au Seigneur et qui réconcilie les mères. Adrienne vit aussi quelle source de bénédictions ces sacrifices des mères sont toujours ou peuvent être : bénédiction pour la mère elle-même, pour les familles, très souvent pour les autres, pour les enfants à venir qui sont offerts plus sincèrement à Dieu par les mères ; elle vit aussi comment, le plus souvent, le sacrifice d'une mère se trouve à l'arrière-plan de la vocation des enfants au sacerdoce, à l’état religieux ou à tout autre engagement particulier à la suite du Christ (NB 8, n° 697).

 

396. Les hommes et Marie

Servir Marie : les hommes en particulier lui doivent ce service parce qu'elle s'est dépensée si totalement et d'une manière si effacée au service de son Fils et de l’Église. Plus elle le fait, plus les chrétiens ont le devoir de la mettre en lumière en vénérant Marie dans un véritable service (NB 11,32).

 

397. Les rudes épreuves de Marie

Bien des croyants, dans leur vie de foi, évitent de penser à leur propre mort ou à la mort du Seigneur. Ils suivent sans doute l'année liturgique, mais comme cela leur convient : le temps du carême et la semaine sainte, ils les passent surtout dans l'attente joyeuse de la fête de Pâques qui arrive sans qu'ils réfléchissent sérieusement à la Passion du Seigneur ; durant l'Avent, ils regardent à l'avance la venue certaine de l'enfant sans donner de place à l'inquiétude et aux rudes épreuves de Marie (NB 5,132).

 

398. Le chemin de Marie

Le chemin que Marie emprunte avec son enfant en suivant totalement les observances juives, en obéissant parfaitement aussi à l'ange, est un chemin dans la foi absolument clair et intelligible. Cependant, si on regarde ce chemin d'un point de vue humain, on pourrait soutenir que les interventions surnaturelles de l'ange ont été imprévisibles et qu'elles auraient amené une rupture dans la vie de Marie, une nouvelle orientation qui ne s'accorde plus avec les débuts. Le commencement et la fin de sa vie - sa jeunesse avant sa rencontre de l'ange, sa vieillesse à partir de la croix - seraient totalement disparates et le temps intermédiaire représenterait une rupture. Seule la foi voit et comprend la continuité (NB 6,490).

 

399. La Mère des sept douleurs

Pour Ignace de Loyola, Marie est surtout la Mère des sept douleurs. Le chiffre sept a pour lui une signification et il contemple les sept mystères l'un après l'autre. Quand il passe lui-même par des moments difficiles et des déceptions, il cherche souvent à se représenter ce qu'il en fut pour la Mère. Cela l'aide. Et à vrai dire moins le détail de chaque situation douloureuse de sa vie que la diversité de ses souffrances. Si elle n'avait eu qu'une seule grande souffrance, son aide aurait été pour lui beaucoup plus limitée. Mais il la voit avec une quantité de souffrances dont elle fut réellement transpercée. Et d'autre part l'image le conduit plus loin. Par les souffrances de la Mère, il arrive à la Vierge, à son oui, à la femme finalement. C'est peut-être une manière un peu simple d'entrer dans la contemplation ; mais il voit justement dans la souffrance de la Mère quelque chose de central pour lui. Cela ne l'empêche pas de contempler aussi les mystères de sa jeunesse, de sa virginité, de son don d'elle-même : il ne cesse d'éprouver en elle un oui jeune et tout frais. L'étendue de ses souffrances est pour lui le témoignage qu'elle a tenu bon, qu'elle en a fait l'expérience jusqu'à la lie et qu'en même temps elle n'a jamais connu de relâche dans son amour et dans son don d'elle-même à son Fils (NB 11,228).

 

 

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8. L’Église et l’humanité dans le dessein de Dieu

 

Plan

 

Introduction

1. L’Église et l’humanité

2. Le Christ et l‘Eglise

3. L’Esprit et l’Église

4. Marie et l’Église

5. L’éducation de l’Église

6. Les saints, les mystiques, les apparitions et les pèlerinages

7. L’Église dans le mystère de Dieu

8. La vie dans l'Église

9. Le péché dans l’Église

 

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Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue. Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

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INTRODUCTION

 

Adrienne von Speyr n’a pas composé de traité de l’Église mais, dans la soixantaine de livres qui constituent son héritage, l’Église est partout présente.

 

Dieu, le créateur de l’univers visible et invisible, a lancé l’être humain dans l’existence. Quel est le dessein de Dieu sur l’humanité ?

 

Tout au long des âges, Dieu a révélé ses pensées à certains hommes avec mission pour eux de les transmettre à l’humanité. Tout a commencé dans cette partie du monde qui allait devenir Israël. Ces envoyés de Dieu, on les a appelés les prophètes. Finalement, Dieu a envoyé son Fils dans le monde. Les chefs religieux d’Israël n’ont pas reconnu en Jésus un envoyé de Dieu ; ils l’ont pris pour un imposteur qui prétendait être Dieu, ils l’ont condamné à mort. Pour les chefs juifs, cette histoire de Jésus était terminée.

 

Et puis l’histoire nous apprend que, trois jours après la mort de Jésus, ses disciples les plus proches, les apôtres, ont commencé à faire l’expérience que Jésus était vivant par-delà la mort. Et ce Jésus les chargeait de transmettre à toute l’humanité le message qu’il était venu révéler de la part de Dieu. Quelques hommes reçoivent cette mission. Ces quelques hommes, c’est l’embryon de l’Église.

 

Dieu se sert des humains pour leur faire connaître ses desseins sur l’humanité. Il a commencé par le peuple d’Israël et ses prophètes. Ensuite, depuis Jésus, c’est l’Église - toute une tradition d’hommes et de femmes de Dieu – qui continue de transmettre à l’humanité le message de Jésus : les humains sont invités à vivre en communion avec Dieu. Vivre en communion avec Dieu dès la vie présente, et ensuite par-delà la mort puisque telle est la destinée à laquelle Dieu les appelle.

 

Adrienne von Speyr fait partie de cette tradition. Elle a été très proche de Dieu et Dieu lui a donné de connaître en profondeur bien des aspects de sa révélation qui est contenue pour l’essentiel dans le livre saint des chrétiens, la Bible, Ancien et Nouveau Testament.

 

Adrienne von Speyr n’a pas composé de traité de l’Église. Mais dans la soixantaine de livres qui constituent son héritage, l’Église est partout présente. Les pages qui suivent proposent un certain nombre de "pensées" d’Adrienne von Speyr sur le sujet qui sont tirées de ses Œuvres posthumes. 

Patrick Catry

 

 1. L’Église et l’humanité

 

1. L’Église embrasse tous les humains

Le Seigneur vit avec nous, nous vivons dans l’Église et l’Église est universelle, elle embrasse tous les humains, elle se soucie de tous au nom du Seigneur (NB 6,28).

 

2. Le Seigneur aime tous les humains

Le Fils n’aime qu’une épouse : l’Église. Dans l’Église et par elle le Seigneur aime tous les humains (NB 9,2028).

 

3. Le monde est dans l’Église

A aucun moment, le Fils n'accueille l’Église (et par elle, le monde) dans une relation exclusive avec lui, il l'accueille tout de suite dans la pluralité de ses relations avec le Père et avec l'Esprit. A la Pentecôte, il envoie l'Esprit sur l’Église afin que l’Église (et en elle, le monde) soit désormais aux yeux du Père à l'intérieur de la relation d'amour du Fils et de l'Esprit. Le Père n'a plus besoin maintenant de voir son monde "extra muros", le monde est inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit et il participe à l'amour trinitaire (NB 6,91).

 

4. L’Église inclut tous les humains

Le péché introduit une ligne de séparation qui traverse l'amour. Il isole. Après le péché, Adam et Ève ont la connaissance du bien et du mal, et cette séparation se révèle pour ainsi dire en Caïn et Abel. Leur querelle est le signe que la relation d'amour originelle est perdue. On doit compter maintenant avec la loi du péché, ce sera une lutte éternelle entre le noir et le blanc, et la plupart des fruits seront gris. Désormais le monde est ainsi. Quand le Christ arrive, il institue l’Église et, par elle, il introduit dans le monde le jeu des forces : Père - Fils - Esprit - Église. Sur la croix, il a vaincu le mal du monde en son fondement et d'une manière universelle, il a ainsi la possibilité d'inclure tous les hommes dans sa relation d'amour avec l’Église : les croyants et ceux qui ne connaissent rien de lui, également ceux qui le combattent, tous sont inclus d'emblée (NB 6,91).

 

5. L’amour de l’Église pour le monde

L’Église peut tout recueillir dans son trésor et elle crée partout des concepts qui, s'ils sont compris correctement, peuvent servir à découvrir partout et à l'infini l'amour du Père ; par tout ce que l’Église crée de neuf, par toute parole qui est formulée dans l'amour, l'amour du Père veut renforcer la relation d'amour que l’Église a pour le monde. Et on comprend aussi comment la croix remporte la victoire sur le péché, non seulement comme la plupart du temps nous la voyons - comme l'antidote aux différents péchés - mais de telle sorte qu'elle triomphe de la totalité du péché, transforme le monde et l'établit en Dieu encore plus profondément que le péché pouvait l'en détourner (NB 6,92).

 

6. L’amour de Dieu pour le monde

Dans la foi, il n'est pas difficile de deviner l'amour du Crucifié pour nous et de deviner, par cet amour, quelque chose du don d'eux-mêmes du Père et de l'Esprit au monde. Ce n'est qu'à partir de là que nous voyons combien il serait difficile pour nous, sans cet amour devenu visible du Fils et ensuite de l'Eglise, de nous représenter quelque chose du don de l'amour de Dieu pour le monde (NB 6,97).

 

7. L'amour du Christ pour l'ensemble de l'humanité est transmis à l’Église

L'amour du Christ pour l'ensemble de l'humanité est quelque chose qui doit continuer quand il ne sera plus visible ici-bas. Cette norme qu'il établit comme devant rester est ce qui est objectif dans l’Église, quelque chose qui participe à l'être de Dieu. Ce côté objectif appartient à la grâce de Dieu répandue dans le monde des hommes. Il est une union objective du divin avec l'humain telle qu'elle résulte fondamentalement de l'incarnation. L'objectivité de cette norme est vie et non pas mort (NB 6,111).

 

8. L’Église est là pour présenter sans cesse à l’humanité l’offre de la grâce de Dieu

Nous sommes libres mais nous savons très bien que notre liberté devrait se diriger d'après la volonté divine ; en fait nous nous lions dans le péché, mais nous restons conscients que nous aurions la liberté de ne pas pécher. Il s'ensuit une sorte de course entre la volonté salvatrice de Dieu et notre volonté de pécheurs. Dans tous nos excès, l'offre de la grâce de Dieu est toujours là parce que le Christ a fondé son Église pour qu'elle ne cesse de présenter à l’humanité l’offre de la grâce de Dieu (NB 6,265).

 

L’Église doit être la mère de beaucoup d'enfants. L’Église est universelle, elle appartient à tous (NB 6,506).

 

L’Église est le lieu où Dieu habite particulièrement dans le monde (NB 5,151)

 

9. Il y a de la place pour tout le monde dans l’Église

Dans l’Église, il y a de la place pour tout le monde : pour ceux qui sont doués et pour ceux qui ne le sont pas ; Dieu n'a laissé personne si inapte qu'il ne pût trouver un accueil dans l’Église. En soi, l’Église est accueillante, les personnes n’ont d'autre tâche que de se laisser accueillir (NB 5,195).

 

10. L’Église : l'espace où la foi peut se développer

Un chrétien dans l’Église a la foi. Celle-ci n'a pas besoin d'être très riche, elle se manifestera en tout cas dans sa conscience par le fait qu'il sait qu'il fait partie de l’Église. Mais l’Église est l'espace où la foi peut se développer (NB 3,368).

 

11. Le Père voulait que le monde entier devienne son Église

Le Père voulait que le monde entier devienne son Église. Mais le monde est tombé dans le péché ; il n’a pas cessé pourtant d'être l’Église parce que le Père voulait que le monde entier devienne son Église (NB 1/2,110).

 

Toute prière authentique veut ce que Dieu veut : l’union du monde avec lui (NB 10,2292).

 

12. Le monde entier est attiré dans le royaume du Christ

En la fête du Christ Roi. Quand un mystère du Seigneur est célébré, il est aussi communiqué ; qui le médite verra certes avant tout le Roi qui est fêté, mais la fête a quelque chose d'indivis : c'est une fête de l’Époux avec son épouse qu'il mène à la rencontre du Père ; et, avec l’Église, c'est le monde entier qui est attiré dans le royaume du Christ. Son mystère est ainsi un pendant du mystère de la création où tous les êtres ont été créés secrètement pour le Fils ; maintenant le Fils achève ce qui a été commencé en conduisant tous les êtres au Père afin que la création comme un tout devienne une fête. Le royaume de ce monde et le royaume des cieux doivent se trouver l'un l'autre ; tout ce que Dieu Trinité a produit à l'extérieur est intégré dans le cercle interne de la vie trinitaire éternelle. C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10,2175).

 

13. L’Église s’étend au monde entier

L’Église est universelle, elle s'étend au monde entier. Pourtant le monde est, à son égard, opposition et méfiance totales, il s'est dérobé à elle. Si un incroyant entend la Parole de la foi, qu'il en est impressionné et qu'il commence à se poser des questions, il voudrait avant tout voir l'unité entre la Parole et celui qui l'annonce (NB 10,2214).

 

L’ancienne Alliance était un premier degré de l’Église (NB 9,1715).

 

14. Jean-Baptiste doit préparer la synagogue de telle sorte qu'elle puisse devenir l’Église

Jean-Baptiste doit préparer la voie au Seigneur. Il doit préparer la synagogue pour qu'elle puisse devenir l’Église, et cela il le peut parce que la synagogue est devenue en lui l’Église. Deux lignes doivent se croiser en lui et il est là pour qu'elles puissent le faire. Il ne perd pas un instant ; il met ses sandales et il part (NB 1/2,36).

 

15. L’Église, expression de l'unité globale du monde avec Dieu

Le Fils, avec son corps, par sa mort et sa résurrection, est venu pour rechercher le monde fondamentalement, pour le ramener à Dieu. Et pour expliquer aux hommes son dessein, il crée l’Église avec son organisation terrestre visible ; elle vit du contact vivant permanent avec lui. L’Église elle-même est l'expression de l'unité globale du monde avec Dieu retrouvée par le Fils. Non plus dans la phase de la création, mais dans la phase de la rédemption… L'unité vivante du Fils avec l’Église ressemble à l'unité des trois personnes en Dieu. Dans cette unité, il y a de la place pour tous les hommes, pour leur liberté et leurs particularités, et cet espace leur promet le pardon des péchés et la vie nouvelle en Dieu (NB 10,2292).

 

16. Le royaume de Dieu et l’Église

L'homme devrait être disponible pour le royaume de Dieu, pour l’Église (NB 11,385).

 

17. L’Église : l’humanité, le monde

Le Christ offre au Père une obéissance absolue, il s'approche de lui en tant que représentant l'humanité désobéissante et pour la défendre, afin que le Père voie en lui l’Église, l'humanité. Le Fils ne veut pas que le Père voie l'effort que lui coûte de venir à bout du monde. Il voudrait que le Père puisse voir dans son obéissance le reflet de l'obéissance du monde (NB 12,79).

 

18. Le salut du monde entier

L'union du Christ et de l’Église n'est jamais fermée sur elle-même, elle a en vue le salut du monde entier (NB 12,168).

 

19. L’Église : les hommes à sauver

Le Père a le souci du salut des hommes à sauver ; ils sont l’Église qui est l'œuvre de la rédemption du Fils (NB 6,268).

 

20. But de Dieu avec l’Église : faire participer les hommes au dialogue trinitaire

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église - est destinée au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,547).

 

21. Vis-à-vis de l’Église, les hommes ont toutes les positions possibles

Tous les humains sont marqués par leur position vis-à-vis de la foi et de l’Église. Il y a les vrais ennemis et les croyants authentiques ; entre deux, toutes les nuances : les tièdes, les gens qui se déclarent d’Église à moitié ou sans enthousiasme (NB 9,1787).

 

22. Le monde a été créé par Dieu pour qu’il devienne l’Église

Il y a une pré-formation de l’Église lors de la création, étant donné que Dieu a voulu créer le monde entier pour en faire l’épouse de son Fils ; elle l’a renié, mais il garde avec elle une infinie patience, il lui envoie toujours de nouveaux messagers qui doivent lui apprendre à devenir une véritable épouse qui ne peut plus faire défection. L’Église est les deux : l’épouse infaillible et celle qui ne cesse de faire défection, qui est dure d’oreille (NB 9,1925).

 

23. La bénédiction de l’Église va à tous les humains

Quand quelque part dans l’Église un prêtre se prépare à distribuer la communion et qu'il présente l'hostie, il la présente certes à ceux qui assistent à la messe et certainement aussi à ceux qui aujourd'hui, pour une bonne raison, sont empêchés de communier et qui pourtant préparent leur âme pour une communion spirituelle. Mais il la présente aussi à ceux qui n'eurent jamais l'intention de communier plus souvent qu'à Pâques et à ceux qui, par un reste de conscience de la tradition, veulent encore se compter comme faisant partie de l’Église bien qu'ils ne pratiquent plus, et à ceux qui sont incroyants et se trouvent dehors, et l'un d'eux, peut-être par hasard, attiré par la beauté de l'édifice, est entré dans l'espace de l’Église. Doit-on dire que seuls le premier groupe et peut-être le deuxième sont atteints par le geste de bénédiction de l’Église ? Dans le dessein du Seigneur, la bénédiction va à tous et de plus il doit être reçu par ceux qui croient véritablement et être transmis aussi par eux. En tout cas la bénédiction a une force sociale qui veut atteindre tout le monde, ceux également qui ne se sentent pas concernés, les absents aussi au-delà des murs et des frontières, peut-être aussi les enfants à naître et les défunts morts depuis longtemps. La bénédiction du sacrement n'est pas liée par le temps pas plus qu'elle n'est liée à un lieu. Quand Dieu le Père créa Adam, il avait en vue le monde entier. A plus forte raison, le second Adam a-t-il voulu aller chercher l'ensemble du monde. Il n'est pas réduit aux limites des individus, il veut être tout pour tous, et même il le doit, conformément à sa mission, et ainsi, quand il s'offre à quelqu'un, c'est au fond au monde entier qu'il se donne. De cette manière, le sacrement ne perd rien de sa force concrète. Il ne se produit aucune dilution à l'infini si bien que celui qui est le plus éloigné, qui ne le reçoit pas et n'en sait rien, en recevrait finalement autant que le croyant qui assiste à la messe. Plus précisément, la vie contenue dans le sacrement concret est si grande qu'elle déborde de tous côtés. Celui qui assiste à la messe doit être conscient de cette surabondance et orienter son esprit en conséquence. Dans la communion des saints, il serait impensable et non chrétien pour quelqu'un de ne vouloir être saint que pour soi et en soi, de n'aspirer au salut que de sa propre personne, ce serait tout à fait contraire à la grâce sacramentelle qu'il reçoit. De même que le Seigneur se répand corps et âme, de même l’Église et les croyants doivent aussi le faire pour recevoir le Seigneur eucharistique comme il se doit. De même, le saint est un homme qui, corps et âme, se fait pain pour les autres (NB 6,499-500).

 

 2. Le Christ et l‘Eglise

 

24. Les actes du Seigneur du point de vue de l’Eglise

Les actes que pose le Fils en tant qu'homme ont apparemment et d'un point de vue purement humain un caractère d'unicité et ils caractérisent la situation précise d'un moment. Mais vu de l'intérieur du Seigneur et considéré du point de vue de l'Église, ces actes apparemment isolés sont en réalité des contacts vivants avec l'existence éternelle de la vie trinitaire. Ils sont, dans l'histoire des hommes, des épanchements de l'Unique, de ce qui est toujours valable en Dieu (NB 6,98).

 

25. Les promesses que le Fils fait à l’Église sont puisées dans sa vision éternelle

Le Père laisse au Fils ici-bas la vision éternelle, mais le Fils ne peut s'en servir que selon la mesure de sa mission terrestre. Certains éléments de sa mission, il doit les puiser en elle, comme les promesses qu'il fait à l’Église ; d'autres ne peuvent apparaître qu'en y renonçant : il ne lui est pas permis de connaître l'heure du Père pour l'attendre comme il faut (NB 6, 142).

 

26. Le Fils aurait aimé fonder plus profondément son Église

Le Fils est tellement devenu chair que la pensée de devoir mourir en pleine maturité le touche aussi durement dans sa chair que dans son esprit. Au beau milieu de sa tâche, il doit partir, la croix sera une fin précipitée. Humainement, il aurait souhaité plus de temps pour rassembler ses disciples, mieux les instruire, il aurait aimé fonder plus profondément son Église, approfondir son enseignement. C'est ainsi qu'une certaine déception s'insinue en lui, une inquiétude même : bientôt, en tant qu'homme, j'arriverai devant mon Père, Dieu, avec une tâche que j'aurais voulu avoir accomplie autrement, j'aurais voulu qu'elle soit plus grande. Il ne peut s'empêcher de comparer le petit territoire où il a commencé sa mission avec le vaste monde dans lequel elle devrait s'étendre (NB 6,227-228).

 

27. L’Église qui se dérobe est cachée dans le corps du Christ suspendu à la croix

Tous les plans de Dieu se concrétisent dans le seul corps du Christ qui est suspendu à la croix, et toute l’Église est cachée en lui, et les deux, le Seigneur et son Église, on ne peut pas les séparer. L’Église qui se dérobe et tous les chrétiens dans l’Église qui se dérobent : tout cela augmente la souffrance (NB 6,245).

 

28. L’Époux et l’Épouse

L’Église en tant qu’Épouse n'a pas le droit d'imposer à l’Époux la manière dont il doit s'y prendre avec elle. Si intime que puisse être leur relation, il n'est pas permis qu'elle devienne telle que l’Époux soit modelé par l’Épouse. Les droits qui sont accordés à l’Épouse ne peuvent pas toucher au pouvoir de l’Époux : c'est lui qui décide. Il a le droit d'être devant Dieu le Père tel que le Père le veut sans que l’Épouse intervienne. Il doit dépendre directement de Dieu. Quand l’Épouse comprend cela, elle a peur (NB 6,276).

 

29. L’Époux attire son Épouse pour qu’elle ne fasse qu’un avec lui

En attirant son Épouse pour qu'elle ne fasse qu'un avec lui, l’Époux l'attire aussi dans sa Passion et dans son humiliation. Il assume vis-à-vis de l’Église le rôle du ministère que le Père exerce vis-à-vis de lui à la croix. Seulement dans le Fils, il n'y a pas de résistances à vaincre quand le Père le conduit au-delà de sa volonté humaine, dans le pur abandon ; mais l’Église sent des résistances en elle quand lui est retirée toute libre disposition d'elle-même (NB 6,278).

 

30. L’Époux dispose de l’Église

L’Église n'apprend que sur le tard à quel point l’Époux dispose d'elle. Au début, elle pense toujours qu'elle pourrait, au moins en partie, comprendre et faire ce qu'on attend d'elle. Mais

l’Époux ne se laisse pas induire en erreur. C'est le tout qui est requis. Le Fils transmet aux siens la volonté totale du Père telle que lui-même l'a comprise et exécutée. Il n'a pas le droit de trahir le Père en accommodant et en ramollissant sa volonté. Et pour l’Église, à l'instant de l'exigence, il n'est pas question de vouloir tout savoir mieux que les autres (NB 6,279).

 

31. Le Seigneur ne choisit pas son Épouse pour la mort, mais pour la vie

Le Seigneur ne choisit pas l’Église pour Épouse - et nous en elle - pour la condamner à mort ; il la choisit pour la vie. Elle doit seulement mourir à elle-même pour obtenir en lui la vie. Il serait donc absurde de mettre constamment en question sa propre personnalité, de faire abstraction des dons que Dieu offre, pour déclarer être soi-même un néant à quoi rien ne peut plus adhérer ; au contraire, chaque fois qu'on renonce à soi-même, chaque fois qu'on se vide de soi-même comme le Seigneur l'exige, c'est en vue de notre vie en lui et en Dieu Trinité. Ce qui devient vide en nous ne peut plus être rempli des décombres de ce monde, ce qui devient vide doit rester ouvert au Seigneur qui peut alors le remplir de ce qui lui appartient selon son bon plaisir (NB 6, 282).

 

32. Le Christ a mis dans l’Église sa substance vivante

Le Fils qui meurt sur la croix et présente au Père son sacrifice offre tout ce qu'il a. Pour ne pas garder la dernière chose qui lui reste ici-bas, il confie son cadavre aux hommes, à l’Église. Et quand, à sa résurrection, il réapparaît, à qui appartient alors la vie qu'il recouvre ? Pas seulement au Père qui la lui rend toute neuve, mais au fond aussi à l’Église, à nous tous. L'unité physique du Christ et de l’Église commence lors des "trois jours" : entre la remise de son cadavre le vendredi saint et sa réapparition à Pâques. Le Seigneur a partagé sa substance divino-humaine entre le ciel et la terre. Ce qu'il en remet à l’Église lui appartient certes, mais cela appartient maintenant aussi à l’Église. L’Église commence ici. Sans cette union et ce partage, il y aurait présomption pour l’Église à vouloir être quelque chose. La semence du Christ qui lui est confiée, elle la fait se lever. La semence est vivante dans l’Église parce qu'il a mis en elle sa substance vivante. (NB 6,298).

 

33. La présence du Fils dans l’Église

Le Fils sait qu'il doit se retirer pour demeurer tout proche, pour obtenir cette présence dans l’Église que le Père lui a promise et qui aura une autre forme que le fait d'être un homme parmi les autres (NB 6,304).

 

34. Le Fils veut l’Église et il continue à la façonner

Le Fils veut l’Église, une Église qui a une forme visible, qui correspond à son désir d’Époux. Il lui plaît de voir en elle le lieu des chrétiens. Elle est bien le lieu où il habite et sa demeure. Il continue à la façonner (NB 6,475).

 

35. L’Église est capable de recevoir les grâces du Fils

Le Fils se constitue une Église qui lui est adaptée, mais sans qu'elle ait part à l'abaissement qu'il a assumé en s'incarnant (car l’Église n'est pas Dieu), mais en la faisant participer à son exaltation et en la rendant ainsi capable de recevoir ses grâces (NB 5,20).

 

36. Le Seigneur est toujours distribué par l’Église

Les poissons sont pêchés (Jn 21) par ceux qui possèdent la grâce de la vocation : par les apôtres. La grâce du Seigneur vit et agit toujours dans l’Église, dans les apôtres, dans les docteurs et dans les croyants. Le Seigneur est toujours distribué par l’Église. Personne ne peut s'inventer un chemin privé vers le Seigneur (NB 4,294).

 

37. Les 153 poissons : un cadeau du Ressuscité à son Église

Le coup de filet de Pierre - avec les 153 poissons – (Jn 21). est une réalité. Et le nombre des poissons que les apôtres ont comptés – sans qu'ils en comprennent le sens – l'est aussi. Le coup de filet et le nombre sont un cadeau du Ressuscité à son Église. C'est par la grâce du Seigneur que Pierre a tiré du fond de la mer à la lumière cette abondance et l'a comptée (NB 2,27).

 

38. L’Église est constamment allumée de manière neuve au feu divin du Seigneur

L’Église est un mystère de prise en charge. L’unique Église est tellement dans le Seigneur qu'elle se laisse crucifier avec lui, qu'elle le suit partout où il va, mais en même temps elle agit là où il ne peut plus agir. Elle ressemble à une épouse qui a le pouvoir des clefs durant le temps où l’époux est absent. Les onze disciples se sont enfuis, le Seigneur reste seul et l’Église semble morte. Le Seigneur prend l’Église avec lui sur la croix pour éprouver l’Église. Si plus tard les chrétiens s'enfuient individuellement, cela ne peut plus rien faire à l'Église. Et même si tous fuyaient une nouvelle fois, l’Église ne cesserait d'être abritée dans le Seigneur et aucune preuve ne pourrait alléguer que l’Église n'est pas l’Église du Seigneur. Elle reste l’Épouse. Elle est constamment allumée de manière neuve à son feu divin de sorte que, même si elle le voulait, elle ne pourrait pas mourir. La fin de l’Église est aussi peu imaginable que la fin de l'éternité (NB 4,425-426).

 

39. L’Église, médiatrice entre le ciel et la terre

L’Église est fondation et héritage du Seigneur. Comme le Seigneur lui-même et par lui, elle sert de médiatrice entre le ciel et la terre (NB 2,26).

 

40. La grâce du Seigneur et la grâce de l’Église ne font qu'un

Adrienne voit le rapport du Christ et de l'Église : l'Esprit est exhalé sur la croix et l'Esprit entre dans l’Église en tant qu'Esprit de l'Épouse : les sept sacrements s'écoulent de l'Esprit septuple qui est libéré sur la croix ; du sang et de l'eau s'écoulent de la plaie du côté, qui est également l'origine des sacrements et de la sanctification sacramentelle des chrétiens. Depuis la croix, la grâce du Seigneur et la grâce de l’Église ne font qu'un inséparablement, elles sont un unique trésor de grâce à la disposition de tous. C'est comme si quelqu'un laissait tomber une bourse remplie de pièces d'or : elle s'ouvre et l'or roule par terre ; il y a des gens qui se précipitent dessus, d'autres que cela n’intéresse pas, mais il y en aurait suffisamment pour tous (NB 2,30).

 

41. Le Seigneur se sent chez lui dans l’Église

Les hommes certes sont chargés de péchés, inattentifs, indignes des honneurs et des joies qui leur sont offertes par la communion des saints. Néanmoins la communion porte son nom non seulement d'une manière superficielle, mais avant tout, en raison de la présence du Seigneur en son centre, elle porte absolument le caractère de la sainteté. Il la lui offre, il reste en elle, il se révèle en elle afin aussi que sa sainteté à elle ressorte clairement. Il se sent chez lui dans l’Église, en elle il rencontre les siens. Et il voudrait que les croyants également se sentent ici chez eux, l'y rencontrent et aient part à l'infiniment grand qu'il leur propose, même s'ils ne comprendront jamais totalement cet infiniment grand et même si cet infiniment grand a pour eux un certain caractère insolite du fait de leur état de pécheurs. Ils sont chez eux, mais ils pourraient l'être beaucoup plus en tant que saints par la sainteté du Seigneur. Et par cette sainteté ils devraient devenir des saints eux-mêmes en ne résistant pas à la grâce et en ne lui opposant aucun refus (NB 1/2,15).

 

42. L’Église : celle qui doit être épousée par le Seigneur

Paul voit l’Église comme celle qui doit être épousée par le Seigneur, comme celle qui doit vivre de sa volonté et de son enseignement (NB1/2,52).

 

43. L’Église toujours ouverte pour le Seigneur

Paul voit l’Église surtout comme le corps du Christ et donc pas très directement comme Épouse. Il voit l'union Christ - Église comme celle qui existe entre tête et corps, il ne peut pas les caractériser de manière plus précise. Il voit que les deux vont ensemble, depuis toujours, physiquement, comme la tête avec le corps, et que cependant l’Église demeure toujours ouverte pour le Seigneur, pour la semence du Seigneur et de sa parole, comme une Épouse (NB 1/2,53).

 

44. Le Christ et Marie : un couple. - Le Christ et l’Église : un couple

Adam et Ève forment un couple, mais Ève vient après Adam. Pourtant elle lui est égale et elle commet avec lui le péché. Le Christ et Marie aussi forment un couple ; mais Marie vient au monde avant son Fils et elle n'est pas son égal dans la mesure où il est Dieu de toute éternité. Elle ne pense pas non plus à une égalité de droits, elle pense seulement au service. Mais quand le Fils l'élève de telle sorte que les deux forment malgré tout un couple, tout comme le Christ en tant qu’Époux et l’Église en tant qu'Épouse sont un couple, la Mère laisse faire parce qu'elle sait que tout ce qu'il fait est bien fait. Et qu'il n'y a là aucune corruption parce que jamais un péché ne viendra de lui. Marie est une partie de son plan de salut. Il l'a rachetée à l'avance, il l'a choisie, il l'a marquée, mais il lui a laissé sa liberté et sa connaissance féminine ; elle reste elle-même bien que la grâce l'inonde tellement qu'elle devient la Mère de Dieu incarné et son accompagnatrice et finalement son Épouse, c'est-à-dire l’Église. (NB 1/2,184-185).

 

45. Marie est là chaque fois qu'est reçu le Corps du Seigneur

Parce que l’Église est l’Épouse du Christ qui est issu de Marie comme d'une cellule primitive, aucune communion dans l’Église n'est indifférente pour la Mère. Elle est là chaque fois qu'est reçu le Corps du Seigneur ; et comme elle communique à celui que le reçoit quelque chose de sa manière de l'accueillir, elle reçoit aussi par là une nouvelle joie (NB 1/2,198).

 

46. L’Église : l’héritage que le Seigneur a laissé aux hommes

Pour le diacre Étienne, l'Église est l'héritage visible que le Seigneur a laissé pour les hommes sur cette terre. Elle est pour lui l’œuvre du Seigneur, l'expression du Seigneur parmi les hommes, mais aussi le don des hommes à l’Époux (NB 1/1,260).

 

47. L’Église : centrée sur le Fils et ouverte au Père

Dans la Sainte Famille, l'enfant est le centre, la famille se concentre sur lui, mais le Fils est avec le Père, si bien que le cercle s’ouvre tout de suite sur l'infini, car le Père est au ciel. Cela ne donne pas à penser à Marie et à Joseph que le Fils n'est auprès d'eux que partiellement, absent pour le reste, au ciel. Ils comprennent au contraire en quelque sorte que la présence du Fils au milieu d'eux est incluse dans la présence totale du Fils au ciel, auprès du Père. Ceci devrait toujours être aussi la marque distinctive de l’Église : être centrée sur le Fils et totalement ouverte au Père. Pour que cela se fasse dans l’Église, cela doit se faire en chaque personne (NB 6,162).

 

48. L’Église est nourrie par la vision du Fils

La vision que le Fils a du Père est d'une part une "consolation" pour le Père qui se sait vu par le Fils et, d'autre part, une nourriture pour l’Église qui est nourrie par cette vision (NB 6,190).

 

49. Le Christ donne à l’Église une certaine intelligence des vues de Dieu

Quand on se moque du Seigneur comme "roi des Juifs" et qu'il certifie devant Pilate qu'il est bien roi, sa royauté se trouve dans l'Esprit qui l'accompagne de sa présence. L'Esprit lui donne la royauté céleste où qu'il soit. C'est une propriété de Dieu Trinité, de l'Esprit du Père, du Fils et de l'Esprit lui-même. C'est une souveraineté dans l'Esprit, pourvue de toutes les propriétés qui sont propres à l'Esprit. Une souveraineté dans une liberté totale, dans la vision illimitée. La royauté du Seigneur est une propriété qu'il n'abandonne jamais. Cette royauté, qui a une vue d'ensemble parfaite, explique aussi ce qu'il y a d'intransigeant dans notre foi. Nous avons à croire ce qui est valable pour Dieu, ce qui a valeur d'absolu. Si les propositions dogmatiques sont si concises et n'entrent pas dans toutes les limites de nos désirs et de nos desseins, c'est parce que le dogme provient de la vue finale du Seigneur. Que la vérité soit telle correspond aux desseins de Dieu. Le Seigneur en tant que roi donne à son Épouse, l’Église, une certaine intelligence de ce qui est dernier. L'Esprit du roi lui fait saisir ce qui est dernier chez lui comme ce qui est premier, comme ce qui est point de départ et condition (NB 6,193).

 

50. L’Église est appelée à suivre le Christ dans sa Passion

La contemplation que le Seigneur offre à Jean avant la croix est celle du pur amour d'homme à homme, de l'homme à l'Homme-Dieu et donc à Dieu. Mais ce n'est que dans la nuit de la croix par laquelle le Seigneur passe et dans laquelle il laisse sa propre contemplation devenir Passion que la contemplation de Jean ainsi que le don de la contemplation du Seigneur à l’Église deviennent contemplation totale telle que l’Église en a besoin pour pouvoir suivre le Seigneur dans sa Passion : obéissance ultime vis-à-vis du Dieu qui gère les choses, ultime abandon de soi dans le renoncement à voir et à mesurer par soi-même (NB 6,224).

 

51. Une Église dans laquelle le Christ peut répandre sa grâce

On ne comprend l’Église que si on regarde sa relation au Seigneur. Il faut partir du Seigneur et du besoin qu'il a d'une Église dans laquelle il peut répandre sa grâce. Elle ne doit faire totalement qu'un avec lui, c'est pourquoi les chrétiens ne doivent faire qu'un entre eux. L'unité réside dans le fait que le Seigneur attire à lui son Épouse, et les chrétiens en font partie dans la mesure où ils se laissent attirer vers le Seigneur dans l'unité de l’Église (NB 6,277).

 

Il y a des fils qui relient mystérieusement l’Église au Seigneur (NB 6,229).

 

52. L’Église n’a pas sa vérité en elle-même mais dans le Christ

L’Église n'a pas sa vérité en elle mais dans le Seigneur et dans l'Esprit qu'il lui a donné. C'est pourquoi l’Église ici-bas n'a sa vérité que là où elle s'ouvre sur le ciel et cela n'est visible que pour celui qui contemple cette ouverture dans la foi (NB 6,417).

 

53. L’évangile : un cadeau du Christ à l’Église

L'évangéliste est beaucoup plus éveillé quand il écrit que lorsqu'il faisait son plan et rassemblait des matériaux. Avant, il comprenait ce qu'un homme comprend ; après, il saisit que, dans ce qu'il a écrit, il y a beaucoup plus qu'il ne le pensait. Il comprend ainsi comment un saint conçoit les vérités de la foi : non pas avec l'esprit brouillé et distrait comme le font les pécheurs, mais à peu près comme la vérité veut être comprise. Et de même que le saint comprend toujours aussi de manière personnelle et existentielle, de même aussi l'inspiration est toujours adaptée à chaque écrivain. Elle est tout autant personnelle que valable pour toute l’Église. Quand un évangéliste relit son œuvre, il voit que c'est non seulement l’Église dans son ensemble qui a reçu un cadeau, mais aussi lui-même : il a reçu le message du Seigneur d'une autre manière (NB 6,455).

 

54. L’Église sait que Dieu Trinité agit en elle

Ce que le Christ opère aujourd'hui dans son Église, c'est la volonté du Père, c'est aussi le souffle de l'Esprit ; c'est donc toujours l'expression et la manifestation de l'amour trinitaire. C'est pourquoi quand l’Église sent en elle l'action de l’Époux, elle ne peut pas en rester avec lui à une simple relation de toi à moi ; dans cette action, elle doit toujours voir au-delà la volonté incompréhensible du Père et l'objectivation de l'amour divin dans l'Esprit Saint. Ceci lui permet de voir l'amour en chacune de ses formes, également en celle de la justice, du châtiment et de la pénitence. L'amour n'a pas besoin d'être ressenti directement comme tel pour pouvoir être cru et même expérimenté comme amour. Ce n'est que dans l'obéissance que tout souffle de l'Esprit peut être compris comme amour. Si l’Église sait que Dieu Trinité agit en elle, elle doit se placer elle-même à un point de vue d'éternité et là, en Dieu, toute expression de la vie trinitaire est amour (NB 6,495).

 

55. Le sang du Fils et le sang de l’Eglise

Le Fils qui donne tout son sang pour l’Église ne s'en sort pas sans le sang de l’Église. Il en a besoin, il en dépend. L’Église aussi doit normalement saigner de temps en temps, à intervalles réguliers. Il y a d'une part une "perte de sang" dans les hérésies, les défections, etc., il y a d'autre part les martyrs qui répandent leur sang pour le Seigneur, qui apportent leur contribution au sang de la croix (NB 12,234).

 

56. L’Église naît du côté percé du Seigneur

La plaie du côté du Seigneur et la côte d'Adam. Il y a une relation entre le sommeil d'Adam et la mort du Seigneur. Ève est façonnée à partir de la côte d'Adam endormi tandis que l’Église est façonnée à partir du côté du Seigneur qui s'épuise jusqu'au bout. Ce n'est que lorsque le Seigneur meurt que l’Église accède à la vie ; pour l'éveiller à cette vie, il a fallu que s'épanche la substance vivante (NB 12,231-232).

 

57. L’Église sort de la plaie du côté du Christ

Adrienne voit le Christ et l’Église. Le Seigneur lui montre comment l’Eglise sort de la plaie de son côté et comment ils saignent ensemble. Il saigne par elle, elle saigne en lui. Par son saignement à elle, elle peut à chaque instant fermer sa plaie à lui. Chaque martyr ferme la plaie du Seigneur (NB 8,873).

 

58. Sur la croix, le don du Fils à l’Eglise

Dans la plaie de son côté, le Fils est pur don de lui-même. Sur la croix, le Seigneur n'exige plus rien. Ses trois années publiques étaient exigence. Mais sur la croix le Fils n'est plus que don de lui-même et la dernière goutte qui s'écoule de lui est comme un don de lui-même à l’Église (NB 12,231).

 

L’Église est fondée sur la croix (NB 10,2301).

 

59. L'Église ne peut donner au monde que ce qui vient de son Époux

L’Église en tant qu'Épouse ne peut donner au monde que le fruit de son Époux. Qu'elle communique au monde sa parole, ses sacrements ou quoi que ce soit d'autre, c'est toujours ce qui est à l’Époux. Et chaque fois que l’Église a donné ce qu'elle avait à donner, elle est à nouveau libre et disponible pour lui (NB 12,215).

 

60. Les croyants : enfants de l’Église ou du Christ ?

Le Christ ne cesse d’offrir à l’Église sa substance, une substance qu'elle possède déjà dans la mesure où elle est Église vivante, féconde. Pour être féconde, elle a besoin du don permanent que le Seigneur fait de lui-même. Sans lui, elle ne peut pas porter ses enfants jusqu'à leur terme, car tous les croyants ne sont pas les enfants de l’Église au fond, mais ceux du Christ et de Dieu (NB 12,197).

 

61. L’Époux de l’Église

La semence de Dieu est déposée en Marie pour que naisse d'elle l’Époux de l’Église. Quelque chose qui était Dieu devient chair en Marie (NB 12,162).

 

L’Église naît de la Parole devenue chair (NB 12,155).

 

62. L’Église-Épouse

L’Époux s'est "acquis" son Épouse, l’Église, par la croix (NB 12,167).

 

63. Le Christ, tête de l’Église

Derrière le ministère du Christ, en tant que tête de l’Église, se trouve son don de lui-même sur la croix et dans l'eucharistie et la résurrection (NB 12,168).

 

64. La semence du Christ : sa parole qu’il remet à l’Église

Le Christ remet à l’Église sa semence - la parole - pour que cette semence lève en elle. Ce faisant, il rend l’Église, en tant qu'Épouse, coresponsable de sa propre action en tant qu’Époux. L’Église à son tour partage le mystère à tous ceux qui lui appartiennent, et elle crée ainsi la communion des saints. La semence de la parole lève en elle comme grâce du Seigneur pour tous (NB 12,154).

 

65. La semence de Dieu dans l’Eglise

Dieu le Père a envoyé dans le monde son Fils comme semence de Dieu et, pour montrer sa fécondité, il lui a associé l’Église. Certes l’Église peut refuser de recevoir la semence du Seigneur, celle-ci alors retourne au Père de manière mystérieuse. L’Église ne peut jamais récolter que ce que le Seigneur a semé en elle. Mais elle ne pourra jamais prétendre qu'elle a manqué un jour de la substance du Seigneur. Elle en a toujours assez, elle doit seulement reconnaître ce qui lui a été offert. Elle ne semble stérile que là où elle se refuse. On peut même dire qu'il n'y a pas d'endroits stériles dans l’Église. Aucun curé ne peut dire : "Avec cette paroisse, il n'y a rien à faire". La preuve du contraire, c'est le curé d'Ars. La semence de Dieu lui est confiée, c'est pourquoi il ne peut pas qualifier sa paroisse de stérile (NB 12,134).

 

66. Le Christ ne fait qu’un avec l’Église

Le Seigneur n'est pas isolé de l’Église, ce qui est actif en face de ce qui est passif : l’Église et le Seigneur envoient et accueillent ensemble. Ne pas avoir peur donc de voir le Seigneur ne faire qu'un avec l’Église, un aussi dans la souffrance, un avec une Église imparfaite (NB 12,132).

 

67. Le Christ veut être un corps avec son Église

Le Christ veut être un corps avec son Église. Il est en mesure de le faire comme lui le veut. Ce n'est pas l'affaire de l’Église de décider la manière dont cela doit se passer. L’affaire de l’Église, c'est de se tenir à la disposition du Christ et de rester éveillée pour recevoir du Seigneur toute suggestion sans s'engager en rien à l'avance à son encontre. Car l’Église n'est jamais tout à fait consciente de ses propres possibilités. L'Épouse se tient toujours devant son Époux de telle sorte que c'est lui qui voit l'ensemble. En chacune des manières de se donner, en chacune de ses dispositions, le Seigneur met toujours en jeu sa pleine fécondité. L’Église ne doit pas penser que sa fécondité se révèle limitée s'il le fait tantôt d'une manière, tantôt d'une autre. Son don de lui-même est parfait en tous ses actes. On aimerait supposer que le don d'elle-même de l'Épouse est parfait quand elle ne résiste plus. Quand elle veut ce que veut son Époux. Cependant cela ne suffit pas. L’Église doit aussi se réjouir de ce que veut le Seigneur (NB 12,129-130).

 

68. Le Christ ne peut être sans l’Église

L’Église est "la plénitude du Christ" : on comprend qu'il ne peut être sans elle. La Sainte Famille déjà était l’Église parce que toute l'existence du Fils ici-bas ne peut se dérouler que dans l'échange. Toute parole du Fils ici-bas est une prière au Père, mais tout autant une semence dans l’Église ; elle doit être reçue par un champ pour ce qu'elle est : une parole qui vient de Dieu (NB 12,99).

 

69. La parole du Seigneur et la parole de l’Église

Peu importe que quelque chose soit dit par le Seigneur ou par l’Église ; dans le même Esprit Saint, l’Évangile peut être la parole de l'un comme de l'autre. Dans le baiser des époux, le goût de l'un passe dans l'autre, c'est ainsi que la parole de l’Église peut avoir le goût de la parole du Seigneur (NB 12,98-99).

 

70. L’Église créée par le Christ

L’Église a été créée à l'origine par le Christ, par l’amour du Christ, pour qu’elle donne elle-même une réponse d'amour (NB 12,80-81).

 

71. Devoir de l’Église : ne pas se rendre étrangère à l’amour

L’Église en tant qu'Épouse doit toujours prêter attention à la parole et à la question de son Époux, le Christ. Un relâchement dans cette attention, une volonté de s'en dégager et de suivre ses propres chemins signifie se rendre étranger à l'amour, c'est s'engager dans le péché (NB 12,78).

 

72. Le Christ dirige l’Église

Naturellement, c'est le Seigneur qui dirige l’Église. Mais il y a les fêtes. L'Église alors ne se réjouit pas seulement du Seigneur, elle peut aussi se réjouir pour elle-même et de ce qu'elle est. Car ici le Seigneur ne garde pas seulement la distance, il la transforme de telle sorte qu'au jour de la fête, - comme en toute communion - , il habite en nous comme s'il était toujours l'un de nous. Il rappelle constamment à l’Église son propre état de faiblesse, sa faiblesse d'homme, finalement sa faiblesse au temps de la Passion, sa faiblesse sur la croix et dans la mort. Et il fait entrer l’Église dans ce temps, une Église qui lui est soumise, qui doit faire ce qu'il fait dans sa propre soumission : souffrir. On pourrait imaginer que le Christ se soit fait une Église à laquelle il ne se serait montré que dans sa gloire, sur son trône céleste, et qu'il aurait supprimé ses années d'humiliation. Mais justement il ne l'a pas voulu. Lui-même fut ici-bas le Fils humilié du Père, il a poussé si loin l'obéissance que finalement il a crié au Père : "Pourquoi m'as-tu abandonné ?" Et il proclame en même temps : "Qui me voit voit le Père" (NB 12,44).

 

73. Le Christ aime l’Église et lui révèle un peu ses mystères

Parce que le Christ aime son Épouse, l’Église, parce qu'il l'aime publiquement en montrant son amour à tous les croyants, parce qu'il est le Dieu infini qui s'est choisi son Épouse pour toujours et qu'il est une personne de la Trinité divine, non seulement des possibilités immenses d'amour sont ouvertes mais aussi, en lui, des mystères innombrables qui ne peuvent être révélés en partie que comme mystères. Pour qu'on puisse les deviner, ils sont un peu dévoilés, mais leur révélation est réservée à la vie éternelle (NB 12,50).

 

74. L’Église doit se servir de son bon sens

Le Christ peut exiger que son Église se serve de son bon sens et tire ses conclusions, mais jamais jusqu'au point où elle se sentirait indépendante de lui. Même dans ses actes les plus minimes, elle doit sentir qu'elle est dirigée par le Seigneur, sinon la limite entre les deux serait effacée (NB 12,38).

 

75. L’Église et la joie du Fils

Le Fils connaît la joie de façonner son Église et de la gouverner (NB 12,39).

 

76. Ce qui doit mûrir dans l’Église 

L’Église ne doit pas avoir d'autre centre que le Seigneur. L’Église doit aussi aller du même pas que lui. Le Seigneur peut avoir aujourd'hui en vue quelque chose de nouveau, on ne peut pas être conservateur vis-à-vis de lui. Tout ce que le Seigneur sème doit mûrir dans l’Église. Et si elle le laisse vraiment mûrir, c'est une preuve de confiance qui permet au Seigneur d'aller plus loin avec elle (NB 12,25-26).

 

77. L’Église est créée pour le Fils

Le Père n'engendre qu'une fois pour toutes : le Fils. Ni l'Esprit Saint ni la création ne sont "engendrés". Et le Christ n'engendre rien d'autre que l’Église en s'offrant à elle une fois pour toutes avec tout ce qu'il est et tout ce qu'il a. La création du Père se produit sans que la question soit posée aux créatures. L'Église est créée par le Fils à l'origine sans que la question lui soit posée, mais dès qu'elle est là, elle doit dire oui à sa relation au Seigneur (NB 12,21).

 

L'Église est issue du Christ et il agit en elle (NB 10,2255).

 

78. L’Église dans la main de Dieu

Le Seigneur a créé le miracle qu'est l’Église. Tout se passe toujours dans la communion des saints, dans l'activité de tous ceux qui croient et qui aiment, dans l’Église vivante. Si l’Église n'était pas tellement dans la main de Dieu, Dieu aurait peut-être inventé d'autres formes, plus claires d'action commune. Mais parce qu'elle est l'Épouse du Christ, ce qui est miraculeux arrive en elle et est lié à elle. C'est son privilège (NB 10,2208).

 

79. La fécondité de l’’Église

L’Église est l’Épouse du Seigneur, et sa fécondité, c'est nous, les croyants (NB 10,2125).

 

80. Le Fils transmet à l’Église sa révélation

Dieu a donné sa révélation aux anges, aux prophètes, finalement au Fils, et quand celui-ci a accompli sa mission terrestre il transmet à l’Église sa parole vivante (NB 9,1788).

 

81. Les échanges entre le Fils et l’Église

Le Seigneur ira à la mort en tant qu’Homme-Dieu mais aussi en tant que tête de l’Église et, en tant que tête, il aurait un droit à être soutenu par le corps. Il ne devrait jamais rencontrer l’Église, les croyants, la Mère, sans qu’ils lui donnent quelque chose parce qu’eux-mêmes, à chaque rencontre, reçoivent quelque chose de lui (NB 9,1730).

 

82. L’Église dans sa relation au Christ

Adrienne voit l’Église dans sa relation au Seigneur. Elle est comme une épouse qui marche à côté de lui, à son bras. Il a saisi son bras par en-dessous et le tient ferme. Mais l’épouse qui ne sait que vaguement qu’elle est conduite ne pense pas du tout à lui. Elle pense à elle-même, au lieu de penser au Christ, elle pense à sa position dans le monde, "à la conquête religieuse du monde”, d’une manière générale au “religieux”. Seul le bras saisi est à l’Époux, tout le reste est ailleurs. Quelque chose traîne derrière elle, comme un voile de mariée, dans des lointains à peine visibles après des milliers de tournants de rue, et très peu voient encore le rapport entre ce qui traîne là derrière et l’Épouse qui marche devant avec le Christ. Il se peut qu’un jour quelque chose soit touché par le voile, il en traîne des bouts dans la rue, personne ne voit plus ce que ceci a à faire avec l’Épouse du Christ (NB 8,600).

 

83. Le Christ demeure dans tous les cœurs qui font partie de la communion des saints

Les hommes ont toujours édifié des temples pour Dieu, afin d'être en communion avec lui. Le vrai temple, c'est l'homme Jésus Christ en qui Dieu habite en personne, et le Christ à son tour demeure dans l’Église. Mais il ne demeure pas seulement dans les communautés visibles qu'on appelle églises, il demeure aussi dans tous les cœurs qui font partie de la communion des saints et qui portent le Seigneur partout pour l'offrir au monde. Les chrétiens qui font cela ne sont jamais isolés, ils sont les membres de la communion du Fils qui est l'un de la communion de Dieu (NB 1/2,16).

 

84. Le mystère de l’abandon du Fils sur la croix doit rester présent dans l’Église

Peu de personnes ont entendu les paroles du Seigneur sur la croix ; Marie et Jean s'y trouvaient. Quand ils portent le cadavre au tombeau, quand peu après ils se trouvent à nouveau face au Ressuscité, la pensée du mystère de son abandon les accompagne continuellement. Ce mystère est si profond parce que c'est un mystère trinitaire. C'est pourquoi le Seigneur ne souhaite pas que peu de gens seulement le méditent, il désire qu'il ne cesse d'être présent dans son Église. Ce mystère est la pierre angulaire de la rédemption et, en se le rappelant, l’Église sait que la rédemption reste vivante. C'est ainsi qu'un Jean de la croix et d'autres aussi peuvent avoir part aux mystères de la nuit en ayant conscience que l'entrée dans le samedi saint ne se trouve pas seulement dans la mort du corps, mais dans une foi devenue nuit, une foi pour laquelle la présence de Dieu ne peut plus être sentie et pour laquelle la question adressée à Dieu ne peut plus recevoir de réponse (NB 5,106-107).

 

85. Marie, l’Église et le monde

L’Église est préparée dans la prérédemption de Marie. Le Christ rachète sa Mère, l’Église et le monde. L’Église et le monde sont rachetés, mais le monde l'est aussi par l’Église. Parce que le monde est tombé, l’Église aussi serait livrée à l'apostasie si, dès sa naissance, elle n'avait été rachetée par le Christ et gardée de la chute. Mais pour opérer cette rédemption de l’Église, le Fils se sert de la prérédemption qui fut accordée à Marie. La prérédemption de Marie est la dot qu'elle apporte avec elle dans l’Église et qui fait que celle-ci, dès son origine, est sauvée. Le Seigneur sauve ainsi son Église non seulement d'une manière directe, mais aussi par l'entremise de Marie à qui il a offert la prérédemption : il l'a offerte à elle et, par elle, à l’Église (NB 6,481-482).

 

86. L’Église à la croix : une poignée d’hommes

Quand le Seigneur meurt sur la croix, l’Église est déjà "quelque chose", une poignée hommes ; le Seigneur livre sa propre substance qui fait de l’Église l’Église du Seigneur (NB 6,298).

 

3. L’Esprit et l’Église

 

87. Le Père envoie l’Esprit sur l’Église

Pour le Fils, le fait que le Père envoie l'Esprit sur l’Église est le signe de la communication ultime que le Père fait de lui-même (NB 6,395).

 

88. Le Fils communique l’Esprit à l’Église de bien des manières

Non seulement l'Esprit introduit l'œuvre du Fils, l'accompagne constamment et l'achève, mais le Fils aussi communique l'Esprit, l'envoie et l'intègre à l’Église de bien des manières. Le Fils a dû faire son œuvre de rédemption pour que l'Esprit trouve sa place dans la nouvelle Alliance. Et cette place, l'Esprit l'a trouvée, il a reçu le rôle qu'il aurait dû jouer dans un monde sans péché, qu'il joue maintenant aussi dans le monde sauvé du péché, il achève ainsi l'œuvre de la création du Père (NB 6,399-400).

 

89. L’Esprit Saint peut inspirer l’Église

Les besoins de l’Église sont difficiles à exprimer. Elle désire Dieu ardemment en quelque sorte, et elle ne sait pas exactement si c'est au Fils qu'elle aspire ou à l'Esprit Saint ou à Dieu le Père. C'est l'Esprit qui, inclus d'une certaine manière dans l'humanité du Fils, clarifie les besoins de l’Église en les échelonnant et en les faisant apparaître. L'Esprit ne se trouve jamais embarrassé pour montrer ce qui manque et où il faut s'engager. Il peut aussi donner à l’Église une forte conscience de ce qu'elle doit désirer avant que ses besoins soient satisfaits. Mais il peut aussi agir de manière inverse : lui-même voit quelque chose qu'elle devrait désirer absolument et inconditionnellement, et parfois il satisfait ces besoins avant même que l’Église se rende compte de sa pauvreté, pour n'éveiller qu'après coup en elle le sens de ce qui lui a été donné. C'est ainsi que l’Église n'a remarqué à quel point elle avait besoin de l'enseignement de la petite Thérèse que lorsqu'il fut là (NB 6,405-406).

 

90. L’Esprit devrait être comme la règle de vie de l’Église

L'Esprit est la règle de Dieu le Père que le Fils observe. Il est également la règle du Fils, parce qu'il l'a observée parfaitement et qu'il l'a traduite dans sa vie. Les règles des ordres religieux devraient être directement dans l'Esprit Saint et par lui en Dieu. Tous les fondateurs authentiques ont essayé d'élaborer leurs règles de telle manière qu'elles expriment ce que le Seigneur, dans son enseignement, a dit aux siens de la perfection. Seulement ils n'ont peut-être pas toujours su que les règles de perfection que le Fils a données aux hommes étaient des extraits de la règle parfaite de l'Esprit Saint qui était vivante en lui, que le Fils a donc vécue et qu'il vit selon la règle totale et intégrale de l'Esprit. Mais, dans l’Église, aucun fondateur ne pourra jamais écrire une règle qui correspond pleinement à la règle de l'Esprit dans le Fils (NB 6,408).

 

91. L’Esprit est la mesure de l’existence ecclésiale

A son Église, qui doit rester sans péché, le Fils offre son Esprit comme la règle qu'il a vécue. Il est ainsi comme le fondateur d’un ordre religieux qui formule la règle non formulée selon laquelle il a vécu, afin de transmettre par là son Esprit et son expérience. La règle du Seigneur, l’Esprit, est d'abord donnée à l’Église universelle. Les ministères qu'il met en place et répartit ne s'appuient pas sur l'expérience humaine mais sur l'expérience de l'Esprit dans l’Église. Les hommes d’Église doivent grandir dans l'absolu de l'Esprit. Le ministère en tant que tel est un don de l'Esprit à l’Église. Et s'il reste une divergence entre le ministère et la personnalité, c'est une conséquence du péché. L'Esprit est devenu la règle et la mesure de l'existence ecclésiale (NB 6, 420-421).

 

92. L'Esprit agit dans l’Église pour qu’elle témoigne du Fils

Le Christ a eu en lui l'Esprit comme règle et principe de conduite, et il a orienté vers le Père sa vie ici-bas en conséquence. Le Fils de Dieu était poussé à tout instant par l'Esprit de Dieu, même si ce n'est pas toujours mentionné expressément, pour tout faire par cet Esprit en union avec le Père. Il en a fait l'expérience en tous ses actes humains avant de le communiquer plus tard à son Église. C'est dans l'Esprit que le Seigneur choisit son Église comme Épouse. Pour qu’elle ne fasse qu’un avec lui, il doit la faire participer sans réserve à son Esprit divin. Le Fils l'a envoyé dans l’Église ; et de même que le Fils est devenu homme pour rendre témoignage au Père, pour tout emporter avec lui dans son mouvement vers le Père, de même l'Esprit agit dans l’Église pour rendre témoignage au Fils (NB 6,419).

 

93. A la croix, le Fils commence à envoyer l’Esprit à l’Église et au monde

A la croix, la mission de l'Esprit pour accompagner le Fils est terminée, et le Fils ne le renvoie pas n'importe où, il le remet entre les mains du Père ; par cet envoi, il prend un ultime soin de l'Esprit. En retournant au Père, c'est l'Esprit qui obéit au Fils. Tant que le Fils avait auprès de lui l'Esprit comme règle, il obéissait à l'Esprit. Maintenant c'est l'Esprit qui obéit au Fils en retournant au Père dans une obéissance qui leur est commune. Le Fils commence ainsi à envoyer l'Esprit, ce qu'il achèvera après Pâques : il l'envoie d'abord au Père, puis à l’Église et au monde (NB 6,411).

 

94. L’Esprit descend sur l’Église

Quand, après la résurrection, le Fils envoie l'Esprit dans l’Église, c'est en vertu de l'expérience que l'Esprit a faite en accompagnant Jésus dans son humanité. De cette manière, il est devenu "humainement mûr" en quelque sorte. Selon le plan du Père, le Fils devait venir d'abord, puis l'Esprit. L'Esprit donc était déjà là dans le Fils et, pour l'avenir, ce n'est pas sans importance. L'Esprit est présent dans le Fils parce que, plus tard, il descendra sur l’Église (NB 6,414).

 

95. Le Fils souffle dans l’Église l’Esprit du Père

L'Esprit est donné aux hommes par le Fils, comme le Fils leur fut donné par le Père. Ainsi quand le Fils souffle l'Esprit dans l’Église et dans le monde, cela provient finalement aussi du Père, l'ordre divin des relations se reproduit dans le temps. Naturellement le Père est aussi dans le Fils et le Fils dans le Père quand le Fils envoie l'Esprit. Mais nos petites capacités ont besoin de ce genre d'explications pour comprendre les choses (NB 6,414).

 

96. L’Esprit ne cesse d’apporter le divin à l’Église

L’Église elle-même est toujours en même temps quelque chose qui dure et quelque chose qui commence puisque le Fils est Dieu et que l'Esprit Saint apporte sans cesse à l’Église le divin, la vie toujours commençante (NB 6,418).

 

97. Dans l’Église, l’Esprit Saint est l’événementiel toujours nouveau

Les dispositions de base de l’Église proviennent du Seigneur ; elles déterminent qui fait partie de l’Église, quelles sont les conditions fondamentales pour demeurer en elle. Mais les différentes fonctions vitales se font dans l'obéissance à l'Esprit Saint. Dans l’Église du Fils, il y a une tradition, qui est le résultat de la vie commune de l’Époux et de l’Épouse. Dans l'Esprit, il n'y a pas de tradition : à l'intérieur de la tradition, il est l'événementiel toujours nouveau, il est l'imprévisible même dans le cadre bien structuré de l’Église terrestre (NB 6,418).

 

98. La force de l’Esprit est là pour faire grandir l’Église

La force d'expansion de l'Esprit ne doit pas détruire l’Église, mais cette force d’expansion doit être suffisamment forte pour faire grandir sans cesse l’Église d'une manière nouvelle vers le Seigneur, suffisamment claire aussi pour qu'on voie à l'œuvre en elle la force de l'Esprit et non la force des hommes (NB 6,420).

 

99. Laisser faire l’Esprit

Après la Passion, le Fils va former son Église en la remplissant de son Esprit. Elle aussi, comme Marie, doit apporter sa contribution pour qu'elle puisse lui rendre cet Esprit. Car l'Esprit de l’Église aussi doit participer au mouvement éternel du Fils qui part du Père et retourne au Père. En Marie, est préfiguré ce mouvement de l'Esprit. Elle aussi doit faire quelque chose pour se soumettre à l'Esprit, pour le comprendre et le laisser faire. A aucun instant, l'Esprit ne continuerait à travailler en Marie si son oui ne continuait pas constamment à se faire entendre. De même l’Église : elle doit constamment dire oui à l'Esprit et essayer de répondre à ses instructions. Et comme en Marie, l’Esprit a aussi dans l’Église ses deux points de départ : il détermine l'échafaudage - l'aspect extérieur de l’Église - et également son esprit, et il vise sans cesse à ce que les deux ne fassent qu'un. Les instructions (qui concernent le ministère et les lois) et l'esprit qui aspire à Dieu doivent être féconds pour le Seigneur dans la complémentarité réciproque comme le sont le corps et l'âme. Jamais la lettre du ministère n'a le droit de rester sans l'Esprit, et l'Esprit dans son travail doit pouvoir toujours s'appuyer sur la structure de l’Église (NB 6,422-423).

 

100. L’Église reçoit l’Esprit pour le porter au monde

Comme pour Marie, l'Esprit est dans l’Église à la première et à la dernière place : le oui à l'Esprit doit pénétrer la structure ministérielle ; dès que la structure reçoit l'Esprit, elle ne cherche plus qu'une chose : porter l'Esprit au monde. De même qu'on n'aurait pas le Christ sans le corps de Marie, de même on n'aurait pas l’Église sans le ministère ; mais les deux ne peuvent pas être isolés, ils n'ont pas leur but en eux-mêmes, ils sont fécondés par l'Esprit et ils doivent à leur tour aider à obtenir l'Esprit. Marie et l’Église sont spirituelles et corporelles. Il ne s'agit pas de ne voir en Marie que le corps, et dans l’Église seulement l'Esprit. Marie représente toujours d'une manière exemplaire l'unité organique ; il y a, pour l’Église, l'exigence de la prendre pour modèle (NB 6,423).

 

101. Disponibilité à l’Esprit dans l’Église

Une fois que Marie est devenue enceinte corporellement, elle n'a pas mis fin à son oui. Elle est prête à aller aussi loin que Dieu le veut ; sa mission la conduira beaucoup plus loin qu'elle pouvait l'imaginer. L’Église n'a pas davantage le droit de se contenter de ce qu'elle a déjà atteint, de prendre ses conciles et ses définitions pour un point final. Pour l'Esprit qui conduit l’Église, ils sont des occasions d'ouvrir du nouveau plutôt que d'enclore le passé. L'Esprit qui a couvert Marie de son ombre, corporellement et spirituellement, crée et trouve en elle toutes sortes de points de départ pour de nouvelle missions. Sous le souffle de l'Esprit, du nouveau est possible : sa relation à Élisabeth, aux voisins, aux apôtres, à Jean, etc. Déjà dans sa grossesse il y a quantité de situations significatives. Ici aussi Marie est l'archétype de l’Église. Du fait qu’elle est l’Épouse du Seigneur, des milliers de ministères et de tâches divers peuvent se réaliser, des milliers de situations et de relations au monde, dont les unes se répètent, dont les autres renaissent au cours des âges ; mais toutes sont animées par l'Esprit, et même modelées par lui. Il n'est pas nécessaire que quelque chose qui a pu exister dans le souffle de l'Esprit soit "éternisé" par des définitions et fixé pour toujours. Pour Marie, il en fut autrement. Il suffit que l'Esprit découvre des aspects et crée des relations qu'il peut rendre féconds. Ils n'ont pas besoin non plus d'être fixés, ce qui peut-être empêcherait d'autres relations futures de s'installer. S'il y avait dans l’Église plus de disponibilité à l'Esprit Saint, on pourrait éviter beaucoup d'immobilisations (NB6, 423-424).

 

102. Les coups de trompette de l'Esprit dans l’Église

Que l'Esprit couvre Marie de son ombre et que le Fils vienne au monde par elle est un événement éclatant. D'habitude, l'action de l'Esprit dans le domaine de l’Église est quelque chose d'incroyablement caché. Mais il y a toujours deux éléments : un authentique travail dans le secret et puis, de temps en temps, une intervention soudaine du ciel, qui tombe comme un éclair. Dans le silence de ses années de jeune fille, Marie a été préparée par l'Esprit Saint qui n'est jamais un Esprit de sommeil. Marie était éveillée. L’Église aussi doit être éveillée, prête pour les coups de trompette de l'Esprit. On peut aussi en entendre quelque chose dans un demi sommeil, mais alors sans savoir exactement ce qui se passe, on ne pourra pas tirer les conséquences de ce qu'a dit l'Esprit. "Il y a eu un coup de tonnerre", dit le peuple quand le Père parle à Jésus ; c'est ce que dit aussi une Église qui dort ou somnole quand l'Esprit lui parle. Et quand, après la parole, le silence revient, le somnolent se glisse sous les couvertures et pense : il n'y a sans doute rien eu (NB 6,424).

 

103. On ne peut pas enfermer l’Esprit Saint

Comme l’Esprit Saint a ouvert physiquement la Mère pour la grossesse, il l'ouvre constamment en totalité à l'ensemble de sa tâche. La grande et fatale erreur de l’Église aujourd'hui est de penser qu'on peut enfermer l'Esprit Saint et pour ainsi dire l'emprisonner. Tous les chrétiens sont fécondés un jour ou l'autre par l'Esprit Saint, mais il ne leur est pas permis de se replier sur ce fruit. L'Esprit a des modes de fécondation que nous ne connaissons pas. Ce qui est sûr, c'est que ses fruits mûrissent pour la vie éternelle, c'est pourquoi ici-bas on ne peut jamais les connaître définitivement (NB 6,162).

 

104. Quelqu’un en qui habite l’Esprit peut éveiller les autres dans l’Eglise

Par quelqu'un en qui habite l'Esprit, tout l'esprit qui est caché dans son entourage et qui ressemble d'abord à un esprit mondain, peut être éveillé et se révéler comme Esprit de Dieu, et donc comme faisant partie de Dieu Trinité dans l’Église chrétienne (NB 6,426).

 

105. L’Esprit est toujours accessible aux croyants par l’Église

Parce que le Christ a donné son Esprit à l’Église et qu'il est un Esprit d'amour, il unit constamment l’Époux et l’Épouse. Par conséquent il n'est pas seulement vivant de manière ponctuelle dans une descente verticale, il vit aussi horizontalement dans l’Église. En tant que tel, il est disponible, il est constamment accessible aux croyants par l’Église et par sa relation au Seigneur. Et ce qui vaut pour l’Église dans son ensemble vaut aussi pour chaque membre pris isolément (NB 6,438).

 

106. Le Fils façonne l’Église avec l’Esprit

Dieu le Fils crée l’Église par l'Esprit. Le Fils, avec l'Esprit, façonne l’Église. Et si l’Église est réellement l’Épouse du Seigneur, l'Esprit Saint vivant habite en elle. Quand donc l'Esprit veut se refléter ici-bas, il peut se contempler dans l’Église. C'est le fondement du discernement des esprits : tout discernement doit se soumettre au reflet de l'Esprit Saint dans l’Église. C'est la loi la plus générale, la source première (NB 6,438).

 

107. L’Église est ce qui reçoit l’Esprit

En se reflétant dans l’Église, l'Esprit lui montre en même temps qui il est et comment il est. Si l’Église est miroir, tournée vers l'Esprit, elle reçoit en elle la réalité de l'Esprit. Elle est une réceptrice pleinement valable. Elle n'est pas l'Esprit, mais elle est ce qui reçoit l'Esprit. Ce qu'elle montre est donc l'image de l'Esprit ; par contre, ce qu'elle reçoit, c'est l'Esprit. Comme le miroir reçoit la réalité, mais la montre comme reflet, ainsi l’Église, en recevant l'Esprit, reste tournée vers Dieu dans le discernement. En tant qu’Épouse, elle n'est pas l’Époux, mais ce qui appartient à l’Époux. De même, en recevant l'Esprit comme miroir, elle est l'objet de l'Esprit, elle lui appartient et lui est subordonnée. Si elle ternissait sa surface réceptrice, elle ne pourrait plus recevoir l'Esprit. Tant que l'Esprit peut se refléter en elle, elle a, par la réalité de l'Esprit, la preuve qu'elle est en règle avec lui ; cette preuve, elle ne l'a pas pour elle et en elle, mais pour lui et en lui : parce que, si elle ne saisit plus la réalité de l'Esprit, elle est troublée de ce qu'elle ne se rend plus compte directement de sa présence en elle. Elle le remarque indirectement au fait qu'elle n'est plus en mesure de refléter l'Esprit (NB 6,438-439).

 

108. Discernement avec la force de l'Esprit dans l’Église

Un prêtre dont l'image reflète l'Esprit dans l’Église est dans l'état de grâce de l'Esprit qui lui permet d'examiner et de discerner. Mais s'il examine, ce n'est pas avec la force de son propre esprit, c'est avec la force de l'Esprit de l’Église auquel son propre esprit doit se joindre. Il ne peut pas se référer à son propre esprit pour porter le discernement, il doit se rapporter à la réalité qu'est l'Esprit dans le reflet qu'est l’Église. Ceci pour examiner l'esprit global d'une personne (NB 6,439-440).

 

109. L’Église peut discerner la présence de l’Esprit Saint dans l’œuvre d’un théologien

Il peut se faire que l'Esprit Saint, en même temps qu'un esprit qui n'est pas saint, habite une personne, et qu'une intervention soit nécessaire pour créer un espace libre pour l'Esprit Saint. Si on examine dans l'ensemble un docteur de l’Église, on percevra certainement en lui l'Esprit Saint. Cependant si on y regarde de plus près, chez lui aussi des points particuliers seraient à éliminer. Ceci est valable surtout pour les théologiens ordinaires et pour tout chrétien d'une manière générale. On peut sonder aussi quelqu'un par son œuvre, l'esprit de l'homme se reflète aussi dans son œuvre. L’Église a ainsi la possibilité d'examiner son œuvre et, par son œuvre, de l'examiner lui-même. L’Église examine la "Somme théologique" et, à sa sûreté, elle reconnaît aussi la sûreté de l'homme qui l'élabora (NB 6,440).

 

110. L’Église est porteuse de l’Esprit

Quand le Fils incarné crée son Épouse, l’Église, il lui donne la même qualité que possédait Marie en tant qu'épouse de l'Esprit quand elle se laissa couvrir de son ombre : elle était porteuse de l'Esprit. L’Église porte l'Esprit de manière féconde comme Marie l'avait reçu de manière féconde (NB 6,441-442).

 

111. L’Esprit se communique à profusion dans l’Église

L'Esprit est Dieu. Dieu ici-bas, en tant que Fils de l'homme et en tant qu'Esprit dans l’Église, se communique à profusion. Ce qui est communiqué provient directement du ciel, c’est la plénitude de Dieu, ce qui le distingue de nous, ses créatures, dans la perfection de sa vie éternelle, mais qu'il ne veut pas garder pour lui tout seul, il le tient à notre disposition. C'est ainsi que l'Esprit devient ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et crée pour nous, et qu'il veut partager (NB 6,442).

 

112. L'Esprit vient sur l’Église du Père comme du Fils

Le Fils transmet à l’Église la grâce du Père avec les instructions de l'Esprit, et ces instructions témoignent de la présence en elle de l'Esprit. Mais c'est le Seigneur qui enseigne l’Église. L'Esprit ne fait qu'un avec l'enseignement et en même temps il rend l’Église capable de recevoir cet enseignement. Le Père lui envoie ses grâces. L’Église se trouve entre le Père et le Fils, et l'Esprit vient sur elle du Père comme du Fils. Mais comme l’Église doit être ouverte pour cet envoi de l'Esprit et que l'ouverture ne peut se faire que par l'Esprit lui-même, il doit déjà être en elle pour qu'il soit reçu : l’Église en tant qu’Épouse du Seigneur suit ses instructions pour recevoir la grâce du Père. Le Fils enseigne, l’Église l'écoute volontiers, ainsi le Père peut agir en elle. La quantité de grâce que l’Église reçoit en cadeau, elle ne le sait pas quand elle la reçoit, elle ne le sait qu'en la transmettant. Qu'elle le sache lui donne le sentiment d'être en sécurité : elle se trouve à nouveau sur un terrain solide, elle sent en tout son corps les bénédictions de Dieu ; en tout ce qu'elle perçoit de divin, elle sent que ça "colle", que la correspondance est rétablie (NB 6,511).

 

113. Dieu envoie son Esprit pour que l’Église l’aime en retour avec cet Esprit

Que peut faire un fiancé s’il aime sa fiancée plus qu'elle ne l'aime ? Il peut lui donner de son amour à lui afin qu'elle l'aime en retour avec son amour à lui. Il peut lui envoyer son esprit et le recevoir d'elle en retour. Dieu peut faire de même : il m'envoie son Esprit et je l'aime en retour avec cet Esprit. C'est ainsi que fait le Seigneur avec son Église (NB 4,423).

 

114. Le refus de l’Esprit

N'est-il pas vrai que dans l’Église d'aujourd'hui l'image de l'Esprit est beaucoup plus brouillée que celle de l'hostie ? Chacun se rétrécit et se refuse. Chacun veut être plus malin que l'Esprit. Et par ce refus de l'Esprit, tous les sacrements sont diminués. On le reconnaît peut-être de la manière la plus immédiate pour l'eucharistie parce que le Seigneur et l'Esprit forment ici pour notre intelligence une unité compréhensible. Car ce n'est que dans l'Esprit de Dieu que j'affirme que ce pain est la chair du Christ. Cet Esprit de Dieu, le Fils l'a insufflé dans l’Église hiérarchique et je dois me tenir à lui dans la foi. Mais naturellement si tous s'associent pour remplacer cet Esprit objectif par leur propre esprit subjectif, faible, pécheur, l'Esprit de l’Église sera toujours plus empêché d'agir : il étouffe (NB 4,424).

 

115. Que faire pour garder l'Esprit vivant ?

Tout ramener à l'instant où le Seigneur offre son Esprit à l’Église. Considérer de manière neuve la vitalité de l'Esprit, aimer cette vitalité, s'y prêter. La foi, l'amour, l'espérance, tels que saint Paul les décrit, sont bien une inspiration directe de l'Esprit Saint, ils n'ont rien à faire avec mon amour calculateur, ma foi calculatrice, mon espérance calculatrice. Le calcul arrive toujours après coup quand on renie l'Esprit (NB 4,424).

 

116. Le ministère dans l’Église et la liberté de l’Esprit Saint

Celui qui exerce un ministère dans l’Église doit être prêt, de soi, à tout ministère, à toute mission dans l’Église. Il n'a pas le droit de faire des réserves parce que la répartition des ministères ne dépend pas finalement de la mesure des qualités et des aptitudes propres, mais de la liberté de l'Esprit Saint et de l'obéissance à son endroit (NB 3,94).

 

117. Se laisser conduire par l’Esprit

L’Église dans son ensemble devrait vivre en constante solidarité avec l'Esprit. Elle n'a pas le droit de s'obstiner dans ses points de vue terrestres, elle doit se laisser sans cesse transporter par l'Esprit dans son point de vue éternel où là seulement elle est dans la vérité. Elle n'est aucunement en mesure de repousser pour elle le point de vue éternel de l'Esprit. Certes personne n'est maître du temps de l'Esprit, l’Église non plus. Elle n'est pas en mesure de le manipuler, de tabler sur lui comme sur un fait intemporel. Elle ne doit cesser de se laisser transporter par l'Esprit dans son point de vue à lui, en toute confiance et dans la foi (NB 11,261).

 

118. Les temps où l’Esprit souffle plus fort

L'Esprit souffle où il veut. Mais aussi quand il veut. C'est ainsi que, dans l’Église, il ne cesse d'y avoir des temps où il semble se passer davantage de choses qu'en d'autres, où l'Esprit souffle plus fort et où l’Église lui accorde davantage de place (NB 11,297).

 

119. Entre le Christ et l’Église, le don de l’amour, c’est l’Esprit

Dans la relation entre le Christ et l’Église, on peut sans doute présenter le Christ comme l'Homme-Dieu qui dirige et l’Église comme son Épouse qui est dirigée, mais l'amour qui règne entre les deux, on ne peut le décrire que dans leur relation mutuelle. Comme cet amour est réalité, il doit aussi être représenté afin que soit visible la relation de l'Épouse et de l’Époux. On ne peut se faire une idée ni du Seigneur ni de l’Église sans penser aussi à cet amour qui existe réellement. C'est ainsi qu'à la Pentecôte l'Esprit est donné visiblement à l’Église. Cette visibilité exceptionnelle est seulement le signe que le Seigneur possède l'Esprit d'amour et qu'il ne cesse de l'envoyer à son Église. L'amour en tant qu'Esprit, on ne peut pas se le représenter comme planant librement dans l'absolu, mais comme un amour qui veut se prodiguer à quelqu'un, un amour qui s'offre, qui cherche pour ainsi dire un partenaire. C'est un amour qui est attaché aux personnes comme, en Dieu, l'Esprit est attaché au Père et au Fils (NB 12,96-97).

 

120. L’Esprit du Christ et de l’Église

Si l'amour a d'innombrables modes d'expression, ils restent pourtant liés aux personnes de ceux qui s'aiment, comme l'Esprit en Dieu reste toujours l'Esprit du Père et du Fils, comme dans l'incarnation il reste toujours l'Esprit du Christ et de l’Église (NB 12,97-98).

 

121. L’Église est reliée au ciel par l’Esprit

La Pentecôte et le miracle des langues sont sans aucun doute un événement mystique qui concerne toute l’Église : par lui, l’Église en tant que telle est reliée au ciel de manière nouvelle, elle est en quelque sorte habilitée, en tant que tout, à recevoir la mystique ou l'inspiration de l'Esprit. A l'avenir donc celui qui reçoit une grâce mystique dans l’Église ne sera plus simplement quelqu'un d'isolé, car l’Église, en tant que tout, possède depuis la Pentecôte la faculté de recevoir ce genre de grâce (NB 5,74).

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122. L’Église est toujours dans l’attente de l’Esprit

L’Église devrait recevoir l'Esprit du Seigneur comme sa semence. Et ceci avec une disponibilité qui ne veut rien savoir d'avance. L’Église doit toujours être dans l'attente et, plus précisément, dans l'attente de quelque chose de plus grand que ce qu'elle connaît déjà. Si le Seigneur ne faisait que confirmer ce qui se trouve déjà dans l’Église, il serait fort douteux qu'il l'ait vraiment visitée. Pour le moment, il ne la visite plus sous une forme humaine visible ; mais, à sa place, il pourrait un jour envoyer un grand saint. Si celui-ci était incapable de vivifier l’Église dans le sens du Seigneur, on pourrait douter qu'il fût un grand saint. Quand l’Église reconnaît un saint - un saint qui est envoyé expressément par le Seigneur -, elle a aussi le devoir de faire attention à ce qu'il a à lui dire de fécondant de la part du Seigneur (NB 12,197-198).

 

 4. Marie et l’Église

 

123. Marie préfigure l’Eglise

Tant que le Seigneur est avec sa Mère, l’Église est préfigurée en elle (NB 9,2029).

 

124. Marie et son Fils formaient ensemble l’Église

Marie a fait la cuisine, le Fils a raboté ; les deux n’en furent pas gênés pour être auprès du Père avec leurs pensées et pour former ensemble l’Église (NB 9,1790).

 

125. Marie à l’origine de l’Église avec son Fils

Marie est celle qui a mis le Fils au monde ; elle est celle qui fut, avec le Fils, l'origine de l’Église simplement en se laissant faire et ensuite, pour que cela serve de signe, elle fut confiée à Jean (NB 6,485).

 

126. Marie, Jean et Pierre

Sur la croix le Seigneur adresse des paroles à Marie et à Jean, et tous deux s'éloignent de la croix pour entrer dans l’Église, une Église qui ne cesse d'avoir besoin d'eux et les met au centre, et pourtant ils ne peuvent pas rester au centre, ils doivent sans cesse s'effacer devant Pierre (Cf. Jn 21).Tout cela sans pathos, mais comme exigence absolue de la vie : pour que Pierre aussi bien que Marie et Jean restent vivants, il doit y avoir ces efforts de Marie et de Jean vers le centre (NB 6,486-487).

 

127. Marie et l’Église de l’amour

C’est le Seigneur qui a décidé que Marie et Jean se rencontrent à la croix. Les deux se trouvent là dans la plus stricte obéissance. Et maintenant le Fils confie sa Mère à l’Église de l'amour (Jean) et non à l’Église ministérielle (Pierre). L’Église de l'amour précède toujours de quelques pas ou de quelques lieues l’Église ministérielle. L’Église de l'amour se porte garante de la vitalité permanente de l’Église ministérielle et de la permanence en elle de l'Esprit. Dans cette nouvelle relation, Marie et Jean restent dans une disponibilité qui tout d'abord n'est donnée que par le Seigneur et approuvée par lui, et toujours seulement après coup acceptée par l’Église. Il y a pour l’Église une certaine possibilité d'être stimulée et vivifiée qui se produit dans l'esprit de Marie et de Jean, qui se propage à partir de là et est ensuite reçue par le reste de l’Église sans jamais s'épuiser (NB 6,488).

 

128. Le Fils donne sa Mère à l’Église

Quand le Fils quitte Nazareth, il y a quelque chose comme une prise de distance du Fils vis-à-vis de sa Mère. Tout ce qui fait la vie du Fils, il le remet à l’Église. Mais il doit aussi donner sa Mère à l’Église (NB 6,487).

 

129. Marie va devenir l’Église

On n'a pas le droit de se représenter de manière purement idyllique l'enfance de Jésus avec sa Mère ; cette vie se trouve au contraire placée d'emblée sous le poids du ministère. Ce ministère qui sert à la glorification du Père et qui provient du Père, le Fils doit le rencontrer en sa Mère dans toute sa pureté. Dès le sein de sa Mère et durant toute son enfance, la rencontre est placée pour lui sous le signe de sa vie consumée. Il voit déjà en sa Mère l'heure de la croix ; dans ses actes, il voit quelque chose de si étroitement lié au ministère que, chaque fois qu'il est avec elle, la perspective de boire le calice devient plus inéluctable. Non qu'elle lui révélerait la rigueur du ministère, mais il sait qu'il va tant l’agrandir qu'elle deviendra l’Église. Ainsi les actes de Marie sont comme des annonces des actes futurs de l’Église. Quand elle lui raccommode ses vêtements ou qu'elle lui en fait de neufs, il y a déjà là quelque chose du souci futur de l’Église pour sa présence eucharistique. En tout ce que fait sa Mère : qu'elle fasse la fête avec lui, qu'elle tremble pour lui, qu'elle l'attende, elle participe à la mission de son Fils. Quand elle tremble pour lui, elle tremble avec lui pour les pécheurs. Tous les sentiments de la Mère, toutes ses intuitions, toutes ses décisions ont en lui leur explication et leur extension ; tous profiteront à l’Église. Même quand elle est sans souci ou qu'elle est heureuse et profite de la vie, elle est consciente de cette extension. Rien, pas même ce qui est le plus anodin, elle ne peut le limiter à elle-même ; elle doit tout lui laisser pour que cela continue dans l’Église par lui selon la volonté du Père (NB 6,483-484).

 

130. Marie devient l’Eglise

Marie n'est pas seulement une personne individuelle, elle est en même temps l’Église ; de même que le Christ est homme et Dieu, de même Marie est une personne et l’Église, et l’Église telle que le Fils se la représente. Tout ce qu'elle a : sa pureté, son amour, sa disponibilité, son don d'elle-même, son oui, son corps, sa personnalité, elle offre tout au Fils pour qu'il en dispose. Elle ne les offre pas comme des choses terminées qu'on ne peut plus changer, mais comme une mélodie qu'il peut modeler à son gré (NB 6,475).

 

Marie ne détermine jamais sa place, elle laisse son Fils la fixer ; son obéissance est si immédiate qu'elle se trouve toujours là où le Fils veut qu'elle soit, elle se trouve toujours déjà à l'endroit qu'il lui indique. Il parle et sa réponse est déjà là. Tout cela est basé sur son oui à l'ange. Elle mène sa vie selon sa parole et qu'elle devienne Église fait partie aussi de ce oui. Il n'y a ainsi entre la Mère et le Fils aucun intermédiaire. Ce sont des personnes, mais en même temps, en ce qui concerne l’Église, ils ne font qu'un (NB 6,484-485).

 

L'Esprit offre à Marie comme fruit le Fils. Le Fils lui offre l’Église qu'elle devient (NB 6,126).

 

Le titre d’Église revient à Marie comme le titre de Dieu revient au Fils de l'homme (NB 6,476).

 

Marie ne fait qu'un avec l’Église (NB 12,223).

 

131. Marie et l’Église dans l’Apocalypse

Récit du P. Balthasar dans son Journal : J’ouvris alors le Nouveau Testament et je lui fis la lecture d’Apocalypse 11,19 à 12,3. Adrienne fut totalement pétrifiée. “Qu’est-ce que c’est ?” Je dis : “Jean”. Elle demanda : “Mais nous n’avons pourtant pas étudié cela dans l’évangile ?” Moi : “Non. C’est l’Apocalypse”. Elle : “Mon Dieu ! L’Apocalypse !…” Après quelque temps : “Je ne l’ai jamais lue. J’avais un jour commencé, il y a des années, mais je ne suis pas arrivée au bout du premier chapitre. C’était simplement trop grand, trop incompréhensible pour moi... Mais qui donc est la femme ?” Je dis : “Marie et l’Église, dans l’unité” (NB 9,1336).

 

132. Marie cellule primitive de l’Église

Pour Jésus, sa Mère est la cellule primitive de l’Église. Et le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère sa manière de se tenir à sa disposition, sa docilité. On peut ainsi considérer tous les dogmes d'une manière mariale, avec les yeux de la Mère (NB 4,403-404).

 

Marie : la mère de la chrétienté, la cellule primitive de l’Église (NB 11,396).

 

Marie préfigure l’Église (NB 4,110).

 

133. Marie représente l’Église

Marie représente l’Église. Elle a reçu la semence de Dieu par l’Esprit Saint comme l’Église a reçu la doctrine par l'Esprit Saint. Comme l’enfant s’est développé dans le corps de Marie, la semence de la doctrine doit se développer dans l’Église (NB 12,222).

 

134. Marie, la mère de tous les croyants

Après l’Ascension, il y a une transformation de la Mère. Jusqu'alors elle était une vierge qui avait mis au monde un enfant, il y avait eu les signes surnaturels de l'annonciation, de la venue de l'Esprit qui l'avait couverte de son ombre, de la naissance virginale, comme signes de l'intervention divine dans sa vie. Mais maintenant qu'il a été repris auprès de Dieu (par l’Ascension), l'événement ne peut pas ne pas laisser de traces en elle : elle aussi doit changer. La relation précédente entre Marie et le Christ en tant que personnes devient une relation nouvelle entre le Fils retourné à Dieu et Marie-Église. Le Fils de Marie était Dieu depuis toujours et Marie devient Église parce qu'elle l'était depuis toujours dans le Fils. Elle doit donc se laisser faire tout comme elle a laissé faire dans son corps qu'elle devînt Mère ; elle doit continuer à se laisser faire parce qu'il plaît à son Fils d'en faire la Mère de tous. Il a voulu venir au monde par son corps ; maintenant que son corps a rendu le service qui lui était demandé, il lui plaît de la transformer de telle sorte que son âme, non en opposition à son corps, mais en l'incluant, devienne Église (NB 6, 479-480).

 

C'est par la grâce de Dieu qu'elle devient la mère du Seigneur et de tous les croyants (NB 6,57).

 

135. La mère spirituelle de toute l’Église

Jusqu'à l'apparition de l’ange, la disponibilité de Marie était comme tenue dans un cadre : elle voulait accomplir la volonté de Dieu, elle ne s'attendait certainement pas à ce que ce soit elle justement qui soit choisie pour être la Mère du Messie, ou même que par sa maternité corporelle elle dût devenir la mère spirituelle de toute l’Église (NB 2,517).

 

136. Marie, mère dans l’Église

Marie est la mère dans l’Église et en même temps la mère de l’Église. Mais l'accent est mis sur "mère dans l’Église" (NB 1/2,192).

 

137. L’amour de Marie pour chaque chrétien et pour l’Église

Marie montre à l’Église comment elle a aimé son Fils : d'une manière personnelle et d'une manière supra-personnelle. Ce double amour de la Mère passe aussi à son amour pour l’Église. Chaque chrétien peut demander son aide personnelle et se confier à sa garde personnelle tout comme elle l'a fait pour son Fils. Mais l’amour de Marie pour l’Église n'est pas seulement la somme de toutes les aides personnelles qu'elle apporte à chaque chrétien. Il y a encore en plus un amour pour ainsi dire surnaturel pour l’Église en tant que tout (NB 3,151).

 

138. Marie : une demeure pour tous ceux qui rejoignent le Seigneur

La continuité dans la vie de Marie se trouve dans sa disponibilité et dans l'acceptation constante de tout ce que le Seigneur impose. En accueillant et en utilisant toutes choses, elle est façonnée pour être une demeure, non plus pour l'Enfant maintenant mais pour tous ceux qui rejoignent le Seigneur et se confient à elle pour cela. Elle devient Église non en changeant son être, mais en étant toujours elle-même : égale dans sa disponibilité et dans son amour inaltérables. Qu'elle ait été distinguée des autres ne vient pas d'elle mais de Dieu ; cela dépend d'elle uniquement dans la mesure où elle a donné son oui (NB 10,2301).

 

139. Marie, comme l’Église, offre le Seigneur à tous

Dans les premiers jours après la naissance, Marie a son enfant pour elle. Elle perçoit ce temps comme une pause qui lui est accordée pour qu'elle s'habitue au temps où elle ne l'aura plus pour elle, où elle ne le possédera plus comme les autres femmes ont leur enfant pour elles. Déjà pendant la grossesse elle savait la divinité de l'enfant, les promesses qui s'accomplissaient en lui. Elle se savait aimé de lui, mais aussi prise à son service. Dans l'amour réciproque, elle devait se laisser conduire par les desseins de Dieu devenu homme. Elle ne manquait ni d'humilité ni d'amour, mais elle devait laisser faire que son amour et son humilité soient transformés en la forme dont le Fils avait besoin. La femme qu'elle était devait être formée en Église. Elle n'avait pas besoin d'y réfléchir, elle n'avait pas besoin d'entreprendre quelque chose, seulement laisser faire. Elle devait laisser se former la femme nouvelle qu'elle devait être pour le Fils en se mettant tout entière à sa disposition. Elle devait être expropriée, non en abandonnant sa nature de mère mais en devenant une mère pour tous avec son enfant sur son sein, avec l'enfant qui était donné à tous. Et elle-même devenait l’Église qui offrait le Seigneur à tous (NB 10,2301).

 

140. Marie à la disposition de l’Église pour mieux faire connaître le Fils

Marie a dit oui à Dieu dans une obéissance totale. Elle ne connaît pas d'objection du fait qu'elle est une créature, du fait de sa féminité. Toute sa forme, elle l'a reçue par son oui. Sa puissance à elle est provoquée par l'Esprit quand il la couvre de son ombre ; il y a là une réciprocité : son oui permet à l'Esprit de la couvrir de son ombre, mais que son oui l'habitait auparavant provient du fait qu'elle a été rachetée à l'avance par le Fils. Sa puissance active se déploie vis-à-vis de l’Église à qui elle communique quelque chose de la puissance de sa maternité, en la montrant, en l'offrant. Elle a si peu son enfant pour elle-même que tout le mystère de sa virginité, de sa conception, de sa grossesse, de la naissance, elle le met constamment à la disposition de l’Église. Et ceci aussi au service de son enfant. L’Église a le droit de dévoiler chacun de ses mystères pour mieux faire connaître le Fils par eux. Marie offre ainsi à l’Église un cadeau de la manière la plus profonde qui soit (NB 12,190).

 

141. La mission de Marie dans l’Église

Marie prépare dans l’Église les chemins du Fils ; elle est comme un précurseur des chemins du Seigneur, elle est à l'origine de tous les précurseurs ; en allant chez Élisabeth, elle a mis en mouvement Jean le précurseur. La mission de la Mère est la première dans l’Église (NB 1/2, 176).

 

142. Marie est toujours là dans l’Église où quelque chose se passe dans l’Eglise

Il est étrange que Marie soit toujours là où quelque chose se passe dans l’Église, où quelque chose de neuf est fondé (NB 9,1304).

 

143. Marie, l’Église et le ministère

La Mère de Dieu est pur don d'elle-même. Elle ne s'est servi de son corps que pour être don d'elle-même, afin que le Fils expérimente dans son Église le don de soi parfait et afin que tous les saints deviennent saints par elle. Elle ne connaît pas de "degrés dans le don de soi", pas de limites, pas de repos dans le don d'elle-même, ni la nuit, ni le jour, ni dans la tranquillité, ni dans l'espace. Elle est de plus en plus entraînée au centre de Dieu avec toutes les fibres de son corps. Et là où le souffle de l'Esprit va dans tous les sens - toujours exactement là où il veut, et pourtant justement partout -, elle peut offrir dans toutes les directions son sein qui, par l'Esprit, est rempli du lait du Fils. De ce centre de Dieu, elle peut allaiter tous ceux qui ont soif. Et que ce soit la Mère ou que ce soit l’Église qui offre son lait, c'est la même chose. Par la virginité de sa Mère, le Fils est entré en elle et il lui a donné ainsi le lait dont elle peut le nourrir. Pour l’Église, c'est la même chose. Mais là où pour Marie, c'est le Fils qui est là, pour l’Église c'est le ministère qui est là d'une manière particulière. Le ministère reçoit le lait de l’Église pour le distribuer (NB 5,267).

 

144. L’Église devrait imiter Marie et toujours partir du Fils

Pour les disciples, la foi nouvelle ne commencera que lorsque le Seigneur devenu adulte se mettra à prêcher dans le pays et qu'il aura besoin de collaborateurs. Marie a appris cette foi de façon continue : par le germe de vie en elle, par le nourrisson à son sein, par le garçon et par l'homme. Comme Marie, l’Église ne devrait jamais oublier le temps de l'Avent, le temps du petit enfant qui ne peut encore rien dire quand les bergers l'adorent, de l'enfant de douze ans qui dit des paroles étonnantes ; entre tout cela il y a le quotidien, la vie qui continue ; l'attitude de la Mère devrait aussi façonner la nature de l’Église : attendre l'enfant, rester tournée vers l'enfant. L’Église, dans ses définitions et ses autres instructions, part beaucoup trop d'elle-même au lieu de partir du Seigneur. Marie est toujours partie du Fils. Elle est vraiment celle qui donne naissance au dogme et elle en est la parfaite interprétation : dans la pleine disponibilité, le regard tourné vers le Seigneur, dans la pure contemplation (NB 6,148-149).

 

145. Marie voudrait que l’Église veuille tout ce que Dieu veut

Marie a une certaine connaissance de l’Église. Parce qu'elle doit se donner elle-même, elle voit ce qu'est pour l’Église son don d'elle-même et, parce que le Seigneur la prend, elle, elle saisit que le Seigneur prend l’Église. Dans l’Église, elle voit l'Esprit de son Fils qui a habité en elle. Et parfois elle ressent pour ainsi dire de tout son corps le corps de l’Église parce que le Fils habite dans l’Église et qu’il a habité en elle, la Mère. Elle veut tout ce que Dieu veut parce qu'elle voudrait que l’Église veuille tout ce que Dieu veut. Quand elle remarque des résistances, elle demande au Fils de bien vouloir la prendre pour vaincre les résistances (NB 5,269).

 

146. Les croyants associés au oui de Marie

"Je suis la servante du Seigneur". Par ces mots, Marie met tout dans le service. Elle est l'élue, celle qui a été visitée par l'ange, mais elle voudrait que tous les croyants soient associés par elle à son service. En disant ces quelques mots, elle espère pouvoir le dire au nom de tous ceux qui sont prêts à croire. En se donnant elle-même, c'est déjà au nom de l’Église qu’elle dit ces mots, au nom de tous ceux qui sont inclus dans la communion des saints, c’est au nom de l’Église qu'elle pose l'acte de la disponibilité à servir (NB 1/2,141).

 

Par son attitude qui est marquée au plus intime par les conseils évangéliques, Marie est le prototype aussi bien de l’Église que de tous ceux qui suivent le Seigneur dans une vie selon les conseils. Rachetée à l'avance, elle est capable de représenter à la perfection cette vie dont la totalité était contenue en germe dans son simple oui. "Toutes les générations me diront bienheureuse" : c'est ainsi qu'elle jubile elle-même, car elle comprend que sa parole aura des conséquences dans toute sa vie mais aussi dans toute l’Église (NB 10,2198).

 

147. Le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère la manière de se tenir à sa disposition

En Marie, on voit une sorte de mise en ordre qui est déterminée par le Fils. Elle laisse les choses se faire simplement en elle. Et le Fils souhaite que l’Église apprenne de sa Mère cette manière de se tenir à sa disposition (NB 4,404).

 

148. Qui entre dans l’Église doit aller directement là où est la Mère avec le Fils

Celui qui entre dans la maison de l’Église doit aller directement là où est la Mère avec l'enfant, il doit expérimenter lui-même ce qu'est la relation de la Mère et du Fils, il doit apprendre lui-même du Fils comment doit être l’Église du Fils (NB 4,393).

 

149. L’Église doit prier avec la Mère du Seigneur

L’Église sur terre, qui vit dans l'amour, doit prier avec la Mère du Seigneur pour ceux qui n'accueillent pas encore l'amour du Seigneur (NB 3,95).

 

150. Marie vit dans l’Église

Depuis la résurrection, Marie est devenue beaucoup plus médiatrice de toutes les grâces. Elle est passée à travers le feu bien qu'elle n'eût pas besoin de purification. Elle vit maintenant dans l’Église, dans le Fils, en Dieu Trinité ou au milieu des apôtres comme celle à qui Dieu ne peut plus rien refuser parce qu'elle a obéi en tout (NB 3,323).

 

151. Marie inspire l’Église

On pense trop peu au fait que, par François d’Assise, la Mère de Dieu a acquis une nouvelle place dans l’Église : par la manière d'aimer de François qui est faite d'humanité et de service. Bien des éléments dans les vérités, les actions, les règles de saint François nous donnent à penser : est-ce que ce n'est pas Marie qui a inspiré cela ? Partout on trouve le féminin, le maternel, le marial (NB 2,43).

 

152. Marie : l’Église telle que Dieu l’imaginait

Adrienne : Je vois l’Église auprès de Marie ; Marie était son fondement, elle a porté le Fils et elle est restée fidèle, elle ne voulait que servir. Elle était l’Église telle que Dieu l'imaginait (NB 9,1729).

 

153. Marie pleure sur l’Eglise

Durant la nuit, Adrienne a vu Marie pleurer sur le monde et sur l’Église (NB 8,892).

 

154. Marie dévoilée à l’humanité par le Fils

Tandis que Marie, en tant que femme, est ce qui est concret - et elle l'est à travers toute l'histoire -, elle est voilée en tant que femme durant sa vie terrestre, en revanche elle est dévoilée dans l’Église. Elle est dévoilée par le Fils, le Fils la montre à l'humanité. Il le fait sans lui poser de question tant il s'attend à son consentement. Elle-même se dévoile totalement devant l'Esprit ; il n'y a rien en elle qu'elle lui cacherait. Et le Fils la dévoile devant l'histoire dans son obéissance à l'Esprit, spontanée et ignorante. Il y a chez elle une possibilité de se dévoiler qui lui est propre et qui se trouve chez elle à l'avance, dont le Fils dispose (NB 1/2, 172).

 

155. Les apparitions de Marie

Personne dans l’Église n'apparaît aussi souvent que Marie - beaucoup plus souvent sans doute que le Fils lui-même , et elle apparaît pour déchirer les voiles dont se couvre l’Église. Qu'elle apparaisse ainsi dans l’Église répond au fait qu'elle a été voilée sur terre. Marie ne cesse d'apparaître dans l’Église, en son existence céleste, pour éveiller l’Église à l'intelligence corporelle du monde céleste (NB 1/2,173-174).

 

 5. L’éducation de l’Église par le Seigneur

 

 

156. L’éducation de l’Église par le Seigneur

Toute l'éducation de l’Église par le Seigneur doit la conduire au-delà de son entêtement. Ni dans la contemplation, ni dans la confession, elle ne doit plus présenter et imposer ses propres désirs et ses propres projets. Elle doit se remettre entre les mains du Seigneur et se laisser transformer. Le Seigneur pourrait un jour en avoir assez d'être payé en monnaie de singe. De temps en temps, des explications brutales sont nécessaires pour que l'Église se rende compte de ce que les paroles du Seigneur veulent dire vraiment, et qu'on n'est pas en mesure de parlementer avec le Seigneur, car les droits du Seigneur sont des droits divins, intouchables (NB 6,280).

 

157. Comme un petit enfant qui doit recevoir une correction

Pour recevoir l'encouragement du Seigneur tel qu'il est pensé dans l'amour, l’Église doit passer par l'humiliation. Ce n'est qu’ainsi qu'elle comprend la miséricorde qui lui est de nouveau accordée. Mais ensuite, avec quelle rapidité elle se croit rétablie dans ses anciens "droits" ! Elle est comme un enfant qui exulte de ce que la "punition" soit passée. Il peut alors se faire que le Seigneur exige une nouvelle pénitence douloureuse et qu'il traite l’Église comme un petit enfant qui doit se dévêtir pour recevoir les verges. Jamais ne peut apparaître le sentiment que nous aurions fait assez pénitence, que nous aurions droit à un bon moment de tranquillité. C'est justement ce sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait faire qui doit nous être retiré jusqu'à ce que nous renoncions à tout calcul. Et quand alors la grâce du Seigneur redevient visible dans l’Église, elle doit savoir qu'elle vit elle-même totalement de cette grâce ; ce qu'elle partage ne lui appartient pas, elle ne fait que transmettre ce qu'elle a elle-même reçu. Le prêtre aussi qui exerce un ministère dans l’Église doit savoir cela : il ne possède pas le ministère, c'est le ministère qui le possède, et il ne peut l'exercer que s'il rend constamment tout pouvoir au Seigneur (NB 6, 281).

 

158. Le Seigneur voudrait que son Église soit discrète

De ce que le Seigneur opère en elle, l’Église ne doit pas vouloir en savoir plus que ce que le Seigneur le veut lui-même. Elle doit avoir une obéissance où elle se livre elle-même. Nombre de mystères en elle n'appartiennent qu'au Seigneur, par exemple bien des choses qui concernent les saints. Aucune discrétion n'est plus grande que celle du Seigneur, et il voudrait que son Église aussi soit discrète. Malheureusement, la plupart du temps, elle ne l'est pas ; il y a en elle beaucoup de bavardage (NB 6,467).

 

159. L’Église devrait vivre de l'acte marial du parfait abandon

Un mystère que le Seigneur ne veut pas livrer à l’Église, l’Église ne devrait pas vouloir l'élucider, le déchiffrer, le dévoiler, essayer de reconstituer son existence à partir de ses effets. Elle ne doit pas en reconstruire les raisons, même pas lorsqu'elles sont "évidentes" pour sa raison terrestre, même lorsqu'elles semblent pouvoir être déduites tout à fait "logiquement". Elle doit préférer sacrifier son évidence et sa logique à l'amour. Mais cela, elle ne le peut que si elle vit de l'acte marial du parfait abandon. Dans cet acte, il ne lui est pas permis d'avoir des "réactions indépendantes" ; celles-ci ne peuvent apparaître que comme des conséquences de son obéissance et encore exactement dans la mesure où le Seigneur le désire (NB 6,467).

 

160. L’Église devrait offrir au Seigneur une disponibilité sans mélange

L’Église doit savoir que tout ce que le Seigneur lui impose est l'expression de son amour absolu. Elle ne doit rien choisir elle-même, elle doit lui offrir une disponibilité sans mélange. L'amour a une base d'obéissance : toujours se conduire et se diriger comme le Seigneur le veut. Et le Seigneur peut vouloir exercer à fond cette base de l'obéissance. L’Église peut alors avoir l'impression qu'elle est totalement réduite à un corps auquel on fait faire de l'exercice, dont on attend seulement qu'il prenne telle ou telle posture (NB 6,468).

 

L’Église devrait être simplement disponibilité parfaite pour tout ce dont le Fils a besoin (NB 4,446).

 

161. L’Église devrait avoir le désir de correspondre au Seigneur

A la manière dont le Seigneur châtie l’Église qui s'est éloignée de lui, elle peut comprendre sa tristesse et son indignation. Elle a omis de demander en temps voulu sa purification, au moins "des mesures efficaces", car si le pécheur individuel n'a pas le désir d'être purifié ou ne l'exprime pas, l’Église au moins devrait le demander. Elle devrait surtout avoir le désir de correspondre au Seigneur et de vouloir tout supporter pour mieux devenir ce qu'il veut qu'elle soit (NB 6,510).

 

162. L’Église doit avoir un désir permanent de purification

Dans la mesure où l’Église existe par le Seigneur, lui sont accordés le droit et le devoir d'appeler le Seigneur aussi souvent qu'elle en a besoin. L’Église doit avoir un désir permanent de purification pour être plus proche du Seigneur (NB 6,510).

 

163. Le Fils emmène son Église vers la croix

Le Fils peut montrer aussi à l’Église les obstacles qu'elle lui oppose. Le Seigneur l'humilie parce que ce n'est que dans l'humilité qu'elle peut nourrir ses enfants dans le sens du Seigneur. Mais il ne la laisse pas tomber, c'est justement en l'humiliant qu'il lui montre qu'il se soucie d'elle constamment. Les apôtres dorment au mont des oliviers quand le Seigneur aurait besoin de leur aide, ils le renient quand il devrait pouvoir compter sur leur témoignage. Mais il ne laisse pas tomber cette Église stérile, il l'emmène avec lui vers la croix (NB 6,277).

 

164. L’Église dans l’humiliation

Parce que l’Église donne à une humanité pécheresse ce qu'elle a reçu du Seigneur, parce qu'elle-même est pleine de pécheurs et parce que le Christ a pris la forme de la chair pécheresse, il s'ensuit que l'action de l'Eglise se fait essentiellement dans la souffrance et l'humiliation. Si l'humanité n'était pas tombée, le Seigneur n'aurait pas eu besoin de venir comme Sauveur pour se façonner une Église qui lui soit adaptée. Il a institué son Église et en elle ses sacrements comme canaux de sa grâce pour l'humanité. Mais tout dans la relation entre le Christ et l’Église porte le sceau de l'humilité ; ce n'est qu'au ciel qu'il en sera autrement (NB 12,215).

 

165. L’Église peut se sentir comme abandonnée par son Époux

Quand arrive pour l’Église l'heure de l'action, de l'apostolat ou du témoignage, elle se sent poussée en quelque sorte par son Époux à faire ce qui est difficile et en même temps comme abandonnée par lui qui est retourné au ciel. Connaît-il réellement la situation où elle se trouve aujourd’hui ? Il l'a mise dans cette situation, et elle doit s'en sortir elle-même. En elle, qui est remplie de pécheurs, peut se faire jour une amertume. Est-ce que l’Époux ne l'a pas trop chargée ? Elle doit se rappeler que c'est une pure grâce pour elle de pouvoir porter dans le monde le fruit de Dieu, qu'elle est tout le temps accompagnée par son Époux et qu'elle doit se tourner à nouveau vers lui avec confiance comme un enfant (NB 12,207).

 

166. L'Église : être vide pour recevoir le Seigneur

L'Avent est pour l’Église une sorte de carême ; bien des choses lui sont refusées pour qu'elle soit plus vide, plus dépouillée, pour recevoir le Seigneur (NB 12,195).

 

167. L’Église doit se laisser façonner par le Seigneur

L’Église doit se laisser façonner et pétrir le visage par le Seigneur. Ce n'est pas par hasard que l'homme ne voit pas son propre visage. L’Église n'a pas besoin de se contempler dans un miroir, son unique miroir est le Seigneur qui se reflète en elle, qui grave en elle son visage. Comment il le fait ne la regarde pas, elle doit seulement laisser les choses se faire dans l'amour. Peu importe à quoi elle ressemble si seulement son apparence est telle que lui le veut (NB 12,95).

 

168. Le Seigneur façonne l’Église et, en elle, chaque croyant

C'est de sa substance que le Christ doit façonner le visage de l’Église, l’Église dans sa totalité et, en elle, chacun des croyants. L’Église est certes composée d'une communauté d'individus, mais leur façonnage doit se faire plus par le Seigneur que par la communauté. La communauté est vivante parce qu'elle a été façonnée par le Seigneur (NB 12,93-94).

 

169. L’Église placée par le Seigneur dans un état de faiblesse

Quand le Seigneur exerce sa seigneurie pour placer l’Église dans un état de faiblesse, elle ne doit pas faire l'héroïque qui fait comme si elle était toujours en état de continuer. Le Seigneur changera son état quand il le jugera bon. Et un jour, quand l’Église ne sera plus dans le temps mais dans l'éternité et que sa relation au Seigneur ne sera plus remise en cause par rien, elle se laissera diriger de manière parfaite, elle correspondra totalement à l'idée que Dieu a d'elle (NB 12,40-41).

 

170. L’Église et l’exigence du Seigneur

L’Église sera toujours placée devant l'exigence du Seigneur, souvent elle ne la percevra pas, souvent elle sera incapable d'y répondre positivement (NB 11,322).

 

171. Le Christ peut reprendre et corriger son Église

Le Christ peut reprendre et corriger son Église, mais il ne vise pas son Église personnellement, il vise les pécheurs en elle, et son Église comme le lieu où séjournent les pécheurs (NB 9,2025).

 

Quand le Seigneur châtie son Église, c’est lui qui a la mesure, non l’Église (NB 9,1957).

 

172. Une Église qui garderait sa souplesse

Il y a des choses dans l’Église qui agacent saint Justin (+ 166) : on voudrait fixer trop vite beaucoup de choses, des choses qui viennent à l'idée de quelqu'un et qu'on tient pour justes, et qu'on voudrait fixer comme valables pour les temps à venir. Lui au contraire voudrait une Église qui demeurerait dans un constant devenir vivant, qui garderait sa souplesse (NB 1/1,263).

 

173. L’Église est couverte de péchés  et le Seigneur veut en faire son Épouse

Le Seigneur humilie son Église. Il le fait depuis le début en la faisant naître de lui. Lors de la création du monde, le monde dans sa totalité aurait au fond dû être l’Église. Mais les premiers hommes tombèrent dans le péché. Et quand l’Église apparaît comme monde nouveau, elle doit garder en elle le souvenir de ce qu'elle aurait dû être, le souvenir de sa défaillance. Elle ne cessera aussi d'en prendre conscience par les nombreuses fautes de chacun de ses membres, par la faute des communautés, par la faute de l’Église en tant que tout. Pour autant qu'elle doit être l'Épouse sans tache du Seigneur, l’Église doit se sentir profondément humiliée à jamais en raison de sa faute. Le Seigneur lui met sous les yeux à quel point elle doit être immaculée ; mais si elle détourne les yeux du Seigneur et qu'elle se voie dans sa nudité, elle se voit pleine de péchés. Elle ne cesse de s'éloigner du Seigneur. Elle ne veut pas, n'entend pas, fait la sourde oreille, elle reste muette alors qu'il exige une réponse, aveugle alors qu'il requiert qu'elle regarde, désobéissante alors qu'il attend la pure obéissance. Elle se sent épouse alors qu’elle doit être servante, et elle joue la servante quand le Seigneur veut en faire son épouse. Le Seigneur s'occupe d'elle constamment, il réduit sans cesse la distance entre lui et elle, et elle ne cesse de la recréer. Alors il ne cesse de l'humilier. Elle doit sans cesse apprendre à voir la distance qui existe entre ce qu'elle est en elle-même et ce qu'elle est en lui. L'amour du Seigneur exige de lui-même de ne pas la priver de voir cela. Elle veut sans cesse lui échapper et il doit lui montrer chaque fois comment elle se détourne de lui. Il doit lui montrer les liens d'amour par lesquels il essaie de la garder auprès de lui. Naturellement le Seigneur humilie l’Église en la prenant dans sa propre humiliation. Lui-même a d'abord porté et éprouvé toute l'humiliation de l’Église (NB 1/2,111-112).

 

174. L’Église aimée et humiliée par le Seigneur

L’Église aime le Seigneur et elle est en même temps aimée et humiliée par lui. Ce n'est que par l'humiliation qu'elle peut être glorifiée par le Seigneur (NB 1/2,110).

 

175. Le Seigneur aime et humilie son Église

Le Seigneur s'unit à son Église. Il l'aime et l'humilie, il l'attire totalement en lui et se déploie totalement en elle. Il se donne à elle et elle lui répond (NB 5,257).

 

176. Le Seigneur humilie son Église

Il n'y a peut-être pas de préparation plus directe à l'extase que l'humiliation. On est débarrassé de soi-même à tout point de vue, on devient libre pour Dieu. La disponibilité propre est étendue en direction de la disponibilité de l’Église, on peut alors recevoir la joie du Seigneur. Mais il n'y a pas de contradiction au fait que le Seigneur humilie son Église justement quand il la remplit totalement de sa joie. Une humiliation de ce genre peut être merveilleuse parce qu'elle inclut la foi, l'amour, l'espérance. Tous ceux qui sont humiliés peuvent s'associer à cette humiliation de l’Église et avoir part de ce fait à sa foi, à son amour et à son espérance. Là où l’Église est totalement livrée et pure et totalement prise par le Seigneur, elle devient assez forte pour accepter les humiliations les plus profondes et à voir en elles le couronnement de son amour pour le Seigneur (NB 1/2,103-104).

 

177. L’attitude juste de l’Église vis-à-vis de Dieu : lui offrir son absolue faiblesse

L’Église est portée par le Fils. Si l’Église était vraiment l’Église des saints - tous ceux qui sont en elle sont saints en principe -, son attitude ne pourrait être autre que celle de l'absolue faiblesse vis-à-vis de la puissance de Dieu : obéissance inconditionnelle dans l'accomplissement de la volonté du Fils qui représente la volonté trinitaire de Dieu. De la sorte, sa volonté correspondrait parfaitement à la volonté de Dieu. Si elle accueillait la volonté de Dieu comme la puissance absolue, elle tiendrait sans cesse ouverte sa faiblesse pour être réceptive de toute manière. Elle ne cesserait jamais de se laisser fortifier par la volonté de Dieu parce que, vis-à-vis de Dieu, elle ne devrait jamais lui montrer un amour indépendant, elle devrait au contraire toujours vivre et aimer unie au Fils. Et si l’Église doit être forte pour le monde et pour les chrétiens, c'est d'une force qui lui est donnée sans cesse par le Fils (NB 4,429).

 

178. L’Église, miroir de Dieu...-

Tout ce que Dieu fait vit de sa vérité, de son être. L’Église est vraie dans la mesure où elle accueille la vérité de Dieu. Moins elle s'occupe d'elle-même, plus elle est perméable à l'action et au sens de Dieu, plus elle devient le miroir de Dieu. Elle n'a pas besoin de se faire une image d'elle-même ; en tant que miroir, elle doit seulement rendre aussi purement que possible l'image de Dieu. Cela lui est possible par le ministère qui est implanté en elle. Le ministère, en tant que tel, est désintéressé, il est pure représentation (NB 6,494).

 

179. L’Église examinée par le Seigneur

L’Église est "systématiquement" examinée et scrutée par le Seigneur. Mais selon un plan dont elle ne voit pas l'ensemble. L'inexorable marche en avant lui donne, il est vrai, l'impression qu'il y a un système dans la procédure ! Il y a là pour l’Église une espérance. Qu'elle soit examinée peut avoir un sens, conduire quelque part. Tout est examiné quant à son authenticité et à son utilité pratique ; l’Église est testée. Le tout est vécu comme quelque chose de pénible, on ne tient compte de rien. On se sent "exploité". Le tout paraît désormais vide de sens et sans espérance. L'humiliation est poussée jusqu'à la limite du désespoir. On ne peut poser aucune question. Il ne reste à l’Église rien d'autre à faire que de se soumettre. Elle ressent très fort que tous ses droits lui sont donnés par le Seigneur : "Ici tu as un droit, et ici tu n'en as pas" (NB 6,279).

 

180. L’Église doit être humiliée par son Époux

L’Église doit être mise à nu et humiliée comme le Fils sur la croix. Devant le Fils, elle ne peut pas prétendre à une intimité qui ne lui serait pas totalement abandonnée. Il n'a pas besoin de répondre tout de suite à l'abandon de l’Épouse en l'embrassant avec amour. L’Épouse n'y a aucun droit : le Seigneur peut donner à sa réponse la forme qu'il veut. Elle doit être préparée par l'humiliation à recevoir l’Époux de toutes les manières qui lui plaisent (NB 6,277).

 

181. L’Église doit apprendre à connaître l’impression d’une totale impuissance

Du fait qu'elle est l’Épouse, l’Église est attachée, d'une manière qui ressemble à la manière dont le Crucifié est fixé par les clous. Elle aussi doit apprendre à avoir l'impression d'une totale impuissance. Toute envie de critiquer le Seigneur qui la tient clouée lui passe alors, et toute question pour savoir pourquoi il doit en être ainsi disparaît. Ce n'est pas l’Église qui montre au Seigneur ce qu'elle a ou ce qu'elle n'a pas, c'est le Seigneur qui montre à l’Église ce qu'il peut soutirer d'elle. Et ce qui est mis au jour est pour elle humiliation extrême. Ce n'est qu'ainsi qu'elle est mise totalement en contact avec la terre sur laquelle elle se trouve ; tous les murs de séparation qu'elle a imaginés s'écroulent, elle marche pieds nus sur un sol dur et pierreux (NB 6,278-279).

 

182. L’Église mise à l’épreuve

L'Esprit soumet Marie à l'épreuve : corps et âme. Il met à l'épreuve toutes les possibilités de sa contemplation et de son action : jusqu'où sera-t-elle capable de porter ? Qu'est-ce qu'on peut lui demander de porter avec son Fils ? De quoi son Fils pourra-t-il la charger ? Et par elle ensuite l’Église ? "L'épée qui transpercera son cœur" n'est pas seulement un coup unique, c'est un état permanent, qui peut être plus ou moins conscient ou douloureux, mais qui dure autant que sa disponibilité. Il peut aussi être une pure humiliation qui se prolonge douloureusement et est subjectivement sans fin (NB 6,123).

 

183. L’Église, pas plus que Marie, n’échappera à la souffrance

La Mère pas plus que l’Église n'échappera à la souffrance qui ne cesse de s'annoncer, souffrance qui la lie à la croix selon la volonté de Dieu. Par son oui, Marie est clouée à l'épreuve par l'Esprit, l’Église est mise à l'épreuve. Être cloué et en même temps méditer, ce n'est pas un état où l'on pourrait s'installer, il est sans cesse "en mouvement" afin qu'on ne cesse de le percevoir et de le sentir (NB 6,124).

 

184. L’Église est remplie de force quand elle reconnaît sa propre impuissance

Pierre quitte la barque pour aller vers le Seigneur. Grâce à une foi qui le rend capable de marcher sur les vagues. Puis il a peur et il commence à s'enfoncer ; le Seigneur le sauve… L’Église, comme Pierre, doit être sauvée par la propre main du Seigneur. L'expérience de sombrer, de succomber, est nécessaire pour que le Seigneur révèle à Pierre son ultime relation en l'empêchant, par sa propre main, d'aller à sa perte. Même la foi personnelle de Pierre l'abandonne parce que l'expérience des forces qui l'assaillent le dépasse. Dans un si grand danger, sa foi n'a pas le poids ni la force nécessaires pour aller jusqu'au bout de son acte de confiance du début. Quand il n'en peut plus, le Seigneur le prend en charge. C'est ici qu'est posé le fondement qui accompagnera toujours l’Église. Elle sera toujours remplie de force quand elle se laissera rattraper par le Seigneur au moment où elle reconnaîtra sa propre impuissance, elle commencera à sombrer parce que la tempête sera trop forte et qu'elle ne verra plus d'issue (NB 5,78-79).

 

 6. Les saints, les mystiques, les apparitions et les pèlerinages dans l’Église

 

LES SAINTS

185. Les saints dans l’Église

Pierre bâtit son Église et il prévoit des niches pour les saints et pour la Mère. Il ne doit se trouver là que des personnes de choix ! Il ne convient pas qu'elles restent vides ; il se met en quête. Et pourtant au fond il les préfère vides. Marie voit la niche qui lui a été réservée, mais elle n'y aspire pas d'elle-même (NB 6,489).

 

186. Une Église vivante : les saints

Le Fils de Dieu qui est devenu homme est vivant, il ne peut s’exprimer que par une Église vivante. Tous les vrais saints sont l’expression de l’incarnation de Dieu (NB 9,1794).

 

187. La vénération des saints dans l’Église

Le jour anniversaire de la mort des saints est pour l’Église toujours fort important. Ce jour-là, beaucoup peuvent recevoir des grâces particulières. Cela vaut tout autant pour les saints cachés que personne ne connaît. Alors le nouveau trésor, qui est destiné à toute l’Église, n'est vivant au début qu'en quelques-uns (NB 6,543).

 

188. L’Église vit sous le regard des saints

Ce que nous faisons dans l’Église, nous le faisons sous le regard des saints et de toute la cour céleste. Il y a la possibilité de réaliser tout d'un coup que tous sont là. Cette expérience peut être variée : elle peut consister à voir clairement la présence du ciel ou simplement avoir conscience de cette présence. Pour celui qui un jour a vu, cette connaissance a d'autres couleurs que pour celui qui vit dans la foi nue (NB 6,28).

 

189. Les saints, colonnes de l’Église

L’Église a part à toute la plénitude du Seigneur ; quand il retourne au ciel, il établit l’Église ici-bas comme ce qui garde un échange constant avec lui dans sa réalité céleste ; et pourtant elle est édifiée sur chaque croyant et particulièrement sur les saints qui sont les colonnes de l’Église (NB 5,67).

 

190. Les saints portent l’Église

Les saints tous ensemble portent l'Église. Ils la portent comme un fardeau, ils font tous leurs efforts pour la porter (NB 10,2278).

 

191. L’Église est soutenue par les saints

L’Église sait que ses défunts ne l'oublient pas dans la vision de Dieu, qu'ils lui rendent son amour, la soutiennent. On ne sait pas finalement si l’Église au fond pourrait être à la hauteur des fonctions qui lui ont été données si tous les saints – ceux qui sont encore vivants aussi bien que ceux qui ne sont pas encore nés, et tous ceux qui arriveront un jour au ciel – ne lui offraient pas dès maintenant leur aide efficace pour préparer les hommes à la vision de Dieu (NB 5,181).

 

192. Les saints sont là pour que l’Église devienne une patrie pour les hommes

Les saints soutiennent l’Église pour que, par la foi, l'amour, l'espérance, elle devienne pour les hommes une patrie et que, par tout cela, devienne sensible l'amour trinitaire apparu dans le Fils (NB 5,157).

 

193. Des semences vivantes apportées par les saints à la foi de l’Église

Bien des Pères de l’Église, une Hildegarde, une Catherine, la grande et la petite Thérèse ont apporté à la foi de l’Église de nouvelles semences vivantes. Il revient certes aussi à l’Église ministérielle de rendre fécond pour la foi commune ce bien vivant (NB 5,28).

 

194. Dans les saints, le Seigneur voit que l’Église se donne à lui

Les saints dans l’Église signifient, chacun individuellement, l'acte de don de soi de l’Église au Seigneur. Dans les saints, le Seigneur voit que l’Église se donne à lui. Alors il peut prendre. L’Église est communion des saints. Elle est communion des saints avec le Seigneur et, par là, communion des saints entre eux (NB 5,266).

 

195. Les saints dans l’Église

Le destin de l'individu en face du Seigneur ressemble souvent au destin de l’Église. Plus quelqu'un est donné au Seigneur, plus il est saint et plus il répond à l'appel du Seigneur, plus il est capable d'assumer quelque chose du rôle que l’Église devrait jouer. Dans le destin des saints individuels, on pourrait lire le chemin que l’Église aurait dû suivre. On peut toujours penser à Ignace, à Vianney, à la petite Thérèse et à des vivants (NB 4,446).

 

196. Les saints ont planté sur terre l’amour céleste

Il est tout simplement faux de louer les relations conjugales terrestres comme étant la plus haute forme de l'amour. Qu'on le fasse est le signe que l’Église n'a plus une conscience vivante que sa propre tâche est d'être l'Épouse du Seigneur. Il reste encore les saints : ils ont planté sur terre l'amour céleste ; pour eux, sur terre, le céleste est plus essentiel que le terrestre. Ils ont mené une existence prophétique en proclamant, avec leur amour, le ciel sur terre, l'éternité dans le temps (NB 10,2127).

 

197. Les fautes des saints

Presque tous les saints ont quelque chose qui n'est pas tout à fait juste. Et l’Église ne veut pas admettre ces fautes. Elle ne le peut pas non plus parce qu'elle pense qu'elle se doit de compléter ce qui leur manque. Et ainsi elle leur prête l'odeur de la médiocrité (NB 4,453).

 

198. Tous les saints ont leurs lacunes

Seul le Seigneur est tout à fait saint et, à part lui, personne ne l'est. Tous les saints ont leurs défauts et leurs lacunes. Naturellement l’Église ne peut pas canoniser quelqu'un qui n'est pas saint, mais elle peut cependant – et c'est ici qu'il y a un grand danger – canoniser aussi en lui des choses qui ne sont pas saintes. Même en quelqu'un qui n'est pas saint, en quelqu'un qui n'est sûrement pas à canoniser pour l'essentiel, elle peut trouver des choses qui ont des rapports avec la sainteté et qui, en tant que telles, peuvent être admirées (NB 11,425).

 

199. L’Église devrait admettre les imperfections des saints

Je vais me donner du mal pour me corriger de mes fautes. Mais ce serait beaucoup plus facile si l'on voyait où les saints n'ont pas pu le faire totalement non plus. Sinon on voit trop rapidement en eux la perfection du Seigneur. "Le Seigneur est parfait, les saints sont parfaits, l’Église est parfaite, tout est merveilleux ; il n'y a que moi qui suis un pécheur qui n'arrive à rien !" Malgré la gloire des saints, l’Église devrait souffrir de leurs imperfections, du petit morceau qui leur manque. Et cette souffrance, elle devrait la mettre à notre disposition à nous qui voudrions devenir des saints. En Dieu, ils sont maintenant parfaits (NB 4,454-455).

 

200. Chaque saint peut donner à l’Église une nouvelle impulsion vers Dieu

Si l’Église était comme elle devrait être, chaque saint aurait le pouvoir de donner à l’Église une nouvelle impulsion vers Dieu (NB 4,455).

 

201. Aucun saint n'est pensable en dehors de Dieu

Aucun saint n'est pensable en dehors de Dieu, et aussi naturel que cela paraisse, il faudrait quand même que cela soit sans cesse souligné, pas seulement à cause des faux prophètes qui cherchent à se donner l'apparence de la sainteté, mais aussi à cause de ceux qui s'efforcent d'être saints en dehors de l’Église, avec une pureté morale, etc. (NB 2,15).

 

202. L’Église devrait aider davantage les "missions" des saints

On a souvent tendance dans l'Église à considérer les saints comme des apparitions tombées du ciel, à considérer leurs paroles comme des déclarations absolues et, par voie de conséquence, à ne pas contribuer beaucoup à leur réussite surtout quand il s'agit de missions modestes, de "petits prophètes". Si tous, et surtout les responsables, étaient plus conscients qu'ils peuvent et doivent aider les missions, eux-mêmes et leur ministère s'y emploieraient avec plus d'énergie. Les prêtres devraient comprendre que beaucoup de missions échouent parce qu’elles n'ont pas été suffisamment encouragées par leurs pasteurs (NB 1/1,493).

 

203. Les pécheurs et les saints

Au sommet, se trouve la sainteté du Seigneur. Si les hommes n'étaient pas pécheurs, il aurait, durant sa vie, converti tous ceux qu'il rencontrait. Tous se seraient jetés à genoux à ses pieds parce que devant eux se trouvait la sainteté parfaite. De même, s'ils n'étaient pas pécheurs, tous tomberaient aussi à genoux devant Dieu et devant le Seigneur en présence de la mission d'un saint, car elle ouvre un accès à Dieu. Mais comme nous sommes pécheurs, l’Église est contrainte de mettre les saints en évidence, surtout ceux qui sont morts afin qu'on voie leur chemin, la manière dont ils sont allés vers Dieu (NB 11,439).

 

204. La résistance aux saints

L’Église, dans son humanité, a besoin de certitude : d'où les miracles que les saints doivent opérer pour leur canonisation. Mais la grande foule des chrétiens ne se donnent même pas la peine de prendre connaissance des miracles qui sont opérés. Il existe aussi dans le christianisme une résistance aux saints : ils rendent trop proches la réalité de Dieu et de ses exigences, ils sont incommodes. Ce n'est que lorsqu'ils sont morts qu'ils peuvent vaincre en quelque sorte cette résistance par leurs miracles. S'ils ont quelque chose à dire, il est toujours assez tôt pour en prendre connaissance après leur mort (NB 11,440-441).

 

205. Miracles et sainteté

Sainteté et miracles : les deux peuvent avoir un rapport ou non. Finalement tout miracle est un signe que Dieu a besoin de davantage de sainteté dans son Église. Si nous regardons la sainteté comme le signe définitif de quelqu'un, on ne peut pas parler d'un lien indissoluble entre miracle et sainteté. En Dieu, ils ne font qu'un, pas dans l'homme. Si Vianney a le don de voir le cœur de ses pénitents, ce n'est pas un miracle proprement dit bien que ce soit une grâce surnaturelle. Un miracle qui est opéré est chaque fois le fait d'un acte particulier de Dieu. Vianney par contre avait son don constamment. C'est lui qui jugeait s'il allait maintenant entendre des confessions. Un miracle par contre, on ne peut pas se promettre d'en faire un. Il est inattendu pour celui qui l'opère (NB 11,446).

 

206. Écouter le message des saints

Il faudrait qu'on reconnaisse l’Église au fait qu'elle se soumet totalement au Seigneur. Dès que Jean discerne : "C'est le Seigneur !", Pierre se jette à l'eau. Naturellement l’Église doit examiner si c'est le Seigneur. Mais si c'est lui, elle est là totalement pour lui. De beaucoup de messages décisifs que le Seigneur a envoyés à l’Église par de grands saints, un tout petit nombre a été reconnu ; celui qui était concerné a été canonisé, et on a oublié le reste de son message. On est heureux quand les saints se tiennent tranquilles, on devrait au contraire écouter le plus décisif qu'ils ont à dire (NB 12,198).

 

La sainteté dans l’Église n’est jamais possible sans une relation personnelle à la parole personnelle de Dieu qui s’adresse à moi (NB 2,27).

 

207. Les saints, un prolongement vivant de l’Écriture dans l’Église

L’Écriture de la nouvelle Alliance est là pour montrer que l'Esprit est toujours vivant. Elle est un signe que le Fils continue à agir sur terre. Quelque chose d'analogue vaut ensuite pour tout ce que l'Esprit inspire dans l’Église : les Pères de l’Église, les saints et leurs enseignements et leurs missions, etc. Tout cela est un prolongement de l’Écriture dans la mesure où l'Esprit est à l’œuvre de manière vivante. La réception de l'enseignement des saints par l’Église est un signe qu'elle reconnaît que l'Esprit est vivant (NB 1/2,242).

 

208. Les saints : des flambeaux dans le clair-obscur de l’Église

Dieu offre sa sainteté à tout le monde. Mais Dieu l'offre de manière particulière à ses élus. L'ensemble des humains - les pécheurs et les saints - sont réellement inclus dans la sainteté de Dieu. Mais pour regarder Dieu de manière toujours plus vivante, les humains ont besoin des élus de Dieu qui se sont si bien décidés pour la sainteté de Dieu qu'ils vivent en elle et meurent en elle. Ils sont comme des flambeaux dans le clair-obscur de l’Église (NB 2,34).

 

209. Toute mission sainte est destinée à faire progresser l’Église

Toute mission sainte, si elle est un jour reconnue et canonisée par l’Église, devrait être pour elle l'occasion de s'examiner elle-même. Chaque mission devrait être pour un progrès au centre de l’Église (NB 1/2,51).

 

LES MYSTIQUES

 

210. Le fondement de la mystique

Le Seigneur a promulgué le commandement de l'amour, les apôtres l'ont entendu, les évangélistes l'ont mis par écrit, il peut être consulté par tous ceux qui viendront après, sans problème, parce que la force des paroles du Seigneur ne faiblit pas. Si un croyant a une apparition, il peut s'inquiéter et se demander si et comment cela se rattache à l’Évangile. Mais s'il se rappelle alors que le Seigneur est apparu aux apôtres, il reconnaît dans ce fait un fondement de la mystique future ; pour les voyants, cela peut les rassurer parce que les apparitions des quarante jours constituent un pont solide entre l’évangile et l’Église. Les voyants des temps ultérieurs se trouvent dans la tradition apostolique qui est aussi garantie que le texte de l’Écriture Sainte (NB 6,302).

 

211. Les mystiques et l’approfondissement de la foi

Tous les mystiques authentiques ont vu et expérimenté des choses qui sont chrétiennement centrales, s'appuient sur la Révélation, en font comprendre des aspects auxquels on fait peu ou pas attention ; et malgré tout ce qu'il y a d'extraordinaire chez les mystiques, ces aspects sont toujours simplement en harmonie avec l'ensemble. Ceux qui font ces expériences doivent essayer d'exprimer les choses de telle manière qu'il en sorte quelque chose de fécond pour l’Église. Dans leur ensemble, elles ont pour fonction de vivifier la vérité supra-temporelle présente dans l’Église et de l'approfondir pour la foi ( NB 5,29).

 

212. La mystique : pour dilater la vie des chrétiens

La mystique est donnée pour dilater la vie des chrétiens, pour leur donner part au ciel dès ici-bas sans que cette part leur permette d'en percer tous les secrets. Bien des chrétiens pour qui tout est en règle ici-bas cherchent à se tailler les choses de la Révélation et de l’Église à leur propre mesure, à les rapetisser, à les rendre sans surprises et banales, pour s'installer non seulement ici-bas mais déjà par avance dans l'au-delà, pour se mettre à l'abri de tout imprévu. C'est contre cela surtout que se tourne la mystique. Les choses de Dieu doivent garder la mesure de Dieu. Il faut que toute installation soit ébranlée. La nouveauté de Dieu ne doit pas seulement être annoncée, elle doit être manifeste. Cette nouveauté se trouve toujours dans le ciel et dans l'éternité ; mais déjà les petits aperçus qui en sont accessibles au mystique sont si inattendus et si hors normes que tout croyant comprend que dans l'éternité - qui est toujours plus grande - il faut encore s'attendre à des choses beaucoup plus inconcevables, non avec une vague et molle attente de l'esprit qui consentirait à cette possibilité, mais avec la joyeuse espérance de celui qui est au courant. Le mystique se rend bien compte - et tout chrétien devrait le savoir avec lui - que sa parole est éloignée de la Parole de Dieu de toute la distance qui sépare l'homme de Dieu et que non seulement chaque parole de la vie éternelle signifie plus que ce qu'on peut en penser et en dire, mais aussi plus que toute vision et toute expérience qui en sont accordées à un homme ici-bas (NB 5,36-37).

 

213. Saint Paul et l’événement mystique de sa conversion

Pour Paul, il y a en premier lieu sa vie avant sa conversion, que plus tard il se reprochera lui-même tellement car, dans l'ignorance de la vérité et dans son zèle pour l'ancienne Alliance, il a persécuté les chrétiens. Il y a "l'homme naturel" avec un enseignement qui lui a été transmis, même si c'est un enseignement dépassé, auquel il est attaché et qu'il défend farouchement : sa propre raison ne voit pas de motifs raisonnables pour admettre la vérité du Christ. Puis en second lieu arrive sa conversion qui est un événement mystique, mais qui a aussi des côtés naturels : il tombe par terre, il devient aveugle, etc. Quand il pose la question : "Que veux-tu que je fasse ?", ce qui a existé jusqu'à présent est dépassé, Paul se tient ouvert, non en premier lieu à l'expérience mystique, mais à la vérité de l'enseignement : "Je suis celui que tu combats". La lutte entre le Christ et Paul se termine, le Christ a vaincu en se faisant reconnaître avec sa force et Paul s'incline. Dès que Paul a reconnu le Christ, tout de suite commence sa mission. Dans cette expérience mystique qu'il vient de connaître, il reçoit la doctrine, de manière globale. Quelques rares expériences mystiques suivront encore. Mais déjà l'enseignement donné par Ananie n'est pas mystique. Tout ce dont Paul fait l'expérience de manière mystique doit aussitôt chercher le contact avec la révélation chrétienne ordinaire. Le "troisième ciel" lui montre certes des choses qui lui sont tout à fait réservées si bien qu'il ne lui est pas permis d'en parler, mais elles sont, dans le ciel, des confirmations de sa mission. Parfois le mystère qu'il doit annoncer s'en trouve fondé plus profondément. Quelque chose du mystère entre Jésus et Paul passera plus tard dans l’Église quand bien des choses qui sont connues et définies dans des assemblées, des commissions et des spécialistes expérimentés, ne seront pas accessibles à tout le monde de la même manière. De plus le service de Paul ne peut jamais devenir impersonnel. Il ne doit pas connaître le Christ seulement comme l'essence d'un "enseignement", c'est pourquoi Dieu ne cesse d'y jeter des éclairs personnellement. Parfois Paul reçoit pour ainsi dire un "appel téléphonique" du ciel qui lui donne des indications supplémentaires. Paul est "un mystique" dans l’Église ; sa relation mystique au Seigneur se répétera plus tard dans l’Église pour d'autres chrétiens (NB 5,33-34).

 

214. La mystique : pour enrichir la foi de l’Église

Quand Paul s'est converti, la vision de Damas est décisive pour sa foi. Vision et foi coïncident, si bien qu'on ne peut pas contester que la vision soit à l'origine de la foi. Mais c'est un cas extrêmement rare. La plupart du temps, la vision ne sert pas à engendrer la foi de celui qui voit ou à l'augmenter, mais à enrichir le trésor de la foi de l’Église. Cette utilisation provient essentiellement du Seigneur. C'est lui qui en décide (NB 6,190).

 

215. L’expérience mystique d’Étienne : pour le bénéfice de toute l’Église

Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir ; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer… L'exclamation d’Étienne s'adresse aux croyants et aux non croyants. Les non croyants qui le lapident sont condamnés par là à une sorte d'impuissance. En l'entendant, ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent rien lui faire parce que le monde d’Étienne, qui leur paraît si méprisable, leur échappe. Il montre par là sa réalité. Étienne ne se trouve pas dans leur monde mais dans la vision qu'il proclame. Les croyants qui l'entendent connaissent la vérité de ce monde qu'il voit, même si eux-mêmes ne le voient pas, eux qui ne sont pas destinés au martyre. La parole d’Étienne peut si bien les toucher qu'ils comprennent soudain à quel point ils sont indignes de voir le ciel ouvert en étant sur cette terre, combien aussi leur foi a besoin d'être fortifiée et qu'elle devrait prendre connaissance de choses beaucoup plus grandes. Ce n'est pas seulement leur espérance dans la vie éternelle à venir qui est fortifiée, c'est ici et maintenant que leur foi est dilatée, l'exclamation du témoin les oblige à vivre autrement. Cette exclamation fait d'eux des êtres qui ont part à la foi de celui qui meurt pour le Christ. Ils n'ont pas le droit d'oublier ce qu'ils ont vécu, ils ne sont pas non plus en mesure de le faire, car c'est à eux avant tout que l'expérience mystique était destinée. Quelques-uns reçoivent cette faveur pour que l’Église tout entière soit encouragée (NB 5,36-37).

 

216. L’Église et la mystique

A l'égard de l'expérience mystique qui se rencontre dans ses rangs, l’Église a une liberté remarquable ; elle en admet certaines, pour d'autres elle reste indifférente ou les laisse tomber. Dans l’Église, le mystique est dans une position de faiblesse. Il ne perce pas dans tous les cas. Bien sûr, le Christ non plus n'a pas percé durant sa vie terrestre, ni par sa prière, ni par sa prédication, ni par sa passion et sa mort. La renommée qui entoure les mystiques est a priori suspecte dans l’Église, il n'est pas rare non plus qu'un peu de tromperie s'y mêle ; la curiosité est éveillée, les gens sont contents, l'affluence est grande (NB 5,35).

 

Dans l’Église, Vianney est un prêtre parmi d'autres ; de son vivant, bien des gens le vénèrent, mais officiellement l’Église ne fait rien pour lui, les autorités le tolèrent plutôt. L’Église a justement sa propre vie qui, même quand elle semble morte, est incomparablement plus forte que l'expérience mystique d'un individu. Dans l'ancienne Alliance par contre, un mystique comme Élie a un rôle de leader ; il se détache du petit peuple. Dans l’Église, le mystique ne doit guère s'attendre qu'à une solitude spirituelle ; à vue humaine, il disparaît dans l’Église. Pour la bonne raison aussi que la tâche du mystique est devenue autre que dans l’ancienne Alliance. Dans l'ancienne Alliance, la connaissance de Dieu authentique et profonde était rare, isolée. Dans la nouvelle Alliance, ce n'est pas seulement le mystique qui voit Dieu dans le Fils incarné, c'est l'Eglise en tant que telle. Son savoir est sûr même si humainement elle peut encore beaucoup se tromper dans le détail. C'est pourquoi, dans la nouvelle Alliance, il peut y avoir des tensions très grandes entre le ministère ecclésial et la mystique, alors que dans l'ancienne Alliance aucun ministère ne pouvait "corriger" un mystique (NB 5,53-54).

 

217. L’Église et les visions

L’Église a le droit de juger les visions et elle peut ainsi déclarer qu'une vision est fausse et inexistante. Comment doit se conduire un voyant si sa vision est "anéantie" de cette manière ? Où se trouve alors pour lui la vérité ? Tant que je suis sur la terre, je dois accepter le jugement que l’Église porte sur moi. Supposons que le Seigneur apparaît dans une vision et donne une mission ; on la transmet, mais les autorités de l’Église disent : stupidités ! Je ne peux pas retirer ce que le Seigneur a dit, mais je peux, sur terre, laisser dormir la chose à moins qu'une nouvelle mission du Seigneur me soit donnée. Je pourrais pour moi-même faire la distinction entre le membre de l’Église qui fait ce que l’Église commande, et l'Esprit du Seigneur en moi qui participe surnaturellement à ce que le Seigneur commande ; les deux existeraient simplement côte à côte. Mais on en arrivera rarement à ce cas extrême étant donné que Dieu dévoile quand même sa vérité de telle sorte qu'elle parvienne au moins partiellement à l’Église, dans la mesure voulue par lui et certainement comme une grâce, mais peut-être aussi en plus de cela comme connaissance, bien que cette connaissance soit souvent tenue cachée contre la volonté de Dieu par désobéissance (NB 4,380-381).

 

218. Rôle de la mystique

La "Révélation" est la vérité de Dieu et ce qu'il enseigne au monde. Elle reste sommaire à bien des égards, elle ne remplit pas tous les coins du domaine spirituel. La "mystique" dans l’Église peut développer bien des points qui à l'origine ne sont qu'esquissés. Le critère principal de son authenticité est qu'elle rende plus vivant le contenu de la révélation (NB 5,34-35).

 

219. La mystique : pour rendre vivant ce qui dans l’Église est figé

La mystique n'est pas la simple confirmation de quelque chose qu'on sait et qu'on possède déjà expressément. Elle est essentiellement révélation de mystères et, en tant que telle, elle vise à rendre vivant ce qui dans l’Église est figé. Dans ce qui est gelé, un nouveau souffle de Dieu, un torrent qui est issu de la source la plus primitive qui coule dans le cœur de Dieu, dans une durée qui n'a rien de commun avec notre temps. En provenance d'un amour de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut chercher à comprendre dans le mot amour, et qui ne flamboie pour ainsi dire que par éclairs. On ne peut absolument pas saisir ce feu et il est pourtant infiniment efficace. Et, dans l'éclair, c'est tout un paysage divin qui apparaît qui n'est pas accessible autrement que dans l'éclair (NB 5,46-47).

 

220. La mystique, expression de la relation entre le Christ et l’Église

Depuis que l’Église a été fondée par le Christ, elle revendique la mystique pour elle, comme si celle-ci était absolument une expression de la relation entre l'âme ecclésiale et le Seigneur. Vue de la sorte, la mystique est pour le chrétien une manière d'être comblé, une réponse de la grâce du Seigneur au don total de soi. L’Église est requise pour qu'au fond la mystique soit possible ; sous quelque forme que ce soit, l’Époux doit se trouver devant son Épouse pour donner forme à ses secrets mystiques (NB 5,51-52).

 

221. La mystique contribue à soutenir l’Église

Dans ses expériences de Dieu, le mystique de l'ancienne Alliance a souvent dû se contenter de choses plus tape-à-l’œil, plus frappantes, que le mystique de la nouvelle Alliance. Celui-ci peut toujours s'appuyer sur le Christ qui concentre en lui toutes les expériences de Dieu faites ici-bas avant lui et la somme de toutes les expériences chrétiennes qui suivront. Il constitue une Église vivante à partir de sa propre vie ; en tant qu'organisme bien établi, elle est au service de toutes les expériences chrétiennes à venir. Ce cadre manquait à l'ancienne Alliance. Ce n'est pas que, dans la nouvelle alliance, Dieu le Père se soumettrait au règlement de l’Église ; ce qui se passe au contraire, c'est que, répondant à l'obéissance du Fils, il donne aux expériences mystiques la possibilité d'être réellement contrôlées par l’Église ; il les replace sans doute chaque fois dans l'ensemble de l’Église afin qu'elle soit affermie mais, par l'approbation qu'elle donne, elle confère également de la force aux expériences des personnes. La mystique contribuera à soutenir l’Église comme des poutres solides ; mais ces poutres elles-mêmes reçoivent leur solidité du fait qu'elles sont incorporées dans l’Église. Il y a entre elles une interaction (NB 5,53).

 

222. Prophètes dans l’ancienne Alliance et mystiques dans l’Eglise

Chez les prophètes et les apôtres, il y a le cas extrême où ils sont bousculés par une expérience mystique qui les requiert pour remplir une fonction dans la Révélation. C'est à vrai dire exceptionnel et cela paraît d'une certaine manière "inadmissible" dans la mesure où Dieu semble se jouer de la liberté qu'il a donnée à l'homme. Mais il y a aussi les cas où Dieu tient compte explicitement de cette liberté, par exemple quand il discute avec Moïse de sa mission ou qu'il lutte avec Job à qui il laisse une sorte de responsabilité en face de Dieu. Chez les mystiques chrétiens, le plus souvent, la part de la liberté est d'emblée plus grande. Quand Dieu les touche, ils sont déjà croyants, leur obéissance croyante est dilatée, souvent leur désir d'un meilleur service est comblé. Dans l’Église, il y a davantage de transitions entre la foi et la mystique, davantage de collaboration humaine (NB 5,35).

 

223. La mystique chrétienne : un cadeau de Dieu à l’Église

Parce que le Seigneur a confié aux hommes son Épouse, l’Église, et que les hommes restent pécheurs, il doit donner à cette Église une vie constamment jaillissante. Une vie donc qui se dérobe aux idées des hommes. C'est ici que la mystique chrétienne est un cadeau à l’Église, un don qui échappe à toute mainmise, que Dieu distribue librement à ceux qu'il a choisis pour cela. La vie mystique est un plus qui est donné, une surabondance qui est soustraite au péché, soustraite à la finitude, soustraite à l'éphémère, mais qui est pourtant distribuée dans le fini et l'éphémère pour que l'infini et l'éternité rayonnent pour la foi d'une lumière nouvelle (NB 5,73).

 

224. La mystique : nouvelles sources de vie 

L’Église ne sombre pas, mais elle subit bien des dommages. La vie mystique est là pour y remédier : avec une plénitude qui correspond à la plénitude débordante des dons du Seigneur, avec une intelligence qui ne cesse d'être stimulée par l'intelligence de l'Esprit Saint. L’Église a besoin de nouvelles sources de vie et, parce qu'elle est là pour les hommes, elle reçoit du ciel cette vie non seulement d'une manière invisible et insaisissable, mais en même temps de telle sorte que les croyants peuvent voir quelque chose de son origine céleste. Car les chrétiens eux-mêmes doivent porter du fruit dans cette vie, s'offrir en sacrifice avec le Seigneur, coopérer aussi à ses miracles, ils doivent sentir que la force de Dieu les soutient, que des forces qui sortent d'eux entrent aussi dans l’Église afin qu'elle se révèle être vivante selon la mission qu'elle a reçue du Seigneur (NB 5,75).

 

225. Une intelligence nouvelle est apportée par la mystique

Une grâce mystique signifie une intelligence nouvelle, plus riche, mais c’est une intelligence qui n'appartient jamais en propre à une personne, elle appartient à l’Église (NB 5,80).

 

226. Le Fils s’offre dans la mystique chrétienne

Le Fils n'a pas l'intention de laisser le monde s'appauvrir par sa mort et son Ascension. Dans le temps de l’Église, il veut prolonger sa présence avec tout ce qu'elle inclut. Mais il sait aussi combien tièdes sont les hommes et combien l’Église peut être contaminée par cette tiédeur : beaucoup de ce qui est encore vie aujourd'hui peut demain être à nouveau lettre morte, dépourvu de vie divine. C'est ainsi qu'il s'offre à son Église non seulement dans le sacrement et dans la parole de l’Écriture, mais aussi dans la mystique chrétienne (NB 5,121).

 

227. Sens des visions : rendre plus concrètes les choses de la foi

Quand deux êtres qui s'aiment se dévoilent l'un à l'autre, ils ne veulent pas se montrer leur corps mais avant tout leur amour. C'est ainsi qu'on peut mieux comprendre les visions dans l’Église. Quand il est donné à quelqu'un de voir la Mère de Dieu, cela rend plus concret son amour : on en avait certes une certaine conscience mais, du fait qu'elle se dévoile, on reçoit - au nom de toute l’Église - des sens tout nouveaux. Il suffit que quelqu’un l'ait vue : elle est réellement visible, et cela me suffit. La mystique a dans l’Église une fonction d'incarnation (NB 12,120-121).

 

LES APPARITIONS MARIALES

 

228. Les apparitions de Marie : une mission de Dieu

Quand Marie se montre, elle le fait avec une sorte de paix et de discrétion. On ne sait plus en notre temps qu’elle aime se montrer. On s’en fait de fausses idées. Pour elle, se montrer, c’est en vérité comme le contenu de sa prière. Elle ne se montre pas pour se montrer, elle se montre pour transmettre quelque chose. Et la première chose qu’elle communique pénètre toujours en nous pour que ce qu’elle communique puisse arriver au monde qui nous entoure. Nous devons nous adapter à elle. Comme quelqu’un avec qui on parle à voix basse en arrive lui aussi à parler à voix basse. C’est au fond l’état de choses qui est normal et qui va de soi. Il serait également normal de transmettre de la manière qu’elle nous a été transmise une communication qui a été pensée pour être transmise. Avec le même accent, la même intonation. Quand la Mère se montre, elle accomplit simplement une mission de Dieu pour nous qui concerne notre attitude de prière. Celle-ci doit être affermie. Le Fils veut nous former par sa Mère (NB 9,1991).

 

229. Apparitions mariales et Trinité

Quand Bernadette voit la Mère du Seigneur, le culte de la Mère dans l’Église en est certes rendu plus vivant ; et pourtant une mission mystique ne se limite jamais à ce qui est marial ; par Marie elle renvoie au Fils, par le Fils elle renvoie au Père. Tout ce qui se révèle du ciel a toujours un but trinitaire aussi bien qu'un but ecclésial, tout ce qui se trouve à la lisière est complément et décor, ce doit toujours être compris et lu en vue du centre : l'amour trinitaire qui, par la révélation chrétienne, veut se créer dans l’Église une nouvelle compréhension et un nouvel amour (NB 5,85).

 

230. Bernadette et Marie

Bernadette est utilisée d'une manière qui dépasse son registre de concepts et son vocabulaire ; elle ne sait pas ce que veut dire "Immaculée Conception". Mais, dans la bouche de Marie, cela veut dire quelque chose de très précis, et Bernadette devra se développer elle-même pour arriver à le comprendre (NB 5,166).

 

231. Bernadette est préparée à ce qui lui est montré

Bernadette dit les prières qu'on lui a apprises et elle reste dans une pureté qui n'a pas été éprouvée en quelque sorte. Ce n'est pas pour rien que Marie justement lui dit : "Je suis l'Immaculée Conception", parce que l'Immaculée est très chère à l'âme de Bernadette, son âme est sans tache comme une page vierge. Elle est préparée pour ce qui lui est montré, elle a l'ouverture naturelle de l'enfant qui ne connaît pas le mal. Et ce que son chemin a de pénible et de monotone lui permet d'être attachée de manière particulièrement forte à ce qu'elle apprend vraiment, le bien. Elle est ce qui est vierge, ce qui est pur, si bien que l'apparition de Marie et les miracles qui s'y rattachent ne sont pas opposés à son attente ; ils sont plutôt comme quelque chose de nouveau qu'il faudrait apprendre en plus, qui la remplit d'étonnement et de joie, mais ne diffère pas beaucoup de sa prière jusqu'à présent. Elle doit se souvenir que cela existe, que la Dame vient en ce lieu, qu'elle a dit justement ces paroles, des paroles qu'elle garde tout aussi difficilement qu'une nouvelle prière par exemple ou n'importe quel autre bout d'enseignement. Il n'en résulte aucun problème. Ce qu'elle doit apprendre est toujours encadré par l'apparition, il ne lui viendrait jamais à l'esprit de chercher quelque chose en dehors du cadre qui lui est présenté. Même quand elle est au couvent et qu'on lui impose des pénitences et qu'on la tracasse, ou qu'on l'interroge sur les apparitions, la mesure de mortification la satisfait totalement chaque fois. C'est aussi suffisamment difficile ! Sa spontanéité n'arrivera jamais à faire ou à dire plus que ce qu'elle doit. Chaque fois Dieu lui donne pour ainsi dire une si parfaite mesure qu'il n'y a aucune raison de poser davantage de questions. Tous ses moments libres, toutes ses pensées libres, elle les remplit de prière. Elle connaît une sorte de discipline de prière déterminée qui remplit tous les vides (NB 2,159-160).

 

232. Marie apparaît pour éveiller l’Église à l’intelligence du monde déleste

Quand l'Esprit couvrit la Mère de son ombre, ce fut un ménagement inouï de sa corporéité, mais en même temps une exigence inouïe pour sa foi. Car elle dut saisir par l'esprit ce que d'habitude le corps aide à comprendre. Pour Marie, quand l'Esprit la couvrit de son ombre, la compréhension de son corps fut scellée. Elle dut saisir par l'esprit ce qu'elle ne devait comprendre que bien plus tard corporellement, quand l'enfant deviendrait perceptible. C'est l'enfant en elle seulement qui éveille chez elle la compréhension corporelle. Non pas l'homme. Quand l'Esprit la couvre de son ombre, il n'y a là que le spirituel, la foi pure, et celle-ci est vérifiée plus tard dans le corporel. L'Esprit céleste a couvert de son ombre le personnage terrestre de Marie et elle a accueilli ensuite l'événement dans sa vie corporelle de manière sensible. Et ce mystère, l'Esprit le lui transmet après son assomption pour qu'elle le gère : pour qu'elle ne cesse d'apparaître dans l’Église en son existence céleste, pour éveiller l’Église, l'épouse terrestre et concrète du Christ, à l'intelligence du monde céleste (NB 1/2, 174).

 

233. Derrière Marie qui apparaît, le ciel tout entier

Le ciel se donne toujours tout entier lors de l'apparition de n'importe quel habitant du ciel. Quand Marie se montre, elle ne laisse pas le ciel fermé derrière elle. Même si elle est seule à se montrer, on voit en elle ce qu'est le ciel tout entier (NB 12,121).

 

234. Pour Marie, apparaître c’est vouloir montrer le mystère de son être

Toute l'existence de Bernadette est contenue dans le terme de mystère. Le mystère de la Mère dans son apparition, dans les miracles qui suivent, reste pour elle totalement intact, inviolable, il se révèle à elle tout à fait en tant que mystère, et elle-même n'a rien d'autre à faire que de rester dans ce mystère. Pour elle, il n'y a là rien de louche, il n'y a ni interprétation, ni une quelconque possibilité de s'éloigner du mystère pour mieux le voir, de le découper en morceaux, parce que Marie, dans son apparition, voulait justement montrer le mystère de son être en tant que miracle et produisant des miracles. Cela ne veut pas dire une nouvelle théologie, une nouvelle spiritualité, une nouvelle manière de vénérer Marie, mais la concentration du tout sur un point : l'évidence du mystère. Lourdes veut dire : celle qui est admirable est apparue, il veut dire l'actualité de Marie dans sa totalité indivisible, elle est digne de vénération justement dans son mystère. Quand on cherche à tirer de Bernadette des pensées et des directives mariales particulières qui vont au-delà de la parole de la Dame : "Je suis l'Immaculée Conception", il apparaît tout de suite que l'interprétation s'écarte du centre et de sa simplicité. On peut sans doute mettre Lourdes en relation avec d'autres mystères, mais quand on dit Lourdes, on doit respecter que Marie dévoile ici ce mystère unique de son être, pas un autre et, par Lourdes, on doit parvenir à une nouvelle conscience de sa présence. Car elle veut être et rester dans toute l’Église telle qu'elle apparaît à cet enfant (NB 2,65).

 

235. L’Esprit Saint "gère" les apparitions

L'Esprit Saint fait comprendre ce qui se passe. A Lourdes, si dès la première apparition Marie a déjà sa pleine réalité - Bernadette a vu la dame, elle a parlé avec elle, elle a entendu sa voix, la dame s'est présentée - , Bernadette ne sait pas tout d'abord à quoi cela peut être utile, quelle est la signification de l'ensemble. Elle répète le nom qui est pour elle incompréhensible (Immaculée Conception), mais elle ne sait pas - à part la joie qui lui est donnée - la portée de l'apparition, ni ce qu'elle doit en faire. Et quand elle raconte ce qu'elle a vu, c'est en vertu d'une mission qui n'est pas claire du tout pour elle. Et quand la source jaillit, les témoins aussi se trouvent devant un prodige dont il ne connaissent pas encore la fécondité. L'Esprit Saint connaît le pourquoi et le développement futur, et il en rend compte à Dieu en quelque sorte de la même manière qu'il a rendu compte au Père du dialogue de l'ange avec Marie et qu'il l'a couverte de son ombre. Mais à ceux qui assistent au prodige de Lourdes, il donne une certitude qui est fondée en grande partie sur sa propre certitude. Quand arrivent des miracles de guérison, ceux qui sont guéris savent - et l’Église le sait avec eux - que ces miracles sont comme des paraboles du miracle d'une foi renouvelée : pour ceux qui sont présents, pour leurs proches et, par leurs effets, dans toute l’Église. Et c'est l'Esprit Saint qui distribue et gère l'ensemble (NB 5,177).

 

LES PÈLERINAGES

 

236. Les pèlerinages dans l’Eglise

Dans le circuit de la grâce qui se répand par l’Église, il y a aussi, à côté des sacrements, des formes et des voies plus petites de transmission de la grâce, qui lui sont humainement plus familières et qui font pour ainsi dire partie de ce qui lui est propre : les sacramentaux, les pèlerinages et d'autres choses de ce genre. L’Église ne doit pas penser qu'il ne se passe en elle que des mystères incompréhensibles ; elle doit intégrer ses petits efforts dans le grand effort de Dieu pour elle. C'est pourquoi elle ne doit pas se faire iconoclaste ni dédaigner les concrétisations adaptées aux humains (NB 6,512).

 

237. Les lieux de pèlerinage : pour favoriser l'impression de la proximité réelle du divin

Pourquoi y a-t-il tant de pèlerinages mariaux ? A cause des nombreuses apparitions de Marie et aussi à cause du besoin qu'ont les hommes de cultiver une certaine dévotion en un lieu précis. C'est par bonté que Dieu crée ces lieux. S'ils n'existaient pas, on pourrait facilement sombrer dans une sorte de panthéisme d’Église. On s'accrocherait à la sentence : "Là où deux ou trois sont réunis en mon nom...", on penserait qu'il suffit d'être avec un chrétien pour trouver le Christ et être au ciel d'une certaine manière. Pour faire face au danger de voir s'estomper toutes les limites, Dieu a créé l’Église avec l'objectivité et la distance patentes de toutes ses institutions ; et, dans cet ensemble, il y a aussi les lieux de pèlerinage qui d'une part s'opposent à l'impression qu'on peut tout avoir partout et qui d'autre part favorisent ainsi l'impression de la proximité réelle du divin dans la distance. Il peut aussi se faire qu'en un lieu de pèlerinage un mystère précis de la vie de la Mère soit mis en lumière de manière particulièrement impressionnante tout en sachant toujours que tous les autres mystères sont exposés en totalité par l'unité et l'objectivité de l’Église. Certes tout chrétien doit d'abord vénérer la Mère dans son église paroissiale ; mais, en tant qu'homme, il a besoin aussi de pôles d'attraction, et Dieu et l’Église les lui offrent dans les lieux de pèlerinage (NB 11,33).

 

 7. L’Église dans le mystère de Dieu

 

238. Dans l’Église, des approches pour croître dans l’amour éternel

Les liens du Fils avec le Père, les liens de l'Esprit avec le Père et le Fils dans la singularité des personnes, nous ne pouvons les penser autrement que comme des mouvements. Nous ne pouvons nous représenter quelque chose de leur échange personnel qu'à partir des relations d'amour entre humains. C'est au travers des relations d'amour imparfaites entre le moi et le toi que nous prenons connaissance de l'immensité toujours plus grande de l'amour divin. Au ciel, il nous sera permis de vivre immédiatement de cette surabondance de l'amour éternel ; mais ici-bas des approches nous sont données dans l’Église, à partir desquelles nous pouvons croître dans l'amour divin avec nos insuffisances (NB 6,92-93).

 

229. L’Église existe pour procurer un accès à la vie éternelle

En fondant l’Église, le Fils crée une institution qui a la faculté de procurer à tout croyant un nouvel accès à la vie éternelle. Lui-même garde en main cette institution d'une manière dont on ne peut pas se faire une idée, mais il la remet néanmoins aussi aux hommes. Ainsi même si elle est pure, l’Église portera des traits humains, et ce doit être un signe qu'elle est bien vivante au milieu des hommes ; elle reflétera en même temps quelque chose du visage du Christ et quelque chose du visage de l'humanité qui lui prête son concours. Mais ce visage humain de l’Église reçoit lui-même le sceau du ciel grâce à l'envoi de l'Esprit le jour de la Pentecôte (NB 5, 73-74).

 

240. L’Église a part à la plénitude de la vie éternelle

L’Église recueille les mystères de la résurrection du Seigneur et les rend à nouveau vivants dans l'année liturgique, non seulement en elle mais aussi en nous du fait de sa mission dans le temps. Si nous méditions les mystères du Seigneur sans l'année liturgique, nous serions dans une intemporalité. Nous pourrions reconstruire des événements historiques, mais les choses seraient sans présence ; et ainsi les mystères de l'incarnation, de l'eucharistie, de l'habitation du Seigneur en nous, ne pourraient plus être rendus présents. Nous devrions tout replacer dans le temps de la vie historique de Jésus, notre participation se limiterait à considérer quelque chose de terminé. Les jours et les nuits existent depuis la création ; l’Église pascale ressaisit le temps pour insérer en nous sa propre année avec ses mystères vivants. C'est une véritable résurrection du temps ; l’Église participe maintenant à la plénitude de la vie éternelle ; pour tous les temps, elle rend présents les événements de notre salut (NB 3,366).

 

241. Les racines célestes de l’Église terrestre

Par l’Apocalypse s'ouvre pour Jean la possibilité d'apprendre davantage et de plus grandes choses sur les véritables dimensions de la nouvelle Alliance, de mettre au jour les racines célestes de l’Église terrestre, et même de regarder le ciel en tant que tel comme le Christ veut le montrer à l’Église actuelle (NB 2,201).

 

242. Le ciel et l’Église terrestre

Suite à une vision, Adrienne comprend davantage que le ciel n’est pas une absence d’activité mais une activité intense pour l’Église terrestre (NB 8,609).

 

243. L’antichambre du ciel

Il y a sur terre cet espace qui s'appelle l'Église et qui est comme l'antichambre du ciel (NB 10,2274).

 

244. L’Église et une existence à l’infini

Celui qui commence à croire peut sans doute réfléchir parfois pour chercher à comprendre, mais dès qu'il rencontre l’Église et la foi telles que le Seigneur les lui a données, il doit, également en réfléchissant à la vérité du Fils, renoncer à tout ce qui est limité et borné et reconnaître une existence à l'infini comme étant l'état du Seigneur et la qualité de sa vie et de son action, à quoi il participe en tant que croyant qui marche à sa suite, et qu'il doit nécessairement aussi accepter. Et plus il avance dans cet espace qui lui a été donné, plus il sait avec certitude qu'il ne butera jamais sur un mur bien qu'il continue à avancer de but en but en vertu de l'assujettissement qui l'unit au Seigneur - un assujettissement qu'il ne ressent pas comme tel -, bien que ceux qui sont dehors le voient comme un assujettissement NB 6,25-26).

 

245. Une Église dirigée par le Père

Marie, et Joseph aussi à sa manière, essaient de représenter exactement ce que Dieu attend d'une famille. Rien de ce que font Marie et Joseph n’est sans importance et ne concernerait qu'eux-mêmes. Tout est placé au milieu de l’Église et dans une Église qui est dirigée directement par le Père (NB 6,161).

 

246. L’Église et l’échange éternellement vivant du Père, du Fils et de l’Esprit

La "foi" du Christ inclut une vision du Père qu'il possède en tant que Dieu depuis toujours. Cette vision du Fils est pleine de sens aussi pour la doctrine chrétienne du fait que le Christ dote la foi de bien des éléments qui proviennent de sa vision. La prière contemplative par exemple se nourrit de sa vision afin que l’Église ne cesse de savoir combien vivante est cette vision du Fils, l'échange éternel en Dieu du Père, du Fils et de l'Esprit. Afin qu'elle sache aussi que le Fils dans le ciel n'a pas oublié son humanité et qu'il répand des signes et des dons de son existence céleste dans la vie des chrétiens ici-bas afin qu'ils reconnaissent sa présence parmi eux sous des formes toujours nouvelles, pas seulement dans l'eucharistie (NB 6,188-189).

 

247. Une communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint

Dieu, en sa Trinité, jouit de la communion la plus sainte et de l'échange le plus intime de l'amour. C'est dans cette joie que Dieu fonde l’Église du Seigneur. Elle est l'expression de l'invitation faite aux hommes par le Fils incarné à entrer dans la communion avec le Père et l'Esprit Saint qui est la sienne. Et de même que Dieu le Père a créé le monde en commun avec le Fils et l'Esprit, de même le Fils engendre l’Église dans la même communion et, quiconque y entre, il le fait participer aux biens de la communion selon un certain degré de conscience (NB 1/2,15).

 

248. Le mystère de Dieu Trinité a été mis dans l’Église

L’Église est une institution publique dans laquelle le Christ a mis le mystère de Dieu Trinité avant tout sous la forme de la prédication et des sacrements ; mais l’Église était déjà formée dans le Christ avant même qu'il ait dit sa parole et institué les sacrements (NB 5,45).

 

L’Église inclut toujours Dieu Trinité (NB 2,51).

 

249. La réponse de Dieu à l’Église est toujours trinitaire

Un exemple : je t'aime et j'ai confiance en toi, j'ai aussi une confiance théorique en l’Église. Dans une situation délicate, je te demande conseil et tu me conseilles ; mais ton conseil est celui de l’Église. Mon point de vue limité qui ne s'adresse qu'à toi est élargi du fait que ta réponse est celle de tous les croyants, la réponse de Dieu à l’Église. On peut imaginer quelqu’un qui prierait d'une manière exclusive, qui ne s'adresserait toujours de préférence qu'au Fils ou à un saint ; si sa prière était authentique, il apprendrait à reconnaître que le saint est un relais, que le Fils lui-même conduit toujours au Père et à l'Esprit, et qu'en conséquence la réponse divine est toujours trinitaire (NB 6,83).

 

250. Inculquer dans l’Église l’image du Père

Le Fils qui, en tant qu’unique, a vu le Père, cherche à inculquer à son épouse, l’Église, l’image du Père (NB 9,1696).

 

251. Les structures solides de l’Église : le Père, le Fils et l’Esprit Saint

Dans la nouvelle Alliance, est apparu l’ordre divin des trois personnes : Père-Fils-Esprit. Et l’Esprit procédant toujours du Père et du Fils : Filioque. Les structures solides de l’Église sont déterminées par cela. Le Père comme fondement de tout, le Fils comme sortant de lui, et les deux envoyant l’Esprit. Ou bien le Père comme fondement, l’Esprit transmettant le Fils sur terre parce que le Fils est homme et qu’il vit comme les saints dans l’Esprit (NB 9,1715).

 

252. Un mystère pour toutes les générations de l’Église

Le mystère (Marie enceinte de Jésus) grandit en Marie : il s'éclaire et il constitue cependant en même temps une réserve, un trésor, dont vont vivre toutes les générations de l’Église pour pénétrer plus profondément dans son mystère. Ils n'arriveront jamais au bout. Tout croyant qui se sent la mission de mettre en lumière des aspects de la révélation divine devrait posséder des connaissances approfondies tout autant qu'un sens profond du mystère. On peut résoudre correctement certaines questions qui concernent la Bible ou l’Église ou la vie chrétienne : "C'est comme ça !" Mais derrière chaque "C'est comme ça !", émergent d'innombrables "Comment est ce comme ça ?" Justement parce que le "comme ça" est clair, l'espace est libre pour le "comment ?" La réponse laisse place à la nouvelle question (NB 6,27).

 

253. On ne peut comprendre l’Église que dans la foi

Ce qui se passe dans la vie de l’Église, on ne peut le comprendre que dans la foi. Par la grâce du Seigneur et par sa propre sainteté - souvent cachée -, l’Église éclaire chaque instant de son histoire de sorte qu'il s'accorde avec le tableau d'ensemble. C'est à partir de ce rayonnement qu'il faut regarder pour comprendre, et la compréhension n'est donnée que dans la foi parfaite. Dans l'histoire de l’Église, il y a quelque chose qu'on peut appeler développement, mais qui se produit avant tout en vertu du oui, de la grâce, de la foi, de la prière ; quelque chose de très vivant. Mais si le chrétien commence à ne mettre à côté des perspectives de la foi que celles de la seule raison, il ne voit plus l'unité et l'accord. Il découvre la discontinuité et il l'introduit lui-même dans l’Église. Le désaccord qu'il voit, il le sème aussi. Avec ses remarques critiques, avec sa manière hypercritique de voir et de sentir, il accumule les obstacles sur lesquels il trébuche, et là où il trébuche, l’Église, à son avis, le fera aussi. Il se rend étranger au véritable esprit ecclésial et il en entraîne d'autres avec lui, car tous les destins sont solidaires dans l’Église (NB 6,490-491).

 

254. Toute vérité, y compris celle qui se trouve en dehors de l’Église, concerne l’Église

Il peut y avoir dans l’Église des spécialistes pour des milliers de choses, mais finalement tout doit pourtant être intégré dans l'ensemble. Il y a peut-être une spécialité du ministère, de la vocation, mais aucune n'est isolée. C'est pourquoi, en tant que membre de l’Église, on doit posséder en principe un accès à toute vérité, y compris à celle qui se trouve en dehors de l’Église et en dehors de l'amour. Et pourtant le point de vue de l'amour est si central que, partout dans ce qui est au dehors, on doit reconnaître des points de contact avec ce qui est à l'intérieur. Il y a quelque part en tout homme un point vulnérable (NB 1/2,218).

 

255. A partir d’une image toute faite de l’Église

Celui qui se convertit a une image toute faite de l’Église, des sacrements et de la foi, et avec cette image limitée, il acquiesce quand même déjà à toute la vérité qui est encore totalement hors de sa portée. Puis peu à peu, chaque partie de la doctrine qu’on lui expose contient plus qu'il ne l'avait supposé. Les sacrements, il ne les connaissait d'abord que par ouï-dire ; en les recevant, il fait l'expérience que leur substance n'est jamais épuisée (NB 6,19).

 

256. Dans l’Église, passage de l’absence de compréhension à la compréhension

Au lac de Tibériade, tout d'abord les disciples ne reconnaissent pas le Seigneur. Ils s'étonnent que quelqu'un soit là, ils le regardent comme on regarde un étranger et cependant ils sont en quelque sorte attirés par lui. Ils éprouvent le besoin de faire connaissance avec lui, de le situer. Une question les habite intérieurement : qui peut-il être ? Une question tout à fait vague, mais qui le concerne. Ils le reconnaissent en raison d'une appartenance intérieure. Chaque fois que le Seigneur veut montrer quelque chose de nouveau de lui aux disciples ou à l’Église, cela peut commencer par une absence de compréhension. C'est à partir de celle-ci que se fait l'initiation à la compréhension. Il fait partie de l'obéissance de l’Église que tout d'abord elle ne reconnaît pas le Seigneur et qu'ensuite elle le reconnaît, et il fait tout autant partie de son obéissance qu'elle ne pose pas de questions. Les disciples, en étant ainsi avec le Seigneur sans poser de questions, sont remplis d'une grande paix intérieure (NB 1/2,48).

 

257. Nous n'avons pas une vue de la totalité de la foi de l’Église

Quelqu'un pourrait raconter qu'il est devenu catholique parce que la pensée de la Trinité de Dieu l'a bouleversé, un autre parce qu'il a compris l'amour du Christ pour l’Église ; et on pourrait toujours citer ainsi d'autres portes. Mais on a commencé parce que lui-même, par sa présence, nous a montré et offert la foi en sa totalité ; de cette totalité, nous n'avons pas une vue d'ensemble. On peut-être un saint chrétien et n'avoir pourtant aucune connaissance de certains aspects du dogme ; par exemple que l’Église est l'Épouse du Seigneur ; ou bien on peut dire chaque jour le Notre Père sans avoir une idée claire de ce que veut dire "Que ton nom soit sanctifié" (NB 3,380-381).

 

258. Il y a dans l’Église des choses qu’on ne voit pas

Il y a dans l’Église et dans tous ses sacrements une quantité de choses qu'habituellement on ne perçoit pas, mais qui peuvent parfois être visibles (NB 11,95).

 

L’Église est incluse dans la nuit du mystère divin (NB 11,316).

 

259. L’amour de Dieu pour l’Église

S'il a fallu des siècles peut-être pour construire une cathédrale, si les mains ont changé, si le plan primitif a été abandonné, un espace pourtant est resté ouvert pour l'Esprit dans la vénération et la prière, et ceci expressément compte tenu de l'unité de l'œuvre : afin que la prière ici ne cesse pas, que la foi demeure vivante, que l'amour de Dieu pour l’Église et l'amour de l’Église pour Dieu continuent à brûler dans cette œuvre d'art, de même que l'amour que le Père allume dans sa créature continue à brûler grâce à la présence de l'Esprit Saint (NB 6,464-465).

 

260. On ne peut pas séparer l’Église et Dieu

Pour Tertullien (160-220), à maints égards, l'Église et Dieu forment une unité ; l'Église justement est mariée avec Dieu, Dieu est si occupé par son Église qu'on ne peut plus séparer les deux ; si on veut avoir l'un on doit aussi prendre l'autre. Puis l'Église devient étrangère à Tertullien, il ne voit plus que ses fautes, ses insuffisances ; c'est pour lui comme si une prostituée s'était faufilée à la place de l'épouse légitime dans les appartements du Seigneur. Alors il a de la haine pour l'Église, et le Christ aussi lui devient étranger parce qu'il permet des choses de ce genre (NB 1/1,265).

 

261. Partout où Dieu est aimé, là est l’Église

Henri de Nördlingen (XIVe siècle) voit l’Église partout où Dieu est aimé, et il voudrait qu'elle se développe, qu'elle atteigne son plein accomplissement (NB 1/1,102).

 

262. Dieu et l’Eglise

Il n'est pas facile pour Dieu et pour l’Église de vaincre la résistance perpétuelle des pécheurs et leur manie de vouloir toujours avoir raison (NB 11,303).

 

C'est par l’Église qu'on obéit à Dieu (NB 11,285).

 

Dans la mesure où l’Église agit et commande avec le pouvoir de Dieu, son pouvoir est illimité (NB 11,316).

 

263. Le lieu où Dieu demeure dans le monde

L’Église est le lieu où, par Jésus Christ, Dieu demeure dans le monde : aussi bien dans la communauté que dans l'individu. La plénitude de l’Église serait que toutes les créatures se tiennent devant Dieu, et lui-même donnerait forme, proximité et ordre à cette manière de se tenir devant lui, pour l'ensemble en tant qu’institution, et pour l'individu en tant que norme de vie. Les vrais chrétiens commencent à vivre authentiquement cette existence comme Église : ils se tiennent ouverts devant Dieu, réceptifs à son Esprit, attentifs à ses directives. Également vis-à-vis des autres, ils se tiennent ouverts et prêts à vivre en communion avec eux. Dans cette situation, ils sont aussi bien milieu que passage : milieu en tant qu'ils donnent Dieu au monde et les hommes à Dieu par l’Église ; passage, puisqu'ils transmettent aux hommes qui ne croient pas encore le milieu qui est Jésus Christ et qu'ils portent devant Dieu les préoccupations de l'humanité. (NB 6,466).

 

264. Le lieu pour s’ouvrir à Dieu

Jésus enfant : tantôt seul, tantôt dans les bras de sa Mère. C'est si étrange d'adorer un enfant ! Mais il est Dieu justement. On voit en lui ce que serait une parfaite ouverture, comment on pourrait être totalement ouvert à Dieu si on le voulait. C'est cela l'Église : le lieu où l'on se rassemble pour s'ouvrir. Quiconque fait partie de l'Église devrait faire ce que l'Église fait vis-à-vis du Seigneur. Il l'a fondée comme le lieu de l'ouverture… Ouverture veut dire dans ce sens : acceptation de la foi tout entière. Acceptation de la réalité tout entière de ce que le Seigneur révèle et que la tradition nous présente : tout ce qui est, je veux y croire et, par la foi, apprendre l'adoration (NB 10,2290).

 

 8. La vie dans l’Église

 

265. Chaque être humain et l’amour trinitaire

Après la venue du Fils sur la terre, le Père voit le monde qu’il a créé comme inclus dans la relation d'amour entre le Fils et l'Esprit, il participe à l'amour trinitaire. Et ce n'est pas seulement le monde comme un tout qui y participe, c'est chaque être humain individuellement (NB 6,91).

 

266. Que notre prochain sot intégré dans la foi de l’Église

Ce qui est de l'Esprit dans notre amour, c'est notre volonté que notre prochain soit intégré dans la foi de l’Église, par le baptême (NB 6,114).

 

267. Ce qui est actuel pour chaque époque de l’Église

L'Esprit, en tant que gardien des paroles du Seigneur et inspirateur de l’Écriture, sait pour chaque époque de l’Église et du monde créé ce qui est actuel et urgent dans le sens de Dieu. A vrai dire, il n'y a pas tellement de différence entre ce qui est vraiment actuel aujourd'hui et ce qui l'était au temps du Christ ; il ne s'agit pas de la culture moderne ; il y a le fait que le Rédempteur est venu et que nous vivons dans la tension entre notre péché et son œuvre de rédemption (NB 6,549).

 

268. La foi vivante

La foi vivante n'est pas la même chose qu'une foi morte plus l'amour. La foi n'est pas un savoir. Elle n’est pas un simple savoir appuyé sur l'autorité de Dieu. Elle ne tient pas simplement pour vraies des propositions abstraites, les dogmes de l’Église. Il fait partie essentiellement de la foi d'accepter ce que Dieu a préparé pour moi de vérité et, pour cela, l'amour est nécessaire (NB 6,37).

 

269. Nous pouvons être inquiets dans l’Église

En tant qu'humains nous pouvons nous inquiéter : pour autrui, pour un groupe, pour une idée. Nous le pouvons aussi comme chrétiens dans l’Église. Cette angoisse vague, incertaine, le Fils ne la connaît pas : il doit venir à bout de tout d'instant en instant. Quand il va au désert afin de prier pour sa mission future, il doit prendre pour cela un temps de sa vie et le remplir à ras bord dans le sens de sa mission de prière. Sa prière, son action, sa souffrance sont toujours présentes, totales, indivisibles, et c'est dans cette totalité qu'il fait entrer le monde, tous les hommes, tous les péchés (NB 6, 138-139).

 

270. C’est quoi la résurrection ?

Les apôtres n’avaient aucune idée de la résurrection future. Ce qu’ils peuvent s'en représenter se trouvera dans la relation entre le corps qui meurt sur la croix et le corps qui, à Pâques, devient visible comme étant vivant. C'est après coup qu'ils comprendront quelque chose et cela parce qu'ils seront devenus les porteurs de l’Église (NB 6,298).

 

271. Résurrection

Pâques, c’est la résurrection du Seigneur Jésus. La Toussaint, c’est la résurrection de l’Église (NB 4,111).

 

272. L’apôtre est dépossédé pour l’Église

L’apôtre est dépossédé pour l’Église : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (NB 6,51-52).

 

273. Le rôle du prêtre : transmettre aux croyants la parole et la bénédiction de Dieu

Le prêtre ne doit pas se limiter aux choses qui sont pour lui évidentes dans les formes ecclésiales. L’Église lui mettra bien des mots sur les lèvres : pour la messe, pour la prière des heures, pour l'administration des sacrements ; mais il doit aussi en dire d'autres que l'Esprit Saint lui inspire et il ne doit pas s'y fermer. Il n'est pas seulement un serviteur de l’Église mais, par son don de lui-même à Dieu, il est un serviteur personnel de Dieu. Il est tout autant obligé envers Dieu qu'envers l’Église. Il doit donc toujours maintenir en lui la joie dans la foi, l'espérance et l'amour pour recevoir l'Esprit avec une foi, une espérance et un amour vivants et être transparent à Dieu et aux hommes. Il doit avoir renoncé totalement à lui-même pour suivre vraiment le Fils sans partage, lui qui, dans son obéissance divino-humaine et sa prière incessante, s'est livré à Dieu et au monde. De même que le Fils a pris l'Esprit pour règle, le prêtre doit aussi accepter le Fils et l'Esprit comme règles de son existence ; accomplissant ainsi la volonté du Père, il pourra transmettre intégralement aux croyants la parole et la bénédiction de Dieu (NB 6,492).

 

274. La parole du prêtre doit devenir une parole de l’Église

D’une prière de Claude La Colombière (1641-1682) : Si cela te plaît, Père, donne-moi plus de clarté, et si le manque de clarté se trouve en moi, dans mon péché et mes insuffisances, laisse subsister de cette obscurité autant qu'il te plaira, mais libère-moi quand même du péché et de mes insuffisances dans la mesure où ils m'empêchent de dire la parole que mes frères attendent de moi et qui doit finalement devenir une parole de l'Église (NB 1/1,489).

 

275. L’envoyé dans l’Église est conduit au-delà de lui-même : en Dieu

Toutes les missions données par Dieu, même si elles semblent humainement monotones, sont toujours infiniment variées. Les tâches dans l’Église, les missions théologiques ou apostoliques, devraient toujours rayonner cette plénitude. Si elles ne le font pas, c'est une conséquence du péché. Une fausse spécialisation aussi s'oppose à cette plénitude. Naturellement le temps dont dispose chacun et ses aptitudes ne suffisent pas à tout. Mais l'esprit de la mission devrait éveiller l'envoyé à une conception beaucoup plus large. Et toujours il doit être conduit au-delà de lui-même, en Dieu (NB 12,107).

 

276. L’Église de l’amour

On pourrait imaginer un jour que l’Église ministérielle soit parfaitement en ordre avec tous ses décrets et ses rites et ses lois et ses commandements et tout ce qui la caractérise extérieurement. Elle serait totalement à jour, l'un ou l'autre concile aurait mis les points sur tous les i. Mais on ne peut jamais imaginer que l’Église de l'amour serait à jour, car elle vit continuellement de l'amour du Seigneur, elle reçoit constamment de son plus grand amour, elle persévère toujours dans la soumission à son exigence plus grande. Elle n'aura jamais fini. L’Église ministérielle peut sans cesse assimiler une partie de l’Église de l'amour mais, au-delà, il reste toujours ce qui est beaucoup plus sensible dans l’Église de l'amour que dans l’Église ministérielle (NB 6,488).

 

277. Différents niveaux dans l’Église

Il y a dans l’Église des degrés divers de responsabilité. Il y a des chrétiens dont on doit se contenter qu'ils suivent les grandes lignes de l’Église, qu'ils fassent le bien d'une certaine manière, à qui on ne peut pas demander une intelligence plus subtile. Mais plus la mission est différenciée, plus grande est la responsabilité (NB 4,42).

 

278. Le converti reçoit tout de l’Église

Souvent les futurs convertis peuvent avoir d'abord l'impression que leur entrée dans l’Eglise sera pour elle un cadeau au lieu de comprendre que ce sont eux qui reçoivent tout (NB 6,470).

 

279. Deux manières de consacrer sa vie à Dieu dans l’Église

Le Seigneur a offert à son Église deux manières de lui consacrer sa vie, les deux sont liées à un choix de vie personnel et correspondent au deux grandes missions de l'être humain. L'une est donnée au commencement du monde au premier couple humain : la mission de se multiplier et de dominer la terre. L'autre vise la fin du monde et la vie éternelle, et elle comprend la mission du pur service du Christ et de l'apostolat. Le mariage et le sacerdoce (NB 6,538).

 

280. La grâce est plus forte que le péché

L’Église est la "communion des saints" qui vit de la grâce sanctifiante du Seigneur. Parce que la grâce est infinie, elle l'emporte d'emblée sur la somme des péchés qui ne peut être que finie. C'est pourquoi l’Église ne peut pas sombrer. Cependant si la somme des péchés dépasse un certain seuil (qui n'est jamais humainement mesurable, Dieu seul le connaît), l’Église risque d'être soumise à nouveau aux lois de la pesanteur, c'est un combat pour sa survie qui s'engage. Dieu fait intervenir ici les éclairs de la mystique (NB 5, 71).

 

281. Une ouverture à l’Esprit

L'infaillibilité ministérielle de Pierre et de ses successeurs est basée sur une ouverture à l'Esprit qui est donnée par l’Époux à l’Église. Non pas une ouverture à l'Esprit en général, mais une ouverture à une certaine qualité de l'Esprit qui est insérée dans le sein de l’Église comme une semence déterminée. Une semence qui ne peut pas mourir dans l’Église. La semence du ministère que le Seigneur a semée autrefois dans l’Église pousse aujourd'hui tout comme de son temps (NB 1/2,51).

 

282. Une plénitude promise par le Christ à son Église

Pour l’Église, il n'y a pas de mort comme la mort du Seigneur, pas de résurrection comme la résurrection du Seigneur, pas d'Esprit comme celui qui a été envoyé à la Pentecôte ; ce qu'il y a d'exclusif dans le Christ c’est la plénitude qu'il a apportée ici-bas et qu'il a promise infailliblement à son Église (NB 5,75).

 

283. L’Église : sauvée

Le facteur d'infaillibilité de l’Église est fondée sur le fait qu'elle est sauvée ; sauvée d'emblée, elle a la garantie du ministère ; et son statut originel de sauvée est un don que Marie lui fait. Sur la croix, le Fils offre sa vie à l'humanité, et Marie offre à l’Église son statut de pré-rachetée, elle transmet intégralement à l’Église le cadeau qu'elle a reçu du Fils. Elle remet ainsi son "ministère", mais c'est aussi le signe qu'elle possédait ce ministère (NB 6,482).

 

284. Sainte au milieu d’un monde pécheur

Paul voit le monde pécheur et l’Église au milieu du monde pécheur. Naturellement il voit que l’Église est sainte et vivante et qu'elle n'est pas de ce monde pécheur (NB 4,392).

 

285. Le quotidien le plus gris aussi se trouve toujours au centre de l’Église

Le centre qu'est l’Église est toujours tout à la fois quotidien et événement. Événement peut-être dans le sens d'une fête. Que l’Église soit universelle ne signifie pas nivellement. L’Église des origines est tout autre que nivelée. Les missions "extrêmes" sont incluses dans les devoirs du quotidien, dans "le bon chrétien dans la paroisse" (Péguy). Et la célébration des fêtes : Noël, le vendredi saint, le samedi saint, la Pentecôte, mais aussi tous les jours sans nom, qui reçoivent en quelque sorte une certaine physionomie par le visage des saints, rappellent aux croyants moyens que le quotidien le plus gris aussi se trouve toujours au centre de l’Église et doit y être vécu (NB 4,397).

 

286. L’Église ne cesse de naître

Rien ne vieillit dans l’Église étant donné qu'elle-même ne cesse de naître de la rédemption. Ce qu'il y a d'essentiel dans l’Église devrait rester dans un perpétuel devenir (NB1/2,198).

 

287. Un petit début et de grands effets

Dans l’Église, un début peut avoir très peu d'apparence et les plus grands effets peuvent en découler (NB 3,129).

 

288. Pour que l’Église grandisse

Pour Thérèse de Lisieux, la souffrance avec le Seigneur est l'affaire de ceux qui veulent servir sérieusement le Seigneur pour que son Église grandisse (NB 1/2,74).

 

289. Travailler dans l’Église

Thérèse de Lisieux demande dans sa prière de pouvoir travailler dans l’Église pour sauver les âmes sur terre et au purgatoire. C'est la manière dont elle veut contribuer à glorifier l’Église (NB 1/2,77).

 

290. Enthousiasmer les hommes pour l’Église et pour Dieu

Lacordaire a aimé l’Église comme une amie. Il voit comment elle ne cesse de renaître, il veut l'aider à fortifier en elle le bien, à déraciner le mal, à enthousiasmer les hommes pour l’Église et pour Dieu (NB 1/2,124).

 

291. Collaborer à expier pour l’Eglise

Quand Pierre voit venir sa propre mort (il sait maintenant qu'il sera crucifié), il comprend alors non seulement qu'il peut servir le Seigneur par son martyre mais qu'il peut aussi expier par là toute sa fausse angoisse d'autrefois. Il sait aussi qu'il collabore à l'expiation pour toute l'Église (NB 1/1,321-322).

 

292. Servir le Seigneur et l’Église

D’une certaine manière, il est beaucoup plus facile qu’on ne le croit de servir le Seigneur et l’Église. C’est une chose qui va de soi qu’on soit embauché, et cela inclut aussi notre corps, cela nous prend tels que nous sommes dans l’Église qui est elle-même le Corps du Christ (NB 9,1668).

 

293. Rester en mouvement pour arriver à l’adoration

Épiphanie. Le chrétien qui prie a conscience de la présence du Seigneur, il doit la chercher pour en jouir, il doit se laisser conduire. L'étoile et l'étable et la crèche symbolisent l’Église par avance. Le Seigneur habite dans la maison de l’Église, mais la manière d'être conduit à sa demeure se réalise sans cesse d'une manière nouvelle. Même pour ceux qui sont croyants depuis longtemps et qui prient, l’Église ne cesse de redevenir une étoile qui conduit de manière nouvelle au lieu où se trouve le Seigneur. Sans cesse on doit faire attention au signe dans le ciel, se mettre en mouvement, pour arriver à l'adoration (NB 10,2159).

 

294. A la disposition de Dieu et de l’Eglise

Dans la prière, dans la méditation, dans les retraites, on se met tout entier à la disposition de Dieu et de l’Église, avec une disponibilité qui n'exclut rien, qui fait aussi changer de direction quelqu'un qui était déjà sur la bonne voie (NB 12,111-112).

 

295. L’Église enfante dans les douleurs

Depuis Ève, la femme doit enfanter dans les douleurs... L’Église aussi enfante dans les douleurs (NB 12,218).

 

L’ÉGLISE COMMUNION

 

296. Communion des saints et de tous ceux qui prient à travers le monde et dans le ciel

Un croyant qui prie avec tiédeur ne se doute pas de l'importance de la communion des saints, de l’Église, de tous ceux qui prient à travers le monde, de tout le ciel aussi qui, à sa manière, transmet les demandes de la terre (NB 6,46).

 

297. Toute prière se fait en présence de l’Église

Le Fils fait tout en présence du Père, celui qui prie fait tout en présence de l’Église (NB 6,62).

 

298. Un effet de grâce pour quelqu’un obtenu par la mortification d’un autre

Il est demandé à l'évêque, avant une confirmation, de veiller la nuit et d'être à jeun. D'une mortification purificatrice de ce genre, l’Église espère un effet pour l'administration du sacrement : l'Esprit agira avec plus de liberté par l'instrument qui administre le sacrement. Bien que le Seigneur n'ait rien de coupable à purifier, il se met, en allant au désert, dans un état de plus grand don de lui-même, il affaiblit volontairement ses forces physiques simplement afin d'être plus préparé pour la croix (NB 6,140).

 

299. La solidarité dans l’Église

Mystère de la solidarité dans l’Église : le trésor de l’Église, la libre utilisation par Dieu de toute vraie prière chrétienne, tout l'excédent qui s'amasse dans l’Église, toutes les actions et toutes les souffrances en "compensation" (NB 6,266-267).

 

300. La communion dans l’Église

Il serait ridicule de supposer que quelqu'un qui a faim et qui n'a pas la foi serait rassasié en recevant l'hostie, qu'il pourrait ensuite se remettre à un travail pénible. Et pourtant le Seigneur tout entier, corps et âme, est pour le croyant tout entier, corps et âme, nourriture pour la vie éternelle, et il y a eu des saints dont la vie corporelle n'a été entretenue que par la réception de la communion. Mais ces saints et également toute la communion des saints dans l’Église ne communient jamais pour eux tout seuls mais avec tous les autres en offrant leur communion ; il n'est pas nécessaire qu'ils en soient toujours conscients, mais cette offrande doit toujours être présente pour que d'innombrables anonymes en soient nourris en même temps comme lors de la multiplication des pains. Il y a une disproportion apparente entre la quantité des besoins à satisfaire et la modicité de la nourriture disponible. Mais cet écart est plus que compensé par la réalité du sacrifice du Seigneur, par ce qu'il y met de don de soi, en prodiguant son être tout entier (NB 6,499).

 

301. Toute grâce personnelle d’un chrétien se répercute sur toute l’Église

Toute grâce personnelle d'un chrétien se répercute sur toute la communauté de l’Église. Il en est de même pour la communion : chaque croyant reçoit bien sûr le Seigneur en lui, mais en même temps dans toute l’Église et pour elle (NB 6,542).

 

302. La communion des saints : pour transmettre la grâce dans l’amour

Dans la "communion des saints", il s'agit réellement de la sainteté. Car les saints, les vrais, reçoivent la grâce non pour eux-mêmes, mais pour la transmettre. C’est une loi générale de l’Église : le fait que l'Esprit est vivant au milieu de nous peut nous aider, si nous sommes de bonne volonté, à devenir plus saints, c'est-à-dire à favoriser en nous le désintéressement pour que nous transmettions la grâce dans l'amour (NB 6,502).

 

303. La communion des saints

Le cœur de l’Église, c'est la communion des saints ; l’Église extérieure, visible, n'est qu'un moyen dans le but de réaliser cette communion (NB 4,242).

 

304. Chaque âme est importante pour Dieu

Dans sa prière, Pierre Claver (1581-1654) apprend comment Dieu s'est imaginé l’Église. Ce qui le frappe tout particulièrement, c'est que chaque âme ressort individuellement, c'est qu'une place est indiquée à chacune, que Dieu compte sur chacune, qu'il aime chacune et qu'il a besoin de chacune. Il voit que chaque âme est importante pour Dieu (NB 1/1,168).

 

305. L’Église est composée de personnes

L’Église est composée de personnes, il n'y a pas en elle de "masse". Tout ce qui dans l’Église tend au nivellement vise immédiatement à rendre étranger à l’Église. L'unité de l’Église est composée de croyants individuels, réunis par le corps du Christ qui est en eux. Toi et moi, nous nous trouvons en lui (NB 6,531).

 

306. L’individu est toujours à situer dans l’Eglise

Jamais l'individu n'a le droit d'en rester à sa relation privée avec le Seigneur comme si celle-ci était intelligible par elle-même. Nulle part une limite ne doit être visible entre la relation personnelle au Seigneur et la relation de l'Église au Seigneur (NB 10,2039).

 

Un membre de l’Église n'est fécond que dans l’ensemble de l’Église (NB 10,2060).

 

 

L’ÉGLISE QUI PRIE

 

 

307. La prière dans l’Église : personne n’est isolé

La prière des croyants dans l’Église : chacun a part à la prière des autres, mais chacun donne aussi à la prière des autres quelque chose de sa propre prière. Personne n'est isolé (NB 5,146).

 

308. Nous immerger dans la prière commune

La prière de l’Église devrait toujours se faire de telle sorte que tous les priants soient les uns vis-à-vis des autres sans voile dans l'Esprit… Nous ne devrions comprendre chacune des prières des chrétiens qu'à partir de la plénitude de la prière de l’Église. Nous devrions toujours nous en souvenir quand nous commençons à prier. Quand nous entrons dans une église, d'abord prier pour toutes les personnes qui s'y trouvent, puis nous immerger dans la prière commune, essayer de faire monter en Dieu la prière de l'ensemble (NB 12,122-123).

 

309. La prière : une rencontre avec toute l’Église

Il peut y avoir dans la prière une sorte de rencontre anonyme avec toute l’Église. Celui qui prie en chrétien sait qu'il n'est jamais seul quel que soit le lieu où il prie. Il y en a d’autres aussi prient, et il y a en quelque sorte un accès à toute prière. En priant, on entre dans le monde de la prière de tous les croyants, de l’Église dans son ensemble (NB 5,178).

 

310. Prier dans l’Église

Je prie dans l’Église, je ne sais pas à qui profitera ma prière. Dans le pur don de soi, je n'ai pas le droit de savoir qui recevra le don que je fais de moi-même (NB 10,2320).

 

311. Le trésor de prière de l’Église

Une vraie communion n’est pas limitée à l'acte de sa réception. Ceci jette une lumière sur le trésor de prière de l’Église : la prière des saints qui ont vécu il y a très longtemps, dont nous nous nourrissons encore aujourd'hui. La petite Thérèse m'aide maintenant, actuellement, parce qu'elle a posé autrefois les fondements de quelque chose qui correspondait à sa sainteté. De la même manière le Seigneur rompt aujourd'hui le pain à la messe parce qu'il l'a rompu autrefois. C'est le même geste de rompre : autrefois pour l'avenir, aujourd'hui par le passé. De même aussi les saints (NB 12,31).

 

312. Notre prière est emportée dans l’invisibilité de l’Église

Dieu a besoin de plus d'amour, c'est pourquoi il a besoin aussi de plus de prière. En tant que priants et en tant que vivants dans la ligne de cette prière, nous pouvons aider Dieu à trouver ce dont il a besoin. Et comme notre prière est emportée dans l'invisibilité de l’Église et de Dieu Trinité, il y a ainsi, selon la promesse de Dieu, dans nos actes également toute une sphère qui demeure pour nous invisible. En tant qu'hommes, nous comptons sur les effets de nos actes et sur les réponses qui leur seront données. Comment Dieu réagit, nous ne savons pas. Ses temps et ses espaces sont autres, ses conclusions et sa manière d'avancer également. Ce n'est que dans la foi et dans l'amour que nous savons que nos actes sont gardés chez lui et que chez Dieu tout a son effet en son lieu et à son heure (NB 6,22).

 

313. La prière : une ouverture sur l’infini

On est inondé de reconnaissance pour le fait que Dieu nous donne dès cette terre des choses qui semblent d'une certaine manière finies et saisissables et qui sont une préparation à la vie éternelle, un accès à ce qui sera en lui sans fin. Et on comprend que toute prière, tout vouloir chrétien, tout essai de vie ecclésiale font partie des ébauches qui sont accueillies par Dieu et que le trésor de prière de l’Église se trouve partout déjà où de ce qui est fini est sorti de l'infini (NB 6,60).

 

314. Les heures de la prière de l’Église

Au ciel, le Fils n'a rien réglé à l'avance de ce qu'il devait accomplir comme homme ; ici-bas, il va se réserver des heures et des temps de prière ; car chaque jour est un nouveau don du Père où il faudra adorer et remercier. C'est ici que se rattachent les heures de la prière de l’Église. Le Fils accomplit chaque jour ce que ses forces humaines lui permettent, pas plus (NB 6,138).

 

315. Le secours de l’Église aux mourants

Les derniers sacrements et les prières des agonisants apportent le secours de l’Église, c'est-à-dire des grâces du Seigneur transmises par l’Église ; d'autre part, ils ouvrent aussi le mourant pour qu'il reçoive la prodigalité divine. Ainsi la mort est vaincue avant même qu'elle soit là, l'invitation à la vie nouvelle arrive avant que la vie ancienne soit partie. Et comme le Seigneur est parvenu à la résurrection par la mort, par la résurrection à l'ascension, par l'ascension au trône éternel auprès du Père et à l'envoi de l'Esprit Saint, ainsi l’Église nous dit aussi qu'en mourant avec lui, les saints sont introduits dans tous les mystères glorieux de la vie éternelle qui nous sont garantis dès ici-bas par la promesse du Seigneur (NB 6,286).

 

316. A l’approche de la mort, le recours au trésor de prière de l’Église

A l’approche de la mort, on en revient aux prières que l’Église tient à notre disposition, on les médite, on s'étonne non seulement de leurs expressions souvent étranges, mais plus encore de tout ce qui a été mis dans ces prières au cours des temps, de l'enrichissement qu'elles ont reçu par d'innombrables priants inconnus et connus. A ce moment-là, le trésor de prière de l’Église n'a plus rien d'abstrait, c'est une pleine réalité. On est autorisé, on a le droit, on a la possibilité et le devoir d'y puiser à tout prix. A aucun moment, on est tenté de dire : ma prière suffit, j'y arriverai bien tout seul. Il y a la communion des saints de tous les mourants, on est tenu et porté : c'est nécessaire au moment de la mort (NB 6,289).

 

317. L’Église prépare les mourants à la vision de Dieu

Dans les prières pour les agonisants, l’Église veut préparer les mourants à la vision de Dieu. Ceux qui disent les prières et ceux qui les répètent ne voient pas Dieu mais, dans la foi, ils savent que cette vision existe. La prière contient une sagesse de la vision, une connaissance de la vision. En soi, il peut sembler étrange que des non-voyants préparent les autres à la vision. Mais il fait partie de la plus ancienne tradition de l’Église que certains, dès ici-bas, commencent à voir et que la gestion de leur vision revient à l’Église. Personne ne sait quand un mourant commence à voir Dieu. Mais l’Église sait qu'elle doit l'y préparer (NB 5,180).

 

318. Prière de l’Église pour les défunts

2 novembre. Commémoration de tous les fidèles défunts. Adrienne voit les âmes dans leur purification. C’est une souffrance totalement solitaire, inexorable, même si Dieu la façonne aussi courte que possible, et la prière de l’Église peut toujours venir là en aide. Souvent ce qui dure le plus longtemps, c’est que l’âme comprenne qu’elle doit aller dans le feu, que tout ce qu’elle a fait était faux et à côté de la question, qu’elle doit prendre un tout autre chemin, le chemin de l’amour. Beaucoup comprennent cela tout de suite, d’autres seulement après un temps qui paraît infiniment long. Une fois qu’ils se sont livrés aux flammes, cela avance sûrement et rapidement (NB 9,1196).

 

319. L’Église qui prie sans cesse

Sainte Monique est l'incarnation de l’Église qui prie sans cesse. Elle est celle vers qui on peut se tourner quand on est fatigué de la prière. Monique ne prie pas pour elle mais pour son fils Augustin. Quand son fils devient chrétien, tous les chrétiens deviennent ses fils et elle se perd en tous. Comme l’Église, elle enfante dans les douleurs et elle est toute donnée à cette naissance (NB 2,49-50).

 

320. La supplication aimante de l’Église et l’eucharistie

L'amour de Jean pour le Seigneur est tout à fait concret. Il désire tellement cet amour qu'il doit se concrétiser. L'institution de l'eucharistie est également ceci : une réponse du Seigneur à la supplication aimante de l’Église : Reste auprès de nous ! Sois avec nous ! Jean souhaite appuyer sa tête sur la poitrine du Seigneur. C'est le contact le plus élevé qu'il puisse imaginer. Le Seigneur répond à son amour avec l'intimité encore plus grande de l'eucharistie (NB 12,253).

 

 9. Le péché dans l’Église

 

321. L’Église et le figuier maudit

Il y a bien des moments où l’Église se trouve tout près du figuier maudit. On cherche en elle des fruits et, comme elle ne peut pas offrir ce qu'on cherche, il n'est que juste qu'elle soit frappée de stérilité. Elle a certes l'impression que si on lui avait dit plus clairement ce qu'elle doit offrir, elle aurait pu peut-être mieux correspondre ; mais le ministère divin continue d'avancer sans se faire de soucis, il sait ce qu'il veut et c'est justement cela qu'il ne trouve pas ; c'est ainsi que la stérile s'enfonce dans une honte infinie. On devrait apprendre à comprendre combien est complexe et riche en contrastes la relation du Seigneur à son Église. Les affadissements habituels aujourd'hui, les réductions à quelques rares vues d'ensemble, sont insensés et causent en outre à l’Église les plus grands dommages (NB 6, 279-280).

 

322. L’Église et la prostituée

L’Épouse doit être longtemps humiliée - jusqu'à se sentir la prostituée qu'elle était dans l'Ancien Testament - afin qu'elle se souvienne à nouveau que son origine relève du seul bon plaisir du Seigneur. Sinon elle s'installe aussitôt à nouveau dans l'attitude de celle qui sait tout, qui ne veut recevoir du Seigneur aucune directive (NB 6,280-281).

 

323. Les pécheurs obscurcissent la pureté de l’Église

En donnant à l’Église son orientation vers le Père, le Fils lui donne la foi chrétienne comme la pure conscience chrétienne. Mais les chrétiens, dans la mesure où ils sont pécheurs, ne cessent de mêler à cette conscience de la foi des points de vue humains. Et comme le Christ, en devenant homme, a renoncé à sa gloire et qu'il est devenu un homme tellement discret que, pour beaucoup, on ne pouvait plus le distinguer des autres hommes qui sont pécheurs, il a voulu donner à son Épouse, l’Église, quelque chose de cette discrétion. Bien des aspects de la nature de l’Église et de son apparence extérieure restent ici-bas indécis ; les pécheurs en elle obscurcissent sa pureté intérieure et la font apparaître comme une "prostituée" (NB 6,417).

 

324. L’Église a toujours tendance à régler et à définir (comme Pierre)

Dans sa compréhension, Pierre a quelque chose d'ecclésial pour autant que l’Église a toujours tendance à régler et à définir. Ainsi Pierre définit ce qu'il "entend" sans remarquer que sa définition est déjà dépassée dans l'Esprit. Il fixe les mots sans voir parfaitement quelle est leur valeur devant Dieu, leur valeur or (NB 6,462).

 

325. Dans l’Église : Dieu et les pécheurs

Dieu et les pécheurs coexistent dans l'institution de l’Église, à distance dans la mesure où l'homme est pécheur, et pourtant unis dans la mesure où l'homme a la foi et se reconnaît d’Église (NB 6,466).

 

326. L’Église est pleine de défauts

En tant qu’Époux de l’Église, le Seigneur a vis-à-vis d'elle tous les droits divins et humains. Il peut l'aimer comme l'époux son épouse, il peut l'humilier, il peut exiger d'elle l'obéissance absolue. Ces trois choses peuvent apparaître séparément ou bien aussi se présenter toutes ensemble soudainement. Le Seigneur sait que son Église est pleine de défauts et qu'elle a besoin tout autant d'amour que de pénitence et d'obéissance ; c'est pourquoi il la traite comme un instrument sur lequel il joue comme bon lui semble. Pas tout à fait maintenant dans le sens du "jouet" de la petite Thérèse, mais dans le sens où il offre à l’Église, selon son jugement, ce dont elle a justement le plus besoin (NB 6,468).

 

327. L’Église portera toujours en elle quelque chose du passé pécheur de Pierre

Quand la Mère s'éloigne de la croix, deux aimants l'attirent pour ainsi dire : Pierre et Jean ; mais le deuxième est plus fort parce que la mission du Fils vit en lui et ainsi elle se laisse donc insérer par Jean dans l’Église ministérielle, certainement en accord avec le Seigneur, mais en quelque sorte seulement après que cet accord a été donné. On ne doit pas non plus oublier que Marie est sans péché tandis que Pierre était un pécheur. L’Église ministérielle portera toujours en elle quelque chose du passé pécheur de Pierre (NB 6,488-489).

 

328. L’Église est prostituée par les pécheurs quelle souffre en elle

Le Seigneur sait que l’Église a passé des compromis avec les pécheurs. La même Église est Marie qui est sainte et Pierre qui renie, Pierre qui tout au long des siècles ne cesse de passer des compromis avec le monde. L’Église ne se prostitue pas elle-même de son propre gré. Elle est prostituée par les pécheurs qu'elle doit souffrir en elle (NB 6,508).

 

329. La "sainte" Église n’est pas irréprochable

L’Église ne peut pas se présenter elle-même au Seigneur comme irréprochable. Elle est l’Épouse et elle est en même temps la pénitente. Tout ce que font les enfants de l’Église retombe sur elle. Ainsi la sainte Église ne doit pas et ne peut pas non plus se croire sainte. C'est dans l'amour qu'elle porte la honte des pécheurs qui sont elle (NB 6,506-507).

 

330. L’Église doit expier pour tous les pécheurs qui sont en elle

L’Église doit expier pour tous ceux qui l'ont abandonnée, pour tous ceux qui se sont dévoyés, pour tous les tièdes. Elle est humiliée par tous mais, sans qu'elle le sache, le Seigneur la prend dans sa communion, lui qui est affaibli et humilié : par la flagellation qui l'a affaibli, il a été préparé pour la croix (NB 6,507).

 

331. Les pécheurs sont à même de dévoiler ce qu’il y a de plus honteux dans l’Église

Les pécheurs connaissent leur propre honte, c'est pourquoi ils sont à même de dévoiler ce qu'il y a de plus honteux dans l’Église. Si j'inflige une blessure à un ami et qu'il porte des vêtements par-dessus, je peux quand même lui dire où il est blessé et où on pourrait facilement le blesser à nouveau (NB 6,507-508).

 

332. L’Église a conscience qu’elle devrait absolument être purifiée

L’Église a conscience qu’elle devrait absolument être purifiée. Et cela dans l'humiliation. Elle ressent douloureusement surtout ceux qui ne se confessent pas : ceux-ci doivent d'une manière ou d'une autre être inclus dans sa purification. En tant qu’Église visible, elle n'a pas la possibilité de les atteindre, mais elle sent qu'étroitement unie au Seigneur elle pourrait avoir part aussi à ce qu'il opère pour tous les hommes. Il y a donc dans l’Église ceux qui se confessent correctement et qui peuvent nourrir l’Église du lait de leur sein. Les autres se trouvent pour ainsi dire derrière son dos, elle ne peut les atteindre. En tant qu’Église terrestre, elle pourrait penser d'une manière un peu tranchante : "Celui qui ne veut pas reste exclu". Mais elle ferait mieux de voir ses insuffisances et de les montrer au Seigneur dans une confession qui inclurait justement qu'elle n'atteint pas ceux qui sont loin (NB 6,508).

 

333. Le châtiment qui doit purifier l’Eglise

D'une certaine manière, l’Église a l'impression d'être comme les quatre-vingt-dix-neuf brebis… Tout d'abord l'essentiel semblait être en ordre entre elle et le Seigneur ; si une partie d'elle-même était pécheresse, on pouvait clairement le délimiter et le purifier par ce qui était intact. Imperceptiblement le sentiment grandit qu'elle n'est pas en ordre. Maintenant cette Église "médiocre" est contrainte d'entrer dans la confession des saints. Vraiment brusquée. Face à l'attitude du Seigneur, elle est tout d'abord interdite, déconcertée, elle se sent incapable d'exprimer clairement où se trouve le mal. Puis viennent les exigences du Seigneur, rapides, vraiment rudes : ne rien cacher ! Tout montrer ! Comme dans les lettres de l'Apocalypse. Elle obéit, mais avec le sentiment : doucement, doucement ! Peut-être ai-je quand même quelque chose de positif à montrer. Mais plus les masques tombent, plus s'effondre son manque de certitude. Et quand les exigences du Seigneur deviennent des châtiments, les dernières lueurs de sa propre grandeur disparaissent. Tout son programme personnel et toute sa réflexion sur elle-même sont passés. Mais la peur aussi est passée. C'est justement le caractère pénible et la souffrance qui promettent une rupture de l'ordre. Les choses commencent à s'en aller, l'entêtement s'écroule. Le Seigneur s'occupe réellement de son Église : il s'y met, il va y avoir de l'ordre. Le châtiment purifie et efface (NB 6,509).

 

334. Dieu devant les refus de l’Église

Il y a dans le domaine de la mystique bien des éléments qui n'atteignent pas dans l’Église leur plein effet. Mais Dieu n'est pas lié au temps terrestre ; quelque chose qui a été interrompu prématurément, des choses qui n'ont pas eu le temps de se déployer comme il fallait ou des choses dont on a interdit le développement (ces trois possibilités sont des conséquences du péché), Dieu peut toujours les continuer par une nouvelle mission mystique qui commence au même point. Dieu Trinité n'est pas réduit à arriver à ses fins avec un petit nombre de missions mystiques ; devant tous les refus de l’Église et de certains croyants, il reste celui qui domine tout, qui connaît les refus de l'homme et qui est capable de l'accueillir avec sa grâce surabondante (NB 5,74).

 

335. La tiédeur de l’Eglise

Au mont des oliviers, le Seigneur voit le dur chemin qu'il a devant lui, et il a parlé avec le Père de la possibilité que le calice passe loin de lui. Les disciples refusent de l'accompagner, leur puissance de prière est si limitée qu'ils se dérobent malgré sa demande expresse. Ils oscillent d'une certaine manière entre eux et le Seigneur : ils vont vers le Seigneur, et ils reviennent à eux. Quand le Seigneur s'éloigne d'eux de quelques pas, ils reviennent à eux de leur propre mouvement. Et quand, dans son angoisse, il va les voir, il ne les emmène pas avec lui dans son angoisse parce qu'ils ne sont pas prêts, ils sont incapables de partager celle du Seigneur. C'est ici qu'est visible la tiédeur de l’Église, mais aussi la faiblesse du Seigneur vis-à-vis de son Église (NB 5,98-99).

 

336. Dieu à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement

Dieu aime tellement le monde qu'il veut toujours lui montrer de nouveaux visages de son amour. Il le fait tout au long des siècles chrétiens bien que tout soit déjà contenu dans la Bible. Tout y est, mais personne ne connaît toute la plénitude de l’Écriture. Lourdes aussi y était contenu sans que quelqu'un ait pu s'en douter. La petite Thérèse aussi, qui nous montre son quotidien et sa petite voie et ouvre par là une vue nouvelle sur l'amour de Dieu. Le curé d'Ars aussi, qui nous montre comme pour la première fois ce qu'est la confession. Il la débarrasse du dégoût des chrétiens et en fait une révélation rayonnante de l'Esprit Saint. La puissance d'imagination de Dieu est constamment à l’œuvre pour arracher l’Église à son embourgeoisement (NB 5,234).

 

337. L’Église des pécheurs

Il y a l’Église des pécheurs. Ceux-ci se ferment, ils se réservent leurs heures, ils portent des vêtements épais pour ne pas se trouver nus devant Dieu, ils ne donnent rien, ils veulent tout pour eux. L'infidèle se garde lui-même, remet au lendemain le don de lui-même (NB 5,267).

 

338. Une ancienne prostituée

Sans doute l’Église est-elle dans le Seigneur, mais elle est en même temps la communauté d'anciens pécheurs. De pécheurs toujours nouveaux... C'est en tant qu'ancienne prostituée que l’Église est l'Épouse tout pure (NB 4,202).

 

Malgré le péché, l’Église sera possible (NB 4,391).

 

339. Une Église qui a glissé

Au mont des oliviers, le Fils voit les disciples endormis comme une image de l’Église qui a glissé (NB 3,155).

 

340. L’Église a fermé beaucoup de portes

L’Église a fermé, bloqué, muré beaucoup de portes (si bien qu'on ne perçoit même plus qu'il y avait là une porte autrefois), elle a constamment sacrifié ce qui était plus grand pour garder ce qui était plus petit, et elle n'a jamais été consciente de la portée de ses abandons (NB 3,199).

 

341. Les pécheurs : organiser l’Église de telle sorte qu’elle dérange le moins possible

Les chrétiens sont tellement installés dans leur péché qu'ils cherchent constamment dans l’Église des moyens de l'organiser de telle sorte qu'elle dérange le moins possible. On doit l'avoir facile en elle de sorte que rien ne puisse nous arriver et, de plus, on est couvert par elle. L’Église fera tout pour niveler le terrain et accorder les assurances nécessaires, de plus en plus peut-être (NB 3,218).

 

342. Des hommes dans l’Église ne croient pas comme il faut

Il y a de mauvais catholiques chez qui il reste une foi assez vague, mais ils veulent malgré tout appartenir à l’Église... Il y a des hommes dans l’Église qui ne croient pas comme il faut. Ils traitent les mystères de la foi comme s'ils leur appartenaient et pourtant ils ne les connaissent pas (NB 3, 369).

 

343. Par le mensonge, j’ai nui à l’Église

Quand le pénitent vient se confesser, il devrait se sentir comme rejeté de la communion de l’Église. Dans la confession, il devrait voir où il s'est opposé à l’Église en tant que communion des saints. "J'ai menti" : sur ce point, c'est absolument la même chose dans la nouvelle Alliance que dans la loi de Moïse : Tu ne dois pas mentir. Par le mensonge, j'ai nui à l’Église, je me suis éloigné de sa communion ; je comprends que cette communion ne peut exister que si nous vivons tous dans la vérité afin que tous ceux qui sont dehors reconnaissent par notre vie que la vérité est dans l’Église (NB 2,55).

 

344. Une faute de l’Église

Jeanne d’Arc est condamnée : il y a ici une faute de l’Église. Jeanne aurait dû pouvoir compter sur l’Église ; au lieu de cela, il lui est fait un procès par des gens qui ne sont pas du tout disposés à l'aider (NB 2,170).

 

345. La sottise de l’Église

Au ciel, on s’est donné du mal pour faire de Jeanne d’Arc une pure sainte, mais la sottise de l’Église a détruit l’œuvre, car jamais Dieu n’a voulu la condamnation de Jeanne. Ce qui fait qu’aujourd’hui elle est bien une sainte, mais quelque part sa mission terrestre ne peut pas se développer comme elle le devrait (NB 9,1374).

 

346. Indigne parce que pécheresse, digne parce que rachetée

Quand le Seigneur vivait parmi nous, il a institué les sacrements et, parce qu'il nous rencontre partout comme pécheurs, il a institué le sacrement de la réconciliation, et c'est peut-être comme pénitents justement que nous discernons le mieux la nature de l’Église : indigne parce que pécheresse, digne parce que rachetée (NB 1/2,15).

 

347. L’Église : péché et pureté

L’Église accueille les pécheurs et les inclut en elle ; assez souvent on lira sur son visage le péché, la tiédeur, on verra qu’on s’y détourne de Dieu. Et pourtant, derrière ce visage, apparaîtra toujours la face de la Mère, de la toute pure, de l'Immaculée, de la toujours Vierge (NB 1/2,185).

 

348. Insuffisances et souillures de l’Église

Pour Nicolas de Cues (1401-1464), l’Église est une préoccupation inouïe. Il souffre par elle, surtout dans la prière et surtout quand, dans la prière, il présente l’Église au Fils, quand en tant que chargé de l’Église il a à demander quelque chose ou à découvrir quelque chose : il souffre alors beaucoup de ses insuffisances ; il voudrait la redresser, la conduire à l’Époux comme une épouse rayonnante ; il souffre de ses souillures d'autant plus qu'il sait exactement qu'elle devrait apparaître comme la toute pure (NB 1/1,111).

 

349. L’Église, amie de Dieu, mais aussi avec ses péchés

Hippolyte de Rome (+ 235) voit l’Église de manière très changeante. De temps en temps il voit en elle absolument l'amie de Dieu, le chemin qui mène à Dieu. Puis à nouveau il reste accroché à l'humain, il ne voit plus sa sainteté et il ne peut pas croire que l'Eglise telle qu'elle existe est la seule, l'unique épouse du Christ. Il a toujours le sentiment qu'il s'est produit une confusion. L'Église, telle qu'il la connaît, a sans doute repris de l'Église réelle certaines règles et certaines formes mais, à la place du reste, elle a mis ses propres péchés, sa propre ambition, sa volonté d'être autrement (NB 1/1,266).

 

350. L’Église, l'Épouse du Seigneur, mais...

Denis Petau (1583-1652) voit toujours l’Église comme l'Épouse du Seigneur qui ne s'emploie pas à connaître suffisamment son Époux. Il la voit comme une tâche, comme un devoir qu'il a comme tous les croyants justement parce qu'elle ne représente jamais exactement l'image que le Seigneur se fait de son Épouse (NB 1/1,303).

 

351. Beaucoup de choses dans l’Église qui nous sont propres à nous, pécheurs

Prière d’Ignace d'Antioche (+ 109) : Seigneur, me voici comme ton serviteur dans ton Église avec la volonté de te servir dans cette Église. De te servir de telle sorte que non seulement je garde le titre de serviteur, mais que je le reçoive chaque jour à nouveau. Tu vois combien la foi en toi et la foi en ton Église me remplissent si totalement que je ne voudrais plus rien faire qui ne soit tien. Mais je me connais et je sais combien je suis faible. Et je sais aussi que ton Église n'a pas encore saisi totalement ton amour, qu'il y a encore en elle beaucoup de choses qui nous sont propres à nous, hommes et pécheurs, et qui ne peuvent être transformées que péniblement en ta pureté et en ta bonté (NB 1/1,381-382).

 

352. L’humain dans l’Eglise

Mechtilde de Magdebourg : Beaucoup d'éléments humains adhèrent à l'Eglise qui pourraient cependant être éliminés par l'amour brûlant de l’Époux (NB 1/1,437).

 

353. Les hommes ont abîmé beaucoup de choses dans l’Église

Conversation d’Adrienne encore protestante avec son mari Emil, professeur d’histoire à l’Université de Bâle. Il dit : Les hommes ont abîmé énormément de choses dans l'Église. Mais Emil pense toujours qu'il est possible de revenir à une seule Église à partir de toutes ces ramifications et de toutes ces pratiques diverses. A vrai dire, dans l'Église catholique aussi beaucoup de choses sont corrompues, ce n'est pas par hasard que beaucoup aient fait défection. Et parce que ceux qui restent se raidissent sur certaines choses, elle se ruine encore davantage. Adrienne ne sait pas exactement à quoi il faisait allusion. Mais si quelque chose doit être corrigé, disait Emil, cela ne peut pas se faire de l'extérieur, cela ne peut se faire que de l'intérieur. Il disait aussi : Malheur à qui y entrerait pour leur montrer ce qui est à réformer (NB 7,288).

 

354. Les divisions dans l’Eglise

18 novembre 1942. La nuit dernière, avant minuit, Adrienne vit tout à fait en Dieu. Grand bonheur comme jamais depuis longtemps. Elle s’offre, elle se donne et elle est reçue. Puis vingt minutes de sommeil. Elle se réveille à cause d’un bruit énorme. C’est un vacarme comme la fin du monde. Elle voit alors devant elle une croix où ne pend aucun Christ. Une croix vide. La croix est fendue en deux au milieu, du haut en bas. C’était la cause du vacarme. Au début elle ne comprend pas. Mais le spectacle l’effraie profondément. Elle comprend seulement que cette croix fendue est beaucoup plus effroyable que la croix entière. Puis on lui explique la vision en détail et cela en trois “versions” successivement. D’abord comme division de l’Église elle-même entre les catholiques. Non les schismes proprement dits, mais une sorte de formation de sectes. Une opposition d’orientations dans l’Église, qui pourraient toutes très bien exister dans la paix les unes à côté des autres, comme des nuances différentes du même catholicisme, qui sont toutes justes quelque part, mais qui se raidissent sur des bagatelles et provoquent par là une division de l’Église. Amour et grâce ne peuvent plus passer partout librement. C’est l’origine et la cause de toutes les autres divisions. Deuxième version : la division à l’intérieur de la chrétienté : catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans, quakers et les milliers de sectes. Tous sont baptisés, appartiennent donc à l’Église. Mais l’Église est réduite en morceaux. Adrienne doit maintenant souffrir aussi pour la terrible réalité de cette division. Troisième version : la division entre l’Église et le monde. Unité de tous ceux pour qui le Christ est mort. Pour ceux aussi qui se trouvent hors de l’Église. Partout où se trouve de la bonne volonté, un effort vers une vie morale et l’amour, il y a une parcelle de la croix. Mais la croix est déjà tellement partagée qu’on ne reconnaît plus guère aux parties qu’ensemble elles forment une croix (NB 8,469).

 

355. La résistance de l’Église au Seigneur

Parfois on reçoit un morceau de vision qui n’a pour but que de montrer pourquoi on doit prier, ce qui est attendu maintenant précisément. Le terrestre est montré d’une manière supra-terrestre : la résistance de l’Église au Seigneur (NB 9,1637).

 

356. Dans l’Église tant de conventions, de poncifs, de glorification de soi-même

Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” : il est extrêmement rare dans l’Église que ce soit vécu réellement. Il y a en elle tant de conventions qui masquent le pur esprit de l’évangile. Déjà dans les catéchismes pour enfants tout est condensé en poncifs alors que le Seigneur voudrait quand même habiter dans les âmes tout simplement : la lettre tue l’esprit. Les confessions également sont pleines de conventions qui masquent les choses, et les prédications tout autant. Il y a aussi dans l’Église tant de glorifications : de saints ou de groupes ou de mouvements ou d’attitudes modernes, qui presque toujours sont des glorifications de soi-même (NB 9,1964).

 

357. L’Église et les forces de désagrégation

Dans l'Eglise, chez les hommes qui sont en elle, le péché et la désobéissance continuent d’exister, et ils se traduisent en attaques contre le Seigneur, contre son unité avec l'Eglise, et contre l'unité visible de l'Eglise elle-même. Certes l'unité substantielle est gardée par la grâce du Seigneur mais, à travers l'histoire, grandit aussi le désordre. De la sorte l'Eglise, en tant qu'Épouse du Seigneur, n'a pas seulement à faire l'effort de faire entrer le monde, en tant que sauvé, dans son unité avec le Seigneur, elle a aussi à assurer et à rétablir sa propre unité contre les forces de désagrégation (NB 10,2292).

 

358. La honte de l’Eglise

La première Ève reste pour toujours le symbole de l’Église qui refuse. Au lieu de devenir la mère de tous les pécheurs, Ève aurait dû devenir la mère de tous les croyants. Et l’Église ne peut pas se désolidariser d'Ève ; elle doit porter la honte de rassembler en elle tous les pécheurs (NB 12,231).

 

359. Faiblesse indéracinable de l’Église

Dans la pleine assurance de sa prédication et de ses lettres, Pierre comprend que sa propre faiblesse est le symbole de la faiblesse humaine indéracinable de l’Église, et même qu'il n'aurait peut-être pas été du tout en mesure d'assumer le ministère s'il n'avait pas renié trois fois (NB 12,251).

 

360. L’Église d'aujourd'hui a peur de se tenir nue devant le Seigneur

L’Église d'aujourd'hui ne veut pas être battue, mais épargnée ; c'est pourquoi elle arrondit tous les angles et toutes les rigueurs. Elle veut la médiocrité d'un amour dont elle fixe elle-même la forme et les limites. L’Église d'aujourd'hui a peur de se tenir nue devant le Seigneur, d'être exposée sans défense à l'amour nu de Dieu. Pierre aussi autrefois déconseillait la croix au Seigneur ; il continue de le faire. Car il sait que la croix du Seigneur et son ministère ecclésial sont proches parents. Pourtant ce n'est que dans la croix nue que se manifeste sans voile l'amour de Dieu pour le pécheur, et ce n'est que par le ministère que le pécheur est délivré de ses demi-mesures et de ses lâchetés (NB 6,494).

 

361. L’Église peut humilier son Seigneur

L’Église peut humilier son Seigneur si elle ne gère pas comme il faut ce qui lui a été confié ; elle peut le remettre dans la situation de la croix (NB 12,225).

 

362. Le pouvoir du diable dans l’Église

Suite à une vision dans une église, réflexion d’Adrienne : “Comment se fait-il que le diable a un tel pouvoir dans l’Église ? Est-ce que le Seigneur n’est pas là pour le renverser ?” (NB 8,751).

 

363. Tant d’humain dans l’Église

Newman (1801-1890) aime l’Église. Il a pourtant du mal à s'y habituer. Il espère toujours pouvoir lui rendre davantage quelque chose de ses dimensions divines. Il souffre beaucoup qu'elle montre tant d'humain. Il l'aime un peu comme on aime un enfant qui n'est pas aussi réussi qu'on l'espérait, mais on n'abandonne pas l'espoir que cela peut encore peut venir (NB 1/1,315).

 

364. Ce qui menace le plus l’Église

Ce qui menace le plus l’Église, c'est le nombre infini de tendances spéciales. On doit se fixer au centre. Beaucoup plus important que les hautes spéculations est de connaître en leur profondeur les simples vérités, d'avoir devant les yeux le modèle des saints (NB 1/2,290).

 

365. L’Église doit apprendre à dire son confiteor de manière nouvelle

Après l'humiliation brûlante, l’Église apprendra à dire son confiteor de manière nouvelle, si du moins elle sait profiter de ses expériences. Les coups normaux qu'elle continuera à recevoir ne l'inquiéteront alors pas trop. Ils doivent lui rappeler qu'elle a appris à faire l'expérience du repentir de manière neuve. Elle connaîtra plus à fond le sens de la Passion du Seigneur. Il s'est laissé flageller pour introduire dans l’Église la confession de la faute. Pour l’Église, pour les croyants, la croix est trop grande, ils ne la comprennent pas ; mais le rapport entre la flagellation et le repentir dont on doit faire preuve pour la confession, on peut en quelque sorte le comprendre (NB 6,280).

 

366. Ce qui est suranné dans l’Église

(Il est donné à Adrienne d’avoir une vue sur le purgatoire). J'ai vu un jour quelqu'un qui était très impatient de commencer son purgatoire. Ici-bas déjà, il avait été un chrétien impatient qui ne s'était jamais senti à l'aise dans l’Église parce qu'il ne voyait partout que des abus, des choses surannées et sclérosées ; mais il n'avait rien entrepris concrètement pour améliorer les choses. Quand il fut dans la "salle d'attente" qu’est le purgatoire, il comprit que la première chose qu'il avait à faire était d'aller faire un tour dans l’Église terrestre pour apprendre à tout regarder avec le regard de Dieu. Dégoûté, mais sans pouvoir critiquer, il dut passer dans les églises, regarder tout ce qu'il y avait en elles de suranné, de mauvais goût, et en même temps il devait toujours d'abord y chercher ce qui était juste. Ce qui était juste se trouvait chaque fois que les usages de l’Église - litanies, indulgences, pèlerinages, etc. - étaient regardés et compris dans leur intention originelle. C'est celle-ci qu'il devait reconnaître, tout seul et sans dialogue possible, car il n'y a pas ce genre de choses dans le purgatoire (NB 6,374-375).

 

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9. LA VIE ÉTERNELLE

 

Plan. Introduction. 1. La préparation à la vie éternelle. 2. L’entrée dans la vie éternelle. 3. La vie dans l’au-delà.

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Pour les références

NB : Nachlassbände (Œuvres posthumes) dont la traduction française n’est pas encore parue. Pour le P. Balthasar, les Œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr sont proprement mystiques, mais elles ne sont pas foncièrement différentes de ses œuvres "ordinaires" (Cf. HUvB, AvS et sa mission théologique, p. 91-92).

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Introduction

C’est quoi la vie éternelle ? Pour l’humoriste, l’éternité, c’est long, surtout vers la fin (Woody Allen). C’est long, l’éternité, on va s’ennuyer, on espère en voir bientôt le bout. C’est ce que peut dire, avec un certain sourire, le non-croyant, et on peut trouver sa formule amusante. Mais cela ne va pas plus loin. L’éternité, c’est quoi ? On ne la connaît pas d’expérience. Pour en deviner quelque chose, il faut s’ouvrir à la révélation que Dieu a faite de lui-même.

 

Un petit livre d’Adrienne von Speyr a pour titre Les portes de la vie éternelle. Il compte onze chapitres, en voici les titres : 1. L’expérience de la vie éternelle. 2. La porte de l’année liturgique. 3. La porte de la foi. 4. La porte des sacrements. 5. La porte du sacerdoce et des vœux. 6. La porte de la prière. 7. La porte de la vision. 8. La vie éternelle du Père et la création. 9. La vie éternelle du Fils et la rédemption. 10. La vie éternelle de l’Esprit et l’accomplissement. 11. La présence de la vie éternelle.

 

A part ce petit livre, c’est l’ensemble de l’œuvre d’Adrienne von Speyr qui est rempli d’aperçus sur le monde d’en haut, sur le ciel et ses habitants. Le P. Balthasar nous en explique la raison dans Adrienne von Speyr et sa mission théologique (p. 26-27) : "Aussitôt après sa conversion, c’est une véritable cataracte de grâces mystiques qui commence à déferler sur Adrienne von Speyr… A la première vision, encore voilée, de la Vierge, d’autres manifestations plus claires avaient succédé, un échange s’ensuivit, où pour Adrienne la tendresse se mêlait intimement au respect… Avec saint Ignace, ce sont des relations régulières et parfaitement harmonieuses, où s’unissent, dans une assez surprenante mesure, l’entente, l’humour, la sérénité… Mais c’est avec la grande foule des saints qui lui apparaissent, seuls ou en groupes, qu’Adrienne est introduite dans le monde de l’au-delà. Bien des lois du Royaume des cieux lui sont révélées par les différents saints, les apôtres, le Pères de l’Église, ou encore par la petite Thérèse, par le curé d’Ars qu’elle aimait beaucoup... Peu après sa conversion, revenant en auto de son cabinet, Adrienne fut subitement arrêtée par une violente lumière et elle entendit une voix prononçant en français ces mots étranges mais qui sont comme la clef des événements à venir : Tu vivras au ciel et sur la terre".

 

Concrètement, Adrienne von Speyr a connu par la suite d’innombrables extases où elle était introduite dans le ciel. A son "retour" sur terre, elle avait la grâce et la mission d’en dire quelque chose pour l’utilité de l’Église, pour dilater la foi des croyants et ouvrir finalement aussi les yeux de tous les humains. L’essentiel de ses "comptes-rendus" a été recueilli par le P. Balthasar dans les œuvres posthumes d’Adrienne (treize volumes, cinq mille pages). Ci-dessous le résultat d’une cueillette dans ce vaste ensemble répartie en trois chapitres : 1. La préparation à la vie éternelle. 2. L’entrée dans la vie éternelle. 3. La vie dans l’au-delà.

 

L’infini, c’est vaste par définition, c’est le mystère, c’est inaccessible aux humains, d’où la nécessité de multiplier les approches. C’est la leçon aussi que tire Adrienne von Speyr de toutes les extases qui lui ont ouvert le monde du ciel.

 

La présente enquête s’est limitée aux œuvres posthumes d’Adrienne von Speyr. Resterait à la poursuivre dans l’ensemble de l’œuvre.

Patrick Catry

 

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I . La préparation à la vie éternelle

 

Plan. 1. L’humanité et la vie éternelle. 2. S’ouvrir à la vie éternelle. 3. Mûrir pour la vie éternelle. 4. L’Église et la vie éternelle. 5. La Christ et la vie éternelle.


 

1. L’HUMANITÉ ET LA VIE ÉTERNELLE

 

1. Aujourd'hui, nous avons perdu le sens de l'éternel

Aujourd'hui c'est comme si, pour des motifs provenant de notre raison, nous avions une fois pour toutes tourné le dos à l'éternel parce que nous avons perdu le sens de l'éternel et toute parole à son sujet. Quand le Fils parle de l'heure qui vient, qui n'est pas encore là, il veut parler d'une heure qui est totalement au pouvoir du Père et envoyée par lui. Nous par contre, nous pensons connaître chaque heure et en disposer, mais par là nous nous séparons définitivement du temps dont le Père dispose parce qu'il lui appartient, et nous nous en éloignons si loin que la liaison entre notre temps et le temps de Dieu ne peut pas être renouée. La liaison ne se laisserait rétablir que si nous remettions au Père notre temps tout entier pour qu'il choisisse ses heures; nous aurions alors notre unité en lui, une unité telle qu'elle est tracée dans l’Église, telle qu'elle existe entre le Fils et son épouse, une unité qui puise dans l'échange trinitaire de l'amour de Dieu et en procède (NB 10, n. 2234).

 

2. Ceux qui ont passé leur vie à lutter contre la vie éternelle

Le jugement de Dieu sur ma vie consistera en ce que je serai forcé de dire oui à ce à quoi jusqu’à présent je disais non. Et ceci, sans la possibilité de distinguer mon propre cas du cas des autres. Je suis maintenant une multitude. La multitude de ceux qui ont passé leur vie à lutter contre la vie éternelle. Ils s’appliquaient à faire de l’ici-bas quelque chose de si beau et de si parfait qu’ils ne voulaient plus être prêts pour une autre vie. Mais maintenant leur volonté est terrassée par la volonté de la vie éternelle. Leur première réaction est purement négative : je dois tenir tout d’un coup pour vrai le contraire exactement de ce que j’ai défendu toute ma vie durant. Je me trouve tout d’abord devant une pure négation de moi-même, et c’est ce qui est absolument insupportable. Ma vie m’apparaissait merveilleuse, une plénitude close sur elle-même, en face de laquelle toute "votre plénitude divine dont vous parlez n’est rien". Je me suis comblé moi-même. Avec ce que j’avais, j’ai fait le mieux possible. Le négatif également, j’ai su l’intégrer parfaitement. Et maintenant je dois comprendre l’absurdité de tout ce que j’ai fait. Maintenant, je ne peux plus nier la vie éternelle. Mais elle me paraît pour le moment comme la continuation éternelle de mon actuelle humiliation. Je suppose que Dieu m’imposera avec l’éternité de ma vie la négation éternelle de ma vie passée (NB 9, n. 1548).

 

3. Ne pas accepter la vie éternelle

Adrienne a l’impression d’étouffer. La raison en est le manque de foi dans le monde. Ne pas vouloir accepter la vie éternelle (NB 9, n. 1552).

 

4. La vie éternelle : une invention de l’homme ?

Pour le pécheur, croire en une vie éternelle lui paraît être une compensation inventée par l'homme (NB 3,132).

 

5. Sacrifier l’éternité à une babiole

Dans une vue surnaturelle, Adrienne ne voit dans les hommes que des pécheurs, elle voit en tous qu’ils se dressent contre la grâce, qu’au fond ils ne veulent pas se convertir parce que les hommes préfèrent leurs plaisirs passagers à l’éternité. Il s’agit la plupart du temps de bagatelles, mais leur manière de penser n’en est pas moins laide ; il n’y a ici aucune différence entre péché grave et péché véniel. Au contraire, le péché véniel semble presque encore plus minable que le péché grave, parce qu’on sacrifie ici l’éternité à une babiole (NB 8, n. 657).

 

6. L’essentiel et laccessoire

A cause du péché, nous devons passer par la mort pour retourner à Dieu définitivement. Tant que nous vivons, presque tout demeure confus, l'essentiel est empêtré dans l'accessoire, le permanent dans l'éphémère. Si nous vivons pour Dieu, nous sommes dans la vérité, mais on ne peut pas l'obtenir de manière pure. La nécessaire séparation, c'est la mort qui l'apporte (NB 6,284).

 

7. Le temps et l’éternité

Tout ce que notre pensée - par suite de notre éloignement de Dieu lié à notre péché et au péché originel - introduit de limité dans le monde divin est sans cesse à exclure ; et ce que les mots de l’Écriture font apparaître en Dieu de limité d'une certaine manière n'est qu'une concession à notre compréhension bornée. Par notre éloignement de Dieu, nous sommes tellement immergés dans notre temps avec son cloisonnement de jours et de nuits, d'heures et d'événements, que si Dieu nous emportait pour un instant, tels que nous sommes, dans l'événement éternel de la Trinité, nous ne pourrions même pas remarquer qu'il s'y passe quelque chose (NB 6,99).

 

8. Le temps humain et le temps de Dieu

Quand un homme pèche, il n'est plus dans l'amour de Dieu. Ni non plus dans le temps de Dieu. Mais si un homme est racheté pour l'amour chrétien, il fait de son temps éphémère quelque chose qui appartient déjà au temps éternel, dans son temps humain il participe à l'avance au temps éternel de Dieu. Car dès qu'il rencontre le Christ, il ne lui est plus permis d'aimer de manière limitée, il doit aussitôt se régler sur l'amour éternel. Il lui est permis alors de dire : j'essaie d'aimer selon la mesure divine (NB 6,103-104).

 

9. Le chercheur et son être spirituel éternel

Il peut se faire que le chercheur qui se pose la question de l’origine se heurte à un commencement qu'il appelle "Dieu". Dans cette recherche, qui peut sembler purement scientifique, il se peut que celui qui posait la question ait déjà été touché par Dieu d'une étincelle vivante de son être divin réel, de son être spirituel éternel (NB 6,31).

 

10. L’immortalité de l’âme et le ciel

Par la seule analyse de l’âme, on peut faire comprendre aux hommes que l’âme est immortelle et qu’elle ne vit pas seulement dans le temps. La doctrine de l’immortalité de l’âme est, pour ceux qui sont loin, une manière de saisir un tant soit peu le mystère (NB 8, n. 965).

 

11. Le Christ élargit la liberté de l’homme à la perspective de la vie éternelle

Au commencement, Dieu a fait aux hommes le cadeau du monde pour qu'ils le gèrent, et cela en toute liberté. L'homme doit organiser librement le domaine que Dieu lui a confié. Quand le Fils arrive comme Sauveur, il ne rétablit pas seulement la liberté de l'homme déchu, mais il l'élargit à la perspective de la vie éternelle (NB 6,539-540).

 

12. Dieu éveille en nous le sens de la vie éternelle

Dieu demeure toujours libre de faire se dérouler les événements autrement que nous ne l'attendions, et ceci également éveille en nous le sens de la vie éternelle (NB 3,199).

 

13. L’homme doit prendre connaissance de choses beaucoup plus grandes

L'exclamation d’Étienne ("Je vois le ciel ouvert") s'adresse aux croyants et aux non croyants. Les non croyants qui le lapident sont condamnés par là à une sorte d'impuissance. En l'entendant, ils s'aperçoivent qu'ils ne peuvent rien lui faire parce que son monde, qui leur paraît si méprisable, leur échappe. Ce monde montre par là sa réalité. Étienne ne se trouve pas dans leur monde mais dans la vision qu'il proclame. Et les croyants qui l'entendent connaissent la vérité de ce monde qu'il voit, même si eux-mêmes ne le voient pas, eux qui ne sont pas destinés au martyre. La parole d’Étienne peut si bien les toucher qu'ils comprennent soudain à quel point ils sont indignes de voir le ciel ouvert en étant sur cette terre, combien aussi leur foi a besoin d'être fortifiée et qu'elle devrait prendre connaissance de choses beaucoup plus grandes. Ce n'est pas seulement leur espérance dans la vie éternelle à venir qui est fortifiée, c'est ici et maintenant que leur foi est dilatée, l'exclamation du témoin les oblige à vivre autrement (NB 5,37).

 

 

2. S’OUVRIR A LA VIE ÉTERNELLE

 

14. Être ouvert au ciel

Il n’est pas question pour nous, afin d’être ouverts au ciel, de nous détourner toujours plus de la terre (NB 9, n. 1352).

 

15. Être disponible pour le Royaume de Dieu

La destination de l'être humain dans son existence terrestre : l'homme devrait être disponible pour le royaume de Dieu (NB 11,385).

 

16. Consentir à la vie éternelle future avant de la connaître

De même qu'un chrétien consent à la vie éternelle future avant de la connaître, de même Marie consent à l'avance à vivre dans l'ancienne Alliance : elle peut reconnaître son destin en Ève et en Sarah et dans les autres femmes (NB 1/2,171).

 

17. Nous avons ce qu’il nous faut pour aller vers ce qui nous attend

C'est en tenant compte du Père et de la vie éternelle et du jugement par l'être divin que nous recevons dans le monde tout ce dont nous avons besoin pour aller, dans la confiance de la foi, vers ce qui nous attend (NB 6,186).

 

18. Attentifs à l’éternel

Il y a des réflexions spéculatives sur le contenu de la foi, mais celles-ci atteignent vite leurs limites si elles ne sont pas poursuivies dans la prière. Viennent les moments où la prière corrige une question, et alors elle contient aussi déjà la vraie réponse. La joie peut alors nous inonder soudainement de ce que nous sommes des humains, limités dans nos possibilités, mais de telle sorte que nos limites ne cessent de nous rendre attentifs à l'infini, à l'illimité, à l'éternel, et qu'il nous est donné d'avoir au-dessus de nous dans l'éternité le Dieu toujours plus grand. Notre prière devient alors un étonnement reconnaissant qui débouche sur l'adoration (NB 6,80).

 

19. La vie terrestre, une initiation à la vie éternelle

Devant la mort, on devrait être dans un état de pur abandon, comme pour une naissance, sans lutter, sans avoir de programme, sans résister, dans une ouverture totale. Pour notre naissance, on ne nous a pas posé la question, on n'avait pas voix au chapitre. Cette attitude devrait faire de toute la vie terrestre une initiation à la vie éternelle (NB 6,152).

 

20. La vie éphémère, préparation nécessaire à l’éternel

Les humains doivent vivre l'éphémère pour arriver à ce qui est permanent, ils doivent connaître le cours des jours pour atteindre la vie éternelle, il doivent avoir aimé et souffert, ils doivent avoir vécu une vie pour arriver dans l'éternel, pour être préparé à l'éternel de cette manière (NB 10, n. 2223).

 

Dieu nous donne dès cette terre des choses qui semblent d'une certaine manière finies et saisissables et qui sont une préparation à la vie éternelle, un accès à ce qui sera en lui sans fin (NB 6,60).

 

21. Un noviciat pour la vie dans le ciel

Adam vivait dans le paradis comme dans une sorte de noviciat pour la vie dans le ciel; il n'aurait pas quitté le paradis par une mort réelle. Il y aurait eu une transformation instantanée (NB 6,51).

 

22. Dieu nous offre dans le temps présent une ouverture sur l’éternel

Si, au cours du temps, Dieu ne cesse de rendre visible de manière neuve l'ouverture sur l'éternel, c'est parce qu'il connaît notre inconstance et la force d'attraction qu'exerce sur nous tout ce qui est frais. Quand il s'agit de la force d'attraction de l'éternel sur l'éphémère, nous devrions comprendre que rien n'est obtenu avec un bref enthousiasme, mais seulement avec une persévérance qui devient nécessairement un accueil toujours nouveau de l'éternité dans le temps (NB 10, n. 2177).

 

23. La foi véritable voit du point de vue de l'éternité

Si, pour les non croyants, à la mort nous devenons des morts, pour les croyants nous sommes pourtant vivants : élevés par Dieu quand les autres nous imaginent disparus, sauvés quand les autres nous considèrent comme punis, ressuscités à l'instant même où les autres pensent voir notre cadavre. Parce que la foi véritable voit du point de vue de l'éternité, elle ne peut pas compter avec notre temps. L'instant temporel est toujours déjà éclos dans la vie éternelle. La foi, qui vit dans l'éternité, ne peut pas désigner comme mort ce qui a été perçu (NB 6,292).

 

24. L’homme est destiné à la vie éternelle

L'homme connaît la fugacité du temps; lui-même se sent vieillir, il voit ses limites se rétrécir. Et pourtant il se sait destiné à la vie éternelle. Il voudrait d'emblée intégrer à l'éternité son temps éphémère. Il voudrait, par un acte global, dépasser l'incertitude du lendemain (NB 10, n. 2357).

 

Atteindre le salut éternel en tant qu'êtres corporels et spirituels

Le Seigneur aurait pu ne nous assurer que sa présence spirituelle. Mais il a voulu nous être présent en tant qu'homme incarné pour sanctifier aussi notre chair et nous montrer que nous, tels que le Père nous a créés, nous devons atteindre le salut éternel en tant qu'êtres corporels et spirituels (NB 12,132).

 

 

3. MÛRIR POUR LA VIE ÉTERNELLE

 

25. Les fruits de l’Esprit mûrissent en nous pour la vie éternelle

Tous les chrétiens sont fécondés un jour ou l'autre par l'Esprit Saint, mais il ne leur est pas permis de se replier sur ce fruit. L'Esprit a des modes de fécondation que nous ne connaissons pas. Ce qui est sûr, c'est que ses fruits mûrissent pour la vie éternelle, c'est pourquoi ici-bas on ne peut jamais les connaître définitivement (NB 6,162).

 

26. On ne peut jamais s’estimer mûr pour l’éternité

Quand Marie s'est offerte corps et âme à l'Esprit Saint et qu'elle a aussi été totalement accaparée par lui, son destin se dirige alors vers l'éternité. Dans le service et l'obéissance, sa vie terrestre a reçu à l'avance le sens de l'éternité. Non qu'un chrétien puisse jamais s'estimer mûr pour l'éternité. C'est pourquoi il désire être introduit toujours plus profondément dans une disponibilité ouverte (NB 11,264).

 

27. S’exercer à la vie éternelle

Pour Jésus, le temple devrait être consacré à l'adoration et à la reconnaissance du Père, il devrait représenter ici-bas l'esprit du ciel ; les hommes devraient y remercier Dieu pour leur existence, se laisser enseigner et remplir par lui, s'exercer à leur vie éternelle avec Dieu (NB 6,311-312).

 

28. On se creuse soi-même en quelque sorte sa place au ciel

La place dans le ciel et celle en enfer ne sont pas là avant la naissance. Elles ne sont formées que par la vie. C'est comme dans un cimetière : on sait qu'on sera enterré ici quelque part, mais on ne sait pas encore la place qu’on y prendra. Pour la place dans le ciel, c'est beaucoup plus personnel que dans un cimetière car on se creuse soi-même en quelque sorte sa place au ciel et en enfer (NB 4,189).

 

29. Prier pour ne pas avoir au ciel la dernière place ?

Une religieuse avait dit à Adrienne qu’elle se donnait du mal parce qu’elle ne voulait pas avoir au ciel la dernière place. Pour Adrienne on n’a jamais le droit de penser à soi dans son travail. - Le P. Balthasar demande à Adrienne si elle croit qu’il n’est pas permis de prier pour son propre salut. “Naturellement on peut le faire, nous l’avons tous fait un jour ou l’autre. Mais ensuite vient quand même le temps, du moins pour nous, où nous ne sommes plus là que pour les autres, où il n’est simplement plus question de nous, tout service et toute disponibilité” (NB 8, n. 274).

 

30. Nous laisser saisir par le ciel

On doit dire que nous n'avons pas besoin d'aspirer directement au ciel, mais que nous devons nous laisser saisir par lui en exerçant l'amour chrétien à l'égard de notre prochain. Par ce moyen, le chrétien n'est pas seulement libéré du souci de mesurer la distance qui le sépare du ciel, mais aussi de sa vue du ciel. Ceci a quelque chose de dur. Car désormais on ne voit plus au fond que ce qui est à faire. Plus quelqu'un est proche du ciel, plus différenciée sera la vision qu'il aura de ce qui reste encore à faire. La conscience apostolique et la vue de ce qui est nécessaire sont aiguisées. Plus s'étend ma vue d'ensemble, plus je vois ce qui partout devrait être fait (NB 10, n. 2130).

 

31. Trouver un accès au ciel par le corps

Dieu nous a donné un corps qui est capable de joie et de don de soi. Nous devons ainsi trouver un accès au ciel par le corps également. Si nous n'étions qu'esprit, tout se jouerait à l'intérieur de l'esprit. Le corps sert essentiellement à réaliser dans le temps des choses que l'esprit découvre et veut. C'est pour ainsi dire en se frottant au corps que notre esprit s'use, s'affine, s'éprouve, gagne sa forme. C'est par le corps que nous recevons la possibilité pratique de laisser notre esprit être éprouvé par Dieu et aussi de nous éprouver nous-mêmes. Nous accumulons sur terre des expériences qui nous aident à mieux comprendre le ciel et à nous approcher de lui. Il y a beaucoup de choses au ciel - de même que sur terre - que nous ne comprendrions pas si nous n'en avions pas une expérience corporelle. Nous comprendrions beaucoup moins bien le caractère concret des exigences de Dieu et la manière d'y répondre ou de n'y pas répondre. Le corps, qui est ouvert aussi bien à Dieu qu'aux penchants de notre moi qui s'opposent à Dieu, fait connaître la direction où tend notre esprit (NB 10, n. 2353).

 

32. Nous sommes en route

Au ciel, nous serons totalement tels que Dieu nous a projetés. Nous aurons part à son absolu. Là il nous aura introduit totalement en lui. Aujourd’hui, c'est en tant qu'êtres en devenir, en route vers l'éternité, que sa grâce nous est offerte (NB 6,107-108).

 

33. C’est par un chemin personnel qu’on arrive au ciel

Il y a beaucoup de chemins pour arriver au ciel, comme si chacun de ceux qui viennent du purgatoire n’entrait pas au ciel par une grand-route stratégique mais par un chemin personnel (NB 9, n. 1455).

 

34. En mouvement vers le mouvement éternel

Par le Fils et l'Esprit le monde est en mouvement vers le mouvement éternel de Dieu (NB 6,93).

 

35. On va vers le Royaume

Regarder en arrière n'a de sens que si l'on sait qu'on va vers l'avant, vers le royaume à venir. L'amour qui supporte les douleurs de l'enfantement pour l'amour du royaume est tout autant céleste que terrestre, il comprend Dieu tout autant que l’Église, tous les croyants et tous ceux qui cherchent à croire ; tous les renoncements et tous les sacrifices sont inclus dans le mouvement vers l'avant, dans le mouvement de l'Esprit Saint vers le royaume. Toute souffrance rappelle maintenant le royaume ; tout ce qui appartient à l'ancien monde fait penser à la venue du monde nouveau ; mais les deux sont tellement proches l'un de l'autre que le tout est comme une fête : cette conjonction des souffrances et de la joie, de la mort et de la vie, de la terre et du ciel (NB 6,562-563).

 

36. Le royaume de Dieu doit venir

Le Christ apprend aux siens le Notre Père et il y range les unes après les autres les vérités de la foi : Dieu est au ciel, son royaume doit venir (NB 6,188).

 

37. Les actes d’ici-bas ont de la valeur en vue de l’éternité

Les actes que pose l'âme ici-bas, même s'ils ont de la valeur en vue de l'éternité, ne seront plus, dans la vie éternelle, des actes isolés mais des états (NB 6,442).

 

38. Notre attente du ciel

Il n'y a sans doute rien qui exige de nous plus de renoncement à nous-mêmes que notre attente du ciel. De même que beaucoup de renoncement à nous-mêmes est déjà requis pour accomplir à peu près convenablement notre service terrestre, de même nous devrions absolument considérer ce service et le renoncement à nous-mêmes qu'il requiert comme un exercice préparatoire à notre service un jour dans le ciel où le Seigneur nous placera et nous utilisera comme il lui plaira. Nous devrions donc attendre totalement du Seigneur notre béatitude éternelle et sa plénitude, et non selon nos attentes préconçues. Nous trouvons maintenant notre joie en ceci et en cela, et c'est bien ainsi, le Seigneur le veut. Au ciel, nous trouverons notre joie en des choses toutes différentes et ce sera des choses à lui auxquelles il nous donnera part. Nous devrions donc faire attention dès maintenant à sa manière de donner et lui manifester le plus possible notre don de nous-mêmes, notre confiance et notre disponibilité. Nous parlons d'indifférence, mais si dès ici-bas nous voulons l'acquérir, nous devrions le faire encore beaucoup plus dans l'attente du ciel. Ici-bas nous pouvons toujours encore compter avec notre personnalité et ce qu'on appelle les lois de la nature ; mais dans l'éternité, réellement, nous ne serons plus que dans la lumière de Dieu et nous ne vivrons plus que de Dieu (NB 6,563).

 

39. Le désir de l’éternité

L'homme ne peut pas toujours prier expressément ; mais il peut rester dans une attitude de prière. Dans la prière, il peut si bien sentir en lui le désir de l'éternité qu'il perçoit dans le temps qui s'écoule des signes de l'éternel. Il a la certitude d'être entouré par la vie éternelle. Il ne peut pas forcer la durée éternelle de Dieu de venir à lui. Il ne peut pas non plus faire lui-même des brèches dans le temps. Mais le désir est là et, s'il est authentique, il provient de Dieu et n'est pas sans rien exiger de l'homme. Dieu le force à vivre dans l'éternel. Et la caractéristique principale de l'éternité, c'est un toujours-maintenant. Maintenant prier, maintenant répondre, maintenant suivre l'appel de Dieu. Sans se soucier de ce qui arrive par ailleurs. Le Christ lui-même allume en nous ce désir, il le suscite (NB 10, n. 2264).

 

40. Avoir le souci du royaume de Dieu

Il est bon de vivre dans la volonté du Père comme le Fils a vécu. Il est bon de n'avoir pas d'autre souci sur terre que le souci du royaume de Dieu (NB 3,193).

 

41. L’espérance du royaume des cieux

L’Église a l'espérance du royaume des cieux, et l'espérance du rachat des pécheurs, et je ne sais combien d'espérances encore (NB 4,441).

 

42. La vie éternelle dès ici-bas

Quand je me promène avec un ami, nous nous accompagnons l’un l’autre ; ainsi nous pouvons dire ensuite que nous avons fait cette promenade ensemble. Et si nous nous aimons et si nous sommes chrétiens, nous nous donnerions en chemin ce que nous avons de meilleur : quelque chose de notre participation à la vie éternelle… Si Dieu, dans sa grâce, veut dès ici-bas me donner part à sa vie éternelle, celle-ci devient alors une partie essentielle de mon existence… Il est sûr que la vie éternelle ne commence pas seulement après la mort (NB 4,125-126).

 

43. Dès ici-bas, le commencement de la vie éternelle

"Que ta volonté soit faite !" L'obéissance, l'installation de la volonté de Dieu à la place de la nôtre nous rend capables de vouloir insérer dans notre vie l'exigence du royaume de Dieu, d'y correspondre constamment si bien que l'éphémère, l'aujourd'hui, le lendemain et l'après-demain sont assumés dans le toujours-maintenant de l'éternel : l'ici-bas avec tout ce que l'homme projette par lui-même, ce à quoi il aspire, ce qu'il crée, ce qu'il construit puis démolit, car nous travaillons pour ce qui passe. Mais dès que notre volonté est remplacée par cette volonté qui par l'obéissance s'est emparée de nous, le commencement de la vie éternelle n'est plus quelque part à côté de nous mais en nous (NB 10, n. 2264).

 

44. Le ciel n’est pas loin

Nous faisons toujours trop de différences entre le ciel et la terre. Je me demande si à proprement parler nous ne vivons pas davantage là-haut qu’ici-bas (NB 8, n. 877).

 

45. Notre patrie

En tant que chrétiens, nous sommes en communion avec ceux d’en haut, et le ciel est notre propre patrie (NB 8, n. 195).

 

46. Dieu en moi : c’est le ciel

Quand Dieu est en moi - dans la prière par exemple - c'est le ciel. Quand je suis seul avec moi, devant le péché, c'est l'enfer(NB 3,249).

 

47. Une vie terrestre qui se rattache à la vie éternelle

Comment le temps d'une vie terrestre qui se termine dans la mort peut se rattacher à la vie éternelle ? (NB 3, 400-401).

 

48. Nous appartenons à l’éternité

L'Esprit intègre en lui tous les points de départ humains, il les utilise comme des pierres pour sa construction, il les tire à lui, il leur donne une forme définitive ; en tout cela il engendre et il crée, il donne au passé une vraie présence, une existence dans l'aujourd'hui, mais constamment il donne aussi la vue de ce qui est en devenir afin que nous ne restions pas paralysés dans l'aujourd'hui et que nous expérimentions, aussi bien dans l'être que dans le devenir, la présence de l'éternité vivante de Dieu Trinité. L'Esprit donne son témoignage pour l'éternité à laquelle nous appartenons. Il nous dit que nous sommes aimés et que nous avons le droit de rester dans l'amour, et l'amour, c'est Dieu (NB 10, n. 2219).

 

49. L'homme vit dans le temps avec la conscience du temps éternel

Le terme du temps terrestre de Jésus, c'est sa mort mais, en mourant, le Fils infléchit la ligne du temps dans le cercle de l'éternité, de sorte que désormais l'homme qui est dans le temps a part à la vie éternelle. En tant que croyants, nous vivons notre temps avec la conscience du temps éternel et nous devons orienter tous nos actes vers le temps éternel dont nous avons eu connaissance par la résurrection du Fils (NB 6,69).

 

50. Le temps présent appartient déjà à la vie éternelle

Le temps présent appartient déjà à la vie éternelle car il se trouve totalement entre les mains du Seigneur (NB 10, n. 2264).

 

51. La foi vit constamment de la vie éternelle (NB 6,100).

 

52. La grâce prépare à la vision de Dieu

Tous les non baptisés et tous les enfants avortés, la grâce les prépare à la vision de Dieu sur un chemin spécial (NB 3,78-79).

 

53. La grâce a en elle la béatitude éternelle

La véritable attente de l’Église est paix parfaite dans le Seigneur. L'attente de l’Église peut déjà, en tant que telle, être un fruit. Pour le Seigneur, l'attente peut être telle qu'elle a en elle sa réalisation, de même que la grâce a en elle la béatitude éternelle. Il suffit que l’Église corresponde à son attente pour que tout ce qui doit être maintenant soit réalisé et que reste cependant ouverte l'espérance d'une réalisation infinie (NB 12,26).

 

54. Vivre dans la grâce, c’est déjà vivre au ciel

Celui qui sur terre vit dans la grâce vit à proprement parler au ciel, seulement il ne le sait pas; mais il pourrait le savoir. C’est un voile léger (NB 8, n. 609).

 

55. La grâce : une irruption de l’éternel dans l’éphémère

Toute grâce du Seigneur est toujours un don qui vient de l'au-delà. Toujours une irruption de l'éternel dans l'éphémère (NB 10, n. 2264).

 

56. Quelque chose de la participation à la vie éternelle se réalise dans la vie consacrée (NB 11,273).

 

57. Le ciel, accomplissement des trois vœux de pauvreté, chasteté, obéissance

Le salut de l'âme consistera aussi dans l'accomplissement des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Au ciel règne la pauvreté parfaite parce que chacun ne possède tout que pour l'offrir à tous. Tout ce que nous possédons, nous le possédons pour les autres, et le donner sera notre joie parfaite. De même la virginité aussi sera accomplie dans le ciel ; tout ce qui ici-bas ressemble en elle à un renoncement sera au ciel un enrichissement, non par la suppression de la virginité mais par son accroissement. Dans l'obéissance parfaite enfin nous aurons la parfaite liberté parce que nous n'accomplirons plus en tout que la volonté du Seigneur. Dans cette obéissance nous aurons part à la liberté qu'a le Fils vis-à-vis du Père, et cette liberté ne fait qu'un avec sa parfaite obéissance (NB 11, 342-343).
 

4. L’ ÉGLISE ET LA VIE ÉTERNELLE

58. L’Église et le royaume de la grâce

Le Seigneur a introduit dans l’Eglise quelque chose de nouveau, il lui a pour ainsi dire révélé une vue nouvelle sur le royaume de la grâce, sur un ciel nouveau (NB 2,201).


 

59. Tâche de l’Église : préparer les hommes à la vision de Dieu

L’Église sait que ses défunts ne l'oublient pas dans la vision de Dieu, qu'ils lui rendent son amour, la soutiennent. Finalement, on ne sait pas si l’Église pourrait être à la hauteur des fonctions qui lui ont été données si tous les saints – ceux qui sont encore vivants aussi bien que ceux qui ne sont pas encore nés et tous ceux qui arriveront un jour au ciel – ne lui offraient pas dès maintenant leur aide efficace pour préparer les hommes à la vision de Dieu. Si l’éternité, c'est l'actualité permanente, l’Église, dans sa préparation à cette actualité permanente, peut se référer tout simplement aussi bien à l'avenir qu'au passé ; Dieu met tout cela à sa disposition. Personne ne sait quand un mourant commence à voir Dieu. Mais l’Église sait qu'elle doit l'y préparer (NB 5,181).

 

60. Rendre accessible aux autres la béatitude éternelle

Tous les efforts du Christ durant sa vie terrestre visent à rendre accessible aux autres la béatitude éternelle. Ses apôtres auront à leur tour à la communiquer à d'autres. Nous suivons le Seigneur si nous voyons toujours les autres pour leur communiquer le ciel, pour livrer en quelque sorte quelque chose de notre mystère personnel (NB 10, n. 2130).

 

Adrienne a 17 ans ; elle est au sanatorium, elle prie avec Jeanne qui est gravement malade : "Seigneur, tu m’attends au ciel"

Comment nous avons prié ? J'ai pris sa main dans mes deux mains et puis nous avons prié : "Seigneur Jésus, voici Jeanne, Jeanne qui est si fatiguée, malade, et qui ne peut pas prier elle-même. Mais elle prie quand même, son amie te dit tout ce qu'elle voudrait te dire. Donc elle te dit : Seigneur, tu m'attends au ciel, tu m'attends avec ta Mère, avec tous tes saints, dans la belle lumière de Dieu, et chaque fois que tu me vois, tu es heureux parce que tu penses : ma chère Jeanne sera bientôt là. Elle est maintenant si fatiguée qu'elle ne peut plus être heureuse. C'est pourquoi je dis au ciel tout entier qu'il doit se réjouir pour elle et lui montrer beaucoup, beaucoup de joie même si elle ne la sent pas. Et puis tu sais sans doute, Seigneur, quand Jeanne est seule et triste parce qu'il n'y a personne dans sa chambre et qu'elle a un peu peur, alors tu sais, Seigneur, que Jeanne pense à toi, qu'elle se souvient de sa première communion quand elle était petite, avec une petite couronne sur sa tête : quelle joie elle a eu parce que le Seigneur était venu dans son cœur et comment elle t'a dit : maintenant je ne suis pas encore toujours avec toi, Seigneur, mais je me réjouis pour plus tard, pour le jour où je te connaîtrai mieux, et je me réjouis de ce que tu viendras un jour pour toujours dans mon cœur, dans le ciel avec ta maman et tous les saints et tous les anges" (NB 7,38-39).

 

61. L’Église participe dès maintenant à la plénitude de la vie éternelle

L’Église participe dès maintenant à la plénitude de la vie éternelle ; pour tous les temps, elle rend présents les événements de notre salut (NB 3,366).

 

62. L’Église, antichambre du ciel

Le Fils nous parle en tant que représentant de Dieu Trinité auprès des hommes ; lors de la création, le Père leur a offert l'aptitude à recevoir la foi, à accueillir et à garder sa parole, et aussi l'aptitude à la transmettre aux hommes et à la rendre à Dieu en conversant avec lui. Et tout d'un coup surgit sur terre cet espace qui s'appelle l'Église et qui est comme l'antichambre du ciel, qui possède une structure que Dieu a donnée pour la terre mais en relation bien planifiée avec la structure du ciel, son habitation dans l'éternité. L'incarnation, la parole devenue chair, la transsubstantiation eucharistique toujours nouvelle nous donnent ce dont nous avons besoin pour aspirer à l'éternité, pour pressentir ce qu'elle est, pour comprendre que Dieu ne veut pas rester dans une solitude éternelle mais qu'il nous invite chez lui (NB 10, n. 2274).

 

63. Le monde entier est attiré dans le royaume du Christ

Avec l’Église, c'est le monde entier qui est attiré dans le royaume du Christ (NB 10, n. 2175).

 

Les saints ont planté sur terre l’amour céleste

Les saints ont planté sur terre l'amour céleste ; pour eux, sur terre, le céleste est plus essentiel que le terrestre. Ils ont mené une existence prophétique en proclamant, avec leur amour, le ciel sur terre, l'éternité dans le temps (NB 10, n. 2125).

 

64. Par ses saints, Dieu annonce la puissance du royaume de Dieu (NB 2,142).

 

65. Prier un saint nous rend le ciel plus proche

Quand on prie un saint, on pense : il est là-haut en présence de la majesté de Dieu, je suis ici-bas dans une obscurité qu'on ne peut pas éclairer. La prière dans la communion des saints ne me fait pas seulement lever les yeux vers le ciel, elle me rend aussi le ciel plus proche. Au ciel, tout est confiance parce que finalement nous avons tous été sauvés par Dieu (NB 1/2,22).

 

66. Les mystiques possèdent l’au-delà dès ici-bas

Les mystiques ont eu la chance de posséder réellement l'au-delà dès ici-bas ; dans l'évidence de tous les jours, ils pouvaient voir s'ouvrir les mystères de Dieu, garder dans leurs visions et leurs intuitions une existence authentique ; quelque chose de l'être illimité de Dieu leur était accessible dans la foi ; comme créatures de Dieu, ils pouvaient être introduits dans la vérité de leur Créateur (NB 1/1,106).

 

67. Pour le mystique, la limite entre ce monde-ci et l'au-delà est supprimée

La vie de saint Joseph de Copertino était remplie de visions. Sa prière était si active dans la contemplation qu’elle pénétrait partout où Dieu voulait lui montrer quelque chose, elle incluait tout, elle supprimait la limite entre ce monde-ci et l'au-delà. Quand il priait, il pouvait se trouver tout de suite au milieu des plus grands mystères de Dieu qui se révélaient sans problème à lui qui était une âme d'enfant, au milieu desquels il vivait incontestablement comme s'ils étaient ses propres vérités. Il planait ainsi en Dieu (NB 2,157).

 

68. Voir l’au-delà par anticipation

Au mystique, il est donné de voir l'au-delà par anticipation (NB 3,198).

 

69. L’espérance joyeuse de l’éternité

Par ses visions, le mystique reçoit une nouvelle espérance joyeuse de l'éternité (NB 5,202).

 

70. Captivé par l’au-delà

Tout mystique est captivé par ce qu'il voit et entend de l'au-delà et, comme les apôtres, il veut rester dans les hauteurs. Mais s'il ne veut pas porter préjudice à sa mission mystique, il ne doit pas oublier que le Seigneur est le centre de toute vision chrétienne (NB 5,85).

 

 

5. LE CHRIST ET LA VIE ÉTERNELLE

 

71. La vie éternelle du Fils avant l’incarnation

Quand le Fils devient homme, nous savons très peu de chose sur sa vie éternelle "d’autrefois" (NB 11,296).

 

De même qu'un homme ordinaire garde dans sa mémoire sa vie d'enfant, de même le Crucifié porte en lui tout son passé jusqu'à sa vie éternelle avant l'incarnation (NB 6,263).

 

72. Le Christ a fait l’expérience du passage de l’éternité à une vie dans le temps

C'est dans le sein de sa Mère que s'accomplit pour le Christ l'accoutumance à la manière de vivre dans le temps : passage de l'éternité à la temporalité, transfert de la présence continuelle de tout dans l'éternité à l'instant temporel dans sa relation à chaque nouvel instant de sa mission temporelle (NB 6,140).

 

73. Le Fils est venu dans le temps éphémère

Par son incarnation, le Fils est venu dans le temps éphémère pour le remplir de ce qui est impérissable. Ce qui est impérissable s'ouvre à celui qui crée en lui de l'espace pour sa grâce, il s'ouvre à chacun par la communion et les sacrements. Et plus quelqu'un crée de l'ordre en lui-même, plus le don descend profondément en lui. Dieu peut si bien le tendre que tout en lui fait de la place pour la vie éternelle (NB 10, n. 2264).

 

74. Le Fils éternel fait l’expérience de la vie dans le temps

Quand le Fils éternel devient homme, il conclut une sorte d'accord avec le Père : il fera toujours la volonté du Père, il ne commettra pas de péché. Mais le Père qui, de toute éternité, lui donne de le voir, ne veut pas que cette vision soit interrompue. C'est en regardant le Père que le Fils devient homme, et il devient cependant totalement homme, car il veut savoir lui-même par expérience comment l'homme peut vivre avec les éléments de la foi, il veut savoir ce qu'est le don que Dieu Trinité lui offre pour pouvoir vivre avec Dieu. De cette manière, le Fils fait l'expérience lui-même et de la foi et de la vision sans que les deux coïncident nécessairement.(NB 6,188).

 

75. Jésus doit apprendre l’éternité en vivant dans le temps

Dans l’éternité, la compréhension du Père par le Fils est parfaite ; non seulement il est compris par le Père mais il connaît aussi la volonté du Père ; la compréhension est le but. Le Fils en tant qu'homme veut toujours aussi parcourir le chemin de la compréhension, apprendre par l'expérience comme les autres hommes. Il veut savoir ce par quoi un homme doit passer pour arriver à comprendre. Et ainsi il en arrive toujours à tirer des conclusions avec sa raison humaine. L'homme est une image de Dieu qui doit être capable de reproduire en quelque sorte dans sa finitude ce que Dieu est dans son éternité (NB 6,191).

 

76. En devenant homme, le Fils apprend à connaître le Père du point de vue des hommes

Être mis au monde est pour le Fils une décision grosse de conséquences : désormais, pour l'éternité, il devra être Dieu et homme. C'est également une belle décision : il apprendra à connaître aussi le Père du point de vue des hommes. Il apprendra de manière nouvelle que Dieu est infiniment grand étant donné que maintenant, comme créature aussi, il lui sera permis de lever les yeux vers lui (NB 6,149).

 

77. Par l’Incarnation, victoire de l’éternel sur l’éphémère

Par l’Incarnation, Dieu est entré dans notre temps et l'a adapté à son éternité. Nous sommes placés au point où se trouvaient les apôtres quand, pour la première fois, ils rencontrèrent cette éternité incarnée. Notre temps nous offre la présence du Seigneur, la victoire de la nouvelle Alliance sur le monde et sur l'ancienne Alliance, la victoire de l'éternel sur l'éphémère, du divin sur l'humain. Même si nous ne le reconnaissons pas, nous vivons quand même à l'intérieur de ce qui est aujourd'hui vainqueur (NB 10, n. 2177).

 

78. Le Christ nous donne le vrai sens du temps en y insérant sa substance éternelle

Lors de la création, Dieu a placé un être fini face à son infini. Et nous nous sommes noyés dans le péché, nous avons perdu le sens de ce face-à-face. Puis, dans le cadre du monde, le Fils devenu homme a mis sa vie infinie face à notre vie finie. Auparavant nous ne pouvions pas apprécier le temps parce que nous étions liés aux quelques années de notre existence. Nous pouvions tout au plus le situer par la survie de notre substance dans nos petits-fils et nos arrière-petits-fils. Mais le temps de notre descendance n'était pas d'une autre nature que la nôtre. Ce n'est que le Christ qui nous donne le vrai sens du temps en insérant en lui sa substance éternelle (NB 12,108).

 

79. Par l'Incarnation le ciel nous est rendu plus proche

Si nous pouvons dire du ciel qu'il n'est accessible que par la prière, cela vaut au même titre de la terre : le monde ne nous est compréhensible que par la prière. Il n'est pas dit par là que nous pouvons saisir son sens total, que nous pouvons avoir une vue d'ensemble de tout ce dont nous pouvons faire l'expérience. Cela veut dire seulement que le monde comme le ciel appartient à la vie chrétienne et que celle-ci se nourrit de la vie de Dieu, une vie qui est si grande que nous n’en venons à bout ni par la raison ni par la foi. Mais parce que le ciel et la terre sont compris en Dieu, ils ont en lui leur sens, et c'est pourquoi ils ne nous sont compréhensibles dans la foi que dans la mesure où Dieu nous l'inspire. Ils font partie du mystère révélé de Dieu, et le lieu pour les comprendre se trouve là exactement où la deuxième personne de Dieu devient homme. C'est par l'incarnation que le monde reçoit pour nous son sens. Et c'est par l'incarnation que le ciel nous est rendu plus proche. Quand le Christ parle du Père, décrit le ciel, il emploie des mots comme les hommes les emploient ; son incarnation lui permet cela. Mais la même incarnation qui nous rend compréhensible le céleste ne fait pas tomber sa divinité dans l'oubli ; on peut la deviner en lui et derrière lui ; elle vit tellement en lui que toutes ses paroles et tous ses propos en sont remplis, et derrière lui s'ouvre le chemin vers le Père, s'ouvre le ciel que le Fils nous rend accessible (NB 10, n. 2274).

 

80. Par le Fils, tout l’humain reçoit un sens nouveau, infini

Du fait que le Fils est la Parole du Père éternel, tout l'humain que nous pensons connaître par nous-mêmes reçoit par lui un sens nouveau, infini (NB 6,23).

 

81. Le Christ est venu apporter l’au-delà, le divin, sur la terre

Le Fils de Dieu est venu pour tout apporter, absolument tout : l'ici-bas et l'au-delà, le trinitaire et l'humain. Il est venu pour nous présenter le divin sur la terre(NB 3,380).

 

82. Le sacrement nous offre quelque chose de la vie éternelle du Fils

Le temps du séjour du Fils sur la terre se trouve au milieu de son éternité : son existence historique dans le temps est là pour nous montrer sa réalité éternelle. Nous n'étions plus sensibles à la réalité et à la vérité cachées en Dieu, sa Parole devint donc chair pour que Dieu devienne à nouveau pour nous une réalité. Et le sacrement concrétise pour nous de manière toujours nouvelle la concrétisation de Dieu dans le Christ ; il est l'œuvre de son éternité, opérée dans sa temporalité, afin de nous offrir pour tous les temps quelque chose de sa vie éternelle (NB 6,497).

 

83. Le Christ fait entrer notre devenir dans son être éternel

Le Fils de Dieu vit dans l'Esprit Saint qu'il reçoit et dans la vision du Père avec lequel il parle dans la prière et dont il fait la volonté. Lui-même nous ordonne d'être parfaits comme le Père dans le ciel, en obéissant à sa parole de Fils qui nous dit de faire la volonté du Père. Il nous apprend à prier : "Notre Père…" et, dans sa propre transparence et son propre effacement, il nous donne une idée de l'être du Fils éternel du Père éternel. Il fait entrer notre devenir dans son être éternel afin qu'étant en lui, notre devenir saisisse quelque chose de l'être du Père (NB 6,106).

 

84. Le Fils nous apporte le royaume de Dieu

"Que ton règne vienne" : c’est le règne que le Fils nous apporte, il nous apporte le royaume de Dieu. Nous n'avons pas besoin de le chercher loin, il vient à nous comme de lui-même par le Fils si seulement nous ne le rejetons pas (NB 3,126-127).

 

Le Fils apporte le royaume des cieux dans le temps présent et éphémère (NB 11,320).

 

85. Jésus parle de l’éternité

Quand, dans les paraboles, Jésus parle aux apôtres de la réalité céleste, une réalité qu'il connaît de toute éternité, c'est pour donner à la foi de l’Église une nouvelle dimension (NB 6,190).

 

86. Les actes de Jésus révèlent lêtre supra-temporel de Dieu

Quand un homme indifférent à Dieu pose un acte, il a pour lui une valeur unique, on ne peut pas le reprendre ; c'est un centre d'où découlent toutes sortes de conséquences. Les actes aussi que pose le Fils en tant qu'homme ont apparemment et d'un point de vue purement humain ce caractère d'unicité et ils caractérisent la situation précise d'un moment. Mais vu de l'intérieur du Seigneur et du point de vue de l’Église, ces actes apparemment isolés sont en réalité des contacts vivants avec l'existence éternelle de la vie trinitaire. Ils sont, dans l'histoire des hommes, des épanchements de ce qui est toujours valable en Dieu. Les actes de Jésus en tant qu'événements particuliers et historiques révèlent l'être supra-temporel de Dieu (NB 6,98-99).

 

87. En tant que Dieu, dans l'éternité, le Fils savait que la Passion arriverait

En tant que Dieu, le Fils sait naturellement que, dans l'éternité, il a décidé de souffrir, au-delà de ses forces absolument. Et il s'est rendu la chose plus difficile par le fait qu'il doit rencontrer les pécheurs en venant de l'espace protégé de la Sainte Famille. Le Fils savait que la Passion arriverait (NB 6,137).

 

88. Par la croix, à la rencontre du ciel

Quand le Christ est mort sur la croix, il est allé pour nous à la rencontre de la lumière. En portant notre péché, il nous a portés à la rencontre du ciel (NB 4,102).

 

89. La croix ouvre le passage de la vie d’aujourd’hui à la vie éternelle

La croix s'élève vers le ciel et ouvre une brèche dans le ciel, établit le passage de la vie d'aujourd'hui à la vie éternelle (NB 3,158).

 

90. Le don du ciel par la Passion du Christ

Par sa Passion, le Seigneur a fait à la terre le don du ciel. La pénitence est la véritable clef du ciel (NB 9, n. 1341).

 

91. Le larron rendu digne du ciel par la vue du Seigneur en croix

Le bon larron a été converti par la vue du Seigneur en croix. La vue du Seigneur qui lui fut accordée un instant l'a rendu, par la grâce, digne du ciel (NB 3,359).

 

92. Le Seigneur prend sur lui d'aller pour toi en enfer pour t’accueillir au ciel (NB 4,188).

 

93. Le Christ est ressuscité dans la vie éternelle du Père

Le corps que le Christ offre dans l’eucharistie, c'est le corps qui a expié réellement pour tous sur la croix, qui a réellement traversé l'enfer, qui est réellement ressuscité dans la vie éternelle du Père et qui a par là une force infinie pour se répandre lui-même (NB 6,536).

 

94. Par le corps de résurrection du Fils, le Père nous fait le don de la vie éternelle

Le Père fait s'incarner le Fils, il lui fait le don de la vie humaine ; le Fils la lui rend et le Père lui en est en quelque sorte reconnaissant : il fait don au Fils du corps de résurrection et, par là, il nous fait à tous le don de la vie éternelle (NB 3,181).

 

95. La vie éternelle est cachée dans la résurrection

Le Fils nous construit un pont en donnant à ses actes temporels une valeur supra-temporelle. L'acte de la rédemption sur la croix possède une actualité perpétuelle, sa résurrection tout autant ; à partir de ces deux faits, on peut deviner la vie éternelle qui est cachée dans toutes les situations de la vie du Christ. Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière ; Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut (NB 6,99).

 

96. L’Ascension, une démonstration de l’éternité

Dans l'incroyance, la limitation joue toujours un rôle capital. L'Ascension signifie le passage à quelque chose d'illimité. Une sorte de démonstration visible de l'éternité. Si on la nie, on nie l'éternité pour l'homme (NB 4,262).

 

97. Le Christ, une ouverture sur la vie éternelle

Celui qui regarde le Christ ne s’intéresse peut-être en lui au début qu’à seul aspect, il s'y accroche, mais ensuite il l’abandonne parce qu'il néglige d'accompagner le Christ dans son ascension vers l'éternel et l'infini. Au fond, il n'a donc pas su du tout à qui il avait à faire, il n'a pas voulu admettre l'ouverture que le Fils voulait être vers la vie éternelle. Mais s'il ne résiste pas à l'Esprit, il accompagne le Christ et se laisse introduire dans l'éternel. Alors des espaces et des temps lui sont ouverts qui ne sont jamais accessibles au non croyant : des espaces et des temps qui ne sont pas terrestres mais éternels. Ce qui de l'extérieur semble un assujettissement terrestre à Jésus Christ est, vu de l'intérieur, une libération pour l'éternel, pour une réalité qui est si immense qu'elle dépasse à l'infini la réalité passagère (NB 6,25).

 

98. Le Fils veut rencontrer aussi les siens dans la vie éternelle

Quand le Fils rachète les hommes, il veut certes utiliser le temps pour les y rencontrer, mais le temps ne peut pas lui suffire. En tant qu'amour authentique, son amour ne calcule pas avec la fugacité du temps, il a besoin de l'éternité pour aimer les hommes et être aimé par eux. C'est pourquoi le Fils doit maintenant rendre aussi les hommes capables d'amour dans le sens du Père, dans le sens originel, divin. Il les a rencontrés dans le temps pour être avec eux un homme authentique ; il doit aussi les rencontrer dans la vie éternelle pour leur montrer que son amour est plus que l'amour éphémère entre humains (NB 6,103).

 

99. Le baptême est l'ouverture du chemin vers le ciel (NB 4,208).

 

100. Le baptême est le grand don de la vie éternelle (NB 9, n. 1149).

 

101. Qui mange de ce pain (de l’eucharistie) est ressuscité pour la vie éternelle (NB 6,526).

 

102. L’eucharistie, nourriture pour la vie éternelle

Le Seigneur tout entier, corps et âme, est pour le croyant tout entier, corps et âme, nourriture pour la vie éternelle ; il y a eu des saints dont la vie corporelle n'a été entretenue que par la réception de la communion (NB 6,499).

 

103. Recevoir l’eucharistie afin de mûrir pour la vie éternelle

Le Fils de Dieu est devenu homme : chair, substance humaine. Il offre cette substance qui est sienne à tous les croyants dans l'eucharistie. Une substance qui nous offre d'être uni à lui pour mûrir dans la foi, dans la vie éternelle. La substance de l'homme est celle qui nous fait mûrir pour le temps. Elle est en quelque sorte recueillie, élevée, par la substance de Dieu : celle-ci nous fait mûrir pour l'éternité. C'est ainsi qu'avec la substance qu'il nous donne, le Seigneur a fait descendre la vie éternelle dans notre temps et, par cette vie éternelle, il nous a donné d'être patient avec notre temps (NB 12,107).

 

*

II . L’entrée dans la vie éternelle

 

104. La résurrection, une œuvre de Dieu

Tant que le Fils est dans sa mission terrestre, il témoigne du Père et de l'Esprit. Dans la résurrection, il témoigne en même temps de lui-même. Comme un artiste qui signe son tableau, comme un acteur qui, après la pièce, se présente devant le rideau. Le Fils peut le faire à la fin, après qu'il a livré tout ce qu'il avait : il a déposé sa divinité dans les souffrances, il a rendu l'Esprit au Père, il s'est défait de son humanité dans la mort. En ressuscitant, il montre que tout cela était une œuvre de Dieu, qu'il l'a fait en tant que Dieu infini qui est en même temps l'homme accompli. Dans la résurrection, le Père et l'Esprit ne sont pas seulement actifs mais, comme le Fils, ils reçoivent aussi : ils reçoivent dans leur sein comme une communion l'Homme-Dieu accompli (NB 6,95).

 

105. La résurrection du Fils opère la résurrection du monde

La résurrection du Fils jadis, les anciens chemins vers la résurrection (Ancien Testament), la résurrection aujourd'hui : tout ne fait qu'un, tout n'opère qu'une chose : la résurrection du monde du Père, en marche vers le Père, la joie du Père pour le monde qui revient à lui (NB 3,311).

 

106. Le Père fait don au Fils du corps de résurrection, et à nous il fait le don de la vie éternelle

Le Père fait s'incarner le Fils, il lui fait le don de la vie humaine ; le Fils la lui rend et le Père lui en est en quelque sorte reconnaissant : il fait don au Fils du corps de résurrection et, par là, il nous fait don à nous tous de la vie éternelle (NB 3,181).

 

107. Ascension du Christ : quelqu'un qui se trouvait dans notre temps est parti pour l'éternité

Les témoins de l’Ascension du Christ ont expérimenté la manière dont quelqu'un qui se trouvait dans notre temps partait verticalement pour l'éternité. Il n'a pas rejeté avec mépris tout le temporel : il est mort bien sûr, mais il est aussi ressuscité, il est apparu aux siens dans le temps et il a ainsi pris ce temps avec lui. Par le fait qu'il a pris notre temps avec lui dans l'éternité de Dieu Trinité, il est en mesure d'entrer dans notre temps par une apparition (NB 10, n. 2264).

 

108. La résurrection, fruit de la mort du Christ

La mort du Seigneur est la fin de sa Passion. Elle est une fin où le Seigneur entre pour nous tous, qu'il assume et vit jusqu'au bout sur la croix pour en faire sortir la résurrection. Sa mort est une semence qui aboutit au fruit de la résurrection (NB 6,290).

 

109. Dans la résurrection du Fils, notre résurrection est comprise depuis toujours (NB 12,171).

 

110. Le Fils après la résurrection

Après la résurrection, le Fils non seulement séjourne auprès du Père, mais il apparaît aussi de temps à autre à ses disciples (NB 6,51).

 

111. Le germe de la résurrection

Dans la mort du Christ, nous possédons déjà le germe de la résurrection (NB 6,111).

 

112. Avant Pâques, les apôtres n’avaient aucune idée de la résurrection

Avant Pâques, les apôtres n’avaient aucune idée de la résurrection future. Ce qu’ils voient, c’est le corps qui meurt sur la croix et le corps qui, à Pâques, devient visible comme étant vivant. C'est après coup qu'ils ont compris quelque chose (NB 6,298).

 

113. La résurrection du Christ : toute l’humanité est sauvée

La joie de la résurrection est la joie de Dieu : le Fils apporte avec lui toute l'humanité sauvée, et la joie du Fils retourne au Père qui lui a permis l’œuvre tout entière (NB 10,2283).

 

114. Avec le Ressuscité vers la vie éternelle

En rencontrant le Ressuscité, nous allons avec lui vers la vie éternelle sans savoir exactement à l'avance ce qu'est cette vie éternelle (NB 6,70).

 

115. Par sa résurrection, le Fils ramène le monde à Dieu

Le Fils, avec son corps, par sa mort et sa résurrection, va rechercher fondamentalement le monde pour le ramener à Dieu (NB 10,2292).

 

116. Le Fils ressuscité conduit le monde à la lumière du Père (NB 3,241).

 

117. La vie de la lumière qui m'attend, c'est la résurrection (NB 3,240-241).

 

118. Nous sommes promis à la résurrection (NB 6,544).

 

119. Le Ressuscité entraîne les siens dans la vie éternelle

Ceux qui aiment Jésus, qui sont présents quand il meurt sur la croix et qui apprennent sa résurrection, ne remarquent pas tout d'abord ce qui s'est passé dans le secret : qu'ils ne respirent plus le même air, qu'ils ne sont plus dans le même temps terrestre. Pour eux, il est Jésus qu'ils connaissent et aiment ; mais qu'il soit le Ressuscité, l’Éternel, et celui qui les entraîne avec lui dans la vie éternelle, cela ne leur est communiqué que par lui. Si déjà toute rencontre avec lui dans le temps terrestre apportait quelque chose d'inespéré, d'incalculable, combien plus leur apporte la rencontre avec le Seigneur devenu éternel. Mais leur amour pour lui leur permet de l'accompagner (NB 6,69).

 

120. La résurrection ramène les créatures à Dieu

La résurrection rend tout bon parce qu'elle apporte la fin en assumant tout le mauvais pour l'anéantir et ramener les créatures à Dieu (NB 3,396).

 

121. La mort n'est pas la fin, mais l'entrée dans la vie éternelle (NB 4,315).

 

122. La mort signifie l'ouverture des portes de la vie éternelle (NB 11, 248).

 

123. Après la mort vient l'éternité (NB 4,317).

 

124. Mourir, c’est entrer dans la vision de Dieu

Tout croyant qui meurt plus ou moins consciemment dans l’Église se sent entouré et porté par l'amour, l'assistance, la disponibilité des autres. Il n'a pas besoin de pouvoir le préciser en détail ; il sait néanmoins que c'est par l'amour des autres, de l’Église, qu'il entre dans la vision de Dieu (NB 5,181).

 

125. L'enfant de quatre ans qui arrive dans l'éternité

L'enfant de quatre ans qui arrive dans l'éternité avec l'état de conscience qui est le sien doit être éduqué pour Dieu selon ses capacités de compréhension jusqu'à ce qu'il soit mûr pour l'éternité avec la maturité de conscience qui est la sienne. Cela contribuera certainement à la variété du ciel que tous n'y arrivent pas avec la même expérience du monde. Un enfant de cet âge aussi doit être préparé pour Dieu ; se réjouir de Dieu, avoir l'envie de lui faire plaisir, être devant lui propre et net, l'espérance de le voir : tout cela peut être éveillé en lui (NB 6,386).

 

126. Le seuil de l’éternité et la purification

A l’instant où l’âme franchit le seuil de l’éternité, le désir d’être purifiée la saisit. Elle ne réfléchit plus à ce qu’elle supporte volontiers ou non, cela lui est égal du moment qu’elle soit purifiée. Son désir est si fort que cela lui enlève l’angoisse devant l’opération, elle dit oui à l’opération et c’est pris au sérieux (NB 9, n. 1632).

 

127. On ne peut pas aller au ciel sans passer par le purgatoire

Il y a des âmes qui veulent aller au ciel mais pas au purgatoire. Elles trouvent qu’elles n’en ont pas besoin, elles ont fait assez de bonnes œuvres. Elles veulent mesurer elles-mêmes ce qui leur revient et, quand elles reçoivent à goûter les flammes du purgatoire, elles trouvent que non, elles n’y auraient pas pensé et elles préféreraient aller dans le néant plutôt que dans ce feu (NB 9, n. 1467).

 

128. Le purgatoire, chemin vers le ciel

Le purgatoire n'est pas une descente mais une forme de chemin vers le ciel. Le point le plus bas est dès lors la terre ; pas étonnant qu'elle ressemble parfois à l'enfer (NB 10, n. 2183).

 

129. Dans le purgatoire, être éduqué à la vie éternelle

Au purgatoire, l'essentiel de la durée se trouve dans la vie éternelle et non dans le sentiment de la durée éprouvée par celui qui expie, celui-ci doit seulement être éduqué à cette vie éternelle. L'idée qu'il se fait de la durée s'avère inutilisable, il ne peut se faire aucune idée du "déroulement" réel. C'est pourquoi il peut s'inquiéter de la manière dont le Seigneur va le libérer de son désarroi parce que, de son point de vue à lui, cette manière de faire lui semble accroître seulement son désarroi (NB 6,338).

 

130. Le purgatoire est une préparation à la vie éternelle (NB 6,347).

 

131. Arriver au ciel sans la grimace du péché

Quand le Fils ressuscite, il est pur, mais comme celui qui a porté le péché. Et quand l'homme arrive au ciel, lui aussi doit être pur bien qu'il ait commis le péché. Son visage doit être libre de la grimace du péché (NB 3,233).

 

132. Préparer le pécheur à la vie éternelle

Beaucoup se lavent spirituellement de la même manière qu'ils le font pour leur corps, rapidement et superficiellement. Mais une authentique confession devrait se faire en ayant un regard sur le jugement après la mort : jugement divin inexorable qui est de toute nécessité pour préparer le pécheur à la vie éternelle (NB 6,473).

 

133. Être introduit dans les mystères de la vie éternelle

Comme le Seigneur est parvenu à la résurrection par la mort, par la résurrection à l'ascension, par l'ascension au trône éternel auprès du Père et à l'envoi de l'Esprit Saint, ainsi l’Église nous dit aussi qu'en mourant avec lui, les saints sont introduits dans tous les mystères glorieux de la vie éternelle qui nous sont garantis dès ici-bas par la promesse du Seigneur (NB 6,286).

 

134. Avoir accès à la vie éternelle

En fondant l’Église, le Fils crée une institution qui a la faculté de procurer à tout croyant un nouvel accès à la vie éternelle (NB 5,73).

 

135. Difficulté pour les riches d’entrer dans le Royaume

Adrienne a donné plusieurs fois dans sa communauté des points de méditation sur la difficulté pour les riches d’entrer dans le Royaume (NB 9, n. 1754).

 

136. Il y a des choses qui ne conviennent pas au ciel

En tant que pécheurs, nous nous trouverions au ciel tout à fait déplacés ; il doit se faire une adaptation. Mais par la foi active en Dieu, il est préparé au pécheur un manteau qui couvre tout ce qui ne convient pas et qui donne aussi intérieurement le format requis (NB 9, n. 1555).

 

137. Entrer au ciel

De même qu'on ne peut pas entrer au ciel si on n'amène pas le ciel avec soi (pour cela le purgatoire est une préparation), de même on ne peut entrer en enfer que si on apporte l'enfer avec soi (NB 3,260).

 

138. Entrer dans la vie éternelle

Pour saint Ignace, prier le “Suscipe” est la manière la plus rapide pour entrer dans la vie éternelle (NB 9, n. 1272).

 

Le “Suscipe” : Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j’ai et tout ce que je possède. C’est toi qui m’as tout donné, à toi, Seigneur, je le rends. Tout est à toi, disposes-en selon ton entière volonté. Donne-moi seulement de t’aimer et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit.

 

139. Entrer dans une éternité où l’on se trouvait depuis toujours dans le plan de Dieu

Dès que quelqu’un entre dans l’éternité, il y était déjà éternellement. Son éternité n’est pas écourtée. Il se trouve bien dans le plan de Dieu, il y a son origine, et le plan de Dieu dure depuis l’éternité (NB 9, n. 1714).

 

140. Le cantonnier qui va au ciel

Un cantonnier peut être un très brave homme qui ira tout de suite au ciel (NB 8, n. 454).

 

141. Un jour, le croyant sera totalement reçu dans la vie éternelle (NB 6,478).

 

142. La fin du monde et la vie éternelle

Le Seigneur a offert à son Église deux manières de lui consacrer sa vie, les deux sont liées à un choix de vie de la personne et correspondent au deux grandes missions de l'être humain. L'une est donnée au commencement du monde au premier couple humain : la mission de se multiplier et de dominer la terre. L'autre vise la fin du monde et la vie éternelle, et elle comprend la mission du pur service du Christ et de l'apostolat. Le mariage et le sacerdoce (NB 6,538).

 

143. Passer de l’existence mortelle à la vie éternelle

Le sacerdoce et l'état religieux se sont placés définitivement sur le chemin du Christ pauvre, obéissant et vierge, lui qui conduit la création de son existence mortelle à la résurrection et à la vie éternelle (NB 6,539).

 

144. On ne peut pas croître peu à peu dans la vie éternelle

On ne peut pas croître peu à peu dans la vie éternelle. Elle est là soudainement avec toute sa plénitude (NB 3,280).

 

145. Marie ouvre le ciel

Marie ouvre le ciel d'une double manière aux habitants de la terre, car celui qui la contemple comprend qu'elle a en elle un morceau de ciel, mais il comprend aussi qu'elle porte en elle le Fils de Dieu qui, lui aussi, a le ciel en lui à sa manière à lui ; et ces deux cieux n'en font qu'un naturellement(NB 1/2,142).

 

146. Marie, l’hôtesse du ciel

A la sortie du purgatoire se trouve la Mère de Dieu, en quelque sorte comme l'hôtesse du ciel, qui introduit les invités dans la salle (NB 3,85).

 

147. L’accueil au ciel par Marie

Celui qui, sur terre, a péché par manque d’amour aura surtout au ciel le souci que les hommes en ce monde ne tombent pas dans cette faute, etc. Ainsi, au ciel, on garde certes le positif de ce monde, mais en aucune manière le négatif. Il n’y a plus moyen du tout de jeter un regard en arrière sur le péché commis, ni pour soi ni pour les autres. Même ceux dont on sait au ciel qu’ils se trouvent dans le purgatoire, on ne les considère pas comme devant passer par une juste purification, mais plutôt comme des personnes qui accomplissent un voyage pénible, à qui il est arrivé un malheur, dont on désire depuis longtemps l’arrivée et, quand enfin ils sont là, ils sont aussitôt entourés et introduits comme des personnes longtemps attendues. C’est surtout l’art incomparable de la Mère, qui se trouve exactement à la fin du purgatoire, d’accueillir dans le ciel les nouveaux arrivants. Toutes les formes de gêne sont aussitôt emportées par cet amour sans prévention (NB 9, n. 1315).

 

 

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III . La vie dans l’au-delà

 

 

Plan. 1. Le ciel, c’est Dieu. 2. Le ciel, c’est l’amour. 3. Le ciel, c’est les autres. 4. Le ciel, c’est les saints. 5. Le ciel, c’est la vie.

 

I. LE CIEL, C’EST DIEU

 

148. Au ciel, on ne peut jamais oublier la présence de Dieu

Adrienne :depuis toujours ce qui m'a frappée, c'est qu'au ciel, à aucun instant, on ne peut oublier la présence de Dieu. L'essentiel n'est jamais qu'on voie la Mère de Dieu ou des anges ni même le Fils, ou qu'on parle avec quelqu'un ou qu'on regarde ce qu'il fait. Quelle que soit la scène, peuplée ou sans personne, on doit absolument penser à Dieu (NB 6,65).

 

149. Au ciel, nous vivrons totalement en la présence de Dieu

Dieu : le ciel est son royaume, tout est accompli. Ici-bas nous entendons la parole de Dieu dans l'église à un moment donné, nous la lisons dans l’Écriture, nous nous agenouillons devant le Saint Sacrement exposé, exposé ici et pas là, bien que nous sachions que, pour le Christ, il n'y a de limite ni de lieu ni de temps ; ici-bas les connaissances de Dieu que nous avons par la foi, nous les portons dans des dogmes et des concepts donnés et, avec eux, nous expliquons aussi aux autres notre foi. C'est dans l'espace et le temps et dans notre esprit limité que nous saisissons quelque chose de Dieu. Au ciel par contre, nous sommes complètement ceux qui sont saisis, nous vivons totalement en la présence de Dieu et de sa présence, nous sommes comme perdus dans sa contemplation et absorbés par elle (NB 2,204).

 

150. La vie éternelle en présence de Dieu

Quand moi pécheur, je réfléchis à la confession, je perçois qu'elle est pleine de choses qui sont peu claires pour moi parce que j'ai trop peu de vénération pour Dieu et pour ses grâces, et c'est pourquoi je ne peux pas me représenter ce que son don a de grandiose. Je n'en vois toujours que des aspects. Mais il est sûr que la vie éternelle en présence de Dieu veut dire aussi une vie après une confession parfaite, non seulement parce qu'on a laissé derrière soi tous ses péchés, mais aussi parce qu'on est maintenant totalement ouvert à Dieu (NB 6,519).

 

151. Le Fils aime le Père et l’Esprit de toute éternité

Le Fils devient homme par amour pour le Père et pour l'Esprit, et son amour ne subit de ce fait aucune interruption. En tant qu'homme, il aime maintenant de son amour divin absolu tous les hommes qu'il rencontre, tous les hommes inclus dans sa mission, et cela a priori. Il nous a aimés sans interruption de l'amour dont il a aimé le Père et l'Esprit de toute éternité. L'amour trinitaire du prochain que connaît le Seigneur est un amour qui, en lui, est de toute éternité éprouvé, expérimenté, exercé (NB 6,109).

 

152. La vie éternelle de Dieu Trinité

Le Fils qui devient homme, homme sans péché, a vécu depuis toujours avec le Père, il l'a aimé et regardé ; le regarder et l'aimer constitue un va-et-vient, mieux un état qui est propre à Dieu Trinité dans la vie éternelle. Au ciel, lors de sa décision de devenir homme, le Fils voit les éléments surnaturels que le Père a mis dans la foi des hommes, et ce qu'un homme peut faire avec cette foi (NB 6,187).

 

153. Dans l’éternité, entre le Père et le Fils, rien jamais ne s’épuise

Le Fils qui, de toute éternité et pour toute l'éternité, vit avec le Père en tant que Parole du Père ne perd jamais sa propriété d'être Parole. Pour le Père, le Fils est toujours également digne d'être aimé, toujours également précieux ; entre eux, rien ne s'épuise, rien n'est jamais dépassé. La relation des personnes en Dieu est toujours également comblée (NB 6,39).

 

154. De toute éternité le Père engendre le Fils, et l'Esprit procède des deux (NB 6,81).

 

155. Dans la vie éternelle le Père engendre le Fils éternellement (NB 6,412).

 

156. Dans l'éternité, le Fils sort du Père et y retourne (NB 6,481).

 

157. Dieu le Père et le Fils éternel (NB 6,52).

 

158. Le Dieu éternel (NB 6,21).

 

159. Le toujours-maintenant de la vie éternelle (NB 4,181).

 

160. Le toujours-maintenant de l'éternité (NB 4,339).

 

161. Le toujours-maintenant de l'éternité dans le ciel (NB 3,174).

 

162. Durée passagère et "durée" éternelle

Nous employons le terme durée pour la "durée" éternelle et pour la durée passagère (NB 6,430).

 

163. Sans commencement ni fin

Dieu lui-même est sans commencement ni fin. De son centre il pose l'acte de la création avec laquelle le monde commence et l'homme en lui. Le temps qui s'écoule est une invention de Dieu, lui-même est dans l'éternité. Le temps est mesuré avec les mesures de l'homme et de sa vie : le monde ne cesse de durer le temps d'une génération, jusqu'au moment où le Fils de Dieu assume la durée d'une vie, emprunte au temps des hommes trente-trois années pour les vivre. Mais parce qu'il les a empruntées au temps des hommes, il les rend aux hommes avec son temps à lui, qui est un temps indivisible, éternel (NB 6,69).

 

164. Le "début" et la "fin" de l’éternité

On pourrait parler du "début de l'éternité" et de "fin de l'éternité", mais avec la conscience que ce sont des concepts impropres. Car l'éternité est toujours (NB 3,284).

 

165. L’éternité : une super-durée

L'éternité est une super-durée (Überdauer) dans laquelle ne se passe que la volonté du Père, qui est aussi la volonté du Fils et de l'Esprit (NB 10, n. 2177).

 

166. L’éternel : quelque chose qui est au-delà du temps

Marie a toujours vécu dans une parfaite disponibilité ; sa disponibilité n'a rien d'abstrait, elle n'est pas prête seulement pour un cas qui surviendrait éventuellement, elle est constamment adaptée à ce qui est plus grand, elle est exactement prête pour ce qui se présente. Elle ne se réserve pas pour quelque chose qui viendra, que ce soit quelque chose qu'elle connaît ou quelque chose qui lui est voilé, elle s'engage toujours totalement : aussi bien dans l'instant présent que pour ce qui se présentera plus tard. Par là, elle reçoit par le présent une expérience tout à fait certaine : c'est la présence de quelque chose qui est au-delà du temps. Ce qui se passe pour elle est compris dans la profondeur d'une Providence éternelle, cela ne peut pas se détacher de ce qui était et de ce qui vient, cela s'insère dans l'obéissance indivisible qu'elle offre (NB 6,19-20).

 

167. Les mesures de l’éternité

Quand Dieu arrive dans le monde afin de souffrir pour nous, il apporte avec lui les mesures de l'éternité : il se met à la disposition de la croix avec la puissance de l'amour éternel et il éprouve en tant qu'homme une souffrance démesurée qui correspond à sa divinité et à son amour divin. Ce n'est pas le motif de la croix, le péché, qui détermine la mesure de la souffrance, c'est la volonté de Dieu de nous sauver pour que nous allions vers son amour infini (NB 6,330).

 

168. L’éternité : une promesse énorme

L’éternité et la rédemption sont des choses réellement infinies, elles sont le miroir de la grandeur de Dieu, elles sont au fond une promesse énorme (NB 4,89).

 

169. Apprendre à connaître l’éternité de Dieu

Dans la suite des jours, l’homme créé par Dieu (Adam) apprend à connaître l'éternité de Dieu qui accompagne et réalise tout changement. Du fait que Dieu lui fasse bon accueil, les deux choses - ce qui est changeant et ce qui est immuable - reçoivent leur sens. L'homme limité, qui vit dans ce qui est limité, est cependant créé par Dieu, devant Dieu, pour Dieu, et tout le fini est pour lui occasion et préparation de relations avec Dieu. L'homme n'est pas créé par Dieu pour être abandonné, il est placé par Dieu dans un monde qu'il a créé (NB 6,50).

 

170. Le ciel : l’infini du Père et la vie éternelle

Si la terre, conformément à sa nature, est le domaine du fini et de ce qui est limité, le ciel n'est pas ce domaine, c'est justement pourquoi il n'est pas quelque chose de clos sur lui-même et de fini. Il y a en lui tout l'espace pour l'infini du Père et pour la vie éternelle (NB 6,61).

 

171. Le point de vue de l’éternité, c’est Dieu

Si l’Église sait que Dieu Trinité agit en elle, elle doit se placer elle-même à un point de vue d'éternité et là, en Dieu, toute expression de la vie trinitaire est amour (NB 6,495).

 

172. L’être et le devenir en Dieu

Dieu est, Dieu Trinité est, et ce qui en lui est "devenir" est le signe qu'il est éternellement vivant. Le Père engendre éternellement le Fils mais, dans l'engendrement, le Fils ne "devient" pas, il est. Le "devenir" en Dieu est confirmation de son être. C'est aussi parce que Dieu est immuable que le caractère vivant de son "devenir" ne peut être rien d'autre que son être. Toutes les relations des personnes sont celles de l'être parfait, celles de l'immanence (Insein) dans l'être commun (NB 6,104-105).

 

173. Rien d'éphémère n'altère la vie éternelle (NB 6,49).

 

174. Le lieu de Dieu est aussi bien le ciel éternel que la terre temporelle (NB 6,51).

 

175. La vie temporelle est recueillie dans la vie éternelle. Ce qui est temporel n'est pas anéanti, mais cela ne reste pas temporel plus longtemps (NB 6,57).

 

176. L'infini du royaume du Père doit déborder les limites du royaume terrestre (NB 5,84).

 

177. L'éternité inclut le terrestre (NB 1/2,152).

 

178. Monde terrestre et monde céleste

Deux mondes se rencontrent : le monde terrestre et le monde céleste. C'est ainsi que surgit la question du fini et de l'infini. Comment les deux mondes s'accordent-ils ? Qu'en est-il de l'influence du ciel sur la terre, de la terre sur le ciel ? Dans ce qu'on connaît on cherche des comparaisons, on sait cependant que chaque image, chaque comparaison a sa place sur une courbe parabolique qui renvoie à l'éternel et à l'infini, et qu'on est emporté d'image en image, de ce qui est le plus connu jusqu'à ce qui n'est que deviné et au-delà, jusqu'à ce qui n'est pas visible, jusqu'à l'incompréhensible, finalement jusqu'à ce qui est totalement inconnu, qui n'appartient plus qu'à Dieu et se passe dans son royaume (NB 6,58-59).

 

179. Tout le passé reste présent dans la vie éternelle

La vie éternelle est comme la somme de toute la mémoire, mais son contenu n'est en rien du passé ; elle est une capacité d'accueil, extensible à l'infini, de tout ce qui est rassemblé dans le présent de l'éternité (NB 6,307).

 

180. Au ciel, nous ne perdrons pas le sens du temps (NB 9, n. 1397).

 

181. Les dispositions terrestres et le ciel

Arrive au ciel quelqu'un qui a aimé la Mère de Dieu, qui a vénéré la petite Thérèse, il a aimé le chocolat ; le plus important pour lui était de pouvoir communiquer à d'autres ce qu'il goûtait lui-même, etc. C'était aussi un pécheur et on lui a pardonné. Il arrive maintenant au ciel à peu près comme il était. Ce qu'il trouve là n'est pas en contradiction avec ses qualités terrestres, il n'a pas besoin d'abandonner ses dispositions, ses passions favorites, etc. ; mais tout est réalisé d'une manière à laquelle il ne s'attendait pas. Beaucoup de religieuses ont par exemple l'idée que chacune d'elles est une épouse du Christ ; elles ont renoncé au mariage et s'attendent à un certain mariage céleste avec le Christ, leur époux. Cent mille. Vu de la terre, c'est fort étrange. Mais au ciel, c'est élevé dans une tout autre sphère ; ce qui est personnel réside maintenant dans le fait que le Seigneur lui-même m'a choisi, m'a préparé et assigné une place où aboutissent toutes les représentations terrestres limitées (NB 4,185).

 

182. Vie terrestre et vie éternelle

On ne doit pas oublier que nous considérons toujours le salut de notre âme et notre vie éternelle à partir de notre point de vue terrestre actuel. Mais notre vie terrestre nous appartient tandis que notre vie éternelle appartient à Dieu si bien que nous pouvons disposer plus facilement de notre vie éternelle que de notre vie terrestre, car nous savons que Dieu interviendra sans doute alors (NB 4,416-417).

 

183. Les mots pour décrire l'éternité !

Le ciel, c'est un événement perpétuel, ce n'est pas quelque chose qui passe. Et quand, venant du temps, nous sommes transportés là, aucune reconstitution du temps n'est possible : nous pensons parfois être partis un instant et, sur terre, des heures sont passées ; d'autres fois nous avons assisté à une foule d'événements, nous pensons que bien des jours du temps de ce monde ne pourraient pas les contenir et il ne s'est passé que quelques minutes. A vrai dire cette question de l'accord des temps ne peut nous occuper qu'ici-bas, car au ciel elle n'existe pas. Ici tout est tellement accord que la question est totalement absente. Tout est toujours adapté d'avance au temps éternel, infini. Et même si nous parlons de temps éternel - un temps qui aurait commencé de toute éternité et qui durerait éternellement -, nous parlons de manière terrestre parce que la durée éternelle est différente. Nous ne pouvons pas la rapporter à notre temps pour apprendre quelque chose par cette comparaison, nous n'avons par conséquent ni les concepts ni les mots pour décrire l'éternité. Il y a en elle une élasticité que nous ne connaissons pas du tout ici-bas, également une curieuse coïncidence du toujours-ici avec le toujours-maintenant. L'espace et le temps se touchent tout autrement qu'ici-bas. De même aussi tout ce que nous faisons et recevons, tout ce que nous communiquons et apprenons, notre adoration et notre contemplation, tout est tout à fait autrement qu'ici-bas. Tout dépasse les limites de la finitude, non comme un fleuve qui déborde, mais dans ce sens que la vie passe de notre forme qui est petite à la forme incommensurable donnée par Dieu. Dieu Trinité nous attire à lui, dans la forme de son existence divine (NB 6,74).

 

184. Comment dire l’éternité ?

Dans l'éternité, la succession des temps ne compte pas, l'avant et l'après ne comptent pas. Le passé et l'avenir coïncident dans le présent de telle sorte que l'un n'est pas réduit par l'autre ; au contraire ce qui se produit, c'est une croissance mutuelle. Tout le bien est visible comme ne faisant qu'un sans qu'on ait dû attendre quelque chose, tout se réunit dans une plénitude infinie : la beauté particulière de l'attente et la beauté particulière de l'accueil (NB 6,306-307).

 

185. Une image de la vie éternelle : la mer

La mer est une image de la vie éternelle. Elle ne coule pas, elle s'étend toujours plus loin de tout côté. Elle est toujours différente et pourtant toujours belle et toujours plénitude (NB 7,254).

 

186. La meilleure image de la vie éternelle

Au ciel, il y a l'Esprit éternel qui unit le Père éternel au Fils éternel. Entre eux, il est l'amour qui non seulement joue pour eux le rôle de lien, mais il procède des deux. C'est en partant de là qu'on peut se faire peut-être la meilleure image de la vie éternelle, parce que l'Esprit tourne entre le Père et le Fils et, du fait qu'en tournant il va et vient en même temps, il montre aussi qu'il n'a ni commencement ni fin. On ne peut pas l'empêcher de se répandre. Et dans le fait qu'il se répand, on peut distinguer deux aspects : l'être de l'Esprit en tant que relation entre le Père et le Fils, et l'être de l'Esprit dans l'acte de sa sortie et de son retour. L'Esprit est donc être et devenir, il reste et il part, il demeure et il est acte qui ne cesse d'être posé. Ainsi en est-il de l'Esprit dans la vie éternelle (NB 6,441).

 

187. Imaginer l’éternel

Deux mondes se rencontrent : le monde terrestre et le monde céleste, comme dans un kaléidoscope : des petites pièces isolées qui ensemble donnent une figure. Une image. Dans la figure, les limites des deux mondes ne sont plus sensibles, on ne peut pas dire où commence l'un et où l'autre se termine. C'est ainsi que surgit la question du fini et de l'infini. Comment les deux mondes s'accordent-ils ? Qu'en est-il de l'influence du ciel sur la terre, de la terre sur le ciel ? Le fini ne serait-il qu'une projection, la feuille d'un arbre presque dépouillé, qui est secouée par le vent et qui montre des contours étranges qui ne cessent de changer d'apparence ? Si on ne savait pas que c'est une feuille, on pourrait penser que c'est un oiseau, un doigt, autre chose. Et dans ce qu'on connaît on cherche des comparaisons, on ne cherche pas dans ce qu'on ne connaît pas ; on sait cependant que chaque image, chaque comparaison a sa place sur une courbe parabolique qui renvoie à l'éternel et à l'infini, et qu'on est emporté d'image en image, de ce qui est le plus connu jusqu'à ce qui n'est que deviné et au-delà, jusqu'à ce qui n'est pas visible, jusqu'à l'incompréhensible, finalement jusqu'à ce qui est totalement inconnu, qui n'appartient plus qu'à Dieu et se passe dans son royaume (NB 6,58-59).

 

188. Se représenter l’éternité

Dans un jet d'eau, ce qui jaillit, c'est sa source, et quand le jet d'eau a accompli sa course vers le haut et vers le bas, il rentre dans l'eau ordinaire. Quand j'étais enfant, je pensais toujours : ainsi en est-il de notre vie sur terre et de notre entrée dans l'éternité. La vie a une forme, mais elle est toujours déjà passée quand on la saisit. Si on a de la chance, il y a peut-être, quand on regarde le jet d'eau, quelque chose qui ressemble à l'existence. Le jet, on le voit continuellement. Mais au fond il n'a pas réellement d'existence. L'existence humaine de l'homme se répète toujours dans ce perpétuel mouvement de montée et de descente, mais justement la personnalité que je suis à présent ne se répète pas. Il y a l'endroit où l'on voit exactement comment l'eau qui descend tombe sur le plan d'eau au repos : un peu de mouvement, puis elle est absorbée, assimilée par l'éternité. Un instant, on peut suivre l'absorption, puis pour l'œil tout est à nouveau uniforme. Quand j'étais enfant, je pensais toujours : étrange, je peux discerner ce qui coule, ce qui est temporel, mais l'eau dans le bassin, ce qui est éternel, je ne le peux plus. Mais dans l'éternité, on doit pouvoir le faire. Dieu le peut. Pour Dieu, chaque goutte d'eau dans le bassin de la fontaine est aussi vivante et discernable que chacune de celles qui se distingue dans le jet d'eau qui monte et qui brille dans le soleil (NB 6,67).

 

189. Comprendre le ciel comme Jean dans l’Apocalypse

Dans l’Apocalypse, Jean voit le ciel comme quelque chose de tout autre qui ne comble pas surtout ce qui est terrestre et le transfigure, mais qui juge et condamne le terrestre et se rapporte à autre chose. Ce qu'il a connu en tant qu'être terrestre, également par les paroles du Seigneur dans la foi, il doit maintenant apprendre à les voir dans l'Esprit. Et à côté de cela il y a des choses qu'il n'a pas connues non plus dans la foi, qui ne sont pas du tout contraires aux paroles du Seigneur, mais qui révèlent de nouveaux mystères qui se trouvaient, sans qu'il s'en doutât, derrière les paroles du Seigneur. Tout ce qu'il voit, entend, sent, touche, connaît, est traversé par des vérités qui lui étaient inconnues et dont il n'avait pas de raison de croire qu'elles existaient. Tout est devenu incommensurable, inattendu, de portée infiniment plus grande, et puis soudain comme rétréci, fixé, mesurable avec une coudée qu'utilise l'ange pour mesurer la Jérusalem céleste. Ses portes peuvent être comptées sur les doigts, et les rues qui entrent par une porte et sortent par l'autre sont plus droites que n'importe quelle rue de village ici-bas. Les concepts et les mots qu'offre le monde aux enfants de Dieu sont beaucoup trop étriqués et trop insuffisants pour rendre et décrire la gloire du ciel (NB 2,202).

 

190. Le ciel de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons

Nous avons une idée de l'être des choses, et même de la Parole de Dieu, mais nous ne pouvons ni la saisir, ni la décrire, ni l'assimiler. Plus une vérité est en Dieu, plus elle est élevée, moins nous pouvons la comprendre. Le ciel de Dieu, tel qu'il est réellement, est aussi élevé au-dessus de nos représentations que le contenu divin de la Parole de Dieu est au-dessus de ce que nous en comprenons (NB 6,40).

 

191. Dans l’éternité, des choses inconcevables

La mystique est donnée pour dilater la vie des chrétiens, pour leur donner part au ciel dès ici-bas sans que cette part leur permette d'en percer tous les secrets. Bien des chrétiens pour qui tout est en règle ici-bas cherchent à se tailler les choses de la Révélation et de l’Église à leur propre mesure, à les rapetisser, à les rendre sans surprises et banales, pour s'installer non seulement ici-bas mais déjà par avance dans l'au-delà, pour se mettre à l'abri de tout imprévu. C'est contre cela surtout que se tourne la mystique. Les choses de Dieu doivent garder la mesure de Dieu. Il faut que toute installation soit ébranlée. La nouveauté de Dieu ne doit pas seulement être annoncée, elle doit être manifeste. Cette nouveauté se trouve toujours dans le ciel et dans l'éternité ; mais déjà les petits aperçus qui en sont accessibles au mystique sont si inattendus et si hors normes que tout croyant comprend que dans l'éternité - qui est toujours plus grande - il faut encore s'attendre à des choses beaucoup plus inconcevables, non avec une vague et molle attente de l'esprit qui consentirait à cette possibilité, mais avec la joyeuse espérance de celui qui est au courant. Chaque parole de la vie éternelle signifie plus que ce qu'on peut en penser et en dire, mais aussi plus que toute vision et toute expérience qui en sont accordées à un homme ici-bas (NB 5,36-37).

 

192. Les découvertes au ciel

Au ciel, on est adapté à la volonté de Dieu. D'une manière parfaite et en même temps si bienheureuse que les désirs et les demandes de celui qui prie sont totalement transformés. Le visage de Dieu est comme dévoilé dans sa voix, dans sa volonté et dans sa direction. Au ciel - pour parler comme la Bible - il y a comme une sorte de forêt vierge ; les voies sont invisibles et pourtant on se déplace au milieu d'une haute végétation avec une totale liberté ; on peut découvrir là un rossignol caché, ici dans l'ombre profonde, une fleur. Pourtant cette marche dans cette densité ne s'effectue pas avec l'illusion que ce n'est pas difficile ou qu'on se déplace comme dans un conte ; c'est Dieu qui nous montre ce qui est caché et nous conduit dans ce but, mais il le fait avec l'accompagnement du ciel tout entier. Et ce qui pourrait paraître un obstacle recèle seulement un surcroît de beauté, mais une fois encore il ne s'agit pas d'une beauté qui ne ferait que nous accabler ou qui serait difficile à atteindre. La joie du découvreur est une joie parfaite sans peine ni fatigue. On est surpris d'une découverte à l'autre ; en fin de compte on ne se réjouit pas seulement du fait que tant de gens se réjouissent avec nous, mais on se réjouit dans un sens qui conduit chaque fois au centre du mystère de Dieu (NB 6,76).

 

193. Dans l’éternité, Dieu ne cesse de se révéler

Même si, dans toute l’éternité, Dieu ne cesse de se révéler et de se donner, de remplir l’adoration et la vision de ses créatures, la prière au ciel est quand même toujours comblée (NB 9, n. 2023).

 

194. Au ciel, notre connaissance de Dieu sera plus grande

Au ciel, la relation de service n'est pas finie ; elle est seulement autre, plus accomplie. Nous devenons participants de Dieu. Les notions de relation persistent, mais élargies à l'infini. C'est ainsi qu'au ciel la distance entre l'homme et Dieu n'est pas supprimée, au contraire la vénération est plus achevée et par là plus profonde. Bien qu'au ciel nous ne soyons plus des pécheurs, mais des enfants de Dieu purs, la distance entre nous et Dieu est encore plus évidente qu'ici-bas. Ce n'est pas non plus le souvenir de notre péché d'autrefois - qui souligne la distance - qui nous empêcherait de sentir une plus grande proximité de Dieu, c'est notre connaissance de Dieu qui sera plus grande et le sens que Dieu est toujours plus grand en sera augmenté au-dessus de tout (NB 11,340).

 

195. Au ciel seulement, une connaissance plus grande d’une sentence du Seigneur

Tant que nous sommes ici-bas, nous ne pourrons jamais mesurer pleinement la portée d'une seule sentence du Seigneur. Nous voyons un reflet. Dans ce qu'il dit, nous voyons une vérité, nous l'ajoutons à d'autres, mais la vérité en sa totalité n'est qu'en Dieu. Nous voyons des fragments qui proviennent tous de la vérité, nous ne voyons pas l'ensemble. Comme pour un puzzle, nous pouvons mettre ensemble les morceaux de même couleur, chacun de nous travaille à une partie de l'ensemble du tableau. Ce n'est qu'au ciel que nous verrons le tableau achevé ou mieux, il nous sera permis de regarder en direction de la vérité parfaite : elle sera dévoilée et pourtant insaisissable (NB 6,408).

 

"Je suis la lumière du monde", "Je suis la vérité" : des paroles de ce genre, à peine compréhensibles ici-bas, déploient leur contenu dans le ciel ; ici-bas, seul le thème est donné, au ciel toute la phrase est passée (NB 6,415).

 

196. Au ciel, des voiles seront un peu levés

Ici-bas, nous ne savons ni ce qu'est Dieu, ni ce qu'est l'homme, ni ce qu'est l'acte créateur de Dieu qui engendre l'homme, ni pourquoi l'homme n'est pas bon si Dieu l'a créé bon. Au ciel, ces voiles seront un peu levés, nous verrons en Dieu comment l'homme était pensé et, en l'homme, comme Dieu se révèle en lui. Le mystère du Christ, qui est Dieu et homme, et qui guide notre foi ici-bas, restera au ciel ce centre qui éclairera toute chose (NB 6,565).

 

197. Profondeurs inaccessibles de l’éternel, sauf si Dieu enlève le voile

Ce qui est propre au Fils appartient au Père. Et Dieu seul sait ce qu'est la Parole divine, le contenu qu'elle a ; lui seul la voit nue et infinie et éternelle, dans sa portée divine illimitée. Et ces profondeurs de la Parole qui nous restent inaccessibles, il se peut d'ailleurs qu'elles ne soient pas exprimées ; elles font partie du silence de Dieu et de son mystère trinitaire, elles font partie de ce qui est issu de l'être de Dieu pour les autres personnes divines et n'ont de sens que pour elles, si bien que nous ne les percevons pas. Cette Parole secrète, qui n'est perceptible que dans l'échange divin en Dieu, pour Dieu, par Dieu, appartient au mystère du toujours-plus divin. Mais il peut se faire que Dieu enlève tout à coup un voile pour nous montrer l'une de ses paroles dans toute sa profondeur (NB 6,38).

 

198. Des mystères qui restent réservés pour l'éternité

S'il est vrai que toute la mystique chrétienne a le Christ comme point de départ, il est clair qu'aux orants qu'il a choisis il ne transmet pas seulement, par une communication directe de ses mystères, des choses de sa vie qu'on voit et qu'on comprend, mais tout autant sa relation cachée au Père et à l'Esprit. Cette communication pourtant demeure voilée, car elle contient des mystères qui restent réservés pour l'éternité. Des mystères qui doivent rester inépuisables et qui pourtant ne peuvent pas être totalement mis de côté en tant qu’intangibles (NB 5,119-120).

 

199. Dieu possède des mystères remplis de joie, qu’il veut nous communiquer

Tant que la foi n'est qu'une sorte de devoir inculqué, il y a après la prière un soulagement qui provient du sentiment naturel du devoir accompli. Mais dès que Dieu touche véritablement un croyant et que celui-ci a su qu'il a réellement affaire à Dieu dans la prière, que Dieu s'adresse à lui personnellement - qu'il se sache requis par Dieu, ou qu'il comprenne que Dieu se laisse appeler et qu'il vient en aide à qui a besoin de lui, ou que Dieu possède des mystères remplis de joie qu'il veut nous communiquer -, alors tout change (NB 6,574).

 

200. La révélation de certains mystères du Christ est réservée à la vie éternelle

Parce que le Christ aime son épouse, l’Église, parce qu'il l'aime publiquement en montrant son amour à tous les croyants, parce qu'il est le Dieu infini qui s'est choisi son épouse pour toujours et qu'il est une personne de la Trinité divine, non seulement des possibilités immenses d'amour sont ouvertes mais aussi, en lui, des mystères innombrables qui ne peuvent être révélés en partie que comme mystères. Pour qu'on puisse les deviner, ils sont un peu dévoilés, mais leur révélation est réservée à la vie éternelle (NB 12,50).

 

201. Ce qu’on voit au ciel et ce qu’on ne voit pas

La Mère se distingue au milieu du ciel. On ne voit pas le Fils, mais il est partout présent avec le Père et l'Esprit (NB 4,338).

 

202. Au ciel, les bienheureux ne savent pas tout

Les bienheureux au ciel ne savent pas tout non plus et, ce qu’ils savent, souvent ils ne sont pas en mesure de l’utiliser pour leurs missions (NB 9, n. 1314).

 

203. Dieu veut partager sa vie éternelle

Dieu ici-bas, en tant que Fils de l'homme et en tant qu'Esprit dans l’Église, se communique à profusion. Ce qui est communiqué provient directement du ciel, c'est ce qui constitue la plénitude de Dieu, ce qui le distingue de nous, ses créatures, dans la perfection de sa vie éternelle, mais qu'il ne veut pas garder pour lui tout seul : il le tient à notre disposition. C'est ainsi que l'Esprit devient ici-bas le médiateur des dons célestes que Dieu possède et crée pour nous, et qu'il veut partager (NB 6,442).

 

204. Faire participer les hommes au dialogue trinitaire

Toute l'organisation du salut par Dieu - incarnation du Fils, vocation des apôtres, envoi de l'Esprit, fondation de l’Église, organisation des formes d'ordres - est clairement destiné au but originel de Dieu : faire participer les hommes au dialogue trinitaire (NB 6,546-547).

 

205. Le Père veut introduire sa création dans le mouvement trinitaire éternel

De même que le Fils et l'Esprit sont dans un mouvement éternel qui sort du Père et retourne au Père, de même le Père veut introduire sa création dans ce mouvement trinitaire et, en envoyant son Fils et l'Esprit, il ouvre au monde ce mouvement éternel. Chaque jour où, en tant que chrétien, je ne grandis pas vers Dieu est pour moi un jour de mort ; mais je peux grandir parce que Dieu se communique à moi chaque jour de manière trinitaire (NB 6,87).

 

206. Ce qui est le mieux pour notre salut

Peu importe que l'éternel se voile ou se dévoile davantage dans une action particulière ; Dieu agit toujours pour que ce soit le mieux pour notre salut (NB 6,99).

 

207. Dieu prépare dans le ciel pour le croyant une place d’amour

Quand on dit : "Dieu est amour", on exprime sans doute une idée humaine, mais Dieu, qui entend cette phrase, la remplit, fait qu'elle a en lui un effet, il réalise quelque chose à cause de cette phrase : comme s'il était obligé de ne causer dans le croyant aucune désillusion. Il prépare dans le ciel pour le croyant une place d'amour, une place toute personnelle, et cela en raison de la foi (NB 6,308).

 

208. Au ciel, nous savons toujours exactement ce que Dieu veut (NB 11,311).

 

209. Au ciel, nous serons totalement tels que Dieu nous a projetés. Là il nous aura introduit totalement en lui (NB 6,107-108).

 

210. Au ciel, l’Église correspondra totalement à l’idée que Dieu a d’elle

Quand l’Église ne sera plus dans le temps mais dans l'éternité et que sa relation au Seigneur ne sera plus remise en cause par rien, elle se laissera diriger de manière parfaite, elle correspondra totalement à l'idée que Dieu a d'elle (NB 12,41).

 

211. Au ciel, l’homme apparaîtra dans sa vraie nature, on verra pourquoi il a été créé

Ce qu'est l'homme, on ne le saisit que lorsqu'on connaît sa fonction. Ce n'est qu'au ciel que sa fonction est formée avec clarté et précision. Tout ce qui nous tient à distance de la louange, de la vénération et du service sera supprimé et disparaîtra. Ici-bas, personne ne peut vivre dans la pauvreté parfaite : je peux distribuer mes biens, mais je dois garder quelque chose pour pouvoir vivre. J'ai besoin, il est vrai, de ce peu pour accomplir mon service et je le tiens à la disposition de Dieu et du prochain aussi bien que je le peux. Je ne peux cependant pas vivre sans faire de réserves. Au ciel, il n'y a plus de réserves. Chacun peut tout donner à Dieu et au prochain. Dans la virginité non plus, la dernière pureté ne peut pas encore être atteinte ici-bas, et l'obéissance connaît une certaine tension avec ma volonté propre, ce qui est une conséquence du péché originel. Ce n'est que lorsque tous ces liens et toutes ces impuretés seront brûlés que l'homme apparaîtra dans sa vraie nature : comme ce pour quoi il a été créé (NB 11,343).

 

212. Le royaume : la place où le monde recevra tout l'amour du Père

Le royaume de ce monde et le royaume des cieux doivent se trouver l'un l'autre ; tout ce que Dieu Trinité a produit à l'extérieur est intégré dans le cercle interne de la vie trinitaire éternelle. C'est le Fils qui a été chercher le monde et qui lui indique la place où il recevra tout l'amour du Père (NB 10, n. 2175).

 

213. L’éternité : avoir sa main dans la main du Seigneur

Adrienne au P. Balthasar ; “Vous ne savez pas combien il est beau de pouvoir mettre la main de quelqu’un dans la main du Seigneur. Pendant toute l’éternité, je ne voudrais rien faire d’autre” (NB 8, n. 1034).

 

214. Béatitude éternelle : notre désir se porte vers Dieu comme vers un ami

Nous ne savons pas au fond ce qu'est le salut de notre âme. Nous l'imaginons comme un beau prolongement de notre petite vie bourgeoise d'ici-bas. Nous nous mettons ainsi au centre et, à partir de là, nous prévoyons ce que pourrait être la satisfaction de nos désirs. Mais le salut de l’âme sera au contraire notre service absolu. Celui qui sert ne veut que ce que veut le Seigneur. Et la béatitude éternelle sera la pure participation à ce que Dieu lui-même accomplit avec joie et bonheur. Nous savons certes que Dieu est amour, qu'il possède tout ce que nous n'avons pas et ne savons pas. Et notre désir se porte vers lui comme vers un ami que nous admirons parce qu'il a beaucoup de choses, qu'il sait ce qui nous manque, et nous pouvons jouir de son amitié. Mais une vue de ce genre reste humainement limitée. C'est inévitable ici-bas si nous devons finalement percevoir quelque chose de Dieu. Le commandement de l'amour du prochain, que le Christ édicte, est le véritable accès qu'il a créé pour que nous fassions l'expérience de l'amour de Dieu : il nous donne par là une possibilité d'exprimer notre amour pour lui. Si un homme veut expliquer à un autre ce qu'est Dieu pour lui, il cherchera à donner aux mots plus de poids qu'ils n'en ont par eux-mêmes, à les faire apparaître plus remplis de grâce. L'homme que nous admirons, nous le mettons en opposition à ce que nous sommes ; nous l'admirons d'autant plus qu'il a plus de choses que nous et qu'il est capable de plus que nous. Et Dieu a tout ce que nous n'avons pas. C'est pourquoi nous l’admirons en comparant le tout au rien (NB 11,341-342).

 

215. Au ciel, tous ont part au don éternel entre le Père, le Fils et l'Esprit

Dieu a tout ce que nous n'avons pas. C'est pourquoi nous l’admirons en comparant le tout au rien. Le "salut de l'âme", la réalisation véritable de la louange, de la vénération et du service, consistera dans le fait que nous ne serons plus liés à ce genre d'idées pour voir Dieu et le satisfaire. Nous recevrons de nouvelles idées qui proviendront totalement de Dieu. Non que les anciennes idées seraient supprimées comme si notre personnalité serait à effacer, mais toutes les idées anciennes auront part à la vie nouvelle que Dieu mettra en nous. Nous n'aurons plus besoin des détours décrivant les relations terrestres et de leur faire dépasser leurs limites pour donner une idée de Dieu. Au contraire, à l'inverse, la relation d'homme à homme sera maintenant une fonction et un résultat et une conséquence d'une relation à Dieu. Au ciel, une déclaration d'amour d'homme à homme sera une déclaration de ce que celui qui aime reçoit immédiatement de Dieu. La meilleure chose qu'un homme ici-bas peut attendre d'un autre est que celui-ci le conduise à Dieu. La meilleure chose qu'au ciel il peut attendre de lui est qu'il lui amène Dieu. Bien qu'au ciel chacun ait tout, tous les biens demeurent pourtant comme dans un mouvement perpétuel : chacun peut tout donner, car tous ont part au don éternel entre le Père, le Fils et l'Esprit (NB 11,342).

 

216. Il est offert à l’homme de participer à la vie éternelle de Dieu

Non seulement il est offert à l'homme de participer à la vie éternelle de Dieu, mais Dieu veut partager un corps terrestre, un corps humain. Dieu ne se montre pas à l'homme dans cette sphère pour souligner les limites entre le ciel et la terre, mais pour que l'homme se délecte du flux éternel de l'amour divin : soit que l'homme en choisisse quelque chose, soit que Dieu tienne quelque chose à sa disposition et le conduise à un mystère donné. On ne peut pas dire de cette mer de mystères qu'ils sont des "variantes de l'amour", car de tout point s'ouvrent des portes sur l'infini, tout est extension et renouvellement de l'amour dans son ensemble. Le toujours nouveau qui ne cesse d'être montré renvoie à de nouveaux horizons (NB 12,50-51).

 

217. Participer à la vie éternelle, c’est participer à la vie du Fils (NB 9, n. 1272).

 

218. L'Esprit et le Fils ont attaché indissolublement le monde au ciel du Père (NB 10, n. 2116).

 

219. Le ciel : trouver sa joie en Dieu Trinité

Trouver sa joie en Dieu Trinité, le Fils en a naturellement fait l'expérience de la meilleure manière qui soit et il nous communique ici-bas un pressentiment de ce que peut être dans le ciel la joie de Dieu Trinité. Mais qu'il trouve sa joie en Dieu inclut qu'il trouve sa joie en toutes les créatures qu'il a reçues de Dieu le Père, puisque que toutes ont été créées pour lui, même celles qui sont maintenant infidèles à leur destination. Ce que le Père lui a offert de plus précieux, c'est sa Mère, et rien que par amour pour elle toutes les choses qui lui appartiennent en quelque sorte lui paraissent encore plus dignes d'être aimées (NB 6,575-576).

 

220. Joie toujours nouvelle

Le ciel est présence et adoration, réponse à toute question, entrée dans une joie toujours nouvelle (NB 6,71).

 

221. Une béatitude sans la Trinité n'a rien à voir avec Dieu (NB 4,43).

 

222. Le royaume des cieux : être dans la béatitude de Dieu

Le problème de savoir comment les saints, dans le royaume des cieux, peuvent tout à la fois être dans la béatitude de Dieu et avoir part aux détresses des hommes sur terre reçoit sa réponse par le feu de Dieu. La question de savoir s'ils souffrent ou non est mal posée. Pour les saints, la souffrance du monde est intégrée dans l'amour de Dieu (NB 10, n. 2287).

 

223. Au ciel, nous verrons Dieu

Au ciel, nous verrons et nous connaîtrons Dieu. Le début de cette connaissance se trouve au purgatoire. Quand on a fini d’y brûler, on est mûr pour la vision de Dieu. On fait déjà l'expérience de Dieu avec une telle proximité qu'elle est la porte de la vision (NB6,384).

 

224. Dans la vie éternelle, nous verrons le Père dans le Fils

Dans la vie éternelle nous verrons le Père dans le Fils, avec les yeux que le Fils nous a ouverts et que l'Esprit illumine. Ce que nous serons, ce que le Père, le Fils et l'Esprit auront fait de nous, nous rendra capables de contempler l'unité de la lumière trinitaire(NB 6,118).

 

225. Le ciel et le mystère de Dieu

Dans le ciel non plus on ne pénètre pas directement dans le mystère de Dieu (NB 6,65).

 

226. Au ciel, dans l’attente incessante du Père

Au ciel, Marie doit avoir une certaine vision du Père du ciel, qui tend à faire d'elle la médiatrice entre lui et la terre. Elle est au ciel devant le Père comme celle qui ne cesse d'attendre du Père qu'il lui offre son Fils. Sa maternité terrestre, sa grossesse, l'enfantement de l'enfant ne sont pas au ciel du passé, quelque chose qui est terminé. Car elle ne doit pas seulement transmettre au monde la grâce sous la forme de la maternité, elle doit aussi pouvoir offrir aux hommes toute l'attente qu'elle nourrit à l'égard du Père afin qu'ils l'attendent d'elle au fond (NB 6, 567-568).

 

227. Dans une attente éternelle devant le Père

Au ciel, Marie se comporte comme une sainte parmi d'autres. C'est ainsi qu'elle se montre, mais les saints savent très bien qu'elle est au-dessus d'eux. Elle remplit la tâche indispensable d'enrichir les saints. "Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait" : la Mère s'emploie maintenant à mettre en œuvre ce commandement démesuré de son Fils, on est toujours en marche vers la perfection du Père et on le sera durant toute l'éternité en étant devant Père dans une attente éternelle. Le désir de Dieu Trinité de nous voir parfaits sera maintenant notre désir aussi ; la perfection de Dieu sera toujours devant nous comme le but à atteindre, sans que nous nous demandions encore si nous sommes plus près ou plus loin de lui. Marie encourage cette attitude. Car quand ici-bas le Fils lui a été donné, elle a reçu la perfection divine, et pourtant il ne vient à la pensée de personne de dire qu'elle est aussi parfaite que le Père du ciel (NB 6,568-569).

 

228. Le ciel tout entier est en marche vers Dieu

Au ciel on ne cesse de tendre à la vision ; mais on est si attaché à Dieu que le désir personnel qu'on a d'en voir davantage de Dieu disparaît totalement dans le désir de ne voir que ce que Dieu nous montre. L'aspiration à Dieu est sans ambition, c'est une marche en avant sans faire de pas. On voit souvent des petits enfants qui sautent ensemble en se donnant la main ; l'un est un peu en avant, l'autre un demi pas en arrière, mais on n'a pas l'impression que l'un gêne l'autre, ou qu'il est plus tiré qu'il ne le souhaite, on tire et on est tiré dans une entente parfaite. Il y a quelque chose de semblable dans le ciel tout entier qui est en marche vers Dieu. Dieu tire les saints, mais il ne se sent pas gêné par le fait qu'ils traînent, et les saints n'ont pas l'impression qu'on leur en demande plus qu'ils ne peuvent donner (NB 6,569).

 

229. Au ciel, le Fils incarné est au centre de l’atmosphère d’amour : tout va vers le Père

Quand on arrive au ciel et qu'on découvre la vie céleste, on voit clairement que c'est le Fils incarné qui est au centre ; c'est à lui que se réfère toute l'atmosphère d'amour. il s'agit presque de participer à un jeu qu'on ne comprend pas, il est seulement demandé qu'on soit là et qu'on joue avec les autres. La question n'est pas du tout soulevée de savoir comment je peux être comme eux. La réponse est donnée à l'instant où on est là et où on participe. On comprend alors que c'est l'Esprit Saint qui donne cette atmosphère d'ouverture aux autres. Elle est personnifiée par le Fils, mais communiquée par l'Esprit ; et ensuite tout va vers le Père que nous ne voyons pas. Mais que nous ne le voyons pas ne fait pas problème, car nous savons que le Fils le voit. Et ainsi nous devons aller vers le Fils avec l'Esprit, et c'est par les deux que nous sommes présentés au Père. Cela aussi est mystérieux, car on ne voit pas cette présentation, on n'a pas de mots pour la dire, mais on fait l'expérience d'une ouverture. On a part à l'ouverture du Fils et de l'Esprit sans en voir une vue d'ensemble (NB 6,571-572).

 

230. Au ciel : ensemble vers le Père

Au ciel, la règle du jeu dit qu'on est semblable à tous les autres, de même que tous sont semblables à nous. C'est le Fils et l'Esprit qui nous tirent tous ensemble vers le Père. Et en allant tous ensemble vers le Père, personne n'a d'avantage ; du moins personne ne montre qu'il en a, car au ciel il n'est pas du tout question de se vanter (NB 6,572).

 

231. Au ciel, on ne voit pas le Père

Dans le ciel, le Père est présent. On ne le voit pas, mais on sait qu’il est là. Et de le savoir vous remplit totalement. On sait aussi que le Fils le voit (NB 9, n. 1799).

 

232. Au ciel, on ne voit pas le Père, mais on n’a jamais le sentiment d’un manque

Dans le Fils il y a une vision si inouïe du Père qu'au ciel on n'a à aucun moment le sentiment d'être privé de cette vision, même si on ne voit pas le Père. "Qui me voit voit le Père". On doit justement réfléchir pour découvrir qu'on ne voit pas soi-même le Père. Il ne reste aucun espace vide, on ne trouve pas qu'il manque quelque chose. A vrai dire, on n'a jamais au ciel le sentiment d'un manque (NB 1/2,272).

 

233. Au ciel : vision de Dieu ?

Au ciel, on ne voit pas Dieu du tout, mais tout se sait rempli de lui. Et on a le sentiment qu’on ne devrait faire que deux pas ou un pas en direction de Dieu pour percer le voile très fin qui nous sépare encore de lui (NB 9, n. 1130).

 

234. Voir Dieu dans sa grandeur et tout proche de nous

Le péché de l'homme est comme quelque chose qui se trouve sur son front et l'empêche de regarder en haut vers le ciel. Ses yeux ne sont alors capables que de chercher à regarder sous ce quelque chose. Au ciel, cet empêchement - cette sorte d’œillère - sera enlevé et ainsi nous pourrons lever les yeux librement. Nous pourrons alors voir aussi Dieu dans sa grandeur quand il sera tout proche de nous. Et même plus il sera proche de nous, plus il sera élevé au-dessus de nous (NB 11,340-341).

 

235. Les anges vivent dans une vision de Dieu qui les garde et les nourrit (NB 6,41).

 

236. Au ciel, vision de Dieu et désir

La vision de Dieu au ciel n’est jamais quelque chose de terminé, comme si l’accomplissement de mon existence terrestre ne réservait plus rien pour l’éternité. Il y a la plénitude dont on est rendu digne par la vie terrestre et le purgatoire et la rédemption ; mais cette plénitude qui est atteinte n’est pas un point final, elle est un point de départ de la vie céleste. Seulement, au ciel, le désir ne va plus jamais dans le vide ; il va toujours dans une nouvelle plénitude (NB 9, n. 1562).

 

237. Au ciel, il y a des différences dans la vision de Dieu

Au ciel, il y a sûrement une différence dans la vision de Dieu entre les saints et les autres rachetés (NB 9,1799).

 

238. Dans l’éternité, sans cesse de nouveaux aspects de la vision de Dieu

Au ciel, la rencontre avec l'autre personne sera quelque chose de tout nouveau ; il est impossible qu'elle n'aurait rien à nous dire, car elle vit tellement en Dieu qu'elle a éternellement à communiquer ce que Dieu lui donne et ce qui est toujours sa touche personnelle. Rien d'indifférent n'est échangé, ni rien de trop connu, et aucun dialogue ne peut éloigner de Dieu, chacun révèle sur lui quelque chose de nouveau et rend la vision de Dieu plus immédiate. Ici-bas nous disons : "Personne n'a jamais vu Dieu" ; il ne s'ouvre à nous que par ses œuvres. Mais au ciel nous le voyons réellement dans ses œuvres ; celles-ci nous parlent de telle manière que nous ne cessons de regarder Dieu avec des sens nouveaux. Et Dieu se communiquera à chacun d'une manière si unique qu'en regardant une créature, nous découvrirons sans cesse de nouveaux aspects de la vision de Dieu. L'abondance des variations sur un thème unique nous l'interprétera et nous l'expliquera à l'infini. Et la relation de Dieu à chaque personne sera elle-même si variée, si inépuisable, qu'elle se répercutera à l'infini et que, dans toute l'éternité, elle ne pourra jamais devenir quelque chose de routinier (NB 6,564).

 

239. La prière a des dimensions d’éternité

Nous prions tournés vers le ciel, et la parole qui semble petite dans notre bouche, reçoit là des dimensions d'éternité : Dieu le Père l'entend comme son Fils (NB 6,21).

 

240. Prier quand on est au ciel

Quand, dans le ciel, on prie le Seigneur lui-même ou l'un ou l'autre saint, l'intention de la prière et son effet se suivent beaucoup plus directement, car là celui qui prie a déjà une vue d'ensemble de ce qui plaît à Dieu, il prie dans le cadre de la volonté divine, c'est pourquoi sa prière a beaucoup plus de droit à être exaucée (NB 6,241).

 

241. L’homme, adorateur de l’amour éternel

De toute éternité l'être humain fut pensé comme adorateur de l'amour éternel (NB 6,522).

 

242. Prière d’adoration dans le ciel

Père, nous nous présentons tous devant ta face pour te remercier. Te remercier pour la vie terrestre que tu nous as donnée à vivre dans l'attente de ta vision. Et tu nous as donné ton Fils, tu nous as communiqué ton Esprit pour nous accompagner et nous montrer le chemin vers toi, le Dieu Trinité. Nous te remercions pour tout le terrestre et aussi parce que tu as tellement attiré à toi notre vie temporelle que maintenant, dans l'éternité, nous pouvons partager ta vie éternelle. Pour tout cela nous te remercions et nous commençons maintenant à t'adorer avec les mots nouveaux de la vie éternelle. Nous voyons comment ton Fils et ton Esprit t'adorent dans l'adoration trinitaire réciproque, dans une adoration qui remplit le ciel depuis les temps les plus reculés ; nous voyons comment la Mère de ton Fils t'adore et comment elle est honorée par le Dieu Trinité, et comment toute la cour céleste, tous les saints, tous les anges, tous les rachetés, t'adorent avec elle. Tous nous montrent que cette adoration n'a pas de fin, qu'il nous est permis de t'aimer sans fin, et que, dans la parfaite plénitude, tout le passé est rendu à nouveau présent dans une splendeur d'amour que nous osions à peine imaginer. Nous-mêmes qui sur terre avons appris avec lenteur et hésitation à te prier et à te servir, nous nous trouvons accueillis comme si notre arrivée au ciel était pour toi, ô Trinité, la conclusion heureuse d'une longue attente, comme si la joie était aussi grande pour toi que pour nous qui arrivons. C'est la joie de l'amour chrétien, c'est la joie de ce que les enfants sont de retour à la maison, qu'ils sont au complet et qu'il ne faut plus les considérer comme absents, mais qu'ils sont là, à la place qui leur était destinée depuis toujours, et c'est pour eux-mêmes une telle joie de l'occuper qu'on ne sait pas où la joie est la plus grande.

Nous te prions, Père, garde-nous dans cette joie de l'arrivée et, pendant toutes les éternités, laisse-nous te dire notre merci - qui est le contenu de notre foi - dans l'adoration à laquelle nous sommes maintenant invités, à laquelle nous appartenons et dont nous ne pouvons plus retomber. Laisse-nous jubiler tous ensemble, laisse-nous contempler tous ensemble, laisse-nous avant tout aimer tous ensemble de l'amour qui vient de toi, qui en toi, Dieu Trinité, est parfait, et qui désormais aussi revient parfaitement à toi parce que, à présent, nous sommes auprès de toi et que nous t'appartenons. Laisse-nous éternellement, avec ton Fils, t'appeler Père dans le sens que l'Esprit donne à ce nom. Amen (NB 1/1,496-497).

 

 

2. LE CIEL, C’EST L’AMOUR

 

243. L'amour du Père remplit le ciel (NB 4,186).

 

Tout l’air du ciel est amour

Au ciel, toutes les relations vont d’âme à âme, rien n’est caché, tout est à découvert. Car tous ceux qui sont au ciel se trouvent effectivement devant la face de Dieu, et parce que Dieu les voit et qu’eux le savent, et qu’eux-mêmes aussi voient Dieu, ils ne font pas la moindre tentative de montrer la vérité autrement qu’elle paraît devant Dieu. Mais il n’y a en cela aucun ennui, tout est événement plein. Il arrive toujours exactement ce que Dieu veut maintenant pour chacun en particulier. Et on n’a plus besoin de s’inquiéter de son propre désir parce qu’il correspond toujours d’avance au désir de Dieu. Si déjà sur cette terre on fait toujours par amour pour quelqu’un ce qu’il désire de nous, combien plus fait-on au ciel par amour de Dieu ce qu’il nous dit. Tout l’air du ciel est tellement amour que chacun fait ce qu’il veut et qu’il demeure cependant relié de la manière la plus étroite à la volonté de Dieu. Il y a ainsi une certaine manière de faire des plans avec Dieu. Et cependant la liberté est infiniment grande. Et tout s’accorde. Quand, sur terre, on chante ensemble un air de la Flûte enchantée et une valse de Strauss, il y a une dissonance. Au ciel, cela sonne merveilleusement juste. Et cette atmosphère d’amour et de sainteté est ce qu’il y a de plus captivant (NB 9, n. 1907).

 

244. La vie éternelle en face de Dieu : un jeu d’amour

Dans la vie éternelle, nous serons en face de Dieu dans une continuelle disponibilité dont il fera un jeu d'amour toujours renouvelé, inlassablement. Dans notre condition mortelle, il y a une tension entre nature et surnature : la nature se fatigue si elle se livre à trop de joie ou à trop de chagrin, elle peut arriver au bout de la tension qu'elle peut supporter là où la disponibilité surnaturelle peut encore continuer. Le corps ressuscité ne connaît plus cette tension. La force qui sortait de Jésus et l'affaiblissait quand il opérait des miracles ici-bas sortira aussi de lui dans le ciel mais sans l'affaiblir, ce sera un éternel épanchement d'amour qui, justement, ne cessera pas de se régénérer en s'épanchant (NB 6,566).

 

245. Dans l’éternité, l’amour est tout

Dans le temps, l'amour est une partie de la vie, il n'est pas toute la vie. Dans l'éternité, il est tout parce que nous n'avons plus rien en propre : ni opinions, ni justifications, ni jugements, qui nous mettent dans une relation théorique avec les choses. Dans l'éternité, on remercie d'emblée pour tout, on ne connaît pas la prudence, comme si une chose pouvait être punition et seulement l'autre amour ; on est convaincu que tout est amour et doit être compris comme amour. La foi subsiste dans l'éternité comme la confiance absolue qu'il ne peut rien y avoir qui ne soit pas amour. Parce que Dieu nous tient, nous n'avons pas besoin de nous attarder à calculer quoi que ce soit anxieusement, nous pouvons nous confier à l'infini. Dans le monde, notre espérance, c'est l'éternité ; dans l'éternité, elle est toujours ce que Dieu donne. Dans l'éternité, foi, amour, espérance coïncident (NB 10, n. 2113).

 

246. L'esprit regarde le royaume de Dieu, l'éternité et l'infini, et il connaît l'amour (NB 6,562).

 

247. L’au-delà : le royaume de l’amour (NB 9, n. 1299).

 

248. Au ciel, purification totale de l’amour

La vie au ciel est la purification totale de l'amour. Ce qu'on a de propre n'est plus là que sous la forme qu'on y a renoncé totalement, qu'on a tout remis à Dieu et surtout que tout a été reçu par Dieu (NB 11,344).

 

249. Au ciel, tout égoïsme est exclu

Au ciel aussi il y a différentes tendances d'esprit, seulement tout égoïsme est exclu (NB 6,567).

 

250. Vie éternelle : de l’amour vivant

Ceux qui s’aiment sont toujours nouveaux et différents les uns pour les autres. Ainsi la foi aimante est capable de porter son regard sur l’être jaillissant de Dieu. Si nous pouvions vivre chaque jour dans l’amour, à la mort, nous serions plus mûrs pour le ciel, nous comprendrions plus vite et d’une manière plus belle comment cette manière d’être se traduit dans la vie éternelle (NB 9, n. 1938).

 

251. Au ciel, l’amour vous inonde

Les différences entre le ciel et la terre vont beaucoup plus loin que les relations de temps et d'espace, elles concernent surtout l'amour. L'Esprit d'amour souffle partout si bien qu'on ne peut pas lui échapper ; c'est l'Esprit de l'amour divin, un amour supérieur devant lequel la créature ne cesse de s'étonner et qui stimule tous ses actes et toutes ses pensées. Ce que veut dire "voir Dieu" est compris plutôt dans le sens qu'au ciel l'amour vous inonde et vous touche si fort, vous accompagne et vous remplit tellement, que tout est entrepris et réalisé par lui. Au ciel, tous sont porteurs d'amour. Ils le portent comme une possession, mais une possession qui est destinée à être échangée, à être continuellement partagée sans jamais être diminuée du fait du partage (NB 6,72-73).

 

252. Au ciel, amour et humilité

Au ciel, chacun sait qu’il est là pour chacun et on voit cela aussi en chacun. Certes on ne peut pas parler au ciel d’embarras, d’indigence, auxquels il serait remédié par l’amour des autres, et cependant on demande tout de suite l’aide de chacun parce que chacun, a priori, a le souhait dominant d’aimer tous les autres. Ainsi l’aide réciproque est-elle là ce qui va le plus de soi, et elle est fondée très fortement sur la singulière humilité céleste ; si, au ciel, je veux t’aider, ce n’est pas avec le sentiment que tu pourrais avoir besoin justement de mon aide ; au contraire, j’ai le sentiment d’avoir besoin de ton aide et, en la demandant, je t’offre tout ce que j’ai. Chacun veut seulement faire valoir l’autre. Et il n’y a là rien de faux ni d’ennuyeux, c’est au contraire très amusant. Et on ne fait pas non plus quelque chose "tout seul de préférence", car on vit dans la communion des saints (NB 9, n. 1912).

 

253. Au ciel, chacun y est à sa place

Le ciel est ainsi fait que chacun y est à sa place, si bien que personne ne s'y fait remarquer et qu'on n'est attentif que lorsque Dieu pose son regard sur quelqu'un ou sur quelque chose, quand une mission particulière est donnée ou qu'il y a une "fête" particulière ; et après cela, tout rentre naturellement dans ce qu'on ne remarque pas, comme si cela allait de soi. Il n'est pas de lieu où moins de pose soit possible qu'au ciel (NB 6,573).

 

254. Au ciel, chacun est transparent pour l'autre

Au ciel, ce que les personnes se communiquent l'une à l'autre se fait d'une manière si parfaitement véridique que cela touche chaque fois le cœur de l'autre et s'impose comme étant la vérité. En ce monde, ce qui est dit doit souvent être soumis à une vérification, au ciel nous sommes placés à un niveau de vérité surnaturelle dans laquelle chacun est transparent pour l'autre (NB 6,68).

 

 

3. LE CIEL, C’EST LES AUTRES

 

255. Le ciel, c’est les autres

Le purgatoire, c'est le moi ; le ciel, c'est les autres (NB 3,97).

 

256. Le ciel : une éternité avec tous les hommes qu'on a connus ici-bas

La pensée d'être, durant une éternité, avec tous les hommes qu'on a connus ici-bas, et qui souvent nous semblaient peu sympathiques ou aussi complètement indifférents, n'a peut-être rien de très enthousiasmant. On sait bien qu'ils seront débarrassés de leurs péchés et qu'ils seront des hommes aimables. Mais on tient trop peu compte du fait qu'ils sortiront purifiés du purgatoire, qu'ils auront vécu, dans l'Esprit Saint par le sacrifice du Fils, une nouvelle naissance qui leur aura rendu l'aspect qu'ils avaient dans le dessein du Père quand il les a créés. Et là, plus rien n'est ennuyeux, tout devient infiniment passionnant. Nous serons tous la réalisation d'une idée unique de Dieu, nous aurons part à ce qu'il y a de toujours plus grand dans le Fils et à ce qu'il y a d'incompréhensible dans l'Esprit Saint, chacun deviendra une personnalité qui peut se faire voir et qui est en même temps ouverte à toutes les autres (NB 6,564).

 

257. Au ciel, nous nous aimerons les uns les autres, en Dieu

Ici-bas, nous voyons avant tout la relation d'homme à homme, et ensuite, d'une manière en quelque sorte secondaire, la relation de chacun avec Dieu. Et nous nous représentons le ciel comme une réalisation de toutes ces relations individuelles avec Dieu. Mais le ciel sera tout autant l'accomplissement de toutes les relations horizontales entre les hommes en faisant ressortir alors vraiment la relation verticale à Dieu qui y était cachée dès le début. La relation horizontale qui nous unit ne sera plus purement humaine, tout sera unité et amour dans le Seigneur. Et la relation au Seigneur ne sera plus une relation privée et timide, elle sera le fondement de notre relation mutuelle de moi à toi. Dans la verticale du Fils tout sera rassemblé comme en une gerbe, c'est dans son amour pour le Père que nous nous aimerons les uns les autres (NB 11,344).

 

258. Au ciel : des frères et des sœurs

Dans le ciel, les personnes ne sont plus pour nous un époux ou un fils mais un frère, non plus une mère ou une fille mais une sœur. Lors de la création de l'homme et de la femme, "Dieu vit que cela était bon". Bon pour ce monde. Mais pour le ciel, ce qui est bon est différent, car là on ne cherche pas à se marier et on n'est pas pris en mariage. Là on est frère et sœur, d'autant plus naturellement que pour tel ou tel il en était déjà ainsi en ce monde (NB 10, n. 2125).

 

259. L’éternité : dialogue et vie

Dans le dialogue éternel, le Père, le Fils et l'Esprit ont d'infinies manières d'entretenir des échanges ; ce n'est jamais une répétition du même. Entre eux coule la vie, et une vie divine illimitée, qui ne cesse de jaillir, neuve, de la source originaire. C'est à cette source inépuisable que les hommes devraient avoir part, et Dieu leur a laissé ouverts beaucoup d'accès (NB 6,547).

 

260. Dans le royaume de Dieu rien n'est "privé" (NB 6,514).

 

261. Le ciel, c’est la communion (NB 3,97).

 

262. La communion entre tous dans le ciel

Dans le ciel, sans doute avons-nous certains traits, mais nous sommes tous aussi les uns dans les autres, parce que nous sommes tous en Dieu. On vit là dans une communion perpétuelle ; c'est plus qu'une fraternité, c'est une unité dans le Seigneur. Ici-bas, on doit faire un choix parmi les initiés, les amoureux. Au ciel, un choix n'est pas nécessaire parce que tout le monde connaît les choses de l'amour. Par cette participation infinie à l'amour qui remplit chacun totalement et le change continuellement, ce qui est personnel n'est pas étouffé ; chacun reste lui-même, mais dans le sens donné par Dieu, parce que tous portent en eux la semence de Dieu (NB 6,305-306).

 

263. N'aspirer au salut que de sa propre personne ?

Dans la communion des saints, il serait impensable et non chrétien pour quelqu'un de ne vouloir être saint que pour soi et en soi, de n'aspirer au salut que de sa propre personne, ce serait tout à fait contraire à la grâce sacramentelle qu'il reçoit (NB 6,500).

 

264. Au ciel, une activité intense

Le ciel n’est pas une absence d’activité mais une activité intense dans et pour l’Église terrestre(NB 8, n. 609).

 

265. Au ciel avec son corps

Il y a quelques nuits, Adrienne a été réellement, pendant un instant, séparée de son corps. Réellement au ciel. Elle sut ce que veut dire le ciel. Je lui demande si elle avait été sans corps Naturellement ceux qui sont dans le ciel avaient aussi leur corps. Mais un corps totalement formé et tenu par l'Esprit. Est-ce que c’était le corps définitif ou est-ce qu'elle peut se douter qu'on devrait attendre encore un "corps de résurrection" ? Non, dit-elle très étonnée, naturellement le corps définitif ! Est-ce qu'elle a vu Marie avec un corps céleste différent de celui des autres ? Non, naturellement non§ Saint Ignace et les autres avaient leur corps définitif aussi bien que la Mère de Dieu et le Christ (NB 8, n. 129).

 

266. La forme du corps dans le ciel

On ne peut pas dire simplement que les bienheureux dans le ciel sont maintenant sans aucun corps. Ils sont en attente et, dans le ciel, toute attente signifie aussi un accomplissement. Ils ont donc une forme de corps qui, pour nous, n’est ni compréhensible, ni exprimable (NB 4,124).

 

267. Le corps avec lequel on est au ciel est une chair avec laquelle on n’a péché en aucune manière (NB 9,1609).

 

268. De la corporéité dans le ciel

Dans le ciel, il y a une joie de la corporéité ; là il n’y a plus rien qui ressemble à la concupiscence et à la pruderie (NB 9, n. 1735).

 

269. Au ciel, l'âme n'est pas sans corporéité (NB 12,248).

 

270. L’âme et le corps au ciel

L'existence dans un corps mortel donne à l'âme toutes sortes de possibilités de pécher. C'est pourquoi le corps doit être puni de mort. Et l'âme séparée du corps, avant de recouvrer son corps terrestre, reçoit une sorte d'accoutumance à ne pas pécher ; sa corporéité céleste ne l'incitera jamais au péché. Si, après la mort, nous étions réunis tout de suite à notre corps, nous devrions toujours nous désoler en nous nous souvenant de tout le mauvais usage que nous avons fait de notre corps contre la loi divine. Mais si nous ne le recouvrons qu'au dernier jour, d'une part l'amour céleste sera devenu pour nous une habitude et, d'autre part, la terre sera totalement rachetée, si bien que nous pourrons prendre le terrestre dans le ciel sans regret et sans danger (NB 12,249).

 

271. Au ciel, on pourra continuer à "travailler"

Adrienne pense toujours plus au ciel ; elle se réjouit de pouvoir continuer à travailler de là-haut (NB 8, n. 204).

 

272. Au ciel, tout est fécond, chacun a part à la fécondité des autres et s’en réjouit (NB 9, n. 1911).

 

273. Ceux qui sont au ciel aident ceux qui souffrent ici-bas

Ceux qui sont au ciel fournissent, avant le jugement dernier, un "travail" en vue du temps de la rédemption. Ils ressemblent à des sages-femmes qui sont elles-mêmes mères, elles connaissent par expérience les douleurs de l'enfantement, mais pour elles-mêmes ce n'est plus qu'un souvenir, et elles aident les parturientes qui sont en train de ressentir les douleurs. C'est ainsi que ceux qui sont au ciel aident ceux qui souffrent ici-bas. Tous ceux qui sont au ciel ont accouché et ont porté du fruit, ils savent donc aussi ce que sont les douleurs (NB 6,566-567).

 

274. Du ciel, aider le monde

Les hommes dans le ciel ont tous part à la vie éternelle, à l'amour du Fils, et ils voudraient aider le monde. Ils ne pourraient pas comprendre les hommes s'ils n'avaient rien de plus que le souvenir de leur propre péché. Mais ils ont encore aussi le souvenir de leur propre amour sur terre, celui que le Seigneur leur avait donné pour le recevoir d'eux en retour. Sans ce souvenir de l'amour, sans ce souvenir de leur vie chrétienne d'autrefois, maintenant qu'ils sont devenus participants de l'amour total du Fils, ils n'auraient plus la possibilité de s'approcher du monde ; ils seraient totalement liés au ciel et ils se constitueraient pour eux un monde propre à côté de ceux qui sont restés sur terre. Mais ainsi ils voient les esquisses d'amour dans le monde et surtout ce qui lui manque de plénitude (NB 4,335-336).

 

 

4. LE CIEL, C’EST LES SAINTS

 

275. Le plein développement d’un saint ne vient qu’au ciel en le partageant avec d’autres

Le plein développement d’une sainte (Thérèse de Lisieux en l’occurrence) ne vient au fond qu'au ciel : on n’en jouit qu'en le partageant avec d'autres (NB 4,386).

 

276. Les saints au ciel : penchés vers la terre

On peut dire des saints dans le ciel que, penchés vers la terre, ils continuent à agir sur elle (NB 2,187).

 

277. L’activité des saints dans le ciel

Les saints dans le ciel continuent sans rupture la mission qu'ils ont remplie sur terre, et ils y demeurent fidèles (NB 1/2,152).

 

278. Le saint arrive au ciel avec sa mission

Dans le ciel, les échanges sont bien plus vivants que sur la terre ; au ciel chacun n'est pas seulement très motivé par sa propre mission, il l'est tout autant par les missions des autres. De plus, il faut penser au fait qu'au ciel il y a aussi quelque chose comme une hiérarchie dans la sainteté : des missions plus grandes peuvent avoir de l'influence dans d'autres sphères. Il peut y avoir des types anodins, plus limités ; ceux-là n'auront pas une activité particulièrement révolutionnaire ; ils sont reçus avec honneur et comblés d'amour, mais ils ne changent pas l'atmosphère essentiellement. Un frère convers qui a arraché des mauvaises herbes toute sa vie ne commencera pas tout d'un coup au ciel à réformer spirituellement l’Église. D'autres étaient très célèbres sur terre (comme érudits par exemple ou comme stigmatisés peut-être, etc.), et pourtant, au ciel, ils ne sont pas particulièrement remarquables. Le saint arrive au ciel avec sa mission. La mission est au ciel son expression comme sur terre lui-même était l'expression de sa mission (NB 1/2, 20-21).

 

279. Les saints dans le ciel continuent la mission qu’ils avaient sur la terre

Les saints dans le ciel continuent sans rupture la mission qu'ils ont remplie sur terre, et ils y demeurent fidèles (NB 1/2,152).

 

280. L’activité des saints dans ciel

L’engagement des saints du ciel correspond tout à fait à une véritable action, à un effort, pour parler selon notre monde. Seulement on ne peut pas savoir où ils travaillent. Il y a des saints qui, comme les fondateurs d’Ordre, ont un plan et ils cherchent à le réaliser. Ce plan est une partie du plan du Seigneur qui, lui-même, continue à travailler à sa rédemption. D’autres saints aident ici et là, là justement on les appelle, comme le pauvre Antoine dont on fait un mauvais usage. On peut pour ainsi dire les avoir isolément. Louis de Gonzague est en quelque sorte partagé en deux : d’un côté il est intégré aux plans de saint Ignace, d’un autre côté en général il est l’ami des jeunes gens, des jeunes filles, des enfants (NB 9, n. 1886).

 

281. Thérèse qui va répandre des roses sur la terre 

L’après-midi, Adrienne a une conversation avec Mlle H., au cours de laquelle celle-ci considère comme une prétention le mot de la petite Thérèse disant que du ciel elle répandrait des roses sur la terre. Par là elle prétend à la sainteté. Elle demande à Adrienne si elle oserait jamais dire qu’au ciel elle ferait ceci ou cela. Adrienne déclara que oui. Nous savons quand même que le Seigneur nous a sauvés et qu’il a préparé le ciel pour nous. Et elle sait pour elle-même qu’il y aura beaucoup à faire du haut du ciel (NB 8, n. 730).

 

282. Au ciel, chaque saint demeure accessible aux souffrances du monde

Quand, dans le ciel, nous prions pour les pécheurs qui sont sur la terre, nous le faisons comme des gens qui ont un jour connu le péché ; mais la connexion entre le péché et la croix se trouve derrière nous. La croix reste vivante pour nous, non en ce sens que nous avons conduit le Fils à la croix, mais en ce sens que nous pouvons participer à l'esprit de son sacrifice accompli dans l'amour. Et le Fils nous prend avec lui comme ses saints du ciel, il nous prend avec lui dans l’œuvre de son amour. Il nous est permis d'agir chrétiennement avec lui au milieu des hommes. De ce point de vue il n'est pas vrai que la croix a perdu pour nous de son actualité. Car chaque saint demeure accessible aux souffrances du monde. Mais la manière d'y avoir accès est devenue autre. Comment le Seigneur pourrait-il donner aux hommes sur terre d'avoir part à sa croix si lui-même n'avait plus rien à faire avec elle ? Mais comment le Seigneur, qui a encore quelque chose à faire avec la croix, pourrait-il en exclure ses saints dans le ciel ? Comment la petite Thérèse pourrait-elle faire pleuvoir ses roses si elle ne sentait plus la souffrance du monde ? Il n'est certes pas possible d'exprimer comment, au milieu du bonheur du ciel, on peut garder cette relation avec la souffrance du monde. Mais elle existe. La joie du ciel est si grande que, justement dans sa démesure, elle englobe tout ce qui est au Seigneur, y compris ses souffrances. Le merci, l'eucharistie du ciel, est si grand que le vendredi saint y est aussi inclus avec tout ce que les hommes ont souffert dans l'esprit du Seigneur et à sa suite, non comme quelque chose qui est devenu irréel, mais comme une réalité qui est passée tout entière dans la gloire (NB 1/1,495-496).

 

283. Le saint au ciel prie avec moi quand je le prie

Par ma prière, le saint est pour ainsi dire rattaché à nouveau à la terre, ma prière le place en un lieu nouveau étant donné que maintenant il est agenouillé en quelque sorte à côté de moi, il prie avec moi, selon son ancienne habitude de prier ici-bas, tout en priant maintenant en même temps au ciel : cela ne signifie pour lui aucune distance. En priant avec moi, il ne perd rien de son activité dans le ciel, mais cette activité reçoit, par notre prière commune, une nouvelle nuance qui provient d'une certaine manière de ma prière (NB 1/2,21).

 

284. Tout n’a pas été parfait dans la vie terrestre des saints

Chaque saint dans le ciel a derrière lui une vie terrestre et personne n’y a été parfait. Il est très utile de signaler les imperfections des saints afin qu’on ne fasse pas de la sainteté quelque chose qui canonise aussi les imperfections (NB 9, n. 1396).

 

285. La mission céleste des saints dans le ciel

La situation des saints est différente selon leur mission. Mais la mission céleste n’a pas besoin d’être le reflet de la mission terrestre. On peut avoir eu sur terre une certaine mission, mais au ciel en avoir assez de celle-là ; par exemple, Bernadette a eu la mission d’un instant, quelque chose d’extrêmement simple. Maintenant elle peut recevoir d’une certaine manière une mission plus grande, plus compliquée (NB 9, n. 1714).

 

286. La patrie des anges

Le ciel est la patrie des anges. Cette patrie est ouverte à la terre lors de l'incarnation : le Seigneur prend quelque chose aux anges, mais il leur rend aussi quelque chose ; il a eu recours à eux pour sa mission terrestre ; c'est un ange qui est apparu à Marie, mais ces apparitions et d'autres aussi n'arrivent pas par hasard et sporadiquement : tous les anges sont à la disposition du Fils, et leur accompagnement se manifeste à des moments décisifs (NB 12,172).

 

287. La reine du ciel

Marie meurt, elle est emportée au ciel et, dans la vision de Dieu, son propre aspect a pris une forme toute nouvelle. Elle, qui était la servante du Seigneur, est maintenant devenue la reine du ciel. Et elle doit se comporter d'une manière aussi obéissante et aussi naturelle comme reine que comme servante, car le Seigneur a fait d'elle les deux. Et peut-être s'est-elle faite elle-même plus servante qu'elle ne pouvait se faire reine par obéissance. Sa part personnelle est peut-être beaucoup plus forte dans la servante que dans la reine. Mais cela n'a pas d'importance ; elle sera pleinement les deux. Pour la mère, la servante était comme un but, tandis que pour le Fils elle n'était que comme un épisode : pour lui, la reine était le but, et ainsi la servante a dû faire preuve d’une obéissance plus grande pour se laisser faire reine. Et peut-être déjà que plus elle devenait servante, plus le Fils ressentait qu'elle était reine ; non seulement il était conscient de sa royauté, il l'a aussi vécue (NB 1/2,173).

 

288. Marie dans le ciel

Marie, dans le ciel, partage ce qui lui appartient et donne aussi sur terre de ce qui lui appartient (NB 1/2,264).

 

289. Le ciel a quelque chose de marial

Le ciel et les saints ont quelque chose de marial, chacun incarne quelque chose de la nature de la Mère, d'une mission et d'une idée de la Mère (NB 1/2,271-272).

 

290. Assomption de Marie

Le 15 août 1941, Adrienne a vu l'Assomption de Marie au ciel. Elle était "là", non comme à l'Ascension du Seigneur, comme la "petite servante qui ne se fait pas remarquer", mais de telle manière que maintenant elle "en fait partie" tout simplement. Il n'y avait pour ainsi dire pas de distance, pas d'abîme entre elle et les bienheureux dans le ciel. Une union parfaite (NB 8, n. 156).

 

 

5. LE CIEL, C’EST LA VIE

 

291. La vie dans le ciel

L'atmosphère générale du ciel dépend quand beaucoup des personnes. L'ensemble est dans une animation constante qui permet toujours de nouvelles combinaisons. Comme si le ciel ressemblait à un paysage où s'ouvrent sans cesse de nouvelles perspectives. (Ou bien qu'on pense à un grand hôpital : il y a l'aile des médecins, l'habitation du directeur, les chambres des malades et les salles communes, les salles de réunion des infirmières ; chaque lieu est unique et ses occupants ont leur fonction. Et pourtant l'ensemble forme une grande structure. Les différences sont très grandes entre la cellule d'isolement et le travail normal du personnel de la cuisine). La cohérence de l'ensemble se trouve finalement dans la volonté de Dieu, mais elle réside aussi dans les affinités des saints et dans toutes les possibilités d'échanges. On peut aussi apprendre à connaître un saint par un autre. Pour réaliser un de ses désirs, Ignace peut faire appel à un saint déterminé et "mobiliser" en lui quelque chose qui convient dans ce contexte. Il fait certainement partie de l'agrément de la vie céleste que les saints aient des caractères aussi accusés. Ils plaident leur cause avec leur nature propre et ils sont capables d'intéresser les autres à cette cause (NB 1/2,19-20).

 

292. La joie sera le grand bien de la vie éternelle

Celui qui, en se confessant, peut avouer un péché qui lui a particulièrement pesé, éprouve soulagement et joie. Par l'absolution, ils participe à l'avance à l'existence céleste, il peut ressentir à l’avance quelque chose de la joie qui sera le grand bien de la vie éternelle. Elle est moins la joie d'être soulagé après une confession définitive que la participation à la joie éternelle qu'éprouve Dieu le Père quand il regarde son Fils qui, par son amour sur la croix, lui a ramené le monde entier (NB 6,573-574).

 

293. La joie au ciel

La joie au ciel a quelque chose de la démesure de Dieu. Elle n’est pas fermée ; dans la plus haute plénitude, il y a toujours un espace ouvert pour l’espérance et l’attente (NB 9, n. 1865).

 

294. Une joie qui n’est pas en mesure de voir ce qui se passe au ciel

Par son Ascension, le Fils est retourné dans le mystère de la vie trinitaire dont il nous a montré sur terre un reflet. Nous restons avec nos questions, mais lui, il est au ciel, dans la joie parfaite. Réjouissez-vous, vous qui posez des questions, car le Seigneur est dans la joie. La joie est requise de nous et elle doit vaincre tout abattement. C'est une joie double : une joie qui sait que le Seigneur est au ciel, mais une joie aussi qui croit parce qu'elle n'est pas en mesure de voir ce qui se passe au ciel (NB 10, n. 2184).

 

295. L’éternité, un cadeau

L'éternité surgit comme un cadeau, elle est ce qui est constamment offert en cadeau. Il n'y a donc pas de fin à prévoir (NB 10, n. 2113).

 

296. L’éternelle surprise

Au ciel, tout ce qui est perçu, tout ce qui est dit, est contenu dans le fait que Dieu attire tout à lui. Et pourtant il reste quelque chose qu'il ne serait pas juste d'appeler désir mais qui, au sein de la vision de Dieu, est un cheminement joyeux vers lui. Nous aimons et nous sommes aimés, et l'échange d'amour est mouvement vers Dieu : on est toujours arrivé au but tout en demeurant en mouvement. Comme un ruisseau dans la forêt : on est charmé par sa présence et on peut en même temps le longer ; c'est tout aussi beau qu'il soit ici comme il était là et qu'il continue à couler ; tout ne fait qu'un. Rien que le mouvement de l'eau, qui fait partie de sa nature, nous charme, mais aussi que nous puissions nous déplacer avec lui. Que le ruisseau coule continuellement est aussi une surprise toujours nouvelle, car de l'eau nouvelle coule toujours dans le même ruisseau. De même au ciel, il y a l'éternelle surprise que Dieu nous appelle constamment et que nous nous trouvions constamment devant lui dans la réponse. Et parce que ceci est un état, on ne peut pas dire que celui qui est au ciel depuis longtemps et se trouve en chemin vers Dieu soit plus joyeux et plus comblé que celui qui vient d'arriver ou que celui qui, arrivant de la terre, a le droit de venir pour ainsi dire en visite pour un moment (NB 6, 74-75).

 

297. Vie éternelle : toujours pleine de suspense

Il se fera sans doute que dans la vie éternelle de Dieu, il y aura toujours tellement à adorer et tellement à regarder bouche bée que tout restera toujours ouvert et plein de promesses et de suspense (NB 10, n. 2225).

 

298. Au ciel, étonnement éternel devant la grâce et l’amour

Au ciel, étonnement éternel de ceux qui vivent avec le Seigneur, étonnement que sa grâce soit si inconcevablement grande, qu'elle coule partout, qu'elle éveille toujours gratitude et amour en ceux qui ont été saisis par elle (NB 10, n. 2182).

 

299. Une participation à la vie éternelle de Dieu Trinité… La vie éternelle n'est jamais monotone (NB 6,68).

 

300. Au ciel, pas de monotonie

Nous devrions toujours penser à la joie procurée à chacune des trois personnes par les autres. Une joie débordante. Une plénitude débordante qui n’est jamais unilatérale et qui n’a pas besoin d’être complétée par la douleur et la tristesse pour ne pas dégénérer en ennui. Elle est en continuel jaillissement, elle ne cesse d’être différente, pour parler le langage de ce monde. Nous pouvons lire cette manière que Dieu a d’être toujours autre dans la profusion des choses de ce monde qu’il a créées. Peut-être n’a-t-il créé les nuages que pour que nous pensions pas qu’il est éternellement rayon de soleil. Et chaque nuage à son tour est différent, il n’y a pas au ciel de monotonie. Et les nuages fécondent la terre, l’hiver comme neige, l’été comme orage ; chaque pluie également a son caractère propre. Ainsi la fécondité de Dieu n’est bien comprise que comme toujours neuve (NB 9, n. 1938).

 

301. S’ennuyer dans l’éternité ?

Dans l’extase, ce qui est important, c'est que, dans cet état, le mystique comprend quelque chose de ce qu'est l'expérience de l'éternité. Il n'y a aucune espèce d'ennui, seulement un plénitude qui ne lasse pas, qui ne demande pas d'efforts. Il y a beaucoup de gens qui craignent que dans l'éternité on va s’ennuyer ou se fatiguer à chanter constamment des cantiques. Mais le "cantique" (ou ce que cela peut être) sera simplement offert avec la joie qui s'y rattache (NB 5,250).

 

302. Au ciel, il n’y a pas d’esprit blasé et saturé (NB 9, n. 1562).

En soi, l’éternité semble le contraire d’un quotidien parce que tout en elle va sans cesse de Dieu à Dieu, tout arrive dans la volonté du Père et reçoit par là un caractère de fête inouï. Tout ce qui sort du Père est toujours plénitude et vérité nouvelles, tout en Dieu Trinité est toujours nouvelle adoration et grâce réciproque. Rien ne peut se défraîchir, devenir habitude, cela demeure pour l’éternité un nouvel enrichissement constant (NB 9, n. 1938).

 

303. Dans l'éternité, chaque jour est éternellement neuf

Dans l'éternité, chaque jour est éternellement neuf, parce que nous-mêmes, dans l'éternité, nous sommes toujours de nouveaux arrivants (NB 1/1,495).

 

304. Dieu prend saint Célestin dans le ciel pour lui montrer ce qu’il y a dans le ciel

Célestin V (1215-1296). Sa prière est comme celle d'un enfant, pure et bonne, et Dieu ne cesse de le prendre dans le ciel, et il lui montre les mystères de ses saints, les troupes de ses anges, il lui montre aussi la Mère et sa relation aux saints, il lui montre aussi fréquemment le petit enfant Jésus. Il se sent chez lui au ciel, il est heureux au ciel. Il voit aussi l’Église, comment le Bon Dieu l'introduit dans les mystères du ciel, lui remet les clefs du ciel, la fait épouse dans le ciel et la pourvoit de toutes ses attributions (NB 1/1,88).

 

305. Le ciel : plus grand et meilleur que nous ne le pensons

Nous devrions essayer de toujours voir que le ciel est plus ouvert et plus grand et de meilleure qualité que nous ne le pensons (NB 2,20).

 

306. On ne sait pas à l’avance ce qu’est la vie éternelle

C'est comme quand on rencontre un ami au cours d'une promenade et que, par amour pour lui, on change de direction et qu'on l'accompagne là où il allait ; de même aussi en rencontrant le Ressuscité nous changeons l'orientation de notre temps et nous allons avec lui vers la vie éternelle sans savoir exactement à l'avance ce qu'est cette vie éternelle (NB 6, 70).

 

307. Le ciel : une suite améliorée de la vie terrestre ?

Toutes les paroles de Jésus sur le ciel étaient voilées pour ses disciples, elles renvoyaient seulement à une vision future du Père qui était promise. Car jusqu'à présent personne n'a vu le Père si ce n'est le Fils. A ce moment-là, ils ne pouvaient pas suivre un chemin purement spirituel, ils étaient trop inexpérimentés pour cela, trop lourds. La vie spirituelle de l'éternité dans un corps de résurrection, ils se la représentaient comme une sorte de suite améliorée de leur vie terrestre, en compagnie du Seigneur transfiguré avec lequel ils se livreraient à des banquets sans fin, etc. Pour eux, le ciel serait comme une salle dans laquelle, à côté d'eux, auprès du Christ et du Père, seraient rassemblés aussi les anges, les croyants de l'ancienne Alliance, toutes les personnes qu'ils connaissaient d'une manière ou d'une autre et qui, à leur avis, feraient bien dans le tableau. Leur image du ciel est ainsi une image améliorée de la terre, où le péché, le mal, est supprimé. Cette image est réduite à néant par l'Apocalypse (NB 2,201-202).

 

308. Ne pas se représenter le ciel selon nos propres mesures

Quand, à sa mort, Étienne voit le ciel ouvert et le Fils à la droite du Père, il sait que le ciel est là pour lui. Dieu le lui montre pour l'y accueillir ; cela lui rend la mort plus facile, il entre dans ce qu'il voit et qui correspond à ce que sa foi lui a fait espérer. Étienne regarde ce qu'il y a dans le ciel et il voit ce qui est infiniment sublime. Il voit ce qui est autre, ce qui est nouveau. Étienne doit montrer que le ciel est infiniment grand et ouvert afin que les chrétiens n'aient pas la tentation de le présenter selon leurs propres mesures et rempli de leurs banalités derrière lesquelles disparaîtraient l'infini et l'éternité de Dieu (NB 5,36).

 

309. Le ciel : "Je me l'étais imaginé autrement".

Le pécheur est purifié au purgatoire, il est alors à nouveau animé par l'Esprit Saint, mais bien qu'il soit un homme nouveau, il garde sa personnalité et, en arrivant au ciel, il peut donc dire en quelque sorte : "Je me l'étais imaginé autrement". Marie ne s'est rien "imaginé autrement", elle n'a aucunement besoin d'être transformée, le ciel est sa prière rendue visible. Elle n'avait rien imaginé de particulier. Parce que Marie était ici-bas parfaitement pure et totalement ajustée à la volonté trinitaire de Dieu, les choses qu'elle connaissait déjà reçoivent pour elle au ciel une extension à l'infini (NB 6,565-566).

 

310. Exprimer quelque chose de la plénitude de l’au-delà

Le mystique a la mission d’apporter ici-bas, dans une sorte de traduction, quelque chose de la plénitude céleste, ou compléter les choses de ce monde pour les mettre à la hauteur de la plénitude de l'au-delà. Quand par exemple il a à interpréter, pour lui ou pour d'autres, une partie de la doctrine chrétienne, il doit faire entrer dans l'inexpérience du monde quelque chose de ce qu'il a expérimenté, revêtir de mots terrestres quelque chose de ce qu'il a expérimenté dans le ciel, aider ainsi à remplir avec son apport propre la cassure qui existe entre ciel et terre (NB 5,240).

 

311. Arriver au ciel : le sentiment que c’est ce qu’on attendait depuis toujours

Celui qui arrive au ciel doit se présenter. Mais cette introduction n'est pas à sens unique ; ceux qui se présentent sont en même temps présentés. Dieu nous a attendus comme nous-mêmes nous l'avons attendu. Et maintenant que nous sommes accueillis, il n'est plus question de péché et d'indignité. La confession est derrière nous. Ce n'est que par un accroissement de la grâce que nous n'avons plus besoin de nous confesser ; en cours de route, la grâce du Seigneur nous a débarrassés du péché. Mais il faut maintenant que la prière de l'éternité soit mise dans notre cœur et sur nos lèvres, la prière dans la vision de la Trinité, une prière que nous disons nous-mêmes mais telle que la Mère du Seigneur, tous les saints et tous les anges peuvent la dire aussi. Tous ceux qui sont au ciel depuis longtemps revivent pour chacun de ceux qui entrent la joie de l'arrivée. Car la joie de l'arrivée est elle-même la joie éternelle, c'est pourquoi elle est commune à tous. Et ainsi la prière dans laquelle nous sommes introduits quand nous arrivons est toujours également la prière commune du ciel, jamais la prière privée de Marie ou d'un saint particulier. C'est dans cette prière de tous les saints que nous avons été attendus, nous y sommes maintenant introduits. Elle n'écrase pas notre prière personnelle, on peut même dire que notre vie personnelle ne fait alors que vraiment commencer. Nous remarquons combien de choses qui nous étaient étrangères se détachent de nous et comment ce qui nous est personnel est libéré. Une fois de plus, ce à quoi nous sommes introduits n'est pas quelque chose qui nous est étranger, mais ce qui nous est naturel au sens le plus fort, bien qu'on ne puisse pas dire que nous l'ayons attendu auparavant de cette manière et pas autrement. Quand cela arrive, c'est simplement ce qui est juste, ce qui est de loin le meilleur (NB 1/1,494-495).

 

312. Le ciel : quelque chose de très personnel pour chacun

Le ciel ne sera jamais quelque chose de purement général. Il sera pour chacun l'accomplissement de son amour personnel, préparé spécialement pour lui. Il n'y aura rien de monotone dans cette attente parce que c'est Dieu lui-même qui a créé ce qui est personnel et il le favorise (NB 6,308).

 

313. Au ciel, une place personnelle nous attend

On s'imagine toujours que quelqu'un arrive au ciel par la grâce du Seigneur, tel qu'il est, soit directement soit en passant par le purgatoire. On pense qu'il forme la place qu'il prend. On pense : celui qui s'installe dans une habitation lui imprimera son caractère personnel ; la pièce en tant que telle peut être habitée aussi bien par un pharisien que par une prostituée ou un saint. Mais au ciel c'est différent. On a d'avance sa place personnelle qui nous attend et qui est beaucoup plus que la somme des qualités chrétiennes terrestres (NB 4,185).

 

314. Au ciel une place nous est assignée

Au ciel on s’arrangera de la place qu’on nous assignera. Ce sera tout naturel (NB 9, n. 1909).

 

315. Il y a des différences dans le ciel, mais tous sont contents

Dans le purgatoire tout est purifié et soldé. A la fin de la purification, on a rattrapé toute négligence de manière à ce qu'on ne peut plus rien regretter. Au ciel, on ne pense jamais qu'on a négligé quelque chose sur la terre. Cependant il n'y a pas uniformisation par le purgatoire, les différences demeurent qui sont conditionnées par la vie terrestre. Mais toute mesure et toute comparaison sont supprimées. On peut seulement dire que les uns sont différents des autres. Les uns comprennent davantage, mais tous sont contents. Cela vaut naturellement aussi pour les saints eux-mêmes; et ici il apparaît que les natures déjà sont de différentes tailles. "Gratia supponit naturam" ; la sentence est valable jusque dans la plus haute béatitude (NB 3,84-85).

 

316. Au ciel : des choses qui sont capables de nous combler jusqu’à la gauche

Au ciel, chaque instant sera rempli et à vrai dire de choses qui sont capables de nous combler jusqu'à la gauche aussi bien en l'instant présent que dans dix mille ans. Toute vérité sera si riche qu'on n'en viendra jamais à bout. Cependant on la perçoit. Il y a un véritable rapport entre la compréhension et ce qui est compris, mais un rapport inépuisablement vivant (NB 6,565).

 

317. Au ciel, on ne boit pas tout le jour de l'eau sucrée

Adrienne entend un petit dialogue entre des habitants du ciel. Par ce petit dialogue, elle vit aussi, entre autres, qu'au ciel ne règnent pas la monotonie et l'ennui, qu'on ne doit pas boire là tout le jour de l'eau sucrée. Que, bien plus, les individus gardent là leur personnalité et qu'il y a donc, sinon des tensions, du moins une intéressante diversité. Plus il est donné à Adrienne de voir ce qu’il y a dans le ciel et d'en comprendre quelque chose, plus elle a le désir du ciel. Elle comprend tout à fait le mot de saint Paul : "Il serait meilleur de disparaître et d'être avec le Christ" (NB 8, n. 102).

 

318. Ce qui est possible au ciel

Nous n’avons aucune idée de tout ce qui est possible au ciel (NB 9, n. 1290).

 

319. On peut grandir dans le ciel

On peut grandir dans le ciel. Tant qu’existe la terre, il y a des possibilités de grandir dans le ciel (NB 9, n. 1714).

 

320. Dans l’éternité, une croissance infinie est possible

Ici-bas, viser une croissance continuelle peut très vite sembler stupide : j'aime Dieu, je l'aime plus que vous ne le pensez, je l'aime de telle manière que je pourrais encore l'aimer plus, etc. Cela ne peut conduire qu'au dégoût. Au ciel, il y a une croissance infinie et, plus précisément, au sein de l'éternité. La croissance est là une réalité, pas seulement une possibilité (NB 6,306).

 

321. L'accroissement est une forme intérieure de l'éternité (NB 6,521).

 

322. Au ciel, on apprend des choses

Ce n’est qu’au ciel qu’Ignace a appris à si bien connaître et à si bien aimer Jean (NB 9, n. 1136). Le P. Balthasar a relevé ce texte dans L’Institut Saint-Jean. Genèse et principes, p. 18).

 

323. Le ciel et les grenouilles de bénitier : apprendre des choses toute neuves

Arrivent au ciel de vieilles grenouilles de bénitier, qui avaient une religion très égocentrique. Au purgatoire, on leur a enlevé cette religion et on leur a donné des connaissances en rapport avec leur péché. Maintenant, au ciel, elles ont positivement une foule de choses toutes neuves à apprendre. Sur la foi, sur l’amour, etc. Elles doivent s’habituer, s’y faire, grandir (NB 9, n. 1455).

 

324. Au ciel, il n’ y aura que des choses que nous aimons

Alors qu'ici-bas il y a des contrastes entre les choses que nous aimons et celles que nous n'aimons pas, il n'y aura au ciel que des contrastes positifs (NB 6,564-565).

 

325. Au ciel aussi, on pose des questions

Au ciel, chacun donne tout à tous. On voit alors qu’au ciel aussi on pose des questions. Il ne faut pas croire que là tout est aussitôt satisfait. On y aspire. Et on y arrivera. Mais quand même dans un devenir. Au ciel, on fait l’expérience d’un devenir de la réponse : on grandit pour l’accueillir (NB 9, n. 1454).

 

326. Au ciel, tout est sans problème, mais il y a là des questions qu'on ne pose pas (NB 11,445).

 

327. Au ciel, il y aura encore des chagrins

Adrienne est maintenant toujours plus souvent au ciel. Une fois qu’elle sera tout à fait là-haut - elle se reprend et dit : une fois qu’elle sera là-haut -, ce sera également tout à fait naturel, on sera dans une atmosphère authentique. Elle essaie d’expliquer au P. Balthasar comment là-haut il y aura encore des chagrins. Pas des souffrances bien sûr et pourtant... On ne pourra quand même pas ne pas voir que les pécheurs se perdent. C'est alors seulement qu'on saura ce qu’est vraiment le péché. Et combien on aura alors infiniment à faire ! On devra pour ainsi dire se livrer à une activité frénétique. Alors aussi on pourra enfin prier comme il faut et on aura le droit de “forcer”. Ici sur terre, on ne sait jamais si ce qu’on demande est vraiment la volonté de Dieu. Certes le Christ “force” lui-même. Comme c’est étrange que le Père se laisse ainsi tout arracher ! Quelles sont les règles d’après lesquelles il nous accorde ceci et nous refuse cela ? Et pour accorder quelque chose, pourquoi a-t-il besoin de tant et tant de prières, de souffrances et de sacrifices ? Mais il ne vient pas à l’esprit d’Adrienne de vouloir regarder les cartes de Dieu (NB 8, n. 195).

 

328. On ne peut plus souffrir dans l’éternité

En juin 1941, quand le P. Balthasar dit à Adrienne qu'elle doit être heureuse de pouvoir encore souffrir quelque chose, qu'elle ne pourra plus le faire dans l'éternité, elle est à nouveau tout à fait d'accord : naturellement elle est pleine de reconnaissance pour tout et sa vie tout entière doit devenir chaque jour davantage une prière d'action de grâce (NB 8, n.102).

 

329. Le ciel, accomplissement suprême

L'enfer est le lieu du plus grand tourment, il est le contraire du ciel, qui est l'accomplissement suprême. Cet accomplissement est un don du Seigneur, un don qui s'offre à moi, à moi et à tous les humains (NB 4,27).

 

330. Au ciel, il n'y a pas d'obéissance au fond, mais un consentement qui va de soi (NB 11,328).

 

331. Il n’y a plus de "non"  à Dieu dans l’éternité

Celui qui a dit non à Dieu ici-bas ne trouvera plus son non dans l'éternité, il trouvera dans le Seigneur ce qui serait advenu s'il avait dit oui. Porter tous les péchés du monde sur la croix, le Seigneur continue à le faire en accueillant tout ce qui a dit non. Le non est un péché, et tout péché est porté sur la croix (NB 4,210).

 

332. Au ciel, il n’y a plus de renoncement

Parce que, au ciel, tout ce qui vient du péché originel est effacé, le renoncement n'a plus aucun sens (NB 4,304).

 

333. Dans le paradis, il n’y a pas de pauvreté

Si des amoureux s'aiment de manière purement humaine, ils se heurteront rapidement à leurs limites ; seule la semence de l'amour divin peut garder vivant, au-delà de ces limites, l'amour entre humains. Dieu est éternellement vivant parce qu'il est l'amour. Non seulement il est capable de stimuler ce qu'il y a en nous d'éphémère par son existence éternelle, mais surtout il se maintient lui-même de manière inlassablement neuve dans la joie d'être éternellement toi et moi. Donc dans la joie commune. Si tu me fais plaisir sans en ressentir toi-même du plaisir, le plaisir cesse très vite aussi pour moi. En Dieu, l'amour n'est pas une aumône, une charité ; il n'est amour qu'en étant joie commune. Des aumônes unilatérales sont basées d'une certaine manière sur des relations liées au péché originel. Dans le paradis, il n'y a pas de pauvreté (NB 12,144).

 

334. La musique dans le ciel

Adrienne pense qu’au ciel on joue aussi de la musique inventée par les hommes. Seulement elle a là-haut un tout autre son qu’ici-bas. Beaucoup plus plein. Le P. Balthasar dit qu’il n’aimerait plus entendre là-haut les symphonies pathétiques de Beethoven. Elle répliqua en souriant : “Je ne pense pas qu’on enlèvera sa musique au vieux maître” (NB 8, n. 723).

 

335. Se promener dans le ciel avec de la musique

Au fond je ne voudrais pas aller au ciel s'il y a encore un pécheur sur terre. Je ne peux quand même pas me promener dans le ciel, avec de la musique, si je sais qu'il y a encore là quelqu'un qui pèche (NB 3,55).

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Mise à jour 18/10/2022