Abolir ou accomplir la Loi

6ème dimanche ordinaire

12 février 6ème dimanche ordinaire

Ben Sira le sage, 15, 15-20 ; 1 Corinthiens 2, 6-10 ; Matthieu 5, 17-37

Après un passage chez les prophètes sensibles au culte en vérité et aux questions sociales, voici, avec le livre de la Sagesse un écrit tardif du judaïsme, situé au dernier siècle avant la naissance de Jésus-Christ. Dans l’extrait de ce dimanche, nous pouvons comprendre l’essai de relier Sagesse de Dieu et Sagesse humaine. L’auteur de ce livre est probablement un scribe, un homme habitué à scruter la profondeur des Ecritures. Il y a longtemps qu’Alexandre le grand est passé par la Syrie et l’Egypte, bien longtemps que Antiochus a perpétré son crime de gréciser Jérusalem…

 

Le livre de Ben Sira apparait comme une méditation sur l’histoire récente où Israël s’est trouvé confronté aux nouvelles cultures, aux nouvelles mœurs. Le peuple élu n’a pas  capitulé devant les pressions hellénistes et païennes. Ben Sira invite à vivre avec sincérité en Juif dans ce monde qui a changé. Ce dimanche, c’est une leçon sur la liberté de chacun de suivre ou ne pas suivre Dieu et la Loi. Ce n’est pas une soumission aveugle à la Loi de Moïse, mis une invitation à relire en vue de consentir –dans ce monde qui a changé- à la Loi héritée du Dieu créateur, qui gouverne avec justice et providence, qui est miséricorde et qui pardonne.

 

Ben Sira est optimiste sur l’avenir de cette relation de l’homme à Dieu. A une époque où les philosophes essaient de concilier la liberté de l’homme avec l’existence du mal, Ben Sira redit sa foi en un Dieu qui créée l’homme libre, qui n’est pas l’auteur du mal. Ainsi sa méditation l’entraine vers une anthropologie où l’homme est appelé à rester maître de ses choix et donc du péché. Dieu saura lui accorder une juste rétribution. “Si tu le veux”, ce dimanche, témoigne que nous n’avons plus à faire avec un monde fataliste, mais aux choix, à la liberté… Contrairement aux religions anciennes, nous ne sommes pas manipulés par des forces extérieures. Les quelques lignes de ce dimanche ne rendent pas compte de toute la richesse du livre de Ben Sira, mais elles invitent à découvrir notre relation avec un Dieu créateur qui ne cherche pas le malheur de l’homme qu’il a créé.

 

Cette première lecture sert de faire-valoir au texte de l’Evangile, première partie du sermon sur la montagne où Jésus interroge la manière de comprendre la Loi : il s’agit de dépasser le cadre juridique (purement administratif) pour y introduire le sens de l’amour au cœur des relations humaines. Si Dieu a parlé pour inscrire les “dix paroles”, Jésus parle pour introduire une nouvelle dimension : “Moi je vous dis…”. Ce faisant, Matthieu, qui rédige à sa manière l’Evangile qui porte sa signature, présente Jésus comme un autre Moïse où la Loi reste première, mais inscrite dans le cœur de l’homme et non sur des tables de pierre. Avec Jésus, chacun est appelé à mettre en avant la charité fraternelle bien avant de faire ce qui est écrit. Il y a donc là quelque chose du discernement à mettre au cœur de nos décision, non parce que nous avons fait ce qui est dit, mais parce que nous avons pris le temps d’exercer notre jugement, notre discernement.

 

Quand on relit chez saint Paul le conflit entre la Loi et la Foi, c’est quelque chose de la liberté reçue de Dieu qui est mise en œuvre, c’est dans la continuité de Ben Sira et du Jésus présenté par Matthieu. EH