Faut-il ressusciter le Dies Irae ?
Hymne chantée lors des funérailles.
Le temps s’éloigne où l’on chantait à l’office des morts “Dies irae, dies illa”, Jour de colère que ce jour-là où l’âme comparait devant Dieu. Pour aider notre mémoire vacillante, peut-être quelques notes de la symphonie fantastique d’Hector Berlioz suffisent, où l’on entend à la cloche les douze coups de minuit s'égréner, tandis que les ossements s’entrechoquent allègrement au son des trompettes et des cuivres : un enfer de sons pour évoquer un enfer de feu. A l'opposé du dies irae, la liturgie a retenu la messe dite de Requiem, qui évoque le repos auprès du Seigneur plutôt que sa colère.
La séquence liturgique fut supprimée lors de la Réforme liturgique de Vatican II. Cette séquence, fort ancienne, est née à l’époque où quelques moines promoteurs de cathédrales gothiques jugèrent utiles d’intégrer dans le portail du couchant une scène où de hideux personnages fourchus et grimaçants entrainent dans leur shéol (geôles souterraines) les corps des mauvaises gens. A la même époque où s'efface le dies irae de la célébration des funérailles, dans les années 70, l'on voit aussi disparaitre le minuit chrétien où, selon son auteur, Jésus serait venu "de son père effacer le courroux", ce qui est manifestement une erreur théologique
Où donc pouvait-on reconnaître le visage du Dieu de Jésus-Christ dans cet enseignement ? Est-cela la fin dernière, notre ultime destinée: la peur et l'enfer ? Fort heureusement, au-dessus de ces scènes magistrales sculptées sur les façades occiedentales des cathédrales, trône le Christ en majesté qui accueille les nombreux élus
La peur et l’enfer ont disparu de nos manuels de catéchisme et quelques nostalgiques s’en indignent. Croyez-vous que cet enseignement ait dissuadé nos soldats et leurs cadres de supplicier en Algérie, ou nos vaillants coloniaux de déporter aux Amérique des noirs, via les ports de Bordeaux ou de Nantes ? Croyez-vous que nos illustres économistes du 20ème siècle formés à l'école néo-libérale aient été dissuadés de devenir de fieffés grippe-sous ? A moins qu’on ait voulu suivre la morale de Voltaire qui insistait pour que l’on fasse peur aux gens de peu, dans le seul souci qu’ils respectent la richesse des grands ?
N’aurait-on retenu de Jésus-Christ et de son Evangile que quelques paroles apocalyptiques, oubliant les paroles de la miséricorde? L’enseignement du péché et de la peur ont été une ruine pour le christianisme et une vanité pour ses prédicateurs. A-t-on déjà oublié la tache indélébile de l’Inquisition et la mort au bûcher de milliers de femmes et d’hommes, bougres des campagnes ignorants les subtilités de la langue des religieux inquisiteurs. Est-ce bien cela que les disciples de Jésus devaient enseigner et mettre en œuvre ? Certes, on trouvera au livre de Sophonie (1, 11-18) des paroles qui inspirèrent le Dies irae, mais ce ne sont pas paroles d’Evangile.
"Dieu s’est approché de vous", affirment Jean-Baptiste puis Jésus. Il est venu non pour condamner et punir mais pour libérer et guérir : “ Je ne suis pas venu pour condamner mais pour que tout homme ait la vie et qu’il l’ait en abondance (St Jean)… Cela ne signifie pas que la conscience du péché, du mal commis et du refus d’aimer Dieu et son prochain soit à ignorer, mais de grâce, ne nous trompons pas sur le message de l’Evangile.
Il fut un temps où les adeptes de Jéhovah affirmaient que seul 144.000 fidèles seraient élus: ils avaient oublié de lire la seconde partie de la phrase : et derrière eux une foule immense que nul ne sait dénombrer (Apocalypse 7, 9). Sans doute ces fidèles adeptes ignoraient tout de la symbolique des nombre où 144.000 (12x12x1.000) signifiait la totalité multipliée par la totalité multipliéà à l’infini (1.000). L’esprit humain est trop étriqué pour "connaitre la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour de Dieu de Dieu". On ne peut insister sur le péché que si l’on insiste dix fois plus sur la miséricorde de Dieu. Avec le credo, nous sommes appelés à croire non au péché, mais en la rémission des péchés.
Dies irae, dies illa...
Traduction littérale
Quelle terreur à venir,
La trompette répand étonnamment ses sons,
La Mort sera stupéfaite, comme la Nature,
Un livre écrit sera produit,
Quand le Juge donc tiendra séance,
Que, pauvre de moi, alors dirai-je ?
Roi de terrible majesté,
Souvenez-vous, Jésus si doux,
En me cherchant vous vous êtes assis fatigué,
Juste Juge de votre vengeance,
Je gémis comme un coupable,
Vous qui avez absout Marie-Madeleine,
Mes prières ne sont pas dignes (d’être exaucées,)
Entre les brebis placez-moi,
Confondus, les maudits,
Je prie suppliant et incliné,
Jour de larmes que ce jour là,
À celui-là donc, pardonnez, ô Dieu. |
Traduction plus littéraire
Quelle terreur nous saisira,
L’étrange son de la trompette,
La Mort, surprise, et la Nature,
Le livre alors sera produit,
Lorsque le Juge siégera,
Dans ma détresse, que pourrais-je alors dire ?
Ô Roi d’une majesté redoutable,
Rappelle-toi, Jésus très bon,
À me chercher tu as peiné,
Tu serais juste en condamnant,
Vois, je gémis comme un coupable
Tu as absout Marie-Madeleine
Mes prières ne sont pas dignes,
Parmi tes brebis place-moi,
Quand les maudits, couverts de honte,
En m’inclinant je te supplie,
Jour de larmes que ce jour là,
Daigne, mon Dieu, lui pardonner.
|
Requiem aeternam dona eis Domine
D'une toute autre tendresse
résonne le Requiem qui ouvre la célébration liturgique catholique pour les funérailles.
Ces paroles peuvent être notre prière lorsque nous nous arrêtons devant la tombe d'un proche
"Donne-leur le repos éternel, Seigneur,
et que la lumière éternelle les illumine.
Dieu, il convient de chanter tes louanges en Sion ;
et de t'offrir des sacrifices à Jérusalem.
Exauce ma prière, toute chair ira à toi.
Donne-leur le repos éternel, Seigneur,
et que la lumière éternelle les illumine".