Donnez-leur vous-mêmes à manger

18ème dimanche ordinaire

Isaïe 55, 1-3 ; Romains 8, 35-39 ; Matthieu 14, 13-21

Donnez-leur vous-mêmes à manger

 

“Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ?”... Cette question introduite par Paul peut nous introduire dans une méditation commune aux trois lectures de ce dimanche. En effet, avec Ia portion d’Isaïe nous sommes dans la dernière partie du livre, appelée deutéro-Isaïe. Or, les derniers chapitres d’Isaïe sont très positifs. Ils ne reflètent plus les discours prophétiques négatifs et annonceurs de catastrophes ou punitions. Ces chapitres évoquent une relation nouvelle entre Dieu et son peuple, faite de consolation. On peut se souvenir du début du ch.40 :  “Consolez, consolez mon peuple…” qui introduit cette section du livre, que l’on appelle justement livre de la consolation.

 

Ce livre a été écrit quand les exilés entrevoient la libération. Après le temps de la déportation et de l’exil imposés par Nabuchodonosor, voici un autre temps qui se profile. Au ch. 65, Isaïe écrivait : “On ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l'esprit”. Il semblerait que de telles expressions reviennent aussi à la fin du confinement imposé en France et ailleurs. De nouvelles pratiques de vie semblent naître et se développer. Le monde serait-il donc un éternel recommencement entre hier et demain ?

 

Il nous faut relire le paragraphe de la lettre aux Romains lue ce dimanche et méditer la certitude de saint Paul que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. Qu’avons-nous pensé durant ces quatre mois qui viennent de s’écouler : Dieu nous aurait-il abandonnés ? L’absence d’eucharistie et d’assemblée, les limités imposées à tout déplacement, les ainés sans plus aucun lien extérieur s’ils sont en Ephad, etc. Ce furent de réelles épreuves. Hier, au temps d’Isaïe, comme aujourd’hui ont a pu se demander “Où est Dieu ?”. L’épisode de l’Evangile de Matthieu peut aussi nous interroger, quand Jésus répond aux disciples : “Donnez-leur vous-mêmes à manger !”.

 

C’est un modèle de peuple de frères qui est proposé. Alors que les disciples, comme les juifs autour d’eux attendaient du tout cuit, Jésus les invite à se remuer. Le modèle de peuple de Dieu est donc un appel à l’entr’aide, au partage. Nous entendons dire que la société actuelle est individualiste. Peut-être, mais l’appel de Christ aux disciples pour donner du pain est encore présent dans l’enseignement social de l’Eglise.

 

Il y a encore peu de temps, le pape François a réagi contre la tendance à faire de l’encyclique Laudato si une encyclique écologiste alors qu’il l’a écrite d’abord comme encyclique sociale, un appel au bien commun pour tous. Les disciples ont dû être surpris de l’appel de Jésus à nourrir la foule. Pourtant, à toute générations des hommes et des femmes ont veillé à ce que tous aient leur part de pain (père Duval). Les interrogations portées par les papes depuis plus d’un siècle ont secoué une population chrétienne qui oubliait le service du frère. Certes, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais le pain lui est nécessaire.

 

Isaïe, dans une vision idyllique appelle à ce que chacun ait de l’eau et du pain gratuitement. “Régalez-vous avec de bonnes choses” laisse entendre l’engagement de Dieu envers son peuple. Dans ce livre il est aussi évoqué le repas sur la montagne où tous sont invités à manger grassement ce que Dieu offre. En attendant, il revient à l’Eglise de veiller au grain, à savoir d’être à l’image de son Dieu qui offre la vie, la vie en abondance. En faire uniquement une lecture spirituelle serait trahir celui que nous appelons Notre Père et à qui nous demandons de donner à chacun son pain quotidien. E.Hennart