En 2007, Paques à l'unisson

Tous les chrétiens fêtent Pâques le même jour.

 

Le groupe oecuménique se rassemble au petit matin sur la plage pour céébrer le Christ ressuscité -2006- Pâques à Wissant  
Le groupe oecuménique se rassemble au petit matin sur la plage pour céébrer le Christ ressuscité -2006-
Le groupe oecuménique se rassemble au petit matin sur la plage pour céébrer le Christ ressuscité -2006-
Le dimanche 8 avril, les chrétiens du monde entier fêteront ensemble la Résurrection. Cela n'arrive, en moyenne, qu'une année sur quatre. Car, deux années sur quatre, les Orthodoxes célèbrent Pâques une semaine après les Latins [ainsi en 2006] et, une année sur quatre, ils célèbrent Pâques quatre ou cinq semaines après eux [ainsi en 2008].

 

Et, pourtant, Latins et Orthodoxes continuent à calculer la date de Pâques selon la règle qui a été fixée en 325 par le premier concile œcuménique de Nicée: la fête de Pâques sera célébrée le dimanche qui suit la date de la pleine lune tombant le jour de l'équinoxe de printemps (21 mars) ou dans les jours suivants. Alors, pourquoi cette divergence fréquente de dates?

 

La raison est assez simple. Selon la règle de Nicée, la date de Pâques est calculée d'après des données astronomiques concernant tout à la fois le cycle lunaire [pleine lune] et le cycle solaire [équinoxe de printemps]. Or, aujourd'hui, pour le calcul de la date de Pâques, Latins et Orthodoxes n'utilisent ni les mêmes tables lunaires ni le même calendrier solaire.

 

Des tables lunaires différentes

Pour appliquer la règle du concile de Nicée, les Eglises des premiers siècles, aidées par des astronomes et, particulièrement, par ceux d'Alexandrie qui étaient très réputés, dressaient des tables lunaires pour le calcul de la date de Pâques. Actuellement, les astronomes savent que la durée moyenne d'une lunaison est de 29 jours 12 heures 44 minutes et 2,861 secondes, mais, à cette époque, les estimations étaient évidemment moins précises.

Pour calculer cette date, les Latins utilisent aujourd'hui des tables lunaires qui, au XVIe siècle, ont été remises en conformité avec les données astronomiques à l'initiative du pape Grégoire XIII qui, nous le dirons, a corrigé aussi le calendrier solaire de Jules César. De leur côté, les Orthodoxes continuent à utiliser des tables lunaires établies en 525 par le moine Denys le Petit. Or, ces tables ne sont pas conformes aux données astronomiques et les dates qu'elles indiquent prennent un jour de retard sur le cycle lunaire tous les 308 ans. Aujourd'hui, le retard -cumulé a atteint 4 jours et environ 20 heures.

 

Des calendriers solaires différents

Le calendrier en usage dans l'Empire romain à l'époque du concile de Nicée avait été institué par Jules César en 45 av. J.-C.: un calendrier solaire comportant des années de 365 jours avec, tous les quatre ans, une année bissextile de 366 jours. C'est dire que, dans ce calendrier [appelé «julien» en raison du nom de son initiateur], la durée moyenne de l'année était de 365 l,4 [365,25] jours. Or, le cycle solaire ne compte en réalité que 365,242198 jours. Sur un an, le décalage est imperceptible, mais il devient important sur une période plus longue: ainsi, tous les 128 ans, le calendrier julien prenait un jour de retard sur le soleil.

Pour rétablir l'harmonie entre ce calendrier et le cycle solaire, le pape Grégoire XIII, s'appuyant sur les travaux d'astronomes compétents, déci. da de supprimer dix jours - ou plus exactement dix dates - du calendrier: ainsi, dans les États pontificaux et dam certains pays catholiques comme l'Espagne et le Portugal, le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 fut le vendredi l_ octobre. Les autres pays catholique adoptèrent cette réforme dans les mois ou les années qui suivirent [la France en décembre 1582]. Le calendrier réformé par Grégoire XIII fut tout naturellement appelé «grégorien».

 

Après la réforme de Grégoire XI Comme c'était un pape qui avait pris l'initiative de cette réforme, les Étal orthodoxes et protestants n'adoptèrent pas alors ce nouveau calendrier Mais il était difficile aux États protestants de conserver un calendrier différent de celui qui était communément utilisé en Occident et donc, entre 1648 et 1753, ils se rallièrent progressivement au calendrier grégorien.

Les États à population orthodoxe, y compris la Russie soviétique née en 1917 - mais non pas les Églises orthodoxes ­l'adoptèrent à leur tour entre 1916 et 1923, ce qui les amena à supprimer treize dates de leur calendrier.

Pourquoi treize dates? Au lendemain de la réforme de 1582, il Y avait, nous l'avons dit, un décalage de dix jours entre le calendrier julien et le calendrier grégorien. Mais, pour qu'à l'avenir le calendrier reste en harmonie avec le cycle solaire, la réforme de Grégoire XIII avait également prévu que, désormais, dans toute période de 400 ans, trois des quatre années séculaires ne seraient pas bissextiles.

Ces suppressions de jours bissextiles ont déjà eu lieu en 1700, 1800 et 1900. Et, comme elles ne sont pas intervenues dans le calendrier julien, le décalage entre les deux calendriers est passé à 11 jours en 1700, à 12 jours en 1800 et à 13 jours en 1900. C'était donc bien treize dates qu'il fallait supprimer.

 

La situation complexe des Églises orthodoxes

Qu'allaient faire les Églises orthodoxes elles-mêmes? Le patriarche de Constantinople Mélétios IV provoqua, en 1923, la réunion d'une Commission inter orthodoxe. À l'issue de cette réunion, les Églises orthodoxes [à l'exception de l'important patriarcat de Moscou, de quelques autres Églises et des monastères de l'Athos] décidèrent aussi de réajuster leur calendrier sur le cycle solaire: elles supprimèrent donc treize dates de ce calendrier. _

Depuis lors, Latins et Orthodoxes grecs célèbrent donc le même jour la fête de Noël [le 25 décembre du calendrier grégorien], mais les Orthodoxes russes (1) célèbrent Noëlle 25 décembre du calendrier julien qui correspond au 7 janvier du calendrier grégorien [décalage de treize jours].

Mais - même si cela peut paraître étonnant -, il fut bien précisé, lors de la réunion de 1923, que les Églises qui avaient ainsi rectifié leur calendrier continueraient, pour le calcul de la date de Pâques, à suivre le calendrier julien. Ainsi, toutes les Églises orthodoxes, qu'elles aient - ou non - réajusté leur calendrier sur le cycle solaire, déterminent la date de Pâques d'après le calendrier julien, alors que les Latins la calculent d'après le calendrier grégorien.

Tables lunaires différentes, calendriers solaires différents: voilà donc bien l'origine des fréquents décalages de dates entre la Pâque des Latins et la Pâque des Orthodoxes.

 

Les trois cas de figure

. La date est commune quand la pleine lune astronomique [qui sert de base de calcul aux Latins] tombe au tout début d'une semaine [le lundi 2 avril en 2007]. La pleine lune orthodoxe (2), décalée de quatre ou cinq jours selon les années (3), tombe alors dans la même semaine [le vendredi 6 avril en 2007] et, selon la règle de Nicée, les deux Églises célèbrent la fête de Pâques le même dimanche [le 8 avril en 2007].

. Quand la pleine lune latine tombe à partir du mercredi, la pleine lune orthodoxe, en raison de son décalage de quatre ou cinq jours, tombe dans la semaine suivante. Et donc il y a un écart d'une semaine entre les deux Pâques.

. Dans les deux cas précédents, la date de Pâques des deux Églises est déterminée par la même pleine lune. Mais, certaines années, en raison du décalage de treize jours entre les calendriers julien et grégorien, la Pâque orthodoxe se trouve déterminée non pas par la pleine lune qui est pascale pour les Latins, mais seulement par la pleine lune suivante. Et il Y a alors un écart de quatre ou cinq semaines entre les deux fêtes de Pâques.

Peut-on espérer retrouver un jour une date de Pâques unique pour tous les chrétiens?

 

Robert Levet

Publié dans la revue diocésaine de Marseille

 

(1) Sauf ceux qui, en Europe occidentale, sont dans l'obédience du Patriarcat [grec] de Constantinople, ce qui est le cas des Orthodoxes russes de Marseille.

(2) La date de la «pleine lune orthodoxe», obtenue à partir de tables lunaires du VIe siècle, est une date théorique, non astronomique: il suffit d'observer le ciel pour s'en rendre compte. Nos frères orthodoxes savent bien que cette date théorique n'est pas exacte, mais, pour l'instant, ils n'ont pas décidé de rectifier leurs tables lunaires.

(3) Comme nous l'avons dit, le décalage entre la pleine lune astronomique et la pleine lune orthodoxe est actuellement de 4 jours et environ 20 heures. Mais, dans le calendrier, il ne peut évidemment pas y avoir de fraction de jour et donc, selon les années, le décalage est de quatre ou cinq jours.