Chair et sang, c'est moi tout entier

20ème dimanche ordinaire

Proverbes 9, 1-6 ; Ephésiens 5,15-20 ; Jean 6, 51-58

Dans l’évangile de ce dimanche Jésus répond aux objections que les gens de Capharnaüm se posent “entre eux” au sujet du discours de Jésus sur le pain qui donne la vie. Beaucoup de générations de croyants ont été choqués parce qu’ils ont pris le discours de Jésus comme l’ont fait les auditeurs, en prenant au premier degré cette histoire qui ressemble à de l’anthropophagie. Ni disait-on pas aux XIIème et XIIIème siècle que des hommes sacrilèges avaient transpercé une hostie et qu’il en était sorti du sang… Aujourd’hui encore certaines représentations de l’hostie sont diffusées dans le peuple chrétien, qui laissent apparaître la trace du cœur transpercé.

 

Quand on connait un peu saint Jean et son goût subtil pour les quiproquos, chacun devrait se méfier des premières impressions. En disséquant le corps et le sang du Christ, nous oublions la signification profonde de l’expression corps et sang pour dire que c’est Lui tout entier, ce qu’il est ses pensées et sa manière de vivre : Mon corps et mon sang c’est moi tout entier.

 

On ne peut donc se permettre de dire, à propos des enseignements de Jésus : “cela, je le prends, cela, je le laisse”, c’est un tout, dans lequel nous avons été plongé au jour de notre baptême. Nous connaissons d’autres expressions en français comme le “ciel et la terre” pour désigner l’univers tout entier, ou “la terre et la mer”, pour désigner l’ensemble du globe terrestre. Ou encore “le cœur et la raison” comme faisant un pour l’agir humain (à moins de séparer le cœur et la raison dans le discernement des actes humains). L’expression “suer sang et eau” n’est jamais prise au sens propre, car nous sommes capables d’y voir une expression imagée. Manger ma chair et boire mon sang fait partie de cette catégories des expressions imagées pour décrire une réalité spirituelle.
 

 

Si Jésus et saint Jean reprennent ces expressions, c’est bien qu’il y avait danger chez certains chrétiens de prendre ce qui plait dans l’enseignement de Jésus. Par exemple sur l’amour du prochain avec l’insistance de Jean à dire “celui qui dit j’aime Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur”. A cette époque commençaient aussi à poindre des discours qui niaient que Jésus soit vraiment Dieu ou vraiment homme. Certains disait que c’était Dieu qui a fait semblant d’être homme. Ou bien qu’au moment de sa mort c’est un autre sui serait mort etc. D’autres disaient qu’il suffisait d’avoir la connaissance pour être sauvé, pas besoin des pratiques corporelles…


On pourrait développer la réflexion sur ces attitudes du premier siècle, mais il vaut mieux se demander si aujourd’hui on n’agit pas d la même manière : on en prend et on en laisse ! L’insistance sur le retour de la prière, de la liturgie, de l’adoration, ou autres gestes sacrés pour obtenir la présence de Dieu sont des œuvres louables, mais si, dans le même temps on met en veilleuse le service du frère (qu’il soit rom, migrant, ou sans travail ni ressources) nous faisons comme les contemporains du Christ et de saint Jean : nous disséquons le Corps du Christ et ne retenons que ce qui nous est agréable. Ceci entendu, reconnaissons aussi qu’à plusieurs reprises le christ invite au discernement. Les ch. 5 et 6 de Matthieu en sont une illustration.  Abbé Emile Hennart