Servir et se servir

25ème dimanche ordinaire

Amos 8, 4-7 ; 1 Timothée 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13
Chacune des lectures de ce dimanche apporte son regard sur la vie des hommes, les relations entre eux et la relation avec Dieu. Amos, l’un des plus anciens prophètes connus (8ème siècle av J-C), met les points sur les i, concernant le rapport du riche au pauvre. A croire que bien peu de chose –sinon le volume des exactions- n’a changé entre le temps d’Amos et celui de Lehmann Brother. Certains ont du reprocher à Amos de faire dans l'économique et non dans le religieux, comme certains l'ont reproché récemment encore aux pasteurs et théologiens de la libération!

 

La caste sacerdotale, avec Amasias, proche du pouvoir a su le faire pour Amos. Aujourd'hui, il nous faudrait aller relire les encycliques sociales, le corps de doctrine sociale de l’Eglise, les cris des associations humanitaires, catholiques ou non, qui essaient de s'opposer aux inégalités croissantes... ou écouter le pape François. Il est trop facile de dire “ce n’est pas le problème des chrétiens”, ou que “l’assistance ne mène à rien…” Depuis le tout début de la Bible résonne pour chacun la question : “Qu’as-tu fait de ton frère ?” et elle est encore d’actualité... "Ecoutez, vous qui écrasez le pauvre..."

 

La 1ère lettre à Timothée, écrite par Paul ou son secrétaire, est une exhortation aux responsables de communautés. On ne sera pas étonné de voir l’attention portée aux chefs d’Etat et aux responsables dans la société. Cette introduction manifeste l’intérêt que l’apôtre porte à tout homme et pas seulement à la communauté. Dans ce monde aux dieux multiples, que Paul a fréquenté, il y a un rappel : un seul Dieu, un seul médiateur entre Dieu et les hommes.

 

Ce fut un débat lors de Vatican II de savoir si Marie était co-rédemptrice, co-médiatrice avec son Fils. La réponse fut claire, il y a un seul sauveur: Jésus, Christ. Mais il y a eu et il y a encore bien des cafouillages dans les livres et prédications, où l’on attribue à Marie ce qui est la mission propre du Christ : offrir le salut accordé à tout homme. Au surinvestissement de prières à Marie on devrait toujours associer l’auteur du salut, celui que l’on fête lors du triduum pascal, mais pas seulement. “Messire Dieu, premier servi”, devise de Jeanne d’Arc mériterait d'être ici rappelée.

 

Une première lecture de l’Evangile met mal à l’aise plus d’un, par confusion sur les paroles de la parabole. Comme toute parabole, elle doit être resituée dans son contexte. Or, le système des taxes, impôts et récupérations de dette fonctionne comme dans notre haut moyen-Age : c’est confié à un personnage à qui revient de trouver les moyens de récupérer le fermage dont il a reçu et payé la charge. Il n’y a donc pas culpabilité du gérant, à faire comme bon lui semble ! Et il n’y a pas erreur du Christ sur l’éloge…

 

On remarquera l’expression “argent trompeur” qui témoigne que Jésus n’est pas dupe du problème. On remarquera aussi que Jésus félicite pour l’habileté du gérant (habileté et non falsification). La comparaison qu’il donne entre l’habileté des fils de ce monde et celles des fils de Lumière manifeste que, hier comme aujourd’hui le fonctionnement des humains est plus efficace pour les affaires de ce monde que pour les affaires de Dieu. Comme si, pour Dieu on en fait toujours assez.

 

Cette parabole précède l’histoire du riche et du pauvre Lazare (dimanche prochain)… Cet homme riche, qui va se retrouver en enfer, ne s’est guère intéressé au pauvre qui croupissait devant le portail de son palace. Ilne lui a pas effleuré  l'esprit qu'il pouvait agir de manière à en faire son ami… Dans la parabole du festin, les invités par le roi font bien partie des derniers et non des premiers de la société. "Dieu se fait l’ami des pauvres et des petits", c’est au début de l’évangile de Luc. Les invités au festin, c’est quelques versets avant l’histoire de ce jour, au chapitre 14 de Luc. Le missel liturgique a, hélas, oublié de nous faire entendre la parabole d'un festin voulu par un roi et où se retrouveront, sans exception, tous les estropiés de la terre et tous les précaires.

 

En reliant entre eux et en relisant plusieurs chapitres de l’Evangile, des aspects ignorés de l’enseignement de Jésus deviennent évidents. Aujourd’hui, par une parabole en forme comparative, Jésus montre ce dont les humains sont capables de faire pour bien gérer leurs affaires et leur patrimoine, mais leur gestion n’est pas celle de Dieu. Pour Dieu, ce qui compte, c’est de gérer sa relation avec les derniers de la société, les moins que rien : “Heureux vous les pauvres” écrivait Luc, 6, 20 ; l’accueil de Lazare, dimanche prochain ou, aujourd’hui, la recherche d’amis sur qui pouvoir compter aux jours de la détresse… tout cela va dans le même sens ! Quel eut donc été l’agir des fils de lumière ? Abbé Emile Hennart