Fête du Corps et du Sang du Christ
“L’homme ne vit pas seulement de pain…”
Deutéronome 8, 2-16 ; 1 Corinthiens 10, 16-17 ; Jean 6, 51-58
“L’homme ne vit pas seulement de pain…” Cette parole du Deutéronome a été reprise par l’évangéliste Matthieu pour le récit des tentations (Mt 4,4). Cette phrase est en accord avec le titre de la fête de ce dimanche. Après avoir été confinés deux mois, en l’absence de célébration eucharistique nous pouvons “communier”. Peut-être faut-il se rappeler que, ce qui est premier, c’est l’assemblée composée des disciples du Seigneur, des frères. L’insistance de courants religieux sur la présence réelle, le saint Sacrement a pu faire dévier sur le sens de l’eucharistie, le moment où tous ensemble on fait Corps. Sans doute avons-nous chanté fort justement : “Nous sommes le corps du Christ… pour le bien du corps entier”. La célébration eucharistique est un ensemble construit pour faire sens et qui se termine par un envoi. La fin c’est de reprendre la finale de Matthieu : de toutes les nations faites des disciples. Ne prendre que l’hostie, ou que la demande de pardon, ou ignorer le temps de la paix ou de l’envoi, c’est affadir la signification de l’ensemble.
Le très long chapitre 6 de Jean, après la multiplication des pains, est difficile à comprendre. Beaucoup de disciples ont quitté Jésus quand il s’en est expliqué. La première lecture nous appelle à revenir au temps de Moïse quand le peuple cheminait au désert, sans trop savoir quel serait son avenir. La lecture de Paul est une incitation à mesurer l’unité que nous formons, parce que nous participons au même corps du Christ. Hélas, il est souvent question de divisions entre nous. L’Eglise serait-elle devenue une succession de chapelles autonomes ? De fait, entre les paroles de Jean-Paul II et celles du pape François il y a bien des nuances, des divergences. La volonté de restaurer la puissance de l’Eglise selon Jean-Paul II a pu égarer les chrétiens. Il faudrait relire le dernier passage du Christ devant la magnificence de Temple de Jérusalem. C’est à ce moment aussi que le Christ fait remarquer aux disciples la présence d’une pauvre veuve qui a donné tout ce qu’elle pouvait. De quel côté regardons-nous aujourd’hui ? L’Eglise puissante ou l’Eglise constituée des milliers de personnes qui humblement apportent un peu d’espérance de vie et de charité autour d’elles ?
La prière du Christ, lors de l’Institution du jeudi-saint, insiste sur la paix, sans doute parce que la paix entre chrétiens n’est pas acquise et qu’elle est toujours à faire. Nous rompons le pain pour devenir communion entre nous et avec le Christ. En même temps nous sommes envoyés pour que d’autres deviennent membres de ce même corps. Certes, il y a des failles, des faiblesses qui éloignent du Christ ; au jardin des Oliviers, il y a bien eu un Judas… Pierre qui reniera et un jeune disciple qui s’enfuie à travers bois. Ils ont pourtant constitué les premières racines d’une Eglise appelée à porter du fruit, avec l’aide de l’Esprit-Saint.
Méditons encore sur l’invitation de Jésus auprès des disciples : il prononça la bénédiction, rompit les pains et les donnait aux disciples pour qu’ils les offrent aux gens (Marc 6,41). A nous de continuer sur ce même chemin.
Abbé Emile Hennart