Aimez vos ennemis…
7ème dimanche ordinaire
1 Samuel 26, 2-23 ; 1 Corinthiens 15, 45-49 ; Luc 6, 27-38
La première lecture fait partie des “petites histoires”, des guéguerres lors de l’installation de la royauté en Israël : Saül, David, Salomon. Aujourd’hui, c’est un récit qui a pour but de valoriser le successeur de Saül. On peut bien sûr valoriser la magnanimité de David envers Saül, puisqu’il lui laisse la vie sauve.
Dans l’évangile, c’est aussi une histoire de magnanimité qui est exposée. Aimez vos ennemis demande Jésus ; à celui qui te frappe, tend l’autre joue. La conclusion est importante : soyez miséricordieux comme votre père est miséricordieux.
Quant à Paul (2ème lecture), il nous parle du premier Adam et du dernier Adam, le Christ, être spirituel qui donne la vie. Or nous sommes nous aussi, à la suite du premier Adam et du nouvel Adam appelés à recevoir et à donner la vie autour de nous. Le langage de Paul peut nous sembler compliqué… Il y a une part de travail symbolique nécessaire pour tirer un peu de sens du discours de Paul. Le récit biblique parle du premier être humain dénommé Adam, avec toute l’histoire qu’on lui connait, ce qu’on a appelé la chute, etc. Paul prend en considération Jésus, le nouvel Adam, celui de la fin des temps qui vient pour tout restaurer et faire de nous des participants de la vie divine.
Cette symbolique se retrouve au Saint sépulcre, où nous pouvons vénérer l’emplacement de la croix (église orthodoxe) et, en dessous, une grotte que l’on appelle “le tombeau d’Adam”. Notre mémoire, en ce lieu, est invitée à reconsidérer le rôle du Christ : tout ce qui vient du premier homme est restauré dans sa dignité de fils de Dieu par le Christ venu pour nous. Certaines icones orthodoxes ont dépeint la résurrection du Christ comme le moment où Jésus sort tu tombeau et tient dans sa main la main d’Adam et Eve, belle exemple de théologie illustrée pour l’éducation du peuple de Dieu à travers les âges.
Revenons à l’évangile : nous faut-il tendre l’autre joue quand quelqu’un nous agresse ? C’est l’expression retenue par la piété populaire et qui nous transforme en naïfs devant nos adversaires. Ce faisant nous oublions le texte des béatitudes : heureux les artisans de Paix, ils seront appelés fils de Dieu. Jésus ne nous donne pas les moyens concrets pour faire venir la paix, mais il nous en donne l’ordre, et l’orientation qu’il faut donner à notre vie. Vouloir et faire la paix n’est pas évident en notre temps, pas plus qu’hier. Les manifestations de cette semaine contre le sémitisme ambiant vienne rappeler que la paix n’est jamais gagnée, et qu’on peut toujours revenir au passé (même les chrétiens n’ont pas su se prémunir de ce danger).
Au Vatican, l’assemblée convoquée par le pape vient interroger ceux qui favorisent la baise plutôt que le baiser de paix. Nombreux sont les prêtres et les laïcs à être dévalorisés par les pratiques de quelques-uns et certains silences de la hiérarchie. A la mort de Jean-Paul II, des disciples zélés n’ont pas laissé au temps la possibilité de filtrer le bon et le moins bon, d’où ces expressions “subito sancto” qui n’ont pas favorisé le temps du discernement (Maciel, le Chili et l'Amérique latine, etc.
La méditation des lectures de ce jour n’appelle pas à se taire mais plutôt à veiller à nos paroles, à nos gestes : en quoi favorisent-ils la paix, autour de nous et en nous ? Le geste de David devait être de ceux-là, pour qu’il ait été retenu par la tradition, texte rédigé longtemps après les faits. Puissions-nous être des serviteurs de paix, des acteurs de discernement afin que dans la vie de l’Eglise grandissent les gestes qui honorent tout à la fois ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. E.H