Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le

2ème dimanche de carême

Lectures: Genèse 22, 1-18, Abraham-Isaac, l’épreuve. Romains 8, 31-34 : Dieu avec nous ; Marc 9, 2-10 récit de la Transfiguration

 

En lisant le récit de la Transfiguration, nous laissons trop vite de côté la fin de l’histoire : “Soudain, regardant autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux”. Cette phrase laisse entendre un retour à la vie quotidienne, réelle, après un bref moment “hors du temps”. Les disciples viennent de “saisir”, le temps d’un éclair, qui est ce Jésus avec qui ils marchent sur les routes de Galilée. Dans la succession d’écritures voulue par Marc, Jésus a clairement laissé entendre ce qui sera fait de lui : première annonce de la passion. Lorsque cela sera arrivé et que les disciples annonceront un Messie crucifié, ils seront l’objet d’un refus, d’un rejet : non ce n’est pas possible que l’envoyé de Dieu souffre et soit mis à mort!

 

Réaction logique que notre longue habitude de croyant, depuis la naissance, ignore, “par habitude” : "Christ est venu, Christ a souffert, Christ est ressuscité, Alléluia !" Ce sera la première affirmation de Pierre à Jérusalem le jour de Pentecôte, l’annonce de Jésus mort et ressuscité. Mais lui-même ne pensait pas la même chose auparavant. Il n’avait pas accepté la première annonce de la passion, au pied du mont Thabor, et il avait alors réprimandé Jésus (8, 31-33). Pierre fait partie de ceux qui ont mis du temps à comprendre. La mise en scène de la Transfiguration est donc à lire au second degré, pas seulement dans sa matérialité, mais en relation avec les textes majeurs de l’Ancien Testament. Moïse et Elie sont deux grandes figures, figures de référence. C'est un instant de "révélation" de qui est Jésus.

 

Moïse et Elie sont les initiateurs de la Loi et des prophètes. Ils sont annoncés par Malachie comme les prophètes du retour. La nuée évoque la montagne du Sinaï, lieu de la rencontre et de la révélation. La parole “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le” vient confirmer Jésus, Celui que les disciples sont appelés à croire. Jésus, fils d’homme et fils de Dieu, les deux à la fois. Depuis la première communauté apostolique jusqu’à nous aujourd'hui, c’est la même affirmation que la traduction théologique exprimera dans le Credo : vrai Dieu et vrai homme. Qui est donc ce Jésus ? Quelqu’un qui marche à nos côté. Et pourtant c’est lui qui établit (rétablit) la relation avec Dieu, relation dont nous pouvons bénéficier à notre tour, en mettant notre foi en Lui… “Ecoutez-le !”

 

La mort d’un proche, la souffrance et la maladie peuvent faire obstacle à notre foi, tout comme un caillou (scandale, en grec) peut faire obstacle à notre marche sur la route. Il faut pouvoir passer au-dessus. Cet obstacle, ce scandale sur la route, Pierre Jacques et Jean ont fini par passer au-dessus en utilisant d’autres passages d’Ecriture, en se rappelant d’autres personnages comme Moïse et Elie. A nous aussi il faut pouvoir dépasser tel ou tel scandale dans notre vie. La seule référence pour dépaser les obstéacles, c'est Jésus auquel nous nous attachons.

 

Paul l’écrira plus tard à sa manière : Dieu n’a pas épargné son propre fils, il nous l’a donné, non pour nous condamner, mais pour donner accès à sa vie. Quant à la figure d’Abraham évoquée en première lecture, avec le sacrifice d'Isaac, retenons-en l’image de l’épreuve, celle de devoir sacrifier (se séparer de) son fils. Mais Dieu ne veut pas ce sacrifice, cette manière de devenir proche de lui "par sacrifice". Les exégètes, pour ce récit, parlent d'une étape dans la civilisation, un passage pour les croyants, la découverte d’un Dieu qui n’est pas contre l’homme (appel à sacrifice) mais d’un Dieu qui est pour l’homme. Chacun est appelé un jour où l’autre à faire cette expérience que “Dieu n’est pas contre lui”, mais qu’il est proche de lui : en Jésus, Dieu nous a tout donné.

Puissent les lectures de ce dimanche demeurer gravées en notre cœur, pour qu’aux jours de difficultés elles nous aident à croire et entendre le Fils bien-aimé. EH ;