Création d’un groupe Place et parole des pauvres

Article dans Eglise d'Arras n°05-2022

 

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La proposition Diaconie de Saint Benoît Labre est une réponse à la question : Qu’avons-nous fait de l’élan de Diaconia ? Elle vient d’offrir au diocèse d’Arras la joie de rejoindre la grande famille des diocèses qui ont créé un groupe de travail appelé Place et parole des pauvres.

 

Cet élan de Diaconia 2013, à Lourdes, justement, d’où venait-il ? Pour la première fois dans l’Église de France, un rassemblement national a été préparé sur la base de la parole de personnes très pauvres ou ayant connu la très grande pauvreté. C’est la force de la parole de ces personnes qui a permis de faire bouger les lignes, qui a remué ceux qui ont entendu des personnes qui ne l’ont jamais ordinairement : très pauvres, en grande fragilité, prisonniers… Le trésor de l’Église, ce sont les pauvres, disait le diacre romain saint Laurent.

 

Pourquoi cette parole nous bouscule ?

C’est le Père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart Monde, et dont la spiritualité inspire aussi La Pierre d’Angle, qui nous l’a fait découvrir : les plus pauvres sont porteurs d’un savoir, non parce qu’ils ont été à l’école et fait de longues études, mais par leur expérience de vie elle-même. Et ce savoir concerne tous les domaines de l’existence, la foi comme les autres. Le pape François lui-même nous le rappelle dans Evangelii Gaudium (n°198) : « En plus de participer au sensus fidei, par leurs propres souffrances, (les pauvres) connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux. La nouvelle évangélisation est une invitation à reconnaître la force salvifique de leurs existences, et à les remettre au centre du cheminement de l’Église. »

Il ne s’agit pas de faire parler les personnes sur leur pauvreté, mais bien d’écouter leur pensée à partir de ce vécu, et de se laisser enseigner et transformer par leur parole. L’objectif ultime étant toujours la destruction de la misère et l’abolition d’une négation d’humanité dont sont victimes les pauvres. Le Christ lui-même ne s’est-il pas identifié aux plus pauvres ?

 

L’intérêt de Place et parole des pauvres

La création d’un groupe « Place et parole des pauvres » vient renforcer cette dynamique d’une Église qui a le souci de mettre les plus fragiles au cœur de la communauté, en partant réellement de la parole des plus pauvres. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans l’évangélisation et dans la mobilisation, puisqu’ils savent où sont les absents, ceux que nous n’avons pas encore rejoints, trop enfermés dans leur pauvreté. Eux seuls peuvent nous emmener dans ces chemins creux où personne n’a envie d’aller, à la rencontre de ceux que nous ne connaissons pas encore. L’évangélisation ne peut se faire sans eux.

Cette priorité aux pauvres est une idée phare du Père Joseph Wresinski : si nous partons du plus pauvre, du plus méprisé, si nous cheminons à son rythme, alors nous serons sûrs de pouvoir nous adresser à tous sans jamais laisser quelqu’un sur le bord du chemin.

Notre objectif est d’amener l’Église à regarder l’homme, le monde et Dieu, à partir et à travers ce que nous en révèlent les plus pauvres : « Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. » (Pape François)

Enfin, et c’est ce qui marque souvent très profondément ceux qui ont la chance de vivre un cheminement avec des personnes en très grande précarité, on ressort toujours de ce partage spirituellement et humainement grandi et renforcé dans notre foi. C’est une grâce à partager !

 

Quelques conditions.

La présence des plus pauvres se manifeste par la place qui leur revient et que nous voulons bien leur laisser, et la parole que les autres sont prêts à écouter. L’une ne va pas sans l’autre.

Cette parole a besoin que les personnes en précarité se rencontrent et qu’un animateur leur ouvre l’espace et la durée nécessaires à l’émergence de leur pensée. L’expérience nous le prouve : si une ou deux personnes en grande précarité sont invitées à participer à un groupe de réflexion lambda, le risque est que la rencontre en profondeur n’ait pas lieu parce que les plus pauvres se conformeront à ce qu’ils imaginent être les attentes du groupe envers eux. Les plus pauvres ont, plus que les autres, besoin d’un temps différent et aussi d’un groupe de pairs où la confiance est la clef de voûte pour laisser émerger, affiner et maîtriser leur pensée.

Il faut donc imaginer un groupe où la grande majorité des personnes est issue de la grande précarité (qu’elles l’aient connue ou la connaissent encore), avec quelques autres personnes (1/3 maximum) qui connaissent bien les réalités de vie de ces personnes, les accompagnent et ont le souci de ne surtout pas traduire la parole des pauvres dans notre propre langue.

 

Entendre la pensée des plus pauvres, pour qu’elle irrigue la vie du diocèse…

Le groupe privilégierait toujours la parole et le rythme de celui qui aurait le plus de difficultés à s’exprimer. Il s’agirait donc pour les membres accompagnants d’être vraiment au service de la parole des plus pauvres, en cherchant à favoriser la prise de parole des personnes, tout en étant très vigilants à ce que cette parole soit respectée telle quelle (ni traduite ni interprétée).

Le groupe, composé de 15 à 20 personnes maximum, fonctionnerait en cercle fermé, afin de favoriser l’établissement de la confiance et de la confidentialité entre ses membres. Les réunions seront cependant enregistrées dans une perspective de décryptage et un compte-rendu, ayant pour objectif une diffusion publique.

Le groupe doit permettre de faire émerger la pensée des plus pauvres et être pour la diaconie de Saint Benoit Labre, impulseur du cap à tenir. Il doit aussi irriguer toute la vie de notre Église diocésaine, ainsi il existera un réel va-et-vient entre l’évêque (le conseil épiscopal) et le groupe. Aussi bien dans l’interpellation par l’évêque du groupe Place et parole des pauvres sur une question, que du retour sur les écrits du groupe.

Pour accompagner et encourager le développement dans le diocèse des groupes qui permettent aux plus démunis d’être accueillis, accompagnés, il faut créer des espaces d’expression (maisons), qui invitent à prendre la parole à partir de la Parole de Dieu, à nourrir leur foi et à pouvoir l’exprimer au cœur de l’Église et dans le monde ; le groupe Place et parole des pauvres pourra recevoir ponctuellement des personnes qui viennent voir comment mettre en place un tel groupe localement.

 

Qui en ferait partie ?

Notre évêque tout d’abord, dans la mesure de ses disponibilités. 2/3 au moins de personnes connaissant ou ayant connu la misère ou la grande précarité, issues de tout le diocèse, d’engagements et de situations sociales ou familiales divers. 1/3 de personnes les accompagnant dont un coordinateur du groupe : ces personnes doivent bien connaître la réalité de vie des personnes confrontées à la misère et être capables de se mettre au service de l’émergence et de l’expression de leur parole.

Il serait souhaitable que tous les membres du groupe soient appelés personnellement par un courrier de l’évêque, avec un mandat de 2 ans (renouvelable 2 fois).

 

Propositions de fonctionnement

Fréquence : le groupe se retrouverait 3 fois par an, sur une journée si possible.

Contenu : Une question d’actualité ou un thème proposé par notre évêque

Déroulement typique :

Matin : un temps de prière, un temps de nouvelles, un temps de travail de la Parole de Dieu en lien avec le thème de la journée.

Repas partagé,

L’après-midi : poursuite de la réflexion, qui pourrait se faire sous une forme différente (ateliers plus orientés vers l’expression manuelle ou artistique).

Lieu : Il serait bon que, au moins ponctuellement, le groupe puisse se retrouver dans un lieu qui soit central ou emblématique pour la vie du diocèse afin de faciliter une certaine visibilité du groupe.

 

Valérie Mandin