Moïse répondit: Me voici

3ème dimanche de carême

Exode 3, 1-15 la vocation de Moïse ; 2 Corinthiens 10, 1-12 ; Luc 13, 1-9.

 

 Après la figure d’Abraham, évoquée dimanche dernier, voici la figure de Moïse, en particulier son appel, devant le buisson ardent. Si l’on retient la manière dont Dieu se présente : le Dieu de ton père,  Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, on pourra retenir que c’est un Dieu de relations personnelles. Il n’est pas le dieu de l’orage, de la tempête ou de la guerre comme en parlent les civilisations romaines grecques ou sémitiques. Lorsque, bien plus tard, Jésus propose aux disciples de prier ce sera une prière toute personnelle, dans l’invocation et dans la supplication : notre Père.. ; donne-nous notre pain quotidien, pardonne-nous etc.

Cette “première expérience” de Moïse avec le Dieu de l’alliance est une invitation à reconnaitre que Yahvé, c’est Dieu qui se donne à voir. Encore faut-il en face un cœur curieux, capable d’accueillir la rencontre. Et ensuite de répondre “Me voici”. Dans la manière de se présenter Dieu précise encore : “J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple”. Ce n’est donc pas n’importe quel type de Dieu. Cette attention de Dieu pour son peuple mérite d’être relevée. Attention pour hier, attention pour aujourd’hui ? Quand on parlera de l’incarnation du Fils c’est la même attitude, celle que résumera la parabole du Père prodigue en Luc, ch. 15 : un Dieu qui vient visiter l’homme, pour donner, pour pardonner. Il nous faudra nous en souvenir quand nous serons appelés à être “miséricordieux comme le Père” en particulier en cette année de la miséricorde car nous sommes appelés à porter à notre tour cette miséricorde.

 

L’histoire de Moïse est celle de quelqu’un appelé par Dieu et chargé de mettre en œuvre cette miséricorde au concret, en Egypte puis au désert, et jusqu’à l’entrée de la terre promise… On pourra toujours dire de Moïse que c’est une histoire “reconstituée” sans doute mais cette histoire, réelle ou reconstituée sert de phare, de guide à celui qui accepte d’entendre la Parole de Yahvé, hier comme aujourd’hui. “J’ai vu la misère de mon peuple, va je t’envoie”. Fort heureusement Moïse n’a pas répondu comme Caïn “suis-je le gardien de mon frère ?”  Les misères des hommes d’aujourd’hui sont nombreuses : celle des peuples en guerre, des peuples déplacés et immigrés en terre étrangère, celle des chômeurs, celle des enfants délaissés…

Bien sûr, on peut se souvenir et commémorer 14-18, mais si l’on oublie ce qui fait l’actualité d’aujourd’hui, à qui sert-il d’évoquer hier et avant-hier si l’on ne porte pas attention à aujourd’hui pour demain ?

 

Après cette méditation, la lecture de l’Evangile de ce jour peut sembler surprenante. Cet évangile prend appui sur une habitude toute humaine de supposer qu’un malheur ne surviendrait pas sans qu’il n’ait été mérité. Ainsi en aurait-il été des galiléens massacrés par Pilate, ou des habitants écrasés par la chute d’une vieille bâtisse. Il est très rare de trouver dans les évangiles la relation d’un fait divers ! La question alors osée par Jésus invite à dépasser les questions de culpabilité. Il invite à savoir changer son regard, se convertir pour découvrir la miséricorde divine et non la condamnation : il est injuste de faire croire à une punition de Dieu alors qu’il donne du temps au temps pour que l’homme se convertisse, tout comme le jardinier à l’égard du figuier. Il y a comme un appel de Jésus à cesser de regarder Dieu comme un bourreau. Le Dieu de Jésus est un Dieu qui offre sa grâce au pécheur. E.H.

 

P.S. L’affirmation de Yahvé : oui, j’ai vu, j’ai vu la misère de mont peuple évoque en moi quelques mails reçus récemment où je lisais : “Calais, un lieu de souffrance : nos enfants ne nous pardonneront pas notre silence.” Peut-être y a-t-il là appel à un sursaut de solidarité, là où l’usure et l’immensité de la tâche risque de faire s’écrouler les bonnes volontés ou tout simplement les volontés de ceux qui depuis des années et des années (vingt ans) cherchent à adoucir les conditions de vie des réfugiés.