Dimanche 30 juillet, 17ème dimanche ordinaire

2 Rois, 4, 42-44; Ephésiens, 4, 1-6; Jean 6, 1-15

 

Evangile de Marc, la section des pains  (Ch 6,30 à 8,27)

Le 23 juillet, le texte de l'évangile du dimanche se terminait par "alors Jésus se mit à les enseigner longuement"...  Nous n'en saurons pas plus, puisque le liturge qui a organisé le lectionnaire dominical saute allégrement tous les éléments de la section des pains pour nous offrir des extraits johanniques. Profitons de ce temps de l'été pour parcourir ces chapitres où Marc a voulu nous livrer un enseignement. Découvrons l'organisation de ces trois chapitres (6, 30 à 8,27)...    

 

Invitation à lire cet ensemble !

Dans la barque.
Le début et la fin de cet ensemble situent Jésus et les disciples dans la barque (6,32 et 8,10). Sans doute n'est-ce qu'un détail pour le lecteur moderne. Les anciens savaient y percevoir un critère d'unité de texte, là où les modernes que nous sommes demeurons aveugles.
     Excursus - Pour le familier des procédés d'écriture biblique, cela s'appelle un procédé d'inclusion,
     invitation au lecteur à prendre comme une seule unité tout le contenu intermédiaire.
     Jusqu'à l'invention de l'imprimerie, les manuscrits ne connaissaient pas de ponctuation,
     ni de système  pour distinguer paragraphes et chapitres, pour repérer à vue la structure du texte écrit.
     Les rédacteurs utilisaient d'autres techniques qui nous sont peu familières. L'inclusion en est une.

 

C'est Jésus qui mène la barque, et les disciple suivent sans comprendre où le maître veut les mener. En 8,21... et Jésus leur disait: "ne comprenez-vous pas encore?". Alors qu'un enseignement de Jésus était annoncé en 6,32, le résultat, deux chapitres plus loin, semble bien maigre, car les disciples discutaient entre eux parce qu'ils n'avaient pas de pain... ignorant (ou ne comprenant pas) que dans la barque, "Jésus avec eux", c'est le pain de Dieu, le pain de la vie.... Or cette barque représente l'Eglise, nouvelle communauté. Au coeur de l'Eglise, il y a l'eucharistie. Les disciples d'avant la Pâque ne pouvaient pas comprendre que Jésus est le pain vivant au milieu d'eux. Cette incompréhension avait déjà été signalée en 6,52. L'évangéliste Jean aura d'autres expressions sur le pain de vie, mais le discours semblera, lui aussi, obscur pour les auditeurs (Jean ch.6).

 

Deux scènes de pain partagé (6, 35 et 8, 1, "multiplication" des pains) Pour qui ce pain donné?
 Nouvel étonnement, quand nous découvrons deux récits assez semblables de pain partagé aux foules . Le procédé d'inclusion se trouve redoublé !  Les spécialistes qui scrutent les textes à la loupe, découvrent que les mots et expressions employés dans l'un et l'autre ne sont pas les mêmes. Le premier récit semble s'adresser à un public "juif", connaisseur de la Bible et du psaume 23. Le second récit serait davantage universel avec ses chiffres 4 et 7, et le mot corbeille qui renvoie à la culture gréco-romaine.

 

Excursus  - Il n'est pas inutile de rappeler le contexte des années 50-70, et les discussions qui opposèrent entre eux les chrétiens de l'Eglise de Jacques (Jérusalem) et ceux d'Antioche (avec Paul et Barnabé) au sujet de l'accueil des païens dans la communion de l'Eglise. L'assemblée de Jérusalem avait tranché en faveur de l'accueil... mais il en a été des suites de cette assemblée comme des suites de Vatican II: tous n'accueillirent pas cette ouverture et ont maintenu une opposition regrettable. Même Pierre fut pris en flagrant délit de rejet des décisions (Lire à ce sujet les explications de Paul dans sa lettre aux Galates, ch.2).

 

Deux récits de guérison.
Une guérison en-deçà du Jourdain, à Génésareth, une autre au-delà du Jourdain, en Décapole, territoire païen. Pour la troisième fois, Marc utilise le procédé d'inclusion. Cela me fait penser à la manière dont on offre un cadeau précieux, en l'entourant de plusieurs couches d'emballage: à l'extérieur, le papier cadeau, puis une boîte cartonnée, à l'intérieur un papier de soie qui entoure la boite écrin, enfin le cadeau lui-même.  Mais quel est donc ce cadeau, ce message si précieux que Marc l'emballe de plusieurs épaisseurs de récits qui se renvoient l'un l'autre.. Voici donc le ch 7, au cœur de cet ensemble. On pourrait l'intituler: pour qui ce pain donné?

 

La syro-phénicienne. Pour quelques miettes de pain.
Le ch 7 se divise en deux parties. La première, v. 1 à 23, rapporte des discussions entre Jésus et les pharisiens où ces derniers reprochent à Jésus de mélanger les torchons et les serviettes. (le pur et l'impur). Jésus place au cœur du sujet conscient ce qui peut être source de pensées droites et de pensées perverses. C'est de l'intérieur, du siège de la pensée et non de l'extérieur que viennent les souillures. Ceci dit, voici un face à face souvent mal compris.

 

Marc nous parle d'une inconnue, une femme, païenne, née en territoire païens, autant de qualifications qui disqualifient d'avance l'objet de cette rencontre avec Jésus aux yeux des purs, aux yeux des pharisiens. L'attitude de non-accueil de la part de Jésus étonne... laisse les enfants se rassasier car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. Quelle est donc cette chienne qui vient manger le pain ? Est-ce vraiment la pensée de Jésus, est-ce la pensée des observateurs ? Ne serait-ce pas un procédé pédagogique pour emporter l'adhésion des réticents à l'ouverture aux païens... La réplique  de la femme donne la clé de l'énigme: les petits chiens mangent bien les miettes tombées de la table !  Ceux qui refusent le pain à l'étranger sont priés d'aller se rhabiller. Pour qui donc le pain de Jésus ? Les disciples n'avaient pas compris que le pain de Dieu était au milieu d'eux et qu'il était destiné à tous.

 

Au temps de Jésus, de Pierre puis de Marc, il s'agissait de favoriser l'accueil des non-juifs -des païens- dans la communauté des chrétiens. Le livre des Actes des apôtres témoigne de cette difficile ouverture, même si cela a commencé par une annonce universelle le jour de la Pentecôte.

 

D'hier à aujourd'hui

Aujourd'hui, de quoi s'agit-il ?
Bien sûr on ne parle plus de purs et d'impurs, comme aux premiers temps de l'Eglise, mais l'éternelle question de l'ouverture qui opposa Jérusalem et Antioche existe encore: l'Eglise est-elle faite pour ceux qui y sont ou pour ceux qui n'y sont pas. Faut-il une liturgie pour initiés, avec son flot de discours incompréhensibles, sa langue d'hier comme le souhaitent certains prélats haut placés? Faut-il au contraire quitter le Temple pour parcourir les rues et les quartiers de banlieues comme Paul dut le faire à Corinthe? Faut-il parler l'araméen , l'hébreu, le latin ou les langues des peuples d'aujourd'hui? On peut se demander si les chrétiens n'ont pas à œuvrer pour l'accueil de l'étranger de l'immigré, pour que des lois plus humaines (humanitaires) voient le jour en France et favorisent les relations avec les pays africains en particulier.

 

La catéchèse de notre diocèse propose 'graine de paroles", pour rassembler parents, jeunes et enfants au cours de célébrations non inscrites au rituel romain. D'autres propositions comme "dimanche parole en fête" sont offertes aux équipes de paroisses. Leurs mises en œuvre demande du temps de préparation, reçoit des critiques non justifiées, Mais il y a beaucoup de joie dans le royaume du Père de voir ces nouveaux participants rassemblés, heureux de découvrir que l'évangile est fait pour eux aussi. Dans les paroisses et mouvements, des initiatives nombreuses ont existé et continuent à fleurir, que ce soit des initiatives de partage, des lieux de parole, des démarches qui favorisent le vivre ensemble, l'action solidaire. Ce sont autant de manifestations d'une Eglise qui parle sur le parvis. omme le dit le prophète Osée, cela honore Dieu plus que les volutes d'encens sacré (Amos 3, 10 ou Isaïe 1,13)