Le 3ème jour
Interprétation
Première réflexion
Le troisième jour est devenue une expression consacrée qui renvoie à la notion de résurrection, celle de Jésus. Pour Jean, et les autres évangiles, c'était devenu une manière de renvoyer ses lecteurs à la résurrection du Christ.
Jean invite à mettre en lien le récit de Cana avec la résurrection du Christ: ce qui est dit de Jésus ici-même: changer l'eau de purification en vin de noces (noces de Dieu avec l'humanité) se réalise dans la mort/résurrection du Christ.
Dans l'histoire du développement de la foi juive, puis chrétienne, ce n'est qu'au second siècle qu'apparaît la notion de résurrection: lors des persécutions organisées par l'empire grec (Antiochus Epiphane) contre les juifs (les Maccabées), Les croyants ne peuvent pas croire que ceux qui ont tenu fidèlement dans les épreuves, et ont été réduits à néant, aient disparu de la face de Dieu: "tu ne peux laisser ton ami connaître la corruption". (Psaume 15,10)
Origine de l'expression
Certains font remonter l'origine de l'expression "3ème jour" au livre de la Genèse, 22,4. Lors de la la préparation du sacrifice d'Isaac, par Abraham, il est dit : "Il partit pour le lieu que Dieu lui avait indiqué. Le troisième jour, il leva les yeux et vit de loin ce lieu,". Ce texte d'Abraham, composé à l'époque de l'Exil tient compte de textes antérieurs, celui d'Osée, où le troisième jour commence à prendre sens comme "ler temps de Dieu, le temps de la délivrance. Il serait regrettrable de vouloir prendre en compte les trois jours au sens propre de 1+1+1.
(Pour plus de détails, voir Deneken, la foi pascale, p. 405 sq). Dans la littérature des targums du premier siècle avant J-C, le troisième jour est le jour du salut par excellence.
Confirmation de cette hypothèse
Jean, quelques lignes après avoir employé ce chiffre trois, précise clairement à la fin du chapitre qu'il pense à la passion du Christ: Les juifs lui demandèrent: "quel signe nous montreras-tu pour agir de la sorte?". Jésus leur répondit: "Détruisez ce temple, et, en trois jours, je le relèverai. (Jn 2,18):
Invitation à lire: voir aussi Matthieu 26,61; 27,40; Marc 14,58 et 15,29; Luc 24,7,21, 46; Actes, 6,14. etc.
Très loin dans la Bible, dans les années -750, le prophète Osée écrivait, en 6,2:
"au bout de 2 jours, il nous aura rendu la vie; au 3éme, il nous aura relevés et nous vivrons en sa présence." Bien sûr Osée ne parle pas de la résurrection. Osée évoque l'attente du Royaume détruit de se voir relevé, restauré... Cela sera l'oeuvre de Dieu.
La locution numérique après deux jours... au troisième... ne signifie pas autre chose que "sous peu de temps", et non 1 et deux et trois jours , et c'est gagné! Peut-être y avait-il allusion aux cultes des dieux de la terre et de la fécondité censés renaître, comme la végétation, après la mort de l'hiver.
Matthieu 12, 40-41 fait référence au livre de Jonas, 1,17. :
"tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits,
ainsi le Fils de l'Homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits".
Deuxième réflexion
Ce qui intrigue, c'est que le récit commence en référence à quelque chose qui précède:
le troisième jour...
Qu'y a-t-il donc eu, ces deux jours auparavant? Relisons le ch 1 de l'évangile de Jean.
Il y a l'appel de Nathanaël.
Or cet appel, c'était le lendemain de l'appel de Simon,
qui lui-même eut lieu le lendemain de la rencontre avec les deux premiers disciples.
Or précise Jean, cela eut lieu le lendemain du témoignage de Jean-Baptiste envers Jésus.
Je vous invite à relire le texte de Jean, à partir du Ch. 1, v. 19, à le mettre en tableau:
19. Témoignage de Jean-Baptiste en réponse aux questions des prêtres et lévites venus de Jérusalem. = Premier Jour
29. Le lendemain: Jean parle de l'agneau de Dieu. = Deuxième jour
35. Le lendemain, il invite deux disciples à suivre Jésus. =troisième jour
43. Le lendemain, départ pour la Galilée = Quatrième jour.
2.1 Or le troisième jour, il y eut une noce...
4+3= 7, !
Ce calcul te semble peut-être tiré par les cheveux.... Relis une seconde fois ce chapitre. Et si cela ne te semble pas évident... relis ce texte demain, et après-demain, et encore après-après-demain... et ainsi de suite, jusqu'au septième jour. Peut-être cela te rappellera-t-il qu'il y eut un soir, il y eut un matin... premier jour. Et puis il y eut encore un soir et un matin, deuxième jour... et ainsi de suite jusqu'au septième jour, le jour que Dieu se réserve pour lui-même.
Interprétation
La Bible commence par un récit symbolique où la création se trouve rassemblée dans le temps d'une semaine, en égrénant visiblement chaque jour. . Il semble bien que Jean, lui aussi commence le récit de la vie de Jésus par une semaine. Une histoire de commencements qui se ressemblent: "au commencement, le verbe (Jésus) était avec Dieu et il était Dieu... En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres".(ainsi commence l'évangile de Jean, avec le même mot que le premier chapitre de la Genèse). Et Jean signale que, à Cana, ce fut le commencement des signes!
Toujours est-il que Jésus intervient ce septième jour; il est présent à une noce. Or le septième jour, dans la tradition biblique, est le jour de Dieu; c'est le jour de l'achèvement de la Création. Et le respect du septième jour, ou sabbat, est devenu le signe de l'appartenance à l'alliance conclue entre Dieu et son peuple... Le septième jour, il y eut un signe, le signe de la nouvelle alliance renouvelée par Jésus. Jean, l'écrivain et le spirituel, devait penser au commencement de la Création, au septième jour, tel que le comprenaient les juifs depuis l'Exil. Alliance... noces... cela doit aller ensemble. D'après le livre du Lévitique ch.25, le Jubilé est le temps du grand Pardon (7x7) pour les juifs. Le Jubilé de l'an 2.000 n'a-t-il pas été vécu comme le temps de la réconciliation et du renouvellement du lien entre Dieu et nous.
Lorsque tu auras mesuré l'ensemble des pièces de ce dossier "Cana", peut-être seras-tu convaincu que Jean, par le récit du signe de Cana, suggère à ses lecteurs que Jésus apporte le renouveau par rapport à l'ordre ancien du Judaïsme: rejet du système religieux et appel à un nouveau mode d'existence à ceux que Jésus appelle à croire. C'est la nouvelle naissance à laquelle Nicodème (Jean ch.3) est appelé.