Heureux serviteur !
19ème dimanche ordinaire
Sagesse 18, 6-9 ; Hébreux 11, 1-19 ; Luc12, 32-48
Plusieurs paroles et paraboles de Jésus utilisent l’image du serviteur, ou celle de l’intendant d’un domaine pour décrire la place, le rôle des disciples dans la communauté. C’est tantôt l’intendant fidèle, ou l’intendant malhonnête, ou celui qui court les rues et les places pour inviter au repas. C’est encore celui qui gère les biens du roi pendant son voyage à l’étranger etc. Il peut être utile de connaître le fonctionnement de la société du 1er siècle, afin de se faire une idée plus précise des rapports entre maîtres et serviteurs, entre maîtres et gestionnaires des biens de la propriété. Mas le texte par lui-même donne déjà bien des indices de ce que Jésus attend des disciples.
Cela commence par l’affirmation d’une certaine distance à garder d’avec les biens, distance nécessaire pour avoir l’esprit libre. Chacun d’entre nous sait combien il est aujourd’hui conditionné par les hausses et les baisses en bourse, les taux de rendement, ou le coût du remboursement des emprunts. Comment avoir l’esprit libre quand on n’arrive pas à joindre les deux bouts, parce qu’on ne gagne que 510€ par mois ? Sois sans crainte, dit Jésus… Facile à dire, mais concrètement, comment faire si l’on n’a pas d’amis qui ont de quoi subvenir à ses besoins primaires ou ses besoins d’évasion ? Nous avons pu voir et entendre les vacanciers d’un jour qui, grâce au Secours catholique ou populaire, grâce à ATD quart-monde qui ont pu l’espace de quelques heures vivre en paix, loin des soucis quotidiens !
Mais l’évangile proposé ce jour n’en reste pas à développer la tranquillité d’esprit ; il provoque à bien autre chose. Il est une invitation pressante à œuvrer, 24h/24, pour le service de Jésus et de son royaume. Et pour aider à comprendre, Jésus précise : comme un maître -ou une maîtresse- de maison qui veille à ce que chacun ait sa part de pain, sa part de vie. Le serviteur dont parle Jésus est sobre, vigilant, actif à toute heure du jour et de la nuit. Bien sûr Jésus pousse le trait jusqu’aux limites du possible, comme en bien des paraboles. On voit bien ce qu’il attend de ses disciples :non pas quelques minutes ou une heure par semaine, mais une attitude constante pour que vienne le Royaume, comme on le prie dans le Notre Père.
Peut-être devrions-nous relire le commentaire que Jean-Paul II faisait des ouvriers envoyés à la vigne. C’était il y a vingt ans. La vigne, c’est le monde disait-il., après avoir dit son étonnement pour la foule des personnes, hommes et femmes que le Seigneur appelle et envoie. Commentant la parole « Allez, vous aussi à ma vigne », Jean-Paul II demande : « Examinez donc un peu,mes frères, votre mode de vie, et vérifiez bien si déjà vous êtes des ouvriers du Seigneur. Que chacun juge ce qu’il faut et se rende compte s’il travaille dans la vigne du Seigneur ». Il ne s’agit donc pas d’une spiritualité éthérée, hors des réalités humaines, mais bien d’être. Il évoque alors deux tentations, l’une qui serait de se désengager des responsabilités spécifiques au plan professionnel, social, économique, culturel et politique ; l’autre tentation est de légitimer l’injustifiable séparation entre la foi et la vie, entre l’accueil de l’évangile et l’action concrète dans les domaines temporels. (Les laïcs fidèles du Christ)
Qui peut dire que ces paroles sont d’un autre âge ? Cette parole de Jean-Paul II, rejoint la parole de Jésus pour qui l’attente doit être active, gérant les affaires quotidiennes et la distribution juste des biens de la propriété.