La première et la dernière place

22ème dimanche ordinaire

 

Sirac 3,17-29 ; Hébreux, 12,18-24 ; Luc 14, 1-14

 

« Qui s’abaisse sera élevé, qui s’élève sera abaissé ! » La tradition populaire a retenu cette expression, même si elle est moins utilisée que « les premiers seront les derniers » (21è  dimanche).

Remarquons d’abord que Luc a déjà utilisé cette opposition elevé/abaissé dans le cantique de Marie : il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. La semaine dernière nous avions « des premiers seront derniers, des derniers seront premiers ». Or personne n’accuse Luc de prêcher la révolution ; pourtant les paroles qu’il retient de Jésus sont dérangeantes, car elles ne correspondent pas à l’ordre établi. Jésus ne prêche pas la révolution comme un Che Guevara, mais il invite à avoir un autre regard sur le voisin, le prochain, invitation à avoir un autre sens des valeurs dites « établies »… établies par qui et pour qui ? Certains prédicateurs des siècles derniers ont « spiritualisé » ce renversement des valeurs, laissant entendre que cela ne concernait pas le temporel.

 

Ceci est une subtilité qui rend l’Evangile inodore et sans saveur, comme du sel affadi ou comme une lumière emprisonnée sous un tonneau. L’évangéliste Luc met au jour, au grand jour des paroles de Jésus qui dérangent, qui dérangeront au point que le pouvoir politique décidera de son élimination.

 

La circonstance qui amène ici Jésus à élever la parole et hausser le ton, c’est l’invitation qu’il a reçue de participer à un repas chez un notable. Bien sûr on a invité d’autres personnes de qualité et de rang honorables et honorés. Il semblerait que Jésus se soit quelque peu amusé de voir le jeu des préséances et des salamalecs au sujet de la place accordée à chacun. Amusé puis agacé, car l’idée qu’il se fait du placement des gens dans le royaume de son Père ne correspond pas à celui qu’il voit autour de lui, à savoir une bonne organisation entre gens bien policés.

 

On comprend alors mieux les deux paroles prononcées à cette occasion. La première invite à ne pas chercher à se mettre en valeur. Ce devrait être le moindre des soucis dans la maison du Père, et ce  n’est pas par vertu d’humilité, mais parce qu’il y a autre chose à faire, et c’est le sens de la seconde parole, qui développe cette idée : il y a quelque chose à faire pour ceux qui n’ont aucun moyen de rendre le bien qu’on leur a fait. C’est vers eux, vers les derniers de la société d’hier et d’aujourd’hui que doivent se tourner les regards et les actes. Non par souci d’humilité, mais parce qu’il sont les préférés du Père qui aime tous ses enfants, à commencer par les derniers. Ceci était vrai au temps de Jésus, mais ceci est encore à mettre en pratique aujourd'hui par tous les baptisés qui se disent disciples de Jésus.