Suis-moi! jusqu'où?
10ème dimanche ordinaire
Osée 6, 3-6 ; Romains, 4, 18-25 ; évangile Matthieu 9, 9-13
L’appel de Matthieu et le repas dans sa maison
Le peintre flamand Metsys peignait au XVIème siècle un banquier et sa femme, dans leur maison. Devant eux des pièces de monnaie et d’orfèvrerie. Au centre de la table, dans un miroir, on peut deviner le reflet d’un clocher d’église… Des commentateurs interprètent ce détail comme la trace d’un lointain dialogue entre les valeurs spirituelles chrétiennes qui déjà régressent et celles d’un monde marchand naissant.
Quinze siècles plus tôt l’évangéliste Matthieu raconte une scène de vie dans la maison d’un collecteur d’impôts. Le récit ne s’arrête sur aucun détail de cet intérieur, mais sur les relations entre les hommes. « Suis-moi » est la parole de Jésus, parole entendue et suivie d’effet. Il n’est pas difficile de percevoir les regards en coin des pharisiens, pour disqualifier Matthieu, compromis avec les romains. Regards qui disqualifient aussi Jésus qui partage le repas avec des gens non-fréquentables. Ainsi quelques-uns se donnaient-ils bonne conscience en se mettant à distance de Jésus et de ses fréquentations.
Au long de leur histoire, il est parfois arrivé aux chrétiens de se donner bonne conscience en dévisageant l’autre, qui pense différemment, qui vit autrement, qui ne fréquente pas les bonnes gens de la bonne société. Si Jésus prend à contrepied les gens de son temps par une attitude de proximité envers qui ne le mérite pas, ne nous prend-il pas, nous aussi à contre-pied ? Jésus devient, au cœur de notre humanité, le signe d’un amour gratuit. Il est le premier témoin de la miséricorde de Dieu.
L’invitation à Matthieu : « suis-moi » s’adresse, par-delà les générations, à chacun de nous aujourd’hui. Cette invitation est suivie d’une séquence de vie quotidienne : le repas dans la maison de Matthieu. Elle signifie la présence de Jésus à la vie ordinaire. Le dialogue se poursuit avec celui qui l’accueille, il est chemin d’Evangile. “Aujourd’hui le salut est entré dans cette maison”, dira Luc à propos du repas chez Zachée. Nous pourrions dire, nous aussi : Aujourd’hui, Seigneur Jésus, tu es entré dans ma vie, tu n’es pas étranger à la vie des hommes.
Matthieu, Zachée, le banquier et sa femme… Ne peut-on imaginer un artiste aujourd’hui, qui mette en scène la présence et l’appel de Jésus à le suivre dans un lieu aussi insolite que la corbeille, ce lieu au cœur de la finance où des hommes calculent le futur, déplacent leurs positions au gré des vents et des rumeurs, des calculs et des intérêts. Suis-moi !
Abbé Emile Hennart