Des miettes pour l'étrangère
20ème dimanche ordinaire
Isaïe 56, 1-7 ; Romains 11, 13-32 ; Matthieu 15, 21-28
Une fois de plus, l’évangéliste signale que Jésus “se retire”, se met à l’écart. La simple prudence justifie en effet que Jésus se mette à distance des scribes et pharisiens. Ne vient-il pas de mettre les points sur les "i" à propos de ce qui est pur et de ce qui est impur, donnant de la Loi une interprétation différente de celle des professionnels ? Un peu auparavant, il avait déjà maltraité ces responsables de l’interprétation, déclarant qu’ils sont hypocrites dans leur manière d’interpréter la Loi et de la mettre en oeuvre. Jésus sera encore plus dur à leur égard, quelques temps après, à Jérusalem, (Matthieu ch. 23).
Les études historiques sur le milieu juif au temps de Jésus font apparaitre l’existence d’une multiplicité de groupes ou tendances religieuses définis, par leur interprétation de la Loi : pharisiens, hérodiens, sadducéens, esséniens, baptistes, apocalypticiens etc. Le débat était à la mode, sans que nul ne s’offusque de leurs divergences.
Jésus ne conteste pas la Loi, mais la manière dont les premiers responsables l’interprètent durcissant un joug pesant sur le dos des plus petits. Ce n’était plus la Loi de la miséricorde, mais le poids de la servitude qui était imposée… Si encore eux-mêmes respectaient les lois ? On comprend donc que Jésus, prudent, se soit mis à l’écart, en terre étrangère. C’est à ce moment que survient une femme, étrangère, qui lui demande une faveur. Et Jésus refuse la demande au motif qu’il est d’abord envoyé aux enfants d’Israël… et elle, elle est une étrangère. Il faudra un dialogue sur les miettes de pain que viennent lécher les chiens pour que Jésus accepte de répondre à l’attente de cette étrangère.
On sait que la question de l’ouverture aux païens fut une réelle difficulté pour les premières communautés chrétiennes. L’attitude de l'apôtre Paul ne fut pas appréciée par tous. Il a du battre pour que les non-juifs aient leur place, toute leur place dans les assemblées de chrétiens. On aurait aimé que l’attitude de Jésus soit positive, immédiate. Or, Matthieu comme Marc nous donnent une réponse en deux temps: un non, puis un oui. Pourquoi ? On ne sait pas, mais sans doute était-ce une manière de pointer du doigt la “non charité” manifeste des "bons" dans leur attitude de refus en faisant endosser à Jésus lui-même ce refus. Pédagogie de Matthieu sans doute, mais surtout confirmation de ce que dira plus tard saint Paul, à savoir que c’est d’abord aux juifs que devait être adressée la Bonne Nouvelle… Mais à cause de leur refus, de l’endurcissement de leur cœur, les païens bénéficieront de l’héritage promis aux premiers.
On jugera sans doute que cette question est d’une époque révolue… Ce serait à vérifier, tant aujourd’hui il y a endurcissement des ainés dans la foi pour imposer aux nouveaux venus des règles et règlementations qui n’ont rien à voir avec la foi en Jésus-Christ. Le 3 août dernier, le cardinal Hummes ne rappelait-il pas :"Il faut sortir de nos murs, pour porter la Bonne Nouvelle en dehors de nos cercles de familiers". C’est bien dit, cela reste à faire.