Ils ont dit oui, mais… ils ont dit non, mais…

26ème dimanche ordinaire

Ezéchiel 18, 25-28 ; Philippiens 2, 1-11 ; Matthieu 21, 28-32

 

Si nous faisons du texte d’évangile lu ce dimanche une affaire personnelle entre “Dieu et moi”, nous risquons de passer à côté du message que veut délivrer Matthieu. Des 4 évangélistes, seul Matthieu raconte cette altercation où un père s’adresse à ses deux fils. Dans cette parabole la clé symbolique est donnée en fin de texte : les deux fils représentent d’un côté l’élite de la nation religieuse juive, de l’autre, les prostitués et publicains ; ces derniers seront reçus par la Père avant ceux à qui était destinée la Promesse. On comprend l’outrage que Jésus envoie à la figure des chefs des prêtres et des anciens qui savent faire remarquer, eux, qu’ils observent la Loi, le petit doigt sur la couture de leur bel habit.

 

A partir du chapitre 21, Matthieu, -d’où est tiré l’évangile de ce jour-, nous montre Jésus à Jérusalem, où les diatribes avec les scribes et pharisiens se font plus rudes. L’évangile a été écrit après « les évènements », comme l’écrit Luc. Matthieu écrit dans les années 90, au moment où les premiers chrétiens ont été définitivement expulsés de la Synagogue par les pharisiens lors de l’assemblée de Yabné. Pour les premières communautés et pour la deuxième génération qui a écrit les évangiles, comme pour Jésus, quelque chose demeure inexplicable, inexpliqué : comment se fait-il que les premiers héritiers de la Parole donnée à Abraham n’aient pas reconnu Jésus et se soient presque unanimement opposés à lui ? Ils ont entendu les prophètes et parmi eux, le dernier, Jean-Baptiste. Sans doute ont-ils apprécié son discours rugueux d’appel à la conversion sur les rives du Jourdain, mais qu’ont-ils fait ensuite, sinon retourner dans leurs demeures et habitudes de vie. Qu'ont-ils été voir aux Bernardins?

 

Le message de Jésus est d’affirmer que le cœur de Dieu s’est rendu proche des derniers de la société. C’est un scandale, hier comme aujourd’hui, quoi qu’en disent ceux qui battent le haut du pavé. Je pense à l’instant à ces mille ou mille cinq cents réfugiés qui se terrent dans les dunes et les abris de fortune sur le littoral Nord-Ouest. Je pense à ces "travailleurs pauvres et précaires" qui vivent plus que chichement dans leur HLM, pendant que d’autres citoyens manipulent des millions et des milliards et se font rembourser leurs dettes par l’Etat. Aux yeux de Jésus il ne suffit pas de se présenter avec une belle vitrine ou des décorations plein la poitrine. C’est au fond du cœur que regarde notre Dieu. Les premiers seront les derniers, était-il dit dimanche dernier. Aujourd’hui, peut-on accepter de se laisser doubler à l’arrivée par les fils de rien, les mécréants, les précaires et les filles de joie. That is the question et Jésus a donné la réponse.

 

Comme commence à le dire Benoit XVI, rien ne va plus dans le monde des riches : « la crise économique et financière actuelle n'est pas une excuse pour ne pas respecter les engagements pris pour lutter contre la pauvreté » (Angélus du 21 sept.). Il ne suffit pas de dire oui, de faire des promesses. Les fils qui disent non, ceux que l’on montre du doigt et que l’on expulse sans ménagement de leur maison ou du territoire, ceux-là ont la première place dans le cœur de Dieu. Telle était la Bonne Nouvelle de Jésus en son temps, elle n’était pas bonne à entendre pour tout le monde, c’est pourquoi on l’a fait taire, hier comme aujourd’hui. EH