Dieu visite son peuple
Dimanche après Noël
Genèse 15, 1-6 + 21,1-3 ; Hébreux, 11, 8-19 ; Luc 2, 22-40.
L’habitude s’est prise de commenter, non les textes de ce jour, mais la projection que nous nous faisons de la famille idéale, sur ce qu’aurait été la famille composée de Marie, Joseph et Jésus, famille galiléenne du premier siècle de notre ère. Cela peut être utile pour l’éducation chrétienne que l’on veut développer, mis nous nous éloignons un peu de la méditation des écrits évangéliques autour de l’enfance de Jean et de Jésus. Cette fête est un héritage de Léon XIII qui institua la fête en 1893. Pour lui déjà, la famille était à protéger.
La discrétion des évangiles au sujet de la famille de Jésus et de Jean-baptiste devrait nous inciter à un peu de prudence. Hélas nous avons trop pris l’habitude de boucher les « trous » des évangiles, et leur absence de renseignements, en les complétant à l’aide des évangiles apocryphes et autres pieux écrits.
Ce dimanche nous sommes invités à lire, chez Luc, ce qu’il est convenu d’appeler « la présentation de Jésus au Temple ». Pour ceux qui aiment fouiner, il peut être intéressant de comparer l’ensemble des récits concernant la venue de Jean-Baptiste, de l’annonce dans le Temple au poème de Zacharie, avec les récits sur Jésus, de l’annonce à Nazareth jusqu’aux poèmes de Syméon et de Anne à Jérusalem. Ces deux récits d’enfance, construits selon le même schéma, disent à leur manière, comment il faut comprendre l’histoire et le message de Jean et de Jésus, lesquels seront l’objet des chapitres suivants.
Les deux annonces, rédigées bien longtemps après les évènements et les activités de Jésus et de Jean viennent dire, après coup, une certitude de foi qui a grandi dans la relecture des évènements : tous deux sont des personnages exceptionnels, marqués du signe de Dieu, dès leur naissance. Quatre "poèmes" viennent dire le sens à donner aux évènements. Ce sont des paroles mises dans la bouche de Marie/Magnificat, de Zacharie/Benedictus, de Syméon/Nunc Dimittis ou des anges/Gloria. Il faudrait aussi signaler Anne qui rend grâce à Dieu, au sujet de la libération qu'il apporte. Ces poèmes ou paroles sont une synthèse de l’espérance juive cultivée par la lecture et la méditation des Ecritures. Voilà que se réalise pour eux, aujourd’hui, ce qu’ont proclamé les prophètes : « Dieu visite son peuple ».
« Dieu visite son peuple », hier, mais aujourd’hui encore, si nous croyons réellement en l’amour de Dieu pour nous. Il ne nous oublie pas, comme il n’a pas oublié son peuple et la Promesse faite à Abraham… Saint Jean le dira à sa manière : voyez comme il est grand l’amour dont Dieu nous a aimés… il nous a donné son propre fils (1 Jean ch. 3 et 4). Est-ce bien cela que nous voulons célébrer aujourd’hui ? Est-ce bien de cela que nous voulons rendre compte en employant le mot “mystère” de l'amour de Dieu?
Les deux premiers paragraphes de l’Evangile insistent d’une part sur la fidélité à la Loi de Moïse, signifiant par là que Jésus “accomplit la Loi de Moïse”, d’autre part, sur l’Esprit Saint, celui qui vient révéler (souffler) au cœur des témoins la reconnaissance de Jésus comme Messie... sans oublier que le Messie sera source de divisions, qu’il sera condamné, homme de souffrance. Pourtant c’est lui qui apporte la délivrance, c’est-à-dire la réconciliation avec Dieu. C’est lui qui éclairera les nations païennes, déclare Syméon. N’est-ce pas une manière explicite de dire qu’il faut s’ouvrir, aller au-delà de “ceux déjà rassemblés”, hier dans la Synagogue, aujourd’hui dans les Eglises, afin que, jusqu’aux extrémités de la terre, Jésus soit reconnu comme Seigneur? (Luc dans les Actes, 1, 8). Nous aurons l’occasion d’y revenir avec la célébration de l’Epiphanie et du baptême du Seigneur.