Pour qu'ils aient à manger...

17ème dimanche ordinaire


2 Rois, 4, 42-44 ; Ephésiens 4, 1-6 ; Jean 6, 1-15


Nous quittons pour plusieurs dimanches l’Evangile selon Marc pour lire le chapitre 6 de Jean: ‘le Pain de la vie’. L'évangéliste Jean a construit son évangile autour de quelques scènes qu’il développe en forme de méditation. Cet ensemble, ch.6, est la manière propre à Jean de relire la vie de Jésus à la lumière de Pâques, tout comme l’avait fait Marc, pour les partages du pain. (Pour ceux qui ont lu l’évangile de Marc, cela correspond à la section 3).


Ce 26 juillet, nous lirons la première partie du ch. 6 : Jean y présente la scène, qui nous est familière : une foule nombreuses suit Jésus, des disciples supputent le coût pour les nourrir, la prière de Jésus, le partage des pains… la reconnaissance de Jésus pour ce qu’il fait, au point que les juifs veulent en faire le nouveau roi d’Israël, ce qui témoigne d’une profonde méprise sur la mission du Christ.


Les Galiléens d’hier, tout comme nous aujourd’hui, sommes friands de scènes de miracle, surtout quand le pain tout cuit nous est servi à domicile. Or le Christ vient inviter à servir et non à être servi. Jean fait un clin d’œil au lecteur en signalant que c’était peu avant la Pâque. Son objectif est de provoquer à comprendre toute la vie de Jésus comme un service -Jésus qui lave les pieds des disciples-, et un appel à ce que ses disciples eux aussi deviennent serviteurs. Le mot propre à Jean est celui de « signe ». Comme à Cana ou lors de la guérison de l’aveugle… Jean précise que "ceci est un signe".


Il n’est pas exagéré de reconnaitre qu’il y a naissance d’un monde nouveau chaque fois que le pain est distribué pour la multitude : les biens reçus de Dieu, ils sont destinés à tous, telle est la conviction des disciples de Jésus. Mais on n’a pas la recette, Jésus incite à commencer… Plus tard les premières communautés chrétiennes essaieront de poursuivre ce souci de donner à chacun sa part de pain. Ils le feront avec plus ou moins de difficultés. Jésus ne donne pas la recette, il donne la perspective qui donne sens à toute vie, d’abord à la sienne, et à celle des disciples.


S’il faut parler de la "Charité dans la vérité" (Benoit XVI), il faut ici reconnaitre que Jésus en propose le chemin, avec un geste posé et reçu dans la vérité des cœurs. Ce n’est pas un geste de magicien, mais un geste de partage. Les disciples ont douté que cela soit possible. Beaucoup ont interprété ce geste pour sa dimension spirituelle, oubliant la dimension charnelle, physique, de ce partage. Il y a eu et il y aura beaucoup de questions sur le comment cela est-il possible…, mais peu de question sur le pourquoi : Pourquoi Jésus fait-il cela ? Pourquoi Jean raconte-t-il cela de cette manière, pourquoi raconte-t-il la vie de Jésus comme un perpétuel défi : défi à l’ordre naturel des choses, sans doute, mais plus encore, défi à l’ordre habituel de garder chacun pour soi ce qu’il a. En ce sens, la vie de Jésus est le signe d’un monde nouveau à réaliser, non d’un monde nouveau « tout fait, tout cuit ! » E.H