Le regard des hommes, le regard de Dieu
22ème dimanche ordinaire
Deutéronome 4, 1-2,6-8 ; Jacques 1, 17-18, 21-22, 27 ; Marc 7, 1-8, 14-15, 21-23
Après six semaines en compagnie de Jean, nous retrouvons la lecture continue de Marc, prévue pour l’année liturgique B. Le lecteur attentif aura remarqué » les coups de ciseaux apportés aux textes proposés ce dimanche. On pourrait espérer un peu plus de respect pour les rédacteurs des lectures de ce jour, en gardant l'intégralité de leurs textes.
La lecture d’évangile ce dimanche est extraite d’un ensemble appelé « la section des pains ». C’est une catéchèse eucharistique construite de manière très personnelle par Marc, disciple de Pierre. Marc reprend la vie de Jésus de manière organisée afin de servir les chrétiens des années 60-70 à Rome. Dans les années 50-60 il y avait eu de grandes tensions dans les communautés entre les partisans de l’ouverture aux étrangers et les adversaires. Les Actes des apôtres rapportent ces tensions, à propos de Corneille, ch. 10 et 11, puis lors de l’assemblée de Jérusalem ch15. On a parfois simplifié ce problème en supposant un conflit entre Pierre et Paul. La question est bien plus large : doit-on ouvrir la communauté à tous (en particulier aux étranger) ou, au contraire la réservé aux initiés, aux purs ?
Marc aux ch. 6 et 7 aborde la question de manière originale : deux multiplications des pains, comme s’il y avait deux catégories d’invités : les juifs pour le premier récit, les autres pour le second. Les uns se trouvent sur l’herbe verte, les autres dans une terre aride. Entre ces deux récits de partage de pains se trouve deux récits liés l’un à l’autre : le premier est l’épisode lu ce jour, conflit avec les pharisiens. Il est immédiatement suivi par la demande d’une femme, païenne, syro-phénicienne de naissance, bref la personne complètement indigne, aux yeux des purs, d’avoir part au don de Jésus.
Si on en reste à « l’histoire de Jésus », nous le voyons s’opposer aux pratiques de pureté rituelle qui permettait aux pharisiens de montrer leur différence et leur dignité. Bande d’hypocrites répond Jésus ! Et d’expliquer ce qui est pureté et impureté aux yeux de Dieu. Survient alors l’épisode suivant, aux versets 24-30, avec la syro-phénicienne, que nous n’aurons pas l’occasion de lire. De manière surprenante, Jésus refuse de répondre à sa demande, ce faisant, il est conforme à la pratique des pharisiens. Après discussion, il se laisse convaincre de répondre à la demande de guérir la fille de l’étrangère, puisque les chiens mangent bien les miettes tombées de la table des maîtres. Cet accueil fait par Jésus à l’étrangère est une manière de mettre en pratique ce que jésus vient de dire aux pharisiens : voilà ce qui est pur aux yeux de Dieu !
La discussion sur le pur et l’impur, les rites de purification peuvent nous sembler d’un autre âge, peut-être. Ne voit-on pas revenir aujourd’hui une Eglise des purs qui, par ses rites et pratiques éloigne les lointains d’une possible rencontre avec Jésus doux et humble de cœur. Ainsi la liturgie revêt les enfants de chœur d’un voile huméral, afin que leurs mains de laïcs impurs ne touchent point les objets sacrés, signes du pouvoir de l’évêque, que sont la crosse et la mitre. « … ils sont attachés, par tradition, à beaucoup d’autres pratiques ».
On aurait pu croire la leçon de Jésus entendue dans l’Eglise actuelle. L’Eglise est-elle réservée aux purs, ou bien accepte-t-elle de s’ouvrir à tous ? Telle est la question, hier et aujourd’hui encore. C’est aux baptisés de répondre, dans le même Esprit qui fut celui de Pierre, de Paul, à la suite de Jésus. « Je ne suis pas venu pour les bien portants, dit Jésus, mais pour les malades et les pécheurs (Cf. Marc 2, 17, ou Luc 5, 29-32 ou ch.7). EH