Sur le chemin avec Jésus
31ème dimanche ordinaire
Jérémie 31, 7-9 ; Hébreux 5,1-6 ; Marc 10, 46-52
L’évangile lu ce dimanche est très connu sous le titre « guérison de l’aveugle Bartimée ». Quand Marc rédige son évangile, il situe cet épisode comme le dernier, sur le chemin de Jésus, avant l’entrée à Jérusalem. En cours de route, sur le chemin (voir les dimanches précédents ou relire les ch 8 à 10 de Marc), Jésus a pu expliquer sa pensée sur "suivre le chemin de serviteur", devenir serviteur de tous, accueillir le plus petit des hommes etc. ; et ce dernier épisode sur le chemin vers Jérusalem constitue les travaux pratiques ou plus exactement la mise à l’épreuve de ceux qui se disent “suivre Jésus”. On imagine facilement la scène : tous les disciples, unanimes, font corps avec Jésus pour monter avec lui à Jérusalem, sans doute en pèlerinage, et voici un aveugle au bord du chemin qui fait la mendicité.
Que font donc les disciples ? Ils le rabrouent, le renvoient un peu plus loin, pour qu’il ne dérange plus le maître et ses disciples : belle mentalité, belle éducation ! Zéro de conduite ! Pourtant, depuis le début de l’évangile ils se sont mis à la suite de Jésus, bu ses paroles, espéré demeurer avec lui… Or voici que Jésus lui-même est encore obligé de leur rappeler son désir d’aller à la rencontre de ce blessé de la vie. “Je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades et les pécheurs” ou encore, dans Jéricho à Zachée : “je suis venu guérir et sauver ce qui était perdu !”
Cet évangile est l’occasion de mesurer la distance entre le projet de Jésus de rejoindre les exclus et la réalité de ses disciples qui font le contraire ! Faudra-t-il toujours que Jésus intervienne pour que les disciples rectifient leur conduite et amène l’exclus auprès de Jésus ? Ce qui est dit dans l’évangile est peut-être encore vrai pour les disciples d’aujourd’hui que nous sommes. Nous nous sommes mis à l’écoute, à l’école de Jésus, nous savons ce qu’il attend de nous, mais comme il est difficile de devenir serviteur de tous, d’accueillir le pauvre et l’étranger, de participer à la guérison des blessés de la vie.
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Bientôt la fête de Toussaint
(dossier Toussaint sur le site catholique en France)
A l’occasion de la lecture de l’Evangile de Luc en maison d’Evangile et en formation biblique, des questions se sont posées à propos des « bénédictions et malédictions » en Luc, qui sont différentes de ce que nous lisons de jour de la Toussaint, les béatitudes d’après Matthieu. Luc est plus percutant ; son langage est plus social, plus immédiat ; celui de Matthieu plus spiritualisant, il présente ce qu’est vivre selon la justioce de Dieu, être ajusté au cœur de Dieu. Mais Luc comme Matthieu sont exigeants !
L’expression heureux comme l’expression malheureux risque d’être mal interprétée dans les temps actuels ou le bonheur est d’abord un sentiment ou « çà baigne », sinon on est malheurs. L’affectivité que nous apportons au mot bonheur cache mal que le bonheur est aussi le fruit de convictions. Ainsi Jésus a-t-il la conviction que Dieu s’est rendu proche des pauvres, des affamés… pourtant leur pauvreté ou leur faim n’a pas été supprimée, mais cette certitude que Dieu s’est rendu proche est plus importante que le poids de son compte en banque. Ainsi on pourrait écrire : Vous êtes proches de Dieu vous..., (et, pour malheureux "je vous plains, vous..)
Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d'exclusion et qu'ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du Fils de l'homme. Réjouissez-vous ce jour-là et tressaillez d'allégresse, car voici que votre récompense sera grande dans le ciel. C'est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes."
Mais malheureux vous, les riches ! car vous avez votre consolation.
Malheureux vous, qui êtes repus maintenant ! car vous aurez faim.
Malheureux, vous qui riez maintenant ! car vous connaîtrez le deuil et les larmes.
Malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes diront du bien de vous ! C'est de cette manière, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes."
Beaucoup préférerons la formulation : « heureux les pauvres en esprit… heureux ceux qui ont fait de justice. Or Luc dit vous, s’adressant, semble-t-il à des gens bien précis des communautés pour qui il écrit. Il y avait des pauvres qui ont récriminé auprès de Pierre et des apôtres, dans la première communauté (Actes ch.6)… et c’est aussi Luc qui a écrit cette histoire des Actes. C’est aussi Luc qui a rédigé le Magnificat : il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles ; il comble de bien les affamés et renvoie les riches les mains vides etc… Nous aurions envie de spiritualiser, comme Matthieu, des choses bien matérielles comme l’exprime Luc.
Une précision fort utile, c’est le mot heureux, bonheur. Dans le contexte moderne où l’affectivité prime sur tout, le bonheur, c’est un sentiment bien particulier où tout notre environnement fait que « çà baigne ». Or l’environnement du premier siècle est autre. Jésus, puis Luc s’adressent à des gens qui ont la conviction que Dieu est loin d’eux, qu’il les a abandonnés, vu qu’ils ne sont pas riches… malades et blessés de la vie… Or Jésus selon Luc vient leur dire le contraire : Vous êtes heureux, vous êtres proches de Dieu (ou plutôt Dieu est proche de vous, vous qui…. Est-ce bien cela qui nous rend heureux malgré les aléas de la vie : savoir que Dieu reste proche de nous. C’est peut-être cela la sainteté : se savoir aimé de Dieu, proche de Dieu, bien que les conditions d’existence ne nous rendent pas palpable le sentiment de béatitude.